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CETATEXT000048424347
J5_L_2023_11_00023NC00119
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 23NC00119, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de NANCY
23NC00119
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. WURTZ
CABINET CEVIZ AVOCATS & CONSEILS
M. Eric MEISSE
M. MARCHAL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Par un jugement n° 2206663 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Ceviz, doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2206663 du tribunal administratif de Strasbourg du 19 décembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 15 septembre 2022 ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique. Il soutient que : - la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; - la décision en litige méconnaît les articles L. 426-17 et L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il satisfait aux conditions de ressources et de résidence prévues par les dispositions en cause ; - cette décision, ainsi que la décision portant obligation de quitter le territoire français, méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B... est un ressortissant turc, né le 1er avril 1980. Il est entré régulièrement en France, le 25 janvier 2017, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants mineurs, nés le 6 juin 2008, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de long séjour en qualité de fonctionnaire turc pour exercer les fonctions d'imam pour une durée de quatre ans. Il a été mis en possession d'un titre de séjour portant la mention " visiteur ", qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 13 janvier 2021 et dont il a sollicité le renouvellement, en dernier lieu, le 7 février 2022. Estimant que, à cette date, M. B... n'était plus détaché par l'Etat turc en France et que ses ressources n'y étaient donc plus assurées, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 15 septembre 2022, a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2022. Il relève appel du jugement n° 2206663 du 19 décembre 2022, qui rejette sa demande. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour : 3. En premier lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La circonstance que les motifs de cette décision, qui se réfèrent au titre " visiteur " de M. B... et examinent s'il remplit toujours les conditions pour y prétendre, mentionnent à tort l'article L. 426-1 au lieu de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constitue une simple erreur de plume, qui est sans incidence sur la légalité de la décision. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté. 4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune des autres pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation de M. B... au regard des éléments dont elle avait connaissance. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté. 5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait entendu solliciter son admission au séjour en application de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète du Bas-Rhin n'ayant pas examiné d'office s'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre sur ce fondement, ainsi qu'il lui était loisible de le faire à titre gracieux, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause doit être écarté comme inopérant. 6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources, dont le montant doit être au moins égal au salaire minimum de croissance net annuel, indépendamment de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale et de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " d'une durée d'un an. / Il doit en outre justifier de la possession d'une assurance maladie couvrant la durée de son séjour et prendre l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle. / Par dérogation à l'article L. 414-10, cette carte n'autorise pas l'exercice d'une activité professionnelle. / Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat ". 7. Pour refuser de renouveler le titre de séjour du requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur la circonstance que, M. B... n'étant plus détaché par le gouvernement turc, ses ressources en France n'étaient plus assurées. En se bornant à produire une facture d'électricité datée du 13 janvier 2022 et un extrait de compte bancaire retraçant des opérations de crédit et de débit au titre du mois de septembre 2022, l'intéressé ne conteste pas sérieusement le motif qui lui a été opposé par l'administration. Par suite, alors que M. B... a déclaré, dans sa demande de renouvellement du 3 juillet 2022, ne plus travailler en France depuis 2021 et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il continuerait à être rémunéré par son pays d'origine pour exercer les fonctions d'imam, ni qu'il occuperait un logement mis à disposition à titre gratuit, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. 8. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est arrivé en France le 25 janvier 2017 à l'âge de trente-six ans. Ayant été admis à séjourner sur le territoire français en qualité de visiteur, il n'a pas vocation à y demeurer. En dehors de son épouse et de leurs deux fils mineurs, il ne justifie d'aucune attache familiale ou personnelle sur le territoire français. Il n'établit pas davantage être isolé dans son pays d'origine, où résident notamment ses parents, un frère et une sœur. Si M. B... fait valoir qu'il ne représente aucune menace pour l'ordre public, que sa famille est bien insérée dans la société française et que l'intérêt de ses enfants est de pouvoir poursuivre leur scolarité en France au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire, de telles circonstances ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour en France. Enfin, il n'est pas démontré que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Turquie, ni que le retour de ses deux fils dans leur pays d'origine en cours d'année scolaire équivaudrait à leur déscolarisation. Par suite, alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause doit être écarté. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 10. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 15 septembre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Meisse, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : E. MEISSE Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 23NC00119 2
CETATEXT000048424348
J5_L_2023_11_00023NC00436
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 23NC00436, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de NANCY
23NC00436
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. WURTZ
GAFFURI
M. Stéphane BARTEAUX
M. MARCHAL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel la préfète de l'Aube l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2202533 du 29 décembre 2022, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de l'Aube de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai d'un mois. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 9 février 2023, la préfète de l'Aube, représentée par Me Termeau, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 décembre 2022 ; 2°) rejeter la demande de Mme B.... Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'elle n'avait pas procédé à un examen sérieux de la situation de Mme B... ; - l'arrêté est suffisamment motivé ; - il ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - il ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2023, Mme A... B..., représentée par Me Gaffuri, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient : En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : - son insuffisance de motivation et l'erreur de fait révèlent un défaut d'examen sérieux de sa situation ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : - elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 2 mai 2023, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Barteaux, - et les observations de Mme B... et de son époux. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... est entrée en France le 21 juillet 2021, accompagnée de ses quatre enfants, pour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 17 janvier 2022, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 13 juillet 2022. Par un arrêté du 13 octobre 2022, pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de l'Aube a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. La préfète de l'Aube fait appel du jugement du 29 décembre 2022, par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai d'un mois. Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement : 2. Il est constant que Mme B... est entrée sur le territoire français en 2021 avec ses quatre enfants, son époux étant demeuré au Liban. S'il ressort des pièces du dossier qu'antérieurement à l'édiction de l'arrêté du 13 octobre 2022, le conjoint de Mme B... s'est vu accorder, le 12 septembre 2022, un visa de type D à entrées multiples, valable du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023 ainsi que, le 31 août suivant, une autorisation de travail pour un emploi de cuisinier au sein de l'entreprise " Au Libanais ", gérée par un membre de la famille, avec un contrat à durée indéterminée, il n'en demeure pas moins, ainsi qu'en atteste la copie d'un billet d'embarquement du 15 novembre 2022, que son époux n'était pas encore présent en France à la date de l'arrêté en litige. Il n'est, par ailleurs, pas établi que Mme B... aurait, au cours de la procédure d'asile, informé, comme elle l'allègue, la préfète de l'Aube de l'évolution prévisible de sa situation familiale et, en particulier, de l'arrivée à courte échéance de son conjoint, titulaire d'un visa de long séjour valant titre de séjour. Il n'est pas plus établi que la préfète de l'Aube aurait eu connaissance du visa délivré par les autorités consulaires à l'époux de Mme B.... Ainsi, la mention dans l'arrêté contesté que le conjoint de Mme B... ne résidait pas sur le territoire français et que la famille avait vocation à retourner dans son pays d'origine n'est pas, par elle-même, de nature à révéler un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. 3. Dans ces conditions, la préfète de l'Aube est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé, pour un défaut d'examen de la situation de M. B..., l'arrêté du 13 octobre 2022 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination. 4. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés en première instance et en appel par Mme B.... Sur les autres moyens soulevés par Mme B... : En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 5. En premier lieu, la décision contestée, quand bien même elle n'énonce pas tous les éléments relatifs à la situation de Mme B..., comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. 6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un billet d'embarquement produit par la requérante, que son époux n'est arrivé en France que le 15 novembre 2022, postérieurement à la date de la décision contestée. Par suite, en mentionnant dans la décision en litige que l'époux de Mme B... ne résidait pas en France, la préfète ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. Mme B... demeurait en France depuis moins de deux ans à la date de l'arrêté contesté. Elle n'a pu y séjourner que la durée de l'instruction de sa demande d'asile et n'avait ainsi pas vocation, dans la mesure où celle-ci a été rejetée, à s'y installer durablement. Si elle se prévaut de la présence sur le territoire français de ses parents et d'autres membres de sa famille, elle a vécu séparée d'eux jusqu'à son entrée sur le territoire français en 2021. Par ailleurs, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans. Elle ne fait valoir aucune circonstance qui s'opposerait à ce que ses enfants reprennent leur scolarité dans son pays d'origine. Elle n'établit pas davantage que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer au Liban, nonobstant le visa de long séjour délivré à son époux le 12 septembre 2022. Dans ces conditions, la préfète de l'Aube n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a pris la décision contestée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 9. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste que la préfète aurait commise dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de Mme B... doivent être écartés. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". 11. Mme B... fait valoir qu'elle craint pour sa sécurité et celle de ses enfants en raison des menaces d'un ancien général incarcéré pour corruption à la suite des aveux qu'auraient faits son époux. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations alors qu'au demeurant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont refusé de lui accorder le statut de réfugié après avoir relevé le caractère peu concret des menaces dont elle se déclare victime. Dans ces conditions, la décision ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 12. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Aube est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 13 octobre 2022, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai d'un mois et a condamné l'Etat à verser à Me Gaffuri la somme de 1 000 euros sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par Mme B... sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 décembre 2022 est annulé. Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et ses conclusions d'appel sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Barteaux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : S. BARTEAUX Le président, Signé : Ch. WURTZLe greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 23NC00436 2
CETATEXT000048424349
J5_L_2023_11_00023NC01652
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 23NC01652, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de NANCY
23NC01652
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. WURTZ
MAINNEVRET - MALBLANC
M. Eric MEISSE
M. MARCHAL
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : M. C... B... et Mme A... B..., son épouse, ont demandé chacun au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Par deux jugements n° 2202436 et n° 2202437 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes respectives. Procédures devant la cour : I. Par une requête, enregistrée le 29 mai 2023 sous le n° 23NC01652, M. C... B..., représenté par Me Mainnevret, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2202436 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 avril 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aube du 19 septembre 2022 le concernant ; 3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'une nouvelle décision ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les articles L. 423-23 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été régulièrement communiquée à la préfète de l'Aube, qui n'a pas défendu dans la présente instance. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale du 7 août 2023. II. Par une requête, enregistrée le 29 mai 2023 sous le n° 23NC01653, Mme A... B..., représentée par Me Mainnevret, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2202437 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 avril 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aube du 19 septembre 2022 la concernant ; 3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'une nouvelle décision ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été régulièrement communiquée à la préfète de l'Aube, qui n'a pas défendu dans la présente instance. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale du 7 août 2023. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Meisse, - et les observations de M. et Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Les requêtes n° 23NC01652 et n° 23NC01653, présentées pour M. C... B... et pour Mme A... B..., concernent un couple d'étrangers au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. 2. M. et Mme B... sont des ressortissants géorgiens, nés respectivement les 7 décembre 1950 et 13 février 1955. Ils ont déclaré être entrés irrégulièrement en France le 23 décembre 2012. Ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 7 mars 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 17 novembre 2014. M. et Mme B... ayant sollicité leur admission au séjour pour raison de santé le 7 novembre 2014, le préfet de l'Aube, par deux arrêtés du 3 juillet 2015, dont la légalité a été confirmée par les jugements n° 1501661 et n° 1501662 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 novembre 2015, puis par les arrêts n° 15NC02380 et n° 15NC02381 de la cour administrative d'appel de Nancy du 5 août 2016, a pris à l'encontre de chacun d'eux une obligation de quitter le territoire français à laquelle ils n'ont pas déféré. Après avoir réitéré sa demande initiale le 29 octobre 2018, M. B... a été mis en possession d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, valable du 14 juin 2019 au 13 juin 2020, puis du 2 février 2021 et 1er février 2022, dont il a sollicité le renouvellement le 29 décembre 2021. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 mai 2022, la préfète de l'Aube, par deux arrêtés du 19 septembre 2022, a refusé délivrer aux requérants des titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. et Mme B... ont saisi chacun le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté le concernant. Ils relèvent appel des jugements n° 2202436 et n° 2202437 du 13 avril 2023, qui rejettent leurs demandes respectives. Sur le bien-fondé des jugements : En ce qui concerne les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". 4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. 5. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. 6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser le renouvellement du titre de séjour délivré à M. B... en qualité d'étranger malade, la préfète de l'Aube s'est notamment fondée sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 mai 2022. Selon cet avis, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de la Géorgie, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies. M. B... fait valoir qu'il souffre d'un diabète de type 2, de complications cardio-vasculaires entraînant des accidents vasculaires cérébraux et d'aphasie et que ces diverses pathologies nécessitent un suivi médical régulier, ainsi que l'assistance de son épouse pour l'accomplissement des actes de la vie courante. Toutefois, les certificats médicaux versés aux débats, émanant de médecins spécialistes ou généralistes, ne sont pas de nature, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, à remettre en cause l'appréciation de la préfète de l'Aube sur la capacité de l'étranger à voyager sans risque et sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine. De même, en se bornant à produire un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés du 30 juin 2020 sur l'accès aux soins en Géorgie, qui concernent des pathologies autres que celles dont il souffre, le requérant n'établit pas qu'il serait dans l'incapacité de supporter le coût financier des soins nécessités par ses affections. Par suite et alors qu'il résulte d'un certificat médical daté du 2 juin 2022 que M. B... a déjà été pris en charge en Géorgie, où il a bénéficié en 2005 d'un double pontage coronarien, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. 7. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". 8. IL ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... sont arrivés en France, le 23 décembre 2022, à l'âge de soixante-deux et de cinquante-sept ans. Ils ont fait l'objet chacun, le 3 juillet 2015, d'une mesure d'éloignement à laquelle ils n'ont pas déféré. Autorisés à séjourner sur le territoire français en qualité d'étranger malade et d'accompagnant d'un étranger malade, ils n'ont pas vocation à y demeurer. S'ils se prévalent de la présence régulière en France de leur fils, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 8 juillet 2024, et de leur fille, bénéficiaire de la protection subsidiaire depuis le 19 mai 2021 et au domicile de laquelle ils sont hébergés, les intéressés, nés respectivement les 21 décembre 1978 et 4 juin 1980, ont vocation à constituer leur propre cellule familiale. Les requérants font encore valoir qu'ils entretiennent des relations étroites avec leur petit-fils et que Mme B... participe à des ateliers numériques et socio-linguistiques dans le cadre d'une association dont elle est membre depuis le 10 octobre 2021. Ils produisent, en outre, plusieurs attestations de proches ou de voisins mettant en exergue leurs qualités humaines et leurs efforts d'intégration. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas à leur conférer un droit au séjour en France. Par suite et alors que M. et Mme B... ne démontrent pas être isolés dans leur pays d'origine, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français : 9. Compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés respectivement de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de ce qu'elles méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés de la préfète de l'Aube du 19 septembre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes respectives. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Meisse, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, E. MEISSE Le président, Ch. WURTZ Le greffier, F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 23NC01652 et 23NC01653 2
CETATEXT000048424350
J5_L_2023_11_00023NC02004
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424350.xml
Texte
CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 23NC02004, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de NANCY
23NC02004
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. WURTZ
KIPFFER
M. Eric MEISSE
M. MARCHAL
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : M. B... A... et Mme C... A..., son épouse, ont demandé, chacun, au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Par deux jugements n° 2300046 et n° 2300101 du 21 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes respectives. Procédures devant la cour : I. Par une requête, enregistrée le 23 juin 2023 sous le n° 23NC02004, Mme C... A..., représentée par Me Kippfer, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2300101 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy du 21 février 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 9 décembre 2022 la concernant ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas procédé à un examen complet et précis de sa situation personnelle et familiale ; - l'administration n'a pas examiné l'intérêt supérieur de son fils, né en France en octobre 2021 ; - elle a pris la décision en litige sans lui avoir demandé préalablement de produire l'ensemble des documents concernant sa situation ; - la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision portant fixation du pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023. II. Par une requête, enregistrée le 25 juin 2023 sous le n° 23NC02017, M. B... A..., représenté par Me Kippfer, demande à la cour : 1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2300046 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy du 21 février 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 9 décembre 2022 le concernant ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas examiné s'il remplissait les conditions de délivrance d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision portant fixation du pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Les requêtes n° 23NC02004 et n° 23NC02017, présentées pour Mme C... A... et pour M. B... A..., concernent un couple d'étrangers au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. 2. M. et Mme A... sont des ressortissants ivoiriens, nés respectivement les 8 décembre 1993 et 8 juin 1994. Ils ont déclaré être entrés en France le 31 août 2020. Le 31 décembre 2021, ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mars 2022, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 28 octobre 2022. En application du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Meurthe-et-Moselle, par deux arrêtés du 9 décembre 2022, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. et Mme A... ont saisi chacun le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2022 pris à leur encontre. Ils relèvent appel des jugements n° 2300046 et n° 2300101 du 21 février 2023, qui rejettent leurs demandes respectives. Sur le bien-fondé des jugements : En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français : 3. En premier lieu, il ressort des pièces des dossiers, spécialement des motifs des décisions en litige, que le préfet de Meurthe-et-Moselle, après avoir constaté que la demande d'asile de chacun des requérants avait été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, a procédé à un examen particulier de sa situation et a vérifié s'il pouvait légalement, au vu des éléments portés à sa connaissance, prendre à son encontre une mesure d'éloignement. En particulier, contrairement à ce que soutient M. A..., l'autorité administrative, en relevant que l'intéressé " ne se trouve pas dans l'un des cas selon lesquels un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire tels qu'ils sont définis par les articles L. 251-2 et L. 611-3 du code ", a nécessairement examiné s'il pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De même, la seule circonstance que la décision contestée par Mme A... ne mentionne pas la naissance de son fils à D...) le 2 octobre 2021 ne suffit pas à caractériser un défaut d'examen la concernant, ni à établir que le préfet se serait à tort abstenu de prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant avant de prononcer la mesure d'éloignement litigieuse. Il résulte également de ce qui précède, alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l'administration d'inviter au préalable un étranger à lui communiquer tous les éléments qu'il estime nécessaire à la bonne compréhension de sa situation personnelle et familiale, que le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté. 4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... sont arrivés en France, le 31 août 2020, à l'âge de vingt-six ans. En dehors de leur fils, né le 2 octobre 2021, ils ne justifient d'aucune attache familiale ou même personnelle en France et n'établissent pas davantage être isolés dans leur pays d'origine. De même, ils n'apportent aucun élément permettant d'apprécier leur degré d'intégration dans la société française. S'ils se prévalent de la naissance en France de leur enfant, cette circonstance ne suffit pas à leur conférer un droit au séjour. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle. Enfin, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de cet enfant. En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de destination : 5. Compte tenu de ce qui précède, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 9 décembre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes respectives. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme A... sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Meisse, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : E. MEISSE Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 23NC02004 et 23NC02017 2
CETATEXT000048424351
J6_L_2023_11_00017MA00806
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 17MA00806, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
17MA00806
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme JORDA-LECROQ
COSTA SIGRIST
M. Sylvain MERENNE
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Par un arrêt n° 17MA00806 du 8 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a porté à 21 000 euros la somme que la commune de Pietraserena et le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de la Foata ont été solidairement condamnés à verser à M. B... A... par jugement du tribunal administratif de Bastia n° 1500591 du 12 janvier 2017, leur a enjoint de réaliser toutes les démarches nécessaires à l'accomplissement de la procédure d'expropriation portant sur le terrain d'assiette de plusieurs ouvrages publics, sauf à parvenir à une solution amiable avec M. A... ou à déplacer les ouvrages, dans un délai de six mois à compter de la date de notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et a mis à leur charge le versement de la somme de 1 000 euros chacun à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un arrêt n° 17MA00806 du 11 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a liquidé provisoirement l'astreinte à l'égard du SIVU de la Foata à la somme de 1 200 euros pour la période comprise entre le 13 mai 2019 et le 5 juin 2019 et a enjoint à la commune de Pietraserena et au SIVU de la Foata d'émettre des mandats de paiement portant sur le solde des condamnations prononcées aux articles 3 et 7 de l'arrêt du 8 novembre 2018 et à l'article 2 du jugement du 12 janvier 2017 du tribunal administratif de Bastia dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt. Par un arrêt n° 17MA00806 du 3 février 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a condamné le SIVU de la Foata à verser à M. A... la somme de 5 000 euros à titre de liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par l'arrêt de la cour administrative d'appel du 8 novembre 2018, et à l'Etat, la somme de 5 000 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. A.... Par lettre du 19 avril 2023, le greffe de la cour a invité le SIVU de la Foata à justifier l'exécution définitive de l'arrêt de la cour du 8 novembre 2018. Le SIVU de la Foata, représenté par Me Costa-Sigrist, a communiqué à la cour de nouvelles pièces portant sur l'avancée de la procédure d'expropriation en cours, enregistrées les 26 avril 2023, 21 juin 2023 et 26 juin 2023. Ces pièces ont été communiquées à M. A... et à la commune de Pietraserena, qui n'ont pas produit d'observations. Par une ordonnance du 22 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - et les observations de Me Claveau, représentant M. et Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ". L'article L. 911-8 du même code dispose enfin que : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. Cette part est affectée au budget de l'Etat. ". 2. Par un arrêt n° 17MA00806 du 8 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a notamment enjoint au SIVU de la Foata de réaliser toutes les démarches nécessaires à l'accomplissement de la procédure d'expropriation portant sur le terrain d'assiette de plusieurs ouvrages publics, sauf à parvenir à une solution amiable avec M. A... ou à déplacer les ouvrages, dans un délai de six mois à compter de sa notification, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un arrêt n° 17MA00806 du 11 juillet 2019, la cour a procédé à une première liquidation de cette astreinte à la charge du SIVU de la Foata, pour la période comprise entre le 13 mai 2019, date à laquelle le délai de six mois imparti à compter de la notification de l'arrêt du 8 novembre 2018 a expiré, et le 5 juin 2019, date à laquelle la démarche permettant d'initier la procédure d'expropriation a été accomplie par le syndicat. Enfin, par un arrêt n° 17MA00806 du 3 février 2022, la cour a procédé à une nouvelle liquidation de l'astreinte à la charge du SIVU de la Foata pour la période comprise entre le 15 janvier 2020 et le 4 octobre 2021, date à laquelle le dossier complet en vue de la réalisation d'une enquête publique a été transmis au préfet de la Haute-Corse. 3. Il résulte de l'instruction que suite à la transmission, au préfet de la Haute-Corse, le 4 octobre 2021, du dossier nécessaire à la réalisation de l'enquête publique pour l'expropriation d'une partie de la parcelle cadastrée A 19, appartenant à M. A... et servant d'assiette à un répartiteur d'eau potable et au passage de canalisations, le préfet a, par arrêté du 23 mars 2022, prescrit l'ouverture des enquêtes publiques conjointes préalables, lesquelles se sont déroulées du 13 avril 2022 au 30 avril 2022. Un avis favorable du commissaire enquêteur a été émis le 18 mai 2022. Le préfet de la Haute-Corse a ensuite déclaré d'utilité publique le projet et a déclaré cessibles les parcelles nécessaires à la réalisation de cette opération par arrêté du 27 juillet 2022 puis a saisi le juge de l'expropriation par une requête enregistrée au greffe du tribunal judiciaire de Bastia le 10 août 2022. Par ordonnance du 24 janvier 2023, notifiée au SIVU de la Foata le 1er février suivant, le juge de l'expropriation a transféré la propriété des parcelles en cause, dont celle appartenant à M. A..., au SIVU de la Foata. 4. S'il ressort des éléments qui précèdent que le SIVU de la Foata justifie avoir effectué les démarches nécessaires à l'accomplissement de la procédure d'expropriation litigieuse, ce n'est toutefois qu'après la lettre du greffe de la cour du 19 avril 2023, invitant le syndicat à justifier des démarches entreprises pour exécuter l'arrêt du 8 novembre 2018, que ce dernier a produit l'ordonnance d'expropriation dont il avait connaissance depuis le 1er février 2023 et a notifié celle-ci à M. A... le 20 juin 2023 en vue de lui proposer une indemnité d'expropriation. 5. Dans ces circonstances, l'arrêt du 8 novembre 2018 de la cour doit être regardé comme ayant été entièrement exécuté à la date du 20 juin 2023. Il y a lieu, dès lors, de procéder au bénéfice de M. A... à la liquidation définitive de l'astreinte prononcée par la cour. 6. Le dossier complet en vue de la réalisation de l'enquête publique ayant été transmis au préfet par le SIVU de la Foata le 4 octobre 2021, il n'y a pas lieu de tenir compte de la période allant du 5 octobre 2021 au 1er février 2023, qui correspond à la procédure d'expropriation mise en œuvre par le préfet jusqu'à la décision prise par le juge de l'expropriation. En revanche, pour la période du 1er février 2023 au 20 juin 2023, au cours de laquelle le SIVU de la Foata a tardé à exécuter les mesures prescrites par l'arrêt de la cour, le montant de l'astreinte doit être fixé à la somme globale de 13 900 euros, sur la base d'un taux de 100 euros par jour. Cette somme sera versée pour moitié à M. A... et pour moitié au budget de l'Etat par application des dispositions précitées de l'article L. 911-8 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le SIVU de la Foata est condamné à verser, au titre de la liquidation définitive de l'astreinte, à M. A..., la somme de 6 950 euros, et à l'Etat, la somme de 6 950 euros. Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande d'exécution de M. A... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Pietraserena et au syndicat intercommunal à vocation unique de la Foata. Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Corse, au directeur départemental des finances publiques de la Haute-Corse et au ministère public près la cour de discipline budgétaire et financière. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N°17MA00806
CETATEXT000048424353
J6_L_2023_11_00021MA00832
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424353.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 21MA00832, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
21MA00832
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
SELARL GRIMALDI - MOLINA & ASSOCIÉS - AVOCATS
M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme B... et D... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le maire de Manosque a délivré un permis de construire une maison individuelle à M. C..., ensemble la décision implicite du 24 août 2020 portant rejet de leur recours gracieux. Par une ordonnance n° 2007395 du 15 décembre 2020, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête en application de l'article R. 222-4. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 15 février 2021, M. et Mme B... et D... A..., représentés par Me Chapuis, demandent à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 15 décembre 2020 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le maire de Manosque a délivré le permis litigieux à M. C..., ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Manosque la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité en étant fondée sur l'absence de régularisation de leur requête en application de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, alors qu'aucune demande expresse de régularisation ne leur a été faite à cette fin ; - le projet objet du permis litigieux méconnaît l'article U3-3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Manosque dès lors, d'une part, que les parcelles sur lesquelles ce projet doit s'édifier est privé de voie de desserte, en étant ainsi inconstructibles, et que ces parcelles ne sont pas desservies par des voies conformes aux prescriptions fixées par cet article ; - ce projet méconnaît l'article U3-7 de ce règlement relatif aux limites séparatives ; - ce projet ne respecte pas l'article U3-11 du même règlement relatif à l'aspect extérieur des constructions. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2021, la commune de Manosque, représentée par Me Grimaldi conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Marseille, et à la mise à la charge de M. et Mme A... de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête est irrecevable dès lors que M. et Mme A... ne justifient d'aucun intérêt leur donnant qualité pour agir ; - aucun des moyens de la requête n'est fondé. La requête a été communiquée à M. F... C..., qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier et notamment la lettre du 25 avril 2023 de Me Chapuis indiquant que M. A... est décédé le 4 août 2022 et que son épouse, Mme E..., entend poursuivre l'instance. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Claudé-Mougel, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Dubecq, substituant Me Grimaldi, représentant la commune de Manosque. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 3 mars 2020, le maire de Manosque a délivré à M. C... un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison individuelle sur les parcelles cadastrées section AO n° 100, 214, 215, 279 et 281, sises chemin Le Colombier sur le territoire de la commune. M. et Mme B... et D... A... relèvent appel de l'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 15 décembre 2020 qui a rejeté leur requête comme étant irrecevable. Sur la régularité de l'ordonnance : 2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code: " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser./ La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. (...) " 3. D'autre part, aux termes de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l' article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation , du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant. (...) " Il appartient à l'auteur d'un recours contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol, autre que le pétitionnaire, de produire la ou les pièces requises par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, notamment, s'agissant d'un requérant autre que l'Etat, une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou une association, le titre ou l'acte correspondant au bien dont les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance seraient selon lui directement affectées par le projet litigieux. 4. L'ordonnance attaqué a rejeté la requête de M. et Mme A... comme étant irrecevable sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, faute d'avoir produit, à la suite d'une invitation à régulariser leur requête qui leur a été adressée en application de celles de l'article R. 612-1 du même code, et dans le délai fixé par ces dispositions, les éléments requis par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme. Cependant, il ressort des termes de cette invitation, notifiée le 14 octobre 2020 au moyen de l'application mentionnée à l'article R. 414-6 du code de justice administrative, dite " Télérecours ", que si les dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme y étaient reproduites, aucune invitation à régulariser leur requête n'y était formulée expressément, et qu'y figurait seulement et clairement une invitation à régulariser la requête en vue de produire les éléments requis par l'article R. 600-1 de ce code. Par suite, l'auteur de l'ordonnance attaquée ne pouvait rejeter cette demande par ordonnance sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. 5. Il convient d'annuler l'ordonnance attaquée du fait de cette irrégularité, et, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer le litige pour statuer sur la demande de M. et Mme A... en tant que juge de première instance. Sur l'intérêt à agir et la recevabilité de la requête : 6. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. " Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Les écritures et les documents produits par l'auteur du recours doivent faire apparaître clairement en quoi les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d'être directement affectées par le projet litigieux. 7. Pour justifier de son intérêt à agir, Mme A... se borne à se prévaloir de sa qualité de propriétaire des parcelles cadastrées section AO n° 179 et n° 295, sans aucune précision quant à l'atteinte directe portée par le projet litigieux à ses conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien et, par ailleurs, que le projet de M. C... " entend passer sur un chemin situé sur leur parcelle ", sans même le désigner. Or, d'une part, si elle se prévaut de la circonstance que ces parcelles se situeraient à " proximité immédiate " du projet, il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section AO n° 214, 215, 279 et 281 sur lesquelles, ainsi que l'affirme la commune de Manosque sans être contredite, la maison individuelle objet du projet litigieux va se réaliser, sont séparées de la parcelle cadastrée section AO 295 appartenant à Mme A... par le chemin nommé " Le Colombier " ainsi que par une parcelle cadastrée section AO n° 296 qui est bâtie. Dans cette configuration, où cette dernière ne peut être regardée comme une voisine immédiate du projet en litige, la parcelle cadastrée section AO 295 étant distante de plus de 30 mètres de la parcelle cadastrée section AO 281 la plus proche, celle-ci ne fait état d'aucun élément établissant que ce projet est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Si, d'autre part, elle se prévaut de la circonstance que M. C... ne peut accéder à la parcelle cadastrée section AO n° 100, sur laquelle est édifiée sa maison d'habitation et qui n'est que marginalement concernée par le projet, lequel prévoit seulement qu'un accès aux parcelles concernées y sera réalisé, qu'au moyen d'une servitude conventionnelle du 11 août 1972, elle ne fait pas davantage état d'une atteinte directe aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de sa propriété, notamment en raison d'une augmentation de la circulation qui ne peut qu'être faible compte tenu de ce que seule une maison individuelle est projetée. Dès lors, Mme A... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire délivré à M. C.... 8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2020 du maire de Manosque délivrant un permis de construire à M. C..., ni de la décision implicite du 24 août 2020 portant rejet du recours gracieux à l'encontre de cet arrêté. Sur les frais liés au litige : 9. La commune de Manoque n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Mme E... veuve A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... veuve A... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Manoque au titre de ces mêmes dispositions. D É C I D E Article 1er : L'ordonnance du 15 décembre 2020 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée. Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3 : Mme A... versera la somme de 2 000 euros à la commune de Manosque en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à la commune de Manosque et à M. F... C... Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023 N°21MA00832 2
CETATEXT000048424357
J6_L_2023_11_00021MA03773
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424357.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 21MA03773, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
21MA03773
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme FEDI
AARPI CLAMENCE AVOCATS
M. Jérôme MAHMOUTI
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le département du Var à lui payer la somme de 62 094,24 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande préalable et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1803222 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, condamné le département du Var à payer à Mme A... une somme de 3 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 14 juin 2019, d'autre part, rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er septembre 2021, le 27 juin 2022 et le 5 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Varron Charrier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2021 en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande ; 2°) de surseoir à statuer sur sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices au titre de l'incidence professionnelle en attendant le placement en retraite pour invalidité ou, à tout le moins, de réserver ses droits au titre de l'indemnisation de ses préjudices au titre de l'incidence professionnelle en attendant le placement en retraite pour invalidité ; 3°) de condamner le département du Var à lui payer la somme de 60 278,78 euros au titre de ses préjudices, sauf à parfaire ; 4°) d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande préalable avec capitalisation annuelle dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil ; 5°) à titre subsidiaire, de désigner un expert afin d'évaluer ses préjudices ; 6°) en toute hypothèse, de mettre à la charge du département du Var la somme de 4 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a insuffisamment évalué son préjudice moral et ses troubles dans les conditions d'existence ; - elle sollicite, à titre principal, l'engagement de la responsabilité pour faute du département avec une réparation intégrale de l'ensemble de ses dommages et, à titre subsidiaire, l'engagement de la responsabilité sans faute du département afin d'obtenir, en complément de l'allocation temporaire d'invalidité (ATI), une indemnité complémentaire réparant les préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux réparés par l'ATI et/ ou les préjudices personnels ; - le département du Var, qui n'a pris aucune mesure pour faire cesser le comportement de harcèlement dont elle était victime alors qu'il y était tenu par les dispositions de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive de la fonction publique territoriale, engage sa responsabilité pour faute ; - elle a droit à réparation de ses préjudices à hauteur de 4 184,54 euros s'agissant des pertes de gains professionnels, de 8 500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 7 500 euros au titre des souffrances endurées, de 15 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence et de 20 581 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; - il serait d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer en attendant la décision de placement en retraite pour invalidité afin de lui permettre de chiffrer son préjudice d'incidence professionnelle. Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 mars et 20 septembre 2022 et le 5 octobre 2023, le département du Var, représenté par Me Pontier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à payer à Mme A... la somme de 3 000 euros et de rejeter la requête ; 2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué et de rejeter la requête ; 3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - dès lors que la situation dont se plaint Mme A... ne relève pas du harcèlement moral, il n'a pas commis de faute en ne prenant pas de mesure particulière pour la faire cesser et, par conséquent, seuls les souffrances endurées et le préjudice moral pourront être pris en charge par le département en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat dite " Moya-Caville ", à condition qu'ils présentent un lien de causalité direct et certain avec l'accident de service ; - les prétendues irrégularités dans la procédure de placement de la requérante en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) ne sauraient être considérées comme étant à l'origine de l'accident de service ; - les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par lettre du 15 mai 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que le jugement attaqué est irrégulier en l'absence de communication par le tribunal de la demande présentée par Mme A... à la caisse de sécurité sociale à laquelle celle-ci est affiliée, alors qu'elle demandait réparation d'une lésion au sens de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Par lettre du 15 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que si Mme A... demande à la Cour de " réserver ses droits au titre de l'indemnisation de ses préjudices au titre de l'incidence professionnelle en attendant le placement en retraite pour invalidité ", une telle demande est irrecevable dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de réserver des droits. La procédure a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie du Var, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mahmouti, - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., rédacteur principal de première classe et occupant les fonctions d'assistante du responsable du service " solidarités logement " au sein du conseil départemental du Var, a déclaré, le 23 juin 2017, un arrêt de travail de trente jours, accompagné d'une demande d'imputation au service, à la suite d'une altercation survenue avec l'une de ses collègues au cours d'un exercice de sécurité s'étant déroulé la veille. Après l'avoir placée en congé de maladie ordinaire, le département du Var a, suite à l'expertise médicale du docteur C... du 31 août 2017 et à l'avis de la commission de réforme du 21 décembre 2017 pris à la suite d'une expertise du docteur D..., psychiatre, du 19 novembre 2018 retenant un taux de 15 % d'incapacité permanente partielle (IPP), favorables à cette imputation, finalement reconnu l'imputation au service de cet accident, par un arrêté du 9 janvier 2018. Mme A... a par ailleurs obtenu le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité avec effet au 19 novembre 2018. Elle a vainement formé le 14 juin 2018 un recours préalable afin d'obtenir " l'indemnisation des préjudices subis du fait de cet accident de service, du fait de ses placements en congé maladie ordinaire ainsi que du fait de l'abstention fautive du département qui n'a pris aucune mesure afin d'éviter qu'elle ne soit victime de harcèlement dans le cadre de l'exercice de ses fonctions ". Elle a alors demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le département du Var à lui payer la somme de 62 094,24 euros au titre de ses préjudices subis du fait de ces trois mêmes circonstances. Par un jugement du 2 juillet 2021, le tribunal a, d'une part, condamné cette collectivité à payer à Mme A... une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence au titre de la responsabilité sans faute et, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement en sollicitant une meilleure indemnisation. Elle demande, à titre principal, la réparation intégrale des dommages subis du fait de son accident de service imputable à une faute de nature à engager la responsabilité du département du Var, et, à titre subsidiaire, l'engagement de la responsabilité sans faute du département afin d'obtenir, en complément de l'allocation temporaire d'invalidité (ATI), une indemnité complémentaire réparant les préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux réparés par l'ATI et/ ou les préjudices personnels. Par la voie de l'appel incident, le département du Var demande, à titre principal, l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné à payer à Mme A... la somme de 3 000 euros. Sur la régularité du jugement : 2. L'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ouvre aux caisses de sécurité sociale qui ont servi des prestations à la victime d'un dommage corporel un recours subrogatoire contre le responsable de ce dommage. Le huitième alinéa de cet article prévoit notamment : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. (...) ". En application de ces dispositions, il incombe au juge administratif, saisi d'un recours indemnitaire de la victime contre une personne publique regardée comme responsable du dommage, de mettre en cause les caisses auxquelles la victime est ou était affiliée. Le défaut de mise en cause de la caisse entache la procédure d'irrégularité. 3. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Toulon, saisi de la demande de Mme A... dirigée contre le département du Var et tendant à la condamnation de celui-ci à réparer les préjudices résultant des conditions dans lesquelles elle a été employée, a omis de mettre en cause d'office la caisse primaire d'assurance maladie du Var aux fins de l'exercice éventuel par celle-ci de l'action instituée à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Par suite, le jugement de première instance, qui est entaché d'irrégularité du fait de cette omission, doit être annulé. La cour ayant, dans la présente instance, mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Var, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme A.... Sur la demande de Mme A... : 4. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. En ce qui concerne la faute : 5. Les autorités administratives ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents. Il leur appartient à ce titre, sauf à commettre une faute de service, d'assurer la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue du décret du 16 juin 2000. 6. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment des quatre témoignages produits par la requérante, que celle-ci a subi durant plusieurs années des insultes et des brimades de la part d'une collègue de travail. Le 22 juin 2017 à 17 heures, au cours d'un exercice d'évacuation incendie dont elle assurait le bon déroulement en sa qualité de référente sécurité, Mme A... a été invectivée par cette même collègue. Il est établi, tant par les attestations versées au dossier, qui témoignent de la réalité de la souffrance de Mme A..., que par les éléments médicaux, notamment l'expertise du docteur C... du 31 août 2017, et l'attestation de son psychiatre du 21 février 2018, que la santé de Mme A... est très affectée par l'incident du 22 juin 2017. Il ressort également des pièces du dossier qu'elle a été hospitalisée à deux reprises, en juillet et en novembre 2017, et s'est trouvée en particulier en grande détresse psychologique en juillet 2017. Les diagnostics de " burn-out " et d'épisode dépressif majeur ont par ailleurs été médicalement posés. 7. D'autre part, il résulte de l'instruction que le département du Var, informé, tant par l'intéressée que par les autres agents du service, des agissements d'un autre agent à l'égard de Mme A..., n'a pris aucune mesure pour faire cesser ces agissements qui, contrairement à ce que soutient le département, ne constituent pas seulement des querelles entre personnes mais relèvent, eu égard à leur teneur et à leur caractère répété, de propos et d'attitudes de nature à affecter la santé psychique de la requérante. Il en résulte également que, le 22 juin 2017 à 17 heures, au cours d'un exercice d'évacuation incendie dont elle assurait le bon déroulement en sa qualité de référente sécurité, l'intéressée a été très vivement invectivée par cette même collègue. Si le rapport d'enquête interne dont se prévaut le département évoque certes les comportements de Mme A... qui avait elle-même régulièrement tenu des propos et commis des actes dénués de mesure contribuant ainsi à la détérioration du climat de travail du service, ce rapport ne remet en cause, ni la matérialité, ni la gravité des propos et attitudes de cet agent à son égard. Il en ressort également que deux autres agents du service se sont plaintes des mêmes faits qu'elle reproche au même agent. Enfin, si le département fait valoir que Mme A... avait fait état de signes anxio-dépressifs dans sa demande de reclassement formulée en 2007, il ne résulte pas de l'instruction que la survenue du dommage dont elle demande réparation serait directement causée par cette circonstance ancienne par rapport aux faits en litige. Par suite, Mme A... est fondée à engager la responsabilité du département du Var pour la faute de service qu'il a commise en laissant les agissements de cet agent à son égard perdurer sans prendre les mesures adéquates pour les faire cesser. Elle est, dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le harcèlement moral qu'elle invoque ou sur la responsabilité sans faute, fondée à obtenir la réparation intégrale de l'ensemble du dommage. En ce qui concerne les préjudices de Mme A... : S'agissant des préjudices patrimoniaux : 8. Il n'est pas contesté par la requérante que le montant de 4 513,24 euros qu'elle réclame au titre des pertes de gains professionnels lui a été versé pour partie en décembre 2017 (3 680,24 euros correspondant au demi-traitement pour la période de septembre à novembre 2017) puis en janvier 2018 (833 euros correspondant à l'indemnité d'exercice de mission annuel pour le mois de novembre 2017). Elle ne peut donc prétendre à indemnisation à ce titre. 9. En revanche, si la requérante demande l'indemnisation de l'incidence professionnelle, ce chef de préjudice n'est pas établi par la seule demande de placement en retraite pour invalidité dont elle se prévaut. Il n'y a, dès lors, pas lieu de surseoir à statuer sur ce point. Il n'appartient pas non plus à la cour de réserver les droits de la requérante au titre de ce chef de préjudice. S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux : 10. Pour solliciter une indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire, Mme A... expose que la décision refusant de reconnaître que son accident survenu le 22 juin 2017 était imputable au service a généré des conséquences sur sa vie personnelle ainsi que celle ses enfants. En s'abstenant toutefois d'étayer ses allégations qui ne ressortent par ailleurs d'aucune pièce du dossier, ce chef de préjudice n'est pas établi au regard des circonstances invoquées qui sont, en tout état de cause, pas de nature à relever du chef de préjudice dont elle demande réparation. 11. Compte tenu des éléments rappelés aux points 6 et 7 et de ce que la défense n'en conteste pas la réalité, il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par Mme A... à hauteur de 3 000 euros. Il sera également fait une juste appréciation du préjudice moral subi et des troubles dans les conditions d'existence en lui allouant la somme de 3 000 euros. 12. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise médicale du docteur C... du 31 août 2017 et de l'expertise du 19 novembre 2018 du docteur D..., tous deux missionnés par la commission départementale de réforme, que Mme A... conserve, exclusivement du fait de l'accident survenu le 22 juin 2017, une incapacité permanente partielle que le second rapport a, après consolidation, évalué à un taux de 15 %. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient le département du Var, il ne résulte pas de la circonstance que Mme A... ait fait état de signes anxio-dépressifs dans sa demande de reclassement formulée en 2007 et de celle qu'elle a elle-même suscité des conflits au sein de son service, qu'une partie de son déficit serait imputable, même partiellement, à un état antérieur. Par suite, eu égard au taux de son déficit permanent et compte tenu de l'âge de la requérante à la date de consolidation, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice à la somme de 21 000 euros, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise sur ce point. 13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin ni de surseoir à statuer, ni d'ordonner d'expertise, le département du Var doit être condamné à payer à Mme A... une somme de 27 000 euros. Sur l'appel incident présenté par le département du Var : 14. Compte tenu de tout ce qui vient d'être dit, l'appel incident présenté par le département du Var doit être rejeté. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 15. D'une part, la somme de 27 000 euros allouée à Mme A... au point 13 sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2018, date de réception par l'administration de la demande préalable formulée par Mme A.... 16. D'autre part, aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ". Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Mme A... a demandé, par requête enregistrée le 12 octobre 2018 au greffe du tribunal, la capitalisation des intérêts. A cette date, les intérêts n'étaient pas encore dus pour une année entière. Il y a lieu, dès lors, de faire droit à la demande de Mme A... un an après la date de réception de sa demande préalable, soit le 15 juin 2019. Sur la déclaration d'arrêt commun : 17. La caisse primaire centrale d'assurance maladie du Var, mise en cause, n'a pas produit d'observations. Il y a lieu, dès lors, de lui déclarer commun le présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Var une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le département du Var sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1803222 du 2 juillet 2021 du tribunal administratif de Toulon est annulé. Article 2 : Le département du Var est condamné à payer à Mme A... une somme de 27 000 euros. Article 3 : La somme de 27 000 euros, mentionnée à l'article 2, est assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 15 juin 2019. Article 4 : Le département du Var versera à Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Var. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au département du Var et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 21MA03773
CETATEXT000048424361
J6_L_2023_11_00021MA04406
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 21MA04406, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
21MA04406
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
SELARL LVI AVOCATS ASSOCIES
Mme Lison RIGAUD
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société SERIP Group a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2018 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer l'autorisation de défricher demandée pour les parcelles cadastrées section B n°s 4026, 4027, 4028, 4029 et 4031 situées au lieu-dit la Beaumette sur le territoire de la commune de Sainte-Maxime, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1803500 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 novembre 2021 et le 30 juin 2023, la SAS Serip Group, représentée par la SELARL LVI Avocats Associés, agissant par Me Lamorlette, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 septembre 2021 ainsi que l'arrêté préfectoral du 14 mai 2018 ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; 2°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer l'autorisation de défrichement, ou, à défaut, de reprendre l'instruction de la demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit en retenant que l'arrêté du 14 mai 2018 a été rendu au visa du procès-verbal de reconnaissance de l'état des bois du 6 avril 2018 pour en déduire que le préfet du Var n'aurait pas commis d'erreur sur le périmètre soumis à autorisation de défrichement ; - le tribunal a entaché le jugement attaqué d'une erreur de fait et d'une erreur dans l'appréciation du risque incendie ; - le tribunal a entaché le jugement attaqué d'une erreur de fait et d'une erreur dans l'appréciation du risque d'inondation. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande à la cour de rejeter la requête de la société Serip Group. Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Serip Group ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code forestier ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - et les observations de Me Douvreleur, représentant la société Serip Group. Considérant ce qui suit : 1. La société Serip Group a présenté deux demandes d'autorisation de défrichement, les 12 septembre 2017 et 27 octobre 2017, pour les parcelles cadastrées section B n° s 4026, 4027, 4028, 4029 et 4031, d'un seul tenant, pour une surface totale de 11 027 m², issues d'une parcelle plus vaste cadastrée section B n° 3813, situées au lieu-dit la Beaumette sur le territoire de la commune de Sainte-Maxime, en vue de la réalisation d'une opération immobilière d'une cinquantaine de logements. Ces demandes ont fait l'objet d'un enregistrement unique par le préfet du Var. Une reconnaissance des bois à défricher a été effectuée le 27 mars 2018 et a été transcrite dans un procès-verbal le 6 avril suivant par les services de la direction départementale des territoires et de la mer du Var (ci-après DDTM). Sur la base de ce procès-verbal, ces services ont émis un avis défavorable à l'autorisation de défrichement sollicitée le 17 avril 2018. Par un arrêté du 14 mai 2018, le préfet du Var a refusé l'autorisation de défricher sollicitée. Par courrier reçu le 16 juillet 2018, la société Serip Group a adressé au préfet du Var un recours gracieux, implicitement rejeté. La société Serip Group relève appel du jugement n° 1803500 du 15 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 14 mai 2018 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Sur le bien-fondé du jugement attaqué du tribunal administratif de Toulon du 15 septembre 2021 : 2. Aux termes de l'article L. 341-1 du code forestier : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière./ Est également un défrichement toute opération volontaire entraînant indirectement et à terme les mêmes conséquences, sauf si elle est entreprise en application d'une servitude d'utilité publique./ La destruction accidentelle ou volontaire du boisement ne fait pas disparaître la destination forestière du terrain, qui reste soumis aux dispositions du présent titre ". Aux termes de l'article L. 341-3 du même code : " Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation. L'autorisation est délivrée à l'issue d'une procédure fixée par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 341-4 du même code : " (...) Lorsque le préfet estime, compte tenu des éléments du dossier, qu'une reconnaissance de la situation et de l'état des terrains est nécessaire, il porte le délai d'instruction à quatre mois et en informe le demandeur dans les deux mois suivant la réception du dossier complet. (...) ". Aux termes de l'article R. 341-5 du même code : " (...) Si le préfet estime, au vu des constatations et des renseignements portés sur le procès-verbal, que la demande peut faire l'objet d'un rejet pour un ou plusieurs des motifs mentionnés à l'article L. 341-5 ou que l'autorisation peut être subordonnée au respect d'une ou plusieurs des conditions définies à l'article L. 341-6, il notifie par tout moyen permettant d'établir date certaine le procès-verbal au demandeur, qui dispose d'un délai de quinze jours pour formuler ses observations. ". 3. Il ressort des pièces du dossier que les demandes d'autorisation de défrichement présentées par la société Serip Group les 12 septembre et 27 octobre 2017 ont été enregistrées sous un numéro unique et ont fait l'objet d'une instruction unique dès lors que les parcelles cadastrées section B n° s 4026, 4027, 4028, 4029 et 4031, d'un seul tenant et d'une surface totale de 11 027 m², constituaient le tènement foncier d'une seule opération immobilière d'une cinquantaine de logements en vue de laquelle l'autorisation était sollicitée. Dans le cadre de l'instruction de ces demandes, les services de la DDTM du Var ont procédé, le 27 mars 2018, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 341-4 du code forestier, à la reconnaissance des bois à défricher et ont dressé un procès-verbal le 6 avril 2018 qui mentionne que si l'autorisation de défrichement est sollicitée sur une surface de 11 027 m², la surface soumise à autorisation est toutefois ramenée à 7 160 m² une fois exclues les zones apparaissant comme non boisées sur les orthophotoplans IGN de 1989, 1998 et 2008 et conformément au procès-verbal d'infraction dressé pour défrichement illicite le 28 juin 2016. Le procès-verbal de reconnaissance des bois à défricher inclut en revanche dans la surface soumise à autorisation les zones non boisées en l'état de friche pierreuse et herbeuse consécutives d'un défrichement et de dépôts de remblais réalisés sans autorisation entre 2013 et 2016 constatés par le procès-verbal d'infraction du 28 juin 2016. L'arrêté du 14 mai 2018 par lequel le préfet du Var a refusé de délivrer l'autorisation de défrichement sollicitée par la société Serip Group a été édicté dans le cadre de la procédure fixée par les articles R. 341-4 et R. 341-5 du code forestier au vu des constatations et des renseignements portés sur le procès-verbal de reconnaissance des bois à défricher du 6 avril 2018, qu'il vise d'ailleurs expressément. Ni la mention dans le courrier joint à la notification de cet arrêté le présentant comme " arrêté préfectoral de refus de l'autorisation de défricher 11 027 m² ", qui fait nécessairement référence à la surface totale déclarée par la société Serip Group dans ses demandes d'autorisation de défricher, ni aucune autre pièce du dossier ne démontrent que le préfet du Var aurait tenu compte d'autres surfaces que celles identifiées par ses services lors des opérations de reconnaissance des bois à défricher. Dans ces conditions, l'arrêté en litige, qui ne vise aucune autre surface que celles identifiées comme étant soumises à autorisation, ne peut être regardé comme ayant été pris en considération de la surface totale de 11 027 m² initialement déclarée par la société Serip Group. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu le périmètre soumis à autorisation de défrichement. 4. Aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : (...) 9° A la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches. ". 5. Pour refuser la demande de défrichement sollicitée par la société Serip Group, le préfet du Var s'est d'abord fondé sur le motif tiré de ce que la conservation des bois et forêts sur le terrain d'assiette du projet était nécessaire à la protection des personnes, des biens et de l'ensemble forestier contre le risque incendie en retenant que ce terrain était classé en zone En'1 dans le plan de prévention des risques naturels d'incendie de forêt (PPRif) rendu immédiatement opposable dans certaines de ses dispositions sur la commune de Sainte-Maxime par un arrêté préfectoral du 18 décembre 2013, zone où les constructions nouvelles à usage d'habitation ne sont pas admises. 6. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'environnement que l'État élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, tels que, notamment, les incendies de forêt. Ces plans ont notamment pour objet, en vertu du II de cet article, de délimiter les zones exposées à ces risques et de définir, compte tenu de leur gravité, les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises dans ces zones, lesquelles peuvent consister en l'interdiction de tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation. En vertu de l'article L. 562-2 du même code, lorsqu'un projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles contient certaines des dispositions mentionnées aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 et que l'urgence le justifie, le préfet peut, après consultation des maires concernés, les rendre immédiatement opposables à toute personne publique ou privée, par une décision rendue publique. Le même article ajoute que ces dispositions cessent d'être opposables si elles ne sont pas reprises dans le plan finalement approuvé. 7. D'autre part, l'article L. 562-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'article 222 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 entrée en vigueur le 14 juillet suivant, ne prévoit aucun délai au-delà duquel les dispositions du projet de plan faisant l'objet d'une application anticipée cessent d'être opposables. À cet égard, si le dernier alinéa de l'article R. 562-2 du même code dans sa rédaction résultant du décret n° 2011-765 du 28 juin 2011 fixe un délai de trois ans, prorogeable une fois dans la limite de dix-huit mois, pour l'approbation du plan, néanmoins l'article 2 du même décret prévoit que ces dispositions ne sont pas applicables aux plans dont l'élaboration a été prescrite avant le 1er août 2011. 8. Il ressort des pièces du dossier que par arrêté du 18 décembre 2013, le préfet du Var a rendu immédiatement applicables des dispositions du projet du PPRif dont l'élaboration a été décidée par arrêté du 10 octobre 2003 compte tenu des risques naturels prévisibles d'incendie de forêt sur le territoire de la commune de Sainte Maxime. La société requérante soutient que ces dispositions doivent cesser de lui être opposables dès lors qu'elles perdurent dans l'attente que soit adopté un projet de PPRif, dont l'élaboration a été décidée en 2003 alors que, d'une part, un tel projet aurait dû être adopté dans les trois années suivant l'intervention de l'arrêté prescrivant son élaboration, délai prorogeable une seule fois dans la limite de dix-huit mois, tel que le prévoit l'article R. 562-2 du code de l'environnement, d'autre part, que les travaux d'aménagement de la voirie V8 nécessaires à l'amélioration de la défendabilité de la zone et conditionnant son classement en zone EN2 ont été réalisés et réceptionnés le 15 octobre 2015. 9. Toutefois, d'une part, il résulte des dispositions mentionnées aux points 6 et 7 du présent arrêt qu'il appartient au préfet, dans les cas où le projet de PPRif serait abandonné ou si sa finalisation prenait un retard tel que son application anticipée ne pourrait plus être regardée comme étant provisoire, de mettre fin à l'opposabilité immédiate des dispositions concernées. D'autre part, les dispositions provisoires ayant été prononcées en vue de l'élaboration d'un PPRif décidée le 10 octobre 2003, le délai prévu à l'article R. 562- 2 du code de l'environnement n'est pas opposable à la procédure d'approbation du PPRif. En outre, la circonstance que les travaux d'aménagement de la voirie identifiée V8 aient été réalisés et réceptionnés conformément aux préconisations du projet de PPRif, dans l'objectif d'amélioration de la défendabilité de la zone, n'a pas pour effet, à elle-seule, de modifier le classement dès lors qu'il résulte des dispositions précédemment mentionnées qu'une telle évolution procède nécessairement d'une décision du préfet lors de l'adoption définitive du PPRif. Ainsi, pour regrettable que soit le retard pris par le préfet du Var dans l'élaboration d'un PPRif définitif, les dispositions rendues immédiatement applicables par ce dernier demeurent applicables. Dès lors, le préfet du Var a pu, sans commettre d'erreur de droit, se fonder sur ces dernières pour apprécier le risque d'incendie caractérisant le terrain d'assiette du projet immobilier envisagé par la société Serip Group et faire application du 9e de l'article L. 341-5 du code forestier. 10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'opération d'aménagement qui constitue l'objectif poursuivi par la demande d'autorisation de défrichement de la société Serip Group consiste dans la réalisation d'un programme de 50 logements. Le terrain est classé en zone En'1j dans le règlement du PPRif, correspondant à un espace à enjeu dont le niveau d'aléa est de " modéré " à " très élevé " et dont la défendabilité est insuffisante mais améliorable. La notice de présentation du PPRif précise que la zone En'1 " peut comprendre des sous-zones à l'intérieur desquelles un zonage différent sera retenu (EN2 ou EN3) dès lors que des travaux d'amélioration de la défendabilité seront suffisamment avancés. La délimitation prend en compte la cohérence de chaque sous-zone au regard des possibilités d'évacuation des habitants et d'intervention des services de secours. ". Le zonage établi par le PPRif en cours d'élaboration, et en particulier celui rendu immédiatement applicable par arrêté du 18 décembre 2013 a été élaboré compte tenu de l'état des travaux de protection nécessaires pour rendre une zone défendable en raison des enjeux en présence et du niveau d'aléa constaté. Si les travaux de création de la voirie identifiée V8, d'une largeur de 5 mètres afin d'améliorer la défendabilité de la zone En'1j ont, ainsi qu'il a été dit précédemment, été réceptionnés par le service départemental d'incendie et de secours du Var le 15 octobre 2015, il ne ressort pas des pièces du dossier que la réalisation de cet équipement de voirie puisse, à elle seule, faire regarder l'appréciation du risque d'incendie caractérisant le terrain en cause comme étant erronée à la date de l'arrêté en litige. 11. Pour refuser la demande de défrichement sollicitée par la société Serip Group, le préfet du Var s'est également fondé sur le motif tiré de ce que la conservation des bois et forêts sur le terrain d'assiette du projet était nécessaire à la protection des personnes, des biens et de l'ensemble forestier contre le risque inondation en retenant que le terrain d'assiette du projet était " caractérisé par un aléa inondation fort à très fort, en aval du point de convergence de deux cours d'eau intermittents, sur lequel une construction de 50 logements constituerait un accroissement important du risque hydraulique et mettrait en situation potentielle de danger de nouvelles personnes et leurs biens, ainsi que les occupants des constructions situées à l'aval ". 12. La société requérante, soutient que le terrain d'assiette du projet était situé hors des zones inondables dans le plan de prévention du risque inondation (PPRI) approuvé le 9 février 2001 par arrêté préfectoral, ainsi que dans l'atlas des zones inondables (AZI) élaboré en 2015, que l'aléa de la zone du projet est mentionné comme étant en cours d'étude dans le cadre de l'élaboration du Programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), que le ruisseau le Pilon en cause n'avait pas été identifié comme un cours d'eau par les services de la DDTM du Var dans son courrier du 9 février 2007, et que le procès-verbal de reconnaissance a considéré que le défrichement projeté n'aurait pas d'incidence sur le maintien des terres, ni n'entraînerait d'érosion sensible. Il y a lieu d'écarter les moyens ainsi soulevés par la société Serip Group par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 10 du jugement attaqué, la société requérante n'apportant aucun élément nouveau et ne critiquant pas sérieusement le bien-fondé de ces motifs devant la cour. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Serip Group n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2018 du préfet du Var et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la société Serip Group et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de la société Serip Group est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Serip Group et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Copie en sera adressé au préfet du Var. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, - M. Nicolas Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. 2 N° 21MA04406
CETATEXT000048424375
J6_L_2023_11_00022MA00379
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA00379, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA00379
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme FEDI
SCP GAUDIN JUNQUA-LAMARQUE & CALONI
M. Jérôme MAHMOUTI
M. GAUTRON
Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mahmouti, - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., qui exerçait une activité de location-bail de propriété intellectuelle et de produits similaires depuis le 1er septembre 2002, à raison de laquelle il était assujetti sur option à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime réel normal trimestriel, a cessé son activité au 31 décembre 2018. Au titre du quatrième trimestre de l'année 2018, il a déclaré une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) due de 7 500 euros et une TVA déductible sur les autres biens et services d'un montant de 22 821 euros, et a sollicité la restitution d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 15 321 euros. Cette demande a été rejetée le 7 novembre 2019 au motif que la TVA déductible trouvait son origine dans des prestations de services dont l'intéressé ne justifiait pas le paiement effectif, sans qu'il ne se prévale par ailleurs d'une option pour le paiement de la TVA d'après les débits. M. B... relève appel du jugement du 29 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant au remboursement dudit crédit de TVA. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il résulte des termes du jugement attaqué, et plus précisément de son point 5, que le tribunal a répondu à l'invocation par M B... de la réponse ministérielle faite au sénateur Herment (JO Sénat, 27 avril 1989, p. 373 n° 595). Par suite, M B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne l'application de la loi fiscale : 3. Aux termes de l'article L. 177 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible dans les conditions fixées par l'article 271 du code général des impôts, les redevables doivent justifier du montant de la taxe déductible et du crédit de taxe dont ils demandent à bénéficier, par la présentation de documents même établis antérieurement à l'ouverture de la période soumise au droit de reprise de l'administration. ". Il suit de là que M. B... supporte la charge de la preuve du bien-fondé du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont il demande le remboursement. 4. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 242-0 G de ce code : " Lorsqu'un redevable perd cette qualité, le crédit de taxe déductible dont il dispose peut faire l'objet d'un remboursement pour son montant total ". 5. Le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. En l'espèce en application des dispositions précitées du c) du 2 de l'article 269, la taxe sur la valeur ajoutée est exigible, pour les prestations de services achetées par M. B..., lors de l'encaissement des acomptes, du prix et de la rémunération du service ou de la prestation, l'intéressé ne soutenant pas que ses prestataires auraient opté pour le paiement de la TVA d'après les débits. Le droit à déduction de la TVA portée sur les achats faits par celui-ci prenait, par conséquent, naissance lors de l'encaissement par ses fournisseurs des sommes correspondantes. L'intéressé, à qui la charge de la preuve incombe en matière de demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée, ne justifie, pas davantage en appel qu'en première instance, du paiement effectif des prestations de services au titre desquels il prétend disposer d'un montant de TVA déductible. Par suite, et comme l'a jugé à juste titre le tribunal, c'est à bon droit que l'administration a refusé de lui rembourser le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont il sollicite le remboursement. En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale : 6. Comme l'a jugé à bon droit le tribunal, le rejet par l'administration d'une demande tendant au remboursement d'un crédit de TVA ne constituant pas un rehaussement d'impositions, le requérant ne peut utilement se prévaloir, sur ce fondement, de l'interprétation administrative de la loi fiscale alors que, par ailleurs et en tout état de cause, la réponse ministérielle faite au sénateur Herment dont il se prévaut porte sur le sort des sommes encaissées après la cessation d'activité et non de celles portant sur des dépenses engagées avant la cessation mais payées après cette cessation. 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. B... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA00379
CETATEXT000048424379
J6_L_2023_11_00022MA00515
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA00515, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA00515
1ère chambre
C
M. PORTAIL
DUMAS LAIROLLE
M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... D... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 27 août 2019 par lequel le maire de Saint-Julien le Montagnier a refusé de délivrer un permis de construire une maison d'habitation avec clôture à M. C..., sur un terrain situé au lieudit Le Jas des Hugous, correspondant aux parcelles cadastrées section AP n° 184, 186 et 187, sur le territoire communal. Par un jugement n° 1903914 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 3 février 2022, et un mémoire, enregistré le 14 avril 2023, M. B... D..., représenté par Me Dumas-Lairolle, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 30 novembre 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 27 août 2019 en litige ; 3°) d'enjoindre au maire de la commune de Saint-Julien le Montagnier de délivrer le permis de construire sollicité ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Julien le Montagnier la somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le Jas des Hugou constitue un groupe d'habitations au sens des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme et les réseaux d'eau, d'assainissement et d'électricité sont présents en limite de propriété ; - l'avis du préfet, qui ne lui a pas été communiqué, lui est inopposable ; - en refusant le permis de construire sollicité, le maire a commis une erreur d'appréciation dès lors que le projet se situait bien dans la continuité des parties urbanisées du territoire communal, la construction de la maison voisine ayant d'ailleurs été autorisée quelques années auparavant, et la construction d'autres maisons ayant été autorisée dans des parties nettement moins urbanisées. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 15 mars 2023 et le 19 mai 2023, la commune de Saint-Julien le Montagnier, représentée par Me Reghin, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D... de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête est irrecevable dès lors qu'elle a été enregistrée au-delà du délai d'appel de deux mois fixé par l'article R. 811-2 du code de justice administrative ; - les moyens de la requête sont inopérants dès lors que le maire était en situation de compétence liée du fait de l'avis négatif opposé par le préfet du Var à la demande de permis de construire présentée par M. C... ; - aucun de ces moyens n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Claudé-Mougel, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Dumas-Lairolle, représentant M. D..., et celles de Me Gonzales-Lopez, représentant la commune de Saint-Julien le Montagnier Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 27 août 2019, le maire de la commune de Saint-Julien le Montagnier a, au nom de l'Etat, refusé de délivrer un permis de construire une maison d'habitation avec clôture à M. C... sur un terrain situé au lieudit Le Jas des Hugous, correspondant aux parcelles cadastrées section AP n° 184, 186 et 187, appartenant à M. D... avec lequel il avait conclu une promesse de vente. M. D... relève appel du jugement du 30 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête qu'il a présenté avec M. C... à l'encontre de cet arrêté. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) / b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes. " Aux termes de l'article L. 422-5 de ce code : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : /a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) " 3. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision. 4. Il ressort des pièces du dossier que, à la date de l'arrêté attaqué, le territoire de la commune de Saint-Julien le Montagnier n'était pas couvert par un plan local d'urbanisme. En application de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, le maire de la commune devait dès lors recueillir l'avis conforme du préfet du Var avant de se prononcer sur la demande de permis de construire déposée par M. C.... Il ressort également des pièces du dossier que le préfet du Var a, le 16 juillet 2019, émis un avis conforme défavorable, en précisant au maire de la commune qu'il lui appartenait d'opposer un refus à cette demande. En vertu du principe rappelé au point 3, ce dernier était dès lors tenu de refuser de délivrer le permis de construire demandé. Compte tenu de cette situation de compétence liée dans laquelle se trouvait ladite autorité administrative, les moyens invoqués par M. D... à l'encontre de l'arrêté attaqué ne peuvent qu'être écartés comme étant sans influence sur sa légalité. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 6. le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. D... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de Saint-Julien le Montagnier de délivrer le permis de construire sollicité ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais de l'instance : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Saint-Julien le Montagnier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Saint-Julien le Montagnier au titre de ces mêmes dispositions. D É C I D E Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : M. D... versera à la commune de Saint-Julien le Montagnier la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la commune de Saint-Julien le Montagnier et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet du Var. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. N° 22MA00515 2
CETATEXT000048424386
J6_L_2023_11_00022MA01034
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01034, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA01034
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
CAUCHON-RIONDET;CAUCHON-RIONDET;CAUCHON-RIONDET
Mme Cécile FEDI
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de sa destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2108250 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : I. Par une requête n° 22MA01034 et un mémoire, enregistrés le 7 avril 2022 et le 26 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Cauchon-Riondet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 janvier 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 avril 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'un an mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, d'instruire à nouveau sa demande et de prendre une nouvelle décision dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, l'astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'arrêté pris dans son ensemble est insuffisamment motivé, ce qui révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ; Sur la décision de refus d'admission au séjour : - c'est à tort que le tribunal n'a pas accueilli les moyens tirés de la violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur de fait ; - le tribunal n'a pas examiné sa situation au regard des critères de la circulaire du 28 novembre 2012 qui est pourtant invocable ; - le tribunal ne s'est pas prononcé sur l'erreur de fait commise par le préfet qui a indiqué à tort qu'il ne justifiait pas avoir travaillé au moins huit mois durant les vingt-quatre mois précédents ; - le fait que le contrat de travail n'a pas été visé par la DIRECCTE ne peut lui être reproché dans la mesure où le préfet n'a pas saisi à tort cette autorité ; - il remplit les critères d'admission exceptionnelle au séjour énoncés par la circulaire du 28 novembre 2012 car il justifiait, à la date de la décision contestée, d'une ancienneté de travail de plus de douze mois contrairement à ce que le préfet indique dans sa décision ; - l'impossibilité de retourner dans son pays d'origine ainsi que la durée de sa présence sur le territoire depuis l'année 2011 constituent des considérations humanitaires et des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la durée de sa présence en France, de la scolarisation de ses trois enfants, de ses efforts concernant son insertion professionnelle, et de la présence régulière de deux de ses frères sur le territoire ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans : - elle est insuffisamment motivée en droit et en fait dès lors que le préfet n'a pas examiné s'il représente une menace pour l'ordre public alors qu'il y était tenu ; - elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle est disproportionnée ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par un mémoire en défense enregistré le 24 avril 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. II. Par une requête n° 22MA01035 et un mémoire, enregistrés le 7 avril 2022 et le 26 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Cauchon- Riondet, demande à la cour : 1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 janvier 2022 ; 2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisation à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué sur son recours au fond, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient les mêmes moyens que ceux soulevés dans sa requête au fond n° 22MA01034 et, en outre, que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables. Par un mémoire en défense enregistré le 24 avril 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour ces deux procédures par deux décisions du 24 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties de l'audience publique. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Fedi, - et les observations de Me Guarnieri, substituant Me Cauchon-Riondet, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. Par la requête n° 22MA01034, M. B..., ressortissant turc, relève appel du jugement du 7 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par la requête n° 22MA01035, il demande à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. 2. Les requêtes n° 22MA01034 et n° 22MA01035 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision. Sur la requête n° 22MA01034 : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : 3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a soulevé devant le tribunal administratif un moyen tiré de l'erreur de fait contenue dans l'arrêté en litige en ce qu'il y est mentionné que l'intéressé ne justifie pas avoir travaillé pendant au moins huit mois sur les 24 mois qui venaient de s'écouler. Les premiers juges, qui se sont bornés à écarter l'erreur de fait invoquée au point 6 du jugement attaqué, n'ont toutefois pas répondu à ce moyen précis qui n'était pas inopérant. En raison de cette insuffisance de motivation, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé. 4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille. En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 12 avril 2021 : S'agissant de la décision portant refus d'admission au séjour : 5. L'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, et vise notamment le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur, retrace le parcours de M. B... en France, notamment son arrivée alléguée le 15 mars 2011 dans des conditions indéterminées, rappelle ses conditions de séjour sur le territoire français et sa situation privée et familiale mentionnant la présence de son épouse également en situation irrégulière et de leurs trois enfants mineurs. Il relève qu'il a produit un contrat de travail en qualité de façadier conclu le 29 janvier 2020. Enfin, il indique qu'il a déjà fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement le 4 mars 2013, le 31 mars 2016 et le 18 décembre 2017 et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. La seule circonstance que le préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, n'a pas mentionné que ses enfants étaient scolarisés reste sans incidence sur ce point. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour serait insuffisamment motivée doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle doit également être écarté. 6. S'agissant de l'invocabilité de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, contrairement à ce que soutient le requérant, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. 7. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". 8. M. B... soutient être entré en France le 15 mars 2011, y résider depuis cette date avec sa famille et se prévaut de son contrat de travail à durée indéterminée conclu le 29 janvier 2020 avec la société " Pro façade 13 " en qualité de façadier pour solliciter son admission exceptionnelle au séjour par le travail. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'établit pas résider habituellement sur le territoire depuis l'année 2011, les documents produits notamment pour l'année 2019 ne permettant de justifier qu'une présence ponctuelle. Par ailleurs, son épouse de même nationalité que lui a également fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 26 août 2019 et la circonstance que leurs trois enfants nés respectivement le 10 décembre 2008, le 19 janvier 2010 et le 18 février 2014, ce dernier étant né en France, sont scolarisés ne constitue pas à elle seule une situation caractérisant des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. En outre, l'ensemble des pièces versées, composées essentiellement de documents de nature administrative tels que courriers de relevés de prestations de l'assurance maladie, cartes d'admission à l'aide médicale d'état, factures de fournisseur d'électricité et de documents de nature médicale, n'établissent pas l'intensité, la stabilité et l'ancienneté de liens personnels et familiaux que le requérant aurait tissés sur le territoire. Enfin, le contrat dont se prévaut M. B..., qui est d'une ancienneté de quatorze mois à la date de l'arrêté contesté, reste récent et ne permet pas de considérer que sa situation professionnelle caractérise des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Bouches-du-Rhône a pu refuser la demande d'admission au séjour de M. B... fondée sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 9. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a indiqué à tort, dans son arrêté, que M. B... " n'avait pas travaillé au moins huit mois durant les 24 derniers mois ", alors que, ainsi qu'il vient d'être dit, l'ancienneté professionnelle du requérant est d'un peu plus de quatorze mois à la date de l'arrêté contesté. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, et dès lors que quel que soit le nombre de mois d'ancienneté professionnelle retenu, le contrat de M. B... reste récent à la date de l'arrêté contesté, cette erreur de fait est demeurée sans incidence sur l'appréciation portée par le préfet sur le droit au séjour de l'intéressé. Le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits ne peut donc être accueilli. 10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". 11. Eu égard à ce qui a été dit précédemment au point 8, le requérant n'établit ni l'ancienneté de son séjour en France, ni l'ancienneté et la stabilité de ses liens privés et familiaux sur le territoire, ni une insertion socio professionnelle significative. En outre, s'il se prévaut de sa vie avec son épouse et de ce que ses enfants sont scolarisés sur le territoire, en classe de cinquième pour l'aînée, de cours moyen de première année pour le cadet, et en classe de cours préparatoire pour le dernier à la date de l'arrêté, il n'établit pas l'existence d'obstacle à la reconstitution de la cellule familiale dans son pays d'origine dont tous les membres de la famille ont la nationalité, ou à la poursuite de la scolarité de ses enfants en Turquie, notamment eu égard à leur jeune âge. M. B... a en outre fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement les 4 mars 2013, le 31 mars 2016 et le 18 décembre 2017. Enfin, la circonstance que ses deux frères résident régulièrement en France sous couvert de cartes de résident valables pour l'un jusqu'au 2 septembre 2025 et pour l'autre jusqu'au 15 juin 2026 ne permet pas d'établir que M. B... serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. 12. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. 13. L'arrêté contesté n'a ni pour effet, ni pour objet de séparer M. B... de ses enfants. En outre, il n'établit pas que ses enfants ne pourraient poursuivre une scolarité adaptée dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français : 14. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que la décision de refus de titre de séjour n'est pas illégale. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté. 15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme étant entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et comme portant atteinte à l'intérêt supérieur des enfants du requérant tel que protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. S'agissant de la décision d'octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours : 16. En se bornant à alléguer que la durée de trente jours contestée était insuffisante au regard de la circonstance que ses enfants étaient scolarisés, M. B... n'établit pas que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui octroyant pas un délai de départ volontaire plus long. S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans : 17. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français présentée par M. B... à l'appui de ses conclusions contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ne peut qu'être écartée. 18. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". 19. Il ressort des termes mêmes des dispositions précitées que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. 20. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément. 21. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet des Bouches-du-Rhône a relevé que M. B... soutenait être entré en France le 15 mars 2011 et y résider habituellement depuis sans pouvoir toutefois l'établir, en ayant fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement, et qu'il n'était pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Si le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas fait référence, dans sa décision, au critère relatif à la menace à l'ordre public que représenterait la présence de l'intéressé sur le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... représenterait une telle menace et que l'autorité préfectorale aurait retenu une telle circonstance à son encontre. Ainsi, dans la mesure où les termes de l'ensemble de l'arrêté en litige établissent que la situation du requérant a été appréciée au regard de sa durée de présence en France, des conditions de son séjour et de l'existence de précédentes mesures d'éloignement, le préfet des Bouches-du-Rhône a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. 22. Pour les motifs exposés précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour et compte tenu notamment de ce que M. B... a fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement qu'il ne conteste pas ne pas avoir exécutées, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni comme méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. 23. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 avril 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Sur la requête n° 22MA01035 : 24. Le présent arrêt ayant rejeté les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 janvier 2022, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22MA01035 tendant au sursis à exécution de ce même jugement. 25. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22MA01035 de M. B... aux fins de sursis à exécution du jugement du 7 janvier 2022. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 janvier 2022 est annulé. Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille ainsi que le surplus des conclusions de sa requête d'appel n° 22MA01034 et le surplus des conclusions de sa requête n° 22MA01035 sont rejetés. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Cauchon-Riondet et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. N° 22MA01034, 22MA010352
CETATEXT000048424388
J6_L_2023_11_00022MA01055
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01055, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA01055
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
AARPI CLAMENCE AVOCATS
M. Nicolas DANVEAU
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Sosogood a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 du maire de Bandol réglementant l'activité de vente ambulante sur le littoral de cette commune. Par un jugement n° 2002201 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 8 avril 2022, la SARL Sosogood, représentée par Me Varron Charrier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 février 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 du maire de Bandol ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Bandol la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente, en l'absence de délégation régulière de signature ; - il instaure une interdiction à caractère général et absolu de l'exercice de la vente ambulante et constitue ainsi une mesure de police illégale, portant atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et au principe d'égalité entre les commerçants et n'étant pas justifié par une raison d'ordre public ; - il est entaché d'un détournement de pouvoir. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, la commune de Bandol, représentée par Me Callen, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 4 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 3 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - les observations de M. A..., gérant de la SARL Sosogood, et de Me Schwing, représentant la commune de Bandol. Une note en délibéré, présentée pour la SARL Sosogood, a été enregistrée le 31 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Sosogood, qui exerce une activité de vente ambulante de nourriture et de boissons sur le domaine public, relève appel du jugement du 10 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Bandol du 15 juin 2020 réglementant l'exercice de la vente ambulante à Bandol. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. La SARL Sosogood reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de ce que l'arrêté contesté du 15 juin 2020 a été signé par une autorité incompétente. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges. 3. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique (...) / 3° Le maintien du bon ordre (...) / 4° L'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la mesure et sur la salubrité des comestibles exposés en vue de la vente (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-3 du même code : " La police municipale des communes riveraines de la mer s'exerce sur le rivage de la mer jusqu'à la limite des eaux. ". 4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué autorise, à son article 1er, les activités de vente ambulante du 1er juillet 2020 au 1er septembre 2020, entre 10 heures et 15 heures, sur les plages dénommées " plage du grand vallat ", " plage du casino ", " plage centrale " et " plage de Renecros ". Si la société Sosogood souligne qu'aucune activité n'est possible sur ces plages du 1er janvier 2020 au 30 juin 2020 et du 2 septembre 2020 au 31 décembre 2020, il est constant que l'arrêté litigieux a pour effet d'autoriser la vente ambulante pendant la haute saison touristique qui constitue l'essentiel du chiffre d'affaires de ces commerçants, durant cinq heures par jour, et sur les plages précitées. De surcroît, en vertu de l'article 2 de l'arrêté, l'activité de vente ambulante peut être exercée toute l'année et sans restriction de période et d'horaire sur trois autres plages situées sur le territoire de la commune. Il suit de là que contrairement à ce que soutient la société Sosogood, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme prévoyant une interdiction à caractère général et absolu. 5. Il ressort en outre des éléments du dossier, qu'eu égard à l'importante fréquentation des quatre plages en cause et de leurs abords qui connaissent une importante affluence durant l'été, ainsi qu'à la nature des lieux, l'activité de vente ambulante sur ces plages présentait pour la circulation et l'ordre public en période estivale, soit du 1er juillet 2020 au 1er septembre 2020, des inconvénients de nature à justifier la règlementation de l'exercice des ventes ambulantes sur une durée limitée. A cet effet, le maire de Bandol, à qui il appartient, dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale, de réglementer dans l'intérêt de la sécurité, de la tranquillité, de la salubrité publiques et plus généralement de l'ordre public, la vente de marchandises par des commerçants ambulants, s'est notamment appuyé sur les motifs liés à " l'affluence exceptionnelle de personnes sur les plages et leurs abords en période estivale " et aux difficultés qu'entraîne cette affluence pour garantir " le maintien de l'hygiène publique ". La société appelante ne conteste pas sérieusement le bien-fondé des motifs qui ont justifié l'arrêté attaqué, en se fondant sur les circonstances que les plages autorisées sans restriction sont peu fréquentées et difficiles d'accès, et qu'un vendeur ambulant exerçant son activité sur la plage d'une autre commune réalise, entre 15 heures et 19 heures, des recettes plus importantes. Enfin, la mesure, prévue à l'article 1er de l'arrêté, interdisant aux vendeurs ambulants de s'arrêter devant les établissements commerciaux dans un rayon de 10 mètres, n'apparait ni excessive, ni disproportionnée, eu égard à l'espace important demeurant accessible à la vente ambulante sur les plages concernées et à la circonstance que trois des quatre plages ne comportent au maximum, dans leur environnement immédiat, que deux établissements. Les vendeurs ambulants étant, en outre, placés dans une situation différente de celle de ces établissements commerciaux, une telle mesure ne porte pas davantage atteinte au principe d'égalité. 6. Par suite et dans ces circonstances, le maire de la commune de Bandol a pu, sans porter une atteinte illégale au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, restreindre l'exercice du commerce ambulant par la mesure d'interdiction contestée. 7. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que l'arrêté contesté, s'il mentionne que " la prolifération des ventes ambulantes aux abords des plages entraîne des conséquences économiques et sociales importantes en ce qu'elles nuisent à la vitalité commerciale des communes ", est justifié par des motifs d'ordre public et n'est ainsi, en tout état de cause, pas inspiré par le seul souci de protéger le commerce local exercé notamment sur le domaine public. Dès lors, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté. 8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL Sosogood n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juin 2020 du maire de la commune de Bandol. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bandol, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Sosogood demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SARL Sosogood une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Bandol et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de la SARL Sosogood est rejetée. Article 2 : La SARL Sosogood versera à la commune de Bandol une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée Sosogood et à la commune de Bandol. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA01055
CETATEXT000048424391
J6_L_2023_11_00022MA01056
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/43/CETATEXT000048424391.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01056, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA01056
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
AARPI CLAMENCE AVOCATS
M. Nicolas DANVEAU
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Sosogood a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 31 mai 2019 du maire de Saint-Raphaël réglementant l'activité de vente ambulante sur le littoral de cette commune. Par un jugement n° 1902726 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 8 avril 2022, 22 septembre 2022 et 18 octobre 2022, et un mémoire récapitulatif présenté en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 18 octobre 2022, la SARL Sosogood, représentée par Me Varron Charrier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 février 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 31 mai 2019 du maire de Saint-Raphaël ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Raphaël la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté instaure une interdiction à caractère général et absolu de l'exercice de la vente ambulante et constitue ainsi une mesure de police illégale, qui n'est justifiée par aucun motif d'intérêt général ; les seules plages autorisées sont des calanques, criques et plages inaccessibles ; - l'article 2 de l'arrêté soumettant l'activité de commerce ambulant à l'octroi préalable d'une autorisation est illégal ; il méconnaît le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et le principe d'égalité ; - le régime d'autorisation préalable prévu par l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques est inapplicable à la vente ambulante ; - la décision est entachée d'un détournement de pouvoir. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 18 juillet 2022 et 6 octobre 2022, et un mémoire récapitulatif présenté en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 20 octobre 2022, la commune de Saint-Raphaël, représentée par la SELAS LLC et associés, agissant par Me Garcia, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 3 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 18 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 janvier 2023. Un mémoire, présenté pour la SARL Sosogood le 15 octobre 2023, enregistré postérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - les observations de M. A..., gérant de la SARL Sosogood, et de Me Baudino, représentant la commune de Saint-Raphaël. Une note en délibéré, présentée pour la SARL Sosogood, a été enregistrée le 31 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Sosogood, qui exerce une activité de vente ambulante de nourriture et de boissons sur le domaine public, relève appel du jugement du 10 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Saint-Raphaël du 31 mai 2019 réglementant l'exercice de la vente ambulante à Saint-Raphaël. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique (...) / 3° Le maintien du bon ordre (...) / 4° L'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la mesure et sur la salubrité des comestibles exposés en vue de la vente (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-3 du même code : " La police municipale des communes riveraines de la mer s'exerce sur le rivage de la mer jusqu'à la limite des eaux. ". 3. Il ressort des termes de l'article 1er de l'arrêté litigieux que l'interdiction d'exercer les ventes ambulantes ne porte que sur la période du 2 juin 2019 au 29 septembre 2019, et pour les horaires compris entre 11 heures et 18 heures 30. Cette interdiction, qui ne s'applique au demeurant pas sur l'intégralité du territoire de la commune, ne vise que huit des vingt-huit plages ou calanques situées à Saint-Raphaël et ne s'applique en tout état de cause pas les autres mois de l'année. Ainsi et contrairement à ce que soutient la SARL Sosogood, cette interdiction, si elle concerne les plages les plus fréquentées de la commune, est de portée limitée et ne revêt donc pas un caractère général et absolu. Par ailleurs, le maire de Saint-Raphaël, à qui il appartient, dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale, de réglementer dans l'intérêt de la sécurité, de la tranquillité, de la salubrité publiques et plus généralement de l'ordre public, la vente de marchandises par des commerçants ambulants, s'est appuyé sur les motifs tirés de ce que le littoral de la commune connaît une forte affluence touristique constatée chaque année en période estivale, nécessitant une surveillance renforcée inconciliable avec la présence de vendeurs ambulants en nombre important. Par suite, et quel que soit l'intérêt commercial que présentent les horaires compris entre 11 heures et 18 heures 30, le maire de Saint-Raphaël n'a pas méconnu l'étendue de ses pouvoirs de police et a pu, sans porter une atteinte illégale au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, restreindre l'exercice du commerce ambulant par la mesure d'interdiction contestée. 4. La société appelante soutient par ailleurs que le maire ne pouvait soumettre les marchands ambulants à une autorisation préalable d'activité et que de ce fait, l'article 2 de l'arrêté en litige, qui soumet l'exercice de " toute activité de commerce " à l'octroi d'une autorisation d'occuper temporairement le domaine public sur des emplacements déterminés est illégal. Toutefois, d'une part, et ainsi qu'il a été dit, le maire tient de son pouvoir de police, et notamment des articles L. 2212-2 et L. 2212-3 du code général des collectivités territoriales, le pouvoir de réglementer ou d'interdire la vente ambulante sur le territoire de sa commune, en particulier sur le domaine public maritime, dans l'intérêt de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques, sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie. D'autre part, il ne résulte pas de l'article 2 de l'arrêté litigieux, qui prévoit la délivrance d'autorisations d'occupation temporaire du domaine public portant sur des emplacements créés en nombre déterminé, que la commune de Saint-Raphaël ait entendu soumettre l'exercice de l'activité de vendeur ambulant à un régime d'autorisation préalable, laquelle n'implique, par nature, ni une occupation permanente d'une même portion de plage ni une installation de quelque nature que ce soit sur le domaine public requérant la délivrance d'une autorisation d'occupation. Au surplus, la commune de Saint-Raphaël fait valoir que ces dispositions de l'arrêté ont pour objet de s'appliquer aux commerçants, qui, sous couvert d'exercer une activité ambulante, stationnent au même endroit de manière prolongée sur le domaine public sans autorisation préalable. Elle ajoute, sans être sérieusement contredite, que la SARL Sosogood, comme tous les autres commerçants ambulants, a exercé librement son activité, dans le cadre fixé par l'article 1er de l'arrêté litigieux, sans que la délivrance d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public ne soit requise, et que l'ordonnance pénale du 24 août 2020 du tribunal judiciaire de Draguignan l'a condamnée seulement pour avoir exercé, le 30 juin 2019, son activité ambulante sur la plage d'Agay à défaut d'avoir respecté les horaires prescrits par l'article 1er de l'arrêté. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 2 de l'arrêté attaqué sont illégales et méconnaissent le principe de la liberté du commerce et de l'industrie. 5. Pour les mêmes motifs, et dès lors qu'il ne résulte pas de la lecture de l'article 2 de l'arrêté litigieux que le maire ait entendu instaurer un régime d'autorisation préalable à la profession de vendeur ambulant, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre les candidats à l'exercice de cette activité ne peut qu'être écarté. 6. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (...) ". 7. Il résulte de ce qui a été exposé et des termes mêmes de l'arrêté contesté qu'en réglementant au titre de ses pouvoirs de police générale, dans l'intérêt de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques, la vente ambulante sur le littoral de sa commune, le maire de Saint-Raphaël n'a pas entendu faire application des dispositions de l'article. L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, au demeurant non visées dans l'arrêté attaqué, qui soumettent l'occupation ou l'utilisation privative du domaine public à la délivrance d'une autorisation. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le maire de la commune de Saint-Raphaël a, par l'arrêté contesté, fait à tort application des dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques ne peut qu'être écarté. 8. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que l'arrêté contesté est justifié par les motifs d'ordre public précités. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société appelante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Saint-Raphaël, en prenant cette mesure de portée limitée, ait eu pour objectif de protéger les commerces sédentaires situés à proximité des plages en cause. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit dès lors être écarté. 9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL Sosogood n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mai 2019 du maire de Saint-Raphaël. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Raphaël, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Sosogood demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SARL Sosogood une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Raphaël et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de la SARL Sosogood est rejetée. Article 2 : La SARL Sosogood versera à la commune de Saint-Raphaël une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée Sosogood et à la commune de Saint-Raphaël. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA01056
CETATEXT000048424400
J6_L_2023_11_00022MA01461
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01461, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA01461
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme FEDI
POMEON
M. Jérôme MAHMOUTI
M. GAUTRON
Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mahmouti, - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Une note en délibéré, enregistrée le 27 octobre 2023, a été produite pour M. et Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. La SASU Hôtel du Golf, dont le siège est situé à Saint-Etienne, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 12 décembre 2016 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 lui ont été notifiés ainsi que des amendes, par une proposition de rectification du 21 décembre 2017. Par un courrier du 19 février 2018, la société a désigné M. B... A... comme bénéficiaire de certains revenus distribués. L'administration en a tiré les conséquences en adressant à celui-ci et son épouse une proposition de rectification datée du 3 mai 2018 dans laquelle ces sommes ont été considérées comme des distributions occultes au sens des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts et les assujettissant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2015. Les époux A... relèvent appel du jugement du 28 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la décharge desdites cotisations. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la procédure d'imposition : 2. Les requérants réitèrent en appel, et par la même argumentation, le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance tiré de ce que la proposition de rectification datée du 3 mai 2018 serait insuffisamment motivée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 2 et 3 du jugement attaqué. En ce qui concerne le bien-fondé des impositions : S'agissant de la charge de la preuve : 3. La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ayant pas été saisie pour avis, les dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables aux impositions en litige. Celles-ci ayant été établies à la suite de rectifications proposées selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales et les requérants les ayant refusées, la charge de la preuve de leur bien-fondé incombe, par conséquent, à l'administration. S'agissant du rejet de la comptabilité de la SASU Hôtel du Golf : 4. Si les requérants contestent l'ensemble des motifs par lesquels la vérificatrice a rejeté la comptabilité de la SASU Hôtel du golf comme non sincère et probante, il résulte de l'instruction que cette société n'a pas conservé l'intégralité de ses fichiers comptables informatiques sur l'ensemble de la période vérifiée alors que sa comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés. Elle n'a présenté que des fichiers concernant 476 journées au lieu de 1 096 jours représentant la période vérifiée. S'ils soutiennent également que cette société a présenté à la vérificatrice l'intégralité des tickets Z en format papier, il est constant que l'ensemble des fichiers informatiques n'avait pas été conservé et que la comptabilité tenue sur support informatique n'avait pas été présentée de manière complète en méconnaissance des articles L. 13, L. 47 A II et L. 102 B du livre des procédures fiscales et que la seule production des tickets journaliers ou mensuels " Z " n'est pas suffisante pour vérifier l'exhaustivité de l'enregistrement des recettes. La vérificatrice a également relevé une rupture de la chaîne informatique entre la saisie des opérations sur le logiciel de gestion commerciale et leur comptabilisation effective dû au fait que l'édition des factures ou notes de caisse n'entraînait pas leur comptabilisation automatique et que, quotidiennement, avant le service de midi, il était procédé à une remise à zéro de la caisse enregistreuse et les documents papiers édités (bandes de contrôle) étaient remis au gérant qui se chargeait de leur comptabilisation via un tableau Excel. Elle a souligné que le caractère insuffisamment détaillé de la liste des articles enregistrés sur les logiciels de caisse ne permettait pas d'identifier précisément les articles revendus et a relevé des irrégularités dans les tickets de caisse, établis à des heures et pour des tables différentes avec des montants différents qui comportent le même numéro, des interruptions dans la séquentialité des numéros de tickets de caisse et le caractère incomplet des produits vendus figurant sur les tickets. Les éléments ainsi relevés par l'administration sont suffisants pour ne pas la mettre en mesure de vérifier la réalité des recettes encaissées et sont suffisamment graves pour ôter tout caractère probant à la comptabilité de la société. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a rejeté la comptabilité de la société comme non probante et procédé à la reconstitution de ses recettes. S'agissant de la reconstitution des recettes de la SASU Hôtel du Golf : 5. L'administration a reconstitué les recettes de l'activité de restauration de cette société à partir du chiffre d'affaires généré par la vente de vins. Il résulte des termes de la proposition de rectification du 21 décembre 2017 que l'administration a déterminé le " chiffre d'affaires vin " de la société à partir des quantités achetées, obtenues par le dépouillement des factures d'achat, auxquelles ont été ajoutées les quantités en stock au 1er janvier de l'année, puis retranchées les quantités en stock au 31 décembre de la même année, à partir des données figurant sur les inventaires transmis par la société. Les recettes " vins en bouteille " ont ensuite été calculées en multipliant les achats consommés de chaque produit par les prix de vente moyen constatés sur la période vérifiée, et les recettes " vins en verre et en pots " ont été déterminées, après répartition entre les ventes de différents contenants, sur la base des ventes enregistrées sur les bandes de contrôle de caisse fournies et après prise en compte des achats non revendus tels quels (vins faisant partie des menus avec vin compris, soirée de l'AS Saint-Etienne). Il résulte également de la proposition de rectification que la détermination du " chiffre d'affaires restaurant " a été effectuée à partir des recettes de la vente du vin, selon les modalités précédemment exposées, auxquelles ont été appliquées un coefficient de 11% correspondant au pourcentage des recettes vins par rapport au total des recettes restaurant. Ce pourcentage a été calculé à partir des données partielles issues des fichiers de retranscription sur tableur des " tickets Z " mensuels transmis par la société le 24 octobre 2017 pour les mois de janvier, février, mars, juin, octobre, novembre et décembre 2015 et sur la période courant des mois d'avril 2015 à décembre 2016. Afin de déterminer les recettes nettes de l'activité restauration, le service vérificateur a ensuite déterminé un montant d'offert aux clients de 64 437 euros par an à partir de la somme des offerts figurant sur les bandes de caisse détaillées fournies par la société seulement sur 476 jours qu'elle a extrapolée aux 1 096 jours de la période vérifiée. 6. Si les requérants soutiennent que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée, il résulte de l'instruction que la vérificatrice a utilisé la méthode des vins rappelée au point précédent, laquelle ne saurait, dans son principe, être radicalement viciée. 7. S'agissant des erreurs relevées par les requérants affectant, selon eux, les résultats de la reconstitution de recettes opérée, il résulte de l'instruction que le taux de 11 % de recettes vins dans les recettes du restaurant retenu par la vérificatrice ressort de l'analyse de la propre comptabilité de la SASU Hôtel du Golf dès lors que la vérificatrice a utilisé les lignes des comptes " 70114000-CA restaurant 10 % " et " 70113000-CA restaurant 20 % " figurant dans les fichiers conservés par la société vérifiée pour calculer le chiffre d'affaires " restaurant hors vin " et le chiffre d'affaires " vin " et en déterminer le taux susmentionné. En outre, il est constant que seule l'activité " restaurant " exercée par cette société a fait l'objet d'une reconstitution de recettes et non l'activité " hôtellerie ". Si les requérants soutiennent que le poste " petit déjeuner " ne peut être pris en considération dans la reconstitution du chiffre d'affaires " restaurant ", il ressort de la propre comptabilité de la société vérifiée qu'elle a elle-même comptabilisé ce poste dans son activité " restaurant " ainsi qu'il ressort de l'analyse des comptes susvisés. Ils ne sauraient ainsi soutenir que ce poste aurait dû être extourné de la reconstitution de recettes s'agissant de la partie " restaurant ". En outre, si le tableau figurant en page 16 de la proposition de rectification mentionne, à tort, une double-ligne " soirée étape # ", il ressort des calculs effectués sur ce tableau que la ligne supplémentaire n'a pas été comptabilisée. Enfin, si les requérants font valoir que le service vérificateur n'aurait pas ventilé les " postes soirée étape, soirée rest-forfait semin. nour ", il ressort toutefois du tableau précité que ces postes dont les données sont issues des fichiers transmis par la société ont été différenciés par la vérificatrice. 8. S'agissant des offerts, il résulte de la proposition de rectification adressée à la SASU Hôtel du golf que la vérificatrice a déterminé un montant d'offerts à partir de la somme des montants figurant sur les bandes de caisse, qui n'ont pu être fournies par la société que pour 476 jours, que le service a ensuite extrapolé aux 1 096 jours de la période vérifiée, justifiant un montant d'offerts identique pour l'ensemble de la période en cause. Les requérants ne contestent pas utilement ce montant d'offerts en présentant un tableau retraçant les offerts réalisés pour certains évènements et en les ajoutant au montant obtenu par la vérificatrice, lequel a déjà intégré l'ensemble des offerts réalisés. Si les requérants estiment que l'administration a sous-estimé la consommation de vin lors des soirées de l'AS Saint-Etienne et que sa politique commerciale n'a pas été prise en considération, ils ne produisent aucun élément comptable probant de nature à corroborer ses allégations. Enfin, ils ne justifient pas du taux de perte de 2 % qu'ils revendiquent pour les vins perdus, bouchonnés ou consommés par le personnel alors que la vérificatrice a extourné de la reconstitution le vin utilisé en cuisine. 9. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la société aurait comptabilisé les recettes de vin servi au bar dans d'autres comptes que ceux évoqués au point 7. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le vin consommé au bar n'aurait pas été pris en compte. 10. Les requérants contestent la contenance des verres retenue par la vérificatrice. Toutefois, il résulte de l'instruction que celle-ci a justifié des raisons pour lesquelles elle ne retenait pas la contenance de 18 cl figurant en comptabilité pour lui substituer celle de 12 cl par verre. Elle a en effet relevé qu'une contenance au verre de vin vendu de 18 cl était incohérente dès lors que le prix de vente au centilitre pour le vin vendu au verre serait alors inférieur au prix de vente au centilitre pour le même vin vendu en bouteille ou en pot. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le prix de vente du vin, ramené au centilitre, étant d'autant plus élevé que son volume est petit, la contenance évoquée par la société vérifiée n'apparait pas justifiée. 11. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du chiffre d'affaires reconstitué au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 et du rehaussement des bénéfices en découlant. S'agissant des revenus distribués résultant des minorations de recettes de la SASU Hôtel du golf : 12. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". 13. L'administration a estimé que la SASU Hôtel du golf avait, dans son courrier daté du 19 février 2018, désigné M. A... comme le bénéficiaire des charges non engagées dans l'intérêt de la société et des revenus issus des minorations de recettes de la société et considéré ces sommes comme des rémunérations et avantages occultes distribués à M. A..., constituant des avantages occultes au profit de l'intéressé, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. 14. Il résulte de l'instruction que, comme les requérants le soutiennent pour la première fois en appel, M. A... n'a été désigné par la SASU Hôtel du golf comme le bénéficiaire des minorations de recettes qu'au titre de l'année 2014 et non s'agissant de l'année 2015. 15. L'administration fait cependant valoir que ces revenus distribués par la SASU Hôtel du golf au titre dudit exercice, qui procèdent du rehaussement des bénéfices de la société, doivent être imposés sur le fondement des dispositions du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts aux termes duquel : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". 16. Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. La qualité de seul maître de l'affaire suffit en outre à regarder le contribuable comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, en l'application du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, par la société en cause, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes étant sans incidence à cet égard. 17. L'administration fait valoir que, lors de la vérification de comptabilité de la SASU Hôtel du golf, M. B... A... était, sur la période vérifiée, le gérant de la SARL Manade finances, associée unique de ladite SASU, et que l'intéressé, d'ailleurs officiellement directeur général de cette société depuis le 7 juin 2018, a répondu d'une manière des plus avisées et circonstanciées sur le fonctionnement quotidien de l'enregistrement comptable de cette entreprise. Si les requérants soutiennent que l'administration ne démontre pas le rôle joué par les associés au sein de la SARL Manade finances alors que les statuts de cette société précisent que le gérant est révocable par des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, ils ne remettent toutefois pas de la sorte que M. A... exerçait, sur ladite période, la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et disposait sans contrôle de ses fonds, la circonstance selon laquelle un conflit a surgi entre les associés n'étant, à elle seule et sans autre précision ni justification sur ses conséquences sur son fonctionnement, pas de nature à démontrer que ce conflit lui aurait fait perdre la direction effective de l'affaire. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration considère que M. A... était le maître de l'affaire et doit, par suite, être regardé comme ayant appréhendé les sommes réputées distribuées par la SASU Hôtel du golf. Par suite, sa qualité de seul maître de l'affaire suffit à le regarder comme bénéficiaire des revenus distribués, en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, résultant des rehaussements des bénéfices imposables de la SASU Hôtel du golf au titre de l'exercice clos en 2015. L'administration, qui est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition, est bien fondée à demander que les revenus précités soit imposés sur le fondement du 1° de l'article 109-1 précité dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, cette substitution de base légale ne privant les appelants d'aucune garantie de procédure. En ce qui concerne les pénalités : 18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). ". 19. Les requérants réitèrent en appel leur moyen tiré de l'absence de justification du bien-fondé de la pénalité pour manquement délibéré mise à leur charge. Compte tenu toutefois de ce que M. A... ne pouvait ignorer, en sa qualité de maître de l'affaire, les graves irrégularités entachant la comptabilité de la SASU Hôtel du golf et dont il est à l'origine, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention de celui-ci d'éluder l'impôt et, par suite, le caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés. Par suite, c'est à bon droit qu'elle lui a infligé les pénalités en litige. 20. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande. Sur les frais liés au litige : 21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par les requérants non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. et Mme B... A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est et à la direction contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA01461
CETATEXT000048424402
J6_L_2023_11_00022MA01462
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424402.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01462, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA01462
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme FEDI
POMEON
M. Jérôme MAHMOUTI
M. GAUTRON
Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mahmouti, - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Une note en délibéré, enregistrée le 27 octobre 2023, a été produite pour M. et Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. La SASU Hôtel du Golf, dont le siège est situé à Saint-Etienne, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 12 décembre 2016 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 lui ont été notifiés ainsi que des amendes, par une proposition de rectification du 21 décembre 2017. Par un courrier du 19 février 2018, la société a désigné M. B... A... comme bénéficiaire de certains revenus distribués. L'administration en a tiré les conséquences en adressant à celui-ci et son épouse une proposition de rectification datée du 3 mai 2018 dans laquelle ces sommes ont été considérées comme des distributions occultes au sens des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts et les assujettissant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2016. Les époux A... relèvent appel du jugement du 28 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la décharge desdites cotisations. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la procédure d'imposition : 2. Les requérants réitèrent en appel, et par la même argumentation, le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance tiré de ce que la proposition de rectification datée du 3 mai 2018 serait insuffisamment motivée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 2 et 3 du jugement attaqué. En ce qui concerne le bien-fondé des impositions : S'agissant de la charge de la preuve : 3. La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ayant pas été saisie pour avis, les dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables aux impositions en litige. Celles-ci ayant été établies à la suite de rectifications proposées selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales et les requérants les ayant refusées, la charge de la preuve de leur bien-fondé incombe, par conséquent, à l'administration. S'agissant du rejet de la comptabilité de la SASU Hôtel du Golf : 4. Si les requérants contestent l'ensemble des motifs par lesquels la vérificatrice a rejeté la comptabilité de la SASU Hôtel du golf comme non sincère et probante, il résulte de l'instruction que cette société n'a pas conservé l'intégralité de ses fichiers comptables informatiques sur l'ensemble de la période vérifiée alors que sa comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés. Elle n'a présenté que des fichiers concernant 476 journées au lieu de 1 096 jours représentant la période vérifiée. S'ils soutiennent également que cette société a présenté à la vérificatrice l'intégralité des tickets Z en format papier, il est constant que l'ensemble des fichiers informatiques n'avait pas été conservé et que la comptabilité tenue sur support informatique n'avait pas été présentée de manière complète en méconnaissance des articles L. 13, L. 47 A II et L. 102 B du livre des procédures fiscales et que la seule production des tickets journaliers ou mensuels " Z " n'est pas suffisante pour vérifier l'exhaustivité de l'enregistrement des recettes. La vérificatrice a également relevé une rupture de la chaîne informatique entre la saisie des opérations sur le logiciel de gestion commerciale et leur comptabilisation effective dû au fait que l'édition des factures ou notes de caisse n'entraînait pas leur comptabilisation automatique et que, quotidiennement, avant le service de midi, il était procédé à une remise à zéro de la caisse enregistreuse et les documents papiers édités (bandes de contrôle) étaient remis au gérant qui se chargeait de leur comptabilisation via un tableau Excel. Elle a souligné que le caractère insuffisamment détaillé de la liste des articles enregistrés sur les logiciels de caisse ne permettait pas d'identifier précisément les articles revendus et a relevé des irrégularités dans les tickets de caisse, établis à des heures et pour des tables différentes avec des montants différents qui comportent le même numéro, des interruptions dans la séquentialité des numéros de tickets de caisse et le caractère incomplet des produits vendus figurant sur les tickets. Les éléments ainsi relevés par l'administration sont suffisants pour ne pas la mettre en mesure de vérifier la réalité des recettes encaissées et sont suffisamment graves pour ôter tout caractère probant à la comptabilité de la société. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a rejeté la comptabilité de la société comme non probante et procédé à la reconstitution de ses recettes. S'agissant de la reconstitution des recettes de la SASU Hôtel du Golf : 5. L'administration a reconstitué les recettes de l'activité de restauration de la société à partir du chiffre d'affaires généré par la vente de vins. Il résulte des termes de la proposition de rectification du 21 décembre 2017 que l'administration a déterminé le " chiffre d'affaires vin " de la société à partir des quantités achetées, obtenues par le dépouillement des factures d'achat, auxquelles ont été ajoutées les quantités en stock au 1er janvier de l'année, puis retranchées les quantités en stock au 31 décembre de la même année, à partir des données figurant sur les inventaires transmis par la société. Les recettes " vins en bouteille " ont ensuite été calculées en multipliant les achats consommés de chaque produit par les prix de vente moyen constatés sur la période vérifiée, et les recettes " vins en verre et en pots " ont été déterminées, après répartition entre les ventes de différents contenants, sur la base des ventes enregistrées sur les bandes de contrôle de caisse fournies et après prise en compte des achats non revendus tels quels (vins faisant partie des menus avec vin compris, soirée de l'AS Saint-Etienne). Il résulte également de la proposition de rectification que la détermination du " chiffre d'affaires restaurant " a été effectuée à partir des recettes de la vente du vin, selon les modalités précédemment exposées, auxquelles ont été appliquées un coefficient de 11% correspondant au pourcentage des recettes vins par rapport au total des recettes restaurant. Ce pourcentage a été calculé à partir des données partielles issues des fichiers de retranscription sur tableur des " tickets Z " mensuels transmis par la société le 24 octobre 2017 pour les mois de janvier, février, mars, juin, octobre, novembre et décembre 2015 et sur la période courant des mois d'avril 2015 à décembre 2016. Afin de déterminer les recettes nettes de l'activité restauration, le service vérificateur a ensuite déterminé un montant d'offert aux clients de 64 437 euros par an à partir de la somme des offerts figurant sur les bandes de caisse détaillées fournies par la société seulement sur 476 jours qu'elle a extrapolée aux 1 096 jours de la période vérifiée. 6. Si les requérants soutiennent que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée, il résulte de l'instruction que la vérificatrice a utilisé la méthode des vins rappelée au point précédent, laquelle ne saurait, dans son principe, être radicalement viciée. 7. S'agissant des erreurs relevées par les requérants affectant, selon eux, les résultats de la reconstitution de recettes opérée, il résulte de l'instruction que le taux de 11 % de recettes vins dans les recettes du restaurant retenu par la vérificatrice ressort de l'analyse de la propre comptabilité de la SASU Hôtel du Golf dès lors que la vérificatrice a utilisé les lignes des comptes " 70114000-CA restaurant 10 % " et " 70113000-CA restaurant 20 % " figurant dans les fichiers conservés par la société vérifiée pour calculer le chiffre d'affaires " restaurant hors vin " et le chiffre d'affaires " vin " et en déterminer le taux susmentionné. En outre, il est constant que seule l'activité " restaurant " exercée par cette société a fait l'objet d'une reconstitution de recettes et non l'activité " hôtellerie ". Si les requérants soutiennent que le poste " petit déjeuner " ne peut être pris en considération dans la reconstitution du chiffre d'affaires " restaurant ", il ressort de la propre comptabilité de la société vérifiée qu'elle a elle-même comptabilisé ce poste dans son activité " restaurant " ainsi qu'il ressort de l'analyse des comptes susvisés. Ils ne sauraient ainsi soutenir que ce poste aurait dû être extourné de la reconstitution de recettes s'agissant de la partie " restaurant ". En outre, si le tableau figurant en page 16 de la proposition de rectification mentionne, à tort, une double-ligne " soirée étape # ", il ressort des calculs effectués sur ce tableau que la ligne supplémentaire n'a pas été comptabilisée. Enfin, si les requérants font valoir que le service vérificateur n'aurait pas ventilé les " postes soirée étape, soirée rest-forfait semin. nour ", il ressort toutefois du tableau précité que ces postes dont les données sont issues des fichiers transmis par la société ont été différenciés par la vérificatrice. 8. S'agissant des offerts, il résulte de la proposition de rectification adressée à la SASU Hôtel du golf que la vérificatrice a déterminé un montant d'offerts à partir de la somme des montants figurant sur les bandes de caisse, qui n'ont pu être fournies par la société que pour 476 jours, que le service a ensuite extrapolé aux 1 096 jours de la période vérifiée, justifiant un montant d'offerts identique pour l'ensemble de la période en cause. Les requérants ne contestent pas utilement ce montant d'offerts en présentant un tableau retraçant les offerts réalisés pour certains évènements et en les ajoutant au montant obtenu par la vérificatrice, lequel a déjà intégré l'ensemble des offerts réalisés. Si les requérants estiment que l'administration a sous-estimé la consommation de vin lors des soirées de l'AS Saint-Etienne et que sa politique commerciale n'a pas été prise en considération, ils ne produisent aucun élément comptable probant de nature à corroborer ses allégations. Enfin, ils ne justifient pas du taux de perte de 2 % qu'ils revendiquent pour les vins perdus, bouchonnés ou consommés par le personnel alors que la vérificatrice a extourné de la reconstitution le vin utilisé en cuisine. 9. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la société aurait comptabilisé les recettes de vin servi au bar dans d'autres comptes que ceux évoqués au point 7. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le vin consommé au bar n'aurait pas été pris en compte. 10. Les requérants contestent la contenance des verres retenue par la vérificatrice. Toutefois, il résulte de l'instruction que celle-ci a justifié des raisons pour lesquelles elle ne retenait pas la contenance de 18 cl figurant en comptabilité pour lui substituer celle de 12 cl par verre. Elle a en effet relevé qu'une contenance au verre de vin vendu de 18 cl était incohérente dès lors que le prix de vente au centilitre pour le vin vendu au verre serait alors inférieur au prix de vente au centilitre pour le même vin vendu en bouteille ou en pot. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le prix de vente du vin, ramené au centilitre, étant d'autant plus élevé que son volume est petit, la contenance évoquée par la société vérifiée n'apparait pas justifiée. 11. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du chiffre d'affaires reconstitué au titre des exercices clos les 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 et du rehaussement des bénéfices en découlant. S'agissant des revenus distribués résultant des minorations de recettes de la SASU Hôtel du golf : 12. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". 13. L'administration a estimé que la SASU Hôtel du golf avait, dans son courrier daté du 19 février 2018, désigné M. A... comme le bénéficiaire des charges non engagées dans l'intérêt de la société et des revenus issus des minorations de recettes de la société et considéré ces sommes comme des rémunérations et avantages occultes distribués à M. A..., constituant des avantages occultes au profit de l'intéressé, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. 14. Il résulte de l'instruction que, comme les requérants le soutiennent pour la première fois en appel, M. A... n'a été désigné par la SASU Hôtel du golf comme le bénéficiaire des minorations de recettes qu'au titre de l'année 2014 et non s'agissant de l'année 2016. 15. L'administration fait cependant valoir que ces revenus distribués par la SASU Hôtel du golf au titre de l'exercice précité, qui procèdent du rehaussement des bénéfices de la société, doivent être imposés sur le fondement des dispositions du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts aux termes duquel : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". 16. Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. La qualité de seul maître de l'affaire suffit en outre à regarder le contribuable comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, en l'application du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, par la société en cause, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes étant sans incidence à cet égard. 17. L'administration fait valoir que, lors de la vérification de comptabilité de la SASU Hôtel du golf, M. B... A... était, sur la période vérifiée, le gérant de la SARL Manade finances, associée unique de ladite SASU, et que l'intéressé, d'ailleurs officiellement directeur général de cette société depuis le 7 juin 2018, a répondu d'une manière des plus avisées et circonstanciées sur le fonctionnement quotidien de l'enregistrement comptable de cette entreprise. Si les requérants soutiennent que l'administration ne démontre pas le rôle joué par les associés au sein de la SARL Manade finances alors que les statuts de cette société précisent que le gérant est révocable par des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, ils ne remettent toutefois pas de la sorte que M. A... exerçait, sur ladite période, la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et disposait sans contrôle de ses fonds, la circonstance selon laquelle un conflit a surgi entre les associés n'étant, à elle seule et sans autre précision ni justification sur ses conséquences sur son fonctionnement, pas de nature à démontrer que ce conflit lui aurait fait perdre la direction effective de l'affaire. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration considère que M. A... était le maître de l'affaire et doit, par suite, être regardé comme ayant appréhendé les sommes réputées distribuées par la SASU Hôtel du golf. Par suite, sa qualité de seul maître de l'affaire suffit à le regarder comme bénéficiaire des revenus distribués, en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, résultant des rehaussements des bénéfices imposables de la SASU Hôtel du golf au titre de l'exercice clos en 2016. L'administration, qui est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition, est bien fondée à demander que les revenus précités soit imposés sur le fondement du 1° de l'article 109-1 précité dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, cette substitution de base légale ne privant les appelants d'aucune garantie de procédure. En ce qui concerne les pénalités : 18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". 19. Les requérants réitèrent en appel leur moyen tiré de l'absence de justification du bien-fondé de la pénalité pour manquement délibéré mise à leur charge. Compte tenu toutefois de ce que M. A... ne pouvait ignorer, en sa qualité de maître de l'affaire, les graves irrégularités entachant la comptabilité de la SASU Hôtel du golf et dont il est à l'origine, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention de celui-ci d'éluder l'impôt et, par suite, le caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés. Par suite, c'est à bon droit qu'elle lui a infligé les pénalités en litige. 20. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande. Sur les frais liés au litige : 21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par les requérants non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. et Mme B... A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est et à la direction contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA01462 cm
CETATEXT000048424404
J6_L_2023_11_00022MA01661
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01661, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA01661
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme FEDI
DUDOGNON JESSICA
M. Nicolas DANVEAU
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier de Puget-Theniers à lui payer la somme de 19 960,60 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'absence de requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée et du recours abusif par l'établissement hospitalier à des contrats à durée déterminée. Par un jugement n° 1905099 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de Mme C.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 14 juin 2022, Mme C..., représentée par Me Dudognon, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 avril 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 5 septembre 2019 par laquelle la directrice du centre hospitalier de Puget-Theniers a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices subis du fait de l'absence de requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée et du recours abusif par l'établissement hospitalier à des contrats à durée déterminée ; 3°) de condamner le centre hospitalier de Puget-Theniers à lui payer, en réparation de ses préjudices, la somme de 19 960,60 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2019 ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Puget-Theniers la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête est recevable ; - elle a été titulaire de 33 contrats de travail à durée déterminée qui doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée ; - son employeur a fait un usage abusif des contrats à durée déterminée, contraire à la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union européenne et sa lettre du 3 septembre 2018 constitue un licenciement, ce qui lui ouvre droit à être indemnisée ; - les contrats qu'elle a conclus sont entachés de nullité dès lors qu'ils ne comportent aucune définition précise du motif du recrutement et portent sur des fonctions autres que celles qui ont été effectivement exercées ; les décisions de non-renouvellement sont irrégulièrement fondées sur son état de santé ou sa maternité ; - elle est fondée à obtenir la réparation de ses préjudices pour un montant total de 19 960,60 euros. La procédure a été communiquée au centre hospitalier de Puget-Theniers, qui n'a pas produit d'observations. Par une ordonnance du 30 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mars 2023. Les parties ont été informées le 8 août 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision de rejet de la demande préalable indemnitaire datée du 5 septembre 2019, laquelle a eu pour seul effet de lier le contentieux indemnitaire. Mme C... a répondu à ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 9 août 2023, aux termes duquel elle ne demande plus l'annulation de cette décision du 5 septembre 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union Européenne du 28 juin 1999 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ; - la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ; - le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ; - le décret n° 2015-1434 du 5 novembre 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, rapporteur, - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... a été recrutée par le centre hospitalier de Puget-Theniers à compter du 1er août 2007 par plusieurs contrats de travail à durée déterminée, le dernier de ces contrats étant arrivé à terme le 30 septembre 2018 et n'ayant pas été renouvelé. Elle a demandé à la directrice du centre hospitalier, par lettre du 29 août 2019, l'indemnisation de ses préjudices résultant du recours abusif par l'établissement hospitalier à ces contrats à durée déterminée. Sa demande a été rejetée par décision du 5 septembre 2019. Par un jugement du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Puget-Theniers à lui verser la somme de 19 960,60 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Mme C... relève appel de ce jugement. Sur le désistement partiel : 2. Il ressort du mémoire enregistré le 9 août 2023 devant la cour que Mme C... ne demande plus l'annulation de la décision du 5 septembre 2019 par laquelle la directrice du centre hospitalier de Puget-Theniers a rejeté sa demande indemnitaire préalable. Dès lors, elle doit être regardée comme ayant abandonné ses conclusions dirigées contre cette décision. Un tel désistement partiel étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la requalification des contrats de travail : 3. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction issue de l'article 16 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique : " Par dérogation à l'article 3 du titre Ier du statut général, les emplois permanents mentionnés au premier alinéa de l'article 2 peuvent être occupés par des agents contractuels lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient, notamment lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires hospitaliers susceptibles d'assurer ces fonctions ou lorsqu'il s'agit de fonctions nouvellement prises en charge par l'administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées. / Les emplois à temps non complet d'une durée inférieure au mi-temps et correspondant à un besoin permanent sont occupés par des agents contractuels. / Les agents ainsi recrutés peuvent être engagés par des contrats d'une durée indéterminée ou déterminée. Les contrats à durée déterminée mentionnés ci-dessus sont d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par décision expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. / Si, à l'issue de la période de reconduction mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ". L'article 47 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique a modifié les troisième et quatrième alinéas de cet article 9 et ajouté les cinquième, sixième et septième alinéas selon la rédaction suivante : " Les agents ainsi recrutés peuvent être engagés par des contrats d'une durée indéterminée ou déterminée. Lorsque les contrats sont conclus pour une durée déterminée, celle-ci est au maximum de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par décision expresse dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Tout contrat de travail conclu ou renouvelé en application du présent article avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par décision expresse, pour une durée indéterminée. / La durée de six ans mentionnée au quatrième alinéa est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés au titre du présent article et de l'article 9-1. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même établissement relevant de l'article 2. Pour l'appréciation de cette durée, les services accomplis à temps non complet et à temps partiel sont assimilés à du temps complet. / Les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée de l'interruption entre deux contrats n'excède pas quatre mois. / Lorsqu'un agent atteint les conditions d'ancienneté mentionnées aux quatrième à avant-dernier alinéas avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat. " 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9-1 de cette même loi, dans sa rédaction issue de l'article 17 de la loi du 26 juillet 2005 précitée : " Les établissements peuvent recruter des agents contractuels pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires hospitaliers indisponibles ou autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel. Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats d'une durée déterminée. / Ils peuvent également recruter des agents contractuels pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par le présent titre. ". Aux termes du I de cet article 9-1, dans sa version modifiée par l'article 48 de la loi du 12 mars 2012 précitée : " I. - Les établissements peuvent recruter des agents contractuels pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires ou d'agents contractuels autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé annuel, d'un congé de maladie, de grave ou de longue maladie, d'un congé de longue durée, d'un congé pour maternité ou pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, d'un congé de solidarité familiale, de l'accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux ou de leur participation à des activités dans le cadre des réserves opérationnelle, de sécurité civile ou sanitaire ou en raison de tout autre congé régulièrement octroyé en application des dispositions réglementaires applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière. / Le contrat est conclu pour une durée déterminée. Il est renouvelable, par décision expresse, dans la limite de la durée de l'absence de l'agent à remplacer. ". 5. Enfin, aux termes de l'article 41 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Lorsque l'agent contractuel a été recruté par un contrat à durée déterminée susceptible d'être renouvelé en application des dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables, l'autorité signataire du contrat notifie à l'intéressé son intention de renouveler ou non le contrat, au plus tard : / (...) 3° Deux mois avant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée supérieure à deux ans. / (...) Pour la détermination de la durée du délai de prévenance, les durées d'engagement mentionnées aux 1°, 2° et 3° sont décomptées compte tenu de l'ensemble des contrats conclus avec l'agent, y compris ceux conclus avant une interruption de fonctions, sous réserve que cette interruption n'excède pas quatre mois et qu'elle ne soit pas due à une démission de l'agent. (...) ". 6. En l'espèce et en tout état de cause, la durée cumulée d'emploi non interrompu de Mme C..., dont les contrats de travail ont été conclus sur le fondement de l'article 9-1 de la loi du 9 janvier 1986, est inférieure à six années, compte tenu de ses périodes d'engagement allant d'août 2007 à septembre 2009 et de juillet 2014 à septembre 2018. La requérante ne justifie ainsi pas remplir la condition prévue à l'article 9 de cette même loi, qui prévoit la transformation d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée lorsque l'agent justifie d'une durée continue de services publics effectifs de six ans. Elle ne saurait dès lors, soutenir que la décision de ne pas renouveler son contrat prise le 3 septembre 2018 doive être regardée comme un licenciement. 7. Mme C... soutient par ailleurs que les 33 contrats de travail qu'elle a conclus entre 2007 et 2018 doivent être transformés de plein droit en contrat à durée indéterminée dès lors que les fonctions exercées ne correspondent pas à celles fixées contractuellement, que les contrats ne prévoient aucun motif précis de recrutement, que ces derniers n'ont pas été renouvelés à trois reprises en 2009, 2015 et 2018 en raison de son état de santé et de sa maternité, et que la lettre l'informant du non renouvellement de son dernier contrat n'a pas respecté le délai de prévenance d'un mois. Toutefois, même à les supposer établies, de telles irrégularités ne sauraient justifier la requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée. En ce qui concerne le recours abusif aux contrats à durée déterminée : 8. Aux termes de l'article 1er de la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union européenne du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée : " La présente directive vise à mettre en œuvre l'accord cadre sur le travail à durée déterminée, figurant en annexe, conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) ". Aux termes de l'article 2 de cette directive : " Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001 ou s'assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, les États membres devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. (...) ". En vertu des stipulations de la clause 5 de l'accord-cadre annexé à la directive, relative aux mesures visant à prévenir l'utilisation abusive des contrats à durée déterminée : " 1. Afin de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n'existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d'une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l'une ou plusieurs des mesures suivantes : a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ; b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ; c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail. 2. Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c'est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée : a) sont considérés comme "successifs" ; b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée ". 9. Ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, imposent aux États membres d'introduire de façon effective et contraignante dans leur ordre juridique interne, s'il ne le prévoit pas déjà, l'une au moins des mesures énoncées aux a) à c) du paragraphe 1 de la clause 5, afin d'éviter qu'un employeur ne recoure de façon abusive au renouvellement de contrats à durée déterminée. Lorsque l'État membre décide de prévenir les renouvellements abusifs en recourant uniquement aux raisons objectives prévues au a), ces raisons doivent tenir à des circonstances précises et concrètes de nature à justifier l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Il ressort également de l'interprétation de la directive retenue par la Cour de justice de l'Union européenne que le renouvellement de contrats à durée déterminée afin de pourvoir au remplacement temporaire d'agents indisponibles répond, en principe, à une raison objective au sens de la clause citée ci-dessus, y compris lorsque l'employeur est conduit à procéder à des remplacements temporaires de manière récurrente, voire permanente, alors même que les besoins en personnel de remplacement pourraient être couverts par le recrutement d'agents sous contrats à durée indéterminée. Toutefois, si l'existence d'une telle raison objective exclut en principe que le renouvellement des contrats à durée déterminée soit regardé comme abusif, c'est sous réserve qu'un examen global des circonstances dans lesquelles les contrats ont été renouvelés ne révèle pas, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées par l'agent, au type d'organisme qui l'emploie, ainsi qu'au nombre et à la durée cumulée des contrats en cause, un abus. 10. Par ailleurs, si les dispositions précitées des articles 9 et 9-1 de la loi du 9 janvier 1986, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, autorisent le recours à une succession de contrats à durée déterminée pour recruter des agents, afin de procéder notamment à des remplacements de fonctionnaires temporairement indisponibles ou à des vacances d'emplois, elles ne font cependant pas obstacle à ce qu'en cas de renouvellement abusif de tels contrats, l'agent concerné puisse se voir reconnaître un droit à l'indemnisation du préjudice éventuellement subi lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Dans cette hypothèse, il incombe au juge, pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause. 11. Il résulte de l'instruction que, entre août 2007 et septembre 2009, puis entre juillet 2014 et septembre 2018, le centre hospitalier de Puget-Theniers a employé Mme C... en qualité d'agent des services hospitaliers non titulaire sous couvert de 33 contrats de travail à durée déterminée. Toutefois, il est constant que Mme C... n'a pas été employée entre octobre 2009 et juin 2014, soit une période de plus de quatre ans, puis pendant plus de deux mois entre le 1er janvier et le 9 mars 2016. Il résulte par ailleurs de l'instruction que les contrats ont été conclus avec le centre hospitalier pour un motif suffisamment précis. Le premier contrat, dont la durée a été prolongée par plusieurs avenants successifs, a été conclu le 1er août 2007 en vue d'un remplacement pour congés annuels, alors que les contrats suivants l'ont été sur le fondement de l'article 9-1 de la loi du 9 janvier 1986, pour permettre le remplacement d'agents momentanément indisponibles, qui peut être fréquent dans un établissement hospitalier eu égard au nombre de ses agents. Au surplus et en tout état de cause, un tel vice, à le supposer même établi, apparaît sans lien avec les préjudices dont il est demandé réparation. Il n'est pas davantage établi que le centre hospitalier aurait mis un terme, en 2009, 2015 puis 2018, aux contrats de travail de Mme C... pour un motif étranger à l'intérêt du service, lié à son état de santé ou à sa maternité, ces décisions se bornant à constater le non renouvellement du contrat à durée déterminée en raison de l'arrivée du terme de son dernier engagement. Enfin, et contrairement à ce que soutient Mme C..., il ne résulte pas de l'instruction, au vu du seul extrait du planning de travail produit, que celle-ci aurait été " contrainte " d'exercer des fonctions d'aide-soignante distinctes de celles d'agent des services hospitaliers prévues dans les différents contrats. Dans ces circonstances, et alors que le renouvellement d'un contrat à durée déterminée arrivé à son terme n'est pas un droit pour l'agent, la requérante n'est pas fondée à soutenir que son recrutement ne constituait pas le cadre juridique adapté pour faire face aux besoins de l'établissement hospitalier et que ce dernier aurait abusivement recouru aux engagements à durée déterminée. En ce qui concerne la méconnaissance du délai de prévenance : 12. Aux termes de l'article 41 du décret précité du 6 février 1991 : " Lorsque l'agent contractuel a été recruté par un contrat à durée déterminée susceptible d'être renouvelé en application des dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables, l'autorité signataire du contrat notifie à l'intéressé son intention de renouveler ou non le contrat, au plus tard : / (...) 3° Deux mois avant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée supérieure à deux ans. / (...) Pour la détermination de la durée du délai de prévenance, les durées d'engagement mentionnées aux 1°, 2° et 3° sont décomptées compte tenu de l'ensemble des contrats conclus avec l'agent, y compris ceux conclus avant une interruption de fonctions, sous réserve que cette interruption n'excède pas quatre mois et qu'elle ne soit pas due à une démission de l'agent. (...) ". 13. Si la méconnaissance de ce délai est sans incidence sur la légalité de la décision de ne pas renouveler le contrat de l'agent, cette illégalité constitue en revanche une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. 14. Il résulte de ce qui a été exposé au point 11 que Mme C... a été employée, à partir de 2014, par le centre hospitalier de Puget-Theniers pendant une période continue de plus de quatre ans, à l'exception d'une seule interruption de deux mois et neuf jours allant du 1er janvier 2016 au 9 mars 2016. Son dernier contrat, conclu le 2 juillet 2018, devait prendre fin le 30 septembre suivant. S'il est constant que le centre hospitalier n'a informé Mme C... de son intention de ne pas renouveler son contrat que par lettre du 3 septembre 2018, alors qu'elle aurait dû l'être au moins deux mois avant le terme de son engagement contractuel, la requérante, qui a en tout état de cause été rémunérée jusqu'à l'échéance de son contrat de travail, ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance d'un préjudice qui serait lié à une information tardive du non-renouvellement de son dernier contrat. Sa demande présentée à ce titre ne peut, dès lors, qu'être rejetée. 15. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires présentées par Mme C.... 16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Il est donné acte à Mme C... de son désistement de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 septembre 2019 par laquelle la directrice du centre hospitalier de Puget-Theniers a rejeté sa demande indemnitaire préalable. Article 2 : La requête de Mme C... est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et au centre hospitalier de Puget-Theniers. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA01661
CETATEXT000048424407
J6_L_2023_11_00022MA01989
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA01989, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA01989
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
BOUGASSAS
Mme Lison RIGAUD
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer l'annulation de l'arrêté du 25 septembre 2019 par lequel le maire de Grasse a prononcé à son encontre une sanction de révocation à compter du 5 octobre 2019. Par un jugement n° 1905681 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 25 septembre 2019 et mis à la charge de la commune de Grasse la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 juillet 2022 et le 16 mars 2023, la commune de Grasse, représentée par Me Bougassas, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mai 2022 ; 2°) de rejeter la requête de M. A... ; 3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - à titre liminaire, la matérialité des faits jugés a été explicitement constatée par le juge pénal et confirmée par le tribunal administratif ; - le jugement attaqué est irrégulier compte tenu de la contradiction de ses motifs ; - le jugement attaqué est fondé sur des faits matériellement inexacts ; - le tribunal administratif a faussement qualifié les faits et a entaché son jugement d'erreur de droit dans l'application du principe de proportionnalité ; - le jugement attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2022, M. D... A..., représenté Par Me Persico, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de la commune de Grasse ; 2°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mai 2022 ; 3°) d'annuler l'arrêté du maire de Grasse en date du 25 septembre 2019 ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Grasse la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - et les observations de Me Persico, représentant M. A.... Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 20 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. M. D... A..., recruté par la commune de Grasse par un contrat à durée déterminée le 7 janvier 2013, a été titularisé en qualité d'adjoint territorial du patrimoine le 1er avril 2015. Par un jugement du 26 juillet 2019, devenu définitif, le tribunal correctionnel de Grasse l'a reconnu coupable des faits de corruption de mineur de plus de 15 ans pour des faits commis du 9 au 31 mars 2019 et l'a condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve durant deux ans. Par un arrêté du 25 septembre 2019, le maire de la commune de Grasse a infligé à M. A... la sanction disciplinaire de la révocation à compter du 5 octobre 2019. La commune de Grasse relève appel du jugement du 18 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a prononcé l'annulation de cet arrêté et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur le bien-fondé du jugement attaqué du tribunal administratif de Nice du 18 mai 2022 : 2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". En application de ces dispositions, les faits commis par un fonctionnaire en dehors du service peuvent constituer une faute passible d'une sanction disciplinaire lorsque, eu égard à leur gravité, à la nature des fonctions de l'intéressé et à l'étendue de ses responsabilités, ils ont eu un retentissement sur le service, jeté le discrédit sur la fonction exercée par l'agent ou sur l'administration, ou encore si ces faits sont incompatibles avec la qualité d'agent public. 3. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. (...) ". 4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. 5. Il ressort de l'arrêté contesté du 25 septembre 2019 que, pour prononcer la révocation de M. A..., le maire de la commune de Grasse lui a fait grief d'avoir entretenu pendant plusieurs mois une relation avec un mineur de plus de quinze ans usager de la bibliothèque municipale au sein de laquelle il exerce ses fonctions, ayant conduit à une condamnation par le tribunal correctionnel de Grasse en date du 26 juillet 2019 à une peine de prison de dix-huit mois assortie d'un sursis total avec mise à l'épreuve de deux ans. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 26 juillet 2019, le tribunal correctionnel de Grasse a condamné M. A... à une peine d'emprisonnement délictuel de dix-huit mois, assortie d'un sursis probatoire d'une durée de deux ans et d'obligations particulières dont notamment celles de se soumettre à des mesures d'examen, de contrôle, de traitement et de soins médicaux même sous le régime de l'hospitalisation et l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, a rejeté la demande de dispense d'inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire à l'encontre de l'intéressé de la condamnation ainsi prononcée et a constaté l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles de ce dernier. En raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux constatations matérielles, retenues par le juge pénal dans une décision dont il est constant qu'elle est devenue définitive, et qui s'impose tant aux autorités qu'aux juridictions administratives, la matérialité de ces faits, également retenus dans les motifs de l'arrêté contesté du 25 septembre 2019, doit être regardée comme établie. En outre, il ressort des pièces du dossier que la victime, née le 23 septembre 2003, âgée de quinze ans et demi à la date des faits, présentait un parcours personnel problématique et un état psychologique vulnérable dont M. A... avait connaissance, que M. A... l'a rencontrée sur son lieu de travail, à la bibliothèque municipale où il exerçait ses fonctions, que, contrairement à ce qu'il soutient en défense, il n'a pas été manipulé par le jeune garçon de quinze ans mais a pris une part active à l'engagement de la relation sexuelle et affective nouée avec lui, qu'il a d'ailleurs reconnu avoir offert au jeune garçon des cadeaux en échanges de relations sexuelles. Dans ces conditions, eu égard à la nature et à la gravité de ces faits au titre desquels M. A... a été reconnu coupable par le tribunal correctionnel de Grasse ainsi qu'à celle des fonctions et des obligations qui incombent à tout fonctionnaire, y compris en dehors du service, les circonstances que ces faits n'aient reçu aucune publicité, que son médecin psychiatre traitant ait attesté qu'il ne présentait pas de dangerosité pour autrui ni aucun risque de récidive, que sa manière de servir a été évaluée de manière favorable par sa hiérarchie depuis 2014, que le jeune garçon victime de ces faits aurait lui-même été l'auteur d'agressions sexuelles par le passé, et que le contexte familial dans lequel évolue ce dernier est problématique, ne sont pas de nature à établir qu'en le révoquant par une décision du 25 septembre 2019, le maire de la commune de Grasse ait pris une sanction disproportionnée, en raison de faits survenus en mars 2019. 6. Il suit de là que c'est à tort que, le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur un motif erroné du caractère disproportionné de la sanction en litige pour annuler la décision en date du 25 septembre 2019. 7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Nice. 8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été signé par Mme C... B..., adjointe au maire de Grasse et déléguée au personnel. La commune de Grasse a versé aux débats l'arrêté du 23 septembre 2015 par lequel le maire de la commune lui a donné délégation de fonctions et de signature pour tous courriers, actes réglementaires, actes individuels ou contractuels, toutes pièces et actes relatifs à ses compétences dans le domaine des " ressources humaines, de l'optimisation des ressources humaines, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de la mutualisation des services, de la médecine du travail, et des affaires juridiques. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen relatif à la régularité du jugement soulevé par la commune de Grasse, que la commune de Grasse est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision en date du 25 septembre 2019. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Grasse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Grasse et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1905681 du 18 mai 2022 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... devant la cour administrative d'appel de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : M. A... versera à la commune de Grasse la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. D... A... et à la commune de Grasse. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, - M. Nicolas Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA01989
CETATEXT000048424409
J6_L_2023_11_00022MA02040
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424409.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA02040, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA02040
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme FEDI
ATORI AVOCATS
Mme Lison RIGAUD
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme H... I..., M. G... D... et leur fille Mme C... D..., sont les parents et la sœur de M. A... D..., qui a trouvé la mort, avec son épouse, lors d'un accident de la route survenu dans la nuit du 20 au 21 novembre 2017 au niveau du pont F..., chemin dit J..., sur le territoire de la commune d'Arles. Ils ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Arles à leur payer la somme globale de 132 600 euros en réparation des préjudices nés pour eux du fait du décès de leur fils et frère et de son épouse, se décomposant comme suit : - 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection de M. G... D... résultant de la perte de son fils et de sa belle-fille ; - 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection de Mme H... I... résultant de la perte de son fils et de sa belle-fille ; - 30 000 euros en réparation du préjudice d'affection de Mme C... D... résultant de la perte de son frère et de sa belle-sœur ; - 2 600 euros à M. G... D... et Mme H... I... au titre des frais d'obsèques. Par un jugement n° 2006529 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2022, Mme H... I..., M. G... D... et Mme C... D..., représentés par la SARL Atori Avocats, agissant par Me Bousquet, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner la commune d'Arles à leur payer la somme globale de 132 600 euros en réparation de leurs préjudices se décomposant comme suit : - 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection de M. G... D... résultant de la perte de son fils et de sa belle-fille ; - 50 000 euros en réparation du préjudice d'affection de Mme H... I... résultant de la perte de son fils et de sa belle-fille ; - 30 000 euros en réparation du préjudice d'affection de Mme C... D... résultant de la perte de son frère et de sa belle-sœur ; - 2 600 euros à M. G... D... et Mme H... I... au titre des frais d'obsèques ; 3°) de mettre à la charge de la commune d'Arles la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. -1 du code de justice administrative, et aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de constat d'huissier. Ils soutiennent que : - le tribunal administratif de Marseille a procédé à une analyse manifestement erronée des faits soumis à son appréciation ; - la responsabilité de la commune d'Arles est engagée en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage à raison des préjudices nés pour eux de l'accident de la route dans lequel leur fils et frère a trouvé la mort en compagnie de son épouse ; - la responsabilité de la commune d'Arles est engagée également en raison de la faute de son maire dans l'exercice de son pouvoir de police ; - la commune d'Arles doit en conséquence être condamnée à les indemniser au titre de ces préjudices, à hauteur de 50 000 euros pour chacun des parents du défunt, et de 30 000 euros pour sa sœur, outre 2 600 euros au titre des frais d'obsèques. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2022, la commune d'Arles, représentée par la SCP Lesage Berguet Gouard-Robert, agissant par Me Berguet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les conditions d'engagement de sa responsabilité ne sont pas réunies, tant sur le terrain de l'entretien normal de l'ouvrage public que sur celui de la faute ; - les moyens invoqués par les requérants ne sont donc pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la voirie routière ; - le code de la route ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud ; - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ; - et les observations de Me Bernard, représentant Mme I..., M. D... et Mme D.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... D... et son épouse, Mme B... E..., ont trouvé la mort, lors d'un accident de la circulation automobile survenu dans la nuit du 20 au 21 novembre 2017 au niveau du pont F..., chemin dit J..., sur le territoire de la commune d'Arles, alors qu'ils circulaient dans le sens allant du Mas de la Galegière vers Arles. 2. Mme H... I..., M. G... D... et Mme C... D..., respectivement parents et sœur de feu A... D... et beaux-parents et belle-sœur de feue B... E..., relèvent appel du jugement n° 2006529 du 3 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête tendant à la réparation de leurs préjudices. Sur la responsabilité de la commune d'Arles pour défaut d'entretien normal de la voie publique : 3. Pour obtenir réparation, par la collectivité maître de l'ouvrage ou son concessionnaire, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, - en l'espèce la voirie -, les usagers doivent démontrer, d'une part, la réalité de leur préjudice, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur eux, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage ou au concessionnaire de l'ouvrage, soit d'établir qu'ils ont normalement entretenu l'ouvrage, soit l'existence d'une force majeure, soit de démontrer la faute de la victime. 4. Il est constant que l'accident mortel dont ont été victimes M.A... D... et son épouse est survenu après que le véhicule dans lequel ils circulaient sur le chemin dit J..., dans le sens de circulation allant du Mas de la Galegière vers Arles, a chuté dans le canal de la vallée des Baux, depuis le pont dit " F... ". Les chemins de la J... et de la Galegière constituent une voie sans issue, interdite à la circulation à l'exception des riverains ainsi que l'indique un panneau situé au début du chemin de la J..., à proximité de la rocade d'Arles. Ce chemin et celui de la Galegière qui le prolonge après le pont F... ne desservent que des champs et une dizaine d'habitations. 5. Les requérants imputent cet accident au mauvais état du pont dit " F... ", vétuste, délabré, dangereux et trop étroit. 6. Il résulte des constatations policières relatées dans le procès-verbal établi le 21 novembre 2017, qu'aucune trace de freinage n'a été relevée sur le chemin de la Galegière, avant le pont, mais que des traînées rectilignes marquant un frottement important sur le bitume ont été constatées au milieu de la chaussée dans le virage, se poursuivant en direction de la partie gauche du pont, jusqu'à la limite du bas-côté qui est seulement marquée par une ornière, ainsi que des traces noirâtres en travers de la chaussée, menant directement dans le parapet situé sur le côté droit du pont, correspondant à des traces de pneumatiques. Le procès-verbal relève encore que le parapet est endommagé sur cinq mètres, sa première partie située à l'entrée du pont étant couchée. Cette trajectoire révèle donc que l'accident est survenu en raison d'un défaut de maîtrise du véhicule qui s'est produit avant que le véhicule ne soit sur le pont. 7. Certes, ces constatations policières et les constats d'huissier versés à la procédure établissent le mauvais état de la voirie aux abords du pont F... et la vétusté du parapet dont était équipé celui-ci à la date de l'accident en cause, défectuosités qui ne sont d'ailleurs pas sérieusement contestées par la commune d'Arles. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ce défaut d'entretien normal de la voirie caractérisé notamment par l'absence de marquages au sol, l'absence de glissière de sécurité et de parapet suffisant sur le pont F... et d'éclairage de la voie, le mauvais état du bitume de cette voie, serait à l'origine de la perte de contrôle de son véhicule par M. A... D... qui est intervenu ainsi qu'il a été dit au point 6 avant que la voiture n'arrive sur le pont et alors que le conducteur, qui résidait provisoirement à proximité du lieu de l'accident, connaissait la configuration de l'endroit. Il résulte de tout ce qui précède que l'accident en litige est imputable à la seule faute de M. A... D.... Sur la responsabilité de la commune d'Arles pour faute du maire dans l'exercice de son pouvoir de police : 8. Si le procès-verbal de police relève, comme il a été dit, que le bitume était en mauvais état, notamment sur le chemin de la Galegière où il est abîmé, présentant des déformations, des creux et bosses notamment au niveau du virage à proximité du pont, et que la zone ne comportait pas de marquage au sol, d'éclairage public ou de panneau de limitation de vitesse, il relève, outre la présence d'un panneau de sens interdit, celle de part et d'autre du pont F..., de panneaux de signalisation type A14 présentant un point d'exclamation, indiquant un danger, auxquels sont joints des panonceaux portant la mention " absence de parapet " et limitant le tonnage, ainsi que, dans le sens de circulation emprunté par A... D... qui conduisait le véhicule seul impliqué, un panneau balisant le virage, de couleurs bleue et blanche, matérialisant le virage à droite et implanté avant l'entrée du pont. Enfin, le procès-verbal précise que, dans les deux sens de circulation, un panneau de signalisation de danger annonçant un virage est implanté 150 mètres avant le pont. La dangerosité résultant des virages qui précèdent le pont de part et d'autre de celui-ci et l'absence de parapet sur cet ouvrage faisaient ainsi l'objet d'une signalisation adaptée. 9. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la commune d'Arles sur le terrain de la faute du maire dans l'exercice de son pouvoir de police. 10. Compte tenu de tout ce qui précède, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête. Par suite, leurs conclusions formulées devant la cour au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il en va de même, dans les circonstances de l'espèce, de celles formulées par la commune d'Arles à ce titre. D É C I D E : Article 1er : La requête Mme I..., M. D... et Mme D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Arles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme H... I..., représentante unique des requérants et à la commune d'Arles. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente, - Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, - M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023 : 2 N° 22MA02040
CETATEXT000048424414
J6_L_2023_11_00022MA02337
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424414.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA02337, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA02337
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
ADER-REINAUD
Mme Cécile FEDI
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2200467 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 23 août 2022, M. D..., représenté par Me Ader Reinaud, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 5 août 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Il soutient que : - il réside sur le territoire français depuis le 17 septembre 2015 ; - il contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils né sur le territoire le 19 décembre 2015. La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2022. Par une ordonnance du 14 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Fedi. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 8 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté du 5 août 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination. 2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 3. M. D... soutient résider habituellement sur le territoire depuis le 17 septembre 2015, être inséré du fait de son métier de mécanicien et contribuer à l'entretien et à l'éducation de son fils B..., né sur le territoire le 19 décembre 2015. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré sur le territoire pour la dernière fois le 26 mars 2016 muni d'un visa d'une validité de trente jours délivré par les autorités espagnoles à Oran. S'il affirme contribuer à l'entretien et à l'éducation de son fils né sur le territoire issu de son union avec une compatriote, et pour lequel il ne produit pas de certificat de naissance, il n'aurait toutefois reconnu son enfant que le 5 mars 2020 et ne justifie pas, par la production de quelques photographies, de factures de magasins d'habillement et d'ameublement et de factures de fast-food éparses comprises pour la plupart pour la période de la fin de l'année 2019 et du début de l'année 2020, ainsi que d'un justificatif de déplacement du 30 octobre 2020 pour un trajet domicile école, de liens stables, anciens et intenses avec son fils. Les attestations produites en appel, peu circonstanciées et faisant état de ce que le requérant emmène son fils chez le coiffeur ou dans des lieux de restauration rapide ne permettent pas plus qu'en première instance d'établir de tels liens. Si M. D... soutient en outre devant la cour que la mère de son fils lui aurait transféré l'entière autorité parentale sur ce dernier, le document rédigé à cet effet le 20 janvier 2022 par Mme C... et visé par l'officier d'état-civil d'Aix-en-Provence est toutefois postérieur à la date de l'arrêté en litige et par conséquent sans incidence sur sa légalité. Par ailleurs, les pièces produites, composées d'attestations d'élection de domicile au sein d'une association depuis l'année 2015, de trois courriers de l'assurance maladie du 12 avril 2017, 24 janvier 2018 et du 1er juin 2018 lui indiquant son admission à l'aide médicale d'état, et les factures d'achat de pièces détachées automobiles ne permettent pas d'établir une insertion socio-professionnelle significative de M. D.... Enfin, il n'est pas établi que l'intéressé serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident, selon ses déclarations à la préfecture, ses parents et ses trois frères et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien doit être écarté. 4. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 août 2021. 5. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. D... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction du requérant. DECIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me Ader Reinaud et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. N° 22MA023372
CETATEXT000048424420
J6_L_2023_11_00022MA02604
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424420.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA02604, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA02604
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
IBRAHIM;IBRAHIM;IBRAHIM
Mme Cécile FEDI
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de sa destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2200836 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : I. Par une requête n° 22MA02604, enregistrée le 19 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Ibrahim, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 avril 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 septembre 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant droit au travail dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 1-1 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il est présent de manière continue et habituelle sur le territoire depuis sa dernière entrée le 27 août 2001 ; - il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans est illégale dès lors qu'il est présent sur le territoire depuis l'année 2001. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés. II. Par une requête n° 22MA02605, enregistrée le 19 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Ibrahim, demande à la cour : 1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 avril 2022 ; 2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient les mêmes moyens que ceux soulevés dans sa requête au fond n° 22MA02604 et, en outre, que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour ces deux procédures par deux décisions du 2 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Fedi. Considérant ce qui suit : 1. Par la requête n° 22MA02604, M. A..., ressortissant algérien, relève appel du jugement du 22 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par la requête n° 22MA02605, il demande à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. 2. Les requêtes n° 22MA02604 et n° 22MA02605 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision. Sur la requête n° 22MA02604 : En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation : 3. Aux termes de l'article 6 alinéa 1 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ". 4. M. A..., qui est entré en France le 27 août 2001 sous couvert d'un visa Schengen de trente jours établi le 22 août 2001 par le Consulat de France à Alger soutient qu'il réside sur le territoire de manière habituelle depuis lors. Afin de pouvoir bénéficier des stipulations précitées, les pièces versées au dossier doivent établir une résidence sur le territoire du 30 septembre 2011 au 30 septembre 2021, date de l'arrêté en litige. Toutefois, l'ensemble des pièces versées n'établissent pas plus en appel qu'en première instance qu'il résidait de façon habituelle et ininterrompue sur le territoire au titre de cette période. Si le requérant produit essentiellement des documents médicaux, des relevés bancaires, des relevés de prestations de l'assurance maladie, ainsi que des cartes d'admission à l'aide médicale d'état et des quittances de loyer, il ne peut justifier de sa présence sur le territoire de juin 2016 à décembre 2016, période pour laquelle aucune pièce n'est produite au dossier, la dernière pièce produite au titre de cette année étant un courrier de l'assurance maladie du 24 mai 2016 que le requérant verse en appel. En outre, pour établir sa présence entre juillet 2017 et juin 2018, période contestée par le tribunal, le requérant produit devant la cour une ordonnance médicale en date du 3 août 2017 qui ne comporte toutefois pas de tampon de pharmacie indiquant que le médicament aurait été retiré et des courriers épars qui ne peuvent établir sa présence pour le second semestre de l'année 2017. Si en revanche il établit devant la cour sa présence pour le premier semestre de l'année 2018 par la production d'une attestation du consul du 21 mars 2018 de non délivrance d'un document de voyage, d'un courrier du 18 avril de l'association Adil en vue de l'aider pour trouver des solutions à ses problèmes de loyers impayés, ainsi qu'une déclaration préremplie de revenus signée le 9 mai 2018, il n'établit toutefois pas sa présence pour le second semestre de cette année 2018 par le courrier de délivrance d'une carte vitale du 12 octobre. Par ailleurs, ainsi que le mentionne le préfet des Bouches-du-Rhône dans son mémoire en défense de première instance, M. A... ne présente de copie intégrale d'aucun passeport. Ainsi, les éléments produits n'établissent pas que M. A... résidait en France depuis plus de dix ans à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit dès lors être écarté. 5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". 6. Si M. A... soutient résider habituellement sur le territoire depuis l'année 2001, l'ensemble des pièces versées au dossier composées uniquement de documents de nature administrative et médicale ne permet toutefois pas d'établir l'existence de liens personnels et familiaux anciens, stables et intenses. En outre, M. A... ne peut se prévaloir d'aucune insertion socioéconomique significative, et il a fait l'objet de quatre précédentes mesures d'éloignement, dont les deux dernières sont en date des 6 novembre 2013 et 23 octobre 2018. Célibataire et sans enfant, il n'établit ni même n'allègue qu'il serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où vit sa mère ainsi que l'indiquent les mentions non contestées de l'arrêté en litige, et où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. 7. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ". 8. Eu égard aux conditions du séjour en France de M. A... exposées au point 6, au fait que l'intéressé n'a pas constitué sur le territoire français le centre de ses intérêts privés et familiaux et qu'il a fait l'objet de quatre précédentes mesures d'éloignement, la décision de l'interdire de retour sur le territoire pour une durée de deux ans n'apparaît pas disproportionnée. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 septembre 2021. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. Sur la requête n° 22MA02605 : 10. Le présent arrêt ayant rejeté les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 avril 2022, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22MA02605 tendant au sursis à exécution de ce même jugement. 11. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées également dans cette instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de la requête n° 22MA02605 de M. A.... Article 2 : La requête n° 22MA02604 de M. A... et le surplus des conclusions de la requête n° 22MA02605 sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Ibrahim et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. N° 22MA02604,22MA026052
CETATEXT000048424422
J6_L_2023_11_00022MA02613
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424422.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA02613, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA02613
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
KUHN-MASSOT
Mme Cécile FEDI
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination. Par un jugement n° 2201126 du 6 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Kuhn-Massot, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 mai 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 octobre 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3-2 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il est entaché d'une erreur d'appréciation pour avoir considéré qu'il représente une menace pour l'ordre public ; - il est entaché d'une erreur de fait pour avoir indiqué qu'il était entré irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il justifie d'une entrée avec visa délivré le 1er septembre 2016 ; - il méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 1-4 de l'accord franco-algérien. La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Fedi, - et les observations de Me Kuhn-Massot, représentant M. A..., en présence de M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 6 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination. 2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; (...) ". Il résulte de ces stipulations que le respect de la condition qu'elles posent tenant à l'exercice même partiel de l'autorité parentale n'est pas subordonné à la vérification de l'effectivité de l'exercice de cette autorité. 3. Si l'accord franco-algérien ne subordonne pas la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien à la condition que l'intéressé ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ne prive toutefois pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public. 4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est le père d'un enfant français né le 27 avril 2020 issu de son union avec une ressortissante française, qu'il a reconnu 21 octobre 2019 préalablement à sa naissance. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... n'exercerait pas l'autorité parentale sur son fils, de sorte qu'il peut prétendre à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 6 précité de l'accord franco-algérien, Toutefois, M. A... a été condamné le 10 janvier 2018 par le président du tribunal de grande instance de Marseille à cinq cents euros d'amende pour circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance le 23 novembre 2017, puis le 13 juillet 2018 par le tribunal correctionnel de Marseille à huit mois d'emprisonnement avec mandat de dépôt à l'audience pour acquisition et détention non autorisée d'arme, munition ou de leurs éléments de catégorie B et transport sans motif légitime d'arme, munition ou de leurs éléments de catégorie B le 11 juillet 2018. Eu égard à la gravité de ces faits, qui sont encore récents à la date de l'arrêté en litige, le préfet a pu légalement décider de refuser de délivrer à M. A... le certificat de résidence sollicité au motif de la menace qu'il représente pour l'ordre public, et ce quand bien même M. A... était engagé dans une démarche d'insertion professionnelle en effectuant des missions intérimaires de déménagement ou de travaux de jardinage à compter du 25 août 2021. 5. Le requérant se prévaut de ce que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait pour avoir indiqué que " l'intéressé serait entré en France le 28 mai 2017 dans des circonstances indéterminées " alors qu'il est entré régulièrement sur le territoire. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré régulièrement sur le territoire le 20 septembre 2016 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de type C valable du 1er septembre 2016 au 25 février 2017 délivré en qualité de famille C..., et qu'il a bénéficié d'un titre de séjour valable du 13 octobre 2016 au 12 octobre 2017. Toutefois, le refus de délivrance de titre de séjour n'est pas fondé sur l'entrée irrégulière de M. A..., mais sur la menace à l'ordre public qu'il représente, de sorte que l'erreur qui entache l'arrêté constitue simplement une erreur de plume qui a été, en tout état de cause, sans influence sur le raisonnement du préfet et n'a pas été, dès lors, de nature à entacher l'arrêté d'illégalité. 6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... est entré sur le territoire le 20 septembre 2016 et a bénéficié d'un titre de séjour valable du 13 octobre 2016 au 12 octobre 2017. A la suite de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français lui a été opposé le 27 novembre 2017. Le 3 janvier 2019, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pour une durée de deux ans, et a été éloigné du territoire de manière forcée le 20 janvier 2019, sans que M. A... n'établisse à quelle date il est revenu sur le territoire. S'il se prévaut de sa vie commune avec la mère de son fils né le 27 avril 2020, les deux attestations de vie commune établies par sa compagne ont été rédigées le 16 juillet 2018, alors qu'il était incarcéré, et au mois de janvier 2019, alors qu'il a été éloigné de manière forcée du territoire à cette date. L'avis d'impôt 2021 de l'intéressé libellé à l'adresse de sa compagne et la facture d'électricité du 16 novembre 2021 également libellée au nom de l'intéressé à l'adresse de sa compagne ne suffisent pas à elles seules à établir la réalité de la vie commune de l'intéressé avec la mère de son fils. Concernant les liens du requérant avec son fils, l'attestation d'un médecin généraliste établie le 13 juillet 2021 indiquant que l'intéressé a accompagné à plusieurs reprises son fils en consultation et présente un réel intérêt pour son enfant, et celle de la directrice de la crèche de son fils établie le 6 juillet 2021 indiquant que l'intéressé est présent dans la vie de son fils et qu'il vient régulièrement le chercher, sont récentes à la date de l'arrêté en litige et ne sont pas suffisantes pour établir la réalité et l'intensité des relations de M. A... avec son fils. En outre, la circonstance qu'il effectue des missions intérimaires depuis la fin du mois d'août 2021 n'est pas de nature à caractériser une insertion socioéconomique significative. Dans ces conditions, et alors même que sa compagne et son fils résideraient sur le territoire national, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, le préfet des Bouches-du-Rhône en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard au but de protection de l'ordre de public en vue duquel ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 8. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : "1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées (...) ". 9. D'une part, M. A... ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de son recours pour excès de pouvoir, de l'alinéa 2 des stipulations précitées, qui sont dépourvues d'effet direct. D'autre part, compte tenu de ce qui a été dit au point 7, M. A... ne justifie pas de manière probante des liens intenses qu'il aurait développés avec celui-ci. Ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Kuhn-Massot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. N° 22MA026132
CETATEXT000048424424
J6_L_2023_11_00022MA02929
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA02929, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA02929
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
BRACCINI
M. Jérôme MAHMOUTI
M. GAUTRON
Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mahmouti. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante comorienne, relève appel du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône pris le 30 décembre 2021 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays de renvoi. Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 30 décembre 2021 : En ce qui concerne la décision refusant l'admission au séjour : 2. La décision contestée comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté. 3. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". 4. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec, même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ses compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en œuvre des dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application de ces principes. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français. 5. Il ressort des pièces du dossier que le rapport d'analyse de l'Institut national de la police scientifique en date du 12 avril 2021 conclut que M. C... B..., ressortissant français ayant reconnu la fille de Mme A... le jour de sa naissance, le 28 décembre 2018, " ne peut pas être le père biologique " de cette enfant. En outre, il ressort de l'audition de M. C... B..., d'une part, que celui-ci a expressément indiqué avoir reconnu l'enfant à la demande de Mme A... et souhaité lui permettre de pouvoir ainsi bénéficier d'un titre de séjour, et d'autre part, que les déclarations faites par chacun des deux intéressés divergent quant à la période durant laquelle ils ont eu ensemble des relations sexuelles. Ainsi, au regard de ces éléments précis et concordants sur lesquels il s'est fondé, le préfet des Bouches-du-Rhône doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité de l'enfant Chahrazad par M. C... B... présentait un caractère frauduleux. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, était légalement fondé à refuser, pour ce seul motif, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par Mme A.... Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 423-7 doit, dès lors, être écarté. 6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de son audition devant les services de police, que Mme A... a cherché à obtenir un titre de séjour en incitant M. C... B... à faire une déclaration frauduleuse de paternité. En outre, elle ne démontre pas ne pas pouvoir poursuivre aux Comores, son pays d'origine, sa vie avec son enfant, ou même avec sa seconde fille dont le père est lui aussi un ressortissant comorien séjournant en situation irrégulière en France. Si elle fait valoir que celui qui s'est présenté comme le père de son enfant continue d'entretenir avec ce dernier une relation affective et matérielle, il ne vit toutefois pas avec lui et, en outre, il n'est ni allégué ni démontré que ce lien ne pourrait perdurer si l'intéressée regagnait son pays d'origine avec son enfant. Enfin, elle ne justifie pas d'une insertion socioprofessionnelle particulière. Dans ces conditions, et eu égard à la brève durée du séjour en France de l'intéressée, qui y est entrée en 2017, l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie familiale n'est pas disproportionnée aux buts poursuivis par l'arrêté contesté. Il s'ensuit que, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral du 30 décembre 2021 méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 8. Aux termes de l'article de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles " dans toutes les décisions qui concernent les enfants... l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". La décision contestée portant refus d'admission au séjour n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 9. La décision contestée comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté. 10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée procéderait d'un examen incomplet de la situation personnelle de l'intéressée. 11. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7. 12. Compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, et eu égard au fait que si le premier enfant de Mme A... entretient une relation affective avec celui qui s'est présenté comme son père, il ne vit pas avec lui, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de la requérante ou celle de son enfant. 13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 14. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Sur les frais liés à l'instance : 15. Par voie de conséquence de tout ce qui vient d'être dit, les conclusions présentées par la requérante sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D..., à Me Braccini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA02929 cm
CETATEXT000048424426
J6_L_2023_11_00022MA03052
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA03052, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA03052
2ème chambre
plein contentieux
C
Mme FEDI
KNISPEL
M. Nicolas DANVEAU
M. GAUTRON
Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la mutualité ; - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - et les observations de Me Knispel, représentant Mme B... et M. E.... Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A..., admise le 10 novembre 2009 en hospitalisation libre au centre hospitalier intercommunal (CHI) du bassin de Thau en raison d'un syndrome dépressif, y a fait une tentative de suicide le 17 novembre suivant et demeure, en raison de l'anoxie cérébrale prolongée qui en a résulté, dans un état neurovégétatif irréversible. Mme F... B..., mère de Mme A..., désignée comme tutrice légale de sa fille par un jugement du tribunal d'instance de Sète du 4 novembre 2010, agissant tant en cette qualité qu'en son nom propre, et M. D... E..., fils de Mme A..., ont recherché la responsabilité du CHI du bassin de Thau devant le tribunal administratif de Montpellier. Par un jugement du 29 mars 2021, le tribunal administratif a jugé que le CHI du bassin de Thau a commis une faute ayant entraîné une perte de chance de 60 % d'éviter le dommage, et condamné cet établissement au paiement d'une indemnité de 255 600 euros en réparation des préjudices subis par Mme A..., et de deux indemnités de 6 000 euros et de 3 600 euros versées respectivement à Mme B... et à M. E... en réparation de leurs préjudices propres. Par une ordonnance du 15 septembre 2021, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par Mme B..., en son nom propre et en celui de Mme A... ainsi que M. E... contre ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit aux demandes. Par une décision n° 458396 du 13 décembre 2022, le Conseil d'Etat a annulé, sur le pourvoi de Mme B... en son nom propre et en celui de sa fille ainsi que de M. E..., cette ordonnance et renvoyé à la cour le jugement de cette affaire. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques alors en vigueur, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers "doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci ". Cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit. Alors que la qualité de professeur d'espagnol titulaire est notamment mentionnée dans la requête d'appel et le rapport d'expertise psychiatrique établi le 15 décembre 2020, le ministre de l'éducation nationale, qui emploie Mme A..., laquelle a la qualité de fonctionnaire de l'Etat, n'a pas été appelé en cause par le tribunal administratif de Montpellier. En ne communiquant pas au ministre de l'éducation nationale la demande de Mme B... et de M. E..., respectivement mère et fils de Mme A... et agissant tous deux en leur nom propre ainsi que de tutrice légale s'agissant de Mme B..., le tribunal administratif de Montpellier a entaché son jugement d'irrégularité. Il y a lieu dès lors d'annuler le jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit aux conclusions des requérants. 3. Le ministre de l'éducation nationale ayant été mis en cause par la cour, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... et M. E... tant devant le tribunal administratif deMontpellier que devant la cour. Sur la responsabilité : 4. Il résulte de l'instruction, en particulier des expertises ordonnées par les tribunaux de grande instance et administratif de Montpellier, que Mme A... présentait un trouble de l'humeur caractérisé par un état dépressif récurrent majeur de forme mélancolique. Il est relevé notamment que la symptomatologie dépressive de l'intéressée, qui présentait un risque de passage à l'acte suicidaire, nécessitait une surveillance médicale régulière et quotidienne qui n'a pas été assurée. En outre, aucune évaluation du risque suicidaire n'a été effectuée, et la planification du programme de soins mis en place n'était pas adaptée à son état dépressif. Enfin, le médecin en charge du suivi et de la surveillance de Mme A... n'était ni qualifié, ni spécialisé en psychiatrie. Ces éléments sont de nature à établir un défaut de surveillance et une faute dans l'organisation du service public hospitalier de nature à engager la responsabilité du CHI du bassin de Thau, qui ne le conteste pas. Enfin, le taux de perte de chance d'échapper aux graves séquelles liées à l'anoxie cérébrale, déterminé par l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier à 60 % et qui apparaît justifié au regard du risque suicidaire majeur présenté par l'intéressée au moment de son admission et des manquements retenus qui participent d'une absence de prise en charge psychiatrique et médico-psychologique adaptée, n'est critiqué par aucune des parties en appel. Sur les préjudices : En ce qui concerne la fin de non-recevoir : 5. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué. 6. Il résulte de l'instruction que les requérants ont demandé, en première instance, comme dans leur mémoire enregistré devant la cour le 10 mars 2023, la condamnation du CHI du bassin de Thau à hauteur de 650 000 euros pour différents chefs de préjudices subis par Mme A... et ayant tous pour fait générateur la faute de surveillance commise par l'établissement hospitalier au cours de sa prise en charge. Dans le dernier état de ses écritures en appel et en réponse au moyen d'ordre public soulevé le 9 juin 2023, les requérants demandent, à titre principal, dans l'hypothèse d'une annulation du jugement du tribunal et d'une évocation de l'affaire par la cour, de condamner le CHI du bassin de Thau à verser à Mme B..., en sa qualité de tutrice de Mme A..., et après application du taux de perte de chance de 60 %, la somme totale de 1 449 189,69 euros. Par cette nouvelle demande, les requérants majorent certains chefs de préjudice invoqués dans leurs écritures précédentes, tels que le déficit fonctionnel permanent et les pertes de gains professionnels, et invoquent de nouveaux chefs de préjudices, tels que le préjudice d'incidence professionnelle, le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice esthétique temporaire, le préjudice sexuel et le préjudice d'établissement. Toutefois, une telle demande doit être examinée dans le respect des principes définis au point précédent, y compris dans l'hypothèse d'une évocation de l'affaire par le juge d'appel. Ainsi, si ces préjudices se rattachent au même fait générateur, les requérants n'apportent aucune justification sérieuse de ce que les dommages invoqués au soutien de leur demande portée à 1 449 189,69 euros seraient nés, se seraient aggravés ou se seraient révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement du 29 mars 2021. Par suite, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par le CHI du bassin de Thau et de rejeter comme irrecevables, s'agissant des préjudices subis par Mme A..., la demande des requérants en appel en tant qu'elle excède le quantum de 650 000 euros. En ce qui concerne les préjudices subis par Mme A... : S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux : 7. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier, que l'état de santé de Mme A... peut être considéré comme stabilisé au terme d'une période de trois ans d'évolution de son état végétatif, démarrant le 17 novembre 2009 et se terminant le 17 novembre 2012. L'intéressée doit ainsi être regardée comme ayant subi un déficit fonctionnel temporaire de 100 % au cours de cette période. En retenant un taux mensuel d'indemnisation de 500 euros, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A... au titre du déficit fonctionnel temporaire en l'évaluant, après application du taux de perte de chance, à la somme de 10 800 euros. 8. Il résulte de l'instruction que l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier a évalué à 7 sur une échelle allant de 1 à 7 les souffrances endurées par Mme A..., lesquelles sont à la fois physiques, du fait des blessures subies, et psychologiques, celle-ci présentant une altération sévère de la conscience et étant dans l'impossibilité de communiquer avec autrui. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce poste de préjudice, en l'évaluant, après application du taux de perte de chance de 60 %, à la somme de 22 800 euros. 9. Il résulte des éléments exposés au point 4 que Mme A... est dans un état végétatif chronique, dont l'état de santé a été consolidé le 17 novembre 2012, soit trois ans après sa tentative de suicide. Elle présente de manière permanente des disgrâces et déformations des membres inférieurs avec enroulement des extremités des quatre membres du fait de la tétraplégie spastique dont elle souffre. Toutefois, un tel préjudice n'apparaît pas distinct du préjudice esthétique permanent indemnisé au point 12. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre doivent être rejetées. 10. Il résulte de l'instruction que Mme A... présente un déficit fonctionnel permanent imputable de 100 % correspondant, au vu des conclusions de l'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal administratif, à une tétraplégie spastique, séquellaire d'une anoxie cérébrale due à sa tentative de suicide, caractérisée par une paralysie des membres inférieurs et supérieurs. L'expert souligne l'état grabataire de Mme A... caractérisé par une absence de mouvements du fait de lésions au niveau du système nerveux central permettant leur fonctionnement, une altération sévère de la conscience, une communication impossible et une incontinence urinaire et fécale totale. Compte tenu de ce que Mme A... était âgée de 47 ans à la date de la consolidation de son état, le 12 novembre 2012, ce chef de préjudice sera justement indemnisé par l'octroi d'une somme de 210 000 euros, compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu. 11. Au regard de l'importance des troubles et du handicap dont souffre Mme A..., dont le déficit fonctionnel permanent a été déterminé par l'expert à 100 %, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément en l'évaluant à la somme de 31 500 euros, compte tenu du taux de perte de chance de 60 %. 12. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise contradictoire que le préjudice esthétique permanent peut être évalué à 7 sur une échelle de 1 à 7, au regard des déformations des membres inférieurs résultant de la tétraplégie spastique dont souffre Mme A.... Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évaluer ce chef de préjudice, compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu, à la somme de 22 800 euros. 13. Le préjudice sexuel, s'il n'a pas été reconnu par l'expert, doit être regardé comme étant caractérisé, compte tenu de l'âge de la victime et de son lourd handicap. Par suite, celui-ci peut être évalué, dans les circonstances particulières de l'espèce, et compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 18 000 euros. 14. Le handicap dont est atteinte la requérante la prive de la possibilité de réaliser un projet de vie familiale. Ce préjudice d'établissement sera justement évalué à la somme de 24 000 euros, compte tenu du taux de perte de chance de 60 %. S'agissant des préjudices patrimoniaux : Quant aux frais d'assistance par une tierce personne : 15. Si les conclusions des requérants présentées dans leur mémoire enregistré le 23 juin 2023 mentionnent un préjudice d'assistance à tierce personne temporaire évalué à 4 248 euros, ils précisent cependant que la victime a perçu des prestations sociales ayant permis la prise en charge intégrale de ce préjudice et qu'ils ne sollicitent de ce fait pas d'indemnisation. La demande présentée au titre de ce préjudice à hauteur de 4 248 euros doit, par voie de conséquence, être rejetée. Quant aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle : 16. Les requérants soutiennent que Mme A... présente, du fait des graves séquelles liées à l'anoxie cérébrale prolongée subie, un état grabataire qui la rend inapte à l'exercice de toute activité professionnelle, de sorte qu'elle est fondée à obtenir la réparation des pertes de revenus et du préjudice d'incidence professionnelle subis. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier, que Mme A..., qui était professeur d'espagnol titulaire dans un lycée à Sète, souffrait de troubles dépressifs depuis 1994, qu'elle était placée, au moment de son hospitalisation, en congé de longue maladie d'une durée de six mois et qu'un traitement antidépresseur lui avait été prescrit depuis six semaines. La cour ne dispose ainsi pas, en l'état de l'instruction et au regard de l'expertise et de l'état antérieur de l'intéressée, et indépendamment des séquelles résultant de la faute commise par le CHI du bassin de Thau, de suffisamment d'éléments d'information pour apprécier si la pathologie psychique dont souffrait Mme A... et qui est à l'origine de son arrêt de travail aurait permis à l'intéressée de reprendre, de manière certaine, son activité professionnelle ou une autre activité susceptible de lui donner droit à une rémunération. Elle ne dispose pas non plus d'informations suffisantes pour déterminer, dans l'hypothèse où Mme A... n'aurait pas été, en dépit de son état antérieur, dans l'incapacité de reprendre ses fonctions du fait de sa pathologie psychique, à partir de quand cette reprise du travail aurait été possible. Il s'ensuit, dès lors, qu'il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, une expertise et de confier à l'expert la mission définie à l'article 7 du présent arrêt. En ce qui concerne les préjudices subis par Mme B... et M. E... : 17. Mme B... a subi un préjudice d'affection du fait des souffrances subies par sa fille et un préjudice moral qui résulte pour elle de son handicap. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 6 000 euros après application du taux de 60 %. Pour les mêmes motifs, et alors qu'aucun élément n'établit que M. E... n'aurait plus de relations avec sa mère, il y a lieu d'évaluer son préjudice d'affection à la somme de 3 600 euros, compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu. 18. Il résulte de tout ce qui précède que la somme que le CHI du bassin de Thau a été condamné à payer à Mme A... doit être portée à 339 900 euros. Par contre, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier à condamner le CHI du bassin de Thau à payer respectivement à Mme B... et à M. E... les sommes de 6 000 euros et de 3 600 euros en réparation de de leurs préjudices propres. Sur les droits de la CPAM de l'Hérault : En ce qui concerne la recevabilité de la demande : 19. Lorsqu'un jugement ayant statué sur des conclusions indemnitaires de la victime fait l'objet d'un appel de cette dernière, la caisse appelée en cause par la cour administrative d'appel ne peut régulièrement présenter devant le juge d'appel d'autres conclusions que celles de sa demande de première instance, en y ajoutant seulement, le cas échéant, celles tendant au remboursement des prestations servies à la victime postérieurement à l'intervention du jugement. 20. Il résulte de l'instruction que la CPAM de l'Hérault, bien que régulièrement appelée en cause par le tribunal administratif de Montpellier, n'a pas sollicité, en première instance, le remboursement des prestations qu'elle a servies à Mme A... en conséquence de son dommage. Dans ces conditions, elle n'est pas recevable à demander, pour la première fois en appel, la condamnation du CHI du bassin de Thau et la mutuelle générale de l'éducation nationale à lui verser les sommes correspondant aux débours exposés avant l'intervention du jugement rendu par les premiers juges le 29 mars 2021, au titre des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport. Par suite, les conclusions présentées par la CPAM de l'Hérault doivent, dans cette mesure, être rejetées comme irrecevables. En ce qui concerne les débours : 21. La CPAM de l'Hérault produit, à l'appui de sa demande d'appel, un relevé des débours exposés, un décompte détaillé des prestations et une attestation d'imputabilité du médecin conseil du service médical d'Occitanie. Il ressort de ces éléments que les frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport exposés à compter du 29 mars 2021 s'élèvent à la somme, non contestée par le CHI du bassin de Thau, de 241 551,06 euros, soit 144 930,64 euros après application du taux de perte de chance de 60 %. Il suit de là que la CPAM de l'Hérault est fondée à demander que soit mise à la charge du CHI du bassin de Thau la somme de 144 930,64 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2023, date d'enregistrement au greffe de la cour de son mémoire en demandant le bénéfice. La capitalisation des intérêts a été demandée à l'occasion du mémoire de la CPAM de l'Hérault enregistré le 8 juin 2023. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 8 juin 2024, date à laquelle sera due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. 22. Le remboursement à la caisse par le tiers responsable des prestations qu'elle sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente. Il ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. En l'espèce, le CHI du bassin de Thau déclare s'opposer au versement immédiat d'un capital. L'indemnisation doit donc prendre la forme d'une rente. Il ressort du document justificatif produit par la CPAM de l'Hérault que les dépenses de santé futures exposées par elle s'élèvent à la somme annuelle de 121 095,36 euros, qui n'est pas remise en cause par le centre hospitalier. En conséquence, le CHI du bassin de Thau versera à la CPAM de l'Hérault une rente annuelle, après application du taux de perte de chance retenu, de 72 657,22 euros revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion : 23. Aux termes de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 : " Les montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 115 euros et 1 162 euros au titre des remboursements effectués au cours de l'année 2023. ". 24. En application des dispositions précitées, la CPAM de l'Hérault a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 1 162 euros auquel elle a été fixée par l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale. En conséquence, le CHI du bassin de Thau versera à la CPAM de l'Hérault la somme de 1 162 euros. 25. Compte tenu des éléments exposés au point 16, il y'a lieu de réserver jusqu'en fin d'instance les droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué dans le présent arrêt. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1903584 du 29 mars 2021 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il n'a que partiellement fait droit aux conclusions des requérants. Article 2 : La somme que le CHI du bassin de Thau a été condamné à payer à Mme A..., représentée par Mme B..., par le tribunal administratif de Montpellier est portée à 339 900 euros. Cette somme sera éventuellement augmentée après expertise d'une somme correspondant aux préjudices relatifs à la perte de revenus et à l'incidence professionnelle subis par Mme A... dans la limite d'une condamnation totale de 650 000 euros. Article 3 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Montpellier par Mme B... et par M. E... en leur nom personnel sont rejetées en tant qu'elles excèdent les sommes de 6 000 euros et de 3 600 euros qui leur ont été respectivement accordées par le jugement n° 1903584 du 29 mars 2021. Article 4 : Les conclusions présentées devant la cour par Mme B... et par M. E... en leur nom personnel sont rejetées. Article 5 : Le CHI du bassin de Thau est condamné à payer à la CPAM de l'Hérault la somme de 144 930,64 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2023, et de la capitalisation des intérêts à compter du 8 juin 2024, puis à chaque échéance annuelle éventuelle à compter de cette date. Article 6 : Le CHI du bassin de Thau est condamné à payer à la CPAM de l'Hérault une rente annuelle d'un montant de 72 657,22 euros. Cette rente sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code la sécurité sociale. Article 7 : Le CHI du bassin de Thau versera à la CPAM de l'Hérault la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Article 8 : Le surplus des conclusions de la CPAM de l'Hérault est rejeté. Article 9 : Il est ordonné, avant de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'indemnisation des pertes de revenus et du préjudice d'incidence professionnelle invoqués par les requérants, une expertise confiée à un médecin psychiatre, qui aura pour mission : 1°) de se faire communiquer tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission et notamment ceux qui sont relatifs au suivi médical, interventions, soins et traitements dont Mme A... faisait l'objet avant son hospitalisation le 10 novembre 2009 ; 2°) de décrire précisément l'état de santé et la pathologie de Mme A... à la date de son hospitalisation ; 3°) d'indiquer si cet état de santé rendait ou non Mme A... inapte de manière définitive et absolue à la reprise de son activité professionnelle ou, à défaut, de toute autre activité professionnelle lui donnant droit à une rémunération ; 4°) de préciser, dans l'hypothèse où cet état de santé ne rendait pas Mme A... inapte de manière définitive et absolue à la reprise de son activité professionnelle ou, à défaut, de toute autre activité professionnelle lui donnant droit à une rémunération, à partir de quelle date cette reprise du travail aurait été possible ; 5°) de donner à la cour tous éléments d'appréciation de nature à lui permettre de se prononcer sur l'état de santé de Mme A..., indépendamment de la faute commise par le centre hospitalier des séquelles qui en ont résulté. Article 10 : L'expert accomplira la mission définie à l'article 7 dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Article 11 : L'expertise sera menée contradictoirement entre Mme A... représentée par Mme G... B..., le centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, la mutuelle générale de l'éducation nationale, le ministre de l'éducation nationale et la rectrice de la région académique Occitanie. Article 12 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires, dans le délai qui sera fixé par la présidente de la cour. Il en notifiera copie aux personnes intéressées, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord desdites parties. Article 13 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance. Article 14 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B..., à M. D... E..., au centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, à la mutuelle générale de l'éducation nationale, au ministre de l'éducation nationale et à la rectrice de la région académique Occitanie. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 22MA03052
CETATEXT000048424429
J6_L_2023_11_00022MA03126
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424429.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA03126, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA03126
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
LEVHA
M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. Par un jugement n° 2206372 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 20 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Levha, demande à la Cour : 1°) d' annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation familiale et personnelle ; - cette décision méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - l'obligation de quitter le territoire est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ; - l'obligation de quitter le territoire méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles des articles 3-1 et 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante algérienne, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Elle relève appel du jugement du 22 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., née le 7 mars 1984, est entrée en France le 13 août 2015, munie d'un visa Schengen valable 30 jours. Le 15 décembre 2016, elle a épousé un compatriote titulaire d'un certificat de résidence valable 10 ans, qui est le père de son enfant né le 1er janvier 2019. La requérante, qui avait cependant quitté le domicile familial depuis le 31 octobre 2018 à la suite d'un acte de violence commis par son époux à son encontre, bénéficie depuis d'un hébergement en apparthôtel au titre du 115 et perçoit une aide financière en sa qualité de mère d'un enfant en bas âge, sans avoir tenté d'exercer une activité professionnelle. Par un jugement du 23 mars 2023, le divorce a été prononcé entre les époux. Mme B..., qui a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 31 ans, y dispose d'attaches familiales dans la mesure où ses parents et ses 7 frères et sœurs y résident. Elle s'est soustraite à l'obligation de quitter le territoire dont elle avait fait l'objet le 9 janvier 2018. Elle fait valoir ses difficultés motrices dues à une poliomyélite contractée au cours de l'enfance, la scolarisation de son enfant et sa participation aux activités scolaires, sa maîtrise de la langue française et son implication dans une activité théâtrale depuis 2022. Eu égard cependant à la durée et aux conditions du séjour de Mme B..., en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doivent être écartés. Pour les mêmes motifs et en dépit de l'acte de violence commis par son ex-époux en 2018 et des pressions psychologiques qu'il aurait continué à exercer sur la requérante par la suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de la requérante et des conséquences de sa décision doit également être écarté. 4. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 5 Le jugement du 23 mars 2023 cité au point précédent décide, d'une part, que Mme B... exercera seule l'autorité parentale sur son enfant et que son domicile constituera la résidence habituelle de ce dernier, d'autre part, que le père de celui-ci bénéficiera d'un droit de visite en lieu neutre une fois par mois. Ce jugement constate l'absence de l'intéressé au cours de la procédure et le fait qu'il n'a pas participé systématiquement aux rencontres en lieu neutre avec son enfant deux fois par mois que l'ordonnance de non-conciliation du 10 décembre 2020 avaient prévues. Compte tenu de l'âge de cet enfant et de l'ensemble de ces circonstances, son père titulaire d'un certificat de résidence valable 10 ans pouvant librement circuler entre la France et l'Algérie, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire : 6. D'une part, le moyen selon lequel l'obligation de quitter le territoire est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour doit être écarté dès lors que l'illégalité de cette dernière décision n'est pas établie. 7. D'autre part, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles des articles 3-1 et 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les motifs énoncés respectivement aux points 3 à 5. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 8. Le moyen selon lequel la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté dès lors que l'illégalité de ces dernières décisions n'est pas établie. 9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Levha et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. N° 22MA03126 2 nb
CETATEXT000048424431
J6_L_2023_11_00022MA03145
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424431.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 22MA03145, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA03145
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
OLOUMI - AVOCATS & ASSOCIÉS
M. Nicolas DANVEAU
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois. Par un jugement n° 2201080 du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 23 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Hmad, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 14 décembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 du préfet des Alpes-Maritimes ; 3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est entaché d'erreurs de fait et d'erreurs d'appréciation ; - il n'a pas sollicité de demande d'admission au séjour par le travail mais seulement sur le fondement de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; en tout état de cause, il disposait déjà d'une autorisation de travail sous la forme d'un récépissé de demande de titre de séjour et le préfet ne pouvait donc exiger qu'il fournisse une demande d'autorisation de travail à l'appui de sa demande de titre de séjour ; - la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, au regard des stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, du 7° de l'article 313-11 et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - sa présence stable et continue sur le territoire français depuis plus de dix ans est établie ; le préfet était tenu de saisir la commission des titres de séjour prévue à l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'ensemble de sa famille réside sur le territoire français et il ne dispose plus d'aucune attache privée ou familiale dans son pays d'origine ; - il justifie son insertion professionnelle sur le territoire français ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour. La requête a été transmise au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par une ordonnance du 29 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau ; - et les observations de Me Hmad, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant tunisien né le 10 juillet 1973, relève appel du jugement du 14 décembre 2022 du tribunal administratif de Nice ayant rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne le refus de séjour : 2. M. A... soutient qu'il n'a pas sollicité son admission au séjour par le travail et que le préfet a examiné uniquement sur ce fondement les pièces concernant son insertion professionnelle. Cependant, un tel moyen est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, le préfet ayant également statué sur la demande d'admission au séjour présentée par le requérant au titre de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 7 mars 1988 et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas tenu compte de ces pièces pour examiner la demande de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions et que l'arrêté serait, de ce fait, entaché d'un défaut d'examen de sa situation. 3. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 4. M. A... soutient qu'entré en France en 2004, il y réside habituellement depuis lors, y travaille en qualité d'agent d'entretien et y a établi le centre de sa vie privée et familiale avec ses frères de nationalité française. Toutefois, si M. A... se prévaut ainsi d'une présence continue en France depuis 2004, celle-ci n'est toutefois établie par aucune pièce pour les années 2004, 2006 et 2010. Des pièces parcellaires sont seulement produites pour les années 2005, 2007 à 2009 et 2011 à 2021. A cet égard, les avis d'imposition produits par l'intéressé font état d'une absence de revenus de sa part. En outre, les autres pièces produites pour ces années, tels que des documents médicaux, des factures ou des pièces portant sur ses droits à l'aide médicale de l'Etat, sont insuffisamment variées et nombreuses pour justifier de sa résidence habituelle en France au titre de ces années. L'arrêté attaqué mentionne en outre, sans être contesté sur ces points, que M. A... est célibataire et sans enfant et qu'il a fait l'objet de précédentes obligations de quitter le territoire français, les 19 mai 2006, 26 février 2009, 25 octobre 2012 et 18 septembre 2014. Enfin, la circonstance qu'il soit titulaire depuis le 1er janvier 2022 d'un contrat de travail à durée indéterminée, que ses deux frères de nationalité française résident en France et que ses parents soient décédés ne suffit pas à établir qu'il a effectivement transposé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux et qu'il serait dépourvu d'attaches privées et familiales en Tunisie, son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 30 ans. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté contesté, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, cet arrêté ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché cet arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A.... 5. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ". 6. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". 7. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, bien que l'accord franco-tunisien ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation au titre de l'activité salariée. En revanche, les dispositions précitées de l'article L. 435-1 sont applicables aux ressortissants tunisiens s'agissant de la délivrance, au titre de la régularisation, d'une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale. 8. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France et de son insertion professionnelle, ne justifie pas, au regard des éléments exposés au point 4, d'éléments de sa vie personnelle pouvant constituer des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également de l'ensemble des pièces produites que M. A... ne justifie pas d'une présence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans, de sorte que le préfet des Alpes-Maritimes n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Enfin, si M. A... soutient que l'arrêté préfectoral, qui souligne qu'il n'a pas produit de demande d'autorisation de travail, est entaché d'erreurs de fait et de droit dès lors qu'il était en possession d'un récépissé de titre de séjour l'autorisant à travailler, cet élément est en tout état de cause sans incidence sur sa légalité dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, le requérant n'a pas sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de l'exercice d'une activité salariée et que, d'autre part, le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les seuls motifs mentionnés au point 4. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : 9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, le requérant n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2022 du préfet des Alpes-Maritimes. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. N° 22MA03145 2 cm
CETATEXT000048424434
J6_L_2023_11_00023MA00193
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424434.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 23MA00193, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA00193
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
ZERROUKI
M. Jérôme MAHMOUTI
M. GAUTRON
Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mahmouti. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant nigérian, relève appel du jugement du 17 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation dirigée contre l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination. 2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 3. M. B... A... est entré en France de manière irrégulière et s'y est maintenu malgré l'édiction à son encontre d'une obligation de quitter le territoire en date du 24 juin 2019 dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Marseille le 8 novembre 2019 et par la cour de céans le 10 mars 2021. Par ailleurs, il ne démontre l'existence d'aucun obstacle à ce qu'il retourne dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans selon ses déclarations et à ce qu'il y poursuive sa vie familiale avec sa compagne, de même nationalité que lui et séjournant elle aussi sur le territoire français en situation irrégulière, ainsi qu'avec leurs enfants. Dans ces conditions, et compte tenu de ce que les pièces que le requérant verse au débat n'établissent sa présence continue en France que depuis au mieux l'année 2017 et eu égard à la circonstance qu'il ne justifie pas d'une insertion socioprofessionnelle particulière, l'arrêté préfectoral contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". L'arrêté attaqué n'a pas pour effet de contraindre M. B... A... à se séparer de ses enfants ou d'imposer au plus âgé d'entre eux d'interrompre toute scolarité. Si le requérant fait valoir que ses enfants, qui sont scolarisés en France, seraient confrontés à des difficultés d'intégration en cas de retour au Nigéria, rien ne s'oppose, ainsi qu'il a été dit, à la reconstitution de la cellule familiale dans ce pays dont les deux parents sont originaires et où M. B... A... a vécu la plus ample partie de sa vie. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant. 5. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux deux points précédents, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire doivent être rejetées ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023. 2 N° 23MA00193 cm
CETATEXT000048424436
J6_L_2023_11_00023MA00222
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424436.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA00222, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA00222
1ère chambre
C
M. PORTAIL
DESFOUR
M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement n° 2101072 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2023, et des mémoires enregistrés le 1er février 2023 et le 26 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Desfour, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 octobre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne fait pas mention des traitements qui lui sont nécessaires, ni des éléments sur lesquels il s'est fondé pour estimer qu'il pouvait en bénéficier dans son pays d'origine, ni ne fait mention de la présence de sa mère en France, titulaire d'un titre de séjour, et de son épouse et de ses enfants arrivés sur le territoire en 2022 à la suite de l'offensive russe contre son pays ; - le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; - la commission du titre de séjour n'a pas été consultée en méconnaissance de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français d'immigration et d'intégration (OFII) ; - l'arrêté attaqué est irrégulier par voie de conséquence de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'OFII, qui ne précise pas la nature et la durée de son traitement ; - cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'y a pas d'accès effectif à un traitement contre sa pathologie en Ukraine ; - il doit pouvoir bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 décembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Claudé-Mougel a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., de nationalité ukrainienne, demande l'annulation du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 10 août 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) désigné afin d'émettre un avis doit préciser : " a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ". 3. En premier lieu, l'arrêté du 10 août 2020 litigieux vise les textes dont il est fait application, en particulier le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, en précisant les éléments déterminants de la situation du requérant, dont son identité, sa date de naissance, la date de son entrée sur le territoire français ainsi que ceux ayant conduit à lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, en visant également l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII à la suite du contrôle du dossier médical de l'intéressé. Aucune disposition n'imposait au préfet des Bouches-du-Rhône de faire mention des traitements qui lui sont nécessaires, ni des éléments sur lesquels il s'est fondé pour estimer qu'il pouvait en bénéficier dans son pays d'origine. Il en ressort également que le préfet des Bouches-du-Rhône a examiné la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en relevant qu'il ne faisait valoir aucun motif exceptionnel, ni considération humanitaires qui justifierait son admission au séjour sur ce fondement, ainsi qu'au regard des stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en mentionnant que M. A... n'établissait pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résidaient alors son épouse et ses deux enfants. A ce dernier égard, M. A... ne peut sérieusement soutenir que cet arrêté ne fait pas mention de la présence régulière de sa mère en France, alors que le titre de séjour qu'il produit a été délivré à cette dernière le 30 août 2021, ni de celle de son épouse et de ses enfants, alors qu'il indique lui-même qu'ils sont arrivés sur le territoire en 2022. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'une insuffisance de motivation. 4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté rappelée au point précédent, que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... Ce moyen doit également être écarté. 5. En troisième lieu, s'il ressort de l'examen de l'arrêté attaqué que le préfet des Bouches-du-Rhône a pris en compte l'avis du collège des médecins de l'OFII, il n'en résulte pas qu'il se serait estimé en situation de compétence liée par rapport à cet avis. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 6. En quatrième lieu, il ressort de l'avis du collège des médecins de l'OFII que si l'état de santé de M. A..., qui souffre du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et d'une hépatite C, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié en Ukraine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, vers lequel il peut voyager sans risque. Si M. A... produit des articles de presse sur la situation sanitaire en Ukraine entre 2012 et 2015, ces éléments, par leur généralité et leur ancienneté, sont insuffisants pour remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII. Il en est de même du rapport issu du programme commun des Nations unies sur le VIH/sida qui est relatif aux restrictions existantes à l'accueil des personnes atteintes du VIH en 2019 dans le monde, au demeurant rédigé en anglais. Les autres éléments que produit le requérant, tel que les rapports de l'Agence des Nations Unies pour les Réfugiés et de l'Organisation mondiale de la Santé, sont postérieurs à l'arrêté litigieux et à l'offensive déclenchée contre l'Ukraine par la Russie, et ne sont dès lors pas susceptibles de remettre en cause cet avis à la date à laquelle il a été rendu, ni à établir que le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation, à la date à laquelle il l'a pris. 7. En cinquième lieu, l'absence de mention de la durée du traitement, qui a pour objet de préciser si le demandeur nécessite des soins de longue durée ou non pour l'attribution d'un titre de séjour à raison de son état de santé, n'est pas de nature à entacher la régularité de l'avis du collège de médecins de l'OFII, dès lors que celui-ci a estimé que M. A... pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux serait illégal par voie de conséquence de l'illégalité de cet avis, alors au demeurant que cet arrêté n'a pas été pris pour l'exécution de cet avis qui n'en constitue pas davantage la base légale, doit donc, en tout état de cause, être écarté. 8. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer (...) une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité. M. A... qui, ainsi que cela résulte du point précédent, ne remplit pas les conditions pour prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 de ce code, n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône devait soumettre sa demande à la commission du titre de séjour. 9. En septième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ". 10. Si M. A... se prévaut de la situation de guerre en Ukraine pour soutenir que devait lui être délivré un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces circonstances sont postérieures à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, et ne sont dès lors pas de nature à établir l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant, à cette date, la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement. 11. En huitième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. 12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français le 19 juin 2019 à l'âge de 39 ans. Eu égard à cette arrivée récente, et alors que son épouse et ses deux enfants résidaient en Ukraine à la date de l'arrêté attaqué et ne l'ont rejoint que postérieurement, en avril 2022, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ledit arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nonobstant la circonstance que sa mère est présente régulièrement sur le territoire, le titre de séjour dont elle bénéficie ne lui ayant été au demeurant délivré que le 30 août 2021 ainsi qu'il a été dit au point 3, soit également postérieurement à la date de l'arrêté attaqué. 13. En neuvième et dernier lieu, M. A... ne peut utilement soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'arrêté attaqué ne comporte aucune mesure d'éloignement. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D É C I D E Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Desfour. Copie en sera adressée au préfet des préfet des Bouches-du-Rhône et à l'office français de l'immigration et de l'intégration Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. N° 23MA00222 2
CETATEXT000048424438
J6_L_2023_11_00023MA00335
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424438.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA00335, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA00335
1ère chambre
C
M. PORTAIL
JEAN-JOEL GOVERNATORI AVOCAT
Mme Caroline POULLAIN
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'association pour la qualité de vie à Valberg (AQ2V), le syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", M. C... F... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le maire de la commune de Péone a accordé à la SARL Loremag un permis de construire un programme résidentiel sur un terrain situé au lieu-dit " E... ", ensemble les décisions implicites portant rejet de leurs recours gracieux. Par un jugement n° 2105498 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 février, 14 juin et 30 juillet 2023, l'AQ2V, le syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", M. F... et M. B..., représentés par Me Busson, demandent à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 8 décembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 ; 3°) d'annuler les décisions implicites portant rejet de leurs recours gracieux ; 4°) de mettre à la charge in solidum de la commune de Péone et de la SARL Loremag une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'objet social de l'AQ2V lui confère intérêt à agir, son président ayant qualité pour la représenter ; l'immeuble " Le Sun Neige " est voisin immédiat et l'importance du projet entrainerait notamment une perte de vue, d'intimité et d'ensoleillement pour ses copropriétaires ; ceux-ci, dûment représentés par leur syndic ou agissant à titre individuel, ont ainsi également intérêt pour agir ; - les notifications prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont bien été effectuées ; - c'est à tort que le tribunal a écarté les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 431-16 du code de l'urbanisme ainsi que des articles UB 7, UB 12 et UB 15 du plan local d'urbanisme et L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ; - le projet méconnaît l'article UB 8 du plan local d'urbanisme, l'égout de toit en partie nord de la façade est du bâtiment B2 étant situé à 9,21 mètres du sol naturel ; - le dossier de demande ne permet pas d'apprécier le respect de l'article UB 13 du plan local d'urbanisme dès lors qu'il ne comporte pas de précision sur le stationnement des vélos et des véhicules hybrides ou électriques ; un document établi postérieurement à la délivrance du permis ne peut à cet égard être pris en compte ; - les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ne sont pas respectées ; - le projet aurait dû être refusé en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme au regard du risque incendie dès lors que le point d'eau est situé à plus de 200 mètres de l'autre côté de la route départementale et que le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie n'est pas respecté ; - le projet méconnaît l'article UB14 du plan local d'urbanisme et les articles R. 431-9 et R. 431-13 du code de l'urbanisme ; l'accès est prévu par un parc de stationnement public sur lequel un flux de circulation va être apporté et dont plusieurs places seront rendues inutilisables ; non seulement l'accord du gestionnaire est requis, mais le déclassement du parking aurait dû être effectué ; l'échange prévu avec la commune ne respecte pas les dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme. Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 juin et 11 septembre 2023, la commune de Péone, représentée par Me de Poulpiquet de Brescanvel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'objet social de l'association ne lui confère pas qualité à agir ; - il n'est pas justifié que le projet serait de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des biens des co-propriétaires de l'immeuble " Le Sun Neige " ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés ; - la Cour pourra faire application des dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme et subsidiairement de celles de l'article L. 600-5-1 du même code. Par des mémoires enregistrés les 9 juin, 12 juillet et 24 août 2023, la SARL Loremag, représentée par Me Governatori, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 8 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'objet social de l'association ne lui confère pas qualité à agir ; il n'est en outre pas justifié de la qualité de son représentant car le conseil d'administration qui l'a autorisé à agir n'a pas été valablement constitué ; - il n'est pas justifié que le projet serait de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des biens des co-propriétaires de l'immeuble " Le Sun Neige ", dont MM. F... et B... ; la qualité du syndic pour représenter les co-propriétaires n'est pas justifiée ; - la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ; - la Cour pourra faire application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme. Par lettre du 18 octobre 2023, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l'application éventuelle de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Des observations ont été enregistrées pour la commune de Péone et la SARL Loremag le 24 octobre 2023, et pour les requérants le 25 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le décret n° 2003-1169 du 2 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Poullain, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Busson, représentant les requérants, et de Me Lefèbvre, représentant la SARL Loremag. Considérant ce qui suit : 1. Par arrêté du 23 avril 2021, le maire de la commune de Péone a délivré à la SARL Loremag un permis de construire un programme résidentiel, composé de " gros chalets d'appartements collectifs et de chalets individuels ", créant 103 logements sur un terrain situé lieu-dit " E... " dans la station de ski de Valberg, cadastré section AD n° 11, 12, 15, 18, 19, 21, 22 et 23, pour une surface de plancher créée de 7 075 m². L'association pour la qualité de vie à Valberg (AQ2V), le syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", M. F... et M. B... relèvent appel du jugement du 8 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté, ensemble les décisions portant rejet de leurs recours gracieux. Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance et à la requête d'appel : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". 3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. 4. En premier lieu, il ressort des statuts de l'association AQ2V, régulièrement déclarée, d'une part, qu'elle a notamment pour objet " d'agir pour la sauvegarde de l'intérêt collectif dans le domaine de l'environnement, de l'aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l'urbanisme " " sur le territoire de la station de Valberg " et, d'autre part, que son conseil d'administration a compétence pour " décider d'ester devant les juridictions et mandater à cette fin le président ". Dès lors que le projet autorisé prévoit la création de 103 logements et 7 075 m² de surface de plancher sur des parcelles qui sont aujourd'hui vierges de toute construction au centre de la station de Valberg, il ne saurait être sérieusement contesté qu'il est susceptible de modifier de façon conséquente le cadre de vie, l'aménagement et l'équilibre de celle-ci, de telle sorte que l'objet de l'association lui confère intérêt à demander l'annulation du permis litigieux. Par ailleurs, lors de ses réunions des 20 septembre 2021 et 5 janvier 2023, le conseil d'administration a donné autorisation à son président pour ester en justice devant toutes juridictions afin d'obtenir l'annulation du permis de construire en litige. En outre, si le juge doit s'assurer de la réalité de l'habilitation du représentant de l'association qui l'a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée. La circonstance que le conseil d'administration de l'association requérante qui a autorisé son président à ester en justice aurait été irrégulièrement composé est dès lors sans influence sur la recevabilité de sa demande de première instance. 5. En second lieu, l'immeuble " Le Sun Neige " est voisin immédiat des parcelles d'assiette des constructions, certains appartements étant particulièrement orientés vers celles sur lesquelles seront implantés les immeubles collectifs. Eu égard aux caractéristiques du projet telles qu'elles viennent d'être rappelées, ses copropriétaires, tant MM. F... et B... à titre personnel, que leur ensemble organisé en syndicat, justifient d'un intérêt à agir. Par délibérations des 21 octobre 2021 et 27 juin 2023, l'assemblée générale des co-propriétaires a donné autorisation au syndic d'ester en justice devant toutes juridictions, et particulièrement de relever appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 8 décembre 2022, afin d'obtenir l'annulation du permis de construire en litige. La circonstance que la première de ces autorisations a été donnée postérieurement à l'introduction de la demande de première instance est sans influence sur la recevabilité de celle-ci, la régularisation de la requête pouvant à cet égard intervenir jusqu'à la clôture de l'instruction. 6. Il résulte de tout ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être écartées. Sur le bien-fondé du permis de construire : 7. En premier lieu, si, dans leurs premières écritures, les requérants indiquaient qu'ils développeraient ultérieurement leurs moyens dans un nouveau mémoire, aucun complément n'a été par la suite apporté sur les méconnaissances alléguées des articles R. 431-16 du code de l'urbanisme, UB 7, UB 12 et UB 15 du plan local d'urbanisme et L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales. Ces moyens ne sont dès lors pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et doivent être écartés. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme applicable en zone de montagne : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, (...) ". Aux termes de l'article L. 122-5 du même code : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, (...) ". Aux termes de l'article L. 172-1 du code de l'urbanisme : " Les directives territoriales d'aménagement approuvées avant le 13 juillet 2010 restent en vigueur. / Elles sont soumises aux dispositions des articles L. 172-2 à L. 172-5. ". Aux termes de l'article L. 172-2 du même code : " Les dispositions des directives territoriales d'aménagement qui précisent les modalités d'application des dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues aux chapitres Ier et II du titre II du présent livre s'appliquent aux personnes et opérations qui y sont mentionnées. ". 9. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet aux dispositions du code de l'urbanisme particulières à la montagne, le cas échéant au regard des prescriptions d'une directive territoriale d'aménagement demeurée en vigueur qui sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions des articles L. 122-1 et suivants du même code. 10. Il est constant que la commune de Péone est concernée par la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes approuvée par décret du 2 décembre 2003. Cette directive précise pour l'application de la loi montagne, pour les communes classées dans le secteur du " haut pays ", en son article III. 234, que " La forme urbaine ou l'inscription dans le site sont des éléments déterminants pour l'identification des bourgs, villages, hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants ainsi que pour l'appréciation des possibilités d'extension en continuité. ", puis que " la continuité de l'urbanisation implique la proximité visuelle mais non la contiguïté des espaces bâtis. L'urbanisation en continuité peut intégrer des espaces non bâtis de faible dimension à l'échelle de l'unité urbaine considérée (...) ; ", que " les limites de la continuité sont établies à partir des protections existantes et des critères suivants : / critères physiques liés au terrain : reliefs, secteur de forte déclivité, cours d'eau, vallons... ; / critères résultant de l'analyse du paysage et notamment : / l'intérêt propre des paysages : protection des socles de villages, des secteurs à fort impact visuel, préservation des vues ; / l'impact qu'aurait l'urbanisation sur la structure du paysage et l'équilibre entre les espace bâtis et les espaces naturels ; " et que " lorsqu'il existe à proximité des bourgs, villages, hameaux (...) des espaces partiellement urbanisés, leur urbanisation pourra être renforcée. Ce renforcement pourra permettre de favoriser la continuité avec ces pôles bâtis, (...) ". Ces prescriptions sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme relatives à la montagne. 11. En l'espèce, les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune de Péone ont classé les parcelles d'implantation du projet en zone UBb et UD et ont défini une orientation d'aménagement et de programmation pour ce secteur, afin d'y permettre des opérations en lien avec l'accueil touristique, une résidence de tourisme et des logements. Il ressort des pièces du dossier que si ces parcelles s'ouvrent au sud et à l'ouest sur des espaces naturels, elles s'insèrent au nord, à l'est et au sud-est au sein du front bâti constituant la station de Valberg, qui constitue un village au sens des dispositions citées ci-dessus. Leur construction favorisera la continuité de ce front au centre de la station, présent de part et d'autre de la route départementale 28, en respectant la structure du paysage délimité au sud et à l'ouest par des espaces boisés que le projet n'atteindra pas, ainsi que par la route de Garibeuil. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'urbanisation des parcelles litigieuses ne s'inscrirait pas en continuité du village et ne respecterait pas les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme. 12. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". 13. Si les requérants soutiennent que le projet ne respecte pas le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie des Alpes-Maritimes, ce document relève d'une législation distincte du code de l'urbanisme et n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier, alors qu'il n'est pas contesté que le service départemental d'incendie et de secours a rendu un avis favorable à la délivrance du permis litigieux, que le projet, eu égard à son emplacement par rapport aux points d'eau incendie, serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique. Le maire n'a dès lors pas commis d'erreur manifeste d'appréciation à cet égard. 14. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article UB 8 du règlement du PLU de la commune de Péone relatif à la hauteur des constructions : " (....) Secteur UBb : La hauteur des constructions, mesurée en tout point des façades du sol naturel ou excavé jusqu'à l'égout du toit ne pourra excéder 9 m (A...+3). Elle comprend la hauteur des combles mesurée depuis l'égout du toit jusqu'au sommet de la construction. Celle-ci ne pourra excéder 3 mètres (....) ". 15. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, les plans de coupes qui figurent au dossier délimitent, par un tracé en pointillé rouge la hauteur de 9 mètres mesurée à partir du terrain naturel, en deçà duquel sont présentés l'ensemble des égouts de toit de tous les bâtiments constituant le projet. Toutefois, s'agissant du bâtiment B2 qui concentre les critiques des requérants, il ressort des pièces du dossier, et particulièrement du plan de sa façade est, PC5.4.1, que les égouts du toit se situent à 1 676,47 mètres du nivellement général de la France. Si ce plan mentionne le niveau du sol, à 1 667,94 mètres du nivellement général de la France, à l'aplomb de l'égout du toit du côté sud du bâtiment, pour une hauteur de construction à cet endroit de 8,53 mètres, il ne donne pas d'indication précise s'agissant du niveau du sol à l'aplomb de l'égout du toit de son côté nord. Ce niveau paraît toutefois similaire à celui du côté sud du bâtiment B1 situé à proximité immédiate, soit 1 667,21 mètres du nivellement général de la France. Les courbes de niveau qui figurent sur le plan de toiture, PC5.4.3, confirment, d'une part, que le niveau du sol à l'aplomb de l'angle sud-est du bâtiment est plus haut que celui à l'aplomb de son angle nord-est et, d'autre part, que ce dernier est très proche de celui du cheminement piétons qui passe devant le bâtiment, de 1 667,19 mètres du nivellement général de la France. Il ressort ainsi de ces éléments que la hauteur du bâtiment à l'égout du toit est à cet endroit de l'ordre de 9,27 mètres, et par conséquent supérieure à la limite fixée par l'article UB 8 du règlement du plan local d'urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition doit dès lors être accueilli. 16. En cinquième lieu, les dispositions de l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme précisent que " L'ensemble des constructions autorisées dans la zone doivent disposer d'un nombre de places, d'une surface et de dispositifs minimums nécessaires pour les stationnements des vélos, véhicules hybrides et électriques conformément à la réglementation en vigueur. Pour le stationnement des véhicules hybrides, il est exigé 1 borne de rechargement ". 17. S'il ressort du plan " sous-sol -1 " que 20 % des places de stationnement seront équipées pour la recharge de véhicules électriques et hybrides et que six locaux d'emplacements vélos, d'une superficie totale de 104 m², sont prévus au niveau - 1 des constructions situées en zone UBb, il est constant que ce plan a été établi au cours du mois de novembre 2022, postérieurement à la délivrance du permis attaqué le 23 avril 2021. Il ne peut en conséquence être pris en compte pour apprécier la légalité de l'autorisation litigieuse. Dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le projet, tel que présenté à l'autorité municipale, comportait des éléments relatifs au stationnement des vélos et véhicules hybrides et électriques, les requérants sont fondés à soutenir que les dispositions de l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme ont été méconnues. 18. En sixième lieu, aux termes du 3ème alinéa de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder. ". Aux termes de l'article R. 431-13 du même code : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ". L'article UB14 du règlement du plan local d'urbanisme précise " Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée. ". 19. Ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, l'accès aux terrains est assuré par la route départementale 28, via un passage qui est aujourd'hui un parking public qui lui est attenant et en est séparé par un petit terre-plein. Il ne saurait dès lors être contesté que les terrains auront ainsi accès direct à une voie publique au sens de l'article UB14 cité ci-dessus, selon d'ailleurs les mêmes modalités que l'ensemble des riverains de ce côté de cette voie départementale et sans que rien ne permette de conclure qu'il en résulterait un risque pour la sécurité de la circulation publique. Il ressort par ailleurs de l'arrêté contesté lui-même, alors que le projet de construction ne porte pas sur une dépendance du domaine public, que les services compétents du département des Alpes-Maritimes ont rendu un avis favorable à celui-ci. Enfin, le passage en cause demeure affecté à l'usage direct du public et le département n'avait pas à procéder à un déclassement du domaine public. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UB14 du règlement du plan local d'urbanisme et des articles R. 431-9, R. 431-13 et R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté. 20. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / 1° Le versement de la taxe d'aménagement (...) / 2° Le versement des contributions aux dépenses d'équipements publics (...) / 3° La réalisation des équipements propres mentionnées à l'article L. 332-15 ; / 5° Le versement de la redevance d'archéologie préventive (...) ". Aux termes de l'article L. 332-15 du même code : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés ". 21. Il ressort des pièces du dossier qu'est prévue la cession au département d'une petite parcelle de terrain par le pétitionnaire pour la création de trois places de stationnement public en entrée de sa propriété, afin de rétablir les trois places qui devront être supprimées sur le parking public attenant pour créer l'accès des constructions litigieuses à la voie publique. Cette cession gratuite, dont il n'est pas même allégué qu'elle satisferait à un besoin du projet de construction et participerait à la réalisation d'un équipement propre nécessaire à sa réalisation, ne figure pas parmi les obligations auxquelles peuvent être tenus les bénéficiaires d'autorisations de construire en application de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme. Elle est par suite illégale. Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : 22. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. 23. En dépit des vices dont le permis de construire litigieux est atteint, une mesure de régularisation n'impliquerait pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Le permis de construire contesté est donc susceptible d'être régularisé. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et d'impartir à la commune de Péone un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt afin de produire la mesure de régularisation nécessaire. D É C I D E: Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de l'AQ2V, du syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", de M. F... et de M. B..., jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois, afin de permettre à la SARL Loremag et à la commune de Péone de régulariser les vices retenus par le présent arrêt aux points 15, 17 et 21. Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la qualité de vie à Valberg, au syndicat des copropriétaires " immeuble Le Sun Neige Valberg ", à M. C... F..., à M. D... B..., à la commune de Péone et à la SARL Loremag. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : -M. Portail, président, -M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, -Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N° 23MA00335
CETATEXT000048424449
J6_L_2023_11_00023MA00670
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 23MA00670, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA00670
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
ALMAIRAC
Mme Lison RIGAUD
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2300065 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 mars 2023, Mme A... épouse B..., représentée par Me Almairac, demande à la cour : 1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) de " réformer " le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 février 2023 ; 3°) d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2022 du préfet des Alpes-Maritimes ; 4°) d'enjoindre au préfet Alpes-Maritimes de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, laquelle renonce par avance à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Elle soutient que : - l'arrêté en litige est insuffisamment motivé au regard des dispositions des articles L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; - il est entaché d'erreur de droit, le préfet des Alpes-Maritimes s'étant abstenu d'examiner sa demande de titre de séjour déposée le 9 juillet 2021 ; - il méconnaît les dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il viole les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ; - il viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire. Mme A... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Rigaud a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A... épouse B..., ressortissante russe née le 23 octobre 1982, relève appel du jugement du 10 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ". 3. Par une décision du 28 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a statué sur la demande de Mme A... épouse B.... Il n'y a donc pas lieu de statuer sur sa demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ". 5. En l'espèce, l'arrêté en litige du 28 décembre 2022 vise les stipulations internationales et les dispositions législatives et réglementaires en vigueur au jour de son édiction, notamment les articles L. 542-2 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise, entre autre, que la deuxième demande de réexamen de la demande d'asile de Mme A... épouse B... a été rejetée par l'Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides et qu'elle ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire. Cet arrêté mentionne également les raisons pour lesquelles le préfet estime que la décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'intérêt supérieur de ses enfants au sens de la convention internationale des droits de l'enfant. L'arrêté en litige comporte ainsi avec suffisamment de précision, et de manière non stéréotypée, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent, mettant à même la requérante d'en comprendre le sens et la portée. A ce titre, l'absence de mention du dépôt d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour et de la décision implicite née sur cette demande en cours de contestation devant le tribunal administratif ne saurait caractériser une insuffisance de motivation. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation révélant un défaut d'examen sérieux doit être écarté. 6. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". 7. Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide de prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger qui se trouve dans le cas mentionné au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, y compris si un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour lui a été délivré pendant la durée d'instruction de cette demande de titre de séjour. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour au demandeur, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. 8. S'il ressort des pièces du dossier que Mme A... épouse B... a déposé, par courrier du 8 juillet 2021, reçu par les services de la préfecture le 9 juillet suivant, une demande d'admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il en ressort également qu'une décision implicite de rejet de cette demande est née, dont la requérante a demandé communication des motifs par courrier du 22 novembre 2021 reçu le 23 novembre suivant et qu'elle a contesté par un recours en annulation devant le tribunal administratif de Nice, toujours pendant. La demande d'admission au séjour de la requérante n'était donc pas en cours d'instruction à la date de l'arrêté attaqué. Ainsi, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet des Alpes-Maritimes en s'abstenant d'examiner sa demande d'admission au séjour doit être écarté. 9. Si la requérante soutient que l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui est pas applicable, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait examiné sa situation au regard des dispositions de cet article. 10. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'Office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : (...) 2° Lorsque le demandeur : (...) c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 542-4 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. ". 11. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué, qui ne sont pas contestés par la requérante, ainsi que des autres pièces du dossier, qu'elle a introduit, le 21 mars 2016, une deuxième demande de réexamen et que ses demandes ont été définitivement rejetées. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et nonobstant la circonstance qu'elle avait l'intention de déposer une nouvelle demande de réexamen de sa demande d'asile compte tenu de nouveaux éléments, elle ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". 13. Selon ses déclarations, Mme A... épouse B... est entrée pour la dernière fois en France en novembre 2014 avec son époux et leurs deux enfants mineurs nés le 31 janvier 2009 et le 24 mai 2010 en Russie, pour y solliciter le réexamen de leur demande d'asile. Ce dernier a été définitivement rejeté. Elle se prévaut de la durée de la présence continue en France de la cellule familiale, de la scolarisation de ses enfants, dont le troisième est né en France le 17 septembre 2015, de ses efforts d'intégration par le suivi de cours sociolinguistique dans une association, des promesses d'embauche dont bénéficie son époux et de leurs craintes de persécution en cas de retour en Russie. Toutefois, alors que cette dernière circonstance demeure sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la réalité d'une intégration sociale ou professionnelle particulière en France de la requérante et de sa famille. L'époux de la requérante est également en situation irrégulière et tous deux n'établissent pas être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, Mme A... épouse B..., qui ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que la cellule familiale soit reconstituée dans leur pays d'origine et que ses enfants y poursuivent leur scolarité, n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 14. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 15. L'arrêté en litige n'a ni pour objet ni pour effet, de séparer les enfants de la requérante de l'un de leurs deux parents, tous deux en situation irrégulière sur le territoire français et de nationalité russe, alors même que leurs trois enfants, mineurs, sont scolarisés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. 16. Si la requérante soulève un moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce dernier doit être écarté comme étant inopérant, l'arrêté en litige ne statuant pas sur une demande d'admission au séjour. 17. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". 18. Mme A... épouse B..., ressortissante russe d'origine tchétchène, soutient qu'elle craint des représailles et des persécutions en cas de retour en Russie dès lors que son époux n'a pas déféré à la convocation qui lui a été envoyée pour rejoindre l'armée russe dans le cadre du conflit armé entre son pays et l'Ukraine, et produit au soutien de ses allégations la traduction et la copie de la convocation pour le 7 octobre 2022 adressée à son époux par le commissariat militaire de la République de Tchétchénie pour un contrôle médical d'aptitude au service militaire. Ce seul document ne permet toutefois pas d'établir que l'époux de la requérante est effectivement soumis à une obligation militaire et sa mobilisation certaine dans le contexte de la guerre conduite par la Russie contre l'Ukraine, ni, par conséquent, qu'elle serait, ainsi que son époux, exposée à des risques personnels et actuels de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est opérant qu'à l'égard de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, ne peut qu'être écarté. 19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... épouse B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 28 décembre 2022. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. D É C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par Mme A... épouse B.... Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... épouse B... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B..., à Me Almairac et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure, - M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. 23MA00670 2
CETATEXT000048424451
J6_L_2023_11_00023MA00671
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 23MA00671, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA00671
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
ALMAIRAC
Mme Lison RIGAUD
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2300066 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 mars 2023, M. B..., représenté par Me Almairac, demande à la cour : 1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) de " réformer " le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 février 2023 ; 3°) d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2022 du préfet des Alpes-Maritimes ; 4°) d'enjoindre au préfet Alpes-Maritimes de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, laquelle renonce par avance à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - l'arrêté en litige est insuffisamment motivé au regard des dispositions des articles L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; - il est entaché d'erreur de droit, le préfet des Alpes-Maritimes s'étant abstenu d'examiner sa demande de titre de séjour déposée le 9 juillet 2021 ; - il méconnaît les dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il viole les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ; - il viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Rigaud a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant russe né le 25 juin 1979, relève appel du jugement du 10 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ". 3. Par une décision du 28 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a statué sur la demande de M. B.... Il n'y a donc pas lieu de statuer sur sa demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ". 5. En l'espèce, l'arrêté en litige du 28 décembre 2022 vise les stipulations internationales et les dispositions législatives et réglementaires en vigueur au jour de son édiction, notamment les articles L. 542-2 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise, entre autre, que la deuxième demande de réexamen de la demande d'asile de M. B... a été rejetée par l'Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides et qu'elle ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire. Cet arrêté mentionne également les raisons pour lesquelles le préfet estime que la décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'intérêt supérieur de ses enfants au sens de la convention internationale des droits de l'enfant. L'arrêté en litige comporte ainsi avec suffisamment de précision, et de manière non stéréotypée, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent, mettant à même le requérant d'en comprendre le sens et la portée. A ce titre, l'absence de mention du dépôt d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour et de la décision implicite née sur cette demande en cours de contestation devant le tribunal administratif ne saurait caractériser une insuffisance de motivation. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation révélant un défaut d'examen sérieux doit être écarté. 6. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". 7. Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide de prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger qui se trouve dans le cas mentionné au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, y compris si un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour lui a été délivré pendant la durée d'instruction de cette demande de titre de séjour. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour au demandeur, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. 8. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... a déposé, par courrier du 8 juillet 2021, reçu par les services de la préfecture le 9 juillet suivant, une demande d'admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il en ressort également qu'une décision implicite de rejet de cette demande est née, dont le requérant a demandé communication des motifs par courrier du 22 novembre 2021 reçu le 23 novembre suivant et qu'il a contesté par un recours en annulation devant le tribunal administratif de Nice, toujours pendant. La demande d'admission au séjour du requérant n'était donc pas en cours d'instruction à la date de l'arrêté attaqué. Ainsi, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet des Alpes-Maritimes en s'abstenant d'examiner sa demande d'admission au séjour doit être écarté. 9. Si le requérant soutient que l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui est pas applicable, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait examiné sa situation au regard des dispositions de cet article. 10. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'Office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : (...) 2° Lorsque le demandeur : (...) c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 542-4 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. ". 11. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué, qui ne sont pas contestés par le requérant, ainsi que des autres pièces du dossier, qu'il a introduit, le 21 mars 2016, une deuxième demande de réexamen et que ses demandes ont été définitivement rejetées. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et nonobstant la circonstance qu'il avait l'intention de déposer une nouvelle demande de réexamen de sa demande d'asile compte tenu de nouveaux éléments, il ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". 13. Selon ses déclarations, M. B... est entré pour la dernière fois en France en novembre 2014 avec son épouse et leurs deux enfants mineurs nés le 31 janvier 2009 et le 24 mai 2010 en Russie, pour y solliciter le réexamen de leur demande d'asile. Ce dernier a été définitivement rejeté. Il se prévaut de la durée de la présence continue en France de la cellule familiale, de la scolarisation de ses enfants, dont le troisième est né en France le 17 septembre 2015, de ses efforts d'intégration et de ceux de son épouse, des promesses d'embauche dont il bénéficie et de leurs craintes de persécution en cas de retour en Russie. Toutefois, alors que cette dernière circonstance demeure sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la réalité d'une intégration sociale ou professionnelle particulière en France du requérant et de sa famille. L'épouse du requérant est également en situation irrégulière et tous deux n'établissent pas être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, M. B..., qui ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que la cellule familiale soit reconstituée dans leur pays d'origine et que ses enfants y poursuivent leur scolarité, n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 14. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 15. L'arrêté en litige n'a ni pour objet ni pour effet, de séparer les enfants du requérant de l'un de leurs deux parents, tous deux en situation irrégulière sur le territoire français et de nationalité russe, alors même que leurs trois enfants, mineurs, sont scolarisés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. 16. Si le requérant soulève un moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce dernier doit être écarté comme étant inopérant, l'arrêté en litige ne statuant pas sur une demande d'admission au séjour. 17. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". 18. M. B..., ressortissant russe d'origine tchétchène, soutient qu'il craint d'être incarcéré et persécuté en cas de retour en Russie dès lors qu'il n'a pas déféré à la convocation qui lui a été envoyée pour rejoindre l'armée russe dans le cadre du conflit armé entre son pays et l'Ukraine, et produit au soutien de ses allégations la traduction et la copie de sa convocation pour le 7 octobre 2022 par le commissariat militaire de la République de Tchétchénie pour un contrôle médical d'aptitude au service militaire. Ce seul document ne permet toutefois pas d'établir qu'il est effectivement soumis à une obligation militaire et sa mobilisation certaine dans le contexte de la guerre conduite par la Russie contre l'Ukraine, ni, par conséquent, qu'il serait exposé à des risques personnels et actuels de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est opérant qu'à l'égard de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, ne peut qu'être écarté. 19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 28 décembre 2022. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. D É C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. B.... Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Almairac et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure, - M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. 23MA00671 2
CETATEXT000048424454
J6_L_2023_11_00023MA01014
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424454.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA01014, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA01014
1ère chambre
C
M. PORTAIL
DESFOUR
M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2206381 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Desfour, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 3 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : Sur le refus de titre de séjour : - la décision litigieuse est insuffisamment motivée ; - le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; - la commission du titre de séjour n'a pas été consultée en méconnaissance de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français d'immigration et d'intégration (OFII) ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié au Maroc ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Sur la décision portant obligation de quitter le territoire : - la décision litigieuse est insuffisamment motivée ; - le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; - cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; - cette décision méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur la décision fixant le pays de renvoi : - la décision litigieuse est insuffisamment motivée ; - le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; - cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; - cette décision méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa situation personnelle. M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Claudé-Mougel a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., de nationalité marocaine, demande l'annulation du jugement du 22 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 3 mai 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. " Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser l'admission au séjour sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour : 3. En premier lieu, l'arrêté attaqué du 3 mai 2022 vise les textes dont il est fait application, en particulier l'article L. 425-9 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en précisant les éléments déterminants de la situation du requérant, dont son identité, sa date de naissance, la date de son entrée sur le territoire français et les motifs ayant conduit à lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, en visant également l'avis rendu le 30 mars 2022 par le collège des médecins de l'OFII à la suite du contrôle du dossier médical de l'intéressé. Il en ressort également que le préfet des Bouches-du-Rhône a examiné la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en relevant qu'il ne faisait valoir aucun motif exceptionnel, ni considération humanitaires qui justifierait son admission au séjour sur ce fondement, ainsi qu'au regard des stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en mentionnant que M. A..., célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 50 ans et où réside l'ensemble de sa fratrie. Ledit arrêté mentionne en outre que l'intéressé n'établit pas l'existence d'une des protections envisagées par l'article L. 611-3 du code faisant obstacle à qu'il fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire, que sa situation ne justifie pas qu'à titre exceptionnel, un délai supérieur lui soit accordé et qu'il sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité, ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou à destination de tout autre pays où il est légalement admissible. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'une insuffisance de motivation. 4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté rappelée au point précédent, que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... Ce moyen doit également être écarté. 5. En troisième lieu, s'il ressort de l'examen de l'arrêté attaqué que le préfet des Bouches-du-Rhône a pris en compte l'avis du collège des médecins de l'OFII, il n'en résulte pas qu'il se serait estimé en situation de compétence liée par rapport à cet avis. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. 6. En quatrième lieu, il ressort de l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII le 30 mars 2022 que si l'état de santé de M. A..., qui souffre d'un diabète de type 2 entraînant des complications ophtalmologiques et néphrologiques ainsi que d'une dépression sévère avec tentatives de suicide, pour laquelle il a été hospitalisé en août 2019 et août 2020, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié au Maroc, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, vers lequel il peut voyager sans risque. Les certificats médicaux produits à l'instance par l'intéressé, tous postérieurs à cet avis, ne viennent pas le contredire utilement en mentionnant seulement, pour l'un, qu'" un retour au Maroc apparaît défavorable " sans davantage de précision et, pour l'autre, que les prises en charge de M. A... ne peuvent être mises en place dans ce pays dans l'hypothèse d'un séjour ou d'un voyage, non plus que les autres éléments produits par le requérant, dont un rapport de l'observatoire national du développement humain qui fait état, de façon générale, des disparités d'accès aux soins au Maroc et un article de presse portant sur la situation d'un seul hôpital psychiatrique dans cet Etat, alors qu'un autre rapport relatif à la santé mentale au Maroc, établi par différents contributeurs marocains et français, universitaires et praticiens hospitaliers, souligne une profonde volonté de réforme et un fort engagement sur cette question du gouvernement, qui en a fait une priorité nationale depuis 2012, ainsi que les avancées considérables déjà intervenues, en dépit des disparités persistantes sur le territoire. Le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation ne peut dès lors qu'être écarté. 7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer (...) une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité. M. A... qui, ainsi que cela résulte du point précédent, ne remplit pas les conditions pour prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 de ce code, n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône devait soumettre sa demande à la commission du titre de séjour. 8. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. 9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français en 2014 à l'âge de 50 ans, qu'il est célibataire et sans enfants, et que l'ensemble de sa fratrie réside au Maroc. La seule circonstance qu'il a occupé un emploi à temps partiel en 2014 et 2015, en qualité d'ouvrier de production au sein du centre d'hébergement et de réinsertion L'Etape de Rognes, et qu'il est employé en cette même qualité depuis 2021, également à temps partiel, auprès de l'association d'insertion par le travail Les ateliers de Trévaresse, ne suffit pas à établir qu'il aurait en France le centre de ses intérêts privés et familiaux et, par suite, que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que le préfet aurait commis une erreur manifeste quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle. 10. En septième et dernier lieu, le requérant ne peut utilement soutenir que la décision lui refusant le titre de séjour sollicité méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que cette décision n'a pas pour objet de l'éloigner du territoire. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire : 11. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 4 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait insuffisamment motivée, ni que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation. 12. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 10 du présent arrêt que la décision refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour est légale. Le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ne peut donc qu'être écarté. 13. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa situation personnelle. 14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi :/ 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;/ 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ;/ 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible./ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " 15. Ainsi qu'il a été dit au point 6, M. A... n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Maroc. Il n'établit pas davantage qu'il y serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de cette convention, ainsi que des dispositions l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut, dans ces conditions, qu'être écarté. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 16. D'une part, pour mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 4 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait insuffisamment motivée, ni que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation. 17. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, M. A... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi de la mesure d'éloignement méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa situation personnelle. 18. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 15 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'être écarté. 19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D É C I D E Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...,au ministre de l'intérieur et à Me Desfour. Copie en sera adressée au préfet des préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. N° 23MA01014 2 nb
CETATEXT000048424456
J6_L_2023_11_00023MA01265
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424456.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 23MA01265, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA01265
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
OLOUMI - AVOCATS & ASSOCIÉS
Mme Lison RIGAUD
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 17 octobre 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2205000 du 30 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023, M. B..., représenté par Me Oloumi, demande à la cour : 1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2022 ; 3°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 octobre 2022 ; 4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans un délai de 8 jours et en accuser l'exécution en l'informant et en informant la cour ; 5°) en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail pendant le réexamen de sa demande en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou la délivrance d'un titre de séjour ; 6°) en cas d'annulation de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de mettre immédiatement fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en application de l'article L. 614-17 du même code ; 7°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme allouée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et que le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nice a omis d'examiner les moyens tirés du caractère stéréotypé de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 octobre 2022, de l'illégalité du signalement aux fins d'admission dans le système d'information Schengen et de la nécessité d'ordonner son effacement ; - la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'erreur de fait et ne procède pas à une analyse de sa situation personnelle ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille et méconnaît ainsi l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il justifie de circonstances particulières qui font obstacle à ce que le préfet puisse adopter une décision de refus d'octroi de délai de départ volontaire ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire national est fondée sur une décision illégale ; - elle est illégale dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille et méconnaît ainsi l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ; - il revient au préfet des Alpes-Maritimes de préciser si le requérant fait ou ne fait pas l'objet de signalement aux fins de non-admission sur le système d'information Schengen ; - le signalement aux fins d'admission dans le système d'information Schengen est illégal ; - il s'en rapporte, pour le reste, à ses écritures produites en première instance. M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2023. La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations du public avec l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme Rigaud a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., de nationalité géorgienne, relève appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 octobre 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et prononçant une interdiction de retour pour une durée de deux ans. Sur les conclusions aux fins d'admission au bénéficie de l'aide juridictionnelle provisoire : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ". 3. Par une décision du 31 mars 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions présentées par l'intéressé tendant à ce que la cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet à la date du présent arrêt. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer. Sur la régularité du jugement : 4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 5. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le magistrat désigné a expressément répondu aux moyens soulevés par le requérant de manière motivée en fait et en droit. En particulier, le magistrat désigné a répondu, par une motivation suffisante, au moyen tiré de ce que la décision en litige serait stéréotypée au point 5 de son jugement. 6. En ne répondant pas au moyen tiré de l'illégalité du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, moyen inopérant dès lors, d'une part, qu'une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et, d'autre part, que le magistrat a expressément répondu aux moyens relatifs à l'interdiction de retour sur le territoire français, le magistrat désigné n'a pas entaché son jugement de défaut d'examen d'un moyen. 7. Contrairement à ce que soutient le requérant, le magistrat désigné a statué sur sa demande d'injonction au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission au point 15 de son jugement. 8. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions : 9. Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". 10. D'une part, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, et vise notamment les articles L. 311-1, L. 311-2, L. 611-1, L. 611-2, L. 612-1 à L. 612-4, L. 612-6 à L. 612-10, L. 613-1, L. 613-2, L. 721-3 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 3 de la convention internationale sur les droits de l'enfant. D'autre part, il indique que l'intéressé n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant avec lequel il ne démontre pas la réalité des liens, et qu'il ne démontre pas avoir l'autorité parentale. En outre, l'arrêté relève que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité d'y retourner pour y mener sa vie privée et familiale. La circonstance que le préfet des Alpes-Maritimes, qui n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, n'ait pas mentionné que sa fille était scolarisée en France n'entache pas la motivation de l'arrêté en litige d'insuffisance. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant et du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. B... doivent être écartés. En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire : 11. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. (...). ". L'article L. 612-3 dudit code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ". 12. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet des Alpes-Maritimes a refusé d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire aux motifs qu'il est entré illégalement sur le territoire français, qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il n'a pas présenté de passeport en cours de validité lors de son interpellation, qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, qu'il a déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire national lors de son audition et qu'il ne justifie pas de résidence effective et permanente. Si M. B... justifie d'un passeport valide à la date de l'arrêté, il ne peut cependant être regardé comme justifiant d'une résidence effective et permanente en France avec sa conjointe. En outre, il est constant que le requérant s'est abstenu d'entamer toute démarche en vue d'obtenir la régularisation de sa situation administrative depuis le rejet définitif de sa demande d'asile en 2020, qu'il a déclaré au cours de son audition par les services de police le 17 octobre 2022 vouloir se maintenir en France et qu'il n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours édictée à son encontre le 7 avril 2021 et qui lui avait été notifiée le 9 avril 2021. Le préfet des Alpes-Maritimes a pu, pour ces motifs, estimer que le risque de fuite était caractérisé et refuser d'octroyer à M. B... un délai de départ volontaire sans méconnaitre les dispositions précitées ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation. 13. Si M. B... se prévaut de sa situation professionnelle, du rejet de son mariage par la société géorgienne et par sa famille élargie et de la scolarisation de sa fille en France, ces éléments, à les supposer établis, ne constituent pas des circonstances particulières au sens des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 14. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 15. M. B... soutient qu'il vit sur le territoire français depuis 2019 avec son épouse et leur fille, née en Géorgie le 17 décembre 2006, qui est scolarisée au lycée professionnel Vauban à Nice. Toutefois, les pièces qu'il produit ne justifient d'aucune circonstance faisant obstacle à la reconstitution de la cellule familiale dans son pays d'origine dont tous les membres de la famille sont ressortissants, son épouse étant également en situation irrégulière, ou à la poursuite de la scolarité de sa fille dans leur pays d'origine. Par ailleurs, M. B... n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans. En outre, si M. B... déclare travailler en France, les pièces versées au dossier, insuffisamment nombreuses et variées, ne permettent pas d'établir une insertion socioéconomique significative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 16. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation. 17. L'arrêté attaqué n'a pas pour effet de contraindre M. B... à se séparer de sa fille et le requérant n'établit pas que la cellule familiale qu'il forme avec son épouse, ressortissante géorgienne, également en situation irrégulière, ne pourrait pas se reconstituer dans leur pays d'origine. Il n'est pas plus démontré que sa fille ne pourrait pas poursuivre sa scolarité en Géorgie. Dans ces conditions, le moyen titré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. 18. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions en annulation de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire doivent être rejetées. En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français : 19. Il résulte de ce qui précède que la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire étant légale, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette dernière. 20. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. M. B... se prévaut de la présence en France de son épouse et de sa fille, qui est scolarisée au lycée, ces éléments ne constituent pas des circonstances humanitaires qui auraient permis de justifier que le préfet des Alpes-Maritimes n'édicte pas une interdiction de retour à son encontre. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation de sa situation. 21. Pour les mêmes motifs que ceux développés au point 15 du présent arrêt, l'interdiction de retour sur le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. 22. Ainsi qu'il a été dit au point 17 du présent arrêt, l'épouse de M. B... est comme lui, en situation irrégulière. Rien ne fait obstacle à ce qu'elle reparte avec lui accompagnés de leur fille mineure dans leur pays d'origine où cette dernière pourra poursuivre normalement sa scolarité. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant. 23. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français doivent être rejetées. 24. En dernier lieu, lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. La décision portant interdiction à M. B... de revenir sur le territoire français pendant un délai de deux ans n'étant pas illégale, pour les motifs énoncés ci-dessus, le requérant n'est en tout état de cause pas fondé à exciper de l'illégalité de cette dernière. En ce qui concerne les autres moyens invoqués : 25. En se bornant à déclarer qu'il s'en rapporte à ses écritures produites en première instance, sans les intégrer à la requête et sans produire ses écritures de première instance, M. B... n'émet aucune critique à l'encontre du jugement attaqué et ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs que le magistrat désigné aurait pu commettre en écartant ces moyens. 26. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2022. Sur les conclusions à fin d'injonction : 27. Le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Sur les frais liés au litige : 28. L'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. B.... Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Oloumi et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure, - M. Nicolas Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. 2 N° 23MA01265
CETATEXT000048424458
J6_L_2023_11_00023MA01268
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 10/11/2023, 23MA01268, Inédit au recueil Lebon
2023-11-10 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA01268
2ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme FEDI
LARBRE
Mme Lison RIGAUD
M. GAUTRON
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 4 janvier 2021 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes doit être regardé comme ayant rejeté sa demande de titre de séjour et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 9 396,75 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi. Par un jugement n° 2101025 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 4 janvier 2021 et a rejeté ses conclusions indemnitaires. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023, Mme C... épouse E..., représentée par Me Larbre, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 16 mars 2023 ; 2°) d'annuler la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 4 janvier 2021 ; 3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 10 396, 75 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le courrier du 4 janvier 2021 s'analyse comme une décision rejetant sa demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale " ; - le préfet s'est mépris sur sa demande en l'interprétant comme une demande de regroupement familial alors qu'il s'agissait d'une demande de carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; - la décision attaquée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable et porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; - l'illégalité de cette décision est d'autant plus patente que le préfet des Alpes-Maritimes lui a finalement délivré un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 20 juillet 2022 au 19 juillet 2023 ; - l'erreur commise par les services de la préfecture est constitutive d'une faute qui lui a causé un préjudice dès lors qu'elle a été privée d'une chance de percevoir des salaires résultant de l'impossibilité d'être embauchée en raison de l'absence de titre de séjour ; - le tribunal s'est mépris sur l'existence du lien de causalité entre l'illégalité fautive de la décision du 4 janvier 2021 et le préjudice qu'elle invoque en s'appuyant sur des faits inexacts ; - elle sollicite également le paiement de la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral. La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire. Par un courrier du 5 octobre 2023, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de Mme C..., nouvelles en appel, en tant qu'elles excèdent le montant de 9 396,75 euros et de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 4 janvier 2021 compte tenu de la délivrance le 22 juillet 2022 du titre de séjour sollicité par Mme C.... Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2023, Mme C... épouse E..., représentée par Me Larbre, a présenté des observations en réponse à ces moyens relevés d'office. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud ; - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... épouse E..., ressortissante marocaine née le 18 février 1991, a formé le 22 octobre 2020, une demande de renouvellement de son titre de séjour avec changement de statut, notifiée aux services de la préfecture des Alpes-Maritimes le 3 novembre 2020. Par un courrier du 4 janvier 2021, les services de la préfecture des Alpes-Maritimes ont répondu à Mme C... qu'ils n'étaient pas compétents pour connaître de sa demande au motif qu'il s'agissait d'une demande de regroupement familial. Mme C... relève appel du jugement du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 4 janvier 2021 et rejeté ses conclusions indemnitaires. Sur la recevabilité des conclusions en appel : 2. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'enregistrement de sa requête, le préfet des Alpes-Maritimes a délivré à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, valable du 20 juillet 2022 au 19 juillet 2023. Si Mme C... a soutenu devant les premiers juges qu'elle devait se voir délivrer un titre de séjour d'une durée de deux ans en application des dispositions du 3° de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du I de l'article L. 313-17 du même code et du 2° de l'article L. 313-18 de ce code, alors applicables, dès lors qu'elle était déjà titulaire d'une carte de séjour " travailleur temporaire " d'une durée d'un an, valide entre du 15 novembre 2019 au 14 novembre 2020, il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressée n'a pas sollicité la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle sur le fondement de l'article L. 313-17 et ne démontre pas, au demeurant, qu'elle satisfait à la condition de continuer de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont elle était précédemment titulaire. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu'en délivrant un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme C... le 20 juillet 2022 pour une durée d'un an, le préfet des Alpes-Maritimes a donné entière satisfaction à la demande d'admission au séjour présentée par l'intéressée. 3. Il résulte de ce qui précède que, dès la date à laquelle la requête a été enregistrée devant la cour, les conclusions à fin d'annulation étaient dépourvues d'objet. Elles sont, par suite, irrecevables. 4. La personne qui a demandé au tribunal administratif la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors qu'ils se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle. 5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la circonstance que Mme C... a, en première instance, seulement demandé réparation de la perte de chance de percevoir des salaires résultant de l'illégalité de la décision du 4 janvier 2021 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande d'admission au séjour, ne fait pas obstacle à ce qu'elle sollicite en appel l'indemnisation du préjudice moral qu'elle estime imputable à cette illégalité. En revanche, en l'absence d'éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement attaqué, ses prétentions ne sont recevables que dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, soit 9 396,75 euros. Le surplus des conclusions indemnitaires de Mme C... doit donc être rejeté comme irrecevable. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la faute commise par l'Etat : 6. Le tribunal a prononcé l'annulation de la décision du 4 janvier 2021 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande d'admission au séjour présentée par Mme C.... Il ressort en effet des pièces du dossier, comme l'ont retenu les premiers juges, en particulier du formulaire de demande d'admission au séjour adressé par Mme C... aux services de la préfecture des Alpes-Maritimes, que l'intéressée a expressément sollicité le renouvellement de son titre de séjour avec changement de statut en demandant un titre " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 7e du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En considérant que la demande de Mme C... s'analysait comme une demande de regroupement familial pour se déclarer incompétent pour en connaître, le préfet des Alpes-Maritimes a entaché sa décision d'une erreur quant à la teneur de la demande de l'intéressée. La décision du 4 janvier 2021, qui s'analyse comme un refus d'admission au séjour, est donc à ce premier titre entachée d'illégalité. 7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 7e du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". 8. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France le 19 novembre 2018 sous couvert d'un visa touristique de type C entrées multiples. Elle a été titulaire d'une carte de séjour " travailleur temporaire " valable du 15 novembre 2019 au 14 novembre 2020. Elle a été engagée, en qualité d'interne en médecine, comme stagiaire associée au sein du centre hospitalier universitaire de Nice de décembre 2019 à novembre 2020 et a notamment participé à l'activité du service de néphrologie-dialyse-transplantation de cet établissement pour la prise en charge des patients pendant l'épidémie de Covid-19 de novembre 2019 à octobre 2020. Par ailleurs, le 31 août 2016, elle s'est mariée avec M. D... E..., un compatriote titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " salarié ", ensuite naturalisé français par décret du 6 août 2021, ce dernier étant employé comme ingénieur en contrat à durée indéterminée. Ensemble ils ont donné naissance au jeune A..., né à Cannes le 21 avril 2019. La réalité de la vie commune avec son époux, au sein du logement dont ce dernier est propriétaire, est établie au plus tard depuis l'entrée en France de Mme C.... Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, Mme C... est fondée à soutenir que la décision par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour a porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée contraire aux dispositions et stipulations précitées. La décision du 4 janvier 2021 est donc à ce second titre entachée d'illégalité. 9. Par suite, ces illégalités constituent une faute de nature à engager la responsabilité de l'État à l'égard de Mme C... à raison des préjudices certains et directs qu'elle a causés et qu'il appartient à l'intéressée d'établir. En ce qui concerne les préjudices subis : 10. Mme C... soutient que la faute commise par le préfet des Alpes-Maritimes l'a privée d'une chance sérieuse de percevoir des revenus. Il résulte de l'instruction qu'elle devait être engagée en qualité d'assistante spécialiste associée à temps plein au sein du service de néphrologie de centre hospitalier universitaire de Nice, à compter du 1er septembre 2021, pour un salaire mensuel brut de 2 537 euros auquel devait s'ajouter des services de permanence de soins à raison d'environ 8,5 astreintes par mois au taux de 42,64 euros bruts l'une, 2 à 3 pages de cinq heures liées aux déplacements d'astreinte au taux de 110,01 euros bruts l'une ainsi que 3 demi-gardes effectuées en hémodialyse à 110,01 euros bruts l'une. Si Mme C... a été mise en possession d'un récépissé de demande de titre de séjour du 21 juillet 2021 renouvelé jusqu'au 20 janvier 2022, il résulte de l'instruction, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Nice au point 5 du jugement attaqué, que ce récépissé valant autorisation provisoire de séjour n'autorisait pas son titulaire à occuper un emploi. La requérante a ensuite été mise en possession, à compter du 17 janvier 2022 jusqu'au 16 juillet 2022, d'un récépissé de demande de carte de séjour l'autorisant à travailler et a conclu un contrat de travail d'une durée d'un an à compter du 16 février 2022 au sein du centre hospitalier universitaire de Nice en qualité d'assistant spécialiste associé des hôpitaux. Mme C... justifie ainsi que le refus illégal de renouveler son titre de séjour lui a fait perdre une chance sérieuse d'occuper l'emploi d'assistant spécialiste associé à temps plein au sein du service de néphrologie du centre hospitalier universitaire de Nice à compter du 1er septembre 2021 et jusqu'au 17 janvier 2022. Elle est donc fondée à soutenir que les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'une erreur de droit en niant l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'illégalité de la décision attaquée et la perte de chance de pouvoir travailler pour rejeter sa demande indemnitaire. Elle a ainsi droit à l'indemnisation de ce chef de préjudice pour la période de trois mois et demi allant du 1er septembre 2021, date à laquelle son embauche était prévue au sein du centre hospitalier universitaire de Nice, jusqu'au 17 janvier 2022, date de délivrance de l'autorisation provisoire de séjour l'ayant autorisée à travailler. 11. Mme C... sollicite une indemnisation correspondant à la moitié de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir en tant d'assistant spécialiste associé à temps plein. Les pièces produites à l'appui de sa requête justifient des montants de rémunération bruts mensuels qu'elle allègue dans ses écritures. Dans ces conditions, le préjudice matériel subi par Mme C..., et dont la réparation incombe à l'Etat, s'établit à la somme totale de 11 959,50 euros. Il y a donc lieu de condamner l'Etat à réparer le préjudice matériel de Mme C... dans la limite de ses conclusions indemnitaires, soit 9 396,75 euros. 12. Si Mme C... demande l'indemnisation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 du présent arrêt, qu'en l'absence d'éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement attaqué, ses prétentions ne sont recevables que dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, soit 9 396,75 euros. Il y a lieu, par suite, de rejeter la demande d'indemnisation de ce second chef de préjudice. 13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à demander la condamnation de l'Etat, à raison de l'illégalité qui entache le refus de séjour du 4 janvier 2021, à lui payer la somme totale de 9 396,75 euros. 14. Mme C... est donc fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande indemnitaire. Sur les frais liés au litige : 15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 16 mars 2023 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de Mme C.... Article 2 : L'Etat est condamné à payer la somme de 9 396,75 euros à Mme C.... Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure, - M. Nicolas Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023. 2 N° 23MA01268
CETATEXT000048424463
J7_L_2023_11_00021DA02767
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 21DA02767, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
21DA02767
3ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme Viard
LANCKRIET
Mme Dominique Bureau
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 28 mai 2019 par lequel le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières a prononcé à son encontre la sanction de la révocation à compter du 3 juin 2019 et de mettre à la charge du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières la somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par une demande distincte, Mme B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le maire de la commune de Ferrières l'a radiée des cadres à compter du 3 juin 2019 et de mettre à la charge du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières la somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Enfin, par une demande distincte, transmise au tribunal administratif d'Amiens par une ordonnance du 19 juin 2020 du président du tribunal administratif de Lille, Mme B... a demandé l'annulation de l'avis du 7 novembre 2019 par lequel le conseil de discipline de recours de la région Hauts-de-France a estimé que la sanction de la révocation était justifiée à son égard et de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par un jugement n° 1902498, 1902700 et 2001745 du 23 juin 2021, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir joint les demandes de Mme B..., d'une part, a annulé l'arrêté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 28 mai 2019 en tant qu'il fixe une date de révocation et de radiation des cadres de Mme B... antérieure au 19 juin 2019, d'autre part, a annulé l'arrêté du maire de la commune de Ferrières du 13 juin 2019 en tant qu'il fixe une date de radiation des cadres de Mme B... antérieure au 19 juin 2019, et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 décembre 2021 et le 25 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Stéphanie Calot-Foutry, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 28 mai 2019 et de l'arrêté du 13 juin 2019 du maire de la commune de Ferrières, dans la mesure où ces arrêtés s'appliquent à compter du 19 juin 2019 ; 2°) d'annuler l'arrêté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 28 mai 2019 et l'arrêté du 13 juin 2019 du maire de la commune de Ferrières, dans la mesure où ces arrêtés s'appliquent à compter du 19 juin 2019 ; 3°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières la somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - les faits qui lui sont reprochés ne peuvent être tenus pour établis eu égard tant à l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'ordonnance par laquelle le procureur de la République a classé sans suite la plainte pour faux et usage de faux déposée à son encontre par le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières qu'aux constatations de fait contenues dans le jugement du 15 juin 2018 du tribunal administratif d'Amiens prononçant l'annulation de la décision de licenciement pour inaptitude professionnelle prise à son encontre ; - la sanction de la révocation revêt un caractère disproportionné par rapport à la gravité des faits qui lui sont reprochés ; - l'arrêté du 28 mai 2019 est entaché de détournement de pouvoir. Par des mémoires, enregistrés le 3 mai 2022 et le 14 juin 2022, le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et la commune de Ferrières, représentés par Me Sophie Lanckriet, concluent au rejet de la requête et demandent, en outre, à la cour de mettre à la charge de Mme B... le versement à chacun d'eux de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la requête est tardive ; - les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 8 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 août 2022. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du 28 septembre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Berjon, représentant le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et la commune de Ferrières. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a été nommée agent administratif titulaire au sein du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et de la commune de Ferrières en 2007 pour y exercer, à temps partiel, les fonctions de secrétaire. Par un arrêté du 28 mai 2019, le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières a prononcé à son encontre la sanction de la révocation à compter du 3 juin 2019. Par un arrêté du 13 juin 2019, le maire de la commune de Ferrières l'a, en conséquence, radiée des cadres de la fonction publique. Saisi par Mme B..., le conseil de discipline de recours de la région Hauts-de-France a rendu un avis favorable à sa révocation. Mme B... a contesté ces deux arrêtés et cet avis devant le tribunal administratif d'Amiens. Elle relève appel du jugement du 23 juin 2021 en tant que ce tribunal, après avoir annulé l'arrêté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 28 mai 2019 et celui du maire de la commune de Ferrières du 13 juin 2019, dans la mesure seulement où ces arrêtés fixaient une date d'effet antérieure au 19 juin 2019, a rejeté le surplus de ses demandes dirigées contre ces deux décisions. Sur la légalité de l'arrêté du 28 mai 2019 du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières : 2. Pour prononcer à l'encontre de Mme B... la sanction de la révocation, par l'arrêté contesté du 28 mai 2019, le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières s'est fondé sur deux griefs tirés de manquements par l'intéressée à son devoir de probité et à son devoir d'obéissance. En ce qui concerne la matérialité des faits reprochés à Mme B... : S'agissant du grief tiré d'un manquement au devoir de probité : 3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes du jugement n° 1602635 rendu par le tribunal administratif d'Amiens le 15 juin 2018, que Mme B... avait demandé, le 16 août 2016 à ce tribunal, de condamner le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières à lui verser la nouvelle bonification indiciaire au titre de la période du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2016. Au cours de cette instance, elle s'est prévalue d'un arrêté lui accordant cet élément de rémunération, sur lequel elle a apposé le cachet du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières avant de se le notifier à elle-même malgré l'absence de signature par le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et alors que, par un courrier du 12 septembre 2015, celui-ci avait rejeté sa demande. Mme B... ne conteste pas sérieusement avoir ainsi tiré parti de ses fonctions de secrétaire du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières pour établir un document destiné à lui procurer frauduleusement un avantage injustifié au détriment de cet établissement public intercommunal. Les faits qui lui sont reprochés sont ainsi suffisamment établis. 4. En second lieu, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision du procureur de la République prononçant un classement sans suite, tirée de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Par suite, et alors que la matérialité des faits qui lui sont reprochés est établie par l'autorité administrative, Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir de la décision du 25 avril 2019 par laquelle le procureur adjoint de la République de Beauvais a procédé au classement sans suite de la plainte pour faux et usage de faux déposée le 20 juillet 2018 par le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières, au motif que l'infraction reprochée était insuffisamment caractérisée. S'agissant du grief tiré d'un manquement au devoir d'obéissance : 5. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours du remplacement de Mme B..., qui se trouvait en congé de maladie, par un agent mis à la disposition du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et de la commune de Ferrières par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Oise, cet agent a relevé que l'intéressée n'exécutait pas convenablement les missions qui lui incombaient, notamment en ce qui concerne le paiement des factures du syndicat intercommunal, la gestion des salaires du personnel et la réalisation d'opérations de trésorerie. Mme B... a refusé de se conformer aux instructions contenues dans une lettre d'avertissement adressée le 30 mars 2015 par le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières qui, après avoir dressé une liste des manquements constatés, lui ordonnait de réaliser un certain nombre de tâches et prévoyait des mesures d'organisation susceptibles de faciliter l'exécution par l'intéressée de ses missions. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis. En ce qui concerne le caractère fautif des faits reprochés à Mme B... et le caractère proportionné de la sanction : 6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. 7. En premier lieu, les faits commis par Mme B..., mentionnés aux points 3 et 5, sont constitutifs d'un manquement aux devoirs d'obéissance et de probité, qui incombent à tout fonctionnaire et sont rappelés aux articles 25 et 28, alors en vigueur, de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. 8. En second lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, applicable au litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) / Quatrième groupe : / (...) / la révocation ". 9. Mme B... affirme que sa manière de servir n'avait donné lieu à aucun reproche avant le changement de gouvernance de la commune de Ferrières et du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières, à la suite des élections municipales de 2014. Elle fait également valoir qu'un climat de mésentente s'était installé entre elle et sa hiérarchie, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif d'Amiens dans deux jugements n° 1602640 et n° 1602658 du 15 juin 2018, annulant les décisions de licenciement pour incapacité professionnelle prononcées à son encontre par le maire de la commune de Ferrières et le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières, respectivement, par un arrêté du 7 janvier 2016 et par un arrêté du 15 janvier 2016 confirmé le 29 juillet 2016. Toutefois, l'ensemble de ces éléments n'est pas de nature à atténuer la gravité des fautes commises par Mme B..., qui fondent l'arrêté contesté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières. Dans ces conditions, la sanction de la révocation prononcée à son encontre ne revêt pas un caractère disproportionné. En ce qui concerne le moyen tiré d'un détournement de pouvoir : 10. Mme B... fait valoir que le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrière avait très tôt manifesté à son égard l'intention de l'écarter de ses fonctions en raison d'une animosité personnelle, dès lors que, dans l'exercice de son mandat de maire de la commune de Ferrière, il l'avait suspendue de ses fonctions dès le 26 juin 2015 et, au terme de cette mesure conservatoire, avait installé son poste de travail dans la salle du conseil municipal en lui interdisant d'accéder aux deux bureaux du rez-de chaussée et de " perturber le travail de [son] collègue " ou les " habitants de la commune venant pour des renseignements ou autre ". Elle souligne également que l'intitulé de l'arrêté du 7 janvier 2016 du maire de la commune de Ferrières prononçant son licenciement pour inaptitude professionnelle, de même que celui des deux arrêtés du 31 décembre 2015 et du 4 janvier 2016 ayant le même objet, en définitive annulés par leur auteur et remplacés par l'arrêté du 7 janvier 2016, faisaient référence à la sanction disciplinaire de la révocation. Mme B... se prévaut, enfin, de ce que ce dernier arrêté, ainsi que ceux du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 15 janvier 2016 et du 29 juillet 2016, prononçant sa révocation pour inaptitude professionnelle, ont été annulés par le tribunal administratif d'Amiens au motif que les faits qui lui étaient reprochés n'étaient pas constitutifs d'une telle inaptitude. 11. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier des signatures figurant sur plusieurs documents produits par les parties, que, contrairement à ce que soutient Mme B..., les mandats de maire de la commune de Ferrières et de président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières n'étaient pas exercés par la même personne. 12. Par ailleurs, si l'un des griefs sur lequel se fonde l'arrêté contesté du 28 mai 2019, prononçant à l'encontre de Mme B... la sanction de la révocation, repose en partie sur les faits qui lui avaient antérieurement été reprochés en tant que constitutifs d'une inaptitude professionnelle, désormais qualifiés de manquement par l'intéressée à son devoir d'obéissance, et pour lesquels le maire de la commune de Ferrières avait initialement envisagé de lui infliger une sanction, la procédure disciplinaire ayant donné lieu à l'édiction de cet arrêté a été engagée, le 9 octobre 2018, à la suite du prononcé du jugement n° 1602635 du 15 juin 2018 du tribunal administratif d'Amiens, lequel faisait état de la production, par Mme B..., d'un arrêté lui accordant le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire, établi par ses soins et présenté comme émanant du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières. L'arrêté contesté du 28 mai 2019 a ainsi été pris en considération de la révélation d'un fait nouveau, commis par Mme B... dans le cadre de ses relations avec le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et constitutif d'un manquement par l'intéressée à son devoir de probité. 13. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté du 28 mai 2019 ait été pris par le président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières dans un but étranger à la volonté de sanctionner le comportement fautif de Mme B.... Il s'ensuit que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi. Sur la légalité de l'arrêté du maire de la commune de Ferrières portant radiation des cadres : 14. Aux termes de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : / (...) / 4° De la révocation. / (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une décision de radiation n'est prise, pour la gestion des cadres, qu'en conséquence de la cessation définitive de fonctions résultant d'une décision administrative ou juridictionnelle antérieure. 15. Mme B... ayant fait l'objet d'une sanction de révocation et par suite ayant perdu la qualité de fonctionnaire, le maire de la commune de Ferrières était, ainsi qu'il l'a indiqué dans la décision contestée, tenu, en application des dispositions législatives citées au point précédent, de prononcer sa radiation des cadres. Dès lors que le présent arrêt rejette les conclusions de Mme B... dirigées contre l'arrêté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 28 mai 2019 lui infligeant la sanction de la révocation, il n'y a pas lieu d'annuler, par voie de conséquence, la décision du maire de la commune de Ferrières du 13 juin 2019. 16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du président du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières du 28 mai 2019 et contre l'arrêté du maire de la commune de Ferrières du 13 juin 2019, en tant que ces arrêtés s'appliquent à compter du 19 juin 2019. Sur les frais relatifs à l'instance : 17. Les dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et de la commune de Ferrières, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présence instance. 18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les frais, non compris dans les dépens, exposés par le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et la commune de Ferrières dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat intercommunal scolaire de Ferrières et la commune de Ferrières sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au syndicat intercommunal scolaire de Ferrières, à la commune de Ferrières et à Me Calot-Foutry. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : D. Bureau La présidente de chambre, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne à la préfète de l'Oise ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 21DA02767
CETATEXT000048424464
J7_L_2023_11_00022DA01186
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01186, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01186
3ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme Viard
AARPI ADMYS AVOCATS
M. Frédéric Malfoy
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens : Sous le n° 2100009, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le président de la communauté de communes Thelloise a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'autre part, d'enjoindre au président de la communauté de communes Thelloise de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de prendre en charge les soins qui lui sont liés dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et enfin de mettre à la charge de la communauté de communes Thelloise une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sous le n° 2100962, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 du président de la communauté de communes Thelloise en ce qu'il lui refuse la prolongation de son congé de longue maladie du 1er mars 2021 au 30 avril 2021, d'autre part, d'enjoindre au président de la communauté de communes Thelloise de la placer en congé de longue maladie pour une durée de six mois à compter du 1er novembre 2020 dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le même délai et enfin de mettre à la charge de la communauté de communes Thelloise une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sous le n° 2101795, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel le président de la communauté de communes Thelloise l'a radiée des cadres pour abandon de poste à compter du 15 mars 2021 ainsi que l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel ce président a décidé une retenue sur son traitement pour la période du 1er mars au 15 mars 2021, d'autre part, d'enjoindre au président de la communauté de communes Thelloise de la placer dans une position régulière à compter du 1er mars 2021, de lui verser ses arriérés de rémunération et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux. En outre, Mme B... a demandé que soit mise à la charge de la communauté de communes Thelloise une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2100009, 2100962 et 2101795 du 6 avril 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté l'ensemble de ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 7 juin 2022, le 20 février 2023 et le 29 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Delarue, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler les décisions attaquées ; 3°) d'enjoindre à la communauté de communes Thelloise de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de prendre en charge les soins qui lui sont liés dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) d'enjoindre à la communauté de communes Thelloise de la placer en congé de longue maladie pour une durée de six mois dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le même délai ; 5°) d'enjoindre à la communauté de communes Thelloise de la placer dans une position régulière à compter du 1er mars 2021, de lui verser ses arriérés de rémunération et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux ; 6°) de mettre à la charge de la communauté de communes Thelloise une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier ; ses visas mentionnent une note en délibéré enregistrée le 25 mars 2022 dans la requête n° 2100962 alors qu'elle n'a adressé aucune note en délibéré ; - l'arrêté du 2 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service a été pris sans qu'un rapport du médecin de prévention soit adressé à la commission de réforme ; l'omission de cette formalité imposée par l'article 37-7 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 l'a privée d'une garantie et vicie la procédure de consultation de la commission de réforme ; l'existence du rapport du médecin de prévention ne peut être établie par l'attestation du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Oise ; il n'est pas davantage établi que le médecin de prévention aurait été informé de la réunion de la commission de réforme et de son objet ; - il n'est pas démontré que les documents médicaux fondant sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ont été effectivement communiqués à la commission de réforme ; cette omission, constitutive d'une méconnaissance de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, l'a privée d'une garantie ; - l'avis rendu par la commission de réforme est également irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que le mandat de son président ait été régulièrement prolongé ; les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 ont donc été méconnues ; - en l'absence de motivation, notamment en ce qui concerne le lien de causalité entre les fonctions exercées et la maladie, l'avis défavorable rendu par la commission de réforme méconnaît l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004 ainsi que l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne le lien entre sa maladie et le service et méconnaît l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - l'arrêté du 19 février 2021 refusant de prolonger son congé de longue maladie pour la période comprise entre le 1er mars et le 30 avril 2021 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le médecin de prévention n'a pas remis son rapport au comité médical en méconnaissance des articles 9, 24 et 33 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; ce rapport est requis, même lorsque le comité médical est saisi d'une demande d'avis sur la prolongation du congé de longue maladie ; en outre, ce rapport était obligatoire dès lors que le comité médical devait également se prononcer sur son aptitude à reprendre ses fonctions ; en l'absence d'un tel rapport, elle a été privée d'une garantie ; - il a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le comité médical s'est prononcé au regard de l'avis du comité médical supérieur du 1er décembre 2020 rendu sur la demande de congé de longue durée ; - il a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le comité médical n'avait pas été saisi d'une demande d'avis sur son aptitude à reprendre son poste ; - l'irrégularité de la procédure découle également de ce que le comité médical s'est prononcé sur son aptitude à reprendre son poste sans avoir procédé aux examens prévus par les articles 12 et 13 de l'arrêté ministériel du 3 octobre 1977 relatif aux examens médicaux effectués en vue du dépistage chez les candidats aux emplois publics des affections ouvrant droit au congé de longue maladie et de l'octroi aux fonctionnaires des congés de longue maladie ; - cet arrêté a aussi été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il se prononce implicitement sur la capacité de Mme B... à reprendre son poste sans qu'un médecin spécialiste agréé ne se soit prononcé sur son aptitude à la reprise ; - il est entaché d'une erreur de droit, la communauté de communes Thelloise s'étant crue liée par l'avis du comité médical ; - sa maladie rendant nécessaire un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée, la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 3° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ; - l'arrêté du 18 mars 2021 portant radiation des cadres pour abandon de poste est intervenu selon une procédure irrégulière dès lors que le temps imparti par la mise en demeure pour rejoindre son poste était insuffisant ; - son état de santé justifiait qu'elle soit convoquée à une visite de reprise avec le médecin de prévention ; l'absence d'une telle visite fait obstacle à ce qu'elle puisse être regardée en situation d'abandon de poste ; - en sollicitant une visite médicale de reprise, elle a manifesté sa volonté de ne pas rompre le lien avec le service ; - à défaut d'être affectée sur un emploi précis à la date du 15 mars 2021, elle ne peut être considérée comme ayant abandonné son poste ; - l'arrêté du 18 mars 2021 portant radiation des cadres pour abandon de poste et l'arrêté du 19 mars 2021 opérant une retenue sur son traitement doivent être annulés en conséquence de l'illégalité de la décision 19 février 2021 refusant de prolonger son congé de longue maladie. Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 janvier et 14 mars 2023, la communauté de communes Thelloise, représentée par Me Creveaux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est régulier ; - les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 30 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 avril 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - l'arrêté du 3 octobre 1977 relatif aux examens médicaux effectués en vue du dépistage chez les candidats aux emplois publics des affections ouvrant droit au congé de longue maladie et de l'octroi aux fonctionnaires des congés de longue maladie ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Creveaux pour la communauté de communes Thélloise. Considérant ce qui suit : 1. Depuis le 1er janvier 2016, Mme A... B..., rédactrice territoriale, exerçait en qualité d'instructrice droit des sols, au sein du service de l'urbanisme de la communauté de communes Thelloise. Elle a été placée en congé de longue maladie à partir du 1er août 2018. Le 12 février 2020, Mme B... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. La commission de réforme a rendu un avis défavorable à cette demande le 18 juin 2020 et le président de la communauté de communes Thelloise a rejeté la demande de l'intéressée, par un arrêté du 25 juin 2020. Toutefois, il a retiré cet arrêté le 21 octobre 2020 qui faisait l'objet d'une contestation auprès du tribunal administratif d'Amiens de la part de Mme B..., cette dernière invoquant une irrégularité lors du recueil de l'avis de la commission de réforme. A nouveau saisie, la commission de réforme a rendu un nouvel avis défavorable le 24 septembre 2020. Par un arrêté du 2 novembre 2020, le président de la communauté de communes Thelloise a alors de nouveau rejeté la demande de l'intéressée. Mme B... a demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif d'Amiens aux termes d'une requête enregistrée sous le n° 2100009. 2. Par la suite, consulté le 18 février 2021, le comité médical départemental s'est prononcé en faveur de la prolongation du congé de longue maladie de Mme B... du 1er novembre 2020 au 18 février 2021 et de son aptitude à exercer ses fonctions à cette dernière date. Par un arrêté du 19 février 2021, le président de la communauté de communes Thelloise a prolongé son congé de longue maladie du 1er novembre 2020 au 28 février 2021. Par une deuxième requête enregistrée sous le n° 2100962, Mme B... en a demandé l'annulation au tribunal administratif d'Amiens, en tant que cet arrêté lui refuse la prolongation de ce congé du 1er mars 2021 au 30 avril 2021. 3. Enfin, au vu de l'avis précité du comité médical départemental, par un courrier du 19 février 2021, le président de la communauté de communes Thelloise a décidé que Mme B... était apte à reprendre son service à compter du 1er mars 2021. Mme B... n'ayant cependant pas rejoint son service à cette date, la collectivité lui a adressé un courrier daté du 5 mars 2021 la mettant en demeure de reprendre ses fonctions le 15 mars 2021 à 8 heures 30. L'intéressée ne s'est pas présentée aux jour et heure précités de sorte que par un arrêté du 18 mars 2021, le président de la communauté de communes Thelloise a radié Mme B... des cadres pour abandon de poste. Le lendemain, par un arrêté du 19 mars 2021, cette même autorité a décidé d'opérer une retenue sur le traitement de Mme B... pour la période courant du 1er au 15 mars 2021. Par une troisième requête, enregistrée sous le n° 2101795, Mme B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation de ces deux arrêtés. 4. Le tribunal administratif d'Amiens, qui a joint les trois requêtes, a rejeté l'ensemble de ses demandes par un jugement du 6 avril 2022. Mme B... relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 5. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique [...] Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. ". 6. Eu égard à l'objet de l'obligation ainsi prescrite, qui est de permettre à l'auteur de la note en délibéré de s'assurer que la formation de jugement en a pris connaissance, la circonstance qu'une note en délibéré n'a pas été mentionnée dans la décision, en méconnaissance de cette obligation, ne peut être utilement invoquée pour contester cette décision que par la partie qui a produit cette note. 7. Il ressort des visas du jugement la mention d'une note en délibéré enregistrée le 25 mars 2022 dans la requête n° 2100962 présentée par Mme B.... Il est constant que l'auteur de cette note est la communauté de communes Thelloise. L'attribution erronée de cette note à Mme B... constitue une simple erreur matérielle sans influence sur la régularité du jugement. En tout état de cause, compte tenu du principe précédemment rappelé, Mme B..., qui n'est pas l'auteure véritable de la note en délibéré, ne peut utilement invoquer ce moyen de régularité. Sur le bien-fondé du jugement : Sur les conclusions d'annulation de la décision du 2 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité de la maladie au service : 8. En premier lieu, aux termes de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, applicable à la situation de Mme B... : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné. ". 9. Si Mme B... soutient qu'aucun rapport écrit n'a été établi par le médecin de prévention en vue de l'examen de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, cette affirmation est contredite par le courrier que le président du centre de gestion (CDG) de la fonction publique territoriale de l'Oise a adressé au président de la communauté de communes Thelloise le 22 mars 2021. Il ressort de ce courrier, la confirmation, par le président du CDG, d'une part, que le dossier soumis à la commission de réforme contenait un rapport du médecin de prévention, en date du 18 mai 2020, établi lors d'une visite médicale à laquelle s'était présentée Mme B..., transmis sous pli confidentiel à la commission, et d'autre part, que l'agent concerné venu consulter son dossier à trois reprises les 10 juin, 6 août et 21 septembre 2020 s'était vu remettre une copie intégrale de son dossier contenant ce rapport. Dans ces conditions, ce courrier suffisamment précis et circonstancié, émanant d'une autorité qui n'est pas liée à la collectivité d'emploi de l'agent, doit être regardé comme de nature à établir l'existence du rapport du médecin de prévention, au demeurant soumis au secret médical. Mme B..., n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie que constitue la transmission, à la commission de réforme, du rapport écrit d'un médecin du service de médecine préventive. 10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". 11. Il ressort des observations consignées dans le courrier cité au point 9, que le dossier dont avait été initialement saisie la commission de réforme devant siéger le 18 juin 2020, comportait les documents remis par Mme B... sous pli confidentiel, mais que les membres de la commission avaient omis d'en prendre connaissance. Pour ce motif, l'examen de la situation de Mme B... a été renvoyé à une séance programmée le 24 septembre 2020. S'il apparaît, dans le procès-verbal de cette seconde séance, la mention selon laquelle l'agent n'a remis aucun document, cette indication ne permet pas d'affirmer, comme le fait l'appelante, que l'ensemble des documents qu'elle avait souhaité soumettre initialement à l'appréciation des membres de la commission de réforme n'auraient pas été mis à leur disposition. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la commission de réforme a statué sur la base d'un dossier incomplet. 12. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé : " Le président de la commission de réforme est désigné par le préfet qui peut choisir soit un fonctionnaire placé sous son autorité, soit une personnalité qualifiée qu'il désigne en raison de ses compétences, soit un membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Dans ce cas, un président suppléant, n'appartenant pas à la même collectivité, est désigné pour le cas où serait examinée la situation d'un fonctionnaire appartenant à la collectivité dont est issu le président. Le président dirige les délibérations mais ne participe pas au vote. / Cette commission comprend : / 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; / 2. Deux représentants de l'administration ; / 3. Deux représentants du personnel. (...) ". Aux termes de l'article 8 du même arrêté : " (...) Le mandat au sein de la commission de réforme des représentants des collectivités se termine au terme du mandat de l'élu, quelle qu'en soit la cause. Celui-ci est dès que possible remplacé ou reconduit dans ses attributions. (...) Toutefois, en cas de besoin, notamment en cas d'urgence, le mandat des membres de la commission de réforme peut être prolongé jusqu'à l'installation des nouveaux titulaires. (...) ". 13. Il ressort du courrier déjà cité du 22 mars 2021 du président du centre de gestion de l'Oise, que le président de la commission de réforme doit être regardé comme ayant été désigné par le préfet en qualité de membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Il est constant qu'il n'était plus titulaire de son mandat à la date du 24 septembre 2020, au cours de laquelle il a présidé la séance de la commission chargée d'examiner la situation de Mme B.... Contrairement aux affirmations contenues dans ce courrier, sa qualité d'administrateur du CDG ne permet pas de considérer qu'à cette dernière date, il était membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme au sens des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004, qui ne concernent que les élus des assemblées délibérantes des collectivités territoriales. Toutefois, si, selon le troisième alinéa de l'article 3 précité, le président de la commission de réforme dirige les délibérations sans participer aux votes, cette circonstance ne le prive pas de la qualité de membre de la commission. Dans ces conditions, les dispositions de l'article autorisant, en cas de besoin, notamment en cas d'urgence, la prolongation du mandat des membres de la commission de réforme jusqu'à l'installation des nouveaux titulaires lui sont applicables au même titre que les membres représentant des collectivités. Il s'ensuit que dans l'attente de l'installation des nouveaux titulaires de ces collectivités, le mandat du président de la commission de réforme pouvait être prolongé. A cet égard, le délai écoulé entre le mois de juin 2020 et le 24 septembre suivant ne saurait être regardé comme excessif, compte tenu notamment de la crise sanitaire à laquelle les collectivités et les administrations étaient confrontées. En tout état de cause, à supposer que les dispositions de l'article 8 ne puissent être étendues au mandat du président de la commission de réforme, la prolongation irrégulière de son mandat n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de l'arrêté contesté dès lors qu'il est constant que le président n'a pas voix délibérative et elle ne saurait ainsi être regardée comme ayant, en l'espèce, privé Mme B... d'une garantie, laquelle n'allègue au demeurant pas que le président aurait cherché à influencer les membres de la commission ou aurait fait preuve de partialité ou d'une animosité particulière à son encontre. Par suite, ce moyen doit être écarté. 14. En quatrième lieu, l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé dispose : " Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical. ". 15. Il ressort du procès-verbal de séance du 24 septembre 2020 de la commission de réforme que cette dernière a estimé, en précisant le motif de sa saisine et le sens défavorable de son avis, que la pathologie " est hors tableau d'une maladie professionnelle avec un taux d'IPP de 20 % au vu des éléments du dossier, taux inférieur à 25 % ", pour en conclure que les conditions du congé d'invalidité temporaire imputable au service n'étant pas remplies, la pathologie ne peut être reconnue imputable au service. Il résulte de ces énonciations, que cet avis satisfait à l'exigence de motivation qui résulte de l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004. 16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 17. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / (....) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". 18. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique territoriale, que depuis l'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue par le VI de cet article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, soit le 12 avril 2019. 19. Dès lors que les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la situation de Mme B... dont le syndrome dépressif pour épuisement moral et décompensation a été diagnostiqué le 1er août 2018, conformément à ce que l'intéressée a indiqué dans sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service présentée le 12 février 2020, était exclusivement régie par les conditions de forme et de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. 20. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 21. Pour demander que soit reconnu le lien direct avec l'exercice de ses fonctions du syndrome dépressif qu'elle a déclaré auprès de son employeur le 12 février 2020, Mme B... invoque un contexte professionnel à l'origine de la dégradation de son état de santé ayant débuté à compter du mois de mars 2018, correspondant à sa reprise d'activité, à la suite d'une interruption pour cause de maladie depuis le mois de novembre 2017. 22. Il ressort des expertises médicales versées au dossier, réalisées par deux médecins agréés à la demande de la collectivité ainsi que des certificats établis par des médecins psychiatres assurant la prise en charge et le suivi de Mme B..., que l'intéressée présente, depuis le 1er août 2018, un état anxiodépressif sans état antérieur et sans facteurs prédisposants, pour lequel elle bénéficie d'un suivi régulier par un psychothérapeute, un médecin psychiatre et se rend en consultation dans un hôpital spécialisé dans les pathologies de " souffrance au travail ". Pour conclure à l'origine professionnelle de son affection psychique, ces praticiens se fondent sur le récit fait par Mme B..., des conditions dans lesquelles elle a repris son travail, après son interruption de quatre mois, pour une pathologie intestinale particulièrement invalidante. Selon le médecin agréé, qui l'a examinée le 3 septembre 2019 dans le cadre de sa demande de congé de longue maladie, Mme B... ayant vécu une situation médicale douloureuse et difficile pendant quatre mois attendait un peu de bienveillance de son employeur et d'empathie, mais s'est trouvée confrontée à une remise en cause de sa situation médicale par sa hiérarchie, comportement qualifié " d'agression ". Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu reprocher, au cours des mois de mai et juin 2018, par la responsable du service urbanisme puis par la directrice générale des services, des retards et des absences, notamment à des réunions, qui n'avaient fait l'objet d'aucune information ou demande préalable, qui l'ont contrainte à devoir se justifier notamment par la production de certificats d'arrêts de travail ainsi qu'à régulariser ses absences. Si, dans ce contexte, en particulier lors d'échanges de courriels ou d'entretiens avec la directrice générale des services, Mme B... a pu nourrir le sentiment d'une remise en cause de la réalité de sa pathologie et de la sincérité de ses arrêts de travail, il ne ressort toutefois pas du dossier que la directrice générale des services aurait exigé la production de l'ensemble des feuillets composant les certificats d'arrêt de travail remis. La circonstance que dans ce contexte de suspicion de remise en cause de sa maladie, Mme B... en soit venue, après un entretien ayant eu lieu le 28 juin avec la directrice générale des services, à lui proposer de consulter son dossier médical et à se soumettre à un contrôle médical, ne permet pas d'établir la volonté de la directrice de remettre en cause sa pathologie ou les motifs de ses retards ou absences dès lors que par un courriel du 3 juillet, cette dernière lui a fait connaître que sa situation était régularisée et qu'elle n'entendait pas s'immiscer dans sa vie privée en consultant son dossier médical. Si Mme B... impute également la dégradation de son état de santé à un incident s'étant produit avec un collègue l'ayant raillée sur le ton d'une allusion raciste au sujet de son régime alimentaire au cours d'une pause déjeuner du 4 juin 2018, il ne ressort aucunement qu'elle ait mis cet épisode en exergue dans ses doléances auprès des experts agréés ou de ses médecins traitants. Au demeurant, contrairement à ce qu'elle soutient, il ressort des pièces du dossier que son employeur n'est pas demeuré silencieux à la suite de cet incident dès lors qu'elle a convoqué l'agent pour l'admonester. Enfin, il ressort du témoignage circonstancié de la responsable du service urbanisme, qui n'est pas contesté par Mme B..., que dès son retour le 19 mars 2018, l'intéressée s'est mise en retrait et s'est placée dans une attitude d'isolement et de distanciation avec sa communauté de travail. Par suite, alors même que les médecins psychiatres experts ont estimé établi le lien entre la pathologie anxiodépressive de Mme B... et le service, le contexte professionnel ne permet pas de caractériser des conditions de travail de nature à susciter le développement de cette maladie. 23. Dans ces conditions, le président de la communauté de communes Thelloise n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 en refusant de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxiodépressif développé par Mme B.... 24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2020 par laquelle le président de la communauté de communes Thelloise a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa pathologie au service. Sur les conclusions d'annulation de la décision du 19 février 2021 refusant de prolonger le congé de longue maladie du 1er mars au 30 avril 2021 : 25. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du décret du 30 juillet 1987 susvisé : " Le médecin du service de médecine préventive prévu à l'article 108-2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée compétent à l'égard du fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir s'il le demande communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 24, 33 et 37-7 ci-dessous. / L'intéressé et l'administration peuvent faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical. ". En vertu de l'article 24 de ce décret : " Lorsque l'autorité territoriale estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs d'un fonctionnaire, que celui-ci se trouve dans la situation prévue à l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée, elle peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 25 ci-dessous. Un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive attaché à la collectivité ou établissement dont relève le fonctionnaire concerné doit figurer au dossier. ". En outre, aux termes de l'article 33 du même décret : " Le comité médical, consulté sur l'aptitude d'un fonctionnaire territorial mis en congé de longue maladie ou de longue durée à reprendre l'exercice de ses fonctions, peut formuler des recommandations sur les conditions d'emploi de l'intéressé sans qu'il puisse porter atteinte à sa situation administrative. / Le dossier soumis au comité médical comporte un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive. / Si l'intéressé bénéficie d'un aménagement des conditions de son travail, le comité médical, après avis du service de médecine préventive, est appelé de nouveau, à l'expiration de périodes successives d'une durée comprise entre trois et six mois, à formuler des recommandations auprès de l'autorité territoriale sur l'opportunité du maintien ou de la modification de ces aménagements. / (...) ". Enfin, selon les dispositions de son article 31 : " Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée ne peut reprendre ses fonctions à l'expiration ou au cours dudit congé que s'il est reconnu apte après examen par un spécialiste agréé et avis favorable du comité médical compétent. / Cet examen peut être demandé soit par le fonctionnaire, soit par la collectivité ou l'établissement dont il relève. / Les conditions exigées pour que la réintégration puisse être prononcée sont fixées par l'arrêté prévu à l'article 39 ci-dessous. ". 26. La situation régie par les dispositions de l'article 24 cité ci-dessus, correspond exclusivement au cas où l'administration sollicite le comité médical pour placer d'office l'agent en position de congé de maladie. Dans ces conditions, Mme B..., qui a sollicité la prolongation de son congé de longue maladie, ne peut utilement invoquer leur méconnaissance, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges. 27. En revanche, il résulte de la combinaison des articles 31 et 33 du décret du 30 juillet 1987 que lorsque le comité médical est consulté sur une demande de prolongation du congé de longue maladie, il doit nécessairement se prononcer sur l'aptitude de l'agent à reprendre l'exercice de ses fonctions, ce qui implique alors que le dossier soumis au comité médical comporte un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive. 28. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 29. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin chargé de la prévention aurait remis un rapport au comité médical départemental conformément à ce que prévoient les dispositions rappelées au point 25. La décision contestée est ainsi entachée d'un vice de procédure. Toutefois, la communauté de communes a produit un courriel daté du 25 janvier 2021, que la direction des ressources humaines a adressé au médecin de prévention pour l'informer que le dossier de demande de prolongation du congé de longue maladie de Mme B... serait examiné par le comité médical départemental le 18 février 2021, de sorte que, s'il l'estimait utile, il était loisible à ce dernier de présenter des observations écrites dans la perspective de cette séance dont il avait été informé. De plus, le comité médical ayant déjà été saisi de la situation de Mme B... pour l'octroi du congé de maladie initial et son renouvellement, il disposait d'éléments suffisants pour émettre son avis quant à l'aptitude de Mme B... à reprendre ses fonctions, en connaissance de cause. Dans ces circonstances, l'absence de rapport écrit du médecin de prévention n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de l'arrêté contesté, qui au demeurant prolonge le congé de longue maladie pour une période de quatre mois et il ne saurait être regardé comme ayant, en l'espèce, privé Mme B... d'une garantie. 30. En deuxième lieu, aux termes de l'article 25 du décret du 30 juillet 1987 susvisé : " Pour bénéficier d'un congé de longue maladie ou de longue durée le fonctionnaire en position d'activité, ou son représentant légal, doit adresser à l'autorité territoriale une demande appuyée d'un certificat de son médecin traitant spécifiant qu'il est susceptible de bénéficier des dispositions de l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée. / Le médecin traitant adresse directement au secrétaire du comité médical compétent un résumé de ses observations et les pièces justificatives qui peuvent être prescrites dans certains cas par l'arrêté visé à l'article 39 du présent décret. / Au vu de ces pièces, le secrétaire du comité médical fait procéder à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé compétent pour l'affection en cause. / Le dossier est ensuite soumis au comité médical. Si le médecin agréé qui a procédé à la contre-visite ne siège pas au comité médical, il peut être entendu par celui-ci. / L'avis du comité médical est transmis à l'autorité territoriale qui, en cas de contestation de sa part ou du fonctionnaire intéressé, le soumet pour avis au comité médical supérieur visé à l'article 5 du présent décret. (...) ". 31. Mme B... ne conteste pas que son dossier comportait les pièces requises par l'article 25 cité ci-dessus, mais soutient que son dossier était irrégulièrement composé dans la mesure où le comité médical départemental s'est prononcé au vu d'un avis du comité médical supérieur qui n'avait pas été saisi de son congé de longue maladie. Il ressort des pièces du dossier que dans son avis rendu le 18 février 2021, le comité médical départemental a visé l'avis émis par le comité médical supérieur lors d'une séance du 1er décembre 2020. Il est constant que le comité médical supérieur n'avait été saisi que de l'examen de la demande d'octroi d'un congé de longue durée. Dès lors, la circonstance que son avis ait été visé, n'est susceptible d'avoir exercé aucune influence sur le sens de l'avis rendu par les membres du comité médical. Au surplus, d'une part, il n'est pas contesté que le comité médical supérieur s'était par ailleurs, facultativement, prononcé défavorablement et d'autre part, que la collectivité avait indiqué son souhait de ne pas remettre en cause l'octroi du congé de longue maladie sur la période antérieure. Dans ces conditions, et alors que le comité médical départemental, a rendu un avis favorable unanime à la demande de prolongation du congé de longue maladie pour une durée de quatre mois sur la base des documents médicaux qui lui étaient soumis, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que, pour se prononcer, ce comité se serait fondé sur l'avis du comité médical supérieur, ni qu'il se serait senti lié par celui-ci. 32. En troisième lieu, aux termes de l'article 32 du décret du 30 juillet 1987 : " Si, au vu de l'avis du comité médical compétent et éventuellement de celui du comité médical supérieur, dans le cas où l'autorité territoriale ou l'intéressé jugent utile de le provoquer, le fonctionnaire est reconnu apte à exercer ses fonctions, il reprend celles-ci dans les conditions fixées à l'article 33 ci-dessous. / (...) ". 33. Il résulte de ce qui a été dit au point 29, contrairement à ce que soutient l'appelante, que le comité médical s'est prononcé sur son aptitude à la reprise de ses fonctions. De même, il ressort des dispositions précitées des articles 31 et 32, que si l'avis de l'expert agréé est requis, il n'appartient pour autant qu'au seul comité départemental d'émettre l'avis final sur l'aptitude ou l'inaptitude et celui-ci n'est pas lié par le sens de l'avis rendu par le médecin expert. 34. En quatrième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) ". 35. D'abord, ainsi qu'il a été dit au point 31, pour apprécier la demande de prolongation du congé de longue maladie de Mme B..., le comité médical départemental s'est prononcé après avoir pris en considération l'ensemble des pièces médicales à sa disposition et ne s'est pas fondé sur l'avis du comité médical supérieur du 1er décembre 2020. 36. Ensuite, si Mme B... soutient que tous les éléments médicaux convergent pour démontrer que son état de santé ne lui permettait pas de reprendre son poste, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, ni l'avis rendu par un médecin expert agréé le 3 septembre 2019 sur la prolongation du congé de longue maladie, ni celui du psychiatre agréé daté du 25 mars 2019, ni la circonstance qu'en 2020, elle continuait d'être suivie par un psychiatre et son médecin traitant, ne sont de nature à établir qu'au début de l'année 2021, sa maladie présentait un caractère invalidant et de gravité confirmée. A cet égard, l'avis du médecin expert l'ayant examinée le 2 février 2021, qui se contente d'indiquer un état clinique compatible avec une prolongation du congé de longue maladie d'une durée de six mois, ne comporte aucune appréciation sur le caractère invalidant et de gravité de la pathologie. Dès lors, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation en regard des dispositions du 3° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, que le président de la communauté de communes Thelloise a pu refuser de prolonger le congé de longue maladie de Mme B... au-delà du 1er mars 2021. 37. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 19 février 2021 par laquelle le président de la communauté de communes Thelloise a refusé de prolonger son congé de longue maladie du 1er mars 2021 au 30 avril 2021. Sur les conclusions d'annulation de l'arrêté du 18 mars 2021 prononçant la radiation des cadres pour abandon de poste : 38. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé. 39. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été mise en demeure, par un courrier du 5 mars 2021, de rejoindre son poste le 15 mars suivant, à 8 h 30. Il est constant que ce courrier de mise en demeure, dont elle était en mesure d'apprécier la portée, lui a été notifié le 10 mars 2021. Par suite, le délai laissé à Mme B... pour rejoindre son poste était suffisant. 40. En deuxième lieu, l'agent qui se trouve en position de congé de maladie est regardé comme n'ayant pas cessé d'exercer ses fonctions. Par suite, il ne peut en principe faire l'objet d'une mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer son licenciement pour abandon de poste. Il en va toutefois différemment lorsque l'agent, reconnu apte à reprendre ses fonctions par le comité médical départemental, se borne, pour justifier sa non présentation ou l'absence de reprise de son service, à produire un certificat médical prescrivant un nouvel arrêt de travail sans apporter, sur son état de santé, d'éléments nouveaux par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical. 41. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le courrier du 5 mars 2021 mettant Mme B... en demeure de reprendre ses fonctions le 15 mars 2021, l'informait qu'elle encourait un risque de radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable en cas de non-reprise. Si l'intéressée se prévaut de ce que le comité médical ne se serait pas formellement prononcé sur sa reprise du travail à son poste puisqu'il l'avait estimée apte à " des missions relevant de son cadre d'emplois ", il ressort cependant du même avis que le comité a estimé que le maintien en congé de longue maladie n'était plus justifié à compter du 19 février 2021 de sorte qu'il a nécessairement estimé qu'elle pouvait réintégrer les fonctions qu'elle occupait auparavant au sein de la collectivité. Si, dans son avis, le comité a par ailleurs, préconisé une visite médicale de reprise avec le médecin de prévention, cette recommandation ne saurait être regardée comme suggérant une affectation sur un autre emploi ou sur un poste aménagé, qu'au demeurant l'intéressée n'a pas sollicité. De même, si le comité médical a indiqué que l'agent devait bénéficier d'une visite médicale de reprise avec le médecin de prévention, son objet n'était pas de définir les modalités médicales de sa reprise mais de s'assurer du respect des dispositions du décret n°85-603 du 10 juin 1985 qui instaure une surveillance médicale renforcée pour les agents réintégrés après un congé de longue maladie. A cet égard aucune disposition n'impose à l'administration d'organiser la visite de reprise avant le retour effectif de l'agent au service. 42. D'autre part, si, pour justifier son absence, Mme B... se prévaut, à compter du 1er mars 2021, de trois arrêts de travail délivrés successivement les 1er, 2 et 9 mars, respectivement pour les journées du 1er mars, puis du 2 au 9 mars et enfin du 10 au 29 mars, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, il apparaît qu'ils constituent des arrêts de prolongation des précédents arrêts de travail en lien avec son syndrome anxiodépressif. Aussi, Mme B... ne peut être regardée comme justifiant avoir apporté des éléments nouveaux sur son état de santé par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical départemental du 18 février 2021, l'ayant déclarée apte à reprendre ses fonctions. Dans ces conditions, Mme B... ne pouvant être regardée comme ayant apporté une justification médicale à son absence irrégulière, le président de la communauté de communes Thelloise était fondé à la radier des cadres pour abandon de poste. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté. 43. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel le président de la communauté de communes Thelloise a prononcé sa radiation des cadres. Sur les conclusions d'annulation de l'arrêté du 19 mars 2021 prononçant une retenue sur traitement en l'absence de service fait : 44. En l'absence d'illégalité de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste, les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 19 mars 2021 opérant une retenue sur son traitement pour absence de service fait du 1er mars au 14 mars 2021, ne peuvent qu'être rejetées. 45. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que la requête de Mme B... doit être rejetée. Sur les frais liés au litige : 46. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Thelloise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme B... au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la communauté de communes Thelloise sur ce même fondement. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes Thelloise présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la communauté de communes Thelloise. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : F. Malfoy La présidente de chambre, Signé : M-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N. Roméro N° 22DA01186 2
CETATEXT000048424465
J7_L_2023_11_00022DA01658
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01658, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01658
3ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme Borot
GENIES
M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le président du conseil régional des Hauts-de-France a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service et de condamner la région Hauts-de-France à l'indemniser de ses préjudices. Par un jugement n° 2100531 du 2 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2022 et le 24 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Fillieux, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2022 ; 2°) de désigner un expert afin de se prononcer sur sa situation médicale et l'origine de sa pathologie ; 3°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le président du conseil régional des Hauts-de-France a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service ; 4°) d'enjoindre à la région Hauts-de-France de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de la région Hauts-de-France une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision contestée est entachée d'incompétence ; - il n'a pas été informé de la possibilité de se faire assister par un médecin dans les conditions prévues par l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 et a ainsi été privé d'une garantie ; - la commission de réforme a omis de se prononcer sur son taux d'incapacité, en méconnaissance de l'article 37-8 du décret du 30 juillet 1987 ; - la commission ne pouvait se prononcer sur sa situation alors que son état n'était pas consolidé ; - il devait être placé en congé d'invalidité temporaire imputable au service de façon provisoire, dans l'attente de sa consolidation ; - son état préexistant ne fait pas obstacle à la reconnaissance d'une maladie professionnelle dès lors que cet état n'aurait pas suffi à le mettre dans l'incapacité d'exercer ses fonctions et que l'aggravation de sa pathologie présente un lien direct avec ses conditions de travail ; - sa pathologie doit être reconnue comme imputable au service en application du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 dès lors qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions, qu'elle a entraîné une incapacité permanente de 25 % et qu'elle ne résulte pas de son comportement mais de ses conditions de travail ; - il a droit au bénéfice d'un congé d'invalidité temporaire imputable au service à compter du 29 juin 2020. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, la région Hauts-de-France, représentée par Me Genies, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la circonstance que la convocation à la commission de réforme omette de préciser la possibilité de se faire assister d'un médecin n'a pas privé le requérant d'une garantie ; - la pathologie du requérant n'est pas imputable au service, eu égard à son état antérieur ; - cette pathologie trouve son origine déterminante dans le comportement du requérant, de telle sorte qu'elle doit être détachée du service. La région Hauts-de-France a présenté le 12 octobre 2023 un mémoire qui n'a pas été communiqué. Par une ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Dantec, représentant M. B..., et de Me Genies, représentant la région Hauts-de-France. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjoint administratif territorial de la région Hauts-de-France, est affecté à la direction du patrimoine immobilier, sur le site du service de gestion foncière et immobilière implanté à Amiens. Placé en congé de maladie depuis le 29 juin 2020, il a présenté une demande d'imputabilité de sa maladie au service, qui a été rejetée par un arrêté du président du conseil régional des Hauts-de-France du 24 décembre 2020. Par un jugement du 2 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020. M. B... relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, par un arrêté du 4 mars 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la région, le président du conseil régional des Hauts-de-France a donné délégation à Mme C..., responsable du département de la gestion du personnel, pour signer, notamment, les actes de gestion se rapportant aux accidents de service et aux maladies professionnelles. Mme C... avait donc compétence pour signer, le 24 décembre 2020, l'arrêté refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. B.... Par suite, le moyen tiré d'une prétendue incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 14 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission de réforme convoque les membres titulaires et l'agent concerné au moins quinze jours avant la date de la réunion. / La convocation mentionne la liste des dossiers à examiner, les références de la collectivité ou de l'établissement employeur, l'objet de la demande d'avis (...) ". Aux termes de l'article 16 du même arrêté : " (...) Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". 4. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 27 novembre 2020, M. B... a été convoqué à la séance de la commission de réforme prévue le 14 décembre suivant et a été informé, par ce même courrier, de la possibilité de se faire entendre par la commission et d'y être assisté, sans autre précision. L'appelant soutient que, dûment informé de la possibilité de se faire assister d'un médecin de son choix ou par un conseiller, il aurait privilégié la première option dès lors que l'assistance par un médecin devant la commission de réforme est plus appropriée que celle apportée par un représentant du personnel. Toutefois, en informant M. B... de la possibilité d'être assisté devant la commission de réforme, le courrier du 27 novembre 2020 l'a mis à même de solliciter le concours de toute personne de son choix, dont un médecin. En outre, il ressort des pièces du dossier que le requérant ne s'est pas rendu à la séance du 14 décembre 2020, que deux représentants du personnel y ont assisté à sa demande pour le défendre et que la commission a disposé du rapport d'expertise établi par un médecin psychiatre l'ayant examiné et a ainsi été suffisamment éclairée sur sa situation médicale. Dans ces conditions, la circonstance que le courrier du 27 novembre 2020 omette de préciser la possibilité d'être assisté par un médecin n'a privé l'intéressé d'aucune garantie et n'a pas eu d'incidence sur le sens de l'arrêté contesté. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif (...) / IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 37-8 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Le taux d'incapacité permanente servant de seuil pour l'application du troisième alinéa du même IV est celui prévu à l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale. / Ce taux correspond à l'incapacité que la maladie est susceptible d'entraîner. Il est déterminé par la commission de réforme compte tenu du barème indicatif d'invalidité annexé au décret pris en application du quatrième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ". 6. Il n'est pas contesté que le syndrome anxiodépressif dont souffre M. B... ne relève pas des tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, il résulte des dispositions précitées du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 que la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles est subordonnée à la réalisation de deux conditions cumulatives, tenant, d'une part, à ce que la pathologie présente un lien essentiel et direct avec l'exercice des fonctions et, d'autre part, à ce qu'elle entraîne une incapacité correspondant à un taux déterminé. Il ressort des pièces du dossier que, le 14 décembre 2020, la commission de réforme a rendu un avis défavorable sur la demande d'imputabilité de M. B... au motif que son état antérieur ne permet pas de rattacher de manière exclusive, directe et certaine sa pathologie aux missions exercées. La commission a donc estimé que la maladie de M. B... n'a pas de lien essentiel et direct avec l'exercice de ses fonctions et que la première condition prévue pour la reconnaissance d'une imputabilité au service n'est pas remplie. Elle n'avait donc pas à se prononcer sur la seconde condition prévue par le IV de l'article 21 bis se rapportant au taux d'incapacité résultant de la pathologie. Pour les mêmes raisons, et contrairement à ce que soutient le requérant, la commission n'était pas tenue d'attendre la consolidation de son état de santé pour se prononcer sur cette incapacité. Le moyen tiré d'un vice de procédure sur ce point ne peut qu'être écarté. 7. En quatrième lieu, pour l'application des dispositions du troisième alinéa du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, citées au point 5, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 8. M. B... soutient que sa situation professionnelle s'est dégradée à compter de l'année 2018 avec l'arrivée d'un nouveau directeur et une réorganisation du service lui faisant craindre de devoir changer de poste. Estimant avoir fait l'objet de reproches injustifiés et de divers agissements dénigrants et humiliants, il indique avoir fait l'objet d'accusations infondées en mars 2020 qui ont conduit à sa suspension à titre provisoire puis à son exclusion temporaire pour une durée de trois mois à titre disciplinaire. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du médecin psychiatre du 1er octobre 2020, que si M. B... présente une personnalité anxieuse obsessionnelle ancienne, son incapacité de travail résulte d'un syndrome dépressif d'intensité sévère apparu après qu'il a été suspendu de ses fonctions le 13 mars 2020 puis sanctionné le 16 juillet suivant. Si le rapport du médecin psychiatre évoque un trouble thymique antérieur, il est précisé que ce trouble a cessé en 1992. Il n'est donc pas établi que l'état antérieur de l'intéressé aurait déterminé à lui seul son incapacité professionnelle, alors que le médecin psychiatre comme le médecin de prévention ont conclu à une origine professionnelle de son syndrome dépressif. Dans les circonstances de l'espèce, et en l'absence de tout élément de sa vie personnelle pouvant expliquer la symptomatologie de M. B... à compter de l'année 2020, les difficultés tenant à sa situation professionnelle depuis cette date ont pu se trouver à l'origine d'une souffrance au travail dont a résulté sa pathologie dépressive. 9. Toutefois, s'il est vrai que pour suspendre M. B... à titre provisoire le 13 mars 2020, l'administration lui a reproché d'avoir, le 10 mars précédent, fait une proposition sexuelle à une collègue, ce que celle-ci a démenti, il ressort des pièces du dossier qu'il a eu à son égard un geste et des propos à connotation sexuelle, inappropriés dans le cadre du service. Par ailleurs, le comportement au travail de M. B... se caractérise depuis plusieurs années par un manque de tempérance, puisqu'il impose sa présence de façon intrusive dans les bureaux de ses collègues, en alternant périodes de tension et périodes d'accalmie, et que l'intéressé se trouve à l'origine d'une dégradation des conditions de travail au sein du service. Outre un comportement inadapté dans les relations avec ses collègues, sa hiérarchie et les partenaires institutionnels de la région, l'administration a retenu le geste et les propos inappropriés du 10 mars 2020 pour engager une procédure disciplinaire contre M. B..., conduisant à une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois, dont il n'est pas démontré qu'elle serait entachée d'inexactitude matérielle ou serait disproportionnée. Le requérant ne démontre ni qu'il ferait l'objet de reproches infondés dans la réalisation de ses missions, ni que celles-ci seraient contrôlées par un agent dépourvu d'autorité hiérarchique, ni encore que ses évaluations auraient subi une baisse injustifiée ou que l'administration se refuserait à appliquer les restrictions médicales le concernant. Il résulte de ce qui précède que le comportement de M. B... dans le cadre professionnel, qui a justifié l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre le 20 avril 2020, lequel a été suivi d'un arrêt de travail à compter du 29 juin suivant, doit être regardé comme étant la cause déterminante de la dégradation de ses conditions de travail à la région Hauts-de-France. Un tel comportement est constitutif d'un fait personnel de l'agent de nature à détacher la maladie du service. 10. En dernier lieu, M. B... ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'il présente une incapacité de 25 % dès lors que sa pathologie ne présente pas de lien essentiel et direct avec le service. La circonstance qu'il aurait dû bénéficier d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire pendant l'instruction de sa demande est également sans influence sur la légalité de la décision contestée. 11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Hauts-de-France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme dont la région Hauts-de-France demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la région Hauts-de-France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la région Hauts-de-France. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 22DA01658
CETATEXT000048424466
J7_L_2023_11_00022DA01679
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01679, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01679
3ème chambre
plein contentieux
C
Mme Viard
GENIES
M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le président du conseil régional des Hauts-de-France l'a suspendu de ses fonctions, l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le président du conseil régional a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux, et de condamner la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 47 000 euros en réparation des préjudices subis en raison de la sanction, et, d'autre part, d'annuler la décision du 27 juillet 2021 par laquelle le président du conseil régional a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral et de condamner la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices imputables à ces agissements. Par un jugement n° 2000947, 2101502 et 2102969 du 2 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 13 mars 2020 et a rejeté le surplus des demandes de M. B.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 juillet 2022, un mémoire complémentaire enregistré le 2 juin 2023 et un mémoire en réplique enregistré le 22 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Fillieux, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2022 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 juillet 2021 par laquelle le président du conseil régional des Hauts-de-France a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral, et à la condamnation de la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices imputables à ces faits de harcèlement ; 2°) d'annuler la décision du 27 juillet 2021 et de condamner la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices ; 3°) d'enjoindre à la région Hauts-de-France de réexaminer sa demande de protection fonctionnelle dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la région Hauts-de-France une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le mémoire en défense est irrecevable, en l'absence de délégation du conseil régional chargeant son président de défendre dans la présente instance ; - la décision contestée est entachée d'incompétence ; - ce moyen est d'ordre public et par suite recevable ; - la décision contestée est illégale dès lors qu'il justifie d'éléments laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; - ces éléments, qui ont débuté avec la nomination d'un nouveau directeur de service et le projet de l'affecter dans un poste comptable, résultent de ce que : ses tâches sont contrôlées par un agent n'exerçant aucune autorité hiérarchique à son égard ; il fait l'objet de reproches injustifiés sur sa manière de servir ; ses supérieurs hiérarchiques l'accusent de faits répréhensibles qui ne sont pas établis ; il a été suspendu de ses fonctions en raison de ces mêmes faits, alors que cette mesure de suspension a été annulée par le tribunal administratif ; l'autorité disciplinaire a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion pour une durée de trois mois alors que la durée d'exclusion initialement envisagée était fixée à un mois ; l'administration ne respecte pas les recommandations de son médecin traitant et du médecin de prévention ; il a été laissé dans l'incertitude pendant plusieurs mois s'agissant de son affectation décidée dans le cadre d'une réorganisation des services ; ses évaluations ont baissé en 2018 et 2019 ; - ces faits portent atteinte à sa dignité et à sa santé mentale, ont compromis son avenir professionnel et sont à l'origine de préjudices moral et financier évalués à la somme de 50 000 euros. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 2 juin 2023 et 16 juillet 2023, la région Hauts-de-France, représentée par Me Genies, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le président du conseil régional a reçu délégation pour défendre à l'instance ; - le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte est irrecevable en appel, dès lors que le requérant n'a soulevé aucun moyen de légalité externe devant le premier juge ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés ; - aucune faute ne peut être reprochée à l'administration. Par une ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Dantec, représentant M. B..., et de Me Genies, représentant la région Hauts-de-France. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjoint administratif territorial de la région Hauts-de-France, est affecté à la direction du patrimoine immobilier, sur le site du service de gestion foncière et immobilière implanté à Amiens. Par un arrêté du 13 mars 2020, le président du conseil régional des Hauts-de-France l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire puis, par un arrêté du 16 juillet suivant, a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois. Par un courrier du 20 avril 2021, M. B... a demandé à son employeur de lui accorder la protection fonctionnelle en raison de faits de harcèlement moral dont il estime être la victime dans le cadre de ses fonctions depuis 2018, ainsi que l'indemnisation de ses préjudices. Cette demande de protection a été rejetée par un courrier du 27 juillet 2021. M. B... a saisi le tribunal administratif d'Amiens de trois demandes tendant, respectivement, à l'annulation de l'arrêté du 13 mars 2020, à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2020 et à celle de la décision du 27 juillet 2021 refusant de lui accorder la protection fonctionnelle, cette dernière demande étant assortie de conclusions visant à la réparation des préjudices imputables aux faits de harcèlement allégués. Par un même jugement du 2 juin 2022, le tribunal administratif a joint les trois demandes, a annulé l'arrêté de suspension provisoire du 13 mars 2020 et a rejeté le surplus des demandes. M. B... relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il rejette ses conclusions d'annulation de la décision du 27 juillet 2021 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, et de condamnation de l'administration à réparer ses préjudices. Sur la recevabilité du mémoire en défense : 2. Aux termes de l'article L. 4231-7-1 du code général des collectivités territoriales : " Le président du conseil régional (...) peut, par délégation du conseil régional, être chargé pour la durée de son mandat d'intenter au nom de la région les actions en justice ou de défendre la région dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil régional (...) ". 3. Par une délibération du 2 juillet 2021, le conseil régional des Hauts-de-France a donné à son président, pour la durée de son mandat, délégation à l'effet notamment de défendre la région dans les actions intentées contre elle devant toutes les juridictions, sans exception. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les écritures produites en défense par la région sont irrecevables. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 27 juillet 2021 : 4. Par un arrêté du 5 juillet 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la région, le président du conseil régional des Hauts-de-France a donné délégation à M. C..., directeur général des services, pour signer tous actes, arrêtés, décisions et correspondances en toutes matières, à l'exclusion du recrutement, du licenciement des personnels permanents de catégorie A et des nominations individuelles dans les emplois fonctionnels et de direction, des rapports destinés au conseil régional et à la commission permanente, et des convocations aux réunions du conseil régional et de la commission permanentes. M. C... avait donc compétence pour signer, le 27 juillet 2021, la décision refusant d'accorder la protection fonctionnelle à M. B.... Par suite, le moyen tiré d'une prétendue incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit être écarté. En ce qui concerne la légalité interne de la décision du 27 juillet 2021 : 5. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, repris à l'article L. 134-5 du code général de la fonction publique : " I. - A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire (...) / IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce. 6. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, repris depuis à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 7. En premier lieu, M. B... soutient faire l'objet de reproches injustifiés de la part de ses supérieurs hiérarchiques et renvoie sur ce point au rapport établi le 13 mars 2020 par le directeur du patrimoine immobilier, mentionnant un échange téléphonique houleux avec un agent de la commune d'Amiens, le refus du requérant de partager ses dossiers informatiques dans le cadre d'un travail en réseau, et le non-respect de consignes dans un dossier concernant la commune de Montdidier. Il ressort toutefois de ce rapport très circonstancié que M. B... présente un manque de tempérance dans son comportement professionnel, puisqu'il impose sa présence de façon intrusive dans les bureaux de ses collègues, en alternant périodes de tension et périodes d'accalmie, et se trouve à l'origine d'une dégradation des conditions de travail au sein du service. Eu égard à leur contenu peu approprié dans des échanges professionnels, les courriels produits en défense corroborent les critiques sur le comportement de l'intéressé, que le conseil de discipline a d'ailleurs retenu comme établies dans sa séance du 7 juillet 2020. La capture d'écran produite par le requérant ne contredit pas le reproche adressé sur l'absence de partage des dossiers. Les échanges de courriels dont se prévaut M. B... révèlent une volonté de sa part de vérifier, avant leur exécution, la validité des consignes de ses supérieurs hiérarchiques et n'infirment pas non plus la critique sur le non-respect de ces consignes. Dans ces conditions, les reproches mentionnés dans le rapport du 13 mars 2020 et auxquels renvoie M. B..., ne sont pas de nature à caractériser l'existence d'un harcèlement moral. 8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des éléments produits par M. B... que les mentions, toujours portées dans le rapport du 13 mars 2020, sur l'altercation intervenue à une date ancienne dans le service, et qui a nécessité un " recadrage " par un collègue, seraient infondées. Le requérant conteste vivement les propos de sa supérieure hiérarchique, repris dans le rapport du directeur du patrimoine immobilier, expliquant le comportement de M. B..., qualifié de " destroy " et de très agité, par la prise de médicaments associée à une consommation d'alcool certains soirs de semaine. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas soutenu que la supérieure hiérarchique du requérant aurait publiquement exprimé son opinion sur l'origine de l'intempérance de M. B..., ou en aurait fait part à d'autres agents que le directeur, alors en outre que l'autorité compétente n'en a pas tenu compte pour engager une procédure disciplinaire à son encontre. Par suite, l'opinion exprimée par la supérieure hiérarchique de l'intéressé auprès du directeur du patrimoine immobilier sur une supposée consommation d'alcool ne revêt pas le caractère d'un agissement constitutif de harcèlement moral. 9. En troisième lieu, M. B... soutient que l'administration l'a suspendu à titre conservatoire puis l'a sanctionné pour avoir fait, le 10 mars 2020, une proposition d'attouchement sexuel à une collègue, dont il conteste la réalité. S'il est vrai que le tribunal administratif a annulé la mesure de suspension au motif que cette proposition ne présente pas un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité, il ressort des pièces du dossier, notamment du témoignage de la collègue du requérant, qu'il a eu à son égard un geste et tenu des propos inappropriés à connotation sexuelle. Outre un comportement inadapté et un manque de tempérance dans les relations avec ses collègues, sa hiérarchie et les partenaires institutionnels de la région, ce geste et ces propos inappropriés ont été seuls retenus par l'administration pour engager une procédure disciplinaire contre M. B..., conduisant à une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois. Il n'est aucunement démontré que cette sanction serait fondée sur des faits matériellement inexacts ou serait disproportionnée. Par suite, si les faits commis le 10 mars 2020 ont donné lieu à des accusations contre l'appelant et à sa suspension provisoire alors que l'une de ces accusations n'était pas avérée, cette circonstance n'est pas de nature à établir que M. B... est victime d'un harcèlement moral. 10. En quatrième lieu, M. B... n'apporte à l'instance aucun élément laissant supposer que l'administration lui aurait imposé des déplacements professionnels en méconnaissance des recommandations de son médecin traitant et du médecin de prévention interdisant les déplacements supérieurs à quarante-cinq minutes et les trajets en voiture supérieurs à trente minutes. Si M. B..., qui réside près d'Amiens, relève que le conseil de discipline s'est tenu le 7 juillet 2020 à Lille, supposant un temps de déplacement supérieur aux recommandations médicales, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait demandé que la séance se tienne à Amiens, dans les conditions prévues à l'article 1er du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989, ou qu'il aurait sollicité de pouvoir intervenir à cette séance par visioconférence. Par ailleurs, la région Hauts-de-France soutient sans être contredite avoir autorisé le requérant à télétravailler deux jours par semaine, conformément aux prescriptions médicales. Dans ces conditions, les allégations du requérant sur le non-respect de ces prescriptions ne font pas présumer l'existence d'un harcèlement moral. 11. En dernier lieu, il ne ressort aucunement des courriels produits à l'instance que les tâches de M. B... feraient l'objet d'un contrôle par un agent dépourvu de toute autorité hiérarchique. S'il reproche à l'administration d'avoir envisagé un changement de poste dans le cadre de la réorganisation des services, et de l'avoir laissé dans l'incertitude pendant plusieurs mois, l'administration indique que l'intéressé a finalement été maintenu dans ses fonctions. Il ne ressort pas des comptes-rendus d'évaluation professionnelle de M. B..., qui n'expose aucun argument précis sur ce point, que son évaluation aurait subi une baisse injustifiée à compter de l'année 2018. 12. Il suit de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que les faits dont il se plaint révèlent des agissements répétés constitutifs d'un harcèlement moral, pour lequel l'administration devait lui accorder la protection fonctionnelle. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : 13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à solliciter l'indemnisation des préjudices résultant selon lui des faits de harcèlement moral allégués, qui ne sont pas établis. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Hauts-de-France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme dont la région Hauts-de-France demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la région Hauts-de-France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la région Hauts-de-France. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 22DA01679
CETATEXT000048424467
J7_L_2023_11_00022DA01806
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01806, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01806
3ème chambre
plein contentieux
C
Mme Viard
GUILMAIN
M. Frédéric Malfoy
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) O Grand Buffet a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, à titre principal, d'annuler la décision du 6 novembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de 108 600 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et de 5 106 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement ainsi que la décision du 23 janvier 2020 rejetant son recours gracieux contre cette décision et de la décharger de ces sommes, d'autre part, à titre subsidiaire, de réduire le montant des sommes réclamées. Enfin, elle a demandé de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2002525 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 août 2022 et le 15 août 2023, la SARL O Grand Buffet, représentée par Me Guilmain, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 6 novembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 108 600 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et la somme de 5 106 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement ainsi que la décision du 23 janvier 2020 rejetant son recours gracieux contre cette décision ; 3°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 113 706 euros ; 4°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui reverser la somme de 125 077 euros déjà prélevée ; 5°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les décisions attaquées ont été prises par une personne incompétente ; - la décision du 6 novembre 2019 a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et des principes généraux du respect des droits de la défense, repris notamment à l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration ; l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit préalablement informer l'employeur de la possibilité de solliciter la communication du procès-verbal qui sert de fondement à la sanction ; or, elle n'a pas été informée de cette possibilité ; - la décision est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que les deux salariés lui ont présenté des cartes d'identité portugaises lors de l'embauche ; elle n'avait aucun motif de penser qu'elles étaient falsifiées ; - elle a agi en toute bonne foi ; - le principe non bis in idem s'oppose à ce qu'elle soit à nouveau sanctionnée dès lors qu'elle a déjà fait l'objet d'une sanction administrative prononcée par le préfet du Nord le 11 juillet 2019, lequel avait ordonné la fermeture de l'établissement pour une semaine en raison de l'emploi d'étrangers démunis de titre ; - la sanction prise à son encontre apparaît disproportionnée ; - le montant de la contribution spéciale mise à sa charge doit être réduit dès lors qu'elle n'est pas en situation de récidive, qu'elle a agi de bonne foi, qu'elle a respecté la législation du travail s'agissant de l'embauche des salariés en cause et qu'elle rencontre des difficultés financières. Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SARL O Grand Buffet sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 22 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, - et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Lors d'un contrôle, effectué le 7 mars 2019 conjointement avec les services de la police aux frontières, les services de l'inspection du travail ont constaté, dans un établissement de restauration situé à Prouvy géré par la société à responsabilité limitée (SARL) O Grand Buffet, la présence de deux ressortissants sénégalais, employés sans titre les autorisant à travailler et à séjourner en France. Par une décision du 6 novembre 2019, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la SARL O Grand Buffet la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 108 600 euros, assortie de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue par les dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 5 106 euros. Le 23 janvier 2020, l'OFII a rejeté le recours gracieux formé le 17 décembre 2019 par la SARL O Grand Buffet contre cette décision. La SARL O Grand Buffet relève appel du jugement du 4 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions et à ce que soit prononcée la décharge du paiement des contributions mises à sa charge. Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ". 3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article L. 8271-17 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Outre les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler. / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions.". En outre, aux termes de l'article R. 8253-3 de ce code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". 4. Ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant. Cependant, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise désormais l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus. Par suite, l'OFII est tenu d'informer l'intéressé de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction sur la base duquel ont été établis les manquements qui lui sont reprochés. 5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail (...) / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. (...) / Sont applicables à la contribution forfaitaire prévue au premier alinéa les dispositions prévues aux articles L. 8253-1 à L. 8253-5 du code du travail en matière de recouvrement et de privilège applicables à la contribution spéciale ". 6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. 7. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 24 septembre 2019, le directeur général de l'OFII a informé la SARL O Grand Buffet qu'un procès-verbal, dressé par les services de l'inspection du travail du Nord à la suite d'un contrôle effectué le 7 mars 2019, avait permis d'établir qu'elle avait employé deux travailleurs en situation irrégulière sur le territoire français et dépourvus de titre les autorisant à exercer une activité salariée. Ce courrier lui faisait connaître qu'elle était susceptible de se voir appliquer la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail ainsi que la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle disposait d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre pour faire valoir ses observations. Toutefois, il ne ressort ni des termes de ce courrier ni ne résulte de l'instruction que la SARL O Grand Buffet ait été informée de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction sur la base duquel les manquements qui lui étaient reprochés avaient été établis. Il n'est à cet égard pas contesté qu'elle n'a pas sollicité elle-même ou par l'intermédiaire de son conseil la communication du procès-verbal dressé à la suite du contrôle des services de l'inspection du travail. Dans ces conditions, en méconnaissance du principe général des droits de la défense, la SARL O Grand Buffet n'a pas été mise à même de demander les pièces fondant les sanctions dont elle était susceptible de faire l'objet et a ainsi été privée d'une garantie. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL O Grand Buffet est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2019 du directeur général de l'OFII lui appliquant la contribution spéciale et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement et de la décision du 23 janvier 2020 rejetant son recours gracieux. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler ce jugement ainsi que ces décisions et par suite de la décharger de l'obligation de payer les sommes de 108 600 euros et de 5 106 euros mises à sa charge respectivement au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. La SARL O Grand Buffet sollicite qu'il soit enjoint à l'OFII de lui restituer la somme de 125 077 euros correspondant aux montants de 108 600 euros et de 5 106 euros mis à sa charge respectivement au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire, majorées des sommes de 10 860 euros et de 511 euros en raison du non-paiement, dans les huit jours, des deux titres exécutoires émis à son encontre le 16 décembre 2019. 10. Il est constant qu'une saisie a été opérée le 11 octobre 2022 sur le compte bancaire de la société appelante pour bloquer les sommes de 119 460 euros et de 5 617 euros. A moins que l'OFII n'adopte une nouvelle décision de sanction selon une procédure régulière, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt, l'annulation de la décision du 6 novembre 2019 et la décharge prononcées précédemment impliquent nécessairement que soient restituées à la SARL O Grand Buffet, outre les sommes prélevées au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire, les sommes mises à sa charge au titre de la majoration appliquée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales. 11. Par suite, sous réserve de ce qui a été dit au point 10, il y a lieu d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de restituer à la SARL O Grand Buffet la somme de 108 600 euros prélevée au titre de la contribution spéciale et celle de 5 106 euros prélevée au titre de la contribution forfaitaire ainsi que les majorations afférentes de 10 860 euros et de 511 euros, soit une somme totale de 125 077 euros. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL O Grand Buffet, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'OFII, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'OFII la somme demandée par la SARL O Grand Buffet au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2002525 du 4 juillet 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé. Article 2 : Les décisions du directeur général de l'OFII des 6 novembre 2019 et 23 janvier 2020 sont annulées. Article 3 : La SARL O Grand Buffet est déchargée de l'obligation de payer les sommes de 108 600 euros et de 5 106 euros mises à sa charge respectivement au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire par la décision de l'OFII du 6 novembre 2019. Article 4 : Il est enjoint à l'autorité administrative compétente, de restituer à la SARL O Grand Buffet la somme totale de 125 077 euros prélevée au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire majorées, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, à moins que, dans ce délai, l'autorité administrative compétente n'adopte une nouvelle décision de sanction selon une procédure régulière. Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par la SARL O Grand Buffet est rejeté. Article 6 : Les conclusions présentées par l'OFII sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié la SARL O Grand Buffet et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Copie en sera délivrée au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : F. Malfoy La présidente de chambre, Signé : M-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N. Roméro N° 22DA01806 2
CETATEXT000048424468
J7_L_2023_11_00022DA01834
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01834, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01834
3ème chambre
plein contentieux
C
Mme Viard
SCP SAVOYE ET ASSOCIES
M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région Hauts-de-France à lui verser, à titre principal, la somme totale de 33 883,94 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 28 448,04 euros, en réparation des préjudices consécutifs à son licenciement. Par un jugement n° 2006437 du 22 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a condamné la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France à verser à M. B... la somme de 2 387,21 euros en réparation de ses préjudices et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 22 août 2022, et un mémoire en réplique enregistré le 26 septembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Jamais, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement n° 2006437 du 22 juin 2022 en tant que le tribunal administratif de Lille a limité à la somme de 2 387,21 euros l'indemnité mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France en réparation des préjudices qu'il a subis ; 2°) de porter le montant de l'indemnité due en réparation de ses préjudices, à titre principal, à la somme totale de 39 384,14 euros, à titre subsidiaire, à la somme de 33 883,94 euros, et, à titre infiniment subsidiaire, à celle de 28 448,04 euros ; 3°) de mettre la somme de 3 500 euros à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - sa mutation géographique de Saint-Quentin à Lille a été décidée en méconnaissance de l'article 2 de l'annexe 5 à l'article 28 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie dès lors que les possibilités éventuelles d'aménagement de l'organisation du travail du poste concerné ou de mutation fonctionnelle au sein de son établissement d'origine n'ont pas été envisagées au cours de l'entretien de concertation préalable le 27 mars 2019, que des aménagements d'horaires étaient en tout état de cause inenvisageables, que de tels aménagements ou un poste en télétravail auraient été refusés par l'employeur, et que la mutation n'a pas été prise dans le respect de sa vie privée et familiale ; - la mutation litigieuse ne répond à aucun intérêt du service en lien avec une opération de réorganisation et de mutualisation des emplois et s'inscrit en réalité dans un projet de suppression des postes implantés en Picardie ; - sa mutation à Lille et celle de sa compagne, également employée par la chambre de commerce et d'industrie, de Saint-Quentin à Laon constituent un détournement de procédure visant à le contraindre à présenter sa démission, évitant ainsi à la chambre de commerce et d'industrie de lui verser l'indemnité prévue en cas de licenciement pour suppression de poste ; - les fautes commises par l'administration sont à l'origine d'un préjudice matériel constitué de la différence entre le montant de l'indemnité pour licenciement pour refus de mutation, qu'il a perçue, et celui de l'indemnité pour licenciement pour suppression de poste, et correspondant à la somme de 33 996,93 euros à titre principal, de 28 496,73 euros à titre subsidiaire ou de 23 060,83 euros à titre infiniment subsidiaire ; - il a subi un second préjudice matériel en raison des frais de transport indûment exposés pour un montant de 387,21 euros, ainsi qu'un préjudice moral évalué à la somme de 5 000 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2022, la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France, représentée par Me Forgeois, conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande présentée devant le tribunal administratif de Lille, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle n'a commis aucune faute au regard de l'article 2 de l'annexe 5 à l'article 28 du statut du personnel administratif dès lors que les éventuelles possibilités d'aménagement de l'organisation du travail du poste concerné ont été envisagées et que les contraintes familiales du requérant ont été prises en compte ; - la mutation géographique du requérant était justifiée par l'intérêt du service et ne constitue aucunement un détournement de procédure ; - le requérant ne saurait obtenir réparation pour avoir été privé de l'indemnité de licenciement pour suppression de poste dès lors que son poste n'a pas été supprimé mais transféré à Lille ; - le montant demandé à ce titre est surévalué ; - les autres préjudices invoqués ne sont pas établis, en l'absence de faute. Un mémoire a été présenté le 6 octobre 2023 par la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France, qui n'a pas été communiqué. Par une ordonnance du 27 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à la date du 6 octobre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ; - l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Forgeois, représentant la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été recruté le 21 octobre 2002 en qualité de technicien informatique par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Aisne, à laquelle a succédé, comme employeur, la CCI de la région Picardie le 1er janvier 2013 puis la CCI de région Hauts-de-France le 1er janvier 2017. M. B..., qui exerçait son activité professionnelle à Saint-Quentin (Aisne), a été informé le 19 mars 2019 de la décision de transférer son poste de travail à Lille (Nord) dans le cadre d'un projet de mutualisation et de rationalisation des ressources de la CCI. Après un entretien de concertation préalable à mutation géographique le 27 mars 2019 et un avis de la commission paritaire régionale le 15 avril suivant, la CCI de région Hauts-de-France a prononcé la mutation géographique de M. B... à Lille, à compter du 3 juin 2019. L'intéressé ayant refusé d'accepter cette mutation, pour raisons familiales, la CCI de région Hauts-de-France lui a notifié, le 10 juillet 2019, sa décision de licenciement pour refus de mutation géographique, à l'initiative de l'employeur. Estimant que ce licenciement était intervenu dans des conditions irrégulières, M. B... a saisi le tribunal administratif de Lille en vue d'obtenir réparation de ses préjudices matériels et moraux pour un montant fixé, en dernier lieu, à la somme totale de 33 883,94 euros à titre principal et de 28 448,04 euros à titre subsidiaire. Par un jugement du 22 juin 2022, les premiers juges ont condamné la CCI de région Hauts-de-France à lui verser la somme de 2 387,21 euros et ont rejeté le surplus de ses conclusions. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. La CCI de région Hauts-de-France demande à la cour d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande du requérant. Sur la responsabilité : 2. Aux termes de l'article 2 de l'annexe 5 à l'article 28 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie : " La mutation géographique à l'initiative de l'employeur est décidée par la CCI employeur dans le cadre de l'organisation régionale des services et conduit à un transfert du poste entraînant une modification du lieu de travail de l'agent concerné. / (...) Tout agent concerné par une procédure de mutation géographique doit bénéficier d'un entretien de concertation préalable avec la direction des ressources humaines de la CCI qui l'emploie. Au cours de cet entretien, la direction des ressources humaines expose précisément la mesure envisagée et, notamment, ses conséquences quant au lieu de travail de l'agent concerné. Elle présente également les éventuelles possibilités d'aménagement de l'organisation du travail du poste concerné ou de mutation fonctionnelle au sein de l'établissement d'origine de l'agent. / La décision de mutation géographique est prise dans le respect de la vie familiale et personnelle de l'agent concerné. / (...) La notification doit être dûment motivée et préciser les motifs de la mutation géographique effectuée dans l'intérêt du service, dans le cadre de la réorganisation ; elle indique la date de prise des fonctions au minimum 1 mois après la notification et les nouvelles conditions d'emploi (...) ". 3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du courriel adressé le 3 avril 2019 par M. B... à la direction des ressources humaines de la CCI de région Hauts-de-France, que les possibilités d'aménagement de l'organisation du travail du poste transféré à Lille ont été envisagées lors de l'entretien de concertation préalable du 27 mars 2019, au cours duquel ont notamment été évoqués un éventuel forfait horaire, l'aménagement des horaires de travail, la nécessité ou non d'une présence à plein temps à Lille, la fréquence des déplacements professionnels et les missions comprises dans le périmètre du poste. Les possibilités d'aménagement ont d'ailleurs été exposées sur ces différents points par l'administration, dans son courriel adressé en réponse le 12 avril 2019. La CCI de région Hauts-de-France doit donc être regardée comme ayant présenté, au cours de l'entretien de concertation, les possibilités d'aménagement de l'organisation du travail du poste transféré, au sens des dispositions précitées, quand bien même elles ne permettaient pas de répondre à l'ensemble des contraintes induites par la mutation du requérant. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la CCI aurait commis une faute sur ce point. 4. En deuxième lieu, M. B... et sa compagne, également employée par la CCI de région Hauts-de-France, exerçaient tous les deux leur activité professionnelle à Saint-Quentin quand ils ont fait l'objet, en juin 2019, d'une mutation géographique respectivement à Lille et à Laon. Le couple avait alors à sa charge un enfant en bas âge et une fille de treize ans, issue d'une première union de la conjointe de M. B.... Il n'est pas contesté que l'affectation du requérant dans le département du Nord impliquait pour celui-ci un temps de trajet quotidien de cinq heures environ, alors que la mutation concomitante de sa compagne dans un secteur géographique éloigné de Lille ne permettait pas à celle-ci de l'y rejoindre. Répondant aux interrogations de M. B... sur un éventuel aménagement de poste afin de rendre celui-ci compatible avec les contraintes personnelles et familiales induites par son changement d'affectation, la direction des ressources humaines de la CCI s'est bornée à lui assurer, dans le courriel précité du 12 avril 2019, un examen attentif de ses demandes à venir d'aménagement d'horaires et de rapprochement familial. L'avenant à la lettre d'engagement prévoyant la mutation de M. B... à compter du 3 juin 2019 ne prévoyait aucune mesure d'aménagement ou d'organisation de son poste de travail compatible avec sa vie personnelle et familiale, conduisant l'intéressé à refuser la mutation à Lille dès le 14 juin suivant. Dans ces conditions, et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la décision de mutation géographique prise à l'encontre de M. B... n'a pas été prise dans le respect de sa vie familiale et personnelle, en violation des dispositions précitées de l'article 2 de l'annexe 5 à l'article 28 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie. 5. En troisième lieu, il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale du 30 novembre 2017 que la CCI de région Hauts-de-France a arrêté un schéma directeur régional qui prévoit la transformation des organismes consulaires picards, dont la CCI de l'Aisne, en chambres de commerce et d'industrie locales, ainsi qu'une évolution du réseau consulaire régional afin de permettre une meilleure mutualisation et rationalisation des ressources. L'assemblée générale de la CCI de région Hauts-de-France s'est prononcée le 27 septembre 2018 sur un plan d'orientation stratégique affirmant la poursuite de la politique engagée de réorganisation, de mutualisation, de rationalisation et d'ajustement des moyens humains, techniques et financiers des fonctions relevant du support et du pilotage des activités transversales, dont la fonction " systèmes d'information ". D'après le procès-verbal de la délibération du 27 septembre 2018, aucune des suppressions d'emploi envisagées dans le cadre de cette politique de mutualisation et de rationalisation ne concerne le poste occupé par M. B... à la CCI de l'Aisne. Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal de la commission paritaire régionale du 8 avril 2019, que le transfert de deux postes, dont celui du requérant, a été décidé dans le cadre de la politique précitée de mutualisation et de rationalisation des ressources, impliquant un renforcement des équipes de la direction des systèmes d'information implantée à Lille. La circonstance que M. B... a été remplacé plusieurs mois après son refus d'accepter une mutation géographique à Lille ne suffit pas à démontrer que le transfert de poste, et donc cette mutation, ne répondaient pas aux objectifs poursuivis par la CCI de région Hauts-de-France dans la réorganisation de ses services. Par suite, la CCI est fondée à soutenir que la mutation géographique dont M. B... a fait l'objet est justifiée par l'intérêt du service. 6. En dernier lieu, si la CCI de région Hauts-de-France procède à des suppressions d'emplois dans le cadre de sa politique précitée de mutualisation et de rationalisation, il n'est pas établi qu'elle aurait entendu supprimer le poste occupé par M. B... à la CCI de l'Aisne, et non le transférer sur son site à Lille. Il résulte de ce qui a été au point précédent que, contrairement à ce que soutient le requérant, la mutation géographique induite par ce transfert de poste est justifiée par l'intérêt du service. L'absence de mesures d'accompagnement, notamment horaires, tenant compte de la situation familiale du requérant ne permet pas de caractériser une intention de son employeur de le placer dans une situation telle qu'il soit conduit à refuser la mutation et à démissionner. Par suite, il n'est pas établi que la décision de mutation aurait eu pour but de le contraindre à présenter sa démission, évitant à la CCI de lui verser une indemnité de licenciement pour suppression d'emploi. 7. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que la CCI de région Hauts-de-France a méconnu les dispositions de l'article 2 de l'annexe 5 à l'article 28 du statut du personnel administratif des CCI, en application desquelles la décision de mutation doit être prise dans le respect de la vie familiale et personnelle de l'agent concerné. Sur les préjudices : 8. En premier lieu, l'illégalité fautive commise par la CCI de région Hauts-de-France, qui a décidé la mutation de M. B... sans respecter sa vie familiale et personnelle, n'implique pas que l'intéressé, licencié pour avoir refusé cette mutation, perçoive une indemnité de licenciement pour suppression de poste. Il n'est donc pas fondé à demander l'indemnisation du préjudice financier résultant de la différence entre le montant de cette indemnité et celui de l'indemnité de licenciement pour refus de mutation qu'il a perçue. 9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la décision de mutation litigieuse a contraint M. B... à des déplacements professionnels à Lille pour un montant total de 707,20 euros, pris en charge par l'employeur dans la limite de 319,99 euros. Le requérant est donc fondé à obtenir l'indemnisation du préjudice résultant du reste à charge et correspondant à la somme de 387,21 euros. 10. En dernier lieu, le non-respect de sa vie familiale et personnelle est à l'origine pour M. B... d'un préjudice moral dont il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une plus juste appréciation en portant le montant de l'indemnité accordée par les premiers juges de la somme de 2 000 euros à celle de 4 000 euros. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a limité à 2 387,21 euros le montant des réparations mises à la charge de la CCI de région Hauts-de-France, qu'il y a lieu de porter à la somme de 4 387,21 euros. Il résulte également de ce qui précède que les conclusions incidentes présentées par la CCI ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la CCI de région Hauts-de-France demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCI de région Hauts-de-France une somme de 2 000 euros à verser à M. B... sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : L'indemnité mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région Hauts-de-France par le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2006437 du 22 juin 2022 en réparation des préjudices subis par M. B... est portée de la somme de 2 387,21 euros à celle de 4 387,21 euros. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2006437 du 22 juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : La CCI de région Hauts-de-France versera une somme de 2 000 euros à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La requête de M. B... est rejetée pour le surplus. Article 5 : L'appel incident de la CCI de région Hauts-de-France et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région Hauts-de-France. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 22DA01834
CETATEXT000048424469
J7_L_2023_11_00022DA01849
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01849, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01849
3ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme Viard
WILINSKI
M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 2 mars 2020 par lequel le maire de la commune de Douai a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, déclarée le 14 mai 2019, et de prendre en charge à ce titre les arrêts de travail et les frais médicaux et pharmaceutiques consécutifs à cette pathologie. Par un jugement n° 2002165 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 25 août 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 19 avril 2023, Mme A... B..., représentée par Me Wilinski, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 28 juin 2022 ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 mars 2020 ; 3°) d'enjoindre à la commune de Douai de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Douai le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal administratif a omis d'analyser son mémoire en réplique du 3 juin 2021, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments produits à l'appui de ce mémoire et se rapportant à une circonstance de fait dont elle n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction ; - elle souffre d'un syndrome anxiodépressif imputable à ses conditions de travail. Par deux mémoires en défense enregistrés les 23 décembre 2022 et 9 mai 2023, la commune de Douai, représentée par Me Simoneau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les premiers juges n'ont commis aucune irrégularité dès lors que les pièces produites par la requérante dans son mémoire en réplique du 3 juin 2021 ne se rapportent à aucune circonstance de fait nouvelle susceptible d'influer sur l'issue du litige ; - la maladie dont souffre la requérante ne présente aucun lien avec le service. Par une ordonnance du 9 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 mai 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Wilinski, représentant Mme B..., et de Me Perdrieux, représentant la commune de Douai. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., rédactrice principale de 2ème classe, a été affectée le 1er janvier 2017 dans les services de la commune de Douai, afin d'y exercer les fonctions de gestionnaire des ressources humaines chargée des conditions de travail. Placée en congé de maladie à compter du 10 avril 2019, elle a présenté le 14 mai suivant une demande d'imputabilité de sa pathologie au service. Par un arrêté du 2 mars 2020, la commune de Douai a rejeté cette demande et a refusé la prise en charge des arrêts de travail et des frais médicaux et pharmaceutiques en lien avec la pathologie de Mme B.... Celle-ci relève appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2020. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision. 3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a produit un mémoire en réplique le 3 juin 2021, accompagné de six pièces jointes, postérieurement à la date de clôture de l'instruction fixée au 23 mars 2021 par une ordonnance intervenue le 23 février précédent. Toutefois, les cinq documents médicaux datés des 27 avril et 11 mai 2021 se rapportent à la situation de santé de l'intéressée, débattue dans le cours de l'instruction, et ne comportent aucune circonstance de fait nouvelle imposant une réouverture de l'instruction. Si Mme B... se prévaut plus particulièrement du sixième document, constitué du procès-verbal de la commission administrative paritaire se prononçant sur sa demande de révision de son compte-rendu d'évaluation, elle n'établit pas l'impossibilité d'en faire état avant la clôture de l'instruction alors que la commission a rendu son avis le 16 septembre 2020, plus de six mois avant la date de clôture. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, faute pour le tribunal d'avoir rouvert l'instruction et communiqué son mémoire en réplique. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Mme B... a été placée en congé de maladie à compter du 10 avril 2019 en raison d'un syndrome anxio-dépressif qui a donné lieu à une première constatation médicale le 8 janvier 2019. Cette pathologie, dont elle demande qu'elle soit reconnue comme imputable au service, a donc été diagnostiquée à une date antérieure à l'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires résultant de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. La situation de Mme B... doit dès lors être appréciée au regard des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction antérieure à l'intervention de l'ordonnance du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 5. Pour l'application des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 6. Mme B..., qui a pris son poste à la commune de Douai le 1er janvier 2017, indique que sa situation professionnelle s'est dégradée au cours de l'année 2019, conduisant à sa mise en congé de maladie pour un syndrome anxio-dépressif à compter du 10 avril 2019. Il ressort des pièces du dossier que les relations entre Mme B... et sa hiérarchie ont commencé à se dégrader au début de l'année 2019, après l'entrée en fonction de la nouvelle directrice des ressources humaines. À l'occasion de l'entretien d'évaluation du 8 janvier 2019 et de l'entretien du 18 mars suivant, des observations lui ont été adressées sur sa manière de servir et des réserves ont été formulées sur ses chances d'obtenir une promotion dans la catégorie supérieure ou une augmentation de rémunération. Il en a résulté une situation conflictuelle entre Mme B... et la directrice et son adjointe, ainsi qu'il ressort d'ailleurs du procès-verbal de la commission administrative paritaire du 16 septembre 2020. Selon le rapport d'expertise médicale, établi le 23 octobre 2019 à la demande de la commission de réforme, Mme B... présente un syndrome anxio-dépressif en lien avec ses conditions de travail, nécessitant des arrêts de travail directement en rapport avec cette maladie. Un suivi psychothérapique et un traitement psychotrope ont été mis en place afin de soigner la requérante. Dans les circonstances de l'espèce, et en l'absence de tout antécédent psychiatrique connu, la situation professionnelle particulièrement tendue rencontrée par Mme B... au cours de l'année 2019 a pu se trouver à l'origine d'une souffrance au travail dont a résulté sa pathologie dépressive. 7. Toutefois, il ne ressort pas des éléments produits à l'instance que les propos tenus à Mme B... sur sa manière de servir et ses chances de promotion auraient été injustifiés ou inappropriés de la part de ses supérieurs hiérarchiques, ou qu'ils auraient été exprimés dans des termes excessifs, au-delà de ce qu'exige l'exercice de l'autorité hiérarchique. Il n'est pas plus établi que les missions confiées à la requérante auraient été modifiées à partir de 2019 dans des conditions telles qu'une surcharge de travail en aurait résulté. La circonstance qu'elle aurait été écartée d'une réunion organisée le 26 mars 2019 ne suffit pas à démontrer une volonté de l'isoler au sein du service. En revanche, la commune de Douai produit le rapport de l'entretien du 18 mars 2019 et les témoignages de plusieurs agents du service dont il ressort qu'après avoir été informée de ses faibles perspectives d'avancement, Mme B... s'est d'elle-même placée en position de retrait dans le service et a adopté, de façon systématique, un comportement peu coopératif et même agressif à l'égard de l'adjointe à la directrice des ressources humaines. Les propos prêtés à la directrice des ressources humaines, tels que retranscrits dans un constat d'huissier du 1er septembre 2022, ne révèlent pas tant l'isolement auquel l'auraient contrainte ses collègues, que le clivage qu'elle a suscité au sein du service par son comportement. Il résulte de ce qui précède que l'attitude de retrait et d'opposition de Mme B... doit être regardée comme étant la cause déterminante de la dégradation de ses conditions de travail à la commune de Douai. Un tel comportement est constitutif d'un fait personnel de l'agent de nature à détacher la maladie du service. 8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Douai, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme dont la commune de Douai demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Douai présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Douai. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 22DA01849
CETATEXT000048424470
J7_L_2023_11_00022DA01854
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01854, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01854
3ème chambre
plein contentieux
C
Mme Viard
LEVESQUES
M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la commune de Louviers à lui verser la somme de 30 337,32 euros en réparation des pertes de revenus résultant du refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses congés de maladie et la somme de 18 669,12 euros en réparation des préjudices en lien avec la perte de son emploi pour invalidité. Par un jugement n° 2004381 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Louviers à verser à Mme A..., dans un délai de deux mois, une indemnité correspondant aux traitements dus au titre de ses congés de maladie imputables au service et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 26 août 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 16 juin 2023, la commune de Louviers, représentée par Me Enard-Bazire, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 juillet 2022 en tant qu'il la condamne à indemniser Mme A... ; 2°) de rejeter la demande présentée par l'intéressée devant le tribunal administratif en vue de l'indemnisation de ses pertes de revenus ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les conclusions indemnitaires présentées devant les premiers juges étaient irrecevables dès lors que les arrêtés plaçant Mme A... en congé de maladie ordinaire à demi-traitement étaient devenus définitifs, en l'absence de demande d'annulation présentée dans le délai de recours contentieux, et que le recours indemnitaire n'a pas été introduit dans un délai raisonnable ; - l'administration n'a commis aucune faute en plaçant l'intéressée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement dès lors que, eu égard à son état antérieur, ses arrêts de travail ne présentent pas de lien suffisamment direct avec l'accident de service survenu le 5 mai 2014 ; - les congés de maladie postérieurs à la date de consolidation du 17 mai 2015 ne peuvent être pris en charge au titre de l'accident de service ; - les préjudices invoqués ne sont pas imputables à la pathologie de l'intimée ; - l'administration n'a pas manqué à ses obligations d'aménagement de poste et de reclassement dès lors que Mme A... n'a pas demandé à travailler dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, que la fiche de poste a été modifiée à plusieurs reprises afin de tenir compte des restrictions médicales, que l'intéressée a été déclarée définitivement inapte à son poste le 7 avril 2017 et à tous postes le 10 novembre suivant et que la mise à la retraite pour invalidité résulte pour l'essentiel de l'état antérieur non imputable au service ; - un éventuel manquement à ses obligations d'aménagement et de reclassement ne pourrait concerner que la période du 22 février 2016 au 19 septembre 2017 ; - l'inaptitude définitive de Mme A... et sa mise à la retraite pour invalidité résultent de son syndrome dépressif et de l'aggravation de sa lombalgie qui ne sont pas imputables au service ; - les pertes de revenus subies au cours de la période du 22 février 2016 au 31 décembre 2018 doivent être évaluées à la somme de 21 729,28 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 18 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Levesques, conclut : 1°) au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Louviers à lui verser la somme de 27 278,26 euros en réparation des pertes de revenus résultant du refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses congés de maladie, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement attaqué ; 2°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 juillet 2022 en tant qu'il rejette ses conclusions en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi, et à la condamnation de la commune de Louviers à lui verser la somme de 18 669,12 euros à ce titre ; 3°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Louviers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa demande présentée devant le tribunal administratif était recevable dès lors que le caractère définitif des décisions la plaçant en congé de maladie ordinaire ne faisait pas obstacle à l'exercice d'un recours indemnitaire, que la responsabilité de la commune est engagée pour ne pas avoir envisagé l'aménagement de son poste ou un éventuel reclassement, et qu'aucun délai raisonnable ne lui est opposable ; - la commune de Louviers n'a pas exécuté le jugement attaqué, justifiant qu'elle demande la condamnation de la collectivité à lui verser la somme de 27 278,26 euros en réparation de ses pertes de revenus ; - la commune a commis une faute en la maintenant en congé de maladie ordinaire depuis le 28 septembre 2015, alors que ses congés sont imputables à l'accident de service du 5 mai 2014 ; - elle a également commis une faute en s'abstenant de procéder à l'aménagement de son poste ou à un reclassement tenant compte des prescriptions médicales ; - les manquements de la commune sont à l'origine de pertes de revenus au titre de la période du 22 février 2016 au 31 décembre 2018, pour un montant de 27 278,26 euros, et de sa mise à la retraite pour invalidité, dont le préjudice est évalué à la somme de 18 669,12 euros. Par une ordonnance du 20 juin 2023, l'instruction a été close à la date du 10 juillet 2023, à 12 heures. Par une décision du 26 janvier 2023, le président du bureau d'aide juridictionnelle a maintenu, pour la présente instance, la décision du 25 janvier 2021 admettant Mme A... à l'aide juridictionnelle totale devant le tribunal administratif de Rouen. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - et les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Adjointe technique de 2ème classe affectée à la commune de Louviers, où elle exerçait les fonctions d'agent d'entretien, Mme A... a été victime d'un accident sur son lieu de travail le 5 mai 2014. L'imputabilité au service de cet accident a été reconnue par la commune de Louviers, qui a placé Mme A... en congé de maladie à plein traitement, avec prise en charge des soins, jusqu'au 27 septembre 2015. L'intéressée a ensuite bénéficié d'un congé de maladie ordinaire puis, à la suite de deux jugements du tribunal administratif de Rouen des 16 janvier et 27 février 2018 annulant les mesures de gestion prises sur ce point, elle a été placée en congé de maladie imputable au service, avec maintien d'un plein traitement, jusqu'au 21 février 2016. Mme A... a été de nouveau placée en congé ordinaire de maladie après cette date, puis en disponibilité d'office du 28 septembre 2016 au 27 septembre 2018, avec le bénéfice d'un demi-traitement. Maintenue ensuite dans les effectifs de la commune, toujours à mi-traitement, dans l'attente que la commission de réforme donne son avis, Mme A... a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er janvier 2019. Relevant divers manquements se rapportant à la prise en charge de ses arrêts de travail, à l'adaptation de son poste et à l'absence de reclassement, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Louviers à réparer les préjudices résultant de ses pertes de traitement et de la perte de son emploi. Par un jugement du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Louviers à verser à Mme A..., dans un délai de deux mois, une indemnité correspondant aux traitements dus au titre de ses congés de maladie imputables au service pour la période du 22 février 2016 au 31 décembre 2018 et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. La commune de Louviers relève appel de ce jugement. Mme A... saisit la cour de conclusions incidentes tendant à la réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif : 2. D'une part, et contrairement à ce que soutient la commune de Louviers, les arrêtés plaçant Mme A... en congé de maladie ordinaire à demi-traitement ont emporté des effets juridiques sur sa situation individuelle qui ne sont pas exclusivement financiers, de sorte qu'ils ne sauraient être regardés comme ayant un objet purement pécuniaire. Par suite, la circonstance que ces arrêtés sont devenus définitifs n'a pas pour effet de priver Mme A... de la possibilité de demander l'indemnisation des préjudices résultant de leur caractère illégal. 3. D'autre part, si le recours visant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique doit être précédé d'une réclamation auprès de l'administration, il ne tend pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968. Il s'ensuit que la commune de Louviers ne saurait utilement se prévaloir de la règle selon laquelle, pour un recours tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision, le principe de sécurité juridique impose au destinataire de la décision de saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. 4. Il résulte de ce qui précède que la commune de Louviers n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée par Mme A... devant les premiers juges était irrecevable. En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Louviers : 5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi, emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / (...) La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables (...) ". Enfin, aux termes de l'article 36 du même décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées (...) en service (...) peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par dérogation à l'article 19, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale ". 6. Le droit, prévu par les dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, d'un fonctionnaire en congé de maladie à conserver l'intégralité de son traitement en cas de maladie provenant d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. 7. Il résulte en outre de la combinaison des dispositions citées au point 5 que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service et qui se trouve dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emploi, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation. Il appartient à l'autorité compétente de se prononcer sur la situation de l'intéressé au vu des avis émis par le comité compétent, sans être liée par ceux-ci. En l'absence de modification de la situation de l'agent, l'administration a l'obligation de le maintenir en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à la reprise de service ou jusqu'à sa mise à la retraite, qui ne peut prendre effet rétroactivement. 8. D'une part, Mme A..., qui exerçait les fonctions d'agent d'entretien, a été victime d'un accident de service le 5 mai 2014, qui a entrainé l'apparition de lombalgies et son placement en congé de maladie. Pour contester tout lien entre cet accident de service et les arrêts de travail de Mme A..., après le 22 février 2016 et jusqu'au 31 décembre 2018, la commune de Louviers se prévaut de l'expertise médicale réalisée le 29 décembre 2015 et des avis rendus par la commission de réforme les 15 février et 12 avril 2018, dont il ressort que les congés de maladie et les soins postérieurs à la date de consolidation, fixée au 17 mai 2015, ne sont pas imputables à cet accident. Toutefois, la consolidation retenue pour les lésions imputables à un accident de service ne fait pas obstacle à ce que des douleurs ressenties après cette consolidation et relevant de la même symptomatologie que celles ayant conduit à la reconnaissance de l'imputabilité, présentent un lien direct et certain avec l'accident de service initial et soient reconnues comme également imputables. Si dans son avis précité du 15 février 2018, la commission de réforme retient que l'incapacité résultant de la pathologie lombaire de l'intéressée est imputable à un état antérieur, pour un taux de 7 %, et à l'accident de service, pour un taux de 8 %, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait présenté une lombalgie avant la survenue de cet accident. Il n'est pas non plus établi, ni même soutenu par la commune, que le syndrome dépressif également retenu par la commission de réforme le 15 février 2018 expliquerait à lui seul les arrêts de travail de Mme A..., alors que, dans des avis antérieurs des 10 septembre 2015 et 10 mars 2016, la commission envisage une reprise d'activité sur un poste aménagé tenant compte de restrictions médicales en lien avec ses seules douleurs lombaires. Dans ces conditions, la maladie qui a mis l'intimée dans l'impossibilité d'accomplir son service d'agent d'entretien pendant la période litigieuse est en lien direct avec l'accident survenu dans l'exercice de ses fonctions, quand bien même ce lien ne serait pas exclusif. 9. D'autre part, Mme A..., dont la maladie provient d'un accident de service et qui s'est trouvée dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions initiales d'agent d'entretien au terme de douze mois de congé maladie, n'a pu être placée en congé de longue maladie ou de longue durée, et devait donc bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'était pas possible, être mise en mesure de demander son reclassement. Il ressort des rapports d'expertise médicale des 19 mai et 20 décembre 2015 et des avis de la commission de réforme des 10 septembre 2015 et 10 mars 2016 qu'une reprise d'activité était envisageable sur un poste aménagé excluant le port de charges supérieures à cinq kilogrammes et des flexions et rotations du tronc, d'abord dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique à compter de septembre 2015 puis à temps plein à compter de mars 2016. La commune de Louviers soutient avoir proposé un tel poste aménagé dès le 26 mai 2015. Toutefois, elle renvoie sur ce point à une fiche de poste décrivant les missions d'agent d'entretien assurées par Mme A... avant son accident, et qui ne prend pas en compte les restrictions médicales précitées. Si la fiche de poste proposée le 31 mars 2016 retient ces restrictions, le médecin de prévention a estimé le 18 avril 2016 que le poste ainsi aménagé était incompatible avec l'état de santé de Mme A... qui devait être hospitalisée pendant un mois pour recevoir des soins en lien avec sa lombalgie et permettant une rééducation et une réadaptation à l'effort physique. Il ne résulte pas de l'instruction que les fiches de poste des 29 novembre 2016 et 17 janvier 2017, en tous points identiques à celle du 31 mars 2016, auraient correspondu à l'état de santé de Mme A.... Au demeurant, le comité médical s'est prononcé le 7 avril 2017 pour une inaptitude totale de l'intéressée à ses fonctions d'agent d'entretien, impliquant un reclassement dans un emploi sans port de charges, ni position penchée en avant ou exposition aux trépidations. La commune de Louviers ne démontre pas avoir mis à même Mme A... de demander un tel poste de reclassement avant le 10 novembre 2017, date à laquelle le comité médical a constaté qu'elle était inapte à tous postes. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'a pu bénéficier de l'adaptation de son poste de travail et, à supposer qu'il fut possible, n'a pas été mise en mesure de demander son reclassement. Ainsi qu'il a été dit au point 7, il appartenait donc à la commune de Louviers, en l'absence de toute possibilité de reprise, de la maintenir en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à sa mise à la retraite, intervenue le 1er janvier 2019. 10. Il résulte de ce qui précède qu'en plaçant Mme A... en congé de maladie ordinaire non imputable au service puis en disponibilité d'office, avec le bénéfice d'un demi-traitement, la commune de Louviers a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. En ce qui concerne les préjudices : 11. En premier lieu, Mme A... n'a perçu qu'un demi traitement du 22 février 2016, date à laquelle elle est arrivée au terme de la période de congé de maladie ordinaire à plein traitement, au 31 décembre 2018, avant sa mise à la retraite pour invalidité. Si elle demande en appel la condamnation de la commune à lui verser à ce titre la somme de 27 278,26 euros, sans en expliciter le mode de calcul et en renvoyant à ses bulletins de paie, la commune de Louviers produit sur ce point des éléments financiers, non contestés par l'intéressée, dont il ressort que les pertes de revenus subies pendant la période litigieuse s'établissent à la somme totale de 21 729,28 euros. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir ce montant pour fixer l'indemnité due à Mme A.... 12. En second lieu, invoquant le refus fautif de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail, ainsi que des manquements de la commune aux obligations d'aménagement de poste et de reclassement, Mme A... soutient qu'elle s'est trouvée dans une situation de déclassement économique et social, qu'elle n'a pas pu entreprendre le programme médical de restauration fonctionnelle de son rachis, et qu'elle a développé un syndrome dépressif, ces circonstances ayant conduit à son inaptitude professionnelle et à la perte de son emploi. Il résulte de l'instruction que la mise à la retraite de Mme A... pour invalidité résulte de sa pathologie lombaire correspondant à une incapacité globale de 15 %, en partie seulement imputable au service à hauteur de 8 %, et à un syndrome dépressif représentant un déficit fonctionnel de 20 %. Si le certificat médical du 9 février 2018, que l'intéressée produit à l'instance, fait état de ses lombalgies et de sa pathologie psychiatrique, il n'en ressort aucunement que ses lésions lombaires, pour la partie non imputable au service, et son syndrome dépressif auraient pour origine le refus de la commune de prendre en charge l'ensemble de ses arrêts de travail au titre de l'accident de service du 5 mai 2014 ou les manquements allégués dans l'aménagement de poste ou la procédure de reclassement. Il n'est pas plus établi par Mme A..., qui renvoie sur ce point à ses propres déclarations, que ce refus de prise en charge aurait rendu impossible la réalisation d'un programme médical de restauration lombaire et aurait ainsi fait obstacle à une reprise d'activité. Dans ces conditions, en l'absence de démonstration d'un lien de causalité entre son inaptitude professionnelle définitive et un comportement fautif de l'administration, elle n'est pas fondée à solliciter une indemnisation à ce titre. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Louviers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à Mme A... une indemnité correspondant à ses pertes de revenus entre le 22 février 2016 et le 31 décembre 2018. Il résulte encore de ce qui précède que le montant de cette indemnité doit être fixé à la somme de 21 729,28 euros. Sur les intérêts : 14. Aux termes de l'article 1231-7 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement (...) ". 15. Tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution, même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts. Dès lors, la demande de Mme A... tendant à ce que lui soient alloués, à compter de la date du jugement attaqué, des intérêts au taux légal sur la somme que la commune de Louviers a été condamnée à lui verser est dépourvue de tout objet et doit être rejetée Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la commune de Louviers demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. 17. Par ailleurs, Mme A... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. L'avocat de Mme A... n'a pas demandé que lui soit versée par la commune de Louviers la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si celle-ci n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de Mme A... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la commune de Louviers est rejetée. Article 2 : La commune de Louviers est condamnée à verser la somme de 21 729,28 euros à Mme A... en réparation des pertes de revenus subies du 22 février 2016 au 31 décembre 2018. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 juillet 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Louviers, à Mme B... A... et à Me Levesques. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-Lebacq La présidente de chambre, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 22DA01854
CETATEXT000048424471
J7_L_2023_11_00023DA00126
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424471.xml
Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 23DA00126, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00126
3ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme Viard
CABINET AMELE MANSOURI
M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2201506 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 20 janvier 2023, Mme C... E..., représentée par Me Mansouri, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade dans un délai de trente jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation aux fins de la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant qu'il écarte les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté et d'une méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - il est encore insuffisamment motivé en tant qu'il se prononce sur la légalité de la décision fixant le pays de destination ; - la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'incompétence ; - cette décision est insuffisamment motivée en droit et en fait ; - le préfet a omis de procéder à un examen de sa situation avant de lui refuser le droit au séjour ; - sa fille nécessite des soins dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qui ne peuvent être prodigués en Algérie ; - le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; - le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont le refus de séjour est entaché ; - cette décision est entachée d'incompétence et n'est pas suffisamment motivée ; - cette décision méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1, 6, 24, 26 et 27 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le préfet a omis de procéder à un examen de sa situation avant de décider son éloignement ; - il a ordonné son éloignement sans abroger son autorisation de séjour en cours de validité ; - la décision fixant le pays de destination est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont la mesure d'éloignement est entachée. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023, le Préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 20 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 octobre 2023. Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme E..., ressortissante algérienne née le 8 novembre 1983, est entrée en France le 8 novembre 2019, accompagnée de sa fille A... B... alors âgée de six ans. Une autorisation provisoire de séjour lui a été délivrée pour une durée de six mois à compter du 19 mars 2021, en qualité de parent d'enfant malade, et a été renouvelée à deux reprises les 9 août 2021 et 31 janvier 2022. Par un arrêté du 14 mars 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler l'autorisation provisoire de séjour de Mme E..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée à l'expiration de ce délai. Mme E... relève appel du jugement du 27 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, pour écarter le moyen tiré d'une incompétence de l'auteur de l'acte contesté, le tribunal administratif a retenu que M. D..., directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Seine-Maritime, disposait d'une délégation en vertu de l'arrêté du 21 décembre 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer les décisions relevant des attributions de sa direction, notamment les refus de délivrance de titres de séjour et les mesures d'éloignement des étrangers. Le tribunal a ainsi répondu de façon suffisante au moyen soulevé par Mme E... qui n'a présenté dans sa requête devant les premiers juges aucun élément permettant de douter du caractère exécutoire de l'arrêté de délégation du 21 décembre 2021 lors de l'édiction de l'arrêté contesté du 14 mars 2022. Par suite, le moyen tiré d'une prétendue irrégularité du jugement attaqué doit être écarté. 3. En deuxième lieu, Mme E... a soulevé devant le tribunal administratif le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, en faisant état de la nécessité pour sa fille de poursuivre des soins sur le territoire français. Les premiers juges ont écarté ce moyen en renvoyant au point 8 de leur jugement écartant toute illégalité de la décision de refus de séjour au motif que l'enfant pouvait suivre des soins appropriés à son état de santé en Algérie et en constatant que cette décision n'avait ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant de sa mère qu'elle avait vocation à accompagner dans leur pays d'origine. Le jugement est donc également motivé de façon suffisante en tant qu'il écarte le moyen tiré d'une méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant. 4. En dernier lieu, Mme E... a contesté la légalité de la décision fixant le pays de renvoi devant le tribunal en se bornant à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Les premiers juges n'ont entaché leur jugement d'aucune insuffisance de motivation en relevant que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français devait être écarté, pour en déduire ensuite que la requérante n'était pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. En premier lieu, Mme E... reprend en appel, sans apporter aucun élément nouveau, son moyen tiré d'une incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser (...) le renouvellement (...) de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ". 7. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... qui a sollicité le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'enfant malade, aurait en outre demandé la délivrance d'un certificat de résidence en application des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Dans ces conditions, la circonstance que ces stipulations ne soient pas visées dans l'arrêté contesté du 14 mars 2022 n'est pas de nature à révéler une insuffisance de motivation en droit. En outre, cet arrêté expose la situation personnelle de Mme E..., précise les éléments relatifs à l'état de santé de sa fille et énonce les raisons pour lesquelles le préfet de la Seine-Maritime a refusé le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour comme accompagnant. Cette décision de refus, qui n'avait pas à reprendre tous les éléments factuels se rapportant à la situation de la requérante et de sa fille, comporte ainsi l'ensemble des considérations de fait en constituant le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus d'autorisation provisoire de séjour doit être écarté. 8. D'autre part, la décision portant obligation de quitter le territoire français rappelle les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme E... n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision lui refusant un titre de séjour, laquelle est suffisamment motivée. 9. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pour les parents étrangers d'enfants dont l'état de santé nécessite des soins dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, en l'absence d'accès effectif à des soins appropriés dans leur pays d'origine, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, autorise de façon provisoire le séjour d'un ressortissant algérien pour l'accompagnement de son enfant malade. 10. Le préfet de la Seine-Maritime a rejeté la demande de Mme E... au vu de l'avis rendu le 6 octobre 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que, si l'état de santé de sa fille nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme E... souffre d'une maladie autosomique récessive responsable d'une paraplégie spastique progressive, d'un retard psychomoteur et d'une atteinte cognitive sévère, nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire avec des soins de kinésithérapie, d'orthopédie et d'orthophonie. Afin d'établir que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet, sa fille ne pourra bénéficier d'une prise en charge appropriée en Algérie, la requérante verse en appel des attestations de médecins pédiatres algériens qui indiquent qu'une prise en charge adaptée à la pathologie de l'enfant n'est pas possible en Algérie, en l'absence d'établissement médico-éducatif suffisamment spécialisé et équipé au regard de cette pathologie, ainsi qu'un certificat d'un praticien de l'hôpital Robert-Debré du 25 mars 2022 affirmant qu'une prise en charge spécialisée ne peut être dispensée dans le pays d'origine de la famille. Toutefois, s'il ressort du compte-rendu de l'hôpital Robert-Debré du 6 décembre 2022 que les soins de kinésithérapie, d'orthopédie et d'orthophonie dont a besoin la jeune A... B... sont actuellement dispensés au sein d'un institut médico-éducatif, les documents médicaux précités et les articles de presse sur les carences du système sanitaire algérien ne suffisent pas à démontrer que, compte tenu de la pathologie de l'enfant, les soins dont elle a besoin n'existeraient pas en Algérie et ne seraient pas disponibles dans des conditions permettant d'y avoir accès, quand bien même ils ne seraient pas équivalents à ceux offerts en France dans le cadre d'un institut spécialisé. La circonstance que des investigations médicales étaient en cours à la date de la décision contestée, afin de déterminer l'origine génétique de la pathologie de l'enfant, n'est pas de nature à établir l'absence en Algérie d'un traitement approprié qui a pour objet la prise en charge de son handicap. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en refusant de renouveler l'autorisation provisoire de séjour de Mme E.... 11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". 12. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que l'absence d'accès effectif à un traitement approprié en Algérie n'est pas établie. Dans ces conditions, alors en outre que les décisions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant de sa mère, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le refus d'admission au séjour et la mesure d'éloignement porteraient atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes raisons, les moyens tirés d'une prétendue méconnaissance des articles 6, 24, 26 et 27 de cette convention, par lesquels les Etats parties reconnaissent le droit de tout enfant à la vie, au meilleur état de santé possible, au bénéfice de la sécurité sociale et à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement, ne peuvent qu'être écartés. 13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 14. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... est entrée en France le 8 novembre 2019, moins de trois ans avant l'intervention de la décision contestée, et ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française, alors que son époux réside en Algérie. Comme il a été dit plus haut, il n'est pas établi que sa fille ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de la famille. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 15. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet de la Seine-Maritime a examiné la situation de la requérante et de sa fille, au vu de la demande dont il était saisi, avant de statuer sur la demande d'autorisation provisoire au séjour. La circonstance que le préfet, s'interrogeant sur une éventuelle régularisation à titre humanitaire et sur l'opportunité d'une mesure d'éloignement, a précisé dans son arrêté que la requérante n'exerce aucune activité professionnelle est insusceptible de caractériser un défaut d'examen. Mme E... n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet a omis de procéder à un examen approfondi de sa situation avant de lui refuser l'accès au séjour et de l'éloigner. 16. En septième lieu, la circonstance que l'arrêté contesté ne prononce pas expressément l'abrogation de l'autorisation provisoire de séjour en cours de validité à la date du 14 mars 2022, tout en lui en refusant le renouvellement, est sans influence sur la légalité de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme E.... 17. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour serait illégale. Elle n'est donc pas plus fondée à se prévaloir de sa prétendue illégalité pour soutenir que, par voie d'exception, la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait elle-même illégale. De même, les moyens soulevés à l'encontre de la mesure d'éloignement étant écartés, la requérante n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette mesure pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi. 18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Amèle Mansouri. Copie du présent arrêt sera délivrée au préfet de la Seine-Maritime. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 23DA00126
CETATEXT000048424472
J7_L_2023_11_00023DA00143
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 23DA00143, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00143
3ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme Viard
SELAFA CASSEL
Mme Marie-Pierre Viard
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 11 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'obtention de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". Par un jugement n° 2101716 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et a enjoint au ministre des armées d'attribuer à M. B... la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 janvier 2023, le ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande de M. B... présentée en première instance. Il soutient que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce que la décision litigieuse était entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que M. B... ne peut être regardé comme ayant souscrit un engagement au sens des dispositions de l'article D. 352-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et que les unités dans lesquelles il a été affecté n'ont pas été reconnues comme combattantes en Algérie durant les périodes où celui-ci y était affecté. Par un mémoire enregistré le 5 mai 2023, M. B..., représenté par la S.E.L.A.F.A. Cabinet Cassel, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ordonnance du 9 mai 2023 la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 juillet 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente-rapporteure, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., titulaire d'une carte d'ancien combattant délivrée par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre au titre de sa participation à la guerre d'Algérie du 8 mai 1962 au 26 janvier 1963, a demandé, le 1er juillet 2019, au ministre des armées la délivrance de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". Par une décision du 11 décembre 2020, sa demande a été rejetée par la ministre des armées au motif qu'il avait la qualité d'appelé et pas d'engagé volontaire. Le ministre des armées relève appel du jugement du 22 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté. 2. D'une part, aux termes de l'article D. 352-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Peuvent prétendre, sur leur demande, à la croix du combattant volontaire avec barrette Afrique du Nord les militaires des forces armées françaises et les membres des formations supplétives françaises, qui, titulaires de la carte du combattant au titre de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc et de la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre, ont contracté un engagement pour participer dans une unité combattante aux opérations : 1° En Algérie, du 31 octobre 1954 au 3 juillet 1962 ; 2° Au Maroc, du 1er juin 1953 au 2 mars 1956 ; 3° En Tunisie, du 1er janvier 1952 au 20 mars 1956. A défaut de la carte du combattant au titre de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, les candidats déjà titulaires de la carte du combattant au titre d'un autre conflit pourront se prévaloir de leur qualité de combattant de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc sur présentation d'un certificat ou attestation délivré par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre authentifiant cette qualité. ". Il résulte de ces dispositions que la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " ne peut être attribuée qu'aux militaires qui ont souscrit leur engagement dans l'intention délibérée de participer dans une unité combattante aux opérations mentionnées à l'article D. 352-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 4132-9 du code de la défense : " L'engagé est celui qui est admis à servir en vertu d'un contrat dans les grades de militaire du rang et de sous-officier ou d'officier marinier, dans une armée ou une formation rattachée ". 4. Pour rejeter par la décision contestée du 11 décembre 2020 la demande de M. B... tendant à l'attribution de la croix de combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ", la ministre des armées s'est fondée sur le motif tiré de ce qu'il avait servi en Algérie en qualité d'appelé. 5. S'il est constant que M. B... est titulaire de la carte du combattant et de la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre, il ressort des pièces du dossier qu'il a été appelé à l'activité le 1er janvier 1962. S'il se prévaut de la signature, le 13 janvier 1962, d'une demande de volontariat pour suivre un peloton d'élèves officiers de réserve, réservé à son contingent, alors qu'il était alors affecté au groupement d'instruction des troupes de marine de Fréjus, cette circonstance ne peut être assimilée à la conclusion d'un contrat d'engagement au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article D. 325-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il en est de même de la présence sur ce document de la mention manuscrite " pour servir en Afrique du Nord " ajoutée par l'intéressé, qui ne se rattache à aucune date et à aucune unité, laquelle n'est pas plus de nature à faire regarder M. B... comme remplissant la condition susmentionnée. La ministre des armées pouvait dès lors, pour ce seul motif, rejeter la demande présentée par M. B... tendant à la délivrance de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". 6. Il est également constant qu'aucune des unités où l'intéressé a été affecté n'a été reconnue comme unité combattante au cours des périodes pendant lesquelles il y servait, qu'il s'agisse en l'occurrence de l'école militaire d'infanterie de Cherchell où il a été affecté à la suite de son débarquement à Alger le 7 mai 1962 et de la 3ème compagnie du 21ème régiment d'infanterie où il a été affecté à compter de novembre 1962. A ce titre, la circonstance que ces unités ont été reconnues comme combattantes sur plusieurs périodes antérieures à ses affectations ne suffit pas à leur conférer, pour l'intégralité de la période mentionnée au 1° de l'article D. 352-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la qualité d'unité combattante. Dans ces conditions, le ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que M. B... ne remplissait pas l'ensemble des conditions exposées au point 2 pour l'obtention de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". 7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision litigieuse en considérant que M. B... avait la qualité d'engagé volontaire et non d'appelé et que la circonstance que l'unité dans laquelle il avait servi en Algérie n'avait pas été reconnue comme combattante pendant les périodes au cours desquelles il y a été affecté ne faisait pas obstacle à la délivrance de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif 8. Si M. B... fait valoir que la décision attaquée mentionne, de manière erronée, qu'il a été appelé à servir le 13 octobre 1961 alors qu'il a été appelé à l'activité le 1er janvier 1962, cette erreur matérielle, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur la légalité de la décision, laquelle s'apprécie au regard du respect des conditions énumérées à l'article D. 325-11 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 9. Enfin, si M. B... soutient que des militaires se trouvant dans la même situation que lui ont obtenu l'avantage qu'il sollicite, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 10. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1 : Le jugement n° 2101716 du 22 novembre 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Vard, présidente-rapporteure, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-assesseur, Signé : J.-M. Guérin-Lebacq La présidente de chambre, présidente-rapporteure, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N.Roméro N° 23DA00143 2
CETATEXT000048424473
J7_L_2023_11_00023DA00224
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 23DA00224, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00224
3ème chambre
plein contentieux
C
Mme Borot
SELARL CAMPANARO OHANIAN
M. Frédéric Malfoy
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Couverdure a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision implicite, née le 26 avril 2021, par laquelle la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent a rejeté son mémoire en réclamation, de condamner cette commune, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision de 208 720,75 euros avec intérêts à compter du 31ème jour suivant la réception de chacune des deux situations non réglées, au taux de la Banque centrale européenne (BCE) en vigueur, augmenté de huit points, et de condamner la commune à lui verser la somme provisionnelle de 80 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour paiement tardif. Par une ordonnance n° 2102119 du 18 janvier 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à verser à la société Couverdure une provision de 97 167,55 euros majorée de l'intérêt au taux légal, majoré de huit points de pourcentage à compter du 3 septembre 2019 ainsi que la somme forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros. Procédure devant la cour : I - Par une requête enregistrée le 7 février 2023 sous le n° 23DA00224 et des mémoires enregistrés le 30 mars 2023, le 1er septembre 2023 et le 13 octobre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent, représentée par Me Campanaro, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de rejeter l'intégralité des demandes de la société Couverdure ; 3°) de mettre à la charge de la société Couverdure la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens. Elle soutient que : - son appel est recevable ; - l'ordonnance est insuffisamment motivée, d'une part, en ce que le juge a omis d'identifier les parties au contrat ayant le pouvoir d'admettre les acomptes mensuels et de procéder à leur paiement, d'autre part, en ce qu'il a omis de viser les pièces, actes et stipulations desquels il a déduit que la situation d'acompte n° 4 avait été validée, et, enfin, en ce qu'il a omis de préciser les raisons pour lesquelles il a jugé que les malfaçons constatées lors de la réception avec réserves des travaux n'avaient aucune incidence sur le caractère non contestable de la créance invoquée par la société Couverdure ; - le juge des référés du tribunal a entaché son ordonnance d'une erreur de qualification des faits dans son analyse des modalités d'admission des situations d'acomptes mensuels, et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8.1 du CCAP en considérant la situation d'acompte n° 4 comme ayant été validée du fait de la transmission et du visa de la société Scoping alors qu'elle ne l'a pas été, ni par le maître d'ouvrage, ni par son mandataire et ne peut donc donner lieu à la naissance d'une créance ; - la situation d'acompte n° 5 n'a fait l'objet d'aucune validation par le maître d'œuvre ou le maître d'ouvrage et son mandataire ; de plus, elle a été formellement contestée ; - la nécessité de devoir faire procéder à des reprises des travaux par d'autres entreprises pour un montant de 98 844,65 euros, ainsi que les retards accusés dans l'exécution desdits travaux et dans la transmission des dossiers d'exécution du marché générant des pénalités de retard à hauteur de 89 929,76 euros selon un décompte arrêté provisoirement au 9 octobre 2019, rendent incertaine la créance que soutient détenir la société Couverdure ; - en conséquence, l'obligation dont se prévaut la société Couverdure présente le caractère d'une créance sérieusement contestable. Par des mémoires en défense enregistrés les 22 mars, 18 avril 2023, 4 mai 2023 et 13 octobre 2023, ces deux derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, la société Couverdure, représentée par Me Rouch, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler la décision implicite de rejet de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent, née le 26 avril 2021 de son mémoire en réclamation, d'annuler l'ordonnance attaquée en tant que le juge des référés a limité la condamnation de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à la somme provisionnelle de 97 167,55 euros TTC, et en tant qu'il a limité l'indemnité forfaitaire pour paiement tardif à 40 euros et a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent d'une part, à lui verser une provision de 208 720,75 euros TTC avec intérêts au taux de la BCE en vigueur, majoré de huit points de pourcentage à compter du 3 septembre 2019 en ce qui concerne la situation d'acompte n° 4 (équivalente à 97 171,55 euros TTC) et, à compter du 1er octobre 2019 en ce qui concerne la situation d'acompte n° 5 (équivalente à 111 549,20 euros TTC), d'autre part, à lui verser une somme provisionnelle de 80 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour paiement tardif ; 3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à lui verser la somme de 97 167,55 euros TTC avec intérêts au taux de la BCE en vigueur, majoré de huit points de pourcentage à compter du 3 septembre 2019 au titre de la situation n° 4 et la somme de 38 847,67 euros TTC avec intérêts au taux de la BCE en vigueur, majoré de huit points de pourcentage à compter du 1er octobre 2019 au titre de la situation n° 5 ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens. Elle soutient que : - l'ordonnance attaquée est suffisamment motivée ; - elle détient une créance non sérieusement contestable correspondant aux situations d'acomptes n° 4 et n° 5 que la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent ne lui a pas versées, pour un montant total de 208 720,75 euros TTC ; - c'est à bon droit que le juge des référés a considéré comme validée la situation d'acompte n° 4, mais il a commis une erreur d'appréciation dans le quantum de la provision accordée en considérant comme non-validée la situation d'acompte n° 5 ; - c'est à tort que le juge des référés a déduit de la provision accordée la somme de 707,34 euros du montant de la situation n° 4, en lieu et place de celle de 703,34 euros, au titre du versement déjà réalisé par la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent ; - c'est à tort que le juge des référés a estimé que les sommes dues porteraient intérêt au taux légal majoré de huit points, alors que, s'agissant de retard de paiement dans le cadre d'un marché public, les intérêts de retard sont calculés au taux de la BCE en vigueur, majoré de huit points de pourcentage à compter de la date à laquelle les sommes auraient dues être payées. II - Par une requête enregistrée le 24 février 2023 sous le n° 23DA00345, la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent, représentée par Me Campanaro, demande à la cour de surseoir à l'exécution de l'ordonnance n° 2102119 du 18 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen. Elle soutient qu'il existe une série de moyens sérieux et de nature à justifier l'annulation de cette ordonnance. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de la commande publique ; - l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et l'annexe à cet arrêté ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Malfoy, premier conseiller, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Campanaro pour la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent, de Me Nadal, pour la société Couverdure. Considérant ce qui suit : 1. La commune de Saint-Sébastien-de-Morsent a confié à la société Couverdure, dans le cadre de la construction d'un complexe sportif, la couverture d'un terrain de tennis extérieur et la construction d'un vestiaire attenant. Ces éléments correspondent au lot n° 14 du marché public conclu le 30 mai 2018 pour un montant total de 340 414,69 euros HT, somme à laquelle s'ajoute un montant de 65 115,78 euros HT au titre des avenants au marché. Dans le cadre de cette opération, le cabinet Dedale est intervenu en qualité d'architecte maître d'œuvre, la société Eure Aménagement Développement (EAD), anciennement dénommée Senova, en qualité de maître d'ouvrage délégué, et la société Scoping en qualité de bureau d'études techniques. Par ordre de service émis le 18 juillet 2018, la société EAD a invité la société Couverdure à recevoir notification du marché de travaux et à en démarrer l'exécution. Au regard de l'avancée des travaux, la société Couverdure a par la suite transmis pour paiement les situations d'acompte n° 1, n° 2 et n° 3 qui lui ont été réglées pour des montants respectifs de 16 268,81 euros HT, 31 861,81 euros HT et 35 629,25 euros HT. La société Couverdure a ensuite établi une situation d'acompte n° 4 en date du 25 juillet 2019, d'un montant de 73 721,41 euros HT pour laquelle seul un règlement de 703,34 euros a été exécuté en sa faveur en octobre 2019. Le 30 août 2019, la société Couverdure a ensuite transmis une situation d'acompte n° 5 pour un montant de 89 239,36 euros HT, qui n'a fait l'objet d'aucun règlement. La société Couverdure a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à lui verser, à titre de provision, la somme de 208 720,75 euros TTC. La commune de Saint-Sébastien-de-Morsent relève appel de l'ordonnance du 18 janvier 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à la société Couverdure une somme de 97 167,55 euros majorée de l'intérêt au taux légal majoré de huit points de pourcentage depuis le 3 septembre 2019 ainsi que la somme forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros. Par des conclusions d'appel incident, la société Couverdure demande la réformation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a limité la condamnation de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à la somme provisionnelle de 97 167,55 euros et l'indemnité forfaitaire pour paiement tardif à la somme de 40 euros. Sur la jonction : 2. Les requêtes enregistrées sous les n° 23DA00224 et n° 23DA00345, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution de la même ordonnance. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée : 3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation est non sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. 4. Si l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d'une mesure prononcée en référé, à ce qu'il soit ordonné au maître d'ouvrage de verser au titulaire d'un tel marché une provision au titre d'une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l'exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n'aurait pas encore été établi. Lorsque le maître de l'ouvrage ne procède pas au versement d'acomptes auxquels a droit le titulaire du marché, ce dernier peut demander au juge des référés le versement d'une provision représentative de tout ou partie de leur montant. 5. D'une part, aux termes de l'article 11 du cahier des clauses administrative générales applicables aux marchés de travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009, dont relève le marché litigieux : " 11.1. / Le règlement des comptes du marché se fait par des acomptes mensuels et un solde établis et réglés comme il est indiqué à l'article 13. ". Aux termes de cet article 13 : " 13.1. Demandes de paiement mensuelles : / 13.1.1. Avant la fin de chaque mois, le titulaire remet sa demande de paiement mensuelle au maître d'œuvre, sous la forme d'un projet de décompte. / (...) 13.1.8. / Le projet de décompte mensuel établi par le titulaire constitue la demande de paiement ; cette demande est datée et mentionne les références du marché. / Le titulaire envoie cette demande de paiement mensuelle au maître d'œuvre par tout moyen permettant de donner une date certaine. / 13.1.9. / Le maître d'œuvre accepte ou rectifie le projet de décompte mensuel établi par le titulaire. Le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte mensuel. / (...) 13.2.1. / A partir du décompte mensuel, le maître d'œuvre détermine le montant de l'acompte mensuel à régler au titulaire. / (...) 13.2.2. / Le maître d'œuvre notifie par ordre de service au titulaire l'état d'acompte mensuel et propose au représentant du pouvoir adjudicateur de régler les sommes qu'il admet. / Cette notification intervient dans les sept jours à compter de la date de réception de la demande de paiement mensuelle du titulaire. / Si cette notification n'intervient pas dans un délai de sept jours à compter de la réception de la demande du titulaire, celui-ci en informe le représentant du pouvoir adjudicateur qui procède au paiement sur la base des sommes qu'il admet. : (...) ". 6. D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 8.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché en litige : " - Décomptes et acomptes mensuels / Les modalités de règlement des comptes sont les suivantes : / Par dérogation à l'article 13.3.2 du CCAG Travaux, l'état d'acompte sera notifié au titulaire par le mandataire (au plus tard lors du règlement de l'acompte / ou dans un délai de 6 jours) si le projet de décompte mensuel remis par le titulaire a été modifié. / (...) " . Aux termes des stipulations de l'article 11 du CCAP : " - Pénalités / 11.1 - Pénalités de retard / Lorsque le délai contractuel d'exécution ou de livraison est dépassé, par le fait du titulaire, celui-ci encourt, par jour de retard et sans mise en demeure préalable, une pénalité fixée à 1.0/3 000, conformément aux stipulations de l'article 20.1 du CCAG - travaux (...) / 11.2 - Autres pénalités spécifiques / En cas d'absence aux réunions de chantier, les entreprises dont la présence est requise se verront appliquer une pénalité forfaitaire fixée à 300,00 euros par absence . (...) ". 7. En premier lieu, si la situation n° 4 correspondant à un montant de 97 874,89 euros TTC, a été validée le 23 août 2019 par la société Scoping agissant en qualité de maître d'œuvre, il ne résulte pas de l'instruction que, conformément aux stipulations précitées de l'article 13.2.2, le représentant du pouvoir adjudicateur ait admis les sommes demandées dans l'acompte mensuel. En conséquence, à ce stade, aucune notification de l'état d'acompte mensuel ne devait être adressée au titulaire du marché. En revanche, il ressort de l'état d'acompte mensuel " n° 4 V2 " correspondant à la situation n° 4, établi par le mandataire EAD et signé le 15 octobre 2019 et dont la société Couverdure a reçu notification, que des pénalités pour retard résultant notamment d'absences aux rendez-vous de chantier ont été arrêtés à la somme de 89 929, 76 euros TTC. Si la société Couverdure conteste le bien-fondé des pénalités infligées par le maître d'ouvrage, elle n'apporte toutefois pas d'éléments permettant d'invalider les motifs fondant l'infliction de ces pénalités, résultant du constat, par le maître d'ouvrage délégué, de soixante-treize jours de retard d'exécution de travaux et de quinze absences à des réunions de chantier. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'en raison de nombreuses malfaçons dans la réalisation de l'ouvrage, la réception en a été prononcée avec de nombreuses réserves, lesquelles ont nécessité l'intervention de deux sociétés tierces pour effectuer des travaux de reprise à hauteur de 98 844,65 euros. Dans ces circonstances, à la date du présent arrêt, l'existence de l'obligation dont se prévaut la société Couverdure ne peut être regardée comme présentant un caractère non sérieusement contestable au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. 8. En second lieu, il résulte de l'instruction que la société Couverdure a établi, le 30 août 2019, un état de situation n° 5 s'élevant à la somme de 135 072,20 euros TTC, adressé à la société EAD mandataire agissant pour le compte de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent. Il résulte d'un supplément d'instruction diligenté auprès de la société Scoping que cette dernière a établi un état d'acompte n° 5 revêtu de la signature de son représentant précédée de la mention " reçu le 11 mai 2021, vérifié et transmis au maître d'ouvrage le 11 mai 2021 ". Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que, conformément aux stipulations précitées de l'article 13.2.2, le représentant du pouvoir adjudicateur ait admis les sommes demandées dans l'acompte mensuel. En conséquence, à ce stade, aucune notification de l'état d'acompte mensuel ne devait être adressée au titulaire du marché. Il s'ensuit que la société Couverdure ne pouvant prétendre au règlement de sommes non admises, sa créance ne présente pas un caractère non sérieusement contestable, au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative comme l'a retenu à bon droit le tribunal. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance, que la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser, à titre de provision, à la société Couverdure la somme de 97 167,55 euros, majorée des intérêts au taux légal majoré de huit points de pourcentage depuis le 3 septembre 2019 ainsi que la somme forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros. 10. Il résulte de ce qui a été dit au point 8, que les conclusions d'appel incident de la société Couverdure doivent être rejetées. Sur la demande de sursis à exécution de l'ordonnance : 11. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance attaquée, les conclusions de la requête n° 23DA00345 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance sont devenues sans objet. Sur les frais liés à l'instance : 12. Les conclusions de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Couverdure, la somme que demande la commune au même titre. DÉCIDE : Article 1er : L'ordonnance n° 2102119 du 18 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen est annulée en tant qu'elle a condamné la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à verser, à titre de provision, à la société Couverdure, la somme de 97 167,55 euros, majorée des intérêts au taux légal majoré de huit points de pourcentage depuis le 3 septembre 2019 ainsi que la somme forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros. Article 2 : La demande présentée par la société Couverdure devant le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, ses conclusions d'appel incident et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23DA00345 tendant au sursis à l'exécution de l'ordonnance du 18 janvier 2023. Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent et à la société Couverdure. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : F. Malfoy La présidente de chambre, Signé : MP. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N. Roméro N° 23DA00224, 23DA00345 2
CETATEXT000048424474
J7_L_2023_11_00023DA00295
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 23DA00295, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00295
3ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme Viard
SOCIETE D'AVOCATS ITPM
Mme Dominique Bureau
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a prononcé son expulsion du territoire français et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son avocate au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par un jugement n° 2203089 du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 février 2023, le 31 mars 2023 et le 3 octobre 2023 à 11 heures 36, M. B..., représenté par Me Jean-Olivier Pilet demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 du préfet du Pas-de-Calais ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il n'a pas bénéficié d'une procédure contradictoire régulière ; - il n'a pas bénéficié du droit d'être entendu préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté ; - cet arrêté est insuffisamment motivé ; - il n'a pas été précédé d'un examen sérieux de sa situation particulière ; - il est entaché d'inexactitude matérielle, tant en ce qui concerne le caractère contradictoire de la procédure que les conditions de son séjour en France ; - il porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - il porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - lui-même et son épouse sont exposés, en cas de retour en Algérie, à des risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2023, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 octobre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le traité sur l'Union européenne ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, - et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant algérien né le 20 février 1978 est, selon ses déclarations, entré en France en 2005. Le 4 décembre 2006, un certificat de résidence pour ressortissant algérien lui a été délivré en qualité de père d'un enfant français né, le 13 septembre 2006, de sa relation avec une ressortissante française. Ce titre de séjour a été renouvelé, pour une durée de dix ans, jusqu'au 3 septembre 2017. Le 3 décembre 2021, la commission d'expulsion a émis un avis défavorable à son expulsion du territoire français. Par un arrêté du 3 mars 2022, le préfet du Pas-de-Calais a, néanmoins, prononcé son expulsion sur le fondement des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... relève appel du jugement du 23 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la légalité externe de l'arrêté contesté : 2. En premier lieu, les dispositions des articles L. 632-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile subordonnent l'expulsion d'un étranger du territoire français à l'information préalable de l'intéressé et à sa convocation devant une commission d'expulsion, composée de magistrats. Devant cette commission, l'intéressé peut être assisté d'un conseil en bénéficiant, le cas échéant, de l'aide juridictionnelle, ou de toute personne de son choix, ainsi que d'un interprète, et faire valoir toutes les raisons qui militent contre son expulsion. A l'issue des débats devant la commission, un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis motivé de la commission, à l'autorité administrative compétente pour statuer et également communiqué à l'étranger. Le législateur a, ainsi, institué des dispositions qui régissent de manière complète les règles de procédure administrative auxquelles est soumise l'intervention des arrêtés d'expulsion, dans des conditions qui garantissent aux intéressés le respect des droits de la défense. Ces dispositions excluent, par suite, l'application de celles de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui figuraient antérieurement à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, prévoyant une procédure contradictoire préalable à l'intervention des décisions qui doivent être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code. Dès lors, le moyen tiré par M. B... de ce que la mesure d'expulsion prise à son encontre a méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté comme inopérant. 3. En deuxième lieu, il résulte clairement des dispositions des articles 1 à 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 que celle-ci n'est applicable qu'aux décisions de retour qui sont prises par les Etats membres au motif que les étrangers sont en situation de séjour irrégulier. En revanche, la directive n'a pas vocation à régir les procédures d'éloignement qui reposent sur des motifs distincts, notamment la menace à l'ordre public. Les mesures d'expulsion prévues par les dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas pour objet de tirer les conséquences de l'irrégularité du séjour des ressortissants de pays tiers mais de prévenir les risques que comporte pour l'ordre public la présence d'un étranger sur le territoire national. En tout état de cause, en admettant même que la situation de M. B... puisse être regardée comme régie par le droit de l'Union européenne et que le principe du droit pour toute personne d'être entendue préalablement à l'intervention d'une décision administrative qui lui est défavorable, principe général du droit de l'Union européenne, lui soit applicable, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été entendu, le 3 décembre 2021, par la commission d'expulsion, devant laquelle, en présence d'un représentant du préfet du Pas-de-Calais, il a pu faire valoir avec l'assistance d'un avocat tous les éléments militant contre son expulsion, et dont l'avis a été transmis au préfet. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait été privé de la possibilité de mieux faire valoir sa défense. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté. 4. En troisième lieu, l'arrêté contesté cite les dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne les faits commis par M. B..., ainsi que les condamnations pénales dont il a fait l'objet et l'existence d'incidents disciplinaires constatés pendant sa détention et, enfin, précise qu'en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés et du risque de récidive, la présence de l'intéressé sur le territoire français constitue une menace grave et persistante pour l'ordre public. Le même arrêté relève, par ailleurs, les principaux éléments propres à la situation familiale de M. B... pris en compte par le préfet et l'absence de projet professionnel de l'intéressé à l'issue de sa détention. Cet arrêté comporte, ainsi, un énoncé suffisant des considérations de droit est de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour prendre sa décision et est, par suite, suffisamment motivé. Sur la légalité interne de l'arrêté contesté : 5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu en particulier de la motivation de l'arrêté contesté et des mentions figurant dans le procès-verbal de l'avis de la commission d'expulsion, que le préfet du Pas-de-Calais n'ait pas procédé à un examen suffisamment sérieux de la situation particulière de M. B.... 6. En deuxième lieu, la circonstance, alléguée par l'appelant, que l'arrêté contesté mentionne à tort qu'il " a été informé par contradictoire préalable que le préfet du Pas-de-Calais envisageait de prendre un arrêté d'expulsion à son encontre et qu'il a pu faire valoir ses observations " n'est, en toute hypothèse, pas constitutive d'une erreur de fait entachant les motifs de la décision contestée et, est, par suite, sans incidence sur sa légalité. Si M. B... soutient, en outre, que le préfet du Pas-de-Calais a commis une erreur de fait en relevant que son titre de séjour avait expiré en 2017, cette affirmation n'est assortie d'aucune précision ni justification permettant d'en apprécier le bien-fondé. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné, par le tribunal correctionnel de Bobigny, à une peine de dix mois d'emprisonnement, dont cinq avec sursis, pour des faits de violences aggravées par deux circonstances suivie d'une incapacité supérieure à huit jours, menaces de mort, rébellion et outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique commis le 25 décembre 2013 et, par la cour d'assises du Nord à une peine de réclusion criminelle de dix ans pour des faits de tentative de viol sous la menace d'une arme commis le 13 mars 2011. Par ailleurs, l'intéressé a fait l'objet de multiples signalements par les forces de police de 2007 à 2014 pour des faits divers de violences, d'altercations et de dégradations. Enfin, il résulte du rapport ponctuel de situation établi le 4 mai 2021 par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) du centre de détention de Bapaume, cité dans le procès-verbal de la commission d'expulsion et dont M. B... ne conteste pas la teneur, que celui-ci ne reconnaît toujours pas, dix ans plus tard, les faits de tentative de viol à raison desquels il a été condamné, ni n'exprime de compassion envers la victime, alors que la synthèse du centre national d'évaluation à l'issue d'un séjour du 16 février au 29 mars 2020, également mentionné dans le procès-verbal de la commission d'expulsion, a relevé un risque élevé de récidive. Les résultats d'examens biologiques réalisés en janvier 2023, postérieurement à l'arrêté contesté, produits par l'intéressé afin de démontrer qu'il ne s'adonne plus à la consommation d'alcool ne suffisent pas à écarter un tel risque de récidive. Dans ces conditions, la menace pour l'ordre public représentée par la présence de M. B... sur le territoire français est de nature à justifier qu'une mesure d'expulsion soit prononcée à son encontre. 9. D'autre part, M. B... fait valoir qu'il a épousé, le 3 mai 2014, une compatriote en situation régulière à la date de l'arrêté contesté et que de cette union est née le 3 mai 2015 une fille, âgée de sept ans à la date de cet arrêté. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que l'épouse de M. B... a été victime en Algérie, en particulier en décembre 2013, de graves violences de la part de son précédent mari qui a, en outre, violemment agressé son père après la fuite de celle-ci en Europe. Ces faits ont justifié l'octroi à l'épouse de M. B... du bénéfice de la protection subsidiaire, par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 avril 2016. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que, le 12 octobre 2020, l'épouse de M. B... a expressément renoncé au bénéfice de cette protection et que cette renonciation a été enregistrée le 18 novembre 2020. Par ailleurs, M. B... produit un certificat médical rédigé le 16 juin 2022 par un médecin généraliste, faisant état de troubles psychologiques affectant sa fille, en lien avec l'angoisse d'être séparée de son père, des troubles qu'elle risquerait de développer en cas de séparation effective, ainsi que des difficultés d'adaptation qu'elle rencontrerait en Algérie. Cependant, l'analyse contenue dans cet unique certificat n'est corroborée, sur le plan médical, par aucun autre document établi par un professionnel de santé. Il ressort, en outre, des pièces du dossier, qu'au cours d'une audition, le 27 septembre 2021, par les services de police, la mère du fils aîné de l'appelant a déclaré que ceux-ci n'entretenaient plus aucune relation depuis 2014. Les termes de l'attestation signée par la mère du jeune homme, selon lesquelles elle " s'était trompée " et avait omis de mentionner que le fils de M. B... et son père avaient conservé des contacts téléphoniques pendant l'incarcération de ce dernier, ne suffisent pas, à elles-seules, à remettre en cause ses premières déclarations. Enfin, si M. B... se prévaut de la présence en France de ses trois frères en situation régulière, il ne conteste ni avoir conservé des attaches familiales en Algérie, dont ses parents et certains membres de sa fratrie, ni, d'ailleurs, s'être rendu dans son pays d'origine en 2015. 10. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de ce qui a été dit aux deux points précédents et eu égard, notamment, à la gravité de la menace pour l'ordre public représentée par la présence de M. B... sur le territoire français et à ce que l'impossibilité pour l'intéressé de poursuivre sa vie familiale en Algérie ne peut être tenue pour établie, la mesure d'expulsion prise à son encontre le 3 mars 2022 ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté. 11. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. 12. Dans les circonstances analysées aux points 8 et 9, la mesure d'expulsion prise à l'encontre de M. B... le 3 mars 2022 n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de son fils et de sa fille ni, par suite, les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. M. B... ne saurait, en outre, utilement faire valoir sur le fondement de ces stipulations, ni l'état de grossesse de son épouse ni la naissance d'un second enfant issu de leur union le 9 juin 2023, tous deux postérieurs à cet arrêté. 13. Enfin, en cinquième lieu, l'arrêté contesté n'a pas pour objet de désigner le pays à destination duquel M. B... sera éloigné en exécution de la mesure d'expulsion prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté les exposerait, lui-même et son épouse, à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. La rapporteure, Signé : D. Bureau La présidente de chambre, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 23DA00295
CETATEXT000048424475
J7_L_2023_11_00023DA00368
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 23DA00368, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00368
3ème chambre
plein contentieux
C
Mme Viard
GYS
Mme Marie-Pierre Viard
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La SARL Loon-bâtiment a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 28 septembre 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Hauts-de-France lui a infligé, en application de l'article L. 8115-1 du code du travail, une amende administrative d'un montant total de 7 800 euros pour non-respect de ses obligations en matière d'hygiène. Par un jugement n° 2008539 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 27 février 2023, la SARL Loon-bâtiment, représentée par Me Gys, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 28 septembre 2020 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la procédure est irrégulière dès lors que le courrier l'informant des manquements constatés aurait dû être notifié à son préposé, titulaire d'une délégation de pouvoir, à ce titre pénalement responsable du chantier. En contestant l'opposabilité de cette délégation, l'administration du travail a entaché sa décision d'un détournement de pouvoir ; - la décision en litige est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où seule la durée des travaux dont la société était responsable en sa qualité de sous-traitante, c'est-à-dire environ deux mois, sur un chantier de plus longue durée, constituait la durée à prendre en considération pour l'application des articles R. 4534-137 et suivants du code du travail qui adaptent certaines dispositions relatives à l'hygiène sur les chantiers de moins de quatre mois ; - elle est entachée d'erreurs de fait dès lors qu'elle se fonde à tort sur des constats erronés de l'inspection du travail. Par une ordonnance du 11 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 juin 2023, à 12 heures. Le ministre du travail, de l'emploi et l'insertion a produit, le 16 octobre 2023, après la clôture de l'instruction, un mémoire en défense qui n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive communautaire 92/57/CEE du Conseil du 24 juin 1992 ; - le code du travail ; - la loi n°93-1418 du 31 décembre 1993 ; - la loi n°2018-727 du 10 août 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Loon-bâtiment a fait l'objet, le 29 août 2019, d'un contrôle des services de l'inspection du travail de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Hauts-de-France sur le chantier de construction d'une maison individuelle dans un lotissement situé à Téteghem (Nord), dans le cadre duquel intervenaient trois de ses salariés. Au cours de ce contrôle, l'inspecteur du travail a constaté des manquements à plusieurs dispositions du code du travail relatives aux installations sanitaires. Après mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 8115-5 du code du travail, la DIRECCTE des Hauts-de-France a, par une décision du 28 septembre 2020, prononcé à l'encontre de la SARL Loon-bâtiment une amende administrative d'un montant total de 7 800 euros. La société relève appel du jugement du 27 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail dans sa rédaction résultant de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : / (...) / 5° Aux dispositions prises pour l'application des obligations de l'employeur relatives aux installations sanitaires, à la restauration et à l'hébergement prévues au chapitre VIII du titre II du livre II de la quatrième partie, ainsi qu'aux mesures relatives aux prescriptions techniques de protection durant l'exécution des travaux de bâtiment et génie civil prévues au chapitre IV du titre III du livre V de la même partie pour ce qui concerne l'hygiène et l'hébergement ". 3. La société réitère, en appel, le moyen soulevé en première instance tiré du caractère irrégulier de la procédure au motif que le courrier l'informant des manquements constatés aurait dû être notifié à son préposé, titulaire d'une délégation de pouvoir, à ce titre pénalement responsable du chantier. Toutefois, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, si le délégataire peut être pénalement responsable des infractions susceptibles d'être constatées en matière d'hygiène et de sécurité, cette délégation n'est pas de nature à exonérer la société appelante, qui est l'employeur au sens des dispositions précitées de l'article L.8115-1 du code du travail, de veiller à ce que des installations conformes à la réglementation soient effectivement mises à disposition des salariés durant l'exécution des travaux sous peine de sanction administrative. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'un vice de procédure doit être écarté. Pour les mêmes motifs et alors que les sanctions pénale et administrative relèvent de régimes juridiques distincts, le moyen tiré du détournement de pouvoir, à le supposer soulevé par le requérant, doit être écarté. 4. En second lieu, aux termes de l'article R. 4534-137 du code du travail : " Sous réserve de l'observation des dispositions correspondantes prévues par la présente section, il peut être dérogé, dans les chantiers dont la durée n'excède pas quatre mois, aux obligations relatives : / 1° Aux installations sanitaires, prévues par les articles R. 4228-2 à R. 4228-7 et R. 4228-10 à R. 4228-18 ; / 2° A la restauration, prévues par les articles R. 4228-22 à R. 4228-25 ". 5. La directive communautaire 92/57/CEE du Conseil du 24 juin 1992 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles a introduit la notion de chantier pour l'application des mesures d'hygiène et de sécurité. Cette directive définit, en son article 2, le chantier temporaire ou mobile comme " tout chantier où s'effectuent des travaux du bâtiment ou du génie civil, dont la liste non exhaustive figure à l'annexe I " et son considérant 8 précise que " lors de la réalisation d'un ouvrage, un défaut de coordination, notamment du fait de la présence simultanée ou successive d'entreprises différentes sur un même chantier temporaire ou mobile, peut entrainer un nombre élevé d'accidents du travail ". Aux termes de l'article L. 235-3 du code du travail, devenu désormais l'article L.4532-2, issu de la loi du 31 décembre 1993 portant transposition de cette directive : " Une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs est organisée pour tout chantier de bâtiment ou de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous-traitantes incluses, afin de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives et de prévoir, lorsqu'elle s'impose, l'utilisation des moyens communs tels que les infrastructures, les moyens logistiques et les protections collectives ". 6. Il résulte clairement de l'ensemble des dispositions et principes qui viennent d'être rappelés aux points 4 à 5, que, pour apprécier l'étendue et le respect des obligations qui pèsent, en matière d'hygiène et de sécurité de leurs salariés, sur chacune des entreprises intervenant sur un chantier temporaire ou mobile de bâtiment et de génie civil imposant la présence simultanée ou successive d'entreprises différentes, la durée totale du chantier, entendue comme la durée d'intervention de l'ensemble des entreprises concourant à la réalisation de l'ouvrage, doit être retenue et non la durée d'intervention de chacune des entreprises pour l'exécution des travaux correspondant au marché ou lot dont elle a été attributaire. 7. Il résulte de l'instruction, et notamment du courrier du gérant daté du 10 septembre 2019, que l'intervention de la SARL Loon-bâtiment sur le chantier, qui consistait en des travaux de maçonnerie, a duré du 5 juillet au 3 septembre 2019, soit près de deux mois. Toutefois, ce chantier, impliquant l'intervention de plusieurs entreprises pour chaque lot, devait s'étendre sur une durée prévisionnelle de douze mois conformément au plan général simplifié de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé établi par le constructeur en sa qualité de donneur d'ordres. Or, selon les dispositions de l'article R. 4534-137 du code du travail énoncées ci-dessus et en application des principes rappelés au point précédent, sauf à ce que la durée du chantier sur lequel elle déploie ses salariés n'excède pas quatre mois, la société, en sa qualité d'employeur du bâtiment et des travaux publics, était soumise aux obligations relatives aux installations sanitaires, prévues par les articles R. 4228-2 à R. 4228-7 et R. 4228-10 à R. 4228-18 du code du travail. Aussi, l'appelante ne peut utilement se prévaloir de l'intervention postérieure d'autres sociétés sur ce même chantier pour s'exonérer de ses obligations législatives et réglementaires en la matière. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France s'est fondé sur des dispositions inapplicables pour prendre la décision contestée ne peut qu'être écarté. 8. En troisième lieu, en vertu de l'article R. 4228-1 du code du travail : " L'employeur met à la disposition des travailleurs les moyens d'assurer leur propreté individuelle, notamment des vestiaires, des lavabos, des cabinets d'aisance et, le cas échéant, des douches ". Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration a prononcé une amende sanctionnant la méconnaissance de la législation en matière d'hygiène, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer non sur les éventuels vices propres de la décision litigieuse mais sur le bien-fondé et le montant de l'amende fixée par l'administration. S'il estime que l'amende a été illégalement infligée, dans son principe ou son montant, il lui revient, dans la première hypothèse, de l'annuler et, dans la seconde, de la réformer en fixant lui-même un nouveau quantum proportionné aux manquements constatés et aux autres critères prescrits par les textes en vigueur. 9. Pour prononcer la sanction litigieuse à l'encontre de la SARL Loon-bâtiment, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi s'est fondé sur l'absence de mise à disposition sur le chantier d'un lavabo distribuant de l'eau potable à température réglable, d'un cabinet d'aisance nettoyé quotidiennement et dont les effluents sont évacués suivant les règlements sanitaires et d'un vestiaire collectif. L'appelante conteste la matérialité des manquements ainsi constatés. 10. Aux termes de l'article R. 4228-7 du code du travail : " Les lavabos sont à eau potable. / L'eau est à température réglable et est distribuée à raison d'un lavabo pour dix travailleurs au plus. / Des moyens de nettoyage et de séchage ou d'essuyage appropriés sont mis à la disposition des travailleurs. Ils sont entretenus ou changés chaque fois que cela est nécessaire ". Aux termes de l'article R. 4534-141 du code du travail : " Les employeurs mettent à la disposition des travailleurs une quantité d'eau potable suffisante pour assurer leur propreté individuelle. Lorsqu'il est impossible de mettre en place l'eau courante, un réservoir d'eau potable d'une capacité suffisante est raccordé aux lavabos afin de permettre leur alimentation. / Dans les chantiers mentionnés à l'article R. 4534-137, sont installés des lavabos ou des rampes, si possible à température réglable, à raison d'un orifice pour dix travailleurs. / Des moyens de nettoyage et de séchage ou d'essuyage appropriés, entretenus et changés chaque fois que nécessaire, sont mis à disposition des travailleurs. ". 11. La SARL Loon-bâtiment soutient qu'elle a respecté ces obligations dès lors que ses trois salariés pouvaient accéder à un lavabo muni d'un réservoir d'eau potable d'une capacité suffisante et que les dispositions applicables à sa situation n'imposaient pas l'installation d'un lavabo à température réglable. Cependant, il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 à 7 que la société n'entrait pas, eu égard à la durée du chantier, dans le champ d'application de la dérogation prévue à l'article R. 4534-137 du code du travail. Par suite, elle était soumise, en sa qualité d'employeur, aux obligations prévues à l'article R. 4228-7 précité du code du travail qui prévoit notamment la mise à disposition d'un lavabo permettant la distribution de l'eau à température réglable. En outre, en se bornant à soutenir qu'un lavabo accompagné d'un réservoir contenant de l'eau potable d'une quantité suffisante était mis à disposition des trois salariés présents sur le chantier, la société n'apporte pas d'éléments suffisamment étayés et probants susceptibles d'invalider les constats opérés par l'inspecteur du travail, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, selon lesquels à l'occasion du contrôle effectué le 29 août 2019 ce récipient était " vide " et non " pratiquement vide " comme le soutient la société en se référant aux manquements relevés par l'administration lors d'un second contrôle effectué le 18 septembre 2019 sur un autre chantier du lotissement. Enfin, si elle se prévaut, sans l'établir, d'un remplissage quotidien de ce récipient, il résulte cependant des dispositions précitées que les travailleurs doivent disposer, en permanence, d'une quantité suffisante d'eau potable pour assurer leur propreté individuelle. Ce premier manquement doit donc être regardé comme établi. 12. Aux termes de l'article R. 4534-144 du code du travail : " Sur les chantiers, des cabinets d'aisance conformes aux dispositions des articles R. 4228-11 à R. 4228-15 sont mis à la disposition des travailleurs ". L'article R. 4228-11 du même code prévoit que : " (...) / [Les cabinets d'aisance] sont équipés de chasse d'eau (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article R. 4228-13 de ce code : " L'employeur fait procéder au nettoyage et à la désinfection des cabinets d'aisance et des urinoirs au moins une fois par jour. ". Enfin, aux termes de l'article R. 4228-15 de ce code : " Les effluents des cabinets d'aisance sont évacués conformément aux règlements sanitaires ". 13. Il ressort de la décision attaquée, qui relève l'absence de toute autre installation sanitaire dans le périmètre du chantier permettant aux salariés d'assurer leur hygiène corporelle, que l'administration a retenu, d'une part, le défaut de mise à disposition d'un cabinet d'aisance nettoyé quotidiennement et, d'autre part, l'absence de conformité de l'installation aux exigences précitées des articles R. 4228-11 et R. 4228-15 du code du travail du fait du dysfonctionnement du système d'évacuation des effluents. Il ressort en effet du courrier d'observations de l'inspecteur du travail daté du 29 août 2019 que " l'actionnement de la pompe à piston ne laissait apparaître aucun débit d'eau " et que " son état de propreté était tel qu'il ne permettait pas d'être utilisé dans des conditions de dignité satisfaisante par les travailleurs, qui ont d'ailleurs déclaré utiliser un seau ". S'il est constant qu'un cabinet d'aisance chimique portable équipé d'un système de vidange par cassette était mis à disposition des salariés sur le chantier, les constats précis et circonstanciés de l'inspection du travail ne sont pas utilement contredits par les seules dénégations de la société alors même qu'il résulte des termes de la décision attaquée que la réparation de l'installation n'a été constatée que lors de la contre-visite effectuée le lendemain par l'inspection du travail. En outre, la circonstance que l'appelante met à disposition de son personnel du matériel de nettoyage et effectue à leur égard des rappels réguliers en matière d'hygiène ne permet pas de l'exonérer de son obligation de procéder à un nettoyage journalier, et non hebdomadaire comme elle l'indique dans sa note de service du 3 décembre 2015, du cabinet d'aisance mis à disposition sur le chantier. Dans ces conditions, ce second grief doit être considéré comme établi. 14. Aux termes de l'article R. 4534-139 du code du travail, que les premiers juges ont à bon droit substitué aux dispositions de l'article R. 4228-2 du même code dès lors que les manquements contestés ont été relevés lors de l'exécution des travaux dans le domaine du bâtiment et du génie civil : " L'employeur met à la disposition des travailleurs un local-vestiaire : / 1° Convenablement aéré et éclairé, et suffisamment chauffé ; / 2° Nettoyé au moins une fois par jour et tenu en état constant de propreté ; / 3° Pourvu d'un nombre suffisant de sièges. Il est interdit d'y entreposer des produits ou matériels dangereux ou salissants ainsi que des matériaux. / Lorsque l'exiguïté du chantier ne permet pas d'équiper le local d'armoires-vestiaires individuelles en nombre suffisant, le local est équipé de patères en nombre suffisant. / Pour les chantiers souterrains, le local est installé au jour. ". Aux termes de l'article R. 4534-140 du même code : " Lorsque les installations prévues à l'article R. 4534-139 ne sont pas adaptées à la nature du chantier, des véhicules de chantier spécialement aménagés à cet effet peuvent être utilisés pour permettre aux travailleurs d'assurer leur propreté individuelle, de disposer de cabinets d'aisances, de vestiaires et, si possible, de douches à l'abri des intempéries (...) ". 15. Il résulte des termes des dispositions précitées de l'article R. 4534-139 du code du travail que les installations devant être mises à disposition des travailleurs par l'employeur doivent nécessairement se trouver sur le lieu des chantiers concernés. Par suite, la SARL Loon-Bâtiment, qui ne conteste pas l'absence de local à usage de vestiaire sur le chantier qui lui a été confié au 30 ter, rue Pablo Picasso, à Téteghem, mais indique que ses salariés pouvaient se changer au siège de l'entreprise, situé à Loon-Plage, avant de rejoindre le chantier, n'est pas fondée à soutenir que lesdites dispositions n'imposaient pas la présence d'un local à usage de vestiaire sur le site même du chantier et que la DIRECCTE des Hauts-de-France aurait dès lors commis une erreur de fait en retenant ce dernier grief. 16. Il résulte de tout ce qui précède que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête doit être rejetée. Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL Loon-bâtiment demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SARL Loon-bâtiment est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Loon-bâtiment et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le président-assesseur, Signé : J.-M. Guérin-Lebacq La présidente de chambre, présidente-rapporteure, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N. Roméro 1 2 N°23DA00368 1 3 N°"Numéro"
CETATEXT000048424476
J7_L_2023_11_00023DA00589
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/44/CETATEXT000048424476.xml
Texte
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 23DA00589, Inédit au recueil Lebon
2023-11-07 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00589
3ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme Viard
MEGHERBI
Mme Marie-Pierre Viard
M. Carpentier-Daubresse
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant ", dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de deux cent euros par jour de retard. Par un jugement n° 2203935 du 3 mars 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 3 avril 2023, M. B..., représenté par Me Megherbi, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour : - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de fait en ce qu'elle se fonde sur le motif tiré de l'absence de visa de long séjour alors qu'il ne pouvait pas être regardé comme sollicitant une première demande de titre de séjour en qualité de commerçant. Le dépassement du délai imparti pour présenter sa demande de renouvellement de son titre de séjour résulte de l'annulation, du fait du contexte sanitaire lié à l'épidémie de covid-19, du rendez-vous obtenu en préfecture en vue du dépôt d'une demande de renouvellement de son titre dans les délais ; - elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit en ce qu'elle se fonde sur le motif tiré du caractère insuffisant de ses ressources, condition non prévue par l'accord franco-algérien. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 11 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 juin 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant algérien né le 1er juillet 1990 à Akbou, est entré en France en septembre 2015 sous couvert d'un visa de long séjour valable du 25 août au 23 novembre 2015. Il s'est vu délivrer un certificat de résidence portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 23 novembre 2018. A la suite de sa demande de changement de statut, M. B... s'est vu délivrer, le 19 février 2019, un certificat de résidence en qualité de commerçant valable jusqu'au 18 février 2020. Par une demande du 20 octobre 2020, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 septembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 3 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la décision de refus de titre de séjour : 2. Le préfet a instruit la demande de M. B... sur le fondement des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien, aux termes desquelles : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis. ", ainsi que sur le fondement des stipulations de l'article 7 de ce même accord, aux termes desquelles : " (...) c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité (...) ". 3. Pour refuser de délivrer à M. B... une carte de résident d'un an portant la mention " commerçant " le préfet s'est notamment fondé sur les circonstances que M. B... ne prouvait ni son identité ni sa nationalité, qu'il était dépourvu d'un visa de long séjour, qu'il ne disposait pas d'un lieu de résidence stable et, enfin, que son bail d'habitation ne permettait pas la domiciliation de son activité commerciale. 4. En premier lieu, si l'accord franco-algérien régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, cette circonstance ne saurait faire obstacle à ce que leur soient appliqués les textes de portée générale relatifs à l'exercice, par toute personne, de l'activité professionnelle envisagée, ainsi d'ailleurs que le rappellent, pour l'exercice de certaines professions par les étrangers d'autres nationalités, les dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 5. Aux termes de l'article L. 123-10 du code de commerce : " Les personnes physiques demandant leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers doivent déclarer l'adresse de leur entreprise et en justifier la jouissance. / (...) Les personnes physiques peuvent déclarer l'adresse de leur local d'habitation et y exercer une activité, dès lors qu'aucune disposition législative ou stipulation contractuelle ne s'y oppose. / Lorsqu'elles ne disposent pas d'un établissement, les personnes physiques peuvent, à titre exclusif d'adresse de l'entreprise, déclarer celle de leur local d'habitation. Cette déclaration n'entraîne ni changement d'affectation des locaux, ni application du statut des baux commerciaux ". Aux termes de l'article L. 631-7-3 du code de la construction et de l'habitation : " Dès lors qu'aucune stipulation contractuelle prévue dans le bail ou le règlement de copropriété ne s'y oppose, l'exercice d'une activité professionnelle, y compris commerciale, est autorisé dans une partie d'un local à usage d'habitation, dès lors que l'activité considérée n'est exercée que par le ou les occupants ayant leur résidence principale dans ce local et ne conduit à y recevoir ni clientèle ni marchandises. / Les dispositions du présent article sont applicables aux représentants légaux des personnes morales ". 6. M. B..., qui a bénéficié d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant " valable du 19 février 2019 au 18 février 2020, justifie à l'appui de sa demande de l'exercice d'une activité commerciale dans le domaine du nettoyage pour laquelle il est inscrit au répertoire des métiers auprès de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Maritime depuis le 15 janvier 2019 et immatriculé au registre du commerce et des sociétés depuis le 4 février 2021. Il produit également les déclarations trimestrielles de chiffres d'affaires effectuées auprès de l'Urssaf pour la période 2019 - 2021 ainsi qu'une attestation comptable pour l'année 2019. Il ressort de l'ensemble ces documents que son entreprise individuelle est domiciliée sur le territoire de la commune de Caudebec-lès-Elbeuf (76) à l'adresse où il est hébergé par des proches. Toutefois, il est constant que les stipulations du bail d'habitation, fourni par l'intéressé à l'appui de sa demande et produit en première instance par le préfet, prohibent l'exercice de toute activité professionnelle à cette adresse, le preneur devant employer les lieux loués uniquement à son habitation personnelle et à celle de sa famille. Dans ces conditions, le préfet était fondé à rejeter, sur ce seul motif, la demande présentée par M. B.... 7. En second lieu, si l'appelant fait valoir que le préfet de la Seine-Maritime a commis d'une part, une erreur de fait, en ne tenant pas compte de l'effectivité de l'activité commerciale de sa société, et, d'autre part, une erreur de droit en ce qu'il se serait fondé sur l'absence de ressources suffisantes pour refuser de faire droit à sa demande, il ne ressort pas des termes de la décision litigieuse que le préfet, qui a procédé à une appréciation globale de la situation économique du requérant, se serait fondé sur l'absence de ressources suffisantes provenant de l'activité commerciale dont il se prévaut pour rejeter sa demande sur le fondement des articles 5 et 7 c) précités de l'accord franco-algérien. 8. En dernier lieu, aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent ". Par ailleurs aux termes de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur au moment du dépôt de la demande et dont les dispositions sont reprises, depuis le 1er mai 2021, à l'article R. 431-5 du même code : " La demande est présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il présente sa demande : (...) 4° Soit dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire (...) ". 9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'obligation de présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour qu'il contient, ne saurait concerner que les personnes non encore admises à résider sur le territoire français qui souhaitent se voir délivrer un certificat de résidence. Ces stipulations n'ont en revanche ni pour objet, ni pour effet d'obliger les ressortissants algériens qui ont déjà été admis à résider sur le territoire français au titre de l'un des articles de l'accord, à solliciter le visa de long séjour visé à l'article 9 précité, dès lors qu'ils ont présenté une demande de changement de statut avant l'expiration du certificat de résidence en leur possession. 10. Si le préfet de la Seine-Maritime a également fondé sa décision sur la circonstance selon laquelle M. B... ne justifiait pas de la possession du visa de long séjour exigé par les stipulations de l'article 9 précité de l'accord franco-algérien alors, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a obtenu, à la suite de sa demande de changement de statut, un certificat de résidence portant la mention " commerçant " valable jusqu'au 18 février 2020 et, d'autre part, qu'il justifie en appel avoir déposé dès le 29 janvier 2020, soit dans le délai de deux mois avant l'expiration de son titre de séjour, une demande de rendez-vous en vue du renouvellement de ce titre, lequel a ensuite été annulé à l'initiative de la préfecture du fait de la modification des conditions d'accueil durant la pandémie de covid-19, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur ce motif. Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : 11. En premier lieu, compte-tenu de ce qui a été précédemment exposé, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision de refus de séjour au soutien des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français. 12. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 13. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis 2015 dans la cadre de la poursuite de ses études et de son insertion professionnelle. Toutefois, l'appelant, qui est célibataire sans charge de famille, n'allègue pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. En dehors de l'exercice de son activité commerciale, il ne fait pas état d'une insertion notable. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel la décision a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le président-assesseur, Signé : J.-M. Guérin-Lebacq La présidente de chambre, présidente-rapporteure, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N. Roméro 1 2 N° 23DA00589 1 3 N°"Numéro"
CETATEXT000048439196
J1_L_2023_11_00021PA05117
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 21PA05117, Inédit au recueil Lebon
2023-11-17 00:00:00
CAA de PARIS
21PA05117
9ème chambre
plein contentieux
C
M. CARRERE
AMELIE LIEVRE-GRAVEREAUX
M. Vladan MARJANOVIC
M. SIBILLI
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiées (SAS) Equal-Estro a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Par un jugement n° 1802601 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a réduit à hauteur de la somme de 3 288 euros ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013, prononcé la réduction des impositions contestées en résultant et rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2021 et des mémoires, enregistrés les 14 janvier 2022 et 1er mars 2023, la SAS Equal-Estro, représentée par Me Lièvre-Gravereaux et Me Wattenne, avocats, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1802601 du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; 2°) d'ordonner la décharge des impositions litigieuses ; 3°) d'ordonner le remboursement, assorti des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, de la somme de 120 000 euros ; 4°) de dire que les intérêts moratoires porteront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les frais et dépens de la procédure. Elle soutient que : - le jugement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation des faits ; - les prestations d'études cliniques sous-traitées à sa société mère, Equal Qair, sont déductibles de ses résultats, conformément aux dispositions de l'article 39 du code général des impôts ; ces prestations sont complémentaires de son activité de contrôle des machines de radiothérapie ; elles ne peuvent être assurées que par les salariés transférés à la société Equal Qair, qui supporte des coûts salariaux de 180 632,01 euros pour l'année 2012, 177 422,32 euros pour l'année 2013 et 181 450,90 euros pour l'année 2014 ; ces études cliniques ont généré un chiffre d'affaires conséquent sur la période vérifiée ; - les prestations de commercialisation et de représentation internationale confiées à M. B..., au sein de la société Equal Qair, sont essentielles à la poursuite de son activité et sont déductibles de ses résultats ; - la société Isstar, sa société sœur, acquise en vue d'internaliser les prestations informatiques du groupe, assure la gestion informatique des données des études cliniques menées par la société mère ; son intervention essentielle dans la réalisation de ces activités a été déterminante et salvatrice pour l'ensemble du groupe et justifie ainsi qu'elle refacture a minima ses coûts salariaux ; - elle était effectivement destinataire de certaines factures qui ne lui ont été adressées en Belgique qu'en raison de ses liens historiques avec l'association belge Estro ; - les dépenses de son directeur, lors de ses déplacements professionnels, ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et sont donc déductibles ; - les pénalités pour manquement délibéré sont injustifiées, ni l'élément intentionnel, ni l'élément matériel n'étant caractérisés. Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 novembre 2021, 21 février 2022 et 17 mars 2023, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. Par une lettre du 25 septembre 2023, la Cour a informé les parties que la décision à intervenir était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête de la SAS Equal-Estro tendant au remboursement d'une somme de 120 000 euros indûment payée, qui présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel. Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public enregistré le 9 octobre 2023, la SAS Equal-Estro indique que ses conclusions tendant au remboursement de la somme de 120 000 euros ne sont pas nouvelles en appel, dès lors qu'elles correspondent à la conséquence financière du prononcé de la décharge sollicitée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marjanovic ; - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Wattenne, représentant la SAS Equal-Estro. Considérant ce qui suit : 1. La SAS Equal-Estro, qui exerce une activité d'analyses, d'essais et d'inspections techniques dans le domaine de la radiothérapie, est détenue à 100 % par la société de droit belge Equal Qair, qui détient également à 100 % la société de droit belge Isstar. Elle a fait l'objet d'une verification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle elle a notamment été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Elle relève régulièrement appel du jugement du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Melun, en tant qu'il rejette le surplus de sa demande de décharge de ces impositions. Sur la régularité du jugement : 2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision d'imposition attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SAS Equal-Estro ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation des faits pour demander l'annulation du jugement attaqué. Sur le bien-fondé des impositions : 3. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 de ce même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En ce qui concerne les prestations facturées par la société Equal Qair : 4. Il ressort de la proposition de rectification du 10 décembre 2015 que la SAS Equal-Estro a porté au débit du compte 622632 " Fees Equal Qair " une facture d'un montant de 90 000 euros, le 3 octobre 2012, ainsi qu'une somme globale de 270 000 euros, le 31 décembre 2012, au titre de " factures non parvenues ". Il ressort en outre de la proposition de rectification du 22 mars 2016 que la même société a débité le même compte d'une somme de 56 384,87 euros, le 1er janvier 2013, au titre d'un " solde 2012 ", des sommes respectives de 150 000 euros et 75 000 euros le 26 septembre 2013, d'une somme de 270 000 euros, le 1er janvier 2014, et d'une somme de 90 000 euros à chacune des dates des 31 mars, 30 juin, 30 septembre et 30 décembre 2014. A l'issue des opérations de contrôle, après examen des cinq seules factures présentées par la contribuable à titre de justifications de ces écritures de charge, le service vérificateur les a intégralement remises en cause et réintégré dans les résultats imposables des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 les sommes totales respectives de 360 000 euros, 281 385 euros et 630 000 euros. 5. La SAS Equal-Estro fait, d'une part, valoir que les charges litigieuses correspondent pour partie à des prestations d'études cliniques qu'elle sous-traite intégralement à sa société mère, la société Equal Qair. Elle expose, à cet égard, que ces études portant sur les plans de traitement définis par les radiothérapeutes et les physiciens médicaux, qui sont complémentaires de son activité de contrôle de la dose délivrée par les machines de traitement de radiothérapie, ont représenté un chiffre d'affaires de 384 929,61 euros sur l'année 2011, 80 905,57 euros sur l'année 2012, 169 036,62 euros sur l'année 2013 et 242 440,53 euros sur l'année 2014 et qu'elles ne pouvaient être assurées que par les salariés de l'ancienne association de droit belge Estro qui ont été transférés en 2009 à sa société mère, qui a supporté des coûts salariaux bruts de 180 632,01 euros au titre de l'année 2012, 177 422,32 euros au titre de l'année 2013 et 181 450,90 euros au titre de l'année 2014. Toutefois, aucune des pièces qu'elle verse aux débats ne permet de déterminer le montant exact des prestations concernées qu'elle aurait sous-traitées à la société Equal Qair. 6. La SAS Equal-Estro fait, d'autre part, valoir que les écritures de charges mentionnées au point 3 correspondent également pour partie à des prestations de commercialisation et de représentation internationale assurées pour son compte par la société Equal Qair. Elle produit, à cet égard, la convention de prestation de services qu'elle a conclue le 1er février 2011 avec sa société mère, dont l'article 1er stipule que cette dernière société continuera à soutenir ses efforts " dans le cadre de son développement commercial et de représentation internationale relatif aux essais cliniques pour l'industrie pharmaceutique ", en précisant que cette tâche, précédemment assumée par M. B..., qui exerce à la fois les fonctions, non rémunérées, de président de la société appelante et celles de gérant de sa société mère, " est dorénavant dévolue aux personnes responsables de la gestion des études cliniques ", et dont l'article 2 stipule que les " prestations de service liées à la gestion, promotion et commercialisation des études cliniques seront facturées proportionnellement au coût des personnels affectés à ses services et de l'overhead ". Toutefois, pour le reste, la SAS Equal-Estro se borne, en contradiction avec les stipulations précitées, à ne mettre en avant que l'expertise de son président non rémunéré, M. B..., et les actions qu'il aurait menées pour son compte en qualité de gérant de sa société mère, sans contester les constats du service vérificateur selon lesquels les factures présentées à titre de justifications des charges litigieuses se rapportaient, pour l'essentiel, à des prestations qu'auraient effectuées ce dernier, facturées au taux mensuel de 25 000 euros prévu par une précédente convention conclue avec la société Equal Qair le 1er juillet 2009, ni fournir la moindre précision chiffrée sur les prestations litigieuses dont elle aurait bénéficié à ce titre de la part de sa société mère. 7. Dans ces conditions, la SAS Equal-Estro n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, du montant des charges correspondant aux prestations que lui aurait fournies sa société mère et qu'elle a déduites du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts. Dès lors, l'administration était fondée à rapporter à ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés les montants mentionnés au point 3. En ce qui concerne les prestations facturées par la société Isstar : 8. Il résulte des propositions de rectification des 10 décembre 2015 et 22 mars 2016 que le service vérificateur, après avoir admis à hauteur de 2 500 euros, pour l'exercice 2013, et 116 487,50 euros, pour l'exercice 2014, la déduction de frais inhérents à l'utilisation des serveurs installés dans les locaux de la SAS Equal-Estro situés à Villejuif, a rejeté, à hauteur de 187 725 euros, 138 705 euros et 73 841 euros, les sommes déduites des résultats de cette société pour les exercices clos respectivement en 2012, 2013 et 2014 au titre des refacturations de sa société sœur, la société Isstar, comportant les intitulés " refacturation gestion Isstar ", " sous-traitance ", " services et support ", " serveur de backup ", ou " développement web ". 9. En se bornant à décrire, de manière générale, l'activité de la société Isstar et l'importance, pour le groupe, du support informatique qu'elle apporte à l'activité d'études cliniques assurée par la société Equal Qair, sans fournir la moindre précision sur les bases et modalités de calcul des prestations qu'elle lui a refacturées, au demeurant au moyen de factures comportant un libellé imprécis, et en l'absence de tout contrat la liant à la société Isstar ou de preuve d'exécution de ces prestations, la SAS Equal-Estro n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, du montant des charges qu'elle a déduites à ce titre du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'était pas en droit de rapporter à ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés les montants mentionnés au point précédent. En ce qui concerne les factures adressées au lieu d'exploitation de la société Equal Qair : 10. Si la SAS Equal-Estro conteste la réintégration dans ses résultats imposables des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 des sommes respectives de 6 100 euros, 10 470 euros et 8 570 euros correpondant aux montants cumulés de 21 factures libellées à l'adresse du 3, Place de l'Alma à Bruxelles, en faisant valoir qu'elle était la destinataire effective de ces factures qui ne lui ont été adressées en Belgique qu'en raison d'une confusion de ses clients procédant de ses liens historiques avec l'association de droit belge Estro, elle n'appuie toutefois ses allégations d'aucun élément de nature à contredire l'analyse du service selon laquelle les factures concernées, adressées au lieu d'exploitation de la société Equal Qair, se rapportaient à l'activité de réalisation d'études cliniques qu'elle soutient sous-traiter intégralement à cette dernière société. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à contester la réintégration des sommes mentionnées ci-dessus dans ses résultats imposables. En ce qui concerne les frais de déplacement du directeur général : 11. Il résulte de l'instruction que la SAS Equal-Estro a porté au débit du compte 625100 " déplacement A... " divers achats par carte bancaire que son directeur général, M. A..., aurait effectués lors de ses déplacements professionnels, et dont la déductibilité a été partiellement remise en cause par le service vérificateur aux motifs qu'ils n'étaient, pour les uns, appuyés d'aucun justificatif, et, pour les autres, qu'ils n'avaient pas été engagés dans l'intérêt de l'entreprise. En se bornant à soutenir, de manière lapidaire, que les frais litigieux auraient été " identifiés " et " engagés dans l'intérêt de l'appelante " et à produire, sans aucune explication ni contextualisation, un ensemble de pièces pour partie illisibles et pour partie non traduites en langue française, la société requérante ne démontre pas le mal-fondé des rectifications maintenues à ce titre par l'administration fiscale. Sur les pénalités : 12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). ". Il incombe à l'administration, en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d'établir l'absence de bonne foi du contribuable pour justifier de l'application d'une telle majoration. 13. Afin de justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré dont certains des rehaussements en litige ont été assortis, l'administration fiscale, après avoir rappelé que les sociétés Equal-Estro, Equal Qair et Isstar étaient dirigées par la même personne, a notamment relevé que la société requérante a volontairement octroyé un avantage indû à sa société mère en comptabilisant dans ses charges des factures adressées à cette dernière et qu'elle a volontairement minoré son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés en déduisant de ses résultats des prestations que lui auraient respectivement fournies les sociétés Equal Qair et Isstar sans être en mesure de justifier de la nature et du montant de ces prestations. Ce faisant, et sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle a déposé, en cours de contrôle, une déclaration rectificative de ses résultats au titre de l'exercice clos en 2013, l'administration apporte la preuve que la société a sciemment minoré son chiffre d'affaires et les produits imposables dans des proportions importantes et de manière réitérée dans le but d'éluder l'impôt sur les sociétés. 14. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Equal-Estro n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions. D E C I D E : Article 1er : La requête de la SAS Equal-Estro est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Equal-Estro et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. Le rapporteur, V. MARJANOVICLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 21PA05117
CETATEXT000048439197
J1_L_2023_11_00022PA02637
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA02637, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de PARIS
22PA02637
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. LAPOUZADE
COFFLARD
Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
M. DORE
Vu la procédure suivante : I. Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 8 juin et 11 juillet 2022 ainsi que le 31 août 2023, sous le n° 22PA02637, la société civile immobilière Le Dix, représentée par Me Cofflard, demande à la Cour : 1°) d'annuler le permis de construire n° PC 075 107 20 V0034 du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société publique locale PariSeine pour les aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel, ou, à titre subsidiaire, de l'annuler en tant qu'il autorise la création de deux pavillons de bagageries, ou en tant qu'il autorise l'extension en sous-sol des piliers Nord et Ouest pour des bureaux à destination de la société d'Exploitation de la Tour Eiffel (SETE) ; 2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête est recevable, car elle justifie d'un intérêt à agir contre le permis de construire en litige ; - l'étude d'impact est insuffisante au regard des dispositions du 4° et du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, en ce que les solutions de substitution raisonnables n'ont pas été examinées en dehors des aménagements des piliers de la Tour Eiffel, et en ce que la nécessité des aménagements et de l'implantation des services sur le site prévus en lien avec les Jeux olympiques et paralympiques n'est pas démontrée et n'a pas été examinée dans l'étude d'impact, et que ces insuffisances ont nui à l'information du public ; la Cour peut, le cas échéant, surseoir à statuer sur la requête et enjoindre au maître d'ouvrage d'entreprendre des mesures de régularisation du dossier de demande d'autorisation ; - le permis de construire contesté est illégal en ce qu'il se fonde sur l'accord donné en vertu de l'article R. 425- 17 du code de l'urbanisme par le ministre des sites le 21 janvier 2022, lui-même illégal, dès lors que le projet constitue une dénaturation du site, compte tenu de la réduction des espaces boisés classés (D...) accessibles au public, par la construction des deux pavillons de bagageries et des locaux techniques de la société d'exploitation de la Tour Eiffel (SETE) ; - le permis de construire méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et l'article UV 2.1 a du règlement du PLU de Paris, compte tenu de la construction prévue des locaux destinés à la SETE sur deux niveaux de sous-sol en dessous de la cote des plus hautes eaux connues (PHEC) ; - il méconnaît l'article UV 1 c du règlement du PLU de Paris ; - il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et l'article UV 11.1 du règlement du PLU de Paris compte tenu de l'atteinte grave à la conservation de perspectives monumentales, qu'il porte ; - il méconnaît l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet, situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, aurait dû faire l'objet d'une demande de permis d'aménager ; - le permis de construire contesté est illégal en ce qu'il se fonde sur la délibération des 8, 9 et 10 février 2022 du Conseil de Paris mettant en compatibilité le PLU de Paris avec le projet, elle-même illégale, en ce que cette mise en compatibilité n'est pas cohérente avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ; si la Cour déclarait illégale cette délibération, alors le permis ne pourrait pas être autorisé au regard du PLU dans sa version antérieure à cette mise en compatibilité, en ce qui concerne la suppression d'espaces boisés classés, sans méconnaître l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 2 septembre 2023, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge de la société civile immobilière Le Dix une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que la requête est irrecevable car la société requérante ne justifie pas d'un intérêt à agir et qu'en outre, les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par un mémoire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 2 septembre 2023, la société PariSeine, représentée par Me Ceccarelli-Le Guen, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge de la société civile immobilière Le Dix une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. II. Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 8 juin et 18 juillet 2022 ainsi que le 3 septembre 2023, sous le n° 22PA02653, l'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France ", Mme I... A..., M. H... F..., ainsi que Mme G... et M. J... E..., représentés par Me Cofflard, demandent à la Cour : 1°) d'annuler le permis de construire n° PC 075 107 20 V0034 du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société publique locale PariSeine pour les aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel, ou, à titre subsidiaire, de l'annuler en tant qu'il autorise la création de deux pavillons de bagageries, ou en tant qu'il autorise l'extension en sous-sol des piliers Nord et Ouest pour des bureaux à destination de la société d'Exploitation de la Tour Eiffel (SETE) ; 2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'étude d'impact est insuffisante au regard des dispositions du 4° et du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, en ce que les solutions de substitution raisonnables n'ont pas été examinées en dehors des aménagements des piliers de la Tour Eiffel, et en ce que la nécessité des aménagements et de l'implantation des services sur le site prévus en lien avec les Jeux Olympiques n'est pas démontrée et n'a pas été examinée dans l'étude d'impact, et que ces insuffisances ont nui à l'information du public ; la Cour peut le cas échéant surseoir à statuer sur la requête et enjoindre au maître d'ouvrage d'entreprendre des mesures de régularisation du dossier de demande d'autorisation ; - le permis de construire contesté est illégal en ce qu'il se fonde sur l'accord donné en vertu de l'article R. 425- 17 du code de l'urbanisme par le ministre des sites le 21 janvier 2022, lui-même illégal, dès lors que le projet constitue une atteinte constitutive d'une dénaturation du site, compte tenu de la réduction des espaces boisés classés (D...) accessibles au public, par la construction des deux pavillons de bagageries et des locaux de la SETE ; - le permis de construire méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et l'article UV 2.1 a du règlement du PLU de Paris, compte tenu de la construction prévue des locaux techniques destinés à la SETE sur deux niveaux de sous-sol en dessous de la cote des plus hautes eaux connues (PHEC) ; - il méconnaît l'article UV 1 c du règlement du PLU de Paris ; - il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et l'article UV 11.1 du règlement du PLU de Paris compte tenu de l'atteinte grave à la conservation de perspectives monumentales, qu'il porte ; - il méconnaît l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet, situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, aurait dû faire l'objet d'une demande de permis d'aménager ; - le permis de construire contesté est illégal en ce qu'il se fonde sur la délibération des 8, 9 et 10 février 2022 du Conseil de Paris mettant en compatibilité le PLU de Paris avec le projet, elle-même illégale, en ce que cette mise en compatibilité n'est pas cohérente avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ; si la Cour déclarait illégale cette délibération, alors le permis ne pourrait pas être autorisé au regard du PLU dans sa version antérieure à cette mise en compatibilité, en ce qui concerne la suppression d'espaces boisés classés, sans méconnaître l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 6 septembre 2023, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par un mémoire et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 juin et 4 septembre 2023, la société PariSeine, représentée par Me Ceccarelli-Le Guen, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de l'environnement ; - le code du patrimoine ; - le code de l'urbanisme ; - la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin, - les conclusions de M. Doré, rapporteur public, - les observations de Me Cofflard, représentant la société civile immobilière Le Dix, l'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France ", Mme I... A..., M. H... F..., ainsi que Mme G... et M. J... E..., - les observations de Me Froger, représentant la Ville de Paris, - et les observations de Me Cuny substituant Me Ceccarelli-Le Guen, représentant la société PariSeine. L'association " France Nature environnement Paris " et autres ont produit le 25 octobre 2023 une note en délibéré. Considérant ce qui suit : 1. Dans le cadre du projet de l'opération de réaménagement des espaces s'étendant de la place du Trocadéro, au Champ-de-Mars, jusqu'à l'Ecole Militaire, lancée par la Ville de Paris en décembre 2018, et ayant abouti au choix du projet de maîtrise d'œuvre dit " B... C... ", la société publique locale PariSeine a déposé une demande de permis de construire le 2 octobre 2020 pour les aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel. Par décision du 7 avril 2022, la maire de Paris lui a accordé, sous prescriptions, ce permis, qui représente une surface de plancher créée de 1 514 m² et une surface de plancher démolie de 1 517 m² et comprend : le réaménagement du parvis (nivellement, plantations), et des jardins avec la construction de lieu à destination du public (guérites, kiosques, sanitaires) après démolition de l'intégralité des guérites et kiosques existants ; la réorganisation des parcours du public par l'aménagement paysager et par la création de nouveaux pavillons d'entrée et de sortie des piliers après démolition des éléments existants accolés aux pieds de la Tour Eiffel (entrée/sortie bureaux exploitation) ; l'extension en sous-sol des piliers Nord et Ouest pour des bureaux à destination de la société d'Exploitation de la Tour Eiffel (SETE) ; la création de deux pavillons de bagageries après démolition des deux bâtiments de la direction des Espaces Verts et de l'Environnement (DEVE) ; la plantation de 42 arbres après abattages de 20 arbres. La société civile immobilière Le Dix, propriétaire d'un immeuble au 10 avenue de la Bourdonnais à Paris, demande l'annulation de ce permis de construire, par une requête enregistrée sous le n° 22PA02637. L'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France ", ainsi que Mme I... A..., M. H... F..., Mme G... et M. J... E..., propriétaires ou occupants réguliers d'appartements situés rue de l'Université et rue Buenos-Aires à Paris, demandent également, par une requête enregistrée sous le n° 22PA02653, l'annulation du même permis de construire. Sur la jonction : 2. Les requêtes nos 22PA02637 et 22PA02653 concernent le même permis de construire. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt. Sur les conclusions à fin d'annulation du permis de construire du 7 avril 2022 : En ce qui concerne la régularité de la procédure de consultation préalable du public : 3. Il est constant que les requérants, qui critiquent le choix d'une procédure de participation du public dérogatoire, ne soulèvent aucun moyen à l'encontre de cette procédure, les moyens soulevés étant énumérés dans les mémoires récapitulatifs du 31 août 2023, en ce qui concerne la requête n° 22PA02637 et du 3 septembre 2023, en ce qui concerne la requête n° 22PA02653. En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la délibération des 8, 9 et 10 février 2022 du Conseil de Paris mettant en compatibilité le plan local d'urbanisme (PLU) de Paris avec le projet : 4. Le Conseil de Paris a engagé une procédure intégrée pour la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de Paris avec le projet " C... Tour Eiffel ", en application des dispositions de l'article L. 300-6-1 du code de l'urbanisme, rendues applicables aux constructions et opérations d'aménagement nécessaires à la préparation, à l'organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 par les dispositions de l'article 12 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Par une délibération des 8, 9 et 10 février 2022, dont les requérants soulèvent, par voie d'exception, l'illégalité, il a approuvé la mise en compatibilité du PLU de Paris, qui était nécessaire pour la délivrance ultérieure des autorisations d'urbanisme liées à la mise en en œuvre du projet. 5. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". 6. Les requérants soutiennent que la mise en compatibilité du PLU de Paris n'est pas cohérente avec l'objectif du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) tendant à mettre en valeur le paysage architectural et urbain de Paris. Il est constant que la mise en compatibilité du PLU de Paris porte notamment sur la modification du règlement en vue de l'implantation de constructions nouvelles et la restructuration de constructions existantes dans des emprises qui bénéficiaient jusqu'alors d'une protection d'espaces boisés classés (D...). 7. L'objectif du PADD tenant à la mise en valeur du paysage architectural et urbain de Paris, qui vise " la qualité des bâtiments existants, et des constructions à venir ", et une attention portée " à la spécificité des quartiers, la cohérence de leur organisation le long des rues, la nature des commerces ", est peu pertinent en ce qui concerne le site de la Tour Eiffel, qui ne constitue pas un ensemble bâti. En tout état de cause, il ressort de la note de présentation du projet que celui-ci, qui a pour ambition de concilier les différentes perspectives d'un grand site patrimonial et de retrouver des continuités urbaines et paysagères faisant le lien entre la Tour Eiffel, et les jardins du Champ de Mars et du Trocadéro, procède à la mise en valeur du patrimoine architectural et paysager. L'implantation de deux pavillons de bagageries prévue par le projet à l'entrée du parvis de la Tour Eiffel, à l'Ouest et à l'Est, mise en cause par les requérants, n'est pas incohérente avec cette mise en valeur, dès lors que, comme le précise la note de synthèse du projet, l'architecture de ceux-ci est prévue pour s'intégrer dans le paysage. La végétalisation des toitures de ces bâtiments permet ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, de limiter l'artificialisation du sol. Dans le même temps, le projet prévoit de requalifier le parvis de la Tour Eiffel en le libérant " des constructions existantes qui bloquent aujourd'hui les vues " par la réorganisation des services d'accueil des visiteurs. Si les requérants se prévalent de l'article L. 612-1 du code du patrimoine, relatif à la protection par l'Etat et les collectivités territoriales des biens du patrimoine mondial, par la délimitation d'une zone, dite "zone tampon", incluant notamment l'environnement immédiat du bien, et les perspectives visuelles importantes, il ne ressort pas des pièces du dossier que les bagageries en cause, d'une hauteur de 4 à 5 mètres obstrueraient les vues sur la Tour Eiffel, tandis que leur positionnement latéral sur le parvis ne gêne pas la perspective majeure de l'axe Champ de Mars/Trocadéro. Dès lors le moyen tiré de l'incohérence entre, la mise en compatibilité du PLU de Paris avec le projet, approuvée par la délibération des 8, 9 et 10 février 2022 du Conseil de Paris, et l'objectif du PADD tendant à mettre en valeur le paysage architectural et urbain de Paris, ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'accord du ministre chargé des sites : 8. Aux termes de l'article R. 425-17 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans un site classé (...), la décision prise sur la demande de permis (...) ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès prévu par les articles L. 341-7 et L. 341-10 du code de l'environnement : (...) / b) Cet accord est donné par le ministre chargé des sites, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, dans les autres cas. ". Aux termes de l'article L. 341-10 du code de l'environnement : " Les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale. (...) / Lorsque les modifications projetées portent sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques, les autorisations prévues aux articles L. 621-9 et L. 621-27 du code du patrimoine valent autorisation spéciale au titre du premier alinéa du présent article si l'autorité administrative chargée des sites a donné son accord. (...) / Lorsque les modifications projetées comportent des travaux, ouvrages ou aménagements devant faire l'objet d'une enquête publique en application de l'article L. 123-2 du présent code, l'autorisation spéciale prévue au premier alinéa du présent article est délivrée après cette enquête publique. ". 9. Le classement d'un site sur le fondement des dispositions du code de l'environnement n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire toute réalisation d'équipement, construction ou activité économique dans le périmètre de classement, mais seulement de soumettre à autorisation tout aménagement susceptible de modifier l'état des lieux. Le permis de construire dans un site classé peut légalement être délivré avec l'accord exprès du ministre chargé des sites dès lors que le projet n'apporte pas dans l'état des lieux, des modifications qui rendraient le classement sans objet et seraient ainsi l'équivalent d'un véritable déclassement. Pour juger de la légalité d'une autorisation délivrée par le ministre et apprécier si des travaux ainsi autorisés ont pour effet de faire perdre son objet au classement du site, même sur une partie de celui-ci, il appartient au juge administratif d'apprécier l'impact sur le site de l'opération autorisée, eu égard à sa nature, à son ampleur et à ses caractéristiques, en tenant compte de la superficie du terrain concerné par les travaux à l'intérieur du site ainsi que, le cas échéant, de la nature des compensations apportées à l'occasion de l'opération et contribuant, à l'endroit des travaux ou ailleurs dans le site, à l'embellissement ou l'agrandissement du site. 10. Il est constant que le site du Champ de Mars a été classé par un arrêté du 22 octobre 1956. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport de l'inspection régionale des sites pour la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) qui s'est réunie le 24 mars 2021, que le site du Champ de Mars est protégé au titre de son caractère historique et pittoresque et de sa place singulière dans l'art des jardins et que les motifs du classement portent essentiellement sur la perspective qu'il offre depuis l'axe central. 11. Il ressort des pièces du dossier que la ministre de la transition écologique, chargée des sites, a donné, en vertu de l'article L. 341-10 du code de l'environnement, son accord au projet de permis de construire le 21 janvier 2022, en prenant en compte l'avis de la CDNPS à l'issue de sa séance du 24 mars 2021 et l'avis de l'architecte des bâtiments de France (ABF) du 15 mars 2021. La ministre de la transition écologique a considéré que le projet " par l'aménagement paysager proposé, par l'harmonisation des constructions liées à l'accueil du public et du mobilier urbain, ainsi que par l'amélioration de la gestion des flux piétons qu'il propose, unifie l'espace, améliore sa lisibilité et n'est pas de nature à porter atteinte au site classé ", sous réserve de la prise en compte des prescriptions que son autorisation énonce, lesquelles reprennent celles qui ont été préalablement formulées par la CDNPS et l'ABF. 12. Les requérants soutiennent que le projet porte atteinte aux espaces boisés classés (D...) et à l'accessibilité des jardins publics et qu'en conséquence, le permis de construire accordé sur le fondement de l'accord du ministre chargé des sites, constitue l'équivalent d'un déclassement du site. 13. D'une part, si les requérants font valoir que le bilan du projet dans sa dimension allant de la place du Trocadéro à l'Ecole Militaire, amènerait à une réduction des espaces boisés classés existants, ils ne contestent que la légalité du permis de construire du 7 avril 2022, limité aux aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel, et par exception, celle de l'arrêté du ministre en charge des sites portant spécifiquement sur ce permis de construire. Dès lors, la branche du moyen tiré de la dénaturation du classement du site, dans son ensemble, est inopérante. 14. D'autre part, aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements. ". 15. Les requérants ne contestent pas que le bilan des D... supprimés et de ceux qui sont créés par le projet, sur le secteur de la Tour Eiffel en cause, est positif, apportant un supplément de 1 369 m² D..., comme cela ressort du rapport de présentation de la mise en compatibilité du PLU de Paris pour le projet d'aménagement du site de la Tour Eiffel. Ils soutiennent que les extensions de jardins de part et d'autre de la Tour au pourtour du parvis, simplement engazonnées, n'auraient pas dû être prises en compte dans le calcul des D.... Toutefois les dispositions de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme précitées autorisent le classement de " parcs à créer " dans les espaces boisés. Si les requérants soutiennent également que le calcul des surfaces D... après projet n'aurait pas dû prendre en compte l'emprise des deux bâtiments de la Direction des Espaces Verts de la Ville de Paris (DEVE) destinés à être démolis dès lors que, selon eux, ils étaient déjà classés en D..., il ressort de la planche D07 du sous-secteur ouest de l'atlas général, contenue dans le rapport de présentation de la mise en compatibilité du PLU de Paris, que, s'agissant du document alors en vigueur, ces emprises y étaient classées en zone urbaine verte, et non en D.... Les requérants ne démontrent donc pas que les surfaces de 2 938 m² D... créées, à comparer aux 1 569 m² D... supprimés, seraient inexactes. Enfin, la circonstance que les extensions de jardins sur le parvis de la Tour soient inaccessibles au public, car comprises dans l'enceinte sécurisée du parvis, ne fait pas obstacle à leur prise en compte dans le calcul des D..., ce classement ayant pour seul but d'assurer la protection de ces espaces. 16. Les requérants font valoir, par ailleurs, qu'il existe un changement de nature entre les D... qui seront supprimés pour la construction des pavillons de bagagerie et des locaux techniques de la SETE, et les espaces végétalisés qui prennent place sur les toitures de ces constructions, dès lors que ceux-ci ne sont pas accessibles au public. Contrairement à ce qu'indiquent les requérants, la surface des D... supprimés ne peut être calculée que par rapport à la superficie au sol des espaces boisés qui existaient, et non par rapport aux superficies qui seront créées, notamment en élévation sur les toitures des bâtiments comme les pavillons de bagageries, lesquelles ne constituent pas des D.... En tout état de cause, il ressort de la note de synthèse de présentation du projet " B... ", que pour le secteur du permis de construire en cause, les espaces libres végétalisés qui étaient d'une superficie de 19 665 m² avant le projet, seront portés à 25 418 m² au sol et 1 891 m² sur toiture. Dès lors, quand bien même certaines surfaces d'espaces végétalisés ne sont pas accessibles au public, le projet permet une augmentation des espaces verts au sol. 17. Ainsi, compte tenu, d'une part, du renforcement de la protection d'espaces boisés par le projet, et, d'autre part, de l'augmentation de la part des espaces libres végétalisés, lesquels contribuent à la préservation des jardins du site, le projet n'entraîne pas une dénaturation du site classé, les requérants ne démontrant pas que l'autorisation de la ministre chargée des sites serait entachée d'illégalité en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 341-10 du code de l'environnement. En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact : 18. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version alors en vigueur : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / Ce contenu tient compte, le cas échéant, de l'avis rendu en application de l'article R. 122-4 et inclut les informations qui peuvent raisonnablement être requises, compte tenu des connaissances et des méthodes d'évaluation existantes. / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) / 2° Une description du projet (...) / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; (...) / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; (...) ". 19. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. S'agissant des solutions de substitution examinées : 20. Conformément aux dispositions précitées du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'étude d'impact expose les principales solutions de substitutions examinées, sur les sites majeurs concernés par le projet, comme la place du Trocadéro, ou pour ce qui concerne le secteur du permis de construire en cause, l'aménagement des pavillons d'accueil et auvents des piliers de la Tour Eiffel et l'aménagement du Champ de Mars. La circonstance qu'elle n'étudie pas de variantes pour les deux bagageries en cause n'est pas en l'espèce susceptible de vicier la procédure dès lors, d'une part, que cette étude a précisé le parti d'aménagement retenu pour les bagageries et les kiosques, et justifié les raisons de ce choix, et, d'autre part, que ces constructions sont secondaires à l'échelle de l'aménagement du site. 21. Il ressort des pièces du dossier que le projet vise un équilibre entre la préservation des enjeux patrimoniaux et paysagers, et l'amélioration des usages du site. Il répond, parallèlement, à ce second objectif de la Ville de Paris, par les bagageries jugées nécessaires pour augmenter l'offre de services à l'usage des visiteurs, compte tenu du sous-équipement actuel du site pour une dimension touristique mondiale, et à celui de la mise en valeur du grand paysage du site. L'étude d'impact expose que " le parvis de la Tour Eiffel, très minéral et encombré, est réinséré dans la continuité du grand parterre de pelouse du " tapis vert " s'étendant du Champ de Mars à la place du Trocadéro. Dans la même logique les jardins latéraux du parvis se développent selon la logique pittoresque d'origine " et " les aménagements architecturaux prévus suivent cette logique : - Les piliers sont débarrassés des extensions qui sont venues encombrer le site au fil du temps (...) - Les allées latérales qui guident le visiteur vers l'entrée de l'enceinte sécurisée accueillent deux nouveaux bâtiments appelés pavillons. Le site retrouve ainsi son esprit d'origine ; la Tour semble émerger d'un jardin dégagé de tout édifice superflu. ". Le positionnement des bagageries est ainsi pensé à proximité de portes urbaines d'entrée sur le site, de manière à résoudre la concentration actuelle des flux au pourtour de la Tour Eiffel, qui dégrade les espaces publics du site, en amenant les visiteurs à partir de ce point de départ à se répartir sur le parcours de l'ensemble du site Trocadéro/Tour Eiffel/Champ de Mars, conçu comme unitaire. Il ressort également des pièces du dossier, comme il a déjà été dit, que le projet a fait le choix d'une intégration des bagageries dans le paysage pour en atténuer l'impact visuel et environnemental par une architecture discrète et végétalisée. L'étude d'impact ne peut donc être regardée comme insuffisante sur la construction des bagageries, celle-ci justifiant du lieu d'implantation de ces pavillons, ainsi que de leur impact sur l'environnement paysager et monumental, quand bien même l'autorité environnementale a pu émettre dans son avis du 10 mars 2021 une recommandation pour la présentation de solutions de substitution raisonnables pour chacun des équipements préexistants ou à créer sur le site. S'agissant de la justification des choix d'aménagement au regard de l'accueil des visiteurs pour les Jeux olympiques et paralympiques : 22. Il ressort de la note de synthèse du projet de permis de construire en cause que les objectifs d'aménagement du site portés par la Ville de Paris visent notamment à l'amélioration de la gestion des grands événements qui y prennent place de façon régulière ou exceptionnelle, en leur réservant des emplacements et infrastructures dédiés et en préservant les espaces verts, la vocation événementielle du site, historiquement liée à l'exposition universelle, étant réaffirmée, ainsi que, dans le contexte d'un site sous-équipé et sous aménagé par rapport au nombre annuel de visiteurs, à la mise à niveau de l'accueil par une montée en gamme de l'offre de service et sa localisation dans un cadre cohérent et unifié. Les aménagements pérennes du site sont ainsi destinés à mieux accueillir les 150 000 visiteurs quotidiens réguliers et doivent servir à faciliter l'accueil du public pendant la tenue des Jeux olympiques et paralympiques, avec, en ce sens, une programmation prioritaire de l'implantation des services d'accueil du public. 23. Il ressort de l'étude d'impact, dans sa partie description du projet, qu'elle rappelle toutes les études qui ont été réalisées " avec pour objectif d'alimenter les réflexions tant sur les usages quotidiens que lors d'évènements exceptionnels comme les JO " et renvoie à un site internet relatif à la concertation autour du site de la Tour Eiffel, dans lequel sont mises en ligne des études sur les usages du site et l'appréciation que portent les visiteurs sur leur expérience de visite, telles que, notamment, le rapport de l'agence d'urbanisme Gehl de 2017, le plan guide du Champ de Mars et du Trocadéro de mars 2018, ou l'enquête " expérience utilisateurs " du 30 avril 2018, ainsi que le bilan de la concertation ayant eu lieu du 21 janvier au 1er mars 2019. Il ressort de ces documents que le flux piéton est très important, engendrant des encombrements et débordements ainsi qu'un piétinement sur les pelouses du Champ de Mars, et que l'offre globale de services est jugée quantitativement insuffisante par rapport à la fréquentation du site et à sa renommée mondiale, tant sur le plan de l'accueil que de l'information ou de l'animation du lieu, créant des expériences de visite insatisfaisantes et des attentes de service très élevées. 24. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le sous-dimensionnement des services pour le site Tour Eiffel/Champ de Mars résulte donc bien de ces analyses, et l'étude d'impact a pu en déduire que : " Du fait de son caractère emblématique et de sa visibilité internationale, le site accueille déjà un nombre important de grands évènements tout au long de l'année, bien qu'il ne soit pas dimensionné pour ce faire. Le constat actuel est donc celui d'un site sur-fréquenté et sous-équipé. En cela, le site n'est aujourd'hui pas en capacité d'accueillir de manière exemplaire le site Olympique de 2024 et doit donc être réaménagé. ". Il ressort de ce qui précède que la tenue des Jeux olympiques et paralympiques n'impacte pas directement les aménagements et l'implantation de services sur le site, qui sont dimensionnés à l'accueil des visiteurs réguliers, mais qu'elle en sera facilitée par ceux-ci. L'étude d'impact n'avait donc pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à évaluer les incidences des Jeux olympiques et paralympiques sur les besoins en aménagement et l'implantation de services sur le site. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment du mémoire en réponse du maître d'ouvrage à l'avis de l'autorité environnementale, que le comité d'organisation des Jeux " Paris 2024 " a la charge de l'évaluation des incidences environnementales globales des Jeux, incluant les installations temporaires et la tenue des épreuves au sein du site Tour Eiffel, le projet des Jeux étant distinct de celui du site Champ de Mars/Trocadéro, quand bien même ils entretiennent des interfaces. En outre ce mémoire en réponse indique que les incidences cumulées en matière de déplacements lors du déroulement des Jeux a fait l'objet d'une analyse globale par Paris 2024, annexée à ce mémoire. 25. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté en toutes ses branches. En ce qui concerne la méconnaissance de certains articles du code de l'urbanisme et du règlement du PLU de Paris : S'agissant de la méconnaissance de l'article UV 1 c) du règlement du PLU : 26. Il est constant que le projet se situe en zone urbaine verte (UV) du règlement du PLU de Paris, qui regroupe des espaces de densité bâtie faible, dont la fonction écologique, la qualité paysagère ou la vocation récréative, sportive ou culturelle doivent être préservées et mises en valeur. 27. Aux termes de l'article UV 1, relatif aux occupations et utilisations du sol interdites, de ce règlement : " Les constructions et installations, ainsi que les travaux divers de quelque nature que ce soit, à l'exception des travaux d'accessibilité, d'hygiène, d'isolation phonique ou thermique ou de sécurité, sont soumis aux interdictions suivantes : (...) / c - les constructions ou installations qui, par leurs nature, dimensions, volume et aspect, seraient incompatibles avec le paysage ou porteraient atteinte au caractère du site. ". 28. Les requérants soutiennent que les dispositions de l'article UV 1 c) du règlement du PLU sont méconnues dès lors que les constructions des deux pavillons de bagagerie dénatureront les vues sur le patrimoine mondial, alors que celles-ci sont notamment protégées dans la "zone tampon" prévue par l'article L. 612-1 du code du patrimoine. 29. Toutefois, il ressort du rapport d'analyse de l'inspection régionale des sites, pour la CDNPS qui s'est réunie le 24 mars 2021, que, dans les jardins latéraux adjacents aux pavillons, la végétation sera densifiée et que l'intégration des bagageries se fera par un soulèvement du sol sur un arc de cercle " qui accompagne le double alignement d'arbres autour du cheminement de l'allée cavalière du grand site. Cette 5ème façade végétalisée permet de faire oublier ces constructions depuis l'extérieur du site. (...) / La toiture végétalisée est recouverte d'une prairie (...) tout comme les alcôves des jardins d'art en continuité. ". Il ressort donc de ce rapport, alors que l'inspection régionale des sites a donné un avis favorable au projet, sous réserve, en ce qui concerne les bagageries, de la seule modification du revêtement en stabilisé du sol aux pieds des arbres, que ces constructions ne sont pas considérées comme impactant de manière importante les perspectives du site. En outre, les vues latérales du site au niveau de l'implantation des bagageries ne peuvent être regardées comme des " perspectives visuelles importantes " au sens de l'article L. 612-1 du code du patrimoine, à l'instar de celles de l'axe central Champ de Mars/Trocadéro qui sont mises en valeur par le projet. 30. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, que les bagageries s'intègrent dans le paysage pittoresque des jardins latéraux de la Tour Eiffel. Il ressort en effet du rapport de l'inspection régionale des sites, que les jardins de la Tour Eiffel situés de part et d'autre des piliers de la Tour à l'ouest et à l'est, et dans lesquels sont situées ces bagageries, ont été conçus comme des jardins romantiques agrémentés de pièces d'eau et d'une grotte, et traversés par deux allées cavalières, la première formée d'alignements courbes de platanes, et la deuxième, droite, à l'arrière, bordant sur le côté intérieur, une composition de jardins à l'anglaise et, sur le côté extérieur, les îlots bâtis des rues adjacentes au Champ de Mars. Les pavillons des bagageries se situent dans l'espace compris entre ces allées cavalières, en continuité des compositions de jardins à l'anglaise, auxquels leur toiture végétalisée s'intègre. Dès lors ces pavillons ne peuvent être regardés comme étant incompatibles avec le paysage ou portant atteinte au caractère du site, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article UV 1 c du règlement du PLU de Paris. S'agissant de la méconnaissance des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et UV 2.1. a) du règlement du PLU de Paris : 31. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Aux termes de l'article UV 2.1, relatif aux occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières, de ce règlement : " (...) / a - Dans les zones de risque délimitées par le Plan de prévention du risque d'inondation (P.P.R.I.) du Département de Paris, la réalisation de constructions, installations ou ouvrages, ainsi que les travaux sur les bâtiments existants et les changements de destination sont subordonnés aux dispositions réglementaires énoncées par ledit document (...) ". 32. Il est constant, comme le remarquent les requérants eux-mêmes, que le secteur du Champ de Mars et de la Tour Eiffel n'est pas classé au PPRI en zone bleue, qui correspond aux zones urbanisées situées en zone inondable, compte tenu de ce que les côtes de l'unité foncière sont supérieures à celles des plus hautes eaux connues (PHEC), exprimées dans le système de nivellement général de la France (IGN 69), qui sont à 32,80 mètres à l'est de l'axe central du Champ de mars et 32,70 mètres à l'ouest de cet axe selon le plan de zonage du PPRI. Ainsi les requérants notent qu'il ressort des plans du projet, que le niveau du terrain sur le parvis de la Tour Eiffel pour les piliers nord et ouest est compris entre 33,20 et 34 mètres nivellement " Ville de Paris (NVP) ", cette mesure étant inférieure de l'ordre de 33 cm à celle exprimée dans le système IGN 69, et est donc supérieur aux côtes des PHEC. 33. Les requérants estiment que les bureaux de la SETE, qui sont prévus par le projet en sous-sol, au pied des piliers nord et ouest de la Tour, ne pouvaient être autorisés dès lors qu'ils se situent selon les plans du projet à la côte 31,40 NVP pour le pilier nord, et 31,15 NVP pour le pilier ouest, soit en dessous des côtes des PHEC. Toutefois, dès lors que ces constructions, qui ne sont prévues que sur un niveau de sous-sol, contrairement à ce qu'indiquent les requérants, ne se situent pas dans les zones de risque délimitées par le PPRI au sens des dispositions de l'article UV 2.1 du règlement du PLU de Paris, les requérants ne peuvent utilement soutenir que les dispositions de cet article auraient été méconnues par le projet. Il ressort en outre des plans du projet, que dans l'état existant des piliers de la Tour Eiffel, ceux-ci abritent déjà des locaux sur deux niveaux de sous-sol à plus de 6 mètres de profondeur du niveau du terrain naturel. Il ressort par contre de l'étude d'impact qu'il existe dans le secteur du parvis de la Tour Eiffel un risque de remontées de la nappe phréatique, soit en l'occurrence de la nappe d'accompagnement de la Seine, dont la profondeur du toit est à 5 mètres de profondeur. A ce titre, il ressort de cette étude que les extensions des locaux souterrains prévues, se situent à une profondeur de 4 mètres environ sous le terrain actuel, donc au-dessus du niveau de la nappe et que des pieux y seront forés jusqu'à une profondeur de 18 mètres, sans nécessiter de rabattement de la nappe alluviale. Dans ces conditions, ces mesures de prévention du risque d'inondation paraissant adéquates, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par la maire de Paris au regard des exigences de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté. S'agissant de la méconnaissance des articles R. 111-27 du code de l'urbanisme et UV 11.1 du règlement du PLU de Paris : 34. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Aux termes de l'article UV 11, relatif à l'aspect extérieur des constructions et aménagement de leurs abords, protection des immeubles et éléments de paysage, du règlement du PLU et de son point UV 11.1 : " L'autorisation de travaux peut être refusée ou n'être accordée que sous réserve de prescriptions si la construction, l'installation ou l'ouvrage, par sa situation, son volume, son aspect, son rythme ou sa coloration, est de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. Les interventions sur les bâtiments existants comme sur les bâtiments à construire permettant d'exprimer une création architecturale peuvent être autorisées. ". 35. Les requérants soutiennent que les dispositions précitées sont méconnues dès lors que le projet, par l'implantation des deux pavillons de bagageries, porte atteinte aux perspectives monumentales depuis les rues perpendiculaires au Champ de Mars, soit à l'est la rue de l'Université et à l'ouest la rue de Buenos-Aires. Il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit aux points précédents, que les vues qui caractérisent le site dans son caractère historique et patrimonial sont celles de l'axe central, lesquelles sont préservées et améliorées par le projet, qui a pour objectif de transformer le parvis de la Tour Eiffel par la végétalisation de l'axe dans la continuité du grand parterre de pelouse du Champ de Mars. Ainsi ces bagageries ne peuvent être regardées comme portant atteinte aux perspectives monumentales du site. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 111-27 du code de l'urbanisme et UV 11.1 du règlement du PLU de Paris, doit donc être écarté. S'agissant de la méconnaissance de l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme : 36. Aux termes de l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme : " Dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables, les abords des monuments historiques (...) doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : (...) - les affouillements et exhaussements du sol dont la hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou la profondeur dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres et portant sur une superficie supérieure ou égale à cent mètres carrés ; - la création d'un espace public. ". 37. Les requérants soutiennent que le projet, situé aux abords de monuments historiques, aurait dû, en application de l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme précité, faire l'objet d'un permis d'aménager, dès lors qu'il prévoit des affouillements d'une profondeur de 4,4 mètres, des exhaussements supérieurs à 2 mètres et qu'il comporte la création d'espaces publics. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, d'une part, le projet ayant été autorisé par le permis de construire contesté, l'obligation de solliciter un permis d'aménager prévue à l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme ne trouve pas à s'appliquer, eu égard aux finalités communes des deux permis, à l'identité de composition des dossiers de demande et aux contrôles identiques auxquels leur délivrance donne lieu. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les affouillements et exhaussements du sol excédant 2 mètres de profondeur ou de hauteur porteraient sur une surface supérieure ou égale à cent mètres carrés, ni que le projet, qui consiste en un réaménagement de l'espace public existant autour de la Tour Eiffel, prévoirait la création d'espaces publics. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme doit être écarté. 38. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée à l'encontre de la société civile immobilière Le Dix, cette société, d'une part, ainsi que l'association " France Nature environnement Paris " et autres, d'autre part, ne sont pas fondés à demander l'annulation du permis de construire du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société PariSeine pour les aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel. Sur les frais liés à l'instance : 39. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société civile immobilière Le Dix d'une part, et l'association " France Nature environnement Paris " et autres, d'autre part, demandent au titre des frais qu'ils ont exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Le Dix et de l'association " France Nature Environnement Paris " et autres, chacun, une somme de 1 500 euros à verser à la Ville de Paris et une somme de 1 500 euros à verser à la société PariSeine, en application de ces dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la société civile immobilière Le Dix est rejetée. Article 2 : La requête de l'association " France Nature environnement Paris " et autres est rejetée. Article 3 : La société civile immobilière Le Dix versera à la Ville de Paris et à la société PariSeine, une somme de 1 500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : L'association " France Nature environnement Paris " et autres verseront à la Ville de Paris et à la société PariSeine, une somme de 1500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Le Dix, à l'association " France Nature environnement Paris ", première requérante dénommée, pour l'ensemble des requérants de l'instance n° 22PA02653, à la Ville de Paris et à la société publique locale PariSeine. Délibéré après l'audience 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, I. JASMIN-SVERDLINLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°s 22PA02637, 22PA02653
CETATEXT000048439221
J2_L_2023_11_00022LY02922
CETAT
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Texte
CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY02922, Inédit au recueil Lebon
2023-11-15 00:00:00
CAA de LYON
22LY02922
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. TALLEC
SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER
Mme Emilie FELMY
M. DELIANCOURT
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 24 mai 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par un jugement n° 2204759 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2022, Mme C..., représentée par Me Sabatier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 septembre 2022 ; 2°) d'annuler les décisions du 24 mai 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ; 3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : la décision de refus de séjour : - est insuffisamment motivée ; - est entachée d'un défaut d'examen préalable et sérieux de sa demande ; - méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée à cet égard d'une erreur manifeste d'appréciation ; - est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du pouvoir de régularisation du préfet ; - méconnaît la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ; la décision portant obligation de quitter le territoire français : - est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre séjour ; - est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale par exception d'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ; la décision fixant le pays de destination : - est illégale par exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; - méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet du Rhône, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... C..., ressortissante haïtienne née le 13 septembre 1979, a sollicité le 18 janvier 2021 le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " qui lui avait été délivré en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 24 mai 2022, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Mme C... interjette appel du jugement n° 2204759 du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 2. En premier lieu, les moyens tirés de l'absence d'examen préalable et sérieux de la situation de Mme C... et du défaut de motivation de la décision attaquée doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, la requérante réitérant en appel ces moyens sans les assortir d'éléments nouveaux. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an.(...) ". 4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a subi le 30 décembre 2018 une intervention chirurgicale tardive d'un " syndrome de la queue de cheval " effectuée en Guyane française, puis est arrivée en métropole le 29 décembre 2019. Si elle soutient qu'elle ne pourra pas bénéficier effectivement en Haïti, au regard des problèmes structurels affectant le système de santé de cet Etat, et du traitement médicamenteux particulier qui lui est prescrit, à savoir le Lyrica dont la molécule est la prégabaline, Mme C... s'est bornée en première instance à produire à l'appui de ses allégations des certificats médicaux des 30 mai et 8 juin 2022 peu circonstanciés émanant d'un seul médecin généraliste, des extraits d'un rapport de l'Organisation Mondiale de la Santé relatif à la stratégie de coopération appropriée avec l'Etat d'Haïti mis à jour en mai 2017 faisant état de considérations générales sur le système de santé haïtien, ainsi qu'un extrait d'une liste non datée de " médicaments autorisés " en Haïti émanant du site internet du ministère de santé. Elle n'apporte aucun nouvel élément en appel, contemporain de la décision en litige, de nature à établir les difficultés dont elle se prévaut. Au demeurant, il ne ressort pas de la consultation de la base de données précitée que la prégabaline n'aurait pas fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché haïtien. Les certificats médicaux des 7 et 11 octobre 2022 faisant notamment état de l'absence de soins en Haïti concernant la pathologie de Mme C... et de l'impossibilité pour elle de supporter un trajet en avion sont postérieurs à la décision attaquée et dès lors sans influence sur celle-ci. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 6. Si Mme B... soutient qu'au regard de son temps de présence en France en situation régulière du 12 août 2019 au 11 mai 2020 et de son intégration professionnelle, la décision refusant de lui accorder un titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations précitées, il ressort des pièces du dossier que l'insertion professionnelle dont elle se prévaut est récente et limitée à une activité de bénévolat pour la Croix-Rouge à Cayenne à compter de l'année 2017, puis à des activités d'aide à domicile à compter du 16 décembre 2019 au terme d'un contrat à durée indéterminé à temps partiel avec la société " Viva Services ", puis avec l'association " ABC aide à domicile " à compter du mois de mars 2020. En outre, Mme C..., qui n'établit pas la durée de séjour dont elle se prévaut sur le territoire français, n'allègue pas être dépourvue d'attaches familiales et personnelles dans son pays d'origine. Par suite, quand bien même elle aurait poursuivi ses activités professionnelles avec la satisfaction de ses employeurs et durant toute la période de confinement, puis, ainsi que son avis d'imposition sur les revenus pour 2021 et les bulletins de salaires produits en témoignent, durant les années 2021 et 2022, la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette mesure ainsi que les premiers juges l'ont relevé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés. 7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...). ". 8. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges et qu'il résulte des points 4 et 6 du présent arrêt, la situation de Mme B... ne relève ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels de nature à justifier que le préfet lui délivre la carte de séjour temporaire correspondant à l'une des situations mentionnées à l'article visé au point précédent. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ainsi que, pour les mêmes motifs, de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet à ne pas avoir exercé son pouvoir de régularisation doit être écarté. En outre, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, qui est dépourvue de valeur normative. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 9. En premier lieu, il résulte des motifs retenus aux points précédents que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour. 10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté pour les mêmes motifs. 11. En troisième lieu, il résulte des points 4 et 10, et 6 et 8 du présent arrêt que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment. En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination de la mesure d'éloignement : 12. En premier lieu, Mme C... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, les moyens tirés de l'illégalité des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination par voie de conséquence des précédentes décisions de refus de séjour et d'éloignement. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges. 13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Il résulte de ce qui a été précisé au point 4 que Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle encourrait des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son état de santé. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté. 14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être également rejetées. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que Mme C... demande au titre des frais qu'elle a exposés. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY02922
CETATEXT000048439236
J2_L_2023_11_00023LY00567
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/92/CETATEXT000048439236.xml
Texte
CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 23LY00567, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de LYON
23LY00567
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. PRUVOST
AD'VOCARE
Mme Audrey COURBON
Mme LESIEUX
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme C... A..., épouse B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an, ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 2300032 du 11 janvier 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, d'une part, refusé d'admettre Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire (article 1er), d'autre part, renvoyé les conclusions D... B... dirigées contre la décision de refus de titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal (article 2) et, enfin, rejeté le surplus de sa demande (article 3). Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 13 février 2023, Mme B..., représentée par Me Bourg, demande à la cour : 1°) d'annuler les articles 1er et 3 de ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai, désigne le pays de destination et prononce une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que la décision d'assignation à résidence du même jour ; 3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme : - de procéder à la suppression de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ; - de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, et de lui délivrer, sous sept jours, une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de lui accorder, au titre de la procédure de première instance, le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à lui verser en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle ou à verser à son conseil, en cas d'admission, en application de ces dispositions combinées à celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - le jugement contesté est irrégulier dès lors que le premier juge n'a pas statué sur les conclusions présentées en première instance tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de communiquer les pièces sur la base desquelles il a édicté ses décisions, en application de l'article L. 614-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le magistrat désigné ne pouvait faire application des dispositions de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991, qui relèvent exclusivement de la compétence du bureau d'aide juridictionnelle institué près le tribunal judiciaire ; s'agissant d'une procédure d'urgence, cette aide provisoire devait lui être attribuée de plein droit, en vertu de l'article 20 de la même loi ; les moyens soulevés dans sa requête de première instance étaient suffisamment étayés ; ce refus d'admission méconnaît le droit au recours effectif garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le jugement contesté est entaché d'erreur de droit, d'erreur d'appréciation et de dénaturation dans son analyse de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - le premier juge a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la violation, par la mesure d'éloignement, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - en se bornant à renvoyer aux motifs énoncés au point 8 du jugement, qui concerne l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le premier juge a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la violation, par l'interdiction de retour, de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; - cette décision méconnaît les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle justifie de circonstances particulières qui font obstacle à ce que le risque de soustraction à la mesure d'éloignement dont elle fait l'objet soit regardé comme établi ; - la décision désignant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - la décision portant interdiction de retour d'une durée d'un an est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - cette décision méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision d'assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme, qui n'a pas produit d'observations. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2023. Par un courrier du 6 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que la décision statuant sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle n'est pas susceptible de recours. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le rapport D... Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., épouse B..., ressortissante algérienne, née le 3 janvier 1968, est entrée régulièrement en France le 13 janvier 2015. Par un arrêté du 2 avril 2019, le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le 21 juin 2021, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 9 novembre 2022, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et pris à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an. Par une décision du même jour, le même préfet a assigné Mme B... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Mme B... relève appel du jugement du 11 janvier 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en tant qu'il a refusé de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination, portant interdiction de retour pour une durée d'un an et assignation à résidence. Sur le refus d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire en première instance : 2. Aux termes de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...) La décision statuant sur la demande d'admission provisoire n'est pas susceptible de recours. ". 3. La décision par laquelle le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a refusé d'admettre Mme B... à l'aide juridictionnelle à titre provisoire étant insusceptible de recours, les conclusions d'appel de l'intéressée tendant à l'annulation de cette décision ne peuvent qu'être rejetées. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., le premier juge a répondu, de manière suffisamment motivée, au point 10 de son jugement, au moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. De la même manière, en renvoyant, au point 17 du jugement, aux motifs énoncés au point 8 de ce même jugement, qui écartait le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, pour écarter le moyen tiré de la violation de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soulevé à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français, le premier juge a suffisamment motivé sa réponse à ce moyen. 5. En deuxième lieu, si Mme B... fait valoir que le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation dans son examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, de telles erreurs, à les supposer établies, relèvent de l'appréciation du bien-fondé de sa décision et non de sa régularité. 6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 614-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux étrangers placés en rétention administrative ou assignés à résidence : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin (...) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. ". 7. La possibilité de solliciter des parties la production de pièces ou documents utiles à la solution du litige constitue l'un des pouvoirs propres du juge, qui n'est pas lié en cela par la demande des parties et qui décide ainsi souverainement de recourir à une telle mesure. Les dispositions précitées n'imposent pas au magistrat de se prononcer sur une demande tendant à la mise en œuvre de ce pouvoir d'instruction. Au demeurant, il ressort du dossier de première instance que l'affaire était en état d'être jugée, dès lors que le magistrat désigné disposait des pièces suffisantes pour lui permettre de se prononcer sur la légalité des décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 9 novembre 2022. Ainsi, le premier juge a pu valablement statuer sur la demande de l'intéressée sans procéder à une mesure d'instruction pour se faire communiquer l'entier dossier détenu par l'administration. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement fondé sur l'absence de réponse à la demande D... B... présentée sur le fondement de l'article L. 614-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : 8. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 9. Mme B... se prévaut de sa résidence en France depuis plus de sept ans, de la présence, sur le territoire français, en situation régulière, de ses trois fils majeurs, dont l'aîné l'héberge et de la scolarisation de son fils mineur, né en 2010. Toutefois, si Mme B... indique être séparée de son époux, qui résiderait en Algérie, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans ce pays, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 47 ans. Il n'est, par ailleurs, fait état d'aucun obstacle à la reconstitution de la cellule familiale qu'elle forme avec son fils mineur dans ce pays. Enfin, Mme B..., qui n'a entrepris aucune démarche en vue de régulariser sa situation administrative entre 2015 et 2021 et s'est soustraite à la mesure d'éloignement prise à son encontre en 2019, ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française. Dans ces conditions, eu égard notamment aux conditions de son séjour en France, la mesure d'éloignement contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit D... B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté. Pour les mêmes motifs, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. 10. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". 11. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 ci-dessus que la décision contestée n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer le fils mineur D... Mme B... sa mère, la cellule familiale pouvant se reconstituer en Algérie, pays dans lequel la requérante indique d'ailleurs que le père de l'enfant réside et dans lequel son fils pourra poursuivre la scolarité qu'il a débutée en France. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations précitées doit être écarté. En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire : 12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision relative au délai de départ volontaire. 13. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612 1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; ". 14. Il ressort des termes de la décision contestée que, pour refuser d'accorder à Mme B... un délai de départ volontaire, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé sur l'existence d'un risque, au sens de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'intéressée se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français, risque regardé comme établi dès lors qu'elle n'a pas exécuté la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet le 2 avril 2019. Si Mme B... fait valoir qu'elle a contesté la légalité de cette mesure et que le préfet ne l'a pas mise à exécution, il est constant que son recours a été rejeté par un jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 avril 2019 et que Mme B..., à qui il appartenait d'exécuter cette décision, assortie d'une interdiction de retour, s'est maintenue sur le territoire français. Par suite, en l'absence de circonstance particulière, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, le préfet du Puy-de-Dôme a méconnu les dispositions énoncées au point 13. En ce qui concerne la décision désignant le pays de destination : 15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an : 16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. 17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". 18. Les éléments avancés par Mme B..., tirés de sa durée de présence en France et de la présence régulière en France de ses trois fils majeurs, ne suffisent pas, eu égard à ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt, à caractériser des circonstances humanitaires au sens des dispositions précitées. Par suite, en édictant, à l'encontre de l'intéressée, une interdiction de retour pour une durée limitée à un an, le préfet du Puy-de-Dôme n'a commis aucune erreur d'appréciation. 19. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9 du présent arrêt, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En ce qui concerne l'assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours : 20. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que la décision contestée est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté. 21. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'allocations de frais liés au litige, doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête D... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Porée, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00567
CETATEXT000048439238
J2_L_2023_11_00023LY00754
CETAT
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Texte
CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 23LY00754, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de LYON
23LY00754
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. PRUVOST
SCP ROBIN VERNET
Mme Audrey COURBON
Mme LESIEUX
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2206547 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 27 février 2023, M. B..., représenté par Me Robin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - le jugement est irrégulier, dès lors que le principe du contradictoire a été méconnu, le tribunal administratif n'ayant pas communiqué au préfet son mémoire en réplique du 18 novembre 2022 qui comportait des éléments nouveaux ; - la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour qui la fonde ; - cette décision méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision relative au délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - la décision désignant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français : - cette décision méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. La préfète du Rhône, qui a reçu communication de la requête, n'a pas produit d'observations. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, - et les observations de Me Beligon, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 10 avril 1980, est entré en France le 21 août 2018 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 novembre 2018, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 juillet 2019. Sa demande de réexamen au titre de l'asile a été rejetée comme irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 7 août 2020. Le 11 octobre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 2 mai 2022, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 8 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties. 3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a produit devant le tribunal administratif un mémoire en réplique le 18 novembre 2022, assorti de nouvelles pièces, notamment médicales, après que l'instruction, close le 24 octobre 2022, a été réouverte par la communication du mémoire en défense du préfet du Rhône le 25 octobre 2022. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, et alors qu'il a rejeté la demande de M. B..., l'absence de communication du mémoire et des pièces en cause au préfet du Rhône n'a pu préjudicier aux droits de ce dernier, ni à ceux du requérant. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte au principe du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté. Sur la décision de refus de titre de séjour : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". 5. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. 6. Pour refuser d'admettre M. B... au séjour, le préfet du Rhône s'est notamment appuyé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 8 février 2022 indiquant que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine. M. B..., qui souffre d'un syndrome de stress post-traumatique, pour lequel il suit un traitement médicamenteux et consulte régulièrement un psychiatre, d'un syndrome obstructif avec apnée du sommeil nécessitant un appareillage nocturne et des douleurs chroniques à la cheville droite, produit plusieurs certificats médicaux, compte-rendu de consultation et ordonnances qui font état de ces pathologies, du traitement et du suivi qui en résultent. Toutefois, ces différentes pièces, si elles confirment la nécessité d'une prise en charge médicale, sont peu circonstanciées quant au niveau de gravité de ces pathologies et aux conséquences d'un défaut de prise en charge médicale et ne permettent pas, de ce fait, de contredire l'avis précité du collège de médecins, rendu après examen de l'intéressé. Si M. B... fait valoir que les médicaments et le suivi nécessités par son état de santé ne sont pas disponibles dans son pays d'origine, cette circonstance est en-elle-même sans incidence sur la légalité de la décision en litige, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, il n'est pas établi que le défaut de prise en charge devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. M. B... réside en France depuis moins de quatre ans à la date de la décision attaquée. Ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, son état de santé ne nécessite pas son maintien sur le territoire national. Par ailleurs, l'intéressé, qui ne justifie d'aucune attache en France, n'est pas dépourvu de liens personnels et familiaux en République démocratique du Congo, où il a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans et où résident son épouse et ses trois enfants mineurs. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. B..., le préfet du Rhône, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a donc, par suite, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant. Sur l'obligation de quitter le territoire français : 9. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, M. B... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français. 10. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt. 11. En troisième lieu, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 ci-dessus. Sur la décision relative au délai de départ volontaire : 12. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. B... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui accordant un délai de départ volontaire de quatre-vingt-dix jours. Sur la décision désignant le pays de destination : 13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application, ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, M. B... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi. 14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 15. Alors que le défaut de prise en charge médicale de M. B... ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ainsi qu'il a été dit au point 6, il n'est pas fondé à soutenir qu'il serait exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté. 16. En dernier lieu, eu égard à sa situation médicale et personnelle telle que décrite précédemment, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision désignant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. 17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige. DÉCIDE: Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00754
CETATEXT000048439241
J3_L_2023_11_00021BX03654
CETAT
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Texte
CAA de BORDEAUX, 1ère chambre, 16/11/2023, 21BX03654, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de BORDEAUX
21BX03654
1ère chambre
plein contentieux
C
M. PAUZIÈS
CABINET TOSI GALINAT BARANDAS
Mme Kolia GALLIER
M. ROUSSEL CERA
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Loréa a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, d'annuler la convention conclue le 22 avril 2019 entre la commune de Bordeaux et la SARL BCC pour l'occupation domaniale temporaire des espaces de restauration dénommés " l'Orangerie " et " Carré Détente " du muséum d'histoire naturelle, situés au sein du Jardin public et, à titre subsidiaire, de résilier cette convention ou, à défaut, de sursoir à statuer dans l'attente de l'appréciation de la légalité du refus opposé à sa demande de communication de documents administratifs. Par un jugement n° 1904769 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a enjoint à la commune de Bordeaux de régulariser la convention en cause par une nouvelle délibération du conseil municipal en autorisant rétroactivement la signature, dans un délai de quatre mois suivant la notification de ce jugement ou, à défaut, de résilier cette convention. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 10 septembre 2021, la SARL Loréa, représentée par Me Galinat, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'auditionner, avant dire droit, les signataires de la convention en litige et de faire procéder à une vérification d'écritures la concernant ; 3°) d'annuler et subsidiairement de résilier la convention conclue le 22 avril 2019 entre la commune de Bordeaux et la société BCC pour l'occupation domaniale des espaces de restauration dénommés " l'Orangerie " et " Carré Détente " du muséum d'histoire naturelle, situés au sein du Jardin public ; 4°) à défaut, de sursoir à statuer dans l'attente de l'appréciation de la légalité du refus opposé à sa demande de communication de documents administratifs ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux et de la société BCC une somme de 5 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le consentement des conseillers municipaux a été vicié dès lors qu'ils n'ont pas disposé d'une information suffisante pour se prononcer sur l'identité de l'attributaire de la convention en litige ; ce vice d'une particulière gravité entraîne nécessairement l'annulation, ou subsidiairement la résiliation, de cette convention et c'est à tort que le tribunal s'est borné à enjoindre à la commune de la régulariser ; - la circonstance que la société BCC ait été choisie pour conclure la convention au motif d'un " investissement financier engagé par l'occupant ", sans que cet investissement ne soit identifié dans la convention en litige qui ne fait pas mention de la candidature l'annonçant, ni même que le concessionnaire n'ait une quelconque obligation de les réaliser, entache la procédure de passation de cette convention d'une irrégularité lésant de façon directe et certaine ses intérêts ; - le conseil municipal a entaché sa délibération d'incompétence négative en se bornant à entériner le choix opéré par le jury ; à supposer que ce soit le maire de la commune qui fut compétent pour signer la convention litigieuse, l'adjointe au maire ayant signé par délégation a entaché cet acte d'un même vice d'incompétence ; - contrairement à ce que la société BCC a soutenu devant les premiers juges, l'annulation ou la résiliation de la convention ne porterait aucune atteinte à l'intérêt général ; s'agissant de son propre intérêt, la société BCC ne justifie d'aucun des investissements qu'elle affirme avoir déjà réalisés et qui seraient seuls susceptibles d'être pris en compte. Par un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2022, la commune de Bordeaux, représentée par Me Heymans, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 12 juillet 2021 du tribunal administratif de Bordeaux et au rejet de l'ensemble de la demande présentée par la SARL Loréa devant le tribunal ; 3°) à la mise à la charge de la société Loréa des dépens de l'instance et d'une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la société Loréa n'a pas intérêt pour faire appel dès lors que le jugement a fait droit à l'intégralité de ses demandes ; - dès lors que la convention a été conclue le 22 avril 2019, la demande en contestation de sa validité introduite plus de deux mois après sa signature, alors que le gérant de la société évincée avait eu connaissance dès le mois de janvier 2019 du rejet de son offre, était irrecevable, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ; - cette demande était en outre irrecevable dès lors que la société Loréa ne démontre pas être lésée par l'attribution du contrat ou l'une de ses clauses ; elle n'établit pas, non plus, un intérêt lésé du fait d'une insuffisante information des conseillers municipaux et d'une méconnaissance par le conseil municipal de sa compétence ; - subsidiairement, c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré d'une insuffisante information des conseillers municipaux et la circonstance que le conseil municipal se serait estimé lié par l'avis du jury sur le mérite des offres de candidats ; - les autres moyens invoqués par la société Loréa ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique: - le rapport de Mme Kolia Gallier, - les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public, - les observations de Me Galinat, représentant la société Loréa, et Me Quevarec, représentant la commune de Bordeaux. Considérant ce qui suit : 1. La commune de Bordeaux a conclu le 1er janvier 2007 avec la société Jegher restauration, devenue la société Loréa, une convention d'occupation du domaine public pour l'exploitation d'un espace de restauration dénommé " l'Orangerie " au sein du Jardin public pour une durée de douze ans. Avant l'expiration de cette convention le 31 décembre 2018, la commune a lancé une procédure d'attribution d'une nouvelle convention d'occupation du domaine public pour l'exploitation de l'espace de restauration précité et de celui dénommé " Carré détente " du Muséum d'histoire naturelle. Par une délibération du 19 novembre 2018, le conseil municipal de Bordeaux a autorisé le maire à signer la convention d'occupation du domaine public pour ces deux espaces avec la société BCC. La SARL Loréa a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, l'annulation de cette convention et relève appel du jugement du 12 juillet 2021 en tant que le tribunal s'est limité à enjoindre à la commune de Bordeaux de la régulariser par une nouvelle délibération du conseil municipal dans un délai de quatre mois ou, à défaut, de la résilier. La commune, qui a fait procéder à cette régularisation par une délibération du conseil municipal du 5 octobre 2021, doit être regardée comme demandant, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de la société Loréa. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 2. Contrairement à ce que fait valoir la commune de Bordeaux, le tribunal n'a pas fait intégralement droit aux conclusions présentées par la société Loréa puisque celle-ci demandait, à titre principal, l'annulation de la convention conclue entre la commune de Bordeaux et la société BCC et que le jugement attaqué se limite à enjoindre à la commune de la régulariser. Par suite, la société Loréa présente un intérêt pour faire appel de ce jugement et la fin de non-recevoir opposée par la commune sur ce point doit être écartée. Sur la validité de la convention : 3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction. 4. Pour enjoindre à la commune de Bordeaux de régulariser la convention conclue le 22 avril 2019 avec la société BCC en procédant à une nouvelle délibération en autorisant rétroactivement la signature, les premiers juges ont retenu, d'une part, qu'il ne résultait pas de l'instruction que les conseillers municipaux auraient été destinataires, préalablement à la séance du conseil municipal du 19 novembre 2018, d'une note explicative de synthèse ou de tout autre document leur permettant de disposer d'une information adéquate quant aux caractéristiques des offres des candidats à la procédure de passation et aux mérites de l'offre retenue et, d'autre part, que le conseil municipal s'étant borné à constater que l'examen des candidatures avait été assuré par un jury ad hoc sans porter lui-même d'appréciation sur le mérite des offres des candidats, il s'était estimé, à tort, lié par l'avis de ce jury. Toutefois, de tels vices dont se prévalait la société Loréa ne sont pas d'ordre public et ne constituent pas des manquements aux règles applicables à la passation de la convention en rapport direct avec son éviction. Par suite, la commune de Bordeaux est fondée à soutenir que la société Loréa ne pouvait utilement les invoquer devant le tribunal et que c'est à tort que les premiers juges les ont retenus pour lui enjoindre de régulariser la convention litigieuse. 5. Par ailleurs, la société Loréa ne peut utilement se prévaloir de ce que la société BCC aurait été sélectionnée au motif d'un investissement financier qui n'était pas identifié dans la convention, laquelle ne prévoyait aucune obligation pour le concessionnaire de s'y conformer, une telle argumentation ne se rapportant ni à un vice d'ordre public ni à un manquement aux règles applicables à la passation de la convention. 6. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que la commune de Bordeaux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a partiellement fait droit à la demande de la société Loréa et lui a enjoint de régulariser la convention signée le 22 avril 2019 avec la société BCC. Il en résulte, d'autre part, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit l'audition des signataires de la convention litigieuse ou une vérification d'écritures ni de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur la demande de la société requérante tendant à l'annulation du refus de la commune de Bordeaux de lui communiquer des documents administratifs, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux ayant constaté un non-lieu à statuer sur cette demande par une ordonnance du 24 janvier 2023 en raison de la transmission des documents sollicités, que les conclusions de la société Loréa tendant à ce que la convention litigieuse soit annulée et subsidiairement résiliée doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune de Bordeaux à la recevabilité de la demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la société Loréa soit mise à la charge de la commune qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Loréa une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Bordeaux au titre des frais exposés pour les besoins du litige. DECIDE : Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement du 12 juillet 2021 du tribunal administratif de Bordeaux sont annulés et les conclusions correspondantes présentées par la société Loréa sont rejetées. Article 2 : La société Loréa versera à la commune de Bordeaux la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Loréa, à la commune de Bordeaux et à la SARL BCC. Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023 à laquelle siégeaient : M. Jean-Claude Pauziès, président, Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure, Mme Kolia Gallier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, Kolia GallierLe président, Jean-Claude Pauziès La greffière, Marion Azam Marche La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 21BX03654 2
CETATEXT000048439243
J5_L_2023_11_00020NC03655
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 20NC03655, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de NANCY
20NC03655
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. WURTZ
SELARL DÔME AVOCATS
M. Stéphane BARTEAUX
M. MARCHAL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le GAEC du Waldmeister a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 18 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Witternheim a approuvé le plan local d'urbanisme, ainsi que la décision du 28 mars 2019 par laquelle le maire de la commune a rejeté son recours gracieux reçu le 21 février 2019. Par un jugement n° 1904073 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2020, le GAEC du Waldmeister, représenté par Me Lang, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2020 ; 2°) d'annuler la délibération du 18 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Witternheim a approuvé le plan local d'urbanisme, ainsi que la décision du 28 mars 2019 par laquelle le maire de la commune a rejeté son recours gracieux reçu le 21 février 2019 ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Witternheim la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la délibération contestée méconnaît les dispositions des articles L. 2121-13 et L. 2121-13-1 du code général des collectivités territoriales ; - la population n'a pas été informée que le rapport et les conclusions de l'enquête publique étaient mis à sa disposition en mairie, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-21 du code de l'environnement ; par ailleurs, il est douteux que les conseillers municipaux en ont eu connaissance avant l'adoption de la délibération en litige ; - le classement en zone Ua des parcelles cadastrées section B n° 59, 66, 719 et 816, accueillant le site historique d'exploitation du GAEC, et en zone Ub de la parcelle cadastrée section B n° 1025 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et entraîne une rupture d'égalité par rapport à une autre parcelle classée en zone A ; - le classement en zone IIAU des parcelles situées à proximité immédiate du nouveau site d'exploitation du GAEC est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le classement des parcelles section 5 n°99, 100, 4 et 5 en zone Ab et Ac est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et démontre un détournement de procédure et de pouvoir. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2021, la commune de Witternheim, représentée par Me Dangel, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'il soit sursis à statuer pour permettre une régularisation du plan local d'urbanisme en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, et demande que la somme de 3 000 euros hors taxes soit mise à la charge du GAEC du Waldmeister en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par un mémoire en intervention, enregistré le 21 septembre 2021, M. F... A..., M. E... A..., M. C... A..., M. D... A..., M. B... A... et Mme G... A..., représentés par la SELARL Dôme Avocats, concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge du GAEC du Waldmeister la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de l'environnement ; - le code général des collectivités locales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Barteaux, - les conclusions de M. Marchal, rapporteur public, - et les observations de Me Dangel pour la commune de Witternheim et de Me Guy-Favier pour les consorts A.... Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération du 22 novembre 2010, le conseil municipal de la commune de Wittternheim a prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune. A l'issue de l'enquête publique qui s'est déroulée du 8 octobre 2018 au 9 novembre 2018, le conseil municipal a approuvé, par une délibération du 18 décembre 2018, le plan local d'urbanisme de la commune. Le GAEC du Waldmeister, propriétaire de parcelles qui sont le siège de son exploitation agricole, a exercé contre cette délibération un recours gracieux que le maire a rejeté par une décision du 28 mars 2019. Par un jugement du 15 octobre 2020, dont fait appel le GAEC du Waldmeister, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération du 18 décembre 2018, ainsi que de la décision du 28 mars 2019 rejetant son recours gracieux. Sur l'intervention des consorts A... : 2. Les consorts A..., qui établissent être propriétaires des parcelles cadastrées section B n° 59, 66, 719 et 816, dont le classement en zone UA par la délibération attaquée est contesté par le GAEC du Waldmeister, justifient d'un intérêt suffisant au rejet de la requête. Par suite, il y a lieu d'admettre leur intervention. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités locales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". L'article L. 2121-13-1 du même code précise que : " La commune assure la diffusion de l'information auprès de ses membres élus par les moyens matériels qu'elle juge les plus appropriés (...) ". 4. Le GAEC du Waldmeister soutient qu'il n'est pas établi que les conseillers municipaux ont disposé en temps utile de tous les documents nécessaires pour voter en connaissance de cause sur le plan local d'urbanisme de la commune, et notamment du dossier relatif à ce plan ainsi que du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur, qui a été déposé à la mairie seulement trois jours avant la séance au cours de laquelle a été adoptée la délibération en litige. Toutefois, il résulte des dispositions précitées qu'exceptées pour les communes de plus de 3 500 habitants, dont ne fait pas partie la commune de Witternheim, les dispositions législatives ne fixent aucune règle particulière pour l'information des membres du conseil municipal. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que trois jours avant la séance du 18 décembre 2018, le maire a adressé aux conseillers municipaux une convocation, déposée directement dans leurs boîtes aux lettres par un agent communal, et leur a envoyé parallèlement un courriel comportant en annexe la convocation sur laquelle figurait l'ordre du jour, mentionnant en particulier l'approbation du plan local d'urbanisme. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un membre du conseil municipal aurait fait valoir son droit d'être informé plus précisément des sujets qui étaient mentionnés à l'ordre du jour, notamment en sollicitant la communication du dossier du plan local d'urbanisme ou sa consultation sur place, alors que la commune fait valoir, sans être utilement contredite, que le document était à disposition des membres du conseil municipal. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'un membre du conseil municipal aurait sollicité la consultation du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur, notamment au cours de la séance, et que le maire s'y serait opposé. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante information des membres du conseil municipal doit être écarté. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-21 du code de l'environnement : " L'autorité compétente pour organiser l'enquête adresse, dès leur réception, copie du rapport et des conclusions au responsable du projet, plan ou programme. / Copie du rapport et des conclusions est également adressée à la mairie de chacune des communes où s'est déroulée l'enquête et à la préfecture de chaque département concerné pour y être sans délai tenue à la disposition du public pendant un an à compter de la date de clôture de l'enquête. / Lorsqu'elle a publié l'avis d'ouverture de l'enquête sur son site internet, l'autorité compétente pour organiser l'enquête publie le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête sur ce même site et le tient à la disposition du public pendant un an ". 6. Si les dispositions précitées font obligation de tenir à la disposition du public le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur, elles ne s'opposent pas à ce que le conseil municipal approuve le document d'urbanisme avant leur mise à disposition du public. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, la délibération en litige n'est pas illégale du seul fait qu'elle a procédé à l'approbation du plan local d'urbanisme dès la réception par le maire du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur et avant que ces documents ne soient mis à la disposition du public. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 151-18 du code de l'urbanisme : " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ". 8. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer la partie d'aménagement à retenir, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts. 9. D'une part, le GAEC du Waldmeister soutient que le classement en zone U des parcelles cadastrées section B n° 59, 66, 719 et 816 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elles sont le siège d'une exploitation ayant donné lieu, en 1992, à une déclaration d'activité d'élevage de bovins relevant de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement et que ce classement n'est pas conforme à la vocation de la zone. Toutefois, il résulte du plan d'aménagement et de développement durables, en particulier de l'orientation n°1 libellée " une politique d'aménagement raisonnée améliorant le fonctionnement urbain et favorisant la cohabitation entre les habitants et les activités agricoles ", que les auteurs du plan local d'urbanisme ont pour objectifs de fixer des limites à l'urbanisation pour renforcer la compacité de la commune, assurer le renouvellement du tissu urbain existant, notamment par le réemploi des logements vacants et la réhabilitation du bâti ancien, de prendre en compte les nuisances liées à l'activité agricole dans le choix du développement futur de la commune et enfin de modérer la consommation d'espaces agricoles et naturels. A cet effet, ils ont notamment décidé de favoriser le renouvellement urbain grâce au comblement des dents creuses et à la réhabilitation des bâtiments existants. Il ressort des pièces du dossier, notamment du plan de zonage, que les parcelles en litige sont situées au cœur du village, lequel est doté de tous les équipements. Par ailleurs, si le requérant fait valoir que ce classement compromet toute possibilité de développement de son activité, il ressort des pièces du dossier qu'il ne dispose d'aucun droit de propriété sur les parcelles en litige. De plus, en admettant même qu'il bénéficierait d'un droit d'occupation sur celles-ci, ce qui est contesté par les propriétaires qui l'ont assigné devant le juge judiciaire pour qu'il évacue les lieux, il ne conteste pas y avoir cessé l'activité d'élevage de bovins, transférée sur un autre site. Dans ces conditions, le classement en zone U de ces parcelles n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. 10. D'autre part, le GAEC se prévaut d'une rupture d'égalité dans la mesure où le classement en zone A a été maintenu pour une autre exploitation située dans le centre du village. Toutefois, il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités d'usage du sol sont différentes. Par suite, dès lors que le classement des parcelles cadastrées section B n° 59, 66, 719 et 816 ne repose pas, ainsi qu'il vient d'être dit au point 9, sur une appréciation manifestement erronée, le GAEC du Waldmeister n'est pas fondé à soutenir que le classement de ces parcelles en zone U méconnaît le principe d'égalité devant la loi. 11. En quatrième lieu, le GAEC du Waldmeister fait valoir que le classement en zone U de la parcelle cadastrée section B n° 1025, limitrophe de ses propres parcelles sur lesquelles sont implantées notamment des structures d'ensilage, est de nature à créer un risque pour la sécurité des tiers. Toutefois, s'il est vrai que les auteurs du plan local d'urbanisme ont prévu dans le projet d'aménagement et de développement durables de tenir compte des nuisances liées à l'activité agricole dans le choix du développement de la commune, la seule présence de silos n'est pas de nature à caractériser un risque réel et sérieux pour la sécurité des tiers. Par suite, en classant cette parcelle en zone U, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas méconnu les objectifs du projet d'aménagement et de développement durable, ni commis une erreur manifeste d'appréciation. 12. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 151-20 du code de l'urbanisme : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation. (...) ". 13. Il ressort des pièces du dossier que les auteurs du plan local d'urbanisme ont décidé d'ouvrir à l'urbanisation à court terme un secteur IAU et à plus long terme un secteur IIAU délimité par les parcelles cadastrées section B n° 980, 866, 863 ,860, 857, 854 et section 5 n° 1,2,3. Si le projet d'aménagement et de développement durables prévoit de combler les dents creuses et de réhabiliter l'existant, le classement de ces parcelles en zone IIAU correspond à l'un des objectifs de l'orientation n°1 visant à permettre une augmentation modérée de la population tout en limitant les secteurs d'extension de l'urbanisation et en échelonnant leur ouverture dans le temps. Il satisfait, par ailleurs, aux objectifs visant à renforcer la compacité de la commune et à prendre en compte les nuisances liées à l'activité agricole dans le choix du développement futur de la commune dès lors qu'il se situe dans les limites que les auteurs du PLU ont entendu fixer à l'urbanisation compte tenu des contraintes agricoles et naturelles. Le classement en zone IIAU des parcelles en litige n'est pas, contrairement à ce que soutient le GAEC du Waldmeister, contraire à l'orientation visant à développer l'urbanisation, programmée à court terme, le long d'habitations en secteur IAU. Enfin, la desserte de ces parcelles par un chemin d'exploitation ne s'oppose à pas à un tel classement en zone d'urbanisation future. Par suite, eu égard au parti d'aménagement ainsi retenu, en procédant au classement en zone IIAU des parcelles en litige, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation, même si un tel classement est susceptible de restreindre le développement de l'exploitation du GAEC du Waldmeister à proximité de ce secteur. 14. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". 15. Le GAEC du Waldmeister soutient que le classement en zone Ab d'une partie de ses parcelles cadastrées section 5 n° 99 et 100 et, en zone Ac, des parcelles cadastrées section 5 n° 4 et 5 situées au sud de sa propriété, s'oppose au développement de son exploitation. Toutefois, le classement d'une partie de ses parcelles en zone Ab, ayant vocation à faire tampon avec la zone urbaine et qui n'interdit que les constructions destinées à l'élevage, répond à l'objectif du projet d'aménagement et de développement durables visant à tenir compte des nuisances liées aux exploitations agricoles. Quant au classement en zone Ac des parcelles situées au sud de son exploitation, en raison de leur potentiel agronomique, que le GAEC ne conteste pas, il satisfait à l'objectif de l'orientation n° 6 consistant à " développer une offre économique adaptée à l'échelle de la commune " en vue de la préservation des terres agricoles de qualité. Par suite, le moyen tiré de ce que le classement des parcelles litigieuses en zone Ab et Ac serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté. 16. En dernier lieu, en se bornant à soutenir que le classement en zone Ab et Ac des parcelles cadastrées section 5 n° 99, 100, 4 et 5 a pour but d'empêcher le développement de son exploitation, le requérant n'établit pas les détournements de procédure et de pouvoir allégués alors que, ainsi qu'il a été dit au point 15, ce classement n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. 17. Il résulte de tout ce qui précède que le GAEC du Waldmeister n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Sur les frais de l'instance : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Witternheim, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande le GAEC du Waldmeister au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du GAEC du Waldmeister une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Witternheim non compris dans les dépens. 19. M. F... A... et autres, intervenants en défense, n'étant pas des parties à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation du GAEC du Waldmeister à leur payer la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : L'intervention de M. F... A..., M. E... A..., M. C... A..., M. D... A..., M. B... A... et Mme G... A... est admise. Article 2 : La requête du GAEC du Waldmeister est rejetée. Article 3 : Le GAEC du Waldmeister versera à la commune de Witternheim la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions des intervenants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié sera notifié au GAEC du Waldmeister, à la commune de Witternheim et à M. F... A... en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Barteaux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : S. BARTEAUXLe président, Signé : Ch. WURTZLe greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 20NC03655 2
CETATEXT000048439244
J5_L_2023_11_00022NC00859
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/92/CETATEXT000048439244.xml
Texte
CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC00859, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de NANCY
22NC00859
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. WALLERICH
SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES
M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Mme ANTONIAZZI
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... C..., M. D... H..., Mme G... F... épouse H..., M. I... B..., M. K... A... et l'association Sauvegarde Faune Sauvage ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le maire de Battenheim a délivré à la société foncière Hugues Aurèle un permis d'aménager et le rejet de leur recours gracieux. Par un jugement n° 2103083 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 4 avril 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 2 novembre 2022, M. E... C..., M. I... B... et l'association Sauvegarde Faune Savage, représentés par Me Stackler, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 février 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 du maire de Battenheim portant permis d'aménager délivré à la société foncière Hugues Aurèle et le rejet de leur recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Battenheim une somme de 3 000 euros au titre des frais d'appel et de 1 000 euros au titre des frais de première instance sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'arrêté du 3 décembre 2020 n'aurait pas pu être autorisé par le maire de Battenheim si le plan local d'urbanisme n'avait pas été révisé le 17 décembre 2018 au mépris des enjeux de biodiversité sur la zone affectée et des intérêts de la généralité des habitants de la commune alors que cette délibération a permis au maire de Battenheim de s'affranchir de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ; - c'est au terme d'une erreur manifeste d'appréciation que par une délibération du 17 décembre 2019 le conseil municipal de Battenheim a classé en zone constructible les parcelles d'assiette du projet autorisé par l'arrêté contesté ; - la révision du plan local d'urbanisme approuvée par une délibération du conseil municipal du 17 décembre 2019 est entachée d'illégalité ; - l'arrêté du 3 décembre 2020 est entaché de détournement de pouvoir et de prise illégale d'intérêt. Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2022, la société Foncière Hugues Aurèle, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros hors taxe soit mise à la charge des appelants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que l'intervention de l'association Sauvegarde Faune Sauvage en première instance est irrecevable en raison de la méconnaissance de l'article R. 631-2 du code de justice administrative et que les moyens soulevés par M. C... et autres ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2022, la commune de Battenheim, représentée par Me Soler-Couteaux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des appelants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que l'intervention de l'association Sauvegarde Faune Sauvage en première instance est irrecevable en raison de la méconnaissance de l'article R. 631-2 du code de justice administrative et que les moyens soulevés par M. C... et autres ne sont pas fondés. Un mémoire complémentaire présenté le 9 mai 2023 pour M. C... et autres a été reçu et non communiqué. Un mémoire complémentaire présenté le 10 mai 2023 pour la commune de Battenheim a été reçu et non communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Vilchez, pour la commune de Battenheim et la société foncière Hugues Aurèle. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 3 décembre 2020, le maire de Battentheim a délivré un permis d'aménager à la société Foncière Hugues Aurèle portant sur un maximum de trente lots et une surface de plancher de 9 000 mètres carrés sur une unité foncière située rue des Prés et rue des Pommiers. M. D... H..., Mme G... F... épouse H..., M. E... C..., M. I... B..., M. K... A... et l'association Sauvegarde Faune Sauvage ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cet arrêté ensemble la décision rejetant leur recours gracieux. Par un jugement n° 2103083 dont M. E... C..., M. I... B... et l'association Sauvegarde Faune Sauvage (ci-après " M. C... et autres ") interjettent appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur recours. 2. En premier lieu, aux termes de l'alinéa premier de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ". Il est constant qu'en première instance les requérants se sont prévalus d'un moyen intitulé " sur le volet paysager " et indiquent à ce sujet que le terrain d'assiette du projet comprend de nombreux arbres centenaires qui caractérisent un écosystème faune/flore, que de nombreuses espèces protégées y nichent, que la préservation des prairies existantes est essentielle ce qui a été mis en exergue dans l'analyse environnementale du plan local d'urbanisme qui a également souligné la nécessité de lutter contre l'étalement urbain. Ils ont également fait valoir que les terrains longent le canal du Quatelbach et que compte-tenu du schéma de cohérence territoriale, du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et de la réglementation sur l'eau, le déclassement de terrains en zone AU est illégal alors que la zone permet également le rechargement des nappes phréatiques. Ils ont également précisé qu'il leur a été indiqué que les paysages environnants des biens qu'ils ont acquis resteraient inchangés, ce qu'ils ont cru au regard des enjeux environnementaux affectant ce secteur dit L... ". Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont écarté ce moyen en raison de son caractère insuffisamment détaillé, notamment en ce que les requérants n'ont pas précisé quelles normes visées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme auraient été méconnues. Les requérants n'apportent pas davantage en appel les précisons permettant à la cour d'apprécier le bien-fondé de leur moyen. De surcroît, M. C... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le maire a examiné la demande de permis d'aménager à l'aune des dispositions du plan local d'urbanisme en vigueur au jour de la décision. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme : " Sous réserve de l'application des articles L. 600-12-1 et L. 442-14, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur. " Il ressort des pièces du dossier que M. C... et autres n'établissent ni même n'allèguent que l'arrêté du 3 décembre 2020 méconnaît les dispositions d'urbanisme remises en vigueur en raison de l'illégalité du plan local d'urbanisme révisé le 17 décembre 2019 dont ils se prévalent. Par suite, ce moyen, qui n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit être écarté. 4. En troisième lieu, si M.C... et autres soutiennent que l'arrêté du 3 décembre 2020 vise à protéger les intérêts de conseillers municipaux qui sont notamment propriétaires de parcelles concernées par l'arrêté attaqué, cette circonstance est insuffisante pour établir que ces élus auraient un intérêt distinct de celui de la commune et de la généralité de ses habitants. De surcroît, M. C... et autres n'établissent pas que le maire de Battenheim, en prenant l'arrêté attaqué, ait été uniquement motivé par des considérations relatives aux finances de la commune. 5. En quatrième et dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 432-12 du code pénal dans sa version en vigueur le 3 décembre 2020 : " Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction ". 6. Il n'appartient pas au juge administratif, saisi dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, de se prononcer sur la qualification pénale d'actes aux fins de censurer une décision administrative. Il suit de là que M. C... et autres ne peuvent utilement soutenir que la délibération attaquée serait entachée de prise illégale d'intérêt. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les élus concernés auraient exercé une influence particulière afin que la délibération prenne en compte leur intérêt personnel. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2020 du maire de Battenheim portant permis d'aménager délivré à la société foncière Hugues Aurèle et le rejet de leur recours gracieux. Par voie de conséquence les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant en première instance qu'en appel doivent être rejetées. 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... et autres d'une part la somme de 750 euros au titre des frais exposés par la commune de Battenheim et non compris dans les dépens et d'autre part la somme de 750 euros au titre des frais exposés par la société foncière Hugues Aurèle. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... et autres est rejetée. Article 2 : M. E... C..., M. I... B... et l'association Sauvegarde Faune Sauvage verseront à la commune de Battenheim la somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : M. E... C..., M. I... B... et l'association Sauvegarde Faune Sauvage verseront à la société foncière Hugues Aurèle la somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à M. I... B..., à l'association Sauvegarde Faune Sauvage, à la commune de Battenheim et à la société foncière Hugues Aurèle. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC00859
CETATEXT000048439245
J5_L_2023_11_00022NC01954
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/92/CETATEXT000048439245.xml
Texte
CAA de NANCY, 3ème chambre, 14/11/2023, 22NC01954, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de NANCY
22NC01954
3ème chambre
excès de pouvoir
C
M. WURTZ
BOUKARA
M. Stéphane BARTEAUX
M. MARCHAL
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 11 septembre 2019 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour dont elle était titulaire, ensemble la décision du 21 janvier 2020 rejetant son recours gracieux contre ces décisions du 11 septembre 2019. Par un jugement n° 2002008 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juillet 2022 et le 25 octobre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Boukara, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mai 2022 ; 2°) d'annuler les décisions du préfet du Haut-Rhin du 11 septembre 2019 ; 3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence d'Algérien de dix ans, subsidiairement un certificat de résidence d'Algérien portant la mention " vie privée et familiale " et, très subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêté à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, et dans cette attente, de lui délivrer sous quinze jours une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 2 400 euros et de 1 800 euros respectivement au titre de l'instance d'appel et de la première instance à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence d'Algérien : - la procédure est irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ; - la décision de refus de certificat de résidence d'Algérien est insuffisamment motivée concernant sa non-admission à titre exceptionnel en France ; - la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnue dès lors que le préfet ne l'a pas mise en mesure de présenter des observations avant le rejet d'une demande de titre de séjour, examinée d'office, sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ou d'une autorisation provisoire de séjour ; - elle méconnaît l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien ; - elle méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît l'article 20 du traité de fonctionnement de l'Union européenne et l'article 7.2 de la directive 2044/38/CE du 29 avril 2004 en créant une discrimination à rebours ; - le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour à titre exceptionnel ; En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement d'une autorisation provisoire de séjour : - elle est entachée d'un défaut de base légale ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle est entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure. Par un mémoire, enregistré le 10 octobre 2022, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante algérienne, est entrée en France en 2016 sous couvert d'un passeport muni d'un visa de court séjour. Elle a sollicité, le 21 novembre 2017, la délivrance d'un certificat de résidence d'Algérien sur le fondement des articles 6-5 et 7 bis b) de l'accord franco-algérien. Par une lettre du 30 janvier 2018, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui accorder le titre de séjour sollicité mais lui a délivré une autorisation provisoire de séjour valable six mois régulièrement renouvelée jusqu'au 21 septembre 2019 à condition que ses enfants assument intégralement sa prise en charge. Le 16 juillet 2019, l'intéressée a demandé le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour et sollicité la délivrance d'un certificat de résidence d'Algérien. Par un courrier du 11 septembre 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et de renouveler l'autorisation provisoire de séjour. La requérante a présenté contre ces décisions un recours gracieux qui a été rejeté par une décision du 21 janvier 2020. Mme B... fait appel du jugement du 31 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 11 septembre 2019 refusant de lui délivrer un certificat de résidence algérien et une autorisation provisoire de séjour, ainsi que de la décision du 21 janvier 2020 rejetant son recours gracieux. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence : 2. En premier lieu, d'une part, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet a mentionné les considérations de droit et de fait pour lesquelles il a refusé de délivrer un certificat de résidence algérien à Mme B... sur le fondement des articles 6-5 et 7 bis b) de l'accord franco-algérien. D'autre part, la requérante ne peut utilement soutenir que la décision prise sur son recours gracieux n'est pas motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions contestées doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". 4. Si, dans le cadre de l'examen de la demande présentée par Mme B... tendant à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le préfet a examiné d'office s'il n'y avait pas lieu de lui délivrer un titre de séjour sur un autre fondement de cet accord, cette circonstance n'impliquait pas qu'au préalable, le préfet recueille ses observations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 précitées doit être écarté. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) / b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ; (...) ". 6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin a délivré à Mme B... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à séjourner en France à compter du 8 février 2018, renouvelée jusqu'au 21 septembre 2019. Elle doit ainsi être regardée comme séjournant régulièrement sur le territoire français à la date de sa demande de titre de séjour. S'il ressort des pièces du dossier, notamment d'un avis d'imposition pour l'année 2019, que l'une des filles de l'intéressée a subvenu à ses besoins au titre de l'année 2018 à concurrence de 3 200 euros et l'héberge, cette circonstance ne suffit pas à établir que Mme B..., qui se borne à produire son propre avis d'imposition français pour cette seule année, était prise en charge par ses enfants à la date de la décision en litige. A cet égard, les avis d'imposition pour l'année 2020 de deux de ses enfants, de nationalité française, sur lesquels figurent la déduction d'une pension alimentaire ne permet pas d'établir, même s'ils disposent de revenus suffisants, que celle-ci était destinée à couvrir les besoins de la requérante qu'elle ne pouvait assumer seule. D'ailleurs, l'avis d'imposition pour l'année 2019 du fils de la requérante mentionne la déduction d'une pension alimentaire d'un montant de 3 600 euros qui n'apparaît pas dans la déclaration de Mme B.... Enfin, la requérante, qui a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 85 ans avant d'entrer en France, n'établit pas être dépourvue de ressources propres suffisantes, notamment de pension. Les virements ponctuels en 2010, 2014 et 2016 effectués par sa fille et son fils sur un compte en Algérie ne suffisent pas, en l'absence d'éléments permettant d'identifier leur destinataire, à établir que ses enfants subvenaient déjà à ses besoins en raison de l'insuffisance de ses propres ressources. Par suite, en estimant que Mme B... ne pouvait être regardée comme étant à la charge de ses enfants résidant en France et en refusant pour ce motif de lui délivrer un certificat de résidence, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées. 7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. Mme B... fait valoir qu'elle est présente depuis trois ans en France où vivent notamment ses quatre enfants, de nationalité française, ainsi que ses petits-enfants. Toutefois, l'intéressée a vécu jusqu'à l'âge de 85 ans en Algérie où résident ses autres enfants. Par suite, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de Mme B..., la décision attaquée n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet du Haut-Rhin n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations de l'article 6 précité de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 9. En cinquième lieu, Mme B... fait valoir qu'un droit au séjour est reconnu aux membres de la famille d'un ressortissant communautaire, dont les ascendants directs à charge, et que le refus qui lui est opposé méconnait en conséquence les dispositions de l'article 20 TFUE et de l'article 7.2 de la directive 2044/38 du 29 avril 2004. 10. Toutefois, d'une part, la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, a été intégralement et régulièrement transposée dans l'ordre juridique français. Dans ces conditions, Mme B... ne peut utilement invoquer directement les dispositions de cette directive pour contester la légalité de la décision en litige. Au surplus, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (Shirley McCarthy, 5 mai 2011, aff. C-434/09) que les dispositions de la directive du 29 avril 2004 ne s'appliquent qu'aux citoyens de l'Union qui se rendent ou séjournent dans un Etat membre autre que celui dont ils ont la nationalité. La requérante ne peut donc pas utilement s'en prévaloir, dès lors qu'elle n'est pas ressortissante d'un Etat membre et que ses enfants ont, de surcroît, la nationalité française. 11. D'autre part, si dans l'arrêt du 9 mars 2011, Zambrano, aff. C-34/09, la Cour de justice de l'Union européenne a admis un droit au séjour à un ressortissant d'un Etat tiers membre de la famille d'un mineur, citoyen de l'Union européenne, qui ne s'était pas déplacé dans un Etat membre autre que celui dont il avait la nationalité, c'est afin de ne pas priver ce dernier de la jouissance des droits attachés à sa qualité de citoyen de l'Union européenne que lui confère l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment celui de séjourner dans l'Etat dont il a la nationalité. Le refus d'autoriser la requérante à séjourner en France, en l'espèce, n'a pas pour effet de porter atteinte aux droits de citoyens européens dont jouissent ses enfants majeurs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 7 paragraphe 2 de la directive du 29 avril 2004 doit être écarté. 12. En dernier lieu, eu égard aux circonstances analysées aux points 6 et 8, le préfet du Haut-Rhin n'a pas, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation. Le moyen doit, par suite, être écarté. En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'une autorisation provisoire de séjour : 13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'alors même que Mme B... ne remplissait pas les conditions pour obtenir la délivrance d'un certificat de résidence algérien, le préfet, dans le cadre du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'une mesure de régularisation, a décidé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à la condition que ses enfants assument intégralement sa prise en charge et qu'elle ne devienne pas, ainsi, une charge pour les finances publiques. Il est constant que le département du Haut-Rhin a été saisi d'une demande de versement de l'allocation personnalisée d'autonomie pour Mme B.... Si la requérante conteste être à l'origine de cette demande, elle ne l'établit pas. Si le département du Haut-Rhin s'est rapproché des services de la préfecture pour connaître la situation de l'intéressée au regard de la régularité de son séjour, à laquelle est conditionnée l'attribution de l'allocation en vertu de l'article L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Ainsi, en refusant de renouveler cette autorisation provisoire de séjour au motif que la requérante avait sollicité l'allocation personnalisée d'autonomie et quand bien même cette aide n'a pas été perçue, le préfet du Haut-Rhin, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation, n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de la requérante. 14. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, en prenant la décision en litige de refus de renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour, laquelle, au demeurant, ainsi qu'il a été exposé précédemment, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, entaché cette décision d'un détournement de pouvoir ou de procédure. 15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, la requête de l'intéressée doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'édiction d'une injonction sous astreinte et celles présentées tant au titre de la première instance que de l'instance d'appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Barteaux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : S. BARTEAUX Le président, Signé : Ch. WURTZLe greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier : F. LORRAIN N° 22NC01954 2
CETATEXT000048439246
J5_L_2023_11_00022NC02313
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC02313, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de NANCY
22NC02313
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. WALLERICH
DRAVIGNY
M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Mme ANTONIAZZI
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 6 août 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2101619 du 30 août 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ce recours. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 8 septembre 2022, M. D... B..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 août 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 6 août 2021 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; 3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler durant l'instruction ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler durant l'instruction ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : s'agissant de la régularité du jugement : - les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence d'examen global de sa situation au regard des critères posés par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. s'agissant du refus de titre de séjour : - l'arrêté du 6 août 2021 est entaché d'une erreur dès lors que les documents d'état civil qu'il a remis ne sont ni frauduleux ni irrégulier ; - l'arrêté du 6 août 2021 méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre ses seize et dix-huit ans et qu'il remplit les conditions posées par ces dispositions ; - l'arrêté du 6 août 2021 est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet du Doubs n'a pas sollicité de sa part l'avis de sa structure d'accueil mais qu'il l'a obtenu directement auprès des services compétents et ne l'a pas communiqué à l'intéressé ; - le préfet du Doubs a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle dès lors qu'il vit en France depuis plus de trois ans, a obtenu des diplômes, ses enseignants ne tarissent pas d'éloge et qu'il a tissé des liens forts avec des personnes résidant en France. s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français : - l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour. s'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire : - la décision fixant le délai de départ volontaire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français. s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi : - la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 26 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. D... B..., ressortissant guinéen affirmant être né le 24 mars 2001, déclare être entré en France le 5 juin 2018. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance du département de la Côte-d'Or en raison de sa minorité par un jugement en assistance éducative du 5 juin 2018. Il a été pris en charge par le département du Doubs du 5 juin 2018 au 3 avril 2019. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 17 février 2020. Le préfet du Doubs, par un arrêté du 6 août 2021, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 30 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 août 2021. Sur la légalité de l'arrêté du 6 août 2021 : 2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". 3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article des dispositions susmentionnées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, le préfet ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. 4. L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article R. 431-10 du même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". 5. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B..., le préfet du Doubs s'est, d'une part, fondé sur la circonstance que les documents produits pour établir son état civil étaient dépourvus de valeur probante dès lors que l'expertise documentaire avait relevé des anomalies et que l'intéressé ne justifiait ainsi ni de son identité ni de sa nationalité. Le préfet a, d'autre part, relevé que la structure d'accueil de l'intéressé n'avait pas produit d'avis concernant l'intéressé et que M. B... n'était pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays. 6. Pour établir son identité et en particulier sa date de naissance, M. B... produit un jugement supplétif du 16 novembre 2017 délivré par le tribunal de première instance de Kaloum ainsi qu'un extrait du registre de l'état-civil de la commune de Kaloum du 17 novembre 2017, légalisés respectivement le 7 mai 2021 et le 30 juin 2021 par M. A... C..., ambassadeur de Guinée en France. M. B... produit également une carte d'identité consulaire délivré le 19 avril 2021. Il ressort également des pièces du dossier que par un jugement du 5 juin 2018, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Dijon a confié M. B... auprès de l'aide sociale à l'enfance du département de Côte d'Or jusqu'au 24 mars 2019 date de sa majorité. M. B... est dès lors fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à en solliciter l'annulation. 7. L'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour emporte nécessairement l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. L'exécution du présent arrêt implique uniquement que le préfet procède au réexamen de de la demande de titre de séjour de M. B... au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, notamment du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. Si l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'étranger confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et justifiant suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu permettre l'attribution à titre exceptionnel de ces cartes de séjour aux étrangers qui en formulent la demande dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire. 10. Dès lors qu'il est constant que M. B... a sollicité la délivrance d'une carte de séjour sur ce fondement dans l'année qui a suivi son dix-huitième anniversaire, la circonstance qu'il est aujourd'hui âgé de plus de dix-huit ans ne saurait faire obstacle à ce que le préfet réexamine sa situation au regard de cet article, ni, le cas échéant, à ce qu'il lui délivre une carte de séjour sur ce fondement au terme de l'appréciation globale de sa situation, telle que mentionnée au point 2 ci-dessus. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à M. B... un récépissé de demande de titre de séjour, lequel l'autorisera en l'espèce à travailler, conformément à l'article R. 431-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur les frais d'instance : 11. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dravigny, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dravigny la somme de 1 500 euros, comme il est demandé. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2101619 du 30 août 2022 du tribunal administratif de Besançon est annulé. Article 2 : L'arrêté du 6 août 2021 du préfet du Doubs est annulé. Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt au réexamen de la demande de titre de séjour de M. B... au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon les modalités précisées au point 10 du présent arrêt et de délivrer à M. B... un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler pendant le temps de ce réexamen. Article 4 : L'Etat versera à Me Dravigny la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dravigny renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Doubs. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC02313
CETATEXT000048439247
J5_L_2023_11_00022NC03194
CETAT
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Texte
CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/11/2023, 22NC03194, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de NANCY
22NC03194
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. WALLERICH
AIRIAU
M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Mme ANTONIAZZI
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête n° 2205301, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement. Par une requête n° 2205302, Mme E... née D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement. Par un jugement n°s 2205301, 2205302 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces recours. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 19 décembre 2022, M. B... C... et Mme E... née D..., représentés par Me Airiau, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 novembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; 3°) d'annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer à Mme C... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; 4°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai ; 5°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle. Ils soutiennent que : s'agissant des refus de titre de séjour : - le préfet du Haut-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation ; - ces décisions méconnaissent les articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions sur leurs situations personnelles ; s'agissant des obligations de quitter le territoire français : - elles sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité affectant les refus de titre de séjour ; - elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions sur leurs situations personnelles ; s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi : - elles sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité affectant les refus de titre de séjour et les obligations de quitter le territoire français. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 1er mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 mars 2023. M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 17 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - le code du travail ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... C... et Mme E... née D..., ressortissants kosovares nés le 14 mai 1970 et le 5 octobre 1974, sont entrés en France selon leurs dires le 24 septembre 2018 avec leur fils, M. A... C.... L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 28 décembre 2018 leur demande d'admission au statut de réfugié. Le 29 décembre 2019 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. Le 15 juin 2020, Mme C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par trois arrêtés du 2 décembre 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement n°s 210126, 2101262, 2101263 du 10 avril 2021, que la cour a confirmé le 24 juin 2022 par un arrêt n° 21NC03223, 21NC03224, 21NC03225, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Le 5 mai 2022, M. C... et Mme C... ont sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 21 juillet 2022, le préfet du Haut-Rhin leur a refusé, chacun en ce qui le concerne, la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. C... et Mme C... relèvent appel du jugement du 16 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 21 juillet 2022. Sur la légalité des refus de titre de séjour : 2. En premier lieu, M. C... soutient que le préfet du Haut-Rhin n'a pas procédé à un examen préalable et circonstancié de sa situation, au motif que celui-ci n'aurait pas pris en compte ses qualifications professionnelles, son expérience, ses diplômes ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il serait candidat. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté que le préfet a pris en considération la durée de son séjour en France, la scolarité de son fils A... et la circonstance que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays. Dès lors, contrairement à ce que soutient M. C..., le moyen tiré de l'absence d'examen particulier ne peut qu'être écarté. 3. En deuxième lieu, l'autorité préfectorale a pris en compte ces mêmes éléments ainsi que la circonstance que Mme C... n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement de son état de santé. Dès lors, contrairement à ce que soutient Mme C..., le moyen tiré de l'absence d'examen particulier ne peut qu'être écarté. 4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du premier aliéna de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-23 du même code : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". 5. M. C... et Mme C... soutiennent être présents en France depuis bientôt quatre ans au jour de la décision attaquée, que leur fils A... a obtenu son baccalauréat en juin 2022 et qu'il entend intégrer une licence de " Langues étrangères appliquées " à l'université de Mulhouse en septembre 2022, que M. C... détient une promesse d'embauche, que Mme C... souffre d'une grave pathologie ophtalmique qu'elle ne peut soigner dans son pays, qu'ils parlent français et ont consenti à d'importants efforts d'intégration. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C... et Mme C... ne pouvaient ignorer la précarité de leur situation sur le territoire national, que la durée de leur séjour, au demeurant de moins de quatre ans trouve essentiellement son origine dans leur refus répété d'exécuter les décisions d'éloignement prises à leur égard, que leur fils désormais majeur a terminé un cycle de formation avec l'obtention d'un baccalauréat et qu'il n'est pas établi que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour des intéressés en France, les arrêtés litigieux du 21 juillet 2022 n'ont pas porté au droit de M. C... et Mme C... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris. Ainsi, le préfet du Haut-Rhin n'a ni méconnu les stipulations et dispositions précitées, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle des intéressés. Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français : 6. Il résulte en premier lieu de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté. 7. En deuxième lieu, les arrêtés du 21 juillet 2022 énoncent les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des diverses décisions qu'ils comportent et satisfont dès lors à l'obligation de motivation. 8. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet du Haut-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de M. C... et Mme C... doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 ci-dessus. Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination : 9. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, les décisions fixant le pays de destination n'ont pas été prises sur le fondement de décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français illégales. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... et Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme E... née D... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Barrois, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : J.-B. SibileauLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 22NC03194
CETATEXT000048439252
J6_L_2023_11_00021MA02933
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/92/CETATEXT000048439252.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 21MA02933, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
21MA02933
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
CHASSANY
M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2016 par lequel le maire de La Cadière-d'Azur a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réalisation d'un groupe d'habitations et d'une maison individuelle sur les parcelles cadastrées section AC n° 181, 182 et 183, sises chemin des Aires de Sainte Madeleine sur le territoire de la commune, ensemble la décision du 27 février 2017 portant rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1701315 du 27 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté et la décision rejetant le recours gracieux de M. C... et a enjoint au maire de la commune de La Cadière-d'Azur de délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par une ordonnance n° 20MA01936 du 8 juillet 2020, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée par la commune de La Cadière-d'Azur, enregistrée le 27 mai 2020, à l'encontre de ce jugement. Par une décision n° 441684 du 31 mars 2021, le Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête de la commune de La Cadière-d'Azur à la cour administrative d'appel de Marseille. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 27 mai 2020, et des mémoires enregistrés le 28 avril 2023 et le 9 juin 2023, la commune de La Cadière-d'Azur, représentée par Me Chassany, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 mars 2020 ; 2°) de rejeter la requête de M. C... ; 3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé et méconnaît les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ; - le projet de M. C... méconnaît l'article UB3.2 du plan d'occupation des sols de la commune dès lors qu'il est d'une largeur de 3,53 mètres, alors que cet article impose que les voies privées de desserte des terrains ne peuvent avoir une largeur inférieure à 4 mètres ; - ce projet méconnaît l'article 3.1 du plan de prévention des risques naturels d'incendies de forêt de la commune qui prescrit qu'une construction ne doit pas se trouver éloignée de plus de 200 mètres d'un point d'eau normalisée, cette distance devant être mesurée en projection horizontale selon l'axe des circulations accessibles aux engins d'incendie, et elle pouvait refuser le permis de construire sollicité par M. C... sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 mars 2023 et le 31 mai 2023, M. A... C..., représenté par Me Lopasso, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de La Cadière-d'Azur de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Claudé-Mougel, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Gandoulphe représentant la commune de La Cadière-d'Azur et celles de Me Lopasso, représentant M. C.... Une note en délibéré présentée pour M. C... a été enregistrée le 27 octobre 2023 et n'a pas été communiquée. Une note en délibéré présentée pour la commune de La Cadière-d'Azur a été enregistrée le 6 novembre 2023 et n'a pas été communiquée. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 26 octobre 2016, le maire de La Cadière-d'Azur a refusé de délivrer à M. C... un permis de construire en vue de la réalisation d'un groupe d'habitations composé de 4 logements et d'une maison individuelle sur les parcelles cadastrées section AC n° 181, 182 et 183, sises chemin des Aires de Sainte Madeleine sur le territoire de la commune. La commune de La Cadière-D'Azur relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 mars 2020 qui a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. C... le permis de construire sollicité. Sur le bien-fondé du jugement : 2. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme en retenant un ou plusieurs moyens, de se prononcer expressément sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, afin d'apprécier si ce moyen ou l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. 3. En premier lieu, le point 2 de l'article UB 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de La Cadière-d'Azur relatif à l'accès et à la voirie prévoit que " Les terrains doivent être desservis par des voies publiques ou privées, répondant à l'importance et à la destination de la construction ou de l'ensemble des constructions qui y sont édifiées. / Aucune voie privée ne doit avoir une largeur inférieure à 4 mètres (...) ", cependant que le point 1 de ce même article dispose, dans son premier alinéa, que " Pour être constructible, un terrain doit comporter un accès à une voirie publique ou privée, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisin ou éventuellement obtenu par application de l'article 682 du code civil. " et, dans son deuxième alinéa que " les caractéristiques des accès doivent permettre de satisfaire aux règles minimales de desserte : défense contre l'incendie, protection civile, brancardage, etc. " 4. Il résulte de ces dispositions que la largeur minimale de 4 mètres qu'elles prescrivent ne s'applique qu'aux voies de desserte privées aux terrains. Le maire de la commune de La Cadière-d'Azur ne pouvait, par suite, se fonder sur la circonstance que le portail situé à l'entrée du 26 chemin des Aires de Sainte Madeleine, au sud de la parcelle cadastrée section AC n° 181, était d'une largeur inférieure à cette largeur minimale pour refuser le permis de construire sollicité par M. C..., dès lors qu'il constitue un accès entre cette parcelle, auquel cette prescription n'est pas applicable, et le chemin des Aires de Sainte Madeleine, et qu'il est par ailleurs établi par le procès-verbal du 9 décembre 2016 dressé par un huissier mandaté par M. C... que ce chemin présente une largeur de 5, 10 mètres. 5. En deuxième lieu, aux termes du a) du 2.1. du 2 de l'article UB 4 du règlement du POS de la commune de La Cadière-d'Azur relatif aux eaux usées : " Toute construction ou installation nouvelle à usage d'habitat ou abritant des activités, doit être raccordée obligatoirement par des canalisations souterraines au réseau collectif d'assainissement pour l'évacuation des eaux résiduaires, usées et vannes. ". L'article UB 5 du même code dispose : " Les collectifs ne sont autorisés que s'ils sont raccordés au réseau public d'assainissement ". Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est raccordé au réseau public d'assainissement. Si la commune se prévaut de l'avis de la société Véolia qui fait état d'un sous-dimensionnement de ce réseau, elle n'apporte pas de précisions de nature à justifier une impossibilité de desservir le terrain en cause. C'est donc à tort que le maire de La Cadière s'est fondé sur les dispositions des articles UB 4 et UB5 du règlement du plan local d'urbanisme pour refuser le permis de construire. 6. En troisième lieu, en revanche, d'une part, le dernier alinéa de l'article 3.1 relatif aux points d'eau normalisés du plan de prévention des risques naturels d'incendies de forêt de la commune de La Cadière-d'Azur approuvé par arrêté du préfet du Var du 14 avril 2014, prévoit que " Toute construction ne devra pas se trouver éloignée de plus de 200 mètres d'un point d'eau normalisé. Ces distances sont mesurées en projection horizontale selon l'axe des circulations effectivement accessibles aux engins d'incendie. Cette disposition est obligatoire lors de la création d'un nouveau réseau protégeant de nouvelles constructions. Pour améliorer la défense des quartiers existants, elle devra être appliquée dans la mesure du possible en fonction notamment de l'emplacement des réseaux existants. " D'autre part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " Les risques d'atteinte à la sécurité publique qui, en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, justifient le refus d'un permis de construire ou son octroi sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. 7. Il ressort des pièces du dossier que le projet de construction objet de l'arrêté litigieux consiste en la construction de quatre logements sur la parcelle cadastrée section AC n° 181, en conservant la maison individuelle de M. C... implantée sur la parcelle cadastrée section AC n° 182. Si celui-ci soutient, sur la base du procès-verbal d'huissier cité au point 4 du présent arrêt, qu'un point d'eau normalisé se trouve à 39 mètres de cette dernière parcelle, sur une voie nommée " les Pins de Bringuier ", cette distance n'a pas été mesurée selon l'axe des circulations effectivement accessibles aux engins d'incendie comme le prescrivent les dispositions du plan de prévention des risques naturels d'incendies de forêt de la commune citées au point 6, le terme d'engins désignant, contrairement à ce qu'il fait valoir, les véhicules de protection incendie, mais suivant un accès en restanque et un parcours entravé par des buissons, que ne peuvent clairement pas emprunter ces véhicules. En outre, cette distance a été mesurée jusqu'à la limite séparative de la parcelle cadastrée section AC n° 182, et non jusqu'à la construction qui y est implantée. Il n'est pas contesté que la distance entre cet hydrant et cette parcelle mesurée selon l'axe des circulations effectivement accessibles aux engins d'incendie, en suivant cette voie puis le chemin du stade, s'établit à 280 mètres. En outre, il n'est pas davantage contesté que la distance calculée conformément à ces dispositions entre ce même hydrant et la parcelle cadastrée section AC n° 181 où doivent s'édifier les constructions nouvelles objet de la demande de permis de M. C..., dont il n'est pas allégué qu'elle serait accessible depuis la parcelle cadastrée section AC n° 182, s'établit à 350 mètres. Par suite, si la situation de la parcelle cadastrée section AC n° 181 en zone de risque faible à modéré selon le plan de prévention des risques naturels d'incendies de forêt ne pouvait justifier de refuser le permis sollicité par M. C... sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le maire de la commune de La Cadière-d'Azur était fondé à opposer ce refus au seul motif de la méconnaissance des dispositions de l'article 3.1 du plan de prévention des risques naturels d'incendies de forêt de la commune, alors en outre que la parcelle cadastrée section AC n° 182 qui lui est contiguë se situe en zone de risque modéré à fort, un incendie étant susceptible de se propager de la seconde vers la première compte tenu de la végétation encadrant les habitations. 8. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a jugé que le motif tiré de la méconnaissance de l'article 3.1 relatif aux points d'eau normalisés du plan de prévention des risques naturels d'incendies de forêt de la commune de La Cadière-d'Azur ne justifiait pas le refus de permis de construire. 9. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. C.... 10. En premier lieu, l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme dispose que : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé (...), le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / b) Permis de construire (...) ". Aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. " L'article R. 423-19 de ce code prévoit que : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. " L'article R. 423-22 du même code précise que : " (...) le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. " Cet article R. 423-38 dispose que : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. " Aux termes de l'article R. 423-39 du même code : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; / c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. " Selon l'article R. 423-41 du même code : " Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R. 423-38 ou ne portant pas sur l'une des pièces énumérées par le présent code n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R. 423-23 à R. 423-37-1 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R. 423-42 à R. 423-49. " Selon l'article R. 423-6 dudit code : " Les notifications et courriers prévus par les sous-sections 1 et 2 ci-dessus sont adressés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, par échange électronique. " Enfin, aux termes de l'article R. 423-47 du code de l'urbanisme : " Lorsque les courriers sont adressés au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'intéressé est réputé en avoir reçu la notification à la date de la première présentation du courrier ". 11. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée par M. C... a été déposée le 19 juillet 2016 auprès des services de la commune de La Cadière-d'Azur. Le 9 août 2016, ces services ont sollicité de M. C... la communication de nouvelles pièces afin de compléter l'instruction de sa demande de permis de construire. M. C... ayant complété sa demande le 31 août 2016, aucun permis de construire tacite n'était intervenu lorsqu'il a accusé réception, le 16 novembre 2016, de l'arrêté attaqué du 26 octobre 2016. Il suit de là que cet arrêté ne saurait être regardé comme ayant retiré un permis de construire tacite. 12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que par arrêté du 10 avril 2014, M. B..., signataire de l'arrêté en litige, a reçu délégation du maire de La Cadière-d 'Azur pour signer les décisions en matière de permis de construire. Cet arrêté a été régulièrement affiché ainsi qu'il ressort du certificat produit au dossier, cet affichage constituant une publicité suffisante au regard des dispositions du code général des collectivités territoriales. Le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été signé par une autorité incompétente doit dès lors être écarté. 13.En dernier lieu, il résulte de l'instruction que le maire de La Cadière d'Azur aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions du plan de prévention des risques d'incendie de forêts de la commune. 14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la commune de La Cadière-d'Azur est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 26 octobre 2016 et la décision rejetant le recours gracieux de M. C.... Sur les frais liés au litige : 15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de La Cadière-d'Azur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune de La Cadière-d'Azur n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par l'intimé sur le fondement de ces mêmes dispositions doivent être rejetées. D É C I D E Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 mars 2020 est annulé. Article 2 : La demande de M. C... devant le tribunal administratif de Toulon et ses conclusions devant la Cour sont rejetées. Article 3 : M. C... versera la somme de 2 000 euros à la commune de La Cadière-d'Azur en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de M. C... fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Cadière-d'Azur et à M. A... C.... Copie en sera adressée au préfet du Var. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. D..., vice-président, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. 2 N° 21MA02933 nb
CETATEXT000048439256
J6_L_2023_11_00021MA03872
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 21MA03872, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
21MA03872
1ère chambre
C
M. PORTAIL
SELARL VALETTE-BERTHELSEN
M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le préfet du Var a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération n° 1734 adoptée par le conseil municipal de la commune de Fréjus du 4 juillet 2019 approuvant la révision n° 1 du plan local d'urbanisme en tant qu'elle a créé l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n° 11 concernant le hameau nouveau intégré à l'environnement Sainte Brigitte, qu'elle a procédé au classement en zone UE1 du secteur accueillant les parcs d'attraction " Aqualand " et " Luna Parc ", en zone UCb du secteur dit " C... ", en zone UCc du secteur de " Compassis Sud " et du quartier " Lecocq ", en zone Ubc et UCb du secteur de " Le A... ", en zone UCc du secteur du " Capitou Nord " et en zone UEa du secteur de Gargalon. Par un jugement n° 2000054, 2000069, 2000094 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette délibération en tant qu'elle a classé le secteur de Compassis sud en zone UCc, le secteur de Gargalon en zone UEa et le secteur de Capitou Nord en zone UCc, et a rejeté le surplus du déféré préfectoral. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2021, le préfet du Var demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juillet 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; 2°) d'annuler la délibération adoptée par le conseil municipal de la commune de Fréjus du 4 juillet 2019 en tant qu'elle a créé l'OAP n° 11 concernant le hameau nouveau intégré à l'environnement Sainte Brigitte, et qu'elle a classé en zone UE1 le secteur accueillant les parcs d'attraction " Aqualand " et " Luna Parc ", en zone UCb le secteur dit " C... ", en zone UCc le secteur du Quartier Lecocq, et en zones Ubc et UCb le secteur de " Le A... ". Il soutient que : - le hameau nouveau intégré à l'environnement (HNIE) Sainte Brigitte prévu dans l'OAP n° 11 méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme en ce que le domaine inclus dans ce site ne peut être qualifié comme tel, et l'opération qu'elle prévoit méconnaît les dispositions de l'article L. 151-11 du même code qui prévoit de protéger les espaces agricoles lors de l'élaboration des plans locaux d'urbanisme ; - le classement du secteur des parcs " Aqualand et Luna Park " en zone UEl méconnaît les dispositions de l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme en ce que ce secteur est situé en coupure d'urbanisation dans le schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération Var Estérel Méditerranée (CAVEM) ainsi que dans le plan de zonage du plan local d'urbanisme adopté par la délibération litigieuse ; - le classement en zone UCb du secteur des " Etangs de Villepey " est de nature à créer une extension de l'urbanisation et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; ce classement méconnaît en outre le classement de la majeure partie de ce secteur en zone rouge et bleue du plan de prévention des risques d'incendie de forêt applicable, qui rend ce secteur inconstructible ; - le classement en zone UCc du secteur " Lecoq " est de nature à créer une extension de l'urbanisation et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; - le classement en zones UBc, UCb et UI du secteur " Le A... " est de nature à créer une extension de l'urbanisation et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2021, la commune de Fréjus, représentée par Me Valette-Berthelsen, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Claudé-Mougel, - et les conclusions de M. Quenette, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par une délibération n° 1734 du 4 juillet 2019, le conseil municipal de Fréjus a approuvé la révision n° 1 de son plan local d'urbanisme. Saisi par un déféré du préfet du Var, le tribunal administratif de Toulon a, par son jugement attaqué du 13 juillet 2021, annulé cette délibération en tant qu'elle a classé le secteur de Compassis sud en zone UCc, le secteur de Gargalon en zone UEa et le secteur de Capitou Nord en zone UCc, et a rejeté le surplus du déféré préfectoral. Le préfet du Var relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de cette délibération en ce qu'elle a créé l'OAP n° 11 concernant le Hameau Nouveau Intégré à l'environnement Sainte Brigitte, et qu'elle a classé en zone UEl le secteur accueillant les parcs d'attraction " Aqualand " et " Luna Parc ", en zone UCb le secteur dit " C... ", en zone UCc le secteur du Quartier Lecocq, et en zones Ubc et UCb le secteur de " Le A... ". Sur le bien-fondé du jugement : 2. D'une part, aux termes des dispositions du premier aliéna de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme alors en vigueur, relatives à l'aménagement et la protection du littoral : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. " 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 131-1 de ce code : " Les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec : /1° Les dispositions particulières au littoral (...) ". Aux termes de l'article L. 131-4 du même code : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 (...) " Aux termes de l'article L. 131-7 du même code : " En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont compatibles, s'il y a lieu, avec les documents énumérés aux 1° à 10° de l'article L. 131-1 (...) ". Il résulte de ces dispositions que, s'agissant d'un plan local d'urbanisme, il appartient à ses auteurs de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de sa compatibilité avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire concerné est couvert par un schéma de cohérence territoriale, cette compatibilité s'apprécie en tenant compte des dispositions de ce document relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, sans pouvoir en exclure certaines au motif qu'elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières. En ce qui concerne le secteur de Sainte Brigitte et l'orientation d'aménagement et de programmation n° 11 : 4. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que la réalisation d'une construction qui n'est pas en continuité avec les agglomérations et villages existants ne peut être autorisée qu'à la condition que le projet soit conforme à la destination d'une zone délimitée par le document local d'urbanisme, dans laquelle celui-ci prévoit la possibilité d'une extension de l'urbanisation de faible ampleur intégrée à l'environnement par la réalisation d'un petit nombre de constructions de faible importance, proches les unes des autres et formant un ensemble dont les caractéristiques et l'organisation s'inscrivent dans les traditions locales. 5. Il ressort des modalités d'application de la loi littoral fixées par le document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale applicable sur le territoire de la commune de Fréjus, adopté par la communauté d'agglomération Var Estérel Méditerranée, (CAVEM), qui s'appelle désormais Estérel Côte d'Azur Agglomération, qu'il identifie plusieurs " localisations préférentielles " de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, dont le secteur de Sainte Brigitte. De façon compatible avec ces modalités d'application, l'orientation d'aménagement et de programmation n° 11 prévue par la révision du plan local d'urbanisme litigieuse prévoit la création d'un hameau nouveau intégré à l'environnement dans ce secteur, qui consiste en l'extension de bâtiments existants du domaine viticole et hôtelier dénommé " Le Clos des Roses ", par la création d'une superficie de plancher supplémentaire de 1 200 m² sur deux modules de 600 m², permettant la création d'une quarantaine de chambre d'hôtel, l'aménagement de locaux de réunions ainsi que de locaux de détente tel que spa et pool house devant s'ajouter aux 376 m² de locaux d'habitation et aux 300 m² de salle de réception existants. Cependant, eu égard à son organisation spatiale et à sa composition en quatre bâtiments dont deux dédiés à l'activité d'hôtellerie et de restauration, dont il n'a pas même allégué qu'elles s'inscriraient, par leurs caractéristiques, dans les traditions locales, ce domaine, auquel l'accès depuis la route départementale 37 se fait par une simple allée, ne saurait être regardé comme un hameau nouveau intégré à l'environnement au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Les dispositions du document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale applicable sur le territoire de la commune de Fréjus ne sont, dès lors, pas compatibles avec ces dispositions, et le préfet du Var est, par suite, fondé à soutenir que l'orientation d'aménagement et de programmation n° 11 n'est pas davantage compatible avec ces dispositions. 6. D'autre part, aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme : " I.- Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) " Aux termes de l'article R. 151-27 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Les destinations de constructions sont / :1° Exploitation agricole et forestière ;/ 2° Habitation ;/ 3° Commerce et activités de service ;/ 4° Equipements d'intérêt collectif et services publics ;/ 5° Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire. " Aux termes de l'article R. 151-28 de ce code dans sa rédaction alors applicable : " Les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : /1° Pour la destination " exploitation agricole et forestière " : exploitation agricole, exploitation forestière ; / 2° Pour la destination " habitation " : logement, hébergement ; /3° Pour la destination " commerce et activités de service " : artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s'effectue l'accueil d'une clientèle, hébergement hôtelier et touristique, cinéma ; /4° Pour la destination " équipements d'intérêt collectif et services publics " : locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés, locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés, établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale, salles d'art et de spectacles, équipements sportifs, autres équipements recevant du public ; / 5° Pour la destination " autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire " : industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d'exposition. " 7. Le hameau nouveau intégré à l'environnement dans le secteur Sainte-Brigitte consiste, ainsi qu'il a été dit au point 5, en l'extension de bâtiments existants pour le développement de l'activité hôtelière du domaine du " Le Clos des Roses ". Cette activité relève de la destination " commerce et activités de service " telle que définie par les dispositions des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme, et non de la destination " équipements d'intérêt collectif et services publics " au sens de ce même article, seule autorisée par les dispositions de l'article L. 151-11 du code dès lors qu'ils ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas même soutenu que ce hameau correspondrait à un secteur de taille et de capacité d'accueil limitées au sens de l'article L. 151-13 du même code, le préfet du Var est dès lors également fondé à soutenir que la création du hameau nouveau intégré à l'environnement dans le secteur Sainte-Brigitte méconnaît les dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme. En ce qui concerne le classement du secteur des étangs de Villepey en zone UCb : 8. Aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. (...) ". Doivent être regardées comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions l'ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées. Aux termes de l'article L. 121-40 de ce code : " Dans les espaces proches du rivage, sont autorisées :/ 1° L'extension de l'urbanisation dans les secteurs déjà occupés par une urbanisation diffuse (...) " 9. Il ressort des pièces du dossier que le secteur des étangs de Villepey, essentiellement classé en zone naturelle, est en partie classé en zone UCb du plan local d'urbanisme de la commune de Frejus, alors que le schéma de cohérence territoriale applicable sur le territoire de la commune identifie ce secteur comme un espace proche du rivage au sens des dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme. Le document d'orientations et d'objectifs dudit schéma se limite à cet égard à reprendre les dispositions issues de la loi dite " Littoral " relatives à l'extension limitée de l'urbanisation dans ces espaces, en renvoyant aux documents d'urbanisme locaux le soin de s'assurer que le droit des sols attaché à ces périmètres ne permet pas de procéder à une évolution significative des formes urbaines présentes, notamment l'intensification forte des espaces pavillonnaires que le schéma identifie. La partie du secteur des étangs de Villepey en cause est déjà urbanisée et, par ailleurs, le règlement du plan local d'urbanisme issu de la révision litigieuse limite à 20 % l'emprise des constructions dans ce secteur, en fixant une superficie minimale d'espaces verts et perméables à 40 % de l'unité foncière, et impose donc une extension limitée de l'urbanisation. Le classement du secteur en zone rouge par le plan de prévention des risques d'incendie de forêt applicable sur le territoire de la commune, qui ne concerne au demeurant que la zone au nord de ce secteur, est sans incidence sur la légalité de ce classement. Le préfet du Var n'est dès lors pas fondé à soutenir que le classement de cette partie déjà urbanisée en zone UCb est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. En ce qui concerne le classement du quartier " Lecoq " en zone UCc : 10. Il ressort des pièces du dossier que 17 maisons individuelles sont implantées de façon dense et cohérente au côté d'un vaste terrain militaire dans le quartier " Lecoq ", lequel peut ainsi être regardé comme urbanisé. La zone UCc du règlement du plan local d'urbanisme issu de la révision litigieuse correspond aux secteurs urbains peu dense, pour lesquels l'article DS-UC4 A dudit règlement limite l'emprise au sol à 10 % et le point 6.5 de l'article DS-UC 6 fixe à 50 % la superficie minimale maintenue sous forme d'espaces verts et perméables. Ces dispositions sont de nature à limiter à la fois le périmètre et la densité des constructions et, dès lors, à empêcher l'extension et le renforcement significatif de l'urbanisation. Dans ces conditions, le préfet du Var n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le classement de ce quartier en zone UCc est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. En ce concerne le classement du quartier " Le A... " en zone UBc, UCb et UI : 11. Il ressort des pièces du dossier que le quartier dit " A... " est déjà fortement urbanisé, en supportant un grand nombre de constructions, sur une superficie d'environ 5 hectares et demi, consistant notamment, au sud, en des immeubles de logements collectifs de plusieurs étages avec des places de stationnement extérieures. Son classement en zone urbaine n'est dès lors pas susceptible de caractériser une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré de ce que ce classement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut dès lors, en tout état de cause, qu'être écarté. En ce qui concerne le secteur des parcs " Aqualand " et " Luna Park " : 12. Aux termes de l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme : " Les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme doivent prévoir des espaces naturels présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation. " 13. Le préfet du Var soutient que le classement du secteur dans lequel les parcs " Aqualand " et " Luna Park " en zone UEl, est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale applicable sur le territoire de la commune de Fréjus qui identifie ce secteur en coupure d'urbanisation, à l'instar au demeurant des plans de zonage du plan local d'urbanisme de la commune, en n'interdisant pas la construction de bâtiments à usage d'habitation et en permettant ainsi une extension de l'urbanisation. Toutefois, si, d'une part, les articles DS-UE1, UE 1 C et UE 2 D du règlement du plan d'occupation des sols n'interdisent respectivement que les campings et parcs résidentiels de loisirs, le commerce de gros et l'industrie et les occupations et utilisations du sol à usage de commerce de détails, d'activités de service ou d'entrepôts et de bureaux qui ne seraient pas en lien direct et exclusif avec l'activité du secteur, l'article UE 2 A, relatif aux occupations et utilisations du sols soumises à conditions dans toute la zone UE, dont la zone UEl, prévoit clairement que les constructions à usage d'habitation ne sont autorisées que sous forme de locaux d'hébergement strictement liés ou nécessaires à l'exploitation et la surveillance de l'entité économique et d'être incluses dans les constructions économiques qui en génèrent le besoin, en limitant la surface de plancher de ces logements à 45 m². Cet encadrement apparaît ainsi compatible avec la coupure d'urbanisation prévue par les documents d'urbanisme et le préfet du Var n'est pas fondé à soutenir que le classement de ce secteur en zone UEI est entaché d'erreur manifeste d'appréciation. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Var est seulement fondé à demander l'annulation de la délibération en litige en tant qu'elle crée l'OAP n° 11 concernant le hameau nouveau intégré à l'environnement Sainte Brigitte. Sur les frais liés au litige : 15. L'Etat n'étant pas la partie principalement perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la commune de Fréjus sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La délibération n° 1734 du 4 juillet 2019 adoptée par le conseil municipal de la commune de Fréjus approuvant la révision n° 1 du plan local d'urbanisme est annulée en tant qu'elle crée l'OAP n° 11 concernant le hameau nouveau intégré à l'environnement Sainte Brigitte. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet du Var sont rejetées. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juillet 2021 est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt. Article 4 : Les conclusions de la commune de Fréjus fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fréjus et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet du Var. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. B..., vice-président, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. 2 N° 21MA03872 nb
CETATEXT000048439259
J6_L_2023_11_00021MA04679
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/92/CETATEXT000048439259.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 21MA04679, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
21MA04679
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
SCP PETIT & BOULARD
M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... veuve C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 7 août 2018 par lequel le maire de Mons s'est opposé à sa déclaration préalable portant sur l'installation d'une clôture et d'un portail sur une parcelle cadastrée section F n° 735 située au lieu-dit " D... " sur le territoire communal, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 2 octobre 2018. Par un jugement n° 1804008 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 7 décembre 2021, Mme B..., représentée par Me Boulard, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 octobre 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du maire de Mons du 7 août 2018 ; 3°) d'enjoindre à la commune de Mons de procéder à une nouvelle instruction de son dossier dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Mons la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté attaqué a été pris après l'expiration du délai d'instruction ; - cet arrêté doit être regardé comme ayant procédé au retrait de la décision implicite de non-opposition et est illégal faute pour le maire de l'avoir invitée au préalable à présenter ses observations ; - la commune ne démontre pas que le passage sur lequel porte la déclaration préalable de clôture constitue à ce jour une servitude de carraire, ni qu'il est devenu un chemin rural ou une autre catégorie de voie publique ; - ni cette carraire ou ce chemin rural, ni le chemin privé longeant le terrain d'assiette au nord ne constituent une voie publique au sens de l'article Ue 6 du règlement du plan local d'urbanisme, qui ne trouve donc pas à s'appliquer. La requête a été communiquée à la commune de Mons qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code rural et de la pêche maritime ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur, - et les conclusions de M. Quenette, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a déposé une déclaration préalable portant sur l'installation d'une clôture et d'un portail sur une parcelle cadastrée section F n° 735 située " D... ", à laquelle le maire de Mons s'est opposé par un arrêté du 7 août 2018. Elle relève appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 2 octobre 2018. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article Ue 6 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Mons, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : (...) 3. Les clôtures doivent respecter un recul de 2 mètres, et de 5 mètres pour les portails, par rapport à la limite de la plate-forme des voies publiques existantes ou projetées ". Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". 3. Pour s'opposer à la déclaration préalable déposée par Mme B..., le maire de Mons s'est fondé, d'une part, sur les dispositions de l'article Ue 6 du règlement du PLU de Mons dans la mesure où le projet consistait à créer une clôture et un portail à l'alignement de la carraire, d'autre part, sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, en relevant que le projet de clôture ne permettait plus la circulation des engins de sécurité publique. Il ressort des pièces du dossier qu'un chemin regardé comme une carraire relie le chemin de la Gray, que longe la limite nord du terrain dont Mme B... est propriétaire, et une autre voie située au sud de la commune. La commune de Mons a produit en première instance un plan annexé à un tableau de classement de la voirie communale transmis et mis à jour en 2009 par la direction départementale de l'agriculture et de l'équipement du Var, répertoriant le chemin des Galles comme un chemin rural et qui correspond à l'assiette de cette carraire. Il ressort notamment de l'extrait cadastral joint à la déclaration préalable que la parcelle d'assiette de ce dernier chemin aboutit à la limite sud de la parcelle cadastrée n° 736 et de la parcelle appartenant à la requérante, cadastrée n° 735 qui fait face à celle-ci. Selon le document inséré dans le mémoire en défense de la commune de Mons produit devant le tribunal administratif, superposant une vue aérienne au découpage parcellaire, le chemin en question se poursuit matériellement le long de la limite ouest de la parcelle de Mme B..., mais à l'intérieur de celle-ci, et débouche plus au nord sur une avancée du chemin de la Gray que borde à l'ouest cette même parcelle appartenant à la requérante. 4. La section du chemin de carraire traversant la parcelle privée appartenant à Mme B... ne peut constituer, en tout état de cause, un chemin rural que l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime range dans le domaine privé de la commune. A supposer même que cette section supporte une circulation publique, elle ne peut donc être regardée ni comme une voie publique, ni comme une dépendance de la voie publique au sens de l'article Ue 6 du règlement du PLU de Mons. Par suite, c'est au prix d'une erreur de droit que le maire de Mons s'est fondé sur ces dispositions pour s'opposer à la déclaration préalable déposée par Mme B.... Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que, s'il n'avait retenu que l'autre motif fondé sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le maire aurait pris la même décision. 5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation, en l'état du dossier, de l'arrêté du 7 août 2018. 6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 7. L'exécution du présent arrêt implique que la déclaration préalable déposée par Mme B... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, ainsi que la requérante le demande, d'enjoindre au maire de Mons de procéder à ce réexamen dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Mons une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 octobre 2021 ainsi que l'arrêté du maire de Mons du 7 août 2018 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par Mme B... sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au maire de Mons de procéder au réexamen de la déclaration préalable déposée par Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : La commune de Mons versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... veuve C... et à la commune de Mons. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. N° 21MA04679 2
CETATEXT000048439266
J6_L_2023_11_00022MA00944
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA00944, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA00944
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
MAUJEUL
M. Philippe PORTAIL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a délivré aux sociétés RTE et ENEDIS un permis de construire pour l'édification de plusieurs constructions constituant un poste électrique de transformation dénommé " Béziers Est " sur le territoire de la commune de Béziers, et, à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté en tant qu'il a autorisé la construction de deux loges de transformateur, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux. Par une ordonnance du 24 décembre 2018 du Conseil d'Etat, la requête a été transmise au tribunal administratif de Marseille, en application des dispositions de l'article R. 312-5 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1810825 du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoire enregistrés les 25 mars 2022, et 28 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Maujeul, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 3 janvier 2022 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2018 du préfet de l'Hérault, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et des sociétés RTE et ENEDIS la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il ne comporte pas les signatures prévues par les articles R. 741-7 et R. 741-8 du code de justice administrative ; - il est entaché d'un vice de procédure au regard de la clôture immédiate de l'instruction intervenue le 7 octobre 2021, alors que des mémoires avaient été communiqués peu de temps avant ; - il est entaché d'un vice de procédure affectant la pièce jointe n° 55, dont il manque deux pages et dont les pages restantes ont été inversées ; - il est entaché d'un défaut de motivation dans la mesure où les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le projet contesté allait occulter la perspective d'un paysage protégé ; - le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en considérant qu'il dispose d'une vue directe sur l'importante zone commerciale située à proximité immédiate du projet litigieux ; - c'est à tort que, par le jugement attaqué, le juge de première instance a considéré qu'il ne disposait pas d'un intérêt à agir ; - le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une erreur de qualification juridique des faits et d'erreurs d'appréciation au regard de son intérêt à agir ; - il a intérêt à agir ; - l'arrêté contesté est entaché d'incompétence de son auteur ; - il méconnaît les dispositions des articles 4 et 0AU2 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Béziers ; il méconnaît l'axe 3 du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, au regard notamment du risque d'affaissement de terrain, de la sécurité de la circulation et du risque incendie ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la confusion du dossier sur le nombre de transformateurs à créer ; - il est entaché d'une erreur de droit et méconnaît les dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, dans la mesure où aucune étude d'impact n'a été annexée au dossier de demande de permis de construire ; - il est dépourvu de base légale du fait de l'annulation, par des jugements du 23 décembre 2020 du tribunal administratif de Marseille, des décisions d'approbation de projet d'ouvrage des 20 février et 29 juin 2017 ; la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne a tranché en ce sens ; - l'absence d'étude d'impact méconnaît la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, dite directive " EIE " ; - le permis de construire en litige ne comporte pas l'annexe prévue à l'article L. 424-4 du code de l'urbanisme. Par des mémoires en défense enregistrés les 29 août 2022 et 14 septembre 2023, la société RTE, représentée par Me Pontier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que M. A... ne justifie pas d'un intérêt à agir, et que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par des mémoires en défense enregistrés les 28 juin 2023 et 15 septembre 2023, la société ENEDIS, représentée par Me Paitier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que M. A... ne justifie pas d'un intérêt à agir, et que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La requête et les mémoires ont été communiqués au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui n'a pas produit de mémoire. Des mémoire enregistrés les 20 et 22 octobre 2023, présentés pour le requérant, n'ont pas été communiqués en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de l'environnement ; - le code de l'énergie ; - la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Portail, président ; - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ; - les observations de Me Pontier représentant la société RTE et celles de Me Grandoulphe, représentant la société ENEDIS. Considérant ce qui suit : 1. Dans le but de renforcer l'alimentation électrique de l'agglomération biterroise, les sociétés RTE et ENEDIS ont élaboré un projet portant notamment sur la création d'un poste électrique de 20 000 volts à l'est de la commune de Béziers. Après deux arrêtés portant approbation du projet d'ouvrage du 29 juin 2017, le préfet de l'Hérault a délivré, par un arrêté du 22 janvier 2018, un permis de construire aux sociétés RTE et ENEDIS pour la création d'un poste de transformation électrique Béziers Est. M. A... demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté du 22 janvier 2018, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux. 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Selon l'article R. 741-8 de ce même code : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. / Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience ". Il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte toutes les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Si le requérant se prévaut également des dispositions précitées de l'article R. 741-8 du code de justice administrative, il ressort toutefois des pièces du dossier que la décision juridictionnelle attaquée n'a ni été rendue par un magistrat statuant seul, ni rapportée par la présidente de la formation de jugement. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est donc sans influence sur la régularité du jugement attaqué. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Elle ne tient pas lieu de l'avertissement prévu à l'article R. 711-2 ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que les parties ont reçu, le 10 novembre 2020, une lettre d'information en en application des dispositions précitées, les avisant d'une clôture possible à compter du 31 décembre 2020. La clôture à effet immédiat a été prononcée le 7 octobre 2021. Contrairement à ce que soutient M. A..., aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit ne prévoit la caducité de la lettre d'information R. 611-11-1 par la production postérieure de mémoires. A supposer même que le requérant doive être regardé comme soutenant un moyen tiré d'une méconnaissance du caractère contradictoire de l'instruction, il ressort toutefois des pièces du dossier de première instance que les dernières écritures produites par les parties l'ont été le 9 mars 2021, soit près de 7 mois avant la clôture immédiate de l'instruction. 4. En troisième lieu, si M. A... soutient que la PJ n° 55 qu'il avait produite en première instance (intitulée " Extrait de l'évaluation environnementale du PLU (2007) ") a été introduite au dossier et transmise aux défendeurs de manière irrégulière par le tribunal, il ne justifie toutefois pas quelle règle aurait été ici méconnue. En tout état de cause, il n'établit aucunement que la pièce telle que présente dans le DPI n'était pas celle qu'il avait versée au dossier. 5. En quatrième lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par le requérant. En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de l'intérêt à agir de M. A..., notamment aux points 2 à 8 du jugement attaqué, en répondant notamment à l'argumentation relative à l'occultation de la perspective d'un paysage protégé. 6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". 7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. 8. Il ressort des pièces du dossier et du site Géoportail, accessible tant au juge qu'aux parties, que la propriété de M. A... est située à plus de 350 mètres au nord du terrain d'assiette du projet litigieux, et que le requérant n'en est pas voisin immédiat. Si celui-ci se prévaut d'une vue immédiate sur le projet de poste de transformation électrique, qui porterait atteinte à la perspective du bosquet de pins dit B... ", il ne ressort toutefois d'aucune des pièces du dossier que ce bosquet de pins serait protégé par la législation ou la réglementation relative à l'urbanisme ou à l'environnement. En outre, il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire que les pétitionnaires ont prévu l'insertion d'un écran végétal directement au sud du poste de transformation électrique, de manière à limiter la vue sur celui-ci et à conserver, depuis le chemin de Badones et, par voie de conséquence, la propriété de M. A..., une vue sur un paysage agricole et naturel avec des arbres qui, au demeurant, seront constitués d'essences propres à la région. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, la qualité environnementale du paysage avoisinant sera effectivement protégée, par l'implantation de nouveaux arbres. A cet égard, M. A... ne saurait en tout état de cause se prévaloir d'une altération de la qualité de la vue pour les promeneurs, qui reste sans incidence sur l'appréciation de son intérêt personnel à agir. Par ailleurs, la circonstance que cet écran végétal n'ait pas été réalisé ou ait été réalisé dans des conditions irrégulières par rapport au permis de construire relève des conditions d'exécution de ce permis, et reste sans incidence tant sur sa légalité que, en tout état de cause, sur l'appréciation de l'intérêt à agir du requérant. Enfin, la propriété du requérant comporte déjà des vues sur une zone d'activités située au nord-est, qui, pour n'être pas située dans le même axe que le projet, altère néanmoins son environnement paysager. 9. Si M. A... se prévaut ensuite des atteintes qu'occasionneraient les lignes électriques souterraines reliant le poste de transformation électrique en litige, lesquelles longent sa parcelle, d'une part, le permis de construire contesté ne concerne que la création du poste de transformation électrique, et n'autorise que, pour la société ENEDIS, la construction d'un bâtiment HTA, d'un bâtiment de sécurité, d'un transformateur TR611 et d'une double clôture, et, pour la société RTE, la construction d'un bâtiment de contrôle et de commande, d'un bâtiment de sécurité et d'un jeu de barre 225 kV. D'autre part et en tout état de cause, les sociétés pétitionnaires établissent, par la production notamment de l'étude d'impact relative au projet, que les champs électromagnétiques liés à ces lignes souterraines demeureront à des seuils largement inférieurs à la limite autorisée notamment par la réglementation européenne. Enfin, si M. A... soutient que ces lignes mettront en péril son alimentation en eau et se prévaut à cet égard d'un procès-verbal de constat établi par un hydrologue, ledit constat, qui mentionne notamment une influence " potentielle " desdites lignes sur cette alimentation en eau, ne permet pas de caractériser une atteinte suffisante aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien appartenant au requérant. 10. Enfin, si M. A... se prévaut de nuisances sonores et de nuisances dues aux travaux, il n'apporte toutefois aucun élément permettant d'apprécier la réalité de telles atteintes. 11. Il résulte de ce qui précède que M. A..., qui ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté contesté, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande comme irrecevable. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et des sociétés RTE et ENEDIS, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société RTE et non compris dans les dépens et une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés au même titre par la société ENEDIS. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : M. A... versera aux sociétés RTE et ENEDIS respectivement une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., à la société RTE, à la société ENEDIS et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller, - Mme Poullain, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 2 N° 22MA00944
CETATEXT000048439275
J6_L_2023_11_00022MA01612
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA01612, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA01612
1ère chambre
plein contentieux
C
M. PORTAIL
LOISEAU
Mme Caroline POULLAIN
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat à lui verser la somme de 395 064 euros majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en réparation des préjudices subis du fait du changement intervenu dans le zonage d'urbanisme de ses propriétés. Par un jugement n° 1904552 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 6 juin 2022, M. A..., représenté par Me Coljé, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 7 avril 2022 ; 2°) de condamner la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat à lui verser la somme de 395 064 euros, subsidiairement la somme de 100 857,50 euros, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la responsabilité pour faute de la commune est engagée en raison de l'erreur manifeste d'appréciation qui entache le classement de sa parcelle en zone Ap ; les choix de consommation d'espace sont illogiques et discriminants ; - la faute est aussi caractérisée par d'autres illégalités entachant le plan local d'urbanisme ; les modifications apportées au projet postérieurement à l'enquête publique ont affecté son économie générale en méconnaissance des articles L. 153-21 du code de l'urbanisme et L. 123-14 du code de l'environnement ; les dispositions de l'article L. 371-3 du code de l'environnement ont été méconnues au regard de la délimitation de la zone humide ; le règlement est en outre incohérent dès lors qu'il permet des constructions d'intérêt général en zone Ap ; d'autres secteurs, moins urbanisés que le sien, ont été mieux traités et la délimitation de la zone Upv ne respecte pas la loi Montagne ; - il a été porté atteinte à sa sécurité juridique et à ses droits acquis ; le certificat d'achèvement des travaux d'aménagement du lotissement prévoyait sans réserve la délivrance de permis de construire, tout comme l'autorisation de lotir ; toutes les autres parcelles constituant le lotissement ont été construites ; c'est fort de cette perspective qu'il a acquis le terrain en cause ; les stipulations de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales n'ont pas été respectées ; - la responsabilité sans faute de la commune est engagée sur le fondement du 2ème alinéa de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme ; sa parcelle était constructible sous l'empire du plan d'occupation des sols comme de l'application immédiatement antérieure du règlement national d'urbanisme ; - il n'a pour sa part commis aucune faute et son préjudice matériel s'élève à la perte de valeur vénale de son terrain, évaluée à ce jour, ou subsidiairement à la date à laquelle il l'a acquis ; il subit également un préjudice moral. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2023, la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat, représentée par Me Loiseau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 600 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés, et que M. A... a en tout état de cause commis une faute en faisant preuve d'inertie dans son projet. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - le code de l'environnement ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Poullain, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Loiseau, représentant la commune Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a acquis, le 13 juillet 2006, un terrain " à bâtir " cadastré section C n° 936, d'une superficie de 1 624 m², constituant le lot n° 1 du lotissement " La Borie " à Châteauneuf-Val-Saint-Donat, ainsi que le quart indivis d'une parcelle en nature de voirie. Les travaux d'équipements et viabilité du lotissement venaient alors d'être achevés, ainsi que certifié par arrêté du maire du 5 juillet 2006. M. A..., qui n'a toutefois jamais construit d'habitation sur ce terrain, relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à être indemnisé du préjudice qu'il estime avoir subi à la suite de l'approbation du plan local d'urbanisme, par délibération du conseil municipal du 5 avril 2018, classant sa parcelle en zone agricole. Sur la responsabilité pour faute : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : / (...) / 2° Le conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. 3. En l'espèce, si le requérant soutient que les modifications apportées au projet de plan local d'urbanisme postérieurement à l'enquête publique auraient, " par leur nombre et leur matière " affecté l'économie générale du projet, son moyen n'est pas assorti des précisions nécessaires permettant d'en examiner le bien-fondé. Celui-ci ne peut dès lors qu'être écarté. 4. En deuxième lieu, l'article L. 371-3 du code de l'environnement précise, dans sa version applicable, que : " Les collectivités territoriales et leurs groupements compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme prennent en compte les schémas régionaux de cohérence écologique lors de l'élaboration ou de la révision de leurs documents d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme dans les conditions fixées aux articles L. 131-2 et L. 131-7 du code de l'urbanisme. ". Aux termes de l'article L. 131-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Les schémas de cohérence territoriale prennent en compte : / (...) / 2° Les schémas régionaux de cohérence écologique prévus à l'article L. 371-3 du code de l'environnement ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 131-7 du même code, dans sa version alors en vigueur : " En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme (...) prennent en compte les documents énumérés à l'article L. 131-2 (...) ". 5. Il ressort du rapport de présentation que la zone classée U au plan local d'urbanisme chevauche en partie une zone humide définie à l'inventaire départemental des zones humides, figurant en trame bleue au schéma régional de cohérence écologique. Toutefois, au regard de ce chevauchement et avant de retenir ce classement, la commune a fait procéder à des analyses techniques à travers un inventaire floristique et des relevés pédologiques, lesquels n'ont pas confirmé le caractère de zone humide des parcelles concernées. Dans ces circonstances, et alors que M. A... ne critique ni les méthodes, ni les résultats de ces analyses, le moyen tiré de ce que les auteurs du plan local d'urbanisme se seraient écartés des orientations fondamentales du schéma régional de cohérence écologique et ne l'auraient ainsi pas pris en compte doit être écarté. 6. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ". En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". L'article R. 151-23 du même code précise : " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1°-Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci ". 7. Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. 8. Le règlement a en l'espèce défini, au sein de la zone agricole, une " zone Ap ", où aucune construction n'est autorisée, y compris agricole, compte-tenu de ses caractéristiques agronomiques et paysagères sauf les constructions de services publics ou d'intérêts collectifs techniques ou non compatibles avec le voisinage des zones habitées. 9. Il ressort des pièces du dossier que la " zone Ap ", au sein de laquelle se trouve la parcelle cadastrée section C n° 936 en litige, constitue, avec la " zone A " qui l'entoure, un ensemble homogène dont le caractère agricole et paysager est avéré, limité à l'est par les quartiers urbanisés du " jas de l'Amagnon " et des " Jas " et se poursuivant dans toutes les autres directions sur de très vaste étendues. Alors que quelques constructions éparses y ont été bâties, son classement est cohérent avec le parti d'urbanisme de la commune, au regard de l'orientation n° 5 du projet d'aménagement et de développement durables qui vise à développer l'urbanisation en conservant le caractère rural de la commune, notamment en modérant la consommation d'espace et l'étalement urbain et en conservant les formes urbaines existantes. Sans discrimination, l'accueil de nouveaux habitants ou d'équipement est ainsi en priorité localisé en densification des espaces urbains existants dont le secteur litigieux ne fait pas partie. Contrairement à ce que soutient le requérant, le classement de la parcelle litigieuse, qui n'est pas bâtie, n'est ainsi pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation alors même qu'elle se situe à proximité immédiate de trois constructions et que son potentiel agronomique et paysager ne serait pas justifié. 10. En quatrième lieu, si M. A... soutient également que l'autorisation de constructions de services publics ou d'intérêts collectifs techniques ou non compatibles avec le voisinage des zones habitées en " zone Ap " est incohérente, cette possibilité ouverte par le règlement est en tout état de cause sans rapport avec l'interdiction de construire des habitations dans cette zone et le préjudice dont il poursuit la réparation. De la même manière, le classement en " zone Ubb " des parcelles constituant le lotissement " Le Thoron ", toutes bâties, est sans incidence sur le classement de sa propre parcelle située de l'autre côté de la commune, tout comme celui du secteur encore plus éloigné constituant une " zone Upv ", destinée à accueillir des équipements photovoltaïques. 11. En cinquième et dernier lieu, si M. A... soutient que, s'étant porté acquéreur d'un " terrain à bâtir ", l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le respect de ses biens a été méconnu et il a été porté atteinte à sa sécurité juridique et sa confiance légitime, il est en tout état de cause constant qu'il n'a jamais sollicité de permis de construire, et qu'il ne peut se prévaloir d'aucun droit acquis né de l'autorisation de lotir du 20 septembre 2005. Celle-ci lui garantissait seulement, en application de l'article L. 315-8 du code de l'urbanisme, aujourd'hui repris à l'article L. 442-14 du même code, durant cinq ans suivant l'achèvement du lotissement intervenu le 5 juillet 2006, que le permis de construire ne pouvait être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanismes intervenues postérieurement. Il ne saurait à cet égard être fait grief au maire de Châteauneuf-Val-Saint-Donat de ne pas avoir assorti le permis de lotir ou le certificat d'achèvement des travaux de lotissement de réserves à cet égard. 12. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a estimé que la responsabilité pour faute de la commune Châteauneuf-Val-Saint-Donat n'était pas engagée à son égard. Sur la responsabilité sans faute : 13. Aux termes de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain. Cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui tient compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan local d'urbanisme approuvé ou du document en tenant lieu. ". Ces dispositions instituent un régime spécial d'indemnisation exclusif de l'application du régime de droit commun de la responsabilité sans faute de l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. Elles ne font toutefois pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en œuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi. 14. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit précédemment au point 11, M. A... ne peut se prévaloir d'aucun droit acquis né de l'autorisation de lotir du 20 septembre 2005. 15. Par ailleurs, à supposer même que le classement de la parcelle de M. A... issu de l'approbation du plan local d'urbanisme ait modifié sa constructibilité, régie depuis le 27 mars 2017 par les seules dispositions du code de l'urbanisme spécifiques aux zones de montagne, celui-ci n'a, par lui-même, entraîné aucune modification de l'état antérieur des lieux. 16. Enfin, dans la mesure où les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune ont entendu préserver le caractère rural de la commune, notamment en modérant la consommation d'espace et l'étalement urbain et en conservant les formes urbaines existantes, de nombreuses parcelles autrefois classées en zone Uc au plan d'occupation des sols se trouvent dorénavant classées en zone Ap. Ainsi, et alors que la collectivité ne saurait être responsable de ce que M. A... n'a pas sollicité un permis de construire dans les suites immédiates de son acquisition, ce dernier ne peut être regardé comme supportant une charge spéciale et exorbitante du fait de l'adoption du nouveau document d'urbanisme communal, hors de proportion avec les objectifs d'intérêt général poursuivis par ses auteurs. 17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a estimé que la responsabilité sans faute de la commune Châteauneuf-Val-Saint-Donat n'était pas davantage engagée à son égard et a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : M. A... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : -M. Portail, président, -M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, -Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N°22MA01612
CETATEXT000048439278
J6_L_2023_11_00022MA01860
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA01860, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA01860
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
RAGOT
Mme Caroline POULLAIN
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme et M. C... et Silvio I..., Mme et M. F... et Roger G..., Mme J... H..., Mme et M. E... et Safouh D... et Mme et M. K... et Patrick B... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 29 mars 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Antibes a approuvé le plan local d'urbanisme communal révisé, ensemble les décisions du maire rejetant implicitement leurs recours gracieux. Par un jugement n° 1904614 du 27 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 juin 2022 et 17 avril et 1er juin 2023, Mme et M. I..., Mme et M. G..., Mme H..., Mme et M. D... et Mme et M. B..., représentés par Me Ragot, demandent à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 27 avril 2022 ; 2°) d'annuler la délibération du 29 mars 2019 et les décisions portant rejet de leur recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge de la commune d'Antibes une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la clôture d'instruction a été prononcée de façon irrégulière en première instance ; - leur demande de première instance était bien recevable et le recours gracieux n'a pas figé les termes du débat ; - le projet d'aménagement et de développement durables a été modifié de façon importante sans qu'une nouvelle concertation préalable n'ait lieu ; - les pièces produites pour justifier de la réalité d'une concertation préalable ne satisfont pas aux exigences de l'article R. 611-8-5 du code de justice administrative ; - le commissaire enquêteur s'est abstenu de donner son avis sur le projet concernant le secteur L... ; - l'information donnée aux conseillers municipaux a été insuffisante au regard des exigences de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ; - le rapport dont les conseillers municipaux ont été destinataires ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ; - le règlement retenu pour la zone UE, sur le secteur L..., ne respecte pas l'orientation n° 1 du projet d'aménagement et de développement durables ; - la délibération est entachée de détournement de pouvoirs. Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 mars, 9 mai et 16 juin 2023, la commune d'Antibes, représentée par Me Ducroux, conclut au rejet de la requête, à la suppression des passages injurieux, outrageants ou diffamatoires des écritures adverses, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les recours gracieux introduits par les requérants ne sollicitaient que le retrait partiel de la délibération du 29 mars 2019 ; aucun ne comportait des moyens de légalité externe tendant à l'annulation totale de la délibération ; ces moyens ainsi que les conclusions tendant à cette annulation totale sont ainsi tardifs ; - les requérants sont irrecevables à contester les termes de la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme intervenue par déclaration de projet, approuvée par délibération distincte du 16 février 2017 ; - la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ; - subsidiairement si un vice était retenu s'agissant de l'avis du commissaire enquêteur, un sursis à statuer pourrait être prononcé. Les parties ont été informées, par une lettre du 13 février 2023, qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire au cours du second semestre 2023 et que l'instruction pourrait être close à partir du 17 mars 2023 sans information préalable. Par une ordonnance du 7 juillet 2023, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire, présenté pour les requérants, enregistré le 16 octobre 2023 après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de l'urbanisme ; - la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Poullain, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Lehmann, représentant les requérants, et de Me Mouakil, substituant Me Ducroux, représentant la commune d'Antibes. Considérant ce qui suit : 1. Par délibération du 29 mars 2019, le conseil municipal de la commune d'Antibes a approuvé le plan local d'urbanisme communal révisé. Mme et M. I..., Mme et M. G..., Mme H..., Mme et M. D... et Mme et M. B..., qui résident tous dans le quartier dit " L... " identifié comme un secteur à enjeux, relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 27 avril 2022 ayant rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération et des décisions implicites ayant refusé de faire droit à leurs recours gracieux. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. (...) ". Il résulte des derniers alinéas, respectivement, des articles R. 613-1 et R. 613-2, que lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'ordonnance qui prononce cette clôture ou à la date d'émission de l'avis d'audience. 3. En l'espèce, par lettre du 15 mars 2021, lue le jour même par le conseil des requérants, les parties ont été informées par le tribunal administratif, dans ce cadre réglementaire, qu'il était envisagé d'inscrire leur dossier à une audience qui pourrait avoir lieu entre le 1er août et le 31 décembre 2021 et qu'à compter du 14 avril 2021, l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, sans qu'elles n'en soient préalablement informées. Les requérants ne sauraient dès lors prétendre que la clôture d'instruction immédiate prononcée par ordonnance du 10 mai 2021 aurait été prise sans qu'une information préalable leur ait été adressée. Ils ne sont ainsi pas fondés à soutenir que le jugement a été, pour ce motif, rendu au terme d'une procédure irrégulière. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la légalité externe : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la délibération prescrivant la révision du plan local d'urbanisme et repris désormais à l'article L. 103-2 du même code : " I - Le conseil municipal (...) délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : / a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; / (...) / Les documents d'urbanisme (...) ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. (...) / A l'issue de cette concertation, le maire en présente le bilan devant le conseil municipal qui en délibère. / Le dossier définitif du projet est alors arrêté par le conseil municipal et tenu à la disposition du public. / (...) ". 5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la prescription de la révision du plan local d'urbanisme, et conformément aux modalités prévues par la délibération du 12 juillet 2012, la concertation publique sur le diagnostic et le projet d'aménagement et de développement durables a été engagée le 12 novembre 2014, notamment par l'organisation d'une exposition publique, présentant entre autres les six orientations du projet, ainsi que par la mise à disposition d'un registre et de différents documents, dans des lieux d'accueil et via divers supports de communication. Le projet d'aménagement et de développement durables a été adopté en suivant le 25 septembre 2015. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le second projet, adopté par délibération du 22 décembre 2017, et modifiant le premier afin d'intégrer davantage des considérations d'harmonie et de maitrise de l'évolution du tissu urbain, a lui aussi été précédé d'une phase de concertation publique conduite dans des formes similaires, une exposition ayant notamment été organisée du 16 au 30 novembre 2017. Les échanges avec le public se sont en outre poursuivis dans la phase d'écriture de la partie réglementaire du plan local d'urbanisme. Dans ces circonstances, et au regard du bilan de concertation adopté le 6 novembre 2018 et produit à l'instance dans les formes requises par mémoire du 16 juin 2023, il ne saurait être soutenu que les dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ont été méconnues. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur (...) consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. / (...) ". Si ces dispositions n'imposent pas au commissaire enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer en livrant ses conclusions, les raisons qui déterminent le sens de son avis. 7. Dans sa présentation dédiée à ses conclusions motivées, le commissaire enquêteur a analysé chaque orientation d'aménagement et de programmation, et notamment celle relative au secteur " L... ". S'il a précisé qu'il ne se prononçait pas sur les observations du public s'agissant de cette orientation au motif qu'une procédure judiciaire était en cours à la suite de la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme en vigueur avec le projet d'aménagement envisagé, en évoquant, " pour ces observations ", un " avis personnel réservé ", il a indiqué que le projet participerait à la mise en œuvre des objectifs définis par la collectivité en début de procédure de révision, tenant à la requalification de l'entrée de ville, à la structuration du quartier, à l'offre de nouveaux logements aux formes mixte, et au traitement qualitatif des aménagements paysagers autour des axes de communication notamment. Il a, au final, rendu un avis favorable au plan local d'urbanisme révisé dans son ensemble, en relevant que celui-ci répondait à la volonté d'un développement mesuré de la commune dans le respect notamment de son tissu urbanisé et en préconisant quelques recommandations. Ainsi et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le commissaire enquêteur a rendu son avis personnel motivé, conformément aux exigences de l'article R. 123-19 du code de l'environnement. 8. En troisième lieu, aux termes respectivement des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) " et " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises. 9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, ainsi que les requérants l'ont d'ailleurs admis en cours d'instance, que les conseillers municipaux ont été destinataires d'un rapport de présentation du projet de plan local d'urbanisme révisé, valant note explicative de synthèse, en même temps qu'ils ont été convoqués au conseil municipal du 29 mars 2019. Ce rapport présente les objectifs de la révision, les étapes de l'élaboration du document et les évolutions apportées au projet de plan local d'urbanisme arrêté. Il indique notamment, sans dénaturer les conclusions du commissaire enquêteur évoquées ci-dessus au point 7, que ce dernier a émis dans ses conclusions un avis favorable sans réserve au projet, avec cependant quelques recommandations. L'information ainsi reçue par les conseillers était de nature à permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit de la révision et de mesurer les implications de leur décision. Le moyen tiré de ce que les dispositions des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 ont été méconnues doit dès lors être écarté. En ce qui concerne la légalité interne : 10. En premier lieu, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ". En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article L. 157-18 du même code : " Le règlement peut déterminer des règles concernant l'aspect extérieur des constructions neuves, rénovées ou réhabilitées, leurs dimensions, leurs conditions d'alignement sur la voirie et de distance minimale par rapport à la limite séparative et l'aménagement de leurs abords, afin de contribuer à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l'insertion des constructions dans le milieu environnant. ". 11. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet. 12. L'orientation n° 1 du projet d'aménagement et de développement durables vise à " assurer un développement et un aménagement du territoire harmonieux " en poursuivant le développement urbain dans les secteurs à enjeux, notamment celui L.... Alors même que la topographie viendrait accentuer les écarts recherchés, il ne ressort pas des pièces du dossier que le règlement retenu pour la zone UEa, correspondant audit secteur, contrarierait l'objectif d'harmonie en prévoyant des hauteurs de construction variables selon les localisations. En effet, l'aménagement vise précisément à l'organisation harmonieuse des constructions et à la répartition de celles-ci dans l'ensemble du secteur, avec disposition prioritaire des bâtiments collectifs de part et d'autre de l'avenue Pélissier, de l'avenue Grec, du chemin L... et de celui de la Constance, créant par les perspectives visuelles de véritables boulevards urbains, les habitats groupés et maisons individuelles étant placés en arrière-plan. Ainsi, la hauteur des constructions projetées doit être en adéquation avec l'environnement existant, plus élevée le long des voies structurantes et du rond-point L... et de moins en moins haute à mesure que l'on s'en éloigne le long des axes secondaires. Aucune incohérence n'est ainsi caractérisée entre le projet et le règlement. 13. Si la même orientation vise à maîtriser l'évolution du tissu urbain existant, notamment en ajustant l'équilibre entre bâti et végétal, il ne résulte pas de ce qu'est prévue par le règlement la densification du secteur L..., y compris par artificialisation de terrains aujourd'hui libres de construction, que les deux documents seraient incohérents entre eux, dès lors que ledit secteur est identifié comme à enjeu de développement urbain et qu'au demeurant est prévue l'intégration d'espaces communs qualitatifs, notamment supports de trames vertes le long des axes structurants et de voiries secondaires. 14. En second lieu, alors que les choix, notamment relatifs à la hauteur des constructions autorisées ou à la concentration des activités commerciales, sont expliqués par les partis d'urbanisme retenus ainsi qu'évoqué au point 12 ci-dessus, les seules circonstances que certains des propriétaires du quartier, bénéficiaires d'une constructibilité renforcée de leurs parcelles, à des degrés divers d'ailleurs, seraient également des élus locaux ou des personnalités influentes du territoire, et qu'un projet serait déjà engagé, ne sont pas de nature à caractériser un détournement de pouvoir. 15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande. Sur les conclusions de la commune d'Antibes tendant à la suppression d'écrits : 16. Contrairement à ce que soutient la commune d'Antibes, les termes des écritures des requérants, malgré leur virulence, n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Dès lors, il n'y a pas lieu d'en prononcer la suppression par application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, qui permettent aux tribunaux, dans les causes dont ils sont saisis, de prononcer la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires. Sur les frais liés au litige : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Antibes qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme et M. I..., Mme et M. G..., Mme H..., Mme et M. D... et Mme et M. B... une somme globale de 2 000 euros à verser à la commune d'Antibes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E: Article 1er : La requête est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune d'Antibes tendant à l'application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sont rejetées. Article 3 : Mme et M. I..., Mme et M. G..., Mme H..., Mme et M. D... et Mme et M. B... verseront une somme globale de 2 000 euros à la commune d'Antibes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme et M. C... et Silvio I..., Mme et M. F... et Roger G..., Mme J... H..., Mme et M. E... et Safouh D... et Mme et M. K... et Patrick B... et à la commune d'Antibes. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : -M. Portail, président, -M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, -Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N° 22MA01860
CETATEXT000048439283
J6_L_2023_11_00022MA02278
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA02278, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA02278
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
SELARL CAMILLE MIALOT AVOCAT
M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil de la métropole d'Aix-Marseille-Provence a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) du territoire Marseille-Provence. Par un jugement n° 2007514 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération en tant que sont classés : - en zone UP2b, le secteur non bâti situé à l'ouest de la voie menant au quartier des Devens et chemin des Garlaban sur le territoire de la commune de Ceyreste ; - en zone UQP le secteur situé à proximité du camping sur le territoire de la commune de Ceyreste ; - en zone UP2a une parcelle non bâtie située au nord du lotissement Saint Jean sur le territoire de la commune de Gémenos ; - en zone UEa1 un secteur situé dans le quartier de Saint-Tronc sur le territoire de la commune de Marseille ; - en zone UEa1 un secteur situé au lieu-dit " I... " sur le territoire de Roquefort-la-Bédoule ; - en zone UCt2 un secteur situé au lieu-dit E... sur le territoire de la commune de Sausset-les-Pins ; - en zone UP2b deux secteurs situés, pour l'un au lieu-dit A..., pour l'autre au lieu-dit G..., sur le territoire de la commune de Septèmes-les-Vallons ; - en zone UQP la bande de terrain incluse dans un secteur UQP et limitrophe d'une zone Ns au lieu-dit H... sur le territoire de la commune de Septèmes-les-Vallons ; - en zone UP1 deux parcelles non construites situées au lieu-dit F..., en partie nord, sur le territoire de la commune de Septèmes-les-Vallons ; - en zone A2 un secteur constituant sur un axe nord-sud une coupure d'urbanisation entre les enveloppes urbaines de Châteauneuf-les-Martigues et de Gignac-la-Nerthe, dans la plaine agricole de Châteauneuf-les-Martigues ; - tous les secteurs classés en zone Nh et situés dans les communes soumises à la loi Littoral, en dehors des agglomérations et villages existants et à proximité de zones agricoles ou naturelles de zonage Ns ; - en zone Nt deux secteurs situés sur la colline de Notre-Dame sur le territoire de la commune de Marignane ; - en zone UP2b, le compartiment non urbanisé d'un secteur ainsi classé situé sur le territoire de l'opération d'aménagement et de programmation MRS-16 relative aux quartiers de Saint-Antoine- La Bricarde- la Castellane à Marseille ; - en zone Nt un secteur vierge de toute construction, situé à la Marcouline sur le territoire de la commune de Cassis ; - en zone AU2, 41,6 hectares correspondant à un projet dit B..., sur le territoire de la commune de Gignac-la-Nerthe. Par ce même jugement, le tribunal administratif de Marseille a également annulé cette délibération, d'une part, en tant que l'orientation d'aménagement et de programmation du Coupier sur le territoire de la commune de Gémenos, et l'orientation d'aménagement et de programmation Val Tendre sur le territoire de la commune de Ceyreste prévoient, dans les zones que ces OAP dédient à l'extension de l'urbanisation, une densité en logements à l'hectare incohérente avec celle prescrite par le projet d'aménagement et de développement durables, d'autre part, en tant que la parcelle cadastrée OK0092 dans la calanque de Morgiou et les espaces non construits du campus de Luminy ne sont pas inclus dans les espaces naturels remarquables figurant aux planches graphiques du PLUi. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 13 août 2022, la métropole d'Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Mialot et Me Poulard, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 juin 2022 en tant qu'il a annulé la délibération du 19 décembre 2019 en tant que sont classés en zone UP2a une parcelle non bâtie située au nord du lotissement Saint Jean sur le territoire de la commune de Gémenos, en zone A2 un secteur constituant sur un axe nord-sud une coupure d'urbanisation entre les enveloppes urbaines de Châteauneuf-les-Martigues et de Gignac-la-Nerthe, dans la plaine agricole de Châteauneuf-les-Martigues, en zone Nt un secteur vierge de toute construction, situé à la Marcouline sur le territoire de la commune de Cassis, en zone AU2, 41,6 hectares correspondant à un projet dit B..., sur le territoire de la commune de Gignac-la-Nerthe et en tant que les espaces non construits du campus de Luminy ne sont pas inclus dans les espaces naturels remarquables figurant aux planches graphiques du PLUi. 2°) de rejeter dans cette mesure le déféré du préfet des Bouches-du-Rhône devant le tribunal administratif de Marseille ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - à elle seule, la situation à l'intérieur du site inscrit des Calanques des espaces non construits du campus de Luminy, d'ailleurs anthropisés, ne justifie pas leur inclusion dans les espaces naturels remarquables ; - dès lors que le cahier global et les cahiers communaux du PADD ont la même valeur juridique et que la cohérence entre le règlement du PLUi et les orientations pertinentes du PADD doit s'apprécier à l'échelle du territoire couvert par le PLUi, le classement en zone AU2 du secteur correspondant au projet dit B... n'est pas entaché d'une telle incohérence ; - les autres moyens soulevés par le préfet des Bouches-du-Rhône à l'encontre de ce classement et tirés de l'incompatibilité avec les orientations du SCoT et avec la directive territoriale des Bouches-du-Rhône ne sont pas fondés ; - le classement en zone A2 d'un secteur situé entre les enveloppes urbaines de Châteauneuf-les-Martigues et de Gignac-la-Nerthe ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme eu égard à ses caractéristiques et aux effets d'un tel classement ; - le classement en zone UP2a d'une parcelle non bâtie située au nord du lotissement Saint- Jean sur le territoire de la commune de Gémenos n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; - le classement en zone Nt d'un secteur vierge de toute construction, situé à la Marcouline, ne méconnaît pas les dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur, - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public, - et les observations de Me Poulard, représentant la métropole d'Aix-Marseille-Provence, et de Mme C..., représentant le préfet des Bouches-du-Rhône. Une note en délibéré a été enregistrée le 31 octobre 2023, présentée par la métropole Aix Marseille Provence et non communiquée. Considérant ce qui suit : 1. Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation partielle de la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil de la métropole d'Aix-Marseille-Provence a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) du territoire Marseille-Provence. Par un jugement du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a partiellement fait droit aux conclusions du préfet en annulant la délibération déférée en ce qui concerne le classement de certains secteurs, la densité en logements à l'hectare prévue par deux orientations d'aménagement et de programmation et l'exclusion de deux secteurs des espaces naturels remarquables figurant aux planches graphiques du PLUi. La métropole d'Aix-Marseille-Provence relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il a annulé la délibération du 19 décembre 2019 en tant que sont classés en zone UP2a une parcelle non bâtie située au nord du lotissement Saint-Jean sur le territoire de la commune de Gémenos, en zone A2 un secteur constituant sur un axe nord-sud une coupure d'urbanisation entre les enveloppes urbaines de Châteauneuf-les-Martigues et de Gignac-la-Nerthe, dans la plaine agricole de Châteauneuf-les-Martigues, en zone Nt un secteur vierge de toute construction, situé à la Marcouline sur le territoire de la commune de Cassis, en zone AU2, 41,6 hectares correspondant à un projet dit B..., sur le territoire de la commune de Gignac-la-Nerthe et en tant que les espaces non construits du campus de Luminy ne sont pas inclus dans les espaces naturels remarquables figurant aux planches graphiques du PLUi. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la commune de Cassis : 2. L'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dispose : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. (...) ". Il résulte des articles L. 131-4 et L. 131-7 du même code, que, s'agissant d'un plan local d'urbanisme (PLU), il appartient à ses auteurs de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de sa compatibilité avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire concerné est couvert par un schéma de cohérence territorial (SCoT), cette compatibilité s'apprécie en tenant compte des dispositions de ce document relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, sans pouvoir en exclure certaines au motif qu'elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières. 3. Sur le territoire de la commune de Cassis, les auteurs du PLUi ont classé en zone Nt un secteur situé à la Marcouline. D'une part, alors que ce secteur est vierge de toute construction, le règlement indique que ce zonage recouvre " des secteurs naturels, notamment voués à des activités touristiques et de loisirs de plein air ", dans lesquels sont admises sous conditions les constructions de la sous-destination " locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés ". D'autre part, ce secteur borde à l'est, un secteur Ns, et à l'ouest deux secteurs Ns dénués de toute construction. Il jouxte également au nord un secteur Nh dans lequel se trouve, à distance, un groupe de quelques constructions dont le nombre est insuffisant pour constituer une agglomération ou un village existants au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Le secteur Nt litigieux fait en outre face, à l'ouest, de l'autre côté de la route de la Bédoule, sur une longueur de 20 à 30 mètres seulement, à un secteur UEc1correspondant aux zones ouvertes à toutes les activités économiques, y compris commerciales avec des hauteurs de façade maximales limitées à 10 mètres, dans lequel sont construits un immeuble, au nord de ce secteur et à distance de cette limite commune et où d'autres bâtiments étaient en cours de construction à la date d'approbation du PLUi au sud du secteur mais encore à distance de cette limite d'ailleurs positionnée sur une voie de communication démarquant deux compartiments distincts. Il confronte aussi, à l'ouest un secteur UV3, délimité en continuité des secteurs précités UEc1 et Ns, la zone UV3 couvrant notamment " de grands espaces végétalisés urbains à vocation sportive ou de loisirs, sur lesquels des projets de développement complémentaires modérés sont identifiés pour améliorer leur fonctionnement ", le règlement y autorisant une constructibilité " légèrement accrue mais toujours relativement modeste eu égard à la superficie des sites ". Etant constaté que le SCoT de Marseille-Provence ne comporte pas de dispositions relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral portant sur ce secteur et dans la mesure où il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, le classement en zone Nt contesté par le préfet est compatible avec les dispositions de l'article L. 121-28 du code de l'urbanisme. En ce qui concerne la commune de Châteauneuf-les-Martigues : 4. Aux termes de l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme : " Les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme doivent prévoir des espaces naturels présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation. ". 5. Dans son cahier spécifique à la commune de Châteauneuf-les-Martigues, le PADD du PLUi du territoire Marseille-Provence reconnaît que l'agriculture de plaine, qui participe à la qualité paysagère en maintenant de grands espaces ouverts, telle la plaine de Châteauneuf-les-Martigues/Gignac-la-Nerthe, doit être préservée, celle-ci étant repérée à ce titre sur la carte annexée localisant ces orientations. Il rappelle que celle-ci accueille l'un des espaces d'agriculture de plaine principaux du territoire de Marseille Provence, qu'il convient de préserver de l'urbanisation, " dans le respect des objectifs de protection des zones agricoles et des contraintes règlementaires liées à la DTA et à la Loi Littoral, tout en favorisant son exploitation " et d'assurer la préservation durable de ces espaces dès lors qu'ils " jouent un rôle économique important " et " contribuent à l'entretien des paysages et au maintien d'une coupure d'urbanisation ". 6. Il ressort des pièces du dossier que le PLUi litigieux a institué les trois principales coupures à l'urbanisation identifiées au SCoT de Marseille-Provence et par la DTA des Bouches-du-Rhône et notamment qui recouvre les abords de l'étang de Bolmon dans les zones humides ou agricoles de Marignane et de Châteauneuf-les-Martigues, au nord de la RD n° 568. Il a prévu par ailleurs sept autres coupures d'urbanisation environ. Il résulte du rapport de présentation que les auteurs du PLUi ont entendu assurer la préservation de l'ensemble de ces coupures d'urbanisation par la reconnaissance des parcelles non construites et l'application d'une zone et d'un règlement adéquat, empêchant la réalisation de constructions nouvelles pour éviter la conurbation entre deux secteurs urbains, soit par un classement en zones Ns, Nt, Nh et A1. Ne sont admises en zone agricole A1, sous conditions, les constructions de la sous-destination " locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés " ainsi que les châssis et serres. 7. La plaine agricole de Châteauneuf-les-Martigues, grand espace ouvert et peu construit, comme il a été dit, qui s'intercale, au sud de de la RD n° 568, entre, l'ouest, l'enveloppe urbaine de Châteauneuf-les-Martigues et, à l'est, celle de Gignac-la-Nerthe, a été classée en zone agricole A2 dans laquelle sont admises sous conditions les bâtiments relevant des sous-destinations " exploitation agricole " et " logement " et les installations classées pour la protection de l'environnement à condition qu'ils soient nécessaires à l'exploitation agricole. Alors même que l'application de ce zonage n'exclut pas toute urbanisation de cet espace naturel, eu égard au nombre de coupures d'urbanisation préservées par le PLUi et à la localisation de ce secteur, les dispositions de l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme n'ont pas été méconnues, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges. En ce qui concerne la commune de Marseille : 8. Aux termes de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. / Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, (...) ". Aux termes de l'article R. 121-4 du même code : " En application de l'article L. 121-23, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral et sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) 7° Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l'environnement, des parcs nationaux créés en application de l'article L. 331-1 du code de l'environnement et des réserves naturelles instituées en application de l'article L. 332-1 du code de l'environnement ; (...) ". 9. Il ressort des pièces du dossier que le secteur du campus de Luminy, entièrement compris dans le site inscrit des Calanques, a été classé en zone UQM2, zones principalement dédiées au développement et au fonctionnement d'équipements d'envergure métropolitaine dans lesquelles sont notamment admis des commerces et services de proximité. Il constitue une enclave au sein d'une vaste zone classée Ns correspondant à une zone naturelle inconstructible, à l'exception d'aménagement nécessaire à l'amélioration de la protection ou de la mise en valeur des sites concernés. Le rapport de présentation du PLUi du territoire Marseille-Provence précise que le classement en zone Ns permet d'assurer la préservation des espaces naturels remarquables identifiés par le plan local d'urbanisme pour répondre à l'exigence fixée en ce sens par l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme. Le rapport expose que la méthode retenue pour délimiter ces espaces a consisté à reprendre la délimitation opérée par la directive territoriale d'aménagement (DTA) des Bouches-du-Rhône, en la précisant à une échelle plus fine et en la réajustant au regard des évolutions d'occupations ou de protections connues, ce qui a conduit à procéder à une adaptation des limites au regard notamment d'un " arrêt à la limite urbaine, supposant parfois un réajustement fin dans les secteurs de franges mités ". Le rapport indique ainsi qu'il a été procédé à un tel ajustement au niveau du Technopôle de Luminy, en excluant du périmètre tous les secteurs d'équipements technopolitains existants ou projetés. Selon les explications données en appel par la métropole d'Aix-Marseille-Provence et les indications figurant sur la planche complémentaire 06 du règlement graphique, la limite des espaces naturels remarquables autour du campus coïncide avec le tracé de la piste de défense contre l'incendie (DFCI) qui l'entoure. Il ressort des vues aériennes du secteur figurant au dossier que plusieurs zones boisées, d'ailleurs classées en zone rouge du plan de prévention des risques d'incendie de forêt (PPRIF) de Marseille sont comprises à l'intérieur de ce périmètre et en continuité avec les espaces naturels situés à l'extérieur. Eu égard à leur étendue, au maillage viaire et en dépit de la présence de locaux universitaires de moyenne ampleur dispersés dans le campus, ces zones, identifiées par le préfet des Bouches-du-Rhône sur une carte jointe à son mémoire en défense produit en première instance, doivent être regardées comme étant restées à l'état naturel, la métropole d'Aix-Marseille-Provence n'ayant pas situé les lieux représentés sur les photographies dont elle se prévaut. Elles constituent dès lors des parties naturelles du site inscrit des Calanques devant être préservées en application de l'article L. 121-23 et du 7° de l'article R. 121-4 du code de l'urbanisme. En s'abstenant d'identifier ces zones à ce titre et ainsi d'assurer leur préservation, les auteurs du PLUi ont méconnu ces dispositions. En ce qui concerne la commune de Gignac-la-Nerthe : 10. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". 11. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme (PLU) entre le règlement et le PADD, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU à une orientation ou à un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet. 12. Le PADD du PLUi du territoire Marseille-Provence comporte d'abord un cahier global, qui, après avoir exposé que l'agriculture du territoire doit être protégée et la consommation des terres interrompue, inclut parmi les orientations stratégiques celle de protéger strictement les terrains cultivés en zone urbaine. Identifiant par ailleurs l'objectif de " localiser le développement économique en cohérence avec les principes du développement durable ", il constate à ce titre un " double enjeu d'attractivité des zones d'activités économiques dédiées, en favorisant la mise en place de caractéristiques urbaines favorables mais aussi de dimensionnement de l'offre, de sorte qu'elle réponde aux besoins tout en assurant une maîtrise de la consommation foncière ". Les orientations stratégiques correspondantes visent à favoriser la mobilisation des capacités résiduelles et l'optimisation des zones d'activités dédiées, à dimensionner les zones d'urbanisation future destinées au développement économique en rapport avec les capacités résiduelles et les besoins et à définir les zones d'urbanisation future à vocation économique, y compris touristiques et de loisirs, en fonction de leur pertinence urbaine au regard des critères environnementaux, d'accessibilité et de cohérence urbaine et dans la limite d'une enveloppe globale de l'ordre de 275 ha, avec la répartition suivante : une trentaine d'hectares pour le bassin Est, 120 ha pour le bassin centre et environ 125 hectares pour le bassin Ouest. Ensuite, le cahier communal propre à la commune de Gignac-la-Nerthe constate, s'agissant des zones urbaines à vocation économique, que " bénéficiant de la dynamique des pôles économiques de l'est étang de Berre, Gignac-la-Nerthe contribue au développement de l'emploi sur le territoire de Marseille Provence en s'appuyant sur la valorisation et la restructuration de ses espaces dédiés existants ". Ce document précise que " la commune entend inscrire son développement dans une stratégie d'ensemble avec la zone des Florides et la future zone du B... ". En outre, s'agissant des zones d'urbanisation future à vocation économique, il insiste sur la maîtrise de la consommation d'espace et confirme l'intention " d'inscrire le projet du B... dans la continuité du développement des Florides et du projet Henri Fabre, afin de dynamiser le tissu économique sur le site du projet et sur les zones intercommunales voisines ". Le cahier communal comporte une carte localisant la zone d'urbanisation future du B... en continuité au sud-ouest et au sud de la zone des Florides, dont la vocation économique doit être confortée à cet endroit, et limitée à l'est par un espace agricole dit D... à préserver. 13. Le préfet des Bouches-du-Rhône a contesté en première instance la création par les auteurs du PLUi litigieux de deux secteurs formant la zone dite du B...-Bricard classés en zone AU2 d'urbanisation stricte à vocation principale d'activités économiques, l'un situé sur le territoire de la commune de Gignac-la-Nerthe, d'une superficie de 33,3 hectares, l'autre sur le territoire de la commune de Marignane, de l'autre côté de la route départementale n° 368, d'une superficie de 8,3 hectares environ, soit une superficie totale de 41,6 hectares. Les limites de ces secteurs correspondent sensiblement à celles qui sont envisagées sur la carte annexée au PADD, citée ci-dessus. En particulier, ils s'inscrivent dans la continuité de la zone des Florides classée UEb2, correspondant aux zones principalement dédiées au développement d'activités industrielles et logistiques ainsi que de bureaux avec des hauteurs de façade maximales limitées à 18 mètres. Le secteur situé sur la commune de Gignac-la-Nerthe préserve un espace agricole à l'est classé A2. La superficie totale des deux secteurs, égale à 41,6 hectares, est inférieure à la superficie de 125 ha prévue par le PADD pour l'ensemble du bassin ouest, pour lequel le PADD définit une orientation stratégique de création de 10 600 emplois. Il résulte des mentions du rapport de présentation relatives à l'explication des choix retenus pour le zonage que le PLUi du territoire Marseille-Provence comporte, pour le bassin ouest, outre le secteur du B..., deux autres secteurs en zone AU2, situés en limite sud de l'aéroport à Marignane et en connexion avec une zone d'activités existante à Saint-Victoret, la superficie totale étant de 124 hectares. Le rapport précise notamment que le tissu agricole existant sur le site du B... est en friche et mité et que le zonage contesté vise à créer un espace dédié à l'économie productive et de compléter l'offre offerte au sein de la zone existante pour les PME/PMI. Dans ces conditions, le classement en zone AU2 du secteur correspondant au projet dit B... n'est pas entaché d'une incohérence avec les orientations générales et objectifs du PADD. En ce qui concerne la commune de Gémenos : 14. Les auteurs du PLUi ont classé en zone UP2a, sur le territoire de la commune de Gémenos, une parcelle non bâtie et en nature de vignes, située au nord du lotissement Saint-Jean à l'angle du chemin de Saint-Jean de Garguier et du chemin Saint-Clair. Le règlement définit les zones UP comme permettant notamment le développement de l'habitat individuel sous toutes ses formes (pavillonnaires, habitat individuel groupé...), les zones UP2a étant celles dans lesquelles les emprises aux sols sont principalement limitées à 15 %. L'article 13 du règlement de cette zone dispose que les constructions doivent être desservies par des équipements conformes aux exigences fixées par le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie des Bouches-du-Rhône. Selon la carte jointe au porter à connaissance du préfet des Bouches-du-Rhône relatif au risque de feu de forêt, communiqué le 23 mai 2014, ce terrain, comme les autres parcelles situées au pied du massif de la Sainte-Baume et d'ailleurs classées, elles, en zone Nh ou Nt, à l'exception du lotissement précité, est exposé à un aléa subi fort. Les pentes du massif au nord-est, en majorité boisées, sont exposées à un aléa exceptionnel. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la moindre densité de la végétation sur les roches surplombant la partie boisée jouxtant au nord-est le terrain litigieux, ni sa culture en vignes soient de nature à minorer le risque d'incendie de forêt retenu par la carte d'aléa précitée. La circonstance dont la métropole se prévaut de ce que le secteur est desservi par les transports en commun ne préjuge pas de l'accès commode par ces voies étroites et sinueuses pour les véhicules de secours et de lutte contre l'incendie, ni de la présence de bornes d'incendie à proximité. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que ce classement était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. 15. Il résulte de ce qui précède que la métropole d'Aix-Marseille-Provence est seulement fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du 19 décembre 2019 en tant qu'elle classe en zone A2 un secteur constituant sur un axe nord-sud une coupure d'urbanisation entre les enveloppes urbaines de Châteauneuf-les-Martigues et de Gignac-la-Nerthe, dans la plaine agricole de Châteauneuf-les-Martigues, en zone Nt un secteur vierge de toute construction, situé à la Marcouline sur le territoire de la commune de Cassis, et en zone AU2, 41,6 hectares correspondant à un projet dit B..., sur le territoire de la commune de Gignac-la-Nerthe. Sur les frais liés au litige : 16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la métropole d'Aix-Marseille-Provence et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La délibération du 19 décembre 2019 est annulée en tant que sont classés en zone UP2b, le secteur non bâti situé à l'ouest de la voie menant au quartier des Devens et chemin des Garlaban sur le territoire de la commune de Ceyreste, en zone UQP le secteur situé à proximité du camping sur le territoire de la commune de Ceyreste, en zone UP2a une parcelle non bâtie située au nord du lotissement Saint Jean sur le territoire de la commune de Gémenos, en zone UEa1 un secteur situé dans le quartier de Saint-Tronc sur le territoire de la commune de Marseille, en zone UEa1 un secteur situé au lieu-dit I... sur le territoire de Roquefort-la-Bédoule, en zone UCt2 un secteur situé au lieu-dit E... sur le territoire de la commune de Sausset-les-Pins, en zone UP2b deux secteurs situés, pour l'un au lieu-dit A..., pour l'autre au lieu-dit G..., sur le territoire de la commune de Septèmes-les-Vallons, en zone UQP la bande de terrain incluse dans un secteur UQP et limitrophe d'une zone Ns au lieu-dit H... sur le territoire de la commune de Septèmes-les-Vallons, en zone UP1 deux parcelles non construites situées au lieu-dit F..., en partie nord, sur le territoire de la commune de Septèmes-les-Vallons, tous les secteurs classés en zone Nh et situés dans les communes soumises à la loi Littoral, en dehors des agglomérations et villages existants et à proximité de zones agricoles ou naturelles de zonage Ns, en zone Nt deux secteurs situés sur la colline de Notre-Dame sur le territoire de la commune de Marignane et, en zone UP2b, le compartiment non urbanisé d'un secteur ainsi classé situé sur le territoire de l'opération d'aménagement et de programmation MRS-16 relative aux quartiers de Saint-Antoine- La Bricarde- la Castellane à Marseille. Cette délibération est également annulée, d'une part, en tant que l'orientation d'aménagement et de programmation du Coupier sur le territoire de la commune de Gémenos, et l'orientation d'aménagement et de programmation Val Tendre sur le territoire de la commune de Ceyreste prévoient, dans les zones que ces OAP dédient à l'extension de l'urbanisation, une densité en logements à l'hectare incohérente avec celle prescrite par le projet d'aménagement et de développement durables, d'autre part, en tant que la parcelle cadastrée OK0092 dans la calanque de Morgiou et les espaces non construits du campus de Luminy ne sont pas inclus dans les espaces naturels remarquables figurant aux planches graphiques du PLUi. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à la métropole d'Aix-Marseille-Provence une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la métropole d'Aix-Marseille-Provence est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole d'Aix-Marseille-Provence et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. N° 22MA02278 2
CETATEXT000048439292
J6_L_2023_11_00022MA03144
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 22MA03144, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
22MA03144
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. PORTAIL
CARMIER
Mme Caroline POULLAIN
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par un jugement n° 2203393 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Carmier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, et subsidiairement de réexaminer sa demande sous autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - l'arrêté est entaché d'incompétence de son signataire ; - les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation ; - sa situation justifiait également que le préfet fasse usage de son pouvoir de régularisation par le travail ; - son état de santé empêchait, en application du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, qu'elle fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; - la fixation du pays de destination méconnaît, pour les mêmes raisons, l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante marocaine née en 1989, relève appel du jugement du 27 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. 2. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par Mme D... C..., adjointe au chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile à la préfecture des Bouches-du-Rhône. En vertu d'un arrêté du 31 août 2021, dûment publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du 1er septembre 2021, le préfet lui avait donné délégation à l'effet de signer l'ensemble des actes relevant des attributions du bureau ainsi que tout document relatif à la procédure de délivrance de titre de séjour. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit dès lors être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 9 de l'accord entre Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". 4. Alors même que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. 5. En l'espèce, Mme B... est entrée en France à la fin de l'année 2019 sous couvert d'un visa de long séjour et a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, valable jusqu'au 31 octobre 2020. Elle justifie par les pièces versées au dossier avoir travaillé en qualité d'assistante de vie à domicile entre les mois de mars 2020 et de juillet 2021, durant une période particulièrement difficile en raison de l'épidémie de Covid 2019 et alors même qu'elle souffre d'une sclérose en plaques. Elle a donné à cet égard toute satisfaction à son employeur. Toutefois, ces circonstances ne peuvent être regardées comme constituant un motif exceptionnel de régularisation au regard du droit au séjour. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant de lui ouvrir le droit au séjour au titre du travail, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation. 6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 7. Ainsi qu'il a été exposé précédemment, Mme B... n'est présente en France que depuis la fin de l'année 2019 et elle s'est maintenue illégalement sur le territoire à l'expiration de son titre de séjour en octobre 2020. Si elle a effectivement travaillé sans relâche jusqu'en juillet 2021, elle est célibataire et sans enfant à charge. Elle ne se prévaut pas de liens sociaux particulièrement intenses en France, ni même n'allègue entretenir des relations étroites avec sa sœur qui y est présente. Elle n'est pas isolée dans son pays d'origine où réside le reste de sa famille et où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Le centre de sa vie privée et familiale n'est ainsi pas fixé en France de façon telle que les décisions litigieuses y porteraient une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 8. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme B... souffre de la sclérose en plaques. Elle produit à l'instance un certificat médical établi le 31 mars 2022 par lequel le praticien hospitalier qui la prend en charge atteste qu'elle est atteinte d'une forme agressive de la maladie ayant nécessité " l'introduction d'un traitement immunosuppresseur profond " " indispensable au contrôle de la maladie " et " d'accès très difficile dans le pays d'origine de la patiente ". Toutefois, en se bornant à produire ce document, la requérante n'établit pas qu'elle serait exposée à de graves conséquences médicales en cas de retour dans son pays d'origine. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier, au regard de cet élément et des considérations exposées ci-dessus au titre de la vie privée et familiale de la requérante, que le préfet aurait entaché ses décisions refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation et obligeant Mme B... à quitter le territoire d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences. 9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précisent : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 10. Ainsi qu'il a été énoncé au point 8, Mme B..., qui n'a au demeurant pas fait valoir ses difficultés de santé et n'a pas mis le préfet à même de recueillir l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration tel que prévu par l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, n'établit pas qu'elle risquerait, en cas de retour dans son pays d'origine, un défaut de prise en charge de son état de santé et des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile et la décision fixant le pays de destination en méconnaissance de celles de l'article L. 721-4 du même code et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doivent dès lors être écartés. 11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction et d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Carmier. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : -M. Portail, président, -M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, -Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N° 22MA03144 nb
CETATEXT000048439300
J6_L_2023_11_00023MA00636
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 20/11/2023, 23MA00636, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA00636
6ème chambre
excès de pouvoir
C
M. BADIE
SCP LYON-CAEN & THIRIEZ
Mme Isabelle GOUGOT
M. POINT
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : LA SARL Le Chalet des Jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Ramatuelle à lui verser la somme de 3 618 121 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de la procédure de passation pour l'attribution de trente lots de sous-traités d'exploitation de la plage de Pampelonne, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal capitalisés. Par un jugement n° 1903616 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 31 août 2021 et le 4 octobre 2021, la société Le Chalet des Jumeaux, représentée par la SCP d'avocats aux conseils Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner la commune de Ramatuelle à lui verser la somme de 3 618 121 euros hors taxes, assortie des intérêts légaux capitalisés ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Ramatuelle une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier car le tribunal a méconnu le principe du contradictoire ; - le jugement est entaché d'erreurs de droit, de qualification et d'appréciation des faits ; - pour les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, E3 et T3d, c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance de l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 et des principes de libre accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'autorité concédante avait insuffisamment défini ses besoins sur la gamme de services et de clientèle, compte tenu de l'objectif de diversité d'accueil fixé par l'article 4 de l'avis d'appel public à la concurrence ; ce faisant, la commune a comparé des offres trop différentes ce qui lui conférait un pouvoir discrétionnaire ; - pour les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, c'est à tort que le tribunal a considéré que le pouvoir adjudicateur avait pu légalement limiter à deux le nombre des sous-concessions pour lesquelles un candidat pouvait déposer une offre, cette limitation n'étant pas justifiée par un motif légitime et proportionnée à l'objectif poursuivi ; - elle a été irrégulièrement évincée de l'attribution des sous-concessions E3 et T3d et a été irrégulièrement empêchée de soumissionner aux autres sous-concessions mises en concurrence notamment aux lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d ; - elle disposait d'une chance sérieuse d'obtenir ces sous-concessions si ces illégalités n'avaient pas été commises ; - c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'irrégularité du critère financier prévu à l'article 6.2 du règlement de consultation qui était imprécis et incohérent, comportait deux objectifs contradictoires et reposait sur les seules déclarations des candidats ; les critères d'attribution pour les lots E3 et T3d étaient irréguliers ce qui a conféré un pouvoir discrétionnaire à l'autorité administrative ; la sélection des offres a méconnu les principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats ; - c'est à tort que le tribunal a estimé que l'appréciation de son offre financière pour les lots E3 et T3d n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; cette appréciation méconnaît le principe d'égal traitement des candidats ; - elle disposait d'une chance sérieuse d'obtenir l'un des dix contrats dont l'attribution est contestée, en particulier celui correspondant au lot E3, et eu égard aux stipulations de l'article 4.3 du règlement de la consultation, elle peut légitimement prétendre à obtenir le manque à gagner qu'elle aurait retiré de l'exploitation de l'un des lots prévus par la consultation, augmenté des frais de présentation de l'offre ; - son manque à gagner correspond à ce qui aurait résulté de l'exploitation du contrat de sous-concession correspondant au lot n° E3, soit la somme de 3 618 121 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas opérants car elle ne justifie pas d'un intérêt lésé ; en tout état de cause ils ne sont pas fondés ; - il n'existe pas de lien de causalité direct entre les fautes et le préjudice invoqués ; - le manque à gagner doit se limiter au résultat net de 2 725 795 euros ; il n'est toutefois étayé par aucun document comptable ; et ce manque à gagner ne saurait inclure les frais de présentation de l'offre. Par un arrêt n° 21MA03747 du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1903616 et a condamné la commune de Ramatuelle à verser à la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 2 725 795 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisés. Par une décision du 10 mars 2023 n° 464830, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par la commune de Ramatuelle, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 10 mai 2022 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour. Un courrier du 5 avril 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Par un mémoire, enregistré après cassation le 19 mai 2023, la société Le Chalet des Jumeaux, représentée par la SCP d'avocats aux conseils Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner la commune de Ramatuelle à lui verser la somme de 2 725 795 euros hors taxes, assortie des intérêts légaux capitalisés ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Ramatuelle une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle reprend les moyens développés dans ses écritures avant cassation. Par un mémoire, enregistré après renvoi le 19 mai 2023, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Petit, demande à la Cour de rejeter la requête de la société Le Chalet des Jumeaux et de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - pour les contrats E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, les demandes ne sont pas recevables, dès lors que la société Le Chalet des Jumeaux n'a pas candidaté ; - elle reprend les moyens développés avant cassation. Par ordonnance du 20 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Deux mémoires présentés pour la société Le Chalet des Jumeaux ont été enregistrés les 8 et 9 août 2023, postérieurement à la clôture d'instruction et non communiqués. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ; - le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure, - les conclusions de M. François Point, rapporteur public, - et les observations de Me Baïta, pour la société Le Chalet des Jumeaux, et de Me Petit, pour la commune de Ramatuelle. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 7 avril 2017, le préfet du Var a accordé à la commune de Ramatuelle la concession de la plage naturelle de Pampelonne pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2019. La commune de Ramatuelle a engagé, le 30 juin 2017, une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution de sous-concessions du service public balnéaire sur cette plage pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2019 et jusqu'au 31 décembre 2030. La consultation portait sur trente lots, parmi lesquels vingt-trois lots " établissements de plage ". Par deux courriers du 19 juillet 2018, la société Le Chalet des Jumeaux qui avait déposé sa candidature pour les lots E3 et T3d, a été informée du rejet de ses deux offres. Le 19 octobre 2018, le maire de Ramatuelle a signé les conventions de délégation de service public notamment des lots " établissements de plage ". Estimant avoir été irrégulièrement évincée non seulement des deux lots E3 et T3d, sur lesquels elle avait candidaté, mais aussi avoir été illégalement privée de la possibilité de candidater sur les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, la société Le Chalet des Jumeaux a formé une demande préalable indemnitaire par courrier du 3 juin 2019, reçue le 5 juin suivant. Elle a ensuite saisi la Cour du jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1903616 du 1er juillet 2021 rejetant sa demande tendant au versement d'une somme de 3 618 121 euros. Par un arrêt n° 21MA03747 du 10 mai 2022, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 1er juillet 2021 et a condamné la commune de Ramatuelle à verser à la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 2 725 795 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisés. Mais, par une décision du 10 mars 2023 n° 464830, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par la commune de Ramatuelle, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 10 mai 2022 et lui a renvoyé l'affaire. Sur le cadre juridique : 2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du contrat. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l'Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet. Le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini. Les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. 3. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire, faute de communication régulière de l'ensemble des pièces produites par la commune de Ramatuelle, doit être écarté, comme non assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. 5. En second lieu, il n'appartient pas au juge d'appel d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué, de l'erreur de droit ou des erreurs d'appréciation que les premiers juges auraient commises. Sur le bien-fondé du jugement : 6. D'une part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. 7. D'autre part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et les préjudices dont le candidat demande l'indemnisation. Il s'en suit que lorsque l'irrégularité ayant affecté la procédure de passation n'a pas été la cause directe de l'éviction du candidat, il n'y a pas de lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à raison de son éviction. Sa demande de réparation des préjudices allégués ne peut alors qu'être rejetée. En ce qui concerne les lots E3, T3d sur lesquels la société Le Chalet des Jumeaux a candidatés : S'agissant de la faute tirée de l'insuffisante définition des besoins de la commune de Ramatuelle : 8. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, dans sa version applicable aux faits de l'espèce : " I. - Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. / Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ". Et selon l'article 27 de la même ordonnance : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. ". Enfin, l'article 36 de l'ordonnance précise que : " Sans préjudice des dispositions du chapitre préliminaire et du chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales, l'autorité concédante organise librement la procédure qui conduit au choix du concessionnaire, dans le respect des principes énoncés à l'article 1er de la présente ordonnance, des dispositions du présent chapitre et des règles de procédure fixées par voie réglementaire... ".Ainsi, les concessions sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une concession, avant le dépôt de leurs offres, une information suffisante sur la nature et l'étendue des besoins à satisfaire. Il lui appartient à ce titre d'indiquer aux candidats les caractéristiques essentielles de la concession et le type d'investissements attendus ainsi que les critères de sélection des offres. 9. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'article 3 du règlement de consultation et du document programme correspondant aux lots " établissements de plage ", que l'autorité concédante avait informé les candidats des principales caractéristiques du service public concédé, au demeurant développées à l'article 6 du cahier des charges de la concession du 7 avril 2017, acte réglementaire disponible sur internet. L'article 3 du règlement de la consultation précisait ainsi que les délégataires auraient notamment la charge de " développer le caractère attractif du site de la plage de Pampelonne au plan touristique, la qualité de l'architecture, des activités et des services personnalisés à destination d'une clientèle diversifiée sur le périmètre délégué ". Et l'article 2.3 du document programme des établissements de plage déterminait les caractéristiques des vingt-trois lots de plage répartis en trois zones de type B, C ou A selon que le bâtiment d'exploitation se trouvait sur le domaine public maritime, sur le domaine public communal, ou à la fois sur les deux. Il était ainsi précisé que le service de plage comprenait majoritairement une activité de bains de soleil mais aussi une activité de restauration. Il était également indiqué l'étendue géographique des différents lots, la durée du contrat et les investissements attendus. Par ailleurs l'article 8.3 du règlement de consultation disposait que, pour apprécier l'offre présentant le meilleur avantage économique global, la commune de Ramatuelle retenait quatre critères par ordre d'importance décroissant. Le premier critère était relatif au " projet d'établissement ", le deuxième à la " qualité et cohérence de l'offre au plan technique : moyens humains et matériels ", le troisième à la " proposition du candidat en rapport avec l'attente d'excellence de la commune : démarche de responsabilité sociale de l'entreprise ". Enfin, le quatrième critère relatif à la " qualité et cohérence de l'offre au plan financier : cohérence entre le compte prévisionnel d'exploitation, la tarification de service proposée et le niveau de redevance communale proposée " visait clairement à apprécier la cohérence d'ensemble, la solidité et la crédibilité de l'offre au plan financier en comparant ce compte prévisionnel d'exploitation avec la tarification du service et le niveau de redevance communale proposés, ce qui était suffisamment précis. Les candidats étaient donc informés sur la nature et l'étendue des besoins à satisfaire. 10. La société requérante reproche à la commune de Ramatuelle de ne pas avoir défini avec suffisamment de précision, pour chaque lot de plage, le type d'établissement et d'ambiance, familiale, festive ou autre et de gamme de prestation de service, de redevance et de tarifs attendus en fonction des catégories d'usagers, et d'avoir ainsi comparé des offres trop différentes et laissé à la commune un pouvoir discrétionnaire. L'autorité concédante n'était toutefois pas tenue de définir cet élément de la stratégie commerciale des établissements exploités sur chacun des lots. Par suite, alors même que les informations sur les besoins étaient communes à l'ensemble des lots de sous-concession et que, par ailleurs, la commune avait limité le nombre de lots auxquels le candidat pouvait soumissionner, et qu'elle entendait clairement garantir une diversité de gammes de prestations pour un public varié, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de définition suffisamment précise des besoins de la commune, la procédure de passation des contrats des lots E3 et T3d méconnaitrait l'objectif de diversité d'accueil fixé par l'article 4 de l'avis d'appel public à la concurrence ainsi que l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 et les principes de libre accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. S'agissant de la faute tirée de l'imprécision des critères d'attribution : 11. L'autorité concédante définit librement la méthode d'évaluation des offres au regard de chacun des critères d'attribution qu'elle a définis et rendus publics. Elle peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour son évaluation des offres que les modalités de leur combinaison. Une méthode d'évaluation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d'attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités d'évaluation des critères d'attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l'ensemble des critères, à ce que l'offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. 12. L'article 8.3 du règlement de consultation prévoyait quatre critères d'attribution " par ordre d'importance décroissant ", parmi lesquels en quatrième et dernière position, un critère de " qualité et cohérence de l'offre au plan financier : cohérence entre le compte prévisionnel d'exploitation, la tarification de service proposé et le niveau de redevance communal proposé ". Il indiquait que les quatre critères n'étaient pas pondérés, ce qui était suffisamment précis alors même que n'étaient pas spécifiés le type d'établissement et d'ambiance et le niveau de services attendus. Si la société requérante soutient que le critère financier était incohérent car il était exigé des candidats d'un côté des redevances forfaitaires et variables les plus élevées possible et de l'autre de garantir des prix modérés, ce qui confèrerait selon elle à l'autorité administrative un pouvoir d'appréciation discrétionnaire, il résulte du cahier des charges techniques (page 14/14) que la cohérence d'ensemble entre tous les éléments financiers de l'offre devait faire l'objet d'une attention toute particulière. Le fait que dans le règlement de consultation, ce critère se fonde sur le " compte prévisionnel d'exploitation ", ce qui inclut le chiffre d'affaires prévisionnel alors que celui-ci repose seulement sur les déclarations des candidats sans être assorti d'engagements contractuels ne saurait être regardé comme entachant d'irrégularité la méthode d'évaluation, dès lors qu'il s'agissait d'apprécier la cohérence d'ensemble, la solidité et la crédibilité de l'offre au plan financier en comparant ce plan prévisionnel d'exploitation avec la tarification du service et le niveau de redevance communale proposés. Dans ces conditions, et alors même que le critère financier était commun à l'ensemble des sous-concessions, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que les critères d'attribution pour les lots E3 et T3d étaient irréguliers ce qui aurait conféré un pouvoir discrétionnaire à l'autorité administrative et aurait conduit à une sélection des offres en méconnaissance des principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats. S'agissant de la faute tirée de l'erreur de fait, de l'erreur manifeste d'appréciation de l'offre de la société Le Chalet des Jumeaux concernant le lot E3, pour lequel elle avait manifesté sa préférence : 13. Ainsi qu'il a été dit plus haut, l'article 8.3 du règlement de consultation prévoyait, que pour apprécier l'offre présentant le meilleur avantage économique global, la commune de Ramatuelle a retenu quatre critères par ordre décroissant d'importance. Le premier critère relatif au " projet d'établissement " se décomposait en trois sous-critères, selon lesquels, en premier lieu, le projet d'établissement doit être en corrélation avec la politique touristique communale, en deuxième lieu, le projet architectural et paysager doit s'intégrer dans l'espace naturel et remarquable dans l'esprit de la plage de Pampelonne et, en troisième lieu, les prestations doivent permettre une personnalisation du service, une communication, un contrôle de la qualité et de la maintenance des ouvrages. L'autorité administrative a en outre retenu un deuxième critère portant sur la " qualité et cohérence de l'offre au plan technique : moyens humains et matériels ". Le troisième critère était relatif à la " proposition du candidat en rapport avec l'attente d'excellence de la commune : démarche de responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) ". Et le quatrième critère avait trait à la " qualité et cohérence de l'offre au plan financier ". L'autorité concédante a, pour évaluer les offres qui lui étaient soumises, associé à chacun des critères hiérarchisés qu'elle avait fixés et rendus publics une appréciation qualitative des offres. Cette appréciation était composée d'une évaluation littérale décrivant les qualités des offres pour chaque critère, suivie d'une flèche qui la résumait. Dans le cadre de cette méthode, une flèche verte orientée vers le haut représentait la meilleure appréciation, une flèche rouge vers le bas la moins bonne, tandis que des flèches orange orientées de biais vers la droite ou à l'horizontale vers la droite constituaient deux évaluations intermédiaires. La commune a classé les offres admises à négocier au regard de l'appréciation qu'elle avait portée sur chacun des critères. 14. Pour le quatrième critère, d'ordre financier, il résulte de l'instruction et notamment de la fiche individuelle d'évaluation des offres que la commune a analysé l'ensemble des paramètres financiers de la société Le Chalet des Jumeaux. En revanche, il ne résulte pas du rapport d'analyse des offres que la commune se soit livrée à une analyse comparative des offres sur la cohérence financière de l'offre. Ainsi, dans le premier rapport, établi avant la négociation, l'incohérence de la proposition financière de la société attributaire avait été mise en évidence. Cependant, au cours de la conduite des négociations, la commune a axé son analyse sur le montant des redevances en demandant aux candidats d'améliorer leur offre sur ce point. Et il résulte en outre du commentaire final sur le critère financier n° 4 du rapport d'analyse des offres que l'autorité délégante a apprécié le niveau de redevance proposé sans comparer la cohérence financière d'ensemble de l'offre de la société requérante par rapport à celle de l'attributaire non seulement au regard de la redevance mais aussi des tarifs et du compte prévisionnel d'exploitation, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 12, il était précisé dans le cahier des charges techniques (page 14/14) que la cohérence entre tous les éléments financiers de l'offre ferait l'objet d'une attention toute particulière. A cet égard, la circonstance que la commune se soit référée au chiffre d'affaires n'apparaît pas suffisante alors que son commentaire ne porte que sur le montant de la redevance variable, qui est indexée sur le chiffre d'affaires. La société Le Chalet des Jumeaux est par conséquent fondée à soutenir que la commune de Ramatuelle a irrégulièrement apprécié son offre sur ce point. 15. Toutefois, quand bien même l'offre de la société Le Chalet des Jumeaux aurait été correctement appréciée au titre de ce critère financier, cela ne lui aurait pas permis pour autant d'être mieux classée que la société attributaire et de se voir attribuer le contrat alors que le critère financier était le quatrième et dernier critère de ceux retenus par ordre décroissant d'importance et qu'il résulte de l'appréciation générale du rapport d'analyse des offres pour le lot E3, pour lequel la société requérante a été classée deuxième, que, si l'offre de la société Le Chalet des Jumeaux était dernière sur le critère financier, elle était seulement, dans son ensemble, " intéressante et de qualité sur le service et l'architecture, un peu inférieure à l'offre du vainqueur en termes de qualité et d'engagement " et qu'elle présentait " une démarche RSE (critère 3) détaillée mais peu engageante ". Ainsi, pour le premier critère portant sur le projet d'établissement, la société Le Chalet des Jumeaux disposait d'une flèche orange dirigée vers le haut et la droite et était appréciée comme ayant une " architecture répondant aux attentes du cahier des charges. Offre de service intéressante et labellisée, mais sans engagements contractuels mis à part non-respect flagrant (sauf engagement intéressant sur nuisances sonores) " tandis que l'offre de la société attributaire avait obtenu une flèche verte dirigée vers le haut et l'appréciation plus favorable suivante : " projet architectural en bois très satisfaisant et engageant contractuellement - avec des ambitions de haute qualité - accompagnement CARSAT pour chantier et pénalités sur le bâtiment. Très bonne qualité de service prévue (carte signée chef une étoile) et engagement contractuel associé pour s'assurer de l'application du contrat. Engagement de maîtrise du coût facturé au client. ". Pour le deuxième critère de qualité et cohérence de l'offre au plan technique, la société requérante et la société attributaire disposaient de la même flèche orange dirigée vers le haut et la droite. Et pour le troisième critère sur la démarche RSE, la société requérante avait obtenu une flèche orange horizontale tandis que celle de l'attributaire était orange mais de biais et dirigée vers le haut, accompagnée de l'appréciation suivante : " démarche RSE satisfaisante avec des engagements intéressants, mais peu détaillés sur la partie " objectifs ". Tableau de suivi mensuel de la performance environnementale transmis à la collectivité ". De la sorte, l'irrégularité de l'appréciation de l'offre financière et la méconnaissance du principe d'égal traitement des candidats sur ce point, ainsi que l'erreur de fait qui aurait été commise sur ce même critère financier, à la supposer même établie, ne sont pas la cause directe de l'éviction de la société Le Chalet des Jumeaux de l'offre sur le lot E3. S'agissant de la faute tirée de l'erreur manifeste d'appréciation de l'offre de la société Le Chalet des Jumeaux concernant le lot T3d : 16. Pour le quatrième et dernier critère de ceux retenus par ordre décroissant d'importance, si la société requérante soutient que la cohérence de son offre financière pour le lot T3d n'aurait pas été examinée et aurait été mal appréciée, car le montant de la redevance a été privilégié au détriment de l'analyse des tarifs, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle était classée septième sur neuf candidates et qu'elle n'a pas été admise à la négociation. Sur le premier critère, l'offre de la société attributaire était " très bonne " et sur les critères 2 et 3, de " très grande qualité ". L'offre de la société Le Chalet des Jumeaux, quant à elle, était seulement " intéressante " sur le critère 1 et " bien détaillée " sur le critère 2 et était également moins bien classée sur le critère 3 pour lequel sa démarche RSE avait été jugée " peu engageante contractuellement pour le candidat ". Ainsi, quand bien même la société requérante aurait obtenu l'appréciation maximale pour le critère financier, dernier dans la hiérarchie d'importance des critères, cela ne lui aurait pas permis pour autant d'être globalement mieux classée que l'entreprise attributaire et de se voir attribuer la sous-concession T3d. L'irrégularité de l'appréciation de son offre financière n'est, par suite, pas la cause directe de l'éviction de la société Le Chalet des Jumeaux sur le lot T3d. En ce qui concerne les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, sur lesquels la société Le Chalet des Jumeaux n'a pas candidaté : S'agissant de la faute tirée de l'insuffisante définition des besoins de la commune de Ramatuelle : 17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 10, la société Le Chalet des Jumeaux n'est pas fondée à soutenir, au soutien de ses conclusions indemnitaires concernant les lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d, sur lesquels elle n'a pas candidatés, que la commune de Ramatuelle n'aurait pas suffisamment défini ses besoins et aurait méconnu l'objectif de diversité et d'accueil fixé par l'article 4 de l'avis d'appel public à la concurrence ainsi que l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 et les principes de libre accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. S'agissant de la faute tirée de la limitation du nombre de lots : 18. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, dans sa version applicable aux faits de l'espèce : " I. Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. / Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. ". Et selon l'article 36 de la même ordonnance : " Sans préjudice des dispositions du chapitre préliminaire et du chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales, l'autorité concédante organise librement la procédure qui conduit au choix du concessionnaire, dans le respect des principes énoncés à l'article 1er de la présente ordonnance, des dispositions du présent chapitre et des règles de procédure fixées par voie réglementaire... ". 19. L'article 4.3 du règlement de la consultation disposait d'une part, que " Les candidats sont informés de la possibilité de présenter une offre pour un ou pour deux lots au maximum en précisant expressément leur préférence " et, d'autre part, qu'" Afin d'assurer une réelle diversité sur le site de la plage de Pampelonne, chaque candidat ne pourra être attributaire que d'un seul lot ". 20. La société requérante soutient qu'en limitant à la fois, d'une part, à deux sur trente le nombre d'offres pouvant être présentées par un candidat et, d'autre part, à un sur trente, le nombre de lots pouvant être attribué par candidat, le pouvoir adjudicateur aurait méconnu les règles de libre accès à la concurrence énoncées aux articles 1er et 36 de l'ordonnance concessions cités aux points précédents et désormais codifiés à l'article L. 3 du code de la commande publique. Elle estime qu'une telle limitation ne serait pas justifiée par la commune de Ramatuelle par un motif d'intérêt général, alors que le nombre de lots à attribuer était limité, et que la limite du nombre de présentation d'offres ne serait pas proportionnée. 21. En premier lieu, la commune justifie la limitation du nombre de présentation de dossiers de candidature par la nécessité d'égaliser les conditions de concurrence entre les candidats afin de permettre l'émergence de candidatures d'acteurs économiques plus modestes face à des sociétés plus importantes. Elle fait aussi valoir que l'absence de limitation du nombre de lots aurait complexifié l'analyse au point de rendre quasiment impossible la tenue d'une procédure de mise en concurrence dans des conditions acceptables tout en contestant avoir eu pour seul objectif de réduire sa charge de travail. En second lieu, elle invoque le règlement de la consultation lequel prévoyait expressément l'attribution d'un seul lot par candidat afin " d'assurer une réelle diversité sur le site de la plage de Pampelonne ". 22. D'une part, aucun texte légal ni réglementaire n'interdit, dans le cadre de l'attribution de sous-concessions portant occupation du domaine public par une commune, elle-même concessionnaire unique d'une plage naturelle, le principe d'une limitation du nombre de présentation d'offres alors notamment qu'en vertu de l'article 36 de l'ordonnance du 29 janvier 2016, en tant qu'elle-même autorité concédante, elle organise librement la procédure qui conduit au choix des sous-concessionnaires. Cette limite, qui était la même pour tous les candidats et avait été clairement prévue par le règlement de la consultation, ne méconnaît ni le principe d'égalité ni le principe de transparence énoncés à l'article 1er de la même ordonnance. 23. La société Le Chalet des Jumeaux soutient qu'une telle limite méconnaitrait le principe de libre accès à la commande publique. La démarche communale s'inscrit cependant dans la répartition aussi variée que possible d'une concession unique entre autant de sous-concessionnaires qu'il y avait de lots. D'un point de vue quantitatif, il résulte de l'instruction que, pour les trente lots, cinquante-neuf candidats ont été admis par la commission à présenter une offre à l'issue de la réunion du 18 décembre 2017 et quatre-vingt-treize offres ont été analysées pour l'ensemble des trente lots, ce qui a permis à la commune de rationnaliser l'analyse des offres. Il résulte également d'une note établie par la directrice de recherche au CNRS du 4 août 2022 produite par la commune que la limite à deux du nombre de présentations des offres reste neutre sur les chances de réussite d'une société qui s'est portée candidate à l'un des lots, dès lors que, dans l'hypothèse où chaque candidat ne pourra être attributaire que d'un seul lot, la probabilité de réussite d'une entreprise, qui correspond au ratio du nombre de lots par le nombre de sociétés soumissionnaires, demeure inchangée, et ce, quel que soit le nombre de lots auxquels la société peut présenter une offre. En outre, le nombre de candidatures par lot était illimité. Surtout, d'un point de vue qualitatif, cette limite du nombre de présentation des offres permettait de rétablir un équilibre concurrentiel en laissant la possibilité à des entreprises de moindre taille et aux moyens humains et financiers plus limités de présenter une offre qui ne soit pas en concurrence avec une société aux moyens bien supérieurs, alors que la commune fait valoir, sans être contestée, que les coûts de présentation de l'offre étaient non négligeables car il était exigé un projet architectural avancé allant bien au-delà de l'esquisse et qu'il n'était pas prévu d'indemnisation des candidats. Ce mécanisme permettait ainsi d'éviter la domination des grands groupes présentant de multiples dossiers d'offres personnalisées et ce faisant, garantissait une diversification de la taille des entreprises présentant une offre. Contrairement à ce que soutient la société Le Chalet des Jumeaux, le seul fait que la procédure ait été allotie, ce qui ne donne aucune garantie au candidat plus modeste que son offre puisse être retenue, ne suffisait pas à atteindre un tel objectif de renforcement de la concurrence. Dans ces conditions, la commune a pu légalement, sans méconnaitre le principe de libre accès à la concurrence, limiter le nombre de présentation des offres à deux. 24. D'autre part, il résulte de l'article 4.3 précité du règlement de la consultation que la limitation du nombre de lots attribué avait pour objet de favoriser la diversité des attributaires ou des prestations ainsi proposées. Ainsi qu'il est indiqué dans la délibération du conseil municipal de Ramatuelle du 19 juin 2017, la commune souhaitait " sélectionner des professionnels capables de valoriser l'image de Ramatuelle, et donc de se démarquer, d'échapper aux stéréotypes, de proposer des prestations typiques, personnalisées, diversifiées. Il s'agira aussi, grâce à un ensemble bien équilibré d'établissements, de satisfaire les attentes de toute une gamme de clientèles, locales, régionales et internationales en offrant sur la plage une large gamme de prestations, du plus chic jusqu'au plus authentique. " tout en poursuivant " l'effort d'intégration de l'économie locale à l'environnement naturel remarquable ". Le pouvoir adjudicateur en recourant à l'allotissement pouvait ainsi décider, afin de susciter l'émergence d'une plus grande concurrence, de limiter le nombre de lots qui pourra être attribué à chaque candidat. 25. La société requérante n'est par conséquent pas fondée à soutenir que la commune de Ramatuelle ne pouvait à la fois limiter la possibilité de présenter des offres, et limiter le nombre de lots attribué à un seul candidat, eu égard à l'objet et aux finalités distinctes de ces deux limitations. Plus précisément, en l'espèce, la commune de Ramatuelle a pu légalement, afin d'améliorer la concurrence et de rationnaliser la procédure d'examen des offres, limiter le nombre de présentation de candidatures à deux, alors notamment que la procédure de délégation de service public visait à attribuer trente lots, dont vingt-trois établissements de plage, et ce, alors même qu'elle n'avait pas précisé ses besoins pour chaque lot de plage en fonction de la gamme de prestations attendues ainsi qu'il a été dit aux points 9 et 10 et que chaque candidat ne pouvait se voir attribuer qu'un seul lot. 26. La société requérante n'est, dans ces conditions, pas fondée à soutenir qu'en procédant à cette double limitation, la commune de Ramatuelle aurait méconnu le principe de libre accès à la commande publique énoncé aux articles 1er et 36 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et repris à l'article L. 3 du code de la commande publique. 27. La société requérante ne démontre donc pas l'existence d'illégalités fautives dans l'attribution des lots E2, P1, P2, P3, G1d, G2d, T1d et T2d. 28. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, la société Le Chalet des Jumeaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande indemnitaire. Sur les frais liés au litige : 29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Le Chalet des Jumeaux formées à l'encontre de la commune de Ramatuelle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 500 euros à verser à la commune de Ramatuelle. D É C I D E : Article 1er : La requête de la société Le Chalet des Jumeaux est rejetée. Article 2 : La société Le Chalet des Jumeaux versera à la commune de Ramatuelle une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Chalet des Jumeaux et à la commune de Ramatuelle. Délibéré après l'audience du 30 octobre 2023, où siégeaient : - M. Alexandre Badie, président de chambre, - Mme Isabelle Gougot, première conseillère, - Mme Isabelle Ruiz, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2023. 2 N° 23MA00636
CETATEXT000048439308
J6_L_2023_11_00023MA01453
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA01453, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA01453
1ère chambre
C
M. PORTAIL
CABINET PAMLAW - AVOCATS
M. Philippe PORTAIL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel le maire de Mandelieu-la-Napoule ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la société par actions simplifiée (SAS) Free Mobile portant sur l'installation d'un pylône arbre d'une hauteur de 15,30 mètres, d'une dalle technique et d'un grillage. Par une ordonnance n° 2301116 du 12 avril 2023, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nice a, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 juin et 8 septembre 2023, M. B... et la société à responsabilité limitée (SARL) MPL, représentés par Me Chevrier, demandent à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance du 12 avril 2023 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nice ; 2°) d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2022 du maire de Mandelieu-la-Napoule ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Mandelieu-la-Napoule la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à M. B.... Ils soutiennent que : - ils justifient d'un intérêt à agir, notamment au regard des dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ; - l'arrêté contesté est entaché d'incompétence, dans la mesure où, d'une part, le signataire de cet arrêté ne justifie pas d'une délégation de la part du maire de Mandelieu-la-Napoule, et, d'autre part, il n'appartenait pas au maire de Mandelieu-la-Napoule mais à la communauté d'agglomération Cannes - Pays de Lerins d'édicter cet arrêté ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article L. 34-8-2-1 du code des postes et de la télécommunication électronique ; - il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et le plan local d'urbanisme (PLU) de Mandelieu-la-Napoule ; - il méconnaît le principe de précaution, au regard notamment de l'article 5 du décret n° 2002-775 du 3 mai 2002 ; - leur requête est recevable. Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Free Mobile, représentée par Me Martin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... et de la SARL MPL la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ; - elle est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. La requête et les mémoires ont été communiqués à la commune de Mandelieu-la-Napoule, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Portail, président ; - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... et la société à responsabilité limitée (SARL) MPL demandent l'annulation de l'ordonnance par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté la demande, présentée par M. B..., dirigée contre l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel le maire de Mandelieu-la-Napoule ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la société par actions simplifiée (SAS) Free Mobile tendant à l'installation d'un pylône arbre d'une hauteur de 15,30 mètres, d'une dalle technique et d'un grillage. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. (...) ". 3. En vertu des principes généraux de la procédure, tels qu'ils sont rappelés à l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le droit de former appel des décisions de justice rendues en premier ressort n'est pas ouvert aux personnes qui n'ont pas été mises en cause dans l'instance à l'issue de laquelle a été rendue la décision qu'elles attaquent. Il ressort des pièces du dossier que la SARL MPL n'a pas été mise en cause, et ne devait d'ailleurs pas l'être, dans l'instance à laquelle a donné lieu, devant le tribunal administratif de Nice, la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté susvisé du 27 juillet 2022 du maire de Mandelieu-la-Napoule. La SARL MPL est donc sans qualité et par suite irrecevable à relever appel de l'ordonnance par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nice a statué sur cette demande. Sur la recevabilité de la demande de première instance : 4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ". Selon l'article R. 600-4 de ce même code : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. 6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... établit, par la production à la fois de l'attestation notariée de propriété du bien concerné par la SARL MPL et de la convention d'occupation le liant à cette société, son occupation régulière d'une villa sise 94, Chemin du Tambourin sur le territoire de la commune de Mandelieu-la-Napoule. Cette habitation est située à moins de 100 mètres du lieu d'implantation du pylône litigieux, sis 507, Chemin des Cades sur le territoire communal, mais en est toutefois séparée par la présence d'une parcelle construite. Dans les circonstances de l'espèce, M. B... ne peut être regardé comme voisin immédiat du projet En outre, M. B... se borne à mentionner " l'aspect esthétique et l'atteinte portée au paysage et à la vue depuis la villa [et] une perte de valeur du bien immobilier ", sans détailler aucunement ces allégations ni faire état d'éléments précis relatifs aux caractéristiques du projet litigieux et à la manière dont il affecterait ses conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. La production d'un constat établi par un commissaire de justice en date du 23 mars 2023, très sommairement mentionné dans la requête, n'est pas, à elle seule, de nature à établir une telle atteinte, alors même que les photographies prises à son soutien établissent la présence, dans le secteur litigieux, de nombreux arbres de haute tige et que, au demeurant, la société défenderesse établit que le pylône litigieux sera réalisé de manière à présenter l'aspect d'un arbre. Dans ces conditions, M. B... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant à agir contre l'arrêté contesté. 7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mandelieu-la-Napoule, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de M. B... et de la SARL MPL une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Free Mobile et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... et de la SARL MPL est rejetée. Article 2 : M. B... et la SARL MPL verseront à la SAS Free Mobile une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société à responsabilité limitée (SARL) MPL, à la société par actions simplifiée (SAS) Free Mobile et à la commune de Mandelieu-la-Napoule. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 2 N° 23MA01453 nb
CETATEXT000048439311
J6_L_2023_11_00023MA01472
CETAT
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Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA01472, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA01472
1ère chambre
C
M. PORTAIL
BONAMICO MATTHIEU
M. Philippe PORTAIL
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 6 avril 2020 par lequel le maire de Pierrefeu-du-Var a délivré à Mme F... et M. G... un permis de construire une maison d'habitation comprenant un logement, un garage et deux places de stationnement extérieures, sur une parcelle cadastrée section E n° 3404, sise chemin de Sigou le Haut sur le territoire communal. Par un jugement n° 2001927 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 12 juin 2023, Mme D..., représentée par Me Bonamico, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Toulon ; 2°) d'annuler l'arrêté du 6 avril 2020 du maire de Pierrefeu-du-Var ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Pierrefeu-du-Var la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a intérêt à agir ; - sa requête est recevable, notamment au regard des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; - le dossier de demande du permis de construire litigieux est incomplet, en méconnaissance des dispositions des articles R. 431-8 à R. 431-10 du code de l'urbanisme ; - l'arrêté contesté méconnaît les dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l'urbanisme et UC 8 et UC 4.2.1 b) du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Pierrefeu-du-Var ; - il méconnaît les dispositions de l'article 5 du chapitre 1er du titre 1er du règlement du PLU de Pierrefeu-du-Var ; - il méconnaît les dispositions de l'article 6 du chapitre 2 du titre 1er du règlement du PLU de Pierrefeu-du-Var ; - il méconnaît les dispositions de l'article UC 9 du règlement du PLU de Pierrefeu-du-Var. Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2023, la commune de Pierrefeu-du-Var, représentée par Me Parisi, conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de Mme D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté contesté ayant été retiré par un arrêté du 20 octobre 2021, devenu définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête ; - la requête est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés. La requête et les mémoires ont été communiqués à Mme F... et à M. G..., qui n'ont pas produit de mémoire. Par une lettre du 17 octobre 2023, les parties ont été informées que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur l'irrégularité du jugement attaqué pour ne pas avoir relevé que, dès lors que l'arrêté contesté du 6 avril 2020 avait été retiré par un arrêté du 2 février 2021 devenu définitif, le litige était dépourvu d'objet et qu'il n'y avait plus lieu de statuer. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Portail, président ; - les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ; - les observations de Me Vicquenault représentant la commune de Pierrefeu-du-Var. Considérant ce qui suit : 1. Mme D... demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 6 avril 2020 par lequel le maire de Pierrefeu-du-Var a délivré à Mme F... et à M. G... un permis de construire une maison d'habitation comprenant un logement, un garage et deux places de stationnement extérieures, sur une parcelle cadastrée section E n° 3404, sise chemin de Sigou le Haut sur le territoire communal. 2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. 3. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 2 février 2021, le maire de Pierrefeu-du-Var a transféré le permis de construire contesté à M. E.... Par un second arrêté du même jour, postérieur à l'enregistrement de la demande de première instance, le maire de Pierrefeu-du-Var a retiré l'arrêté du 6 avril 2020 contesté ainsi que l'arrêté du 2 février 2021 portant transfert du permis litigieux. Cet arrêté de retrait, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été contesté, est devenu définitif. Dans ces conditions, et alors même que le tribunal administratif de Toulon n'avait pas été informé de ce que l'arrêté du 6 avril 2020 avait été retiré, la demande présentée par Mme D... tendant à l'annulation de cet arrêté était devenue sans objet à la date à laquelle le tribunal a statué. Le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Toulon, qui a statué sur cette demande, doit, dès lors, être annulé. Il y a lieu d'évoquer ces conclusions ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer. Sur les frais liés au litige : 4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2001927 du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Toulon est annulé. Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2020 du maire de Pierrefeu-sur-Var. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à Mme A... F..., à M. C... G... et à la commune de Pierrefeu-du-Var. Copie en sera adressée au préfet du Var. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Claudé-Mougel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 2 N° 23MA01472 nb
CETATEXT000048439313
J6_L_2023_11_00023MA02268
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/93/CETATEXT000048439313.xml
Texte
CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 16/11/2023, 23MA02268, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de MARSEILLE
23MA02268
1ère chambre
C
M. PORTAIL
LARBRE
Mme Caroline POULLAIN
M. QUENETTE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 3 août 2023 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. Par un jugement n° 2303922 du 10 août 2023, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Larbre, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 10 août 2023 ; 2°) d'annuler les décisions du préfet des Alpes-Maritimes du 3 août 2023 ; 3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous autorisation provisoire de séjour et astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale au regard des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile ; d'une part, il avait sollicité le renouvellement de son titre de séjour sans qu'aucun refus ne lui soit opposé ; d'autre part, il réside régulièrement en France depuis plus de trois mois si bien qu'un motif d'ordre public ne pouvait fonder cette décision ; - la réalité des faits qui lui sont reprochés et les conditions dans lesquelles le fichier des antécédents judiciaire a été consulté ne sont pas établies ; ces faits ne sont au demeurant pas suffisants à caractériser une menace pour l'ordre public alors qu'il est atteint d'une pathologie psychiatrique ; - en tout état de cause, en application du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français eu égard au fait qu'il est père de deux enfants français dont il s'occupe à hauteur de ses capacités ; il est également fondé à opposer les dispositions du 9° du même article eu égard à la pathologie dont il souffre ; - les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; outre qu'il a sa famille en France où il réside depuis 2014, il ne dispose plus de liens dans son pays d'origine ; - elles méconnaissent également l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Un mémoire a été enregistré pour le préfet des Alpes-Maritimes le 23 octobre 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience conformément aux dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, et n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant géorgien né en 1984, relève appel du jugement du 10 août 2023 par lequel magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 3 août 2023 du préfet des Alpes-Maritimes l'obligeant à quitter le territoire français et prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. 2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 432-1 du même code : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. ". Aux termes de son article R. 432-2 : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R.* 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois. / (...) ". 3. Si M. B..., placé sous curatelle renforcée, s'est en dernier lieu vu délivrer une carte de séjour pluriannuelle " vie privée et familiale " le 9 avril 2021, valable jusqu'au 8 avril 2023 et si son curateur a déposé, le 21 décembre 2022, une demande de renouvellement de titre de séjour, il est constant qu'il ne s'est pas vu remettre de récépissé de demande de titre de séjour. Ainsi, une décision implicite de rejet est née le 21 avril 2023 en application des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile. 4. Dès lors, l'intéressé, à la date de l'arrêté attaqué, se maintenait sur le territoire sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité depuis plus de trois mois. 5. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, sans même prendre en compte les mentions figurant au fichier de traitement des antécédents judiciaires auxquelles le préfet fait référence dans son arrêté, que, fût-ce en raison de troubles psychiatriques, le requérant adopte des comportements - menaces de mort, prises à partie violente - qui constituent des menaces pour l'ordre public ayant justifié plusieurs hospitalisations sans consentement et la volonté de son curateur d'être déchargé de son accompagnement. Ces éléments sont de nature à justifier qu'une obligation de quitter le territoire français soit prononcée sur le fondement du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ". 7. D'une part, si M. B... est père de deux enfants français respectivement nés en 2016 et 2019, il est constant que ceux-ci vivent à Paris auprès de leur mère tandis que le requérant réside à Nice. Si ce dernier produit une attestation relativement circonstanciée de leur mère, la preuve d'un virement effectué au profit de celle-ci au mois de décembre 2022, celle du paiement de certaines factures de cantine, quelques tickets de caisse et des billets d'avion pour un trajet Paris - Nice prévu au mois d'août 2023, ces éléments sont insuffisants à établir qu'il contribue effectivement à l'éducation et à l'entretien de ses enfants dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil. D'autre part, en se bornant à produire des ordonnances médicales et de la documentation générale sur l'accès aux soins et traitement médicaux en Géorgie, M. B... ne justifie ni que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Le requérant n'est dès lors pas fondé à se prévaloir des protections instituées par les dispositions des 5° et 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile. 8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / (...) ". 9. Eu égard à ce qui vient d'être exposé au point précédent quant aux relations qu'entretient M. B... avec ses enfants, les décisions contestées ne portent pas atteinte à l'intérêt supérieur de ceux-ci. 10. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 11. Si M. B... réside en France depuis plusieurs années, il vit seul, ne travaille pas et ne justifie ni entretenir des relations régulières avec ses enfants, ni être isolé dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Alors que son comportement constitue par ailleurs une menace pour l'ordre public, ainsi que cela a été exposé au point 5 ci-dessus, le centre de sa vie privée et familiale n'est ainsi pas fixé en France de façon telle que les décisions litigieuses y porteraient une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation comme d'injonction doivent être rejetées, de même que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : -M. Portail, président, -M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, -Mme Poullain, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. 2 N° 23MA02268
CETATEXT000048439315
J7_L_2023_11_00021DA02209
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/93/CETATEXT000048439315.xml
Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 21DA02209, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
21DA02209
2ème chambre
plein contentieux
C
M. Sorin
DELGORGUE
M. Marc Baronnet
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2018 par lequel la directrice du groupe hospitalier Loos Haubourdin a refusé de reconnaître son accident du 30 mai 2017 comme imputable au service. Par un jugement n° 1900680 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 septembre 2021 et 29 avril 2022, Mme B..., représentée par Me Gauthier Jamais, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 10 juillet 2018 par laquelle le groupe hospitalier Loos Haubourdin a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 30 mai 2017 ; 3°) d'enjoindre à l'administration, dans un délai d'un mois, à compter de la décision à intervenir, et sous astreinte de 500 euros par jour de retard : - à titre principal de reconnaître l'accident de Mme B... comme imputable au service ; - à titre subsidiaire de procéder à une nouvelle instruction de la demande de reconnaissance de l'accident imputable au service présentée par Mme B... ; 4°) de mettre à la charge du groupe hospitalier Loos Haubourdin le paiement d'une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé au regard des moyens dont le tribunal a été saisi ; - la décision du 10 décembre 2018 est insuffisamment motivée ; - son état de stress aigu doit être reconnu imputable au service, sur le fondement de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ; - la décision contestée est entachée d'un détournement de pouvoir. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2021, le groupe hospitalier Loos Haubourdin, représenté par Me Juliette Delgorgue, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 2 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 mai 2022 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code général de la fonction publique ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Nina Potier substituant Me Juliette Delgorgue, représentant le groupe hospitalier Loos Haubourdin. Considérant ce qui suit : 1. Mme C... B... est agent hospitalier auprès du groupement hospitalier Loos Haubourdin depuis le 1er juillet 1981. Elle est fonctionnaire depuis 1982. En février 2017, Mme ..., directrice du groupement hospitalier a été saisie d'une plainte par la fille d'une résidente, au motif qu'une altercation aurait eu lieu entre elle et Mme B.... Mme A... a décidé de procéder à une enquête administrative. Madame B... a été convoquée à un entretien le 30 mai 2017, auquel étaient présents le cadre de santé, la responsable ressources humaines, la cadre supérieure de santé, un stagiaire élève directeur au sein du groupe hospitalier et Mme A.... À la suite de cet entretien, Mme B... s'est rendue chez son médecin qui a diagnostiqué un état de stress aigu. Elle a été placée en arrêt maladie à partir du 31 mai 2017. Cet état de stress a été confirmé par un médecin expert le 12 mars 2018 et par la commission de réforme le 12 octobre 2018. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2018 par laquelle le groupement hospitalier de Loos Haubourdin l'a informée qu'il refusait de reconnaître comme imputable au service l'accident dont elle avait été victime et que, par voie de conséquence, les arrêts de travail et les soins à ce titre seraient pris en charge selon les modalités de maladie ordinaire. 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En vertu de l'article R. 741-2 du même code, les jugements contiennent l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont ils font application. 3. Il ressort des termes mêmes de la décision du tribunal administratif de Lille, en particulier de son point 6, que les premiers juges, qui, au demeurant, n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par Mme B... à l'appui de ses moyens, ont énoncé de façon suffisamment complète et précise les motifs pour lesquels ils ont considéré que l'accident en litige n'était pas imputable au service. En considérant que le détournement de pouvoir allégué n'était pas établi, les premiers juges ont par ailleurs suffisamment motivé le rejet de ce moyen. Par suite, le moyen de Mme B... tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté. 4. En deuxième lieu, l'appelante soutient que la décision du 10 décembre 2018 est insuffisamment motivée et qu'elle n'a pu avoir connaissance des pièces du dossier de l'enquête administrative, et notamment des témoignages recueillis dans ce cadre et auxquels la décision fait référence, que postérieurement à l'introduction de sa requête. Toutefois, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration selon lesquelles les décisions individuelles prises en considération de la personne sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents et ne sont pas non plus applicables au cas où il est statué, comme en l'espèce, sur une demande de l'intéressé. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision du 10 décembre 2018, qui se fonde sur ces témoignages, était insuffisamment motivée. Par suite, ce moyen doit être écarté, comme l'ont fait à bon droit les premiers juges. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 6. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 7. Il ressort des pièces du dossier que, le 30 mai 2017, un entretien s'est déroulé dans le bureau de la directrice du groupe hospitalier Loos Haubourdin en présence de celle-ci, du cadre de santé, de la responsable ressources humaines, de la cadre supérieure de santé, d'un stagiaire élève directeur au sein du groupe hospitalier et de Mme B... afin d'éclaircir les circonstances dans lesquelles s'était déroulée l'altercation entre cette dernière et la fille d'une patiente de l'établissement. Mme B... soutient que Mme A... a fait preuve lors de cet entretien d'un comportement vexatoire, qui l'aurait placée dans une situation de mise en accusation et dévalorisée dans sa posture professionnelle. Toutefois, les reproches qui ont pu être faits à Mme B... qui figurent dans le compte-rendu d'entretien n'apparaissent pas infondés et la circonstance que Mme B... les a ressentis comme une agression n'est pas de nature à caractériser un comportement ou des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, alors que ce même compte-rendu fait également état du comportement insolent envers la hiérarchie de Mme B.... Par suite, et quand bien même la commission de réforme avait émis un avis favorable à la demande de l'intéressée, cet entretien ne peut être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service. 8. En dernier lieu, les allégations de Mme B... selon lesquelles la décision attaquée aurait un autre objet que celui de statuer sur l'imputabilité au service de l'accident et qu'elle constituerait un élément d'une stratégie de harcèlement ne sont pas établies. Par suite, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir doit également être écarté. 9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2018 par lequel le groupe hospitalier Loos Haubourdin a refusé de reconnaître l'accident déclaré comme imputable au service. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et, par voie de conséquence, celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative. Toutefois, il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le paiement de la somme que le groupe hospitalier demande au titre du même article. DÉCIDE : Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le groupe hospitalier Loos Haubourdin au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au groupe hospitalier Loos Haubourdin. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : M. Baronnet Le président de chambre Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A-S. Villette La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°21DA02209
CETATEXT000048439316
J7_L_2023_11_00022DA00843
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/93/CETATEXT000048439316.xml
Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA00843, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA00843
2ème chambre
plein contentieux
C
M. Sorin
CABINET LE PRADO-GILBERT
M. Marc Baronnet
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier d'Armentières à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge dans cet établissement en mai 2007. Par un jugement n° 1602174 du 22 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier à lui verser à ce titre une somme de 158 185 euros. Par un arrêt n° 19DA01636,19DA01702 du 22 septembre 2020, la cour a, sur appel de la caisse primaire d'assurance maladie de Flandres et du centre hospitalier d'Armentières, ramené l'indemnité que cet établissement a été condamné à verser à M. A... à 23 453 euros. Par une décision n° 446813 du 15 avril 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. A..., annulé l'arrêt de la cour n° 19DA01636,19DA01702 du 22 septembre 2020 en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation du préjudice professionnel de M. A..., et a renvoyé l'affaire, dans la limite de la cassation prononcée, devant la même cour. Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat : Par un mémoire, enregistré après renvoi le 28 juin 2022, le centre hospitalier d'Armentières, représenté par le cabinet Le Prado-Gilbert, persiste dans ses précédentes conclusions, tendant à la réformation du jugement et au rejet de la demande de M. A... au titre de l'indemnisation de son préjudice professionnel. Il soutient que M. A... n'est pas inapte à la reprise d'une autre activité professionnelle et n'a pas justifié avoir entrepris une formation ou recherché un emploi adapté à son handicap, alors qu'il a refusé un reclassement sur un poste de conducteur routier proposé par son employeur conformément aux préconisations du médecin du travail. Par un mémoire, enregistré après renvoi le 1er août 2022, M. A..., représenté par Me Alain Deramaut, demande à la cour de condamner le centre hospitalier d'Armentières à lui verser la somme de 344 607,95 euros, sauf à déduire les créances concernées de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres, et de mettre à la charge du centre hospitalier d'Armentières le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Il soutient que : - les manquements imputables au centre hospitalier ont entraîné son licenciement pour inaptitude et sont à l'origine d'une perte de revenus professionnels futurs qui doit être indemnisée à hauteur de 344 607,95 euros ; - il est victime d'une diminution de ses droits à la retraite, en raison du manque de 34 trimestres de cotisation nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein. La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Flandres, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Juliette Deramaut, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 27 mars 1966, chef de quai dans une entreprise de transports, a subi le 7 mai 2007 une fracture de la cheville gauche qui, à la suite de sa prise en charge par le centre hospitalier d'Armentières, lui a laissé diverses séquelles, sous la forme d'une algoneurodystrophie et d'une arthrose post-traumatique. Son état, dont la consolidation a été fixée au 24 février 2010, a entraîné son licenciement pour inaptitude physique le 2 septembre 2010. Par un jugement n° 1602174 du 22 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a jugé que la prise en charge fautive par le centre hospitalier d'Armentières engageait sa responsabilité à l'égard de M. A... à hauteur de 80 % de la perte de chance d'éviter le dommage et fixé le préjudice de l'intéressé à la somme totale de 158 185 euros. 2. Par un arrêt n° 19DA01636, 19DA01702 du 22 septembre 2020, la cour a, sur les appels de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Flandres et du centre hospitalier d'Armentières, ramené l'indemnisation de M. A... à la somme de 23 453 euros. 3. Par une décision n° 446813 du 15 avril 2022, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par M. A..., a annulé l'arrêt n° 19DA01636, 19DA01702 en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation du préjudice professionnel de M. A... et a renvoyé l'affaire, dans la limite de la cassation prononcée, à la cour. Sur l'indemnisation du préjudice professionnel de M. A... : 4. D'une part, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale. 5. D'autre part, eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du même code, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de son incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice. 6. Il convient, en conséquence, de déterminer si l'incapacité permanente conservée par M. A... en raison de la perte de chance résultant de la faute commise par le centre hospitalier d'Armentières a entraîné, pendant la période postérieure à la consolidation de son état le 2 septembre 2010, des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils ont donné lieu au versement d'une pension d'invalidité. Pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices ont été réparés par la pension, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subissait pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes était inférieur à celui perçu au titre de la pension. 7. En l'espèce, M. A... était âgé de près de 44 ans à la date du 24 février 2010, date de consolidation de son état de santé. Le handicap qu'il a conservé, qui l'a rendu définitivement inapte à son emploi de chef de quai dans une entreprise de transports dont il tirait des revenus stables, rendait impossible la reprise tant de cette activité que d'une activité comparable. Il résulte de l'instruction que son déficit fonctionnel permanent évalué à 15 % s'accompagne de limitations fonctionnelles importantes, puisque la station debout prolongée, la marche prolongée, la pratique des escaliers et le port de charges lui sont interdites. Compte tenu du niveau de formation de l'intéressé, qui a des difficultés pour lire et écrire sans fautes, sa scolarité ayant été interrompue à l'âge de 14 ans, et qui n'a pas le permis de conduire, ainsi que du caractère infructueux des démarches de recherche d'emploi dont il justifie en dépit des formations suivies, la perte de chance résultant de la faute commise par le centre hospitalier d'Armentières doit être regardée comme la cause directe d'une perte de toute possibilité de retrouver un revenu professionnel jusqu'à l'âge de la retraite, dont la date prévisible est le 1er octobre 2029 à l'âge de 63 ans et demi. Compte tenu des revenus de l'intéressé en 2007, d'un montant annuel de 15 593,40 euros, il sera fait une juste appréciation des revenus qu'il aurait dû percevoir entre le 24 février 2010 et le 1er octobre 2029 en les évaluant à la somme de 300 000 euros, par application du barème de la Gazette du Palais pour un homme de 44 ans, jusqu'à un âge compris entre 63 et 64 ans avec un taux d'actualisation de 0 %. Il ne résulte pas de l'instruction que M. A... aurait justifié d'une chance sérieuse d'augmenter ses revenus professionnels au cours de cette période, dont la privation serait constitutive d'une incidence professionnelle. 8. Il résulte de l'instruction que, pendant la même période, la CPAM de Flandres a versé à M. A... une rente d'accident du travail depuis le 30 juin 2010 pour un montant total de 56 273,97 euros, en arrérages échus et capital, jusqu'en 2019. Cette prestation doit être regardée comme ayant eu pour objet de réparer ses pertes de revenus. La part de ces pertes restée à sa charge, déduction faite de la somme de 86 877,52 euros correspondant au montant de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, de l'allocation de formation et de l'allocation de solidarité spécifique versées par Pôle emploi depuis le 15 novembre 2010 jusqu'en 2019, doit en conséquence être évaluée à 156 848,51 euros (= 300 000 - 56 273,97 - 86 877,52). Compte tenu de l'allocation de solidarité spécifique mensuelle de 563,27 euros et de la rente d'accident du travail de 479,86 euros trimestriels qu'il perçoit, il convient de déduire de cette somme, pour les dix ans qui le séparent de l'âge du départ à la retraite entre 2019 et 2029, un total de 86 786,80 euros (= (563,27 x 12 + 479,86 x 4) x 10). Il y a lieu, par suite, de condamner le centre hospitalier d'Armentières à lui verser la somme de 70 061,71 euros (156 878,51 - 86 786,60) au titre du préjudice professionnel. 9. Si M. A... soutient que la perte de revenus à laquelle il doit faire face aura une incidence sur le montant de sa pension de retraite, un tel préjudice, qui a un caractère futur, ne peut être évalué actuellement. Il lui appartiendra, s'il s'y croit fondé, de saisir la personne publique compétente, et le cas échéant les juridictions compétentes, pour faire valoir sa demande d'indemnisation le moment venu. 10. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier d'Armentières est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges l'ont condamné à verser à M. A... une somme de 134 731,77 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs. Il y a par suite lieu de ramener l'indemnité allouée à ce titre à 70 061,71 euros, et par conséquent de ramener l'indemnité globale de 158 185 euros accordée à M. A... à la somme de 93 514,94 euros. Sur les frais liés au litige : 11. D'une part, la présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées à ce titre par M. A..., dépourvues d'objet, doivent être rejetées. 12. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 13. Le centre hospitalier d'Armentières n'étant pas partie perdante, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à son encontre ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La somme de 158 185 euros que le centre hospitalier d'Armentières a été condamné à verser à M. A... par le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 mai 2019 est ramenée à la somme de 93 514,94 euros. Article 2 : Le jugement n° 1602174 du 22 mai 2019 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié, au centre hospitalier d'Armentières, à M. B... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Flandres. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Thierry Sorin, président, M. Marc Baronnet, président-assesseur, M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. BaronnetLe président de chambre, Signé : T. SorinLa greffière, Signé : A-S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00843
CETATEXT000048439317
J7_L_2023_11_00022DA00919
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/93/CETATEXT000048439317.xml
Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA00919, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA00919
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
SELARLU PHILIPPE NUGUE AVOCAT
M. Guillaume Vandenberghe
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) pompes funèbres Sotty Robert a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle la communauté d'agglomération du Boulonnais (CAB) a rejeté sa demande reçue le 13 février 2019 tendant à ce que cet établissement public cède sans délai ses parts dans la société d'économie mixte (SEM) Prestations Funéraires Intercommunales (PFI) du Boulonnais ou modifie les statuts de cette société afin que celle-ci cesse immédiatement ses activités de pompes funèbres et d'enjoindre à la CAB d'y procéder. Par un jugement n° 1904719 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 avril et 27 octobre 2022, la SARL pompes funèbres Sotty Robert, représentée par Me Olivier Grimaldi, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision implicite du 13 avril 2019 par laquelle la CAB a rejeté sa demande reçue le 13 février 2019 tendant à ce que cet établissement public cède sans délai ses parts dans la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais ou modifie les statuts de cette société afin que celle-ci cesse immédiatement ses activités de pompes funèbres ; 3°) d'enjoindre à la CAB, à titre principal, de céder ses actions dans la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais ou, à titre subsidiaire, de modifier ses statuts afin que celle-ci cesse immédiatement ses activités de pompes funèbres, dans un délai de six mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la CAB et de la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la participation de la CAB au sein de la SEM PFI lui permet, de façon détournée, d'exercer des compétences en matière de prestations funéraires qu'elle ne détient pas, ce qui constitue un abus de droit ; - la structuration du capital social de la SEM PFI est décorrélée de son chiffre d'affaires dès lors que la CAB détient les deux-tiers de son capital et n'exerce pas la compétence relative aux prestations funéraires. Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 octobre et 10 novembre 2022, la SEM Prestations intercommunales du Boulonnais, représentée par Me Philippe Nugue, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a tiré de l'intention du législateur un lien de corrélation entre la structuration du capital d'une SEM et la structuration de son activité, à titre subsidiaire de confirmer le jugement ; 3°) de mettre à la charge de la société appelante le paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - le tribunal a jugé à tort que la participation au capital d'une SEM par une commune doit être proportionnée à la part de l'activité de la société qui relève des compétences propres de cette collectivité, ce qui ne résulte pas des dispositions législatives en vigueur ; - les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2022, la communauté d'agglomération du Boulonnais, représentée par Me Michel Aaron, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de mettre à la charge de la société appelante le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la demande présentée par la société pompes funèbres Sotty Robert devant le tribunal était irrecevable dès lors qu'elle n'a pas qualité à agir, faute de démontrer que l'exercice de l'activité funéraire de la SEM lui serait préjudiciable ; - les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 16 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 2019-463 du 17 mai 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les conclusions de Me Christel Schwing, représentant la SARL Pompes Funèbres Sotty Robert, de Me Anthony Alaimo, représentant la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais et de Me Clara Pesalfini, représentant la communauté d'agglomération du Boulonnais. Considérant ce qui suit : 1. La CAB a créé avec plusieurs partenaires privés, le 4 février 2011, la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais, dont l'objet était la création et la gestion d'un crématorium. Celui-ci a été exploité à compter du mois de février 2013. A la suite de plusieurs augmentations de capital entre 2014 et 2016, cinq communes de l'agglomération boulonnaise sont devenues actionnaires de la SEM. Parallèlement, à compter du mois de mars 2015, la société Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais a développé une activité de pompes funèbres générales en sus de l'exploitation du crématorium. La société Pompes Funèbres Sotty Robert a demandé à la CAB, par courrier du 28 janvier 2019, reçu le 13 février suivant, soit de céder ses parts dans la SEM, soit d'en modifier les statuts, pour abandonner cette activité de pompes funèbres générales. Du silence gardé par l'administration durant deux mois est née une décision implicite de rejet. La société Pompes Funèbres Sotty Robert relève appel du jugement du 15 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mai 2019 tendant à sécuriser l'actionnariat des entreprises publiques locales : " Les assemblées délibérantes des communes, (...) et de leurs groupements peuvent, à l'effet de créer des sociétés d'économie mixte locales mentionnées à l'article L. 1521-1, acquérir des actions ou recevoir, à titre de redevance, des actions d'apports, émises par ces sociétés. / Les prises de participation sont subordonnées aux conditions suivantes : / (...) 2° Les collectivités territoriales et leurs groupements détiennent, séparément ou à plusieurs, plus de la moitié du capital de ces sociétés et des voix dans les organes délibérants ; / 3° La réalisation de l'objet de ces sociétés concourt à l'exercice d'au moins une compétence de chacune des collectivités territoriales et de chacun des groupements de collectivités territoriales qui en sont actionnaires. (...) ". 3. Il résulte notamment de ces dispositions qu'une collectivité ou un groupement de collectivité peut légalement détenir des actions dans une société d'économie mixte qui a un objet pour partie étranger à ses compétences, à la condition que cet objet concoure à l'exercice d'une compétence d'une des autres collectivités ou groupements de collectivités actionnaires. En revanche, il ne résulte ni des ces dispositions, ni des travaux parlementaires préalables à l'élaboration de la loi précitée que la participation au capital d'une commune ou d'un groupement de communes devrait être proportionnée à la part de l'activité de la société qui relève de ses propres compétences. 4. Il ressort des statuts de la SEM Prestations funéraires du Boulonnais que cette société est, d'une part, chargée de gérer un crématorium, compétence détenue par la CAB, et d'autre part d'assurer des prestations funéraires, compétence détenue par les communes actionnaires en vertu de l'article L. 2223-19 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, la participation de la CAB au capital de la SEM, qui ne révèle aucun " abus de droit ", ne méconnaît pas les dispositions citées au point 2. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la CAB en défense, que la SARL pompes funèbres Sotty Robert n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la CAB a refusé de céder ses parts dans la SEM Prestations funéraires Intercommunales du Boulonnais et de modifier ses statuts. Par ailleurs, et compte tenu de ce qui vient d'être dit, il n'y a pas lieu de faire droit à l'appel incident de la SEM. Sur les frais liés à l'instance : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des intimés qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Pompes Funèbres Sotty Robert le versement tant à la CAB qu'à la société Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais d'une somme de 2 000 euros, chacune, au titre de ce même article. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SARL Pompes Funèbres Sotty Robert est rejetée. Article 2 : La SARL Pompes Funèbres Sotty Robert versera à la communauté d'agglomération du Boulonnais et à la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais, chacune, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Pompes Funèbres Sotty Robert, à la communauté d'agglomération du Boulonnais et à la SEM Prestations Funéraires Intercommunales du Boulonnais. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre, Signé : T. SorinLa greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA00919
CETATEXT000048439318
J7_L_2023_11_00022DA01583
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/93/CETATEXT000048439318.xml
Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA01583, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01583
2ème chambre
plein contentieux
C
M. Sorin
CABINET AKILYS AVOCATS
M. Guillaume Toutias
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiée (SAS) " Cardiologie et Urgences " a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler le titre exécutoire n° 856983 du 22 janvier 2019 par lequel le centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens-Picardie a mis à sa charge une somme de 2 366,89 euros au titre d'une prestation de dialyse en soins intensifs réalisée dans le cadre d'une prestation inter-établissements le 16 août 2018, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ainsi que les actes de recouvrement subséquents, et, d'autre part, de la décharger de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement n° 1902384 du 2 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet 2022 et 9 février 2023, la SAS " Cardiologie et Urgences ", représentée par Me Sandrine Milhaud, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler le titre exécutoire n° 856983 du 22 janvier 2019 du CHU d'Amiens-Picardie, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux et l'intégralité des actes de recouvrement subséquents ; 3°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 2 366,89 euros qui lui est demandée ; 4°) de mettre à la charge du CHU d'Amiens-Picardie le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le titre exécutoire attaqué est entaché d'erreur de droit dès lors que la séance de dialyse réalisée le 16 août 2018 par le CHU d'Amiens-Picardie devait être facturée uniquement au titre du groupe homogène de séjour (GHS) correspondant, à l'exclusion de toute facturation complémentaire ou au titre des tarifs journaliers de prestations ; - en l'espèce, non seulement le CHU d'Amiens-Picardie a facturé des compléments au-delà du seul GHS et en retenant un tarif journalier de prestation mais aussi les tarifs portés sur le relevé des actes ne correspondent pas à la somme totale de 2 366,89 euros qui lui est demandée par le titre exécutoire attaqué ; - en outre, la prise en charge n'a pas été particulièrement lourde ; le tarif journalier de prestation " spécialité coûteuse " ne s'applique pas aux séances d'hémodialyse ; il n'existe aucune convention entre le CHU d'Amiens-Picardie et la SAS " Cardiologie et Urgences " prévoyant d'écarter la réglementation applicable en matière de prestations inter-établissements. Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 janvier 2023 et 10 mars 2023, le CHU d'Amiens-Picardie, représenté par Me Yannick Francia, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce que le paiement d'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS " Cardiologie et Urgences " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que la facturation sur la base du tarif journalier de prestations " spécialités coûteuses " est justifiée par le fait que la séance d'hémodialyse litigieuse a été réalisée en unité de soins intensifs, sous surveillance scopée et mobilisant un grand nombre de personnels. Par ordonnance du 10 mars 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 14 avril 2023 à 12 heures. Par lettre du 26 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions de la SAS " Cardiologie et Urgences " tendant à l'annulation des actes de recouvrement, dont la mise en demeure de payer du 15 avril 2019, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'annuler un acte de poursuite et, par suite, de ce que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a statué au fond sur ces conclusions. Des observations ont été enregistrées pour la SAS " Cardiologie et Urgences " le 2 octobre 2023. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code général des collectivités territoriales ; - le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Toutias, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Sandrine Milhaud, représentant la SAS " Cardiologie et Urgences ". Considérant ce qui suit : 1. Le 16 août 2018, la société par actions simplifiée (SAS) " Cardiologie et Urgences ", qui exploite une clinique médicale dédiée à la cardiologie et aux activités d'urgences située à Amiens, a transféré un patient au centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens-Picardie en vue de la réalisation d'une dialyse en soins intensifs. Le 22 janvier 2019, le CHU d'Amiens-Picardie a mis à la charge de la SAS " Cardiologie et Urgences ", par un titre exécutoire n° 856983, la somme de 2 366,89 euros au titre de la facturation de cette prestation. La SAS " Cardiologie et Urgences " a formé un recours gracieux par un courrier du 22 mars 2019, auquel aucune suite n'a été réservée. Le 15 avril 2019, le comptable public lui a adressé une mise en demeure de payer. La SAS " Cardiologie et Urgences " relève appel du jugement du 2 juin 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du titre exécutoire n° 856983 du 22 janvier 2019, de la décision implicite rejetant son recours gracieux et des actes de recouvrement subséquents et, d'autre part, à ce qu'elle soit déchargée de l'obligation de payer la somme qui lui est demandée. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé. / 1° (...) l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre. / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. La revendication par une tierce personne d'objets saisis s'effectue selon les modalités prévues à l'article L. 283 du même livre. / (...) ". 3. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / (...) / c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ". 4. Il résulte de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des établissements publics de santé relève de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances relève de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond. En outre, une mise en demeure du comptable public valant commandement de payer constitue, au sens des dispositions précitées, un acte de poursuite dont la contestation relève du contentieux du recouvrement. 5. En l'espèce, la SAS " Cardiologie et Urgences " a conclu, dans ses écritures en première instance, à l'annulation, outre du titre exécutoire du 22 janvier 2019 et du rejet implicite de son recours gracieux, de l'intégralité des actes de recouvrement subséquents. Elle a notamment joint à sa requête la mise en demeure de payer que le comptable public lui a adressée le 15 avril 2019. Dans cette dernière mesure, le litige se rattache à la contestation d'actes de poursuite délivrés en vue du recouvrement d'une créance non fiscale d'un établissement public de santé, dont il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a retenu sa compétence sur ce point et, statuant immédiatement par voie d'évocation, de rejeter les conclusions de la demande de la SAS " Cardiologie et Urgences " comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Il appartient, en outre, à la cour de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de la SAS " Cardiologie et Urgences ". Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 6. Pour demander l'annulation du titre exécutoire n° 856983 du 22 janvier 2019 et la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 366,89 euros qui lui est demandée, la SAS " Cardiologie et Urgences " soutient que la prestation que le CHU d'Amiens-Picardie a réalisée pour le compte d'un de ses patients le 16 août 2018 ne pouvait légalement pas être facturée selon la méthode des " tarifs journaliers de prestations " et se voir appliquer le tarif des prestations des services de spécialités coûteuses. D'une part, selon l'appelante, la prestation réalisée était uniquement une séance de dialyse, dont la prise en charge n'a au demeurant pas été particulièrement lourde, pour laquelle la facturation ne peut être réalisée que selon la méthode des " groupes homogènes de séjour ". D'autre part, le montant de 2 366,89 euros retenu par le titre exécutoire du 22 janvier 2019 ne correspond pas aux montants mentionnés sur le relevé des actes qui a été remis directement au patient par le CHU d'Amiens-Picardie. 7. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu de l'hospitalisation du patient adressé par la SAS " Cardiologie et Urgences " au CHU d'Amiens-Picardie le 16 août 2018, que l'intéressé a été pris en charge dans une unité de soins intensifs de néphrologie et transplantation rénale. Il a ainsi bénéficié d'une prise en charge hospitalière, incluant une surveillance renforcée et l'intervention d'un grand nombre de personnels spécialisés, sans commune mesure avec celle que suppose en temps normal une dialyse. La SAS " Cardiologie et Urgences " ne conteste pas, au demeurant, qu'elle a orienté son patient vers le CHU d'Amiens-Picardie, plutôt que vers son centre de dialyse habituel, précisément en raison des risques qu'il présentait et afin de bénéficier d'une telle prise en charge renforcée. Contrairement à ce que soutient la SAS " Cardiologie et Urgences ", les prestations assurées par le CHU d'Amiens-Picardie ne peuvent donc pas être regardées comme s'étant limitées à la réalisation d'une séance d'hémodialyse mais incluaient une prestation spécifique d'hospitalisation en unité de soins intensifs de néphrologie. Il s'ensuit que la SAS " Cardiologie et Urgences " n'établit pas que leur facturation ne pouvait s'effectuer que dans le cadre applicable aux hémodialyses. Elle n'établit pas davantage ni ne démontre que le cadre retenu par le CHU d'Amiens-Picardie, notamment le recours à la méthode des " tarifs journaliers de prestations " et au tarif des prestations des services de spécialités coûteuses, dont font partie les prises en charge en soins intensifs de néphrologie, n'était pas applicable aux prestations de soins intensifs qu'il a ainsi effectivement assurés. Enfin, les montants mentionnés sur le relevé des actes remis, à titre d'information, au patient sont sans incidence sur la facturation des prestations effectivement réalisées. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le CHU d'Amiens-Picardie doit être écarté. 8. Il résulte de ce qui précède que la SAS " Cardiologie et Urgences " n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 856983 du 22 janvier 2019 et du rejet implicite de son recours gracieux et celles tendant à ce qu'elle soit déchargée de l'obligation de payer la somme de 2 366,89 euros qui lui est demandée. Sur les frais liés au litige : 9. Aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Lorsque le requérant, après avoir obtenu l'annulation du jugement de première instance, voit sa demande initiale rejetée par le juge d'appel statuant par la voie de l'évocation, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le défendeur soit condamné à lui verser la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 10. Dès lors, d'une part, que la SAS " Cardiologie et Urgences " n'obtient l'annulation du jugement attaqué comme irrégulier uniquement en tant qu'il statue au fond sur ses conclusions tendant à l'annulation des actes de recouvrement mais, d'autre part, que ces mêmes conclusions sont rejetées par la voie de l'évocation comme étant portées devant un ordre de juridiction incompétent et que ses autres conclusions sont rejetées par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, elle doit être regardée comme la partie perdante au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le paiement au CHU d'Amiens-Picardie d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Les conclusions au même titre de la SAS " Cardiologie et Urgences " doivent, en revanche et pour les mêmes motifs, être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1902384 du 2 juin 2022 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la SAS " Cardiologie et Urgences " tendant à l'annulation des actes de recouvrement, dont la mise en demeure de payer du 15 avril 2017. Article 2 : La demande de la SAS " Cardiologie et Urgences " tendant à l'annulation des actes de recouvrement, dont la mise en demeure de payer du 15 avril 2017, est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS " Cardiologie et Urgences " est rejeté. Article 4 : La SAS " Cardiologie et Urgences " versera au CHU d'Amiens-Picardie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée " Cardiologie et Urgences " et au centre hospitalier universitaire d'Amiens-Picardie. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01583
CETATEXT000048439319
J7_L_2023_11_00022DA01764
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA01764, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01764
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
CAMBLA
M. Guillaume Toutias
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 21 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté pour irrecevabilité sa demande tendant au bénéfice d'une pension de victime civile en raison des dommages physiques causés par la guerre d'Algérie et, d'autre part, d'enjoindre à cette dernière d'instruire son dossier, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard. Par un jugement n° 1909469 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 5 août 2022, M. A..., représenté par Me Jennifer Cambla, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 21 janvier 2019 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre à celle-ci d'instruire son dossier, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction résultant de la loi du 13 juillet 2018, sur lesquelles la décision attaquée est fondée, méconnaissent les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la même convention ; - d'une part, ces dispositions instaurent une différence de traitement entre les personnes sollicitant une pension au titre de leur état de victime civile de la guerre d'Algérie et toutes les autres personnes sollicitant une pension au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dès lors que seules les premières se voient appliquer une condition de délai ; - d'autre part, ces dispositions instaurent une différence de traitement entre les personnes ayant déposé la demande de pension avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 2018 et celles qui l'ont déposée après ; - en outre, les différences de traitement ainsi instituées ne répondent à aucune justification objective et il n'existe aucune proportionnalité entre les buts poursuivis et les moyens employés ; - les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction résultant de la loi du 13 juillet 2018, sur lesquelles la décision attaquée est fondée, méconnaissent le principe de sécurité juridique, principe général du droit de l'Union européenne et principe reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme comme étant inhérent au système juridique qu'elle protège ; - en effet, par ces dispositions, la loi du 13 juillet 2018 remet en cause le droit à pension ouvert aux victimes civiles de la guerre d'Algérie ne détenant pas la nationalité française cinq mois à peine après la reconnaissance de ce droit par la décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2018 ; une telle atteinte à cette situation légalement et nouvellement acquise ne repose sur aucun motif d'intérêt général ; le législateur a remis en cause les effets légitimement attendus de cette décision du Conseil constitutionnel et a méconnu son autorité de chose jugée. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, le ministre des armés conclut au rejet de la requête d'appel. Il fait valoir que le Conseil d'Etat a jugé, dans un arrêt du 25 septembre 2020 sous le numéro 441546, que les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction issue de la loi du 13 juillet 2018, ne méconnaissent pas le principe d'égalité et n'ont privé de garantie légale aucune exigence constitutionnelle, n'ont ni porté atteinte à des situations légalement acquises ni remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire des textes antérieurs. Par ordonnance du 5 septembre 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le protocole additionnel n° 1 à la même convention ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 du conseil constitutionnel ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 24 juillet 1946 et de nationalité algérienne, a sollicité, le 26 juillet 2018, l'octroi d'une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie. Par une décision du 21 janvier 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande comme irrecevable. M. A... relève appel du jugement du 7 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Dans sa rédaction issue de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018 susvisée, l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dispose, dans son premier alinéa, que : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre ". Ces dispositions ont supprimé la condition de nationalité française mise au bénéfice de ce régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie par les dispositions antérieures, issues de la loi du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963, cette condition ayant été jugée contraire au principe constitutionnel d'égalité par la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 avec effet à compter du 9 février 2018. 3. Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant du même article 49 de la loi du 13 juillet 2018, dispose que : " Par dérogation à l'article L. 152-1, les demandes tendant à l'attribution d'une pension au titre du présent article ne sont plus recevables à compter de la publication de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense ". Le droit à l'attribution d'une pension s'appréciant, en vertu de l'article L. 151-2 du même code, à la date du dépôt de la demande, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 ont eu pour objet et pour effet de mettre un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie. 4. Pour contester ces dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, au vu desquelles a été prise la décision du 21 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'octroi d'une pension comme irrecevable, M. A... soutient qu'elles méconnaissent, d'une part, le principe de non-discrimination découlant des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la même convention et, d'autre part, le principe de sécurité juridique qui constitue un principe général du droit de l'Union européenne ainsi qu'un principe inhérent au système juridique protégé par la Cour européenne des droits de l'homme. 5. En premier lieu, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Et aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la même convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. (...) ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts de la loi. 6. Les victimes civiles de la guerre d'Algérie n'étant pas dans la même situation que les victimes d'autres conflits, la circonstance que, par les dispositions critiquées, le législateur ait mis un terme pour l'avenir au régime d'indemnisation dont elles pouvaient bénéficier ne traduit pas une violation du principe d'égalité et de non-discrimination. De plus, il ressort des travaux parlementaires de la loi du 13 juillet 2018 que, pour adopter les dispositions contestées, le législateur a entendu tenir compte non seulement de la nature particulière du conflit en cause et du territoire concerné mais aussi de l'ancienneté de ce conflit, des relations actuelles de la France avec l'Algérie et de leurs perspectives d'avenir, de sorte que la distinction ainsi instituée entre les victimes civiles de la guerre d'Algérie et les victimes civiles des autres conflits mentionnées par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est assortie de justifications objectives et n'est pas disproportionnée au vu des buts poursuivis. En outre, si les dispositions critiquées conduisent à traiter différemment des demandes selon la date à laquelle elles ont été présentées, cette différence est inhérente à la succession de régimes juridiques dans le temps et n'est pas, par elle-même, contraire au principe de non-discrimination. Dès lors, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, issues de la loi du 13 juillet 2018, ne présentent pas un caractère discriminatoire au regard des stipulations citées au point précédent et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits conventionnellement consacrés. 7. En second lieu, si les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ont, ainsi qu'il a été dit au point 3, mis un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie, elles sont en revanche dépourvues d'effet rétroactif et sont en particulier sans incidence sur les demandes déposées antérieurement à la publication de la loi non plus que sur les droits des personnes déjà admises au bénéfice d'une pension. En outre, compte tenu de l'ancienneté du conflit en cause et quand bien même la condition tenant à la détention de la nationalité française n'a été formellement censurée par le Conseil constitutionnel que le 8 février 2018, le législateur a pu, à la date à laquelle les dispositions contestées ont été adoptées, décider de mettre fin au régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie dès la date de publication de la loi du 13 juillet 2018 sans porter d'atteinte au principe de sécurité juridique. Enfin, dès lors que la décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 du Conseil constitutionnel se borne à censurer la condition de nationalité française qui était jusqu'alors mise à l'octroi d'une pension et ne s'oppose pas, par elle-même, à la suppression de ce régime d'indemnisation pour l'avenir, le législateur a pu adopter les dispositions litigieuses sans méconnaître l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel. Ce faisant, le législateur n'a ni porté atteinte à des situations légalement acquises, ni remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire des textes antérieurs. Dès lors, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, issues de la loi du 13 juillet 2018, ne portent pas atteinte au principe de sécurité juridique, reconnu comme principe général du droit de l'Union européenne et principe inhérent au système juridique protégé par la Cour européenne des droits de l'homme. 8. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'a pas entaché d'illégalité sa décision du 21 janvier 2019 en se fondant sur les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de cette décision doivent, dès lors, être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01764
CETATEXT000048439320
J7_L_2023_11_00022DA01899
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA01899, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA01899
2ème chambre
plein contentieux
C
M. Sorin
CABINET LE PRADO-GILBERT;SELARL SAINT ROCH AVOCATS;CABINET LE PRADO-GILBERT
M. Guillaume Toutias
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Denain à lui verser la somme de 1 084 889,77 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de sa prise en charge par cet établissement du 26 au 28 avril 2014. Par un jugement n° 1908189 du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a donné acte du désistement de la requête de Mme A... et a condamné cette dernière à reverser au centre hospitalier de Denain la somme de 1 253 euros. Par le même jugement, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Denain à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut la somme de 11 685,98 euros, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts, au titre de ses débours, à la rembourser, sur présentation des justificatifs à la fin de chaque année échue, des frais futurs exposés par elle au titre des dépenses de santé de Mme A... dans la limite d'un montant total de 14 064,39 euros et à lui verser la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Enfin, il a mis à la charge du centre hospitalier de Denain, le paiement à la CPAM du Hainaut d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions des parties pour le surplus. Procédure devant la cour : I.- Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 22DA01899 les 7 septembre 2022, 5 décembre 2022 et 23 février 2023, Mme A..., représentée par Me Alexia Navarro, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement en tant qu'il donne acte de son prétendu désistement ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Denain à lui verser la somme de 1 006 739,58 euros, déduction faite de la provision déjà versée ; 3°) de rejeter l'intégralité des conclusions du centre hospitalier de Denain ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Denain le paiement d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens. Elle soutient que : - le tribunal administratif de Lille n'a pas fait une juste application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative en lui demandant de produire un mémoire récapitulatif le 14 janvier 2021 ; en effet, à cette date, aucun mémoire n'avait été produit par la CPAM et le dossier n'était donc pas en état ; en tout état de cause, le mémoire récapitulatif qu'elle a déposé par erreur le 18 mars 2021 dans l'instance de référé qui était déjà close et celui qu'elle a déposé devant le tribunal le 17 juin 2022 manifestaient sa volonté non équivoque de maintenir ses demandes indemnitaires ; le tribunal administratif de Lille ne pouvait donc pas régulièrement constater son désistement d'office ; il a méconnu les principes d'équité et du contradictoire alors qu'il n'a tiré aucune conséquence du dépôt tardif des mémoires récapitulatifs du centre hospitalier de Denain et de la CPAM du Hainaut ; - la responsabilité du centre hospitalier de Denain est engagée pour faute en raison du retard de diagnostic du syndrome de la queue de cheval dont elle a été atteinte ; cette faute est directement et entièrement en lien avec les préjudices qu'elle a subis et il n'y a pas lieu de faire application d'un taux de perte de chance ; à titre subsidiaire, un tel taux ne saurait être fixé en-deçà de 70% ; - les préjudices qu'elle a subis doivent être réparés par l'octroi des indemnités suivantes : 15 424,18 euros au titre des pertes de gains professionnels actuelles, 728 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 35 790 euros au titre de l'assistance par une tierce personne temporaire, 198 392,17 euros au titre des frais de logement adapté, 2 100 euros au titre des frais de médecin-conseil, 16 245 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 35 000 euros au titre des souffrances endurées, 371 167 euros au titre des pertes de gains professionnels futures, 151 121,05 euros au titre de l'incidence professionnelle, 19 677,18 euros au titre des dépenses de santé futures, 15 132 euros au titre des frais de véhicule adapté, 106 750 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 100 000 euros au titre du préjudice sexuel ; il y a lieu de déduire la provision de 68 707 euros déjà perçue ; - l'ordonnance du 27 janvier 2020 par laquelle le juge des référés a condamné le centre hospitalier de Denain à lui verser une provision est définitive ; le tribunal administratif de Lille, par le jugement attaqué, a admis que la responsabilité du centre hospitalier de Denain était engagée ; donc, même à supposer qu'elle puisse être regardée comme s'étant désistée de sa requête au fond, cette circonstance n'aurait aucune incidence sur la provision qui lui a été versée. Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 novembre 2022 et 16 janvier 2023, le centre hospitalier de Denain, représenté par la SARL Le Prado-Gilbert, conclut au rejet de la requête d'appel, à ce que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il fixe le montant du reversement mis à la charge de Mme A... et à ce que ce montant soit porté à 68 707 euros. Il fait valoir que : - le tribunal administratif de Lille n'a pas fait une mauvaise application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative en demandant, le 14 janvier 2021, la production d'un mémoire récapitulatif dès lors qu'à cette date, Mme A... et lui avaient déjà échangé trois mémoires chacun ; il est constant que Mme A... n'a pas produit de mémoire récapitulatif dans le délai qui lui a été laissé à cet effet ; ses productions ultérieures ne font pas obstacle à la constatation du désistement d'office ; c'est dès lors régulièrement que le tribunal administratif de Lille n'a pu que statuer en ce sens ; - sa responsabilité n'est engagée qu'au titre de la perte de chance d'éviter les séquelles subies par Mme A..., qui ne saurait excéder 50 % ; - au titre des pertes de gains professionnels actuelles, l'indemnité à allouer à Mme A... ne saurait excéder 11 497,88 euros et celle à allouer à la CPAM 8 000,54 euros ; les frais d'abonnement dans un centre aquatique ne sont pas en lien avec le dommage ; Mme A... ne justifiant pas des aides qu'elle a par ailleurs perçues pour financer son besoin d'assistance par une tierce personne temporaire, aucune indemnité à ce titre ne peut lui être accordée ; les séquelles conservées par Mme A... ne justifient pas l'adaptation de son logement ; il s'en rapporte à la justice s'agissant des frais d'assistance par un médecin-conseil ; le déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé à partir d'un coefficient journalier de 13 euros ; des souffrances endurées cotées 5 sur une échelle de 7 s'indemnisent en général autour de 13 531 euros ; au titre des pertes de gains professionnels futures, l'indemnité à allouer à Mme A... ne saurait excéder 3 478,93 euros ; aucune somme ne saurait être allouée au titre de l'incidence professionnelle ; l'indemnisation des dépenses de santé futures doit être limitée aux frais relatifs à l'achat de protections urinaires ; les séquelles conservées par Mme A... ne justifient pas l'adaptation de son véhicule ; au titre du déficit fonctionnel permanent, l'indemnité ne saurait excéder 80 000 euros ; au titre du préjudice esthétique permanent, l'indemnité ne saurait excéder 500 euros ; le préjudice d'agrément n'est pas établi ; le préjudice sexuel doit être ramené à de plus justes proportions ; le coefficient de perte de chance de 50% doit être appliqué à toutes les indemnités susceptibles d'être versées à Mme A... ; - les conclusions de Mme A... sont irrecevables en tant qu'elles dépassent le montant de 798 128,76 euros qu'elle sollicitait dans sa demande indemnitaire préalable ; - s'il avait certes conclu en première instance à ce que Mme A... soit condamnée à lui reverser une somme de 1 253 euros, correspondant à la différence entre la provision de 68 707 euros à laquelle il avait déjà été condamné et le montant de la créance de Mme A... qu'il évaluait alors à 67 454 euros, le tribunal aurait dû tirer la conséquence du désistement de Mme A... en mettant à sa charge le reversement de l'intégralité de la provision de 68 707 euros ; - il s'oppose au versement à la CPAM, sous forme de capital, des prestations à échoir. Par un mémoire, enregistré le 28 novembre 2022, la CPAM du Hainaut, représentée par Me Benoît de Berny, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il limite le taux de perte de chance retenu à 50%, son indemnisation au titre des débours antérieurs à la consolidation à 11 685,98 euros et son indemnisation au titre des débours postérieurs à la consolidation à 14 064,39 euros ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Denain, après avoir fixé un taux de perte de chance qui ne saurait être inférieur à 70%, à lui verser une somme de 22 519,31 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 9 avril 2021 et de la capitalisation des intérêts, au titre des débours antérieurs à la consolidation ainsi qu'une somme de 95 886,47 euros au titre des débours postérieurs à la consolidation ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Denain le paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la responsabilité du centre hospitalier de Denain est engagée et le coefficient de perte de chance ne saurait être inférieur à 70% ; - les débours correspondant aux dépenses de santé actuelles s'élèvent à 6 719,40 euros ; - les débours correspondant aux pertes de gains professionnels actuelles s'élèvent à 15 799,91 euros ; - les débours correspondant aux dépenses de santé futures s'élèvent à 17 334,19 euros ; - les débours correspondant aux pertes de gains professionnels futures s'élèvent à 19 802,68 euros ; - les débours correspondant à l'incidence professionnelle s'élèvent à 58 749,60 euros ; Par ordonnance du 3 janvier 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023 à 12 heures. II.- Par une requête, enregistrée sous le n° 22DA01940 le 16 septembre 2022, la CPAM du Hainaut, représentée par Me Benoît de Berny, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il limite le taux de perte de chance retenu à 50%, son indemnisation au titre des débours antérieurs à la consolidation à 11 685,98 euros et son indemnisation au titre des débours postérieurs à la consolidation à 14 064,39 euros ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Denain, après avoir fixé un taux de perte de chance qui ne saurait être inférieur à 70%, à lui verser une somme de 22 519,31 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 9 avril 2021 et de la capitalisation des intérêts, au titre des débours antérieurs à la consolidation ; 3°) de condamner le centre hospitalier de Denain, au titre des frais futurs exposés par elle au titre des dépenses de santé de Mme A... et des arrérages de la pension, soit à lui verser un capital de 115 922,79 euros, soit à lui rembourser ces frais, sur présentation des justificatifs à la fin de chaque année échue, dans la limite de 76,27% de leurs montants ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Denain le paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la responsabilité du centre hospitalier de Denain est engagée et le coefficient de perte de chance ne saurait être inférieur à 70% ; - les débours correspondant aux dépenses de santé actuelles s'élèvent à 6 719,40 euros ; - les débours correspondant aux pertes de gains professionnels actuelles s'élèvent à 15 799,91 euros ; - les débours correspondant aux dépenses de santé futures s'élèvent à 17 334,19 euros ; - les débours correspondant aux pertes de gains professionnels futures s'élèvent à 62 308,79 euros ; - les débours correspondant à l'incidence professionnelle s'élèvent à 36 279,81 euros ; Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 novembre 2022 et 16 janvier 2023, le centre hospitalier de Denain, représenté par la SARL Le Prado-Gilbert, conclut au rejet de la requête d'appel, à ce que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il le condamne à indemniser la CPAM du Hainaut au titre des dépenses de santé futures et à ce que le montant de cette condamnation soit ramené à 10 156,49 euros. Il fait valoir que : - sa responsabilité n'est engagée qu'au titre de la perte de chance d'éviter les séquelles subies par Mme A..., qui ne saurait excéder 50 % ; - les dépenses de santé actuelles s'élèvent à 9 599,14 euros, avant application du coefficient de perte de chance ; - au titre des pertes de gains professionnels actuelles, l'indemnité à allouer à Mme A... ne saurait excéder 11 497,88 euros et celle à allouer à la CPAM 8 000,54 euros ; - les débours correspondant aux dépenses de santé futures doivent être ramenés à 10 156,49 euros ; - aucune indemnité n'est due à la CPAM du Hainaut au titre de la pension d'invalidité ; - il s'oppose au versement à la CPAM, sous forme de capital, des prestations à échoir. Par des mémoires, enregistrés les 5 décembre 2022 et 23 février 2023, Mme A..., représentée par Me Alexia Navarro, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il donne acte de son prétendu désistement ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Denain à lui verser la somme de 1 006 739,58 euros, déduction faite de la provision déjà versée ; 3°) de rejeter l'intégralité des conclusions du centre hospitalier de Denain ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Denain une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens. Elle reprend les mêmes moyens que ceux développés au soutien de sa requête d'appel enregistrée sous le n° 22DA01899 et visés ci-dessus. Par ordonnance du 3 janvier 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Pauline Colette, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Le 26 avril 2014, Mme B... A..., née le 26 septembre 1985, a été hospitalisée au centre hospitalier de Denain (Nord), où elle était suivie pour sa grossesse, en raison d'une lombosciatique S1 gauche hyperalgique. Compte tenu de ces symptômes, de la proximité du terme et du risque de prééclampsie qui s'était réalisé lors de sa précédente grossesse, il a été décidé de provoquer l'accouchement, qui a eu lieu par voie basse le jour même. Le lendemain, les douleurs sciatiques ont repris et ont évolué défavorablement. Mme A... a développé en outre une asthénie en selle complète. A la suite d'une importante perte d'urines dans la journée du 28 avril 2014, elle a subi un examen par IRM qui a permis de diagnostiquer un syndrome de la queue de cheval. Elle a été transférée immédiatement dans le service de neurochirurgie du centre hospitalier de Valenciennes où elle a été opérée dans la nuit du 28 au 29 avril 2014. Les suites opératoires ont été simples et elle a regagné son domicile le 6 mai 2014. Elle conserve en revanche, depuis cette date, des troubles sensitivomoteurs S1 gauche, des hypoesthésies en selle et des troubles sphinctériens. 2. Mme A... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) du Nord-Pas-de-Calais le 24 avril 2018, qui a sollicité une expertise médicale, dont le rapport a été rendu le 14 janvier 2019. Par un avis du 14 mars 2019, la CRCI a estimé que la réparation incombait à l'assureur du centre hospitalier de Denain en raison du retard de diagnostic fautif du syndrome de la queue de cheval dont Mme A... a été atteinte, à l'origine d'une perte de chance de 70% d'éviter les séquelles. Par un courrier du 26 juin 2019, la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), assureur du centre hospitalier de Denain, a proposé à Mme A... de l'indemniser en lui versant une somme de 111 936 euros, ce que celle-ci a refusé par un courrier du 3 septembre 2019. Mme A... a alors saisi le tribunal administratif de Lille, d'une part, d'une requête tendant à la condamnation du centre hospitalier de Denain à lui verser une somme totale de 1 080 809,77 euros et, d'autre part, d'une requête en référé tendant à la condamnation du même établissement à lui verser une provision. Par une ordonnance n° 1907951 du 27 janvier 2020, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Denain à verser à Mme A... une somme provisionnelle de 68 707 euros. 3. Par son jugement au fond n° 1908189 du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a donné acte du désistement de la requête de Mme A... dès lors que celle-ci n'avait pas produit, dans le délai qui lui avait été laissé à cet effet, le mémoire récapitulatif qui lui avait- été demandé au cours de l'instruction et il a condamné cette dernière à reverser au centre hospitalier de Denain la somme de 1 253 euros, correspondant à la partie de la provision décidée par le juge des référés dont le centre hospitalier n'admet pas le bien-fondé. Par le même jugement, le tribunal administratif de Lille, qui a estimé que la responsabilité du centre hospitalier de Denain était engagée en raison d'un retard de diagnostic à l'origine d'une perte de chance d'échapper aux dommages de 50%, a condamné cet établissement à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut la somme de 11 685,98 euros, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts, au titre de ses débours, à la rembourser, sur présentation des justificatifs à la fin de chaque année échue, des frais futurs exposés par elle au titre des dépenses de santé de Mme A... dans la limite d'un montant total de 14 064,39 euros et à lui verser la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Enfin, il a mis à la charge du centre hospitalier de Denain, le paiement à la CPAM du Hainaut d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions des parties pour le surplus. 4. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il donne acte de son prétendu désistement et demande à la cour de faire droit à sa demande indemnitaire en condamnant le centre hospitalier de Denain à lui verser une somme totale de 1 006 739,58 euros. La CPAM du Hainaut, de son côté, relève appel du jugement en tant qu'il limite son indemnisation aux sommes précitées de 11 685,98 euros et 14 064,39 euros. Le centre hospitalier de Denain conclut, quant à lui, au rejet des requêtes d'appel de Mme A... et de la CPAM du Hainaut et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'une part, de porter le reversement mis à la charge de Mme A... au montant total de la provision à laquelle il avait été condamné par le juge des référés, soit 68 707 euros, et, d'autre part, de ramener le montant de sa condamnation à rembourser la CPAM du Hainaut de ses débours au titre des dépenses de santé futures à 10 156,49 euros. Les requêtes de Mme A... et de la CPAM du Hainaut étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. Sur la régularité du jugement attaqué en tant qu'il donne acte du désistement d'office de Mme A... : 5. Aux termes de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours, en l'informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d'appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu'elle entend maintenir. / Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, à défaut d'avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l'alinéa précédent, la partie est réputée s'être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d'un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé ". 6. A l'occasion de la contestation en appel de la décision prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé pour produire un mémoire récapitulatif, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai, que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 611-8-1. 7. Il ressort du dossier de première instance que la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Lille a été enregistrée le 16 septembre 2019. Le centre hospitalier de Denain a produit des mémoires en défense enregistrés les 7 et 21 novembre 2019, auxquels Mme A... a répliqué par un mémoire complémentaire enregistré le 5 décembre 2019. Un nouveau mémoire en défense a été enregistré pour le centre hospitalier de Denain le 20 décembre 2019 et communiqué à Mme A..., qui y a répliqué par un deuxième mémoire complémentaire enregistré le 8 janvier 2020. Puis, par une lettre du 14 janvier 2021, réceptionnée par le conseil de Mme A... le lendemain au travers de l'application Télérecours, la magistrate rapporteure, par délégation du président de la formation de jugement, a invité l'intéressée, en application des dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, à présenter, dans le délai d'un mois, un mémoire récapitulatif et l'a informée de ce que, à défaut de production dans le délai imparti, elle serait réputée s'être désistée de sa requête. 8. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'à la date à laquelle la demande de mémoire récapitulatif a été adressée à Mme A..., ses démarches pour obtenir réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis au cours de sa prise en charge au centre hospitalier de Denain remontaient à près de trois ans, sans qu'elle ait manqué de diligences dans le suivi de la procédure. En particulier, Mme A... a, dans le cadre de la procédure contentieuse engagée devant le tribunal administratif de Lille, répliqué à tous les mémoires en défense du centre hospitalier de Denain dans les délais lui étant impartis. Ses demandes, notamment les postes de préjudices qu'elle a invoqués, n'ont pas connu d'évolution caractérisée. En outre, à la date à laquelle la demande de mémoire récapitulatif a été adressée à Mme A..., la CPAM du Hainaut, à laquelle elle est affiliée, n'avait pas encore produit de mémoire et Mme A... n'avait donc pas connaissance des demandes concurrentes que celle-ci était susceptible de présenter. 9. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'objet du litige, à la chronologie de l'instruction menée devant le tribunal, au nombre des premières écritures échangées et à l'absence d'ajout ou de suppression de moyens postérieurement à la requête introductive d'instance, le tribunal administratif de Lille n'a pas fait une juste application de la faculté ouverte par les dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative en sollicitant de Mme A... la production d'un mémoire récapitulatif à la date du 14 janvier 2021 et, par suite, il n'a pu régulièrement se fonder sur l'absence de réponse de l'intéressée dans le délai imparti pour donner acte de son désistement d'office. Il s'ensuit que Mme A... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il donne acte de son désistement d'office. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ses conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par la CPAM du Hainaut et le centre hospitalier de Denain. Sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le centre hospitalier de Denain : 10. D'une part, un requérant peut se borner à demander à l'administration réparation d'un préjudice qu'il estime avoir subi pour ne chiffrer ses prétentions que devant le juge administratif. D'autre part, la décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur. Il en va ainsi quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. 11. En l'espèce, si Mme A..., dans une demande indemnitaire préalable formée par un courrier du 4 juillet 2019, a demandé au centre hospitalier de Denain de lui verser, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge fautive, une somme totale de 798 128,76 euros, cette circonstance ne s'opposait pas, en vertu des principes rappelés au point précédent, à ce qu'elle saisisse le tribunal administratif de Lille de conclusions indemnitaires excédant cette somme. Par ailleurs, les conclusions indemnitaires de Mme A... devant la cour n'excèdent pas le montant de celles qu'elle a présentées en première instance. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée en défense par le centre hospitalier de Denain, tirée de ce que les conclusions indemnitaires de Mme A... dépassent le montant de sa demande indemnitaire préalable, doit être écartée. Sur la responsabilité du centre hospitalier de Denain : En ce qui concerne la faute : 12. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I.- Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ". 13. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A... était porteuse d'une hernie discale L5 S1 gauche, diagnostiquée quatre ans avant les faits, ce dont le centre hospitalier de Denain a eu connaissance dans le cadre du suivi de sa seconde grossesse. La décompensation d'une hernie discale en syndrome de la queue de cheval est une complication rare, mais néanmoins connue, d'un accouchement. Les troubles que Mme A... a développés le 27 avril 2014, au lendemain de son accouchement, à savoir des sciatalgies aiguës et des hypoesthésies périnéales, étaient évocateurs d'un tel syndrome et sont au nombre de ceux qui nécessitent la réalisation d'un examen par IRM en urgence pour poser le diagnostic et permettre, le cas échéant, une prise en charge chirurgicale dans les meilleurs délais. En l'espèce, en ne suspectant pas, dès les premiers symptômes, l'apparition d'un syndrome de la queue de cheval chez Mme A... et en prescrivant la réalisation d'un examen par IRM seulement le 28 avril 2014 dans l'après-midi, le centre hospitalier de Denain a retardé de vingt-quatre heures la prise en charge adaptée de la pathologie de Mme A.... Un tel retard est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Denain, ce que ce dernier ne conteste au demeurant pas. En ce qui concerne l'ampleur de la perte de chance : 14. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. 15. Il résulte de l'instruction, notamment de la documentation médicale produite en défense par le centre hospitalier de Denain, qui n'est infirmée par aucun élément apporté en réplique par Mme A... ou la CPAM du Hainaut, que, d'une part, en moyenne, une personne sur deux prises en charge pour un syndrome de la queue de cheval conserve des séquelles de long terme même en cas de prise en charge conforme aux règles de l'art et, d'autre part, que, si la quantification du bénéfice d'une intervention la plus rapide possible ne fait pas l'objet d'un consensus de la part des auteurs, celle-ci reste malgré tout unanimement indiquée. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, les manquements du centre hospitalier de Denain doivent être regardés comme ayant causé à Mme A... une perte de chance d'éviter les séquelles qu'elle a conservées dont il sera fait une juste appréciation du taux en le fixant à 50%. Sur la liquidation des préjudices de Mme A... et de la CPAM du Hainaut : 16. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019 qui n'est, sur ce point, contesté par aucune des parties, que l'état de santé de Mme A... doit être regardé comme consolidé à la date du 26 avril 2017. 17. D'autre part, il appartient au juge, pour chacun des postes de préjudice, tout d'abord, d'évaluer le montant du préjudice total en tenant compte de l'ensemble des dommages qui s'y rattachent, de fixer ensuite la part demeurée à la charge de la victime, compte tenu des prestations dont elle a bénéficié et qui peuvent être regardées comme prenant en charge un préjudice, et enfin de déterminer le montant de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable au titre du poste de préjudice, ce montant correspondant à celui du poste si la responsabilité du tiers est entière et à une partie seulement en cas de partage de responsabilité. Le juge accorde à la victime, dans le cadre de chaque poste de préjudice et dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers, une somme correspondant à la part des dommages qui n'a pas été réparée par des prestations de sécurité sociale, le solde de l'indemnité mise à la charge du tiers étant, le cas échéant, accordé à la caisse. En ce qui concerne les préjudices temporaires : S'agissant des dépenses de santé actuelles : 18. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que, du fait des séquelles qu'elle a conservées, Mme A... a été sujette à des infections urinaires répétées et qu'elle a dû suivre un suivi urologique ainsi qu'une rééducation périnéale. Si elle soutient avoir exposé des frais de 728 euros pour accéder à un centre aquatique, elle ne justifie pas, par les factures qu'elle produit, que l'achat des " pass famille loisirs résident " dont ces factures rendent compte s'inscrit dans le cadre de sa rééducation. En revanche, la CPAM du Hainaut justifie, par le relevé des débours qu'elle produit et l'attestation d'imputabilité établie par un médecin conseil, qu'elle a exposé, du fait du dommage, des frais hospitaliers de 1 461,85 euros pour la prise en charge de Mme A... au centre hospitalier de Valencienne les 7 et 8 mai 2014 à la suite d'un nouvel important épisode de fuites urinaires, des frais hospitaliers de 199,92 euros pour la réalisation d'un bilan urodynamique au centre hospitalier de Saint-Amand le 13 juin 2014, des frais médicaux de 7 079,36 euros, des frais pharmaceutiques de 468,05 euros et des frais d'appareillage de 372,02 euros. Si son relevé des débours mentionne également des frais de transport de 18 euros, ces frais ne sont pas repris par l'attestation d'imputabilité et ne peuvent donc pas être pris en compte. Dès lors, si aucune indemnité n'est due à Mme A... au titre des dépenses de santé actuelles, il y a lieu en revanche d'allouer à ce même titre à la CPAM du Hainaut, après application du coefficient de perte de chance de 50%, une indemnité de 4 790,60 euros. S'agissant des frais de médecin-conseil : 19. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que lors de la réunion d'expertise qui s'est tenue au centre hospitalier universitaire de Reims le 22 octobre 2018, Mme A... était assistée, notamment, d'un médecin-conseil expert en réparation juridique du dommage corporel et en accidents médiaux, dont elle produit une facture d'honoraires d'un montant de 2 100 euros. Les frais ainsi exposés ayant présenté un caractère utile à l'instruction et étant entièrement en lien avec le fait dommageable, Mme A... est fondée à demander à en être indemnisée intégralement, sans qu'il y ait lieu d'appliquer le coefficient de perte de chance de 50%. Il sera fait une exacte appréciation de ce préjudice en lui allouant une indemnité de 2 100 euros. S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne temporaire : 20. Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu, ainsi d'ailleurs que le prévoit le référentiel de l'ONIAM, de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours. 21. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A..., entre son retour définitif à domicile le 9 mai 2014 et la consolidation de son état de santé le 26 avril 2017, a nécessité, du fait des troubles sensitivomoteurs et sphinctériens qu'elle a conservés, l'aide d'une tierce personne. Les experts ont considéré que ce besoin d'aide par une tierce personne non spécialisée a été de 4 heures par jour pendant le mois suivant son retour à domicile puis de 2 heures par jour. Il ne ressort pas de l'instruction que Mme A... ait par ailleurs bénéficié de prestations ayant pour objet de financer ce besoin d'assistance par une tierce personne, de sorte que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Denain, il n'y a pas lieu d'écarter l'indemnisation de ce poste de préjudice. De plus, l'établissement ne conteste pas l'évaluation des besoins d'aide par une tierce personne faite par les experts. 22. Il s'ensuit qu'il y a d'abord lieu de considérer une indemnisation au titre de la période courant du 9 mai 2014, date du retour définitif au domicile, au 8 juin 2014 inclus, date d'expiration du délai d'un mois suivant ce retour à domicile, soit 31 jours qu'il y a lieu de porter à 35 pour tenir compte des dimanches, jours fériés et jours de congés, ainsi qu'il a été dit au point 20. Il y a ensuite lieu de considérer une indemnisation au titre de la période courant du 9 juin 2014 au 26 avril 2017 inclus, date de consolidation de l'état de santé de Mme A..., soit 1 053 jours qu'il y a lieu de porter à 1 189 pour tenir compte des dimanches, jours fériés et jours de congés. Compte tenu des besoins d'assistance par une tierce personne non spécialisée rappelés au point précédent, d'un montant moyen de 13,50 euros par heure, représentatif des valeurs du salaire minimum interprofessionnel de croissance et des taux moyens des cotisations sociales obligatoires sur ces périodes, ainsi que du coefficient de perte de chance de 50%, il sera fait une exacte évaluation du préjudice subi par Mme A... en lui allouant une indemnité de 16 991 euros. S'agissant des frais de logement adapté : 23. Mme A... sollicite une indemnité de 198 392,17 euros correspondant aux frais qu'elle a engagés pour construire son nouveau logement, respectant toutes les normes d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et garantissant notamment qu'elle puisse y accéder et y circuler y compris en fauteuil roulant. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que, si Mme A... a subi un déficit fonctionnel temporaire de 50% puis 40% jusqu'à la consolidation de son état de santé et si elle subit un déficit fonctionnel permanent de 35% depuis cette date, elle n'en demeure pas moins décrite comme présentant un " bon état général ". En particulier, la marche est " correcte avec une légère boiterie du membre inférieur gauche " et elle n'a, en toute hypothèse, pas besoin d'un fauteuil roulant pour se déplacer. Les perspectives d'évolution sont même décrites comme étant favorables dès lors que les experts ont considéré qu'elle serait " totalement autonome " au terme d'un délai de cinq ans suivant sa consolidation. Dès lors, les frais d'aménagement de son logement engagés par Mme A... ne peuvent pas être regardés comme étant en lien avec les séquelles qu'elle a conservées et elle n'est donc pas fondée à en demander l'indemnisation. S'agissant des pertes de gains professionnels actuelles : 24. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A... exerçait, à la date du fait dommageable, la profession de gestionnaire de recouvrement à l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais. Elle a été placée en congé maladie du 26 avril 2014 au 20 janvier 2017, dont dix semaines ne sont pas en lien avec le fait dommageable mais correspondent au congé maternité qu'elle aurait de toute façon pris à la suite de son accouchement et de la naissance de son second enfant. En revanche, en raison des séquelles qu'elle a conservées du fait dommageable, elle n'a pu reprendre son travail à compter du 20 janvier 2017 qu'à temps partiel thérapeutique et sur un poste adapté. Il résulte de l'avis d'imposition 2014 sur les revenus de 2013 produit par Mme A... que le montant total des salaires nets qu'elle a perçus au cours de l'année 2013, soit l'année précédant le fait dommageable, s'élève à 20 184 euros, soit 55,30 euros par jour. Sur la période d'arrêt de travail et de reprise à temps partiel imputable au fait dommageable, du 5 juillet 2014 au 26 avril 2017 soit 1 027 jours, Mme A... aurait donc dû percevoir la somme de 56 793,10 euros. Il est constant que, sur la même période, les revenus salariaux de Mme A... se sont élevés à 17 740,96 euros, soit une perte de gains professionnels de 39 052,14 euros. Compte tenu du coefficient de perte de chance de 50%, l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Denain au titre de ce poste de préjudice doit, dès lors, être fixée à 19 526,07 euros. Dès lors qu'il résulte de l'instruction que Mme A..., au cours de cette même période, a perçu, outre les revenus salariaux précités de 17 740,96 euros, des indemnités journalières pour un montant de 27 498,96 euros, sa perte globale de revenus s'est établie à 11 553,18 euros et il sera donc fait une exacte appréciation de son préjudice en lui allouant une indemnité du même montant. La CPAM du Hainaut, de son côté, est fondée à percevoir, au titre des débours qu'elle a exposés en lien avec les indemnités journalières versées à Mme A..., le solde de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Denain, soit 7 972,89 euros. S'agissant du déficit fonctionnel temporaire : 25. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A... a subi, en lien avec le fait dommageable, un déficit fonctionnel temporaire de 50% du 9 mai 2014 au 9 novembre 2015, soit 550 jours, puis de 40% du 10 novembre 2015 au 26 avril 2017, soit 534 jours. En se fondant sur les périodes et cotations ainsi retenues par les experts et sur un montant de 13 euros par jour pour un déficit fonctionnel temporaire total, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A... en lui allouant, après application du coefficient de perte de chance de 50%, une indemnité de 3 176 euros. S'agissant des souffrances endurées : 26. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A... a subi, pendant la période de retard de diagnostic de son syndrome de la queue de cheval et alors qu'elle venait tout juste d'accoucher de son second enfant, des douleurs sciatiques intenses, une anesthésie totale en selle et des épisodes d'incontinence. Si l'intervention subie en urgence au centre hospitalier de Valenciennes dans la nuit du 28 au 29 avril 2014 a permis de soulager ces manifestations les plus douloureuses, Mme A... n'en a pas moins conservé des troubles sensitivomoteurs S1 gauche, des hypoesthésies en selle et des troubles sphinctériens. Les souffrances, physiques et morales, ainsi endurées par Mme A... ont été évaluées par les experts à 5 sur une échelle de 1 à 7. Dès lors qu'elles ont été pour l'essentiel éprouvées pendant la période de retard de diagnostic, elles doivent être regardées comme étant entièrement en lien avec la faute du centre hospitalier de Denain et il n'y a pas lieu d'appliquer le coefficient de perte de chance de 50%. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par Mme A... en lui allouant une indemnité de 14 000 euros. En ce qui concerne les préjudices permanents : S'agissant des dépenses de santé futures : 27. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que les séquelles permanentes conservées par Mme A... nécessiteront une prise en charge médicale à l'origine de dépenses de santé futures, notamment un " soutien psychologique, kinésithérapie, balnéothérapie, bilan urodynamique une fois par an, bandelettes urinaires pour surveiller les infections urinaires, protection pour les fuites urinaires et rectales, suivi urologique rapproché du fait du retentissement des troubles sphinctériens et des infections urinaires à répétition sur le haut appareil ". Mme A... justifie, par la production d'une facture du 20 octobre 2018, que l'acquisition des protections contre les fuites urinaires, non prise en charge par les organismes de sécurité sociale ou mutualistes, l'expose à des frais annuels de 160 euros par an. En revanche, elle n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 18, que les droits d'accès dont elle s'acquitte dans un centre aquatique sont en lien avec le fait dommageable. La CPAM du Hainaut, de son côté, justifie être exposée, du fait des prévisions de consultations, examens et traitements dont bénéficiera à l'avenir Mme A..., qui sont cohérentes avec les énonciations des experts et dont l'imputabilité au dommage est en outre attestée par un médecin-conseil de l'assurance maladie, à des débours de 740,73 euros par an. La capitalisation de ces frais annuels de manière viagère, à la date de consolidation de l'état de santé de Mme A..., donne, sur la base du coefficient de 54,547 du barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2022 (taux d'intérêt 0%), applicable à une femme âgée de 31 ans, des montants respectivement de 8 727,52 euros pour les protections contre les fuites urinaires et 40 404,60 euros pour les débours futurs de la CPAM, soit un total de 49 132,12 euros. Compte tenu du coefficient de perte de chance de 50%, l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Denain au titre de ce poste de préjudice doit, dès lors, être fixée à 24 566,06 euros. Il sera donc fait une exacte appréciation du préjudice subi par Mme A... en lui allouant une somme de 8 727,52 euros, correspondant au capital représentatif des frais d'acquisition de protections contre les fuites urinaires auxquels elle sera exposée à l'avenir. Dès lors, d'une part, que le solde de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Denain au titre de ce poste de préjudice, soit 15 838,54 euros, doit être attribué à la CPAM et, d'autre part, que le centre hospitalier de Denain s'oppose toutefois à la réparation sous la forme d'un capital, il y a seulement lieu de le condamner à rembourser à la CPAM les débours qu'elle sera amenée à exposer du fait des dépenses de santé futures de Mme A..., à échéance annuelle, sur présentation des justificatifs et dans la limite du montant de 15 838,54 euros. S'agissant des frais de véhicule adapté : 28. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que, si Mme A... conserve du fait dommageable un déficit fonctionnel permanent évalué par les experts à 35%, il ressort de l'examen que les experts ont réalisé que " la marche est correcte avec une légère boiterie du membre inférieur gauche dû au déficit du mollet gauche ". Il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait, depuis la survenue du dommage, effectivement été contrainte de recourir à un véhicule à embrayage automatique pour se déplacer. Dans ces conditions, il n'est pas établi que son état de santé ne soit pas compatible avec la conduite d'un véhicule à embrayage manuel et qu'il justifie nécessairement le recours à un véhicule à embrayage automatique. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre du surcoût sur les frais d'acquisition de ses véhicules automobiles auquel elle estime être exposée. S'agissant des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle : 29. Dans le cas où la victime d'un dommage corporel vient, du fait de ce dommage, à percevoir une pension d'invalidité, il appartient au juge de déterminer, en premier lieu, si l'incapacité permanente conservée par l'intéressé entraîne des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnent lieu au versement d'une pension d'invalidité. Pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices sont réparés par la pension, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subit pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes est inférieur au capital représentatif de la pension. Dès lors qu'il a été définitivement jugé que les fautes commises par l'établissement responsable ont contribué pour moitié à la réalisation du préjudice, la moitié seulement du montant des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle doit être mis à sa charge. Dans cette limite, la victime doit se voir allouer, le cas échéant, une somme correspondant à la part de ces postes de préjudice non réparée par la pension, évaluée ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le solde éventuel étant versé à la caisse primaire d'assurance maladie. 30. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A..., qui exerçait à la date du fait dommageable la profession de gestionnaire de recouvrement à l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais, n'a, du fait des séquelles conservées, pu reprendre son travail, le 20 janvier 2017, que sur un poste adapté et à mi-temps thérapeutique, qu'elle est classée en invalidité de 1ère catégorie et qu'elle subit une pénibilité accrue dans l'exercice de ses fonctions et est contrainte dans ses choix d'évolution professionnelle. Toutefois, il résulte également de l'instruction que l'état de santé de Mme A... n'est pas pour autant incompatible avec l'exercice de toute activité professionnelle, qu'il n'est pas établi qu'elle ne puisse pas à terme reprendre une activité à temps plein et qu'il n'est pas davantage établi que, contrairement à ce qu'elle soutient, elle avait, antérieurement au fait dommageable, une chance sérieuse d'accéder aux fonctions d'inspectrice des URSSAF. Ainsi qu'il a été dit au point 23, les perspectives d'évolution de ses séquelles sont même décrites par les experts comme étant favorables dès lors qu'ils ont considéré qu'elle serait " totalement autonome " au terme d'un délai de cinq ans suivant sa consolidation. Il résulte en outre des derniers bulletins de salaire qu'elle produit, pour la période comprise entre décembre 2021 et avril 2022, qu'elle n'occupe alors plus effectivement son poste de travail, sans qu'elle ne justifie que cette interruption soit en lien avec les séquelles qu'elle a conservées du fait dommageable dont la réparation incombe au centre hospitalier de Denain. Dans les circonstances de l'espèce, le fait dommageable doit être regardé comme n'ayant eu une influence directe et certaine sur l'exercice professionnel de Mme A... que jusqu'à la fin de l'année 2021. Il s'ensuit que Mme A... est seulement fondée à demander l'indemnisation des éventuelles pertes de gains professionnels qu'elle a subies jusqu'à cette date et de l'incidence professionnelle qu'exercent les séquelles permanentes qu'elle a conservées. 31. Ainsi qu'il a été dit au point 24, il résulte de l'avis d'imposition 2014 sur les revenus de 2013 produit par Mme A... que le montant total des salaires nets qu'elle a perçus au cours de l'année 2013, soit l'année précédant le fait dommageable, s'élève à 20 184 euros, soit en moyenne 1 682 euros par mois. Sur la période imputable au dommage, du 26 avril 2017 au 31 décembre 2021, Mme A... aurait donc dû percevoir la somme de 94 192 euros. Il résulte des avis d'imposition et des bulletins de salaire qu'elle a produits que, sur la même période, les revenus salariaux de Mme A... se sont élevés à 50 161 euros, soit une perte de gains professionnels de 44 031 euros. En outre, il sera fait une juste appréciation de l'incidence professionnelle que subit Mme A... en lui allouant une indemnité de 8 000 euros. Compte tenu du coefficient de perte de chance de 50%, l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Denain au titre de ces postes de préjudice doit, dès lors, être fixée à 26 015,50 euros. Dès lors qu'il résulte par ailleurs des avis d'imposition que Mme A..., au cours de la même période, a perçu, outre les revenus salariaux précités de 50 161 euros, des pensions pour un montant pouvant être évalué à 32 413 euros, dont 19 382 euros de pension d'invalidité, sa perte globale de revenus s'est établie à 11 618 euros et il sera donc fait une juste appréciation ses pertes de gains professionnels futures en lui allouant une indemnité du même montant ainsi qu'une indemnité de 8 000 euros au titre de l'incidence professionnelle. La CPAM du Hainaut, de son côté, est fondée à percevoir, au titre des débours qu'elle a exposés en lien avec la pension d'invalidité versée à Mme A..., le solde de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Denain, soit 6 397,50 euros. S'agissant du déficit fonctionnel permanent : 32. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A..., qui était âgée de 31 ans à la date de consolidation de son état de santé, a conservé, à raison du fait dommageable, des troubles sensitivomoteurs S1 gauche, des hypoesthésies en selle et des troubles sphinctériens, ce qui a conduit les experts à évaluer son déficit fonctionnel permanent à 35%, sans que cela ne soit utilement contesté. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant une indemnité, après application du coefficient de perte de chance de 50%, de 42 500 euros. S'agissant du préjudice d'agrément : 33. Pour demander une indemnité de 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément, Mme A... se borne à se prévaloir, comme en première instance, de ce qu'elle ne peut plus pratiquer la marche, le vélo, le roller et le jardinage. Elle produit des attestations de ses proches et un certificat médical de son médecin traitant du 12 octobre 2019 qui indique que son état contrindique toute pratique sportive. Toutefois, elle n'établit pas, par les documents qu'elle produit, que ces activités avaient, avant la survenue du dommage, une place prépondérante dans sa vie ou ses loisirs. Les limitations de ses fonctions physiologiques, pertes de qualité de vie et troubles dans ses conditions d'existence ont, par ailleurs, déjà été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent. Dès lors, le préjudice d'agrément qu'elle invoque n'est pas établi et elle n'est pas fondée à en demander l'indemnisation. S'agissant du préjudice esthétique permanent : 34. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A... subit un préjudice esthétique permanent évalué par les experts à 1 sur une échelle de 1 à 7 qui peut être également retenu du fait de la légère boiterie qu'elle a conservée. Il sera, dès lors, fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant une indemnité, après application du coefficient de perte de chance de 50%, de 450 euros. S'agissant du préjudice sexuel : 35. Il ressort de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 14 janvier 2019, que Mme A... conserve une anesthésie en selle très large et qu'elle subit, de ce fait, une perte complète de la sensibilité vaginale et périnéale. Il en résulte un préjudice sexuel, constitué par la perte du plaisir sexuel, dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant une indemnité, après application du coefficient de perte de chance de 50%, de 5 000 euros. 36. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Denain doit être condamné à verser à Mme A..., en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait du retard de diagnostic du syndrome de la queue de cheval dont elle a été atteinte à compter du 27 avril 2014, la somme de 55 408,70 euros, déduction faite de la somme de 68 707 euros déjà versée par le centre hospitalier de Denain au titre de la provision à laquelle il a été condamné par une ordonnance du 27 janvier 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Lille. Par voie de conséquence, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a mis à sa charge le reversement d'une somme de 1 253 euros au titre de la provision précitée et les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Denain tendant à ce qu'il soit ordonné à celle-ci de reverser l'intégralité de cette provision doivent être également rejetées. Par ailleurs, le centre hospitalier de Denain doit également être condamné, au titre des débours de la CPAM du Hainaut, à verser à cette dernière une somme de 19 160,99 euros et à lui rembourser les dépenses de santé futures qu'elle exposera à raison du dommage subis par Mme A..., à échéance annuelle, sur présentation de justificatifs et dans la limite d'une somme totale de 15 838,54 euros. Sur les frais liés au litige : 37. D'une part, la présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées à ce titre par Mme A... en première instance doivent être rejetées. 38. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Denain, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le paiement d'une somme globale de 2 000 euros à Mme A... au titre de la première instance comme de la présente instance d'appel et le paiement d'une somme de 1 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut au titre de la présente instance d'appel. DÉCIDE : Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1908189 du 27 juillet 2022 du tribunal administratif de Lille sont annulés. Article 2 : Le centre hospitalier de Denain est condamné à verser à Mme A... une somme de 55 408,70 euros (cinquante-cinq-mille-quatre-cent-huit euros et soixante-dix centimes). Article 3 : Le centre hospitalier de Denain versera à Mme A... une somme de 2 000 euros (deux-mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de première instance de Mme A... et de ses conclusions d'appel est rejeté. Article 5 : La somme de 11 685,98 euros que le centre hospitalier de Denain a été condamné à verser à la CPAM du Hainaut est portée à 19 160,99 euros (dix-neuf-mille-cent-soixante euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes). Article 6 : Le centre hospitalier de Denain est condamné à rembourser à la CPAM du Hainaut, sur présentation des justificatifs à la fin de chaque année échue, les frais futurs exposés par elle au titre des dépenses de santé de Mme A... dans la limite d'un montant total de 15 838,54 euros (quinze-mille-huit-cent-trente-huit euros et cinquante-quatre centimes). Article 7 : Les articles 3 à 7 du jugement n° 1908189 du 27 juillet 2022 du tribunal administratif de Lille sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt. Article 8 : Le centre hospitalier de Denain versera à la CPAM du Hainaut une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 9 : Le surplus des conclusions de la CPAM du Hainaut est rejeté. Article 10 : Les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Denain sont rejetées. Article 11 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut et au centre hospitalier de Denain. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°22DA01899-22DA01940
CETATEXT000048439321
J7_L_2023_11_00022DA02059
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA02059, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA02059
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
LEROUX-BOSTYN
M. Guillaume Vandenberghe
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Soclanb a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'autorisation tacite d'exploiter délivrée par le préfet de la région Normandie à M. D.... Par une ordonnance n° 2100353 du 8 août 2022, la présidente de la quatrième chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande pour tardiveté. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 octobre 2022 et 21 septembre 2023, la SCEA Soclanb, représentée par Me Béatrice Ottaviani, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) d'annuler la décision d'autorisation tacite délivrée le 31 juillet 2020 à M. D... pour exploiter des parcelles situées sur le territoire des communes de Hautot-Saint-Sulpice et Rocquefort ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens. Elle soutient que : - la demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen n'était pas tardive dès lors que les délais de recours contre la décision attaquée n'ont pas couru à l'égard des gérants de la société ; - la décision attaquée n'est pas motivée ; - le projet qu'elle porte répond aux objectifs du schéma directeur régional des exploitations agricoles ; - sa demande est prioritaire par rapport à celle de M. D..., au sens des rangs de priorités définis par ce schéma. Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 mai et 18 octobre 2023, M. B... D..., représenté par Me Nelly Leroux-Bostyn, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de condamner la SCEA Soclanb à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; 3°) de mettre à la charge de la SCEA Soclanb le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que la demande de première instance était tardive et que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés. Par un mémoire, enregistré le 10 octobre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande à la cour de rejeter la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la SCEA Soclanb ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2023. Un mémoire a été présenté pour la SCEA Soclanb le 23 octobre 2023, après la clôture de l'instruction. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code rural et de la pêche maritime ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, - et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A... a bénéficié d'un bail rural à compter du 11 décembre 2002 portant sur des parcelles situées à Hautot-Saint-Sulpice et Roquefort (Seine-Maritime), pour une superficie totale de 58 ha 28 a et 93 ca. Les propriétaires ont décidé de mettre fin à ce bail et ont donné congé au preneur le 7 juin 2019. M. B... D... a présenté le 19 décembre 2019 une demande d'autorisation d'exploiter ces parcelles. Une autorisation tacite est née le 31 juillet 2020 du silence gardé par le préfet de la Seine-Maritime à l'issue d'un délai de quatre mois, prolongé en raison de la crise sanitaire. La SCEA Soclanb, constituée de M. A... et de son frère, relève appel de l'ordonnance du 8 août 2022 par laquelle la présidente de la quatrième chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté pour irrecevabilité sa demande tendant à l'annulation de la décision d'autorisation d'exploiter. Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée : 2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser. 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative assure la publicité des demandes d'autorisation dont elle est saisie, selon des modalités définies par décret. (...) ". Aux termes de l'article R. 331-4 du même code : " (...) Le service chargé de l'instruction fait procéder à la publicité de la demande d'autorisation d'exploiter dans les conditions prévues à l'article D. 331-4-1. Cette publicité porte sur la localisation des biens et leur superficie, ainsi que sur l'identité des propriétaires ou de leurs mandataires et du demandeur. (...) ". L'article D. 331-4-1 du même code dispose : " Les demandes d'autorisation d'exploiter sont affichées pendant un mois à la mairie des communes où sont situés les biens qui font l'objet de la demande et publiées sur le site de la préfecture chargée de l'instruction ". S'agissant de la décision d'autorisation d'exploiter, l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime dispose que : " I. Le préfet de région dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier complet mentionnée dans l'accusé de réception pour statuer sur la demande d'autorisation. (...) III. Le préfet de région notifie sa décision aux demandeurs, aux propriétaires et aux preneurs en place par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. Cette décision fait l'objet d'un affichage à la mairie de la commune sur le territoire de laquelle sont situés les biens. Elle est publiée au recueil des actes administratifs. (...) En cas d'autorisation tacite, une copie de l'accusé de réception mentionné à l'article R. 331-4 est affichée et publiée dans les mêmes conditions que l'autorisation expresse ". 4. Il n'est pas contesté que la demande présentée le 19 décembre 2019 par M. D..., dont le dossier était complet à la date de réception de cette dernière, et compte tenu de la suspension du délai d'instruction au regard de la période d'urgence sanitaire ayant pris fin le 24 juin 2020, a fait l'objet d'une décision tacite d'acceptation le 31 juillet 2020. Il ressort des pièces du dossier que l'accusé de réception du dossier complet de la demande d'autorisation a été affiché à compter du 22septembre 2020 dans les mairies concernées pendant une durée d'un mois et a fait l'objet d'une publication, le 25 septembre 2020, au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Normandie sous le n° R28-2020-91. Dans ces conditions, le délai de recours contentieux pour contester l'autorisation tacite d'exploiter délivrée à M. D... expirait ainsi le 26 novembre 2020. Or, la requête de la SCEA Soclanb a été enregistrée au greffe du tribunal le 3 février 2021, soit après l'expiration du délai du recours contentieux. 5. Si la société appelante déplore que cette décision ne lui ait pas été notifiée, il résulte des dispositions précitées que seuls les demandeurs, les propriétaires et les preneurs en place doivent en recevoir notification et que la SCEA Soclanb n'était pas, à la date de la décision tacite attaquée, locataire des parcelles en cause, le bail rural concédé à M. A... ayant pris fin le 7 juin 2019. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la société appelante a été destinataire d'une lettre du 2 mars 2020 l'informant que la demande d'autorisation d'exploiter présentée par M. D... le 19 décembre 2019 ferait l'objet d'un passage en commission départementale d'orientation de l'agriculture de la Seine-Maritime du 7 avril 2020. De ce fait, la SCEA Soclanb ne pouvait pas ignorer l'existence de la demande d'autorisation d'exploiter présentée par M. D..., quelles qu'en aient été les modalités d'affichage. 6. En second lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ". 7. La SCEA Soclanb soutient que le délai de contestation de l'autorisation tacite d'exploiter a été prorogé par la demande de communication des motifs de cette décision faite le 3 février 2021 à la direction départementale des territoires et des populations de la Seine-Maritime. Toutefois, et alors même que la SCEA Soclanb n'était pas le demandeur intéressé et qu'il ne s'agissait pas d'une décision implicite de rejet, le délai de recours étant arrivé à expiration le 26 novembre 2020, la demande de communication des motifs formulée le 3 février 2021 n'a pas, en tout état de cause, pu avoir pour effet de proroger ce délai. 8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'intérêt à agir de la SCEA Soclanb, la demande présentée par cette dernière au tribunal était tardive et cette société n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la quatrième chambre du tribunal administratif de Rouen l'a rejetée pour irrecevabilité manifeste. Sur les conclusions de M. D... relatives à l'amende pour recours abusif : 9. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ". La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de M. D... tendant à la condamnation de la société requérante à lui verser une amende à ce titre pour recours abusif sont irrecevables et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. D... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCEA Soclanb le paiement d'une somme de 2 000 euros à verser à M. D... au titre de cet article. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SCEA Soclanb est rejetée. Article 2 : La SCEA Soclanb versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. D... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Soclanb, à M. B... D... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Copie en sera transmise au préfet de la Normandie, préfet de la Seine-Maritime. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre, Signé : T. SorinLa greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA02059
CETATEXT000048439322
J7_L_2023_11_00022DA02609
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 22DA02609, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
22DA02609
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
SCP CARON-AMOUEL-PEREIRA
M. Marc Baronnet
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2202244 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée les 20 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Emmanuelle Pereira, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 ; 3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour dans un délai d'un mois ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - il devait être tenu compte de l'ancienneté et des conditions de séjour de Mme A..., qui réside en France depuis sept ans, en situation régulière depuis 2019 ; ses quatre enfants sont nés en France, et les liens de son fils né en 2016 avec celui qui n'est plus officiellement son père doivent être maintenus ; - l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; son fils né en 2016 présente des troubles du spectre autistique, et a besoin d'une prise en charge et d'adaptations de scolarité inexistantes au Nigeria. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2023, la préfète de l'Oise conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale des droits de l'enfant ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante nigériane, née le 16 juillet 1990, entrée en France le 4 septembre 2015 selon ses déclarations, a sollicité le 2 novembre 2021 la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er juin 2022 dont l'intéressée demande l'annulation, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer le titre, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annuler cet arrêté. 2. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. 3. En l'espèce, un bilan psychologique réalisé en février et décembre 2021 évoque la possibilité d'un trouble du spectre autistique du fils de Mme A... né le 10 décembre 2016, et un certificat médical du 23 juin 2022, postérieur à l'arrêté en litige, indique que l'enfant présente des troubles du spectre autistique, et la nécessité de la présence de sa mère auprès de lui. Toutefois, si Mme A..., qui n'avait au demeurant pas fait état d'éléments relatifs à l'état médical de son fils dans sa demande de titre, soutient que l'état de santé de celui-ci nécessite une prise en charge médicale, ni les conséquences d'une exceptionnelle gravité que pourrait avoir pour lui un défaut de prise en charge, ni l'impossibilité pour lui de bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Nigéria ne ressortent des pièces du dossier. Dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que la préfète de l'Oise aurait méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté. 4. En second lieu, Mme A... a bénéficié de titres de séjour entre 2019 et 2021 au motif qu'elle était mère d'un enfant français. Il n'est pas contesté que l'enfant n'ayant pas acquis la nationalité française par filiation, la filiation de celui-ci avec un ressortissant français ayant été remise en cause en 2019 et écartée en 2021, sa mère ne peut bénéficier d'un titre de séjour pour ce motif. Mme A... fait cependant valoir l'ancienneté de son séjour en France, où elle a eu un enfant né en 2016, un enfant né en 2020 et des jumeaux nés en 2022, et les troubles du spectre autistique de son fils aîné ainsi que le souhait de maintenir le lien avec le ressortissant français dont le lien de filiation avec lui a été écarté. Toutefois, Mme A..., célibataire, ne justifie ni être démunie d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, ni d'une particulière insertion dans la société française, étant hébergée en foyer, sans emploi et sans ressources, ni encore l'existence d'un obstacle à la poursuite de sa vie privée et familiale au Nigéria, le cas échéant avec le père de ses trois derniers enfants, lui-même ressortissant nigérian en situation irrégulière. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de Mme A..., la préfète de l'Oise ne peut être regardée comme ayant entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée. 5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Emmanuelle Pereira. Copie sera adressée à la préfète de l'Oise. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. BaronnetLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°22DA02609
CETATEXT000048439323
J7_L_2023_11_00023DA00170
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00170, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00170
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
QUEVREMONT
M. Marc Baronnet
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2202735 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) et de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen. Il soutient que : - il n'a pas méconnu les dispositions de l'article 47 du code civil et de l'article L. 453-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'analyse des services de la police aux frontières suffit à faire perdre le caractère authentique des documents justifiant de l'identité de M. A..., auquel il appartenait d'apporter des éléments suffisamment probants pour contredire cette analyse ; M. A... n'a apporté aucune autre preuve que les documents contestés ; - il n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ; - il se réfère par ailleurs à son mémoire en défense de première instance. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Blandine Quèvremont, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser au conseil de M. A.... Il soutient que : - la requête d'appel est irrecevable, le préfet ne développant pas de moyens d'appel et se bornant à reprendre ses arguments de première instance ; - subsidiairement : quant à la valeur probante des documents d'état civil, le juge forme sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier ; - il s'en rapporte également à ses écritures de première instance. M. A... a été admis au bénéfice du maintien de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code civil ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 14 février 2002 en République de Guinée, pays dont il est ressortissant, est entré en France en octobre 2018 et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Par l'arrêté du 11 avril 2022 en litige, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande de délivrance d'une carte de séjour au titre de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de son renvoi. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A... : 2. Aux termes des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicables à l'introduction de l'instance d'appel en vertu des dispositions de l'article R. 811-13 du même code : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". 3. Il ressort des pièces du dossier que la requête d'appel du préfet de la Seine-Maritime ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement l'exposé des faits et moyens figurants dans sa demande de première instance, mais en diffère par une discussion critique des deux moyens retenus par les premiers juges. Sa requête, qui satisfait aux exigences de l'article R. 411-1 précité, est ainsi recevable. Sur le bien-fondé du jugement : 4. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil ; / 2° Les documents justifiant de sa nationalité (...) / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité (...) ". 5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée. 6. Les dispositions de l'article 47 du code civil posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration, si elle entend renverser cette présomption, d'apporter la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non-conforme à la réalité des actes en cause. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre état afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. 7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports des 16 août, 16 septembre et 17 septembre 2021 que les services de la cellule de la fraude documentaire de la direction centrale de la police aux frontières ont émis des avis défavorables concernant l'authenticité, respectivement, du jugement supplétif du 10 janvier 2020 tenant lieu d'acte de naissance, transcrit le 20 janvier 2020 dans le registre de l'état-civil de Boké (Guinée), de la carte nationale d'identité guinéenne datée du 25 février 2020 et de l'extrait du registre d'état-civil du 20 janvier 2020. La carte nationale d'identité guinéenne datée du 25 février 2020 comporte effectivement de nombreux défauts, tels qu'un fond d'impression non conforme, l'absence d'embossage du monogramme RG de la République de Guinée, et l'absence des marques de sécurité fluorescentes, et ne peut donc être regardée comme authentique. Cependant, l'absence partielle de lisibilité du timbre sec, la double empreinte du tampon du chef du greffe, et un point sur une lettre de ce tampon ne sont en l'espèce pas suffisants pour faire regarder le jugement supplétif comme falsifié. De même, l'absence partielle de lisibilité du timbre sec et le défaut d'alignement allégué des mentions pré-imprimées de l'extrait d'acte d'état-civil, qui n'est pas manifeste, ne sont en l'espèce pas suffisants pour faire regarder ce document comme falsifié. En outre, M. A... a produit en première instance, en sus de ces documents, deux attestations d'authentification émanant l'une de la commune de Boké, qui confirme le 9 mai 2022 la transcription le 20 janvier 2020 du jugement supplétif du 10 janvier 2020, et l'autre du commissariat central de police de Boké, qui confirme le 6 mai 2022 que l'intéressé est connu des bases d'identification de police. Il produit en appel la copie d'un passeport guinéen délivré le 24 juillet 2023. Dans ces conditions, en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige, M. A... doit être regardé comme justifiant de son identité et de sa date de naissance le 14 février 2002, et donc de son âge. Par suite, comme l'avaient décidé à bon droit les premiers juges, M. A... était fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime a méconnu les dispositions de l'article 47 du code civil et de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en retenant, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement, la circonstance qu'il ne pourrait pas être regardé comme ayant été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans. 8. En second lieu, M. A... justifie par la production d'un contrat d'apprentissage conclu en décembre 2019 avec la société Fluiconnecto qu'il suivait depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Il justifie par la production de ses bulletins de paie, de certificats de scolarité, de bulletins de notes, d'une attestation de fin de formation du 26 juin 2020, d'un titre professionnel d'agent magasinier du 9 juillet 2020 et d'une promesse d'embauche de la société Fluiconnecto du 12 août 2020 à la fois du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, et par plusieurs attestations de mai 2020 de l'avis favorable des membres de la structure d'accueil quant à son intégration professionnelle et sociale. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant dispose d'attaches particulières avec des membres de sa famille restés en Guinée. M. A... était donc, dans ces conditions, fondé à soutenir qu'en ayant refusé de régulariser sa situation en application des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme l'avaient décidé à bon droit les premiers juges, l'autorité administrative avait entaché son appréciation de sa situation d'une erreur manifeste. 9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 11 avril 2022, a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 10. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État, partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme de 1 000 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Quèvremont, avocate de M. A... admis à l'aide juridictionnelle totale, renonce à la part contributive de l'État. DÉCIDE : Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée. Article 2 : L'État versera à Me Blandine Quèvremont, avocate de M. A..., une somme de 1 000 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime et à Me Blandine Quèvremont. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. Baronnet Le président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00170
CETATEXT000048439324
J7_L_2023_11_00023DA00207
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/93/CETATEXT000048439324.xml
Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00207, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00207
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
NOUVIAN
M. Marc Baronnet
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2203469 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 4 février 2023, M. A..., représenté par Me Caroline Nouvian, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2022 ; 3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) subsidiairement, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire méconnaissent les dispositions des articles L. 425-9 et L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine ; - la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2023, la préfète de l'Oise conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par courrier enregistré le 12 février 2023, M. A... a, en application de la décision du Conseil d'État du 28 juillet 2022 n° 441481, confirmé sa volonté de lever le secret médical. Le dossier médical de M. A... a été produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 15 février 2023 et l'OFII a présenté des observations le 12 mai 2023. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant camerounais né le 21 janvier 1975, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, le 15 juin 2018. Le 30 décembre 2021, il a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 septembre 2022, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annuler cet arrêté. Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". 3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. 4. En l'espèce, le collège de médecins de l'OFII a estimé, par son avis du 19 août 2022, que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. 5. Il est constant que l'état de santé de M. A..., qui souffre d'un cancer de la prostate, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, si M. A... a produit à l'instance des certificats médicaux des 24 mai 2022, 28 juin 2022 et 26 juillet 2022 émanant de l'hôpital Foch de Suresnes relatifs au stade d'évolution de ce cancer, il ressort des pièces du dossier, et notamment des observations de l'OFII, qui ne sont pas utilement contestées, que la tumeur dont est affecté M. A... nécessite seulement une prise en charge en urologie et en oncologie afin d'être surveillée, et que ce type de prise en charge est possible au Cameroun, en particulier à l'hôpital général de Yaoundé, établissement public, comme l'indique la base de données MedCoi (Medical Country of Origin Information). Dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que la préfète de l'Oise aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté. 6. En second lieu, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions du séjour en France de M. A..., qui est célibataire, sans enfant et sans activité professionnelle, et qui n'établit ni avoir des attaches personnelles et familiales en France, ni être dépourvu de telles attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Oise aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de délivrance d'un titre de séjour sur sa situation personnelle. Sur l'obligation de quitter le territoire français : 7. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". 8. Comme il a été dit aux points 4 et 5, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 9. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, que la préfète de l'Oise aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. A.... Sur la décision fixant le pays de renvoi : 10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". 11. M. A..., dont l'état de santé, ainsi qu'il a été dit précédemment, ne justifie pas le maintien sur le territoire français, n'apporte pas d'élément probant à l'appui de ses allégations selon lesquelles il serait susceptible d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Guinée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 12. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, que la préfète de l'Oise aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision fixant le pays de destination, sur la situation personnelle de l'intéressé. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Caroline Nouvian. Copie sera adressée à la préfète de l'Oise. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : M. BaronnetLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00207
CETATEXT000048439325
J7_L_2023_11_00023DA00366
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/93/CETATEXT000048439325.xml
Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00366, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00366
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
CALONNE
M. Guillaume Vandenberghe
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement n° 2106376 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 27 février 2023, Mme A... B..., représentée par Me Marie-Hélène Calonne, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, d'annuler cet arrêté ou, à titre subsidiaire, de l'abroger ; 3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros à verser à Me Calonne au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de renouveler le titre de séjour qu'elle détenait et en lui faisant obligation de quitter le territoire français ; - la décision de refus de séjour étant illégale, l'obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination sont privées de base légale ; - le préfet a commis une erreur d'appréciation en lui faisant interdiction de retour ; - l'arrêté doit être abrogé compte tenu de la guerre en Ukraine. Le préfet du Nord n'a pas produit de mémoire en dépit d'une mise en demeure qui lui a été faite le 5 juin 2023. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 février 2023. Par ordonnance du 29 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 octobre 2023. Les parties ont été informées le 17 octobre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction de la requête en raison des conséquences de la décision du 17 février 2023 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire à Mme B... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., ressortissante ukrainienne née le 18 juillet 1970, est entrée en France pour la dernière fois le 31 mars 2019, munie de son passeport revêtu d'un visa de long séjour en cours de validité. Elle a ensuite obtenu la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjointe d'un ressortissant français, valable du 9 juin 2020 au 8 juin 2021. Le 19 avril 2021, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté en date du 7 juillet 2021, le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur l'étendue du litige : 2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : / (...) 3° S'agissant d'un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international. ". Aux termes de l'article L. 424-9 du même code : " L'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " bénéficiaire de la protection subsidiaire " d'une durée maximale de quatre ans. / (...) ". 3. Il ressort des pièces du dossier que, par décision du 17 février 2023, transmise à la cour postérieurement à l'introduction de la requête, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a admis Mme B... au bénéfice de la protection subsidiaire au titre des dispositions précitées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors que le bénéficiaire d'une telle protection se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle, l'arrêté attaqué du 7 juillet 2021, qui n'a reçu aucune exécution, par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an doit être regardé comme étant nécessairement abrogé. 4. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2021 et celles tendant à ce que la cour enjoigne à l'administration de délivrer un titre de séjour ou de réexaminer la situation de Mme B.... Sur les frais de l'instance : 5. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Calonne, avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Calonne de la somme de 1 000 euros. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de Mme B.... Article 2 : L'État versera à Me Calonne une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Nord et à Me Marie-Hélène Calonne. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. Vandenberghe Le président de chambre Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00366
CETATEXT000048439326
J7_L_2023_11_00023DA00376
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/43/93/CETATEXT000048439326.xml
Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00376
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00376
2ème chambre
excès de pouvoir
C+
M. Sorin
M. Guillaume Toutias
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours, renouvelable une fois, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de faire cesser les mesures de surveillance adoptées à son encontre et de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 2210139 du 6 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté attaqué en tant que la durée d'assignation à résidence qu'il prononce à l'encontre de M. C... excède la date du 2 janvier 2023, a mis à la charge de l'Etat le paiement au conseil de l'intéressé d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 28 février 2023, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour d'annuler ce jugement en toutes ses dispositions et de rejeter la demande présentée en première instance par M. C.... Il soutient que : - contrairement à ce que retient le jugement attaqué, M. C... cumulait seulement 87 jours d'assignation à résidence à la date du 2 janvier 2023 et la durée maximale de 90 jours n'était donc, à cette date, pas atteinte ; - le jugement attaqué a commis une erreur de droit en requalifiant la décision attaquée du 29 décembre 2022 comme un second renouvellement de l'assignation à résidence prononcée le 30 septembre 2022 alors que les dispositions de l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient qu'une assignation à résidence n'est renouvelable qu'une seule fois ; - les précédentes décisions d'assignation à résidence prononcées les 30 septembre 2022 et 18 novembre 2022 ont été abrogées par les placements en rétention administrative de M. C... décidés les 17 novembre 2022 et 27 décembre 2022 ; aucune disposition ne s'oppose à ce que le préfet recourt, pour une même obligation de quitter le territoire français de moins d'un an, à plusieurs périodes d'assignation à résidence continue de 90 jours maximum ; l'assignation à résidence prononcée le 29 décembre 2022 doit donc être regardée comme une nouvelle période initiale de 45 jours ; - il s'ensuit que c'est à tort que le jugement attaqué a retenu que la période maximale de 90 jours d'assignation à résidence prévue par l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été dépassée et qu'il a, pour ce motif, annulé l'arrêté attaqué. La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit de mémoire en défense, malgré une mise en demeure adressée le 6 juin 2023. Par une ordonnance en date du 4 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ; - l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relatif aux échanges de jeunes professionnels, signé à Tunis le 4 décembre 2003 ; - l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie, et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., né le 27 juillet 1990, de nationalité tunisienne, a fait l'objet, par deux arrêtés du 30 septembre 2022 du préfet du Pas-de-Calais, d'une part, d'une obligation de quitter sans délai le territoire français et, d'autre part, d'une première assignation à résidence d'une durée de 45 jours renouvelable une fois dans la même limite de durée. Il a fait l'objet d'un placement en centre de rétention administrative le 16 novembre 2022, lequel a été levé le 18 novembre 2022 par ordonnance du juge des libertés et de la détention refusant d'accorder la prolongation de la rétention. Par un arrêté du 18 novembre 2022, le préfet du Pas-de-Calais a alors décidé une deuxième assignation à résidence d'une durée de 45 jours renouvelable une fois dans la même limite de durée. M. C... a été de nouveau placé en centre de rétention administrative le 27 décembre 2022. Le lendemain, il a refusé d'embarquer sur le vol réservé par l'autorité administrative pour assurer l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet. Le 29 décembre 2022, il a été présenté devant le juge des libertés et de la détention qui a refusé d'autoriser la prolongation de sa rétention. Par un arrêté du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a décidé une troisième assignation à résidence d'une durée de 45 jours renouvelable une fois dans la même limite de durée. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 6 février 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, saisi par M. C..., a annulé cette décision en tant que sa durée excède la date du 2 janvier 2023. Sur le moyen retenu par le premier juge : 2. L'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que l'autorité administrative peut assigner à résidence un étranger s'il fait l'objet d'une des huit mesures d'éloignement qu'il énumère, s'il ne peut quitter immédiatement le territoire français et si son éloignement demeure une perspective raisonnable. Il en va ainsi notamment lorsque : " l'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ". En outre, l'article L. 742-10 du même code dispose que : " Lorsqu'il est mis fin à la rétention pour une raison autre que l'annulation, l'abrogation ou le retrait de la décision d'éloignement, d'interdiction administrative du territoire ou de transfert, (...) l'étranger peut alors être assigné à résidence en application de l'article L. 731-1. / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 732-3 du même code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée ". 3. Les dispositions précitées de l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se bornent à limiter à un maximum de 90 jours la durée ininterrompue d'assignation à résidence à laquelle l'autorité administrative peut recourir en vue d'assurer l'exécution d'une des mesures d'éloignement mentionnées à l'article L. 731-1 du même code. Elles n'ont, en revanche, ni pour objet ni pour effet d'interdire à l'autorité administrative de recourir, en vue de l'exécution d'une même mesure d'éloignement prononcée à l'encontre d'un même étranger, à plusieurs périodes d'assignation à résidence d'une durée maximale de 90 jours, pourvu que ces périodes ne se suivent pas immédiatement. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 742-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rendent en tout état de cause applicables les dispositions de l'article L. 731-1 du même code à l'issue d'une rétention à laquelle il a été mis fin pour une raison autre que l'annulation, l'abrogation ou le retrait de la mesure d'éloignement dont l'exécution était recherchée. Cette assignation à résidence se voit alors appliquer la limite de durée mentionnée à l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'il y ait lieu, le cas échéant, de déduire la durée de l'assignation à résidence dont l'étranger aurait déjà fait l'objet avant son placement en rétention et à laquelle ce dernier a définitivement mis un terme. 4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la décision d'assignation à résidence attaquée a été prononcée le 29 décembre 2022 immédiatement après que le placement en rétention administrative de M. C... a été interrompu par l'effet d'une ordonnance du même jour du juge des libertés et de la détention. En vertu des principes rappelées au point précédent, l'assignation à résidence ainsi décidée se voyait appliquer la limite de durée de 45 jours renouvelable une fois dans la même limite, prévue à l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'il y ait lieu de déduire la durée des assignations à résidence prononcées antérieurement à l'encontre de M. C... et auxquelles ses placements en rétention administrative avaient définitivement mis un terme. Il s'ensuit que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu que l'assignation à résidence attaquée devait être regardée comme le renouvellement des assignations à résidence antérieurement prononcées à l'encontre de M. C... à compter du 30 septembre 2022 et qu'elle était entachée d'illégalité pour excéder, à compter du 2 janvier 2023, la limite de durée prévue à l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, par suite, qu'il l'a annulée dans cette mesure. 5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour. Sur les autres moyens : 6. En premier lieu, par un arrêté n° 2022-10-84 du 10 août 2022, le préfet du Pas-de-Calais a donné à M. B... D..., attaché principal d'administration de l'Etat, chef du bureau de l'éloignement, adjoint au directeur, et en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier à Mme Claire Duquesnoy, secrétaire administrative de classe exceptionnelle, ajointe au chef du bureau de l'éloignement, cheffe de la section gestion ESI et statistiques, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à l'effet de signer notamment : " les décisions d'assignation à résidence ". Si le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce que le juge se fonde sur des pièces qui n'auraient pas été préalablement communiquées à chacune des parties, la cour peut toutefois en l'espèce se fonder régulièrement sur l'arrêté précité du 10 août 2022, bien qu'il n'ait ni été produit par le préfet, ni été communiqué aux parties, dès lors qu'il s'agit d'un acte réglementaire et régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais le 10 août 2022 et, par suite, librement consultable sur son site internet. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait. 7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais, avant de prononcer la décision d'assignation à résidence attaquée, a mis M. C... à même de formuler ses observations sur la mesure qu'il envisageait de prendre à son encontre. M. C... ne précise pas en quoi il aurait été empêché, à cette occasion, de porter utilement à la connaissance de l'administration les informations pertinentes tenant à sa situation personnelle. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu doit être écarté. 8. En troisième lieu, la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet du Pas-de-Calais pour assigner M. C... à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable une fois et pour déterminer les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation. En particulier, il rappelle qu'une obligation de quitter sans délai le territoire français est prononcée à l'encontre de l'intéressé par un arrêté du 30 septembre 2022, qu'il dispose en outre de l'original de son passeport et qu'un vol a été sollicité afin de mettre la mesure d'éloignement à exécution. Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée et procèderait d'un défaut d'examen doivent être écartés. 9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 732-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est remis aux étrangers assignés à résidence en application de l'article L. 731-1 une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'une aide au retour. / (...) ". Aux termes de l'article R. 732-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 731-1, est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou aux unités de gendarmerie. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que la remise du formulaire doit s'effectuer au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'étranger aux services de police ou de gendarmerie. S'agissant d'une formalité postérieure à l'édiction de la décision d'assignation à résidence, l'absence de remise du formulaire est donc sans incidence sur la légalité de cette décision. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'information doit être écarté comme inopérant. 10. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, le préfet du Pas-de-Calais a prononcé à l'encontre de M. C... une obligation de quitter le territoire français pour laquelle il a refusé d'accorder un délai de départ volontaire par un arrêté du 30 septembre 2022, soit moins d'un an avant la décision d'assignation à résidence attaquée. Il ressort des pièces du dossier que cette obligation de quitter sans délai le territoire français a été notifiée à M. C... par la voie administrative le jour même de son prononcé et qu'elle a été confirmée par un jugement n° 2207477 du 27 octobre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet du Pas-de-Calais ne justifierait pas de l'existence d'une mesure d'éloignement prise depuis moins d'un an à l'encontre de M. C... et ayant un caractère exécutoire à la date de la décision d'assignation à résidence attaquée et qu'il aurait ce faisant méconnu les conditions des articles L. 731-1 et L. 733-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 11. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En outre, si une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent et ne sauraient, sous le contrôle du juge administratif, porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir. 12. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., par le passé, s'est maintenu sur le territoire au-delà de la date de validité de son visa et qu'il s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre par un arrêté du 3 septembre 2020 du préfet de l'Yonne. En outre, il a fait échec à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dernièrement prise à son encontre par le préfet du Pas-de-Calais le 30 septembre 2022 en refusant d'embarquer sur le vol qui avait été réservé par l'administration le 28 décembre 2022. Enfin, M. C..., qui est célibataire et sans charge de famille sur le territoire et qui n'occupe un emploi stable dans le domaine de la restauration rapide que depuis 2021, n'établit pas que sa situation privée et familiale ou que ses activités professionnelles, qu'il exerce au demeurant en toute illégalité, ne puissent être rendues compatibles avec l'assignation à résidence qui lui est faite et les modalités de contrôle qui l'accompagnent, lesquelles se bornent à l'astreindre à demeurer à son domicile tous les jours entre 6h00 et 9h00 et à l'inviter à se présenter au commissariat de police de Lens, ville dans laquelle il réside, les mardi, jeudi et vendredi entre 10h00 et 11h00. Dans ces conditions, l'assignation à résidence prononcée à l'encontre de M. C... et les modalités de contrôle qui l'assortissent ne peuvent pas être regardées, par rapport à l'objectif qu'elles poursuivent d'assurer la bonne exécution de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre et de prévenir le risque qu'il ne s'y soustrait une nouvelle fois, comme étant injustifiées ou emportant des conséquences disproportionnées. Dès lors, les moyens tirés de ce que le préfet du Pas-de-Calais aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur d'appréciation en les prononçant doivent être écartés. 13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté d'assignation à résidence du 29 décembre 2023 en tant que sa durée excède la date du 2 janvier 2023 et, par voie de conséquence, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il convient donc de prononcer l'annulation de ce jugement et de rejeter l'ensemble des conclusions de la demande de M. C... présentée en première instance. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2210139 du 6 février 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée en toutes ses conclusions. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... C.... Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00376
CETATEXT000048439327
J7_L_2023_11_00023DA00392
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00392, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00392
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
TRAORE
M. Guillaume Vandenberghe
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2203591 du 2 février 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 mars, 17 mars et 20 octobre 2023, M. C... A... B..., représenté par la société d'avocats ITRA Consulting, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2022 ; 3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros à verser à la société ITRA Consulting au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - il remplit les conditions posées par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté attaquée est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 2 du premier protocole additionnel à ladite convention relatif au droit à l'instruction ; - la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour étant illégale, l'obligation de quitter le territoire français et la décision octroyant un délai de départ volontaire de trente jours sont privées de base légale ; - le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant à son encontre une mesure d'éloignement dès lors qu'il peut bénéficier d'une régularisation de sa situation. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, la préfète de l'Oise demande à la cour de rejeter la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... A... B..., ressortissant tunisien né le 2 juin 2004, est entré en France le 29 août 2020 en étant dépourvu de visa. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance par une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 2 septembre 2020 et placé sous tutelle d'Etat par une ordonnance du juge des tutelles des mineurs du 24 septembre 2020. Le 11 avril 2022, M. A... B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par arrêté du 12 octobre 2022, la préfète de l'Oise a refusé de faire droit à sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il relève appel du jugement du 2 février 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des mentions du jugement du 2 février 2023 que les premiers juges ont suffisamment motivé l'examen des moyens soulevés par M. A... B.... Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté serait irrégulier. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". 4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 devenu l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée. 5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B..., inscrit en CAP " Production et service restaurant " au titre des années scolaires 2020-2021 et 2021-2022, n'a pas obtenu le diplôme qui sanctionne cette formation au cours de laquelle il a manqué d'assiduité et ne fréquente quasiment aucun cours, comme le précisent les enseignants sur ses bulletins des années concernées. Dès lors, M. A... B... ne peut pas être regardé comme suivant sérieusement une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'appelant, entré en France en août 2020, n'est pas dépourvu de liens avec sa famille restée en Tunisie. Dans ces conditions, la préfète de l'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur la demande de l'intéressé. 6. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article 2 du premier protocole additionnel à cette convention : " Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ". 7. M. A... B..., entré irrégulièrement en France au cours du mois d'août 2020, soit depuis deux années à la date de l'arrêté attaqué, est célibataire sans enfant et, comme il vient d'être dit, n'est pas dépourvu de liens avec sa famille restée en Tunisie. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Au surplus, la décision en litige, qui n'a pas pour effet de le priver de la possibilité de poursuivre sa formation dans son pays d'origine, ne porte pas une atteinte caractérisée à son droit à l'instruction, alors au demeurant que l'intéressé, qui est désormais majeur, s'est vu offrir les moyens d'acquérir en France une formation scolaire et professionnelle qu'il n'a pas suivie avec discipline et assiduité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. 8. En troisième lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour n'étant pas fondés, le moyen excipant de son illégalité à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et octroyant à M. A... B... un délai de départ volontaire de trente jours doit être écarté. 9. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été précédemment exposé, la mesure d'éloignement en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... B.... 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2022. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête présentée par M. A... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie sera adressée à la préfète de l'Oise. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00392
CETATEXT000048439328
J7_L_2023_11_00023DA00409
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00409, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00409
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
NJIFOUTAHOUO-WOUOCHAWOUO
M. Guillaume Vandenberghe
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2022 par lequel le préfet de police de Paris lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 2208124 du 10 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 5 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Abubekr Njifoutahouo-Wouochawouo, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'enjoindre à l'autorité administrative de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il n'avait pas demandé le renouvellement du titre de séjour qu'il détenait. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2023, le préfet de police de Paris demande à la cour de rejeter la requête. Il fait valoir que le moyen soulevé par l'appelant n'est pas fondé. Par ordonnance du 7 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 août 2023. Un mémoire a été enregistré le 26 octobre 2023 pour M. B..., après la clôture de l'instruction. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, - et les observations de Me Abubekr Njifoutahouo-Wouochawouo, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ressortissant togolais né le 8 mai 1996, est entré régulièrement en France le 28 novembre 2016 dans le but de suivre des études, muni d'un visa de long séjour valable du 23 novembre 2016 au 23 novembre 2017. Son titre de séjour a été renouvelé jusqu'au 23 novembre 2019. Interpelé le 10 octobre 2022 à l'aéroport de Roissy Charles De Gaulle, il a fait l'objet d'un arrêté du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Il relève appel du jugement du 10 février 2023 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2 du même code : " La demande est présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il présente sa demande : / (...) 4° Soit dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire. " 3. Pour obliger M. B... à quitter le territoire français, le préfet de police a constaté qu'il n'avait pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour dans les délais prévus par les articles cités au point 2, devenus les articles R. 431-4 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, et qu'il s'était maintenu sur le territoire à l'expiration de ce titre. Si l'appelant soutient qu'il a formé une demande de renouvellement du titre de séjour qu'il détenait par courriels des 26 novembre 2019 et 23 juin 2021 et que son employeur aurait présenté une demande de titre de séjour portant la mention " salarié ", il n'établit pas que ces demandes auraient été effectivement reçues au sein des services de la préfecture du Nord. En outre, son titre de séjour expirant le 23 novembre 2019, M. B... aurait dû, en toute hypothèse, accomplir ces démarches dans le courant des deux derniers mois précédant cette date. Par ailleurs, après la fin de la validité de sa carte de séjour temporaire, il était tenu de solliciter une nouvelle demande de délivrance d'un titre de séjour en se présentant à la préfecture, conformément aux dispositions citées au point 2, sans que le requérant puisse utilement déplorer d'éventuelles mesures de dématérialisation mises en place au cours de la crise sanitaire qui n'étaient pas entrée en vigueur à la date d'expiration de son titre de séjour. Par suite, l'unique moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté. 4. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2022. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police de Paris. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00409
CETATEXT000048439329
J7_L_2023_11_00023DA00448
CETAT
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Texte
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 14/11/2023, 23DA00448, Inédit au recueil Lebon
2023-11-14 00:00:00
CAA de DOUAI
23DA00448
2ème chambre
excès de pouvoir
C
M. Sorin
MEZINE
M. Guillaume Toutias
Mme Regnier
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions du 30 septembre 2022 par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence. Par un jugement n° 2207477 du 27 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a renvoyé à la formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. B.... Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 9 mars 2023, M. B..., représenté par Me Nafa Mezine, doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler les décisions du 30 septembre 2022 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et assignation à résidence ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire est entachée d'un vice de procédure pour avoir été prise sans qu'il soit préalablement mis à même de faire valoir ses observations et en méconnaissance de son droit d'être entendu ; - elle est insuffisamment motivée et procède d'un défaut d'examen dès lors qu'elle ne procède pas à l'examen de sa situation privée et familiale sur le territoire ; - elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de sa durée de présence en France, de son insertion professionnelle et des liens qu'il a noués sur le territoire ; - la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de son incidence sur sa situation professionnelle ; - la décision de l'assigner à résidence et les mesures de surveillance qu'elle prévoit sont insuffisamment motivées et procèdent d'un défaut d'examen ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation ne remplit pas les conditions fixées à l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'était ni justifié ni proportionné de l'assigner à résidence alors qu'il dispose d'un domicile et d'un travail fixes. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2023, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - la requête est irrecevable pour ne pas comporter de critique utile des motifs du jugement attaqué ainsi que de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; - aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par une ordonnance en date du 4 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2023 à 12 heures. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 février 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ; - l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relatif aux échanges de jeunes professionnels, signé à Tunis le 4 décembre 2003 ; - l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie, et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., né le 27 juillet 1990, de nationalité tunisienne, est entré en France le 14 octobre 2018 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " jeune professionnel ", délivré par les autorités consulaires françaises à Tunis le 2 octobre 2018, valable à compter de cette même date jusqu'au 1er septembre 2019. Le préfet de l'Yonne a opposé un refus implicite à sa demande de prolonger son séjour en qualité de " jeune professionnel " déposée le 30 juillet 2019. Par un arrêté du 3 septembre 2020, le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour portant la mention " salarié " qu'il lui a ensuite demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le 17 novembre 2021, M. B... a sollicité auprès du préfet du Pas-de-Calais la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 30 septembre 2022, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un second arrêté du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a en outre prononcé son assignation à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable une fois. M. B... relève appel du jugement du 27 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, après avoir renvoyé à la formation collégiale ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, a rejeté le surplus des conclusions tendant à l'annulation des autres décisions prononcées à son encontre. Sur la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français : 2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-1 du même code : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ". 3. En premier lieu, l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet du Pas-de-Calais pour obliger M. B... à quitter sans délai le territoire français. En particulier, contrairement à ce que soutient M. B..., l'arrêté, après avoir rappelé ses conditions d'entrée et de séjour en France, procède à l'examen non seulement de la situation professionnelle dont il a fait état à l'appui de sa demande de titre de séjour mais aussi de ses liens privés et familiaux en France, en soulignant notamment qu'il est célibataire et sans enfant sur le territoire, qu'il ne justifie pas des liens qu'il aurait conservés avec son père et ses cousins présents en France et qu'il n'établit pas ne pas pouvoir se réinsérer dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie et où il n'est pas isolé. Il résulte également des termes de l'arrêté attaqué que le refus de délai de départ volontaire est fondé sur la circonstance tirée de ce que M. B... s'est, par le passé, soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre par le préfet de l'Yonne le 3 septembre 2020. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit être écarté. 4. En deuxième lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. 5. En l'espèce, M. B..., qui se borne à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu, ne précise pas en quoi il aurait été empêché de porter utilement à la connaissance de l'administration les informations pertinentes tenant à sa situation personnelle avant l'adoption de la mesure d'éloignement attaquée, alors au demeurant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais a procédé à un examen précis et détaillé de sa demande et y compris de sa situation privée et familiale. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu et de faire part de ses observations écrites ou orales avant la prise de la décision. Dès lors, le moyen qu'il soulève en ce sens doit être écarté. 6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. B... justifie de moins de quatre années de présence en France alors qu'il a vécu la majeure partie de sa vie en Tunisie, jusqu'à l'âge de 28 ans. Il est célibataire et sans charge de famille en France. S'il se prévaut de la présence de son père et de trois de ses cousins sur le territoire, il ne justifie pas des liens qu'il aurait conservés avec eux. Il ne conteste pas qu'il n'est pas isolé en Tunisie où il disposerait toujours d'au moins trois frères et quatre sœurs. Par ailleurs, s'il se prévaut de ce qu'il a toujours travaillé depuis qu'il est sur le territoire, il ressort des pièces qu'il produit pour la première fois en appel, notamment ses bulletins de salaire, qu'il ne dispose d'un travail à temps plein et de nature à lui procurer des ressources financières propres à lui assurer une autonomie matérielle que depuis l'année 2021, et qu'il occupe au demeurant dans des conditions irrégulières. Son insertion professionnelle demeure donc, à la date de l'arrêté attaqué, récente. Alors qu'il n'a jamais occupé que des postes peu qualifiés et sans spécificité particulière, il n'avance aucune considération propre à établir qu'il ne pourrait pas se réinsérer professionnellement en Tunisie. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français prise à son encontre ne peut être regardée comme emportant des conséquences disproportionnées pour sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français. Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français : 9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ". 10. Il ressort des énonciations de l'arrêté attaqué que, pour prononcer à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Pas-de-Calais a tenu compte, ainsi que le prescrivent les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, cette décision, qui limite de surcroît à une année l'interdiction faite à M. B..., ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en résulte que M. B... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Sur la décision d'assignation à résidence et fixant les modalités de contrôle : 11. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 732-1 du même code : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées ". Aux termes de l'article L. 732-3 : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée ". Aux termes de l'article L. 733-1 : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. / Il se présente également, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage ". Aux termes de l'article L. 733-2 : " L'autorité administrative peut, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il demeure dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. / (...) ". 12. Il résulte de ces dispositions qu'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle étant divisibles de la mesure d'assignation elle-même. Par ailleurs, les obligations de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, susceptibles d'être imparties par l'autorité administrative doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent et ne sauraient, sous le contrôle du juge administratif, porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir. 13. En premier lieu, la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet du Pas-de-Calais pour assigner M. B... à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable une fois et pour déterminer les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation. En particulier, il rappelle qu'une obligation de quitter sans délai le territoire français est prononcée à l'encontre de l'intéressé par un arrêté du même jour, qu'il dispose en outre de l'original de son passeport et qu'il n'a invoqué l'existence d'aucune difficulté insurmontable qui s'opposerait à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée et procèderait d'un défaut d'examen doit être écarté. 14. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B... a régulièrement fait l'objet, par un arrêté du 30 septembre 2022 du préfet du Pas-de-Calais, d'une obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire n'a pas été accordé. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'existe, à la date de la décision attaquée, aucune perspective raisonnable d'éloigner M. B... vers son pays d'origine, dont il est toujours détenteur d'un passeport en cours de validité. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B..., par le passé, s'est non seulement maintenu sur le territoire au-delà de la date de validité de son visa, en méconnaissant ainsi l'engagement qu'il avait pris au moment de la délivrance de ce dernier de ne pas poursuivre son séjour à l'expiration de la période autorisée ni à prendre un emploi autre que celui prévu aux termes des conditions de son entrée en France, mais aussi qu'il s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre par un arrêté du 3 septembre 2020 du préfet de l'Yonne. Enfin, M. B... n'établit pas que sa situation privée et familiale, telle que rappelée au point 7, ou que ses activités professionnelles, qu'il exerce au demeurant en toute illégalité, ne puissent être rendues compatibles avec l'assignation à résidence qui lui est faite et les modalités de contrôle qui l'accompagnent, lesquelles se bornent à l'astreindre à demeurer à son domicile tous les jours entre 6h00 et 9h00 et à l'inviter à se présenter au commissariat de police de Lens, ville dans laquelle il réside, les mardi et jeudi à 10h00. Dans ces conditions, non seulement la situation de M. B... réunissait l'ensemble des conditions posées au prononcé d'une assignation à résidence mais aussi cette mesure et les modalités de contrôle qui l'assortissent ne peuvent pas être regardées, par rapport à l'objectif qu'elles poursuivent d'assurer la bonne exécution de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre et de prévenir le risque qu'il ne s'y soustrait une nouvelle fois, comme étant injustifiées ou emportant des conséquences disproportionnées. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet du Pas-de-Calais a commis une erreur d'appréciation en les prononçant doit être écarté. 15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision d'assignation à résidence et des modalités de contrôle qui l'assortissent. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet du Pas-de-Calais lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'assignant à résidence dans la perspective de l'éloigner du territoire. Il s'ensuit que ses conclusions tendant à l'annulation du jugement et à ce qu'il soit fait droit à ses demandes d'annuler ces décisions présentées en première instance doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le préfet du Pas-de-Calais, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il présente au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Nafa Mezine. Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais. Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière Anne-Sophie Villette 2 N°23DA00448
CETATEXT000048439333
J_L_2023_11_00023TL02341
CETAT
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Texte
CAA de TOULOUSE, , 20/11/2023, 23TL02341, Inédit au recueil Lebon
2023-11-20 00:00:00
CAA de TOULOUSE
23TL02341
excès de pouvoir
C
SCP VPNG AVOCATS ASSOCIES
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de prescrire une mesure d'expertise afin d'apprécier son état de santé actuel, dire s'il est imputable à l'exercice de ses fonctions, s'il s'agit d'une maladie professionnelle hors tableau et déterminer l'étendue des préjudices qui en résultent. Par une ordonnance n° 2301127 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2023 sous le n° 23TL02341, Mme A..., représentée par Me Betrom, demande à la cour : 1°) d'annuler l'ordonnance du 14 septembre 2023 ; 2°) d'ordonner une expertise afin d'apprécier son état de santé actuel, dire s'il est imputable à l'exercice de ses fonctions et s'il s'agit d'une maladie professionnelle hors tableau et déterminer l'étendue des préjudices qui en résultent. Elle soutient que : - la mesure d'expertise demandée est utile en raison de la contradiction entre les conclusions du rapport d'expertise médicale du docteur B... et la décision prise le 2 janvier 2023 par le centre communal d'action sociale de Montpellier ; - cette mesure permettra non seulement d'établir la reconnaissance de la maladie professionnelle mais aussi d'évaluer le montant des préjudices subis afin de former une demande de provision ; elle est donc pourvue d'un caractère utile distinct de l'expertise que pourra ordonner le juge saisi de la demande d'annulation de la décision du 2 janvier 2023. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2023, le centre communal d'action sociale de Montpellier, représenté par Me Constans, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la mesure d'expertise sollicitée est dépourvue de caractère utile distinct de celle que pourra ordonner le juge du fond, dès lors notamment que la requérante ne produit aucune pièce de nature à infirmer le rapport d'expertise produit au dossier qui n'est pas, contrairement à ce que cette dernière soutient, entaché d'une contradiction. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., fonctionnaire employée par le centre communal d'action sociale de Montpellier en qualité d'agent social dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, a sollicité, le 8 mars 2022, la reconnaissance d'une maladie professionnelle. Cette demande a été rejetée par une décision du centre communal d'action sociale en date du 2 janvier 2023. Mme A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, afin qu'il prescrive une expertise médicale visant à déterminer l'imputabilité au service de sa pathologie, s'il s'agit d'une maladie professionnelle hors tableau ainsi que l'étendue des préjudices qu'elle a subis. Elle forme appel contre l'ordonnance du 14 septembre 2023 par laquelle le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur l'utilité de l'expertise : 2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de cette disposition doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. S'il résulte de l'article R. 626-1 du code de justice administrative qu'il peut être fait application des dispositions de l'article R. 532-1, alors même qu'une requête à fin d'annulation est en cours d'instruction, il appartient au juge des référés d'apprécier l'utilité de la mesure demandée sur ce fondement. 3. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la procédure administrative de reconnaissance comme maladie professionnelle du syndrome dépressif dont souffre Mme A..., une expertise médicale a été confiée au docteur B.... Le rapport, rendu le 31 août 2022, conclut à l'absence de reconnaissance comme maladie professionnelle de la pathologie, qui n'est pas de celles désignées dans le tableau du code de sécurité sociale et n'est pas susceptible d'entraîner une incapacité permanente partielle au moins égale à 25 %. Contrairement à ce que soutient la requérante, les conclusions de ce rapport ne se contredisent pas, dès lors qu'elles imputent explicitement la cause du syndrome dépressif de la requérante à l'exercice de ses fonctions sans toutefois que le taux d'incapacité permanente partielle minimum de 25 % nécessaire à la reconnaissance de maladie professionnelle ne soit atteint. Ces conclusions ont été suivies par le conseil médical réunis en formation plénière le 16 décembre 2022. Mme A... ne produit en appel aucune nouvelle pièce de nature à établir l'existence d'une appréciation médicale contradictoire avec l'avis du conseil médical. Elle ne fait pas non plus état de circonstances particulières qui rendraient nécessaire la conduite d'une expertise préalable à l'appréciation que portera le juge saisi du recours en annulation. La seule circonstance que le chiffrage des préjudices subis sur lesquels elle n'apporte d'ailleurs aucune précision ou justification, alors même que l'imputabilité de la pathologie n'a pas été reconnue par le service, lui sera utile afin de demander une provision, est, en elle-même, insuffisante. Dès lors, la mesure d'expertise demandée est dépourvue du caractère utile requis par les dispositions précitées. 4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a refusé de faire droit à sa demande d'expertise. Sur les frais liés à l'instance : 5. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". 6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions du centre communal d'action sociale de Montpellier présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. O R D O N N E : Article 1er r : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre communal d'action sociale de Montpellier présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... A... et au centre communal d'action sociale de Montpellier. Fait à Toulouse, le 20 novembre 2023. Le président, J-F. MOUTTE La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. Pour expédition conforme, La greffière en chef, 2 N° 23TL02341
CETATEXT000048448346
J1_L_2023_11_00020PA04320
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448346.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 20PA04320, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
20PA04320
6ème chambre
plein contentieux
C
Mme BONIFACJ
SELAS LLC ET ASSOCIES
M. Jean-Christophe NIOLLET
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une première requête, la société Rudo Chantier a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 1 419 881,09 euros en raison des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la résiliation du marché relatif aux travaux de curage, désamiantage et déplombage partiel de l'ancienne succursale " Malesherbes " de la Banque de France située 1, place du général Catroux à Paris, assortie des intérêts. Par une seconde requête, la société Rudo Chantier a demandé au même tribunal, d'une part, d'annuler la décision de la Banque de France du 4 mars 2015 portant notification du décompte général et définitif du marché et la décision du 31 mars 2015 en ce qu'elle rejette sa contestation du décompte global définitif du marché arrêté par la Banque de France, d'autre part, d'enjoindre à la Banque de France d'arrêter le décompte définitif du marché à la somme de 1 419 881,09 euros, assortie des intérêts moratoires, enfin, de condamner la Banque de France à lui verser une somme de 100 384,73 euros au titre des préjudices subis en raison du retard dans la perception du règlement des travaux et de désigner un expert. Par un jugement nos 1422402, 1507861 du 31 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les requêtes de la société Rudo Chantier et l'a condamnée à verser à la Banque de France une somme de 2 748 218,02 euros au titre du décompte général et définitif du marché. Par une requête, enregistrée le 31 mai 2017, et par deux mémoires, enregistrés le 7 mars 2018 et le 9 novembre 2018, la société Rudo Chantier, représentée par Me Thiébaut, mandataire liquidateur, et par Me Seno, a demandé à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 31 mars 2017 ; 2°) de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 1 776 778,53 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 8 août 2014, avec capitalisation de ces intérêts ; 3°) de mettre à la charge de la Banque de France une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - ses conclusions d'appel sont recevables ; - la tromperie grave retenue par la Banque de France pour résilier le marché sans mise en demeure, qui impliquerait un élément intentionnel, en particulier une volonté de dissimulation, voire une défaillance totale et persistante, n'est pas établie ; - les manquements ayant fondé la résiliation pour tromperie grave ne sont pas établis : elle n'a pas méconnu ses obligations contractuelles en matière de protection contre l'amiante et de déplombage, et a respecté les obligations de sécurité en matière d'exposition au plomb des travailleurs qui lui incombaient ; elle a respecté ses obligations de prudence dans la sécurisation du chantier ; son retard dans l'exécution des travaux résultait de sujétions imprévues ; - elle a fait preuve de professionnalisme : les fuites d'eau constatées à la suite des travaux de démolition ne sauraient lui être sérieusement reprochées, car le maître d'ouvrage l'a obligée à intervenir rapidement, alors que les réseaux d'eau n'étaient pas sécurisés ; l'empoussièrement de la rue adjacente du chantier par la goulotte d'évacuation des gravas non étanches ainsi que la destruction des salles d'urinoirs au sous-sol du bâtiment constituent de simples aléas de chantier ; - elle n'a pas manqué à son obligation de sécurisation du chantier en laissant les déprimogènes en situation de fonctionnement pour éviter la dispersion de poussières d'amiante ; - elle a toujours veillé au respect des règles en matière de sécurité du chantier et de prévention des risques en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, contrairement à ce que la CRAMIF a affirmé ; - elle n'a pas méconnu son obligation de déclaration des sous-traitants au maître d'ouvrage en faisant intervenir la société 3D Bat, qui appartient au même groupe qu'elle ; - la résiliation est irrégulière car elle aurait dû être précédée d'une mise en demeure ; - la résiliation est abusive et méconnaît les exigences de la loyauté contractuelle et de la bonne foi, car elle n'était pas possible au regard du stade d'avancement des travaux, plus de 90 % des travaux ayant été effectués, et des mesures de régularisation étant suffisantes pour permettre la poursuite de l'exécution du contrat ; - la Banque de France n'a pas droit à réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'interruption anticipée du contrat en raison des manquements contractuels qu'elle aurait subis, ceux-ci n'étant pas établis ; - la société Rudo Chantier est en conséquence fondée à demander le paiement par le maître d'ouvrage d'une somme de 1 776 778,53 euros TTC au titre des surcoût générés par l'arrêt brutal du chantier. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 23 octobre 2017 et le 8 octobre 2018, la Banque de France, représentée par Me Dal Farra, conclut, dans le dernier état de ses écritures : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce que le solde du décompte général et définitif du marché soit fixé à la somme de 2 748 218,02 euros TTC en faveur de la Banque de France ; 3°) à ce qu'une somme de 15 000 euros soit mise à la charge de la société Rudo Chantier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - à titre principal, les conclusions d'appel de la société sont partiellement irrecevables, faute pour l'appelante de contester l'irrecevabilité de sa requête n° 1422402 et l'irrecevabilité des conclusions de sa requête n° 1507861, tendant à l'annulation des décisions en date des 4 et 31 mars 2015, constatées par le tribunal administratif ; - à titre subsidiaire, les conclusions indemnitaires présentées en appel sont partiellement irrecevables, dans la mesure où elles portent sur un montant supérieur à celui demandé en première instance ; - en tout état de cause, les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par un arrêt n° 17PA01852 du 10 décembre 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Rudo Chantier. Par une décision n° 427850 du 18 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la société Rudo Chantier, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 10 décembre 2018 et renvoyé l'affaire devant la Cour. Procédure devant la Cour : Par un mémoire complémentaire, enregistré le 8 février 2021, la Banque de France, représentée par Me Dal Farra, conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens. Elle demande en outre à la Cour, par la voie de l'appel incident, de condamner la société Rudo Chantier à lui verser la somme de 2 748 218, 02 euros TTC, assortie des intérêts de retard à compter du 4 mars 2015, calculés sur la base d'un taux égal à trois fois le taux d'intérêt légal en vigueur à cette date, avec capitalisation des intérêts. Par un mémoire complémentaire, enregistré le 24 février 2021, la SELARL MJ et associés, mandataire liquidateur de la société Rudo Chantier, représentée par la SELAS LLC et associés, conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens. Par ordonnance du 13 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 février 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; - l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ; - le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ; - le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Niollet, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Elshoud pour la société Rudo Chantier, et de Me Boudieb pour la Banque de France. Considérant ce qui suit : 1. Dans le cadre de l'établissement du décompte du marché public que la Banque de France a conclu le 31 décembre 2012 avec la société Rudo Chantier pour l'exécution de travaux de curage, désamiantage et déplombage, préalablement à la restructuration de sa succursale dite " Malesherbes ", dans le 17ème arrondissement de Paris, la Banque de France a transmis le 4 mars 2015 à la société Rudo Chantier un décompte général et définitif faisant apparaître un solde négatif de 2 748 218,02 euros que Me Lefort, se présentant comme agissant en qualité de conseil de la société Rudo Chantier, a contesté par courrier du 18 mars 2015. La Banque de France a alors fait savoir à la société Rudo Chantier que ce dernier n'avait pas qualité pour contester valablement le décompte général et définitif et que, dans ces conditions, elle devait être regardée comme ayant accepté ce dernier à défaut de mémoire en réclamation présenté dans un délai de 15 jours prévu par l'article 18.6.3 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable au marché. Par un jugement du 31 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a condamné la société Rudo Chantier à verser à la Banque de France une somme de 2 748 218, 02 euros toutes taxes comprises au titre du décompte général et définitif du marché. La société Rudo Chantier a relevé appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la Banque de France à l'indemniser des préjudices résultant de la résiliation du marché et a demandé à la Cour administrative d'appel de Paris de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 1 776 778,53 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 8 août 2014, avec capitalisation de ces intérêts. Par un arrêt du 10 décembre 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête. Par une décision du 18 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la Cour. Sur les conclusions de la requête : 2. Aux termes de l'article 21.1.1 du CCAG applicable au marché public de travaux en cause : " Le marché pourra être résilié de plein droit aux torts de l'une des parties et sans accomplissement d'aucune formalité judiciaire : / (...) / - après mise en demeure, en cas de manquement de l'une des parties à ses obligations contractuelles ". Aux termes de l'article 21.1.2 du même cahier : " Le marché pourra être résilié de plein droit, sans accomplissement d'aucune formalité judiciaire, aux torts de l'entrepreneur : / (...) / sans mise en demeure, dans le cas de tromperie grave et dûment constatée sur la qualité des matériaux ou sur la qualité d'exécution des travaux ". 3. Il résulte par ailleurs de l'article 2.1.6.4 du cahier des clauses techniques particulières du marché (CCTP), relatif aux " contrôles en fin de travaux " que l'entreprise devait réaliser " dans chaque zone de travail une analyse libératoire (1ère restitution) avant dépose du confinement (...) par microscopie électronique (META) ", faisant apparaitre un taux d'empoussièrement inférieur ou égal à 5 fibres par litre, et que : " Après démantèlement des dispositifs de confinement, une analyse de restitution sera(it) effectuée par le Maître d'ouvrage via un laboratoire extérieur dans chaque zone de travail ". Il résulte en outre de l'article 2.1.7 du même cahier, intitulé " nettoyages - restitution des zones de travail après travaux ", que lorsque la totalité des travaux de retrait serait réalisée et les déchets évacués, l'entreprise procéderait à un nettoyage soigné de la zone de travail selon un protocole comprenant notamment un contrôle visuel destiné à vérifier l'absence de résidus de matière contenant de l'amiante, devant donner lieu à l'établissement de procès-verbaux, et de nouvelles mesures par microscopie électronique (META) " avant dépose du confinement ". Enfin, il résulte de l'article 2.1.2.1 du CCTP que l'entreprise devait établir un plan de retrait des matériaux et produits contenant de l'amiante, décrivant " l'ensemble des mesures établies afin de : / Réduire au niveau le plus faible possible l'émission et la dispersion de fibres d'amiante pendant les travaux / Eviter tout diffusion des fibres d'amiante hors des zones de travaux / Assurer les protections collectives et individuelles des travailleurs intervenants pour l'ensemble des risques / Garantir l'absence de pollution résiduelle après travaux (...) ". Le paragraphe 10 du plan de retrait de la société Rudo chantier, établi en application de ces dispositions, prévoyait notamment, s'agissant des déposes et restitutions, la réalisation par l'entreprise d'une mesure du taux d'empoussièrement avant la dépose du confinement statique et le repli du chantier, suivi d'un nouveau contrôle visuel et d'une nouvelle mesure du taux d'empoussièrement, à la charge du client. 4. Il résulte de l'instruction que, lors d'une visite sur le site du chantier, le 31 mars 2014, des agents de la Banque de France ont remarqué la présence de deux morceaux de conduits amiantés ou, selon la société Rudo chantier, de deux supports de conduits, au plafond de l'ancien local de la caisse, situé au 1er étage de l'immeuble, alors que ces éléments auraient dû faire l'objet d'une dépose en zone étanche par confinement dynamique total en application du plan de retrait. La Banque de France a alors fait réaliser par la société Géodiags, le 3 avril 2014, des tests de contamination à l'amiante au droit des conduits déposés, effectués au moyen de deux " tests sur lingettes " qui ont mis en évidence la présence d'amiante générant une pollution de l'air avec un taux supérieur à 5 fibres par litres, obligeant la Banque de France à effectuer de nouveaux travaux de désamiantage dans les 36 mois. La Banque de France a par la suite, le 8 avril 2014, fait réaliser par la société Géodiags, de nouveaux tests sur lingettes qui ont confirmé la présence d'amiante avec un taux supérieur à 5 fibres par litres, à quatre endroits du bâtiment, ainsi que des prélèvements de matériaux effectués sous le contrôle d'un huissier, dans un ancien sas situé au deuxième étage à l'angle de la pièce donnant sur la rue Georges Berger et sur la place du Général Catroux où a été prélevé au sol un joint cartonné fibreux (prélèvement P1), et dans la salle de repos du deuxième étage (troisième pièce à droite sur la rue Berger) où ont été prélevés au sol des débris sous un trou percé dans le plafond situé sous la zone amiantée du troisième étage (prélèvement P2) et un morceau de matériau isolant sous un radiateur (prélèvement P3), sur lesquels les analyses ont également confirmé la présence d'amiante générant une pollution de l'air avec un taux supérieur à 5 fibres par litres. 5. Il résulte en outre de l'instruction que la société Rudo Chantier qui n'avait transmis à la maîtrise d'œuvre le 17 avril 2014 qu'une partie des mesures libératoires prévues par le CCTP et par le plan de retrait, s'est, le 5 mai 2014, vu adresser par la maîtrise d'œuvre un courrier faisant référence aux malfaçons rappelées ci-dessus, et la mettant en demeure de transmettre sous huit jours pour chaque zone de confinement, les preuves du nettoyage effectué et de la vérification du niveau d'empoussièrement mesuré après les travaux de retrait des matériaux amiantés et avant le repli du confinement (" mesures de première restitution ") et les procès-verbaux de l'examen visuel réalisé par l'encadrement après les travaux de retrait. Si la société Rudo Chantier a fourni, par un courrier électronique du 14 mai 2014, certains compléments aux rapports d'analyse de première restitution, elle ne conteste pas ne pas avoir fourni deux des quinze analyses demandées, dont l'analyse concernant la zone du deuxième étage où avaient été déposés les caches radiateurs. La maîtrise d'œuvre, dans un nouveau courrier en date du 15 mai 2014, puis la Banque de France, dans son courrier en date du 3 juillet suivant informant la société Rudo Chantier de la résiliation du marché, ont donc constaté qu'elle n'était pas en mesure de fournir l'ensemble des pièces nécessaires pour établir que les procédures prévues par le plan de retrait avaient été respectées. 6. En premier lieu, si la société Rudo Chantier conteste le bienfondé et la régularité de la résiliation du marché sans mise en demeure, en soutenant n'avoir pas commis de tromperie grave sur la qualité d'exécution des travaux au sens de l'article 21.1.2 du CCAG, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, qu'elle doit au contraire, compte tenu des malfaçons établies auparavant, notamment par les prélèvements de matériaux mentionnés au point 4, être regardée comme ayant commis une telle tromperie en s'abstenant de communiquer l'ensemble des analyses libératoires de première restitution et des autres pièces que la maîtrise d'œuvre lui avait demandées le 5 mai 2014. Compte tenu de ces prélèvements, elle ne saurait discuter la valeur des tests sur lingettes pour déceler la présence de fibres d'amiante en suspension dans l'air. Elle ne saurait davantage se prévaloir d'un troisième rapport établi par la société Géodiags le 11 juin 2014, concluant à l'absence de fibres d'amiante dans l'air. 7. En second lieu, il résulte de l'instruction qu'au moment de la résiliation, l'état d'avancement du chantier pour les seuls travaux de désamiantage et de déplombage, hors prestations de curage, n'était que de 68%. La société Rudo Chantier n'est dans ces conditions pas fondée à se prévaloir de l'état d'avancement des travaux pour soutenir que la résiliation aurait été décidée tardivement en violation des exigences de la loyauté contractuelle et de la bonne foi. 8. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres manquements de la société Rudo Chantier à ses obligations contractuelles allégués par la Banque de France, celle-ci était fondée à résilier le marché passé avec la société Rudo Chantier aux torts exclusifs de cette dernière sans mise en demeure préalable. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions à fin d'indemnisation du préjudice résultant pour la société Rudo Chantier de la résiliation du marché. 9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la Banque de France, que la société Rudo Chantier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes, et l'a condamnée à verser à la Banque de France la somme de 2 748 218,02 euros TTC en règlement du solde du marché. Sur les conclusions d'appel incident de la Banque de France : 10. En premier lieu, compte tenu de la condamnation de la société Rudo Chantier à verser à la Banque de France la somme de 2 748 218,02 euros TTC au titre du décompte général et définitif du marché, prononcée par le jugement du tribunal administratif, les conclusions présentées en appel par la Banque de France, tendant à la fixation du solde de ce décompte, et à ce que la société soit condamnée à lui verser cette somme, sont sans objet. 11. En second lieu, la Banque de France qui est recevable à présenter pour la première fois en cause d'appel des conclusions en ce sens, a droit aux intérêts, non au taux égal à trois fois le taux légal qu'elle revendique sans toutefois assortir d'aucune précision ses conclusions sur ce point, mais au taux légal, sur la somme de 2 748 218,02 euros TTC, à compter du 31 mars 2015, date à laquelle elle a rejeté la contestation du décompte présentée par la société Rudo Chantier. De plus, à la date du 8 février 2021, date à laquelle elle a présenté ses conclusions tendant à la capitalisation des intérêts, et à supposer que le jugement attaqué n'ait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces conclusions, et de réformer en ce sens le jugement du Tribunal administratif de Paris. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Banque de France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Rudo Chantier demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire au droit aux conclusions présentées par la Banque de France sur le fondement des mêmes dispositions. D E C I D E: Article 1er : La requête de la société Rudo Chantier est rejetée. Article 2 : La somme de 2 748 218,02 euros TTC que la société Rudo Chantier a été condamnée à verser à la Banque de France par le jugement nos 1422402, 1507861 du Tribunal administratif de Paris du 31 mars 2017, portera intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2015. Les intérêts échus à la date du 8 février 2021 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, pour produire eux-mêmes intérêts. Article 3 : Le jugement nos 1422402, 1507861 du Tribunal administratif de Paris du 31 mars 2017 est réformé comme il est dit à l'article 2. Article 4 : Le surplus des conclusions de la Banque de France est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL MJ et associés en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Rudo Chantier et à la Banque de France. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Bonifacj, présidente de chambre, M. Niollet, président-assesseur, M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023. Le rapporteur, J-C. NIOLLET La présidente, J. BONIFACJLa greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 1 2 N° 20PA04320
CETATEXT000048448347
J1_L_2023_11_00021PA04879
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 21PA04879, Inédit au recueil Lebon
2023-11-16 00:00:00
CAA de PARIS
21PA04879
1ère chambre
excès de pouvoir
C
M. LAPOUZADE
GUEZ GUEZ SEFIEN
M. Stéphane DIEMERT
M. DORE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'association des musulmans de Noisy-le-Grand a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 11 mars 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a abrogé sa décision du 9 mai 2019 par laquelle il avait constaté, sur le fondement du V de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009, qu'elle entrait dans le champ d'application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. Par un jugement n° 2105257 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 30 août 2021, des mémoires enregistrés le 30 mars 2022 et le 30 mai 2022, l'association des musulmans de Noisy-le-Grand, représentée par Me Guez Guez, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2105257 du 30 juin 2021 du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'annuler la décision du 11 mars 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a abrogé sa décision du 9 mai 2019 par laquelle il avait constaté, sur le fondement du V de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009, qu'elle entrait dans le champ d'application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État ; 3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision litigieuse est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que les propos reprochés, qui ont d'ailleurs été dénaturés, ne constituent pas un trouble à l'ordre public ; - ces propos du président de l'association ont été tenus en son nom propre et n'engagent donc pas cette dernière, à laquelle ils ne peuvent donc pas être imputés ; - la décision litigieuse méconnait l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense enregistré le 18 mai 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution, notamment son Préambule ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code civil ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; - la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État ; - la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, notamment son article 111 ; - la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ; - le décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l'article 910 du code civil ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. E..., - les conclusions de M. A..., rapporteur public, - et les observations de Me Guez Guez, avocat de l'association requérante, et de M. B..., représentant le ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Considérant ce qui suit : 1. Par une décision du 11 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a abrogé sa décision du 9 mai 2019 par laquelle il avait constaté, sur le fondement du V de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, que l'association des musulmans de Noisy-le-Grand entrait dans le champ d'application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. L'association des musulmans de Noisy-le-Grand ayant saisi le tribunal administratif de Montreuil aux fins d'annulation de cette décision, cette juridiction a rejeté sa demande par un jugement du 30 juin 2021 dont elle relève appel devant la Cour. Sur le cadre juridique du litige : 2. D'une part, l'article 18 de la loi du 19 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État dispose que : " Les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi ". Aux termes de l'article 19 de cette loi, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte (...). / Les associations cultuelles pourront recevoir, dans les conditions prévues par les trois derniers alinéas de l'article 910 du code civil, les libéralités testamentaires et entre vifs destinées à l'accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles (...) ". 3. D'autre part, le V de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures dispose : " Toute association qui, n'ayant pas reçu de libéralité au cours des cinq années précédentes, souhaite savoir si elle entre dans l'une des catégories d'associations mentionnées au cinquième alinéa de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ou aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État pour prétendre au bénéfice des dispositions législatives ou réglementaires applicables à la catégorie d'associations dont elle revendique le statut, peut interroger le représentant de l'État dans le département qui se prononce sur sa demande dans des conditions définies par décret ". Aux termes de l'article 13-2 du décret du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l'article 910 du code civil : " Lorsque la décision du préfet est favorable, elle a une durée de validité de cinq ans. Elle peut être abrogée, selon la procédure prévue à l'article 12-2, si le préfet constate que l'association ne remplit plus les conditions requises ". L'article 12-2 du même décret prévoit que : " Le cas échéant, le préfet procède à une enquête aux fins d'établir si l'association qui fait la demande mentionnée à l'article 12-1 : / a) (...) remplit les conditions requises pour être qualifiée d'association cultuelle mentionnée aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 ; / b) Ne porte pas atteinte à l'ordre public. / Lorsque le préfet envisage de se prononcer défavorablement sur cette demande, il en informe l'association par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'invite à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / Le préfet constate que l'association remplit ou ne remplit pas les conditions énoncées au a et au b (...) ". Ces dispositions ont été maintenues en vigueur par le I de l'article 88 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, au bénéfice des associations qui ont, antérieurement à sa promulgation, bénéficié d'une réponse favorable à une demande faite sur le fondement du V de l'article 111 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, jusqu'à l'expiration de la validité de ces décisions ou à l'issue d'un délai de 18 mois à compter de l'entrée en vigueur des décrets d'application prévus aux articles 19 et 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 dans leur rédaction issue de ladite loi, si cette dernière date est plus tardive. 4. Il résulte de ces dispositions que le fait que certaines des activités de l'association revendiquant le statut d'association cultuelle pourraient porter atteinte à l'ordre public s'oppose à ce que cette association bénéficie de ce statut. 5. Pour l'application de la règle rappelée au point précédent constituent des atteintes à l'ordre public la provocation à la violence, à la haine ou à la discrimination résultant des propos exprimés, notamment sur les réseaux sociaux, par les responsables de l'association chargée de la gestion de ce lieu ou par les personnes en charge du culte qui y officient. Sur la légalité de la décision litigieuse : 6. Le préfet de Seine-Saint-Denis a fondé sa décision d'abroger sa décision du 9 mai 2019 par laquelle il avait constaté, sur le fondement du V de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, que l'association des musulmans de Noisy-le-Grand entrait dans le champ d'application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat, sur le double motif, d'une part, de ce que M. D..., imam des salles de prière gérées par l'association requérante, aurait diffusé des idées et propos s'apparentant selon lui à une provocation à la haine et à la discrimination envers les personnes en raison de leur non-appartenance à une religion déterminée et, d'autre part, de ce que le président de l'association requérante a adressé, en octobre 2020, via les réseaux sociaux, des messages de soutien à M. Sihamedi, président de l'association " Barakacity ", ultérieurement dissoute par décret du Président de la République délibéré en conseil des ministres du 28 octobre 2020. Les motifs de ce décret indiquaient notamment que : " les comptes personnel Twitter et Facebook de son président (...) ainsi que ceux de l'association " Barakacity " sont étroitement imbriqués, renvoyant les uns vers les autres ; (...) les messages publiés en ligne, depuis ces comptes provoquent de très nombreux commentaires hostiles à l'Occident, à la laïcité, aux francs-maçons ou encore aux musulmans qui ne partagent pas la conception de l'islam promue par l'association ; (...) beaucoup de ces commentaires sont ouvertement antisémites, plusieurs soutenant explicitement l'action d'Adolf Hitler ; (...) l'ensemble des commentaires, engendrés par les messages publiés sur les comptes des réseaux sociaux de l'association " Barakacity " constituent par eux-mêmes une provocation à la haine, à la discrimination et à la violence ; (...) ils sont toujours accessibles sans que son président, ni aucun autre membre de l'association ne procède ni à leur retrait, ni même à une quelconque modération des propos ainsi diffusés ; (...) / par suite, l'association " Barakacity " doit être regardée comme provoquant à la haine, à la discrimination et à la violence en raison de l'origine, de l'appartenance à une ethnie, à une race ou à une religion déterminée et comme propageant des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence (...) / l'association " Barakacity " doit également être regardée comme se livrant, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger, (...) / en janvier 2016, (ce président) lors de l'émission le Supplément sur la chaine Canal Plus, a refusé de condamner clairement les agissements de l'État islamique ; (...) à la suite d'une visite domiciliaire effectuée au domicile de [son président], le 30 mai 2017, il est ressorti de l'exploitation et de l'analyse des ordinateurs saisis à cette occasion la présence de matériel de propagande islamiste ; (...) / (...) en marge du procès de l'auteur de l'attentat de Christchurch, [son président] a posté, le 27 août 2020, un message légitimant la mort en martyr " Parce que personne, ni même les lois, pourront enlever cette croyance, cette idée que mourir martyr est la plus belle chose dans la vie d'une croyant " et dont une partie du contenu reprend des propos attribués aux terroristes Oussama Ben Ladenet Mohamed Merah : " Aimer la mort comme ils aiment la vie " ; (...) de même, le 3 septembre 2020, en marge du procès contre les auteurs des attentats contre le journal satirique " Charlie Hebdo ", il a publié deux messages condamnant la nouvelle publication des caricatures de Mahomet par ce journal, le premier appelant de ses vœux un châtiment contre les caricaturistes " Puisse le Seigneur augmenter à 2000 degrés les flammes de leurs tombes " et le second justifiant clairement les attentats et comprenant des propos qui peuvent être caractérisés comme apologétiques d'actes de terrorisme " Qu'Allah maudisse Charlie et ENFLAMME leurs tombes à la chaleur du soleil !! " ; (...) en septembre 2020, [son président] a mis en ligne des messages incitant à la haine envers certaines personnes en désaccord avec ses positions en n'hésitant pas à publier également leurs photos, leurs coordonnées téléphoniques et leur adresse, dans le but de les exposer à des actes de violence ou de représailles (...) ; / (...) [son président] entretient de nombreuses relations au sein de la mouvance islamiste radicale et qu'il soutient par l'intermédiaire de ses publications des référents religieux connus pour leur légitimation du djihad armé et leur ralliement à l'idéologie d'Al-Qaeda ; (...) il s'est rendu personnellement en Syrie, en zone occupée par l'État islamique en septembre 2018 ; / (...) le président de l'association " Barakacity " entretient des relations avec d'autres associations appartenant à la mouvance islamiste radicale, qu'il s'agisse de structures islamistes en Europe ou de groupes djihadistes, et avec d'ex-membres d'associations aujourd'hui dissoutes pour leur implication dans cette mouvance (...) l'association " Barakacity " a d'ailleurs bénéficié de dons de personnes impliquées dans des faits de terrorisme, dont notamment l'auteur de l'attentat contre deux policiers à Magnanville commis le 13 juin 2016 ; (...) ". Par un arrêt n° 445979 du 24 septembre 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux a rejeté la demande d'annulation de ce décret, en relevant notamment, d'une part : " d'une part, qu'entre 2017 et 2019, de nombreuses publications de l'association Barakacity sur les réseaux sociaux, comportant des propos particulièrement polémiques sur des événements de l'actualité nationale et internationale, en particulier au Proche-Orient, ont suscité des commentaires ouvertement antisémites, incitant à la violence et au meurtre voire y appelant parfois directement, ou des propos faisant l'apologie de crimes contre l'humanité, alors que l'association se borne à produire de rares et anciennes mises en garde aux internautes et ne fait état d'aucune action récente visant à la suppression des commentaires auxquels ses publications ont donné lieu. D'autre part, de nombreuses publications de M. Driss Yemmou Sihamedi, président de l'association, sur ses comptes personnels, tels qu'un appel à un châtiment divin des victimes de l'attentat contre le journal " Charlie Hebdo " le 3 septembre 2020 ou l'exposition à la vindicte publique de personnes nommément désignées, à raison de leur soutien à ce journal ou de leurs prises de position à l'égard du fondamentalisme, au cours du mois de septembre 2020, sont, en tant que telles, constitutives de propos haineux et d'incitation à la haine ou à la violence ", d'autre part, que " l'association ne conteste pas réellement la matérialité des faits ", que " eu égard à l'imbrication en l'espèce très étroite des prises de position de l'association et de celles de son président, qui est responsable de la communication de l'association, apparaît comme son seul représentant et est la seule personne à s'exprimer au nom de cette dernière, l'association n'est pas fondée à soutenir que le décret ne pouvait se fonder sur des faits qui n'auraient été imputables qu'au président de l'association et non à l'association elle-même ", et enfin que : " doivent être écartés les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur de fait dont serait entaché le décret attaqué, en ce qu'il prononce la dissolution de l'association sur le fondement du 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure au motif que les agissements de l'association étaient de nature à provoquer à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une religion ou à propager des idées ou théories tendant à les justifier ou les encourager ". 7. Le tribunal administratif de Montreuil a estimé que le préfet de Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur de fait quant à la réalité des propos tenus par M. D..., mais a considéré que pour prendre la décision attaquée, le préfet s'est également fondé sur le motif tiré de ce que le président de l'association requérante a adressé, en octobre 2020, via les réseaux sociaux, des messages de soutien au président de l'association " Barakacity ". 8. L'association des musulmans de Noisy-le-Grand soutient que, en tant qu'elle est fondée sur ce motif, la décision litigieuse est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que les propos reprochés, qui ont d'ailleurs été dénaturés ne constituent pas un trouble à l'ordre public, qu'ils ne peuvent, sans erreur de droit, lui être imputés dès lors qu'ils ont été tenus à titre personnel et ne l'engagent donc pas, et enfin que la décision méconnait l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. 9. Il ressort des pièces du dossier que les 15 et 16 octobre 2020, M. Chabchoub, président de l'association requérante, a posté sur son compte Facebook, à la suite d'une perquisition opérée au domicile de M. Sihamedi, président de l'association " Barakacity ", dans le cadre d'une plainte pour harcèlement, deux messages soulignant la disproportion des moyens employés à ses yeux ainsi que l'absence de justification de l'emploi des forces de l'ordre, et affirmant que des moyens similaires n'avaient pas été mis en œuvre dans d'autres cas, selon lui comparables, de personnes de confession musulmane ayant fait l'objet de menaces ou d'agressions, ou de personnes ayant diffusé des propos pouvant être perçus comme hostiles à l'égard de la communauté musulmane. 10. En premier lieu, de tels messages, qui ne présentent aucun lien, direct ou indirect, avec l'action humanitaire menée par l'association " Barakacity ", ne peuvent être regardés comme uniquement motivés par celle-ci. Par ailleurs, si l'association requérante fait valoir que les propos tenus par M. Sihamedi lui-même, peu de temps avant la dissolution de l'association " Barakacity ", ne peuvent être imputés à cette dernière, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que les messages de M. Chabchoub puissent être regardés comme constitutifs d'un trouble à l'ordre public, ainsi que l'a relevé le Conseil d'État dans son arrêt cité au point 6. 11. En outre, contrairement à ce que soutient l'association requérante, les messages dont la teneur a été rappelée au point 9 ont clairement pour objet d'affirmer, sur un ton très polémique, l'existence d'une discrimination systémique envers la communauté musulmane cautionnée par les pouvoirs publics, et singulièrement par les services de justice et de police. En outre, ces mêmes propos, adressés à une personne dont il n'est pas contestable qu'elle a notamment, d'une part, diffusé des messages à la fin du mois d'août 2020, en marge des procès de l'attentat de Christchurch, glorifiant la mort en martyr, ou, au début du mois de septembre 2020, appelant de ses vœux des châtiments sur les victimes de l'attentat contre le journal " Charlie Hebdo ", ou encore incitant à la haine et à la violence envers des personnes nommément désignées en désaccord avec ses idées, et d'autre part, qu'elle entretient des relations avec d'autres associations appartenant à la mouvance islamiste radicale, qu'il s'agisse de structures islamistes en Europe ou de groupes djihadistes, ne peuvent être lus abstraction faite de ce contexte, ce que ne pouvait sérieusement ignorer M. Chabchoub, et manifestent ainsi également une caution aux idées véhiculées par leur destinataire. Compte tenu de la qualité de leur auteur, représentant officiel d'une communauté religieuse et président d'une association ayant notamment pour objet, ainsi qu'il a été dit, l'enseignement et la pratique de l'islam, du contexte de tensions dans lequel ces événements s'inscrivaient, et de l'importance de l'audience susceptible d'être destinataire de tels messages résultant de l'emploi des réseaux sociaux en l'absence de paramétrage spécifique, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation en regardant ces messages comme constitutifs d'une atteinte à l'ordre public au sens des dispositions citées au point 3. 12. En deuxième lieu, alors même que M. Chabchoub a utilisé son compte Facebook personnel pour diffuser les messages litigieux, eu égard à sa notoriété, à la nature des fonctions qu'il exerce au sein de l'association requérante et à l'influence qui en découle nécessairement sur les fidèles du culte, et au lien que présentent ses propos avec l'objet statutaire de l'association, lequel comprend notamment l'enseignement et la pratique de l'islam, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait sans erreur de droit imputer à l'association requérante les messages en cause doit être écarté. 13. En troisième lieu, aux termes de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. (...). / 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines (...) restrictions (...) prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, (...) ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, (...), à la protection (...) ou des droits d'autrui. ". Ces stipulations, qui n'ont pas pour objet de garantir une absolue liberté d'expression aux dirigeants des personnes morales ne s'opposent pas, par elles-mêmes, à la possibilité, pour le législateur, d'adopter à l'égard de catégories particulières d'associations, telles les associations cultuelles, des mesures spécifiques de contrôle de la part de l'État en matière de respect de l'ordre public, conformément aux points 4 et 5, en contrepartie des avantages qui leur sont attribués. 14. La décision attaquée, qui a pour seul objet d'abroger la décision du 9 mai 2019 par laquelle il avait constaté que l'association requérante entrait dans le champ d'application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, et par laquelle le préfet n'a fait que mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009 et du décret du 11 mai 2007 précités, ne porte par elle-même aucune atteinte à la liberté d'expression. Le moyen doit donc être écarté. 15. Il résulte de tout ce qui précède que l'association des musulmans de Noisy-le-Grand n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 mars 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a abrogé sa décision du 9 mai 2019 par laquelle il avait constaté, sur le fondement du V de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009, qu'elle entrait dans le champ d'application des articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. Ses conclusions d'appel qui tendent à l'annulation dudit jugement et de cette décision doivent donc être rejetées. Sur les frais du litige : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association des musulmans de Noisy-le-Grand, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Ses conclusions tendant à ce que, à ce titre, la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État ne peuvent donc qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'association des musulmans de Noisy-le-Grand est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des musulmans de Noisy-le-Grand et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. F..., président de chambre, - M. E..., président-assesseur, - Mme G..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, S. E...Le président, J. F... La greffière, Y. C... La République mande et ordonne ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA04879
CETATEXT000048448348
J1_L_2023_11_00021PA06193
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448348.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 21PA06193, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
21PA06193
6ème chambre
plein contentieux
C
Mme BONIFACJ
SELARL BAZIN & ASSOCIES AVOCATS
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... E..., Mme A... E... et M. B... E... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Ville de Paris à verser à Mme D... E... la somme de 50 000 euros, à Mme A... E... la somme de 40 000 euros et à M. B... E... la somme de 40 000 euros, en réparation des préjudices d'affection qu'ils ont subis du fait du décès de M. C... E.... Par un jugement n°1923172/2-3 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021, les consorts E..., représentés par Me Grinholtz-Attal, demandent à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris ; 2°) de condamner la Ville de Paris à verser à Mme D... E... la somme de 50 000 euros, à Mme A... E... la somme de 40 000 euros et à M. B... E... la somme de 40 000 euros 3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la Ville de Paris a commis deux fautes tirées, d'une part, de la présence de punch lors du pot de service du 23 juin 2015, alors que cet alcool est prohibé en vertu des dispositions de l'article R. 4228-20 du code du travail, et d'autre part, de la méconnaissance de son obligation de protection résultant de l'article 23 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé que M. E... avait commis une faute exonérant totalement la Ville de Paris de sa responsabilité ; - ils ont subi un préjudice d'affection. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2022, la Ville de Paris, représentée par Me Poput, conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par les consorts E... sont infondés. Par une ordonnance du 17 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 mars 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du travail, - la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Poput pour la Ville de Paris. Considérant ce qui suit : 1. M. C... E..., agent supérieur d'exploitation affecté au service technique de l'énergie et du génie climatique (STEGC), au sein de la direction du patrimoine et de l'architecture de la Ville de Paris, est décédé, le 23 juin 2015, des suites d'un accident de la circulation alors qu'il regagnait son domicile depuis son lieu de travail. Par une décision du 29 mars 2018, la Ville de Paris a refusé de reconnaître cet accident comme imputable au service au motif que la survenance de cet accident résultait d'un fait personnel de l'agent. Parallèlement, Mme D... E..., son épouse, Mme A... E... et M. B... E..., ses enfants, ont saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de la Ville de Paris à leur verser la somme totale de 130 000 euros en réparation de leur préjudice d'affection. Par un jugement du 7 octobre 2021, dont les consorts E... relèvent appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Sur la responsabilité de la Ville de Paris : 2. Aux termes de l'article R. 4228-20 du code du travail : " Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail. / Lorsque la consommation de boissons alcoolisées, dans les conditions fixées au premier alinéa, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et à la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur, en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de services les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché ". Aux termes de l'article L. 4121-1 du même code : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. (...) ". Aux termes de l'article 23 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Par ailleurs, l'article 7 de la Charte alcool de la Ville et du Département de Paris reprend, au titre des boissons alcooliques autorisées, la liste fixée à l'article R. 4228-20 du code du travail et précise, en outre, que " Les pots sont soumis à l'autorisation préalable du responsable hiérarchique. A cette occasion, les boissons non alcoolisées doivent être privilégiées. La consommation d'alcool doit rester modérée et ne pas entraîner de dépassement des limites d'alcoolémie définies à l'article 5. Une liste des boissons proposées (cette liste devant comporter aussi des boissons non alcoolisées en quantité au moins égale), leur quantité et le nombre d'invités, sont joints à la demande d'autorisation (...) ". 3. En l'espèce, il résulte de l'instruction, que le 23 juin 2015 M. E... a participé à un repas de service au cours duquel il a consommé des boissons alcoolisées et notamment du punch. Alors qu'il est constant que le chef de service participait également à ce repas, la présence de punch doit être regardée comme ayant été autorisée en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 4228-20 du code du travail et de l'article 7 de la Charte alcool de la Ville et du Département de Paris. Ainsi, la Ville de Paris, en ne prohibant pas cette boisson lors du pot de service du 23 juin 2015, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. 4. En revanche, alors qu'il n'est pas allégué que M. E... occupait un poste à risque exigeant, de la part de la Ville de Paris, la mise en place de mesures de dépistage de l'alcoolémie, la seule circonstance que des pots aient lieu au sein des différents services de la Ville de Paris ne peut, à elle seule, davantage conduire à l'obligation de mise en œuvre de tels tests. Enfin, alors au demeurant que le pot de service avait eu lieu au moment de la pause méridienne alors que M. E... quittait son service à 16h30, il ne saurait être reproché à la Ville de Paris de ne pas avoir mis en place un système de navette pour reconduire les agents ayant eu une consommation excessive d'alcool. Aussi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la Ville de Paris aurait méconnu son obligation de protection de ses agents. 5. Enfin, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de l'indemnisation accordée par leur assureur, hormis le préjudice d'affection, au titre de la garantie " conducteur ", laquelle est sans incidence sur la responsabilité de la Ville de Paris. Sur la faute de la victime : 6. Si toute faute commise par une collectivité publique est de nature à engager la responsabilité de celle-ci, cette dernière peut s'exonérer, totalement ou partiellement, de sa responsabilité dans le cas où la victime aurait commis une faute. 7. Il résulte de l'instruction que le taux d'alcoolémie de M. E... au moment de l'accident, qui a fait l'objet de deux analyses distinctes par deux laboratoires différents, a été estimé entre 0,89g et 1,07g/l de sang, soit un taux supérieur au taux maximal autorisé. Cette alcoolémie anormalement élevée révèle une faute de la victime qui, en outre, a commis l'imprudence dans ces circonstances de prendre son scooter pour regagner son domicile. Cette faute de la victime doit être regardée, en l'espèce, comme exonérant totalement la Ville de Paris de sa responsabilité. Par suite, les conclusions indemnitaires des consorts E... doivent être rejetées. 8. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1 : La requête des consorts E... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E..., à Mme A... E..., à M. B... E... et à la Ville de Paris. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21PA06193
CETATEXT000048448349
J1_L_2023_11_00022PA00810
CETAT
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Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 22PA00810, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
22PA00810
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme BONIFACJ
CABINET JEAN-BERNARD SEGHIER-LEROY
M. Jean-Christophe NIOLLET
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a été regardé comme demandant au Tribunal administratif de Paris d'annuler les notes qui lui ont été attribuées aux différentes épreuves de la session de rattrapage de la première année de licence de droit au centre audiovisuel d'études juridiques (CAVEJ) de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Par une ordonnance n° 2122679/12-1 du 21 décembre 2021, le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 21 février 2022, M. A..., représenté par Me Seghier-Leroy, demande à la Cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris du 21 décembre 2021 ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la délibération par laquelle le jury de la première année de droit de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne l'a déclaré ajourné aux épreuves de première année de licence de droit au titre de l'année universitaire 2020-2021 ; 3°) d'enjoindre à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne de provoquer une nouvelle délibération du jury de la première année de licence de droit au titre de l'année universitaire 2020-2021 afin de réexaminer ses résultats ; 4°) subsidiairement, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Paris ; 5°) de mettre à la charge de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : -l'ordonnance attaquée a mal interprété ses conclusions, par lesquelles il avait contesté, non les notes qu'il avait obtenues aux rattrapages, mais la délibération du jury ayant décidé son ajournement ; - l'ordonnance attaquée a irrégulièrement rejeté ses conclusions comme irrecevables, en estimant qu'il ne pouvait pas attaquer son relevé de notes du 19 octobre 2021, qui mentionnait pourtant les voies et délais de recours ; - le premier juge aurait dû l'inviter à régulariser sa requête par la production d'un mémoire complémentaire ; - la délibération attaquée a été prise par une autorité incompétente, dès lors qu'il n'est pas établi que la présidente de l'université, signataire de son relevé de notes, faisait partie du jury, seul compétent pour prononcer les décisions d'ajournement ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 112-4 du code de l'éducation, dès lors qu'il aurait dû obtenir, en raison de son handicap, un temps supplémentaire pour les épreuves auxquelles il a été ajourné. La requête a été communiquée au président de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Niollet, - et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., étudiant en première année de licence de droit au centre audiovisuel d'études juridiques (CAVEJ) de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au titre de l'année universitaire 2020-2021, a été convoqué à des épreuves de rattrapages de matières du premier et du second semestre, qui se sont tenues du 8 au 20 septembre 2021. Par une délibération révélée par un relevé de note du 19 octobre 2021, le jury de première année de droit de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne l'a déclaré ajourné aux épreuves de première année de licence de droit. Il fait appel de l'ordonnance du 21 décembre 2021 par laquelle le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande introduite à la suite de cette décision, sur le fondement des dispositions du 4°) et du 7°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. 2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ". 3. Le premier juge a rejeté la requête de M. A... comme irrecevable aux motifs que ses conclusions, qu'il a interprétées comme tendant à l'annulation des notes obtenues aux rattrapages, étaient dirigées contre une décision insusceptible de recours, et, au surplus, que les moyens soulevés, relatifs à l'appréciation portée par le jury sur sa valeur et ses mérites, étaient inopérants. 4. Si M. A... soutient qu'il n'a pas contesté les notes qu'il a obtenues aux rattrapages, mais la délibération, susceptible de recours, par laquelle le jury l'a ajourné aux épreuves de première année de licence de droit, il ressort des termes de sa demande de première instance, qui ne mentionne ni la délibération du jury décidant son ajournement, ni le relevé de " notes et résultats " du 19 octobre 2021, sur lequel figurait la décision d'ajournement, qu'il souhaitait s'assurer de ce que les résultats obtenus aux rattrapages étaient fondés, et qu'il considérait que " les notes obtenues n'étaient pas méritées ". Les notes attribuées aux candidats ne pouvant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en ce qu'elles constituent, comme l'a relevé à juste titre le premier juge, des mesures préparatoires à la délibération du jury décidant de l'admission des candidats dont elles ne sont pas détachables, M. A... n'est en tout état de cause pas fondé à contester le rejet de ses conclusions par l'ordonnance attaquée. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que le tribunal aurait dû l'inviter à régulariser sa demande par la production d'un mémoire complémentaire. 5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Paris aurait irrégulièrement rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Copie en sera adressée au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : Mme Bonifacj, présidente de chambre, M. Niollet, président-assesseur, M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, J-C. NIOLLETLa présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA00810
CETATEXT000048448350
J1_L_2023_11_00022PA02836
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448350.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 22PA02836
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
22PA02836
6ème chambre
plein contentieux
C+
Mme BONIFACJ
CS AVOCATS ASSOCIES
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... Vialon a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Union nationale des centres de plein air (UCPA) à lui verser la somme de 7 700 euros au titre d'indemnité de congés payés, 9 680 euros en paiement de son compte épargne temps, 1 000 euros à titre d'indemnité de son arrêt maladie du 23 février au 20 mars 2018 et 76 417,17 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture anticipée de sa mission, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°1916237/6-3 du 12 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 20 juin 2022, M. Vialon, représenté par Me Moreau, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 12 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a refusé l'indemnisation du préjudice lié à la fin de mission ; 2°) de condamner l'Union nationale des centres de plein air (UCPA) à lui verser une somme de 15 283, 64 euros ou au moins une somme de 11 653, 44 euros, somme portant intérêts à compter de la date d'enregistrement de la requête avec capitalisation des intérêts ; 3°) de mettre à la charge de l'UCPA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la fin anticipée de sa mission auprès de l'UCPA ne lui a pas causé un préjudice dans la mesure où il a continué de travailler du mois de mai au mois de décembre 2018 sans percevoir de rémunération de l'UCPA. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2022, l'Union nationale des centres de plein air, représentée par Me Garnier, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. Vialon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que le moyen soulevé par M. Vialon est infondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du sport ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Louvigny pour l'UCPA. Considérant ce qui suit : 1. M. Vialon, conseiller technique et pédagogique supérieur sport au sein du ministère des sports, a été mis à disposition de l'Union nationale des centres de plein air (UCPA), à compter du 1er septembre 2002. En dernier lieu, à compter du 1er septembre 2016, l'intéressé a été affecté en tant que conseiller technique sportif pour y exercer la mission de conseiller technique national jusqu'au 31 août 2020. Le 12 avril 2018, la directrice des sports a autorisé l'UCPA à mettre fin de façon anticipée à mission. Sa demande tendant à être indemnisé des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la fin anticipée de sa mission étant restée sans réponse, M. Vialon a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'UCPA à lui verser la somme totale de 94 797,17 euros. M. Vialon relève appel du jugement du 12 mai 2022, par lequel le Tribunal a rejeté sa requête en tant seulement qu'il lui a refusé l'indemnisation du préjudice lié à la fin de sa mission et demande à ce titre la condamnation de l'UCPA à lui verser une somme de 15 283, 64 euros ou à titre subsidiaire une somme de 11 653, 44 euros. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article D. 131-23-1 du code du sport, créé par décret du 10 février 2017 : " Sans préjudice des indemnités mentionnées à l'article R. 131-21, une indemnité peut être versée au conseiller technique sportif, dans la limite d'un montant annuel fixé dans la convention-cadre mentionnée à l'article R. 131-23, soit par la fédération sportive auprès de laquelle il exerce, soit par ses organes nationaux, régionaux ou départementaux. Dans ce dernier cas, la fédération sportive définit et met en place les moyens par lesquels elle est régulièrement tenue informée des montants directement versés à ce titre par ses organes nationaux, régionaux ou départementaux. ". Et aux termes de l'article R.131-21 du même code : " L'agent qui exerce la mission de conseiller technique sportif perçoit une rémunération de l'Etat. Il est indemnisé par la fédération intéressée des frais et sujétions exposés dans l'exercice de sa mission. ". 3. Dans la présente requête d'appel, M. Vialon ne conteste plus la régularité de la procédure suivie pour mettre fin à sa mission, mais soutient que son travail auprès de l'UCPA pour la période de mai 2018 à décembre 2018 n'a donné lieu à aucune rémunération de cette dernière. Il résulte certes des dispositions précitées de l'article D.131-23-1 du code du sport que la fédération sportive ou ses organes nationaux, régionaux ou départementaux peut décider discrétionnairement de verser ou non une indemnité au conseiller technique sportif. Toutefois, en l'espèce, l'avenant au contrat de travail de M. Vialon en date du 25 février 2011 stipule que l'UCPA versera à ce dernier, en sus du traitement versé par l'État, une indemnité dont le montant s'élevait en 2018 à 1 456,68 euros nets par mois. Faute de toute justification du non-respect de cet avenant par l'UCPA à partir du mois de mai 2018, M. Vialon est fondé à soutenir qu'il a subi un préjudice financier à ce titre. Compte tenu du montant perçu par l'intéressé pour les mois précédents, il sera fait une exacte appréciation du préjudice financier subi par le requérant pour la période de mai à décembre 2018 en l'évaluant à la somme de 11 653, 44 euros. Sur les intérêts et leur capitalisation : 4. M. Vialon a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 11 653, 44 euros à compter du 20 juin 2022, date d'enregistrement de sa requête. 5. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 20 juin 2022. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 20 juin 2023, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. Vialon est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire en tant qu'elle porte sur la somme de 11 653, 44 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2022 et capitalisation des intérêts à compter du 20 juin 2023. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative : 7. D'une part, les dispositions susvisées font obstacle à ce que M. Vialon, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme à l'UCPA au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'UCPA une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. Vialon et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'Union nationale des centres de plein air est condamnée à verser à M. Vialon la somme de 11 653, 44 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 20 juin 2022. Les intérêts échus à la date du 20 juin 2023 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts. Article 2 : Le jugement n°1916237/6-3 du 12 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt. Article 3 : L'Union nationale des centres de plein air versera une somme de 1 500 euros à M. Vialon au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de l'Union nationale des centres de plein air au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Vialon et à l'Union nationale des centres de plein air. Copie en sera adressée à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques de France. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques de France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA02836
CETATEXT000048448351
J1_L_2023_11_00022PA03197
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448351.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 22PA03197, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
22PA03197
6ème chambre
plein contentieux
C
Mme BONIFACJ
ORIER AVOCATS
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à la condamnation de l'État à lui verser une somme de 40 880 euros en réparation des préjudices subis du fait du refus du ministre de l'intérieur de lui accorder un agrément en qualité d'employé des salles de jeux. Par un jugement n° 2007747 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 juillet et 13 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Orier, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 18 mai 2022 du tribunal administratif de Melun ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 45 680 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la réception de sa demande indemnitaire préalable ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation ; - le ministre de l'intérieur a commis une faute en refusant illégalement son agrément en qualité d'employé de cercle de jeux car, d'une part, il a commis une erreur de droit dans l'appréciation du décret déterminant les conditions de délivrance d'un agrément, d'autre part, il a commis une erreur dans l'appréciation des faits ; - cette faute lui a causé des préjudices qui peuvent être évalués à 31 680 euros pour le préjudice financier, 4 000 euros pour le préjudice moral et 10 000 euros pour le préjudice de jouissance. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le jugement attaqué est régulier ; - le refus d'agrément n'est pas illégal ; - le préjudice de M. A... n'est pas établi. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité intérieure ; - le décret n° 2017-913 du 9 mai 2017 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Barthelemy pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. Par une décision du 12 avril 2018, le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer à M. A... un agrément en qualité d'employé des salles de jeux, sollicité pour lui par le club de jeux Marbeuf Champs Elysées. Toutefois, par un arrêté du 16 octobre 2018, le ministre de l'intérieur a délivré à M. A... un agrément en qualité de membre de comité de direction d'un club de jeux, arrêté abrogé par un second en date du 24 octobre 2018 lui accordant un agrément en qualité d'employé de salle de jeux. L'intéressé a alors demandé au ministre de l'intérieur à être indemnisé du préjudice qu'il estime avoir subi entre les mois d'avril et octobre 2018 du fait du refus d'agrément qui lui a été opposé durant cette période. Il relève appel du jugement du 18 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 40 880 euros à ce titre. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les premiers juges ont répondu de façon circonstanciée aux moyens soulevés par M. A.... Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de sa motivation doit donc être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article L 114-1 du code de la sécurité intérieure : " I. - Les décisions administratives (...) d'agrément (...), prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (...) les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses, (...), peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. (...). Aux termes de l'article 16 du décret du 9 mai 2017 : " Peuvent donner lieu aux enquêtes mentionnées à l'article L 114-1 du code de la sécurité intérieure les décisions (...)2° d'agrément des directeurs responsables et des membres des comités de direction des clubs de jeux autorisés ainsi que des personnes employées dans les salles des jeux de ces établissements ". 4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, si l'enquête administrative prévue par l'article précité doit nécessairement prendre en compte des condamnations pénales, si elles existent, en revanche elle peut légalement estimer que le comportement de l'intéressé n'est pas compatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées en absence même d'une condamnation pénale. 5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. A..., qui a exercé les fonctions de croupier, de chef de partie puis de membre du comité des jeux au sein de l'Aviation Club de France de 2004 à 2014, a vu sa rémunération plus que doubler entre le mois de septembre 2010 et le mois de juin 2011, sa rémunération mensuelle passant de 1 425,09 euros nets à 3 250,97 euros. Cette hausse très significative est concomitante avec la disparition progressive, au sein du club, d'un système de paiement non déclaré des heures supplémentaires, dont la mise à jour a été à l'origine de la fermeture de l'établissement au mois de septembre 2014. Si pour expliquer cette hausse autrement que par l'arrêt de ce système, dont il nie avoir bénéficié, le requérant se prévaut de ses nouvelles fonctions de membre du comité des jeux à compter du mois d'octobre 2010, cette circonstance n'est toutefois pas suffisante pour justifier le niveau de son augmentation de salaire. Dès lors, au regard de l'importante hausse de salaire dont a bénéficié M. A..., de la concomitance de cette augmentation avec l'arrêt du système de rémunération occulte au sein de l'Aviation Club de France et de l'absence d'explications probantes pour la justifier, son implication dans le système de rémunération occulte, en ce qu'il a perçu, en connaissance de cause, de telles rémunérations, doit être regardée comme établie. Aussi, en retenant, pour refuser de délivrer un agrément à M. A..., l'implication de ce dernier dans ce système de rémunérations occultes, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur de fait. 6. En dernier lieu, en estimant que la participation de M. A... à ce système de rémunérations occultes témoignait d'un manque de probité et d'un manque de loyauté envers l'autorité de tutelle, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur d'appréciation, nonobstant les circonstances que l'intéressé n'ait pas fait l'objet de condamnation pénale et se soit vu finalement délivrer un agrément en octobre 2018. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du code de la sécurité intérieure et, par suite, n'a pas commis de faute, en refusant le 12 avril 2018, de délivrer l'agrément sollicité. La responsabilité de l'Etat ne saurait, dès lors, être engagée et les conclusions indemnitaires présentées par M. A... ne peuvent qu'être rejetées. 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03197
CETATEXT000048448354
J1_L_2023_11_00022PA03857
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448354.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 22PA03857, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
22PA03857
6ème chambre
plein contentieux
C
Mme BONIFACJ
GIORNO
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Ipanema Voyages a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à la condamnation du centre communal d'action sociale (CCAS) et de la commune de Thiais à lui verser la somme de 14 483,05 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis dans le cadre du marché de prestation de voyage en Indonésie. Par un jugement n° 2100241 du 21 juin 2022, le Tribunal administratif de Melun a mis hors de cause la commune de Thiais, a condamné le centre communal d'action sociale de Thiais à verser à la société Ipanema Voyages la somme de 14 483,05 euros, a mis à la charge du centre communal d'action sociale de Thiais une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 août 2022 et le 7 février 2023, le centre communal d'action sociale de Thiais représenté par Me Férignac, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 21 juin 2022 du Tribunal administratif de Melun ; 2°) de rejeter la demande de la société Ipanema Voyages devant le tribunal administratif de Melun ; 3°) de mettre à la charge de la société Ipanema Voyages la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier car il n'est pas signé ; - le jugement attaqué est irrégulier pour défaut de respect du principe du contradictoire ; - c'est à tort que les premiers juges ont jugé recevables les conclusions dirigées contre le CCAS car il s'agissait de conclusions nouvelles présentées après l'expiration du délai de recours contentieux et donc irrecevables ; - la demande indemnitaire de la société Ipanema voyages était irrecevable car non précédée d'une réclamation adressée dans les délais au CCAS ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il résulte des stipulations mêmes de l'article 8 précité du cahier des clauses particulières que la notification du marché vaut option de réservation du voyage et entrainait, de ce seul fait, obligation de réservation de la part de la société ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il y a bien eu une commande même si les prestations réalisées par la société n'ont fait l'objet d'aucun bon de commande ; - la somme de 14 483,05 euros n'est pas justifiée. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2022, la société Ipanema voyages, représentée par Me Giorno, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du CCAS de Thiais au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par le CCAS de Thiais sont infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Beguerie pour le CCAS de Thiais et de Me Giorno pour la société Ipanema voyages. Considérant ce qui suit : 1. Par acte d'engagement du 10 octobre 2019, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Thiais a conclu avec la société Ipanema Voyages un accord-cadre à bons de commande ayant pour objet l'organisation d'un séjour à Bali. Ce contrat, sans montant minimum et pour un montant maximum de 71 000 euros, expirait le 31 décembre 2020. La société Ipanema Voyages a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant, dans le dernier état de ses écritures, à la condamnation de la commune de Thiais et du CCAS de Thiais à lui verser une somme de 14 483,05 euros au titre des frais qu'elle a engagés dans le cadre de l'exécution du contrat précité. Par un jugement du 21 juin 2022, le Tribunal administratif de Melun a mis hors de cause la commune de Thiais, a condamné le CCAS de Thiais à verser à la société Ipanema Voyages la somme de 14 483,05 euros, a mis à la charge du CCAS de Thiais une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Le CCAS de Thiais relève appel de ce jugement. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête : 2. Aux termes de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) : " Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion ". 3. Il résulte de l'instruction que, par courriel du 23 juillet 2020, la directrice adjointe du CCAS de Thiais a indiqué à la société Ipanema Voyages son refus de verser une quelconque somme ainsi que les motifs de ce refus. Un différend est donc né le 23 juillet 2020 et la société disposait d'un délai de deux mois à compter de cette date pour introduire sa réclamation préalable. Or, dans ce délai, la société intimée a seulement transmis un courrier du 9 septembre 2020 qui ne détaillait nullement les bases de calcul des sommes demandées et ne faisait d'ailleurs pas référence à la somme réclamée. Ce courrier ne pouvait donc être regardé comme un mémoire de réclamation au sens de l'article 37.2 du CCAG-FCS. Le CCAS de Thiais est donc fondé à soutenir que la demande de première instance était irrecevable faute de réclamation préalable. 4. Il résulte de ce qui précède que le CCAS de Thiais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a partiellement fait droit à la demande de la société Ipanema voyages. Sur les conclusions des parties au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative : 5. D'une part, les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS de Thiais, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la société Ipanema voyages et non compris dans les dépens. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par le CCAS de Thiais. DÉCIDE : Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2100241 du 21 juin 2022 du Tribunal administratif de Melun sont annulés. Article 2 : La demande de la société Ipanema voyages devant le tribunal administratif de Melun est rejetée dans son intégralité. Article 3 : Les conclusions des parties au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre communal d'action sociale de Thiais et à la société Ipanema Voyages. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03857
CETATEXT000048448355
J1_L_2023_11_00023PA02565
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448355.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 23PA02565, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
23PA02565
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme BONIFACJ
TUENDIMBADI KAPUMBA
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Par un jugement n°2110693 du 12 mai 2023, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 11 juin 2023, et un mémoire ampliatif enregistré le 17 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Tuendimbadi Kapumba, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 12 mai 2023 du Tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 7 juillet 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat a somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article L 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, lequel n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès, - et les observations de Me Tuendimbadi Kapumba pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née le 9 février 1959 et entrée en France le 25 décembre 2017, a sollicité le 15 septembre 2020 la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 juillet 2021, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 12 mai 2023, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". 3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. 4. Il ressort des termes de son avis du 1er mars 2021, sur lequel s'est notamment fondé le préfet du Val-de-Marne, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Il n'est pas contesté qu'elle souffre d'un diabète de type II, compliqué notamment d'une rétinopathie, d'une insuffisance rénale chronique, d'une neuropathie et d'une artériopathie distale, pathologies nécessitant la prise de plusieurs médicaments et un suivi médical pluridisciplinaire régulier. Si Mme B... fait valoir qu'elle n'aura pas accès en République démocratique du Congo à certains médicaments qu'elle prend quotidiennement, ni au plateau technique exigé pour son suivi médical, les certificats des 19 et 20 novembre 2021, produits en première instance, s'ils indiquent que la prise en charge de la patiente sera aléatoire et délicate dans son pays d'origine, ces seuls éléments, insuffisamment précis et circonstanciés, ne suffisent pas à établir que la requérante ne pourrait pas effectivement y bénéficier d'un traitement approprié. Dans la présente requête d'appel, Mme B..., outre des comptes rendus d'hospitalisation postérieurs à la décision attaquée et ne se prononçant pas en tout état de cause sur l'offre de soins dans son pays d'origine, produit un document du 14 juin 2023 émanant de la faculté de médecine de l'université de Kinshasa cosigné par trois médecins, se bornant à indiquer que le cas de la requérante, qui souffre de plusieurs morbidités, nécessite un suivi étroit afin de les contrôler et de lui procurer une meilleure qualité de vie, sans se prononcer sur la disponibilité du traitement en République démocratique du Congo. Ce document n'est ainsi pas suffisant pour établir que la requérante n'aurait pas effectivement accès à un traitement approprié dans son pays d'origine. La seule circonstance que Mme B... avait, au mois d'avril 2019, bénéficié d'un titre de séjour pour raisons de santé n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII, par son avis du 1er mars 2021, sur la possibilité pour l'intéressée de bénéficier dans son pays d'origine des soins qui lui sont désormais nécessaires. Dès lors Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Val-de-Marne a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02565
CETATEXT000048448356
J1_L_2023_11_00023PA03068
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448356.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 23PA03068, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
23PA03068
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme BONIFACJ
MAILLARD
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement n°2300221/8 du 5 avril 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Maillard, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2023 du Tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 3 octobre 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail pendant la durée de fabrication du titre de séjour, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail, dans le délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me Maillard, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation ; S'agissant de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour : - elle est entachée d'une insuffisance de motivation révélant un défaut d'examen complet de la demande ; - elle est entachée d'erreur de droit car le préfet s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qu'elle assortit ; - elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire : - elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; S'agissant de la décision fixant le pays de destination : - elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... sont infondés. Par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2023, M. B... maintient ses conclusions par les mêmes moyens. Par une décision du 20 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ; - l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant tunisien né le 12 avril 1975 et entré en France en mars 2011 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour des motifs médicaux. Par un arrêté du 3 octobre 2022, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement du 5 avril 2023 dont M. B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de M. B..., ont répondu de façon circonstanciée à l'ensemble de ses moyens. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de sa motivation doit donc être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : S'agissant de la décision de refus de séjour : 3. En premier lieu, l'arrêté attaqué indique les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté. 4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des motifs de la décision attaquée ni des autres pièces du dossier que le préfet de police ne se serait pas livré un examen complet de la demande de M. B.... 5. En troisième lieu, aux termes de l'article des deux premiers alinéas de L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / (...). ". Les conditions d'application de ces dispositions ont été définies aux articles R. 425-11 à R. 425-13 du même code et précisées par l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, les orientations générales mentionnées à l'article L. 425-9 ont été fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 6. En l'espèce, l'avis du collège de médecins de l'OFII du 26 juillet 2022 mentionne que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque. La circonstance que l'OFII avait rendu un premier avis favorable au cas de M. B... le 25 février 2022, indiquant que son état de santé nécessitait alors une poursuite des soins en France pendant six mois n'est pas contradictoire à ce second avis. 7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII du 26 juillet 2022, et ce alors même qu'il a retenu les mêmes motifs pour refuser le titre de séjour sollicité. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté. 8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical rédigé le 11 janvier 2023, que M. B... souffre d'un carcinome nasopharyngé non kératinisant et bénéficie à ce titre d'une prise en charge médicale régulière depuis le mois d'octobre 2021, consécutive à sa radio-chimiothérapie afin de surveiller l'évolution du carcinome et éviter une réapparition de cellules cancéreuses. Si le requérant allègue qu'il ne pourrait bénéficier d'un accès au suivi médical spécialisé requis en Tunisie, au sens de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017, les certificats médicaux produits en première instance établis par un médecin généraliste ainsi que par trois médecins des hôpitaux Tenon ou Forcilles les 3, 11, 20 et 30 janvier 2023, au demeurant postérieurs à la décision attaquée, qui se bornent à indiquer de manière générale que la prise en charge appropriée serait " difficile ", ou " très difficile " ou ne serait pas possible, sans précision ou justification, ne sont pas de nature à l'établir, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges. Les certificats médicaux des 12, 14 et 18 avril 2023 produits en appel sont également rédigés dans les mêmes termes et ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII. Par ailleurs, si M. B... allègue qu'il ne pourra accéder à un suivi médical spécialisé et approprié dans son pays d'origine dès lors qu'il ne dispose pas d'une couverture sociale en Tunisie en raison de sa situation médicale invalidante qui ne lui a pas permis de travailler et de cotiser, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 10. Si M. B... se prévaut de ce qu'il vit en France depuis 2011 et y a noué des liens, il n'établit résider habituellement sur le territoire français que depuis l'année 2021, il est par ailleurs célibataire sans charges de famille et il ne justifie d'aucun lien qu'il y aurait noué, ni d'aucune insertion particulière dans la société française. En outre, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans. Dès lors, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B... le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son refus de titre de séjour sur la situation personnelle de M. B.... S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours et de la décision fixant le pays de destination : 11. Il y a lieu d'écarter les moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination, tels que visés ci-dessus, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges respectivement aux points 10 à 12, 13 à 15 et 16 à18 du jugement attaqué. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA03068
CETATEXT000048448357
J1_L_2023_11_00023PA03093
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448357.xml
Texte
CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 23PA03093, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
23PA03093
6ème chambre
excès de pouvoir
C
Mme BONIFACJ
PIEROT
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté en date du 17 janvier 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2201428 du 28 mars 2023, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Pierot, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 28 mars 2023 du Tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 17 janvier 2022 ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne à titre principal de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de 30 jours à compter de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation administrative en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de 2 jours à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier pour défaut de motivation ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de faits ; - elle est entachée de défaut d'examen sérieux de sa situation ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3 -1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne, laquelle n'a pas produit de mémoire en défense. Par une décision du 12 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant nigérian né le 14 février 1988, entré en France le 15 août 2016, a vu sa demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 5 août 2021. Par un arrêté du 17 janvier 2022, la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Le premier juge a répondu de façon circonstanciée à l'ensemble des moyens soulevés en première instance par M. B.... Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de sa motivation ne peut donc être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 3. Aux termes de l'article L.611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3°; (...) " et de l'article L. 614-5 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. (...) Lorsque l'étranger conteste une décision portant obligation de quitter le territoire fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations. ". Et aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". 4. En premier lieu, la décision contestée du 17 janvier 2022 de la préfète du Val-de-Marne mentionne de façon suffisamment précise les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et notamment que l'intéressé a vu sa demande d'asile rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 août 2021 et que la décision prise ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale. Il ne ressort ni de cette motivation ni des autres pièces du dossier que la préfète du Val-de-Marne ne se serait pas livrée à un examen sérieux et complet de la situation du requérant, alors qu'il n'établit pas au surplus avoir informé la préfète de l'évolution de sa situation familiale entre le 10 août 2021 et le 17 janvier 2022. 5. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'erreur de fait doit être écarté comme non assorti des précisions suffisantes permettant au juge administratif d'en apprécier le bien-fondé. 6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 7. Si le requérant soutient qu'il vit en France depuis cinq ans et qu'il est le père d'un enfant, né le 26 juillet 2022 de sa relation avec une compatriote, reconnue réfugiée le 28 octobre 2019, il est constant qu'il n'a reconnu la paternité de son enfant que le 25 mars 2022, soit plus de deux mois après la décision attaquée. Comme l'a relevé le premier juge, sa durée de présence en France n'est que la résultante des délais d'examen de ses demandes d'asile successives par les instances compétentes. De plus, il résulte de ses propres écritures qu'il ne réside pas avec la mère de son enfant. S'il se prévaut aussi de son travail de coiffeur dans un établissement de Villiers-le-Bel, en tout état de cause, cette activité n'a débuté que le 1er janvier 2022 soit quelques jours avant l'arrêté attaqué, alors d'ailleurs qu'elle s'est terminée à la fin du premier semestre 2022 Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Val-de-Marne a méconnu, en prenant à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation. 8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 9. Il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit au point 7, que M. B... n'a reconnu son fils, né le 26 juillet 2022, que le 25 mars 2022 soit plus de deux mois après l'arrêté attaqué et qu'il ne réside pas avec la mère de son enfant. Dès lors, il n'est pas non plus fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français, à la date à laquelle elle a été prise, a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 10. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 3 à 9 que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté. 11. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision fixant le Nigéria comme pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut qu'être écarté. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA03093
CETATEXT000048448358
J1_L_2023_11_00023PA03739
CETAT
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CAA de PARIS, 6ème chambre, 21/11/2023, 23PA03739, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de PARIS
23PA03739
6ème chambre
plein contentieux
C
Mme BONIFACJ
GENESIS AVOCATS
M. Dominique PAGES
Mme NAUDIN
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un jugement n° 1300251 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a condamné le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à verser au groupement Sogea la somme de 4 417,50 euros TTC au titre du marché complémentaire de construction de l'unité d'hémodialyse et a modifié le solde du marché en inscrivant au débit des demanderesses les sommes de 4 220 062,53 euros au titre des pénalités pour retard global d'exécution, 11 335 836,17 euros au titre des autres pénalités et 24 955 euros TTC pour " réfaction ", et à leur crédit les sommes de 437 378,74 euros TTC au titre des travaux supplémentaires, 73 609,75 euros au titre du surcoût lié à l'allongement du délai d'exécution, 239 589,85 euros au titre des dépenses communes de chantier et 14 144,02 euros au titre des intérêts moratoires dus sur acomptes mensuels. Par un arrêt n° 18PA20476 du 31 juillet 2023, la Cour a condamné les sociétés Sogea Martinique et autres à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 1 887 570,77 euros TTC au titre du solde du marché principal du lot 2.1 A, a réformé le jugement n° 1300251 du 10 octobre 2017 du tribunal administratif de la Martinique en ce qu'il a de contraire à l'article 1er et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la Cour : I° Par une requête, enregistrée le 17 août 2023 sous le n° 23PA03739, la société Sogea Martinique, la société industrielle martiniquaise de préfabrication (SIMP), la société GTM génie civil et services et la société compagnie martiniquaise de bâtiment (COMABAT) représentées par Me Bourgine, demandent à la Cour de rectifier pour erreur matérielle l'article 1er du dispositif de l'arrêt n° 18PA20476 du 31 juillet 2023 qui doit être ainsi rédigé : " Les sociétés Sogea Martinique et autres sont condamnées à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 372 089,98 euros TTC au titre du solde du marché principal du lot 2.1 A. ". Elles soutiennent que l'article 1er du dispositif de l'arrêt de la Cour est en contradiction avec le point 43 de ses motifs. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, représenté par Me Mbouhou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du groupement Sogea Martinique au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que la requête est irrecevable en ce qu'elle ne tend pas seulement à la rectification d'une erreur matérielle. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2023, la SAS d'architecture Michel Beauvais, la SARL Acra architecture, la SARL d'architecture Lorenzo architecture, M. B... A... et la SARL ASCO BTP, représentés par Me Lallemand, demandent à la Cour de statuer sur la requête en rectification matérielle du groupement Sogea Martinique en les mettant hors de cause et de condamner le groupement Sogea Martinique en tous les dépens. Ils font valoir qu'ils ne sont pas concernés en tant que maîtres d'œuvre par cette demande de rectification d'erreur matérielle. Par un mémoire en réplique, enregistré le 24 octobre 2023, les sociétés Sogea Martinique et autres concluent aux même fins par le même moyen et en soutenant en outre que la requête, qui tend uniquement à la rectification d'une erreur matérielle, est bien recevable. II° Par une requête, enregistrée le 16 août 2023 sous le n° 23PA04040, la société Sogea Martinique, la société industrielle martiniquaise de préfabrication (SIMP), la société GTM génie civil et services et la société compagnie martiniquaise de bâtiment (COMABAT) représentées par Me Bourgine, demandent à la Cour de rectifier pour erreur matérielle l'article 1er du dispositif de l'arrêt n° 18PA20476 du 31 juillet 2023 qui doit être ainsi rédigé : " Les sociétés Sogea Martinique et autres sont condamnées à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 372 089,98 euros TTC euros TTC au titre du solde du marché principal du lot 2.1 A. ". Elles soutiennent que l'article 1er du dispositif de l'arrêt de la Cour est en contradiction avec le point 43 de ses motifs. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2023, la SAS d'architecture Michel Beauvais, la SARL Acra architecture, la SARL d'architecture Lorenzo architecture, M. B... A... et la SARL ASCO BTP, représentés par Me Lallemand, demandent à la Cour de statuer sur la requête en rectification matérielle du groupement Sogea Martinique en les mettant hors de cause et de condamner le groupement Sogea Martinique en tous les dépens. Ils font valoir qu'ils ne sont pas concernés en tant que maîtres d'œuvre par cette demande de rectification d'erreur matérielle. Par un mémoire en réplique, enregistré le 24 octobre 2023, les sociétés Sogea Martinique et autres concluent aux même fins par le même moyen. Vu les autres pièces des dossiers. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - les observations de Me Champetier de Ribes pour la société Sogea Martinique et autres et de Me Dubois pour la société Icade Promotion. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêt n° 18PA20476 du 31 juillet 2023, la Cour a condamné, en son article 1er, la société Sogea Martinique, la société industrielle martiniquaise de préfabrication (SIMP), la société GTM génie civil et services et la société compagnie martiniquaise de bâtiment (COMABAT) à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 1 887 570,77 euros TTC au titre du solde du marché principal du lot 2.1 A. Ces sociétés ont saisi la Cour de deux requêtes, enregistrées sous les n° 23PA03739 et 23PA04040, et tendant à la rectification d'une erreur matérielle contenue dans l'article 1er de son dispositif. Les deux requêtes susvisées ont le même objet et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt 2. Aux termes de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification ". Le recours en rectification d'erreur matérielle n'est ainsi ouvert qu'en vue de corriger des erreurs de caractère matériel qui ne sont pas imputables aux parties et qui ont pu avoir une influence sur le sens de la décision. Sur la fin de non-recevoir opposée par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin : 3. Contrairement à ce que soutient le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, les requêtes des sociétés Sogea Martinique et autres ont pour unique objet de corriger une erreur matérielle et non pas de faire rejuger le litige. La fin de non-recevoir soulevée en ce sens ne peut donc qu'être écartée. Sur la demande de rectification d'erreur matérielle : 4. Il ressort du point 43 de l'arrêt du 31 juillet 2023 que la Cour a jugé que le solde du marché principal (lot 2.1 A) devait être fixé à 372 089,98 euros TTC alors que l'article 1er du dispositif met à la charge des requérantes à ce titre une somme de 1 887 570,77 euros TTC. L'erreur contenue dans l'article 1er du dispositif, contradictoire avec les motifs du point 43, constitue bien une erreur matérielle imputable au juge et ayant une influence sur le sens de l'arrêt et qu'il convient de rectifier. 5. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes sont fondées à demander que l'article 1er de l'arrêt n°18PA20476 du 31 juillet 2023 soit ainsi rectifié : " Les sociétés Sogea Martinique et autres sont condamnées à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 372 089,98 euros TTC au titre du solde du marché principal du lot 2.1 A. ". Sur les frais du litige : 6. Les dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin demande sur ce fondement soit mise à la charge des sociétés Sogea Martinique et autres, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes. 7. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions de la SAS d'architecture Michel Beauvais, la SARL Acra architecture, la SARL d'architecture Lorenzo architecture, M. B... A... et la SARL ASCO BTP ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : L'article 1er de l'arrêt 18PA20476 du 31 juillet 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est ainsi rectifié : " Les sociétés Sogea Martinique et autres sont condamnées à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 372 089,98 euros TTC au titre du solde du marché principal du lot 2.1 A. ". Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Sogea Martinique, GTM génie civil et services, à la compagnie martiniquaise de bâtiment, au groupement de coopération sanitaire de moyens de Mangot-Vulcin, aux sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Oasiis, Egis bâtiments, Tunzini et Tunzini Antilles, Icade promotion, Semavil, Socotec Antilles Guyane, Réalisations médicales et industrielles, Artelia bâtiment et industrie, Cloison Doublage Ravalement Isolation, Bureau Véritas, Bouygues énergies et service, Asco BTP, El Baze Charpentier et à Maître Beuzeboc. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23PA03739 et n°23PA04040
CETATEXT000048448362
J4_L_2023_11_00022NT00862
CETAT
texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/44/83/CETATEXT000048448362.xml
Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT00862
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
22NT00862
6ème chambre
excès de pouvoir
C+
M. GASPON
DELEURME-TANNOURY
M. François PONS
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes : - d'annuler la décision par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes a implicitement rejeté sa demande du 26 décembre 2018 de protection fonctionnelle et d'enjoindre au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ; - d'annuler la décision du 2 avril 2019 par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et d'enjoindre au garde des Sceaux, ministre de la justice, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ; - d'annuler la décision par laquelle le président du tribunal de grande instance de Vannes a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle et d'enjoindre au président du tribunal de grande instance de Vannes de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par un jugement nos 1902058, 1902735 et 1906262 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les demandes de Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 mars 2022 et les 24 février et 24 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Deleurme-Tannoury, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 janvier 2022 ; 2°) d'annuler la décision par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes a implicitement rejeté sa demande du 26 décembre 2018 de protection fonctionnelle, ainsi que la décision du 2 avril 2019 par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et la décision par laquelle le président du tribunal de grande instance de Vannes a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle et d'enjoindre à ces autorités de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - les premiers juges ont nécessairement admis que les juges des tutelles du tribunal judiciaire de Vannes avaient méconnu le principe général du droit interdisant à l'autorité administrative de prendre deux ou plusieurs sanctions à l'égard d'un même agent, pour des mêmes faits ; - les premiers juges ne pouvaient fonder leur décision sur des faits prétendument " corroborés " ou " confirmés " par la Cour de cassation, sauf à méconnaître l'étendue des compétences du juge de cassation, qui se borne, en tant que juge de cassation, à reprendre l'exposé des faits tel qu'énoncé par la Cour d'appel ; - le tribunal s'est borné à reprendre les déclarations du ministère de la Justice, aucune pièce justificative n'étant fournie par l'administration à l'appui de ses allégations ; - en décidant que sa privation de travail, postérieure au 3 mai 2016, résultait de la perte de confiance de l'administration et en se fondant sur des motifs qui s'attachaient exclusivement aux ordonnances de dessaisissement du 3 mai 2016, propres à chaque majeur protégé concerné, le tribunal a commis une erreur d'interprétation du sens des 25 arrêts rendus par la Cour d'Appel de Rennes le 19 décembre 2017, dès lors que sa privation de travail et de rémunération est constitutive d'une radiation et caractérise une situation de harcèlement moral : * une procédure de retrait d'agrément a été initiée, en méconnaissance des règles applicables et par un jugement du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté préfectoral lui retirant son agrément de mandataire judiciaire à la protection des majeurs ; * alors que son agrément emporte de plein droit le maintien de son inscription automatique sur la liste départementale des mandataires agréés pour exercer dans le département, les juges des tutelles du tribunal judiciaire de Vannes refusent de la recevoir et de lui attribuer des mesures de protection, dans le respect de l'égalité de traitement entre agents publics ; * la détention d'un agrément en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs confère au professionnel concerné un droit acquis à se voir confier des mesures de protection par les juges des tutelles et le principe d'égalité de traitement entre agents publics oblige le juge des tutelles à confier à chaque mandataire des mesures de protection ; * l'administration envisage de délivrer quatre nouveaux agréments en toute illégalité ; * elle a été exclue systématiquement et sans justifications des réunions annuelles organisées par les juges des tutelles et à toutes informations intéressant sa profession, sur la période comprise entre le 3 mai 2016 et 2020 ; * elle a subi une dégradation de ses conditions de travail compromettant sa santé et son avenir professionnel ; - l'attitude de l'administration s'apparente, en réalité, à une véritable sanction disciplinaire déguisée. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, le garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 août 2023, la clôture immédiate de d'instruction a été prononcée en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire a été enregistré le 23 août 2023 pour Mme A.... Une note en délibéré a été enregistrée le 30 octobre 2023 pour Mme A.... Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - l'arrêté du 1er décembre 2014 fixant l'organisation en bureaux de la direction des services judiciaires ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique, - et les observations de Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... s'est vu délivrer un agrément lui permettant d'exercer les fonctions de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, par un arrêté du préfet du Morbihan du 23 février 2011. S'estimant victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de certains juges des tutelles du tribunal d'instance de Vannes, elle a adressé, le 4 mars 2016, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes une demande de protection fonctionnelle. Cette demande a été rejetée le 24 mars 2016. Par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision de refus de protection fonctionnelle du 24 mars 2016. Mme A... a alors présenté des nouvelles demandes de protection fonctionnelle, auprès du garde des Sceaux, ministre de la justice, du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes et auprès du président du tribunal de grande instance de Vannes. 2. La requérante a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes a implicitement rejeté sa demande du 26 décembre 2018 de protection fonctionnelle, ainsi que la décision du 2 avril 2019 par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et la décision par laquelle le président du tribunal de grande instance de Vannes a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 janvier 2022 par lequel ce tribunal a rejeté ses demandes. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Si Mme A... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en ce que le tribunal ne pouvait fonder sa décision sur des faits prétendument " corroborés " ou " confirmés " par la Cour de cassation, sauf à méconnaître l'étendue des compétences du juge de cassation, ce moyen relève de la contestation du bien-fondé du jugement en cause. A supposer que la requérante ait soulevé le moyen tiré de ce que les premiers juges se seraient, en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, fondés sur des pièces absentes du dossier, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions en question, contestées par Mme A..., ont été versées aux débats en première instance. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 11 de la même loi : " I.- A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". 5. D'une part, il résulte d'un principe général du droit que, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet. Ce principe général du droit s'étend à toute personne à laquelle la qualité de collaborateur du service public est reconnue. 6. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, notamment lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 7. En l'espèce, comme l'a relevé le tribunal, Mme A... apporte son concours, en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, à l'autorité judiciaire au titre de la protection juridique des majeurs. Cette mission, assurée par l'Etat au travers des mesures de protection décidées par les juges des tutelles, constitue une mission de service public. Dès lors, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, chargés de mettre en œuvre ces mesures, doivent être regardés comme participant à l'exécution de cette mission de service public et peuvent être qualifiés de collaborateurs du service public. 8. En premier lieu, Mme A... fait valoir que les juges des tutelles du tribunal judiciaire de Vannes ont méconnu le principe général du droit interdisant à l'autorité administrative de prendre deux ou plusieurs sanctions à l'égard d'un même agent, pour des mêmes faits. Il ne ressort cependant d'aucune pièce du dossier que ces juges des tutelles ont méconnu le principe cité ci-dessus. 9. En deuxième lieu, les faits relevés par la Cour de cassation dans son arrêt du 4 décembre 2019 et par la cour d'appel de Rennes dans ses arrêts du 19 décembre 2017 ou la circonstance que les arrêts rendus par la Cour d'Appel de Rennes n'aient pas été versés aux débats par les parties sont sans incidence sur la légalité de la décision en cause. 10. En troisième lieu, en se prévalant notamment d'une privation totale de travail et de rémunération et du fait qu'aucune mesure de protection ne lui ait été confiée depuis 2016, malgré ses demandes en ce sens, et qu'elle avait notamment fait l'objet d'une procédure de retrait d'agrément irrégulière, Mme A... allègue des faits qui sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. 11. Toutefois, il résulte notamment de l'arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2019 que la requérante : " avait non seulement adopté des comportements et tenu des propos inadaptés auprès des majeurs protégés, mais encore exprimé des critiques ouvertes, injustifiées et outrancières à l'encontre du juge des tutelles, ce qui avait nécessairement conduit à une perte de confiance dans la capacité de celle-ci à remplir ses fonctions de curatrice et de tutrice auprès des majeurs protégés concernés ". Si la détention d'un agrément en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs donne vocation à se voir confier des mesures de protection, cet agrément n'implique pas l'obligation pour le juge des tutelles de confier à chaque mandataire des mesures de protection. La circonstance qu'une procédure de retrait d'agrément a été initiée, en méconnaissance des règles applicables, et que par un jugement du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté préfectoral retirant à Mme A... son agrément de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, n'est pas de nature à démontrer un quelconque lien entre cette procédure et des faits constitutifs de harcèlement moral. Par ailleurs, la seule production de convocations à des réunions annuelles en 2014 et 2015, ne saurait suffire pour établir que Mme A... aurait été exclue systématiquement des réunions annuelles organisées par les juges des tutelles et à toutes informations intéressant sa profession, sur la période comprise entre le 3 mai 2016 et 2020. Enfin, si cette situation a pu conduire à une dégradation des conditions de travail de Mme A..., compromettant sa santé et son avenir professionnel, cette dégradation ne résulte pas des agissements de l'administration. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que les agissements en cause, au titre desquels Mme A... a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle, puissent être qualifiés d'agissements constitutifs de harcèlement moral. 12. En dernier lieu, aux termes de l'article 416 du code civil : " Le juge des tutelles et le procureur de la République exercent une surveillance générale des mesures de protection dans leur ressort (...). ". Aux termes de l'article 417 du code civil : " Le juge des tutelles peut prononcer des injonctions contre les personnes chargées de la protection et condamner à l'amende civile prévue par le code de procédure civile celles qui n'y ont pas déféré. Il peut les dessaisir de leur mission en cas de manquement caractérisé dans l'exercice de celle-ci, après les avoir entendues ou appelées. Il peut, dans les mêmes conditions, demander au procureur de la République de solliciter la radiation d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs de la liste prévue à l'article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles. " 13. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs apportent leur concours à une mission de service public, assurée par l'Etat au travers des mesures de protection décidées par les juges des tutelles. Dans ces conditions, il appartient au juge administratif de l'excès de pouvoir de s'assurer que les mesures administratives prises par le juge des tutelles en application des articles 416 et 417 du code civil ont pour but exclusif de préserver le bon fonctionnement du service public de la justice. 14. En l'espèce, la circonstance que Mme A... ne s'est vu confier aucune mesure de protection entre 2016 et le retrait de son agrément en 2020 n'est pas constitutive d'un harcèlement moral mais résulte exclusivement de la perte de confiance de l'administration dans la capacité de la requérante à remplir ses fonctions de curatrice et de tutrice auprès des majeurs protégés concernés et ne saurait, en tout état de cause, être assimilée à une sanction disciplinaire déguisée. 15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au garde des Sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°22NT00862
CETATEXT000048448365
J4_L_2023_11_00022NT00863
CETAT
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Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT00863, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
22NT00863
6ème chambre
plein contentieux
C
M. GASPON
DELEURME-TANNOURY
M. François PONS
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes : - d'annuler les décisions par lesquelles le garde des Sceaux, ministre de la justice, a implicitement rejeté ses demandes du 3 décembre 2018 et des 2 et 6 mai 2019 tendant à obtenir réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle s'estime victime et des refus de protection fonctionnelle et de condamner le garde des Sceaux, ministre de la justice, à lui verser une somme totale de 871 504 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis au titre d'un harcèlement moral et du refus de protection fonctionnelle, assortie des intérêts à taux légal à compter de sa demande préalable, ainsi que de la capitalisation des intérêts. Par un jugement nos 1901740, 1904385 et 1904386 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 mars 2022 et les 24 février et 24 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Deleurme-Tannoury, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 janvier 2022 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 036 174 euros, à parfaire, en indemnisation de ses préjudices en lien avec les faits de harcèlement moral subis et le refus de protection fonctionnelle, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa première demande préalable du 3 décembre 2018 ou, à défaut, de l'enregistrement de sa requête de première instance ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - les premiers juges ont nécessairement admis que les juges des tutelles du tribunal judiciaire de Vannes avaient méconnu le principe général du droit interdisant à l'autorité administrative de prendre deux ou plusieurs sanctions à l'égard d'un même agent, pour des mêmes faits ; - les premiers juges ne pouvaient fonder leur décision sur des faits prétendument " corroborés " ou " confirmés " par la Cour de cassation, sauf à méconnaître l'étendue des compétences du juge de cassation, qui se borne, en tant que juge de cassation, à reprendre l'exposé des faits tel qu'énoncé par la Cour d'appel ; - le tribunal s'est borné à reprendre les déclarations du ministère de la Justice, aucune pièce justificative n'étant fournie par l'administration à l'appui de ses allégations ; - en décidant que sa privation de travail, postérieure au 3 mai 2016, résultait de la perte de confiance de l'administration et en se fondant sur des motifs qui s'attachaient exclusivement aux ordonnances de dessaisissement du 3 mai 2016, propres à chaque majeur protégé concerné, le tribunal a commis une erreur d'interprétation du sens des 25 arrêts rendus par la Cour d'Appel de Rennes le 19 décembre 2017, dès lors que sa privation de travail et de rémunération est constitutive d'une radiation et caractérise une situation de harcèlement moral : * une procédure de retrait d'agrément a été initiée, en méconnaissance des règles applicables et par un jugement du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté préfectoral lui retirant son agrément de mandataire judiciaire à la protection des majeurs ; * alors que son agrément emporte de plein droit le maintien de son inscription automatique sur la liste départementale des mandataires agréés pour exercer dans le département, les juges des tutelles du tribunal judiciaire de Vannes refusent de la recevoir et de lui attribuer des mesures de protection, dans le respect de l'égalité de traitement entre agents publics ; * la détention d'un agrément en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs confère au professionnel concerné un droit acquis à se voir confier des mesures de protection par les juges des tutelles et le principe d'égalité de traitement entre agents publics oblige le juge des tutelles à confier à chaque mandataire des mesures de protection ; * l'administration envisage de délivrer quatre nouveaux agréments en toute illégalité ; * elle a été exclue systématiquement et sans justifications des réunions annuelles organisées par les juges des tutelles et à toutes informations intéressant sa profession, sur la période comprise entre le 3 mai 2016 et 2020 ; * elle a subi une dégradation de ses conditions de travail compromettant sa santé et son avenir professionnel ; - l'attitude de l'administration s'apparente, en réalité, à une véritable sanction disciplinaire déguisée ; - elle est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 1 036 174 euros, en indemnisation de l'ensemble de ses préjudices. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, le garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 août 2023, la clôture immédiate de d'instruction a été prononcée en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire a été enregistré le 23 août 2023 pour Mme A.... Une note en délibéré a été enregistrée le 30 octobre 2023 pour Mme A.... Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, - l'arrêté du 1er décembre 2014 fixant l'organisation en bureaux de la direction des services judiciaires, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique, - et les observations de Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... s'est vu délivrer un agrément lui permettant d'exercer les fonctions de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, par un arrêté du préfet du Morbihan du 23 février 2011. S'estimant victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de certains juges des tutelles du tribunal d'instance de Vannes, elle a adressé le 4 mars 2016 au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes une demande de protection fonctionnelle. Cette demande a été rejetée le 24 mars 2016. Par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision de refus de protection fonctionnelle du 24 mars 2016. Mme A... a alors présenté des nouvelles demandes de protection fonctionnelle, auprès du garde des Sceaux, ministre de la justice, du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vannes et auprès du président du tribunal de grande instance de Vannes. Elle a également formulé des demandes, en date du 3 décembre 2018 et des 2 et 6 mai 2019, tendant à obtenir réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle s'estime victime et des refus de protection fonctionnelle. 2. La requérante a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les décisions par lesquelles le garde des Sceaux, ministre de la justice, a implicitement rejeté ses demandes du 3 décembre 2018 et des 2 et 6 mai 2019, tendant à obtenir réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle s'estime victime et des refus de protection fonctionnelle et de condamner le garde des Sceaux, ministre de la justice, à lui verser une somme totale de 871 504 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis au titre d'un harcèlement moral et du refus de protection fonctionnelle, assortie des intérêts à taux légal à compter de sa demande préalable, ainsi que de la capitalisation des intérêts. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 janvier 2022 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Si Mme A... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en ce que le tribunal ne pouvait fonder sa décision sur des faits prétendument " corroborés " ou " confirmés " par la Cour de cassation, sauf à méconnaître l'étendue des compétences du juge de cassation, ce moyen relève de la contestation du bien-fondé du jugement en cause. A supposer que la requérante ait soulevé le moyen tiré de ce que les premiers juges se seraient fondés sur des pièces absentes du dossier, en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions en question, contestées par Mme A..., ont été versées aux débats en première instance. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 11 de la même loi : " I.- A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". 5. D'une part, il résulte d'un principe général du droit que, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet. Ce principe général du droit s'étend à toute personne à laquelle la qualité de collaborateur du service public est reconnue. 6. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, notamment lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 7. En l'espèce, comme l'a relevé le tribunal, Mme A... apporte son concours, en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, à l'autorité judiciaire au titre de la protection juridique des majeurs. Cette mission, assurée par l'Etat au travers des mesures de protection décidées par les juges des tutelles, constitue une mission de service public. Dès lors, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, chargés de mettre en œuvre ces mesures, doivent être regardés comme participant à l'exécution de cette mission de service public et peuvent être qualifiés de collaborateurs du service public. 8. En premier lieu, Mme A... fait valoir que les juges des tutelles du tribunal judiciaire de Vannes ont méconnu le principe général du droit interdisant à l'autorité administrative de prendre deux ou plusieurs sanctions à l'égard d'un même agent, pour des mêmes faits. Il ne ressort cependant d'aucune pièce du dossier que ces juges des tutelles ont méconnu le principe cité ci-dessus. 9. En deuxième lieu, les faits relevés par la Cour de cassation dans son arrêt du 4 décembre 2019 et par la cour d'appel de Rennes dans ses arrêts du 19 décembre 2017 ou la circonstance que les arrêts rendus par la Cour d'Appel de Rennes n'aient pas été versés aux débats par les parties sont sans incidence sur la légalité de la décision en cause. 10. En troisième lieu, en se prévalant notamment d'une privation totale de travail et de rémunération et du fait qu'aucune mesure de protection ne lui ait été confiée depuis 2016, malgré ses demandes en ce sens, et qu'elle avait notamment fait l'objet d'une procédure de retrait d'agrément irrégulière, Mme A... allègue des faits qui sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. 11. Toutefois, il résulte notamment de l'arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2019 que la requérante : " avait non seulement adopté des comportements et tenu des propos inadaptés auprès des majeurs protégés, mais encore exprimé des critiques ouvertes, injustifiées et outrancières à l'encontre du juge des tutelles, ce qui avait nécessairement conduit à une perte de confiance dans la capacité de celle-ci à remplir ses fonctions de curatrice et de tutrice auprès des majeurs protégés concernés ". Si la détention d'un agrément en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs confère au professionnel concerné un droit à se voir confier des mesures de protection, ce droit n'implique pas l'obligation pour le juge des tutelles de confier à chaque mandataire des mesures de protection. La circonstance qu'une procédure de retrait d'agrément ait été initiée, en méconnaissance des règles applicables, et que par un jugement du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes ait annulé l'arrêté préfectoral lui retirant son agrément de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, n'est pas de nature à démontrer un quelconque lien entre cette procédure et des faits constitutifs de harcèlement moral. Par ailleurs, la seule production de convocations à des réunions annuelles en 2014 et 2015, ne saurait suffire pour établir que Mme A... aurait été exclue systématiquement des réunions annuelles organisées par les juges des tutelles et à toutes informations intéressant sa profession, sur la période comprise entre le 3 mai 2016 et 2020. Enfin, si cette situation a pu conduire à une dégradation des conditions de travail de Mme A..., compromettant sa santé et son avenir professionnel, cette dégradation ne résulte pas des agissements de l'administration. Il résulte de ce qui précède que ces agissements en cause, au titre desquels Mme A... a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle, ne peuvent être qualifiés d'agissements constitutifs de harcèlement moral. 12. En dernier lieu, aux termes de l'article 416 du code civil : " Le juge des tutelles et le procureur de la République exercent une surveillance générale des mesures de protection dans leur ressort (...). ". Aux termes de l'article 417 du code civil : " Le juge des tutelles peut prononcer des injonctions contre les personnes chargées de la protection et condamner à l'amende civile prévue par le code de procédure civile celles qui n'y ont pas déféré. Il peut les dessaisir de leur mission en cas de manquement caractérisé dans l'exercice de celle-ci, après les avoir entendues ou appelées. Il peut, dans les mêmes conditions, demander au procureur de la République de solliciter la radiation d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs de la liste prévue à l'article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles. " 13. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs apportent leur concours à une mission de service public, assurée par l'Etat au travers des mesures de protection décidées par les juges des tutelles. Dans ces conditions, il appartient au juge administratif de l'excès de pouvoir de s'assurer que les mesures administratives prises par le juge des tutelles en application des articles 416 et 417 du code civil ont pour but exclusif de préserver le bon fonctionnement du service public de la justice. 14. En l'espèce, la circonstance que Mme A... ne s'est vu confier aucune mesure de protection entre 2016 et le retrait de son agrément en 2020 n'est pas constitutive d'un harcèlement moral mais résulte de la perte de confiance de l'administration dans la capacité de la requérante à remplir ses fonctions de curatrice et de tutrice auprès des majeurs protégés concernés et ne saurait, en tout état de cause, être assimilée à une sanction disciplinaire déguisée. 15. Il résulte de tout ce qui précède que, l'administration n'ayant commis aucune faute, les conclusions à fin d'indemnisation et d'injonction de Mme A... ne peuvent, dans ces conditions, qu'être rejetées. 16. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au garde des Sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°22NT00863
CETATEXT000048448366
J4_L_2023_11_00022NT00965
CETAT
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Texte
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/11/2023, 22NT00965, Inédit au recueil Lebon
2023-11-21 00:00:00
CAA de NANTES
22NT00965
6ème chambre
plein contentieux
C
M. GASPON
CABINET SAOUT
Mme Valérie GELARD
Mme BOUGRINE
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 110 000 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en réparation des préjudices résultant de son éviction illégale durant la période du 26 août 2014 au 1er mai 2018. Par un jugement n° 1804721 du 26 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à lui verser la somme de 5 230,63 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation de ses préjudices et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 mars 2022 et 15 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Saout, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 janvier 2022 en tant qu'il a limité son indemnisation à 5 230,63 euros ; 2°) de porter cette somme à 110 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2018 et capitalisation annuelle ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - son préjudice financier s'élève à 90 000 euros ; elle a justifié de la totalité des revenus qu'elle a perçus entre 2014 et 2018 ; la somme prise en compte au titre des revenus qu'elle aurait perçus si elle avait travaillé dans le cadre d'un CDI à temps complet pour l'Etat est insuffisamment élevée ; - ses troubles dans ses conditions d'existence doivent être indemnisés à hauteur de 20 000 euros. Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 30 août et 29 septembre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique, - et les observations de Me Saout, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., embauchée par une société d'intérim, a été mise à disposition du service hôtellerie du cercle de la base de défense de Brest où elle exerçait les fonctions de réceptionniste. Par un courrier du 7 octobre 2014, reçu le 10 octobre 2014, elle a sollicité la transformation de son contrat de travail, renouvelé à de nombreuses reprises, en contrat à durée indéterminée (CDI). Le cercle de la base de défense de Brest a alors cessé de faire appel à ses services. Par un jugement du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a requalifié son contrat en CDI. Par un arrêt 16NT00413 du 21 juin 2017, la cour a en outre enjoint au ministre des armées de procéder à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière à compter du 26 août 2014. Mme B... n'a été réintégrée qu'à compter du 1er mai 2018. Par un courrier du 31 mai 2018, reçu le 7 juin 2018, l'intéressée a présenté une réclamation préalable tendant à la réparation de son préjudice financier et des troubles subis dans ses conditions d'existence durant la période du 26 août 2014 au 30 avril 2018. Elle relève appel du jugement du 26 janvier 2022 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité à 5 230,63 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation de ses préjudices. Sur le principe de la responsabilité : 2. Par un jugement du 3 décembre 2015 le tribunal administratif de Rennes a requalifié le contrat de travail de Mme B... en contrat à durée indéterminée. Par un arrêt du 21 juin 2017, la cour a jugé que son licenciement, intervenu à compter du 26 août 2014 par cessation des missions de courtes durées qui lui étaient confiées à intervalles très réguliers depuis plusieurs années, était illégal au motif qu'il n'entrait pas dans les prévisions de l'article 45-3 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, pris pour l'application de l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Le ministre des armées n'a pas contesté ces décisions juridictionnelles dans les délais d'appel. Elles sont dès lors devenues définitives. Il s'ensuit que Mme B... est fondée à solliciter la réparation des préjudices résultant de son éviction illégale du service. Sur la réparation des préjudices 3. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction. En ce qui concerne le préjudice financier : 4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a perçu une somme totale de 20 971,30 euros au titre de l'allocation de retour à l'emploi (ARE) mais qu'à la date du 5 août 2016, ses droits à percevoir cette allocation étaient épuisés. Les relevés de situation établis par Pôle Emploi attestent qu'à compter de cette date Mme B..., dont les ressources avaient ainsi diminué, est redevenue éligible au revenu de solidarité active. Si le ministre fait valoir que l'interruption du versement du revenu de solidarité active entre les mois de septembre 2015 et d'août 2016 laisse suspecter que l'intéressée exerçait une activité professionnelle susceptible de lui avoir procurer des revenus complémentaires, la seule circonstance qu'à l'occasion de son mariage célébré le 16 août 2016, elle a déclaré être " commerciale " ne permet pas de corroborer cette allégation. Il est seulement établi par les pièces produites au dossier que Mme B... a déposé une déclaration de création d'entreprise le 7 mai 2014, mais que cette activité, qui n'a généré aucun chiffre d'affaires, avait cessé le 29 avril 2015. Au cours de la période de son éviction allant du 26 août 2014 au 30 avril 2018 une somme globale de 18 218,62 euros a ainsi été versée à Mme B... au titre du revenu de solidarité active. La circonstance que, dans un courrier du 4 mai 2018, Pôle emploi indique qu'elle n'est plus inscrite comme demandeur d'emploi depuis le 30 novembre 2017 et que la requérante indique elle-même qu'au mois d'août 2016 elle n'était plus en recherche d'emploi en raison de sa grossesse est sans incidence sur le montant des sommes réellement versées. De même, la circonstance que les sommes déclarées par la requérante au titre de l'impôt sur le revenu des années litigieuses ne correspondent pas aux sommes perçues au titre de l'ARE et du revenu de solidarité active ne suffit pas à justifier que l'intéressée aurait durant cette période exercé une activité professionnelle susceptible de générer de revenus complémentaires. Il s'ensuit, que la requérante, qui ne peut apporter une preuve négative, doit être regardée comme ayant perçu au cours de son éviction au titre de ces revenus de remplacement une somme globale de 39 189,92 euros. 5. Le ministre des armées a indiqué en première instance que dans le cadre d'un CDI, la rémunération de Mme B... calculée sur la base d'un indice majoré (IM) de 364 du 26 août 2014 au 25 août 2017 puis de 374 du 26 août 2017 au 30 avril 2018 se serait élevée à 61 187,36 euros. En se bornant à faire valoir que cette somme ne tiendrait compte ni des cotisations sociales, ni des primes auxquelles elle aurait pu prétendre, l'intéressée ne met pas la cour en mesure d'établir que cette somme serait insuffisamment évaluée. 6. Il suit de ce qui vient d'être dit aux points 4 et 5 que la différence entre les revenus de remplacement perçus par Mme B... durant son éviction illégale et les salaires qu'elle aurait dû percevoir au titre d'un CDI s'élève à 21 997,44 euros (61 187,36 - 39 189,92). Par suite l'intéressée est fondée à soutenir qu'en mettant la somme de 2 730,63 euros à la charge de l'Etat, le tribunal administratif a insuffisamment évalué son préjudice financier, lequel doit être indemnisé à hauteur de 21 997,44 euros. En ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence : 7. Il est constant qu'en dépit de l'injonction prononcée par la cour dans son arrêt du 21 juin 2017, la ministre des armées n'a réintégré Mme B... que le 1er mai 2018. L'intéressée, qui élevait seule ses deux enfants en bas âge, justifie avoir dû saisir les juridictions administratives à plusieurs reprises afin de faire valoir ses droits. Dans ces conditions, la somme de 2 500 euros allouée par les premiers juges en réparation des troubles qu'elle a subis dans ses conditions d'existence pendant près de quatre années, doit être portée à 4 000 euros. 8. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme B... n'est fondée que dans la limite mentionnée ci-dessus à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a limité à 5 230,63 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser. Cette somme doit être portée à 25 997,44 euros (21 997,94 + 4 000). Elle sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2018, date de réception de sa réclamation préalable et de leur capitalisation à compter du 7 juin 2019 et à chaque échéance annuelle ultérieure. Sur les frais liés au litige : 9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à Mme B... est portée à 25 997,44 euros. Elle portera intérêt au taux légal à compter du 7 juin 2018 et sera capitalisée à compter du 7 juin 2019 puis à chaque échéance annuelle ultérieure. Article 2 : Le jugement n° 1804721 du tribunal administratif de Rennes du 26 janvier 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme B... est rejeté. Article 4 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00965