Unnamed: 0
int64 0
8.66k
| arret
stringlengths 883
648k
| sommaire
stringlengths 25
4.99k
|
---|---|---|
7,600 | CIV. 1
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 244 F+B
Pourvoi n° V 20-22.408
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
La société de Caution mutuelle des professions immobilières et financières (SOCAF), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-22.408 contre l'arrêt rendu le 8 octobre 2020 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société Compagnie européenne de garanties et cautions (SEGC), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société de Caution mutuelle des professions immobilières et financières, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Compagnie européenne de garanties et cautions, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 octobre 2020), le 15 janvier 2016, la société Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC) a publié dans un journal local l'information selon laquelle elle cessait d'accorder la garantie financière qu'elle avait octroyée à un agent immobilier en application de l'article 3, 2°, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970. Le 15 mars 2016, la société de Caution mutuelle des professions immobilières et financières (SOCAF) a informé la CEGC qu'à compter de cette date, elle accordait sa garantie à l'agent immobilier, y compris s'agissant des créances nées antérieurement.
2. Le 27 janvier 2017, l'agent immobilier a été placé en liquidation judiciaire.
La CEGC et la SOCAF ont dénié leur garantie au titre des créances déclarées par les anciens mandants de l'agent immobilier et, le 12 juin 2017, la SOCAF a assigné la CEGC en reconnaissance de l'absence de prise d'effet de la nouvelle garantie et en maintien de l'ancienne, à défaut de mention, dans la publication du 15 janvier 2016, du changement de garant conformément aux dispositions de l'article 44 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La SOCAF fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que toute société exerçant une activité de gestion, transactions immobilières, et syndic de copropriété doit justifier d'une garantie financière permettant le remboursement des fonds, effets ou valeurs déposés, spécialement affectés à ce dernier ; que la cessation de cette garantie fait l'objet d'un avis dans un quotidien, à peine de nullité ; qu'en outre, en cas de changement de garant et lorsque le nouvel engagement stipule une reprise avec tous ses effets de la garantie du précédent, il appartient au précédent garant de procéder à la publication des coordonnées du nouveau garant et de sa reprise d'antériorité, le cas échéant dans un nouvel avis, à peine de nullité de la publication de la cessation de garantie ; qu'en l'espèce, la SOCAF faisait valoir qu'alors que son engagement stipulait la reprise avec tous ses effets de la garantie de la CEGC, cette dernière n'avait procédé à aucune publication à cet égard, en sorte que l'avis de cessation de garantie de la CEGC était nul et que la garantie de la SOCAF n'avait pas pris effet ; que pour rejeter cette demande, la cour d'appel a retenu que l'obligation de publication d'un additif n'aurait été requise qu'en cas de changement de garant intervenu à la même date que la cessation de la garantie ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'obligation de publication d'un additif identifiant le nouveau garant et mentionnant la reprise d'antériorité n'est pas subordonnée à une concomitance entre l'engagement de ce dernier et la cessation de la garantie du précédent, la cour d'appel a violé les articles 44 et 45 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972. »
Réponse de la Cour
4. Selon les articles 44, alinéas 3 et 4, et 45, alinéas 1 et 2, du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, modifiés par le décret n° 2005-1315 du 21 octobre 2005, d'une part, la cessation de la garantie financière accordée à un agent immobilier en application de l'article 3, 2°, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 fait l'objet, sous certaines conditions, d'un avis publié dans un journal quotidien, ne peut prendre effet avant l'expiration d'un délai de trois jours francs suivant cette publication, et donne lieu à une information des créanciers par lettre recommandée avec demande d'avis de réception mentionnant le délai de production des créances ainsi que son point de départ, d'autre part, lorsque la cessation de garantie s'accompagne d'un changement de garant, l'avis précise que le nouveau garant s'est engagé à reprendre avec tous ses effets la garantie du précédent, lequel est alors dispensé de la formalité de notification aux créanciers.
5. Il résulte de ces textes que, lorsque la cessation de la garantie n'est pas concomitante au changement de garant, l'ancien garant, dont la garantie a cessé trois jours francs suivant la publication de l'avis, n'est pas tenu d'une nouvelle formalité de publication une fois informé du changement de garant.
6. Dès lors qu'elle a constaté qu'à la date de la publication, la cessation de garantie de la part de la CEGC ne s'accompagnait pas du changement de garant dont elle avait été informée deux mois après, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la garantie de la CEGC avait cessé trois jours francs après cette publication, que celle-ci n'était pas tenue d'effectuer une publication complémentaire relative au changement de garant et que l'engagement pris par la SOCAF de reprendre avec tous ses effets la garantie précédente devait recevoir application.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société de Caution mutuelle des professions immobilières et financières aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société de Caution mutuelle des professions immobilières et financières et la condamne à payer à la société Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société de Caution mutuelle des professions immobilières et financières.
La Société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Financières fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait dit que la cessation de garantie de la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions est nulle et que la nouvelle garantie de la Société de Caution Mutuelle des Professions Immobilières et Financières avec reprise d'antériorité n'a pas pris effet, et de l'avoir déboutée de ses demandes ;
ALORS QUE toute société exerçant une activité de gestion, transactions immobilières, et syndic de copropriété doit justifier d'une garantie financière permettant le remboursement des fonds, effets ou valeurs déposés, spécialement affectés à ce dernier ; que la cessation de cette garantie fait l'objet d'un avis dans un quotidien, à peine de nullité ; qu'en outre, en cas de changement de garant et lorsque le nouvel engagement stipule une reprise avec tous ses effets de la garantie du précédent, il appartient au précédent garant de procéder à la publication des coordonnées du nouveau garant et de sa reprise d'antériorité, le cas échéant dans un nouvel avis, à peine de nullité de la publication de la cessation de garantie ; qu'en l'espèce, la Socaf faisait valoir qu'alors que son engagement stipulait la reprise avec tous ses effets de la garantie de la Cegc, cette dernière n'avait procédé à aucune publication à cet égard, en sorte que l'avis de cessation de garantie de la Cegc était nul et que la garantie de la Socaf n'avait pas pris effet ; que pour rejeter cette demande, la cour d'appel a retenu que l'obligation de publication d'un additif n'aurait été requise qu'en cas de changement de garant intervenu à la même date que la cessation de la garantie (arrêt, p. 11, § 2) ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'obligation de publication d'un additif identifiant le nouveau garant et mentionnant la reprise d'antériorité n'est pas subordonnée à une concomitance entre l'engagement de ce dernier et la cessation de la garantie du précédent, la cour d'appel a violé les articles 44 et 45 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972. | Il résulte des articles 44, alinéas 3 et 4, et 45, alinéas 1 et 2, du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, modifiés par le décret n° 2005-1315 du 21 octobre 2005, que, lorsque la cessation de la garantie financière accordée à un agent immobilier en application de l'article 3, 2°, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 n'est pas concomitante au changement de garant, l'ancien garant, dont la garantie a cessé trois jours francs suivant la publication de l'avis, n'est pas tenu d'une nouvelle formalité de publication une fois informé du changement de garant |
7,601 | CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 255 FS-B
Pourvois n°
V 20-19.786
W 20-19.787
X 20-19.788
Y 20-19.789
Z 20-19.790
A 20-19.791
B 20-19.792
C 20-19.793
D 20-19.794
E 20-19.795
F 20-19.796
H 20-19.797
G 20-19.798
J 20-19.799
K 20-19.800
M 20-19.801
N 20-19.802
P 20-19.803
Q 20-19.804
R 20-19.805
S 20-19.806
T 20-19.807
U 20-19.808
V 20-19.809
W 20-19.810
X 20-19.811
Y 20-19.812
Z 20-19.813
A 20-19.814
B 20-19.815
C 20-19.816
D 20-19.817
E 20-19.818
F 20-19.819
H 20-19.820
G 20-19.821
J 20-19.822
K 20-19.823
M 20-19.824
N 20-19.825
P 20-19.826
Q 20-19.827 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
1°/ La société Merck Santé, société par actions simplifiée,
2°/ la société Merck Serono, société par actions simplifiée,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 1681],
ont formé les pourvois n° V 20-19.786, W 20-19.787, X 20-19.788, Y 20-19.789, Z 20-19.790, A 20-19.791, B 20-19.792, C 20-19.793, D 20-19.794, E 20-19.795, F 20-19.796, H 20-19.797, G 20-19.798, J 20-19.799, K 20-19.800, M 20-19.801, N 20-19.802, P 20-19.803, Q 20-19.804, R 20-19.805, S 20-19.806, T 20-19.807, U 20-19.808, V 20-19.809, W 20-19.810, X 20-19.811, Y 20-19.812, Z 20-19.813, A 20-19.814, B 20-19.815, C 20-19.816, D 20-19.817, E 20-19.818, F 20-19.819, H 20-19.820, G 20-19.821, J 20-19.822, K 20-19.823, M 20-19.824, N 20-19.825, P 20-19.826 et Q 20-19.827 contre les arrêts n° RG 19/02416, RG 19/02414, RG 19/02431, RG 19/02434, RG 19/02438, RG 19/02436, RG 19/02440, RG 19/02441, RG 19/02444, RG 19/02455, RG 19/02450, RG 19/02466, RG 19/02459, RG 19/02463, RG 19/02468, RG 19/02476, RG 19/02479, RG 19/02482, RG 19/02483, RG 19/02487, RG 19/02489, RG 19/02490, RG 19/02496, RG 19/02492, RG 19/02498, RG 19/02550, RG 19/02553, RG 19/02555, RG 19/02561, RG 19/02562, RG 19/02565, RG 19/02567, RG 19/02569, RG 19/02570, RG 19/02575, RG 19/02572, RG 19/02578, RG 19/02584, RG 19/02580, RG 19/02593, RG 19/02595, RG 19/02624 rendus le 25 juin 2020 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre), dans les litiges les opposant :
1°/ à Mme [LM] [VT], domiciliée [Adresse 2110],
2°/ à Mme [PA] [JE], domiciliée [Adresse 527],
3°/ à Mme [WVT] [ZRH], domiciliée [Adresse 1312],
4°/ à Mme [SRJ] [MU], domiciliée [Adresse 1036],
5°/ à Mme [KKO] [JK], domiciliée [Adresse 428],
6°/ à Mme [DL] [DRI], domiciliée [Adresse 232],
7°/ à Mme [IBF] [UZ], domiciliée [Adresse 979],
8°/ à Mme [ASX] [AE], domiciliée [Adresse 596],
9°/ à Mme [XK] [LSH], domiciliée [Adresse 2286],
10°/ à Mme [SBK] [PL], domiciliée [Adresse 2714],
11°/ à Mme [KK] [VM], domiciliée [Adresse 2692],
12°/ à Mme [ZAW] [LU], domiciliée [Adresse 1945],
13°/ à Mme [HIU] [FG], domiciliée [Adresse 1204],
14°/ à Mme [YTY] [IP], domiciliée [Adresse 606],
15°/ à Mme [HUU] [JL], domiciliée [Adresse 424],
16°/ à Mme [PRJ] [WVG], domiciliée [Adresse 693],
17°/ à Mme [LD] [IH], domiciliée [Adresse 2184],
18°/ à M. [XKW] [JZ], domicilié [Adresse 141],
19°/ à Mme [CSJ] [VG], domiciliée [Adresse 46],
20°/ à Mme [RIS] [OJ], domiciliée [Adresse 1835],
21°/ à Mme [IPH] [JZ], domiciliée [Adresse 1710],
22°/ à Mme [NRD] [LW], domiciliée [Adresse 108],
23°/ à Mme [CDP] [FYX], domiciliée [Adresse 1766],
24°/ à Mme [FIB] [UJP], domiciliée [Adresse 1609],
25°/ à Mme [FIB] [YSZ], domiciliée [Adresse 69]. [Adresse 3134],
26°/ à Mme [BVF] [NTI], domiciliée [Adresse 1787],
27°/ à Mme [XWG] [TWU], domiciliée [Adresse 1071],
28°/ à Mme [ASX] [RTW], domiciliée [Adresse 511],
29°/ à M. [KHI] [KMN], domicilié [Adresse 1672],
30°/ à Mme [ZYS] [JOR], domiciliée [Adresse 2270],
31°/ à Mme [LM] [ZFO], domiciliée [Adresse 1144],
32°/ à Mme [BPJ] [IWX], domiciliée [Adresse 1065],
33°/ à Mme [NIZ] [FOA], domiciliée [Adresse 350],
34°/ à Mme [TDR] [UHI], domiciliée [Adresse 2534],
35°/ à Mme [CNE] [AZK], domiciliée [Adresse 1124],
36°/ à Mme [LYB] [ODC], domiciliée [Adresse 616],
37°/ à Mme [TX] [MHT], domiciliée [Adresse 384],
38°/ à M. [HDT] [NB], domicilié [Adresse 3108],
39°/ à Mme [ISV] [VON], domiciliée [Adresse 1251],
40°/ à Mme [BPJ] [TLP], domiciliée [Adresse 2382],
41°/ à Mme [ZWR] [UKC], domiciliée [Adresse 1539],
42°/ à Mme [BPS] [UHI], domiciliée [Adresse 1208],
43°/ à Mme [HOW] [EBH], domiciliée [Adresse 2749]. [Adresse 2890],
44°/ à M. [ZHY] [LM], domicilié [Adresse 2930],
45°/ à M. [PFV] [DY], domicilié [Adresse 128],
46°/ à Mme [UEC] [JJK], domiciliée [Adresse 2244],
47°/ à Mme [LMK] [ACL], domiciliée [Adresse 796],
48°/ à Mme [GEL] [OBF], domiciliée [Adresse 2395],
49°/ à Mme [VYF] [HZW], domiciliée [Adresse 1568],
50°/ à Mme [TX] [RAX], domiciliée [Adresse 1394],
51°/ à Mme [CUX] [KVK], domiciliée [Adresse 258],
52°/ à Mme [LMK] [TZD], domiciliée [Adresse 1629],
53°/ à Mme [FUJ] [JHT], domiciliée [Adresse 523],
54°/ à Mme [GE] [LM], domiciliée [Adresse 2147],
55°/ à Mme [HTW] [GGB], domiciliée [Adresse 1001],
56°/ à Mme [HLC] [BFV], domiciliée [Adresse 2157],
57°/ à Mme [ASX] [DMI], domiciliée [Adresse 2144],
58°/ à Mme [RTL] [DMI], domiciliée [Adresse 2177],
59°/ à Mme [CDP] [LOU], domiciliée [Adresse 359],
60°/ à Mme [ZGB] [KUP], domiciliée [Adresse 113],
61°/ à Mme [FIB] [ULM], domiciliée [Adresse 2669],
62°/ à Mme [YTY] [MTN], domiciliée [Adresse 1246],
63°/ à Mme [XWG] [VGR], domiciliée [Adresse 2527],
64°/ à Mme [LM] [TGG], domiciliée [Adresse 2749]. [Adresse 3063],
65°/ à Mme [UEC] [PPT], domiciliée [Adresse 910],
66°/ à Mme [ZC] [WZR], domiciliée [Adresse 1374],
67°/ à Mme [LM] [JUH], domiciliée [Adresse 2109],
68°/ à Mme [KKO] [VKP], domiciliée [Adresse 887],
69°/ à Mme [BVF] [YYV], domiciliée [Adresse 1460],
70°/ à Mme [LOL] [WZV], domiciliée [Adresse 182],
71°/ à Mme [ACD] [SUY], domiciliée [Adresse 2798],
72°/ à Mme [MVC] [BKZ], domiciliée [Adresse 904],
73°/ à Mme [LM] [LTO], domiciliée [Adresse 1212],
74°/ à Mme [XAD] [DOA], domiciliée [Adresse 2287],
75°/ à Mme [XIR] [IWM], domiciliée [Adresse 931],
76°/ à Mme [LM] [OJC], domiciliée [Adresse 1390],
77°/ à Mme [CZY] [OWS], domiciliée [Adresse 620],
78°/ à Mme [FTN] [JVN], domiciliée [Adresse 2571],
79°/ à Mme [NIZ] [ECU], domiciliée [Adresse 309],
80°/ à Mme [MIU] [KDC], domiciliée [Adresse 3074],
81°/ à M. [MU] [LVY], domicilié [Adresse 1048],
82°/ à Mme [CJH] [DAD], domiciliée [Adresse 396],
83°/ à Mme [FUJ] [ZXX], domiciliée [Adresse 43],
84°/ à Mme [LM] [MTP], domiciliée [Adresse 460],
85°/ à M. [IUH] [TNT], domicilié [Adresse 756],
86°/ à Mme [LM] [SKU] [XR], domiciliée [Adresse 2342],
87°/ à Mme [FIB] [DFH], domiciliée [Adresse 2388],
88°/ à Mme [OGM] [GJV], domiciliée [Adresse 540],
89°/ à Mme [NRD] [SEX], domiciliée [Adresse 2435],
90°/ à Mme [CJH] [SHK], domiciliée [Adresse 843],
91°/ à Mme [PA] [SJY], domiciliée [Adresse 786],
92°/ à Mme [NAL] [NCG], domiciliée [Adresse 2739],
93°/ à Mme [LM] [DDT], domiciliée [Adresse 3051],
94°/ à M. [JGO] [LGX], domicilié [Adresse 2236],
95°/ à Mme [LM] [KZI], domiciliée [Adresse 2749]. [Adresse 2987],
96°/ à Mme [LM] [ZK], domiciliée [Adresse 955],
97°/ à Mme [JHM] [AJH], épouse [KR], domiciliée [Adresse 1883],
98°/ à Mme [JXK] [WU], domiciliée [Adresse 80],
99°/ à Mme [ACD] [KL], domiciliée [Adresse 1570],
100°/ à Mme [ACD] [CX], domiciliée [Adresse 1898],
101°/ à M. [ZKY] [HJ], domicilié [Adresse 407],
102°/ à Mme [OWP] [PBI], domiciliée [Adresse 1992],
103°/ à Mme [ZU] [ZZ], domiciliée [Adresse 2749],
104°/ à Mme [NRD] [BT], domiciliée [Adresse 838],
105°/ à Mme [CNE] [YN], domiciliée [Adresse 2832],
106°/ à Mme [YAI] [MH], domiciliée [Adresse 66],
107°/ à Mme [TR] [GC], domiciliée [Adresse 1318],
108°/ à Mme [OMW] [JL], domiciliée [Adresse 3133],
109°/ à Mme [BUB] [IH], domiciliée [Adresse 1677],
110°/ à Mme [LM] [UN],
111°/ à M. [OLD] [UN],
domiciliés tous deux [Adresse 1513],
112°/ à Mme [RTL] [UMH], domiciliée [Adresse 3225],
113°/ à Mme [RRX] [NN], domiciliée [Adresse 1131],
114°/ à Mme [SZO] [ZFT], domiciliée [Adresse 2247],
115°/ à Mme [CNE] [GIZ], domiciliée [Adresse 2271],
116°/ à Mme [ZKY] [RRO] [IUH], domiciliée [Adresse 2411],
117°/ à Mme [MM] [SRU], domiciliée [Adresse 1167],
118°/ à Mme [KKO] [MFN], domiciliée [Adresse 1713],
119°/ à Mme [DT] [ALE], domiciliée [Adresse 1655],
120°/ à Mme [FYV] [PRD], domiciliée [Adresse 1876],
121°/ à Mme [RXA] [HBW], domiciliée [Adresse 3226],
122°/ à M. [UIR] [DYJ], domicilié [Adresse 70],
123°/ à Mme [ACD] [AUB], domiciliée [Adresse 356],
124°/ à M. [LM] [LCR], domicilié [Adresse 1989],
125°/ à Mme [XIR] [UZR], domiciliée [Adresse 1751],
126°/ à M. [UCH] [BOA], domicilié [Adresse 2567],
127°/ à M. [CNE] [TEH], domicilié [Adresse 348],
128°/ à Mme [HTW] [UHI], domiciliée [Adresse 1698],
129°/ à Mme [ZGB] [IBT], épouse [GV], domiciliée [Adresse 3075],
130°/ à Mme [CUX] [GGR], domiciliée [Adresse 789],
131°/ à Mme [FTN] [OID], domiciliée [Adresse 1209],
132°/ à Mme [IBF] [LFK], domiciliée [Adresse 1869],
133°/ à Mme [EZN] [JGO], domiciliée [Adresse 1114],
134°/ à Mme [PFV] [ECL], domiciliée [Adresse 2473],
135°/ à M. [NHU] [SGJ], domicilié [Adresse 564],
136°/ à Mme [CLE] [YXW], domiciliée [Adresse 2325],
137°/ à Mme [VYF] [VME], domiciliée [Adresse 1117],
138°/ à Mme [BI] [VKH], domiciliée [Adresse 1161],
139°/ à Mme [ZYS] [XDD], domiciliée [Adresse 445],
140°/ à Mme [MM] [ZAN], domiciliée [Adresse 678],
141°/ à Mme [EZT] [WMW], domiciliée [Adresse 2885],
142°/ à Mme [KKO] [XTC], domiciliée [Adresse 550],
143°/ à Mme [PHS] [OTD], domiciliée [Adresse 1811],
144°/ à Mme [SLC] [MVG], domiciliée [Adresse 2749],
145°/ à Mme [ACD] [LXO], domiciliée [Adresse 1076],
146°/ à Mme [ASX] [BMA], domiciliée [Adresse 1852],
147°/ à M. [FKZ] [DNV], domicilié [Adresse 1441],
148°/ à Mme [LMK] [JT] ([JZF]), domiciliée [Adresse 264],
149°/ à Mme [RJA] [FED], domiciliée [Adresse 2008],
150°/ à Mme [PFV] [BLV], domiciliée [Adresse 2084],
151°/ à Mme [ZGB] [CSS], domiciliée [Adresse 74],
152°/ à Mme [HOW] [LM], domiciliée [Adresse 2392],
153°/ à Mme [VHD] [RJK], domiciliée [Adresse 49],
154°/ à Mme [NDD] [SXF], domiciliée [Adresse 1620],
155°/ à M. [JXK] [MCJ], domicilié [Adresse 393],
156°/ à Mme [YTY] [SGB], domiciliée [Adresse 1445],
157°/ à Mme [XX] [YOZ], domiciliée [Adresse 1264],
158°/ à Mme [RFW] [TIY], domiciliée [Adresse 345],
159°/ à Mme [CNE] [XAY], domiciliée [Adresse 1771],
160°/ à Mme [TX] [XFZ], domiciliée [Adresse 1313],
161°/ à Mme [ASX] [YBD], domiciliée [Adresse 1708],
162°/ à Mme [PRJ] [RSF], domiciliée [Adresse 2303],
163°/ à Mme [TR] [ZMV], domiciliée [Adresse 1257],
164°/ à Mme [SBK] [MWB], domiciliée [Adresse 724],
165°/ à Mme [HTW] [TXR], domiciliée [Adresse 2870],
166°/ à Mme [FUJ] [UAE], domiciliée [Adresse 2045],
167°/ à Mme [XMC] [OLP], domiciliée [Adresse 1507],
168°/ à Mme [JOZ] [PUJ], domiciliée [Adresse 1261],
169°/ à Mme [FWB] [YMU], domiciliée [Adresse 1559],
170°/ à Mme [M] [OXW], domiciliée [Adresse 215],
171°/ à Mme [PFV] [OAE], domiciliée [Adresse 390],
172°/ à M. [ROJ] [SWC], domicilié [Adresse 346],
173°/ à Mme [SXB] [GXK], domiciliée [Adresse 2624],
174°/ à Mme [PHS] [FYE], domiciliée [Adresse 2284],
175°/ à Mme [LMK] [OKA] [MKT], domiciliée [Adresse 1950],
176°/ à Mme [TUT] [UCU], domiciliée [Adresse 767],
177°/ à Mme [ZWR] [UXY], domiciliée [Adresse 1590],
178°/ à Mme [IUH] [NJV], domiciliée [Adresse 1980],
179°/ à Mme [UEC] [LXA], domiciliée [Adresse 2452],
180°/ à Mme [BUB] [ALV], domiciliée [Adresse 73],
181°/ à Mme [VSS] [X], domiciliée [Adresse 1571],
182°/ à Mme [TUT] [NB], domiciliée [Adresse 987],
183°/ à Mme [JMA] [JOZ], domiciliée [Adresse 1982],
184°/ à Mme [LM] [HUS] [PWV], domiciliée [Adresse 1453],
185°/ à Mme [XXR] [AR], domiciliée [Adresse 187],
186°/ à Mme [BPJ] [KU], domiciliée [Adresse 2712],
187°/ à Mme [DEU] [KT], domiciliée [Adresse 2593],
188°/ à Mme [OHZ] [WM], domiciliée [Adresse 1480],
189°/ à Mme [CSJ] [AA], domiciliée [Adresse 64],
190°/ à Mme [VYF] [UR], domiciliée [Adresse 2480],
191°/ à Mme [FP] [OP], domiciliée [Adresse 3274],
192°/ à Mme [XOU] [FO], domiciliée [Adresse 1189],
193°/ à Mme [VYF] [VE], domiciliée [Adresse 699],
194°/ à M. [UD] [YN], domicilié [Adresse 115],
195°/ à Mme [MRG] [NZ], domiciliée [Adresse 1610],
196°/ à M. [DCO] [HIS], domicilié [Adresse 1834],
197°/ à Mme [DEZ] [LD], domiciliée [Adresse 150],
198°/ à M. [BCU] [LD], domicilié [Adresse 2822],
199°/ à Mme [ISV] [RX], domiciliée [Adresse 1109],
200°/ à Mme [CXK] [SA], domiciliée [Adresse 2786],
201°/ à M. [KKO] [PF], domicilié [Adresse 1468],
202°/ à Mme [RRR] [YC], domiciliée [Adresse 568],
203°/ à Mme [UWZ] [GJC], domiciliée [Adresse 510],
204°/ à Mme [FZ] [GDY], domiciliée [Adresse 1705],
205°/ à Mme [CGZ] [GBK], domiciliée [Adresse 1125],
206°/ à M. [YPL] [SEE], domicilié [Adresse 635],
207°/ à Mme [PIR] [ODK], épouse [CNE], domiciliée [Adresse 1326],
208°/ à Mme [PHS] [LKD], domiciliée [Adresse 638],
209°/ à Mme [LKN] [LPK], domiciliée [Adresse 1054],
210°/ à Mme [SRJ] [KSM], domiciliée [Adresse 866],
211°/ à Mme [HEU] [OPY], domiciliée [Adresse 2251],
212°/ à M. [NHU] [PGD], domicilié [Adresse 2350],
213°/ à Mme [DGD] [SBK], domiciliée [Adresse 1964],
214°/ à Mme [SRJ] [RWJ], domiciliée [Adresse 1712],
215°/ à Mme [LM] [UUP], domiciliée [Adresse 94],
216°/ à Mme [LS] [DFY], domiciliée [Adresse 1684],
217°/ à Mme [ISE] [UXL], domiciliée [Adresse 1236],
218°/ à Mme [LM] [CXC], domiciliée [Adresse 1500],
219°/ à Mme [ZAJ] [ABA], domiciliée [Adresse 2506],
220°/ à Mme [ZGB] [ODC], domiciliée [Adresse 2680],
221°/ à Mme [ZGB] [KVI], domiciliée [Adresse 1057],
222°/ à Mme [LM] [JGO], domiciliée [Adresse 2375],
223°/ à Mme [JCB] [SNY], domiciliée [Adresse 580],
224°/ à M. [BSX] [FDN], domicilié [Adresse 847],
225°/ à Mme [LM] [UOM], domiciliée [Adresse 2749],
226°/ à Mme [LM] [PII] [RLN], domiciliée [Adresse 323],
227°/ à Mme [AJ] [XAP], domiciliée [Adresse 1938],
228°/ à Mme [SRB] [ESS], domiciliée [Adresse 2407],
229°/ à Mme [JHM] [WAG], domiciliée [Adresse 2444],
230°/ à Mme [IBF] [LTG], domiciliée [Adresse 3250],
231°/ à Mme [SKU] [JLY], domiciliée [Adresse 408],
232°/ à Mme [CZY] [HWP], domiciliée [Adresse 612],
233°/ à Mme [CGZ] [PLM], domiciliée [Adresse 1324],
234°/ à Mme [ZDN] [JCO], domiciliée [Adresse 703],
235°/ à Mme [ACD] [UUH], domiciliée [Adresse 25],
236°/ à Mme [PFV] [TZD], domiciliée [Adresse 1172],
237°/ à M. [KOT] [TRO], domicilié [Adresse 2255],
238°/ à Mme [TUT] [EIZ], domiciliée [Adresse 2383],
239°/ à Mme [LMK] [SZX], domiciliée [Adresse 1178],
240°/ à Mme [TR] [JVI], domiciliée [Adresse 1214],
241°/ à Mme [LYB] [ZEY], domiciliée [Adresse 289],
242°/ à Mme [KSO] [LAS], domiciliée [Adresse 1250],
243°/ à M. [KBW] [VOF], domicilié [Adresse 3167],
244°/ à Mme [PRJ] [AXF], domiciliée [Adresse 2405],
245°/ à Mme [ILP] [GNM], domiciliée [Adresse 462],
246°/ à Mme [ISV] [PLZ], domiciliée [Adresse 2470],
247°/ à Mme [LAL] [LSH], domiciliée [Adresse 3185],
248°/ à Mme [PFV] [APE], domiciliée [Adresse 492],
249°/ à Mme [WJ] [EPM], domiciliée [Adresse 2507],
250°/ à M. [JXK] [TMO], domicilié [Adresse 2028],
251°/ à Mme [ZF] [LJM], domiciliée [Adresse 582],
252°/ à Mme [PHS] [BIL], domiciliée [Adresse 827],
253°/ à Mme [PIR] [DDY], domiciliée [Adresse 2968],
254°/ à Mme [NYY] [RIS], domiciliée [Adresse 34],
255°/ à Mme [PFV] [YYR], domiciliée [Adresse 858],
256°/ à Mme [VYF] [JOW], domiciliée [Adresse 2378],
257°/ à Mme [HOW] [HIS], domiciliée [Adresse 1937],
258°/ à Mme [SZO] [RIS], domiciliée [Adresse 2027],
259°/ à Mme [FJE] [PWX], domiciliée [Adresse 2998],
260°/ à Mme [NRD] [DVF], domiciliée [Adresse 2443],
261°/ à Mme [TX] [LII], domiciliée [Adresse 320],
262°/ à Mme [CGZ] [JBK], domiciliée [Adresse 2927],
263°/ à Mme [LM] [FZT], domiciliée [Adresse 2749],
264°/ à Mme [JOZ] [GMI], domiciliée [Adresse 954],
265°/ à Mme [ZYS] [GVW], domiciliée [Adresse 367],
266°/ à Mme [UPH] [GPV], domiciliée [Adresse 1073],
267°/ à Mme [JOZ] [AOF], domiciliée [Adresse 35],
268°/ à Mme [KNC] [DRI], domiciliée [Adresse 1779],
269°/ à M. [KKO] [NEU], domicilié [Adresse 1428],
270°/ à Mme [BPJ] [MJP], domiciliée [Adresse 917],
271°/ à Mme [HEU] [PLI], domiciliée [Adresse 3039],
272°/ à Mme [ISJ] [WLO], domiciliée [Adresse 520],
273°/ à Mme [NHH] [MYX], domiciliée [Adresse 1757],
274°/ à M. [KZR] [T], domicilié [Adresse 969],
275°/ à Mme [EWX] [G], domiciliée [Adresse 1355],
276°/ à Mme [JGM] [KAO], domiciliée [Adresse 679],
277°/ à Mme [NZA] [HC], domiciliée [Adresse 2199],
278°/ à Mme [KKO] [UL], domiciliée [Adresse 2442],
279°/ à Mme [XWG] [JB], domiciliée [Adresse 951],
280°/ à Mme [PFV] [LY], domiciliée [Adresse 2301],
281°/ à Mme [LM] [RRX] [MU], domiciliée [Adresse 631],
282°/ à Mme [HVC] [MY], domiciliée [Adresse 2610],
283°/ à Mme [CGZ] [VE], domiciliée [Adresse 2816],
284°/ à Mme [KKO] [XD], domiciliée [Adresse 2362],
285°/ à Mme [YTY] [BC], domiciliée [Adresse 813],
286°/ à M. [KXD] [UMH], domicilié [Adresse 2701],
287°/ à Mme [ZKY] [XCV], domiciliée [Adresse 2539],
288°/ à Mme [LM] [YPP], domiciliée [Adresse 2617],
289°/ à Mme [CGR] [CDP], domiciliée [Adresse 1000],
290°/ à Mme [TMG] [HEG], domiciliée [Adresse 1147],
291°/ à Mme [TX] [RLN], domiciliée [Adresse 1470],
292°/ à Mme [FZ] [XVP], domiciliée [Adresse 2208],
293°/ à Mme [CGR] [SRU], domiciliée [Adresse 1586],
294°/ à Mme [PIR] [UMD], domiciliée [Adresse 1062],
295°/ à M. [RIS] [OPY], domicilié [Adresse 1497],
296°/ à Mme [FBT] [EXN], domiciliée [Adresse 1319],
297°/ à Mme [LAL] [USC], divorcée [LM], domiciliée [Adresse 1427],
298°/ à Mme [JMA] [HUH], domiciliée [Adresse 533],
299°/ à Mme [CJH] [IUH], domiciliée [Adresse 1306],
300°/ à Mme [PHS] [XOY], domiciliée [Adresse 770],
301°/ à Mme [ACD] [KZZ], domiciliée [Adresse 2030],
302°/ à Mme [ZKY] [TGO], domiciliée [Adresse 3151],
303°/ à Mme [TAB] [OYV], épouse [STZ], domiciliée [Adresse 2586],
304°/ à Mme [CGR] [VJR], domiciliée [Adresse 772],
305°/ à Mme [LM] [EFC], domiciliée [Adresse 2653],
306°/ à Mme [PFV] [YKX], domiciliée [Adresse 2196],
307°/ à M. [UCH] [JAB], domicilié [Adresse 3100],
308°/ à Mme [ZBA] [DCX], domiciliée [Adresse 2596],
309°/ à Mme [KKO] [TXO], domiciliée [Adresse 1943],
310°/ à Mme [CU] [OZD], domiciliée [Adresse 27],
311°/ à Mme [NAL] [LM], domiciliée [Adresse 3245],
312°/ à Mme [PA] [SHC], domiciliée [Adresse 2550],
313°/ à Mme [ACD] [ELV], domiciliée [Adresse 2580],
314°/ à Mme [ZWR] [LOU], domiciliée [Adresse 599],
315°/ à M. [WVT] [NDP], domicilié [Adresse 966],
316°/ à Mme [ZGB] [NWG], domiciliée [Adresse 1242],
317°/ à M. [IWM] [TDT], domicilié [Adresse 2481],
318°/ à Mme [VZY] [FZN], domiciliée [Adresse 1699],
319°/ à Mme [IRL] [GEO] [AKA], domiciliée [Adresse 2564],
320°/ à M. [WVC] [HBC], domicilié [Adresse 2065],
321°/ à Mme [PFV] [FYJ], domiciliée [Adresse 2083],
322°/ à Mme [TEY] [WSC], domiciliée [Adresse 2118],
323°/ à Mme [LM] [VZL], domiciliée [Adresse 40],
324°/ à Mme [FFT] [CGD], domiciliée [Adresse 2988],
325°/ à Mme [PHS] [JOG], domiciliée [Adresse 1383],
326°/ à Mme [CNE] [XWC], domiciliée [Adresse 3125],
327°/ à M. [HSE] [FAO], domicilié [Adresse 2074],
328°/ à Mme [ZMZ] [YGE], domiciliée [Adresse 256],
329°/ à Mme [ILP] [YYV], domiciliée [Adresse 1446],
330°/ à Mme [PE] [ZWM], domiciliée [Adresse 1107],
331°/ à M. [RAT] [RSF], domicilié [Adresse 3275],
332°/ à M. [RSF] [GII], domicilié [Adresse 3098],
333°/ à Mme [ASX] [FVT], domiciliée [Adresse 301],
334°/ à Mme [NHH] [RME], domiciliée [Adresse 328],
335°/ à Mme [ASX] [FYG], domiciliée [Adresse 598],
336°/ à Mme [GE] [XHJ], domiciliée [Adresse 2986],
337°/ à Mme [LYB] [TGK], domiciliée [Adresse 1098],
338°/ à Mme [NIZ] [TPC], domiciliée [Adresse 2942],
339°/ à Mme [JOZ] [DPH], domiciliée [Adresse 2768],
340°/ à Mme [YTY] [LUO], domiciliée [Adresse 926],
341°/ à Mme [UTZ] [JUE], domiciliée [Adresse 907],
342°/ à Mme [UFF] [JGO], domiciliée [Adresse 3014],
343°/ à Mme [YTY] [NIX], domiciliée [Adresse 1135],
344°/ à Mme [DGD] [ZFK], domiciliée [Adresse 2078],
345°/ à Mme [HOW] [OAE], domiciliée [Adresse 149],
346°/ à Mme [CGZ] [DAB], domiciliée [Adresse 451],
347°/ à Mme [FIB] [MNO], domiciliée [Adresse 995],
348°/ à Mme [GWM] [ANM], domiciliée chez M. [JBN], [Adresse 239],
349°/ à Mme [HOW] [HTN], domiciliée [Adresse 2299],
350°/ à Mme [BGU] [PHA], domiciliée [Adresse 933],
351°/ à Mme [BI] [HEZ], domiciliée [Adresse 965],
352°/ à Mme [YAI] [ZIX], épouse [HHM], domiciliée [Adresse 1194],
353°/ à Mme [ZGB] [FVR], domiciliée [Adresse 701],
354°/ à Mme [CSJ] [FFN], domiciliée [Adresse 2024],
355°/ à Mme [YTY] [NB], domiciliée [Adresse 3020],
356°/ à M. [LPX] [DR], domicilié [Adresse 1139],
357°/ à Mme [LM] [YFW], épouse [LJ], domiciliée [Adresse 421],
358°/ à Mme [LLA] [SE], domiciliée [Adresse 1755],
359°/ à Mme [CGR] [RC], domiciliée [Adresse 2237],
360°/ à Mme [ZKY] [OL], domiciliée [Adresse 382],
361°/ à Mme [JHM] [CS], domiciliée [Adresse 81],
362°/ à Mme [DL] [KC], domiciliée [Adresse 1104],
363°/ à Mme [VC] [WI], domiciliée [Adresse 1433],
364°/ à Mme [ZYS] [VE], domiciliée [Adresse 220],
365°/ à Mme [BPJ] [ET], domiciliée [Adresse 1403],
366°/ à Mme [PA] [BT], veuve [LNJ], domiciliée [Adresse 369],
367°/ à Mme [IUH] [XS], domiciliée [Adresse 2563],
368°/ à Mme [NRD] [GJ], domiciliée [Adresse 300],
369°/ à M. [OLD] [ZL], domicilié [Adresse 2128],
370°/ à Mme [AKW] [NR], domiciliée [Adresse 276],
371°/ à Mme [MVO] [TS], domiciliée [Adresse 3141],
372°/ à Mme [ZYS] [AN], domiciliée [Adresse 38],
373°/ à M. [HOW] [WVG], domicilié [Adresse 1116],
374°/ à Mme [LM] [EP], domiciliée [Adresse 2296],
375°/ à Mme [LM] [HZ], domiciliée [Adresse 2972],
376°/ à M. [KKO] [UHG], domicilié [Adresse 1572],
377°/ à Mme [FLV] [DXF], domiciliée [Adresse 236],
378°/ à Mme [UV] [YVR], domiciliée [Adresse 1666],
379°/ à M. [PRS] [GOA], domicilié [Adresse 202],
380°/ à Mme [LM] [MXY], domiciliée [Adresse 554],
381°/ à Mme [TR] [KXN], domiciliée [Adresse 1781],
382°/ à Mme [CGZ] [KML], domiciliée [Adresse 2785],
383°/ à M. [GRW] [PGB], domicilié [Adresse 2145],
384°/ à Mme [CNE] [BEL], domiciliée [Adresse 1813],
385°/ à Mme [PO] [NVU], domiciliée [Adresse 2427],
386°/ à Mme [LM] [EDK], domiciliée [Adresse 2781],
387°/ à Mme [LIO] [BIZ], domiciliée [Adresse 1777],
388°/ à M. [LPX] [OTU], domicilié [Adresse 1180],
389°/ à M. [BLE] [HOD], domicilié [Adresse 1105],
390°/ à Mme [LAL] [ARN], domiciliée [Adresse 1086],
391°/ à Mme [ZGB] [SEG], domiciliée [Adresse 2318],
392°/ à Mme [KKO] [AYG], domiciliée [Adresse 326],
393°/ à Mme [LM] [JXN] [BDH], domiciliée [Adresse 76],
394°/ à Mme [JHM] [BR], domiciliée [Adresse 129],
395°/ à Mme [FIB] [XMK], domiciliée [Adresse 1822],
396°/ à Mme [FIB] [LHN], domiciliée [Adresse 3264],
397°/ à Mme [FTN] [ACU], domiciliée [Adresse 2943],
398°/ à Mme [CGZ] [KHI], domiciliée [Adresse 845],
399°/ à Mme [NRD] [ULV], domiciliée [Adresse 2431],
400°/ à Mme [CGZ] [WFP], domiciliée [Adresse 1789],
401°/ à Mme [RJA] [SLK], domiciliée [Adresse 3233],
402°/ à M. [IEZ] [HDY], domicilié [Adresse 2105],
403°/ à Mme [SKU] [YKG], domiciliée [Adresse 430],
404°/ à Mme [VJI] [WPN], domiciliée [Adresse 1621],
405°/ à Mme [ZGB] [ZTE], domiciliée [Adresse 1527],
406°/ à Mme [ZU] [GYU], domiciliée [Adresse 151],
407°/ à Mme [PNW] [FIL], domiciliée [Adresse 2991],
408°/ à Mme [ISE] [NVH], domiciliée [Adresse 980],
409°/ à M. [ZKY] [DIR], domicilié [Adresse 2749],
410°/ à Mme [OKR] [NIO], domiciliée [Adresse 1714],
411°/ à Mme [XAD] [ZIK], domiciliée [Adresse 941],
412°/ à Mme [TR] [YKO], domiciliée [Adresse 2597],
413°/ à Mme [PYN] [SOK], domiciliée [Adresse 1979],
414°/ à Mme [SLC] [HMG], domiciliée [Adresse 3239],
415°/ à Mme [PRJ] [HOU], domiciliée [Adresse 1545],
416°/ à Mme [RRX] [UCP], domiciliée [Adresse 3106],
417°/ à Mme [TX] [VCV], domiciliée [Adresse 1871],
418°/ à Mme [BZT] [GJM], domiciliée [Adresse 1081],
419°/ à Mme [JOZ] [GYS], domiciliée [Adresse 848],
420°/ à M. [FYM] [GNP], domicilié [Adresse 1113],
421°/ à Mme [ZWR] [PIA], domiciliée [Adresse 180],
422°/ à Mme [UEX] [NPE], domiciliée [Adresse 751],
423°/ à M. [HOW] [UXP], domicilié [Adresse 2603],
424°/ à Mme [ZGB] [MH], domiciliée [Adresse 1511],
425°/ à Mme [ACD] [EMW], domiciliée [Adresse 1325],
426°/ à M. [MU] [ZFC], domicilié [Adresse 859],
427°/ à Mme [PAJ] [XCE], domiciliée [Adresse 1998],
428°/ à Mme [FP] [ULR], domiciliée [Adresse 2062],
429°/ à Mme [BZT] [JUH], épouse [FDC], domiciliée [Adresse 2749],
430°/ à Mme [HOW] [WFU], domiciliée [Adresse 1092],
431°/ à Mme [BI] [JRU], domiciliée [Adresse 3124],
432°/ à Mme [SXB] [YYV], domiciliée [Adresse 3021],
433°/ à Mme [PHS] [ZDW], domiciliée [Adresse 2483],
434°/ à Mme [FTN] [RSF], domiciliée [Adresse 2317],
435°/ à Mme [OBD] [WCD], domiciliée [Adresse 1809],
436°/ à Mme [IBF] [YDM], domiciliée [Adresse 1143],
437°/ à Mme [ILM] [KLV], domiciliée [Adresse 1163],
438°/ à Mme [OKR] [RON], domiciliée [Adresse 159],
439°/ à Mme [AZY] [OMU], domiciliée [Adresse 278],
440°/ à Mme [PFV] [LXC], domiciliée [Adresse 1608],
441°/ à Mme [TX] [HDN], épouse [KNK], domiciliée [Adresse 2485],
442°/ à Mme [TX] [DHV], domiciliée [Adresse 250],
443°/ à Mme [KKO] [PJN], épouse [RNT], domiciliée [Adresse 42],
444°/ à Mme [AOI] [RJT], domiciliée [Adresse 2126],
445°/ à M. [NHU] [SHK], domicilié [Adresse 1908],
446°/ à Mme [GEL] [HH], domiciliée [Adresse 425],
447°/ à Mme [AZY] [PE], domiciliée [Adresse 804],
448°/ à Mme [FIB] [IW], domiciliée [Adresse 2488],
449°/ à Mme [PHS] [MH], domiciliée [Adresse 2794],
450°/ à Mme [SKU] [FT], domiciliée [Adresse 333],
451°/ à Mme [ISE] [HB], domiciliée [Adresse 2538],
452°/ à Mme [OKR] [MH], domiciliée [Adresse 2418],
453°/ à Mme [ASX] [PY], domiciliée [Adresse 1075],
454°/ à Mme [LM] [ZR], domiciliée [Adresse 1552],
455°/ à Mme [OBL] [LT], épouse [FFP], domiciliée [Adresse 3283],
456°/ à Mme [XMC] [VE], domiciliée [Adresse 2146],
457°/ à Mme [SXB] [CG], domiciliée [Adresse 1802],
458°/ à Mme [CHM] [HR], domiciliée [Adresse 3138],
459°/ à Mme [FWX] [AZ] [UHI], domiciliée [Adresse 478],
460°/ à Mme [TR] [TB], domiciliée [Adresse 2332],
461°/ à Mme [KK] [RJ], domiciliée [Adresse 3028],
462°/ à Mme [FIB] [BPJ], domiciliée [Adresse 2559],
463°/ à Mme [CSJ] [WFD], domiciliée [Adresse 330],
464°/ à Mme [LM] [DJP], domiciliée [Adresse 2489],
465°/ à Mme [ENM] [VPA], domiciliée [Adresse 2846],
466°/ à Mme [MM] [GJC], domiciliée [Adresse 86],
467°/ à Mme [KK] [ISE], domiciliée [Adresse 3041],
468°/ à Mme [EKA] [FLH], domiciliée [Adresse 358],
469°/ à Mme [KKO] [SRU], domiciliée [Adresse 2187],
470°/ à Mme [AJ] [SWV], domiciliée [Adresse 829],
471°/ à M. [HOW] [UHC], domicilié [Adresse 584],
472°/ à Mme [SKU] [USE], domiciliée [Adresse 2495],
473°/ à Mme [BF] [VXK], domiciliée [Adresse 1868],
474°/ à Mme [CHM] [CRA], domiciliée [Adresse 2269],
475°/ à Mme [PO] [MTD], domiciliée [Adresse 2532],
476°/ à Mme [LM] [JMG], domiciliée [Adresse 785],
477°/ à Mme [BGU] [IZT], domiciliée [Adresse 2872],
478°/ à Mme [PFV] [KCG], domiciliée [Adresse 1469],
479°/ à Mme [ZC] [IUM], domiciliée [Adresse 637],
480°/ à Mme [NRD] [IUH], domiciliée [Adresse 645],
481°/ à M. [UWZ] [UHI], domicilié [Adresse 2069],
482°/ à M. [YVM] [UHI], domicilié [Adresse 478],
483°/ à Mme [PA] [AYG], domiciliée [Adresse 2242],
484°/ à Mme [CHM] [BBY], domiciliée [Adresse 122],
485°/ à Mme [XVH] [XG], épouse [TXC], domiciliée [Adresse 2782],
486°/ à Mme [EKA] [ZCT], domiciliée [Adresse 1412],
487°/ à M. [XKW] [LSP], domicilié [Adresse 2422],
488°/ à Mme [ZKY] [TOD], domiciliée [Adresse 1637],
489°/ à Mme [PHS] [SLK], domiciliée [Adresse 1917],
490°/ à Mme [PHS] [GBT], domiciliée [Adresse 503],
491°/ à M. [HHC] [RIS], domicilié [Adresse 1389],
492°/ à Mme [RRX] [HRN], domiciliée [Adresse 716],
493°/ à Mme [LLA] [IMF], domiciliée [Adresse 474],
494°/ à Mme [PHS] [OLL], domiciliée [Adresse 3126],
495°/ à Mme [JH] [ISJ] [PE], domiciliée [Adresse 2745],
496°/ à Mme [HTW] [UML], domiciliée [Adresse 2937],
497°/ à Mme [OVI] [NVH], domiciliée [Adresse 1798],
498°/ à Mme [BRT] [LSJ], domiciliée [Adresse 2815],
499°/ à Mme [CUX] [LCG], domiciliée [Adresse 3187],
500°/ à Mme [TX] [KCB], domiciliée [Adresse 1669],
501°/ à Mme [VC] [EPS], domiciliée [Adresse 824],
502°/ à Mme [FWB] [AKR], domiciliée [Adresse 1515],
503°/ à Mme [FKZ] [BBC], domiciliée [Adresse 2295],
504°/ à Mme [PFV] [UHR], domiciliée [Adresse 553],
505°/ à Mme [ZGB] [PEE], domiciliée [Adresse 555],
506°/ à Mme [CGR] [LM], domiciliée [Adresse 502],
507°/ à M. [CNE] [UIZ], domicilié [Adresse 814],
508°/ à Mme [CNE] [SRD], domiciliée [Adresse 3045],
509°/ à Mme [ISE] [FNH], domiciliée [Adresse 2505],
510°/ à Mme [HWH] [TGK], domiciliée [Adresse 3016],
511°/ à M. [SBK] [DVI], domicilié [Adresse 2455],
512°/ à Mme [CNE] [WPS], domiciliée [Adresse 3263],
513°/ à Mme [ZO] [OZF], domiciliée [Adresse 869],
514°/ à Mme [TX] [OZF], domiciliée [Adresse 1936],
515°/ à Mme [JHM] [AKA], domiciliée [Adresse 3112],
516°/ à Mme [CNE] [DHV], domiciliée [Adresse 500],
517°/ à Mme [WNE] [A], domiciliée [Adresse 442],
518°/ à Mme [DL] [CL], domiciliée [Adresse 532],
519°/ à M. [ZKY] [HP], domicilié [Adresse 1627],
520°/ à Mme [ACD] [PM], domiciliée [Adresse 2690],
521°/ à Mme [AJE] [CYG], domiciliée [Adresse 305],
522°/ à Mme [SRB] [MD], domiciliée [Adresse 3254],
523°/ à Mme [IZK] [TC], domiciliée [Adresse 1311],
524°/ à Mme [TEY] [GG], domiciliée [Adresse 2766],
525°/ à Mme [IBF] [VP], domiciliée [Adresse 1598],
526°/ à Mme [KK] [KOI], épouse [PG], domiciliée [Adresse 569],
527°/ à M. [OS] [GN], domicilié [Adresse 261],
528°/ à Mme [ZKY] [WE], domiciliée [Adresse 3105],
529°/ à Mme [BPS] [JX], domiciliée [Adresse 878],
530°/ à Mme [JHM] [IT], domiciliée [Adresse 1045],
531°/ à Mme [GGX] [MY], domiciliée [Adresse 2610],
532°/ à Mme [VUT] [PK], domiciliée [Adresse 163],
533°/ à Mme [SBR] [GM], domiciliée [Adresse 833],
534°/ à Mme [NAL] [DU], domiciliée [Adresse 3262],
535°/ à Mme [BLS] [TJ], domiciliée [Adresse 456],
536°/ à Mme [CGR] [GV], domiciliée [Adresse 3076],
537°/ à Mme [TX] [VPA], domiciliée [Adresse 2004],
538°/ à Mme [GAX] [XKJ], domiciliée [Adresse 363],
539°/ à M. [NHU] [XSY], domicilié [Adresse 1283],
540°/ à Mme [BDH] [FWJ], domiciliée [Adresse 1191],
541°/ à Mme [GE] [CLV], domiciliée [Adresse 2496],
542°/ à Mme [LM] [AGZ], domiciliée [Adresse 2259],
543°/ à M. [BSX] [XMT], domicilié [Adresse 2211],
544°/ à Mme [IUH] [OS], domiciliée [Adresse 249],
545°/ à Mme [VMZ] [MIB], domiciliée [Adresse 2557],
546°/ à Mme [FJM] [OFW], domiciliée [Adresse 110],
547°/ à Mme [DGD] [LAD], domiciliée [Adresse 290],
548°/ à Mme [YAI] [DTN], domiciliée [Adresse 1853],
549°/ à M. [CLE] [DYO], domicilié [Adresse 2515],
550°/ à M. [JXK] [UXL], domicilié [Adresse 1473],
551°/ à Mme [CHM] [VUK], domiciliée [Adresse 1941],
552°/ à Mme [KKO] [UHI], domiciliée [Adresse 2218],
553°/ à Mme [LM] [RZF], domiciliée [Adresse 1882],
554°/ à Mme [DGD] [RIN], domiciliée chez Mme [XAL], [Adresse 2494],
555°/ à Mme [EJE] [LHY], domiciliée [Adresse 103],
556°/ à Mme [ISV] [YMH], domiciliée [Adresse 33],
557°/ à Mme [RJA] [RRG], domiciliée [Adresse 1732],
558°/ à Mme [BPJ] [NB] [XPO], domiciliée [Adresse 143],
559°/ à Mme [TR] [ZWE], domiciliée [Adresse 1824],
560°/ à Mme [NRH] [VXT], domiciliée [Adresse 1035],
561°/ à Mme [BPS] [LNF], domiciliée [Adresse 920],
562°/ à Mme [ULK] [HZW], domiciliée [Adresse 932],
563°/ à Mme [JHC] [IJY], domiciliée [Adresse 3044],
564°/ à Mme [EZN] [NCV], domiciliée [Adresse 1216],
565°/ à Mme [FBP] [AWO], domiciliée [Adresse 3099],
566°/ à Mme [JH] [UEE], domiciliée [Adresse 1461],
567°/ à Mme [FJE] [ATN], domiciliée [Adresse 1027],
568°/ à Mme [VYF] [DMR], domiciliée [Adresse 1303],
569°/ à Mme [JOZ] [GDK], domiciliée [Adresse 2717],
570°/ à Mme [FTN] [YML], domiciliée [Adresse 795],
571°/ à M. [KKO] [XRB], domicilié [Adresse 778],
572°/ à Mme [DSO] [XXM], domiciliée [Adresse 196],
573°/ à Mme [YVA] [XUZ], domiciliée [Adresse 899],
574°/ à Mme [YTY] [GJ], domiciliée [Adresse 2819],
575°/ à M. [KBW] [WXH], domicilié [Adresse 1697],
576°/ à Mme [BRT] [LNN], domiciliée [Adresse 3003],
577°/ à Mme [SKU] [XPX], domiciliée [Adresse 2423],
578°/ à Mme [MDT] [MIS], domiciliée [Adresse 626],
579°/ à Mme [PE] [LXK], domiciliée [Adresse 1611],
580°/ à Mme [PHS] [NLK], domiciliée [Adresse 2706],
581°/ à M. [DCO] [IZA], domicilié [Adresse 2252],
582°/ à M. [KHI] [NNY], domicilié [Adresse 2459],
583°/ à Mme [ASX] [FEI], domiciliée [Adresse 1930],
584°/ à M. [DP] [HTU], domicilié [Adresse 3127],
585°/ à Mme [KEV] [RVT], domiciliée [Adresse 2614],
586°/ à Mme [PFV] [RSB], domiciliée [Adresse 1844],
587°/ à Mme [CGU] [NSP], domiciliée [Adresse 2445],
588°/ à Mme [PIR] [CNX], domiciliée [Adresse 2479],
589°/ à Mme [EPV] [SYP], domiciliée [Adresse 1458],
590°/ à Mme [IZK] [BOF], domiciliée [Adresse 1120],
591°/ à Mme [TX] [DAG], domiciliée [Adresse 2854],
592°/ à Mme [KNC] [DHV], domiciliée [Adresse 1674],
593°/ à Mme [CU] [HWB], domiciliée [Adresse 2578],
594°/ à Mme [ULK] [HTN], domiciliée [Adresse 735],
595°/ à Mme [WMB] [PBZ], domiciliée [Adresse 1775],
596°/ à Mme [TX] [GYJ], domiciliée [Adresse 481],
597°/ à Mme [ZKY] [TFC], domiciliée [Adresse 380],
598°/ à Mme [CBH] [VCZ], domiciliée [Adresse 1961],
599°/ à M. [ZFG] [JUH], domicilié [Adresse 432],
600°/ à Mme [FUS] [MBF], domiciliée [Adresse 2804],
601°/ à Mme [ZKY] [YO], domiciliée [Adresse 1096],
602°/ à Mme [IUH] [JV], domiciliée [Adresse 2868],
603°/ à Mme [NEC] [CZ], domiciliée [Adresse 521],
604°/ à Mme [XMC] [FM], domiciliée [Adresse 3157],
605°/ à Mme [JXR] [KN], domiciliée [Adresse 1268],
606°/ à Mme [AJE] [NV], domiciliée [Adresse 730],
607°/ à Mme [MVC] [FE], domiciliée [Adresse 2780],
608°/ à Mme [JHM] [VI], domiciliée [Adresse 463],
609°/ à Mme [NKD] [RP], domiciliée [Adresse 2333],
610°/ à Mme [JHM] [HX], domiciliée [Adresse 2457],
611°/ à Mme [PRJ] [BU], domiciliée [Adresse 938],
612°/ à Mme [PHS] [SD], domiciliée [Adresse 743],
613°/ à Mme [OED] [IX], domiciliée [Adresse 1091],
614°/ à Mme [ZGB] [ZR], domiciliée [Adresse 2763],
615°/ à Mme [LM] [BT], domiciliée [Adresse 558],
616°/ à Mme [ASX] [GS], domiciliée [Adresse 2347],
617°/ à Mme [DC] [VE], domiciliée [Adresse 3256],
618°/ à M. [RIS] [UW], domicilié [Adresse 2886],
619°/ à M. [KHI] [MJ], domicilié [Adresse 1878],
620°/ à Mme [JOZ] [EY], domiciliée [Adresse 171],
621°/ à Mme [LM] [WVG], domiciliée [Adresse 1190],
622°/ à Mme [LM] [UJU], domiciliée [Adresse 1210],
623°/ à Mme [PW] [WVG], domiciliée [Adresse 3022],
624°/ à Mme [LM] [FTZ], épouse [PBI], domiciliée [Adresse 1360],
625°/ à Mme [EKA] [VHH], domiciliée [Adresse 1521],
626°/ à Mme [AZY] [VMI], domiciliée [Adresse 3132],
627°/ à Mme [ZYS] [CKR], domiciliée [Adresse 2570],
628°/ à Mme [ZYS] [OPY], domiciliée [Adresse 1270],
629°/ à Mme [LM] [APS], domiciliée [Adresse 1265],
630°/ à Mme [FJM] [FNS], domiciliée [Adresse 3139],
631°/ à Mme [TN] [IEJ], domiciliée [Adresse 656],
632°/ à Mme [EKD] [CJV], épouse [ROF], domiciliée [Adresse 1292],
633°/ à Mme [YAI] [PTZ], domiciliée [Adresse 1604],
634°/ à M. [RIS] [SUJ], domicilié [Adresse 2048],
635°/ à Mme [JXN] [BR], domiciliée [Adresse 2319],
636°/ à Mme [XXR] [MCS], veuve [EYX], domiciliée [Adresse 2543],
637°/ à Mme [LYB] [AAH], domiciliée [Adresse 3204],
638°/ à Mme [FZ] [MAE], domiciliée [Adresse 3158],
639°/ à Mme [MM] [ACL], domiciliée [Adresse 2598],
640°/ à Mme [PO] [KUY], domiciliée [Adresse 465],
641°/ à Mme [IPH] [BPE], domiciliée [Adresse 1975],
642°/ à Mme [ACD] [HOA], domiciliée [Adresse 2758],
643°/ à Mme [LM] [PFZ], domiciliée [Adresse 2641],
644°/ à Mme [CUX] [ZYW], domiciliée [Adresse 1615],
645°/ à Mme [FOI] [VXX], épouse [ULR], domiciliée [Adresse 1021],
646°/ à Mme [PIR] [BFH], domiciliée [Adresse 1436],
647°/ à Mme [BID] [CGG], domiciliée [Adresse 1591],
648°/ à Mme [FVZ] [DSJ], domiciliée [Adresse 2848],
649°/ à Mme [VFK] [YFS], domiciliée [Adresse 1069],
650°/ à Mme [ILP] [IUH], domiciliée [Adresse 1654],
651°/ à Mme [BB] [CMD], domiciliée [Adresse 97],
652°/ à Mme [YTY] [PTI], domiciliée [Adresse 3159],
653°/ à Mme [FTN] [AEZ], domiciliée [Adresse 1240],
654°/ à Mme [FTN] [MXU], domiciliée [Adresse 1121],
655°/ à Mme [VHD] [BON], domiciliée [Adresse 2152],
656°/ à Mme [XXR] [PWA], domiciliée [Adresse 304],
657°/ à Mme [HOW] [UHR], domiciliée [Adresse 1901],
658°/ à Mme [MM] [HBF], domiciliée [Adresse 431],
659°/ à Mme [ISV] [RBW], domiciliée [Adresse 1803],
660°/ à Mme [CGR] [NHP], domiciliée [Adresse 170],
661°/ à Mme [LIO] [YDM], domiciliée [Adresse 680],
662°/ à Mme [LFM] [BMI], domiciliée [Adresse 93],
663°/ à Mme [KKO] [TGG], domiciliée [Adresse 468],
664°/ à Mme [XMC] [SNP], domiciliée [Adresse 2697],
665°/ à Mme [VC] [KVI], domiciliée [Adresse 1988],
666°/ à Mme [ZWR] [GUS], domiciliée [Adresse 3012],
667°/ à Mme [ISV] [IMN], domiciliée [Adresse 372],
668°/ à Mme [ZYS] [WNI], domiciliée [Adresse 1904],
669°/ à M. [PFV] [SIT], domicilié [Adresse 2749],
670°/ à Mme [ZKY] [XDL], domiciliée [Adresse 1512],
671°/ à Mme [YJ] [YTU], domiciliée [Adresse 747],
672°/ à Mme [SXB] [HJY], domiciliée [Adresse 118],
673°/ à M. [RAX] [YMP], domicilié [Adresse 2205],
674°/ à Mme [YTY] [ZZ], domiciliée [Adresse 3271],
675°/ à Mme [RIS] [THN], domiciliée [Adresse 712],
676°/ à Mme [PFV] [LSB], domiciliée [Adresse 3195],
677°/ à Mme [EYO] [RIS], domiciliée [Adresse 458],
678°/ à Mme [LM] [YDM], domiciliée [Adresse 312],
679°/ à M. [UEC] [ZRH], domicilié [Adresse 1203],
680°/ à Mme [LM] [OZF], domiciliée [Adresse 189],
681°/ à Mme [UFF] [DHP], domiciliée [Adresse 434],
682°/ à Mme [ZYS] [BR], domiciliée [Adresse 1541],
683°/ à Mme [XWG] [LBA], domiciliée [Adresse 2909],
684°/ à Mme [DTI] [KOG], domiciliée [Adresse 1013],
685°/ à Mme [VYF] [MTW], domiciliée [Adresse 2954],
686°/ à M. [VPI] [NJ], domicilié [Adresse 1772],
687°/ à Mme [ACD] [FC], domiciliée [Adresse 2222],
688°/ à Mme [SZO] [XP], domiciliée [Adresse 3240],
689°/ à Mme [ACD] [Z], épouse [FGD], domiciliée [Adresse 2984],
690°/ à M. [CU] [SM], domicilié [Adresse 2141],
691°/ à Mme [MVC] [IO], domiciliée [Adresse 2348],
692°/ à Mme [TEY] [ZM], domiciliée [Adresse 2094],
693°/ à M. [KKO] [OU], domicilié [Adresse 2326],
694°/ à Mme [FIB] [FB] [JZI], domiciliée [Adresse 1994],
695°/ à Mme [CNE] [DS], domiciliée [Adresse 3184],
696°/ à Mme [NHH] [DS], domiciliée [Adresse 1185],
697°/ à Mme [LM] [HF], domiciliée [Adresse 2011],
698°/ à Mme [CSJ] [CE], domiciliée [Adresse 2461],
699°/ à Mme [PTA] [BK], domiciliée [Adresse 2751],
700°/ à Mme [JRW] [SC], domiciliée [Adresse 2433],
701°/ à Mme [KKO] [VE], domiciliée [Adresse 2913],
702°/ à Mme [TNT] [CM], domiciliée [Adresse 2687],
703°/ à Mme [MFY] [BCU], domiciliée [Adresse 50],
704°/ à Mme [HTW] [WXU], domiciliée [Adresse 2217],
705°/ à Mme [NMV] [ZWA], domiciliée [Adresse 2017],
706°/ à Mme [JHM] [HRW], domiciliée [Adresse 551],
707°/ à Mme [KKO] [ISB], domiciliée [Adresse 2662],
708°/ à Mme [CUX] [CTF], domiciliée [Adresse 2829],
709°/ à M. [ZMV] [LMX], domicilié [Adresse 1339],
710°/ à Mme [SRB] [MYE], domiciliée [Adresse 399],
711°/ à Mme [TJT] [OIL], domiciliée [Adresse 3120],
712°/ à Mme [BVF] [ONM], domiciliée [Adresse 1368],
713°/ à M. [TZP] [RDT], domicilié [Adresse 1754],
714°/ à Mme [YTY] [HJK], domiciliée [Adresse 469],
715°/ à M. [KZR] [ABW], domicilié [Adresse 102],
716°/ à Mme [NYY] [JVA], domiciliée [Adresse 2067],
717°/ à Mme [ACD] [RIS], domiciliée [Adresse 522],
718°/ à Mme [UEC] [MVI], domiciliée [Adresse 1067],
719°/ à Mme [TAB] [KFF], domiciliée [Adresse 1226],
720°/ à M. [HMD] [LKB], domicilié [Adresse 3013],
721°/ à Mme [PIE] [ZWI], domiciliée [Adresse 1847],
722°/ à Mme [TEY] [XXR], domiciliée [Adresse 2777],
723°/ à Mme [YTY] [UKC], domiciliée [Adresse 3143],
724°/ à Mme [BRW] [JSC], domiciliée [Adresse 1494],
725°/ à M. [OLL] [AMI], domicilié [Adresse 3153],
726°/ à Mme [VYF] [ZIC], domiciliée [Adresse 702],
727°/ à Mme [ZKY] [ISJ], domiciliée [Adresse 816],
728°/ à Mme [FTN] [BYX], domiciliée [Adresse 750],
729°/ à Mme [ZGB] [UCS], domiciliée [Adresse 273],
730°/ à Mme [ZGB] [LNF], domiciliée [Adresse 1716],
731°/ à Mme [OED] [JXA], domiciliée [Adresse 3247],
732°/ à Mme [GOK] [ZNH], domiciliée [Adresse 2361],
733°/ à Mme [SRB] [OYE], domiciliée [Adresse 1826],
734°/ à Mme [FIB] [NPK], domiciliée [Adresse 1671],
735°/ à Mme [CJH] [IXN], domiciliée [Adresse 2131],
736°/ à Mme [RPY] [JSS], domiciliée [Adresse 668],
737°/ à Mme [JOZ] [KPJ], domiciliée [Adresse 506],
738°/ à Mme [IPH] [BOI], domiciliée [Adresse 3190],
739°/ à Mme [DT] [BRN], domiciliée [Adresse 1330],
740°/ à Mme [FIB] [OHV], domiciliée [Adresse 2158],
741°/ à Mme [RRR] [MCJ], domiciliée [Adresse 1293],
742°/ à Mme [ZGB] [LJT], domiciliée [Adresse 1932],
743°/ à Mme [JXK] [ZXX], domiciliée [Adresse 2666],
744°/ à Mme [YB] [WOO] [XXR], domiciliée [Adresse 142],
745°/ à Mme [RRR] [TDX], domiciliée [Adresse 2883],
746°/ à Mme [GOK] [WKV], domiciliée [Adresse 2103],
747°/ à Mme [GOK] [AEU], domiciliée [Adresse 2945],
748°/ à Mme [XW] [PSA], domiciliée [Adresse 3137],
749°/ à Mme [PHS] [WXH], domiciliée [Adresse 706],
750°/ à Mme [IBF] [SJW], domiciliée [Adresse 148],
751°/ à Mme [RRR] [WER], domiciliée [Adresse 1551],
752°/ à Mme [YNX] [VHY] [OT], domiciliée [Adresse 388],
753°/ à Mme [YTY] [XAU], domiciliée [Adresse 362],
754°/ à Mme [TR] [YDI], domiciliée [Adresse 975],
755°/ à Mme [JOZ] [GWC], domiciliée [Adresse 2401],
756°/ à Mme [TX] [ULK], domiciliée [Adresse 3019],
757°/ à Mme [SSC] [TYV], domiciliée [Adresse 2749],
758°/ à M. [LM] [TWH], domicilié [Adresse 1259],
759°/ à Mme [PHS] [EOI], domiciliée [Adresse 1499],
760°/ à Mme [PIR] [FON], domiciliée [Adresse 2801],
761°/ à Mme [PHS] [IDT], domiciliée [Adresse 2749],
762°/ à Mme [NAL] [HBA], domiciliée [Adresse 2441],
763°/ à Mme [GE] [ACZ], domiciliée [Adresse 708],
764°/ à Mme [LM] [DHV], domiciliée [Adresse 962],
765°/ à Mme [JHM] [CMA], domiciliée [Adresse 2702],
766°/ à M. [BXT] [HKA], domicilié [Adresse 1486],
767°/ à Mme [EPV] [TAX], domiciliée [Adresse 1723],
768°/ à M. [AOI] [V], domicilié [Adresse 1329],
769°/ à Mme [XXR] [YVI], domiciliée [Adresse 2908],
770°/ à Mme [LM] [N], domiciliée [Adresse 2834],
771°/ à Mme [PRJ] [RW], domiciliée [Adresse 2621],
772°/ à Mme [LIO] [O], domiciliée [Adresse 565],
773°/ à Mme [FZ] [PH], domiciliée [Adresse 2926],
774°/ à M. [HEO] [EF], domicilié [Adresse 992],
775°/ à Mme [FIB] [TV], domiciliée [Adresse 1103],
776°/ à Mme [JXN] [ABH], domiciliée [Adresse 556],
777°/ à Mme [BPS] [MX], domiciliée [Adresse 1624],
778°/ à M. [KZR] [ZD], domicilié [Adresse 667],
779°/ à Mme [UV] [EM], domiciliée [Adresse 766],
780°/ à Mme [MMU] [OM], domiciliée [Adresse 1338],
781°/ à Mme [NZA] [WC], domiciliée [Adresse 2553],
782°/ à Mme [AJ] [TO], domiciliée [Adresse 2181],
783°/ à Mme [LYB] [SKU], domiciliée [Adresse 739],
784°/ à M. [FKZ] [ZPZ], domicilié [Adresse 116],
785°/ à Mme [XVH] [CFP], domiciliée [Adresse 2956],
786°/ à Mme [ZGB] [WXP], domiciliée [Adresse 3228],
787°/ à Mme [WJ] [YCW], domiciliée [Adresse 3008],
788°/ à Mme [NYY] [BWO], domiciliée [Adresse 1156],
789°/ à Mme [BRT] [DWB], domiciliée [Adresse 2769],
790°/ à Mme [LM] [XAD] [DYO], domiciliée [Adresse 2562],
791°/ à Mme [WSO] [RZJ], domiciliée [Adresse 2904],
792°/ à Mme [ZKY] [TCC], épouse [GRW], domiciliée [Adresse 2748],
793°/ à M. [LD] [FRN], domicilié [Adresse 1818],
794°/ à Mme [DGD] [UHI], domiciliée [Adresse 841],
795°/ à Mme [PFV] [AOA], domiciliée [Adresse 613],
796°/ à Mme [IBF] [PIX], domiciliée [Adresse 2192],
797°/ à Mme [NHH] [REB], domiciliée [Adresse 1561],
798°/ à M. [DMI] [SDW], domicilié [Adresse 610],
799°/ à Mme [AZY] [YLF], domiciliée [Adresse 909],
800°/ à Mme [VYF] [EHC], domiciliée [Adresse 2228],
801°/ à Mme [NHH] [MAE], domiciliée [Adresse 1746],
802°/ à Mme [ULK] [KVI], domiciliée [Adresse 2637],
803°/ à Mme [ISV] [KXL], domiciliée [Adresse 2805],
804°/ à Mme [SS] [CHV], domiciliée [Adresse 2749],
805°/ à Mme [JHC] [JGO], domiciliée [Adresse 2010],
806°/ à Mme [FOF] [FGO], domiciliée [Adresse 1122],
807°/ à M. [NIZ] [HGL], domicilié [Adresse 2521],
808°/ à Mme [RRR] [HEL], domiciliée [Adresse 2020],
809°/ à Mme [HEU] [GNV], domiciliée [Adresse 1947],
810°/ à Mme [CNE] [JGO], domiciliée [Adresse 298],
811°/ à Mme [YAI] [FIO], domiciliée [Adresse 3260],
812°/ à Mme [UEC] [DJH], domiciliée [Adresse 1272],
813°/ à M. [PFV] [XKS], domicilié [Adresse 419],
814°/ à Mme [KID] [TXI], domiciliée [Adresse 2561],
815°/ à Mme [CHP] [LXK], domiciliée [Adresse 3253],
816°/ à Mme [ZPE] [LOW] [BYU], domiciliée [Adresse 958],
817°/ à Mme [IOR] [CNM], domiciliée [Adresse 3179],
818°/ à M. [DP] [NJ], domicilié [Adresse 2267],
819°/ à Mme [IEU] [PGL], domiciliée [Adresse 1291],
820°/ à Mme [CGR] [CMW], domiciliée [Adresse 131],
821°/ à Mme [LM] [HMG], domiciliée [Adresse 2547],
822°/ à Mme [AKW] [ICJ], domiciliée [Adresse 2970],
823°/ à Mme [SRB] [UOG], domiciliée [Adresse 205],
824°/ à Mme [CNE] [UBR], domiciliée [Adresse 3150],
825°/ à Mme [CU] [LM], domiciliée [Adresse 3242],
826°/ à Mme [LM] [GSB], domiciliée [Adresse 2176],
827°/ à Mme [UJH] [GUO], domiciliée [Adresse 1012],
828°/ à Mme [PNF] [OFH], domiciliée [Adresse 603],
829°/ à Mme [VW] [OCU], domiciliée [Adresse 1235],
830°/ à Mme [ZYS] [MJY], domiciliée [Adresse 2279],
831°/ à Mme [ISV] [VJE], domiciliée [Adresse 1910],
832°/ à Mme [PYH] [WEM], domiciliée [Adresse 137],
833°/ à Mme [MM] [VBU], domiciliée [Adresse 718],
834°/ à Mme [KK] [JUH], domiciliée [Adresse 3229],
835°/ à Mme [UMP] [ZTZ], domiciliée [Adresse 1725],
836°/ à Mme [FUJ] [XEW], domiciliée [Adresse 1450],
837°/ à Mme [PHS] [WHE], domiciliée [Adresse 1530],
838°/ à Mme [RJA] [YXS], épouse [DXW], domiciliée [Adresse 89],
839°/ à Mme [OKR] [WID], domiciliée [Adresse 2079],
840°/ à Mme [NAL] [EED], domiciliée [Adresse 1112],
841°/ à Mme [TIY] [ZGF], domiciliée [Adresse 2215],
842°/ à Mme [TEP] [RMA], domiciliée [Adresse 2912],
843°/ à Mme [TX] [PYB], domiciliée [Adresse 1026],
844°/ à Mme [CNE] [CVA], domiciliée [Adresse 3221],
845°/ à M. [YPL] [LTK], domicilié [Adresse 726],
846°/ à Mme [IBF] [ULK], domiciliée [Adresse 2903],
847°/ à Mme [OMW] [UBI], domiciliée [Adresse 2749],
848°/ à Mme [NHH] [IYX], domiciliée [Adresse 173],
849°/ à Mme [TEY] [BBH], domiciliée [Adresse 1252],
850°/ à Mme [ASX] [UFL] [AVK], domiciliée [Adresse 100],
851°/ à Mme [ZGB] [OEH], domiciliée [Adresse 557],
852°/ à Mme [IIZ] [TFC], domiciliée [Adresse 268],
853°/ à Mme [RK] [NWO], domiciliée [Adresse 651],
854°/ à Mme [VUT] [BCZ], domiciliée [Adresse 2336],
855°/ à M. [NHU] [O], domicilié [Adresse 2724],
856°/ à Mme [VYF] [ED], domiciliée [Adresse 2042],
857°/ à Mme [FIB] [CV], domiciliée [Adresse 2330],
858°/ à M. [ISH] [TK], domicilié [Adresse 2749],
859°/ à Mme [YAI] [TA], domiciliée [Adresse 1827],
860°/ à Mme [ASX] [WL], domiciliée [Adresse 572],
861°/ à M. [IOD] [GN], domicilié [Adresse 957],
862°/ à Mme [PZM] [GO], domiciliée [Adresse 255],
863°/ à Mme [ZC] [UM], domiciliée [Adresse 1977],
864°/ à Mme [XXR] [HT], domiciliée [Adresse 2412],
865°/ à M. [AAC] [DN], domicilié [Adresse 145],
866°/ à Mme [ZPE] [MC], domiciliée [Adresse 2240],
867°/ à Mme [SLC] [IB], domiciliée [Adresse 768],
868°/ à Mme [XXR] [RV], domiciliée [Adresse 2703],
869°/ à Mme [ZYS] [VE], domiciliée [Adresse 1006],
870°/ à Mme [NBG] [NT], domiciliée [Adresse 56],
871°/ à Mme [KKO] [VJ], domiciliée [Adresse 389],
872°/ à M. [IIX] [WT], domicilié [Adresse 1634],
873°/ à Mme [DT] [BPJ], domiciliée [Adresse 2838],
874°/ à Mme [ACD] [BCU], domiciliée [Adresse 235],
875°/ à Mme [ACD] [HEG], domiciliée [Adresse 209],
876°/ à Mme [PRJ] [RDZ], domiciliée [Adresse 436],
877°/ à Mme [TR] [FTW], domiciliée [Adresse 3071],
878°/ à Mme [CXW] [IGZ], domiciliée [Adresse 2906],
879°/ à M. [ZMV] [SLT], domicilié [Adresse 3040],
880°/ à M. [CU] [SUH], domicilié [Adresse 1201],
881°/ à Mme [PHS] [KVG], domiciliée [Adresse 1622],
882°/ à Mme [LMK] [OS], domiciliée [Adresse 1968],
883°/ à Mme [GE] [OKZ], domiciliée [Adresse 2351],
884°/ à Mme [OED] [RIW], domiciliée [Adresse 223],
885°/ à Mme [HWH] [PYS], domiciliée [Adresse 2938],
886°/ à Mme [ACD] [WJS], épouse [KEZ], domiciliée [Adresse 1569],
887°/ à M. [FKZ] [UHA], domicilié [Adresse 1157],
888°/ à Mme [JJC] [IOL], domiciliée [Adresse 3183],
889°/ à Mme [PO] [OGE], domiciliée [Adresse 2169],
890°/ à Mme [YTY] [KVI], domiciliée [Adresse 413],
891°/ à Mme [LOL] [LCM], domiciliée [Adresse 2414],
892°/ à Mme [KKO] [CFH], domiciliée [Adresse 2975],
893°/ à Mme [LMK] [DXK], domiciliée [Adresse 286],
894°/ à Mme [EH] [FGO], domiciliée [Adresse 240],
895°/ à Mme [TR] [RBD], domiciliée [Adresse 2293],
896°/ à Mme [KV] [GWX], domiciliée [Adresse 828],
897°/ à Mme [YTY] [MFF], domiciliée [Adresse 2278],
898°/ à Mme [NRD] [FWE], domiciliée [Adresse 1842],
899°/ à Mme [VYF] [UHI], domiciliée [Adresse 1589],
900°/ à M. [PFV] [XVU], domicilié [Adresse 1635],
901°/ à Mme [BPS] [MI], domiciliée [Adresse 172],
902°/ à Mme [ACD] [GBC], domiciliée [Adresse 2389],
903°/ à Mme [GEL] [RLW], domiciliée [Adresse 294],
904°/ à Mme [VC] [XKF], domiciliée [Adresse 1053],
905°/ à M. [JXK] [FDK], domicilié [Adresse 3048],
906°/ à Mme [XXR] [SUP], domiciliée [Adresse 435],
907°/ à Mme [ACD] [VVF], domiciliée [Adresse 3015],
908°/ à Mme [ZYS] [LZY], domiciliée [Adresse 1774],
909°/ à Mme [CNE] [ZNL], domiciliée [Adresse 1003],
910°/ à Mme [CGZ] [OIU], domiciliée [Adresse 61],
911°/ à Mme [GIR] [OTW], domiciliée [Adresse 2041],
912°/ à Mme [ZKY] [BJM], domiciliée [Adresse 2132],
913°/ à Mme [EIZ] [HDT], domiciliée [Adresse 11],
914°/ à Mme [YB] [LM], domiciliée [Adresse 2370],
915°/ à M. [IOD] [REJ], domicilié [Adresse 391],
916°/ à Mme [MKX] [PKN], domiciliée [Adresse 1841],
917°/ à Mme [RDI] [NAB], domiciliée [Adresse 1493],
918°/ à Mme [VYF] [MRA], domiciliée [Adresse 3219],
919°/ à Mme [UEC] [EAG], domiciliée [Adresse 1184],
920°/ à Mme [PRJ] [GXF], domiciliée [Adresse 2981],
921°/ à Mme [JHM] [OKM], domiciliée [Adresse 2076],
922°/ à Mme [LLA] [YXN], domiciliée [Adresse 2910],
923°/ à Mme [ACD] [ULR], domiciliée [Adresse 518],
924°/ à Mme [PTA] [SKU], domiciliée [Adresse 867],
925°/ à M. [AON] [MU], domicilié [Adresse 1887],
926°/ à Mme [BPJ] [IFC], domiciliée [Adresse 1018],
927°/ à Mme [TX] [UMU], domiciliée [Adresse 2256],
928°/ à Mme [JXR] [KJH], domiciliée [Adresse 2249],
929°/ à Mme [SZO] [ZGF], domiciliée [Adresse 1738],
930°/ à Mme [NHH] [BT], domiciliée [Adresse 1889],
931°/ à Mme [NHH] [OMU], domiciliée [Adresse 939],
932°/ à M. [KZR] [LAU], domicilié [Adresse 918],
933°/ à Mme [IGL] [TTU], domiciliée [Adresse 721],
934°/ à M. [JXK] [SNN], domicilié [Adresse 575],
935°/ à M. [ISJ] [UUD], domicilié [Adresse 1087],
936°/ à Mme [TX] [DHV] [GER], domiciliée [Adresse 2931],
937°/ à Mme [JXR] [GVW], domiciliée [Adresse 3090],
938°/ à Mme [WMS] [MWJ], domiciliée [Adresse 1939],
939°/ à Mme [OHZ] [S], domiciliée [Adresse 2744],
940°/ à Mme [JHM] [U], domiciliée [Adresse 754],
941°/ à Mme [LIO] [P], domiciliée [Adresse 836],
942°/ à Mme [LOL] [AC], domiciliée [Adresse 2106],
943°/ à M. [XFR] [MA], domicilié [Adresse 2437],
944°/ à Mme [ACD] [PE], domiciliée [Adresse 1984],
945°/ à M. [KOT] [PE], domicilié [Adresse 3156],
946°/ à Mme [CYG] [VN], domiciliée [Adresse 1509],
947°/ à Mme [CGG] [UG], domiciliée [Adresse 67],
948°/ à Mme [CNS] [IN], domiciliée [Adresse 98],
949°/ à Mme [BUB] [UU], domiciliée [Adresse 1404],
950°/ à Mme [XVH] [JY], domiciliée [Adresse 2977],
951°/ à Mme [LMK] [DB], domiciliée [Adresse 1579],
952°/ à Mme [NIZ] [XM], domiciliée [Adresse 774],
953°/ à Mme [IPH] [VM], domiciliée [Adresse 1239],
954°/ à Mme [OBL] [LF], domiciliée [Adresse 745],
955°/ à Mme [TEY] [VS], domiciliée [Adresse 863],
956°/ à Mme [ZKY] [RE], domiciliée [Adresse 2372],
957°/ à Mme [LOL] [GP], domiciliée [Adresse 1508],
958°/ à Mme [IJH] [HL], domiciliée [Adresse 2290],
959°/ à Mme [XWG] [JD], domiciliée [Adresse 2874],
960°/ à Mme [IWO] [NMO], domiciliée [Adresse 2081],
961°/ à Mme [JOZ] [LA], domiciliée [Adresse 3017],
962°/ à Mme [ASX] [DJP], domiciliée [Adresse 1643],
963°/ à Mme [TX] [XFI], domiciliée [Adresse 784],
964°/ à Mme [SKU] [XVL], domiciliée [Adresse 763],
965°/ à Mme [PVN] [YTH], domiciliée [Adresse 310],
966°/ à Mme [ZKY] [GOA], domiciliée [Adresse 642],
967°/ à Mme [SXB] [WHM], domiciliée [Adresse 1275],
968°/ à M. [RRX] [CEG], domicilié [Adresse 3064],
969°/ à Mme [NRD] [ZLC], domiciliée [Adresse 1213],
970°/ à Mme [CGU] [PGD], domiciliée [Adresse 2749],
971°/ à Mme [UEC] [IJP], domiciliée [Adresse 1199],
972°/ à Mme [ISE] [JJV], domiciliée [Adresse 901],
973°/ à Mme [PRJ] [EFY], domiciliée [Adresse 2694],
974°/ à M. [PRJ] [DFY], domicilié [Adresse 1093],
975°/ à Mme [PO] [EBC], domiciliée [Adresse 3165],
976°/ à Mme [JGM] [JSM] [MXP], domiciliée [Adresse 2047],
977°/ à Mme [DGD] [YKC], domiciliée [Adresse 823],
978°/ à Mme [RF] [LFA], domiciliée [Adresse 449],
979°/ à Mme [ILP] [MFP], domiciliée [Adresse 2728],
980°/ à Mme [LMK] [DSJ], domiciliée [Adresse 570],
981°/ à Mme [AMA] [NYL], domiciliée [Adresse 1158],
982°/ à M. [DP] [IMR], domicilié [Adresse 1173],
983°/ à Mme [KPY] [YLB], domiciliée [Adresse 1248],
984°/ à Mme [LM] [HBY], domiciliée [Adresse 888],
985°/ à Mme [EIZ] [XVD], domiciliée [Adresse 2684],
986°/ à Mme [ZYS] [RUK], domiciliée [Adresse 2664],
987°/ à Mme [YDV] [VPE], domiciliée [Adresse 2080],
988°/ à Mme [LM] [JGO], domiciliée [Adresse 1764],
989°/ à Mme [VHD] [CGL], domiciliée [Adresse 806],
990°/ à Mme [ILP] [WVK], domiciliée [Adresse 776],
991°/ à Mme [XXR] [LKS], domiciliée [Adresse 2901],
992°/ à Mme [NIZ] [YVV], domiciliée [Adresse 2990],
993°/ à M. [MU] [LM], domicilié [Adresse 226],
994°/ à Mme [AFH] [RRT], domiciliée [Adresse 2235],
995°/ à Mme [NRD] [CCU], domiciliée [Adresse 2888],
996°/ à Mme [IPH] [JXT], domiciliée [Adresse 2054],
997°/ à Mme [CNE] [BSB], domiciliée [Adresse 1748],
998°/ à Mme [CHP] [AHM], domiciliée [Adresse 994],
999°/ à Mme [ZWR] [CBP], domiciliée [Adresse 1041],
1000°/ à M. [RRX] [LM], domicilié [Adresse 1927],
1001°/ à Mme [CGU] [EUJ], domiciliée [Adresse 590],
1002°/ à Mme [FLV] [NGD], domiciliée [Adresse 371],
1003°/ à Mme [XWG] [BVN], domiciliée [Adresse 2510],
1004°/ à M. [OLD] [ULR], domicilié [Adresse 1115],
1005°/ à Mme [CNE] [WTJ], domiciliée [Adresse 1084],
1006°/ à Mme [LM] [BXY], domiciliée [Adresse 1679],
1007°/ à Mme [IPH] [YVE], domiciliée [Adresse 334],
1008°/ à Mme [BUB] [JHV], domiciliée [Adresse 2474],
1009°/ à M. [HOW] [YTP], domicilié [Adresse 549],
1010°/ à Mme [CHM] [ITZ], domiciliée [Adresse 1399],
1011°/ à Mme [BAG] [AMN], domiciliée [Adresse 884],
1012°/ à Mme [GEL] [LKW], domiciliée [Adresse 1418],
1013°/ à Mme [PHS] [FEL], domiciliée [Adresse 440],
1014°/ à Mme [MM] [BBK], domiciliée [Adresse 2531],
1015°/ à Mme [JOZ] [EUE], domiciliée [Adresse 2590],
1016°/ à Mme [FJM] [UWR], domiciliée [Adresse 1808],
1017°/ à Mme [XCR] [OGV], domiciliée [Adresse 1523],
1018°/ à Mme [LMG] [HXP], domiciliée [Adresse 208],
1019°/ à Mme [LM] [UAG], domiciliée [Adresse 1221],
1020°/ à Mme [SRB] [BNS], domiciliée [Adresse 883],
1021°/ à Mme [LM] [BRF], domiciliée [Adresse 1784],
1022°/ à Mme [SXB] [MHC], domiciliée [Adresse 2735],
1023°/ à Mme [ULK] [BWG], domiciliée [Adresse 1972],
1024°/ à Mme [BPS] [LYS], domiciliée [Adresse 842],
1025°/ à Mme [CHM] [LLC], domiciliée [Adresse 395],
1026°/ à Mme [MN] [E], domiciliée [Adresse 2774],
1027°/ à Mme [GE] [GL], domiciliée [Adresse 2882],
1028°/ à Mme [CJH] [DY], domiciliée [Adresse 2180],
1029°/ à Mme [TAB] [DK], domiciliée [Adresse 2775],
1030°/ à Mme [TX] [MH], domiciliée [Adresse 1137],
1031°/ à Mme [TX] [RY], domiciliée [Adresse 2844],
1032°/ à Mme [OVI] [XI], domiciliée [Adresse 2102],
1033°/ à Mme [GSJ] [WR], domiciliée [Adresse 685],
1034°/ à Mme [WVT] [TH], domiciliée [Adresse 3062],
1035°/ à Mme [TX] [ZE], domiciliée [Adresse 444],
1036°/ à Mme [XXR] [OH], domiciliée [Adresse 1489],
1037°/ à Mme [CGZ] [SI], domiciliée [Adresse 972],
1038°/ à Mme [PA] [ZZ], épouse [NN], domiciliée [Adresse 894],
1039°/ à Mme [LM] [NI], domiciliée [Adresse 662],
1040°/ à Mme [YTY] [WVG], domiciliée [Adresse 2018],
1041°/ à M. [OLL] [HOI], domicilié [Adresse 1447],
1042°/ à Mme [LM] [SEE], domiciliée [Adresse 2400],
1043°/ à Mme [ZWR] [SRU], domiciliée [Adresse 2749],
1044°/ à Mme [CUX] [MVK], domiciliée [Adresse 1649],
1045°/ à Mme [ACD] [CWX], domiciliée [Adresse 1923],
1046°/ à Mme [ZKY] [KHR], domiciliée [Adresse 968],
1047°/ à Mme [PFV] [JZW], domiciliée [Adresse 2677],
1048°/ à M. [ZNY] [OIJ], domicilié [Adresse 1358],
1049°/ à Mme [UDP] [AAV], domiciliée [Adresse 1607],
1050°/ à Mme [RJA] [LPG], domiciliée [Adresse 2111],
1051°/ à Mme [LM] [UZR], domiciliée [Adresse 2297],
1052°/ à Mme [ZPE] [DTN], domiciliée [Adresse 83],
1053°/ à M. [OLL] [TEH], domicilié [Adresse 930],
1054°/ à Mme [EPV] [RWN], épouse [MYG], domiciliée [Adresse 2709],
1055°/ à Mme [PTA] [PYW], épouse [MTF], domiciliée [Adresse 1476],
1056°/ à M. [PE] [JJY], domicilié [Adresse 1778],
1057°/ à Mme [JGM] [FLM], domiciliée [Adresse 1044],
1058°/ à Mme [YTY] [IUH], domiciliée [Adresse 3175],
1059°/ à Mme [ZKY] [BLE], domiciliée [Adresse 2778],
1060°/ à M. [WVC] [PBI], domicilié [Adresse 855],
1061°/ à Mme [USM] [PGJ], domiciliée [Adresse 646],
1062°/ à Mme [BGU] [MKG], domiciliée [Adresse 2866],
1063°/ à Mme [SBK] [XOY], domiciliée [Adresse 632],
1064°/ à Mme [CGZ] [KXW], domiciliée [Adresse 1683],
1065°/ à Mme [LLY] [PDL], domiciliée [Adresse 1182],
1066°/ à Mme [ISV] [VHU], domiciliée [Adresse 1357],
1067°/ à Mme [JHM] [WAK], domiciliée [Adresse 1614],
1068°/ à Mme [GE] [EPE], domiciliée [Adresse 242],
1069°/ à Mme [CGR] [OLL], épouse [HIS], domiciliée [Adresse 1743],
1070°/ à Mme [SKU] [VMR], domiciliée [Adresse 117],
1071°/ à Mme [CJH] [KXF], domiciliée [Adresse 2753],
1072°/ à Mme [NHH] [LPT], domiciliée [Adresse 476],
1073°/ à Mme [BPJ] [KUS], domiciliée [Adresse 303],
1074°/ à Mme [NRD] [DKI], domiciliée [Adresse 1359],
1075°/ à Mme [CHM] [MTL], domiciliée [Adresse 14],
1076°/ à Mme [LM] [MNG], domiciliée [Adresse 2965],
1077°/ à Mme [ACD] [UWV], domiciliée [Adresse 2818],
1078°/ à M. [BMD] [CKD], domicilié [Adresse 2019],
1079°/ à Mme [XMC] [LM], domiciliée [Adresse 2394],
1080°/ à Mme [LM] [LM], domiciliée [Adresse 1517],
1081°/ à Mme [YDV] [SUS], domiciliée [Adresse 981],
1082°/ à M. [PRJ] [EEG], domicilié [Adresse 1693],
1083°/ à Mme [VYF] [UXP], domiciliée [Adresse 2656],
1084°/ à M. [IUH] [NFC], domicilié [Adresse 3006],
1085°/ à Mme [IGL] [MCJ], domiciliée [Adresse 3037],
1086°/ à Mme [ULK] [BJV], domiciliée [Adresse 2262],
1087°/ à M. [YPD] [AXF], domicilié [Adresse 791],
1088°/ à Mme [JHM] [UDY], domiciliée [Adresse 822],
1089°/ à Mme [WHA] [OHZ], domiciliée [Adresse 2058],
1090°/ à Mme [JJE] [NFG], domiciliée [Adresse 2463],
1091°/ à Mme [PRJ] [ULR], domiciliée [Adresse 633],
1092°/ à Mme [JXK] [GUE], épouse [YBD], domiciliée [Adresse 253],
1093°/ à Mme [JXK] [GXI], domiciliée [Adresse 423],
1094°/ à Mme [FJH] [RJR], domiciliée [Adresse 1406],
1095°/ à Mme [JKI] [APE], domiciliée [Adresse 2667],
1096°/ à Mme [TX] [FKR], domiciliée [Adresse 1959],
1097°/ à M. [LD] [IVF], domicilié [Adresse 112],
1098°/ à Mme [TX] [TGX], domiciliée [Adresse 1197],
1099°/ à Mme [LLA] [SJW], domiciliée [Adresse 1422],
1100°/ à M. [LV] [UKG], domicilié [Adresse 126],
1101°/ à Mme [DEZ] [WDC], domiciliée [Adresse 1408],
1102°/ à Mme [JOZ] [JLP], domiciliée [Adresse 609],
1103°/ à Mme [TX] [ZRH], domiciliée [Adresse 1505],
1104°/ à Mme [LM] [EMR], domiciliée [Adresse 183],
1105°/ à Mme [TX] [PLV], domiciliée [Adresse 2503],
1106°/ à Mme [FTN] [NFA], domiciliée [Adresse 783],
1107°/ à Mme [PHS] [LZU], domiciliée [Adresse 826],
1108°/ à Mme [VYF] [DFC] [OYM], domiciliée [Adresse 1287],
1109°/ à Mme [IUH] [GJ], domiciliée [Adresse 2234],
1110°/ à Mme [WAT] [GFT], domiciliée [Adresse 3170],
1111°/ à Mme [FBK] [RUV], domiciliée [Adresse 2723],
1112°/ à Mme [IPH] [THP], domiciliée [Adresse 996],
1113°/ à Mme [LAL] [CNX], domiciliée [Adresse 37],
1114°/ à Mme [PNP] [LWE], domiciliée [Adresse 912],
1115°/ à Mme [DKA] [NUB], domiciliée [Adresse 1997],
1116°/ à Mme [FJM] [YVI], domiciliée [Adresse 354],
1117°/ à Mme [JOZ] [YG], domiciliée [Adresse 87],
1118°/ à Mme [FP] [WO], domiciliée [Adresse 1927],
1119°/ à Mme [LIG] [HE], domiciliée [Adresse 2339],
1120°/ à Mme [VK] [EG], domiciliée [Adresse 45],
1121°/ à Mme [CU] [AB], domiciliée [Adresse 1836],
1122°/ à Mme [LM] [NX], domiciliée [Adresse 352],
1123°/ à Mme [IPH] [XA], domiciliée [Adresse 874],
1124°/ à Mme [HEU] [LXC], domiciliée [Adresse 295],
1125°/ à Mme [SRJ] [ABH], domiciliée [Adresse 2130],
1126°/ à Mme [PHS] [FA], domiciliée [Adresse 2895],
1127°/ à M. [EPV] [FW], domicilié [Adresse 1328],
1128°/ à Mme [LM] [DO], domiciliée [Adresse 1851],
1129°/ à Mme [YTY] [XB], domiciliée [Adresse 22],
1130°/ à Mme [ACD] [JA], domiciliée [Adresse 989],
1131°/ à Mme [TX] [OE], domiciliée [Adresse 211],
1132°/ à Mme [PO] [IV], domiciliée [Adresse 2142],
1133°/ à Mme [VYF] [BCU], domiciliée [Adresse 1183],
1134°/ à Mme [NAL] [FLH], domiciliée [Adresse 595],
1135°/ à Mme [PE] [SOG], domiciliée [Adresse 1995],
1136°/ à Mme [ISV] [MCU], épouse [ZR], domiciliée [Adresse 315],
1137°/ à Mme [PHS] [CVT], domiciliée [Adresse 92],
1138°/ à Mme [IOI] [ATF], domiciliée [Adresse 2803],
1139°/ à Mme [ZKY] [IJP], domiciliée [Adresse 1449],
1140°/ à Mme [PVN] [EKZ], domiciliée [Adresse 1049],
1141°/ à Mme [LM] [AIR], domiciliée [Adresse 1788],
1142°/ à Mme [SCJ] [DKZ], domiciliée [Adresse 1327],
1143°/ à Mme [XXR] [IXI], domiciliée [Adresse 1514],
1144°/ à Mme [TUT] [CBY], domiciliée [Adresse 308],
1145°/ à Mme [ZAW] [CJM], domiciliée [Adresse 281],
1146°/ à Mme [ASX] [IUH], domiciliée [Adresse 316],
1147°/ à Mme [TR] [VSF], domiciliée [Adresse 2285],
1148°/ à Mme [SRB] [KKG], domiciliée [Adresse 3135],
1149°/ à M. [HJP] [KHI], domicilié [Adresse 1522],
1150°/ à Mme [XC] [TRR], domiciliée [Adresse 2356],
1151°/ à Mme [NRD] [RLF], domiciliée [Adresse 2140],
1152°/ à Mme [OED] [OKV], domiciliée [Adresse 2556],
1153°/ à Mme [ISE] [XXR] [DOI], domiciliée [Adresse 3148],
1154°/ à Mme [IBF] [XMO], domiciliée [Adresse 2121],
1155°/ à Mme [ERA] [WUY], domiciliée [Adresse 2704],
1156°/ à Mme [SKU] [DOI], domiciliée [Adresse 1706],
1157°/ à M. [KJF] [VSF], domicilié [Adresse 2671],
1158°/ à Mme [JUC] [VVJ], domiciliée [Adresse 725],
1159°/ à Mme [XIR] [TLU], domiciliée [Adresse 1625],
1160°/ à M. [HOW] [YDI], domicilié [Adresse 1695],
1161°/ à M. [POE] [YVZ], domicilié [Adresse 531],
1162°/ à Mme [CRW] [SOO], domiciliée [Adresse 160],
1163°/ à Mme [NKD] [SSC], domiciliée [Adresse 1462],
1164°/ à Mme [ZGB] [JHM], domiciliée [Adresse 134],
1165°/ à Mme [KA] [UCJ], domiciliée [Adresse 2749],
1166°/ à Mme [JXN] [LUX], domiciliée [Adresse 2221],
1167°/ à Mme [WS] [LJV], domiciliée [Adresse 1720],
1168°/ à Mme [FZ] [ZIK], domiciliée [Adresse 2749]. [Adresse 3036],
1169°/ à Mme [IBF] [IXN], domiciliée [Adresse 1402],
1170°/ à Mme [AJ] [KAG], domiciliée [Adresse 677],
1171°/ à M. [JXK] [UZI], domicilié [Adresse 1504],
1172°/ à M. [UCH] [ULT], domicilié [Adresse 2040],
1173°/ à Mme [PIR] [TZD], domiciliée [Adresse 1741],
1174°/ à Mme [VCC] [ATT], domiciliée [Adresse 1737],
1175°/ à Mme [JGM] [HRL], domiciliée [Adresse 4],
1176°/ à Mme [TUT] [LM], domiciliée [Adresse 2167],
1177°/ à Mme [IGO] [PFM], domiciliée [Adresse 1179],
1178°/ à Mme [NAL] [KYE], domiciliée [Adresse 401],
1179°/ à Mme [PTG] [LHF], domiciliée [Adresse 753],
1180°/ à Mme [FZ] [TLH], domiciliée [Adresse 2195],
1181°/ à Mme [NRD] [FKU], domiciliée [Adresse 1848],
1182°/ à Mme [NAL] [YCJ], domiciliée [Adresse 705],
1183°/ à Mme [JCR] [XHF], domiciliée [Adresse 815],
1184°/ à M. [OLD] [VLW], domicilié [Adresse 191],
1185°/ à Mme [ZDN] [WDG], domiciliée [Adresse 2726],
1186°/ à Mme [LOL] [XIM], domiciliée [Adresse 1380],
1187°/ à Mme [JXK] [XYP], domiciliée [Adresse 227],
1188°/ à M. [EPV] [RSF], domicilié [Adresse 593],
1189°/ à Mme [LM] [JFH], domiciliée [Adresse 1626],
1190°/ à Mme [LM] [SK], domiciliée [Adresse 1362],
1191°/ à Mme [ZWR] [VZP], domiciliée [Adresse 3188],
1192°/ à M. [VPI] [MUU], domicilié [Adresse 5],
1193°/ à Mme [UGD] [XDH], domiciliée [Adresse 1294],
1194°/ à Mme [NYP] [DWO], domiciliée [Adresse 733],
1195°/ à Mme [LM] [YNO], domiciliée [Adresse 1016],
1196°/ à Mme [CD] [PGU], domiciliée [Adresse 1195],
1197°/ à [JGM] [LHD], épouse [YAM], ayant été domiciliée [Adresse 2713], décédée,
1198°/ à M. [KBW] [OPH], domicilié [Adresse 2924],
1199°/ à Mme [LM] [GOT], domiciliée [Adresse 1770],
1200°/ à Mme [PTA] [BDY] [AP], domiciliée [Adresse 2764],
1201°/ à M. [NIZ] [BSE], domicilié [Adresse 274],
1202°/ à Mme [PHS] [DHV], domiciliée [Adresse 1396],
1203°/ à Mme [ZC] [FCB], domiciliée [Adresse 2341],
1204°/ à Mme [FLV] [UFH], domiciliée [Adresse 3216],
1205°/ à Mme [PFV] [VIW], domiciliée [Adresse 161],
1206°/ à M. [CU] [XMG], domicilié [Adresse 2417],
1207°/ à Mme [CD] [OA], domiciliée [Adresse 1546],
1208°/ à Mme [GEL] [TW], domiciliée [Adresse 2509],
1209°/ à Mme [WB] [LXC], domiciliée [Adresse 2464],
1210°/ à M. [OPN] [HS], domicilié [Adresse 2821],
1211°/ à M. [EIZ] [LSH], domicilié [Adresse 2232],
1212°/ à Mme [ZKY] [EO], domiciliée [Adresse 2749],
1213°/ à Mme [ASX] [OZ], domiciliée [Adresse 3206],
1214°/ à Mme [RRR] [GN], domiciliée [Adresse 1602],
1215°/ à Mme [EZN] [LP], domiciliée [Adresse 574],
1216°/ à Mme [EWX] [EB], domiciliée [Adresse 181],
1217°/ à Mme [WKM] [NG], domiciliée [Adresse 1873],
1218°/ à Mme [KKO] [CJ], domiciliée [Adresse 2655],
1219°/ à Mme [PE] [PD], domiciliée [Adresse 20],
1220°/ à Mme [CUX] [ABH], domiciliée [Adresse 2716],
1221°/ à Mme [CTA] [PZ], domiciliée [Adresse 758],
1222°/ à Mme [IBF] [OB], domiciliée [Adresse 385],
1223°/ à Mme [XWG] [VX], domiciliée [Adresse 1870],
1224°/ à Mme [KKO] [XO], domiciliée [Adresse 1640],
1225°/ à Mme [BPS] [VSN], domiciliée [Adresse 364],
1226°/ à Mme [WS] [YDA], domiciliée [Adresse 2828],
1227°/ à Mme [BZT] [XVP], domiciliée [Adresse 411],
1228°/ à Mme [OBP] [VEU], domiciliée [Adresse 272],
1229°/ à Mme [LFM] [VJV], domiciliée [Adresse 3223],
1230°/ à Mme [KKO] [KKE], domiciliée [Adresse 2061],
1231°/ à M. [KKO] [RRI], domicilié [Adresse 2749],
1232°/ à M. [YFJ] [OYM], domicilié [Adresse 2529],
1233°/ à Mme [VHD] [UHA], domiciliée [Adresse 2212],
1234°/ à Mme [HOW] [DNM], domiciliée [Adresse 3042],
1235°/ à Mme [UV] [TUK], domiciliée [Adresse 1664],
1236°/ à Mme [LM] [JUS], domiciliée [Adresse 1095],
1237°/ à Mme [XXR] [SWT], domiciliée [Adresse 734],
1238°/ à Mme [BPS] [JEO], domiciliée [Adresse 528],
1239°/ à M. [IWM] [CUO], domicilié [Adresse 2588],
1240°/ à Mme [ZKY] [FRN], domiciliée [Adresse 948],
1241°/ à Mme [ASX] [HLP], domiciliée [Adresse 861],
1242°/ à Mme [PRJ] [YAA], domiciliée [Adresse 541],
1243°/ à Mme [ACD] [OHM], domiciliée [Adresse 72],
1244°/ à Mme [LM] [LVN], domiciliée [Adresse 321],
1245°/ à Mme [HOW] [VJM], domiciliée [Adresse 2672],
1246°/ à Mme [JHM] [FWS], domiciliée [Adresse 723],
1247°/ à Mme [HLC] [GLV], domiciliée [Adresse 2952],
1248°/ à Mme [ZYS] [YRC], domiciliée [Adresse 368],
1249°/ à Mme [KUJ] [HEL], domiciliée [Adresse 1064],
1250°/ à Mme [SRB] [HON], domiciliée [Adresse 2153],
1251°/ à Mme [LSS] [YVI], domiciliée [Adresse 454],
1252°/ à Mme [NRD] [EBY], domiciliée [Adresse 2516],
1253°/ à Mme [BPS] [UOM], domiciliée [Adresse 2173],
1254°/ à M. [ICG] [ZDB], domicilié [Adresse 1765],
1255°/ à Mme [NYY] [IHH], domiciliée [Adresse 643],
1256°/ à Mme [OKR] [WHV], domiciliée [Adresse 62],
1257°/ à Mme [NIZ] [XPO], domiciliée [Adresse 1457],
1258°/ à Mme [LYB] [DNS], domiciliée [Adresse 1820],
1259°/ à Mme [EPV] [KJP], domiciliée [Adresse 2178],
1260°/ à Mme [JXK] [MVZ], domiciliée [Adresse 1297],
1261°/ à Mme [ISV] [SWG], domiciliée [Adresse 403],
1262°/ à Mme [FIB] [KMW], domiciliée [Adresse 2853],
1263°/ à Mme [FJM] [DKL], domiciliée [Adresse 251],
1264°/ à Mme [LM] [LNB], domiciliée [Adresse 1814],
1265°/ à Mme [PFV] [TZD], domiciliée [Adresse 2642],
1266°/ à Mme [JHM] [ELM], domiciliée [Adresse 200],
1267°/ à Mme [LM] [JSV], domiciliée [Adresse 13],
1268°/ à Mme [LM] [PBR], domiciliée [Adresse 1501],
1269°/ à Mme [TAB] [BRN], domiciliée [Adresse 3103],
1270°/ à Mme [JHM] [NCO], domiciliée [Adresse 2185],
1271°/ à Mme [CNE] [MSM], domiciliée [Adresse 1407],
1272°/ à Mme [XWG] [LFT], domiciliée [Adresse 548],
1273°/ à M. [JGO] [AHH], domicilié [Adresse 197],
1274°/ à M. [PS] [ABG], domicilié [Adresse 787],
1275°/ à M. [OLD] [SIO], domicilié [Adresse 1279],
1276°/ à Mme [TX] [BYB], domiciliée [Adresse 2851],
1277°/ à Mme [OHZ] [ZXT], domiciliée [Adresse 3080],
1278°/ à Mme [NBG] [FIG], domiciliée [Adresse 1351],
1279°/ à Mme [BPJ] [ZAB], domiciliée [Adresse 147],
1280°/ à Mme [EIZ] [YHK], domiciliée [Adresse 357],
1281°/ à Mme [LM] [CNV], domiciliée [Adresse 1656],
1282°/ à Mme [YTY] [CIR], domiciliée [Adresse 663],
1283°/ à Mme [NRD] [DIW], domiciliée [Adresse 2814],
1284°/ à Mme [NTR] [VPR], domiciliée [Adresse 507],
1285°/ à Mme [JHM] [WTJ], domiciliée [Adresse 2983],
1286°/ à Mme [ACD] [ZLK], domiciliée [Adresse 1411],
1287°/ à Mme [PHS] [EKL], domiciliée [Adresse 475],
1288°/ à Mme [XXR] [BRA], domiciliée [Adresse 1224],
1289°/ à Mme [GEL] [NRL], domiciliée [Adresse 2073],
1290°/ à Mme [FZP] [ZKL], domiciliée [Adresse 873],
1291°/ à Mme [GEL] [TMK], domiciliée [Adresse 2830],
1292°/ à Mme [JHM] [FJM], domiciliée [Adresse 2098],
1293°/ à Mme [RRR] [BXF], domiciliée [Adresse 397],
1294°/ à Mme [BXN] [BOR], domiciliée [Adresse 1821],
1295°/ à Mme [YTY] [EAL], domiciliée [Adresse 2649],
1296°/ à Mme [EKA] [KRU], domiciliée [Adresse 1233],
1297°/ à M. [UWZ] [UJ], domicilié [Adresse 1258],
1298°/ à Mme [NHH] [UO], domiciliée [Adresse 3],
1299°/ à Mme [CYG] [PJ], domiciliée [Adresse 1717],
1300°/ à M. [JXK] [OF], domicilié [Adresse 905],
1301°/ à Mme [UVA] [ER], domiciliée [Adresse 1897],
1302°/ à Mme [ZKY] [BO], domiciliée [Adresse 704],
1303°/ à Mme [ACD] [KN], domiciliée [Adresse 757],
1304°/ à Mme [PIE] [TY], domiciliée [Adresse 2117],
1305°/ à Mme [FP] [PV], domiciliée [Adresse 1783],
1306°/ à Mme [LM] [NH], domiciliée [Adresse 1375],
1307°/ à Mme [ASX] [WE], domiciliée [Adresse 381],
1308°/ à Mme [YTY] [LG], domiciliée [Adresse 1200],
1309°/ à M. [FKZ] [OPN] [NY], domicilié [Adresse 2449],
1310°/ à Mme [FOI] [ES], domiciliée [Adresse 55],
1311°/ à Mme [FJM] [FO], domiciliée [Adresse 2693],
1312°/ à Mme [XJT] [IY], domiciliée [Adresse 1145],
1313°/ à M. [S] [CT], domicilié [Adresse 340],
1314°/ à Mme [PFV] [BJE], domiciliée [Adresse 934],
1315°/ à Mme [ZWR] [LR], domiciliée [Adresse 2031],
1316°/ à Mme [ACD] [SW], domiciliée [Adresse 1837],
1317°/ à Mme [ZGB] [WVG], domiciliée [Adresse 2165],
1318°/ à Mme [KKO] [ECG], domiciliée [Adresse 2289],
1319°/ à Mme [LM] [ZAS], domiciliée [Adresse 801],
1320°/ à M. [RRX] [HUJ], domicilié [Adresse 499],
1321°/ à Mme [UHR] [FIU], domiciliée [Adresse 2857],
1322°/ à Mme [SJ] [TJK], domiciliée [Adresse 2204],
1323°/ à Mme [ZKY] [TUM], domiciliée [Adresse 1037],
1324°/ à Mme [TUT] [VOW], domiciliée [Adresse 624],
1325°/ à Mme [NBG] [KVA], domiciliée [Adresse 2630],
1326°/ à Mme [GE] [MPP], domiciliée [Adresse 2239],
1327°/ à Mme [EKA] [SWO], domiciliée [Adresse 2478],
1328°/ à Mme [LM] [SLO], domiciliée [Adresse 455],
1329°/ à Mme [RJI] [HXA], domiciliée [Adresse 1097],
1330°/ à Mme [EIZ] [IEO], domiciliée [Adresse 1865],
1331°/ à M. [KHI] [EAX], domicilié [Adresse 2784],
1332°/ à Mme [FTN] [JZY], domiciliée [Adresse 2678],
1333°/ à M. [CNE] [ALE], domicilié [Adresse 764],
1334°/ à Mme [XIR] [TXG], domiciliée [Adresse 1008],
1335°/ à Mme [LM] [IUH], domiciliée [Adresse 1877],
1336°/ à Mme [BVF] [IUH], domiciliée [Adresse 1520],
1337°/ à Mme [LM] [HGO], domiciliée [Adresse 1914],
1338°/ à M. [KHI] [SWX], domicilié [Adresse 2864],
1339°/ à Mme [GE] [AKI], domiciliée [Adresse 3269],
1340°/ à M. [NZA] [EPV], domicilié [Adresse 2384],
1341°/ à Mme [ASX] [LVD], domiciliée [Adresse 1863],
1342°/ à Mme [LM] [MH], domiciliée [Adresse 1136],
1343°/ à Mme [ACD] [VMA], domiciliée [Adresse 820],
1344°/ à Mme [SXB] [FGO], domiciliée [Adresse 2865],
1345°/ à Mme [KK] [PLA], domiciliée [Adresse 2967],
1346°/ à M. [JXK] [OFU], domicilié [Adresse 406],
1347°/ à Mme [PZM] [YPH], domiciliée [Adresse 2055],
1348°/ à Mme [CID] [ZYF], domiciliée [Adresse 1701],
1349°/ à Mme [GE] [ONZ], domiciliée [Adresse 2007],
1350°/ à Mme [NIZ] [PJD], domiciliée [Adresse 252],
1351°/ à Mme [RJA] [RRX], domiciliée [Adresse 1413],
1352°/ à Mme [TX] [IXN], domiciliée [Adresse 2391],
1353°/ à M. [MW] [AWB], domicilié [Adresse 2916],
1354°/ à Mme [PTA] [RWF], domiciliée [Adresse 2730],
1355°/ à Mme [LM] [LM], domiciliée [Adresse 3214],
1356°/ à Mme [CSJ] [LM], domiciliée [Adresse 676],
1357°/ à Mme [LM] [RIF], domiciliée [Adresse 2369],
1358°/ à Mme [NBG] [EGU], domiciliée [Adresse 2606],
1359°/ à Mme [ISE] [YMH], domiciliée [Adresse 3114],
1360°/ à Mme [NHH] [MIL], domiciliée [Adresse 2421],
1361°/ à Mme [RPY] [VPR], domiciliée [Adresse 2467],
1362°/ à Mme [ISV] [WTJ], domiciliée [Adresse 2486],
1363°/ à M. [IUH] [XRB], domicilié [Adresse 1079],
1364°/ à Mme [JOZ] [XRB], domiciliée [Adresse 3140],
1365°/ à M. [BTF] [YYV], domicilié [Adresse 219],
1366°/ à Mme [LM] [ZGJ], domiciliée [Adresse 2253],
1367°/ à Mme [TUT] [ZZA], domiciliée [Adresse 238],
1368°/ à Mme [ACD] [IMR], domiciliée [Adresse 832],
1369°/ à Mme [PTA] [JVK], domiciliée [Adresse 2797],
1370°/ à M. [PRJ] [IWM], domicilié [Adresse 2166],
1371°/ à Mme [YTY] [ABI], domiciliée [Adresse 877],
1372°/ à Mme [ZGB] [JMZ], domiciliée [Adresse 109],
1373°/ à Mme [XWG] [RTJ], domiciliée [Adresse 2137],
1374°/ à Mme [LM] [UYC], domiciliée [Adresse 799],
1375°/ à M. [ZCX] [DHV], domicilié [Adresse 2919],
1376°/ à M. [DP] [RZW], domicilié [Adresse 1296],
1377°/ à Mme [VYF] [MCB], domiciliée [Adresse 51],
1378°/ à Mme [JOZ] [KKX], domiciliée [Adresse 1237],
1379°/ à Mme [SMB] [LJK], domiciliée [Adresse 2548],
1380°/ à Mme [CEL] [NGL], domiciliée [Adresse 2660],
1381°/ à Mme [PII] [AH], domiciliée [Adresse 2294],
1382°/ à Mme [EKA] [OW], domiciliée [Adresse 2425],
1383°/ à Mme [ASX] [PB], domiciliée [Adresse 1308],
1384°/ à M. [OLD] [CO], domicilié [Adresse 807],
1385°/ à Mme [ACD] [FK], domiciliée [Adresse 2999],
1386°/ à M. [KBW] [RR], domicilié [Adresse 335],
1387°/ à Mme [K] [RR], domiciliée [Adresse 335],
1388°/ à Mme [PO] [OK], domiciliée [Adresse 2209],
1389°/ à Mme [LM] [DX], domiciliée [Adresse 1165],
1390°/ à Mme [USM] [AI], domiciliée [Adresse 2752],
1391°/ à Mme [ETN] [BE], domiciliée [Adresse 571],
1392°/ à Mme [GOR] [RD], domiciliée [Adresse 1966],
1393°/ à Mme [FZ] [MG], domiciliée [Adresse 1285],
1394°/ à Mme [VYF] [CW], domiciliée [Adresse 2755],
1395°/ à Mme [PHS] [OG], domiciliée [Adresse 929],
1396°/ à Mme [GE] [ZS], domiciliée [Adresse 3231],
1397°/ à Mme [EKI] [HG], domiciliée [Adresse 3123],
1398°/ à Mme [UHT] [IJ], domiciliée [Adresse 2143],
1399°/ à Mme [LMK] [VE], domiciliée [Adresse 2627],
1400°/ à Mme [PNF] [RG], domiciliée [Adresse 1188],
1401°/ à Mme [PIR] [WA], domiciliée [Adresse 1631],
1402°/ à Mme [BUB] [BR], domiciliée [Adresse 744],
1403°/ à Mme [YTY] [XJ], domiciliée [Adresse 1722],
1404°/ à Mme [LSS] [HA], domiciliée [Adresse 2112],
1405°/ à Mme [EKA] [NN], veuve [BSJ], domiciliée [Adresse 1456],
1406°/ à Mme [KKO] [PLI], domiciliée [Adresse 630],
1407°/ à Mme [PFV] [DJP], épouse [GXI], domiciliée [Adresse 1148],
1408°/ à Mme [ACD] [YYE], domiciliée [Adresse 1101],
1409°/ à Mme [RYT] [ZYN], domiciliée [Adresse 1391],
1410°/ à Mme [HOW] [CBC], domiciliée [Adresse 257],
1411°/ à Mme [ZKY] [YDE], domiciliée [Adresse 950],
1412°/ à Mme [XXR] [CPS], domiciliée [Adresse 1002],
1413°/ à Mme [JOZ] [MVR], domiciliée [Adresse 1846],
1414°/ à Mme [FIB] [JJT], domiciliée [Adresse 1099],
1415°/ à M. [PRJ] [NVW], domicilié [Adresse 2190],
1416°/ à Mme [NHH] [YIJ], domiciliée [Adresse 387],
1417°/ à Mme [TX] [OTL], domiciliée [Adresse 2066],
1418°/ à Mme [UHR] [BWO], domiciliée [Adresse 3142],
1419°/ à Mme [JXK] [DNE], domiciliée [Adresse 1581],
1420°/ à Mme [FUJ] [DFP], domiciliée [Adresse 1397],
1421°/ à Mme [OVI] [NAY], domiciliée [Adresse 2810],
1422°/ à Mme [PRJ] [SRW], domiciliée [Adresse 1763],
1423°/ à M. [AXT] [BBY], domicilié [Adresse 988],
1424°/ à Mme [FLV] [SWX], domiciliée [Adresse 974],
1425°/ à Mme [KKO] [KFF], domiciliée [Adresse 212],
1426°/ à M. [GWG] [LFK], domicilié [Adresse 1432],
1427°/ à Mme [ZPE] [WOT], domiciliée [Adresse 2944],
1428°/ à Mme [HOW] [DMI], domiciliée [Adresse 2085],
1429°/ à Mme [LVB] [FGO], domiciliée [Adresse 1381],
1430°/ à Mme [PHS] [HMA], domiciliée [Adresse 709],
1431°/ à Mme [LM] [BYG], domiciliée [Adresse 2526],
1432°/ à Mme [ZKY] [WVO], domiciliée [Adresse 2119],
1433°/ à Mme [TX] [WYC], domiciliée [Adresse 2260],
1434°/ à Mme [LIG] [ZVS], domiciliée [Adresse 2164],
1435°/ à Mme [JXK] [ABN], domiciliée [Adresse 1696],
1436°/ à Mme [SRB] [MPY], domiciliée [Adresse 2281],
1437°/ à Mme [LM] [OWJ], domiciliée [Adresse 1448],
1438°/ à Mme [GEL] [NPK], domiciliée [Adresse 1583],
1439°/ à Mme [ZU] [HGG], domiciliée [Adresse 347],
1440°/ à Mme [CSJ] [RZN], domiciliée [Adresse 2807],
1441°/ à Mme [NHH] [TUX], domiciliée [Adresse 1249],
1442°/ à Mme [TDR] [NGD], domiciliée [Adresse 416],
1443°/ à Mme [LIO] [EFH], domiciliée [Adresse 1806],
1444°/ à Mme [PHS] [NYU], domiciliée [Adresse 1970],
1445°/ à Mme [ACD] [TIU], domiciliée [Adresse 1454],
1446°/ à Mme [RNK] [ZLO], domiciliée [Adresse 124],
1447°/ à Mme [CGZ] [HMI], domiciliée [Adresse 2749]. [Adresse 3058],
1448°/ à Mme [BUB] [OPN], domiciliée [Adresse 3147],
1449°/ à Mme [DL] [ZKD], domiciliée [Adresse 629],
1450°/ à Mme [LOL] [NHU], domiciliée [Adresse 1478],
1451°/ à Mme [BPS] [VWY], domiciliée [Adresse 3136],
1452°/ à Mme [LM] [UMY], domiciliée [Adresse 2148],
1453°/ à M. [DCO] [TGK], domicilié [Adresse 1277],
1454°/ à Mme [MFF] [POM], domiciliée [Adresse 2568],
1455°/ à Mme [PIR] [ASS], domiciliée [Adresse 2032],
1456°/ à Mme [FFY] [SSK], domiciliée [Adresse 1349],
1457°/ à Mme [LM] [JHV], domiciliée [Adresse 2321],
1458°/ à M. [DP] [RIS], domicilié [Adresse 3197],
1459°/ à Mme [TDR] [ZGF], domiciliée [Adresse 1130],
1460°/ à Mme [YTY] [LXK], domiciliée [Adresse 3047],
1461°/ à Mme [BPJ] [SOT], domiciliée [Adresse 1558],
1462°/ à Mme [ULK] [OCS], domiciliée [Adresse 1342],
1463°/ à Mme [BPJ] [OAE], domiciliée [Adresse 792],
1464°/ à Mme [TX] [DPE], domiciliée [Adresse 3031],
1465°/ à M. [YYA] [EJH], domicilié [Adresse 1792],
1466°/ à Mme [KKO] [FBY], domiciliée [Adresse 2756],
1467°/ à Mme [BUB] [SSM], domiciliée [Adresse 174],
1468°/ à Mme [VYF] [PEI], domiciliée [Adresse 85],
1469°/ à Mme [JHM] [B], domiciliée [Adresse 1482],
1470°/ à Mme [EL] [BW], domiciliée [Adresse 379],
1471°/ à Mme [BKR] [BN], domiciliée [Adresse 1739],
1472°/ à Mme [MVC] [BDY], domiciliée [Adresse 2686],
1473°/ à Mme [NRD] [WZ], domiciliée [Adresse 1794],
1474°/ à Mme [GSJ] [VR], domiciliée [Adresse 664],
1475°/ à Mme [VYF] [DJ], domiciliée [Adresse 805],
1476°/ à Mme [JOZ] [WI], domiciliée [Adresse 2955],
1477°/ à Mme [JOZ] [ZR], domiciliée [Adresse 2537],
1478°/ à Mme [UVA] [VL], domiciliée [Adresse 2380],
1479°/ à Mme [LM] [HW], domiciliée [Adresse 1815],
1480°/ à Mme [WVT] [NN], domiciliée [Adresse 2791],
1481°/ à Mme [JXK] [BL], domiciliée [Adresse 1159],
1482°/ à Mme [RPY] [ME], domiciliée [Adresse 2554],
1483°/ à Mme [VUT] [VHL], domiciliée [Adresse 794],
1484°/ à M. [CNE] [VXO], domicilié [Adresse 1376],
1485°/ à Mme [ACD] [WST], domiciliée [Adresse 2608],
1486°/ à Mme [FIB] [GGO], domiciliée [Adresse 1256],
1487°/ à Mme [K] [PGH], domiciliée [Adresse 2050],
1488°/ à Mme [KUJ] [AGD], domiciliée [Adresse 1354],
1489°/ à Mme [CDV] [XYD], domiciliée [Adresse 2628],
1490°/ à Mme [DEZ] [WCU], domiciliée [Adresse 3111],
1491°/ à Mme [ZKY] [UEO], domiciliée [Adresse 1616],
1492°/ à Mme [ASX] [LPE], domiciliée [Adresse 2643],
1493°/ à Mme [BVF] [LKD], domiciliée [Adresse 3182],
1494°/ à Mme [FLV] [KCJ], domiciliée [Adresse 1198],
1495°/ à Mme [ABF] [NDF], domiciliée [Adresse 2951],
1496°/ à Mme [JXN] [IMB], domiciliée [Adresse 1025],
1497°/ à Mme [CNE] [OVZ], domiciliée [Adresse 88],
1498°/ à Mme [PFV] [BZC], domiciliée [Adresse 267],
1499°/ à Mme [AF] [UZR], domiciliée [Adresse 1859],
1500°/ à Mme [PE] [XPT], domiciliée [Adresse 961],
1501°/ à Mme [NHH] [DDC], domiciliée [Adresse 991],
1502°/ à M. [OLL] [VUK], domicilié [Adresse 1491],
1503°/ à Mme [RRR] [FWO], domiciliée [Adresse 3088],
1504°/ à Mme [KEV] [AVT], domiciliée [Adresse 1477],
1505°/ à Mme [ACD] [AWX], domiciliée [Adresse 2849],
1506°/ à Mme [SZO] [TBY], domiciliée [Adresse 2964],
1507°/ à Mme [OWP] [ECB], domiciliée [Adresse 1730],
1508°/ à Mme [PFV] [IR], domiciliée [Adresse 3248],
1509°/ à Mme [CTA] [XOY], domiciliée [Adresse 985],
1510°/ à Mme [YTY] [ANE], domiciliée [Adresse 1274],
1511°/ à Mme [HOW] [SLK], domiciliée [Adresse 1132],
1512°/ à Mme [KCO] [SLK], domiciliée [Adresse 1015],
1513°/ à Mme [LM] [ZNU], domiciliée [Adresse 3202],
1514°/ à M. [HOW] [FRD], domicilié [Adresse 380],
1515°/ à Mme [XMC] [WHI], domiciliée [Adresse 178],
1516°/ à Mme [KKO] [UOM], domiciliée [Adresse 1421],
1517°/ à Mme [FRW] [XIE], domiciliée [Adresse 1886],
1518°/ à Mme [XIR] [ZTR], domiciliée [Adresse 2408],
1519°/ à Mme [IBF] [II], domiciliée [Adresse 3234],
1520°/ à Mme [RJA] [XXV], domiciliée [Adresse 2623],
1521°/ à M. [ZKY] [RRX], domicilié [Adresse 1900],
1522°/ à Mme [SZO] [XCR], domiciliée [Adresse 1127],
1523°/ à Mme [BII] [MVC], domiciliée [Adresse 245],
1524°/ à Mme [WJ] [GIX], épouse [CTN], domiciliée [Adresse 139],
1525°/ à Mme [ZYS] [KSE], domiciliée [Adresse 1286],
1526°/ à Mme [ACD] [JUM], domiciliée [Adresse 628],
1527°/ à Mme [PRJ] [IZI], domiciliée [Adresse 1373],
1528°/ à Mme [YAI] [APJ], domiciliée [Adresse 2034],
1529°/ à Mme [WNE] [KFH], domiciliée [Adresse 2206],
1530°/ à M. [OPN] [KBY], domicilié [Adresse 1160],
1531°/ à Mme [VYF] [EUM], domiciliée [Adresse 1791],
1532°/ à Mme [GAX] [GSB], domiciliée [Adresse 665],
1533°/ à Mme [GWO] [EZK], domiciliée [Adresse 2898],
1534°/ à M. [GXC] [MML], domicilié [Adresse 23],
1535°/ à Mme [TR] [LTI], domiciliée [Adresse 1370],
1536°/ à Mme [OKR] [BCG], domiciliée [Adresse 184],
1537°/ à Mme [BPS] [ZRP], domiciliée [Adresse 1549],
1538°/ à Mme [NHH] [DDV], domiciliée [Adresse 1290],
1539°/ à Mme [ZKY] [SGF], domiciliée [Adresse 1063],
1540°/ à M. [POE] [IKD], domicilié [Adresse 1302],
1541°/ à Mme [XMC] [JSX], domiciliée [Adresse 299],
1542°/ à M. [RUM] [TKB], domicilié [Adresse 1735],
1543°/ à M. [IUH] [AZP], domicilié [Adresse 2936],
1544°/ à Mme [HLH] [ZXX], domiciliée [Adresse 1580],
1545°/ à Mme [DEZ] [NZA], domiciliée [Adresse 1423],
1546°/ à Mme [HTW] [ZKL], domiciliée [Adresse 2749],
1547°/ à Mme [IZK] [CBT] [YAM], domiciliée [Adresse 2732],
1548°/ à Mme [SRB] [INV], domiciliée [Adresse 1280],
1549°/ à M. [CNE] [RYK], domicilié [Adresse 1414],
1550°/ à Mme [KKO] [BGR], domiciliée [Adresse 2039],
1551°/ à Mme [VYF] [GHH], domiciliée [Adresse 2749],
1552°/ à Mme [LM] [SHK], domiciliée [Adresse 3281],
1553°/ à Mme [HV] [PHS], domiciliée [Adresse 1658],
1554°/ à Mme [LYB] [TXT], domiciliée [Adresse 1289],
1555°/ à Mme [UJH] [LRZ], domiciliée [Adresse 1193],
1556°/ à Mme [WJ] [MLH], domiciliée [Adresse 3047],
1557°/ à Mme [SLC] [R], domiciliée [Adresse 2749],
1558°/ à Mme [CNE] [GR], domiciliée [Adresse 277],
1559°/ à Mme [ZPE] [SO], domiciliée [Adresse 728],
1560°/ à Mme [TDR] [DG], domiciliée [Adresse 1940],
1561°/ à Mme [ZH] [IA], domiciliée [Adresse 3001],
1562°/ à Mme [XWG] [CK], domiciliée [Adresse 2772],
1563°/ à Mme [XXR] [KN], domiciliée [Adresse 1371],
1564°/ à Mme [DGD] [OR], domiciliée [Adresse 2246],
1565°/ à Mme [LM] [UE], domiciliée [Adresse 2847],
1566°/ à Mme [WHZ] [LXC], domiciliée [Adresse 2579],
1567°/ à M. [DP] [CI], domicilié [Adresse 911],
1568°/ à Mme [ISE] [EX], domiciliée [Adresse 1952],
1569°/ à Mme [GLC] [SV], domiciliée [Adresse 2733],
1570°/ à M. [OLD] [PH],
1571°/ à M. [SGS] [PH],
domiciliés tous deux [Adresse 53],
1572°/ à Mme [DKI] [PU], domiciliée [Adresse 2324],
1573°/ à Mme [TR] [BS], domiciliée [Adresse 634],
1574°/ à Mme [LM] [LK], domiciliée [Adresse 690],
1575°/ à Mme [XXR] [GT], domiciliée [Adresse 244],
1576°/ à M. [PE] [WV], domicilié [Adresse 741],
1577°/ à Mme [NHH] [ES], domiciliée [Adresse 2434],
1578°/ à Mme [AJ] [MP], domiciliée [Adresse 2676],
1579°/ à M. [OU] [KX], domicilié [Adresse 736],
1580°/ à Mme [BUB] [MX], domiciliée [Adresse 2498],
1581°/ à Mme [PFV] [VE], domiciliée [Adresse 318],
1582°/ à Mme [TX] [VU], domiciliée [Adresse 2475],
1583°/ à Mme [ILP] [MB], domiciliée [Adresse 2911],
1584°/ à Mme [ILM] [FI], domiciliée [Adresse 1796],
1585°/ à Mme [JHM] [MS], domiciliée [Adresse 947],
1586°/ à M. [FKZ] [HD], domicilié [Adresse 2127],
1587°/ à Mme [TX] [PN], domiciliée [Adresse 1603],
1588°/ à Mme [GZC] [VPA], domiciliée [Adresse 2471],
1589°/ à Mme [DEZ] [TJO], domiciliée [Adresse 3286],
1590°/ à Mme [DL] [DJP], domiciliée [Adresse 1336],
1591°/ à Mme [YCS] [YIB], domiciliée [Adresse 1141],
1592°/ à Mme [PHS] [GRR], domiciliée [Adresse 976],
1593°/ à Mme [ZGB] [ZFX], domiciliée [Adresse 928],
1594°/ à Mme [HWH] [OTN], domiciliée [Adresse 2458],
1595°/ à M. [HSE] [GZI], domicilié [Adresse 2402],
1596°/ à Mme [WAT] [ISE], domiciliée [Adresse 1149],
1597°/ à Mme [VYF] [UOO], domiciliée [Adresse 1967],
1598°/ à Mme [ACD] [ETT], domiciliée [Adresse 1585],
1599°/ à Mme [LIG] [IGX], domiciliée [Adresse 2266],
1600°/ à Mme [ZKH] [TZU], domiciliée [Adresse 752],
1601°/ à Mme [EZN] [VUK], domiciliée [Adresse 263],
1602°/ à Mme [CZY] [VUK], domiciliée [Adresse 1516],
1603°/ à Mme [ZGB] [BLE], domiciliée [Adresse 892],
1604°/ à M. [HMD] [EUS], domicilié [Adresse 1231],
1605°/ à Mme [ISJ] [NCX], domiciliée [Adresse 2858],
1606°/ à M. [KHI] [OHM], domicilié [Adresse 885],
1607°/ à Mme [PE] [DJV], domiciliée [Adresse 3068],
1608°/ à Mme [PTA] [YGA], domiciliée [Adresse 919],
1609°/ à M. [OLL] [RDR], domicilié [Adresse 749],
1610°/ à Mme [BPJ] [VSW], domiciliée [Adresse 3207],
1611°/ à Mme [LM] [GXA], domiciliée [Adresse 136],
1612°/ à Mme [XMX] [UJY], domiciliée [Adresse 2202],
1613°/ à Mme [MKO] [CBK], domiciliée [Adresse 1680],
1614°/ à Mme [XIR] [WXY], domiciliée [Adresse 798],
1615°/ à Mme [DEZ] [NDN], domiciliée [Adresse 2315],
1616°/ à Mme [RPY] [NLC], domiciliée [Adresse 2191],
1617°/ à Mme [VYF] [IUH], domiciliée [Adresse 1393],
1618°/ à M. [KBW] [RAX], domicilié [Adresse 3284],
1619°/ à Mme [JOZ] [JPE], domiciliée [Adresse 537],
1620°/ à Mme [YAI] [KCU], domiciliée [Adresse 269],
1621°/ à Mme [OKR] [DTA], domiciliée [Adresse 1550],
1622°/ à Mme [ZWR] [LM], domiciliée [Adresse 1106],
1623°/ à Mme [ZKY] [ESX], domiciliée [Adresse 1364],
1624°/ à Mme [PHS] [AXF], domiciliée [Adresse 2850],
1625°/ à Mme [XY] [TBF], domiciliée [Adresse 1856],
1626°/ à Mme [GE] [PFR], domiciliée [Adresse 2282],
1627°/ à Mme [FLV] [WBZ], domiciliée [Adresse 3027],
1628°/ à Mme [GE] [JBR], domiciliée [Adresse 1665],
1629°/ à Mme [LM] [RSF], domiciliée [Adresse 2163],
1630°/ à Mme [FJM] [YHO], domiciliée [Adresse 940],
1631°/ à Mme [ACD] [ROS], domiciliée [Adresse 457],
1632°/ à Mme [MFF] [XSL], domiciliée [Adresse 2059],
1633°/ à Mme [HOW] [SJW], domiciliée [Adresse 3241],
1634°/ à Mme [FNM] [XVY], domiciliée [Adresse 2513],
1635°/ à Mme [WJ] [ILH], domiciliée [Adresse 1038],
1636°/ à Mme [KKO] [HRD], domiciliée [Adresse 1709],
1637°/ à M. [LM] [VFR], domicilié [Adresse 1773],
1638°/ à Mme [BVF] [GUX], domiciliée [Adresse 671],
1639°/ à Mme [DUE] [TIL], domiciliée [Adresse 834],
1640°/ à Mme [PHS] [CRA], domiciliée [Adresse 2338],
1641°/ à Mme [ISE] [LM], domiciliée [Adresse 47],
1642°/ à M. [AON] [MF], domicilié [Adresse 1177],
1643°/ à Mme [CJH] [EI], domiciliée [Adresse 2115],
1644°/ à Mme [KK] [AU], domiciliée [Adresse 2113],
1645°/ à Mme [CNE] [BX], domiciliée [Adresse 260],
1646°/ à Mme [NZA] [MH], domiciliée [Adresse 2243],
1647°/ à Mme [CSJ] [ZV], domiciliée [Adresse 3154],
1648°/ à Mme [BNE] [XV], domiciliée [Adresse 377],
1649°/ à Mme [XXR] [GF], domiciliée [Adresse 459],
1650°/ à Mme [SRB] [EJ], domiciliée [Adresse 375],
1651°/ à Mme [PHS] [OU], domiciliée [Adresse 782],
1652°/ à Mme [OVI] [OH], domiciliée [Adresse 402],
1653°/ à Mme [ISV] [GK], domiciliée [Adresse 2679],
1654°/ à Mme [OYZ] [DE], domiciliée [Adresse 2989],
1655°/ à Mme [ISJ] [NKU], épouse [LD], domiciliée [Adresse 1694],
1656°/ à M. [FNC] [ZB], domicilié [Adresse 761],
1657°/ à Mme [IBF] [YT], domiciliée [Adresse 156],
1658°/ à Mme [CRW] [FTW], domiciliée [Adresse 3246],
1659°/ à Mme [PHS] [XCZ], domiciliée [Adresse 154],
1660°/ à Mme [ZYS] [TBW], domiciliée [Adresse 1253],
1661°/ à Mme [PHS] [NYD], domiciliée [Adresse 2082],
1662°/ à Mme [ASX] [KXU], domiciliée [Adresse 1838],
1663°/ à Mme [ZKY] [IZR], domiciliée [Adresse 3168],
1664°/ à Mme [SSC] [FNS], domiciliée [Adresse 1417],
1665°/ à Mme [AEL] [TRX], domiciliée [Adresse 1072],
1666°/ à Mme [EZT] [UXL], domiciliée [Adresse 1862],
1667°/ à Mme [WB] [OYV], domiciliée [Adresse 2749],
1668°/ à Mme [LM] [PDW], domiciliée [Adresse 684],
1669°/ à Mme [LFM] [PWM], domiciliée [Adresse 2635],
1670°/ à Mme [NAL] [SZK], domiciliée [Adresse 915],
1671°/ à Mme [RRR] [MFF], domiciliée [Adresse 2129],
1672°/ à Mme [ZGB] [CXF], domiciliée [Adresse 1174],
1673°/ à Mme [YTY] [RWH], domiciliée [Adresse 2933],
1674°/ à Mme [ZKY] [PIM], domiciliée [Adresse 1435],
1675°/ à Mme [ZKY] [XDD], domiciliée [Adresse 2001],
1676°/ à M. [RSF] [NKP], domicilié [Adresse 2225],
1677°/ à Mme [VYF] [JEM] [SDW], domiciliée [Adresse 1207],
1678°/ à Mme [JHM] [XNF], domiciliée [Adresse 914],
1679°/ à Mme [ZSS] [ZPR], domiciliée [Adresse 2524],
1680°/ à Mme [IUH] [GJK], domiciliée [Adresse 647],
1681°/ à Mme [FLV] [HMD], domiciliée [Adresse 670],
1682°/ à Mme [ZKY] [TOU], domiciliée [Adresse 2298],
1683°/ à Mme [VJZ] [YKT], domiciliée [Adresse 3199],
1684°/ à Mme [SLC] [YPU], domiciliée [Adresse 698],
1685°/ à Mme [XMC] [OYE], domiciliée [Adresse 2852],
1686°/ à Mme [ZWR] [OAM], domiciliée [Adresse 1387],
1687°/ à Mme [CNE] [NFI], domiciliée [Adresse 3086],
1688°/ à Mme [ZYS] [EOA], domiciliée [Adresse 585],
1689°/ à Mme [WNA] [AII], domiciliée [Adresse 186],
1690°/ à Mme [HN] [HDW], domiciliée [Adresse 3113],
1691°/ à M. [RIS] [CPE], domicilié [Adresse 2932],
1692°/ à Mme [TDR] [MHK], domiciliée [Adresse 868],
1693°/ à Mme [SRB] [WOK], domiciliée [Adresse 2878],
1694°/ à Mme [K] [KEM], domiciliée [Adresse 765],
1695°/ à Mme [NAL] [HOW], domiciliée [Adresse 91],
1696°/ à Mme [ASX] [HOW], domiciliée [Adresse 121],
1697°/ à Mme [ACD] [NKH], domiciliée [Adresse 913],
1698°/ à Mme [BLS] [VUK], domiciliée [Adresse 2574],
1699°/ à Mme [LLA] [AAF], domiciliée [Adresse 1753],
1700°/ à Mme [RPY] [FID], domiciliée [Adresse 2583],
1701°/ à Mme [CTA] [TVD], domiciliée [Adresse 1438],
1702°/ à Mme [CNE] [YDM], domiciliée [Adresse 2229],
1703°/ à Mme [ZGB] [RIS], domiciliée [Adresse 1750],
1704°/ à Mme [LLA] [NWM], domiciliée [Adresse 2958],
1705°/ à Mme [LM] [OSV], domiciliée [Adresse 3200],
1706°/ à Mme [SLC] [KPS], domiciliée [Adresse 1475],
1707°/ à Mme [UV] [FJM], domiciliée [Adresse 229],
1708°/ à Mme [SKU] [GDI], domiciliée [Adresse 195],
1709°/ à Mme [FLV] [JVR], domiciliée [Adresse 3038],
1710°/ à Mme [YYI] [JYE], domiciliée [Adresse 302],
1711°/ à M. [KBW] [HJC], domicilié [Adresse 1129],
1712°/ à Mme [FZ] [JUH], domiciliée [Adresse 3268],
1713°/ à M. [JXK] [LZN], domicilié [Adresse 1736],
1714°/ à Mme [VKD] [EYG], domiciliée [Adresse 1719],
1715°/ à Mme [RAT] [FAU], domiciliée [Adresse 608],
1716°/ à Mme [JGM] [C], domiciliée [Adresse 2620],
1717°/ à Mme [LM] [TF], domiciliée [Adresse 1463],
1718°/ à M. [EMZ] [SX], domicilié [Adresse 1875],
1719°/ à Mme [IUH] [OI], domiciliée [Adresse 2404],
1720°/ à Mme [LM] [PHS], domiciliée [Adresse 2825],
1721°/ à Mme [XMC] [LV], domiciliée [Adresse 2881],
1722°/ à Mme [NIZ] [KZ], domiciliée [Adresse 293],
1723°/ à Mme [NIZ] [LB], domiciliée [Adresse 3186],
1724°/ à Mme [YAI] [HK], domiciliée [Adresse 3107],
1725°/ à Mme [BPS] [ZW], domiciliée [Adresse 2941],
1726°/ à Mme [JOZ] [GB], domiciliée [Adresse 1176],
1727°/ à Mme [SUF] [VV], domiciliée [Adresse 2508],
1728°/ à Mme [KKO] [RL], domiciliée [Adresse 3173],
1729°/ à Mme [NHH] [CN], domiciliée [Adresse 1439],
1730°/ à Mme [IPH] [KO], domiciliée [Adresse 54],
1731°/ à Mme [MKO] [DF], domiciliée [Adresse 2959],
1732°/ à Mme [FTN] [YN], domiciliée [Adresse 158],
1733°/ à Mme [RJA] [BT], domiciliée [Adresse 2749],
1734°/ à Mme [VHD] [YH], domiciliée [Adresse 1954],
1735°/ à Mme [YB] [PHS] [EC], domiciliée [Adresse 1230],
1736°/ à Mme [EIZ] [MJ], domiciliée [Adresse 942],
1737°/ à Mme [DGD] [CH], domiciliée [Adresse 284],
1738°/ à Mme [NZA] [AD], domiciliée [Adresse 3244],
1739°/ à Mme [BPS] [SN], domiciliée [Adresse 1617],
1740°/ à M. [VZU] [EHH], domicilié [Adresse 2413],
1741°/ à Mme [ISJ] [ZKY], domiciliée [Adresse 1365],
1742°/ à Mme [XMC] [PRJ], domiciliée [Adresse 2429],
1743°/ à Mme [TEY] [VXK], domiciliée [Adresse 2428],
1744°/ à Mme [RAT] [IHC], domiciliée [Adresse 731],
1745°/ à Mme [PHS] [JCG], domiciliée [Adresse 1134],
1746°/ à Mme [SXB] [ALE], domiciliée [Adresse 1673],
1747°/ à Mme [HOW] [DTN], domiciliée [Adresse 607],
1748°/ à Mme [PHS] [VFA], domiciliée [Adresse 2862],
1749°/ à M. [PRJ] [CBY], domicilié [Adresse 1974],
1750°/ à Mme [OVI] [FIZ], domiciliée [Adresse 831],
1751°/ à Mme [HOW] [HUE], domiciliée [Adresse 3029],
1752°/ à Mme [XIR] [ARN], domiciliée [Adresse 535],
1753°/ à M. [NIZ] [HBN], domicilié [Adresse 1924],
1754°/ à Mme [XXR] [REB], domiciliée [Adresse 658],
1755°/ à Mme [CSJ] [OFP], domiciliée [Adresse 2257],
1756°/ à Mme [GE] [NMZ], domiciliée [Adresse 2689],
1757°/ à Mme [HTW] [KFF], domiciliée [Adresse 746],
1758°/ à M. [UOM] [KPH], domicilié [Adresse 993],
1759°/ à M. [IBF] [KHI], domicilié [Adresse 1400],
1760°/ à Mme [ZGB] [JGO], domiciliée [Adresse 218],
1761°/ à M. [ZHY] [SLK], domicilié [Adresse 2839],
1762°/ à Mme [SJB] [FZF], domiciliée [Adresse 1906],
1763°/ à Mme [PFV] [HMA], domiciliée [Adresse 1484],
1764°/ à Mme [MAK] [AAS], domiciliée [Adresse 2600],
1765°/ à Mme [JO] [XPC], domiciliée [Adresse 2632],
1766°/ à Mme [KKO] [EPV], domiciliée [Adresse 1223],
1767°/ à Mme [PO] [UJL], domiciliée [Adresse 689],
1768°/ à Mme [WX] [ZRD], domiciliée [Adresse 471],
1769°/ à Mme [GBV] [ZDB], domiciliée [Adresse 1765],
1770°/ à Mme [TEY] [YAR], domiciliée [Adresse 710],
1771°/ à M. [NZA] [ILT], domicilié [Adresse 3102],
1772°/ à Mme [HZY] [ZIG], domiciliée [Adresse 925],
1773°/ à Mme [FOI] [IOZ], domiciliée [Adresse 2631],
1774°/ à Mme [CGZ] [RLS], domiciliée [Adresse 1040],
1775°/ à M. [BBK] [SLX], domicilié [Adresse 1142],
1776°/ à Mme [VC] [POA], domiciliée [Adresse 2511],
1777°/ à Mme [NHH] [NMR], domiciliée [Adresse 870],
1778°/ à Mme [TU] [DGO], domiciliée [Adresse 2057],
1779°/ à Mme [TNT] [WRY], épouse [B], domiciliée [Adresse 306],
1780°/ à Mme [ILV] [PAP], domiciliée [Adresse 2668],
1781°/ à Mme [PFV] [YSM], domiciliée [Adresse 576],
1782°/ à Mme [IPH] [XXI], domiciliée [Adresse 2089],
1783°/ à Mme [FIB] [XJX], domiciliée [Adresse 2504],
1784°/ à Mme [UWZ] [XHJ], domiciliée [Adresse 1153],
1785°/ à Mme [KK] [SOX], domiciliée [Adresse 3212],
1786°/ à Mme [JOI] [WTF], domiciliée [Adresse 1860],
1787°/ à Mme [SZO] [YDM], domiciliée [Adresse 2310],
1788°/ à Mme [ZO] [YIN], domiciliée [Adresse 111],
1789°/ à Mme [PHS] [IIX], domiciliée [Adresse 373],
1790°/ à Mme [SRB] [ZPM], domiciliée [Adresse 2873],
1791°/ à Mme [BPJ] [OZF], domiciliée [Adresse 3121],
1792°/ à Mme [PVN] [PAJ], domiciliée [Adresse 2840],
1793°/ à Mme [COW] [MZZ], domiciliée [Adresse 2914],
1794°/ à Mme [ZIO] [LFV] [EYG], domiciliée [Adresse 246],
1795°/ à Mme [VAH] [YNK], domiciliée [Adresse 1999],
1796°/ à Mme [EZN] [UNY], domiciliée [Adresse 2305],
1797°/ à Mme [ISV] [OYA], domiciliée chez [IBF] [YY], [Adresse 2546],
1798°/ à Mme [ZYS] [EZF], domiciliée [Adresse 2465],
1799°/ à Mme [ZKY] [CCG], domiciliée [Adresse 2779],
1800°/ à Mme [CSJ] [PEM], domiciliée [Adresse 484],
1801°/ à Mme [HOW] [EDY], domiciliée [Adresse 414],
1802°/ à Mme [ZKY] [JUH], domiciliée [Adresse 2658],
1803°/ à Mme [KKO] [LWE], domiciliée [Adresse 2197],
1804°/ à Mme [PFV] [I], domiciliée [Adresse 59],
1805°/ à Mme [EZN] [ZP], domiciliée [Adresse 2957],
1806°/ à Mme [PTG] [YL], domiciliée [Adresse 1833],
1807°/ à Mme [AJE] [MH], domiciliée [Adresse 3005],
1808°/ à Mme [KKO] [SSC], domiciliée [Adresse 1659],
1809°/ à Mme [ASX] [NK], domiciliée [Adresse 1958],
1810°/ à Mme [VYF] [ND], domiciliée [Adresse 494],
1811°/ à Mme [VYF] [EK], domiciliée [Adresse 1459],
1812°/ à Mme [IUH] [TG], domiciliée [Adresse 1128],
1813°/ à Mme [PIR] [LZ], domiciliée [Adresse 2114],
1814°/ à Mme [DAO] [RS], domiciliée [Adresse 3011],
1815°/ à Mme [WJ] [UF], domiciliée [Adresse 275],
1816°/ à Mme [LM] [YK], domiciliée [Adresse 1301],
1817°/ à Mme [PRJ] [TMC], domiciliée [Adresse 2966],
1818°/ à Mme [NHH] [EJV], domiciliée [Adresse 2887],
1819°/ à Mme [NXR] [YAM] [NNU], domiciliée [Adresse 2104],
1820°/ à Mme [LM] [ZPV], domiciliée [Adresse 2420],
1821°/ à Mme [PA] [SRU], domiciliée [Adresse 3023],
1822°/ à M. [MU] [SJF], domicilié [Adresse 2077],
1823°/ à Mme [CHM] [WFH], domiciliée [Adresse 2691],
1824°/ à Mme [DEZ] [KOZ], domiciliée [Adresse 488],
1825°/ à Mme [BPS] [RNX], domiciliée [Adresse 1060],
1826°/ à Mme [LIO] [ICB] épouse [LXI], domiciliée [Adresse 600],
1827°/ à M. [DMI] [FTT], domicilié [Adresse 1392],
1828°/ à Mme [PFV] [IZT], domiciliée [Adresse 648],
1829°/ à Mme [WJN] [JJV], domiciliée [Adresse 2288],
1830°/ à Mme [LMK] [AYO], domiciliée [Adresse 2949],
1831°/ à Mme [IUH] [VCE], domiciliée [Adresse 2049],
1832°/ à Mme [NIZ] [BWO], domiciliée [Adresse 1080],
1833°/ à Mme [TX] [UXD], domiciliée [Adresse 812],
1834°/ à Mme [WPF] [CSB], domiciliée [Adresse 342],
1835°/ à Mme [GE] [VUK], domiciliée [Adresse 479],
1836°/ à Mme [AKW] [GLK], domiciliée [Adresse 1761],
1837°/ à Mme [WJ] [AUJ], domiciliée [Adresse 2499],
1838°/ à Mme [ZKY] [PFV], domiciliée [Adresse 2123],
1839°/ à Mme [ERA] [NAJ], domiciliée [Adresse 24],
1840°/ à Mme [ASX] [NAU], domiciliée [Adresse 2523],
1841°/ à Mme [XW] [SRL], domiciliée [Adresse 672],
1842°/ à Mme [TX] [CIZ], domiciliée [Adresse 2788],
1843°/ à M. [BTF] [GTW], domicilié [Adresse 2549],
1844°/ à Mme [ZYS] [MFF], domiciliée [Adresse 1951],
1845°/ à Mme [PFV] [NB], domiciliée [Adresse 2323],
1846°/ à Mme [JP] [THF], domiciliée [Adresse 1682],
1847°/ à Mme [LM] [KZT], domiciliée [Adresse 2487],
1848°/ à Mme [GWO] [LPT], domiciliée [Adresse 3285],
1849°/ à Mme [JHM] [KHC], domiciliée [Adresse 2811],
1850°/ à Mme [LM] [ILT], domiciliée [Adresse 3102],
1851°/ à Mme [SBK] [IJF], domiciliée [Adresse 1543],
1852°/ à Mme [PHS] [POA], domiciliée [Adresse 3236],
1853°/ à Mme [LM] [CKI], domiciliée [Adresse 898],
1854°/ à Mme [LM] [NVL], domiciliée [Adresse 1479],
1855°/ à Mme [PFV] [MST], domiciliée [Adresse 1090],
1856°/ à Mme [OBL] [KHV], domiciliée [Adresse 2490],
1857°/ à Mme [LM] [KSX], domiciliée [Adresse 1314],
1858°/ à Mme [ZYS] [TZD], domiciliée [Adresse 660],
1859°/ à Mme [CHM] [SYY], domiciliée [Adresse 627],
1860°/ à M. [ZKY] [SSE], domicilié [Adresse 657],
1861°/ à Mme [XWG] [UCL], domiciliée [Adresse 2466],
1862°/ à M. [RRX] [LDF], domicilié [Adresse 2749]. la petite [Adresse 2917],
1863°/ à Mme [TX] [NBC], domiciliée [Adresse 313],
1864°/ à Mme [BVF] [RYM], domiciliée [Adresse 2340],
1865°/ à Mme [DAO] [GXF], domiciliée [Adresse 3205],
1866°/ à Mme [XWG] [CYX], épouse [UCL], domiciliée [Adresse 3155],
1867°/ à Mme [FUJ] [CTW], domiciliée [Adresse 3243],
1868°/ à Mme [EKA] [YWH], domiciliée [Adresse 138],
1869°/ à Mme [PRJ] [ZBI], domiciliée [Adresse 810],
1870°/ à Mme [WYG] [RUT], domiciliée [Adresse 2409],
1871°/ à Mme [PO] [USV], domiciliée [Adresse 2220],
1872°/ à Mme [TR] [KZK], domiciliée [Adresse 1451],
1873°/ à Mme [UMP] [LRB], domiciliée [Adresse 2979],
1874°/ à Mme [TR] [RSF], domiciliée [Adresse 3131],
1875°/ à Mme [ISV] [RSF], domiciliée [Adresse 1661],
1876°/ à Mme [BZT] [MWH], domiciliée [Adresse 1528],
1877°/ à Mme [NRD] [EOF], domiciliée [Adresse 1382],
1878°/ à M. [ZKY] [IWM], domicilié [Adresse 529],
1879°/ à M. [BMD] [NZA], domicilié [Adresse 1052],
1880°/ à Mme [YAM] [CMN], domiciliée [Adresse 140],
1881°/ à Mme [ZGB] [MLB], domiciliée [Adresse 206],
1882°/ à Mme [ISV] [ULK], domiciliée [Adresse 2799],
1883°/ à Mme [ASX] [LM], domiciliée [Adresse 2560],
1884°/ à Mme [JHM] [UAK], domiciliée [Adresse 3222],
1885°/ à Mme [PIR] [DHV], domiciliée [Adresse 1918],
1886°/ à Mme [YWD] [SXN], domiciliée [Adresse 2575],
1887°/ à Mme [NRD] [NEU], domiciliée [Adresse 405],
1888°/ à Mme [BPJ] [MMD], domiciliée [Adresse 2447],
1889°/ à Mme [OKR] [YEK], domiciliée [Adresse 106],
1890°/ à M. [KOT] [SKU], domicilié [Adresse 1644],
1891°/ à Mme [PHS] [II], domiciliée [Adresse 1061],
1892°/ à Mme [JXN] [ZT], domiciliée [Adresse 844],
1893°/ à Mme [PTA] [AT], domiciliée [Adresse 818],
1894°/ à Mme [HWH] [BV], domiciliée [Adresse 243],
1895°/ à Mme [LM] [HY], domiciliée [Adresse 1819],
1896°/ à Mme [ETW] [KF], domiciliée [Adresse 429],
1897°/ à Mme [JO] [BM], domiciliée [Adresse 1410],
1898°/ à Mme [LM] [MT], domiciliée [Adresse 1538],
1899°/ à Mme [DL] [SU], domiciliée [Adresse 1668],
1900°/ à M. [OAV] [WD], domicilié [Adresse 1965],
1901°/ à Mme [JHM] [KG], domiciliée [Adresse 2765],
1902°/ à Mme [ZYS] [VD], domiciliée [Adresse 2453],
1903°/ à Mme [VUO] [IJ], domiciliée [Adresse 2601],
1904°/ à Mme [AWG] [KP], domiciliée [Adresse 1452],
1905°/ à Mme [JXN] [JW], domiciliée [Adresse 1255],
1906°/ à Mme [HOW] [WF], domiciliée [Adresse 908],
1907°/ à Mme [SZG] [CC], domiciliée [Adresse 237],
1908°/ à Mme [XFE] [GH], domiciliée [Adresse 897],
1909°/ à Mme [YTL] [FD], domiciliée [Adresse 1588],
1910°/ à Mme [SCB] [BCU], domiciliée [Adresse 3104],
1911°/ à Mme [JOZ] [DOR], domiciliée [Adresse 1921],
1912°/ à Mme [PO] [SZI] [GZA], domiciliée [Adresse 973],
1913°/ à Mme [LMK] [TLY], domiciliée [Adresse 2622],
1914°/ à Mme [HOW] [TOL], domiciliée [Adresse 788],
1915°/ à Mme [ZKY] [LVF], domiciliée [Adresse 1401],
1916°/ à Mme [ETW] [LHP] [RN], domiciliée [Adresse 2368],
1917°/ à Mme [LM] [LFC], domiciliée [Adresse 583],
1918°/ à Mme [YTY] [OS], domiciliée [Adresse 2149],
1919°/ à M. [PFV] [IHC], domicilié [Adresse 731],
1920°/ à Mme [XXR] [BDP], domiciliée [Adresse 12],
1921°/ à Mme [ZG] [BLM], domiciliée [Adresse 28],
1922°/ à Mme [TU] [HRU], domiciliée [Adresse 3067],
1923°/ à Mme [RJA] [UZZ], domiciliée [Adresse 1986],
1924°/ à Mme [ZKY] [EGG], domiciliée [Adresse 2787],
1925°/ à Mme [ANS] [PFV], domiciliée [Adresse 1126],
1926°/ à Mme [MRC] [IZZ], domiciliée [Adresse 1926],
1927°/ à Mme [SXB] [ZHU], domiciliée [Adresse 1916],
1928°/ à Mme [OED] [MFF], domiciliée [Adresse 1271],
1929°/ à Mme [ERA] [KVI], domiciliée [Adresse 1955],
1930°/ à Mme [PFV] [UGU], domiciliée [Adresse 441],
1931°/ à Mme [PA] [GZK], domiciliée [Adresse 1196],
1932°/ à Mme [ZH] [HJM], domiciliée [Adresse 280],
1933°/ à Mme [PFV] [GBF], domiciliée [Adresse 343],
1934°/ à Mme [MAT] [DUJ], domiciliée [Adresse 2629],
1935°/ à Mme [RJA] [DGU], domiciliée [Adresse 1058],
1936°/ à Mme [LIO] [VOS], domiciliée [Adresse 2134],
1937°/ à M. [BMD] [DSJ], domicilié [Adresse 514],
1938°/ à Mme [JHM] [JHM], domiciliée [Adresse 1409],
1939°/ à Mme [JOZ] [AIZ], domiciliée [Adresse 2358],
1940°/ à M. [KBW] [DDP], domicilié [Adresse 2258],
1941°/ à Mme [LMK] [IUH] [KHT], domiciliée [Adresse 3193],
1942°/ à Mme [ZKY] [POA], domiciliée [Adresse 2962],
1943°/ à Mme [CNE] [ONC], domiciliée [Adresse 1636],
1944°/ à Mme [XIR] [PLI], domiciliée [Adresse 2403],
1945°/ à Mme [XXR] [LPO], domiciliée [Adresse 3220],
1946°/ à Mme [HWJ] [STX], domiciliée [Adresse 916],
1947°/ à Mme [IGO] [IVD], domiciliée [Adresse 1903],
1948°/ à Mme [SXB] [SEO], domiciliée [Adresse 2283],
1949°/ à Mme [LM] [MJY], domiciliée [Adresse 808],
1950°/ à Mme [JOZ] [ZGN], domiciliée [Adresse 3251],
1951°/ à M. [RSF] [OHZ], domicilié [Adresse 2014],
1952°/ à Mme [NAL] [XUV], domiciliée [Adresse 2743],
1953°/ à Mme [SBK] [XMG], domiciliée [Adresse 2277],
1954°/ à Mme [IBF] [ZVJ], domiciliée [Adresse 1567],
1955°/ à Mme [PFV] [ZSW], domiciliée [Adresse 1437],
1956°/ à Mme [YTY] [APE], domiciliée [Adresse 3178],
1957°/ à Mme [PHS] [IMR], domiciliée [Adresse 1934],
1958°/ à Mme [TX] [SSK], domiciliée [Adresse 781],
1959°/ à Mme [YX] [TSP], domiciliée [Adresse 1363],
1960°/ à Mme [TX] [LXC], domiciliée [Adresse 99],
1961°/ à Mme [ZYS] [ALS], domiciliée [Adresse 769],
1962°/ à Mme [LM] [JWS], domiciliée [Adresse 2522],
1963°/ à M. [OLD] [NZA], domicilié [Adresse 2711],
1964°/ à Mme [ZGB] [POI], domiciliée [Adresse 2210],
1965°/ à Mme [SRB] [SJS], domiciliée [Adresse 1424],
1966°/ à M. [ROJ] [KKR], domicilié [Adresse 1593],
1967°/ à Mme [MNT] [LUT], domiciliée [Adresse 360],
1968°/ à Mme [FOI] [ULK], domiciliée [Adresse 3084],
1969°/ à Mme [JHM] [FUO], domiciliée [Adresse 188],
1970°/ à Mme [PHS] [OYA], domiciliée [Adresse 1227],
1971°/ à Mme [ORR] [OVM], domiciliée [Adresse 317],
1972°/ à Mme [BKR] [FOR], domiciliée [Adresse 225],
1973°/ à Mme [UEC] [RHF], domiciliée [Adresse 694],
1974°/ à Mme [RDI] [SHK], domiciliée [Adresse 319],
1975°/ à Mme [PFV] [PBV], domiciliée [Adresse 1896],
1976°/ à Mme [JHM] [BFM], domiciliée [Adresse 1925],
1977°/ à Mme [MAT] [LE], domiciliée [Adresse 1650],
1978°/ à Mme [GE] [MI], domiciliée [Adresse 1933],
1979°/ à Mme [UEC] [MI], domiciliée [Adresse 282],
1980°/ à Mme [XWG] [BG], domiciliée [Adresse 944],
1981°/ à M. [OLD] [BH], domicilié [Adresse 2809],
1982°/ à Mme [XWG] [YS], domiciliée [Adresse 2833],
1983°/ à Mme [CUX] [CI], domiciliée [Adresse 911],
1984°/ à Mme [NHH] [NO], domiciliée [Adresse 1031],
1985°/ à Mme [CDP] [IF], domiciliée [Adresse 2357],
1986°/ à Mme [TX] [DA], domiciliée [Adresse 1133],
1987°/ à Mme [EWO] [RZ], domiciliée [Adresse 176],
1988°/ à Mme [JOZ] [NC], domiciliée [Adresse 3052],
1989°/ à Mme [JXR] [RIS], domiciliée [Adresse 2377],
1990°/ à Mme [LM] [PHS] [WH], domiciliée [Adresse 2863],
1991°/ à M. [NB] [PR], domicilié [Adresse 2492],
1992°/ à Mme [FGU] [JN], domiciliée [Adresse 3065],
1993°/ à Mme [LFM] [PI], domiciliée [Adresse 2699],
1994°/ à Mme [JXK] [WN], domiciliée [Adresse 1884],
1995°/ à Mme [XWG] [YP], domiciliée [Adresse 1219],
1996°/ à Mme [ZKY] [IE], domiciliée [Adresse 2309],
1997°/ à Mme [WJ] [TX], domiciliée [Adresse 169],
1998°/ à Mme [YTY] [BCU], domiciliée [Adresse 2346],
1999°/ à Mme [ACD] [ADL], domiciliée [Adresse 2928],
2000°/ à Mme [AOI] [YNC], domiciliée [Adresse 1298],
2001°/ à Mme [FTN] [HBT], domiciliée [Adresse 771],
2002°/ à M. [ZKY] [IEL], domicilié [Adresse 2213],
2003°/ à Mme [FIB] [RUC], domiciliée [Adresse 497],
2004°/ à Mme [FIB] [XFM], domiciliée [Adresse 2994],
2005°/ à Mme [PHS] [TEJ], domiciliée [Adresse 2626],
2006°/ à Mme [ISV] [KEX], domiciliée [Adresse 865],
2007°/ à Mme [FZ] [TZL], domiciliée [Adresse 2544],
2008°/ à Mme [ZKH] [ENS], domiciliée [Adresse 2934],
2009°/ à Mme [WXL] [IXA], domiciliée [Adresse 1337],
2010°/ à Mme [SZO] [JC], domiciliée [Adresse 3208],
2011°/ à M. [JGO] [IBT], domicilié [Adresse 2300],
2012°/ à Mme [LM] [OYV], domiciliée [Adresse 2750],
2013°/ à Mme [PHS] [XPT], domiciliée [Adresse 2188],
2014°/ à Mme [PRJ] [PZA], domiciliée [Adresse 1890],
2015°/ à Mme [SRB] [KVI],
2016°/ à Mme [SRJ] [KVI],
domiciliées toutes deux [Adresse 194],
2017°/ à Mme [XMC] [KVI], domiciliée [Adresse 29],
2018°/ à Mme [ASX] [LPC], domiciliée [Adresse 96],
2019°/ à Mme [LM] [NVY], domiciliée [Adresse 1575],
2020°/ à Mme [HOW] [FGO], domiciliée [Adresse 3282],
2021°/ à M. [UB] [GGG], domicilié [Adresse 773],
2022°/ à Mme [VC] [FTR], domiciliée [Adresse 3049],
2023°/ à Mme [CHP] [DLV], domiciliée [Adresse 2462],
2024°/ à Mme [GEO] [WEV], domiciliée [Adresse 207],
2025°/ à M. [HOW] [XDD], domicilié [Adresse 2905],
2026°/ à Mme [PHS] [XPT], domiciliée [Adresse 2226],
2027°/ à Mme [ZGB] [PLR], domiciliée [Adresse 1973],
2028°/ à Mme [LM] [RRX], domiciliée [Adresse 711],
2029°/ à Mme [ILP] [WSX], domiciliée [Adresse 586],
2030°/ à Mme [GE] [CTN], domiciliée [Adresse 439],
2031°/ à Mme [LUV] [AFV], domiciliée [Adresse 2582],
2032°/ à Mme [KEV] [JGX], domiciliée [Adresse 3238],
2033°/ à Mme [ANS] [PIZ], domiciliée [Adresse 2367],
2034°/ à Mme [IUH] [EFP], domiciliée [Adresse 619],
2035°/ à Mme [ACD] [PDF], domiciliée [Adresse 1942],
2036°/ à Mme [JXN] [ARF], domiciliée [Adresse 2565],
2037°/ à Mme [LM] [IEB], domiciliée [Adresse 1619],
2038°/ à Mme [IBF] [CMR], domiciliée [Adresse 1102],
2039°/ à Mme [AWJ] [TZY], domiciliée [Adresse 956],
2040°/ à Mme [KK] [AXF], domiciliée [Adresse 18],
2041°/ à Mme [LAL] [UGL], domiciliée [Adresse 233],
2042°/ à Mme [OBU] [OPN], domiciliée [Adresse 1861],
2043°/ à Mme [YTY] [ZZE], domiciliée [Adresse 688],
2044°/ à Mme [JHM] [XES], domiciliée [Adresse 210],
2045°/ à Mme [PHS] [DBK], domiciliée Lot. [Adresse 3069],
2046°/ à Mme [NIZ] [UBO], domiciliée [Adresse 2963],
2047°/ à Mme [KK] [ANJ], domiciliée [Adresse 446],
2048°/ à Mme [BPS] [FAO], domiciliée [Adresse 3169],
2049°/ à Mme [OMW] [BSX], domiciliée [Adresse 623],
2050°/ à Mme [VFI] [ZGF], domiciliée [Adresse 2605],
2051°/ à Mme [KJW] [JEB], domiciliée [Adresse 2861],
2052°/ à Mme [OBL] [JCX], domiciliée [Adresse 1244],
2053°/ à Mme [SRB] [JPM], domiciliée [Adresse 1005],
2054°/ à Mme [KKO] [LSF], domiciliée [Adresse 3180],
2055°/ à M. [KHI] [KN], domicilié [Adresse 840],
2056°/ à Mme [GE] [TCT], domiciliée [Adresse 852],
2057°/ à Mme [YCS] [UAK], domiciliée [Adresse 2817],
2058°/ à Mme [SS] [BOR], domiciliée [Adresse 153],
2059°/ à Mme [FIB] [BKN], domiciliée [Adresse 473],
2060°/ à Mme [MOX] [JM], domiciliée [Adresse 485],
2061°/ à Mme [KCO] [KI], domiciliée [Adresse 65],
2062°/ à Mme [FJM] [FV], domiciliée [Adresse 16],
2063°/ à Mme [KKO] [PE], domiciliée [Adresse 860],
2064°/ à Mme [JHC] [IU], domiciliée [Adresse 2245],
2065°/ à Mme [NNP] [JX], domiciliée [Adresse 1721],
2066°/ à Mme [LIG] [TP], domiciliée [Adresse 2783],
2067°/ à Mme [GE] [FJ], domiciliée [Adresse 2172],
2068°/ à Mme [JGM] [ZM], domiciliée [Adresse 1707],
2069°/ à Mme [ASX] [VV], domiciliée [Adresse 1398],
2070°/ à Mme [ZPE] [RU], domiciliée [Adresse 1488],
2071°/ à Mme [JHM] [IJ], domiciliée [Adresse 2313],
2072°/ à Mme [FJM] [UP], domiciliée [Adresse 2072],
2073°/ à Mme [CU] [ZZ], domiciliée [Adresse 155],
2074°/ à Mme [LSS] [UI], domiciliée [Adresse 2436],
2075°/ à Mme [YTY] [BR], domiciliée [Adresse 509],
2076°/ à Mme [AJ] [MH], domiciliée [Adresse 2133],
2077°/ à Mme [JHM] [OV], domiciliée [Adresse 262],
2078°/ à Mme [AOI] [DV], domiciliée [Adresse 1646],
2079°/ à Mme [NIZ] [LI], domiciliée [Adresse 2139],
2080°/ à Mme [ISV] [NN], domiciliée [Adresse 2820],
2081°/ à Mme [MW] [HLS] [SDL], domiciliée [Adresse 1758],
2082°/ à Mme [BUB] [TRZ], domiciliée [Adresse 1983],
2083°/ à Mme [GED] [VUX], domiciliée [Adresse 1315],
2084°/ à Mme [MVT] [DOI], domiciliée [Adresse 1829],
2085°/ à Mme [RPY] [ZKP], domiciliée [Adresse 1760],
2086°/ à Mme [NHH] [OFY], domiciliée [Adresse 2915],
2087°/ à Mme [CUX] [IUS] [NU], domiciliée [Adresse 2454],
2088°/ à Mme [LM] [DTN], domiciliée [Adresse 2884],
2089°/ à Mme [FLV] [DTN], domiciliée [Adresse 1745],
2090°/ à M. [OBH] [IHF], domicilié [Adresse 2311],
2091°/ à Mme [YSV] [SBX], domiciliée [Adresse 900],
2092°/ à Mme [KK] [MYK], domiciliée [Adresse 2335],
2093°/ à Mme [TIY] [IGU], domiciliée chez [JHM] [UAC], [Adresse 2859],
2094°/ à Mme [ZPE] [SBT], domiciliée [Adresse 880],
2095°/ à Mme [NRD] [NTA], domiciliée [Adresse 2939],
2096°/ à Mme [FRI] [KVI], domiciliée [Adresse 1996],
2097°/ à Mme [KUJ] [JMO], domiciliée [Adresse 1891],
2098°/ à Mme [KIB] [KVI], domiciliée [Adresse 1471],
2099°/ à Mme [ACD] [OHM], domiciliée [Adresse 1263],
2100°/ à M. [PRS] [GRI], domicilié [Adresse 977],
2101°/ à Mme [SS] [CLM], domiciliée [Adresse 2577],
2102°/ à Mme [AAJ] [HMA], domiciliée [Adresse 544],
2103°/ à Mme [ZU] [HZP], domiciliée [Adresse 2823],
2104°/ à Mme [PE] [JGO], domiciliée [Adresse 1083],
2105°/ à Mme [SKU] [CWS], domiciliée [Adresse 2512],
2106°/ à Mme [USM] [TJG], domiciliée [Adresse 2725],
2107°/ à Mme [SKU] [TJG], domiciliée [Adresse 2800],
2108°/ à Mme [PRW], domiciliée [Adresse 1490],
2109°/ à Mme [PFV] [IJV], domiciliée [Adresse 1267],
2110°/ à Mme [LM] [UHK], domiciliée [Adresse 1905],
2111°/ à Mme [KK] [KSE], domiciliée [Adresse 2029],
2112°/ à Mme [ZGB] [YVV], domiciliée [Adresse 1192],
2113°/ à M. [AXT] [ZDJ], domicilié [Adresse 504],
2114°/ à Mme [PO] [PDY], domiciliée [Adresse 2584],
2115°/ à Mme [NIC] [JHP], domiciliée [Adresse 811],
2116°/ à M. [YE] [VBW], domicilié [Adresse 2023],
2117°/ à M. [KBW] [EBK], domicilié [Adresse 1175],
2118°/ à M. [MU] [RTS], domicilié [Adresse 1526],
2119°/ à Mme [RFW] [CVF], domiciliée [Adresse 2198],
2120°/ à Mme [ZGB] [PUH], domiciliée [Adresse 1987],
2121°/ à Mme [PHS] [UXP], domiciliée [Adresse 2036],
2122°/ à Mme [XXR] [DOD], domiciliée [Adresse 2705],
2123°/ à Mme [CGU] [BII], domiciliée [Adresse 922],
2124°/ à Mme [LYB] [MOZ] [PNF], domiciliée [Adresse 1485],
2125°/ à Mme [SKU] [MEX], domiciliée [Adresse 105],
2126°/ à Mme [LM] [DMI], domiciliée [Adresse 1032],
2127°/ à Mme [BZT] [KJN], domiciliée [Adresse 921],
2128°/ à Mme [NKD] [BHH], domiciliée [Adresse 2710],
2129°/ à Mme [NAL] [BYB], domiciliée [Adresse 3117],
2130°/ à Mme [XXR] [DGL], domiciliée [Adresse 287],
2131°/ à Mme [WMS] [CWG], domiciliée [Adresse 2005],
2132°/ à Mme [DL] [ISS], domiciliée [Adresse 164],
2133°/ à Mme [LOL] [TMO], domiciliée [Adresse 2921],
2134°/ à M. [UB] [AFP], domicilié [Adresse 1162],
2135°/ à Mme [TT] [MNT], domiciliée [Adresse 990],
2136°/ à Mme [NHH] [ZXX], domiciliée [Adresse 254],
2137°/ à Mme [ACD] [JLP], domiciliée [Adresse 1388],
2138°/ à Mme [FLV] [SMF], domiciliée [Adresse 1492],
2139°/ à M. [ZKY] [TRG], domicilié [Adresse 1282],
2140°/ à Mme [MPH] [GCD], domiciliée [Adresse 2022],
2141°/ à Mme [DL] [BJE], domiciliée [Adresse 2203],
2142°/ à Mme [PIR] [EWS], domiciliée [Adresse 1633],
2143°/ à Mme [LOL] [DRI], domiciliée [Adresse 1034],
2144°/ à Mme [ETA] [BTT], domiciliée [Adresse 3034],
2145°/ à Mme [HZH] [LBW], domiciliée [Adresse 2688],
2146°/ à Mme [IUH] [OWU], domiciliée [Adresse 2424],
2147°/ à Mme [JMR] [OZH], domiciliée [Adresse 1726],
2148°/ à M. [KZR] [UX], domicilié [Adresse 2737],
2149°/ à Mme [FLV] [YU], domiciliée [Adresse 1845],
2150°/ à Mme [NNP] [ETI], domiciliée [Adresse 561],
2151°/ à Mme [SBA], domiciliée [Adresse 409],
2152°/ à Mme [NAL] [MH], domiciliée [Adresse 1744],
2153°/ à Mme [DEZ] [LX], domiciliée [Adresse 1557],
2154°/ à Mme [ZF] [SH], domiciliée [Adresse 1881],
2155°/ à Mme [PO] [KB], domiciliée [Adresse 2923],
2156°/ à Mme [SSC] [TM], domiciliée [Adresse 493],
2157°/ à Mme [BPJ] [CB], domiciliée [Adresse 1978],
2158°/ à Mme [BVK] [OO], domiciliée [Adresse 2200],
2159°/ à Mme [LM] [IUE] [IS], domiciliée [Adresse 234],
2160°/ à Mme [YTY] [CR], domiciliée [Adresse 144],
2161°/ à Mme [RLB] [HU], domiciliée [Adresse 84],
2162°/ à Mme [EZN] [VO], domiciliée [Adresse 707],
2163°/ à Mme [VFK] [ZTI], domiciliée [Adresse 1555],
2164°/ à Mme [PFV] [GLM], domiciliée [Adresse 2876],
2165°/ à Mme [CNE] [DGZ], domiciliée [Adresse 3056],
2166°/ à Mme [ACD] [KJY], domiciliée [Adresse 2056],
2167°/ à Mme [IWV] [JXI], domiciliée [Adresse 279],
2168°/ à Mme [KKO] [IZR], domiciliée [Adresse 1229],
2169°/ à M. [NIZ] [SUB], domicilié [Adresse 2063],
2170°/ à Mme [PA] [HLY], domiciliée [Adresse 2525],
2171°/ à Mme [BPJ] [HZN], domiciliée [Adresse 1963],
2172°/ à Mme [OHZ] [NYH], domiciliée [Adresse 1990],
2173°/ à M. [UKC] [IXF], domicilié [Adresse 2950],
2174°/ à Mme [ACD] [JOW], domiciliée [Adresse 311],
2175°/ à Mme [VYF] [LXX], domiciliée [Adresse 1465],
2176°/ à M. [FO] [LMT], domicilié [Adresse 1971],
2177°/ à Mme [PHS] [EGD], domiciliée [Adresse 2518],
2178°/ à Mme [GE] [TBU], domiciliée [Adresse 2168],
2179°/ à Mme [GFY] [IRZ], domiciliée [Adresse 594],
2180°/ à Mme [LCZ] [EOR], domiciliée [Adresse 1554],
2181°/ à Mme [CDP] [NPM], domiciliée [Adresse 2836],
2182°/ à Mme [XSP] [KVI], domiciliée [Adresse 2634],
2183°/ à Mme [JHM] [WUU], domiciliée [Adresse 1874],
2184°/ à Mme [ZYS] [JMO], domiciliée [Adresse 641],
2185°/ à Mme [NRD] [OYR], domiciliée [Adresse 230],
2186°/ à Mme [JOA] [TJC], domiciliée [Adresse 1542],
2187°/ à Mme [PTG] [ADH], domiciliée chez M. [KKO] [IUX], [Adresse 228],
2188°/ à Mme [RJA] [NB], domiciliée [Adresse 1703],
2189°/ à Mme [SKU] [UKC], domiciliée [Adresse 1584],
2190°/ à Mme [ISE] [ZND], domiciliée [Adresse 2070],
2191°/ à Mme [TAB] [GLE], domiciliée [Adresse 1273],
2192°/ à Mme [DIZ] [EVW], domiciliée [Adresse 2612],
2193°/ à Mme [XXR] [TXI], domiciliée [Adresse 1164],
2194°/ à Mme [RTL] [CRA], domiciliée [Adresse 567],
2195°/ à Mme [XMC] [XPO], domiciliée [Adresse 1372],
2196°/ à Mme [JHM] [MIJ], domiciliée [Adresse 2248],
2197°/ à Mme [LM] [JZN], domiciliée [Adresse 2124],
2198°/ à Mme [NRD] [PPV], domiciliée [Adresse 2599],
2199°/ à Mme [ACD] [ODA], domiciliée [Adresse 327],
2200°/ à Mme [LM] [DFK], domiciliée [Adresse 825],
2201°/ à Mme [LM] [TZD], domiciliée [Adresse 1793],
2202°/ à Mme [PRJ] [BGL], domiciliée [Adresse 3181],
2203°/ à Mme [LM] [HNY], domiciliée [Adresse 862],
2204°/ à Mme [ISE] [LM], domiciliée [Adresse 3115],
2205°/ à Mme [ZF] [DCU], domiciliée [Adresse 1118],
2206°/ à Mme [ZKH] [HNV], domiciliée [Adresse 581],
2207°/ à Mme [PIR] [LM], domiciliée [Adresse 2399],
2208°/ à Mme [USM] [DZF], domiciliée [Adresse 2334],
2209°/ à Mme [PFV] [GKZ], domiciliée [Adresse 3081],
2210°/ à Mme [FIB] [ONA], domiciliée [Adresse 2566],
2211°/ à Mme [BI] [FPV], domiciliée [Adresse 2015],
2212°/ à Mme [BAO] [UGP], domiciliée [Adresse 2497],
2213°/ à M. [BOR] [YVE], domicilié [Adresse 1100],
2214°/ à Mme [CU] [IXT], domiciliée [Adresse 604],
2215°/ à Mme [KKO] [DUB], épouse [DAX], domiciliée [Adresse 1639],
2216°/ à Mme [TX] [XPX], domiciliée [Adresse 2514],
2217°/ à Mme [LAL] [MTU], domiciliée [Adresse 2935]),
2218°/ à Mme [NRD] [EWU], domiciliée [Adresse 217],
2219°/ à Mme [LM] [LLA] [IZA], domiciliée [Adresse 398],
2220°/ à Mme [TZ] [NTZ], domiciliée [Adresse 374],
2221°/ à Mme [ZKH] [IGJ], domiciliée [Adresse 1366],
2222°/ à Mme [VYF] [OGO], domiciliée [Adresse 3270],
2223°/ à M. [EPV] [PMZ], domicilié [Adresse 943],
2224°/ à Mme [TX] [CKA], domiciliée [Adresse 2615],
2225°/ à Mme [VHD] [ELP], domiciliée [Adresse 329],
2226°/ à Mme [IBF] [DMW], domiciliée [Adresse 1332],
2227°/ à Mme [LOL] [DSX], domiciliée [Adresse 2721],
2228°/ à Mme [UEC] [EFM], domiciliée [Adresse 101],
2229°/ à Mme [VYF] [FNC], domiciliée [Adresse 1077],
2230°/ à Mme [AGR] [DTW], domiciliée [Adresse 1843],
2231°/ à M. [OLL] [VAL], domicilié [Adresse 1205],
2232°/ à Mme [BVF] [YYR], domiciliée [Adresse 882],
2233°/ à Mme [LLA] [KLT], domiciliée [Adresse 755],
2234°/ à Mme [IZF] [NDY], domiciliée [Adresse 2535],
2235°/ à Mme [HOW] [AXY], domiciliée [Adresse 3061],
2236°/ à Mme [ACD] [AS], domiciliée [Adresse 1348],
2237°/ à Mme [PA] [AS], domiciliée [Adresse 1434],
2238°/ à Mme [VYF] [NB], domiciliée [Adresse 366],
2239°/ à Mme [NAL] [TY], domiciliée [Adresse 2331],
2240°/ à Mme [LS] [GA], domiciliée [Adresse 3164],
2241°/ à Mme [JHM] [UM], domiciliée [Adresse 2729],
2242°/ à Mme [FJM] [MK] [UB], domiciliée [Adresse 1202],
2243°/ à Mme [VYF] [MU], domiciliée [Adresse 946],
2244°/ à Mme [PIE] [UH], domiciliée [Adresse 341],
2245°/ à Mme [AGR] [SZ], domiciliée [Adresse 1711],
2246°/ à Mme [CJH] [ZR], domiciliée [Adresse 3093],
2247°/ à Mme [GE] [XE], domiciliée [Adresse 1769],
2248°/ à Mme [FZ] [CR], domiciliée [Adresse 1872],
2249°/ à Mme [NRD] [JI], domiciliée [Adresse 2759],
2250°/ à Mme [RRR] [SF], domiciliée [Adresse 3095],
2251°/ à Mme [ACD] [LXG], épouse [OS], domiciliée [Adresse 1503],
2252°/ à Mme [TR] [WCP], domiciliée [Adresse 505],
2253°/ à Mme [RRR] [SEE], domiciliée [Adresse 1785],
2254°/ à Mme [LM] [FPS], domiciliée [Adresse 1346],
2255°/ à M. [PZI] [FIU], domicilié [Adresse 1340],
2256°/ à M. [KBW] [FDT], domicilié [Adresse 400],
2257°/ à M. [WIH] [WKA], domicilié [Adresse 2996],
2258°/ à Mme [KKO] [LVF], domiciliée [Adresse 2500],
2259°/ à Mme [HWH] [MNC], domiciliée [Adresse 1343],
2260°/ à Mme [LM] [PWE], domiciliée [Adresse 1840],
2261°/ à Mme [BPS] [HOL], domiciliée [Adresse 2879],
2262°/ à Mme [LM] [GDV], domiciliée [Adresse 2265],
2263°/ à M. [DP] [BT], domicilié [Adresse 1416],
2264°/ à Mme [BNE] [MMY], domiciliée [Adresse 2808],
2265°/ à Mme [JOZ] [JSE], domiciliée [Adresse 1576],
2266°/ à Mme [JXK] [TBU], domiciliée [Adresse 1724],
2267°/ à Mme [XHW] [CMI], domiciliée [Adresse 2720],
2268°/ à Mme [LLA] [ENV], domiciliée [Adresse 2322],
2269°/ à Mme [KJW] [HWS], domiciliée [Adresse 1506],
2270°/ à Mme [XXR] [BIR], domiciliée [Adresse 1946],
2271°/ à M. [SRJ] [OWH], domicilié [Adresse 3002],
2272°/ à Mme [RJA] [HJC], domiciliée [Adresse 713],
2273°/ à Mme [FLV] [LSH], domiciliée [Adresse 1812],
2274°/ à Mme [OKR] [OAZ], domiciliée [Adresse 152],
2275°/ à Mme [FJM] [WSK], domiciliée [Adresse 325],
2276°/ à Mme [NAL] [BVT], domiciliée [Adresse 695],
2277°/ à Mme [VYF] [ULZ], domiciliée [Adresse 937],
2278°/ à Mme [SSC] [ABH], domiciliée [Adresse 675],
2279°/ à Mme [SXB] [XTG], domiciliée [Adresse 876],
2280°/ à Mme [MM] [YKK], domiciliée [Adresse 422],
2281°/ à Mme [KKO] [XHS], domiciliée [Adresse 1752],
2282°/ à Mme [ZYS] [TCE], domiciliée [Adresse 2824],
2283°/ à M. [OLL] [MNK], domicilié [Adresse 591],
2284°/ à Mme [SXB] [NGB], domiciliée [Adresse 775],
2285°/ à Mme [ACD] [RTN], domiciliée [Adresse 524],
2286°/ à Mme [XWG] [PAS], domiciliée [Adresse 324],
2287°/ à Mme [JXK] [OVR], domiciliée [Adresse 448],
2288°/ à Mme [ZH] [IOZ], domiciliée [Adresse 2381],
2289°/ à Mme [LM] [AID], domiciliée [Adresse 2647],
2290°/ à Mme [JXN] [TWP], domiciliée [Adresse 480],
2291°/ à Mme [ZKY] [SWK], domiciliée [Adresse 3118],
2292°/ à Mme [GSJ] [AII], domiciliée [Adresse 1378],
2293°/ à Mme [VKL] [UFD], domiciliée [Adresse 2155],
2294°/ à Mme [GE] [CED], domiciliée [Adresse 1953],
2295°/ à Mme [IRI] [TEU], domiciliée [Adresse 1300],
2296°/ à Mme [RTL] [ARW], domiciliée [Adresse 1919],
2297°/ à Mme [VXG] [KPP], domiciliée [Adresse 1474],
2298°/ à Mme [CGU] [LVW], domiciliée [Adresse 1948],
2299°/ à M. [UEC] [MWB], domicilié [Adresse 2107],
2300°/ à Mme [SKU] [ODV], domiciliée [Adresse 560],
2301°/ à Mme [OED] [LIG], domiciliée [Adresse 1715],
2302°/ à Mme [ACD] [MHO], domiciliée [Adresse 737],
2303°/ à Mme [ZYS] [SKU], domiciliée [Adresse 659],
2304°/ à M. [KBW] [CLE], domicilié [Adresse 1181],
2305°/ à Mme [BVF] [YNT], domiciliée [Adresse 1082],
2306°/ à Mme [DL] [IVF], domiciliée [Adresse 114],
2307°/ à Mme [HOW] [XCI], domiciliée [Adresse 682],
2308°/ à Mme [FJE] [EHY], domiciliée [Adresse 2604],
2309°/ à Mme [CHP] [TFA], domiciliée [Adresse 2397],
2310°/ à Mme [HOW] [VYB], domiciliée [Adresse 2366],
2311°/ à M. [BOR] [YYR], domicilié [Adresse 2071],
2312°/ à Mme [NAL] [JAJ], domiciliée [Adresse 2012],
2313°/ à Mme [LM] [RAX] [MXL], domiciliée [Adresse 1225],
2314°/ à Mme [NIZ] [JYB], domiciliée [Adresse 1529],
2315°/ à Mme [WJ] [URL], domiciliée [Adresse 193],
2316°/ à Mme [CGZ] [OZL], domiciliée [Adresse 614],
2317°/ à Mme [WMS] [RCE], domiciliée [Adresse 534],
2318°/ à Mme [RRR] [MEO], domiciliée [Adresse 3235],
2319°/ à Mme [YCS] [YVI], domiciliée [Adresse 2771],
2320°/ à Mme [TX] [CYG], domiciliée [Adresse 2552],
2321°/ à Mme [XXR] [FH], domiciliée [Adresse 2880],
2322°/ à Mme [NAL] [XT], domiciliée [Adresse 1431],
2323°/ à Mme [PVN] [US], domiciliée [Adresse 1632],
2324°/ à Mme [XXR] [FY], domiciliée [Adresse 1531],
2325°/ à Mme [OFL] [RI], domiciliée [Adresse 797],
2326°/ à Mme [SNH] [TC], domiciliée [Adresse 2108],
2327°/ à Mme [CNE] [JJ], épouse [XH], domiciliée [Adresse 1756],
2328°/ à Mme [CJH] [EW], domiciliée [Adresse 1429],
2329°/ à Mme [LM] [IG], domiciliée [Adresse 618],
2330°/ à Mme [TX] [AG], domiciliée [Adresse 2460],
2331°/ à Mme [OVI] [OY], domiciliée [Adresse 2665],
2332°/ à Mme [XXR] [TD], domiciliée [Adresse 2749],
2333°/ à Mme [PFV] [YI], domiciliée [Adresse 2528],
2334°/ à M. [MPU] [GX], domicilié [Adresse 437],
2335°/ à Mme [ZKY] [TL], domiciliée [Adresse 601],
2336°/ à Mme [YTY] [DS], domiciliée [Adresse 2925],
2337°/ à Mme [YTY] [VU], domiciliée [Adresse 1085],
2338°/ à M. [JXK] [KH], domicilié [Adresse 3032],
2339°/ à Mme [ZGB] [RM], domiciliée [Adresse 78],
2340°/ à Mme [ASX] [KS], domiciliée [Adresse 2451],
2341°/ à Mme [JOZ] [CY], domiciliée [Adresse 3128],
2342°/ à Mme [NRD] [BPJ], domiciliée [Adresse 2231],
2343°/ à Mme [NRD] [SRU], domiciliée [Adresse 2363],
2344°/ à Mme [PE] [UCB], domiciliée [Adresse 999],
2345°/ à M. [GGZ] [CUJ], domicilié [Adresse 2373],
2346°/ à Mme [LM] [CUJ], domiciliée [Adresse 1786],
2347°/ à Mme [RA] [CNE], domiciliée [Adresse 2790],
2348°/ à Mme [XXR] [LKJ], domiciliée [Adresse 2337],
2349°/ à Mme [FTN] [JOU], domiciliée [Adresse 3043],
2350°/ à Mme [ZPE] [NFT], domiciliée [Adresse 1070],
2351°/ à Mme [LOL] [BUX], domiciliée [Adresse 224],
2352°/ à Mme [BPJ] [PTR], domiciliée [Adresse 1592],
2353°/ à Mme [ZPE] [PDN], domiciliée [Adresse 3166],
2354°/ à Mme [CVN] [ALE], domiciliée [Adresse 1782],
2355°/ à Mme [LM] [UEM], domiciliée [Adresse 365],
2356°/ à Mme [YTY] [DTN], domiciliée [Adresse 133],
2357°/ à M. [ISJ] [RZB], domicilié [Adresse 516],
2358°/ à M. [VHP] [CHH], domicilié [Adresse 1536],
2359°/ à Mme [IPH] [PII] [CU], domiciliée [Adresse 1828],
2360°/ à Mme [TIY] [LAJ], épouse [BSS], domiciliée [Adresse 1323],
2361°/ à Mme [JEX] [TEB], domiciliée [Adresse 353],
2362°/ à Mme [ACD] [HMA], domiciliée [Adresse 1678],
2363°/ à Mme [TR] [XFA], domiciliée [Adresse 443],
2364°/ à Mme [LAL] [DBT], domiciliée [Adresse 2406],
2365°/ à Mme [PFV] [UKC], domiciliée [Adresse 802],
2366°/ à M. [EPV] [XDD], domicilié [Adresse 2092],
2367°/ à Mme [ASX] [IJV], domiciliée [Adresse 2183],
2368°/ à Mme [YDV] [EYJ], domiciliée [Adresse 889],
2369°/ à Mme [LMK] [UOZ], domiciliée [Adresse 2740],
2370°/ à Mme [LM] [UOZ], domiciliée [Adresse 2762],
2371°/ à M. [CNE] [WPJ], domicilié [Adresse 2138],
2372°/ à Mme [YTY] [KCB], domiciliée [Adresse 779],
2373°/ à Mme [MAK] [JRZ], domiciliée [Adresse 2365],
2374°/ à Mme [ZGB] [IUH], domiciliée Lot. [Adresse 2889],
2375°/ à Mme [FIB] [NYS], domiciliée [Adresse 190],
2376°/ à M. [YFJ] [ORI], domicilié [Adresse 1472],
2377°/ à Mme [ZC] [PNH], domiciliée [Adresse 2154],
2378°/ à Mme [BPS] [HZW], domiciliée [Adresse 1228],
2379°/ à Mme [FZ] [GSB], domiciliée [Adresse 896],
2380°/ à Mme [VYF] [FYM], domiciliée [Adresse 762],
2381°/ à Mme [LOL] [KKO], domiciliée [Adresse 3176],
2382°/ à Mme [ACD] [RSF], domiciliée [Adresse 717],
2383°/ à Mme [PRJ] [ULM], domiciliée [Adresse 864],
2384°/ à Mme [SKU] [PDD], domiciliée [Adresse 893],
2385°/ à Mme [JHM] [VRX], domiciliée [Adresse 636],
2386°/ à Mme [BPS] [VOJ], domiciliée [Adresse 2387],
2387°/ à M. [KKO] [VEH], domicilié [Adresse 1276],
2388°/ à Mme [FIB] [WYK], domiciliée [Adresse 1597],
2389°/ à Mme [DEZ] [XTO], domiciliée [Adresse 265],
2390°/ à Mme [SBG] [XNJ], domiciliée [Adresse 1562],
2391°/ à Mme [LM] [KOI], domiciliée [Adresse 3161],
2392°/ à Mme [ZPE] [KOI], domiciliée [Adresse 1599],
2393°/ à Mme [PHS] [RJM], domiciliée [Adresse 2280],
2394°/ à Mme [LM] [KTF], domiciliée [Adresse 2826],
2395°/ à Mme [ODZ] [CXN], domiciliée [Adresse 2093],
2396°/ à Mme [XC] [HTR], domiciliée [Adresse 2619],
2397°/ à Mme [TCK] [PVS], domiciliée [Adresse 2742],
2398°/ à Mme [TBD] [PTE], domiciliée [Adresse 1089],
2399°/ à M. [KBW] [VDD], domicilié [Adresse 1962],
2400°/ à Mme [UEX] [HIL], domiciliée [Adresse 3025],
2401°/ à Mme [PTG] [OEZ], domiciliée [Adresse 640],
2402°/ à Mme [TX] [NMI], domiciliée [Adresse 719],
2403°/ à Mme [LM] [DRI], domiciliée [Adresse 1740],
2404°/ à Mme [CGU] [DLH], domiciliée [Adresse 562],
2405°/ à M. [CNE] [LYS], domicilié [Adresse 1691],
2406°/ à Mme [BAL] [AUS], domiciliée [Adresse 2639],
2407°/ à Mme [JOZ] [GD], domiciliée [Adresse 2749],
2408°/ à Mme [XXR] [GI], domiciliée [Adresse 2189],
2409°/ à Mme [ISE] [JS], domiciliée [Adresse 539],
2410°/ à Mme [SLC] [WS], domiciliée [Adresse 2613],
2411°/ à Mme [RIJ] [LC], domiciliée [Adresse 1895],
2412°/ à Mme [LM] [YR], domiciliée [Adresse 697],
2413°/ à M. [IBF] [ABH], domicilié [Adresse 542],
2414°/ à Mme [NE] [KY], domiciliée [Adresse 1866],
2415°/ à Mme [CHM] [MO], domiciliée [Adresse 2900],
2416°/ à Mme [ZKY] [ABH], domiciliée [Adresse 578],
2417°/ à M. [ZMV] [MH], domicilié [Adresse 1321],
2418°/ à Mme [BPJ] [YF], domiciliée [Adresse 1369],
2419°/ à Mme [LFM] [LN], domiciliée [Adresse 3057],
2420°/ à Mme [JXK] [WY], domiciliée [Adresse 849],
2421°/ à Mme [JOZ] [WK], domiciliée [Adresse 2918],
2422°/ à Mme [PRJ] [WAC], domiciliée [Adresse 2793],
2423°/ à Mme [CYG] [UK], domiciliée [Adresse 2009],
2424°/ à Mme [LM] [ZDF], domiciliée [Adresse 1651],
2425°/ à Mme [CNE] [GWS], domiciliée [Adresse 1043],
2426°/ à Mme [FOI] [BYO], domiciliée [Adresse 714],
2427°/ à Mme [NZA] [DJM], domiciliée [Adresse 1729],
2428°/ à Mme [GTR] [LSY], domiciliée [Adresse 2095],
2429°/ à M. [ISJ] [IXD], domicilié [Adresse 1495],
2430°/ à Mme [XVH] [PRF], domiciliée [Adresse 1638],
2431°/ à M. [XHN] [BOW], domicilié [Adresse 729],
2432°/ à Mme [SSC] [UZR], domiciliée [Adresse 1187],
2433°/ à Mme [XXR] [CEU], domiciliée [Adresse 513],
2434°/ à Mme [CGZ] [BWX], domiciliée [Adresse 104],
2435°/ à Mme [KKO] [IUH], domiciliée [Adresse 3066],
2436°/ à Mme [LM] [ALM], domiciliée [Adresse 790],
2437°/ à Mme [ACD] [PRL], domiciliée [Adresse 837],
2438°/ à Mme [BPS] [PKW], domiciliée [Adresse 936],
2439°/ à Mme [PFV] [NFK], domiciliée [Adresse 412],
2440°/ à Mme [PHS] [VGZ], domiciliée [Adresse 3209],
2441°/ à Mme [ACD] [FLP], domiciliée [Adresse 2749],
2442°/ à Mme [SXB] [FRR], domiciliée [Adresse 1426],
2443°/ à Mme [JOZ] [YLB], domiciliée [Adresse 44],
2444°/ à Mme [OMW] [GOI], domiciliée [Adresse 2344],
2445°/ à Mme [PRJ] [VSF], domiciliée [Adresse 1662],
2446°/ à Mme [RGZ] [YYM], domiciliée [Adresse 2920],
2447°/ à Mme [CNE] [OLL], domiciliée [Adresse 3258],
2448°/ à Mme [JGM] [JEZ], domiciliée [Adresse 3257],
2449°/ à Mme [LM] [CTN], domiciliée [Adresse 1442],
2450°/ à Mme [JXN] [IUH], domiciliée [Adresse 3261],
2451°/ à Mme [VYF] [YFN], domiciliée [Adresse 1831],
2452°/ à Mme [ACD] [RWB], domiciliée [Adresse 872],
2453°/ à Mme [YTY] [PYJ], domiciliée [Adresse 1384],
2454°/ à Mme [ZGB] [MAC], domiciliée [Adresse 692],
2455°/ à Mme [FZ] [HTZ], domiciliée [Adresse 519],
2456°/ à Mme [FJM] [HGJ], domiciliée [Adresse 2],
2457°/ à Mme [NYY] [LM], domiciliée [Adresse 2482],
2458°/ à Mme [LM] [LM], domiciliée [Adresse 57],
2459°/ à Mme [DT] [KDA], domiciliée [Adresse 3097],
2460°/ à Mme [ILM] [LSH], domiciliée [Adresse 2708],
2461°/ à Mme [KKO] [LCE], domiciliée [Adresse 2891],
2462°/ à Mme [YTY] [LCE], domiciliée [Adresse 216],
2463°/ à Mme [JHM] [MYO], domiciliée [Adresse 1797],
2464°/ à Mme [LM] [TGG], domiciliée [Adresse 3018],
2465°/ à Mme [RKX] [GSE], domiciliée [Adresse 2016],
2466°/ à M. [BFP] [CRF], domicilié [Adresse 2587],
2467°/ à Mme [BPJ] [VND], domiciliée [Adresse 800],
2468°/ à Mme [HWJ] [XLA], domiciliée [Adresse 923],
2469°/ à Mme [MKX] [XRB], domiciliée [Adresse 1288],
2470°/ à Mme [PIR] [JUH], domiciliée [Adresse 1606],
2471°/ à Mme [DEZ] [ZAF], domiciliée [Adresse 2897],
2472°/ à M. [LD] [AVF], domicilié [Adresse 536],
2473°/ à M. [COI] [IHP], domicilié [Adresse 1956],
2474°/ à Mme [TEY] [WAO], domiciliée [Adresse 1420],
2475°/ à Mme [ZC] [KWX], domiciliée [Adresse 2101],
2476°/ à Mme [HOW] [RSF] [LEJ], domiciliée [Adresse 2439],
2477°/ à Mme [BZT] [EBP], domiciliée [Adresse 2360],
2478°/ à Mme [PA] [ZLG], domiciliée [Adresse 1331],
2479°/ à Mme [ASX] [BT], domiciliée [Adresse 2929],
2480°/ à Mme [LM] [OUE], domiciliée [Adresse 1014],
2481°/ à Mme [OVI] [CBT], domiciliée [Adresse 1600],
2482°/ à Mme [EIZ] [OAE], domiciliée [Adresse 1540],
2483°/ à Mme [YB] [JTA], domiciliée [Adresse 2343],
2484°/ à M. [KNK] [CEZ], domicilié [Adresse 1186],
2485°/ à Mme [PHS] [SAY], domiciliée [Adresse 2827],
2486°/ à Mme [PHS] [HYS], domiciliée [Adresse 891],
2487°/ à Mme [FZ] [IIR], domiciliée [Adresse 3033],
2488°/ à Mme [RJA] [UAG], domiciliée [Adresse 2802],
2489°/ à Mme [XSH] [H], domiciliée [Adresse 2741],
2490°/ à Mme [NS] [P], domiciliée [Adresse 579],
2491°/ à Mme [CTA] [Z], domiciliée [Adresse 1628],
2492°/ à Mme [SHA] [ON], domiciliée [Adresse 2592],
2493°/ à Mme [NHH] [MZ], domiciliée [Adresse 1641],
2494°/ à Mme [IUH] [SSC], épouse [YYE], domiciliée [Adresse 201],
2495°/ à Mme [ASX] [WVG], domiciliée [Adresse 2674],
2496°/ à Mme [NAL] [FF], domiciliée [Adresse 41],
2497°/ à Mme [BPJ] [AX], domiciliée [Adresse 3152],
2498°/ à Mme [NRD] [XZ], domiciliée [Adresse 438],
2499°/ à Mme [PHS] [NL], domiciliée [Adresse 1367],
2500°/ à Mme [OVI] [IC], domiciliée [Adresse 1119],
2501°/ à Mme [ZGB] [EXY], domiciliée [Adresse 2867],
2502°/ à Mme [YTY] [GY], domiciliée [Adresse 297],
2503°/ à Mme [RJA] [MV], domiciliée [Adresse 1518],
2504°/ à Mme [JOI] [AW], domiciliée [Adresse 2594],
2505°/ à Mme [TEY] [YAM], domiciliée [Adresse 3215],
2506°/ à Mme [PRJ] [GDY], domiciliée [Adresse 2922],
2507°/ à Mme [BGU] [FPS], domiciliée [Adresse 2773],
2508°/ à M. [DP] [DAU], domicilié [Adresse 1110],
2509°/ à Mme [HXF] [XPG], domiciliée [Adresse 1553],
2510°/ à Mme [ZGB] [DFV], épouse [IEU], domiciliée [Adresse 1352],
2511°/ à Mme [CGU] [PGD], domiciliée [Adresse 2837],
2512°/ à Mme [IOI] [NTG], domiciliée [Adresse 2907],
2513°/ à Mme [JHM] [BGD], domiciliée [Adresse 2974],
2514°/ à Mme [NIZ] [BLM], domiciliée [Adresse 1335],
2515°/ à Mme [YAI] [TWY], domiciliée [Adresse 2542],
2516°/ à Mme [EMW] [SBO], domiciliée [Adresse 2654],
2517°/ à Mme [PRJ] [ODR], domiciliée [Adresse 2640],
2518°/ à Mme [HHH] [BGZ], domiciliée [Adresse 482],
2519°/ à Mme [SBK] [ODC], domiciliée [Adresse 2087],
2520°/ à Mme [NYY] [KAE], domiciliée [Adresse 967],
2521°/ à Mme [SRB] [KVI], domiciliée [Adresse 1907],
2522°/ à Mme [NAL] [LVN], domiciliée [Adresse 2314],
2523°/ à Mme [NHH] [MAO], domiciliée [Adresse 3109],
2524°/ à Mme [TX] [DOW], domiciliée [Adresse 3000],
2525°/ à M. [UD] [YAZ], domicilié [Adresse 2736],
2526°/ à Mme [GTR] [ZDS], domiciliée [Adresse 2037],
2527°/ à Mme [GE] [GTW], domiciliée [Adresse 1805],
2528°/ à Mme [SRB] [ICD], domiciliée [Adresse 2871],
2529°/ à Mme [CJH] [UGY], domiciliée [Adresse 90],
2530°/ à Mme [XXR] [AED], domiciliée [Adresse 1029],
2531°/ à Mme [WTB] [COA], domiciliée [Adresse 3026],
2532°/ à Mme [LIG] [DTT], domiciliée [Adresse 3213],
2533°/ à M. [KZR] [DTT], domicilié [Adresse 3217],
2534°/ à Mme [UUY] [DWG], domiciliée [Adresse 1596],
2535°/ à Mme [CYG] [JZN], domiciliée [Adresse 7],
2536°/ à Mme [CJ] [PUB], domiciliée [Adresse 654],
2537°/ à Mme [PRJ] [IML], domiciliée [Adresse 146],
2538°/ à Mme [DGD] [DWJ], domiciliée [Adresse 2700],
2539°/ à Mme [PO] [JKG], domiciliée [Adresse 1832],
2540°/ à Mme [NDU] [LM], domiciliée [Adresse 538],
2541°/ à Mme [FIB] [PZI], domiciliée [Adresse 1455],
2542°/ à M. [RUE] [RRZ], domicilié [Adresse 2894],
2543°/ à Mme [ASX] [SZT], domiciliée [Adresse 467],
2544°/ à M. [RIS] [EBT], domicilié [Adresse 1899],
2545°/ à Mme [JHM] [BAU], domiciliée [Adresse 760],
2546°/ à Mme [BPS] [KDA], domiciliée [Adresse 1022],
2547°/ à Mme [SZO] [BEU], domiciliée [Adresse 3227],
2548°/ à Mme [DL] [NBC], domiciliée [Adresse 2227],
2549°/ à Mme [ACD] [FTI], domiciliée [Adresse 1443],
2550°/ à Mme [BPJ] [PBI], domiciliée [Adresse 625],
2551°/ à Mme [RRR] [BKI], domiciliée [Adresse 2097],
2552°/ à Mme [CZY] [ZRL], domiciliée [Adresse 2618],
2553°/ à Mme [PA] [YVE], domiciliée [Adresse 2541],
2554°/ à M. [HOW] [ZXX], domicilié [Adresse 2312],
2555°/ à Mme [CSJ] [TMO], domiciliée [Adresse 2224],
2556°/ à Mme [ASX] [XTK], domiciliée [Adresse 2456],
2557°/ à Mme [JOZ] [ADY], domiciliée [Adresse 2995],
2558°/ à Mme [SKU] [CEG], domiciliée [Adresse 464],
2559°/ à Mme [XXR] [PTA], domiciliée [Adresse 165],
2560°/ à Mme [PHS] [OAE], domiciliée [Adresse 1168],
2561°/ à Mme [SRB] [NMO], domiciliée [Adresse 418],
2562°/ à Mme [NBG] [MSK], domiciliée [Adresse 3255],
2563°/ à Mme [DGD] [KNE], domiciliée [Adresse 611],
2564°/ à Mme [MVC] [CMZ], domiciliée [Adresse 1532],
2565°/ à Mme [NBG] [GZY], domiciliée [Adresse 1498],
2566°/ à M. [AON] [RIS], domicilié [Adresse 21],
2567°/ à Mme [YNG] [GKU], domiciliée [Adresse 1854],
2568°/ à Mme [BI] [GDF], domiciliée [Adresse 2122],
2569°/ à Mme [AZY] [TVF], domiciliée [Adresse 2749],
2570°/ à Mme [LM] [NZC], divorcée [ETI], domiciliée [Adresse 213],
2571°/ à Mme [VYF] [OGR], domiciliée [Adresse 1510],
2572°/ à Mme [UTZ] [SAS], domiciliée [Adresse 1828],
2573°/ à Mme [EL] [YVI], domiciliée [Adresse 427],
2574°/ à Mme [MM] [HM], domiciliée [Adresse 696],
2575°/ à Mme [SJB] [PX], domiciliée [Adresse 1857],
2576°/ à Mme [TEY] [SG], domiciliée [Adresse 715],
2577°/ à Mme [HTW] [DT], domiciliée [Adresse 835],
2578°/ à Mme [CJH] [EA], domiciliée [Adresse 1969],
2579°/ à Mme [LM] [OK], domiciliée [Adresse 1850],
2580°/ à Mme [PHS] [BJ], domiciliée [Adresse 271],
2581°/ à M. [BXT] [PH], domicilié [Adresse 1762],
2582°/ à Mme [ACD] [SL], domiciliée [Adresse 2398],
2583°/ à Mme [CNE] [ZI], domiciliée [Adresse 1334],
2584°/ à Mme [XWG] [PP], domiciliée [Adresse 1152],
2585°/ à M. [BXT] [BY], domicilié [Adresse 2625],
2586°/ à Mme [CNE] [JG], domiciliée [Adresse 3201],
2587°/ à Mme [CDP] [YW], domiciliée [Adresse 3174],
2588°/ à Mme [VC] [XL], domiciliée [Adresse 3030],
2589°/ à Mme [HIU] [ZJ], domiciliée [Adresse 2969],
2590°/ à Mme [LOL] [KH], domiciliée [Adresse 2233],
2591°/ à Mme [KKO] [DD], domiciliée [Adresse 3160],
2592°/ à Mme [FIB] [WVG], domiciliée [Adresse 3224],
2593°/ à Mme [NAL] [UOV], domiciliée [Adresse 2947],
2594°/ à Mme [NWC] [ASJ], domiciliée [Adresse 2973],
2595°/ à Mme [LOL] [AXK], domiciliée [Adresse 1222],
2596°/ à Mme [PRJ] [ADL], domiciliée [Adresse 1587],
2597°/ à Mme [GSJ] [ONR], domiciliée [Adresse 266],
2598°/ à Mme [CNE] [KNC] [ZWA], domiciliée [Adresse 2589],
2599°/ à Mme [UWM] [ZTM], domiciliée [Adresse 3145],
2600°/ à Mme [NAL] [PIV], domiciliée [Adresse 222],
2601°/ à Mme [MAK] [HBP], domiciliée [Adresse 1920],
2602°/ à Mme [JGM] [PLI], domiciliée [Adresse 2572],
2603°/ à Mme [XWG] [HJH], domiciliée [Adresse 2976],
2604°/ à M. [KKO] [DON], domicilié [Adresse 1839],
2605°/ à Mme [YB] [LCO], domiciliée [Adresse 2638],
2606°/ à Mme [YTY] [KHK], domiciliée [Adresse 1676],
2607°/ à Mme [NIZ] [NNH], domiciliée [Adresse 2000],
2608°/ à Mme [KKO] [SZC], domiciliée [Adresse 1320],
2609°/ à Mme [MM] [RYX], domiciliée [Adresse 2159],
2610°/ à Mme [JHM] [RBF], domiciliée [Adresse 1467],
2611°/ à Mme [SKU] [RBF], domiciliée [Adresse 2796],
2612°/ à Mme [KCE] [ODI]-[VCM], domiciliée [Adresse 2207],
2613°/ à Mme [EIZ] [NAP] [EPV], domiciliée [Adresse 2795],
2614°/ à Mme [PA] [MKK], domiciliée [Adresse 2749],
2615°/ à M. [LPX] [USK], domicilié [Adresse 1245],
2616°/ à Mme [JJE] [CON], domiciliée [Adresse 3162],
2617°/ à Mme [RJA] [IUH], domiciliée [Adresse 1211],
2618°/ à Mme [TUC] [ROD], domiciliée [Adresse 1893],
2619°/ à Mme [ZWR] [EXF], domiciliée [Adresse 95],
2620°/ à Mme [JOZ] [NKL], domiciliée [Adresse 490],
2621°/ à Mme [NHH] [MSV], domiciliée [Adresse 649],
2622°/ à Mme [DTI] [GIU], domiciliée [Adresse 1733],
2623°/ à Mme [BUB] [HMA], domiciliée [Adresse 214],
2624°/ à Mme [LM] [ZTA], domiciliée [Adresse 1405],
2625°/ à M. [TGT] [XCM], domicilié [Adresse 1066],
2626°/ à Mme [UWM] [WMJ], domiciliée [Adresse 854],
2627°/ à Mme [JHM] [WCH], domiciliée [Adresse 2718],
2628°/ à Mme [DL] [SXD], domiciliée [Adresse 1689],
2629°/ à Mme [GZT] [WEZ], domiciliée [Adresse 945],
2630°/ à Mme [PHS] [STT], domiciliée [Adresse 394],
2631°/ à M. [EAO] [IXN], domicilié [Adresse 1767],
2632°/ à Mme [VYF] [JKD], domiciliée [Adresse 1704],
2633°/ à Mme [NWE] [IOD], domiciliée [Adresse 2446],
2634°/ à Mme [KSC] [FRT], domiciliée [Adresse 809],
2635°/ à Mme [LIO] [LM], domiciliée [Adresse 166],
2636°/ à Mme [UJH] [BRN], domiciliée [Adresse 3278],
2637°/ à Mme [GE] [HHE], domiciliée [Adresse 2174],
2638°/ à Mme [CNE] [RGX], domiciliée [Adresse 3092],
2639°/ à Mme [XVH] [ICL], domiciliée [Adresse 545],
2640°/ à Mme [ZGB] [CTT], domiciliée [Adresse 2099],
2641°/ à Mme [PFV] [XJX], domiciliée [Adresse 1595],
2642°/ à Mme [PHS] [EYB], domiciliée [Adresse 2353],
2643°/ à Mme [MM] [RIS], domiciliée [Adresse 853],
2644°/ à Mme [TDR] [MLF], domiciliée [Adresse 2432],
2645°/ à Mme [LYB] [YNO], domiciliée [Adresse 821],
2646°/ à Mme [GTR] [NGJ], domiciliée Lot. [Adresse 3060],
2647°/ à Mme [JEG] [JEB], domiciliée [Adresse 2053],
2648°/ à Mme [XWG] [OEB], domiciliée [Adresse 1379],
2649°/ à M. [TZP] [IGJ], domicilié [Adresse 998],
2650°/ à Mme [BVF] [DKD], domiciliée [Adresse 3266]),
2651°/ à Mme [IUH] [KVT], domiciliée [Adresse 291],
2652°/ à Mme [BPJ] [COZ], domiciliée [Adresse 2899],
2653°/ à Mme [IUH] [BXK], domiciliée [Adresse 653],
2654°/ à Mme [JHM] [GPY], domiciliée [Adresse 2722],
2655°/ à Mme [RKX] [BDY], domiciliée [Adresse 1670],
2656°/ à Mme [FWB] [UCY], domiciliée [Adresse 871],
2657°/ à Mme [CNE] [FXF], domiciliée [Adresse 1464],
2658°/ à Mme [ISV] [RXI], domiciliée [Adresse 1768],
2659°/ à Mme [KLX] [GTI], domiciliée [Adresse 1574],
2660°/ à Mme [ISE] [BCZ], domiciliée [Adresse 2789],
2661°/ à Mme [UHT] [W] [FT], domiciliée [Adresse 9],
2662°/ à M. [OAV] [SB], domicilié [Adresse 2156],
2663°/ à Mme [BRN] [ID], domiciliée [Adresse 1601],
2664°/ à Mme [DL] [JJ], domiciliée [Adresse 530],
2665°/ à Mme [CNE] [MU], domiciliée [Adresse 2946],
2666°/ à Mme [EZT] [YM], domiciliée [Adresse 1009],
2667°/ à Mme [PHS] [CA], domiciliée [Adresse 1780],
2668°/ à Mme M. [BPJ] [GJ], domiciliée [Adresse 687],
2669°/ à Mme [YAI] [PC], domiciliée [Adresse 361],
2670°/ à M. [KZR] [BGZ] [EE], domicilié [Adresse 2100],
2671°/ à Mme [LM] [BT] [MOR], domiciliée [Adresse 525],
2672°/ à Mme [LOL] [BZ], domiciliée [Adresse 2035],
2673°/ à Mme [IPH] [UK], domiciliée [Adresse 2731],
2674°/ à Mme [RJA] [AUX], domiciliée [Adresse 1350],
2675°/ à Mme [SKU] [EOW], domiciliée [Adresse 1929],
2676°/ à Mme [NBG] [OIP], domiciliée [Adresse 1519],
2677°/ à M. [CU] [RGM], domicilié [Adresse 1050],
2678°/ à Mme [CCL] [EYS], domiciliée [Adresse 3194],
2679°/ à Mme [FFT] [DBY], domiciliée [Adresse 1816],
2680°/ à Mme [BCL] [LXT], domiciliée [Adresse 1333],
2681°/ à Mme [UHI] [CDC], domiciliée [Adresse 2354],
2682°/ à Mme [TUT] [LAB], domiciliée [Adresse 971],
2683°/ à Mme [PHS] [YHX], domiciliée [Adresse 686],
2684°/ à Mme [HDW] [GLT], domiciliée [Adresse 777],
2685°/ à Mme [NHH] [APS], domiciliée [Adresse 60],
2686°/ à Mme [EIZ] [HZF], domiciliée [Adresse 2371],
2687°/ à Mme [YTY] [ONE], domiciliée [Adresse 496],
2688°/ à M. [KNK] [NHY], domicilié [Adresse 1074],
2689°/ à Mme [RRR] [KMU], domiciliée [Adresse 1487],
2690°/ à Mme [ZGB] [VSB], domiciliée [Adresse 2179],
2691°/ à Mme [KKO] [XYL], domiciliée [Adresse 1310],
2692°/ à Mme [IPH] [ONI], domiciliée [Adresse 3116],
2693°/ à M. [OLL] [EPV], domicilié [Adresse 526],
2694°/ à Mme [OHZ] [EKU], domiciliée [Adresse 1801],
2695°/ à Mme [BRN] [ODT], domiciliée [Adresse 2044],
2696°/ à Mme [RJA] [NAH], domiciliée [Adresse 2585],
2697°/ à Mme [LAL] [DYB], domiciliée [Adresse 68],
2698°/ à Mme [JGM] [BBP], domiciliée [Adresse 2982],
2699°/ à Mme [UFF] [BZK], domiciliée [Adresse 2953],
2700°/ à M. [HOW] [AJV], domicilié [Adresse 592],
2701°/ à Mme [CTA] [UXU], domiciliée [Adresse 2060],
2702°/ à Mme [FIB] [PLI], domiciliée [Adresse 2450],
2703°/ à Mme [CHM] [YHG], domiciliée [Adresse 1747],
2704°/ à Mme [PO] [VRT], domiciliée [Adresse 3280],
2705°/ à Mme [CUX] [GRA], domiciliée [Adresse 2573],
2706°/ à Mme [LM] [MKC], domiciliée [Adresse 1466],
2707°/ à Mme [FJM] [WXD], domiciliée [Adresse 1686],
2708°/ à Mme [RRR] [WPW], domiciliée [Adresse 508],
2709°/ à Mme [TX] [XNN], domiciliée [Adresse 2648],
2710°/ à Mme [CU] [XRB], domiciliée [Adresse 1685],
2711°/ à Mme [GLC] [HXN], domiciliée [Adresse 1068],
2712°/ à Mme [XW] [SHI], domiciliée [Adresse 3259],
2713°/ à Mme [ZG] [SMJ], domiciliée [Adresse 79],
2714°/ à Mme [BLS] [VPM], domiciliée [Adresse 1663],
2715°/ à Mme [PRJ] [VTA], domiciliée [Adresse 857],
2716°/ à Mme [SJB] [VVN], domiciliée [Adresse 3196],
2717°/ à Mme [HYV] [WDC], domiciliée [Adresse 1892],
2718°/ à Mme [XXR] [BNM], domiciliée [Adresse 1613],
2719°/ à Mme [PRJ] [KLV], domiciliée [Adresse 577],
2720°/ à M. [IUH] [PJH], domicilié [Adresse 2855],
2721°/ à M. [PFV] [OKG], domicilié [Adresse 3163],
2722°/ à Mme [HYX] [IMU], domiciliée [Adresse 3277],
2723°/ à Mme [ZYS] [KFP], domiciliée [Adresse 292],
2724°/ à Mme [PFV] [STO], domiciliée [Adresse 2021],
2725°/ à Mme [EGL] [BDY], domiciliée [Adresse 2683],
2726°/ à Mme [JHM] [AMR], domiciliée [Adresse 2274],
2727°/ à Mme [EJE] [DGG], domiciliée [Adresse 1728],
2728°/ à Mme [AZY] [BRF], domiciliée [Adresse 2355],
2729°/ à Mme [CNE] [WJB], domiciliée [Adresse 856],
2730°/ à Mme [NRD] [JWP], domiciliée [Adresse 185],
2731°/ à Mme [KK] [VLJ], domiciliée [Adresse 466],
2732°/ à M. [D] [TDK], domicilié [Adresse 559],
2733°/ à M. [F] [SFT], domicilié [Adresse 123],
2734°/ à Mme [TEY] [S], domiciliée [Adresse 2477],
2735°/ à Mme [LM] [XXR], domiciliée [Adresse 3232],
2736°/ à Mme [CGR] [DH], domiciliée [Adresse 404],
2737°/ à Mme [SYP] [JV], domiciliée [Adresse 2327],
2738°/ à Mme [GSJ] [FJM], domiciliée [Adresse 314],
2739°/ à Mme [NAL] [VA], domiciliée [Adresse 2727],
2740°/ à Mme [USM] [ZA], domiciliée [Adresse 135],
2741°/ à Mme [GE] [EN], domiciliée [Adresse 1281],
2742°/ à Mme [OHZ] [OC], domiciliée [Adresse 1776],
2743°/ à Mme [MM] [VV], domiciliée [Adresse 2536],
2744°/ à Mme [LM] [SP], domiciliée [Adresse 3237],
2745°/ à Mme [JHM] [YV], domiciliée [Adresse 2719],
2746°/ à M. [SBK] [ZZ], domicilié [Adresse 2501],
2747°/ à Mme [WHR] [TE], domiciliée [Adresse 1535],
2748°/ à Mme [ZGB] [KJ], domiciliée [Adresse 2026],
2749°/ à Mme [LOL] [WP], domiciliée [Adresse 1317],
2750°/ à Mme [KKO] [SK], domiciliée [Adresse 2006],
2751°/ à Mme [UUY] [IM], domiciliée [Adresse 283],
2752°/ à Mme [KNK] [NW], domiciliée [Adresse 2438],
2753°/ à Mme [OKI] [VEY] [ADC] [TEU], domiciliée [Adresse 2767],
2754°/ à Mme [TIY] [XIA], domiciliée [Adresse 2426],
2755°/ à Mme [TX] [TGX], domiciliée [Adresse 2502],
2756°/ à Mme [TR] [UJP], domiciliée [Adresse 3024],
2757°/ à Mme [JOZ] [YMY], domiciliée [Adresse 830],
2758°/ à Mme [LM] [JUV], domiciliée [Adresse 2869],
2759°/ à Mme [ZGB] [TUK], domiciliée [Adresse 1007],
2760°/ à Mme [JOZ] [VUK], domiciliée [Adresse 2558],
2761°/ à Mme [CNE] [NDL], domiciliée [Adresse 1266],
2762°/ à Mme [RTF] [FUB], épouse [WUP], domiciliée [Adresse 2607],
2763°/ à Mme [CLE] [GUG], domiciliée [Adresse 1749],
2764°/ à Mme [PRJ] [PNJ], domiciliée [Adresse 2125],
2765°/ à Mme [GSJ] [LPM], domiciliée [Adresse 683],
2766°/ à Mme [PA] [KHI], domiciliée [Adresse 2675],
2767°/ à Mme [LOL] [XFV], domiciliée [Adresse 3171],
2768°/ à Mme [BPJ] [IED], domiciliée [Adresse 895],
2769°/ à M. [OAV] [YLB], domicilié [Adresse 2856],
2770°/ à Mme [RRR] [JGO], domiciliée [Adresse 3146],
2771°/ à Mme [JJE] [ZVN], domiciliée [Adresse 2519],
2772°/ à Mme [JGM] [WJW], domiciliée [Adresse 1111],
2773°/ à Mme [JHM] [VMV], domiciliée [Adresse 221],
2774°/ à Mme [MN] [FRA], domiciliée [Adresse 336],
2775°/ à Mme [UZA] [SJN], domiciliée [Adresse 2308],
2776°/ à Mme [ASX] [TSH], domiciliée [Adresse 2250],
2777°/ à Mme [LM] [XPO], domiciliée chez M. [DI], [Adresse 119],
2778°/ à Mme [DNV] [KOR], domiciliée [Adresse 426],
2779°/ à Mme [KK] [KMD], domiciliée [Adresse 1353],
2780°/ à Mme [CTA] [ZDJ], domiciliée [Adresse 563],
2781°/ à Mme [LSS] [ONV], domiciliée [Adresse 3122],
2782°/ à Mme [EIZ] [HZW], domiciliée [Adresse 247],
2783°/ à Mme [ZGB] [PGS], domiciliée [Adresse 2410],
2784°/ à Mme [ZAW] [GSB], domiciliée [Adresse 1155],
2785°/ à Mme [TEY] [TCG], domiciliée [Adresse 1700],
2786°/ à Mme [VHD] [TEU], domiciliée [Adresse 1985],
2787°/ à Mme [PHS] [MU], domiciliée [Adresse 1154],
2788°/ à Mme [JXK] [KKO], domiciliée [Adresse 2238],
2789°/ à Mme [JXK] [LZW], domiciliée [Adresse 3177],
2790°/ à Mme [CGU] [LES], domiciliée [Adresse 2033],
2791°/ à Mme [ZKY] [KOO], domiciliée [Adresse 75],
2792°/ à M. [HMD] [JWY], domicilié [Adresse 3265],
2793°/ à Mme [YTY] [HDP], domiciliée [Adresse 1385],
2794°/ à M. [TZP] [OCY], domicilié [Adresse 2328],
2795°/ à Mme [ZNP] [DLM], domiciliée [Adresse 3149],
2796°/ à Mme [MKX] [UOE], domiciliée [Adresse 2860],
2797°/ à Mme [TX] [YSR], domiciliée [Adresse 2835],
2798°/ à Mme [NIZ] [BEZ], domiciliée [Adresse 3085],
2799°/ à M. [LM] [EVN], domicilié [Adresse 3087],
2800°/ à Mme [SHA] [EVN], domiciliée [Adresse 3091],
2801°/ à Mme [LM] [AXC], domiciliée [Adresse 1150],
2802°/ à Mme [BPS] [BFY], domiciliée [Adresse 3267],
2803°/ à Mme [LM] [DUB], domiciliée [Adresse 453],
2804°/ à Mme [VHD] [YYR], domiciliée [Adresse 2472],
2805°/ à M. [FKZ] [WLX], domicilié [Adresse 2992],
2806°/ à Mme [NIZ] [BT], domiciliée [Adresse 1727],
2807°/ à Mme [UEV] [BT], domiciliée [Adresse 1692],
2808°/ à Mme [AZT] [PPM], domiciliée [Adresse 3230],
2809°/ à M. [KKO] [ICS], domicilié [Adresse 2611],
2810°/ à Mme [ZGB] [OEB], épouse [FSB], domiciliée [Adresse 1028],
2811°/ à Mme [ZC] [HGB], domiciliée [Adresse 2747],
2812°/ à Mme [PHS] [BUS], domiciliée [Adresse 2349],
2813°/ à Mme [XWG] [PXD], domiciliée [Adresse 491],
2814°/ à Mme [ZKY] [GNH], domiciliée [Adresse 2545],
2815°/ à Mme [ISJ] [GIG], domiciliée [Adresse 2842],
2816°/ à Mme [BPJ] [FTD], domiciliée [Adresse 2845],
2817°/ à Mme [IBF] [TCO], domiciliée [Adresse 1140],
2818°/ à Mme [XSP] [ENE] [GUM], domiciliée [Adresse 2813],
2819°/ à M. [ZMV] [GZ], domicilié [Adresse 1377],
2820°/ à Mme [PHS] [KD], domiciliée [Adresse 3272],
2821°/ à Mme [NHH] [OD], domiciliée [Adresse 3252],
2822°/ à Mme [AV] [XW], domiciliée [Adresse 1241],
2823°/ à Mme [XXR] [ZN], domiciliée [Adresse 132],
2824°/ à Mme [ACD] [MH], domiciliée [Adresse 82],
2825°/ à Mme [UFF] [BR], domiciliée [Adresse 2695],
2826°/ à Mme [XXR] [UY], domiciliée [Adresse 1687],
2827°/ à Mme [JHC] [NF], domiciliée [Adresse 1547],
2828°/ à Mme [CGZ] [EV], domiciliée [Adresse 2276],
2829°/ à Mme [LM] [VSN], domiciliée [Adresse 337],
2830°/ à Mme [SRJ] [BMW], domiciliée [Adresse 547],
2831°/ à Mme [XMC] [HGU], domiciliée [Adresse 851],
2832°/ à Mme [BRN] [IBY], domiciliée [Adresse 420],
2833°/ à Mme [OKR] [MAG], domiciliée [Adresse 3218],
2834°/ à Mme [ZC] [IMD], veuve [FT], domiciliée chez M. [VH], [Adresse 2757],
2835°/ à Mme [JOZ] [JMD], domiciliée [Adresse 3096],
2836°/ à M. [IOD] [DYG], domicilié [Adresse 617],
2837°/ à Mme [RBN] [CYB], domiciliée [Adresse 952],
2838°/ à Mme [YTY] [KSV], domiciliée [Adresse 296],
2839°/ à M. [RIS] [LMO], domicilié [Adresse 447],
2840°/ à Mme [LIO] [FGO], domiciliée [Adresse 906],
2841°/ à M. [PRJ] [PRB], domicilié [Adresse 738],
2842°/ à Mme [HTW] [ZIT], domiciliée [Adresse 1594],
2843°/ à Mme [CYS] [XDD], domiciliée [Adresse 2961],
2844°/ à M. [OAV] [JGO], domicilié [Adresse 1556],
2845°/ à Mme [GMD] [WZZ], domiciliée [Adresse 307],
2846°/ à M. [SIG] [WXL], domicilié [Adresse 2415],
2847°/ à Mme [ZC] [DOI] [TES], domiciliée [Adresse 1344],
2848°/ à Mme [KKO] [CAU], domiciliée [Adresse 3101],
2849°/ à Mme [IRL] [VFC], domiciliée [Adresse 1309],
2850°/ à Mme [AFM] [MSO], domiciliée [Adresse 2171],
2851°/ à Mme [CXT] [LTG], domiciliée [Adresse 742],
2852°/ à Mme [OWP] [JOL], domiciliée [Adresse 177],
2853°/ à M. [JXK] [OHM], domicilié [Adresse 3129],
2854°/ à Mme [LM] [CAG], domiciliée [Adresse 2304],
2855°/ à Mme [DFP] [HZW], domiciliée [Adresse 489],
2856°/ à Mme [VYF] [IRR], domiciliée [Adresse 1254],
2857°/ à Mme [LIO] [PGS], domiciliée [Adresse 2657],
2858°/ à Mme [ACD] [PJF], domiciliée [Adresse 415],
2859°/ à Mme [RRR] [BRN], domiciliée [Adresse 2161],
2860°/ à Mme [NRD] [PZI], domiciliée [Adresse 2385],
2861°/ à M. [KHI] [LYJ], domicilié [Adresse 879],
2862°/ à M. [BSX] [WLX], domicilié [Adresse 2091],
2863°/ à M. [MU] [WJJ], domicilié [Adresse 3010],
2864°/ à Mme [FR] [BHH], domiciliée [Adresse 1928],
2865°/ à M. [ASB] [NBC], domicilié [Adresse 1931],
2866°/ à Mme [AUO] [BTA], domiciliée [Adresse 573],
2867°/ à M. [PE] [FDF], domicilié [Adresse 666],
2868°/ à Mme [ZYS] [VGV], domiciliée [Adresse 2468],
2869°/ à M. [RIS] [DBH], domicilié [Adresse 780],
2870°/ à Mme [SBT] [UJD], domiciliée [Adresse 3211],
2871°/ à Mme [AZY] [JUH], domiciliée [Adresse 2581],
2872°/ à Mme [CDP] [JEE], domiciliée [Adresse 3276],
2873°/ à Mme [GOK] [YIS], domiciliée [Adresse 2978],
2874°/ à Mme [IPH] [HHK], domiciliée [Adresse 378],
2875°/ à Mme [LM] [HVA], domiciliée [Adresse 2591],
2876°/ à Mme [ISV] [WZV], domiciliée [Adresse 2273],
2877°/ à Mme [ACD] [ABH], domiciliée [Adresse 1304],
2878°/ à M. [DTF] [RIS], domicilié [Adresse 2476],
2879°/ à M. [NB] [RVX], domicilié [Adresse 1341],
2880°/ à Mme [XXR] [JVR], domiciliée [Adresse 3172],
2881°/ à Mme [VHD] [HFY], domiciliée [Adresse 1171],
2882°/ à Mme [JGM] [MOR], domiciliée [Adresse 120],
2883°/ à Mme [MDC] [VNX], domiciliée [Adresse 1563],
2884°/ à M. [XYH] [ETF], domicilié [Adresse 1232],
2885°/ à Mme [HNP] [TKZ], domiciliée [Adresse 1734],
2886°/ à Mme [JOZ] [LXC], domiciliée [Adresse 2734],
2887°/ à Mme [WG] [AL], domiciliée [Adresse 2038],
2888°/ à Mme [UGD] [FLE], domiciliée [Adresse 1879],
2889°/ à Mme [ISE] [YDR], domiciliée [Adresse 1307],
2890°/ à Mme [ARA] [UXW], domiciliée [Adresse 2685],
2891°/ à Mme [OP] [LDH], domiciliée [Adresse 19],
2892°/ à Mme [EGZ] [LEP], domiciliée [Adresse 2359],
2893°/ à Mme [VC] [SVA], domiciliée [Adresse 1534],
2894°/ à Mme [BRT] [E], domiciliée [Adresse 1867],
2895°/ à Mme [DEZ] [KW], domiciliée [Adresse 2275],
2896°/ à Mme [JHM] [EU], domiciliée [Adresse 1690],
2897°/ à Mme [FWX] [WU], domiciliée [Adresse 1913],
2898°/ à Mme [IZK] [BB], domiciliée [Adresse 1915],
2899°/ à Mme [SDN] [LM], domiciliée [Adresse 2223],
2900°/ à Mme [SRB] [CF], domiciliée [Adresse 3110],
2901°/ à Mme [ADP] [DW], domiciliée [Adresse 2374],
2902°/ à Mme [UMP] [BP], domiciliée [Adresse 512],
2903°/ à Mme [JXK] [PP], domiciliée [Adresse 2241],
2904°/ à Mme [HEU] [YA], domiciliée [Adresse 2272],
2905°/ à Mme [VF] [UC], domiciliée [Adresse 52],
2906°/ à M. [NZA] [AK], domicilié [Adresse 204],
2907°/ à Mme [XVH] [HI], domiciliée [Adresse 2201],
2908°/ à Mme [SJB] [DZ], domiciliée [Adresse 803],
2909°/ à Mme [PRJ] [PLI], domiciliée [Adresse 1094],
2910°/ à Mme [ZKY] [JUH], domiciliée [Adresse 1260],
2911°/ à Mme [YTL] [NA], domiciliée [Adresse 3191],
2912°/ à Mme [FTN] [DJP], domiciliée [Adresse 517],
2913°/ à M. [F] [XXZ], domicilié [Adresse 2661],
2914°/ à Mme [LM] [ZVW], domiciliée [Adresse 1138],
2915°/ à M. [PRJ] [SRU], domicilié [Adresse 2491],
2916°/ à Mme [CNE] [FGG], domiciliée [Adresse 48],
2917°/ à Mme [ZKY] [TGX], domiciliée [Adresse 487],
2918°/ à Mme [ISJ] [TGX], domiciliée [Adresse 3070],
2919°/ à Mme [KKO] [UOR], domiciliée [Adresse 3073],
2920°/ à Mme [SZO] [NVP], domiciliée [Adresse 331],
2921°/ à Mme [ZGB] [NIG], domiciliée [Adresse 1020],
2922°/ à Mme [PFV] [ORA], domiciliée [Adresse 846],
2923°/ à Mme [VYF] [PNS], domiciliée [Adresse 1033],
2924°/ à Mme [AKW] [KPB], domiciliée [Adresse 130],
2925°/ à Mme [PHS] [UBZ], domiciliée [Adresse 2263],
2926°/ à Mme [WJ] [JMO], domiciliée [Adresse 1218],
2927°/ à Mme [ASX] [WMF], domiciliée [Adresse 3072],
2928°/ à Mme [JCR] [NDH], domiciliée [Adresse 3279],
2929°/ à Mme [OBL] [DMI], domiciliée [Adresse 546],
2930°/ à Mme [ZYS] [UEG], domiciliée [Adresse 2993],
2931°/ à Mme [FTN] [TBN], domiciliée [Adresse 77],
2932°/ à M. [OLD] [WOX], domicilié [Adresse 370],
2933°/ à Mme [VYF] [WFL], domiciliée [Adresse 3079],
2934°/ à M. [KZR] [TUV], domicilié [Adresse 588],
2935°/ à Mme [ZGB] [CDY], domiciliée [Adresse 157],
2936°/ à Mme [BDC] [XKN], domiciliée [Adresse 935],
2937°/ à Mme [JHM] [DBC], domiciliée [Adresse 3089],
2938°/ à Mme [JOZ] [RYO], domiciliée [Adresse 127],
2939°/ à Mme [BPJ] [ISM], domiciliée [Adresse 2754],
2940°/ à Mme [XMC] [DPM], domiciliée [Adresse 1902],
2941°/ à Mme [BUB] [LTC], domiciliée [Adresse 376],
2942°/ à Mme [NHH] [NNL], domiciliée [Adresse 1949],
2943°/ à M. [ZKY] [TOB], domicilié [Adresse 417],
2944°/ à Mme [SZO] [TDZ], domiciliée [Adresse 1395],
2945°/ à Mme [CNE] [ERN], domiciliée [Adresse 2003],
2946°/ à M. [EID] [FZH], domicilié [Adresse 983],
2947°/ à M. [LM] [HGG], domicilié [Adresse 927],
2948°/ à Mme [ZYS] [BFV], domiciliée [Adresse 501],
2949°/ à Mme [LM] [VLS], domiciliée [Adresse 3210],
2950°/ à Mme [JHM] [DSS], domiciliée [Adresse 1425],
2951°/ à Mme [STK] [DXT], domiciliée [Adresse 1858],
2952°/ à Mme [ZYB] [RAV], domiciliée [Adresse 1444],
2953°/ à Mme [KKO] [HOW], domiciliée [Adresse 2151],
2954°/ à Mme [ACD] [HSJ], domiciliée [Adresse 2595],
2955°/ à Mme [LAL] [OCY], domiciliée [Adresse 748],
2956°/ à Mme [AFH] [WOO] [MKX], domiciliée [Adresse 2352],
2957°/ à Mme [BPS] [YCN], domiciliée [Adresse 839],
2958°/ à Mme [JOZ] [SXL], domiciliée [Adresse 1544],
2959°/ à Mme [GSJ] [ECX], domiciliée [Adresse 486],
2960°/ à Mme [ZYS] [AXC], domiciliée [Adresse 1577],
2961°/ à Mme [ASX] [BFY], domiciliée [Adresse 1804],
2962°/ à Mme [KJW] [YDM], domiciliée [Adresse 1151],
2963°/ à Mme [CDP] [ZLG], domiciliée [Adresse 36],
2964°/ à Mme [ACD] [NRL], domiciliée [Adresse 1817],
2965°/ à Mme [VHD] [BT], domiciliée [Adresse 433],
2966°/ à Mme [JGM] [RUO], domiciliée [Adresse 1108],
2967°/ à M. [EPV] [NSP], domicilié [Adresse 1885],
2968°/ à Mme [CSJ] [NPC], domiciliée [Adresse 3192],
2969°/ à Mme [TLL] [TLF], domiciliée [Adresse 2046],
2970°/ à Mme [BPJ] [RPW], domiciliée [Adresse 39],
2971°/ à Mme [NAL] [YJL], domiciliée [Adresse 2831],
2972°/ à Mme [EZN] [NBK], domiciliée [Adresse 1123],
2973°/ à Mme [FFT] [TFY], domiciliée [Adresse 203],
2974°/ à Mme [KJW] [FN], domiciliée [Adresse 3078],
2975°/ à Mme [ZGB] [VZ], domiciliée [Adresse 1017],
2976°/ à Mme [ZKY] [FG], domiciliée [Adresse 1675],
2977°/ à Mme [CGZ] [VVB], domiciliée [Adresse 1078],
2978°/ à Mme [LM] [ROB], domiciliée [Adresse 2219],
2979°/ à Mme [RRR] [KMF], domiciliée [Adresse 2307],
2980°/ à Mme [ERA] [RYV], domiciliée [Adresse 1790],
2981°/ à Mme [TX] [OIH], domiciliée [Adresse 1322],
2982°/ à Mme [UJH] [VXC], domiciliée [Adresse 1502],
2983°/ à Mme [JHM] [SSG], domiciliée [Adresse 231],
2984°/ à Mme [HLC] [OAE], domiciliée [Adresse 2698],
2985°/ à Mme [CGU] [J], domiciliée [Adresse 1647],
2986°/ à Mme [HWH] [IZ], domiciliée [Adresse 589],
2987°/ à Mme [VHD] [FS], domiciliée [Adresse 1911],
2988°/ à Mme [ETW] [NP], domiciliée [Adresse 2517],
2989°/ à Mme [BUB] [OP], domiciliée [Adresse 248],
2990°/ à Mme [RT] [SR] - [RRA], domiciliée [Adresse 2194],
2991°/ à Mme [JRW] [LL], domiciliée [Adresse 2812],
2992°/ à Mme [ACD] [DO], domiciliée [Adresse 31],
2993°/ à Mme [PRJ] [AY], domiciliée [Adresse 1537],
2994°/ à Mme [CNE] [JL], domiciliée [Adresse 2393],
2995°/ à M. [KKO] [ZX], domicilié [Adresse 2948],
2996°/ à Mme [LM] [XU], domiciliée [Adresse 259],
2997°/ à M. [BMD] [UN], domicilié [Adresse 2186],
2998°/ à Mme [SJB] [RB], domiciliée [Adresse 2136],
2999°/ à Mme [SLC] [KE], domiciliée [Adresse 1004],
3000°/ à Mme [UGD] [KM], domiciliée [Adresse 322],
3001°/ à Mme [ZGB] [BPJ], domiciliée [Adresse 2646],
3002°/ à Mme [GWE] [NKY], domiciliée [Adresse 1894],
3003°/ à Mme [BHV] [NKY], domiciliée [Adresse 1217],
3004°/ à Mme [CNE] [BWB], domiciliée [Adresse 2707],
3005°/ à Mme [ACD] [VSJ], domiciliée [Adresse 179],
3006°/ à M. [ICG] [MSX], domicilié [Adresse 3054],
3007°/ à Mme [LM] [MDA], domiciliée [Adresse 2376],
3008°/ à Mme [ACD] [PGD], domiciliée [Adresse 2160],
3009°/ à Mme [OOD] [RDT], domiciliée [Adresse 1830],
3010°/ à Mme [LOL] [DTN], domiciliée [Adresse 2636],
3011°/ à Mme [LFI] [AZC], domiciliée [Adresse 198],
3012°/ à Mme [IR] [IUV], domiciliée [Adresse 349],
3013°/ à Mme [JOZ] [HUE], domiciliée [Adresse 1993],
3014°/ à Mme [CAO] [PBI], domiciliée [Adresse 2230],
3015°/ à Mme [FLV] [PFV], domiciliée [Adresse 1220],
3016°/ à Mme [IUH] [KVI], domiciliée [Adresse 10],
3017°/ à Mme [LM] [KVI], domiciliée [Adresse 984],
3018°/ à Mme [LM] [OHM], domiciliée [Adresse 1652],
3019°/ à Mme [EZT] [WSG], domiciliée [Adresse 997],
3020°/ à Mme [PHS] [KSK], domiciliée [Adresse 2329],
3021°/ à Mme [KKO] [DMI], domiciliée [Adresse 1731],
3022°/ à Mme [NRD] [UOI], domiciliée [Adresse 2150],
3023°/ à Mme [LM] [LVL] [SIX], domiciliée [Adresse 1415],
3024°/ à Mme [XXR] [ZTV], domiciliée [Adresse 71],
3025°/ à Mme [LM] [WCY], domiciliée [Adresse 2776],
3026°/ à Mme [BPS] [RRX], domiciliée [Adresse 450],
3027°/ à Mme [YPY] [LZY], domiciliée [Adresse 1566],
3028°/ à Mme [LM] [OLH] [CP], domiciliée [Adresse 732],
3029°/ à Mme [SXB] [PRN], domiciliée [Adresse 959],
3030°/ à Mme [EXT] [HZW], domiciliée [Adresse 332],
3031°/ à M. [GNK] [NXZ], domicilié [Adresse 472],
3032°/ à Mme [IZK] [NSY], domiciliée [Adresse 2650],
3033°/ à M. [OLL] [IXN], domicilié [Adresse 2551],
3034°/ à M. [KHI] [JFC], domicilié [Adresse 2484],
3035°/ à Mme [ZPE] [RAX], domiciliée [Adresse 1088],
3036°/ à Mme [NHH] [EDC], domiciliée [Adresse 881],
3037°/ à Mme [YTY] [MCP], domiciliée [Adresse 3035],
3038°/ à Mme [BUB] [URU], domiciliée [Adresse 1046],
3039°/ à Mme [XIR] [BED], domiciliée [Adresse 2893],
3040°/ à Mme [FIB] [TBL], domiciliée [Adresse 2379],
3041°/ à Mme [IPH] [UHR], domiciliée [Adresse 6],
3042°/ à Mme [LM] [JXW], domiciliée [Adresse 338],
3043°/ à M. [BXT] [LM], domicilié [Adresse 970],
3044°/ à Mme [YTY] [AGL], domiciliée [Adresse 1039],
3045°/ à Mme [YTY] [LKU], domiciliée [Adresse 2469],
3046°/ à Mme [JHM] [WRY], domiciliée [Adresse 982],
3047°/ à Mme [SKU] [MAX], domiciliée [Adresse 2013],
3048°/ à Mme [HTW] [ABH], domiciliée [Adresse 652],
3049°/ à Mme [ZWR] [PKS], domiciliée [Adresse 2390],
3050°/ à Mme [MM] [HCG], domiciliée [Adresse 1799],
3051°/ à Mme [PFV] [CRI], domiciliée [Adresse 1042],
3052°/ à Mme [IPH] [UEC], domiciliée [Adresse 2875],
3053°/ à Mme [ACD] [YYV], domiciliée [Adresse 58],
3054°/ à Mme [JOZ] [ZXX], domiciliée [Adresse 2364],
3055°/ à Mme [XIR] [WKR], domiciliée [Adresse 722],
3056°/ à Mme [LM] [BTN], domiciliée [Adresse 886],
3057°/ à Mme [ZKY] [YYR], domiciliée [Adresse 1047],
3058°/ à Mme [ASX] [IIX], domiciliée [Adresse 986],
3059°/ à Mme [CNE] [RIS], domiciliée [Adresse 1356],
3060°/ à Mme [DGD] [RPS], domiciliée [Adresse 759],
3061°/ à Mme [GE] [JFK], domiciliée [Adresse 1146],
3062°/ à Mme [ILM] [CSM], domiciliée [Adresse 2090],
3063°/ à Mme [EZT] [ERW], domiciliée [Adresse 1702],
3064°/ à Mme [VC] [FMA], domiciliée [Adresse 2116],
3065°/ à Mme [MAT] [NP], épouse [HCI], domiciliée [Adresse 890],
3066°/ à Mme [OKR] [RES], domiciliée [Adresse 2064],
3067°/ à M. [ZKY] [OHM], domicilié [Adresse 1524],
3068°/ à Mme [MN] [WOC], domiciliée [Adresse 1481],
3069°/ à Mme [MM] [KGS], domiciliée [Adresse 107],
3070°/ à Mme [HOW] [MGG], domiciliée [Adresse 8],
3071°/ à Mme [LM] [JJA], domiciliée [Adresse 15],
3072°/ à Mme [B] [LHW], domiciliée [Adresse 461],
3073°/ à Mme [NIZ] [IUH], domiciliée [Adresse 2316],
3074°/ à Mme [ACD] [YIW], domiciliée [Adresse 2430],
3075°/ à Mme [PRJ] [DTW], domiciliée [Adresse 2761],
3076°/ à Mme [ACD] [YVI], domiciliée [Adresse 2025],
3077°/ à Mme [TEY] [XF], domiciliée [Adresse 2770],
3078°/ à Mme [RDI] [NJ], domiciliée [Adresse 3055],
3079°/ à Mme [PIR] [VY], domiciliée [Adresse 1023],
3080°/ à Mme [CGU] [GU], domiciliée [Adresse 2306],
3081°/ à Mme [LM] [KN], domiciliée [Adresse 1019],
3082°/ à Mme [EVT] [LH], domiciliée [Adresse 819],
3083°/ à Mme [ZC] [FE], domiciliée [Adresse 1630],
3084°/ à M. [PRJ] [GW], domicilié [Adresse 2877],
3085°/ à Mme [OKI] [XN] [DM], domiciliée [Adresse 1262],
3086°/ à Mme [LM] [TI], domiciliée [Adresse 452],
3087°/ à Mme [OWP] [SSC], domiciliée [Adresse 3119],
3088°/ à M. [TZP] [YD], domicilié [Adresse 2609],
3089°/ à Mme [PFV] [LM], domiciliée [Adresse 552],
3090°/ à Mme [ASX] [HO], domiciliée [Adresse 2616],
3091°/ à Mme [JOZ] [VE], domiciliée [Adresse 3082],
3092°/ à Mme [XIR] [SY], domiciliée [Adresse 1653],
3093°/ à Mme [NYY] [JF], domiciliée [Adresse 2292],
3094°/ à Mme [TR] [WW], domiciliée [Adresse 681],
3095°/ à Mme [PHS] [UA], domiciliée [Adresse 1976],
3096°/ à Mme [CU] [FL], domiciliée [Adresse 2088],
3097°/ à Mme [LM] [JOZ] [VB], domiciliée [Adresse 2902],
3098°/ à Mme [ZKY] [BPJ], domiciliée [Adresse 3198],
3099°/ à Mme [ZYS] [WKE], domiciliée [Adresse 1981],
3100°/ à Mme [TX] [XAH], domiciliée [Adresse 1810],
3101°/ à Mme [BPS] [HBT], domiciliée [Adresse 339],
3102°/ à Mme [GEL] [SEE], domiciliée [Adresse 1564],
3103°/ à Mme [LM] [WPB], domiciliée [Adresse 2386],
3104°/ à Mme [TEY] [CPS], domiciliée [Adresse 566],
3105°/ à Mme [TUT] [NAS], domiciliée [Adresse 2419],
3106°/ à Mme [PFV] [EXN], domiciliée [Adresse 2940],
3107°/ à Mme [ZKY] [DWB], domiciliée [Adresse 2769],
3108°/ à Mme [SXB] [RGO], domiciliée [Adresse 2540],
3109°/ à Mme [ZWR] [EJP], domiciliée [Adresse 495],
3110°/ à Mme [NHH] [AMW], domiciliée [Adresse 2673],
3111°/ à Mme [ACD] [KCS], domiciliée [Adresse 3249],
3112°/ à M. [BSX] [TGO], domicilié [Adresse 483],
3113°/ à Mme [YTY] [RGE], domiciliée [Adresse 1030],
3114°/ à Mme [KKO] [HBK] [KEO], domiciliée [Adresse 727],
3115°/ à Mme [WJ] [ZBE], domiciliée [Adresse 1051],
3116°/ à Mme [YSV] [YAE], domiciliée [Adresse 720],
3117°/ à Mme [DRN] [LXC], domiciliée [Adresse 924],
3118°/ à Mme [LM] [WCL], domiciliée [Adresse 1215],
3119°/ à Mme [AV] [WKI], domiciliée [Adresse 1496],
3120°/ à Mme [NAL] [XNB], domiciliée [Adresse 2749],
3121°/ à Mme [EUB] [LM], domiciliée [Adresse 2520],
3122°/ à Mme [LMK] [IUH], domiciliée [Adresse 3083],
3123°/ à Mme [XVH] [RJE], domiciliée [Adresse 1880],
3124°/ à Mme [MR] [SOK], domiciliée [Adresse 1909],
3125°/ à Mme [FIB] [EFP], domiciliée [Adresse 949],
3126°/ à M. [DMI] [TZD], domicilié [Adresse 875],
3127°/ à M. [OAV] [FJE], domicilié [Adresse 270],
3128°/ à Mme [NM] [GRG], domiciliée [Adresse 1618],
3129°/ à Mme [VIC] [LM], domiciliée [Adresse 2493],
3130°/ à Mme [ZKY] [GRG], domiciliée [Adresse 1991],
3131°/ à M. [DP] [CPE], domicilié [Adresse 2264],
3132°/ à M. [ZMV] [CPE], domicilié [Adresse 1055],
3133°/ à Mme [GEL] [LM], domiciliée [Adresse 470],
3134°/ à Mme [BPJ] [BRN], domiciliée [Adresse 1059],
3135°/ à Mme [LM] [LM], domiciliée [Adresse 691],
3136°/ à Mme [TXK] [VAD], domiciliée [Adresse 674],
3137°/ à Mme [MVC] [YMH], domiciliée [Adresse 1010],
3138°/ à Mme [TX] [MDK], domiciliée [Adresse 1299],
3139°/ à M. [MW] [BT], domicilié [Adresse 1386],
3140°/ à M. [POE] [IPB], domicilié [Adresse 602],
3141°/ à Mme [ASX] [UZG], domiciliée [Adresse 2843],
3142°/ à Mme [FIB] [SJW], domiciliée [Adresse 477],
3143°/ à Mme [XVH] [UVI], domiciliée [Adresse 2841],
3144°/ à M. [TZP] [DUB], domicilié [Adresse 1660],
3145°/ à Mme [HOW] [RSF], domiciliée [Adresse 1657],
3146°/ à Mme [NRD] [JRR], domiciliée [Adresse 3094],
3147°/ à M. [UIR] [ZRH], domicilié [Adresse 2216],
3148°/ à Mme [NNP] [TOY], domiciliée [Adresse 1024],
3149°/ à Mme [JXK] [JKL], domiciliée [Adresse 192],
3150°/ à Mme [PFV] [MUY], domiciliée [Adresse 1284],
3151°/ à Mme [CYG] [KYG], domiciliée [Adresse 2345],
3152°/ à Mme [RWS] [IYX], domiciliée [Adresse 173],
3153°/ à Mme [LM] [AYX], domiciliée [Adresse 953],
3154°/ à Mme [YAV] [ERR], domiciliée [Adresse 1648],
3155°/ à Mme [NZA] [VAP], domiciliée [Adresse 1206],
3156°/ à Mme [LM] [HKZ], domiciliée [Adresse 2555],
3157°/ à M. [AXT] [KEE], domicilié [Adresse 383],
3158°/ à Mme [ZC] [SKU], domiciliée [Adresse 1605],
3159°/ à Mme [VK] [SDF], domiciliée [Adresse 2214],
3160°/ à Mme [IUH] [Y], domiciliée [Adresse 3009],
3161°/ à Mme [LM] [ZY], domiciliée [Adresse 2746],
3162°/ à Mme [BGU] [EZ], domiciliée [Adresse 2530],
3163°/ à Mme [NHH] [IL], domiciliée [Adresse 1295],
3164°/ à Mme [HOW] [ML], domiciliée [Adresse 1269],
3165°/ à Mme [ZGB] [GN], domiciliée [Adresse 850],
3166°/ à Mme [ZWR] [SV], domiciliée [Adresse 2971],
3167°/ à Mme [UEC] [IK], domiciliée [Adresse 1759],
3168°/ à Mme [KHA] [JU], domiciliée [Adresse 964],
3169°/ à Mme [ACD] [MH], domiciliée [Adresse 1345],
3170°/ à Mme [ISE] [VE], domiciliée [Adresse 1623],
3171°/ à M. [OS] [BT], domicilié [Adresse 2051],
3172°/ à Mme [CLE] [RO], domiciliée [Adresse 1430],
3173°/ à Mme [LYB] [PT], domiciliée [Adresse 1170],
3174°/ à M. [IBF] [ST], domicilié [Adresse 2170],
3175°/ à Mme [LM] [OJ], domiciliée [Adresse 2320],
3176°/ à Mme [UEC] [BCU], domiciliée [Adresse 515],
3177°/ à Mme [NHH] [UT], domiciliée [Adresse 740],
3178°/ à Mme [TX] [JR], domiciliée [Adresse 1573],
3179°/ à Mme [MVC] [VMM], domiciliée [Adresse 3059],
3180°/ à Mme [YTY] [EEU], épouse [OX], domiciliée [Adresse 2645],
3181°/ à Mme [AZY] [AJM], domiciliée [Adresse 2760],
3182°/ à Mme [LDN] [WMN], domiciliée [Adresse 162],
3183°/ à M. [YYA] [CYG], domicilié [Adresse 2749],
3184°/ à Mme [CGR] [OS], domiciliée [Adresse 1483],
3185°/ à Mme [LM] [XSU], domiciliée [Adresse 2644],
3186°/ à Mme [PIR] [NPV], domiciliée [Adresse 1316],
3187°/ à Mme [UEC] [PLE], domiciliée [Adresse 2075],
3188°/ à Mme [PII] [PLE], domiciliée [Adresse 2096],
3189°/ à Mme [JXK] [JUS], domiciliée [Adresse 344],
3190°/ à M. [YMH] [DKR], domicilié [Adresse 661],
3191°/ à M. [L] [UXL], domicilié [Adresse 700],
3192°/ à Mme [YIF] [BUJ], domiciliée [Adresse 2261],
3193°/ à Mme [LM] [FGL], domiciliée [Adresse 2960],
3194°/ à Mme [CDP] [ALM], domiciliée [Adresse 1912],
3195°/ à Mme [ACD] [YFB], domiciliée [Adresse 2896],
3196°/ à Mme [VYF] [KFF], domiciliée [Adresse 2651],
3197°/ à Mme [GOK] [LCX], domiciliée [Adresse 1612],
3198°/ à M. [WU] [LTA], domicilié [Adresse 1278],
3199°/ à Mme [ASX] [BXT], domiciliée [Adresse 2002],
3200°/ à M. [AS] [XII], domicilié [Adresse 2997],
3201°/ à Mme [BUB] [SBI], domiciliée [Adresse 1849],
3202°/ à Mme [NIZ] [RTU], domiciliée [Adresse 1305],
3203°/ à Mme [ZKY] [HBK], domiciliée [Adresse 1247],
3204°/ à Mme [TX] [PNN], domiciliée [Adresse 605],
3205°/ à Mme [VHD] [PNN], domiciliée [Adresse 2985],
3206°/ à Mme [EWX] [GDT], domiciliée [Adresse 2670],
3207°/ à Mme [GE] [JGO], domiciliée [Adresse 355],
3208°/ à Mme [KK] [YFF], domiciliée [Adresse 644],
3209°/ à M. [HEO] [VEP], domicilié [Adresse 3004],
3210°/ à Mme [GE] [CGG], domiciliée [Adresse 30],
3211°/ à Mme [NAL] [RRX], domiciliée [Adresse 2696],
3212°/ à Mme [NZA] [ISJ], domiciliée [Adresse 175],
3213°/ à Mme [ZKY] [JGO], domiciliée [Adresse 63],
3214°/ à Mme [RGV] [KYC], domiciliée [Adresse 168],
3215°/ à Mme [NRD] [LIE], domiciliée [Adresse 285],
3216°/ à Mme [PHS] [OPP], domiciliée [Adresse 498],
3217°/ à Mme [LM] [OFN], domiciliée [Adresse 1578],
3218°/ à Mme [MVC] [FRT], domiciliée [Adresse 3046],
3219°/ à Mme [JOZ] [IBN], domiciliée [Adresse 17],
3220°/ à Mme [KUJ] [JVI], domiciliée [Adresse 1864],
3221°/ à Mme [SKU] [GUO], domiciliée [Adresse 1560],
3222°/ à M. [KHI] [AVK], domicilié [Adresse 2086],
3223°/ à Mme [RCA] [TNV], domiciliée [Adresse 615],
3224°/ à Mme [FAO] [PBM], domiciliée [Adresse 26],
3225°/ à Mme [SKU] [UOE], domiciliée [Adresse 1169],
3226°/ à Mme [GEL] [UEC], domiciliée [Adresse 3053],
3227°/ à Mme [HZH] [YWH], domiciliée [Adresse 32],
3228°/ à Mme [BUB] [IAB], domiciliée [Adresse 1440],
3229°/ à Mme [FZ] [FPS], domiciliée [Adresse 960],
3230°/ à Mme [NRD] [UCS], domiciliée [Adresse 597],
3231°/ à Mme [UVG] [CWJ], domiciliée [Adresse 1056],
3232°/ à Mme [ILP] [DZC], domiciliée [Adresse 1800],
3233°/ à Mme [JGM] [CBT] [GEB], domiciliée [Adresse 2068],
3234°/ à Mme [FIB] [NVD], domiciliée [Adresse 386],
3235°/ à Mme [ACD] [NCM], domiciliée [Adresse 978],
3236°/ à Mme [CNE] [MCH], domiciliée [Adresse 2448],
3237°/ à Mme [SXB] [BZY], domiciliée [Adresse 2892],
3238°/ à Mme [ZGB] [BZY], domiciliée [Adresse 1825],
3239°/ à Mme [JEG] [FGZ], domiciliée [Adresse 1533],
3240°/ à M. [PRJ] [EGO], domicilié [Adresse 167],
3241°/ à Mme [HTW] [DZA], domiciliée [Adresse 2792],
3242°/ à Mme [NHH] [DVK], domiciliée [Adresse 2162],
3243°/ à Mme [ISV] [PZR], domiciliée [Adresse 2652],
3244°/ à Mme [LM] [RMG], domiciliée [Adresse 241],
3245°/ à Mme [PFV] [KYM], domiciliée [Adresse 1855],
3246°/ à Mme [VHD] [KUH], domiciliée [Adresse 1888],
3247°/ à Mme [FTN] [VGI], domiciliée [Adresse 1742],
3248°/ à Mme [ZKY] [NB], domiciliée [Adresse 2681],
3249°/ à Mme [ZKY] [YZ], domiciliée [Adresse 2193],
3250°/ à M. [JXK] [AO], domicilié [Adresse 1667],
3251°/ à Mme [TEY] [LO], épouse [BD], domiciliée [Adresse 1688],
3252°/ à Mme [FWB] [MU], domiciliée [Adresse 1807],
3253°/ à Mme [FZK] [RH], domiciliée [Adresse 587],
3254°/ à Mme [YAI] [FX], domiciliée [Adresse 2416],
3255°/ à Mme [TX] [KO], domiciliée [Adresse 2602],
3256°/ à Mme [NHH] [JT], domiciliée [Adresse 2182],
3257°/ à M. [WVC] [AM], domicilié [Adresse 1347],
3258°/ à Mme [RRR] [LD], domiciliée [Adresse 2533],
3259°/ à M. [BSX] [FU], domicilié [Adresse 2254],
3260°/ à Mme [TX] [NN], domiciliée [Adresse 3007],
3261°/ à M. [TMO] [WVG], domicilié [Adresse 622],
3262°/ à Mme [SRB] [AHV], domiciliée [Adresse 817],
3263°/ à Mme [RT] [XPK], domiciliée [Adresse 673],
3264°/ à Mme [XIR] [YTD], domiciliée [Adresse 2749],
3265°/ à Mme [JHM] [ZKU], domiciliée [Adresse 2715],
3266°/ à M. [XCR] [ZYJ], domicilié [Adresse 1582],
3267°/ à Mme [SRJ] [FNV], domiciliée [Adresse 3273],
3268°/ à M. [UKC] [SRU], domicilié Lot. [Adresse 2980],
3269°/ à Mme [BPJ] [PGD], domiciliée [Adresse 3130],
3270°/ à Mme [GE] [RLJ], domiciliée [Adresse 1011],
3271°/ à Mme [GE] [PBA], domiciliée [Adresse 903],
3272°/ à Mme [LM] [JMI], domiciliée [Adresse 2291],
3273°/ à Mme [JBT] [MYC], domiciliée [Adresse 2120],
3274°/ à Mme [ZKY] [VES], domiciliée [Adresse 1238],
3275°/ à Mme [ZGB] [BWO], domiciliée [Adresse 3142],
3276°/ à Mme [LM] [JJM], domiciliée [Adresse 1],
3277°/ à Mme [MPH] [EWJ], domiciliée [Adresse 3077],
3278°/ à Mme [YYZ] [ODC], domiciliée [Adresse 2396],
3279°/ à Mme [DEZ] [FGO], domiciliée [Adresse 1548],
3280°/ à Mme [LOL] [GJH], domiciliée [Adresse 3050],
3281°/ à M. [KBW] [HMA], domicilié [Adresse 392],
3282°/ à M. [NZA] [OKV], domicilié [Adresse 1960]. [Adresse 2633],
3283°/ à Mme [MVC] [XXR] [B], domiciliée [Adresse 902],
3284°/ à Mme [GSJ] [XKB], domiciliée [Adresse 2052],
3285°/ à M. [HHC] [UHI], domicilié [Adresse 2569],
3286°/ à Mme [JHM] [UEK], domiciliée [Adresse 3],
3287°/ à Mme [CUX] [AOW], domiciliée [Adresse 1922],
3288°/ à Mme [OPS] [DSJ], domiciliée [Adresse 1243],
3289°/ à Mme [SKU] [MVC], domiciliée [Adresse 669],
3290°/ à Mme [VYF] [MFW], domiciliée [Adresse 655],
3291°/ à Mme [XIR] [OGG] [MU], domiciliée [Adresse 650],
3292°/ à Mme [GEG] [PYJ], domiciliée [Adresse 1957],
3293°/ à Mme [PHS] [PVW], domiciliée [Adresse 1525],
3294°/ à Mme [JHM] [HZW], domiciliée [Adresse 125],
3295°/ à M. [FYO] [EPS], domicilié [Adresse 639],
3296°/ à Mme [DL] [EKR], domiciliée [Adresse 1944],
3297°/ à Mme [ZKY] [DVN], domiciliée [Adresse 288],
3298°/ à Mme [ISE] [DCU], domiciliée [Adresse 1166],
3299°/ à Mme [JHK] [GGB], domiciliée [Adresse 1419],
3300°/ à Mme [PFV] [KAM], domiciliée [Adresse 1361],
3301°/ à Mme [VYF] [YCF], domiciliée [Adresse 3189],
3302°/ à Mme [SXB] [KVR], domiciliée [Adresse 1234],
3303°/ à Mme [YTY] [ULM], domiciliée [Adresse 1645],
3304°/ à Mme [ZC] [EXY], domiciliée [Adresse 2440],
3305°/ à M. [CNE] [GCB] [NKY], domicilié [Adresse 2738],
3306°/ à Mme [ASX] [HJV], domiciliée [Adresse 1795],
3307°/ à Mme [HUU] [HOW], domiciliée [Adresse 963],
3308°/ à Mme [ASX] [NHU], domiciliée [Adresse 793],
3309°/ à Mme [CUX] [JUH], domiciliée [Adresse 199],
3310°/ à Mme [DEZ] [ZXX], domiciliée [Adresse 2175],
3311°/ à Mme [ZKY] [ZPI], domiciliée [Adresse 2302],
3312°/ à Mme [YTL] [FVT], domiciliée [Adresse 1823],
3313°/ à Mme [FTN] [RIS], domiciliée [Adresse 1935],
3314°/ à Mme [SBK] [RIS], domiciliée [Adresse 1718],
3315°/ à Mme [TX] [YDM], domiciliée [Adresse 2806],
3316°/ à M. [NZA] [KGU], domicilié [Adresse 621],
3317°/ à Mme [ZKY] [RSF], domiciliée [Adresse 2268],
3318°/ à Mme [SEM] [IZA], domiciliée [Adresse 543],
3319°/ à Mme [GE] [ILK], domiciliée [Adresse 1642],
3320°/ à Mme [ZYS] [BT], domiciliée [Adresse 2663],
3321°/ à Mme [HTW] [PEG], domiciliée [Adresse 410],
3322°/ à Mme [LM] [YHT], domiciliée [Adresse 2682],
3323°/ à Mme [LM] [HPC], domiciliée [Adresse 3203],
3324°/ à M. [FDY] [KAO], domicilié [Adresse 351],
3325°/ à Mme [SXB] [PYF], domiciliée [Adresse 2749],
3326°/ à Mme [YTY] [GSG], domiciliée [Adresse 1565],
3327°/ à Mme [PHS] [CKL], domiciliée [Adresse 2659],
3328°/ à Mme [GBV] [DYX], domiciliée [Adresse 2135],
3329°/ à Mme [TX] [KNK], domiciliée [Adresse 3144],
3330°/ à Mme [FAO] [KWV], domiciliée [Adresse 2043],
3331°/ à Mme [GIO] [EAO], domiciliée [Adresse 2576],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses aux pourvois invoquent, à l'appui de leurs recours, les trois moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer et plaidoiries de Me Carole Thomas-Raquin, avocat des sociétés Merck Santé et Merck Serono, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard et plaidoiries de Me Boucard, avocat des défendeurs respectivement mentionnés dans les mémoires en défense des 42 pourvois (n°V 20-19.786 à Q 20-19.827 ), et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Mornet, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 20-19.786, W 20-19.787, X 20-19.788, Y 20-19.789, Z 20-19.790, A 20-19.791, B 20-19.792, C 20-19.793, D 20-19.794, E 20-19.795, F 20-19.796, H 20-19.797, G 20-19.798, J 20-19.799, K 20-19.800, M 20-19.801, N 20-19.802, P 20-19.803, Q 20-19.804, R 20-19.805, S 20-19.806, T 20-19.807, U 20-19.808, V 20-19.809, W 20-19.810, X 20-19.811, Y 20-19.812, Z 20-19.813, A 20-19.814, B 20-19.815, C 20-19.816, D 20-19.817, E 20-19.818, F 20-19.819, H 20-19.820, G 20-19.821, J 20-19.822, K 20-19.823, M 20-19.824, N 20-19.825, P 20-19.826 et Q 20-19.827 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Lyon, 25 juin 2020), au mois de mars 2017, à la demande de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les sociétés Merck Santé et Merck Serono (les sociétés Merck), respectivement fabricant et exploitant du Levothyrox, médicament à marge thérapeutique étroite prescrit pour le traitement de l'hypothyroïdie, ont modifié sa composition en remplaçant l'un des excipients, le lactose monohydraté, par du mannitol et de l'acide citrique.
3. A compter du 27 mars 2017, la nouvelle formule du Levothyrox (Levothyrox NF) a été mise sur le marché, l'ancienne formule (Levothyrox AF) ne bénéficiant plus d'une autorisation de mise sur le marché sur le territoire national.
4. De nombreux patients traités au moyen du Levothyrox NF ayant fait état d'effets indésirables, l'importation temporaire de Levothyrox AF et la mise sur le marché en France d'autres spécialités pharmaceutiques à titre d'alternatives thérapeutiques ont été autorisées.
5. Mme [BA] [IUH] et d'autres patients traités par Levothyrox (les requérants) ont assigné les sociétés Merck devant le tribunal d'instance de Lyon en indemnisation, à titre principal, sur le fondement d'une responsabilité pour faute et, à titre subsidiaire, sur celui de la responsabilité du fait des produits défectueux.
6. Par jugements du 5 mars 2019, ce tribunal s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes principales et incompétent au profit du tribunal de grande instance de Lyon pour statuer sur les demandes subsidiaires.
Examen des moyens
Sur le premier moyen des pourvois
Enoncé du moyen
7. Les sociétés Merck font grief aux arrêts de dire qu'elles ont commis une faute en n'informant pas les usagers du Levothyrox du changement de sa formule par des mentions clairement lisibles sur l'emballage et la notice du produit et que cette faute a causé un préjudice moral aux requérants et de les condamner à leur payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que si le régime de responsabilité du fait des produits défectueux ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité, c'est à la condition que ceux-ci reposent sur des fondements différents, tels l'existence d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit ; que l'information relative à un produit, que ce soit sur sa notice ou son emballage, participe de sa sécurité, son absence étant de nature à caractériser un défaut extrinsèque de sécurité ; qu'est en conséquence irrecevable l'action en responsabilité délictuelle pour manquement à l'obligation d'information relative aux risques liés à un produit, cette action n'étant pas fondée sur une faute distincte du défaut de sécurité de ce produit ; qu'en l'espèce, pour condamner les sociétés Merck, la cour d'appel a relevé que, "les demandeurs soutiennent que les sociétés Merck, mettant sur le marché un produit dont la dangerosité était connue par sa biodisponibilité individuelle incertaine, avaient, à leur égard, une obligation d'information à laquelle elles n'ont pas satisfait, quant aux risques de survenance d'effets indésirables chez certains malades après le changement de formule du médicament Levothyrox", qu'il en résultait que leur action en responsabilité civile délictuelle à l'encontre des sociétés exposantes, qui n'était pas fondée sur une allégation de faute distincte d'un éventuel défaut de sécurité du médicament litigieux, devait être déclarée irrecevable ; qu'en retenant néanmoins que "le choix de Merck de ne pas mentionner, par un message d'alerte, le changement de formule sur la boîte et de ne pas le faire ressortir dans la notice est une faute qui engage sa responsabilité", cependant que l'action engagée était manifestement irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 1245-17 et 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Les requérants contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que les sociétés Merck ne sont pas recevables à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à leurs propres écritures.
9. Dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Merck, qui ne contestaient pas la dissociation de compétence opérée par le premier juge, ont soutenu que leur responsabilité pouvait être recherchée, soit au titre de la responsabilité sans faute du fait des produits défectueux, soit pour faute, que, les requérants s'étant fondés sur le régime de responsabilité pour faute, ce choix leur imposait de démontrer une faute délictuelle, par conséquent la violation caractérisée d'une obligation légale ou réglementaire ayant entraîné un préjudice direct en lien causal avec la faute, et qu'elles n'avaient commis aucune faute.
10. Le moyen, qui conteste la recevabilité de l'action en responsabilité délictuelle, est donc incompatible avec ces écritures et, partant, irrecevable.
Sur le deuxième moyen des pourvois
Enoncé du moyen
11. Les sociétés Merck font le même grief aux arrêts, alors :
« 1°/ que selon les textes, européens et nationaux, le fabricant doit mentionner différentes informations sur l'emballage et dans la notice du médicament, dont les mises en garde spéciales qu'impose le cas échéant celui-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, tout en constatant expressément que la notice du Levothyrox "répondait aux exigences réglementaires" en la matière, ce qui impliquait qu'elle contenait toutes les mentions requises par ces textes, notamment en ce qui concernait les mises en garde spéciales éventuelles qu'imposait le médicament, a néanmoins retenu que le fait "que la notice ne contenait pas de mention significative du changement de formule mais un simple remplacement (manitol au lieu de lactose) et ajout (acide citrique) de termes dans un texte dense et imprimé en petits caractères" ne satisfaisait pas à l'obligation d'information du patient qui s'imposait aux sociétés Merck en vertu de ces mêmes exigences réglementaires ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 54 g) et 59 c-IV) de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, R. 5121-138, 7° et R. 5121-149, dernier alinéa, du code de la santé publique, ensemble l'article 1240 du code civil ;
2°/ que la faute délictuelle peut procéder de la violation d'une norme spécifique ou, en l'absence d'une telle norme, du manquement au devoir général de prudence et de diligence ; que le fait de se conformer aux prescriptions de la norme spécifique exclut en soi tout manquement au devoir général de prudence et de diligence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que l'obligation d'information qui s'imposait aux sociétés Merck était une obligation réglementaire mise à la charge du fabricant par les textes européens et nationaux, au travers des mentions devant figurer sur la notice et l'emballage du médicament, et que la notice du Levothyrox "répondait aux exigences réglementaires" en la matière ; qu'elle a cependant retenu, pour décider que les sociétés exposantes avaient commis une faute engageant leur responsabilité délictuelle, qu'il existait, à la charge de ces dernières, une obligation d'information allant "au-delà de l'exigence légale", dès lors que "l'approche principalement réglementaire de l'information sur le médicament a pour conséquence de reléguer au second plan la réflexion sur son appropriation par le public et les professionnels de santé" ; qu'en statuant ainsi, cependant que le respect par les sociétés Merck de l'obligation d'information imposée par les exigences réglementaires en la matière excluait tout manquement de leur part à un devoir général de prudence et de diligence, la cour d'appel a derechef violé les articles 54 g) et 59 c-IV) de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, R. 5121-138, 7° et R. 5121-149, dernier alinéa, du code de la santé publique, ensemble l'article 1240 du code civil ;
3°/ que si l'absence d'opposition de l'autorité compétente à la mise sur le marché ou à la modification de l'étiquetage ou de la notice du produit ne fait pas obstacle à l'engagement de la responsabilité du fabricant du fait des produits défectueux, cette validation administrative caractérise cependant la conformité de l'étiquetage et de la notice du produit aux exigences réglementaires en la matière, excluant par là-même toute faute délictuelle du fabricant à cet égard ; qu'en effet la notice et l'étiquetage ne sauraient avoir été validés par l'autorité compétente, et être en même temps sources de responsabilité délictuelle pour faute du fabricant en raison d'une non-conformité aux exigences réglementaires vérifiées par cette autorité ; qu'en retenant en l'espèce, que "la responsabilité de Merck est donc engagée sans que la validation administrative de sa démarche puisse constituer une cause d'exonération", cependant que cette validation de l'autorité compétente excluait toute faute délictuelle des sociétés Merck tenant à un non-respect des exigences réglementaires vérifiées par cette autorité, la cour d'appel a violé les articles 54 g), 59 c-IV) et 61 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, R. 5121-138, 7° et R. 5121-149, dernier alinéa, et L. 5121-8 du code de la santé publique, ensemble l'article 1240 du code civil ;
4°/ que selon les textes, européens et nationaux, le fabricant doit mentionner différentes informations sur l'emballage et dans la notice du médicament, dont les mises en garde spéciales qu'impose le cas échéant celui-ci ; qu'une mise en garde a pour objet spécifique d'éviter la réalisation d'un risque en mettant en évidence ce qu'un certain comportement peut provoquer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que les sociétés Merck n'avaient pas la "possibilité de présenter [les risques] autrement que par la liste des effets indésirables déjà connus" et que la mention "nouvelle formule" aurait pu être présentée "de manière positive au regard de sa finalité de stabilisation du principe actif" ; qu'en jugeant néanmoins que "le choix de Merck de ne pas mentionner, par un message d'alerte, le changement de formule sur la boîte et de ne pas le faire ressortir dans la notice est une faute qui engage sa responsabilité", cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que la mention relative à la nouvelle formule du médicament qu'il était reproché aux sociétés Merck de ne pas avoir apposé sur la notice et l'emballage du Levothyrox ne pouvait en aucune manière participer à la mise en garde prévue par les textes réglementaires visés, la cour d'appel a violé les articles 54 g) et 59 c-IV) de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, R. 5121-138, 7° et R. 5121-149, dernier alinéa, du code de la santé publique, ensemble l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
12. La notice et l'emballage d'un médicament doivent comporter différentes informations.
13. Ainsi, l'article R. 5121-138 du code de la santé publique, relatif à l'étiquetage du conditionnement, exige que soient portées certaines mentions, de manière lisible, clairement compréhensible et indélébile, parmi lesquelles la liste des excipients et une mise en garde spéciale si elle s'impose pour ce médicament.
14. Les articles R. 5121-148 et R. 5121-149 du même code, relatifs à la notice, imposent que soient portées certaines mentions, selon le même mode, parmi lesquelles une liste des excipients dont la connaissance est nécessaire pour une utilisation efficace et sans risque du médicament, une description des effets indésirables observés lors de l'usage normal du médicament et, le cas échéant, la conduite à tenir, ou encore la composition qualitative complète en substances actives et excipients, ainsi que la composition quantitative en substances actives, en utilisant les dénominations communes pour chaque présentation du médicament ou du produit.
15. Selon l'article L. 5121-8 du même code, l'accomplissement des formalités ayant permis d'obtenir une autorisation de mise sur le marché n'a pas pour effet d'exonérer le fabricant et, s'il est distinct, le titulaire de cette autorisation, de la responsabilité que l'un ou l'autre peut encourir dans les conditions du droit commun en raison de la fabrication ou de la mise sur le marché du médicament ou produit.
16. Il s'en déduit que la validation par l'autorité de santé de la notice et de l'étiquetage du produit ne fait pas, à elle seule, obstacle à une responsabilité pour faute du fabricant.
17. La cour d'appel a énoncé que les sociétés avaient eu connaissance d'un nombre non négligeable de personnes sujettes à un déséquilibre thérapeutique dans le cas d'un changement de formule du Levothyrox et, à la suite de celui déjà intervenu dans d'autres pays, d'un risque important de réactions négatives chez une fraction de patients non spécifiquement identifiables, que l'impossibilité de substituer le produit en cause devait les conduire à être particulièrement attentives à l'information individuelle des patients, que l'information relative à ce changement et délivrée aux professionnels de santé n'était pas de nature à assurer celle des patients, que l'information de ceux-ci leur offrait la possibilité, lors de la survenance éventuelle de troubles, d'appréhender leur origine et mieux envisager la suite à donner avec leur médecin traitant et que, dès lors, la modification de l'excipient justifiait une mise en garde spéciale.
18. Elle a retenu que le changement de formule n'avait pas été indiqué sur les boîtes et que, si la notice répondait aux exigences réglementaires en ce qu'elle mentionnait le mannitol et l'acide citrique dans la composition du nouveau médicament, cette seule mention, dans un texte dense et imprimé en petits caractères, était insuffisante, alors que ce changement aurait pu être présenté de manière positive au regard de sa finalité de stabilisation du principe actif et signalé efficacement sur les boîtes et par des mentions apparentes dans la notice ou un document supplémentaire joint à celle-ci.
19. Elle a pu en déduire qu'en ne procédant pas, dans ces circonstances, à une telle information les sociétés Merck avaient commis une faute.
20. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen des pourvois
21. Les sociétés Merck font le même grief aux arrêts, alors :
« 1°/ que, indépendamment des cas dans lesquels le défaut d'information sur les risques inhérents à un traitement a fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage en refusant que ce traitement lui soit administré, le non-respect par un professionnel de santé de son devoir d'information ne cause un préjudice réparable au patient auquel l'information était due que dans le cas où un des risques inhérents au traitement se réalise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a réparé "le préjudice moral consécutif au défaut d'information" allégué par les patients, tout en relevant expressément que celui-ci était "indépendant de la réalisation du risque, en l'occurrence de la détermination du lien entre la prise du nouveau médicament et les troubles apparus" et qu'il importait donc peu "qu'il faille établir ou écarter le lien entre le changement de formule et les troubles subis" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'en l'absence de réalisation du risque que le respect par le professionnel de santé de son obligation d'information aurait permis d'éviter, aucun préjudice moral consécutif au défaut d'indemnisation ne pouvait être réparé, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;
2°/ que, en tout état de cause, indépendamment des cas dans lesquels le défaut d'information sur les risques inhérents à un traitement a fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage en refusant que ce traitement lui soit administré, le non-respect par un professionnel de santé de son devoir d'information ne cause un préjudice réparable au patient auquel l'information était due que dans le cas où un des risques inhérents au traitement se
réalise ; que la cour d'appel a elle-même constaté en l'espèce que "pour bon nombre d'autres patients, le lien reste à établir médicalement, si les troubles se sont résorbés sans changement de médicament ou, au contraire, ont persisté malgré une nouvelle prescription" et encore qu' "on ne saurait exclure que, pour une partie des patients, la corrélation faite par ceux-ci entre les troubles et la prise du médicament modifié soit erronée ou, à tout le moins, non médicalement établie" ; qu'en accordant cependant à tous les demandeurs la réparation d'un préjudice moral consécutif à un défaut d'information relatif au changement de formule du Levothyrox, sans constater que chacun d'entre eux aurait ressenti des troubles correspondant à la réalisation de risques dus au changement de formule et n'ayant pas été révélés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
22. La cour d'appel a retenu que les requérants avaient justifié de la prise du Levothyrox NF et ressenti différents troubles concomitamment à celle-ci, qu'en l'absence de toute information sur la modification de sa composition et de possibilité de les rattacher à cette modification, ils s'étaient trouvés désemparés pour faire face à ces troubles et engager les démarches appropriées auprès des professionnels de santé et qu'ils avaient subi un préjudice moral temporaire jusqu'à ce qu'ils aient été informés de cette modification.
23. Ayant ainsi fait ressortir que ce préjudice avait été effectivement éprouvé par chacun des requérants et était imputable au défaut d'information sur la modification de l'excipient, la cour d'appel a pu en mettre la réparation à la charge des sociétés Merck.
24. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les sociétés Merck Santé et Merck Serono aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens communs produits aux pourvois par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Merck Santé et Merck Serono.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Les sociétés Merck font grief à l'arrêt attaqué d'avoir, au visa des articles 54 g) et 59 c-IV) de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, R. 5121-138, 7° et R. 5121-149, dernier alinéa, du Code de la santé publique et 1240 du Code civil, dit qu'elles ont commis une faute en n'informant pas les usagers du médicament Levothyrox du changement de sa formule par des mentions clairement lisibles sur l'emballage et la notice du produit, dit que cette faute a causé un préjudice moral à chacun des appelants et, en conséquence, de les avoir condamnées à payer à chacune des personnes désignées par le dispositif de l'arrêt la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre une somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE si le régime de responsabilité du fait des produits défectueux ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité, c'est à la condition que ceux-ci reposent sur des fondements différents, tels l'existence d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit ; que l'information relative à un produit, que ce soit sur sa notice ou son emballage, participe de sa sécurité, son absence étant de nature à caractériser un défaut extrinsèque de sécurité ; qu'est en conséquence irrecevable l'action en responsabilité délictuelle pour manquement à l'obligation d'information relative aux risques liés à un produit, cette action n'étant pas fondée sur une faute distincte du défaut de sécurité de ce produit ; qu'en l'espèce, pour condamner les sociétés Merck, la Cour d'appel a relevé que, « les demandeurs soutiennent que les sociétés Merck, mettant sur le marché un produit dont la dangerosité était connue par sa biodisponibilité individuelle incertaine, avaient, à leur égard, une obligation d'information à laquelle elles n'ont pas satisfait, quant aux risques de survenance d'effets indésirables chez certains malades après le changement de formule du médicament Levothyrox », qu'il en résultait que leur action en responsabilité civile délictuelle à l'encontre des sociétés exposantes, qui n'était pas fondée sur une allégation de faute distincte d'un éventuel défaut de sécurité du médicament litigieux, devait être déclarée irrecevable ; qu'en retenant néanmoins que « le choix de Merck de ne pas mentionner, par un message d'alerte, le changement de formule sur la boîte et de ne pas le faire ressortir dans la notice est une faute qui engage sa responsabilité », cependant que l'action engagée était manifestement irrecevable, la Cour d'appel a violé les articles 1245-17 et 1240 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Les sociétés Merck font grief à l'arrêt attaqué d'avoir, au visa des articles 54 g) et 59 c-IV) de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, R. 5121-138, 7° et R. 5121-149, dernier alinéa, du Code de la santé publique et 1240 du Code civil, dit qu'elles ont commis une faute en n'informant pas les usagers du médicament Levothyrox du changement de sa formule par des mentions clairement lisibles sur l'emballage et la notice du produit, dit que cette faute a causé un préjudice moral à chacun des appelants et, en conséquence, de les avoir condamnées à payer à chacune des personnes désignées par le dispositif de l'arrêt la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre une somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
1°/ ALORS QUE selon les textes, européens et nationaux, le fabricant doit mentionner différentes informations sur l'emballage et dans la notice du médicament, dont les mises en garde spéciales qu'impose le cas échéant celui-ci ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, tout en constatant expressément que la notice du Levothyrox « répondait aux exigences réglementaires » en la matière, ce qui impliquait qu'elle contenait toutes les mentions requises par ces textes, notamment en ce qui concernait les mises en garde spéciales éventuelles qu'imposait le médicament, a néanmoins retenu que le fait « que la notice ne contenait pas de mention significative du changement de formule mais un simple remplacement (manitol au lieu de lactose) et ajout (acide citrique) de termes dans un texte dense et imprimé en petits caractères » ne satisfaisait pas à l'obligation d'information du patient qui s'imposait aux sociétés Merck en vertu de ces mêmes exigences réglementaires ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 54 g) et 59 C-IV) de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, R. 5121-138, 7° et R. 5121-149, dernier alinéa, du Code de la santé publique, ensemble l'article 1240 du Code civil ;
2°/ ALORS QUE la faute délictuelle peut procéder de la violation d'une norme spécifique ou, en l'absence d'une telle norme, du manquement au devoir général de prudence et de diligence ; que le fait de se conformer aux prescriptions de la norme spécifique exclut en soi tout manquement au devoir général de prudence et de diligence ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté que l'obligation d'information qui s'imposait aux sociétés Merck était une obligation réglementaire mise à la charge du fabricant par les textes européens et nationaux, au travers des mentions devant figurer sur la notice et l'emballage du médicament, et que la notice du Levothyrox « répondait aux exigences réglementaires » en la matière ; qu'elle a cependant retenu, pour décider que les sociétés exposantes avaient commis une faute engageant leur responsabilité délictuelle, qu'il existait, à la charge de ces dernières, une obligation d'information allant « au-delà de l'exigence légale », dès lors que « l'approche principalement réglementaire de l'information sur le médicament a pour conséquence de reléguer au second plan la réflexion sur son appropriation par le public et les professionnels de santé » ; qu'en statuant ainsi, cependant que le respect par les sociétés Merck de l'obligation d'information imposée par les exigences réglementaires en la matière excluait tout manquement de leur part à un devoir général de prudence et de diligence, la Cour d'appel a derechef violé les articles 54 g) et 59 c-IV) de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, R. 5121-138, 7° et R. 5121-149, dernier alinéa, du Code de la santé publique, ensemble l'article 1240 du Code civil ;
3°/ ALORS QUE si l'absence d'opposition de l'autorité compétente à la mise sur le marché ou à la modification de l'étiquetage ou de la notice du produit ne fait pas obstacle à l'engagement de la responsabilité du fabricant du fait des produits défectueux, cette validation administrative caractérise cependant la conformité de l'étiquetage et de la notice du produit aux exigences réglementaires en la matière, excluant par là-même toute faute délictuelle du fabricant à cet égard ; qu'en effet la notice et l'étiquetage ne sauraient avoir été validés par l'autorité compétente, et être en même temps sources de responsabilité délictuelle pour faute du fabricant en raison d'une non-conformité aux exigences réglementaires vérifiées par cette autorité ; qu'en retenant en l'espèce, que « la responsabilité de Merck est donc engagée sans que la validation administrative de sa démarche puisse constituer une cause d'exonération », cependant que cette validation de l'autorité compétente excluait toute faute délictuelle des sociétés Merck tenant à un non-respect des exigences réglementaires vérifiées par cette autorité, la Cour d'appel a violé les articles 54 g), 59 c-IV) et 61 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, R. 5121-138, 7° et R. 5121-149, dernier alinéa, et L. 5121-8 du Code de la santé publique, ensemble l'article 1240 du Code civil ;
4°/ ALORS QUE selon les textes, européens et nationaux, le fabricant doit mentionner différentes informations sur l'emballage et dans la notice du médicament, dont les mises en garde spéciales qu'impose le cas échéant celui-ci ; qu'une mise en garde a pour objet spécifique d'éviter la réalisation d'un risque en mettant en évidence ce qu'un certain comportement peut provoquer ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a elle-même constaté que les sociétés Merck n'avaient pas la « possibilité de présenter [les risques] autrement que par la liste des effets indésirables déjà connus » et que la mention « nouvelle formule » aurait pu être présentée « de manière positive au regard de sa finalité de stabilisation du principe actif » ; qu'en jugeant néanmoins que « le choix de Merck de ne pas mentionner, par un message d'alerte, le changement de formule sur la boîte et de ne pas le faire ressortir dans la notice est une faute qui engage sa responsabilité », cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que la mention relative à la nouvelle formule du médicament qu'il était reproché aux sociétés Merck de ne pas avoir apposé sur la notice et l'emballage du Levothyrox ne pouvait en aucune manière participer à la mise en garde prévue par les textes réglementaires visés, la Cour d'appel a violé les articles 54 g) et 59 c-IV) de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, R. 5121-138, 7° et R. 5121-149, dernier alinéa, du Code de la santé publique, ensemble l'article 1240 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Les sociétés Merck font grief à l'arrêt attaqué d'avoir, au visa des articles 54 g) et 59 c-IV) de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, R. 5121-138, 7° et R. 5121-149, dernier alinéa, du Code de la santé publique et 1240 du Code civil, dit que la faute des sociétés Merck a causé un préjudice moral à chacun des appelants et, en conséquence, de les avoir condamnées à payer à chacune des personnes désignées par le dispositif de l'arrêt, la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre une somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
1°/ ALORS QUE, indépendamment des cas dans lesquels le défaut d'information sur les risques inhérents à un traitement a fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage en refusant que ce traitement lui soit administré, le non-respect par un professionnel de santé de son devoir d'information ne cause un préjudice réparable au patient auquel l'information était due que dans le cas où un des risques inhérents au traitement se réalise ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a réparé « le préjudice moral consécutif au défaut d'information » allégué par les patients, tout en relevant expressément que celui-ci était « indépendant de la réalisation du risque, en l'occurrence de la détermination du lien entre la prise du nouveau médicament et les troubles apparus » et qu'il importait donc peu « qu'il faille établir ou écarter le lien entre le changement de formule et les troubles subis » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'en l'absence de réalisation du risque que le respect par le professionnel de santé de son obligation d'information aurait permis d'éviter, aucun préjudice moral consécutif au défaut d'indemnisation ne pouvait être réparé, la Cour d'appel a violé l'article 1240 du Code civil ;
2°/ ALORS QUE, en tout état de cause, indépendamment des cas dans lesquels le défaut d'information sur les risques inhérents à un traitement a fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage en refusant que ce traitement lui soit administré, le non-respect par un professionnel de santé de son devoir d'information ne cause un préjudice réparable au patient auquel l'information était due que dans le cas où un des risques inhérents au traitement se réalise ; que la Cour d'appel a elle-même constaté en l'espèce que « pour bon nombre d'autres patients, le lien reste à établir médicalement, si les troubles se sont résorbés sans changement de médicament ou, au contraire, ont persisté malgré une nouvelle prescription » et encore qu' « on ne saurait exclure que, pour une partie des patients, la corrélation faite par ceux-ci entre les troubles et la prise du médicament modifié soit erronée ou, à tout le moins, non médicalement établie » ; qu'en accordant cependant à tous les demandeurs la réparation d'un préjudice moral consécutif à un défaut d'information relatif au changement de formule du Levothyrox, sans constater que chacun d'entre eux aurait ressenti des troubles correspondant à la réalisation de risques dus au changement de formule et n'ayant pas été révélés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du Code civil. | Selon l'article R. 5121-138 du code de la santé publique, l'étiquetage d'un médicament doit comporter, de manière lisible et compréhensible, une mise en garde spéciale si elle s'impose pour ce médicament.
Conformément à l'article L. 5121-8 du même code, la validation, par l'autorité de santé, de la notice et de l'étiquetage du produit ne fait pas, à elle seule, obstacle à une responsabilité pour faute du fabricant.
Une cour d'appel, qui énonce que la modification de l'excipient d'un médicament justifiait une mise en garde spéciale dès lors que le fabricant et l'exploitant avaient connaissance du risque important de réactions négatives chez une fraction de patients non spécifiquement identifiables, que l'information délivrée aux professionnels de santé n'était pas de nature à assurer celle des patients et que, si la notice répondait aux exigences réglementaires en ce qu'elle mentionnait le mannitol et l'acide citrique dans la composition du nouveau médicament, cette seule mention, dans un texte dense et imprimé en petits caractères, était insuffisante alors que ce changement aurait pu être présenté de manière positive au regard de sa finalité de stabilisation du principe actif et signalé efficacement sur les boîtes, ainsi que par des mentions apparentes dans la notice ou un document supplémentaire joint à celle-ci, a pu en déduire que le fabricant et l'exploitant ont commis une faute |
7,602 | CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 256 FS-B
Pourvoi n° D 20-12.020
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
Mme [Z] [U], épouse [J] [F], domiciliée [Adresse 1], agissant en qualité de tutrice de M. [K] [F], a formé le pourvoi n° D 20-12.020 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 4), dans le litige l'opposant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations et plaidoiries de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [Z] [U], épouse [J] [F] et de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 2019), après avoir reçu plusieurs culots de sang lors de sa naissance le 21 octobre 1983, M. [F] a présenté une infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), diagnostiquée en 1986, et a déclaré un sida en 1991.
2. Le 16 février 1993, le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles l'a indemnisé d'un préjudice spécifique de contamination.
3. En mars 2005, M. [F] a développé une leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) en lien avec sa contamination, dont il a conservé d'importantes séquelles cérébrales.
4. Mme [U], sa mère, désignée en qualité de tutrice, a saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) d'une demande d'indemnisation complémentaire. Après avoir ordonné une expertise, l'ONIAM a indemnisé les préjudices économiques et rejeté la demande relative aux déficits fonctionnels temporaire et permanent subis par M. [F].
5. Mme [U], ès qualités, a formé un recours devant la cour d'appel qui a statué après avoir ordonné une nouvelle expertise.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
6. Mme [U], ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre des déficits fonctionnels, alors « qu'en jugeant que le préjudice de contamination incluait l'ensemble des « affections opportunes consécutives à la déclaration de la maladie », quand il n'inclut que l'angoisse suscitée par le risque d'affections opportunes, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale, ensemble les articles L. 3122-1 du code de la santé publique et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3122-1 du code de la santé publique et le principe d'une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
7. Le préjudice spécifique de contamination comprend l'ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination et inclut, outre les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l'espérance de vie et la crainte des souffrances, les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle et les préjudices esthétique et d'agrément générés par les traitements et soins subis, ainsi que le seul risque de la survenue d'affections opportunistes consécutives à la contamination. Il n'inclut ni le déficit fonctionnel, ni les autres préjudices à caractère personnel liés à la survenue de ces affections.
8. Pour rejeter les demandes d'indemnisation au titre des déficits fonctionnels temporaire et permanent subis par M. [F], l'arrêt retient que le préjudice de contamination inclut l'ensemble des affections opportunes consécutives à la déclaration de la maladie.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les texte et principe susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. Mme [U], ès qualités, fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en jugeant que le déficit fonctionnel causé par l'infection du VIH ne pouvait être indemnisé qu'à la condition que la maladie soit susceptible de consolidation, quand tout dommage doit être indemnisé sans perte ni profit pour la victime et que la consolidation ne permet que de distinguer le déficit fonctionnel temporaire et le déficit fonctionnel permanent sans pourtant qu'en son absence, le juge ne puisse refuser d'indemniser le préjudice subi, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles L. 3122-1 du code de la santé publique et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3122-1 du code de la santé publique et le principe d'une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
11. Il résulte de ce texte et de ce principe que l'absence de consolidation de la victime contaminée par le VIH ne fait pas obstacle à l'indemnisation du déficit fonctionnel qui est éprouvé à la suite de cette contamination et de ses conséquences.
12. Pour rejeter les demandes d'indemnisation au titre des déficits fonctionnels subis par M. [F], l'arrêt retient encore que leur réparation, s'ajoutant au préjudice spécifique de contamination déjà indemnisé, suppose que le VIH ne soit plus une maladie évolutive mais une maladie susceptible de consolidation.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les texte et principe susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiale aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme [U]
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes présentées par Mme [J] [F] ès qualités de tutrice de M. [K] [F] au titre du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent et d'avoir débouté Mme [J] [F] ès qualités de tutrice de M. [K] [F] de ses demandes que l'Oniam soit condamné à verser à M. [K] [F] la somme de 48 200,06 euros au titre de l'indemnisation de son déficit fonctionnel partiel pour la période du 11 avril 2005 au 9 octobre 2013 et de 175 000 euros en réparation de son déficit fonctionnel permanent ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
« Il ressort du rapport du professeur [W] :
- que M. [K] [F] a développé en mars 2005 une infection virale gravissime de l'encéphale, provoquée par le virus JC,
- que ce virus ou leuco-encéphalite multifocale progressive (LEMP) est une complication de l'immunodépression chronique et profonde ellemême induite par le VIH-1,
- que M. [K] [F] a guéri de la LEMP grâce au traitement antirétroviral qui a permis la restauration rapide de son immunité et donc le contrôle de la réplication du virus JC dans son cerveau,
- que les lésions cérébrales induites par la LEMP ont impliqué des déficits neurologiques importants avec une récupération partielle assez inattendue compte tenu de la gravité du tableau clinique initial,
- qu'il persiste des séquelles importantes essentiellement cognitives à type de syndrome frontal avec lenteur d'idéation qui ne permettent pas à M. [K] [F] d'être autonome dans la vie de tous les jours, de travailler, de cuisiner seul, de se déplacer seul à l'extérieur du domicile et de conduire un véhicule,
- que l'infection VIH est stabilisée par la prise continue depuis 2006 du traitement antirétroviral mais que M. [K] [F] n'est pas guéri de cette infection,
- qu'on peut considérer que l'infection par le VIH est consolidée par le traitement antirétroviral à condition 1) que la combinaison d'antirétroviraux reste efficace virologiquement et 2) que l'observance du traitement antirétroviral efficace soit bonne.
L'expert a précisé que si la notion de consolidation de I 'infection par le VIH-1 était admise, alors elle évaluait les préjudices liés à l'infection du cerveau par le virus JC comme suit :
- déficit fonctionnel temporaire total du I I avril 2005 au 30 juin 2006,
- déficit fonctionnel temporaire à 80 % du I erjuillet 2006 au 1 Cr janvier 2007 et à 60 % du 1er janvier 2007 au 9 septembre 2013,
- consolidation le 9 septembre 2013,
- déficit fonctionnel permanent : 50 %
Au regard de ces conclusions, Mme [J] [F] ès qualités soutient :
- que sa demande est recevable et qu'il ne peut lui être opposé l'autorité de la chose jugée tirée de la transaction puisque sa demande porte sur l'indemnisation des déficit fonctionnel permanent et déficit fonctionnel temporaire consécutive à la LEMP lesquels n'étaient pas inclus dans l'indemnisation versée au titre du préjudice spécifique de contamination,
- que la consolidation est une notion médicale qui n'a pas d'incidence quant à la détermination de l'existence d'un préjudice fonctionnel mais seulement sur son caractère temporaire ou permanent,
- qu'ainsi, et contrairement à ce que prétend I 'ONIAM, ce n 'est pas parce que l'état de santé du malade n'est pas consolidé que le préjudice fonctionnel n'existe pas ; qu'il n'a simplement pas de caractère permanent,
- qu'en l'occurrence, l'état de santé de M. [K] [F] a été considéré comme consolidé par le professeur [M] s'agissant des atteintes imputables à la LEMP et par le professeur [W] s'agissant du VIH.
En réponse I 'ONIAM fait valoir :
- que l'état de santé de M. [K] [F] n'est pas consolidé,
- qu'en indemnisant le préjudice spécifique de contamination par voie transactionnelle, le FITH a indemnisé l'intégralité des préjudices personnels de l'intéressé en ce compris le déficit fonctionnel temporaire et le déficit fonctionnel permanent.
L'indemnisation d'un préjudice spécifique de contamination par le FITH a permis d'adapter le mode d'indemnisation des victimes contaminées par le VIH à la spécificité de leur pathologie dont le caractère évolutif ne permettait pas de fixer une date de consolidation et de prendre en considération des éléments de préjudice originaux tenant à la diminution de l'espérance de vie, à l'angoisse générée par la contamination et aux troubles apportés à la vie sociale et familiale.
Ce préjudice, à caractère extrapatrimonial, est caractérisé par I 'ensemble des préjudices tant physiques que psychiques résultant notamment de la réduction de l'espérance de vie, des perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle ainsi que des souffrances et de leur crainte, du préjudice esthétique et d'agrément ainsi que de toutes les affections opportunes consécutives à la déclaration de la maladie. Il existe en dehors de toute notion de consolidation de l'état de santé puisqu'il se présente pendant et après la maladie traumatique.
En l'occurrence, M. [K] [F] a été indemnisé de son préjudice spécifique de contamination il y a plus de 25 ans ainsi que rappelé ci-dessus. La réparation des préjudices des déficits fonctionnels temporaire et permanent s'ajoutant au préjudice spécifique de contamination déjà indemnisé, suppose que le VIH ne soit plus une maladie évolutive mais une maladie susceptible de consolidation. Pour que la consolidation soit acquise, il faut que les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire si ce n 'est pour éviter une aggravation et qu'il soit possible d 'apprécier un certain degré d'incapacité permanente réalisant un préjudice définitif.
Or, en l'espèce, il ressort du rapport du professeur [W] que tel n'est pas le cas, le VIH restant une maladie évolutive. En effet, il ne peut être considéré que les lésions sont fixées et ont pris un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire puisque le contrôle de l'infection est subordonné d'une part au fait que la combinaison d'antirétroviraux reste efficace virologiquement, d'autre part à la bonne observance de ce traitement resté efficace.
Il s 'ensuit que l'état de santé de M. [K] [F] n 'est pas consolidé.
En conséquence, les demandes présentées au titre du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent sont rejetées. »
1°) ALORS QU'en jugeant que le déficit fonctionnel causé par l'infection du VIH ne pouvait être indemnisé qu'a la condition que la maladie soit susceptible de consolidation (p. 5 de l'arrêt), quand tout dommage doit être indemnisé sans perte ni profit pour la victime et que la consolidation ne permet que de distinguer le déficit fonctionnel temporaire et le déficit fonctionnel permanent sans pourtant qu'en son absence, le juge ne puisse refuser d'indemniser le préjudice subi, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles L. 3122-1 du code de la santé publique et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2°) ALORS QU'en rejetant « les demandes présentées par Mme [J] [F] ès qualités de tutrice de M. [K] [F] au titre du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent » (p. 5 de l'arrêt)
quand les demandes étaient formulées au titre du déficit fonctionnel partiel et du déficit fonctionnel permanent (p. 17 des conclusions de Mme [J] [F]), la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, subsidiairement, QUE même à supposer que la consolidation soit une condition pour que la victime contaminée par le VIH soit indemnisée de ses déficits fonctionnels et permanents, une cour d'appel est tenue de rechercher au cas par cas si l'état du malade est consolidé par la prise régulière d'un traitement antiviral efficace ; qu'en se prononçant au motif général que le VIH étant une maladie évolutive, tout déficit fonctionnel ne saurait être indemnisé en sus du préjudice de contamination sans rechercher concrètement si le déficit fonctionnel de M. [K] [F] était consolidé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale aÌ sa décision au regard du principe de réparation intégrale, ensemble les articles L. 3122-1 du code de la santé publique et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
4°) ALORS, subsidiairement, QU'en jugeant que le rapport du professeur [W] concluait que le VIH reste une maladie évolutive non susceptible de consolidation pour débouter Mme Peireira [F] de sa demande, quand son rapport concluait que « tant que M. [K] [F] prendra un traitement antireìtroviral efficace sur le virus qui l'infecte, il n'est pas aÌ craindre de nouvelle infection opportuniste telle que la LEMP » et qu' « on peut alors considérer que l'infection par le VIH est consolideìe grâce au traitement que M. [F] prend quotidiennement contre le VIH » (p. 24 du rapport), la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit clair et précis qui lui est soumis ;
5°) ALORS, très subsidiairement, QU'en jugeant que « le contrôle de l'infection est subordonneì d'une part au fait que la combinaison d'antirétroviraux reste efficace virologiquement, d'autre part à la bonne observance de ce traitement resté efficace » (p. 5 de l'arrêt) pour en déduire que le dommage de M. [K] [F] n'était pas consolidé, quand la consolidation correspond à la stabilisation du dommage, ce qui comprend la guérison ou la prise d'un traitement efficace permettant d'espérer raisonnablement que le dommage ne s'aggravera pas, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé le principe de réparation intégrale, ensemble les articles L. 3122-1 du code de la santé publique et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
6°) ALORS, infiniment subsidiairement, QU'en jugeant que le préjudice de contamination incluait l'ensemble des « affections opportunes consécutives à la déclaration de la maladie », quand il n'inclut que l'angoisse suscitée par le risque d'affections opportunes, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale, ensemble les articles L. 3122-1 du code de la santé publique et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
7°) ALORS, en tout état de cause, QU'en refusant d'indemniser le déficit fonctionnel de M. [K] [J] [F] causé par la LEMP au motif qu'il avait déjà été indemnisé de son préjudice de contamination quant au VIH, la cour d'appel n'a pas, sans justification objective et raisonnable, appliqué à ce dernier un traitement différent que celui qui est réservé aux personnes infectées par le VIH sans pour autant qu'elles aient subi d'affections opportunes consécutives et a, dès lors, violé l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné à l'article 1er du Protocole additionnel à ladite Convention.
Le greffier de chambre | Le préjudice spécifique de contamination comprend l'ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination et inclut, outre les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l'espérance de vie et la crainte des souffrances, les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle et les préjudices esthétiques et d'agrément générés par les traitements et soins subis, ainsi que le seul risque de la survenue d'affections opportunistes consécutives à la contamination. Il n'inclut ni le déficit fonctionnel, ni les autres préjudices à caractère personnel liés à la survenue de ces affections.
Il résulte de l'article L. 3122-1 du code de la santé publique et du principe d'une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime que l'absence de consolidation de la victime contaminée par le VIH ne fait pas obstacle à l'indemnisation du déficit fonctionnel qui est éprouvé à la suite de cette contamination et de ses conséquences |
7,603 | CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 257 FS-B
Pourvois n°
E 20-15.172
S 20-19.254 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
I - L'Office d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° E 20-15.172 contre un arrêt rendu le 11 février 2020 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [O] [F], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Pau, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne,
3°/ au Fonds de garantie pour les dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels exerçant à titre libéral (FAPDS), Etablissement public dont le siège est [Adresse 1], représenté par la Caisse centrale de réassurance,
4°/ à la société polyclinique Aguilera, société à associé unique, dont le siège est [Adresse 4],
5°/ à la société Chubb European Group Limited, dont le siège est [Adresse 6], anciennement dénommée Ace European Groupe LTD,
défendeurs à la cassation.
II - La caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, dont le contentieux est géré par la caisse primaire d'assurance maladie de Pau, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° S 20-19.254 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :
1°/ à L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM),
2°/ à M. [O] [F],
3°/ au Fonds de garantie pour les dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels exerçant à titre libéral, représenté par la Caisse centrale de réassurance (FAPDS),
4°/ à la société polyclinique Aguilera,
5°/ à la société Chubb European Group, anciennement dénommée Ace European Groupe LTD,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur au pourvoi n° E 20-12.172 invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi n° S 20-19.254 invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de L'Office d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Pau, venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Chubb European Group, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Polyclinique Aguilera, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat du Fonds de garantie pour les Dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic, du Fonds de garantie pour les dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé exerçant à titre libéral, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [F], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° E 20-15.172 et n° S 20-19.254 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 11 février 2020), après avoir été opérée, le 7 janvier 2002, d'une hanche par M. [F] (le chirurgien) au sein de la société polyclinique Aguilera (la polyclinique), Mme [D] a présenté une infection.
3. Le 23 juillet 2012, elle a saisi d'une demande d'indemnisation la commission de conciliation et d'indemnisation (la CCI). Par un avis du 19 juin 2013, rendu à l'issue d'une expertise, la CCI a estimé que l'infection était nosocomiale et que son évolution défavorable était entièrement imputable au comportement fautif du chirurgien et a fixé la date de la consolidation au 22 mars 2004. Par un avis du 20 novembre 2013, notifié le 3 décembre 2013, elle a invité la société Chubb European Group Limited, en qualité d'assureur du chirurgien (l'assureur), à formuler une offre d'indemnisation à Mme [D].
4. En l'absence d'offre d'indemnisation de l'assureur, qui a refusé sa garantie, Mme [D] a demandé à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) de se substituer à l'assureur et a accepté le 24 novembre 2014 les offres d'indemnisation présentées par celui-ci.
5. Les 19 et 20 janvier 2016, l'ONIAM a assigné la polyclinique et le chirurgien en remboursement des sommes versées à Mme [D] et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, aux droits de laquelle se trouve la caisse primaire d'assurance maladie de Pau (la caisse), qui a sollicité le remboursement de ses débours. Le chirurgien a appelé en garantie l'assureur et le Fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé exerçant à titre libéral (le fonds de garantie). Le chirurgien, la polyclinique, l'assureur et le fonds de garantie ont opposé la prescription.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° E 20-15.172 et sur le premier moyen du pourvoi n° S 20-19.254, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
6. L'ONIAM et la caisse font grief à l'arrêt de déclarer l'action de l'ONIAM irrecevable comme prescrite, alors « que le délai de prescription décennale des actions tendant à mettre en cause la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est suspendu entre la saisine régulière de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation par la victime et le terme de la procédure amiable ; qu'en cas d'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation retenant la responsabilité de ce professionnel ou de cet établissement de santé suivi du silence ou du refus explicite de la part de son assureur de faire une offre, le terme de la procédure amiable mettant fin à la suspension du délai de prescription est constitué par l'acceptation, valant transaction, par la victime ou ses ayants droit de l'offre présentée par l'ONIAM ; qu'en retenant que la suspension du délai de prescription prenait fin, en l'absence d'offre de l'assureur à la victime, lors de l'expiration du délai de quatre mois faisant suite à la notification de l'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, la cour d'appel a violé les articles L. 1142-7, L. 1142-14, L.1142-15 et L.1142-28 du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1142-7, L. 1142-14, L. 1142-15 et L. 1142-28 du code de la santé publique :
7. Selon le dernier de ces textes, les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage.
8. Aux termes du premier, la saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation suspend les délais de prescription et de recours jusqu'au terme de la procédure de règlement amiable.
9. Selon les deuxième et troisième, lorsque la CCI estime qu'un dommage engage la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé, l'assureur de celui-ci doit faire une offre d'indemnisation à la victime dans les quatre mois de l'avis de la commission ; en cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, l'ONIAM peut être saisi par la victime à l'expiration de ce délai et se substituer à l'assureur ; en cas d'acceptation par la victime de son offre d'indemnisation, l'ONIAM est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage.
10. Il s'en déduit que, dans le cas où l'ONIAM s'est substitué à l'assureur et où la victime a accepté son offre d'indemnisation, la procédure de règlement amiable a atteint son terme, de sorte que le délai de prescription, suspendu depuis la saisine de la CCI, recommence à courir à compter du jour de cette acceptation.
11. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action engagée par l'ONIAM, l'arrêt retient que la suspension du délai de prescription a pris fin, en l'absence d'offre de l'assureur à la victime, lors de l'expiration du délai de quatre mois faisant suite à la notification de l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation, soit le 2 avril 2014.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Mise hors de cause
13. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la polyclinique, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société polyclinique Aguilera ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. [F] et la société Chubb European Group Limited aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi n° E 20-15.172 par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'Office d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme prescrite l'action engagée par l'ONIAM ;
Aux motifs propres que, sur la prescription de l'action de l'ONIAM, suivant les dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage ; que, suivant les dispositions de l'article L. 1142-7 du même code, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation peut être saisie par toute personne s'estimant victime d'un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins, ou, le cas échéant, par son représentant légal ; que la saisine de la commission suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu'au terme de la procédure prévue par le présent chapitre ; que, devant la cour les parties s'accordent sur le point de départ de la suspension du délai de prescription, à savoir le jour où madame [P] [D] a valablement saisi la CRCI, soit le 23 juillet 2012, ce que le premier juge a retenu par de justes motifs ; que la discussion porte sur le terme de la suspension du délai décennal de prescription ; que l'ONIAM soutient que la référence de l'article L. 1142-7 ci-dessus « au terme de la procédure prévue par le présent chapitre » doit s'entendre de l'issue des procédures relatives à la réparation des conséquences sanitaires telles que prévues au chapitre II du code de la santé publique, qu'en conséquence le terme de la suspension ne saurait intervenir préalablement à la naissance de son droit d'action subrogatoire, c'est-à-dire avant la transaction signée avec la victime ; que l'ONIAM qui a indemnisé madame [P] [D] exerce une action subrogatoire ; qu'à ce titre elle ne peut disposer de plus de droits que le subrogeant ; que le délai de prescription applicable à son action est donc celui qui se serait appliqué à la victime en l'absence d'indemnisation ; que le chapitre II visé à l'article L. 1142-7 ci-dessus porte sur les « risques sanitaires résultant du fonctionnement de santé » ; qu'il prévoit en réalité cinq procédures différentes, qui dépassent le champ de la procédure devant la CRCI à savoir : - section 2 : procédure de règlement amiable en cas d'accident médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales, - section 3 : procédure d'expertise en matière d'accidents médicaux, - section 4 : procédure d'indemnisation des victimes, - section 4bis : procédure d'indemnisation des victimes du benfluorex, - section 4ter : procédure d'indemnisation des victimes du valproate de sodium ou de ses dérivés ; que, de plus, il résulte de ce texte que c'est la saisine de la commission qui suspend le délai de prescription, ce qui induit logiquement que l'issue de la suspension définie par le « terme de la procédure » doit s'entendre comme la fin de la procédure de règlement amiable telle que définie à la section II du chapitre II ; qu'en outre, l'emploi du singulier (la procédure) alors que le chapitre considéré prévoit cinq procédures, vient confirmer que l'article L. 1142-7 s'applique, quant à la suspension du délai de prescription, à la seule procédure amiable devant la commission ; qu'enfin, retenir comme le soutient l'ONIAM comme terme de la suspension du délai de prescription, le moment où est née sa dette envers la victime, revient à accorder plus de droits au subrogé que n'en dispose la victime subrogeante ; qu'ainsi, c'est par une juste motivation que le premier juge a retenu que l'article L. 1142-7 fait référence à la procédure amiable devant la CRCI, et uniquement à cette procédure ; que, suivant les dispositions de l'article L. 1142-14 alinéa 1 du code de la santé publique, « lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales estime qu'un dommage relevant du premier alinéa de l'article L. 1142-8 engage la responsabilité d'un professionnel de santé, d'un établissement de santé, d'un service de santé ou d'un organisme mentionné à l'article L. 1142-1 ou d'un producteur d'un produit de santé mentionné à l'article L. 1142-2, l'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis dans la limite des plafonds de garantie des contrats d'assurance » ; qu'ainsi, le terme de la procédure amiable ouverte par la saisine de la CRCI est constitué, en l'absence d'offre de l'assureur, par l'expiration du délai de quatre mois prévu à l'article L. 1142-14 du code de la santé publique, faisant suite à la notification de l'avis de la commission ; qu'en effet ce délai, contrairement à ce qu'avance la clinique Aguilera pour qui le terme de la procédure doit être fixé le jour de la notification de l'avis, est indissociable de la notification de l'avis favorable de la commission dont il est la conséquence et le prolongement ;
que le tribunal a donc fait une juste appréciation du droit en retenant que le terme de la procédure de règlement amiable doit être fixé à l'issue du délai de quatre mois pendant lequel l'assureur doit faire une offre d'indemnisation à la victime ; que, par conséquent le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a dit que : - l'avis de la CRCI en date du 20 novembre 2013 a été notifié le 3 décembre 2013, - la procédure de règlement amiable a pris fin le 2 avril 2014, - la suspension du délai de prescription a duré du 23 juillet 2012 au 2 avril 2014, soit un an, huit mois et dix jours, ce qui porte le délai de prescription de l'action au 12 décembre 2015 ; que l'action de l'ONIAM engagée le 19 janvier 2016 est donc prescrite ; que la décision déférée sera confirmée ;
Et aux motifs, le cas échéant adoptés des premiers juges, que, sur la recevabilité de l'action de l'ONIAM, l'article L. 1142-28 du code de la santé publique dispose que « les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et les demandes d'indemnisation formées devant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en application du II de l'article L. 1142-1 et des articles L. 1142-24-9, L. 1221-14, L. 3111-9, L. 3122-l et L. 3131-4 se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage » ; que l'article L. 1142-7 du même code relatif à la procédure de règlement amiable en cas d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiale prévoit notamment que « la saisine de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu'au terme de la procédure prévue par le présent chapitre » ; qu'aux termes de ses dernières conclusions l'ONIAM soutient que si l'action en indemnisation d'une victime se prescrit par dix ans, la saisine de la CRCI suspend les délais de prescription et de procédure contentieuse jusqu'à l'issue de la procédure relative à la réparation des conséquences des risques sanitaires prévue au chapitre II du code de la santé publique intitulé « Réparation des conséquences des risques sanitaires » ; qu'elle considère, par conséquent, que le point de départ de la suspension du délai de prescription de son action subrogatoire doit être fixé au 9 janvier 2012, date de saisine de la CRCI par madame [D] et que la fin de ce délai ne peut être fixée qu'à la date à laquelle madame [D] a accepté sa proposition indemnitaire, soit le 24 novembre 2014 ; que, selon l'ONIAM, le délai de prescription a donc été suspendu du 9 janvier 2012 au 24 novembre 2014, soit sur une période de 2 ans, 10 mois et 15 jours et il a continué à courir jusqu'au 5 octobre 2017 de sorte que son action, intentée le 19 janvier 2016 n'est pas prescrite ; qu'en défense, le docteur [F] et la SA Polyclinique Aguilera soutiennent que le délai de prescription de l'action subrogatoire de l'ONIAM a été suspendu à compter du 23 juillet 2012, date à laquelle la saisine de la CRCI a été réputée complète, jusqu'au 20 novembre 2013 date à laquelle la commission a rendu son avis définitif ; qu'ils estiment en conséquence que l'action était prescrite à compter du 19 juillet 2015 ; que la compagnie Chubb European Group Limited anciennement dénommée ACE Europe, fait valoir à l'instar du docteur [F] et de la polyclinique Aguilera que le délai de prescription de l'action subrogatoire de l'ONIAM a été suspendu à compter du 23 juillet 2012, mais elle considère que le terme de la suspension doit être fixé à la date à laquelle l'ONIAM s'est substitué à l'assureur, soit à l'issue du délai de quatre mois à compter de la notification de l'avis de la CRCI intervenue le 3 décembre 2013, soit le 2 avril 2014 ; qu'elle affirme que l'action de l'ONIAM est prescrite depuis le 2 décembre 2015, la suspension ayant duré un an, huit mois et dix jours ; que, sur le point de départ du délai de suspension du délai décennal de prescription, en application de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique, le délai décennal de prescription est suspendu à compter de la saisine de la CRCI ; que l'article R. 1142-13 du même code relatif à la procédure de règlement amiable devant la CRCI prévoit que la commission accuse réception du dossier, enregistre la demande, et le cas échéant, demande les pièces manquantes dans les formes et conditions prévues par l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ; que l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dispose précisément que « lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. Le délai mentionné à l'article L. 114-3 au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée acceptée ne court qu'à compter de la réception des pièces et informations requises » ; qu'il résulte de ces dispositions que la CRCI n'a pu être valablement saisie par madame [D] qu'au jour où sa demande a été complète, soit le 23 juillet 2012, ainsi que cela ressort des pièces de la procédure ; qu'il convient en conséquence de constater que le délai décennal de prescription de l'action subrogatoire de l'ONIAM n'a été suspendu qu'à compter du 23 juillet 2012 ; que, sur le terme de la suspension du délai décennal de prescription, contrairement à ce qu'affirme l'ONIAM, en application de l'article L. 1142-7 alinéa 4 du code de la santé publique, le délai de prescription est suspendu par la saisine de la CRCI jusqu'au terme de la procédure suivie devant celle-ci et non jusqu'à l'issue des procédures relatives à la réparation des conséquences sanitaires prévues au chapitre II du code de la santé publique ; qu'en effet, si l'article L. 1142- 7 du code de la santé publique fait bien référence à une suspension des délais de prescription de recours contentieux jusqu'au terme de la procédure « prévue par le présent chapitre », il fait référence précisément à la procédure de règlement amiable en cas d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infection nosocomiales devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation et uniquement à cette procédure ainsi que le démontre l'emploi du singulier ; qu'or, lorsque dans le cadre de la procédure de règlement amiable, la CRCI rend un avis concluant que le dommage subi engage la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé, conformément à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, cet avis doit être transmis par lettre recommandée avec accusé de réception au demandeur, au professionnel de santé, ainsi qu'à son assureur ; que l'assureur doit ensuite faire une offre d'indemnisation dans un délai de quatre mois suivant réception de l'avis ; que le terme de la procédure de règlement amiable se situe donc à la fin du délai de 4 mois à l'issue duquel l'assureur doit faire une offre d'indemnisation à la victime ; qu'en l'espèce, il est acquis aux débats que l'avis de la CRCI en date du 20 novembre 2013 a été notifié le 3 décembre 2013, de sorte que la procédure de règlement amiable a pris fin le 2 avril 2014, dernier jour du délai imparti à l'assureur pour faire une offre d'indemnisation à madame [D] ; que la suspension du délai a donc duré ainsi que le conclut la compagnie Chubb European Group Limited du 23 juillet 2012 au 2 avril 2014, soit un an, huit mois et dix jours ; que le délai de prescription de l'action subrogatoire de l'ONIAM, qui ne saurait avoir plus de droits que le subrogeant, courrait donc jusqu'au 12 décembre 2015 ; qu'il en résulte que l'action de l'ONIAM, introduite le 19 janvier 2016, est prescrite et sera en conséquence déclarée irrecevable ;
Alors que le délai de prescription décennale des actions tendant à mettre en cause la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est suspendu entre la saisine régulière de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation par la victime et le terme de la procédure amiable ; qu'en cas d'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation retenant la responsabilité de ce professionnel ou de cet établissement de santé suivi du silence ou du refus explicite de la part de son assureur de faire une offre, le terme de la procédure amiable mettant fin à la suspension du délai de prescription est constitué par l'acceptation, valant transaction, par la victime ou ses ayants droit de l'offre présentée par l'ONIAM ; qu'en retenant que la suspension du délai de prescription prenait fin, en l'absence d'offre de l'assureur à la victime, lors de l'expiration du délai de quatre mois faisant suite à la notification de l'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, la cour d'appel a violé les articles L. 1142-7, L. 1142-14, L. 1142-15 et L. 1142-28 du code de la santé publique. Moyens produits au pourvoi n° S 20-19.254 par la la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, de la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, dont le contentieux est géré par la caisse primaire d'assurance maladie de Pau.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué par la Caisse encourt la censure ;
EN CE QU' il a, après avoir déclaré prescrite l'action engagée par l'ONIAM, débouté la Caisse de l'ensemble de ses demandes ;
ALORS QUE, le délai de prescription décennale des actions tendant à mettre en cause la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est suspendu entre la saisine régulière de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation par la victime et le terme de la procédure amiable ; qu'en cas d'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation retenant la responsabilité de ce professionnel ou de cet établissement de santé suivi du silence ou du refus explicite de la part de son assureur de faire une offre, le terme de la procédure amiable mettant fin à la suspension du délai de prescription est constitué par l'acceptation, valant transaction, par la victime ou ses ayants droit de l'offre présentée par l'ONIAM ; qu'en retenant que la suspension du délai de prescription prenait fin, en l'absence d'offre de l'assureur à la victime, lors de l'expiration du délai de quatre mois faisant suite à la notification de l'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, la cour d'appel a violé les articles L. 1142-7, L. 1142-14, L. 1142-15 et L. 1142-28 du code de la santé publique.
SECOND MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué par la Caisse encourt la censure ;
EN CE QU' il a débouté la Caisse de l'ensemble de ses demandes ;
ALORS QUE, le chef de l'arrêt ayant débouté la Caisse de ses demandes étant la suite et la conséquence du chef de l'arrêt ayant déclaré irrecevable l'action de l'ONIAM, la cassation à intervenir de ce dernier chef sur le fondement du moyen développé par l'ONIAM dans le cadre du pourvoi n°E 20-15.172 emportera censure du premier, en application de l'article 624 du code de procédure civile
Le greffier de chambre | Aux termes de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique, la saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) suspend les délais de prescription et de recours jusqu'au terme de la procédure de règlement amiable.
Selon les articles L. 1142-14 et L. 1142-15 du même code, lorsque la CCI estime qu'un dommage engage la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé, l'assureur de celui-ci doit faire une offre d'indemnisation à la victime dans les quatre mois de l'avis de la commission ; en cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, l'Office d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) peut être saisi par la victime à l'expiration de ce délai et se substituer à l'assureur ; en cas d'acceptation par la victime de son offre d'indemnisation, l'ONIAM est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage.
Il s'en déduit que, dans le cas où l'ONIAM s'est substitué à l'assureur et où la victime a accepté son offre d'indemnisation, la procédure de règlement amiable a atteint son terme, de sorte que le délai de prescription, suspendu depuis la saisine de la CCI, recommence à courir à compter du jour de cette acceptation |
7,604 | CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 258 FS-B
Pourvoi n° U 20-13.552
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
La société HDI Global SE, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-13.552 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [K] Fiduciaire, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société [Z] [K], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Les sociétés [K] Fiduciaire et [Z] [K] ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les demanderesses au pourvoi incident éventuel invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations écrites de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société HDI Global SE, de la SCP Foussard et Froger, avocat des sociétés [K] Fiduciaire et [Z] [K], les plaidoiries de Me Poulet et celles de Me Foussard, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2020), par contrat conclu le 8 février 2013 avec la Banque Centrale de la République Dominicaine (BCRD), la société [Z] [K] a été chargée d'imprimer 180 millions de billets de banque.
2. Des billets ont été volés pendant la réalisation du contrat, leur soustraction ayant été constatée les 12 et 25 juillet 2013.
3. Le 2 août 2013, la société [Z] [K] en a fait la déclaration à la société HDI Global SE (HDI), auprès de laquelle elle avait souscrit un contrat d'assurance responsabilité civile ayant pris effet le 1er décembre 2011.
4. Le 10 janvier 2014, la BCRD a assigné la société [Z] [K] en dommages-intérêts devant le tribunal de Saint-Domingue (République Dominicaine).
5. Le 12 février 2016, la société [Z] [K] et la société FCO2, filiale de celle-ci et aux droits de laquelle se trouve la société [K] Fiduciaire, ont assigné la société HDI devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir sa garantie à hauteur de 50 millions d'euros.
6. Le 17 juillet 2018, la BCRD et les sociétés [Z] [K] et [K] Fiduciaire ont conclu une transaction mettant fin à leur litige, en application de laquelle les secondes ont versé à la première la somme de 17 414 122,50 euros.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. La société HDI fait grief à l'arrêt de dire que les billets volés étaient la propriété de la BCRD, de la condamner à garantir la société [K] à hauteur de 25 millions d'euros sous déduction de la franchise contractuelle et, en conséquence, à payer à l'assurée diverses sommes au titre de l'indemnité transactionnelle et des frais engagés par celle-ci pour sa défense dans ses procès contre la BCRD, alors « que le mécanisme de l'accession mobilière, même par spécification, n'a pas lieu d'être, lorsque les parties sont liées par un contrat d'entreprise ; qu'en ayant jugé que la BCRD était propriétaire des billets de banque litigieux, par le jeu de l'accession mobilière, quand elle était liée à la société [K] par un contrat d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 645, 646 et 1787 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 546, 565, 566 et 1787 du code civil :
8. Il résulte de ces textes que les règles de l'accession mobilière sont supplétives et n'ont pas vocation à s'appliquer lorsque le bien a été réalisé en exécution d'un contrat d'entreprise.
9. Pour décider que la BCRD était propriétaire des billets volés, l'arrêt retient qu'ils ont été imprimés en exécution d'un contrat d'entreprise conclu entre la BCRD et la société [Z] [K] et que les dispositions des articles 565 et 566 du code civil sont applicables, dès lors que la BCRD a fourni la partie principale de la chose mobilière.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
11. La société HDI fait grief à l'arrêt de déclarer que la transaction du 17 juillet 2018 lui est opposable et, en conséquence, de la condamner à verser diverses sommes à son assurée, alors « que la connaissance, par une compagnie d'assurances, de l'existence de négociations en vue d'une transaction entre son assurée et le tiers victime, jointe à sa volonté de ne pas y participer, ne peuvent valoir acceptation de cette transaction par l'assureur ; qu'en ayant jugé le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien du code civil et L. 124-2 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 124-2 du code des assurances et 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
12. Selon le premier de ces textes, l'assureur peut stipuler qu'aucune transaction intervenue en dehors de lui ne lui est opposable et, aux termes du second, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
13. Pour déclarer la transaction opposable à la société HDI, après avoir constaté que l'article 8.8 de la police d'assurance prévoyait l'inopposabilité d'une transaction intervenue en dehors de l'assureur, l'arrêt retient que la société HDI a été clairement informée des modalités de la transaction et que, si elle a, par son attitude, exprimé la volonté de ne pas y participer, elle a néanmoins été associée au déroulement des négociations.
14. En statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que la société HDI avait participé à la conclusion de la transaction, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur les moyens du pourvoi incident éventuel
15. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident éventuel ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il juge la société [Z] [K] recevable en son intervention volontaire et recevable à agir et en ce qu'il dit qu'il n'existe qu'un seul sinistre, l'arrêt rendu le 14 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne les sociétés [K] Fiduciaire et [Z] [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société HDI Global SE, demanderesse au pourvoi principal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR, ayant dit qu'il n'existait qu'un seul sinistre et que la propriété des billets volés appartenait à la BCRD, condamné la société HDI Global SE à garantir la société [K] Financière à hauteur de 25 millions d'€ sous déduction de la franchise contractuelle et, en conséquence, condamné cet assureur à payer à l'assurée, sous déduction des versements d'ores et déjà réalisés à ce titre, les sommes de 17 414 122,50 € au titre de l'indemnité transactionnelle et 1 988 077 €, correspondant aux frais engagés par la société [K] pour sa défense dans ses procès contre la BCRD ;
AUX MOTIFS QUE Sur le dommage matériel et la propriété des billets. Considérant que la société d'assurance HDI explique pour présenter ses moyens que la problématique posée est la suivante : - soit, comme le soutient la société [K], les dommages subis le sont par la BCRD comme propriétaire des billets et les dommages à réparer sont immatériels et consécutifs à un dommage matériel garanti, et la limite de garantie est de 25 millions d'euros ; - soit, au contraire, comme elle le revendique elle-même, de son côté, les dommages subis par la BCRD sont immatériels non consécutifs à un dommage matériel garanti, au motif que la propriété des billets était celle de la société [K] et, dans ce cas, la limite de garantie est de 5 millions d'euros, sachant que la BCRD n'aurait subi aucun préjudice matériel ; Considérant que la cour doit en premier lieu, avant d'apprécier si les dommages subis sont matériels ou immatériels, déterminer la propriété des billets dérobés, sachant que la police applicable a pour objet de garantir l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber en vertu de toute législation, réglementation ou usages
en raison de dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers du fait de l'exercice des activités ci-dessus définies... ; Qu'il résulte de cette disposition contractuelle que le dommage matériel et le dommage immatériel consécutif à celui-ci doivent être subis par un tiers, soit en l'espèce la BCRD, pour mettre en jeu la garantie de 25 000 000 d'euros ; Considérant qu'il est donc soutenu par la société HDI que la BCRD n'a subi aucun préjudice matériel au sens de la police, dès lors que la propriété des billets volés n'était pas la sienne mais celle d'[K], car cette société fournit elle seule la matière constituant le support des billets, c'est-à-dire le papier d'impression, les encres, le vernis et les fils de sécurité, ce qui est vivement contesté par la société [K] ; Considérant qu'il doit être retenu que le contrat établi entre les parties à la procédure est un contrat d'entreprise, ce qui permet à la société HDI d'affirmer que le transfert de propriété devait avoir lieu par la livraison qui n'est pas intervenue ; Considérant que pour l'édition des billets de banque en litige, le contrat applicable prévoit en son article 5 les obligations suivantes à la charge de la société [K] : la taille des billets sera de 156 mm de long et de 67 mm de large avec une tolérance de +/- 1 mm à savoir un parallélogramme rectangle ; - les plaques maîtres d'impression en taille douce pour la production industrielle des billets ainsi que les négatifs progressifs pour les impressions lithographiques et typographiques du billet de 200,00 RDS seront fournies par la banque à la société une fois le présent contrat signé, ce qui ne sera pas le cas pour les autres plaques maîtres en possession de cette dernière. En conséquence, les premières plaques maîtres devront être modifiées pour inclure les changements demandés sur les coupures à imprimer ; - le papier pour les billets de banque de valeur élevée devra être fabriqué à partir de fibres textiles en pur coton de première qualité. Le papier de longue durée pour les billets de valeur moyenne et de valeur faible devra contenir 90 % de fibres de coton au maximum et 10 % de fibres synthétiques au minimum avec une tolérance de +/-5% ; - les numéros de série devront pouvoir être lus par les machines à compter les billets CPS 1800 et 2000 conçues par De la Rue Cash Systems en Angleterre en utilisant l'algorithme module 9 pour assurer la vérification automatique des billets au moment de leur traitement ; Que des dispositions contractuelles aménageaient également la qualité et la composition du vernis à appliquer et l'usage de l'alcool à utiliser ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la cour retiendra que la BCRD était propriétaire des billets litigieux en ce que : - la société [K] peut effectivement se prévaloir des dispositions des articles 565 et 566 du code civil qui prévoient ce que suit : - le droit d'accession quand il a pour objet deux choses mobilières appartenant à deux maîtres différents est entièrement subordonné aux principes de l'équité naturelle ; - lorsque deux choses appartenant à différents maîtres qui ont été unies de manière à former un tout sont néanmoins séparables, en sorte que l'une puisse subsister sans l'autre, le tout appartient au maître de la chose qui forme la partie principale à la charge de payer à l'autre la valeur estimée à la date du paiement de la chose qui a été unie ; - la société HDI ne peut pas se limiter à expliquer que ces dispositions légales seraient inappropriées car en partie désuètes, car le TOUT en l'espèce constitue un produit particulier et hors norme soit des billets de banque, ayant un cours légal pour un Etat indépendant ; - la partie principale de cette chose mobilière a bien été fournie par la BCRD puisque : - c'est cette institution qui met en circulation les billets et leur donne leur valeur légale de monnaie, ce qui rend indifférent le fait qu'avant cette mise en circulation, lesdits billets seraient sans valeur, ce qui d'ailleurs n'est pas exact, puisque la BCRD est intervenue sur les billets en litige pour les retirer de la circulation, annuler celle des billets de la série de 2013 et indemniser les détenteurs de billets volés, ce qui démontre l'exercice du droit régalien de l'Etat de battre monnaie et que la BCRD a entendu conserver sur les billets volés son pouvoir régalien, ceux-ci étant sa propriété, et qu'elle seule avait le pouvoir de récupérer ceux fautés et ceux finis comme volés et d'indemniser leurs détenteurs ; - il ne peut pas être tiré de la constitution de partie civile de la société [K] suite aux vols commis que celle-ci se regarderait comme la propriétaire des billets dérobés, car les soustractions ayant été commises dans ses locaux, ce qui a dévoilé des failles dans son système de sécurité, sa présence à l'instruction pénale s'avérait indispensable ; - la partie principale a de plus bien été délivrée par la BCRD qui en est le "maître", puisque la BCRD est la partie qui a décidé de l'émission des billets, déterminé les caractéristiques techniques de ceux-ci, fourni les plaques d'impression et les éléments de design, fixer les règles concernant le papier à acheter et à utiliser y compris dans sa composition et délivrer les droits de propriété intellectuelle nécessaires à la réalisation et qui a enfin contrôlé le processus de fabrication et celui de destruction des billets non conformes ; - ainsi les premiers juges ont pu justement retenir que la BCRD fournit les plaques d'impression des billets ainsi que les droits de propriété intellectuelle sur les billets ; - le pouvoir de contrôle de la fabrication des billets avec celui de leur destruction ne peuvent pas être qualifiés par la société HDI d'indifférents ; - en effet, s'agissant de la destruction, cette mesure est aménagée à l'article 21 du contrat qui dispose ce que suit : "DESTRUCTION du Papier et des Billets Endommagés : les papiers abîmés au cours des différentes étapes du processus de fabrication des billets devront être détruits complètement sous la responsabilité de la SOCIETE, laquelle devra envoyer un certificat de Destruction à la fin de ce processus" ; qu'il se déduit de cet article que la BCRD a entendu fixer de manière très stricte les conditions de la destruction des billets, dont elle se considère comme propriétaire ; Qu'il résulte de tout ce qui précède que la cour peut affirmer que la BCRD était la seule propriétaire des billets, par accession, en fournissant l'intégralité des éléments indispensables au processus de leur réalisation et cela tout au long de leur fabrication, en spécifiant également les conditions d'approvisionnement du papier, la société [K] étant chargée de l'émission, de l'impression sur la seule base du processus strictement mis au point et défini par la BCRD ; Considérant dans ces conditions qu'il peut être appliqué les clauses suivantes de la police : Objet de la Garantie qui aménage ce que suit : "le présent contrat a pour objet de garantir l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers du fait de l'exercice des activités ci-dessus définies...." ; Que les dommages matériels sont définis comme suit : "Toute détérioration, destruction, altération, dénaturation, vol, perte ou disparition d'une chose, d'un bien ou d'une substance, toute atteinte physique à des animaux" ; Que les dommages immatériels sont définis comme suit : "Tous préjudices économiques tels que ceux résultant d'une cessation d'activité, d'une interruption d'un service, d'une perte d'usage, d'une perte de clientèle" ; ils sont qualifiés : soit de consécutifs s'ils résultent de dommages matériels garantis ; soit de non consécutifs s'ils ne résultent pas de dommages corporels garantis ou de dommages matériels garantis ou encore s'ils surviennent en dehors de tout dommage corporel ou matériel. Considérant en conséquence qu'il peut être retenu au regard du dommage causé au tiers, la BCRD, que celui-ci qui n'est pas débattu dans sa matérialité a consisté en : la création de nouveaux billets de remplacement, un coût supplémentaire de réalisation de nouveaux billets, un préjudice de seigneuriage, des frais divers liés aux conséquences du sinistre et une atteinte à l'image de la banque ; Que ce dommage a été de nature matérielle, qu'il a donné lieu à des dommages immatériels comme consécutifs à un dommage matériel garanti, puisque celui-ci, selon la définition précitée, incluent le vol, la perte et la disparition et qu'il y a bien eu en l'espèce vol et disparition des billets finis et altération des billets fautés, ce qui n'est pas sérieusement contesté ; Qu'ainsi, comme les juges l'ont parfaitement analysé, ce qui sera confirmé par la cour, les dommages immatériels causés par le sinistre qui sont de nature économique et financière au préjudice de la BCRD sont bien consécutifs d'un dommage matériel, et qu'ainsi le plafond de garantie à appliquer s'établit au montant maximal de 25 millions d'euros sous déduction de la franchise contractuelle ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la BCRD fixe contractuellement le fournisseur chez lequel les papiers spécifiques à la commande avec le filigrane qu'elle a déterminé ; il résulte des conditions fixées à l'approvisionnement des papiers très spécifiques sur lesquels les billets doivent être imprimés que la BCRD a seule pouvoir sur ces papiers ; que ce papier est en fait la propriété de la BCRD et a été acheté par [K] pour le compte de la banque ; les papiers d'impression, les encres et les vernis étaient achetés selon des spécifications très précises ;
1°) ALORS QUE le mécanisme de l'accession mobilière, même par spécification, n'a pas lieu d'être, lorsque les parties sont liées par un contrat d'entreprise ; qu'en ayant jugé que la BCRD était propriétaire des billets de banque litigieux, par le jeu de l'accession mobilière, quand elle était liée à la société [K] par un contrat d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 645, 646 et 1787 du code civil ;
2°) ALORS QUE la théorie de l'accession ne peut jouer si le façonnier a fourni l'intégralité de la matière ; qu'en ayant jugé que la BCRD était devenue propriétaire par accession des billets de banque au fur et à mesure de leur fabrication et avant la livraison, quand la société [K] avait fourni l'intégralité de la matière (papier d'impression, encres, vernis et fils de sécurité), qui n'avait pas été achetée pour le compte de la banque, mais selon ses directives, la cour d'appel a violé les articles 645 et 646 du code civil ;
3°) ALORS QUE le droit régalien d'émission de billets de banque délégué à une banque centrale ne peut être transmis ; qu'en ayant jugé que la BCRD était propriétaire des billets de banque litigieux fabriqués par la société [K], pour avoir fourni la matière principale constituée par ses droits régaliens tirés de son pouvoir d'émission des billets de banque, quand ce droit ne pouvait être « fourni », la donneuse d'ordre ayant évidemment seule le droit, tenu par délégation de l'Etat dominicain, d'émettre les billets fabriqués, de leur donner cours légal et de les mettre en circulation, la cour d'appel a violé les articles 645 et 646 du code civil ;
4°) ALORS QUE le maître d'ouvrage qui donne des directives précises à une entreprise pour fabriquer des billets de banque, en termes de caractéristiques de ceux-ci, de matériaux à utiliser et de design à respecter, ne fournit pas de matière permettant une accession mobilière, mais lui indique seulement les caractéristiques du produit attendu, quand bien même celui-ci serait aussi particulier qu'un billet de banque ; qu'en ayant jugé que la BCRD était devenue propriétaire par accession mobilière des billets de banque fabriqués par la société [K], car elle lui avait spécifié les caractéristiques des billets à imprimer, lui avait indiqué quels matériaux utiliser et lui avait donné le design à respecter, la cour d'appel a violé les articles 645 et 646 du code civil ;
5°) ALORS QUE la fourniture de plaques d'impression qui ne constitue qu'un simple outillage, ne peut caractériser la matière principale, de nature à justifier le mécanisme de l'accession mobilière ; qu'en ayant jugé que la BCRD était devenue propriétaire des billets de banque avant leur livraison, par la technique de l'accession mobilière, dès lors que la donneuse d'ordre avait fourni les plaques d'impression des billets, la cour d'appel a violé les articles 645 et 646 du code civil ;
6°) ALORS QUE les juges doivent motiver leur décision ; qu'en ayant jugé que la BCRD était devenue propriétaire des billets de banque par accession mobilière, au motif qu'elle aurait transmis des droits intellectuels à la société [K], sans préciser de quels droits il s'agissait, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;
8°) ALORS QUE si le titulaire de droits intellectuels passe un contrat de louage d'ouvrage, aucun droit d'auteur n'est conféré à l'imprimeur, la propriété du support matériel étant indépendante des droits de propriété intellectuelle ; qu'en ayant admis le jeu de l'accession mobilière, pour le motif que la BCRD aurait conféré des droits intellectuels à la société [K], pourtant simple fabriquant imprimeur des billets de banque qi avaient été dérobés, la cour d'appel a violé les articles 645 et 646 du code civil, ensemble les articles L. 111-1 et L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle ;
8°) ALORS QUE le contrôle du processus de fabrication et de destruction du produit commandé ne constitue pas la matière principale fournie par le maître, de nature à justifier une accession mobilière, mais s'inscrit seulement dans un contrat d'entreprise visant à la fabrication d'un produit précieux ou très particulier ; qu'en ayant jugé le contraire, la cour d'appel a violé les articles 645 et 646 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société HDI Gerling SE à régler diverses sommes à son assurée, la société [K] ;
AUX MOTIFS QUE Sur la clause d'exclusion alléguée sous l'article 7.2.4 de la police : Considérant que la société HDI explique que si la société [K] n'est pas propriétaire des billets dérobés, il convient dans ce cas, en sa qualité de dépositaire de ceux-ci, de lui appliquer l'article 72.4 de la police qui prévoit ce qui suit comme exclusion : -"les dommages matériels aux biens dont l'assuré est locataire, dépositaire, gardien, et plus généralement possesseur à quelque titre que ce soit ainsi que les dommages immatériels qui leur sont consécutifs. La présente exclusion ne s'applique pas aux biens confiés par les clients de l'assuré" ; Considérant que la cour ne retiendra pas cette exclusion pour les motifs suivants : en ce que, d'une part, celle-ci ne s'applique pas aux biens confiés par les clients à l'assuré. Or, en l'espèce, les biens confiés en cause pour permettre la production et la fabrication des billets qui n'en sont que le produit ont été confiés par un client de la société [K], qui n'en est que la dépositaire, soit par la BCRD qui en demeure la propriétaire durant le processus de fabrication et au fur et à mesure de celle-ci, que la société [K] est ainsi la dépositaire de son client ; en ce que parmi les activités assurées par la police, il se trouve les suivantes : le prêt, la mise en location ou en dépôt de toute nature et qu'ainsi, comme le soutient justement la société [K], appliquer l'exclusion ci-dessus rappelée, viendrait à contredire les activités assurées, sachant que la précision que l'exclusion n'est pas applicable aux clients ce qui est la qualité de la BCRD, conforte cette analyse ; Qu'en tout état de cause, il s'avère que cette exclusion ne peut pas être opposée à la société [K] et que le débat soulevé sur l'intervention du courtier de l'assuré est inopérant, dès lors qu'il apparaît logique que l'exclusion invoquée soit écartée dans les relations de la société [K] avec ses clients, n'étant pas propriétaire des billets de banque qu'elle fabrique ;
1°) ALORS QUE des billets de banque fabriqués par un imprimeur ne constituent pas des biens confiés par le donneur d'ordre ; qu'en ayant écarté la clause d'exclusion invoquée par la société HDI Gerling, au motif qu'elle ne pouvait jouer concernant les biens confiés par l'assuré, ce qu'auraient été les billets de banque en cause, dès lors qu'ils avaient été fabriqués à partir de l'outillage remis par la BCRD, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat d'assurance et violé l'article 1134 ancien du code civil ;
2°) ALORS QUE l'exclusion de la garantie des dommages matériels aux biens dont l'assuré est le dépositaire ou le gardien ne contredit pas l'objet d'une police qui couvre les activités de mise en location ou dépôt de biens par l'assuré ; qu'en ayant écarté l'exclusion de garantie concernant les biens dont l'assuré était dépositaire, au prétexte que l'activité de déposant de la société [K] était couverte, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 ancien du code civil. Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour les sociétés [K] Fiduciaire et [Z] [K], demandresses au pourvoi incident éventuel.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant le jugement, il a décidé « qu'il n'existe qu'un seul sinistre » (jugement p. 10, § 2) ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le plan factuel, que la cour estime qu'il ne peut pas être affirmé qu'il y a eu survenance de deux vols avec deux dates distinctes, qu'en effet, il n'y a eu en réalité que la découverte de la disparition, de la soustraction de billets à deux dates différentes, puisque c'est la Brigade de Recherches Financières de [Localité 3] qui va alerter la société [K] sur le fait que des billets de 2000 Pesos Dominicains étaient en circulation et cela le 12 juillet 2013, ce qui permettra de découvrir un vol portant sur des planches non découpées représentant un total de 7403 billets fautés et non finis de 2000 pesos, destinés à la destruction, ce qui donnera lieu à une plainte le 23 juillet 2013 ; que s'agissant de la découverte de la 2ème soustraction, celle-ci aura lieu selon la plainte, alors déposée le 2 août 2013, que lors de l'achèvement de la procédure de liquidation de la commande faite pour la République Dominicaine, cette opération ayant fait apparaître la disparition de 31 703 billets fautés, donc de ceux ci-dessus visés mais également de 1000 billets finis et numérotés, que selon la société [K] cette opération a eu lieu le 25 juillet 2013 ; que cependant en l'état des investigations policières dont la cour a connaissance, aucun élément ne permet d'affirmer que les deux détournements se sont déroulés matériellement à des dates différentes quant à leur commission et dans le cadre de deux vols distincts, avec des auteurs différents et selon un modus operandi d'intrusion sur les lieux qui diffère ; qu'en effet, seules les conséquences à savoir la disparition des billets, ont été appréhendées à des dates différentes, puisque s'agissant des 1000 billets finis et numérotés en liasses, la soustraction de ceux-ci a été mise au jour uniquement lors de l'achèvement de la procédure de liquidation de la commande, ce qui ne permet pas de dater la soustraction en litige avec exactitude, celle-ci n'ayant été cernée qu'à l'issue de la réalisation des opérations de production des billets et non pas en cours de réalisation, comme pour les billets fautés pour lesquels seul le signalement de la Brigade Financière a provoqué chez [K] des recherches ; que dès lors, ces données factuelles doivent être analysées au regard des définitions contractuelles suivantes aménagées à la police applicable, qui sont - Sinistre : tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers engageant la responsabilité de l'assuré résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations ; - Fait dommageable: le fait qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique, sachant que celles-ci sont strictement conformes aux dispositions de l'article L -124-1-1 du code des assurances ; qu'il résulte de tout ce qui précède, que sans avoir à se référer au déroulé des procès conduits devant les juridictions dominicaines et à la conduite et à la direction de ces procédures, la cour estime qu'il n'y a eu en l'espèce qu'un seul sinistre comme les 1ers juges l'ont apprécié en ce que: - certes il y a eu deux vols car portant sur deux sortes de billets mais le fait qui est la cause génératrice du dommage en résultant, soit les circonstances en ayant permis la soustraction ne peut pas être chronologiquement dissocié en deux opérations différentes et à deux dates distinctes ; - c'est la découverte des conséquences de ces vols qui deux dates différentes, mais aucun élément ne rapporte la preuve que les détournements se sont produits à deux périodes distinctes, quand bien même les actes frauduleux n'ont pas été accomplis dans les mêmes lieux, la mise au jour des soustractions réalisées ayant été différée dans le temps sur une période courte, provoquée pour la I ère par une alerte de la Brigade Financière et pour la 2mc lors de la procédure de liquidation de la commande en litige comme le représentant de la société [K] le déclare lui-même dans la plainte du 2 août 2013; - il n'y a eu en réalité qu'un seul fait dommageable identifiable, avec la soustraction de billets découverte progressivement sur le plan chronologique, et il importe peu dès lors compte tenu de la définition ci-dessus rappelée du sinistre, qu'il y ait eu une ou deux déclarations ; - il n'apparaît pas utile de procéder à la détermination de la cause technique précise ayant permis les vols, aucun élément circonstancié au dossier ne permettant par ailleurs de la décrire avec exactitude, le rapport du cabinet [H] n'apportant que peu d'éléments à ce titre; - il ne peut pas dès lors être affirmé qu'il y a eu deux vols distincts au sens de deux équipes qui se seraient introduites à des dates distinctes sur les lieux, en ce que ce sont les découvertes des conséquences des vols qui ont été appréhendées de manière différente et à des dates distinctes, sachant comme les 1ers juges l'ont noté que la société [K] n'explique pas quelles sont les deux différentes déficiences de son système de sécurité qui auraient été successivement et différemment utilisées par les voleurs à deux reprises et à deux dates ; que de plus, la police HDI couvrant les conséquences pécuniaires résultant pour [K] du vol subi par un tiers, l'analyse ci-dessus rappelée est confortée par le fait qu'il n'y a eu en l'espèce qu'une seule réclamation pour la totalité des billets volés, en ce que le dommage invoqué et revendiqué par la BCRD n'a reposé sur aucune distinction entre les billets fautés et ceux finis et numérotés ; que dès lors au regard de la réalité d'un seul sinistre, le débat sur le fait que la société [K] a procédé à deux déclarations de sinistre en date des 2 août 2013 et 3 décembre 2015 est inopérant, puisque la cour retient la solution d'un sinistre unique et d'un fait dommageable de même nature, étant rappelé que les circonstances et les moyens par lesquels, les voleurs, comme les 1ers juges l'ont relevé, se sont introduits dans l'usine [K] ne sont pas déterminés et ne l'ont pas été à ce jour ; que l'usine dont s'agit a fait l'objet de mesures de sécurité importantes, qu'elle dispose de l'accréditation nécessaire en la matière pour l'émission de billets de banque, ce qui suppose un système de sécurité renforcé et un processus de fabrication étroitement contrôlé, avec une circulation des personnes au sein de l'entreprise extrêmement encadrée, qu'en conséquence, le fait que deux soustractions et disparitions se soient produites, ne suffit pas à établir une négligence fautive commise par [K] qui n'est pas en tout état de cause, circonstanciée par la société HDI ; qu'il convient en définitive de n'envisager la réparation des conséquences dommageables au détriment d'un tiers que pour un seul et unique sinistre, ce qui permet à la cour de confirmer le jugement entrepris de ce chef » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « aux termes de l'article 4.2.1 des conditions particulières de la police d'assurance, «
constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations ; que le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage ; qu'un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique. » ; que les conditions générales précisent que « le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage » ; que HDI soutient que la négligence fautive de [K], caractérisée par un manquement à l'obligation contractuelle de sécurité lui incombant, constitue la cause génératrice du dommage, donc le seul fait dommageable ; qu'elle en déduit que la même cause ayant généré les deux vols, ceux-ci ne constituent qu'un seul sinistre ; que, mais, le Tribunal relève que les moyens par lesquels les voleurs se sont introduits dans l'usine de [K] ne sont pas déterminés ; que cette usine fait l'objet de mesures de sécurité adaptées à son activité dans la mesure où elle bénéficie de l'accréditation notamment de la BCE, ce qui n'est pas contesté ; que le fait que deux vols aient été commis ne suffit pas à établir une négligence de [K] que HDI ne caractérise pas, et pas davantage à démontrer une telle négligence dans l'application des mesures de sécurité mises en place ; que l'ingéniosité et l'habileté des voleurs peuvent être dans certains cas susceptibles de mettre en échec des mesures de sécurité jusque-là efficaces ; que de même, le manquement à l'obligation contractuelle de sécurité que reproche HDI à [K], sans établir qu'il s'agirait d'une obligation de résultat, n'est ni décrit, ni démontré ; que cependant, ces vols mettent en cause la responsabilité civile de [K] à l'égard de la BCRD, responsabilité qui fait l'objet de la garantie accordée par HDI à [K] ; que le Tribunal retient en conséquence que la négligence et le manquement allégués de [K] ne sont pas établis ; que pour autant, c'est bien la déficience des mesures de sécurité appliquées par [K] qui a dans chaque cas permis aux voleurs de dérober des billets ; qu'il y a lieu en conséquence de rechercher si c'est la même déficience qui a laissé les deux vols se commettre ; qu'il s'avère que les deux vols ont eu lieu à deux semaines d'intervalle, dans des endroits différents de la même usine ; qu'[K] soutient qu'il ne peut s'agir de la même défaillance parce que des mesures de sécurité complémentaires ont été prises après le premier vol ; que cependant, le Tribunal constate que ces mesures, à savoir installation d'une caméra dans la zone où le premier vol a été commis et mise en place d'un filmage plastique du chariot comprenant des billets fautés, ne suffisent pas à établir, comme le prétend [K], « que le mode opératoire a nécessairement été différent pour les deux vols au regard des nouvelles mesures de sécurité
» ; qu'[K], qui n'indique pas quelles sont les deux différentes déficiences du système de sécurité qu'auraient successivement explicités les voleurs, n'établit donc pas leur pluralité ; que le Tribunal retient en conséquence que la (ou les) déficience(s) du système de sécurité de l'usine de [K] est (sont) la cause des dommages, et que, n'étant pas caractérisée(s), il ne peut être établi que la déficience exploitée lors du deuxième vol soit différente de celle ayant causé le premier » ;
ALORS QUE, premièrement, [K] et HDI s'accordaient sur le fait que les deux vols s'étaient produits à des dates différentes ; qu'en considérant qu'il n'existait qu'un seul sinistre dès lors que la survenance de deux vols avec deux dates distinctes ne pouvait être affirmée, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, si même il fallait faire abstraction de ce qu'il n'était pas contesté que les vols s'étaient produits à des dates différentes, de toute façon, les juges devaient à tout le moins interpeller les parties pour qu'elles s'en expliquent ; que faute de ce faire, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire et l'article 16 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant le jugement, il a décidé « qu'il n'existe qu'un seul sinistre » (jugement p. 10, § 2) ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le plan factuel, que la cour estime qu'il ne peut pas être affirmé qu'il y a eu survenance de deux vols avec deux dates distinctes, qu'en effet, il n'y a eu en réalité que la découverte de la disparition, de la soustraction de billets à deux dates différentes, puisque c'est la Brigade de Recherches Financières de [Localité 3] qui va alerter la société [K] sur le fait que des billets de 2000 Pesos Dominicains étaient en circulation et cela le 12 juillet 2013, ce qui permettra de découvrir un vol portant sur des planches non découpées représentant un total de 7403 billets fautés et non finis de 2000 pesos, destinés à la destruction, ce qui donnera lieu à une plainte le 23 juillet 2013 ; que s'agissant de la découverte de la 2ème soustraction, celle-ci aura lieu selon la plainte, alors déposée le 2 août 2013, que lors de l'achèvement de la procédure de liquidation de la commande faite pour la République Dominicaine, cette opération ayant fait apparaître la disparition de 31 703 billets fautés, donc de ceux ci-dessus visés mais également de 1000 billets finis et numérotés, que selon la société [K] cette opération a eu lieu le 25 juillet 2013 ; que cependant en l'état des investigations policières dont la cour a connaissance, aucun élément ne permet d'affirmer que les deux détournements se sont déroulés matériellement à des dates différentes quant à leur commission et dans le cadre de deux vols distincts, avec des auteurs différents et selon un modus operandi d'intrusion sur les lieux qui diffère ; qu'en effet, seules les conséquences à savoir la disparition des billets, ont été appréhendées à des dates différentes, puisque s'agissant des 1000 billets finis et numérotés en liasses, la soustraction de ceux-ci a été mise au jour uniquement lors de l'achèvement de la procédure de liquidation de la commande, ce qui ne permet pas de dater la soustraction en litige avec exactitude, celle-ci n'ayant été cernée qu'à l'issue de la réalisation des opérations de production des billets et non pas en cours de réalisation, comme pour les billets fautés pour lesquels seul le signalement de la Brigade Financière a provoqué chez [K] des recherches ; que dès lors, ces données factuelles doivent être analysées au regard des définitions contractuelles suivantes aménagées à la police applicable, qui sont - Sinistre : tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers engageant la responsabilité de l'assuré résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations ; - Fait dommageable: le fait qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique, sachant que celles-ci sont strictement conformes aux dispositions de l'article L- 124-1-1 du code des assurances ; qu'il résulte de tout ce qui précède, que sans avoir à se référer au déroulé des procès conduits devant les juridictions dominicaines et à la conduite et à la direction de ces procédures, la cour estime qu'il n'y a eu en l'espèce qu'un seul sinistre comme les 1ers juges l'ont apprécié en ce que: - certes il y a eu deux vols car portant sur deux sortes de billets mais le fait qui est la cause génératrice du dommage en résultant, soit les circonstances en ayant permis la soustraction ne peut pas être chronologiquement dissocié en deux opérations différentes et à deux dates distinctes ; - c'est la découverte des conséquences de ces vols qui deux dates différentes, mais aucun élément ne rapporte la preuve que les détournements se sont produits à deux périodes distinctes, quand bien même les actes frauduleux n'ont pas été accomplis dans les mêmes lieux, la mise au jour des soustractions réalisées ayant été différée dans le temps sur une période courte, provoquée pour la I ère par une alerte de la Brigade Financière et pour la 2mc lors de la procédure de liquidation de la commande en litige comme le représentant de la société [K] le déclare lui-même dans la plainte du 2 août 2013; - il n'y a eu en réalité qu'un seul fait dommageable identifiable, avec la soustraction de billets découverte progressivement sur le plan chronologique, et il importe peu dès lors compte tenu de la définition ci-dessus rappelée du sinistre, qu'il y ait eu une ou deux déclarations ; - il n'apparaît pas utile de procéder à la détermination de la cause technique précise ayant permis les vols, aucun élément circonstancié au dossier ne permettant par ailleurs de la décrire avec exactitude, le rapport du cabinet [H] n'apportant que peu d'éléments à ce titre; - il ne peut pas dès lors être affirmé qu'il y a eu deux vols distincts au sens de deux équipes qui se seraient introduites à des dates distinctes sur les lieux, en ce que ce sont les découvertes des conséquences des vols qui ont été appréhendées de manière différente et à des dates distinctes, sachant comme les 1ers juges l'ont noté que la société [K] n'explique pas quelles sont les deux différentes déficiences de son système de sécurité qui auraient été successivement et différemment utilisées par les voleurs à deux reprises et à deux dates ; que de plus, la police HDI couvrant les conséquences pécuniaires résultant pour [K] du vol subi par un tiers, l'analyse ci-dessus rappelée est confortée par le fait qu'il n'y a eu en l'espèce qu'une seule réclamation pour la totalité des billets volés, en ce que le dommage invoqué et revendiqué par la BCRD n'a reposé sur aucune distinction entre les billets fautés et ceux finis et numérotés ; que dès lors au regard de la réalité d'un seul sinistre, le débat sur le fait que la société [K] a procédé à deux déclarations de sinistre en date des 2 août 2013 et 3 décembre 2015 est inopérant, puisque la cour retient la solution d'un sinistre unique et d'un fait dommageable de même nature, étant rappelé que les circonstances et les moyens par lesquels, les voleurs, comme les 1ers juges l'ont relevé, se sont introduits dans l'usine [K] ne sont pas déterminés et ne l'ont pas été à ce jour ; que l'usine dont s'agit a fait l'objet de mesures de sécurité importantes, qu'elle dispose de l'accréditation nécessaire en la matière pour l'émission de billets de banque, ce qui suppose un système de sécurité renforcé et un processus de fabrication étroitement contrôlé, avec une circulation des personnes au sein de l'entreprise extrêmement encadrée, qu'en conséquence, le fait que deux soustractions et disparitions se soient produites, ne suffit pas à établir une négligence fautive commise par [K] qui n'est pas en tout état de cause, circonstanciée par la société HDI ; qu'il convient en définitive de n'envisager la réparation des conséquences dommageables au détriment d'un tiers que pour un seul et unique sinistre, ce qui permet à la cour de confirmer le jugement entrepris de ce chef » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « aux termes de l'article 4.2.1 des conditions particulières de la police d'assurance, «
constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations ; que le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage ; qu'un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique. » ; que les conditions générales précisent que « le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage » ; que HDI soutient que la négligence fautive de [K], caractérisée par un manquement à l'obligation contractuelle de sécurité lui incombant, constitue la cause génératrice du dommage, donc le seul fait dommageable ; qu'elle en déduit que la même cause ayant généré les deux vols, ceux-ci ne constituent qu'un seul sinistre ; que, mais, le Tribunal relève que les moyens par lesquels les voleurs se sont introduits dans l'usine de [K] ne sont pas déterminés ; que cette usine fait l'objet de mesures de sécurité adaptées à son activité dans la mesure où elle bénéficie de l'accréditation notamment de la BCE, ce qui n'est pas contesté ; que le fait que deux vols aient été commis ne suffit pas à établir une négligence de [K] que HDI ne caractérise pas, et pas davantage à démontrer une telle négligence dans l'application des mesures de sécurité mises en place ; que l'ingéniosité et l'habileté des voleurs peuvent être dans certains cas susceptibles de mettre en échec des mesures de sécurité jusque-là efficaces ; que de même, le manquement à l'obligation contractuelle de sécurité que reproche HDI à [K], sans établir qu'il s'agirait d'une obligation de résultat, n'est ni décrit, ni démontré ; que cependant, ces vols mettent en cause la responsabilité civile de [K] à l'égard de la BCRD, responsabilité qui fait l'objet de la garantie accordée par HDI à [K] ; que le Tribunal retient en conséquence que la négligence et le manquement allégués de [K] ne sont pas établis ; que pour autant, c'est bien la déficience des mesures de sécurité appliquées par [K] qui a dans chaque cas permis aux voleurs de dérober des billets ; qu'il y a lieu en conséquence de rechercher si c'est la même déficience qui a laissé les deux vols se commettre ; qu'il s'avère que les deux vols ont eu lieu à deux semaines d'intervalle, dans des endroits différents de la même usine ; qu'[K] soutient qu'il ne peut s'agir de la même défaillance parce que des mesures de sécurité complémentaires ont été prises après le premier vol ; que cependant, le Tribunal constate que ces mesures, à savoir installation d'une caméra dans la zone où le premier vol a été commis et mise en place d'un filmage plastique du chariot comprenant des billets fautés, ne suffisent pas à établir, comme le prétend [K], « que le mode opératoire a nécessairement été différent pour les deux vols au regard des nouvelles mesures de sécurité
» ; qu'[K], qui n'indique pas quelles sont les deux différentes déficiences du système de sécurité qu'auraient successivement explicités les voleurs, n'établit donc pas leur pluralité ; que le Tribunal retient en conséquence que la (ou les) déficience(s) du système de sécurité de l'usine de [K] est (sont) la cause des dommages, et que, n'étant pas caractérisée(s), il ne peut être établi que la déficience exploitée lors du deuxième vol soit différente de celle ayant causé le premier » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, le sinistre s'entendait d'un dommage ou un ensemble de dommages résultant d'un fait dommageable ; qu'ayant constaté que la première soustraction avait été découverte le 11 juillet 2013 et portait sur un lot de billets en cours de fabrication, dans un atelier de fabrication, et affectés d'anomalies, les juges du fond se devaient de dire, avant de prendre parti sur l'existence d'un ou deux sinistres, s'il n'était pas exclu, comme le soutenait l'assurée, que la première soustraction ait pu intervenir après le 11 juillet 2013 ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, ayant constaté que la seconde soustraction avait été découverte le 25 juillet 2013 et portait sur un lot de billets finis et numérotés, les juges du fond se devaient de dire, avant de prendre parti sur l'existence d'un ou deux sinistres, s'il n'était pas exact, comme le soutenait l'assurée, que la seconde soustraction était intervenue à cette date, ou à tout le moins après le 23 juillet 2013, date à laquelle les billets avaient été numérotés ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE, TROISIEMEMENT, et en tout cas, le premier vol ayant porté sur des billets en cours de fabrication, et présentant des anomalies, dans un atelier de fabrication, et le second vol ayant porté sur un lot de billets achevés, prêt à la livraison, entreposés dans un autre atelier, et à supposer que les deux soustractions frauduleuses ne puissent être précisément datées, les juges du fond se devaient de retenir qu'à défaut, les soustractions devaient être regardées comme intervenues aux dates auxquelles elles ont été découvertes, soit le 11 juillet 2013 pour la première soustraction, et le 25 juillet 2013 pour la seconde ; qu'en refusant de ce faire, les juges du fond ont violé l'article 1134 du code civil.
Le greffier de chambre | Il résulte des articles 546, 565, 566 et 1787 du code civil que les règles de l'accession mobilière sont supplétives et n'ont pas vocation à s'appliquer lorsque le bien a été réalisé en exécution d'un contrat d'entreprise |
7,605 | CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 248 FS-B
Pourvoi n° J 18-23.954
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
1°/ M. [X] [P],
2°/ Mme [C], épouse [F],
domiciliés tous deux [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° J 18-23.954 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ à M. [I] [Z], domicilié [Adresse 7],
3°/ à Mme [E] [B], épouse [Z], domiciliée [Adresse 4],
4°/ à Mme [E] [D], épouse [G], domiciliée [Adresse 2],
5°/ à M. [S] [G], domicilié [Adresse 2],
6°/ à M. [L] [G], domicilié [Adresse 1],
7°/ à la société Filia Maif, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maunand, conseiller doyen, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [F], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des consorts [Z] et de la société Filia Maif, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat des consorts [G], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Maunand, conseiller doyen rapporteur, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 septembre 2018), Mme [E] [Z] et M. [I] [Z] (les consorts [Z]) sont respectivement usufruitière et nu-propriétaire d'un pavillon qui constitue l'habitation principale de Mme [Z], assurée en multi-risques habitation auprès de la société Filia-Maif.
2. Le 26 janvier 2007, le pavillon voisin a été vendu par MM. [S] et [L] [G] et Mme [D] épouse [G] (les consorts [G]) à M. et Mme [F], assurés depuis le même jour auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).
3. Le 3 mars 2007, Mme [Z] a déclaré à son assureur un sinistre dégâts des eaux dans son pavillon, puis a assigné, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, M. et Mme [F], les consorts [G] et la société Axa en réalisation des travaux rendus nécessaires par les infiltrations et en paiement de dommages-intérêts.
4. M. et Mme [F] ont appelé en garantie les consorts [G] et la société Axa.
5. M. [Z] et la société Filia-Maif sont intervenus volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de les déclarer responsables, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, des désordres affectant le pavillon de Mme [Z] dans la proportion de 60 % et de les condamner au paiement de diverses sommes, alors « que le vendeur est responsable du trouble anormal de voisinage causé par l'immeuble vendu avant la cession ; qu'en imputant aux seuls acquéreurs la responsabilité d'un trouble anormal de voisinage dont la cour d'appel relevait elle-même qu'il trouvait sa cause dans des conduites fuyardes dont les premiers désordres « remontaient à 1997 et 2005 », à une époque où les consorts [G] étaient propriétaires du bien en sorte qu'ils devaient nécessairement assumer une part du dommage ainsi causé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé le principe en vertu duquel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage. »
Réponse de la Cour
8. L'action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l'immeuble à l'origine du trouble, responsable de plein droit.
9. Ayant constaté que le trouble subsistait alors que M. et Mme [F] étaient devenus propriétaires du fonds à l'origine des désordres, la cour d'appel en a exactement déduit que leur responsabilité devait être retenue, peu important qu'ils n'aient pas été propriétaires de ce fonds au moment où les infiltrations avaient commencé à se produire.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre la société Axa, alors « que la garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres survenus entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration ; qu'en l'espèce, la cause génératrice du dommage résidait dans un événement continu puisqu'elle était constituée par des fuites d'eau intervenues depuis 1997 sur des canalisations enterrées de la propriété acquise par les assurés, fuites qui s'étaient poursuivies après la vente survenue en 2007 ; qu'en jugeant toutefois que « les désordres litigieux ne rentr(ai)ent (
) pas dans le champ temporel d'application du contrat d'assurance », pour être survenus en 1997 et 2005, quand il était constant que la cause génératrice du dommage s'était poursuivie après le mois de janvier 2007 et, partant, pendant la prise d'effet de l'assurance souscrite par les acquéreurs du bien considéré, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui découlaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 124-5 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 124-5, alinéa 1er, du code des assurances :
12. Selon ce texte, la garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation.
13. Pour écarter la garantie d'Axa, l'arrêt retient que le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage, en l'espèce les fuites sur le réseau des canalisations enterrées de la propriété de M. et Mme [F], dont l'origine remonte à 1997 et 2005, soit antérieurement au 25 janvier 2007, date de prise d'effet de l'assurance multirisques habitation.
14. En statuant ainsi, alors que, dans les assurances « dégâts des eaux », l'assureur est tenu à garantie, dès lors que le sinistre est survenu pendant la période de validité du contrat d'assurance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
15. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre la société Axa, alors « que, pour être valables, les clauses d'exclusion de garantie insérées dans une police d'assurance doivent être formelles et limitées ; qu'en l'espèce, d'une part, les conditions particulières du contrat d'assurance stipulaient que l'assureur garantissait la réparation pécuniaire des dommages causés par les « dégâts des eaux », tandis que les conditions générales ajoutaient, d'autre part, qu'étaient expressément garantis les dégâts des eaux provenant de « conduites non enterrées », tandis que, enfin, les exclusions ne mentionnaient pas expressément les dégâts des eaux provenant de conduites enterrées, de telle manière que ces dernières ne faisaient l'objet que d'une exclusion indirecte ; qu'en jugeant que l'absence de prise en charge des dégâts des eaux provenant de conduites enterrées ne faisaient pas l'objet d'une clause d'exclusion de garantie, la cour d'appel a violé l'article les articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances :
16. Selon le premier de ces textes, les clauses des polices édictant des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.
17. Selon le second, les clauses d'exclusion de garantie doivent être formelles et limitées.
18. Pour exclure la garantie de la société Axa, l'arrêt retient que les conditions générales du contrat d'assurances ne couvrent pas les dommages provenant d'une canalisation enterrée chez l'assuré, qu'il s'agit d'une non-garantie qui n'a pas à répondre au formalisme édicté par l'article L. 112-4 du code des assurances.
19. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les exclusions de garantie mentionnaient expressément les dégâts des eaux provenant de conduites enterrées, à défaut de quoi ceux-ci faisaient l'objet d'une exclusion indirecte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Mise hors de cause
20. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les consorts [Z] et la société Filia-Maif, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme [F] contre la société Axa France IARD, l'arrêt rendu le 5 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Met hors de cause Mme [E] [Z], M. [I] [Z] et la société Filia-Maif ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Berdeaux, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [F]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, D'AVOIR déclaré recevable l'action de madame [E] [B] épouse [Z] et rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir soulevée par les exposants.
AUX MOTIFS QUE « sur la recevabilité de l'action de Mme [B] ; que l'action de Mme [E] [B] épouse [Z] contre M. et Mme [F] est fondée sur le principe que nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ; que Mme [B] est usufruitière du pavillon situé à [Localité 8] qui constitue son habitation principale ; que son fils M. [I] [B] en est le nu-propriétaire ; que le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble du voisinage s'applique à tous les occupants d'un immeuble, quel que soit leur titre d'occupation ; que les premiers juges ont exactement relevé que l'action en justice fondée sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage peut être exercée par toute personne ayant l'usage juridiquement établi d'un bien immobilier ; que Mme [B], qui habite le pavillon dont elle a l'usufruit, a intérêt à ce qu'il soit mis fin au trouble apporté à sa jouissance et obtenir la réparation du préjudice en résultant ; elle a également intérêt à ce que le bien sur lequel porte son usufruit soit remis en état, cette remise en état étant une condition de l'effectivité de son usufruit ; que la demande de remise en état du pavillon ne tend pas à la reconstitution du patrimoine du nu-propriétaire mais à la réparation des désordres affectant l'immeuble objet de l'usufruit ; la référence faite par M. et Mme [F] à l'article 600 du code civil est donc inopérante ; que les premiers juges ont justement retenu que, disposant d'un intérêt à agir, Mme [B] a qualité à agir contre les propriétaires du fonds qui serait, selon elle, à l'origine des désordres, l'action fondée sur le trouble anormal de voisinage n'étant pas une action spécifiquement attribuée par la loi à une personne déterminée ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par M. et Mme [F] à l'encontre des prétentions de Mme [B] ».
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur les fins de non-recevoir soulevées par les défendeurs Attendu qu'en application des articles 117 et 122 du code de procédure civile le défaut de capacité d'ester en justice constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte et le défaut de droit d'agir en justice tel le défaut d'intérêt ou de qualité, une cause d'irrecevabilité de la demande ; que la capacité d'ester en justice ne peut donc être confondue avec le droit d'agir et n'est pas sanctionnée par une fin de non-recevoir ; que toute personne majeure est en principe capable d'agir en justice à moins qu'elle ne fasse l'objet d'une mesure de protection ou de l'une des procédures prévues au livre VI du code de commerce ; qu'en l'espèce nul ne prétend que madame [Z] ferait l'objet d'une telle procédure ou d'une telle mesure ; que cette dernière a donc parfaitement la capacité d'ester en justice; que l'action en justice fondée sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage peut être exercée par toute personne ayant l'usage juridiquement établi d'un bien immobilier ; que madame [Z], qui habite le pavillon dont elle a l'usufruit, a donc parfaitement intérêt à ce qu'il soit mis fin au trouble apporté à sa jouissance et obtenir la réparation du préjudice en résultant, qu'elle a également intérêt à ce que le bien sur lequel porte son usufruit soit remis en état, cette remise en état étant une condition de l'effectivité de son usufruit et 'usufruitier ne pouvant par ailleurs exiger cette remise en état du nu-propriétaire; que disposant d'un intérêt à agir madame [Z] a nécessairement lité à agir contre les propriétaires du fonds qui serait selon elle, à l'origine des désordres, l'action fondée sur le trouble anormal de voisinage n'étant pas une action spécifiquement attribuée par la loi à une personne déterminée ; que les fins de non-recevoir soulevées par les défendeurs à l'encontre des prétentions de madame [Z] seront en conséquence rejetées ».
ALORS QUE l'usufruitier n'a pas intérêt à agir en réparation d'un préjudice subi par le nu-propriétaire ; qu'en l'espèce, Mme [E] [B] épouse [Z], usufruitière, agissait afin d'obtenir réparation de l'ensemble des désordres affectant l'immeuble, en ce compris le gros oeuvre dont la responsabilité incombait pourtant au nu-propriétaire, M. [I] [Z] ; qu'en jugeant que l'usufruitière était recevable à agir en réparation des dommages affectant le gros oeuvre de l'immeuble objet de l'usufruit, lequel incombe pourtant au seul nu-propriétaire, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile pris ensemble l'article 600 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré les époux [F] responsables, sur le fondement de la théorie des troubles du voisinage, des désordres affectant le pavillon de Mme [E] [Z] dans la proportion de 60 %, D'AVOIR condamné in solidum les époux [F] à payer à Mme [Z], en réparation de son préjudice matériel, la somme de 86 649,96 euros HT indexée en fonction des variations de l'indice BT01 de décembre 2010 à la date de l'arrêt et augmenté de la TVA au taux applicable à la date du paiement sur la somme résultant de l'indexation, D'AVOIR condamne in solidum les époux [F] à payer à la société Filia-Maif la somme de 8 697,11 euros en remboursement des frais avancés, D'AVOIR condamné in solidum les époux [F] à payer à Madame [E] [B] épouse [Z] la somme de 16 560 euros en réparation de son préjudice de jouissance pour la période de mars 2007 à octobre 2014, D'AVOIR condamné in solidum les époux [F] à payer 60 % des dépens de première instance, en ce compris ceux de référé et les frais d'expertise, D'AVOIR condamné in solidum les époux [F] à payer à madame [E] [B] épouse [Z] la somme de 540 euros en réparation de son préjudice de jouissance pour la période de novembre 2014 à janvier 2015, D'AVOIR condamné in solidum les époux [F] à payer à la société AXA France la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE « sur les désordres et les responsabilités ; qu'il doit être précisé que le pavillon de M. et Mme [F], propriété jusqu'au 26 janvier 2007 des consorts [G], est accolé au bâtiment de Mme [B] ; les canalisations encastrées dans le terrain de M. et Mme [F] desservent les dépendances en fond de parcelle avec écoulement jusqu'à la rue dans le collecteur des eaux qui passe sous la chaussée ; que si la présente procédure a pour origine la déclaration de sinistre de Mme [B] du 3 mars 2007, il est acquis aux débats que Mme [B] s'est plainte depuis de nombreuses années de dégâts des eaux, de sorte qu'un historique de ces désordres, tel que relaté dans le rapport de Mme [N], est nécessaire ; qu'il résulte du rapport d'expertise, ainsi que des pièces produites par Mme [B] que les premiers désordres sont apparus en 1995, qu'il y a eu également des désordres et des travaux de reprise en 1997, 2000 et 2005 ; qu'en 1995, les désordres ont consisté en des fissures horizontales des murs de sous-sol et de la clôture ayant pour cause deux ruptures sur le collecteur d'eaux usées du pavillon de Mme [B] ; ces désordres ont été réparés le 15 décembre 1996 ; qu'en 1997, un dégât des eaux est apparu dans la pièce du sous-sol côté arrière du pavillon de Mme [B] ; que la cause du désordre est le pavillon voisin appartenant à l'époque aux consorts [G] ; que le sinistre a été indemnisé dans le cadre de la convention entre assureurs le 9 décembre 1997 ; qu'en 1997 encore, une fuite d'eau s'est produite au niveau du WC à l'avant du pavillon [Z] sur les évacuations ; le sinistre a été réparé et une reprise par longrine a été effectuée ; qu'en 2000 des désordres se sont produits à l'angle des pavillons [Z] et [G], sans lien selon l'expert judiciaire avec les désordres de 1995 et 1997 ; qu'en 2005, des désordres apparaissent liés avec les désordres de 1995 (rupture sur le collecteur des eaux usées du pavillon [Z]) ; que des suintements sur les réseaux de la salle de bain dans la partie du sous-sol ont été constatés ; que les réparations ont été réalisées en 2007 ; qu'en 2005 également, il a été fait état de fissures sur le mur séparatif à l'avant du pavillon [Z], sans basculement ; qu'en mars 2007, le basculement du mur séparatif à l'avant est dénoncé ; c'est le désordre principal affectant le pavillon de Mme [B] qui a été constaté au terme du rapport de l'expert mandaté par l'assureur de Mme [B] ; que c'est ainsi que 3 mars 2007, Mme [B] a déclaré un dégât des eaux à son assureur multirisques habitation, la société FILIA-MAIF, qui a missionné le Cabinet Millan pour expertise ; que le premier rapport du 19 avril 2007 n'a pas permis de déterminer une quelconque cause à cette venue d'eau ; que Mme [B] a continué à se plaindre d'infiltrations dans le sous-sol de son pavillon ; au terme de son rapport définitif du 5 juin 2008 le Cabinet Eurea (Cabinet Millan) a conclu que l'eau qui s'échappe de la canalisation du pavillon [F] sans rejoindre l'égout s'infiltre dans le sol et procède à la déstabilisation de celui-ci, les conséquences visibles pour le pavillon de Mme [B] étant les suivantes : - basculement du mur de clôture en partie avant du jardin entre les propriétés [Z] et [F], - basculement du muret de clôture sur rue du pavillon [Z] qui empêche la fermeture du portail qui reste ouvert d'au moins 30 cm et doit être maintenu par une chaîne, - basculement du pilier de la clôture [Z] vers l'intérieur du terrain, - nombreuses fissures sur le mur de clôture séparant les deux propriétés, - poussée du pilier de la clôture sur la clôture et le portail dont la porte chevauche le montant de la grille avec obligation d'étayer le pilier, - poussée de la maison [F] sur la maison [Z], - humidité et fissuration multiples du mur du sous-sol du pavillon [Z] ; que Mme [B] a dépensé la somme de 3 993,95 euros TTC. pour la réalisation les travaux urgents dans son sous-sol, à savoir la réalisation d'une dalle de béton armé qui fait contrefort à la poussée de la maison [F], calage des fentes horizontales sur les murs avec différents étais, pose d'un grillage pour armer un ciment étanche au sous-sol, ouverture de tranchées au niveau du plafond du sous-sol entre les IPN pour faire reposer des fers de diamètre 16 en renfort et jointoiement au ciment, pose de drains entoilés et pose de conduits des eaux usées et pluviales ; que le remplacement de la fonte en PVC a eu lieu en février 2009 ; depuis ce remplacement il n'y a pas de désordre d'infiltrations mais des désordres de fissurations apparaissent au niveau des salles de bain du rez-de-jardin /rez-de-chaussée et du sous-sol ; que l'expert judiciaire a, quant à elle, constaté deux types de désordres dans la propriété de Mme [B] ; cette propriété est composée de trois éléments : un pavillon sur rue, une véranda couverte côté jardin (à l'arrière du pavillon) et derrière la véranda se trouve un bâtiment aménagé en studio il y plusieurs années ; que le 1er désordre affecte le mur séparatif à l'arrière entre les pavillons [Z] et [F] ; que ce mur séparatif appartient à Mme [B] ; l'expert a constaté des fissures traversantes en partie haute au niveau de la rehausse qui a été faite il y a plusieurs années lors de l'aménagement du studio qui se trouve derrière la véranda côté jardin de la propriété [Z] ; ces fissures sont dues uniquement à la jonction de deux matériaux entre le mur existant en briques et la rehausse exécutée ; l'expert préconise la reprise par Mme [B] des fissures et du mur du côté de la parcelle de M. et Mme [F], avec autorisation de ces derniers pour le passage de l'entreprise sur leur parcelle pour l'exécution des travaux ; l'expert a évalué le coût de la réfection du mur à 8.000 euros HT, à la charge de Mme [B] ; que le second désordre affecte le pavillon lui-même de Mme [B] ; que l'expert a constaté : - dans le sous-sol du pavillon, des fissures sur le mur séparatif avec le pavillon [F], - dans la salle de bains au rez-de-chaussée au niveau du mur séparatif, de nombreuses fissures de la faïence murale, - le mur de clôture séparatif entre le pavillon [F] et le pavillon [Z] est fortement désaffleuré, - une rupture franche est visible avec le plier côté rue ; qu'après avoir réalisé des investigations au niveau des réseaux se trouvant sur la parcelle de M. et Mme [F] et au niveau du mur de clôture séparatif sur rue et des investigations pressiométriques et de teneur en eaux, l'expert judiciaire conclut que la cause principale des désordres d'affaissement et de fissurations importantes du pavillon de Mme [B] est l'important apport d'eau, sur la partie avant du pavillon et au niveau du mur séparatif, des réseaux eaux pluviales, eaux vannes et eaux usées du pavillon de M. et Mme [F] mitoyen avec celui de Mme [B] ; qu'il a été constaté, en effet, de nombreux écarts aux joints, déboîtements, fissures, cassures au niveau du réseau sur la partie avant des réseaux du pavillon de M. et Mme [F], l'expert précisant que 'le fait que le réseau soit fuyard, l'eau se répand au sol, mouille et ravine la terre. Ce ravinement produit des effets de gonflement et de retraits qui peuvent produire en fragilisant l'inclinaison de ce mur de clôture'; elle indique que 'la réfection des réseaux du pavillon de M. et Mme [F] sont imputables à ces derniers exclusivement', le montant de la réparation y compris l'annulation des anciens réseaux s'élevant à 25.000 euros H.T ; que l'autre cause, secondaire, réside dans les différentes fuites existantes au niveau du pavillon [Z] qui ont été réparées entre-temps : - 1995 : fissures horizontales des murs de sous-sol et de la clôture ayant pour cause deux ruptures sur le collecteur d'eaux usées du pavillon de Mme [B] ; que ces désordres ont été réparés le 15 décembre 1996, - 1997 : fuite d'eau au niveau du WC à l'avant du pavillon [Z] sur les évacuations ; le sinistre a été réparé et une reprise par longrine a été effectuée ; - 2005 : suintements sur les réseaux de la salle de bain dans la partie du sous-sol ; les réparations ont été réalisées en 2007 ; que le rapport de vérification des réseaux de Mme [B] réalisé le 10 février 2009 par la société État 9 (pièces [Z] n°6 & 7) conclut à l'absence de défaut sur les réseaux eaux usées, eaux pluviales et eaux vannes (à l'exception d'un petit défaut d'étanchéité sous la culotte d'évacuation du WC, sans objet avec le présent litige) ; qu'en 2009 Mme [B] a procédé au remplacement des canalisations d'évacuations enterrées et apparentes pour supprimer toute possibilité de fuite en provenance de sa propriété ; que les investigations réalisées en cours d'expertise par la société Géo Est en octobre 2010, dont le rapport est annexé au rapport d'expertise, écartent l'hypothèse de l'instabilité liée aux fondations comme pouvant être à l'origine des désordres ; qu le rapport indique que 'la construction du pavillon et de l'extension remonte à plusieurs décennies sans désordres malgré des semelles sous-dimensionnées' ; qu'il résulte de ce qui précède que seuls la défectuosité des réseaux EP, à titre principal du pavillon [F], à titre secondaire du pavillon [Z] (jusqu'en 2009, date de leur réfection) sont à l'origine des désordres ; que, sur les responsabilités ; que les demandes de Mme [B] contre M. et Mme [F] sont fondées à titre principal sur la théorie des troubles anormaux du voisinage, et subsidiairement sur les dispositions de l'article 1240 nouveau du code civil (ancien article 1382) ; que le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage ; qu'il s'agit d'une responsabilité de plein droit, il n'est pas nécessaire de démontrer une faute du voisin ; que les premiers juges ont exactement relevé que les désordres constatés dans la propriété dont Mme [B] a l'usufruit, qui consistent en des fissurations, un affaissement du bâtiment et un basculement du mur de clôture, excèdent les inconvénients normaux du voisinage ; qu'il ressort du rapport d'expertise que ces désordres sont principalement dus à d'importantes infiltrations d'eau dans le sol en provenance des réseaux d'évacuation des eaux pluviales, des eaux usées et des eaux vannes de la propriété voisine, lesquelles sont fuyards sur leur partie avant, cet apport d'eau ayant, comme il a été vu, pour conséquence de mouiller et raviner les terres et entraînant des mouvements de gonflement et de retrait du sol ; que M. et Mme [F] ne produisent aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert ; que le trouble dont est victime Mme [B] provient donc bien, pour la plus grande partie, du fonds voisin ; que sur la responsabilité de M. et Mme [F], comme l'a dit le tribunal, il importe peu que M. et Mme [F] n'aient pas été propriétaires de ce fonds lorsque les infiltrations ont commencé à se produire, dès lors qu'ils sont actuellement propriétaires de ce fonds, que le trouble subsiste et qu'ils sont seuls à pouvoir y mettre fin ; que les fuites sur les réseaux de distribution ou d'évacuation des eaux du pavillon de Mme [B] d'une part, la médiocre qualité des ouvrages édifiés sur le fonds de Mme [B] d'autre part, ne constituent pas, pour M. et Mme [F], une cause d'exonération totale de leur responsabilité de plein droit dès lors que les infiltrations provenant de leur propriété sont, principalement, à l'origine des désordres ; qu'en revanche, il doit être tenu compte partiellement des causes inhérentes au fonds de Mme [B] ; qu'il a été vu que la cause secondaire des désordres réside dans les différentes fuites existantes au niveau du pavillon [Z] qui ont été réparées entre- temps, et définitivement en 2009 : - 1995 : fissures horizontales des murs de sous-sol et de la clôture ayant pour cause deux ruptures sur le collecteur d'eaux usées du pavillon de Mme [B], - 1997 : fuite d'eau au niveau du WC à l'avant du pavillon [Z] sur les évacuations, - 2005 : suintements sur les réseaux de la salle de bain dans la partie du sous-sol ; qu'un partage de responsabilité, tel que préconisé par Mme [N] doit donc être opéré, à savoir, compte tenu des différentes causes évoquées plus haut, 60 % pour M. et Mme [F] et 40 % pour Mme [B] ; que le jugement doit donc être réformé en ce qu'il a déclaré les époux [F] entièrement responsables des conséquences dommageables des infiltrations d'eau provenant des réseaux d'évacuation d'eau de leur propriété ; que M. et Mme [F] doivent être déclarés responsables, sur le fondement de la théorie des troubles du voisinage, des désordres affectant le pavillon de Mme [E] [B] épouse [Z] dans la proportion de 60 % ; que sur la responsabilité des consorts [G] envers Mme [Z] , comme il a été vu plus haut que le seul désordre qui puisse être imputé aux consorts [G], lorsqu'ils étaient propriétaires du pavillon voisin de celui de Mme [B], a été le dégât des eaux de 1997, apparu dans la pièce du sous-sol côté arrière du pavillon de Mme [B] ; or ce sinistre a été indemnisé dans le cadre de la convention entre assureurs le 9 décembre 1997 ; qu'il résulte par ailleurs du rapport d'expertise que les désordres qui se sont produits à l'angle des pavillons [Z] et [G] en 2000 sont sans lien avec le désordre de 1997 ;qu'à cet égard, le rapport du cabinet Millan, expert amiable de l'assurance de Mme [B], en date du 19 décembre 2000, mentionne : que "Dans la propriété voisine ([G]), aucune anomalie notoire n'a été relevée. M. [G] a réalisé un sondage dans le dallage du garage mitoyen à la cave du sociétaire, excavation réalisée au droit de la canalisation générale d'évacuation des eaux usées et pluviales du pavillon. Aucune fuite n'a été constatée. Le matériau d'enrobage de la canalisation ne présente pas une humidité excessive caractéristique d'une canalisation fuyarde l'humidité constatée dans la cave du sociétaire n'est pas significative d'une fuite permanente sur un quelconque réseau'; que le seul événement de 1997 ne peut engager la responsabilité des consorts [G] envers Mme [B], que ce soit sur le fondement de la théorie des troubles du voisinage, que sur celui de l'article 1240 nouveau du code civil, étant rappelé que la présente procédure a été engagée par Mme [B] plus de 10 ans après ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande contre les consorts [G] ; que sur la responsabilité des consorts [G] envers M. et Mme [F] X demande de M. et Mme [F] contre les consorts [G] est fondée sur la garantie des vices cachés de l'article 1641 du code civil ;qu'aux termes de l'article 1643 du même code, le vendeur 'est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie'; que l'acte de vente du 26 janvier 2007 comprend la clause selon laquelle les acquéreurs s'engagent à prendre les biens dans l'état dans lequel ils se trouvent au jour de l'entrée en jouissance '.'sans garantie de la part du vendeur en raison du bon ou mauvais état du sol, du sous-sol ou des bâtiments, vices de toute nature apparents ou cachés"; qu'il ne peut être reproché aux consorts [G] un défaut d'information sur les désordres chez Mme [B] (le seul sinistre qui leur est imputable est survenu 10 avant la vente et sa cause a été réparée), ou d'avoir dissimulé l'état du réseau enterré alors que celui-ci n'est pas accessible aux occupants, et qu'aucun des experts qui se sont déplacés chez Mme [B] n'a considéré, avant le sinistre de mars 2007, que ce réseau pourrait être en cause dans les désordres relevés chez Mme [B] ; que les premiers juges ont exactement relevé qu'une clause d'exclusion de la garantie des vices cachés ayant été insérée dans le contrat de vente conclu entre les consorts [G] et M. et Mme [F], ces derniers ne peuvent engager la responsabilité des vendeurs qu'à charge de démontrer leur connaissance de l'existence d'un vice au moment de la vente, qu'aucun élément ne permet d'affirmer que les consorts [G] savaient lors de la vente que les canalisations enterrées de leur pavillon étaient fuyardes et que ce n'est que dans le cadre de l'expertise judiciaire que l'origine des désordres a pu être identifiée ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [F] de leurs demandes en garantie et en paiement de la somme de 50.000 euros de dommages-intérêts dirigées contre les consorts [G] ».
1°/ ALORS QUE le vendeur est responsable du trouble anormal de voisinage causé par l'immeuble vendu avant la cession ; qu'en imputant aux seuls acquéreurs la responsabilité d'un trouble anormal de voisinage dont la cour d'appel relevait elle-même qu'il trouvait sa cause dans des conduites fuyardes dont les premiers désordres « remont (aient) à 1997 et 2005 » (arrêt attaqué, p. 15), à une époque où les consorts [G] étaient propriétaires du bien en sorte qu'ils devaient nécessairement assumer une part du dommage ainsi causé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé le principe en vertu duquel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage.
2°/ ALORS QUE la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés n'a pas pour effet de libérer le vendeur de la responsabilité qu'il encourt en raison d'un trouble anormal de voisinage survenu avant la vente ; qu'en excluant tout recours de l'acquéreur à l'encontre du vendeur aux motifs inopérants qu'une clause de garantie des vices cachés avait été stipulée à l'occasion de la vente, laquelle ne pouvait faire peser sur l'acquéreur une dette née du chef du vendeur, la cour d'appel a violé le principe en vertu duquel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage, pris ensemble l'article 1643 du code civil.
3°/ ALORS QUE, à titre subsidiaire, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de la cour d'appel que les vendeurs avaient connaissance des nombreux désordres avec la propriété voisine, dont Mme [Z] s'était « plainte depuis de nombreuses années » pour être survenus avant la vente en 1995, 1997, 2000 et 2005 (arrêt attaqué, p. 10, avt-dernier §) et qui avaient justifié une expertise privée à laquelle les vendeurs avaient participé (arrêt attaqué, p. 14, §7-9) ; qu'en retenant toutefois qu'aucun élément ne permettait d'établir que les vendeurs avaient connaissance du vice caché la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté les époux [F] de leurs demandes contre la société Axa France.
AUX MOTIFS QUE « Sur la garantie de la société AXA France ; que la société AXA France est l'assureur de M. et Mme [F] aux termes d'un contrat multirisque habitation à effet au 26 janvier 2007 dont les conditions générales et particulières sont versées aux débats (pièces AXA n°2 & 3) ; que l'article L 124-5 du code des assurances dispose en son alinéa 3 que 'la garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre' ; que ces dispositions sont reprises dans les conditions générales du contrat en page 38 ; que le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage, en l'espèce les fuites sur le réseau des canalisations enterrées de la propriété de M. et Mme [F] ; qu'il résulte en effet du rapport d'expertise de Mme ..., que l'origine des désordres est antérieure à la date de prise d'effet du contrat d'assurance souscrit par M. et Mme [F] auprès de la société AXA France ; il a été vu plus haut que l'origine des désordres imputable à la propriété de M. et Mme [F] remonte à 1997 et 2005, soit antérieurement au 26 janvier 2007 ; qu'en 1997, un dégât des eaux est apparu dans la pièce du sous-sol côté arrière du pavillon de Mme [B] ; la cause du désordre est le pavillon voisin appartenant à l'époque aux consorts [G], - en 2005, il est fait état de fissures sur le mur séparatif à l'avant du pavillon [Z] ; que les désordres litigieux ne rentrent donc pas dans le champ temporel d'application du contrat d'assurance ; que le jugement doit être réformé sur ce point ; que, de plus, les conditions générales n°150101D du contrat d'assurance souscrit auprès d'AXA ne couvrent pas les dommages provenant d'une canalisation enterrée chez l'assuré ; que les conditions générales concernant la définition des garanties stipulent en page 6 : 'Dégât des eaux : Ce que nous garantissons : Les dommages provoqués par : - La fuite, la rupture ou le débordement : - des conduites non enterrées, ...'; qu'il a été vu plus haut que la cause principale des désordres réside dans les canalisations enterrées et fuyardes de M. et Mme [F], ce qui n'entre pas dans les garanties du contrat souscrit auprès de la société AXA France ; qu'il ne s'agit pas, contrairement à ce qu'a dit le tribunal, d'une clause d'exclusion de garantie mais d'une non garantie qui n'a pas à répondre au formalisme édicté par l'article L 112-4 du code des assurances ; ce qui n'est pas défini dans les conditions générales n'est pas couvert par le contrat ; que le jugement doit être également réformé sur ce point ; qu'en définitive le jugement doit être réformé en ce qu'il a dit que la société anonyme AXA France IARD doit garantir la responsabilité de les époux [F] du fait de ces infiltrations en exécution du contrat d'assurance multirisques habitation souscrit par ces derniers le 26 janvier 2007 ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que la société AXA France IARD n'a pas à garantir les époux [F] du coût des travaux de remise en état de leurs réseaux d'évacuation d'eau ».
1°/ ALORS QUE la garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres survenus entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration ; qu'en l'espèce, la cause génératrice du dommage résidait dans un événement continu puisqu'elle était constituée par des fuites d'eau intervenues depuis 1997 sur des canalisations enterrées de la propriété acquise par les assurés, fuites qui s'étaient poursuivies après la vente survenue en 2007 ; qu'en jugeant toutefois que « les désordres litigieux ne rentr(ai)ent (
) pas dans le champ temporel d'application du contrat d'assurance » (arrêt attaqué, p. 15), pour être survenus en 1997 et 2005, quand il était constant que la cause génératrice du dommage s'était poursuivie après le mois de janvier 2007 et, partant, pendant la prise d'effet de l'assurance souscrite par les acquéreurs du bien considéré, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui découlaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 124-5 du code des assurances.
2°/ ALORS QUE pour être valables, les clauses d'exclusion de garantie insérées dans une police d'assurance doivent être formelles et limitées ; qu'en l'espèce, d'une part, les conditions particulières du contrat d'assurance stipulaient que l'assureur garantissait la réparation pécuniaire des dommages causés par les « dégâts des eaux » (prod. 9, p. 1), tandis que les conditions générales ajoutaient, d'autre part, qu'étaient expressément garantis les dégâts des eaux provenant de « conduites non enterrées » (prod. 10, p. 6), tandis que, enfin, les exclusions ne mentionnaient pas expressément les dégâts des eaux provenant de conduites enterrées (prod. 10, p. 6), de telle manière que ces dernières ne faisaient l'objet que d'une exclusion indirecte ; qu'en jugeant que l'absence de prise en charge des dégâts des eaux provenant de conduites enterrées ne faisaient pas l'objet d'une clause d'exclusion de garantie (arrêt attaqué, p. 16), la cour d'appel a violé l'article les articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances. | L'action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l'immeuble à l'origine du trouble, responsable de plein droit.
Une cour d'appel qui constate que le trouble subsistait après la vente du fonds à l'origine des désordres, en déduit exactement que la responsabilité des acquéreurs devait être retenue, peu important que les infiltrations aient commencé à se produire avant la vente |
7,606 | CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation partielle sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 250 FS-B
Pourvoi n° S 20-22.037
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
La société Banque CIC Est, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 20-22.037 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2020 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Lidl, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société Hartmann et Charlier, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Wakoa entreprise,
3°/ à la société Demathieu Bard construction, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La société Lidl a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt, dirigé contre le CIC Est, la société Hartmann et Charlier et la société Demathieu Bard construction.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Banque CIC Est, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la société Lidl, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Hartmann et Charlier, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Banque CIC Est du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Hartmann et Charlier, prise en sa qualité de liquidateur de la société Wakoa entreprise (la société Wakoa), et la société Demathieu Bard construction.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 7 septembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 17 janvier 2019, pourvoi n° 17-11.853), la société Lidl a confié à la société Wakoa des travaux d'extension d'un magasin.
3. Le lot gros oeuvre a été sous-traité à la société Demathieu et Bard.
4. La société Wakoa, qui avait cédé à la société Banque CIC Est (la banque) sa créance sur la société Lidl, a été placée en liquidation judiciaire.
5. La société Demathieu Bard construction, venant aux droits de la société Demathieu et Bard, a assigné la société Lidl en paiement de dommages-intérêts, sur le fondement des articles 1382 du code civil et 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975.
6. La société Lidl a appelé, en déclaration de jugement commun, le liquidateur judiciaire de la société Wakoa et la banque, lesquels ont chacun formé contre la société Lidl une demande en paiement du solde du marché de travaux.
Recevabilité du pourvoi provoqué de la société Lidl contestée par la défense
7. La société Wakoa, représentée par son liquidateur, conteste la recevabilité du pourvoi formé par la société Lidl à son encontre, au motif qu'il a été formé après que la banque, demanderesse au pourvoi principal, s'est partiellement désistée de son pourvoi en ce qu'il était dirigé contre la société Wakoa.
8. Mais, en application des articles 549, 614 et 1010 du code de procédure civile, le pourvoi provoqué, formé dans le délai du mémoire en défense par un défendeur contre un codéfendeur à l'égard duquel le demandeur principal s'est préalablement désisté, est recevable.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
9. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de sommes à l'encontre de la société Lidl, alors « que la cession de créance consentie en contravention à l'interdiction édictée par l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 est seulement inopposable au sous-traitant, lequel, s'il n'exerce pas l'action directe que cette disposition a pour objet de protéger, n'est pas concerné par le litige opposant la banque cessionnaire de la créance de l'entrepreneur principal, créancier cédé, au maitre d'ouvrage, débiteur cédé, de sorte qu'en l'absence de tout conflit entre le sous-traitant et le banquier cessionnaire, le maitre d'ouvrage n'est pas fondé à se prévaloir de ladite disposition, pour refuser le paiement de la créance cédée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour rejeter la demande en paiement du CIC Est, cessionnaire de la créance litigieuse, après avoir pourtant relevé que la société Lidl, maitre d'ouvrage, avait été irrévocablement condamnée à payer au sous-traitant, par l'arrêt du 2 décembre 2016 de la cour d'appel de Colmar, une somme de 217 672 euros TTC avec intérêts, condamnation non remise en cause par l'arrêt de cassation du 17 janvier 2019, ce dont il résultait qu'en l'absence de tout conflit entre le CIC Est et le sous-traitant, la société Lidl, débiteur cédé, ne pouvait se prévaloir de l'inopposabilité de la cession de créance consentie par l'entrepreneur principal, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article L. 313-24 du code monétaire et financier. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 13-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 :
10. Il résulte de ce texte que le maître de l'ouvrage ne peut invoquer, à l'égard du cessionnaire, l'inopposabilité de la cession de créance faite en fraude des droits du sous-traitant que lorsque celui-ci exerce l'action directe prévue par l'article 12 de la loi précitée.
11. Le sous-traitant qui agit en indemnisation de son préjudice sur le fondement quasi-délictuel de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 n'est pas en conflit avec le cessionnaire pour l'attribution des sommes dues par le maître d'ouvrage en exécution du marché de travaux.
12. Pour rejeter la demande de la banque contre la société Lidl, l'arrêt retient que la Cour de cassation a consacré le principe de l'impossibilité pour le maître de l'ouvrage, débiteur cédé, de payer au cessionnaire le prix de travaux que le cédant n'a pas réalisés lui-même.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le cessionnaire n'était pas en conflit avec le sous-traitant, lequel n'avait pas été indemnisé sur le fondement d'une action directe mais sur un fondement quasi-délictuel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen relevé d'office
14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article 1689 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
15. Il résulte de ce texte que celui qui cède valablement sa créance ne peut en poursuivre le recouvrement auprès du débiteur cédé.
16. Pour condamner la société Lidl à payer au liquidateur de la société Wakoa une somme correspondant au solde non contesté du marché de cette entreprise, l'arrêt retient qu'en l'absence de tout conflit entre le cessionnaire et le sous-traitant, il n'y a pas d'obstacle au paiement, par le maître de l'ouvrage, du prix du marché.
17. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la créance avait été cédée à la banque, qui seule pouvait en poursuivre le recouvrement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
19. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
20. La société Wakoa ayant cédé la créance correspondant au solde du prix de son marché à la banque, la demande de la société Hartmann et Charlier, ès qualités, formée contre la société Lidl au titre de cette même créance, doit être rejetée.
21. Dès lors qu'aucun sous-traitant n'exerce d'action directe pour le recouvrement du prix des travaux compris dans le marché de la société Wakoa, la société Lidl, maître de l'ouvrage, doit être condamnée à payer à la banque cessionnaire le solde de ce marché, qui s'élève à la somme non contestée de 241 544,16 euros.
22. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2009.
23. Les intérêts dus par années entières à compter du 15 mai 2014 produiront intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- rejette les demandes de paiement de la société Banque CIC Est contre la société Lidl,
- condamne la société Lidl à payer à la société Hartmann et Charlier, en sa qualité de liquidateur de la société Wakoa entreprise, la somme de 241 544,16 euros augmentée des intérêts à compter du 31 mars 2009 avec capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil,
- condamne la société Lidl à payer à la société Hartmann et Charlier, en sa qualité de liquidateur de la société Wakoa entreprise, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société Banque CIC Est aux dépens de première instance,
- condamne la société Banque CIC Est à payer à la société Lidl la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,
- fait masse des dépens et condamne la société Lidl ainsi que la société Banque CIC Est à en assumer chacune la moitié,
l'arrêt rendu le 7 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande de la société Hartmann et Charlier, en sa qualité de liquidateur de la société Wakoa entreprise, formée contre la société Lidl au titre du solde du marché ;
Condamne la société Lidl à payer à la société Banque CIC Est la somme de 241 544,16 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2009 et capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, à compter du 15 mai 2014.
Condamne la société Lidl aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lidl à payer à la société Banque CIC Est la somme de 6 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés devant les juges du fond et devant la Cour de cassation et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société Le CIC Est (demanderesse au pourvoi principal)
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR débouté la société CIC-Est de sa demande en paiement de sommes à l'encontre de la société Lidl ;
AUX MOTIFS QUE « sur l'appel formé par la société CIC-Est, l'arrêt de la cour d'appel de Colmar avait rejeté la demande en paiement formée par la société CICEst cessionnaire de la créance de la société Wakoa à l'encontre de la société Lidl au motif, qu'une telle cession était contraire aux dispositions de l'article 13-1 de la loi susvisée, en ce qu'elle concernait des travaux réalisés en sous-traitance et non par l'entreprise cédante elle-même ; que la Cour de cassation sans rejeter cette motivation, a cependant considéré que la sanction d'une telle violation était non pas la nullité de la cession comme l'avait retenue la cour d'appel, mais l'impossibilité de paiement de la créance par le maître de l'ouvrage au profit du cessionnaire ; qu'il ne résulte pas de cette formulation, que l'inopposabilité de la cession faite en contravention aux dispositions de l'article 13-1 susvisé, concerne uniquement le sous-traitant ; ainsi le cédant en se prévalant de cette inopposabilité, peut tenter de faire obstacle à la demande en paiement de la banque cessionnaire à l'encontre du maître de l'ouvrage ; que c'est sur ce fondement que la société Lidl s'oppose à la demande en paiement de la société CIC-Est à son encontre ; qu'en revanche la société CIC-Est analyse la décision de la Cour de cassation comme ayant validé la cession de créance en litige faute de l'avoir déclarée nulle comme l'avait fait la cour d'appel de Colmar ; qu'il en résulte selon elle, l'impossibilité tant pour la société Lidl, débiteur cédé, que pour la société Wakoa, cessionnaire (lire : cédante), de se prévaloir de l'inopposabilité de la cession prévue par l'article 13-1 susvisé, prévu pour protéger les sous-traitants de cessions préjudiciables ; qu'or, la cour d'appel a, inexactement décidé que les cessions de créances pratiquées en contravention à l'interdiction édictée par l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 étaient nulles, alors qu'il est constant que la sanction en est l'inopposabilité aux sous-traitants concernés ; qu'en outre la Cour de cassation a estimé que la méconnaissance des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 faisait néanmoins obstacle au paiement par le maître de l'ouvrage au profit du cessionnaire, des sommes dues au titre des travaux que l'entrepreneur principal n'a pas personnellement effectués ; qu'il s'en déduit, s'agissant des prétentions de la société CIC-Est que, dès lors, que la décision de la Cour de cassation a consacré le principe de l'impossibilité pour le maître de l'ouvrage, débiteur cédé, de payer au cessionnaire le prix de travaux qu'il n'a pas réalisés lui-même, sa demande en paiement est vouée à l'échec ; qu'ainsi quelque soit la validité de la cession de créance opérée ou la bonne foi de l'organisme bancaire cessionnaire, ce dernier n'est pas fondé à réclamer le paiement de cette créance ; que, par conséquent, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a omis de statuer sur la demande de CIC-Est en paiement à l'encontre de la société Lidl ; celle-ci sera rejetée au vu des motifs sus-énoncés » ;
1°) ALORS QUE la cession de créance consentie en contravention à l'interdiction édictée par l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 est seulement inopposable au sous-traitant, lequel, s'il n'exerce pas l'action directe que cette disposition a pour objet de protéger, n'est pas concerné par le litige opposant la banque cessionnaire de la créance de l'entrepreneur principal, créancier cédé, au maitre d'ouvrage, débiteur cédé, de sorte qu'en l'absence de tout conflit entre le soustraitant et le banquier cessionnaire, le maitre d'ouvrage n'est pas fondé à se prévaloir de ladite disposition, pour refuser le paiement de la créance cédée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour rejeter la demande en paiement du CICEst, cessionnaire de la créance litigieuse, après avoir pourtant relevé que la société Lidl, maitre d'ouvrage, avait été irrévocablement condamnée à payer au sous-traitant, par l'arrêt du 2 décembre 2016 de la cour d'appel de Colmar, une somme de 217 672 euros TTC avec intérêts, condamnation non remise en cause par l'arrêt de cassation du 17 janvier 2019, ce dont il résultait qu'en l'absence de tout conflit entre le CIC-Est et le sous-traitant, la société Lidl, débiteur cédé, ne pouvait se prévaloir de l'inopposabilité de la cession de créance consentie par l'entrepreneur principal, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article L. 313-24 du code monétaire et financier ;
2°) ALORS, subsidiairement, QUE la méconnaissance des dispositions de l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, sans entraîner l'annulation de la cession de créance, fait obstacle au paiement par le maître de l'ouvrage au profit du cessionnaire, des sommes dues au titre des travaux que l'entrepreneur principal n'a pas personnellement effectués ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour rejeter la demande en paiement du CIC-Est, cessionnaire de la créance de paiement des travaux, sans réserver la part de la créance du CIC-Est ayant pour objet les sommes dues au titre de travaux que l'entrepreneur principal avait personnellement réalisés, en l'état de sa demande de condamnation du maitre d'ouvrage à lui payer les sommes de 236 054,52 euros et 5 489,64 euros, étant par ailleurs constaté que ce dernier avait été irrévocablement condamné à indemniser le sous-traitant à hauteur de 217 672 euros de dommages et intérêts, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article L. 313-24 du code monétaire et financier.
Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société Lidl (demanderesse au pourvoi provoqué)
La société Lidl fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la Seral Hartmann et Charlier, en qualité de liquidateur de la société Wakoa Entreprise la somme de 241.544,16 € avec intérêts à compter du 31 mars 2009, et capitalisation des intérêts, et d'avoir rejeté l'exception de compensation ;
1°/ ALORS QUE la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes ; que la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles ; qu'en retenant, pour condamner la société Lidl à payer à la Sarl Harmann, en qualité de liquidateur de la société Wakoa Entreprise la somme de 241.544,16 € avec intérêts à compter du 31 mars 2009, et capitalisation des intérêts et rejeter l'exception de compensation opposée par la société Lidl, que le jugement déféré a écarté l'exception de compensation avancée par la société Lidl concernant un autre chantier à [Localité 5], et que l'avance faite au titre d'un contrat préliminaire de réservation ne concernait pas la société Wakoa mais la société civile de construction vente Wakoa construction A 4, et en ajoutant qu'en l'absence d'identité de titulaires de créances, les conditions de la compensation légale ne sont pas réunies, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les deux contrats d'entreprises conclus par la société Lidl et la société Wakoa étaient liés entre eux et constituaient les deux volets d'un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations d'affaires des parties, de sorte qu'il existait un lien de connexité permettant une compensation générale des dettes respectives des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1347 et 1347-1 du code civil.
2/ ALORS QUE la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes ; que la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles ; qu'en retenant, pour rejeter l'exception de compensation opposée par la société Lidl, que le jugement déféré a écarté l'exception de compensation avancée par la société Lidl concernant un autre chantier à [Localité 5], et que l'avance faite au titre d'un contrat préliminaire de réservation ne concernait pas la société Wakoa mais la société civile de construction vente Wakoa construction A 4, et en ajoutant qu'en l'absence d'identité de titulaires de créances, les conditions de la compensation légale ne sont pas réunies, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il existait une confusion de patrimoines entre la société Wakoa Entreprise et la société Wakoa construction A 4, ce qui autorisait la compensation légale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1347 et 1347-1 du code civil. | Il résulte de l'article 13-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 que le maître de l'ouvrage ne peut invoquer, à l'égard du cessionnaire, l'inopposabilité de la cession de créance faite en fraude des droits du sous-traitant que lorsque celui-ci exerce l'action directe prévue par l'article 12 de la loi précitée.
Le sous-traitant qui agit en indemnisation de son préjudice sur le fondement quasi-délictuel de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 n'est pas en conflit avec le cessionnaire pour l'attribution des sommes dues par le maître d'ouvrage en exécution du marché de travaux.
Viole, dès lors, l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, la cour d'appel qui rejette la demande formée par le cessionnaire contre le débiteur cédé au motif que celui-ci ne peut payer au cessionnaire le prix de travaux que le cédant n'a pas réalisés lui-même, après avoir constaté que le sous-traitant n'avait pas été indemnisé sur le fondement d'une action directe mais sur un fondement quasi-délictuel |
7,607 | CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 252 FS-B
Pourvoi n° V 21-11.579
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
1°/ M. [S] [T],
2°/ Mme [A] [I], épouse [T],
3°/ Mme [N] [T], épouse [F],
domiciliés tous trois [Adresse 2],
4°/ M. [E] [T], domicilié [Adresse 4],
5°/ Mme [Z] [T] épouse [X], domiciliée [Adresse 6],
ont formé le pourvoi n° V 21-11.579 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2020 par la cour d'appel de Reims (chambre civile ,1re section), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [Y] [M], domicilié [Adresse 3],
2°/ à M. [V] [M], domicilié [Adresse 7],
3°/ à Mme [J] [C], veuve [M], domiciliée [Adresse 5],
4°/ à la société [K]-Cardon-Bortulus, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [L] [K], en qualité de liquidateur amiable de la SCI Saint Hilaire,
5°/ à la société Saint Hilaire, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat des consorts [T], de la SARL Ortscheidt, avocat des consorts [M], après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 1er décembre 2020), par acte authentique du 24 octobre 1968, la société civile immobilière Saint-Hilaire (la SCI), créée le 8 février 1966 pour une durée de vingt ans, a été transformée en société d'attribution, société civile particulière régie par les articles 1832 et suivants du code civil et la loi du 28 juin 1938 tendant à régler le statut de la copropriété des immeubles divisés par appartements.
2. Ses associés, [O] [M], MM. [Y] [M] et [S] [T], se sont répartis les parts de la société et ont défini les fractions d'immeuble auxquelles ces parts donnaient droit, en jouissance pendant la durée de la société et en propriété lors de la dissolution ou en cas de retrait d'un associé.
3. Lors d'une assemblée générale du 28 janvier 1986, les associés ont prorogé de douze ans la durée de vie de la SCI.
4. A la suite d'une mésentente entre les associés, un jugement du 21 novembre 2006 a constaté la dissolution de plein droit de la SCI au 7 février 1998, faute de prorogation de sa durée, et désigné un liquidateur avec notamment pour mission de proposer un projet de partage devant comporter des attributions de fractions de l'immeuble et une répartition du passif en fonction des stipulations statutaires et de l'état descriptif de division.
5. Par lettre du 22 novembre 2011, le notaire, mandaté par le liquidateur, a adressé aux associés les projets qu'il avait établis, comportant l'annulation de l'ancien règlement de copropriété, la rédaction d'un nouveau règlement, une augmentation de capital et le partage.
6. Aucun accord n'étant intervenu entre les associés, un procès-verbal de difficulté a été dressé par le notaire le 15 janvier 2015.
7. M. [Y] [M], Mme [J] [C] veuve [M] et M. [V] [M], ayants droit d'[O] [M] (les consorts [M]), ont assigné MM. [S] et [E] [T], Mme [I] épouse [T], Mme [T] épouse [X] et Mme [T] épouse [F] (les consorts [T]) en homologation des projets rédigés par le notaire.
8. Par ordonnance du 2 février 2017, rendue sur la requête des consorts [T], le président du tribunal de grande instance a désigné M. [K] en qualité de liquidateur de la SCI, intervenu volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, pris en sa première branche, qui est irrecevable et sur ce moyen, pris en sa seconde branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
10. Les consorts [T] font grief à l'arrêt de déclarer les consorts [M] recevables en toutes leurs prétentions et d'homologuer les projets d'annulation du règlement de copropriété d'origine, du nouveau règlement de copropriété-état descriptif de division, d'augmentation du capital et de partage légal de la SCI dressés par le notaire et annexés au procès-verbal de difficultés du 15 janvier 2015, alors :
« 1°/ que les associés d'une société constituée en vue de l'attribution d'immeubles aux associés sont tenus de répondre aux appels de fonds nécessités par l'acquisition, la construction ou l'aménagement de l'immeuble social en proportion de leurs droits dans le capital ; que l'associé qui n'a pas satisfait à cette obligation ne peut prétendre ni à entrer en jouissance de la fraction de l'immeuble à laquelle il a vocation, ni à se maintenir dans cette jouissance, ni à obtenir l'attribution en propriété de ladite fraction ; qu'en conséquence, un associé est irrecevable à agir en homologation d'un projet de partage ayant pour conséquence l'attribution à son profit de la propriété de la fraction de l'immeuble à laquelle il a vocation s'il n'a pas intégralement réglé les appels de fonds qui lui ont été adressés ; qu'en l'espèce, les consorts [T] soutenaient que les consorts [M] étaient irrecevables à agir en homologation du projet de partage, faute d'avoir soldé leur quote-part de travaux ; qu'en retenant pourtant que « les textes susdits, qui prévoient
le principe et les modalités de l'action en partage qu'ils édictent ne réservent pas la qualité à agir y afférentes aux seuls associés qui justifient du respect de ses conditions (sic) », la cour d'appel a violé les articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la construction et de l'habitation ;
2°/ que pour établir que les consorts [M] n'avaient pas réglé l'intégralité de leur quote-part de travaux, les consorts [T] faisaient notamment valoir que la question des comptes avait encore été évoquée lors de la dernière assemblée générale convoquée par le liquidateur le 18 juillet 2018 ; que la cour d'appel a retenu que lors de l'assemblée générale du 8 novembre 2010, « les associés ont considéré à l'unanimité que les comptes définitifs de l'opération de construction avaient été soldés » ; qu'en statuant ainsi, à supposer qu'elle ait par là-même considéré que les consorts [M] établiraient avoir soldé leur quote-part de travaux, sans rechercher s'il ne résultait pas de l'assemblée générale postérieure du 18 juillet 2018 que les comptes n'étaient pas entièrement apurés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour
11. Selon les articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la construction et de l'habitation, l'associé d'une société ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance ne peut prétendre à une telle attribution s'il n'a pas répondu aux appels de fonds nécessités par l'acquisition, la construction ou l'aménagement de l'immeuble social.
12. Il en résulte que cette exigence constitue une condition de son droit de participer à un partage, et non une condition de recevabilité d'une action en partage ou en homologation d'un partage.
13. La cour d'appel a rappelé que l'intérêt à agir n'était pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
14. Elle a retenu que les consorts [M] présentaient un intérêt à voir procéder aux opérations de compte liquidation-partage de la SCI, ainsi qu'à l'attribution des lots objet du capital, et relevé que leur intérêt à agir n'était pas contesté par les consorts [T].
15. Elle en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'en soutenant que les consorts [M] n'étaient pas recevables en leur action, faute d'avoir répondu aux appels de fonds nécessités par l'acquisition, la construction ou l'aménagement de l'immeuble social, les consorts [T] leur reprochaient de ne pas en avoir préalablement démontré le bien-fondé.
16. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. [S] et [E] [T], Mme [I], épouse [T], Mme [T], épouse [F] et Mme [T] épouse [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour les consorts [T]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré M. [Y] [M], M. [V] [M] et Mme [J] [C], veuve [M], recevables en toutes leurs prétentions, et d'avoir homologué les projets d'annulation du règlement de copropriété d'origine, du nouveau règlement de copropriété-état descriptif de division, d'augmentation du capital et de partage légal de la SCI Saint-Hilaire dressés par Me [P] [B] et annexés au procès-verbal de difficultés en date du 15 janvier 2015 ;
alors 1°/ que les associés d'une société constituée en vue de l'attribution d'immeubles aux associés sont tenus de répondre aux appels de fonds nécessités par l'acquisition, la construction ou l'aménagement de l'immeuble social en proportion de leurs droits dans le capital ; que l'associé qui n'a pas satisfait à cette obligation ne peut prétendre ni à entrer en jouissance de la fraction de l'immeuble à laquelle il a vocation, ni à se maintenir dans cette jouissance, ni à obtenir l'attribution en propriété de ladite fraction ; qu'en conséquence, un associé est irrecevable à agir en homologation d'un projet de partage ayant pour conséquence l'attribution à son profit de la propriété de la fraction de l'immeuble à laquelle il a vocation s'il n'a pas intégralement réglé les appels de fonds qui lui ont été adressés ; qu'en l'espèce, les consorts [T] soutenaient que les consorts [M] étaient irrecevables à agir en homologation du projet de partage, faute d'avoir soldé leur quote-part de travaux (conclusions, p. 20) ; qu'en retenant pourtant que « les textes susdits, qui prévoient le principe et les modalités de l'action en partage qu'ils édictent ne réservent pas la qualité à agir y afférentes aux seuls associés qui justifient du respect de ses conditions (sic) » (arrêt, p. 8, alinéa 1er), la cour d'appel a violé les articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la construction et de l'habitation ;
alors et en tout état de cause 2°/ que pour établir que les consorts [M] n'avaient pas réglé l'intégralité de leur quote-part de travaux, les consorts [T] faisaient notamment valoir que la question des compte avait encore été évoquée lors de la dernière assemblée générale convoquée par le liquidateur le 18 juillet 2018 ; que la cour d'appel a retenu que lors de l'assemblée générale du 8 novembre 2010, « les associés ont considéré à l'unanimité que les comptes définitifs de l'opération de construction avaient été soldés » (arrêt, p. 11, alinéa 7) ; qu'en statuant ainsi, à supposer qu'elle ait par là-même considéré que les consorts [M] établiraient avoir soldé leur quote-part de travaux, sans rechercher s'il ne résultait pas de l'assemblée générale postérieure du 18 juillet 2018 que les comptes n'étaient pas entièrement apurés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la construction et de l'habitation.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir homologué les projets d'annulation du règlement de copropriété d'origine, du nouveau règlement de copropriété-état descriptif de division, d'augmentation du capital et de partage légal de la SCI Saint-Hilaire dressés par Me [P] [B] et annexés au procès-verbal de difficultés en date du 15 janvier 2015 ;
alors 1°/ que lorsque la dissolution de la société constituée en vue de l'attribution d'immeuble aux associés est décidée par l'assemblée générale statuant à la double majorité des deux tiers des associés et des deux tiers des voix, le liquidateur désigné par l'assemblée générale fait établir le projet de partage en la forme authentique ; que les associés sont invités, au besoin par sommation du liquidateur, à prendre connaissance du projet de partage et à l'approuver ou le contester en la forme authentique ; que les associés qui contestent alors le partage disposent d'un délai de quinze jours pour assigner le liquidateur en rectification devant le tribunal judiciaire du siège social ; qu'en conséquence, le délai de contestation de quinze jours ne saurait s'appliquer lorsque la dissolution de la société résulte non pas d'une décision des associés prise en assemblée générale mais de l'arrivée du terme de la société ; qu'en l'espèce, après avoir pourtant expressément relevé que « la dissolution de la société résulte de son défaut de prorogation à compter du 7 février 1998 », constaté par jugement du 21 novembre 2006 (arrêt, p. 10, pénultième alinéa), la cour d'appel a retenu que les associés n'ont pas contesté dans les 15 jours le procès-verbal de difficultés du 15 janvier 2015 et « qu'en l'absence de toute contestation sous quinzaine suivant le procès-verbal de difficultés du 15 janvier 2015, le partage tel que résultant des projets d'actes du 22 novembre 2011, annexés à celui-ci, est devenu définitif et opposable à tous les associés de la SCI » (arrêt, p. 12, alinéa 7) ; qu'en statuant ainsi, quand il s'évinçait de ses propres constatations que la dissolution ne résultait pas d'une décision d'assemblée générale, la cour d'appel a violé l'article L. 212-9 du code de la construction et de l'habitation ;
alors 2°/ que les consorts [T] soutenaient expressément dans leurs conclusions que le délai de quinze jours était d'autant moins applicable au cas d'espèce que le procès-verbal de difficultés du 15 janvier 2015 prévoyait expressément que les associés réunis en assemblée générale devraient approuver le projet de partage ; que ce procès-verbal indiquait : « Si le projet est approuvé à l'unanimité, le partage est définitif. Si le projet n'est pas approuvé à l'unanimité, les associés seront invités à l'approuver ou à le contester individuellement, en la forme authentique, dans le mois qui suit l'assemblée générale » (conclusions, p. 16 et 17) ; qu'en retenant pourtant que le projet de partage annexé au procès-verbal de difficultés du 15 janvier 2015 serait devenu définitif, faute de contestation dans les 15 jours, sans répondre à ce chef déterminant des conclusions des exposants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. | La règle, résultant des articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la construction et de l'habitation, selon laquelle l'associé d'une société ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés ne peut prétendre à une telle attribution s'il n'a pas répondu aux appels de fonds nécessités par l'acquisition, la construction ou l'aménagement de l'immeuble social, constitue une condition de son droit de participer à un partage et non une condition de recevabilité d'une action en partage ou en homologation d'un partage |
7,608 | CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 253 FS-B
Pourvoi n° P 21-10.032
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
La société d'Aménagement et de développement ville et département Val-de-Marne (SADEV 94), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-10.032 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 7), dans le litige l'opposant à M. [B] [U] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société d'Aménagement et de développement ville et département Val-de-Marne, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. L'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2019) fixe les indemnités revenant à M. [Y], par suite de l'expropriation, au profit de la société d'aménagement et de développement des villes et du département du Val-de-Marne (la SADEV 94), de plusieurs lots de copropriété lui appartenant.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La SADEV 94 fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnité de dépossession due à M. [Y] seulement en valeur libre, alors « que le juge qui fixe l'indemnité d'expropriation doit prendre en considération l'exercice éventuel du droit de relogement dont dispose l'exproprié, et, tant que celui-ci n'a pas pris parti sur l'exercice de ce droit, fixer l'indemnité de façon alternative ; que la renonciation à un droit doit résulter d'actes non équivoques ; que le seul fait que M. [Y] ait demandé l'indemnisation en valeur libre, sans fournir aucune précision sur sa position sur le droit au relogement dont il bénéficiait, ne constituait pas une renonciation claire et non équivoque à bénéficier de ce droit ; qu'en refusant néanmoins de fixer l'indemnité de façon alternative, la cour d'appel a violé l'article R. 423-9 du code de l'expropriation. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
3. M. [Y] conteste la recevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté.
4. Cependant, la SADEV 94 a fait valoir dans ses conclusions d'appel que l'indemnisation devait être fixée en valeur libre, sous réserve de la renonciation expresse de M. [Y] à être relogé.
5. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article R. 423-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
6. Selon ce texte, il ne peut être offert un local de relogement à un propriétaire exproprié qui occupe tout ou partie de son immeuble que si cette offre a été acceptée par ce propriétaire avant la fixation des indemnités d'expropriation, afin de permettre au juge et, le cas échéant, à la cour d'appel, de tenir compte de ce relogement lors de la fixation des indemnités d'expropriation.
7. En outre, si la renonciation à un droit peut être tacite, les circonstances doivent établir, de façon non équivoque, la volonté de renoncer (1re Civ., 23 septembre 2015, pourvoi n° 14-20.168, Bull. 2015, I, n° 221).
8. Pour évaluer le bien exproprié uniquement en valeur libre d'occupation, l'arrêt retient qu'il est occupé par M. [Y], qui sollicite une évaluation en valeur libre et renonce donc à être relogé.
9. En statuant ainsi, sans avoir constaté une renonciation claire et non équivoque de l'exproprié à bénéficier de son droit à être relogé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe l'indemnité de dépossession due par la société d'aménagement et de développement des villes et du département du Val-de-Marne à M. [Y] uniquement en valeur libre, sans fixer d'indemnité alternative en valeur occupée, l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société d'Aménagement et de développement ville et département Val-de-Marne
La Sadev 94 reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé l'indemnité de dépossession due par la Sadev 94 à M. [Y] seulement en valeur libre, à la somme totale de 191 677 €, soit 168 606 € au titre de l'indemnité principale, de 19 111 € au titre du remploi et 3 960 € au titre de l'indemnité de déménagement ;
ALORS QUE le juge qui fixe l'indemnité d'expropriation doit prendre en considération l'exercice éventuel du droit de relogement dont dispose l'exproprié, et, tant que celui-ci n'a pas pris parti sur l'exercice de ce droit, fixer l'indemnité de façon alternative ; que la renonciation à un droit doit résulter d'actes non équivoques ; que le seul fait que M. [Y] ait demandé l'indemnisation en valeur libre, sans fournir aucune précision sur sa position sur le droit au relogement dont il bénéficiait, ne constituait pas une renonciation claire et non équivoque à bénéficier de ce droit ; qu'en refusant néanmoins de fixer l'indemnité de façon alternative, la cour d'appel a violé l'article R. 423-9 du code de l'expropriation. | Viole l'article R. 423-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, une cour d'appel qui, pour évaluer uniquement en valeur libre le bien occupé par l'exproprié, retient qu'il a sollicité une évaluation en valeur libre et renonce donc à être relogé, sans avoir constaté une renonciation claire et non équivoque de celui-ci à bénéficier de son droit à être relogé |
7,609 | COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Rejet
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 191 F-B
Pourvoi n° A 19-25.123
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 MARS 2022
L'Association Savon de Marseille France, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 19-25.123 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant au directeur général de l'Institut national de la propriété intellectuelle, domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de l'Association Savon de Marseille France, de Me Bertrand, avocat du directeur général de l'Institut national de la propriété intellectuelle, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 novembre 2019), l'Association Savon de Marseille France (l'ASDMF) a déposé à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) une demande d'homologation de son cahier des charges « savon de Marseille » n° 17-005, modifiée le 23 mars 2018, en vue de l'obtention d'une indication géographique visant à protéger des savons sous forme solide, liquide ou pâteuse produits par saponification sur le territoire français, à savoir l'ensemble des départements de la France métropolitaine et les départements d'Outre-Mer.
2. Par une décision n° 2018-69 du 22 mai 2018, le directeur général de l'INPI a rejeté sa demande. L'ASDMF a formé un recours contre cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
4. L'ASDMF fait grief à l'arrêt de rejeter son recours contre la décision du directeur général de l'INPI du 22 mai 2018, ayant rejeté sa demande d'homologation d'indication géographique « savon de Marseille » n° 17-005 visant à protéger des savons sous forme solide, liquide ou pâteuse produits par saponification sur le territoire français à savoir l'ensemble des départements de France Métropolitaine et d'Outre-mer, alors :
« 3°/ qu'aux termes de l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle : "Constitue une indication géographique la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu'agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique. Les conditions de production ou de transformation de ce produit, telles que la découpe, l'extraction ou la fabrication, respectent un cahier des charges homologué par décision prise en application de l'article L. 411-4" ; que cet article n'exige pas qu'il existe une corrélation entre la dénomination du produit et la dénomination de la zone géographique figurant dans le cahier des charges ; qu'en affirmant que le cahier des charges était incomplet au motif qu'il concernait la dénomination "savon de Marseille" qui visait une seule ville et que la zone géographique associée était la France, la cour d'appel a violé l'article L. 721-2 du code de propriété intellectuelle ;
4°/ que l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle n'interdit pas que la zone géographique corresponde à l'ensemble du territoire français ; qu'en affirmant que le cahier des charges était incomplet au motif que la zone géographique désignée était la zone France dans son ensemble, la cour d'appel a violé l'article L. 721-2 du code de propriété intellectuelle ;
5°/ que selon l'article L. 721-3 du code de la propriété intellectuelle la décision d'homologation est prise après d'une part, la vérification du contenu du cahier des charges et de la représentativité des opérateurs au sein de l'organisme de défense et de gestion et d'autre part, après la réalisation d'une enquête publique ; que l'INPI n'a pas le pouvoir, dans le cadre de la vérification du contenu du cahier des charges, de porter une appréciation sur la détermination de zone géographique ; qu'en affirmant que le directeur de l'INPI n'avait pas excédé ses pouvoirs en rejetant le recours de l'association Savon de Marseille au motif que la demande ne répondait pas à la définition d'une indication géographique, pour en déduire que le cahier des charges était incomplet, portant ainsi une appréciation sur la délimitation de la zone géographique choisie, alors que cette appréciation ne pouvait être donnée qu'après l'organisation d'une enquête publique et d'une consultation, la cour d'appel a violé les articles L. 721-3 et L. 721-7, R. 721-1, R. 721-2, et R. 721-5 du code de la propriété intellectuelle. »
Réponse de la Cour
5. Selon les articles L. 721-2 et L. 721-7 du code de la propriété intellectuelle, pour bénéficier d'une indication géographique protégeant un produit industriel ou artisanal, les conditions de production ou de transformation de ce produit doivent respecter un cahier des charges homologué par décision du directeur général de l'INPI, qui doit préciser la délimitation de la zone géographique ou du lieu déterminé associé à l'indication géographique, à laquelle peuvent être attribuées essentiellement une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques de ce produit.
6. Selon l'article L. 721-3, alinéa 4, du même code, lorsqu'il instruit la demande d'homologation ou de modification du cahier des charges, l'INPI s'assure notamment que le périmètre de la zone ou du lieu permet de garantir que le produit concerné présente effectivement une qualité, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être essentiellement attribuées à la zone géographique ou au lieu déterminé associés à l'indication géographique.
7. Après avoir énoncé que l'indication géographique protégeant des produits industriels ou artisanaux constitue la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique, ce qui suppose des éléments quant à un lien entre le produit concerné et la zone géographique délimitée associée, l'arrêt relève que, malgré une demande de compléments d'éléments formulée par l'INPI, le cahier des charges, quoique concernant la dénomination « savon de Marseille », qui vise manifestement une seule ville de France et associe le produit à cette commune, précise que la délimitation de la zone géographique associée sera la zone France, le produit concerné étant fabriqué sur l'ensemble du territoire national, résultant d'un savoir-faire historiquement répandu sur l'ensemble de ce territoire et d'un procédé trouvant son origine sur ce même ensemble.
8. En cet état, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'est incomplet le cahier des charges relatif à une demande de protection d'une indication d'origine visant l'ensemble du territoire national, sans délimiter une aire géographique ni un lieu déterminé associés au produit concerné, et que le directeur général de l'INPI avait pu, sans excéder ses pouvoirs, rejeter la demande d'homologation pour incomplétude.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Association Savon de Marseille France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Association Savon de Marseille France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour l'Association Savon de Marseille France.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours formé par l'association Savon de Marseille France à l'encontre de la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété intellectuelle du 22 mai 2018 par laquelle il a rejeté la demande d'homologation d'indication géographique « savon de Marseille » n° 17-005 déposée le 26 décembre 2017 et modifiée par elle le 23 mars 2018 visant à protéger des savons sous forme solide, liquide ou pâteuse produits par saponification sur le territoire français à savoir l'ensemble des départements de France Métropolitaine et d'Outre-mer ;
Aux motifs que l'ASDMF a déposé le 26 décembre 2017 auprès de l'INPI une demande d'homologation de son cahier des charges "Savon de Marseille" en vue de l'obtention d'une indication géographique protégée industrielle et artisanale (IGPIA), étant rappelé que l'IGPIA résulte de l'homologation par l'INPI d'un cahier des charges ; que le directeur de l'INPI ayant, rejeté le 22 mai 2018 sa demande d'homologation, l'ASDMF a formé recours à l'encontre de cette décision qui retient que sa demande n'est pas complète et que le cahier des charges ne répond donc pas aux conditions prévues par les textes ; que l'ASDMF a maintenu dans le dispositif de son mémoire récapitulatif sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la communication des observations éventuelles de la Commission européenne formulées dans le cadre des procédures d'homologation des cahiers des charges soumis par l'UPSM (Union des Professionnels du Savon de Marseille) et l'AFSM (Association des Fabricants de Savon de Marseille), mais reconnaît que l'INPI a communiqué les deux avis circonstanciés de la Commission européenne dont s'agit et que sa demande de sursis à statuer n'a plus lieu d'être ; que ces avis concernent des demandes d'homologation après réalisation d'enquêtes publiques (2° de l'alinéa 2 de l'article L. 721-3 du code de la propriété intellectuelle) ; que le présent recours tend à l'annulation de la décision de rejet de la demande d'homologation lors de la phase antérieure de vérification du contenu du cahier des charges (1° de l'alinéa 2 de l'article L.721-3 précité), et subsidiairement à son infirmation, étant précisé que, contrairement à ce que soutient la requérante, la cour ne peut dans le cadre du présent recours que rejeter ledit recours ou annuler la décision déférée sans pouvoir y substituer sa propre décision ; qu'il sera rappelé que la décision d'homologation est prise par l'INPI après en premier lieu la vérification du contenu du cahier des charges, l'article R. 721-2 du code de la propriété intellectuelle prévoyant que lorsque le dossier déposé est incomplet l'INPI accompagne notamment la notification de réception du dossier, s'il y a lieu, d'une demande de compléments sur les éléments du dossier mentionnés à l'article R 721-1, le déposant devant alors adresser les éventuels compléments demandés, sous peine de rejet de la demande ; qu'il résulte du 3° du II du dit article R.721-1 que le dossier de demande d'homologation comprend le projet de cahier des charges de l'indication géographique comportant l'ensemble des précisions prévues à l'article L.721-7, soit en particulier le nom de l'indication géographique demandé, le produit concerné, la délimitation de la zone géographique associée, ainsi que la qualité, la réputation, le savoir-faire traditionnel ou les autres caractéristiques que possède le produit concerné et qui peuvent être attribuées essentiellement à cette zone géographique, ainsi que les éléments établissant le lien entre le produit et la zone géographique associée ; il ne peut pas dès lors être sérieusement soutenu que l'INPI n'aurait pas le pouvoir dans le cadre de la vérification du contenu du cahier des charges d'apprécier le caractère éventuellement incomplet du dossier déposé sous peine de rejet de la demande, ni que pourrait être considéré comme complet un dossier comprenant un projet de cahier des charges qui ne comporterait pas l'ensemble des précisions susvisées. ; qu'en l'espèce l'INPI, après avoir reçu le projet de cahier des charges, a adressé à l'ASDMF le 26 février 2018 une notification "d'incomplétude" précisant que des précisions méritaient d'être apportées, y annexant une demande de compléments, visant notamment les points2 à 4 du cahier des charges relatifs respectivement au nom de l'indication géographique, au produit concerné, et à la présentation du produit ; qu'il ressort du courrier du 23 mars 2018 de transmission du cahier des charges ensuite "mis à jour"par l'ASDMF que celle-ci n'a entendu apporter des modifications que sur le point 4, n'acceptant pas la position de l'INPI sur les points 2 et 3 arguant d'un traitement discriminatoire de sa demande, s'agissant de la zone géographique, et de l'absence de critère objectif et uniforme, s'agissant du produit concerné ; qu'or l'INPI avait relevé sur ces deux points respectivement : - que la dénomination retenue était "Savon de Marseille", que le nom de Marseille pouvait difficilement à lui seul caractériser la zone géographique choisie qui est la France entière et qu'en l'état la dénomination proposée ne répondait pas à la définition d'une indication géographique car ne permettant pas de caractériser la zone géographique, - qu'une demande d'indication géographique ne peut porter que sur un produit unique alors que le projet de cahier des charges prévoit que le produit concerné peut exister sous formes solide, liquide ou pâteuse et peut être issu de réactifs différents selon des procédés différents ; que c'est dans ces circonstances, que la décision de rejet critiquée a été rendue par le directeur général de l'INPI qui a notamment relevé que : - la demande ne répondait manifestement pas à la définition d'une indication géographique, faute d'adéquation entre le nom de l'indication géographique demandée et la délimitation de la zone géographique, [Localité 3] ne caractérisant pas la France entière, le procédé décrit apparaissant en outre reproductible en tout lieu et portant sur des produits issus de réactifs distincts selon des précédés différents, - le projet de cahier des charges ne comprenait pas d'éléments de nature à établir que les savons liquides et pâteux présentaient une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques pouvant être attribuées "essentiellement à cette zone géographique" ; que l'ASDMF reproche à l'INPI d'avoir ainsi porté un jugement de valeur discrétionnaire sur le fond du cahier des charges qui selon elle contenait l'ensemble des éléments formels nécessaires ; que l'INPI s'est toutefois prononcé dans le cadre d'une demande d'IGPIA, laquelle constitue la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique, ce qui suppose des éléments quant à un lien entre le produit concerné et la zone géographique délimitée associée ; qu'or ensuite de la demande de compléments faite par l'INPI, pour l'IGPIA "Savon de Marseille" sollicitée, le produit concerné est selon le point 3 du cahier des charges « le savon lié à la qualification "de Marseille" qui regroupe le savon sous sa forme dure dit "Savon de Marseille", mais aussi son évolution sous forme liquide dite "savon liquide de Marseille" et son évolution sous forme pâteuse "Savon pâte de Marseille" » et la délimitation de la zone géographique est la zone France selon le point 4 du dit cahier des charges, lequel vise un savoir-faire historiquement répandu sur l'ensemble du territoire national, une absence de terroir des matières premières, et un procédé de fabrication « qui trouve son origine sur l'ensemble du territoire Français et bien au-delà » ; qu'il y est fait état d'un "procédé Marseillais" qui « doit sa naissance à l'invention de la soude caustique [...] la première unité étant établie à [Localité 5] près de [Localité 4] », qui « est surtout le résultat de l'ensemble des savonniers français », de plusieurs décisions judiciaires ayant retenu que le terme "savon de Marseille" n'était pas attaché à un lieu et de considérations de l'administration et de la doctrine sur ce point ; que nonobstant la demande de compléments d'éléments, le cahier de charges quoique concernant la dénomination "savon de Marseille" qui vise manifestement une seule ville de France associant le produit à cette commune précise que la délimitation de la zone géographique associée serait néanmoins la zone France, le produit concerné étant fabriqué sur l'ensemble du territoire national, résultant d'un savoir-faire historiquement répandu sur l'ensemble du dit territoire et d'un procédé trouvant son origine sur l'ensemble de ce même territoire ; qu'il s'infère de ces observations que le dossier de demande d'homologation de l'ASDMF en vue de l'obtention de l'IGPIA dont s'agit demeurait incomplet au sens des articles susvisés, sans qu'il y ait lieu d'examiner le second point de la décision du directeur général de l'INPI, lequel a dès lors pu rejeter la demande d'homologation, sans excéder ses pouvoirs ; qu'il ne peut pas plus être retenu une rupture de l'égalité de traitement avec d'autres demandes concernant la même dénomination, comprenant le nom de [Localité 3], pour lesquelles une enquête publique a pu être réalisée, dans la mesure où celles-ci y associaient, ainsi qu'il ressort des avis précités de la Commission européenne, une zone délimitée au sein de la zone France et située dans le sud comme l'est la ville de [Localité 3], sans rapport avec la zone géographique choisie par l'ASDMF, étendue à l'ensemble du territoire national ; que le présent recours à l'encontre de la décision du directeur de l'INPI ne saurait en conséquence prospérer et il sera donc rejeté ;
Alors 1°) que les articles L.721-2 et L.721-3 du code de la propriété intellectuelle méconnaissent les droits et libertés que la Constitution garantit et, en particulier, le principe d'égalité et de non-discrimination devant la loi ; que l'abrogation de ces articles qui viendra à être prononcée par le Conseil constitutionnel saisi par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité posée à l'occasion du présent pourvoi privera de fondement juridique l'arrêt attaqué ;
Alors 2°) que les articles L.721-3 et L.721-7 du code de la propriété intellectuelle méconnaissent le principe résultant de l'article 34 de la Constitution selon lequel l'incompétence négative du législateur ne doit pas affecter un droit ou une liberté que la Constitution garantit, en l'occurrence le principe d'égalité et de non-discrimination devant la loi définit à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, à la Constitution de 1958 et au Préambule de la Constitution de 1946 ; que l'abrogation de ces articles qui viendra à être prononcée par le Conseil constitutionnel saisi par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité posée à l'occasion du présent pourvoi privera de fondement juridique l'arrêt attaqué ;
Alors 3°) qu'aux termes de l'article L.721-2 du code de la propriété intellectuelle : « Constitue une indication géographique la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu'agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique. Les conditions de production ou de transformation de ce produit, telles que la découpe, l'extraction ou la fabrication, respectent un cahier des charges homologué par décision prise en application de l'article L. 411-4 » ; que cet article n'exige pas qu'il existe une corrélation entre la dénomination du produit et la dénomination de la zone géographique figurant dans le cahier des charges ; qu'en affirmant que le cahier des charges était incomplet au motif qu'il concernait la dénomination « savon de Marseille » qui visait une seule ville et que la zone géographique associée était la France, la cour d'appel a violé l'article L.721-2 du code de propriété intellectuelle ;
Alors 4°) qu'aux termes de l'article L.721-2 du code de la propriété intellectuelle : « Constitue une indication géographique la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu'agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique. Les conditions de production ou de transformation de ce produit, telles que la découpe, l'extraction ou la fabrication, respectent un cahier des charges homologué par décision prise en application de l'article L. 411-4 » ; que cet article n'interdit pas que la zone géographique corresponde à l'ensemble du territoire français ; qu'en affirmant que le cahier des charges était incomplet au motif que la zone géographique désignée était la zone France dans son ensemble, la cour d'appel a violé l'article L.721-2 du code de propriété intellectuelle ;
Alors 5°) que selon l'article L.721-3 du code de la propriété intellectuelle la décision d'homologation est prise après d'une part, la vérification du contenu du cahier des charges et de la représentativité des opérateurs au sein de l'organisme de défense et de gestion et d'autre part, après la réalisation d'une enquête publique ; que l'INPI n'a pas le pouvoir, dans le cadre de la vérification du contenu du cahier des charges, de porter une appréciation sur la détermination de zone géographique ; qu'en affirmant que le directeur de l'INPI n'avait pas excédé ses pouvoirs en rejetant le recours de l'association Savon de Marseille au motif que la demande ne répondait pas à la définition d'une indication géographique, pour en déduire que le cahier des charges était incomplet, portant ainsi une appréciation sur la délimitation de la zone géographique choisie, alors que cette appréciation ne pouvait être donnée qu'après l'organisation d'une enquête publique et d'une consultation, la cour d'appel a violé les articles L.721-3 et L.721-7, R.721-1, R.721-2, et R.721-5 du code de la propriété intellectuelle. | Pour bénéficier d'une indication géographique protégeant un produit industriel ou artisanal, les conditions de production ou de transformation de ce produit doivent respecter un cahier des charges qui, selon les articles L. 721-2 et L. 721-7 du code de la propriété intellectuelle, doit préciser la délimitation de la zone géographique ou du lieu déterminé associé à l'indication géographique, à laquelle peuvent être attribuées essentiellement une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques de ce produit.
Ce cahier des charges devant être homologué par décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), il entre donc dans les pouvoirs de celui-ci de rejeter, préalablement à toute enquête publique et consultation, une demande d'homologation d'un cahier des charges incomplet.
Est incomplet un cahier des charges qui associe, dans sa dénomination, un produit à une ville de France mais vise, comme zone géographique, l'ensemble du territoire national, de sorte que le produit n'est en réalité associé à aucune aire géographique ni lieu déterminé |
7,610 | COMM.
DB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation partielle sans renvoi
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 197 FS-B
Pourvoi n° J 20-16.257
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 MARS 2022
La société Joul, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], ayant comme nom commercial ek Wateur, a formé le pourvoi n° J 20-16.257 contre l'arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à la Commission de régulation de l'énergie, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Enedis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Joul, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la Commission de régulation de l'énergie, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Enedis, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires ; après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mmes Darbois, Champalaune, Michel-Amsellem, conseillers, M. Blanc, Mme Comte, Bessaud, Bellino, MM. Maigret, Régis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2020), le 24 février 2016, la société Joul, fournisseur d'électricité sur le marché de détail, a conclu avec la société Enedis, gestionnaire du réseau de distribution (GRD), une convention d'accès au réseau de distribution qui ne prévoyait pas de contrepartie financière aux prestations de gestion de clientèle mises à la charge de la première pour le compte de la seconde. Le 7 septembre 2016, la société Joul a demandé à la société Enedis la mise en place d'un contrat de prestation de services de gestion de clientèle (CPS).
2. Le 4 avril 2017, reprochant à la société Enedis de ne pas accéder à sa demande, la société Joul a saisi le Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie (le Cordis) afin qu'il constate une infraction au principe de non-discrimination et la rétablisse dans ses droits en enjoignant à la société Enedis de lui transmettre le CPS réclamé.
3. Le 30 décembre 2017, a été adoptée la loi n° 2017-1839, qui a créé, au sein du code de l'énergie, l'article L. 341-4-3 prévoyant que les prestations de gestion de clientèle réalisées par les fournisseurs d'électricité pour le compte des gestionnaires de réseaux de distribution dans le cadre de l'exécution des contrats portant sur l'accès aux réseaux et la fourniture d'électricité puissent donner lieu à une rémunération, dont les éléments et le montant seraient fixés par la Commission de régulation de l'énergie (la CRE), et l'article L. 452-3-1,II disposant que, « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les conventions relatives à l'accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux [...] et les fournisseurs d'électricité, en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce qu'elles imposent aux fournisseurs la gestion de clientèle pour le compte des gestionnaires de réseaux ou laissent à la charge des fournisseurs tout ou partie des coûts supportés par eux pour la gestion de clientèle effectuée pour le compte des gestionnaires de réseaux antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi. Cette validation n'est pas susceptible de donner lieu à réparation ».
4. Par une décision n° 08-38-17 du 13 juillet 2018, le Cordis a dit :
« - article 1er : La société Enedis a méconnu son obligation de traitement non discriminatoire prévu à l'article L. 322-8 du code de l'énergie en refusant de faire droit à la demande de la société Joul du 7 septembre 2016 tendant à l'octroi d'une rémunération au titre des prestations fournies pour son compte, tandis que d'autres fournisseurs en bénéficiaient conformément à l'article L. 224-8 du code de la consommation.
- article 2 : Le surplus des demandes de la société Joul est rejeté. »
5. La société Enedis a formé un recours contre cette décision, en demandant l'annulation, subsidiairement la réformation, de son article 1er.
6. La société Joul a, par voie d'observations, demandé à la cour d‘appel de mettre fin à la situation discriminatoire qu'elle subissait en enjoignant à la société Enedis de lui communiquer, sous astreinte, un CPS dans les mêmes conditions de rémunération et de durée que ceux proposés aux autres fournisseurs alternatifs, à compter du 1er juin 2016.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. La société Joul fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors :
« 1°) que les dispositions du code de procédure civile ne cèdent que devant les dispositions expressément contraires du code de l'énergie ou aménageant des modalités propres à l'exercice des recours contre les décisions du Cordis ; qu'en l'espèce, si l'article R. 134-21 du code de l'énergie prévoit que ces recours sont formés, instruits et jugés par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, il ne contient aucune disposition relative à la possibilité de former un recours incident contre la décision du Cordis, de sorte que ce recours peut être formé conformément aux articles 548, 550 et 551 du code de procédure civile, situés au titre XVI du livre 1er du même code ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble les principes d'équivalence et d'effectivité du droit de l'Union européenne ;
2°) que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que le droit à un procès équitable implique l'accès au juge ; qu'en l'espèce, en jugeant que le défendeur à un recours formé sur le fondement de l'article L. 134-21 du code de l'énergie ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief qu'à la condition d'avoir formé lui-même un recours dans les formes et délai prescrits aux articles R. 134-21 et R. 134-22 du même code, de sorte qu'aucun recours incident ne peut être formé contre une décision prise par le Cordis, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) qu'en jugeant que la société Joul ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief faute pour celle-ci d'avoir formé un recours dans les formes et délai prescrits par les articles L. 134-21, R. 134-21 et R. 134-22 du code de l'énergie, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si, en tant que conséquence de la violation par la société Enedis de son obligation de traitement non discriminatoire, telle que jugée par l'article 1 de la décision attaquée, la demande incidente tendant à la réformation la décision attaquée en ce que son article 2 a refusé de mettre un terme effectif à cette discrimination en enjoignant à la société Enedis de transmettre à la société Joul un projet de contrat de prestations de services équivalent à ceux signés avec les autres fournisseurs, n'était pas rattachée aux prétentions originaires par un lien suffisant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 70 et 567 du code de procédure civile ;
4°) que l'effet dévolutif opère pour le tout si l'objet du litige est indivisible, et ce même si l'appel est limité ; qu'en l'espèce, en jugeant que la société Joul ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief faute pour celle-ci d'avoir formé un recours dans les formes et délais prescrits par les articles L. 134-21, R. 134-21 et R. 134-22 du code de l'énergie, lorsque sont indivisibles les demandes tendant, d'une part, au constat tiré d'une pratique discriminatoire imputable à la société Enedis, d'autre part, à ce qu'il soit mis un terme à cette discrimination, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. L'arrêt énonce qu'aux termes des articles L. 134-21 et L. 134-24 du code de l'énergie, les décisions prises par le Cordis sont susceptibles d'un recours en annulation ou en réformation relevant de la compétence de la cour d'appel de Paris, que, selon l'article R. 134-21 du code de l'énergie, ces recours sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions de ce code, par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile et qu'aux termes de l'article R. 134-22 du même code, le recours est formé dans le délai d'un mois par déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d'appel de Paris contre récépissé, qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, la déclaration précise l'objet du recours et contient un exposé sommaire des moyens et que s'agissant du recours dirigé contre les décisions du Cordis autres que les mesures conservatoires, l'exposé complet des moyens doit, sous peine de la même sanction, être déposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration. Il retient que, s'agissant d'un recours et non d'un appel, l'application de la procédure d'appel est expressément exclue et que les décisions prises par le Cordis ne peuvent être contestées que par la voie du recours spécifique que les dispositions précitées prévoient. Il constate que les demandes de la société Joul ont été formées par voie d'observations, au surplus au-delà du délai de recours d'un mois. En cet état, c'est exactement, et sans porter atteinte à la substance du droit de la société Joul d'accéder à un juge, que la cour d‘appel a retenu que, faute d'avoir formé elle-même un recours dans les formes et délais prescrits par les articles R. 134-21 et R. 134-22 du code de l'énergie, cette société était irrecevable en ses demandes.
9.Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
10. La société Joul fait grief à l'arrêt d'annuler l'article 1er de la décision du Cordis n° 08-38-17 du 13 juillet 2018 et, statuant à nouveau, de rejeter son moyen tendant à faire juger que la société Enedis a méconnu son obligation de traitement non discriminatoire, alors :
« 1°/ qu'en jugeant que l'article 13 de la loi du 30 décembre 2017, codifié à l'article L. 452-3-1 II du code de l'énergie, empêchait le Cordis d'accueillir le moyen pris du manquement de la société Enedis à son obligation de traitement non discriminatoire, lorsque celui-ci dispose que « sont validées » les conventions relatives à l'accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux de distribution et les fournisseurs d'électricité, de sorte qu'il ne saurait priver la société Joul de la possibilité de faire constater l'existence d'une pratique discriminatoire résultant, comme en l'espèce, du refus de la société Enedis d'octroyer une rémunération au titre des prestations de gestion de clientèle fournies pour son compte par son cocontractant, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article L. 322-8 du code de l'énergie ;
2°/ qu' en jugeant que l'article 13 de la loi du 30 décembre 2017, entré en vigueur le 1er janvier 2018, empêchait le Cordis d'accueillir le moyen pris du manquement de la société Enedis à son obligation de traitement non discriminatoire, lorsque la demande litigieuse de la société Joul a été introduite devant le Cordis le 4 avril 2017, de sorte qu'elle était antérieure à l'entrée en vigueur de la disposition précitée, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article L. 322-8 du code de l'énergie et l'article 1er du code civil. »
Réponse de la Cour
11. Ayant relevé, d'abord, qu'au soutien de sa demande de conclusion d'un CPS, la société Joul invoquait un traitement discriminatoire résultant de ce que la convention conclue le 24 février 2016 ne prévoyait pas de contrepartie financière aux prestations de gestion de clientèle qu'elle devait effectuer pour le compte de la société Enedis, ce que l'article L. 452-3-1, II, du code de l'énergie, issu de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017, avait précisément pour objet de valider tout en excluant toute action en réparation de ce chef, puis constaté, ensuite, que ce texte était en vigueur à la date à laquelle le Cordis s'était prononcé, ce dont il résulte que le différend opposant la société Joul à la société Enedis n'avait pas fait l'objet d'une décision passée en force de chose jugée à la date d'entrée en vigueur de cette loi, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le différend soumis au Cordis entrait dans les prévisions de ce texte.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
13. La société Joul fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en privant les fournisseurs d'électricité de la possibilité de faire constater l'existence d'une pratique discriminatoire résultant du fait que certains d'entre eux ont été contraints de supporter des coûts au titre de prestations effectuées pour le compte du gestionnaire de réseau, et ce sans qu'aucune mesure de réparation telle qu'une compensation financière puisse leur être octroyée, l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie est contraire à la directive 2009/72/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, laquelle impose aux autorités de régulation de mettre un terme aux situations discriminatoires ; qu'en ne laissant pas inappliquées ces dispositions de droit national, la cour d'appel a violé la directive 2009/72/CE, l'article 20 de la Charte des droits fondamentaux, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
Vu le principe de primauté du droit de l'Union et les articles 32, § 1, et 37, §10, de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité :
14. Par un arrêt du 9 mars 1978, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que « le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure » (CJCE, Administration des finances de l'Etat / société anonyme Simmenthal, 9 mars 1978, 106/77).
15. La CJUE juge également que « dans tous les cas où des dispositions d'une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées à défaut de mesures d'application prises dans les délais, à l'encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu' elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'Etat » (CJCE,19 janvier 1982, Becker, 8/81).
16. Aux termes de l'article 32, § 1 de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, les États membres veillent à ce que soit mis en place, pour tous les clients éligibles, y compris les entreprises de fourniture, un système d'accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution. Ce système, fondé sur des tarifs publiés, doit être appliqué objectivement et sans discrimination entre les utilisateurs du réseau.
17. Aux termes de l'article 37, § 10, de cette même directive, les autorités de régulation sont habilitées à demander que les gestionnaires de réseau de transport et de distribution modifient au besoin les conditions, y compris les tarifs ou les méthodes visés au présent article, pour faire en sorte que ceux-ci soient proportionnés et appliqués de manière non discriminatoire.
18. Dans un arrêt du 29 septembre 2016, Essent, C-492/14, point 78, la CJUE a énoncé que « l'article 16 [de la directive 96/92 du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité] interdit ainsi aux États membres d'organiser l'accès au réseau de distribution d'une manière discriminatoire, une telle interdiction portant, de manière générale, sur toutes discriminations, en ce comprises, partant, d'éventuelles discriminations sur le plan du coût à supporter pour l'utilisation du réseau de distribution. »
19. Interprétée à la lumière de cet arrêt, l'interdiction de discrimination tarifaire résultant de la directive précitée s'oppose à une pratique consistant, sans justification objective, à accorder une rémunération à certains fournisseurs assurant des services au gestionnaire du réseau de distribution tout en la refusant à d'autres rendant ces mêmes services, créant ainsi, pour l'utilisateur de ce réseau, une discrimination au regard du coût à supporter.
20. Après avoir retenu que l'article L. 452-3-1 II du code de l'énergie, issu de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017, était applicable au litige, l'arrêt annule l'article 1er de la décision du Cordis n° 08-38-17 et, statuant à nouveau, rejette le moyen de la société Joul tendant à faire juger que la société Enedis avait méconnu son obligation de traitement non discriminatoire.
21. En statuant ainsi, alors qu'en ce qu'il interdit toute action en réparation au titre de la pratique discriminatoire précitée, l'article L. 452-3-1,II du code de l'énergie, qui en maintient les effets, est contraire aux dispositions de la directive 2009/72/CE, la cour d'appel, qui aurait dû laisser ce texte inappliqué, a violé le principe et les textes susvisés.
22. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation des dispositions en cause, il n'y a pas lieu de saisir la CJUE des questions préjudicielles proposées par la société Joul.
Portée et conséquences de la cassation
23. Après avis donné aux parties, complété par un courriel du 17 janvier 2022, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
24. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
25. Selon les informations fournies par la société Enedis au Cordis à l'occasion du présent différend, à la date du 1er juin 2016, six fournisseurs d'électricité avaient conclu avec elle un CPS pour la rémunération des frais de gestion de clientèle. La société Joul, qui a demandé, le 7 septembre 2016, à conclure un contrat similaire en raison des services qu'elle était amenée à rendre dans le cadre de l'exécution du contrat unique avec les consommateur, n'a pu obtenir satisfaction.
26. La société Enedis, qui n'a fait valoir aucun motif justifiant une telle différence de traitement entre les fournisseurs d'électricité, autre que celui invoqué devant la cour d'appel tiré de la date à laquelle ces fournisseurs avaient formulé une demande de CPS, sans pertinence avec la discrimination invoquée, il doit être retenu, ainsi que l'a décidé le Cordis dans sa décision n° 08-38-17 du 13 juillet 2018, qu'en refusant de faire droit à la demande de la société Joul tendant à bénéficier d'un contrat permettant le versement d'une compensation pour les services de gestion de clientèle accomplis au bénéfice de la société Enedis, celle-ci a méconnu son obligation de traitement non discriminatoire énoncée par l'article L. 322-8, 4° du code de l'énergie, de sorte que le recours formé par la société Enedis contre cette décision doit être rejeté.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule l'article 1er de la décision du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n° 08-38-17 du 13 juillet 2018 et, statuant à nouveau, rejette le moyen de la société Joul tendant à faire juger que la société Enedis a méconnu son obligation de traitement non discriminatoire, et en ce qu'il statue sur les dépens, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE le recours formé par la société Enedis contre la décision du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n° 08-38-17 du 13 juillet 2018 sur le différend qui l'oppose à la société Joul ;
Condamne la société Enedis aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Enedis et la Commission de régulation de l'énergie et condamne la société Enedis à payer à la société Joul la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Joul.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir annulé l'article 1er de la décision du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n° 08-38-17 du 13 juillet 2018 sur le différend qui oppose la société Joul à la société Enedis, relatif à la conclusion d'un contrat de prestations de gestion de clientèle en contrat unique et d'avoir, statuant à nouveau, rejeté le moyen de la société Joul tendant à faire juger que la société Enedis a méconnu son obligation de traitement non discriminatoire ;
Aux motifs que « Aux termes de l'article L.452-3-1, II, alinéa 1er, du code de l'énergie, dans sa rédaction issue de l'article 13 de la loi du 30 décembre 2017, "[s]ous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les conventions relatives à l'accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux de distribution mentionnés à l'article L. 111-52 du code de l'énergie et les fournisseurs d'électricité, en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce qu'elles imposent aux fournisseurs la gestion de clientèle pour le compte des gestionnaires de réseaux ou laissent à la charge des fournisseurs tout ou partie des coûts supportés par eux pour la gestion de clientèle effectuée pour le compte des gestionnaires de réseaux antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi."
Cette disposition, en vigueur à la date à laquelle le CoRDiS s'est prononcé sur le différend opposant la société Enedis à la société Joul, a eu pour effet de valider la convention d'accès au réseau conclu entre elles le 24 février 2016 en ce que cette convention ne prévoyait pas de contrepartie financière aux prestations de gestion de clientèle en contrat unique qu'elle mettait à la charge du fournisseur pour le compte de la société Enedis.
Il en résulte qu'à la date à laquelle le CoRDiS a tranché le différend, la société Joul ne pouvait plus prétendre à la conclusion d'un CPS aux fins d'être rémunérée des prestations de gestion de clientèle qu'elle avait fournies à la société Enedis avant le 1er janvier 2018, et n'était plus fondée à invoquer, pour obtenir la conclusion de ce contrat, la discrimination qu'elle prétendait subir du fait de l'absence de rémunération.
Il s'ensuit que le CoRDiS a commis une erreur de droit en accueillant le moyen pris du manquement de la société Enedis à son obligation de traitement non discriminatoire que la société Joul avait présenté au soutien de sa demande de conclusion de CPS.
Il y a donc lieu, pour ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens, d'annuler l'article 1er de la décision attaquée, et statuant à nouveau, par l'effet dévolutif du recours, de rejeter le moyen de la société Joul tendant à faire constater que la société Enedis a manqué à son obligation de traitement non discriminatoire. » ;
1°) Alors que, d'une part, en jugeant que l'article 13 de la loi du 30 décembre 2017, codifié à l'article L. 452-3-1 II du code de l'énergie, empêchait le CoRDiS d'accueillir le moyen pris du manquement de la société ENEDIS à son obligation de traitement non discriminatoire, lorsque celui-ci dispose que « sont validées » les conventions relatives à l'accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux de distribution et les fournisseurs d'électricité, de sorte qu'il ne saurait priver la société JOUL de la possibilité de faire constater l'existence d'une pratique discriminatoire résultant, comme en l'espèce, du refus de la société ENEDIS d'octroyer une rémunération au titre des prestations de gestion de clientèle fournies pour son compte par son cocontractant, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article L. 322-8 du code de l'énergie ;
2°) Alors que, d'autre part, en tout état de cause, en jugeant que l'article 13 de la loi du 30 décembre 2017, entré en vigueur le 1er janvier 2018, empêchait le CoRDiS d'accueillir le moyen pris du manquement de la société ENEDIS à son obligation de traitement non discriminatoire, lorsque la demande litigieuse de la société JOUL a été introduite devant le CoRDiS le 4 avril 2017, de sorte qu'elle était antérieure à l'entrée en vigueur de la disposition précitée, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article L. 322-8 du code de l'énergie et l'article 1er du code civil ;
3°) Alors que, de troisième part, à titre subsidiaire, en privant les fournisseurs d'électricité de la possibilité de faire constater l'existence d'une pratique discriminatoire résultant du fait que certains d'entre eux ont été contraints de supporter des coûts au titre de prestations effectuées pour le compte du gestionnaire de réseau, et ce sans qu'aucune mesure de réparation telle qu'une compensation financière puisse leur être octroyée, l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie est contraire à la directive 2009/72/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, laquelle impose aux autorités de régulation de mettre un terme aux situations discriminatoires ; qu'en ne laissant pas inappliquées ces dispositions de droit national, la cour d'appel a violé la directive 2009/72/CE, l'article 20 de la Charte des droits fondamentaux, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;
4°) Alors que, de quatrième part, en permettant à la société ENEDIS d'exploiter sa position dominante de façon abusive en procédant, entre autres, à l'application à ses partenaires commerciaux de conditions inégales pour des prestations équivalentes, l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie est contraire à l'article 102 c) TFUE, duquel il résulte que sont incompatibles avec le droit de l'Union les pratiques qui consistent à appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; qu'en ne laissant pas inappliquées ces dispositions de droit national, la cour d'appel a violé l'article 102 du TFUE, ensemble le principe de de coopération loyale, prévu par l'article 4 § 3 TUE, et celui de primauté du droit de l'Union européenne ;
5°) Alors que, de cinquième part, en permettant à la société ENEDIS d'exploiter sa position dominante de façon abusive en procédant, entre autres, à l'application à ses partenaires commerciaux de conditions inégales pour des prestations équivalentes, l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie est contraire aux articles 102 et 106 du TFUE, desquels il résulte notamment qu'un Etat membre ne saurait prendre une mesure législative qui crée une situation dans laquelle une entreprise publique ou une entreprise à laquelle il a conféré des droits spéciaux ou exclusifs est amenée, par le simple exercice des droits privilégiés qui lui ont été conférés, à pouvoir exploiter sa position dominante de façon abusive ; qu'en ne laissant pas inappliquées ces dispositions de droit national, la cour d'appel a violé les articles 102 et 106 du TFUE, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;
6°) Alors que, de sixième part, le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire d'un litige ; que des considérations financières dont la consistance est au surplus établie de façon hypothétique ne sauraient constituer un tel motif impérieux ; qu'en l'espèce, en appliquant au litige l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie lorsque, ayant pour objet et pour effet de priver les fournisseurs d'électricité de leur droit subjectif à indemnisation, tel qu'il résultait de la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris ainsi que du Conseil d'Etat, cette disposition n'était motivée que par des considérations financières au surplus hypothétiques car insuffisamment étayées, la cour d'appel a violé l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7°) Alors que, de septième part, à titre subsidiaire, à supposer que des considérations purement financières puissent constituer des motifs impérieux d'intérêt général de nature à justifier une ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice, encore faut-il que l'atteinte portée au droit au procès équitable des requérants soit proportionnée ; que tel n'est pas le cas lorsque la mesure de validation litigieuse n'exclut pas de son champ d'application les instance déjà en cours à la date de son entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, en appliquant au litige opposant la société JOUL à la société ENEDIS l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie, tel qu'il résulte de la loi du 30 décembre 2017, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, lorsqu'elle constatait que le CoRDiS avait été saisi dès le 4 avril 2017, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit au procès équitable garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8°) Alors que, de huitième part, le droit au respect des biens tel que garanti par l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention EDH s'oppose, sauf cause d'utilité publique, à l'adoption d'une loi de validation ayant pour objet et pour effet de priver un requérant qui, en l'état de la jurisprudence applicable avant l'entrée en vigueur de cette loi, pouvait légitimement espérer disposer d'un droit à créance ; que des considérations financières dont la consistance est au surplus établie de façon hypothétique ne sauraient constituer une telle cause ; qu'en l'espèce, en appliquant au litige l'article L. 452-3-1 II du code de l'énergie lorsque, privant les fournisseurs d'électricité de leur droit subjectif à indemnisation, tel qu'il résultait de la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris ainsi que du Conseil d'Etat, cette disposition constituait une ingérence injustifiée dans le droit au respect des biens de la société JOUL, la cour d'appel a violé l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 17, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
9°) Alors que, de neuvième part, à titre subsidiaire, à supposer qu'une mesure de validation soit justifiée par une cause d'utilité publique au sens de l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention EDH, encore faut-il que l'atteinte portée au droit au respect des biens soit proportionnée ; que tel n'est pas le cas lorsque la mesure de validation litigieuse n'exclut pas de son champ d'application les instance déjà en cours à la date de son entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, en appliquant au litige opposant la société JOUL à la société ENEDIS l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie, tel qu'il résulte de la loi du 30 décembre 2017, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, lorsqu'elle constatait que le CoRDiS avait été saisi dès le 4 avril 2017, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété tel que garanti par l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 17, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes de la société JOUL ;
Aux motifs que « Aux termes de l'article L.134-21 du code l'énergie, les décisions prises par le CoRDiS sont susceptibles d'un recours en annulation ou en réformation, lequel, précise l'article L.134-24 du même code, est de la compétence de la cour d'appel de Paris.
Selon l'article R.134-21 du code de l'énergie, ces recours sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du présent titre, par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, dispositions qui régissent la procédure d'appel.
L'article R.134-22 du même code dispose :
"Le recours est formé dans le délai d'un mois par déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d'appel de Paris contre récépissé. A peine d'irrecevabilité prononcée d'office, la déclaration précise l'objet du recours et contient un exposé sommaire des moyens. S'agissant du recours dirigé contre les décisions du comité de règlement des différends et des sanctions autres que les mesures conservatoires, l'exposé complet des moyens doit, sous peine de la même sanction, être déposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration."
Il résulte de ces dispositions, qui visent toutes un recours, et non un appel, et qui excluent expressément l'application de la procédure d'appel, que les décisions prises par le CoRDiS ne peuvent être contestées que par la voie du recours spécifique qu'elles prévoient.
Dès lors, le défendeur à un recours ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief qu'à la condition d'avoir formé lui-même un recours dans les formes et délai prescrits aux articles R. 134-21 et R. 134-22 du code de l'énergie.
Les demandes de la société Joul tendant à la réformation de l'article 2 de la décision attaquée sont donc irrecevables, en application des dispositions de l'article R. 134-22 du code de l'énergie dont la société Joul ne discute ni l'application ni les conséquences, tant en ce qu'elles ont été présentées par voie d'observations en défense qu'en ce qu'elles ont été déposées le 8 décembre 2018, soit au-delà du délai d'un mois prévu pour exercer un recours contre les décisions du CoRDiS.
La circonstance que la société Enedis n'a pas contesté l'intervention volontaire de la société Joul devant le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de validation figurant à l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie, question posée dans le cadre d'un litige opposant la société Enedis à un autre fournisseur, est inopérante à établir la renonciation de cette dernière à se prévaloir, dans la présente procédure, de l'irrecevabilité des demandes de la société Joul faites en violation des formes et délai prescrits.
En conséquence de l'irrecevabilité de la demande principale de la société Joul, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens pris de l'applicabilité au litige ou de l'inconventionnalité de l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie, ni la demande subsidiaire tendant à saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'un renvoi préjudiciel. » ;
1°) Alors que, d'une part, les dispositions du code de procédure civile ne cèdent que devant les dispositions expressément contraires du code de l'énergie ou aménageant des modalités propres à l'exercice des recours contre les décisions du CoRDiS ; qu'en l'espèce, si l'article R. 134-21 du code de l'énergie prévoit que ces recours sont formés, instruits et jugés par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, il ne contient aucune disposition relative à la possibilité de former un recours incident contre la décision du CoRDiS, de sorte que ce recours peut être formé conformément aux articles 548, 550 et 551 du code de procédure civile, situés au titre XVI du livre 1er du même code ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble les principes d'équivalence et d'effectivité du droit de l'Union européenne ;
2°) Alors que, d'autre part, en tout état de cause, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que le droit à un procès équitable implique l'accès au juge ; qu'en l'espèce, en jugeant que le défendeur à un recours formé sur le fondement de l'article L. 134-21 du code de l'énergie ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief qu'à la condition d'avoir formé lui-même un recours dans les formes et délai prescrits aux articles R. 134-21 et R. 134-22 du même code, de sorte qu'aucun recours incident ne peut être formé contre une décision prise par le CoRDiS, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) Alors que, de troisième part, en jugeant que la société JOUL ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief faute pour celle-ci d'avoir formé un recours dans les formes et délai prescrits par les articles L. 134-21, R. 134-21 et R. 134-22 du code de l'énergie, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (conclusions d'appel, pp. 14-16), si, en tant que conséquence de la violation par la société ENEDIS de son obligation de traitement non-discriminatoire, telle que jugée par l'article 1 de la décision attaquée, la demande incidente tendant à la réformation la décision attaquée en ce que son article 2 a refusé de mettre un terme effectif à cette discrimination en enjoignant à la société ENEDIS de transmettre à la société JOUL un projet de contrat de prestations de services équivalent à ceux signés avec les autres fournisseurs, n'était pas rattachée aux prétentions originaires par un lien suffisant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 70 et 567 du code de procédure civile ;
4°) Alors que, de quatrième part, en tout état de cause, l'effet dévolutif opère pour le tout si l'objet du litige est indivisible, et ce même si l'appel est limité ; qu'en l'espèce, en jugeant que la société JOUL ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief faute pour celle-ci d'avoir formé un recours dans les formes et délais prescrits par les articles L. 134-21, R. 134-21 et R. 134-22 du code de l'énergie, lorsque sont indivisibles les demandes tendant, d'une part, au constat tiré d'une pratique discriminatoire imputable à la société ENEDIS, d'autre part, à ce qu'il soit mis un terme à cette discrimination, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile. | Le principe de primauté du droit de l'Union oblige le juge national, chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, à assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure (CJCE, arrêt du 9 mars 1978, Administration des finances de l'Etat/société anonyme Simmenthal, 106/77).
L'article 32 , § 1, de la directive n° 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, interprété conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) fait interdiction aux États membres d'organiser l'accès au réseau de distribution d'une manière discriminatoire, en ce comprises d'éventuelles discriminations sur le plan du coût à supporter pour l'utilisation du réseau de distribution (CJUE, arrêt du 29 septembre 2016, Essent, C-492/14, point 78).
Cette interdiction s'oppose à une pratique qui, en permettant la rémunération de certains fournisseurs assurant des services au gestionnaire du réseau de distribution et en la refusant à d'autres rendant ces mêmes services, sans justification objective, crée une discrimination au regard du coût à supporter pour l'utilisation de ce réseau.
Aux termes de l'article 37, § 10, de cette même directive, les autorités de régulation sont habilitées à demander que les gestionnaires de réseau de transport et de distribution modifient au besoin les conditions, y compris les tarifs ou les méthodes visés au présent article, pour faire en sorte que ceux-ci soient proportionnés et appliqués de manière non discriminatoire.
En conséquence, doit être laissé inappliqué par le juge national l'article L. 452-3-1, II, du code de l'énergie pour l'électricité, issu de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017, qui est contraire aux dispositions de la directive 2009/72/CE en ce qu'il maintient les effets d'une pratique discriminatoire en interdisant toute action en réparation au titre de cette pratique.
Par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, les recours en annulation ou en réformation contre les décisions prises par le Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie (le Cordis) sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de l'énergie. Aux termes de l'article R.134-22 de ce code, le recours doit être formé dans le délai d'un mois, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. C'est donc exactement et sans porter atteinte à la substance du droit d'accès au juge que l'arrêt déclare irrecevables des demandes formées, par voie d'observations, par une partie qui n'a pas formé de recours dans les formes et délais précités |
7,611 | SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation partielle sans renvoi
M. CATHALA, président
Arrêt n° 349 FP-B
Pourvoi n° X 19-20.658
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 MARS 2022
M. [F] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 19-20.658 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [S] [I], domiciliée [Adresse 1], prise en qualité de mandataire ad hoc de M. [N] [V], exerçant sous l'enseigne Atelier auto Glass,
2°/ à l'Unedic, délégation AGS-CGEA de Rouen, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge et de M. Pietton, conseillers, les observations de Me Balat, avocat de M. [E], et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 janvier 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Monge et M. Pietton, conseillers corapporteurs, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Mariette, M. Rinuy, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Cavrois, Ott, Le Lay, conseillers, Mmes Ala, Prache, Chamley-Coulet, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R.421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 17 janvier 2019), M. [E] a été engagé en qualité d'apprenti en carrosserie par M. [V], exploitant d'un garage, suivant contrat d'apprentissage à effet du 1er septembre 2014 au 31 août 2016. Le contrat a été rompu par l'employeur le 31 octobre 2014.
2. Par jugement du 25 août 2015, a été ouverte une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de l'employeur.
3. Contestant la régularité de la rupture, l'apprenti, le 10 décembre 2015, a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de salaires.
4. La procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif le 6 décembre 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'apprenti fait grief à l'arrêt de dire que son indemnité ne donnait pas lieu au paiement de congés payés afférents, alors « que la rupture par l'employeur d'un contrat d'apprentissage hors des cas légalement prévus est sans effet, de sorte que celui-ci est tenu de payer les salaires jusqu'au terme du contrat ; que dans ces conditions, les congés payés sont dus à l'apprenti ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 6222-18 et L. 1242-16 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 6222-18 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 :
6. Selon ce texte, le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage. Passé ce délai, la rupture du contrat, pendant le cycle de formation, ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture du contrat conclu pour une durée limitée ou, pendant la période d'apprentissage, du contrat conclu pour une durée indéterminée, ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes, statuant en la forme des référés, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.
7. Il en résulte que la rupture par l'employeur d'un contrat d'apprentissage hors des cas prévus par l'article susvisé est sans effet. Dès lors, l'employeur est tenu, sauf en cas de mise à pied, de payer les salaires jusqu'au jour où le juge, saisi par l'une des parties, statue sur la résiliation ou, s'il est parvenu à expiration, jusqu'au terme du contrat.
8. Pour fixer la créance de l'apprenti au passif de l'employeur à la somme de 12 201,14 euros à titre d'indemnité pour rupture irrégulière et dire que cette indemnité ne donnait pas lieu au paiement de congés payés afférents, l'arrêt retient que l'apprenti est fondé à obtenir une indemnité équivalente au rappel de salaire jusqu'au terme du contrat, que compte tenu du caractère indemnitaire de cette somme, le salarié ne peut prétendre aux congés payés afférents.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la rupture unilatérale par l'employeur du contrat d'apprentissage était intervenue hors des cas prévus par la loi, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que, la rupture étant sans effet, l'apprenti était fondé à prétendre au paiement des salaires dus jusqu'au terme du contrat, de sorte que ceux-ci ouvraient droit au paiement des congés payés afférents, a violé le texte susvisé.
Et sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
10. L'apprenti fait grief à l'arrêt de dire que l'Unedic, délégation AGS-CGEA de Rouen n'était pas tenue à garantir les sommes qui lui sont dues, alors « que dans ses conclusions d'appel, l'Unedic faisait valoir "qu'aucune fixation de créance ne peut intervenir du fait de la clôture de la procédure, seule pouvant être obtenue une condamnation du débiteur, et le CGEA de Rouen devra donc être purement et simplement mis hors de cause" ; qu'en jugeant que la garantie de l'Unedic n'était pas due, en raison de la clôture de la procédure collective de M. [V], tout en fixant néanmoins la créance de M. [E] au passif de la procédure collective de M. [V], ce dont elle aurait dû déduire que la garantie de l'Unedic était due, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 643-11 du code de commerce et L. 3252-6 et L. 3252-8 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 625-1, alinéa 2, et L. 625-6 du code de commerce et les articles L. 3253-8 1° et L. 3253-15 du code du travail :
11. En application du premier de ces textes, le salarié dont la créance, née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ne figure pas en tout ou partie sur un relevé, peut saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes qui doit se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal de la procédure collective.
12. Selon le deuxième texte, les relevés des créances résultant d'un contrat de travail visés par le juge-commissaire ainsi que les décisions rendues par les juridictions prud'homales sont portés sur l'état des créances déposé au greffe.
13. Selon le troisième texte, l'AGS couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
14. Aux termes du quatrième texte, l'AGS avance les sommes correspondant à des créances établies par décision de justice exécutoire, même si les délais de garantie sont expirés et, lorsque le mandataire judiciaire a cessé ses fonctions, le greffier du tribunal adresse un relevé complémentaire à l'AGS à charge pour lui de reverser les sommes aux salariés et organismes concernés.
15. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'AGS doit garantir les sommes dues au salarié portées sur le relevé complémentaire établi à la suite d'une décision de la juridiction prud'homale rendue après la clôture de la liquidation judiciaire.
16. Pour dire que l'AGS n'est pas tenue à garantir les sommes dues à l'apprenti, l'arrêt retient qu'en application des dispositions de l'article L. 3253-6 du code du travail, tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L. 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui lui sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ce qui exclut que la garantie puisse intervenir lorsque la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
19. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
20. Il sera dit que la créance de l'apprenti au titre des congés payés afférents aux salaires qui lui sont dus sera fixée au passif de l'employeur à la somme de 1 220,11 euros.
21. Il y a également lieu de dire que l'AGS doit garantir la créance de salaires de l'apprenti d'un montant de 13 421,25 euros.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'indemnité pour rupture irrégulière ne donne pas lieu à paiement de congés payés afférents et que l'Unedic, délégation AGS-CGEA de Rouen n'est pas tenue à garantir les sommes dues à M. [E], l'arrêt rendu le 17 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
FIXE au passif de M. [V] la créance de M. [E] au titre des congés payés afférents à l'indemnité pour rupture irrégulière à la somme de 1 220,11 euros ;
Dit que l'AGS doit garantir la créance de salaires de M. [E] d'un montant de 13 421,25 euros ;
Condamne l'Unedic, délégation AGS-CGEA de Rouen aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Unedic, délégation AGS-CGEA de Rouen à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. [F] [E]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'indemnité due à M. [E] ne donnait pas lieu au paiement de congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 6222-18 du code du travail, dans sa version applicable au litige, prévoit que le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties pendant les deux premiers mois de l'apprentissage ; que passé ce délai, la rupture ne peut intervenir que sur accord écrit des deux parties ; qu'à défaut, la rupture du contrat ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier qu'il voulait préparer ; qu'en l'espèce, les parties ont régularisé le contrat d'apprentissage à effet au 1er septembre 2014 le 16 décembre 2014, lequel a été enregistré à la chambre de métiers de Seine-Maritime le 3 février 2015 ; qu'à la même date du 16 décembre 2014, M. [E] a signé un document intitulé « Constatation de la rupture du contrat d'apprentissage », précision faite que la rupture a eu lieu au cours de la période d'essai à la date du 31 octobre 2014 ; que la rupture pendant le délai de deux mois telle que prévue par les dispositions ci-dessus rappelées est applicable peu important que le contrat ait prévu ou non une période d'essai ; que la résiliation unilatérale ne peut intervenir que dans les deux premiers mois de l'apprentissage, peu important qu'à cette date le contrat soit enregistré ou non ; que la rupture unilatérale se situe à la date à laquelle l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin par la lettre notifiant la rupture ; qu'à défaut, elle n'est pas valable ; qu'en l'espèce, il n'est pas justifié par l'employeur de la notification de la rupture dans le délai de deux mois légalement prescrit, à savoir jusqu'au 31 octobre 2014, puisqu'il n'est pas discuté que le contrat a pris effet le 1er septembre 2014 et la signature par M. [E] le 16 décembre 2014 d'un document mentionnant que la rupture a eu lieu au cours de la période d'essai à effet au 31 octobre 2014 ne saurait se substituer à la charge de la preuve incombant à l'employeur consistant en la justification de la notification de la manifestation de sa volonté d'y mettre dans ce délai de deux mois, et ne peut valoir rupture d'un commun accord, lequel est démenti par le salarié et ne résulte pas des circonstances analysées, puisque le document régularisé le 16 décembre 2014 vise expressément la rupture pendant la période d'essai et non la rupture d'un commun accord ; que faute de justifier d'une rupture d'un commun accord ou d'un des motifs permettant la rupture du contrat au cours de son exécution, la rupture unilatérale le 31 octobre 2014 du contrat d'apprentissage est irrégulière et M. [E] est fondé à obtenir une indemnité équivalente au rappel de salaire jusqu'au terme prévu du contrat, soit le 31 août 2016, d'un montant de 12 201,14 €, la cour statuant dans les limites de la demande ; que compte tenu du caractère indemnitaire de cette somme, le salarié ne peut prétendre aux congés payés afférents ;
ALORS QUE la rupture par l'employeur d'un contrat d'apprentissage hors des cas légalement prévus est sans effet, de sorte que celui-ci est tenu de payer les salaires jusqu'au terme du contrat ; que dans ces conditions, les congés payés sont dus à l'apprenti ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 6222-18 et L. 1242-16 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'Unedic délégation AGS CGEA de Rouen n'était pas tenue à garantir les sommes dues à M. [E] ;
AUX MOTIFS QU'en application des dispositions de l'article L. 3253-6 du code du travail, tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L. 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui lui sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ce qui exclut que la garantie puisse intervenir lorsque la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée ; qu'en conséquence, la garantie de l'Unedic délégation AGS CGEA de Rouen n'est pas due ;
ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 3 in fine), l'Unedic faisait valoir « qu'aucune fixation de créance ne peut intervenir du fait de la clôture de la procédure, seule pouvant être obtenue une condamnation du débiteur, et le CGEA de Rouen devra donc être purement et simplement mis hors de cause » ; qu'en jugeant que la garantie de l'Unedic n'était pas due, en raison de la clôture de la procédure collective de M. [V], tout en fixant néanmoins la créance de M. [E] au passif de la procédure collective de M. [V], ce dont elle aurait dû déduire que la garantie de l'Unedic était due, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 643-11 du code de commerce et L. 3252-6 et L. 3252-8 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance de M. [E] au passif de M. [V] à la somme de 12.201,14 € à titre d'indemnité pour rupture irrégulière, sans condamner M. [V] à payer cette somme ;
AUX MOTIFS QU'en application des dispositions de l'article L. 643-11 du code de commerce, le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf si la créance résulte d'une condamnation pénale du débiteur ou de droits attachés à la personne du créancier ; qu'il est admis que la créance salariale ou indemnitaire d'un salarié résulte de droits attachés à la personne, de sorte qu'en cas de clôture pour insuffisance d'actif, le salarié recouvre l'exercice individuel de son action contre le débiteur, ce qui conduit à prononcer une condamnation, comme l'a justement fait valoir l'Unedic délégation AGS CGEA de Rouen ; que néanmoins, la cour observe que M. [E] ne l'a pas sollicitée, se limitant à demander qu'il soit déclaré créancier à l'égard de la liquidation judiciaire de M. [N] [V] ;
ALORS QUE le juge est tenu de donner ou de restituer aux actes litigieux leur exacte qualification sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'en retenant que M. [E] était fondé à agir en paiement contre M. [V] pour recouvrer sa créance indemnitaire dans le cadre du droit de poursuite individuelle dont il était titulaire à la suite de la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de l'employeur (arrêt attaqué, p. 5 in fine et p. 6, alinéa 1er), puis en refusant de condamner M. [V], représenté à l'instance par un mandataire ad hoc, dans le cadre de cette action individuelle, au seul motif que cette demande de condamnation n'était pas sollicitée (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 2), cependant qu'ayant restituée à la demande litigieuse son véritable fondement, elle devait y faire droit, la cour d'appel, en s'en abstenant, a violé l'article 12 du code de procédure civile. | La rupture par l'employeur d'un contrat d'apprentissage hors des cas prévus par l'article L. 6222-18 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, étant sans effet, l'apprenti est fondé à prétendre au paiement des salaires dus jusqu'au terme du contrat, lesquels ouvrent droit au paiement des congés payés afférents.
Dès lors viole le texte susvisé, la cour d'appel qui, ayant constaté que la rupture unilatérale par l'employeur du contrat d'apprentissage était intervenue hors des cas prévus par la loi, retient que l'apprenti est fondé à obtenir une indemnité équivalente au rappel de salaire jusqu'au terme du contrat mais ne peut prétendre aux congés payés afférents |
7,612 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mars 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 277 FS-B
Pourvoi n° K 20-19.294
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MARS 2022
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 20-19.294 contre l'arrêt n° RG : 16/14711 rendu le 14 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société [4], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mme Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 février 2020), Mme [F] (la victime), salariée de la société [4] (l'employeur), a souscrit le 13 septembre 2011 une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d'un certificat médical du 9 septembre 2011 faisant état d'une périarthrite scapulo-humérale de l'épaule droite (sous épineux).
3. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la caisse) ayant pris en charge le 6 mars 2012 cette pathologie au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer la décision de prise en charge de la maladie professionnelle inopposable à l'employeur, alors « 2°/ que dès lors que les conditions de prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle sont remplies à l'égard d'un employeur, ce dernier ne peut solliciter son inopposabilité en invoquant le fait que la pathologie est apparue à une époque où la victime n'était pas son salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la victime aurait été exposée au risque du tableau n° 57 des maladies professionnelles en 2000, auprès d'un autre employeur, pour ensuite affirmer que la caisse ne justifiait pas du report de neuf ans de la date de première constatation médicale et ainsi déclarer la décision de la caisse de prise en charge de cette maladie inopposable à l'employeur ; qu'en statuant ainsi quand la circonstance que la pathologie de la victime soit apparue antérieurement à son embauche par l'employeur ne permettait pas d'en tirer l'inopposabilité à l'égard de ce dernier de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1, L. 461-2, R. 441-11 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 461-1, R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ces deux derniers dans leur rédaction applicable au litige :
5. Il résulte de ces textes qu'au soutien de son action aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, l'employeur ne peut se prévaloir que de l'irrégularité de la procédure d'instruction conduite par la caisse ou de l'absence de caractère professionnel de cette pathologie.
6. Le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge.
7. Toutefois, l'employeur peut contester cette imputabilité si sa faute inexcusable est recherchée ou si les conséquences financières de la maladie sont inscrites à son compte accidents du travail et maladies professionnelles.
8. Pour déclarer la décision de prise en charge inopposable à l'employeur, l'arrêt relève que la déclaration de maladie professionnelle ainsi que le certificat médical initial du 9 septembre 2011 fixaient la date de première constatation médicale au 12 décembre 2000 tandis que l'avis du médecin-conseil visant le tableau n° 57 mentionnait le 5 février 2009 comme date de première constatation. Il ajoute qu'en 2000, la salariée travaillait chez un autre employeur, chez lequel elle indiquait avoir aussi été exposée à des gestes répétitifs des bras en élévation. Il en déduit qu'en l'absence de justification du report de neuf ans de la date de première constatation médicale, la caisse ne justifie pas des conditions du tableau n° 57 vis-à-vis de l'employeur.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société [4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4] et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne
La CPAM de l'Essonne fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré inopposable à la société [4] la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Mme [F] le 13 septembre 2011,
1/ ALORS QUE la Caisse ne peut être tenue, dans le cadre d'une instance qui l'oppose à l'employeur sur la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de l'assuré de produire des éléments couverts par le secret médical qu'elle n'avait pas à lui communiquer dans le cadre de cette procédure ; qu'en l'espèce, dans le cadre du litige qui l'opposait à l'employeur sur la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Mme [F], la Caisse produisait la fiche de colloque médico-administratif dans laquelle le médecin conseil avait fixé la date de première constatation médicale au 5 février 2009 à partir d'une échographie réalisée à cette date ; qu'en reprochant à la Caisse de se retrancher derrière le secret médical ou le respect dû à la vie privée pour faire prévaloir cet avis à l'encontre de celui émis par le propre médecin de la salariée disant avoir constaté la pathologie 9 ans plus tôt, lorsque l'élément qui avait permis de fixer la date de première constatation de la maladie était un examen médical, détenu par le médecin conseil et couvert par le secret médical, qui n'avait pas à être communiqué à l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1, L. 461-2, L. 461-5 et D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige,
2/ ALORS QUE dès lors que les conditions de prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle sont remplies à l'égard d'un employeur, ce dernier ne peut solliciter son inopposabilité en invoquant le fait que la pathologie est apparue à une époque où la victime n'était pas son salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que Mme [F] aurait été exposée au risque du tableau 57 des maladies professionnelles en 2000, auprès d'un autre employeur, pour ensuite affirmer que la Caisse ne justifiait pas du report de 9 ans de la date de première constatation médicale et ainsi déclarer la décision de la Caisse de prise en charge de cette maladie inopposable à l'employeur ; qu'en statuant ainsi quand la circonstance que la pathologie de Mme [F] soit apparue antérieurement à son embauche par la société [4] ne permettait pas d'en tirer l'inopposabilité à l'égard de la société de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1, L. 461-1, R. 441-11 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige. | Il résulte des articles L.461-1, R.441-11 et R.441-14 du code de la sécurité sociale qu'au soutien de son action aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, l'employeur ne peut se prévaloir que de l'irrégularité de la procédure d'instruction conduite par la caisse ou de l'absence de caractère professionnel de cette pathologie.
Le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge.
Toutefois, l'employeur peut contester cette imputabilité si sa faute inexcusable est recherchée ou si les conséquences financières de la maladie sont inscrites à son compte accidents du travail et maladies professionnelles.
Viole ces textes l'arrêt qui déclare inopposable à l'employeur la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie, au motif que celle-ci ne lui est pas imputable |
7,613 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mars 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 281 F-B
Pourvoi n° J 20-19.247
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MARS 2022
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-19.247 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2020 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société Eiffage route Nord-Est, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Urssaf de [Localité 3], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Eiffage route Nord-Est, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 7 avril 2020), à la suite d'un contrôle portant sur l'année 2015, l'Urssaf de [Localité 3] (l'Urssaf) a adressé à la société Eiffage route Nord-Est, pour son établissement de [Localité 4] (la société) le 6 février 2017, une mise en demeure d'avoir à payer une certaine somme au titre de la contribution patronale sur les options d'achat d'actions attribuées à l'un de ses salariés.
2.La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'Urssaf fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours de la société, alors :
« 1°/ que la contribution patronale sur les options de souscription et d'achat d'actions, qui a pour fait générateur la décision d'attribution de celles-ci et est exigible dans le mois suivant la date de cette décision, n'est pas susceptible d'être restituée au cas où le bénéficiaire, pour une raison quelconque, ne procède pas à la levée des dites options ; qu'en jugeant du contraire et en condamnant l'Urssaf à restituer la contribution perçue sur les options attribuées au salarié par cela seul que celui-ci avait été licencié pour faute grave le 31 janvier 2018 et radié en conséquence du plan d'attribution de stock-options impliquant une période de disponibilité jusqu'au 26 février 2019, la cour d'appel a violé l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale ;
2°/ très subsidiairement, que la contribution patronale sur les options de souscription d'actions a pour fait générateur la décision d'attribution de celles-ci et est exigible dans le mois suivant la date de ladite décision ; qu'il s'ensuit que l'éventuelle obligation de restitution a posteriori de la contribution lorsque les conditions de levée des options ne sont pas finalement satisfaites ne procède pas d'une invalidation du redressement auquel il a été procédé par l'Urssaf mais du caractère éventuellement indu du paiement résultant de la survenance ultérieure d'un événement empêchant la levée des options ; qu'en l'espèce, l'Urssaf a procédé à un redressement au titre de la contribution sur les options d'achat d'actions, la société n'ayant pas soumis à ladite contribution les options attribuées au salarié ; qu'en retenant, pour annuler le redressement et faire droit à la demande de restitution de la société, que l'Urssaf ne pouvait être fondée à opérer un tel redressement du fait du licenciement du salarié survenu le 31 janvier 2018 et de sa radiation consécutive du plan d'attribution de stock-options impliquant une période de disponibilité jusqu'au 26 février 2019, la cour d'appel confondant validité du redressement né de l'exigibilité de la contribution et sa restitution a posteriori, pour une raison étrangère à la validité du redressement, a violé l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, applicable au litige, la contribution patronale sur les options d'achat d'actions est exigible le mois suivant la décision d'attribution de celles-ci.
5. Cette disposition ne fait pas obstacle à la restitution de cette contribution lorsque les conditions auxquelles la levée de l'option d'achat des actions était subordonnée ne sont pas satisfaites.
6. Ayant constaté que le seul salarié concerné par le redressement avait été licencié pour faute grave avant la date fixée pour la levée des options et radié du plan d'attribution de stock-options sans avoir bénéficié de leur attribution, la cour d'appel en a exactement déduit, et sans annuler le redressement litigieux, que la société était fondée à obtenir le remboursement des sommes versées au titre de la contribution litigieuse.
7. Le moyen, qui, en sa seconde branche, manque en fait, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Urssaf de [Localité 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Urssaf de [Localité 3] et la condamne à payer à la société Eiffage route Nord-Est la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'Urssaf de [Localité 3]
L'URSSAF [Localité 3] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé la mise en demeure délivrée par ses soins le 6 février 2017 d'un montant de 3 659 euros, dont 3 333 euros au titre des cotisations et 326 euros au titre des majorations de retard, et de l'avoir condamnée à rembourser à la société Eiffage Route Nord-Est la somme de 3 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2020,
1°) ALORS QUE la contribution patronale sur les options de souscription et d'achat d'actions, qui a pour fait générateur la décision d'attribution de celles-ci et est exigible dans le mois suivant la date de cette décision, n'est pas susceptible d'être restituée au cas où le bénéficiaire, pour une raison quelconque, ne procède pas à la levée desdites options ; qu'en jugeant du contraire et en condamnant l'urssaf à restituer la contribution perçue sur les options attribuées à M. [Z] par cela seul que celui-ci avait été licencié pour faute grave le 31 janvier 2018 et radié en conséquence du plan d'attribution de stock-options impliquant une période de disponibilité jusqu'au 26 février 2019, la cour d'appel a violé l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS très subsidiairement QUE la contribution patronale sur les options de souscription d'actions a pour fait générateur la décision d'attribution de celles-ci et est exigible dans le mois suivant la date de ladite décision ; qu'il s'ensuit que l'éventuelle obligation de restitution a posteriori de la contribution lorsque les conditions de levée des options ne sont pas finalement satisfaites ne procède pas d'une invalidation du redressement auquel il a été procédé par l'urssaf mais du caractère éventuellement indu du paiement résultant de la survenance ultérieure d'un événement empêchant la levée des options ; qu'en l'espèce, l'urssaf [Localité 3] a procédé à un redressement au titre de la contribution sur les options d'achat d'actions, la société Eiffage Route Nord Est n'ayant pas soumis à ladite contribution les options attribuées à M. [Z] ; qu'en retenant, pour annuler le redressement et faire droit à la demande de restitution de la société Eiffage, que l'urssaf ne pouvait être fondée à opérer un tel redressement du fait du licenciement de M. [Z] survenu le 31 janvier 2018 et de sa radiation consécutive du plan d'attribution de stock-options impliquant une période de disponibilité jusqu'au 26 février 2019, la cour d'appel confondant validité du redressement né de l'exigibilité de la contribution et sa restitution a posteriori, pour une raison étrangère à la validité du redressement, a violé l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale. | Selon l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, la contribution patronale sur les options d'achat d'actions est exigible le mois suivant la décision d'attribution de celles-ci. Cette disposition ne fait pas obstacle à la restitution de cette contribution lorsque les conditions auxquelles la levée de l'option d'achat des actions était subordonnée ne sont pas satisfaites.
Ayant constaté que le seul salarié concerné par le redressement avait été licencié pour faute grave avant la date fixée pour la levée des options et radié du plan d'attribution de stock-options sans avoir bénéficié de leur attribution, la cour d'appel en a exactement déduit que la société était fondée à obtenir le remboursement des sommes versées au titre de la contribution litigieuse |
7,614 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mars 2022
Cassation partielle sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 295 F-B
Pourvoi n° Y 20-17.903
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MARS 2022
M. [B] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 20-17.903 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de la Côte d'Azur, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [T], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de la Côte d'Azur, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 décembre 2019), la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de la Côte d'Azur, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), a notifié à M. [T] (le cotisant) plusieurs mises en demeure pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard dues pour la période comprise entre le mois d'octobre 2014 et le deuxième trimestre 2017.
2. Le cotisant a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. Le cotisant fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement le condamnant au paiement d'une somme de 2 000 euros à titre d'amende civile, alors « que
l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale ayant été abrogé au 1er janvier 2019 par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, la cour d'appel ne pouvait confirmer le jugement entrepris, fût-il antérieur à l'abrogation, en tant qu'il avait condamné le cotisant au paiement d'une amende sur le fondement de ce texte ; qu'à cet égard, l'arrêt doit être censuré pour violation de l'article 11 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. L'URSSAF conteste la recevabilité du moyen au motif qu'il est nouveau et incompatible avec la thèse soutenue par le cotisant devant la cour d'appel.
6. Cependant, le moyen ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.
7. En outre, il n'est pas incompatible avec la thèse antérieurement soutenue par le cotisant.
8. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 2 du code civil et 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 :
9. Les dispositions du second de ces textes abrogeant l'article R. 144-10, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, selon lequel une amende civile peut être prononcée lorsque la procédure est jugée dilatoire ou abusive, sont d'application immédiate aux instances en cours.
10. L'arrêt confirme le jugement ayant condamné le cotisant au paiement d'une amende civile, tout en relevant que l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale, sur lequel se fonde l'URSSAF pour réclamer cette condamnation, a été abrogé.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un texte abrogé, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
14. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 9 et 10 que l'URSSAF doit être déboutée de sa demande en condamnation du cotisant au paiement d'une amende civile.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant condamné le cotisant au paiement d'une amende civile, l'arrêt rendu le 13 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉBOUTE l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur de sa demande en condamnation du cotisant au paiement d'une amende civile ;
Condamne l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence que devant la Cour de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. [T]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué par M. [T] encourt la censure ;
EN CE QU' il a, confirmant le jugement, rejeté les contestations élevées par M. [T], débouté M. [T] de ses demandes et constaté que M. [T] était redevable de la somme totale de 34.707 euros au titre des cotisations dues pour les mois d'octobre 2014, décembre 2014, février 2015, mars 2015, juin 2015, juillet 2015, août 2015 et décembre 2015, ainsi que pour le 1er trimestre 2016, le 2e trimestre 2016, le 3e trimestre 2016, le 4e trimestre 2016, le 1e trimestre 2017 et le 2e trimestre 2017, outre la somme de 2203 euros au titre des majorations de retard ;
ALORS QUE, premièrement, une URSSAF ne dispose de la personnalité juridique que pour autant qu'elle a été régulièrement constituée, ses statuts ayant été déposés et agréés par l'autorité ministérielle compétente ; qu'il lui appartient, en cas de contestation, de justifier de sa constitution régulière ; qu'en décidant que l'URSSAF n'avait pas à produire les documents utiles à établir sa capacité juridique, quand M. [T] contestait la régularité de sa constitution, les juges du fond ont violé les articles L. 213-1, L. 216-1 et L. 281-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1353 nouveau [1315 ancien] du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, la mise en demeure doit permettre au cotisant de connaître la cause, la nature et le montant de ses obligations ; qu'à ce titre, il est requis qu'elle indique les bases et modes de calcul des sommes réclamées ; qu'en retenant que les mises en demeure sont motivées, sans s'expliquer, comme ils y étaient invités, quant au fait qu'elles ne comportaient aucun détail du calcul des sommes réclamées, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, troisièmement, cause nécessairement un préjudice au cotisant le fait pour l'URSSAF de fractionner, en méconnaissance de l'article D. 642-1 du code de la sécurité sociale, l'exigibilité des cotisations, dès lors que cette pratique contraint le cotisant, qui entend contester les sommes réclamées, à multiplier les procédures ; qu'en retenant que M. [T] ne démontrait l'existence d'aucun préjudice résultant de la pratique de l'URSSAF, les juges du fond ont violé l'article 1382 ancien [1240 nouveau] du code civil, ensemble l'article D. 642-1 du code de la sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué par M. [T] encourt la censure ;
EN CE QU' il a, confirmant le jugement, condamné M. [T] en paiement d'une somme de 2000 euros à titre d'amende civile ;
ALORS QUE, l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale ayant été abrogé au 1er janvier 2019 par le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018, la cour d'appel ne pouvait confirmer le jugement entrepris, fût-il antérieur à l'abrogation, en tant qu'il avait condamné M. [T] au paiement d'une amende sur le fondement de ce texte ; qu'à cet égard, l'arrêt doit être censuré pour violation de l'article 11 du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018. | Les dispositions de l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 abrogeant l'article R. 144-10, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, selon lequel une amende civile peut être prononcée lorsque la procédure est jugée dilatoire ou abusive, sont d'application immédiate aux instances en cours.
Viole l'article 2 du code civil et l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, l'arrêt qui se fonde sur un texte abrogé pour confirmer le jugement ayant prononcé une amende civile |
7,615 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mars 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 300 F-B
Pourvoi n° G 20-19.131
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MARS 2022
La caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 4], dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° G 20-19.131 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2020 par la cour d'appel de Lyon (protection sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association [3], dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [E] [L], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 4], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 juin 2020), par décision du 29 janvier 2014, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 4] (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident déclaré par M. [L] (la victime), salarié de l'association [3] (l'employeur). Les lésions relatives à cet accident ont été déclarées consolidées le 25 février 2015 avec attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 15 %, notifié à l'employeur le 18 mai 2015. Après avis du service médical, ce taux a été réévalué et porté rétroactivement à 22 %, par décision du 24 août 2015, notifiée à la victime.
2. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de limiter son action récursoire à l'encontre de l'employeur au titre de la rente majorée au taux d'incapacité permanente partielle de 15 %, alors « que la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur implique que les compléments de rente et les indemnités versées au titre notamment d'une aggravation de l'état de la victime fassent l'objet d'une indemnisation complémentaire que la caisse est en droit de récupérer auprès de l'employeur ; qu'en affirmant que la caisse ne pouvait exercer son action récursoire à l'encontre de l'employeur, dont la faute inexcusable a été reconnue dans l'accident survenu à son salarié, que sur la base du taux d'IPP initialement fixé à 15 % et non sur la base du taux révisé de 22 %, la cour d'appel a violé les articles L. 452-3 et L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
4. Si la caisse primaire d'assurance maladie est fondée, en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, à récupérer auprès de l'employeur le montant de la majoration de la rente d'accident du travail attribuée à la victime en raison de la faute inexcusable de l'employeur, son action ne peut s'exercer que dans les limites tenant à l'application du taux notifié à celui-ci conformément à l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale.
5. Dès lors, l'arrêt a exactement décidé que la caisse ne peut exercer son action récursoire à l'encontre de l'employeur que sur la base du taux d'incapacité permanente partielle de 15 % notifié à ce dernier le 18 mai 2015.
6. Le moyen n'est pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du [Localité 4]
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que la majoration maximale de la rente versée à M. [L] sera calculée sur le taux d'incapacité notifié par la CPAM du [Localité 4] à son assuré, à savoir 22 % et d'AVOIR dit que la CPAM du [Localité 4] ne pourra exercer son action récursoire à l'encontre de l'association [3] au titre de la rente majorée que sur la base du taux d'incapacité permanente partielle qu'elle lui a notifié, à savoir 15 %,
ALORS QUE la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur implique que les compléments de rente et les indemnités versées au titre notamment d'une aggravation de l'état de la victime fassent l'objet d'une indemnisation complémentaire que la caisse est en droit de récupérer auprès de l'employeur ; qu'en affirmant que la CPAM ne pouvait exercer son action récursoire à l'encontre de l'association [3], dont la faute inexcusable a été reconnue dans l'accident survenu à son salarié, que sur la base du taux d'IPP initialement fixé à 15 % et non sur la base du taux révisé de 22 %, la cour d'appel a violé les articles L 452-3 et L 452-3-1 du code de la sécurité sociale. | Si la caisse primaire d'assurance maladie est fondée, en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, à récupérer auprès de l'employeur le montant de la majoration de la rente d'accident du travail attribuée à la victime en raison de la faute inexcusable de l'employeur, son action ne peut s'exercer que dans les limites tenant à l'application du taux notifié à celui-ci conformément à l'article R. 434-32 du même code |
7,616 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mars 2022
Cassation partielle sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 302 F-B
Pourvoi n° Y 20-22.917
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 mars 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MARS 2022
La caisse d'allocations familiales de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 20-22.917 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [L] [T], épouse [Z], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales de [Localité 3], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [T], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 15 octobre 2020), le 28 septembre 2012, Mme [T] (l'allocataire), ressortissante malienne muni d'un visa de court séjour, est entrée régulièrement en France, accompagnée de sa fille [H]. Par la suite, elle a obtenu une carte de séjour temporaire "vie privée et familiale" délivrée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
2. Par décision du 5 octobre 2016, la caisse d'allocations familiales du [Localité 3] (la caisse) a refusé à l'allocataire le bénéfice de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé.
3. L'allocataire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt d'ordonner le paiement des prestations familiales relatives à l'enfant [H] à compter du 8 juin 2013, alors :
« 1°/ que selon l'article L. 512-2, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération Suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit des dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié pour leurs enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations qu'il énumère limitativement, au nombre desquelles ne figure pas la qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, c'est-à-dire admis au séjour pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ; que selon l'article D. 512-2 du même code, la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales doit être justifiée par la production de documents limitativement énumérés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que Mme [T] était entrée sur le territoire français le 28 septembre 2012, en même temps que son enfant [H], avec un visa touristique, qu'elle avait bénéficié le 15 janvier 2013 d'une titre de séjour visiteur, puis d'une carte de séjour temporaire accordée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'entrée de l'enfant n'était pas intervenue sur le fondement de l'article L. 313-11, 7°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa situation ne correspondait à aucun des autres cas prévus par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, que Mme [T] ne justifiait pas de l'une des situations prévues par les textes et qu'aucune disposition particulière n'était édictée s'agissant de l'ouverture de droit pour un enfant handicapé ; qu'en jugeant néanmoins que l'enfant [H] avait droit aux prestations familiales au prétexte inopérant que ces titres de séjour avaient été accordés à Mme [T] pour des raisons humanitaires, en raison de la situation particulière de sa fille gravement handicapée, la cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, le second dans sa rédaction issue du décret n° 2009-331 du 25 mars 2009, applicables au litige ;
2°/ que les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, qui imposent de justifier pour chaque enfant d'étranger de son entrée régulière dans les conditions qu'ils édictent, revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination en raison de l'origine nationale et au droit de la protection de la vie familiale garantie par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne méconnaissent pas l'article 3.1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; qu'en jugeant qu'il convenait d'écarter l'application de ces textes du code de la sécurité sociale qui aboutirait à une situation contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant [H], gravement handicapée, en ce qu'elle priverait sa mère des moyens matériels lui permettant d'aider sa fille faisant l'objet d'une prise en charge médicale spécifique, inexistante au Mali, dont l'arrêt mettrait en péril ses capacités d'adaptation et sa possibilité d'acquérir une autonomie dans la vie sociale, la cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, le second dans sa rédaction issue du décret n° 2009-331 du 25 mars 2009, applicables au litige, ensemble les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3.1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
5. Selon le premier de ces textes, qui revêt un caractère objectif justifié par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaît les dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant, le bénéfice des prestations familiales, pour les enfants étrangers nés hors du territoire national, est soumis à la production de l'un des documents énumérés par le dernier, attestant de leur entrée et séjour réguliers en France.
6. Pour accueillir le recours de l'allocataire, ayant relevé que l'entrée de l'enfant sur le territoire français, intervenue en même temps que sa mère, ne correspond à aucun des cas prévus par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, l'arrêt retient essentiellement que dans la situation particulière où l'intérêt supérieur d'un enfant souffrant d'un handicap justifie le maintien en France de sa mère, ce même intérêt supérieur doit être pris en considération pour accorder à cette dernière le bénéfice des prestations familiales, à défaut de quoi il existerait une incohérence manifeste entre, d'une part, le fait d'autoriser l'allocataire à demeurer sur le territoire national pour venir en aide à son enfant faisant l'objet d'une prise en charge médicale spécifique et, d'autre part, le fait de la priver des moyens matériels lui permettant d'assumer cette aide.
7. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il ressortait de ses constatations que l'allocataire avait obtenu un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte qu'elle ne justifiait pas se trouver dans l'une des situations ouvrant droit au bénéfice des prestations familiales, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. Il découle du paragraphe 7 que l'allocataire doit être déboutée de sa demande d'attribution, à compter du 8 juin 2013, des prestations familiales du chef de sa fille [H].
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [T] de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE la demande de Mme [T] tendant à l'attribution des prestations familiales du chef de sa fille [H] à compter du 8 juin 2013 ;
Condamne Mme [T] aux dépens, en ce compris ceux exposés dans l'instance devant la cour d'appel d'Angers ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes, formées tant devant la cour d'appel d'Angers que devant la Cour de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse d'allocations familiales (CAF) de [Localité 3]
La CAF de [Localité 3] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR infirmé la décision de la commission de recours amiable du 5 décembre 2016 et d'AVOIR ordonné le paiement des prestations familiales relatives à l'enfant [H] [X] à compter du 8 juin 2013 avec exécution provisoire et d'AVOIR débouté la CAF de [Localité 3] de sa demande de restitution de l'ensemble des sommes payées en exécution provisoire du jugement du 25 mai 2018 du tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 3]
1° - ALORS QUE selon l'article L. 512-2 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération Suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit des dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié pour leurs enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations qu'il énumère limitativement, au nombre desquelles ne figure pas la qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, c'est-à-dire admis au séjour pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels; que selon l'article D. 512-2 du même code, la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales doit être justifiée par la production de documents limitativement énumérés; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que Mme [T] était entrée sur le territoire français le 28 septembre 2012, en même temps que son enfant [H], avec un visa touristique, qu'elle avait bénéficié le 15 janvier 2013 d'une titre de séjour visiteur, puis d'une carte de séjour temporaire accordée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'entrée de l'enfant n'était pas intervenue sur le fondement de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa situation ne correspondait à aucun des autres cas prévus par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, que Mme [T] ne justifiait pas de l'une des situations prévues par les textes et qu'aucune disposition particulière n'était édictée s'agissant de l'ouverture de droit pour un enfant handicapé ; qu'en jugeant néanmoins que l'enfant [H] avait droit aux prestations familiales au prétexte inopérant que ces titres de séjour avaient été accordés à Mme [T] pour des raisons humanitaires, en raison la situation particulière de sa fille gravement handicapée, la cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n°2011-672 du 16 juin 2011, le second dans sa rédaction issue du décret n°2009-331 du 25 mars 2009, applicables au litige.
2° - ALORS QUE les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, qui imposent de justifier pour chaque enfant d'étranger de son entrée régulière dans les conditions qu'ils édictent, revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination en raison de l'origine nationale et au droit de la protection de la vie familiale garantie par les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne méconnaissent pas l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'en jugeant qu'il convenait d'écarter l'application de ces textes du code de la sécurité sociale qui aboutirait à une situation contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant [H], gravement handicapée, en ce qu'elle priverait sa mère des moyens matériels lui permettant d'aider sa fille faisant l'objet d'une prise en charge médicale spécifique, inexistante au Mali, dont l'arrêt mettrait en péril ses capacités d'adaptation et sa possibilité d'acquérir une autonomie dans la vie sociale, la cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n°2011-672 du 16 juin 2011, le second dans sa rédaction issue du décret n°2009-331 du 25 mars 2009, applicables au litige, ensemble les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990. | Selon l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, qui revêt un caractère objectif justifié par la nécessité, dans un Etat démocratique, d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale, garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaît les dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant, le bénéfice des prestations familiales, pour les enfants étrangers nés hors du territoire national, est soumis à la production de l'un des documents énumérés par l'article D. 512-2 du même code, attestant de leur entrée et séjour réguliers en France.
Viole ces dispositions, la cour d'appel qui, bien que l'allocataire ne justifiait pas se trouver dans l'une des situations ouvrant droit au bénéfice des prestations familiales, se fonde sur l'intérêt supérieur de l'enfant pour lui octroyer lesdites prestations |
7,617 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mars 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 306 F-B
Pourvoi n° H 20-20.878
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MARS 2022
La société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 20-20.878 contre l'arrêt rendu le 20 août 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale et du contentieux de la tarification), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de [Localité 3], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 20 août 2020), M. [H] (le salarié), ancien salarié de la société [4] (la société), du 12 décembre 1988 au 11 avril 2003, en qualité de maçon et chef d'équipe, avant son départ à la retraite, a établi le 8 février 2018 une déclaration de maladie professionnelle pour un mésothéliome malin de la plèvre que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] a pris en charge au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles.
2. Après que l'incidence financière de cette maladie ait été inscrite à son compte employeur, la société a fait assigner, le 5 novembre 2019, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de [Localité 3] (la caisse), devant la juridiction de la tarification, afin d'obtenir que les conséquences financières de la maladie professionnelle déclarée par le salarié soient inscrites au compte spécial.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de déclarer son recours mal fondé et de dire que la cour est incompétente pour juger de ce litige, alors « que la contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge d'une maladie sur le fondement d'un tableau de maladie professionnelle devant la juridiction du contentieux général peut uniquement porter sur la régularité de la décision de prise en charge et son bien-fondé au regard des conditions du tableau ; que relève en revanche de la compétence du juge de la tarification la contestation du dernier employeur portant, non pas sur le bien-fondé de la décision de prise en charge, mais sur le fait que celle-ci ne résulte pas d'une exposition au risque au sein l'un de ses établissements, de sorte que les dépenses afférentes doivent être retirées de son compte employeur ; qu'au cas présent, la société, qui ne contestait pas le caractère professionnel de la maladie du salarié devant la cour d'appel d'Amiens, demandait le retrait de son compte employeur des dépenses afférentes à son affection au motif que le salarié n'avait pas été exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante au cours de sa carrière professionnelle au sein de son entreprise, et que sa maladie résultait exclusivement de son exposition au risque pour le compte d'employeurs précédents ; qu'en déboutant la société de son recours au motif qu'« elle ne justifie pas d'un recours près du contentieux général de la sécurité sociale ayant pourtant toute compétence pour juger de ce litige » , la cour d'appel a violé les articles L. 142-1 et L. 143-1 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, ensemble les articles 4 du code civil, 12 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 142-1, L. 142-2, 4°, R. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, 4 du code civil et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
4. Il résulte des trois premiers de ces textes, dans leur rédaction applicable au litige, que la cour d'appel spécialement désignée par les articles L. 311-16 et D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire pour connaître du contentieux de la tarification est compétente pour statuer sur le recours d'un employeur contre la décision d'une caisse de refus d'inscription des coûts moyens d'une maladie professionnelle au compte spécial prévu au troisième texte.
5. Pour déclarer le recours de l'employeur mal fondé et dire que la cour d'appel est incompétente pour juger de ce litige, l'arrêt énonce que les contestations relatives à l'opposabilité à l'égard de l'employeur de la décision de prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle, doivent être portées devant la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie puis, devant les juridictions de la sécurité sociale compétentes. Il constate que la société fait valoir qu'aucune exposition au risque de la maladie en son sein n'a été démontrée par la caisse primaire d'assurance maladie et qu'elle n'est pas l'exposante au risque de l'amiante. Il relève que la société, au soutien de son argumentaire, ne produit que son recours auprès de la caisse relatif à la contestation de l'imputation sur son compte employeur 2018 et fondant sa demande sur l'article 2, 3°, de l'arrêté du 16 octobre 1995, ainsi que son compte employeur pour les années concernées. Il en déduit que la société ne justifiant pas d'un recours auprès des juridictions de la sécurité sociale, elle échoue dans l'administration de la preuve et que la cour n'est pas compétente pour juger de ce litige.
6. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'un recours relevant de sa compétence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 août 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens autrement composée ;
Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de [Localité 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de [Localité 3] et la condamne à payer à la société [4] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [4]
La société [4] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré son recours mal fondé et d'avoir dit que la cour était incompétente pour juger de ce litige ;
1. ALORS QUE la contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge d'une maladie sur le fondement d'un tableau de maladie professionnelle devant la juridiction du contentieux général peut uniquement porter sur la régularité de la décision de prise en charge et son bien-fondé au regard des conditions du tableau ; que relève en revanche de la compétence du juge de la tarification la contestation du dernier employeur portant, non pas sur le bien-fondé de la décision de prise en charge, mais sur le fait que celle-ci ne résulte pas d'une exposition au risque au sein l'un de ses établissements, de sorte que les dépenses afférentes doivent être retirées de son compte employeur ; qu'au cas présent, la société [4], qui ne contestait pas le caractère professionnel de la maladie de M. [H] devant la cour d'appel d'Amiens, demandait le retrait de son compte employeur des dépenses afférentes à son affection au motif que le salarié n'avait pas été exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante au cours de sa carrière professionnelle au sein de son entreprise, et que sa maladie résultait exclusivement de son exposition au risque pour le compte d'employeurs précédents ; qu'en déboutant la société [4] de son recours au motif qu' « elle ne justifie d'un recours près du contentieux général de la sécurité sociale ayant pourtant toute compétence pour juger de ce litige », la cour d'appel a violé les articles L. 142-1 et L. 143-1 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, ensemble les articles 4 du code civil, 12 du code de procédure civile et 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge qui se déclare incompétent désigne la juridiction qu'il estime compétente ; qu'en déclarant le recours de la société [4] mal fondé au motif que le litige ne relevait pas de sa compétence, cependant qu'il lui appartenait de désigner la juridiction compétente, la cour d'appel a violé l'article 81 du code de procédure civile. | Il résulte des articles L. 142-1, L. 142-2, 4°, et R. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que la cour d'appel spécialement désignée par les articles L. 311-16 et D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire pour connaître du contentieux de la tarification (la juridiction de la tarification) est compétente pour statuer sur le recours d'un employeur contre la décision d'une caisse de refus d'inscription des coûts moyens d'une maladie professionnelle au compte spécial prévu au troisième de ces textes.
Par suite, viole ces textes et les articles 4 du code civil et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales la juridiction de la tarification qui, saisie par un employeur d'un recours formé contre la décision d'une caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de rejet de sa demande d'inscription au compte spécial de la maladie professionnelle de son ancien salarié, déclare le recours mal fondé et dit la juridiction incompétente pour en connaître aux motifs que l'employeur contestait l'imputabilité de la maladie professionnelle du salarié en faisant valoir qu'elle n'avait pas été contractée à son service et qu'il ne justifiait pas d'un recours auprès des juridictions de sécurité sociale aux fins de contestation de l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie |
7,618 | CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 251 FS-B
Pourvoi n° F 20-21.337
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
La société Kimmolux, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], (Luxembourg), a formé le pourvoi n° F 20-21.337 contre l'arrêt rendu le 25 juin 2020 par la cour d'appel de Metz (3e chambre TI), dans le litige l'opposant à la société Landesbank Saar, dont le siège est [Adresse 2], (Allemagne), défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Kimmolux, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Landesbank Saar, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 25 juin 2020), suivant actes notariés des 18 juin et 13 août 2008, la société Landesbank Saar (la banque) a consenti à la société Kimmolux deux prêts, dont le capital devait être débloqué par tranches successives.
2. En garantie du remboursement de ces prêts, la société Kimmolux a conféré à la banque des hypothèques sur des immeubles lui appartenant.
3. La troisième tranche des prêts n'ayant pas été débloquée, la société Kimmolux a, le 11 mai 2018, assigné la banque en mainlevée et radiation des inscriptions hypothécaires.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société Kimmolux fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable comme prescrite, alors « que l'action tendant à faire prononcer la radiation d'une hypothèque en raison de l'extinction de la créance qu'elle garantit doit pouvoir être exercée tant que l'inscription subsiste ; que dès lors, en retenant, pour refuser d'ordonner la radiation des hypothèques consenties par la société Kimmolux à la société Landesbank Saar en garantie du remboursement des sommes devant être versées dans le cadre des tranches C des deux prêts en date du 18 juin 2008, sommes dont elle a pourtant constaté qu'elles n'avaient pas été versées à l'emprunteur et qu'elles ne pouvaient plus l'être, que l'action avait été engagée plus de 8 ans à compter du moment où la société Kimmolux avait eu connaissance des faits pertinents et qu'elle était donc prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2443 du code civil, par refus d'application. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2443 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 : 5. Il résulte de ce texte que, tant que l'inscription d'une hypothèque subsiste, sa radiation peut toujours être demandée, lorsque l'inscription a été faite sans être fondée ni sur la loi, ni sur un titre, ou lorsqu'elle l'a été en vertu d'un titre soit irrégulier, soit éteint ou soldé, ou lorsque les droits d'hypothèque sont effacés par les voies légales.
6. Pour dire prescrite l'action engagée par la société Kimmolux, l'arrêt retient qu'en application des dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes, que, dès avant le prononcé de la déchéance du terme qui lui a été notifiée le 22 juillet 2010, la société Kimmolux avait une connaissance effective des faits pertinents qui lui permettaient de contester les hypothèques dans la mesure où elle n'ignorait pas que la troisième tranche de chacun des prêts en question n'avait pas été débloquée, qu'en toute hypothèse, le déblocage ne pouvait plus intervenir au-delà de cette déchéance et que ce n'est que huit ans plus tard qu'elle a engagé l'instance en mainlevée et radiation de ces hypothèques, sans que ne soient justifiés ni mêmes allégués quelque erreur de sa part ou encore dol.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;
Condamne la société Landesbank Saar aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Landesbank Saar et la condamne à payer à la société Kimmolux la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Kimmolux
La société Kimmolux fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré son action irrecevable car prescrite ;
1) ALORS QUE l'action tendant à faire prononcer la radiation d'une hypothèque en raison de l'extinction de la créance qu'elle garantit doit pouvoir être exercée tant que l'inscription subsiste ; que dès lors, en retenant, pour refuser d'ordonner la radiation des hypothèques consenties par la société Kimmolux à la société Landesbank Saar en garantie du remboursement des sommes devant être versées dans le cadre des tranches C des deux prêts en date du 18 juin 2008, sommes dont elle a pourtant constaté qu'elles n'avaient pas été versées à l'emprunteur et qu'elles ne pouvaient plus l'être, que l'action avait été engagée plus de 8 ans à compter du moment où la société Kimmolux avait eu connaissance des faits pertinents et qu'elle était donc prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2443 du code civil, par refus d'application ;
2) ALORS, subsidiairement, QUE l'action tendant à faire prononcer la radiation d'une hypothèque en raison de l'extinction de la créance qu'elle garantit, qui a vocation à faire reconnaître un droit de propriété plein et entier sur le bien grevé par l'inscription, constitue une action réelle immobilière se prescrivant par trente ans ; que dès lors, en retenant, pour refuser d'ordonner la radiation des hypothèques consenties par la société Kimmolux à la société Landesbank Saar en garantie du remboursement des sommes devant être versées dans le cadre des tranches C des deux prêts en date du 18 juin 2008, sommes dont elle a pourtant constaté qu'elles n'avaient pas été versées à l'emprunteur et qu'elles ne pouvaient plus l'être, que l'action avait été engagée plus de 8 ans à compter du moment où la société Kimmolux avait eu connaissance des faits pertinents et qu'elle était donc prescrite en application de l'article L. 110-4 du code de commerce, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble l'article 2227 du code civil, par refus d'application. | Tant que l'inscription d'une hypothèque subsiste, sa radiation peut être demandée |
7,619 | CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 254 FS-B
Pourvoi n° F 20-16.829
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
La société Grosset Janin et frères, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° F 20-16.829 contre l'arrêt rendu le 18 février 2020 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [A] [K], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la société MMA IARD, société anonyme,
3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 2], et venant aux droits de la société Covea Risks
4°/ à M. [I] [Z],
5°/ à Mme [D] [V], épouse [Z],
domiciliés tous deux [Adresse 8],
6°/ à la société Santé NAT, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],
7°/ à M. [C] [G], domicilié [Adresse 4],
8°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Gan Eurocourtage,
9°/ à la société Trappier Georges, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
En présence de la société MAAF assurances, dont le siège est [Adresse 7].
M. [K] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Grosset Janin et frères, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [G], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Grosset Janin et frères (la société Grosset Janin) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société MAAF assurances.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 18 février 2020), M. et Mme [Z] ont confié à M. [K] la maîtrise d'oeuvre de l'agrandissement d'un hôtel, donné à bail commercial à la société Santé Nat.
3. Ils ont mis fin à la mission de cet architecte après l'obtention d'un permis de construire.
4. Ils ont confié à la société Grosset Janin l'exécution des travaux « hors d'eau hors d'air », ainsi que l'aménagement intérieur, et à la société Trappier Georges les travaux de terrassement et d'enrochement.
5. Les travaux ont été arrêtés en raison d'un problème d'implantation.
6. La société Grosset Janin a chargé M. [G], architecte, d'élaborer un dossier de demande de permis de construire modificatif. Un permis a été obtenu, mais les travaux n'ont pas repris.
7. Se plaignant de désordres et de l'inachèvement des travaux, M. et Mme [Z] et la société Santé Nat ont assigné les constructeurs, ainsi que les sociétés Covea Risks et Gan eurocourtage IARD, recherchées comme assureurs de la société Grosset Janin.
8. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA) viennent aux droits de la société Covea Risks. La société Allianz IARD (la société Allianz) vient aux droits de la société Gan eurocourtage IARD.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal, sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société Grosset Janin au titre de la rampe d'accès et de la perte de valeur de l'immeuble, sur le troisième moyen du pourvoi principal et sur les deux moyens du pourvoi incident, ci-après annexés
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
10. La société Grosset Janin fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec M. [K] et la société Trappier Georges, à verser à M. et Mme [Z] la somme de 118 149,86 euros en réparation des préjudices résultant des désordres constitués par l'absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévu, l'absence de praticabilité de la rampe d'accès au sous-sol du bâtiment et le caractère enterré de certaines de ses façades, de la condamner à verser à M. et Mme [Z] la somme de 161 424,12 euros en réparation des préjudices résultant des défauts dans l'isolation acoustique du bâtiment, de la condamner à verser à M. et Mme [Z] la somme de 18 100 euros à titre d'indemnisation pour la nécessité de mettre en conformité le permis de construire avec le bâtiment réalisé, de la condamner à verser à M. et Mme [Z] et à la société Santé Nat indivisément la somme de 160 631 euros à titre d'indemnisation pour la perte de nuitées et la perte de clientèle subies, de rejeter sa demande aux fins d'être relevée et garantie des conséquences de ces condamnations par la société Allianz, de dire que les sociétés MMA ne sont pas tenues à garantie et de la condamner à verser à ces deux sociétés la somme de 398 479,54 euros, alors « que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter tout ou partie de l'ouvrage avec ou sans réserves ; qu'elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit, à défaut, judiciairement ; qu'en retenant que la réception partielle intervenue suivant procès-verbal du 15 juillet 2004 n'aurait pu valoir réception au sens de l'article 1792-6 du code civil dès lors qu'elle n'avait pas été effectuée par lots, mais concernait les travaux du rez-de-chaussée et du 1er étage, sans autre précision, quand la réception partielle n'est pas limitée à une réception par lots mais peut concerner tout ensemble cohérent, ce que constituaient précisément les tranches du travaux du rez-de-chaussée et du 1er étage, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil par refus d'application. »
Réponse de la Cour
11. La cour d'appel a relevé que les différents lots confiés à la société Grosset Janin concernaient le gros oeuvre et l'aménagement d'un bâtiment comportant un sous-sol, un rez-de-chaussée et deux étages et que la réception partielle intervenue suivant procès-verbal du 15 juillet 2004, alors que les travaux étaient inachevés, ne portait pas sur une réception par lots mais sur les travaux du rez-de-chaussée et du premier étage, sans plus de précision.
12. La cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que les travaux du rez-de-chaussée et du premier étage constituaient des tranches de travaux indépendantes ou formaient un ensemble cohérent, a pu en déduire que la réception partielle invoquée ne valait pas réception au sens de l'article 1792-6 du code civil.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société Grosset Janin au titre des pertes de nuitées
Enoncé du moyen
14. La société Grosset Janin fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à M. et Mme [Z] et à la société Santé Nat indivisément la somme de 95 413 euros à titre d'indemnisation pour la perte de nuitées subie, alors :
« 1°/ que les juges sont tenus de répondre aux moyens qui les saisissent ; qu'en l'espèce, la société Grosset Janin faisait valoir que le décalage du délai de réalisation de l'immeuble, à l'origine de la perte de nuitées était dû, au moins en partie, à la procédure engagée par le voisin à l'encontre des époux [Z] s'agissant de la limite de leur terrain ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire de la société Grosset Janin, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en violation l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que seule peut être indemnisée une perte de chance lorsque lorsqu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable ; qu'en évaluant le préjudice tiré de la perte des nuitées et de clientèle comme un préjudice entièrement consommé, quand il ne pouvait consister qu'en une perte de chance de réaliser les gains projetés, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile.
16. Il ne résulte pas des conclusions de la société Grosset Janin que celle-ci ait soutenu que le préjudice de perte de nuitées devait s'analyser une perte de chance.
17. Le grief est nouveau, mélangé de fait et de droit.
18. Répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que le préjudice de perte de nuitées résultait uniquement de la mauvaise exécution par la société Grosset Janin du marché n° 2 concernant les aménagements intérieurs, notamment des retards dans la livraison des chambres supplémentaires et des désordres phoniques les affectant et que l'arrêt total des travaux par la société Grosset Janin relevait d'une inexécution fautive du contrat.
19. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que les fautes de la société Grosset Janin étaient la cause exclusive des dommages.
20. Le moyen, en partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus.
Sur le cinquième moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de garantie formées contre la société Allianz au titre des préjudices matériels
Enoncé du moyen
21. La société Grosset Janin fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à être relevée et garantie des conséquences des condamnations au titre des préjudices matériels par la société Allianz, alors :
« 1°/ que le versement des primes qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période, et la stipulation de la police selon laquelle le dommage n'est garanti que si la réclamation de la victime a été formulée au cours de la période de validité du contrat est génératrice d'une obligation sans cause et doit être réputée non écrite ; qu'en faisant application, pour dire n'y avoir lieu à la garantie de la Compagnie Allianz, de la clause de la police d'assurance souscrite par la société Grosset Janin selon laquelle seuls étaient garantis les dommages déclarés par l'assuré à l'assureur avant la date de résiliation du contrat, cependant que cette clause devait être réputée non écrite, la cour d'appel a violé les articles 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, L. 124-1 et L. 124-3 du code des assurances ;
2°/ en toute hypothèse, que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il lui appartient, le cas échéant, de restituer aux faits leur exacte qualification sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; que pour mettre en jeu la garantie de la Compagnie Allianz, la société Grosset Janin exposait que la garantie déclenchée par le fait dommageable (ou fait générateur du dommage) couvrait l'assuré contre les conséquences pécuniaires du sinistre, à partir du moment où le fait dommageable était survenu entre la prise d'effet de la police et sa résiliation, depuis la loi de sécurité financière du 1er août 2003 ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer que la garantie de la compagnie Allianz n'était pas due à la société Grosset Janin, que l'article L. 124-5 du code des assurances, ne s'appliquait qu'aux garanties prenant effet postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003, le 3 novembre 2003, du fait de la souscription d'un nouveau contrat ou de la reconduction de garantie d'un contrat en cours, cependant qu'il appartenait au juge, tenu de statuer sur la validité de la clause selon laquelle seuls étaient garantis les dommages déclarés par l'assuré à l'assureur avant la date de résiliation du contrat, de rechercher si, en application du régime antérieur à l'entrée en vigueur de cette loi, dont il avait constaté qu'il était seul applicable au contrat, cette clause était valable, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, L. 124-1 et L. 124-3du code des assurances. »
Réponse de la Cour
22. La cour d'appel a relevé que les conditions générales afférentes à la responsabilité civile exploitation ne prévoyaient aucune garantie du coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres pouvant affecter les biens du fait de malfaçons, que la garantie pour l'erreur d'implantation était subordonnée à l'intervention d'un géomètre expert lors du coulage des fondations et à la signature d'un procès-verbal d'implantation, ce qui n'avait pas été le cas en l'espèce, et excluait expressément le coût de reconstruction ou de mise en conformité de l'ouvrage réalisé par l'assuré.
23. Elle en a déduit, à bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen, que la garantie de la société Allianz n'était pas due pour les condamnations correspondant à la remise en état de l'ouvrage.
24. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
25. La société Grosset Janin fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec M. [K] et la société Trappier Georges, à verser à M. et Mme [Z] la somme de 118 149,86 euros en réparation des préjudices résultant des désordres constitués par l'absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévues, l'absence de praticabilité de la rampe d'accès au sous-sol du bâtiment et le caractère enterré de certaines de ses façades, alors « qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le préjudice résultant de la réalisation des soutènements périphériques en enrochement et celui de l'impossibilité de réaliser les 9 places de stationnement extérieures en partie Nord Est de la propriété prévues au permis de construire n'étaient pas sans lien avec les manquements reprochés à la société Grosset Janin, dans la mesure où les travaux prévus étaient concrètement impossibles à réaliser et ces coûts, par là même, inévitables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
26. Selon ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
27. Pour condamner la société Grosset Janin à indemniser M. et Mme [Z] du préjudice lié à l'impossibilité de réaliser les places de stationnement prévues et au coût des travaux d'enrochement supplémentaires, l'arrêt retient que la société Grosset Janin était chargée de la réalisation de l'intégralité de la maçonnerie de la structure et de la couverture du bâtiment, qu'elle a établi les plans d'exécution et avait l'obligation de vérifier la conformité de la construction au permis de construire et à la réglementation de l'urbanisme, qu'elle aurait dû identifier les problèmes d'implantation en planimétrie et en altimétrie et établir un plan « d'implantation ».
28. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les dommages liés à l'impossibilité de réaliser les places de stationnement et au coût des travaux d'enrochement supplémentaires auraient pu être évités si la société Grosset Janin n'avait pas manqué à ses obligations contractuelles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société Grosset Janin au titre de la perte de clientèle
Enoncé du moyen
29. La société Grosset Janin fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à M. et Mme [Z] et à la société Santé Nat indivisément la somme de 65 218 euros à titre d'indemnisation pour la perte de clientèle subie, alors « que seule peut être indemnisée une perte de chance lorsque lorsqu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable ; qu'en évaluant le préjudice tiré de la perte des nuitées et de clientèle comme un préjudice entièrement consommé, quand il ne pouvait consister qu'en une perte de chance de réaliser les gains projetés, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
30. Selon le premier de ces textes, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
31. Selon le second, les dommages et intérêts dus au créancier sont, sauf exceptions, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
32. Pour évaluer le préjudice subi par le maître d'ouvrage et l'exploitant du fait de la perte de clientèle liée au retard de livraison et aux désordres, l'arrêt retient que l'appréciation de ce poste de préjudice qui a été faite par l'expert est fondée sur le taux de marge sur charges variables et que les taux pris en compte par ce technicien correspondent à ceux donnés par la société Grosset Janin dans son dire.
33. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le préjudice subi par le maître d'ouvrage et l'exploitant ne devait pas s'analyser en une perte de chance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de garantie formées contre la société Allianz au titre des préjudices immatériels
Enoncé du moyen
34. La société Grosset Janin fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à être relevée et garantie des conséquences des condamnations au titre des préjudices immatériels par la société Allianz, alors « que le versement des primes qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période, et la stipulation de la police selon laquelle le dommage n'est garanti que si la réclamation de la victime a été formulée au cours de la période de validité du contrat est génératrice d'une obligation sans cause et doit être réputée non écrite ; qu'en faisant application, pour dire n'y avoir lieu à la garantie de la Compagnie Allianz, de la clause de la police d'assurance souscrite par la société Grosset Janin selon laquelle seuls étaient garantis les dommages déclarés par l'assuré à l'assureur avant la date de résiliation du contrat, cependant que cette clause devait être réputée non écrite, la cour d'appel a violé les articles 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, L. 124-1 et L. 124-3 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
35. La société Allianz conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau, mélangé de fait et de droit et contraire à la position de la société Grosset Janin en appel.
36. Cependant, le moyen est de pur droit, dès lors qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.
37. Il n'est pas contraire, par ailleurs, à la position de la société Grosset Janin, qui n'a pas soutenu, même implicitement, que la clause litigieuse du contrat d'assurance devait recevoir application.
38. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 124-1 et L. 124-3 du code des assurances :
39. Il résulte de la combinaison de ces textes que le versement de primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance de responsabilité et son expiration, a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période et que toute clause qui tend à réduire la durée de la garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré est génératrice d'une obligation sans cause, comme telle illicite et réputée non écrite.
40. Pour rejeter les demandes formées contre la société Allianz, l'arrêt retient que l'article 20 des conditions générales de la police prévoit qu'en cas de résiliation du contrat, sauf pour non-paiement des cotisations, les garanties en cours sont maintenues pour les faits générateurs ou dommages déclarés par l'assuré à l'assureur avant la date de résiliation, et donnant lieu à réclamation présentée à l'assureur dans un délai maximum de deux ans suivant la date d'effet de la résiliation.
41. Il relève que le contrat a été résilié le 31 mars 2003 et que la réclamation, formée en octobre 2008, est postérieure à ce délai de deux ans.
42. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté qu'à la date de l'ouverture du chantier, la société Grosset Janin était assurée auprès de la société CGU courtage, aux droits de laquelle venait la société Allianz, de sorte que le fait dommageable, constitué par l'exécution des travaux défectueux, s'était produit pendant la période de validité du contrat d'assurance, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
43. La cassation prononcée sur la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi principal est limitée aux condamnations prononcées du chef des emplacements de stationnement et des travaux d'enrochement, pour un montant de 55 908,80 euros.
44. Elle ne s'étend pas aux condamnations prononcées contre M. [K], qui ne s'est pas associé au moyen, et contre la société Trappier Georges du chef de ces mêmes préjudices.
45. Elle s'étend, en revanche, aux dispositions répartissant la dette entre les co-débiteurs.
Mise hors de cause
46. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause M. [G] et les sociétés MMA, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Grosset Janin à payer à M. et Mme [Z] la somme de 55 908,80 euros au titre de l'absence de faisabilité de certaines places de stationnement et des travaux d'enrochement, en ce qu'il fixe la contribution des codébiteurs pour cette somme et condamne en tant que de besoin chacun d'entre eux à rembourser aux autres les sommes qu'ils auraient pu verser et qui excéderaient leur part, en ce qu'il condamne la société Grosset Janin et frères à payer à M. et Mme [Z] et la société Santé Nat indivisément la somme de 65 218 euros au titre de la perte de clientèle et en ce qu'il rejette les demandes de garantie formées par la société Grosset Janin et frères contre la société Allianz IARD au titre des condamnations à payer la somme de 16 680 euros pour les sommes dues à la commune au titre des places de stationnement manquantes, la somme de 50 000 euros pour la moins-value de dépréciation, la somme de 160 631 euros pour pertes de nuitées et de clientèle, la somme de 28 916,56 euros pour le différé du début de remboursement d'emprunt, la somme de 4 568,28 euros pour le surcoût de la construction de la cuisine et la somme de 13 570 euros pour les frais de relogement, l'arrêt rendu le 18 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Met hors de cause M. [G] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ;
Condamne M. et Mme [Z] et la société Allianz IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société Grosset Janin et frères (demanderesse au pourvoi principal)
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Grosset Janin fait grief à l'arrêt attaqué
DE L'AVOIR condamnée, in solidum avec M. [A] [K] et la Société Trappier Georges à verser à M. et Mme [Z] la somme de 118.149,86 € en réparation des préjudices résultant des désordres constitués par l'absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévu, l'absence de praticabilité de la rampe d'accès au sous-sol du bâtiment et le caractère enterré de certaines de ses façades, DE L'AVOIR condamnée à verser à M. et Mme [Z] la somme de 161.424,12 € en réparation des préjudices résultant des défauts dans l'isolation acoustique du bâtiment, DE L'AVOIR condamnée à verser à M. et Mme [Z] la somme de 18.100 € à titre d'indemnisation pour la nécessité de mettre en conformité le permis de construire avec le bâtiment réalisé, DE L'AVOIR condamnée à verser à M. et Mme [Z] et à la société Santé Nat indivisément la somme de 160.631 € à titre d'indemnisation pour la perte de nuitées et la perte de clientèle subies, D'AVOIR rejeté la demande de la SAS Grosset Janin et Frères aux fins d'être relevée et garantie des conséquences de ces condamnations par la SA Allianz Iard, D'AVOIR dit que les sociétés MMA lard SA et MMA lard Assurance Mutuelle venant aux droits de la société Covea Risks, ne sont pas tenues à garantie et DE L'AVOIR condamnée à verser à la SA MMA lard SA et la SA MMA lard Assurances Mutuelles la somme de 398 479,54 € ;
AUX MOTIFS QUE « les époux [Z] ont fondé leur action sur la responsabilité contractuelle des intervenants à l'acte de construire, qui a été retenue par les premiers juges, alors que l'entreprise Grosset Janin soutient qu'une réception serait intervenue le 15 juillet 2004 qui a purgé les désordres apparents ; que selon l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; que s'il est constant que la réception partielle n'est pas prohibée par la loi, c'est à la condition qu'elle intervienne par lots ; qu'en l'espèce, un premier marché « hors d'eau hors d'air » établi sur la base du permis de construire obtenu le 9 novembre 2001, a été régularisé entre les époux [Z] et la société Grosset Janin le 15 novembre 2001 pour un montant de 450 624 € portant sur les lots suivants : Maçonnerie, charpente, couverture, menuiseries extérieures balcon, isolation ossature planchers bois, chape agresta et frais de bureau d'études ; qu'un avenant en date du 29 avril 2002 a modifié ce premier marché portant le montant des travaux à la somme de 574.080,69 € ;qu'un deuxième marché de travaux a été signé entre les parties le 10 juin 2002, assujetti à l'obtention d'un permis de construire modificatif ou nouveau permis de construire, portant sur les lots suivants : menuiserie intérieure, chape, mobilier-agencement pour un montant total de 182 189,96 € TTC ; que la désignation des travaux à réaliser était la suivante : 1ère tranche menuiserie intérieure, sous-sol, rez-de-chaussée, 1er étage et palier 2ème étage, chapes isophoniques à tous les étages « bois » ; que la réception partielle qui est intervenue suivant procès-verbal du 15 juillet 2004, alors que les travaux étaient inachevés et ont été définitivement arrêtés en 2005, n'a pas été effectuée par lots, mais concerne les travaux du rez-de-chaussée et du 1er étage, sans autre précision, dès lors, elle ne peut valoir réception au sens de l'article 1792 -6 du code civil, de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges se sont fondés sur la responsabilité contractuelle ou délictuelle des architectes et entreprises ; qu'il en résulte que les moyens développés par la société Grosset Janin, fondés sur la purge des vices apparents non réservés lors de la réception ou encore sur l'existence d'une garantie décennale pour certains des désordres, sont inopérants » ;
1°) ALORS QU'en relevant d'office le moyen selon lequel la réception partielle intervenue suivant procès-verbal du 15 juillet 2004 n'aurait pu valoir réception au sens de l'article 1792-6 du code civil dès lors qu'elle n'avait pas été effectuée par lots, mais concernait les travaux du rez-de-chaussée et du 1er étage, sans autre précision, sans inviter préalablement les parties à faire valoir leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter tout ou partie de l'ouvrage avec ou sans réserves ; qu'elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit, à défaut, judiciairement ; qu'en retenant que la réception partielle intervenue suivant procès-verbal du 15 juillet 2004 n'aurait pu valoir réception au sens de l'article 1792-6 du code civil dès lors qu'elle n'avait pas été effectuée par lots, mais concernait les travaux du rez-de-chaussée et du 1er étage, sans autre précision, quand la réception partielle n'est pas limitée à une réception par lots mais peut concerner tout ensemble cohérent, ce que constituaient précisément les tranches du travaux du rez-de-chaussée et du 1er étage, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil par refus d'application.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
La société Grosset Janin fait grief à l'arrêt attaqué
DE L'AVOIR condamnée, in solidum avec M. [K] et la Société Trappier Georges à verser à M. et Mme [Z] la somme de 118.149,86 € en réparation des préjudices résultant des désordres constitués par l'absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévu, l'absence de praticabilité de la rampe d'accès au sous-sol du bâtiment et le caractère enterré de certaines de ses façades ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur les réclamations n° 1, n° 2 et n °5, iI s'agit de l'impossibilité de réaliser le nombre d'emplacements de stationnement prévus en partie nord-est de la propriété, de la non- conformité de la rampe d'accès au sous-sol des bâtiments rendant cette dernière impraticable, et du semi enterrement des façades nord et est du bâtiment de sorte que la salle de restaurant située au rez-dechaussée de l'immeuble n'offre pas la vue dégagée prévue au permis de construire ; qu'ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise et des conclusions du géomètre sapiteur, ces trois désordres ont pour origine le caractère erroné des plans masses des permis de construire déposés (PC initial de 2001 et PC modificatif de 2005) ; qu'en effet, sur les plans des deux permis, le niveau du terrain naturel pris en compte en point haut de la rampe d'accès présente une différence de hauteur de 1 mètre avec la réalité ; que la rampe dessinée sur le plan PC 2001 présente une pente supérieur à 18% et n'est pas conforme, celle dessinée sur le plan PC 2005 une pente de 20%, alors que dans la réalité sa pente atteint 23% puis 24% ; que par ailleurs les plans masse du dossier PC initial et modificatif, débordent des limites parcellaires de la propriété ; que les places de stationnement de la partie nord-est du terrain sont implantées, pour partie sur l'emprise du chemin rural adjacent, pour partie sur l'emplacement du sommet de la rampe actuelle ; que la rampe d'accès aux garages est implantée sur la propriété voisine, qui plus est dans un talus ; qu'au regard des limites de la parcelle, du positionnement de la rampe, de l'implantation du chemin rural, seules 3 places de stationnement peuvent être aménagées en partie nord-est de la propriété, ceci en lieu et place des 9 places projetées ; qu'il a ainsi été mis en évidence les non conformités suivantes : non conformité contractuelle résultant de l'impossibilité de réaliser les travaux projetés conformément au permis de construire initial et au permis modificatif notamment les neuf places de stationnement projetées en partie nordest ; non-conformités règlementaires résultant de la réalisation d'une rampe d'accès au sous-sol présentant des pentes dépassant la valeur maximale de 18% fixée par la norme NFP 91-120, et de l'impossibilité de réaliser les travaux projetés conformément aux permis de construire délivrés ; (
) ; que s'agissant de la société Grosset Janin : cette dernière était chargée, dans le cadre d'un contrat « hors d'eau-hors d'air », postérieur à l'obtention du permis de construire, de la réalisation de l'intégralité de la maçonnerie de la structure et de la couverture du bâtiment ; qu'elle a établi elle-même les plans d'exécution et avait l'obligation de vérifier la conformité de la construction au permis de construire et à la réglementation de l'urbanisme. Elle aurait dû en conséquence identifier les problèmes d'implantation en planimétrie et en altimétrie et établir un plan « d'implantation » ; qu'elle est responsable de la réalisation d'une rampe d'accès non conforme aux plans du permis de construire et surtout impraticable » ;
Et AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'expertise a permis de mettre en évidence de nombreuses erreurs affectant le plan-masse du dossier de permis de construire initial (permis délivré le 9 novembre 2011) ; qu'ainsi, notamment, les limites parcellaires indiquées sont erronées de même que la configuration topographique et le niveau du terrain naturel (TN) indiqué sur ce plan qui est inférieur d'environ 1 m à la réalité ; que la réalisation des travaux par la Société Trappier Georges en charge du terrassement et de l'enrochement et la société Grosset Janin attributaire d'un marché de travaux "hors d'eau-hors d'air" sur la base de ce plan de masse erroné a entraîné des conséquences de trois ordres : seuls trois des neuf emplacements de stationnement prévus en partie nord-ouest de la propriété ont pu être réalisés, notamment parce que certains de ces stationnements étaient en réalité prévus sur l'emprise de fonds voisin: la rampe d'accès au sous-sol du bâtiment est impraticable compte tenu de son degré de pente bien trop important et en tout état de cause nettement supérieur aux normes, les façades Nord et Est du bâtiment sont semi-enterrées de sorte que la salle de restaurant prévue au rez-de-chaussée de l'immeuble n'offre pas la vue dégagée prévue au permis de construire ; qu'en outre, l'expert relève que la rampe réalisée par la société Grosset Janin Frères n'est pas conforme aux plans du permis de construire en ce que sa pente est supérieure à celle prévue par ce document ; (
) ; que quant à la société Groset Janin, les fautes commises par M. [K] ne sauraient l'exonérer de sa responsabilité alors qu'elle était chargée dans le cadre d'un contrat "hors d'eauhors d'air" de la réalisation de I'intégralité de la maçonnerie, de la structure et de la couverture du bâtiment et a, dans ce cadre, établit elle-même une partie des plans » ;
1°) ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Grosset Janin faisant valoir qu'elle ne pouvait être tenue des réclamations n° 1 et 5 dès lors que ces dernières ne concernaient que le lot terrassement qui ne lui incombait pas, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'il n'existe pas de lien de causalité entre le préjudice et la faute retenue à l'encontre d'une des parties, lorsque celle-ci est entièrement absorbée par celle commise par l'autre partie sans laquelle elle ne serait pas survenue ; qu'en s'abstenant de s'expliquer, bien qu'elle y ait été invitée, sur le fait que, au regard du lien de causalité, les manquements de la société Grosset Janin ont été absorbés par les erreurs de M. [K] ayant affecté la conception des plans de masse des permis de construire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°) ALORS, en toute hypothèse, QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le préjudice résultant de la réalisation des soutènements périphériques en enrochement et celui de l'impossibilité de réaliser les 9 places de stationnement extérieures en partie Nord Est de la propriété prévues au permis de construire n'étaient pas sans lien avec les manquements reprochés à la société Grosset Janin, dans la mesure où les travaux prévus étaient concrètement impossibles à réaliser et ces coûts, par là même, inévitables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
La société Grosset Janin fait grief à l'arrêt attaqué
DE L'AVOIR condamnée à verser à M. et Mme [Z] la somme de 18.100 € en réparation des préjudices résultant du coût de l'obtention d'un permis de construire conforme aux constructions réalisées et D'AVOIR dit qu'elle serait relevée et garantie par M. [K] à hauteur de 50% ;
AUX MOTIFS expressément ADOPTES QUE « la nécessité d'obtenir un permis de construire conforme à la réalité des constructions résulte, dans des proportions égales, des fautes commises par la société Grosset Janin et M. [K] » ;
ALORS QU'il n'existe pas de lien de causalité entre le préjudice et la faute retenue à l'encontre d'une des parties, lorsque celle-ci est entièrement absorbée par celle commise par l'autre partie sans laquelle elle ne serait pas survenue ; qu'en s'abstenant de s'expliquer, bien qu'elle y ait été invitée, sur le fait que, au regard du lien de causalité, les manquements de la société Grosset Janin ont été absorbés par les erreurs de M. [K] ayant affecté la conception des plans de masse des permis de construire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
La société Grosset Janin fait grief à l'arrêt attaqué
DE L'AVOIR condamnée à verser à M. et Mme [Z] et à la société Santé Nat indivisément la somme de 160.631 € à titre d'indemnisation pour la perte de nuitées et la perte de clientèle subies ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« en sa qualité de locataire et exploitante du fonds de commerce d'hôtel, la société Santé Nat est en droit de se prévaloir à l'encontre de la société Grosset Janin d'une faute délictuelle résultant de l'inexécution du contrat liant cette dernière aux époux [Z] ; qu'en l'absence d'éléments nouveaux, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, que les premiers juges ont relevé que ces préjudices résultaient uniquement de la mauvaise exécution par la SAS Grosset Janin du marché de travaux 1102 relatif aux aménagements intérieurs, avec notamment des retards dans la livraison des chambres supplémentaires et des désordres phoniques les affectant ; que c'est également à juste titre, qu'au regard du compte entre les parties faisant ressortir un solde créditeur en faveur de la société Grosset Janin de 4 530,47 € TTC, les premiers juges ont considéré que l'arrêt total des travaux par cette dernière en septembre 2004 n'était pas justifié et relevait d'une inexécution fautive du contrat, rejetant ainsi l'appel en garantie qu'elle avait formalisée à l'encontre de M. [K], M. [G] et la SA Trappier ; que s'agissant de la perte de nuitées, il sera relevé que, pour contester les sommes allouées par le tribunal, qui a fait sienne l'analyse de l'expert, la société Grosset Janin ne fait que reprendre les arguments qu'elle a exposés à I'expert dans un dire auquel ce dernier a répondu de manière précise et circonstanciée notamment en ce qui concerne la salle pouvant être utilisée soit comme salle de séminaire, soit comme dortoir ; que s'agissant de la perte de clientèle, ainsi que l'a relevé l'expert il n'est pas contestable que d'une part l'inachèvement des travaux sur une période aussi longue (près de 10 ans), d'autre part la perte progressive d'étoiles et enfin les problèmes techniques affectant l'ouvrage (stationnement, problèmes acoustiques) étaient de nature à entrainer une désaffection de la clientèle » ;
Et AUX MOTIFS ADOPTES QUE « si la SAS Grosset Janin est la seule entreprise dont la responsabilité est recherchée à ce titre par les demandeurs, cette entreprise invoque quant à elle les fautes commises par M. [K], M. [G] et la Société Trappier Georges à l'origine, selon elle exclusivement, de ces dommages et demande à être relevée et garantie des conséquences de cette condamnation ; que cependant, ces préjudices résultent uniquement de la mauvaise exécution par la SAS Grosset Janin du marché de travaux n°2 concernant les aménagements intérieurs et notamment des retards dans la livraison des chambres supplémentaires et des désordres notamment phoniques les affectant, étant précisé qu'au regard du compte entre les parties tel qu' examiné ci-dessus, I'arrêt total des travaux par la SAS Grosset Janin n'apparaît pas justifié, mais relève d'une inexécution fautive du contrat » ;
1°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux moyens qui les saisissent ; qu'en l'espèce, la société Grosset Janin faisait valoir que le décalage du délai de réalisation de l'immeuble, à l'origine de la perte de nuitées était dû, au moins en partie, à la procédure engagée par le voisin à l'encontre des époux [Z] s'agissant de la limite de leur terrain ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire de la société Grosset Janin, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en violation l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE seule peut être indemnisée une perte de chance lorsque lorsqu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable ; qu'en évaluant le préjudice tiré de la perte des nuitées et de clientèle comme un préjudice entièrement consommé, quand il ne pouvait consister qu'en une perte de chance de réaliser les gains projetés, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
(Subsidiaire au premier moyen)
La société Grosset Janin fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR rejeté sa demande tendant à être relevée et garantie des conséquences de ces condamnations par la SA Allianz Iard ;
AUX MOTIFS QUE « la société Grosset Janin a souscrit auprès de CGU courtage un contrat d'assurance « Edifice » à effet du 1er avril 2000 garantissant ; que la responsabilité civile Exploitation et Après livraison des travaux ; que la RC décennale Bâtiment, Génie civil ; que les dommages subis par l'assuré avant livraison des travaux ; que ce contrat a été résilié le 31 mars 2003 ; qu'il en résulte qu'à l'époque de l'ouverture du chantier la société Grosset Janin était assurée auprès de la société CGU Courtage aux droits de laquelle vient la société Allianz ; que pour autant, l'article 20 des conditions générales de la police, intitulé « Période de garantie » prévoit au paragraphe I relatif à la RC exploitation et Après livraison , qu'en cas de résiliation du contrat, sauf pour non-paiement des cotisations, les garanties en cours sont maintenues pour les faits générateurs ou dommages déclarés par l'assuré à l'assureur avant la date de résiliation, et donnant lieu à réclamation présentée à l'assureur dans un délai maximum de deux ans suivant la date d'effet de la résiliation ; qu'en l'espèce, la réclamation est bien postérieure à ce délai de deux ans, puisque la procédure de référé en vue de l'institution d'une expertise judiciaire n'est intervenue qu'en octobre 2008, que vainement, la société Grosset Janin invoque-t-elle à son profit les dispositions de l'article L 124-5 du code des assurances, alors que ce texte créé par la loi du 1er août 2003, ne s'applique qu'aux garanties prenant effet postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, le 3 novembre 2003, du fait de la souscription d'un nouveau contrat ou de la reconduction de garantie d'un contrat en cours ; qu'en l'espèce, le contrat a été résilié avant même la promulgation de ladite loi ; qu'à titre superfétatoire et pour la moralité des débats, il sera relevé que les conditions générales afférentes à la responsabilité civile exploitation ne prévoient aucune garantie du coût des travaux pour remédier aux désordres pouvant affecter les biens du fait de malfaçons, que les extensions facultatives de garanties pendant les travaux et/ou après leur livraison prévoient une garantie pour l'erreur d'implantation qui a bien été souscrite par la société Grosset Janin, mais qui s'agissant d'une garantie facultative, a cessé à compter de la résiliation du contrat ; qu'était subordonnée à l'intervention d'un géomètre expert lors du coulage des fondations et à la signature d'un procès-verbal d'implantation, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ; qu'en tout état de cause exclut expressément le coût de reconstruction ou de mise en conformité de l'ouvrage réalisé par l'assuré » ;
1°) ALORS QUE le versement des primes qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période, et la stipulation de la police selon laquelle le dommage n'est garanti que si la réclamation de la victime a été formulée au cours de la période de validité du contrat est génératrice d'une obligation sans cause et doit être réputée non écrite ; qu'en faisant application, pour dire n'y avoir lieu à la garantie de la Compagnie Allianz, de la clause de la police d'assurance souscrite par la société Grosset Janin selon laquelle seuls étaient garantis les dommages déclarés par l'assuré à l'assureur avant la date de résiliation du contrat, cependant que cette clause devait être réputée non écrite, la cour d'appel a violé les articles 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, L. 124-1 et L. 124-3du code des assurances ;
2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il lui appartient, le cas échéant, de restituer aux faits leur exacte qualification sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; que pour mettre en jeu le garantie de la Compagnie Allianz, la société Grosset Janin exposait que la garantie déclenchée par le fait dommageable (ou fait générateur du dommage) couvrait l'assuré contre les conséquences pécuniaires du sinistre, à partir du moment où le fait dommageable était survenu entre la prise d'effet de la police et sa résiliation, depuis la loi de sécurité financière du 1er août 2003 ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer que la garantie de la compagnie Allianz n'était pas due à la société Grosset Janin, que l'article L. 124-5 du code des assurances, ne s'appliquait qu'aux garanties prenant effet postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003, le 3 novembre 2003, du fait de la souscription d'un nouveau contrat ou de la reconduction de garantie d'un contrat en cours, cependant qu'il appartenait au juge, tenu de statuer sur la validité de la clause selon laquelle seuls étaient garantis les dommages déclarés par l'assuré à l'assureur avant la date de résiliation du contrat, de rechercher si, en application du régime antérieur à l'entrée en vigueur de cette loi, dont il avait constaté qu'il était seul applicable au contrat, cette clause était valable, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, L.124-1 et L. 124-3du code des assurances. Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [K] (demandeur au pourvoi incident)
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [K] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR condamné in solidum avec la SAS Grosset Janin et frères, la SA Trappier Georges à verser à M. et Mme [Z] la somme de 118 149,46 euros en réparation des préjudices résultant des désordres constitués par l'absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévues, l'absence de praticabilité de la rampe d'accès au sous-sol du bâtiment et le caractère enterré de certaines de ses façades, D'AVOIR fixé dans les rapports entre ces condamnés leur contribution à la dette à hauteur de 45% pour M. [K], 45% pour la SAS Grosset Janin et frères et 10% pour la SA Trappier Georges et condamné en tant que de besoin chacun d'eux à rembourser aux autres les sommes qu'ils auraient pu verser et qui excéderaient leur part, D'AVOIR condamné la SAS Grosset Janin et frères à verser à M. et Mme [Z] la somme de 18 100 euros à titre d'indemnisation pour la nécessité de mettre en conformité le permis de construire avec le bâtiment réalisé et D'AVOIR dit que la SAS Grosset Janin sera relevée et garantie de cette somme par M. [K] à hauteur de 50%, et condamné en tant que de besoin M. [K] à payer à la SAS Grosset Janin la moitié de ladite somme ;
1°) ALORS QUE l'architecte dont la mission est limitée à l'obtention du permis de construire n'est pas tenu des conséquences de la réalisation des travaux par un entrepreneur chargé d'élaborer les plans d'exécution à la demande du maître de l'ouvrage ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était pourtant demandé dans les conclusions d'appel de M. [K] (p. 5), si la mission que lui avaient confié M. et Mme [Z] n'était pas limitée à l'obtention du permis de construire et que, partant, les préjudices subis du fait de la réalisation de travaux par la société Grosset Janin ne lui étaient pas imputables, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
2°) ALORS, en tout état de cause, QU'en constatant que la société Grosset Janin avait établi elle-même les plans d'exécution des travaux et qu'elle avait l'obligation de vérifier la conformité de la construction au permis de construire et à la réglementation de l'urbanisme (p. 16 de l'arrêt) sans pour en autant en déduire qu'elle avait causé à elle seule les préjudices résultant des désordres constitués par l'absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévues et l'absence de praticabilité de la rampe d'accès au sous-sol du bâtiment, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
3°) ALORS, en tout état de cause, QU'en constatant que la société Grosset Janin avait établi elle-même les plans d'exécution des travaux et qu'elle avait l'obligation de vérifier la conformité de la construction au permis de construire et à la réglementation de l'urbanisme (p. 16 de l'arrêt), sans pour autant en déduire qu'elle avait causé à elle seule le préjudice résultant de la nécessité de mettre en conformité le permis de construire avec le bâtiment réalisé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
M. [K] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR condamné in solidum avec la SAS Grosset Janin et frères, la SA Trappier Georges à verser à M. et Mme [Z] la somme de 118 149,46 euros en réparation des préjudices résultant des désordres constitués par l'absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévues, l'absence de praticabilité de la rampe d'accès au sous-sol du bâtiment et le caractère enterré de certaines de ses façades, D'AVOIR fixé dans les rapports entre ces condamnés leur contribution à la dette à hauteur de 45% pour M. [K], 45% pour la SAS Grosset Janin et frères et 10% pour la SA Trappier Georges et condamné en tant que de besoin chacun d'eux à rembourser aux autres les sommes qu'ils auraient pu verser et qui excéderaient leur part,
1°) ALORS QU'en ne répondant pas au moyen opérant de M. [K] (p. 6 de ses conclusions d'appel) selon lequel la rampe a été faite sans tenir compte du plan du permis de construire qu'il avait établi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en ne répondant pas au moyen opérant de M. [K] (p. 6 de ses conclusions d'appel) selon lequel les neuf places de stationnement pouvaient bien être construites conformément à son plan de permis de construire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en ne répondant pas au moyen opérant de M. [K] (p. 7 de ses conclusions d'appel) selon lequel les façades avaient été prévues dans son plan de permis de construire comme étant enterrées à la demande de Mme [Z], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. | La réception de travaux qui ne constituent pas des tranches indépendantes ou ne forment pas un ensemble cohérent ne vaut pas réception au sens de l'article 1792-6 du code civil |
7,620 | N° W 21-82.604 F-B
N° 00333
MAS2
22 MARS 2022
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 MARS 2022
M. [D] [M] et M. [H] [T], parties civiles, ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 9 avril 2021, qui a déclaré irrecevable leur constitution de partie civile contre personne non dénommée, du chef de diffamation publique envers fonctionnaires publics.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de MM. [D] [M] et [H] [T], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. MM. [D] [M] et [H] [T], respectivement président et ancien président de l'[2] ([2]), ont porté plainte et se sont constitués partie civile du chef précité, le 24 septembre 2020, à la suite de la diffusion, le 24 juin 2020, au personnel de l'[2], d'un tract syndical intitulé « corruptions, maltraitances, copinages : le vote [1] pour un changement radical de gouvernance à l'[2] ».
3. Par ordonnance du 13 octobre 2020, le juge d'instruction a fixé une consignation d'un montant de 1 000 euros pour chaque partie, à payer avant le 16 novembre 2020.
4. Par ordonnance du 20 novembre 2020, il a déclaré les plaintes irrecevables, au motif que les parties civiles n'ont pas effectué la consignation dans le délai imparti.
5. Le montant de la consignation a été viré sur les comptes du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire le 23 novembre 2020.
6. Appel a été relevé par les deux parties civiles.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la plainte avec constitutions de partie civile de MM. [M] et [T] irrecevable, alors:
« 1°/ que la déclaration d'inconstitutionnalité et l'abrogation de l'article 88 du code de procédure pénale que ne manquera pas de prononcer le Conseil constitutionnel à la suite des questions prioritaires de constitutionnalité soulevées dans un mémoire séparé et motivé entraînera l'annulation de l'arrêt attaqué par application des articles 61-1 et 62 de la Constitution ;
2°/ que la consignation est régulièrement réalisée lorsqu'elle prend la forme d'un virement accepté par le régisseur des avances et recettes, si l'ordre de virement a été donné dans le délai fixé par le juge d'instruction, même lorsque le paiement effectif intervient ultérieurement ; que, pour confirmer l'ordonnance ayant déclaré la plainte de MM. [M] et [T] irrecevable, la chambre de l'instruction a relevé que le magistrat instructeur avait fixé une consignation devant être effectuée au plus tard le 16 novembre 2020 et que dès lors que le virement aux fins de consignation avait été réalisé le 23 novembre 2020, elle n'était pas régulière ; qu'en ne recherchant pas, si comme le soutenaient les plaignants, l'ordre de virement aux fins de consignation avait été donné dans le délai fixé par le juge d'instruction, ce mode de paiement ayant été accepté par le régisseur des avances et recettes, ce qui aurait rendu la consignation régulière, la chambre de l'instruction a violé l'article 88 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en déclarant irrecevable la constitution de partie civile, aux motifs que le délai de consignation n'avait pas été respecté, en refusant de prendre en considération le fait que l'ordre de virement aux fins de consignation avait été donné dans le délai fixé pour consigner, même si l'établissement bancaire n'avait pas exécuté immédiatement cet ordre, ce qui ne dépendait aucunement des plaignants, ceux-ci étant dans l'impossibilité d'envisager la voie de la citation directe, du fait de la brièveté des délais de prescription en droit de la presse, la chambre de l'instruction a porté atteinte au droit d'accès au juge, en violation de l'article 6, §1, de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
8. La Cour de cassation ayant, par arrêt en date du 23 novembre 2021, dit n'y avoir lieu à renvoi au Conseil constitutionnel des questions prioritaires de constitutionnalité, le grief est devenu sans objet.
Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Vu les articles 88 et 593 du code de procédure pénale, L. 133-6 du code monétaire et financier :
9. Il résulte du premier de ces textes que la consignation, fixée par ordonnance du juge d'instruction, doit être déposée au greffe dans le délai imparti, sous peine de non-recevabilité de la plainte.
10. Selon le deuxième, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
11. Aux termes du troisième, une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution. Ainsi, le bénéficiaire d'un ordre de paiement dispose des fonds dès la date à laquelle le payeur consent à cette opération.
12. Pour confirmer l'ordonnance et déclarer irrecevables les plaintes avec constitution de partie civile, l'arrêt attaqué énonce que les sommes versées par les parties civiles ont été inscrites au crédit du compte du régisseur d'avances et de recettes le 23 novembre 2020, hors du délai imparti par le juge d'instruction qui expirait le 16 novembre 2020.
13. En se déterminant ainsi, alors que les parties civiles faisaient valoir qu'elles avaient ordonné le virement des sommes dans le délai imparti, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 9 avril 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux mars deux mille vingt-deux. | Il résulte de l'article L. 133-6 du code monétaire et financier qu'une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution. Ainsi, le bénéficiaire d'un ordre de paiement dispose des fonds dès la date à laquelle le payeur consent à cette opération.
Ne justifie pas sa décision l'arrêt qui déclare irrecevables les plaintes avec constitution de partie civile au motif que les sommes versées par les parties civiles ont été inscrites au crédit du compte du régisseur d'avances et de recettes hors du délai imparti par le juge d'instruction, alors que les parties civiles faisaient valoir que le virement des sommes avait été ordonné dans le délai imparti |
7,621 | N° Y 21-83.549 F-B
N° 00346
SL2
23 MARS 2022
REJET
M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 MARS 2022
Le procureur général près la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 22 avril 2021, qui a prononcé sur une requête en incident contentieux.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Slove, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [E] [U] a été condamné le 3 juin 2019 par le tribunal correctionnel de Saint-Denis de la Réunion pour recel en récidive, à six mois d'emprisonnement, cette décision lui ayant été signifiée à personne le 8 juillet 2020.
3. Le juge de l'application des peines a été saisi le 31 août 2020 dans le cadre de l'article 723-15 du code de procédure pénale.
4. Le 6 décembre 2020, M. [U] a été placé en garde à vue pour des faits de viols sur mineur de quinze ans. Le 8 décembre 2020 cette procédure a fait l'objet d'un classement sans suite par le procureur de la République qui a mis à exécution la peine de six mois d'emprisonnement précitée sur le fondement de l'article 723-16 du code de procédure pénale.
5. M. [U] a saisi le tribunal correctionnel d'une requête en incident contentieux sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale.
6. Les juges du fond ont déclaré cette requête recevable et l'ont rejetée.
7. M. [U] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la requête en incident contentieux d'exécution de peine présentée par M. [U], alors :
« 1°/ que la décision de mise à exécution par le ministère public d'une peine d'emprisonnement exécutoire en application de l'article 723-16 du code de procédure pénale ne saurait constituer un incident contentieux permettant la saisine de la juridiction correctionnelle sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale, sauf à méconnaître les prérogatives essentielles du ministère public tirées des articles 707-1, 723-15-2 et 723-16, et relevant de la seule appréciation de ce dernier ;
2°/ qu'aucune disposition légale ne prévoit la possibilité de contester la décision de mise à exécution d'une peine d'emprisonnement ferme conformément aux exigences posées par l'article 723-16 du code de procédure pénale. Dès lors, en déclarant recevable la requête fondée sur l'article 710 du code de procédure pénale, la cour d'appel a privé de base légale sa décision et violé la loi. »
Réponse de la Cour
10. Pour déclarer la requête recevable, l'arrêt attaqué énonce que l'aménagement de la peine relève du droit des peines en application de l'article 723-15 du code de procédure pénale, l'article 723-16 du même code prévoyant la mise à exécution immédiate de la partie ferme de la peine prononcée par dérogation aux dispositions de l'article 723-15 précité, en cas d'urgence motivée soit par un risque de danger pour les personnes ou les biens établi par la survenance d'un fait nouveau, soit par l'incarcération de la personne dans le cadre d'une autre procédure, soit d'un risque avéré de fuite du condamné.
11. Les juges ajoutent que la contestation, par le condamné, des conditions de mise à exécution d'une peine par le ministère public constitue un incident d'exécution au sens de l'article 710 du code de procédure pénale, ce texte n'apportant aucune limitation à la notion d'incident. Ils précisent que la contestation formée en l'espèce par le condamné, portant sur la mise à exécution d'une peine, par le ministère public, sur le fondement de l'article 723-16 du code de procédure pénale, alors que le juge de l'application des peines est saisi dans le cadre de l'article 723-15 du même code, constitue un incident, au sens de l'article 710 précité, en l'absence de disposition particulière prévoyant une procédure spéciale.
12. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.
13. En effet, tous les incidents contentieux relatifs à l'exécution des sentences pénales pour lesquels aucune autre procédure n'est prévue par la loi, tels que la contestation de la mise à exécution par le ministère public d'une peine d'emprisonnement, en application de l'article 723-16 du code de procédure pénale, relèvent des articles 710 à 712 du code de procédure pénale.
14. Dès lors, le moyen doit être écarté.
15. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois mars deux mille vingt-deux. | Tous les incidents contentieux relatifs à l'exécution des sentences pénales pour lesquels aucune autre procédure n'est prévue par la loi, tels que la mise à exécution par le ministère public d'une peine d'emprisonnement en application de l'article 723-16 du code de procédure pénale, relèvent des articles 710 à 712 du code de procédure pénale.
Justifie sa décision la cour d'appel qui pour déclarer recevable une requête en incident d'exécution retient que la contestation formée en l'espèce par le condamné, portant sur la mise à exécution d'une peine, par le ministère public, sur le fondement de l'article 723-16 du code de procédure pénale, alors que le juge de l'application des peines est saisi dans le cadre de l'article 723-15 du même code, constitue un incident, au sens de l'article 710 précité, en l'absence de disposition particulière prévoyant une procédure spéciale |
7,622 | N° F 21-82.958 F-B
N° 00349
SL2
23 MARS 2022
DECHEANCE
REJET
M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 MARS 2022
[J] [K], M. [H] [T] et M. [W] [B] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises des mineurs de Paris, 3e section, en date du 18 avril 2021, qui, pour tentatives de meurtres, aggravés, les a condamnés, chacun, à dix-huit ans de réclusion criminelle.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de [J] [K], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [H] [T], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Quatre fonctionnaires de police, à bord de deux véhicules, ont été attaqués, à [Localité 1], par un groupe d'une quinzaine de personnes qui ont jeté dans leur direction des bouteilles incendiaires et des pavés.
3. [J] [K], mineur au moment des faits, MM. [H] [T] et [W] [B] ont été mis en examen et renvoyés, avec dix autres personnes, devant la cour d'assises des mineurs de l'Essonne, des chefs de tentatives de meurtres sur personnes dépositaires de l'autorité publique.
4. La cour d'assises a statué par arrêt du 4 décembre 2019.
5. [J] [K], MM. [T], [B] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Déchéance du pourvoi formé par M. [B]
6. M. [B] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen proposé pour [J] [K], le premier moyen et le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, proposés pour M. [T]
7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le second moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [T]
8. La Cour de cassation ayant, par arrêt du 24 novembre 2021, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité, le grief est devenu sans objet.
Sur le premier moyen proposé pour [J] [K]
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré [J] [K] coupable d'avoir, le 8 octobre 2016, tenté de donner volontairement la mort à quatre personnes dépositaires de l'autorité publique, l'a exclu du bénéfice de la diminution de peine prévue par l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 et l'a condamné à une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle, alors :
« 1°/ que le jury de jugement est composé de six jurés lorsque la cour statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu'elle statue en appel ; qu'en l'espèce, à l'issue des débats, « la cour et les six jurés de jugement ainsi que les quatre jurés supplémentaires, conformément aux dispositions de l'article 296 du code de procédure pénale, sont entrés dans la chambre des délibérations » ; qu'en statuant, à hauteur d'appel, en présence de six jurés, la cour d'assises des mineurs a violé les articles 296 et 592 du code de procédure pénale, ensemble l'article 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
2°/ que le jury de jugement est composé de six jurés lorsque la cour statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu'elle statue en appel ; que tout jugement ou arrêt doit contenir la preuve de la composition régulière de la juridiction dont il émane ; qu'en l'espèce il ressort du procès-verbal des débats, tout à la fois que neuf jurés ont été désignés à l'ouverture des débats et que « la cour et les six jurés de jugement (
) sont entrés dans la chambre des délibérations » ; que du fait de ces mentions contradictoires, la cour d'assises des mineurs, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 296, 592 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. »
Réponse de la Cour
10. Si le procès-verbal des débats indique qu'à la clôture des débats, lors de la suspension d'audience, les six jurés de jugement sont entrés dans la salle des délibérations, le procès-verbal mentionne, dans l'ordre dans lequel ils ont été tirés, les noms des neuf jurés de jugement, tout en indiquant également la présence des neuf jurés de jugement lors de chaque reprise des débats, après les suspensions.
11. En cet état, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que le jury était légalement composé.
12. Ainsi le moyen, qui se fonde sur une simple erreur matérielle, ne peut qu'être écarté.
Sur le deuxième moyen proposé pour [J] [K]
Enoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré [J] [K] coupable, d'avoir le 8 octobre 2016, tenté de donner volontairement la mort à quatre personnes dépositaires de l'autorité publique, l'a exclu du bénéfice de la diminution de peine prévue par l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 et l'a condamné à une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle, alors « que chaque circonstance aggravante doit faire l'objet d'une question distincte ; que constitue une circonstance aggravante de la tentative de meurtre la circonstance que la victime était une personne dépositaire de l'autorité publique, dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ; qu'en retenant une telle circonstance aggravante en répondant par l'affirmative à la question n° 2 se bornant à indiquer que la tentative de meurtre avait été commise sur des personnes dépositaires de l'autorité publique, dans l'exercice ou du fait de leurs fonctions, sans préciser la dernière exigence de ce texte, à savoir que cette qualité était « apparente ou connue de l'auteur », la cour d'assises d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 349 du code de procédure pénale, ensemble l'article 221-4 du code pénal. »
Réponse de la Cour
14. La deuxième question de la feuille de questions, est ainsi rédigée : « la tentative de meurtre, ci-dessus spécifiée a-t-elle été commise sur des personnes dépositaires de l'autorité publique, dans l'exercice ou du fait de leurs fonctions » ?
15. Si cette formulation omet de préciser que la qualité des victimes était apparente ou connue des auteurs, ainsi que le prévoit l'article 221-4, 4°, du code pénal, la cassation n'est toutefois pas encourue, dès lors que la feuille de motivation indique que la tentative de meurtre a été commise sur des personnes dépositaires de l'autorité publique, à savoir des fonctionnaires de la police nationale en service, dont la qualité était parfaitement apparente, ce dont il résulte que la cour et le jury ont été interrogés sur tous les éléments constitutifs de la circonstance aggravante retenue.
Sur le quatrième moyen proposé pour [J] [K]
Enoncé du moyen
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré [J] [K] coupable d'avoir, le 8 octobre 2016, tenté de donner volontairement la mort à quatre personnes dépositaires de l'autorité publique, l'a exclu du bénéfice de la diminution de peine prévue par l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 et l'a condamné à une peine de dix-huit années de réclusion criminelle, alors « que la tentative de meurtre suppose la commission d'un acte matériel positif de nature à causer la mort d'autrui ; qu'en bornant à retenir, d'une part, que « les faits constituent une scène unique de violence, qui doit être appréciée dans son ensemble, sans qu'il soit nécessaire de préciser les faits et gestes de chacun des participants à l'attaque », et, d'autre part, que [J] [K] était présent sur les lieux au moment de l'attaque, sans caractériser le moindre acte positif susceptible de causer la mort des victimes à l'encontre de celui-ci, la cour d'assises d'appel a statué par des motifs inopérants à caractériser une tentative de meurtre et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-4, 121-5, 221-1 et 221-4 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
17. Pour déclarer l'accusé coupable de tentatives de meurtres aggravés, la feuille de motivation énonce que seize hommes vêtus de noir, dont les visages étaient dissimulés, sont arrivés groupés, en courant, à l'arrière d'un des véhicules de police, qu'ils étaient porteurs de pavés et d'une douzaine de cocktails Molotov déjà allumés, lancés à très courte distance dans l'habitacle du véhicule, qui s'est immédiatement embrasé, alors que deux policiers se trouvaient à l'intérieur.
18. Les juges énoncent que l'intention homicide des auteurs est établie par différents éléments, résultant notamment des auditions des parties civiles, des constatations effectuées par les enquêteurs, et des films de vidéosurveillance projetés à l'audience.
19. Ils ajoutent que l'attaque a duré quelques dizaines de secondes, qu'elle est l'uvre d'un groupe organisé et préparé, qui a manifestement effectué un repérage préalable.
20. Ils concluent à cet égard que les faits constituent donc une scène unique de violence, qui doit être appréciée dans son ensemble, sans qu'il soit nécessaire de préciser les faits et gestes de chacun des participants à l'attaque.
21. S'agissant de [J] [K] spécialement, la feuille de motivation énonce, notamment, que l'accusé reconnaît appartenir à la bande de la « Serpente », et énumère les éléments au titre desquels elle retient qu'il en est le meneur. Elle se fonde sur les déclarations de deux personnes, selon lesquelles, la veille des faits, [J] [K] a été vu préparer des cocktails Molotov, avec deux autres personnes dont le visage était dissimulé par des cagoules. Elle relève que parmi les attaquants filmés par un tiers, apparaît un individu dont la main gauche est totalement blanche, et que [J] [K] n'a pas contesté à l'audience que le 17 juillet 2016, il avait été opéré de la main gauche, après s'être blessé la veille avec un mortier d'artifice. Elle se réfère à la mise en cause de l'accusé par deux renseignements anonymes, mais aussi par un témoin anonyme et par deux témoins, l'un d'eux ayant maintenu à l'occasion d'une confrontation l'avoir reconnu à son physique, sans connaître son nom, parmi les fuyards, après l'attaque, mais aussi avoir appris par un tiers qu'il faisait partie des assaillants.
22. Elle conclut qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, [J] [K] doit être déclaré coupable des faits de tentative de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique.
23. En statuant ainsi, la cour d'assises n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
24. En effet, d'une part, lorsque des violences ont été exercées volontairement et simultanément, dans une intention homicide, par plusieurs accusés, au cours d'une scène unique, l'infraction peut être appréciée dans son ensemble, sans qu'il soit nécessaire pour les juges du fond de préciser la nature des violences exercées par chacun des accusés sur chacune des victimes.
25. D'autre part, les énonciations de la feuille de questions et celles de la feuille de motivation mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'assises, statuant en appel, a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l'ont convaincue de la culpabilité de [J] [K].
26. Par ailleurs la procédure est régulière et les peines ont été légalement appliquées aux faits déclarés constants par la cour et le jury.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par M. [W] [B] :
CONSTATE la déchéance du pourvoi ;
Sur les pourvois formés par [J] [K] et M. [H] [T] :
Les REJETTE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois mars deux mille vingt-deux. | Les mentions de la feuille de motivation sont de nature à établir que la cour et le jury ont été interrogés sur les éléments constitutifs de la circonstance aggravante d'un crime, au cas où la question qui s'y rapporte ne les a pas tous indiqués.
N'encourt pas la censure l'arrêt dont la feuille de motivation indique que la qualité des victimes, fonctionnaires de police, était apparente, cette circonstance n'étant pas spécifiée dans la question correspondante |
7,623 | N° C 21-80.885 F-B
N° 00353
SL2
23 MARS 2022
REJET
M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 MARS 2022
Mme [X] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 7 janvier 2021, qui, pour non-représentation d'enfant, l'a condamnée à quatre mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [X] [C], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [P] [T], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Slove, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [X] [C] et son époux, M. [P] [T], ont eu un enfant né en 2012. Ils ont engagé une procédure de divorce. L'ordonnance de non-conciliation a accordé au père un droit de visite en lieu neutre.
3. Mme [C] a été poursuivie pour non-représentation d'enfant, pour ne pas avoir été respecté le droit de visite du père. Par jugement du 22 juin 2020, prononcé par le tribunal correctionnel de Reims, elle a été reconnue coupable et condamnée à huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire. Le tribunal a prononcé sur les intérêts civils.
4. La prévenue et le ministère public ont relevé appel du jugement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [C] à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans, avec obligation de remettre son enfant entre les mains de celui auquel la garde a été confiée par décision de justice M. [T], son père, alors :
« 1°/ qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; qu'en prononçant ainsi à l'encontre de Mme [C] une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, sans s'expliquer sur la personnalité de Mme [C] qui n'a aucun antécédent judiciaire, ni sur sa situation personnelle, alors même qu'elle invoquait une précarisation de sa situation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 du code pénal, 132-40 et suivants du même code, 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'aucune décision de justice n'a accordé la garde de l'enfant à son père, qui ne dispose que d'un simple droit de visite ; en confirmant la condamnation de Mme [C] avec l'obligation de remettre l'enfant à M. [T], son père, qui en aurait la garde, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, aucune décision n'ayant accordé un tel droit au père de l'enfant et les décisions servant de fondement aux poursuites, en l'occurrence l'ordonnance de non conciliation du tribunal de grande instance de Reims du 15 juin 2017 confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 2 mars 2018 ayant accordé un simple droit de visite au père, étant devenues caduques en raison du prononcé ultérieur du divorce entre les époux, le 4 juin 2019 ; aucune obligation ne pouvait plus en découler ; qu'en statuant donc ainsi, la cour d'appel a violé l'article 132-45, 17°, du code pénal par fausse application ainsi que le principe relatif à l'autorité de chose jugée et excédé ses pouvoirs ;
3°/ que si l'article 132-45, 17°, du code pénal prévoit à titre d'obligation dans le cadre du sursis probatoire, l'obligation de remettre l'enfant au parent qui en a la garde, il ne prévoit aucune obligation en ce qui concerne l'exercice d'un simple droit de visite ; la peine ainsi prononcée n'a aucun fondement légal et la cour d'appel a derechef excédé ses pouvoirs, violé le texte précité ainsi que l'article112-1 du code pénal ; la cassation pourra intervenir sans renvoi. »
Réponse de la Cour
7. Après avoir reconnu la prévenue coupable de non-représentation d'enfant, l'arrêt attaqué l'a condamnée à quatre mois d'emprisonnement, peine assortie d'un sursis probatoire pendant deux ans, en lui imposant, sur le fondement de l'article 132-45,17°, du code pénal, l'obligation particulière de remettre l'enfant entre les mains de son père, auquel la garde a été confiée par décision de justice.
8. En prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte précité.
9. En effet, les décisions statuant sur le droit de visite et d'hébergement de l'un des parents entrent dans les prévisions de l'article 132-45, 17°, précité.
10. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Mme [C] devra payer à M. [T] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois mars deux mille vingt-deux. | Les décisions statuant sur le droit de visite et d'hébergement de l'un des parents entrent dans les prévisions de l'article 132-45, 17°, du code pénal.
Justifie sa décision la cour d'appel qui condamne une prévenue pour non-représentation d'enfant en lui imposant, sur le fondement de l'article 132-45, 17°, du code pénal, l'obligation particulière de remettre l'enfant entre les mains de son père, auquel la garde a été confiée par décision de justice |
7,624 | CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 267 F-B
Pourvoi n° N 20-17.663
Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de Mme [B].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 février 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2022
Mme [M] [B], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 20-17.663 contre l'arrêt rendu le 12 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [S] [N], épouse [O], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Mme [A] [N], épouse [J], domiciliée [Adresse 5],
3°/ à M. [T] [N], domicilié [Adresse 6] (Suisse),
4°/ à M. [F] [W], domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de Mme [B], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de Mmes [S] et [A] [N] et de M. [T] [N], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2019) et les productions, [K] [W] est décédé le 22 janvier 2016, sans descendance, en l'état d'un testament authentique du 17 décembre 2013, confirmé par codicille daté du 13 décembre 2014, instituant, d'une part, Mmes [S] et [A] [N], ainsi que M. [T] [N] (les consorts [N]), légataires universels, d'autre part, différents légataires à titre particulier, parmi lesquels Mme [B].
2. Des difficultés sont survenues entre eux pour le règlement de la succession.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [B] fait grief à l'arrêt de dire que le legs qui lui a été consenti se heurte à l'interdiction résultant des dispositions de l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles et de dire en conséquence que les consorts [N] sont déchargés de toute obligation de délivrance du legs à son profit, alors « qu'en l'absence de dispositions particulières, les actes juridiques sont régis par la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus, de sorte que le legs consenti par actes des 17 décembre 2013 et 1er avril 2014 ne peut être régi par l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles issu de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, entrée en vigueur postérieurement aux actes ; qu'en faisant néanmoins application de l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles la cour d'appel l'a violé, ensemble l'article 2 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2 du code civil :
5. Selon ce texte, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif.
6. Pour dire que les consorts [N] sont déchargés de toute obligation de délivrance du legs au profit de Mme [B], l'arrêt fait application de l'article L. 116-4, alinéa 2, du code de l'action sociale et des familles, créé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 et dans sa version en vigueur au jour du décès de [K] [W]. Il retient qu'il résulte de cette loi que c'est à la date de la libéralité qu'il y a lieu de rechercher si le légataire avait une qualité l'empêchant, au jour du décès du testateur, de recevoir. Après avoir relevé qu'à la date du testament authentique, Mme [B] était employée par [K] [W] en qualité d'auxiliaire de vie à domicile, il en déduit que le legs à titre particulier consenti à son profit se heurte à l'interdiction résultant de ce texte.
7. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de dispositions particulières, les actes juridiques sont régis par la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus et qu'il ressortait de ses constatations qu'au jour de l'établissement du testament, l'article L. 116-4, alinéa 2, du code de l'action sociale et des familles n'était pas en vigueur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition qui porte sur l'interdiction résultant de l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles entraîne, par voie de conséquence, la cassation de celles portant sur la décharge de délivrance du legs et sur les pénalités et majorations fiscales.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le legs à titre particulier au profit de Mme [B] aux termes du testament du 17 décembre 2013 se heurte à l'interdiction résultant des dispositions de l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles et que Mmes [S] et [A] [N], ainsi que M. [T] [N] sont déchargés de toute obligation de délivrance du legs au profit de Mme [B] et rejette la demande de Mme [B] au titre des pénalités et majorations au profit de l'administration fiscale, l'arrêt rendu le 12 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne Mmes [S] et [A] [N], ainsi que M. [T] [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [S] et [A] [N] et M. [T] [N] et les condamne à payer à la SARL Delvolvé et Trichet la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme [B]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [M] [B] de sa demande tendant à voir déclarer nul et de nul effet le testament du 13 décembre 2014 ;
Aux motifs propres qu' « aux termes des dispositions de l'article 901 du code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit ; que la libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence ; Que l'insanité d'esprit visée par les dispositions précitées comprend toutes les variétés d'affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée ; que la charge de la preuve de l'insanité d'esprit du testateur incombe à celui qui agit en nullité du testament ; Considérant que M. [F] [W] et Mme [M] [B] soulignent, s'appuyant sur l'avis donné par rapport du 23 avril 2015 par le docteur [H] [V] pour la mise en application d'un contrat de protection future de [K] [W], que ce dernier connaissait une dégradation de ses fonctions cognitives depuis plus d'un an, ce qui est effectivement mentionné par ce médecin au titre des antécédents médicaux de l'intéressé ; que comme l'a justement relevé le jugement entrepris, le rapport du docteur [H] [V], succinct, qui ne mentionne aucun avis ou examen médicaux relatifs aux capacités cognitives du défunt, est de ce fait insuffisant à rapporter la preuve de l'insanité alléguée courant décembre 2014 ; que le fait que le jugement entrepris conclut au caractère insuffisant de ce rapport, tout en rappelant les qualités professionnelles du docteur [H] [V], le fait qu'il a examiné [K] [W] et que son rapport mentionne les antécédents médicaux précités ne saurait entacher cette décision d'une quelconque contradiction comme l'affirment M. [F] [W] et Mme [M] [B] (page 16 conclusions appelants) ; qu'en effet, le rapport du docteur [H] [V] qui conclut à l'affaiblissement par l'âge des fonctions mentales de [K] [W] au terme de deux examens, ne précise nullement la nature desdits examens et que la lecture de son rapport montre qu'il n'est fait état que d'un seul examen réalisé à la résidence [7] [Adresse 2] ; que cet avis médical a par ailleurs été établi en application des dispositions de l'article 481 du code civil aux seules fins d'établir si [K] [W] était, à l'époque de l'examen, dans l'une des situations prévues à l'article 425 du même code, soit dans l'impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts en raison d'une altération médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté ; qu'il n'avait ainsi pas vocation à rechercher l'origine des troubles du patient et leur progressivité, ni à éclairer sur son état antérieur ; que dans ces conditions, les seuls éléments factuels fournis par le docteur [H] [V] pour illustrer la désorientation dans le temps et l'espace de [K] [W] lors de son examen ne suffisent pas à démontrer qu'à la date du 13 décembre 2014, [K] [W] n'était pas en mesure d'exprimer une volonté saine » ;
Et aux motifs adoptés que « selon l'article 901 du code civil, « pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence ». À la demande de sa soeur, Mme [R] [W], le docteur [V], neurologue, inscrit sur la liste des experts du procureur de la République de Paris, a examiné [K] [W] le 23 avril 2015 à son nouveau domicile depuis trois semaines, la résidence [7]. Son rapport, qui mentionne au titre des antécédents médicaux une dégradation des fonctions cognitives depuis plus d'un an, conclut à un affaiblissement important de ses fonctions mentales. Ce seul rapport, succinct, qui ne mentionne aucun avis ou examen médicaux relatifs aux capacités cognitives du patient, est de ce fait insuffisant à rapporter la preuve de l'insanité alléguée courant décembre 2014. Cette pièce n'est en outre confortée par aucun témoignages de proches du défunt permettant de juger que [K] [W] n'était plus sain d'esprit le jour de la rédaction du testament olographe du 13 décembre 2014, lequel confirme les volontés exprimes dans le testament authentiques du 17 décembre 2013 et révoque toutes dispositions ultérieures. La validité de ces dernières dispositions et la sanité d'esprit de [K] [W] sont par ailleurs confortés par le contenu de l'attestation d'[R] [W], attestation d'autant plus crédible : - qu'elle émane de la soeur du défunt, elle-même privée de tous droits dans son patrimoine dont elle souligne qu'il était sujet à de multiples convoitises, que cette confirmation a pour conséquence de privilégier la bellefamille du défunt au détriment de sa propre famille, choix qui peut se justifier par le fait qu'une part importante de la fortune de [K] [W] était composée de biens propres de sa défunte épouse née [N] de sorte qu'au delà des liens affectifs, ou de la confiance que le défunt pouvait ressentir pour tel ou tel, il n'apparaît pas incohérent qu'il ait souhaité un retour de ces biens dans la famille de cette dernière, ce qu'il a d'ailleurs noté sur le document olographe écrit par le défunt la veille de la réception de son testament authentique. Il convient en conséquence de confirmer la validité du testament olographe du 13 décembre 2014 » (jugement, p. ) ;
1°) Alors d'une part que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que selon l'avis médical du Dr [H] [V], «Monsieur [K] [W] présente une désorientation dans le temps et l'espace, il ne connaît ni le mois ni l'année en cours, il ne connaît pas l'adresse de son ancien domicile, ni celle de la résidence où il séjourne. Il a de gros troubles de mémoire : il a oublié que son frère ainé est décédé depuis dix ans et il le croit encore vivant, il ne connaît pas l'adresse de sa soeur qui est pourtant très proche de lui. Il a perdu la connaissance de la valeur de l'argent : il n'a pas été en mesure de me donner des prix cohérents pour les services et achats courants que je lui ai demandé » (avis médical p. 2), ce dont il résulte que l'avis médical fait état de troubles cognitifs de trois ordres : des troubles d'orientation spatio-temporelle, des troubles de la mémoire et des représentations altérées de la valeur réelle des choses et prestations courantes ; qu'en retenant que cet avis médical se bornait à attester de troubles de désorientations dans le temps et l'espace, pour conclure au défaut d'insanité d'esprit de [K] [W], la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'écrit qui était produit, en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
2°) Alors, d'autre part, que Mme [M] [B] contestait devant la cour d'appel (conclusions n° 2, p. 17, 18 et 19) la fiabilité de l'attestation émanant d'[R] [W] sur laquelle les juges du fond s'étaient fondés pour conclure à la validité du testament du 13 décembre 2014 ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu, même sommairement, à ces conclusions, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [M] [B] de sa demande tendant à voir dire que seul le testament du 1er avril 2014 est parfaitement valable ;
Aux motifs que « M. [F] [W] et Mme [M] [B] ayant été déboutés de leur demande de nullité du testament du 13 décembre 2014, le jugement entrepris ayant été confirmé de ce chef plus avant, ils seront également déboutés de leur demande tendant à voir dire que seul le testament du 1er avril 2014 est parfaitement valable, celui-ci étant antérieur au testament du 13 décembre 2014 qui confirme le seul testament authentique du 17 décembre 2013 et révoque toutes dispositions faites ultérieurement » ;
Alors que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré valable le testament du 13 décembre 2014 entraînera la cassation du chef de l'arrêt qui a débouté Mme [M] [B] de sa demande tendant à voir dire que seul le testament du 1er avril 2014 est valable, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le legs consenti à Mme [B] se heurte à l'interdiction résultant des dispositions des articles L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles et d'avoir dit en conséquence que Mme [S] [N] épouse [O], Mme [A] [N] épouse [J] et M. [T] [N] sont déchargés de toute obligation de délivrance du legs au profit de Mme [B] ;
Aux motifs que « la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 précitée est applicable comme étant en vigueur au moment du décès de [K] [W], intervenu le 22 janvier 2016 ; qu'il résulte des termes de cette loi que c'est au moment où la libéralité a été faite qu'il y a lieu de rechercher si le légataire avait une qualité l'empêchant, au jour du décès, de recevoir ; que Mme [M] [B] ayant été engagée par [K] [W] à compter de septembre 2013 en qualité d'auxiliaire de vie à domicile (pièce 19 intimés), il est établi et non contesté par les parties qu'elle était salariée de [K] [W] à la date du testament authentique du 17 décembre 2013, le licenciement effectif de celle-ci étant intervenu le 15 avril 2015 (pièce 19 intimés) » ;
Alors que en l'absence de dispositions particulières, les actes juridiques sont régis par la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus, de sorte que le legs consenti par actes des 17 décembre 2013 et 1er avril 2014 ne peut être régi par l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles issu de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, entrée en vigueur postérieurement aux actes ; qu'en faisant néanmoins application de l'article L. 116-4 du code de l'action sociale et des familles la cour d'appel l'a violé, ensemble l'article 2 du code civil. | Selon l'article 2 du code civil, en l'absence de dispositions particulières, les actes juridiques sont régis par la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus.
Il en résulte que la loi permettant d'apprécier l'incapacité de recevoir par un testament est celle en vigueur au jour de l'établissement de celui-ci |
7,625 | CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 269 F-B
Pourvoi n° N 21-12.952
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2022
Mme [S] [Y], agissant en qualité de représentante légale d'[H] [G] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 21-12.952 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Z] [L], domicilié chez Mme [F] [U], [Adresse 4] (États-Unis),
2°/ à Mme [R] [D], domiciliée [Adresse 3], en qualité d'administratrice ad'hoc du mineur [H] [G] [Y],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [Y], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [L], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2020), le 5 novembre 2004, à Los Angeles, Mme [Y], de nationalité suédoise, a donné naissance à l'enfant [H].
2. Le 16 décembre 2006, à [Localité 5], elle a épousé M. [L], de nationalité française, qui, par acte du 23 décembre 2010 reçu par l'officier de l'état civil monégasque, a déclaré reconnaître [H].
3. Le divorce des époux a été prononcé le 6 février 2016 par la cour supérieure de l'Etat de Californie pour le comté de Los Angeles.
4. Le 19 mai 2017, Mme [Y] a assigné M. [L] en contestation de la reconnaissance de paternité.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ci après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
6. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de juger son action en contestation de paternité irrecevable comme prescrite, alors :
« 1°/ qu'il résulte de l'article 311-15 du code civil que la possession d'état produit toutes les conséquences qui découlent selon la loi française à l'égard des seuls enfants résidant en France ou dont l'un des parents réside en France ; qu'en analysant la recevabilité de l'action en contestation de la reconnaissance de paternité au regard de l'article 333 du code civil et en retenant, pour la dire irrecevable, qu'il existait une possession d'état de plus de cinq années conforme au titre, nonobstant le fait que ni l'enfant, ni aucun de ses parents n'avait sa résidence habituelle en France, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 311-15 et 333 du code civil et, par refus d'application, l'article 321 du code civil ;
2°/ que l'article 311-15 du code civil s'applique à la détermination de la loi applicable tant à l'action en établissement de paternité régie par l'article 311-14 qu'à l'action en contestation d'une déclaration de paternité régie par l'article 311-17 du code civil ; qu'en décidant, pour déclarer l'action en contestation de la reconnaissance de paternité, que l'article 311-15 du code civil, venant après l'énoncé de la règle générale de l'article 311-14, écartait seulement, au profit de la loi française, les dispositions de la loi étrangère applicable en vertu de l'article 311-14 et que l'article 311-17 énonçait une règle spéciale de conflit de lois qui désigne les règles de fond applicable à la reconnaissance de paternité et à sa contestation, la cour d'appel a violé les articles 311-14, 311-15 et 311-17 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. Après avoir rappelé qu'il résultait de l'article 311-17 du code civil que l'action en contestation d'une reconnaissance de paternité devait être possible tant au regard de la loi de l'auteur de celle-ci que de la loi de l'enfant, la cour d'appel en a déduit que, M. [L] étant de nationalité française, la recevabilité de l'action devait être examinée au regard de la loi française.
8. Elle a énoncé à bon droit que l'article 311-17 édictait une règle spéciale de conflit de lois prévalant sur la règle générale prévue par l'article 311-14 et qu'il n'y avait pas lieu de se référer aux conditions fixées par l'article 311-15 pour voir se produire les effets que la loi française attachait à l'existence ou à l'absence de possession d'état, ce texte n'ayant vocation à jouer que si, en vertu de l'article 311-14, la filiation était régie par une loi étrangère.
9. Ayant constaté que l'enfant avait bénéficié à l'égard de son père d'une possession d'état de plus de cinq ans depuis la reconnaissance, la cour d'appel en a exactement déduit que, par application de l'article 333 du code civil, l'action en contestation de paternité engagée par Mme [Y], en sa qualité de représentante légale de l'enfant, était irrecevable, nonobstant le fait que ni l'enfant ni aucun de ses parents n'avait sa résidence habituelle en France.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Y] et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour Mme [Y]
La demanderesse fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de juger son action en contestation de paternité irrecevable comme prescrite alors :
1°) qu'il résulte de l'article 311-15 du code civil que la possession d'état produit toutes les conséquences qui découlent selon la loi française à l'égard des seuls enfants résidant en France ou dont l'un des parents réside en France ; qu'en analysant la recevabilité de l'action en contestation de la reconnaissance de paternité au regard de l'article 333 du code civil et en retenant, pour la dire irrecevable, qu'il existait une possession d'état de plus de cinq années conforme au titre, nonobstant le fait que ni l'enfant, ni aucun de ses parents n'avait sa résidence habituelle en France, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 311-15 et 333 du code civil et, par refus d'application, l'article 321 du code civil ;
2°) que l'article 311-15 du code civil s'applique à la détermination de la loi applicable tant à l'action en établissement de paternité régie par l'article 311-14 qu'à l'action en contestation d'une déclaration de paternité régie par l'article 311-17 du code civil ; qu'en décidant, pour déclarer l'action en contestation de la reconnaissance de paternité, que l'article 311-15 du code civil, venant après l'énoncé de la règle générale de l'article 311-14, écartait seulement, au profit de la loi française, les dispositions de la loi étrangère applicable en vertu de l'article 311-14 et que l'article 311-17 énonçait une règle spéciale de conflit de lois qui désigne les règles de fond applicable à la reconnaissance de paternité et à sa contestation, la cour d'appel a violé les articles 311-14, 311-15 et 311-17 du code civil ;
3°) que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir ; qu'en retenant, pour dire qu'il existait une possession d'état continue, paisible, publique et non équivoque de M. [L] à l'égard d'[H] ayant duré plus de cinq années au moins depuis la reconnaissance, qu'il résultait des éléments de la procédure de divorce engagée devant le juge américain qu'[H] avait été désigné comme l'enfant du couple et que M. [L] avait formé des demandes de droit de visite à son profit de sorte qu'il envisageait de continuer à se maintenir dans la vie de l'enfant, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs insuffisants à établir une possession d'état continue, paisible, publique et non équivoque ayant duré plus de cinq années depuis la reconnaissance, a privé sa décision de base légale au regard des articles 311-1, 311-2 et 333 du code civil ;
4) que l'impossibilité de contester un lien de filiation constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti à l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui doit être proportionnée au but poursuivi et spécialement conforme à l'intérêt de l'enfant ; qu'en déclarant irrecevable l'action en contestation de la reconnaissance de paternité sans rechercher si, concrètement, la mise en oeuvre du court délai de forclusion prévu par l'article 333 du code civil destiné à protéger les droits et libertés des tiers et la sécurité juridique sur le territoire français à l'action exercée par un jeune enfant de nationalité étrangère, né d'une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, qui ne résidait pas en France, permise par sa loi personnelle et destinée à contester une reconnaissance de paternité effectuée à l'étranger, non conforme à la réalité biologique, ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de l'enfant à son identité personnelle et, en particulier, si un juste équilibre était ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et 333 du code civil ;
5°) que le seul fait que la loi suédoise ne soumet pas l'exercice de l'action en contestation de paternité à un délai de prescription, à la différence du droit français, ne suffit pas à caractériser une contrariété à l'ordre public international français ; qu'en retenant, pour écarter l'application de la loi suédoise, que les dispositions du droit suédois, qui prévoient que le droit de contester la paternité n'est soumis à aucune limitation de temps, auraient pour effet d'empêcher de stabiliser une filiation établie, quelle que soit la durée du lien de sorte qu'elles doivent être écartées comme contraires à la conception française de l'ordre public international, la cour d'appel, qui n'a pas apprécié concrètement si l'application de la loi suédoise à l'action en contestation de paternité exercée sept années après la reconnaissance conduisait à consacrer une solution contraire à l'ordre public international, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil.
Le greffier de chambre | L'article 311-17 du code civil édictant une règle spéciale de conflit de lois prévalant sur la règle générale prévue par l'article 311-14 du même code, il n'y a pas lieu de se référer aux conditions fixées par l'article 311-15 du code civil pour voir se produire les effets que la loi française attache à l'existence ou à l'absence de possession d'état, ce texte n'ayant vocation à jouer que si, en vertu de l'article 311-14, la filiation est régie par une loi étrangère |
7,626 | CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 271 FS-B
Pourvoi n° N 21-11.986
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2022
1°/ M. [Z] [M],
2°/ Mme [C] [T], épouse [M],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° N 21-11.986 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2020 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige les opposant à Mme [X] [S], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. et Mme [M], de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [S], et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, Mme Andrich, MM. David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 15 décembre 2020), propriétaires d'une parcelle bâtie donnée en location, M. et Mme [M] ont assigné Mme [S], propriétaire de la parcelle voisine, en remise en état d'une canalisation d'évacuation des eaux usées, selon eux obstruée, et en indemnisation, en invoquant l'existence d'une servitude par destination du père de famille entre les deux parcelles, issues de la division d'un seul fonds par acte du 30 septembre 1997.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. M. et Mme [M] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné ; que la destination du père de famille vaut donc titre à l'égard des servitudes discontinues lorsqu'existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien ; qu'en refusant de reconnaître l'existence d'une servitude d'évacuation des eaux usées par destination du père de famille, tout en relevant que les fonds des époux [M] et de Mme [S] provenaient de la division d'un seul fonds, que l'acte de division ne mentionnait pas l'existence de la servitude litigieuse et que la servitude présentait un signe apparent matérialisé par un regard, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 693 et 694 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 694 du code civil :
3. Aux termes de ce texte, si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritages, sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement et passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné.
4. Pour rejeter les demandes de M. et Mme [M], l'arrêt retient que, s'il n'est pas contesté que leur parcelle et celle de Mme [S] sont issues de la division d'un seul fonds, suivant un acte du 30 septembre 1997 qui ne mentionne pas l'existence d'une servitude d'écoulement des eaux usées, il est constant qu'une telle servitude a un caractère discontinu, de sorte qu'elle ne peut s'acquérir par destination du père de famille, quand bien même elle présenterait un signe apparent matérialisé par un regard.
5. En statuant ainsi, alors que la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes discontinues lorsqu'existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de la servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien, la cour d'appel a, par refus d'application, violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne Mme [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [S] et la condamne à payer à M. et Mme [M] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [M],
M. et Mme [M] reprochent à l'arrêt attaqué,
DE LES AVOIR déboutés de leurs demandes tendant à voir constatée l'existence d'une servitude de canalisation souterraine d'évacuation des eaux usées raccordant la parcelle cadastrée section [Cadastre 3] leur appartenant et passant sous la parcelle section [Cadastre 4] appartenant à Mme [S], DE LES AVOIR déboutés de leurs demandes tendant à voir condamnée, sous astreinte, Mme [S] à remettre en état, à ses frais, la canalisation ou à défaut d'exécution par Mme [S], à être autorisés à pénétrer sur sa propriété pour y faire réaliser les travaux à ses frais, et DE LES AVOIR déboutés de leurs demandes tendant à voir condamnée Mme [S] au paiement d'une somme de 500 euros par mois au titre de la perte de loyers de janvier 2015 à la date de réalisation des travaux et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
1° ALORS QUE si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné ; que la destination du père de famille vaut donc titre à l'égard des servitudes discontinues lorsqu'existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien ; qu'en refusant de reconnaître l'existence d'une servitude d'évacuation des eaux usées par destination du père de famille, tout en relevant que les fonds des époux [M] et de Mme [S] provenaient de la division d'un seul fonds, que l'acte de division ne mentionnait pas l'existence de la servitude litigieuse et que la servitude présentait un signe apparent matérialisé par un regard, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 693 et 694 du code civil ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné ; que la destination du père de famille vaut donc titre à l'égard des servitudes discontinues lorsqu'existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien ; qu'en refusant de reconnaître l'existence d'une servitude d'évacuation des eaux usées par destination du père de famille, sans constater expressément l'absence de signe apparent de la servitude litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 694 du code civil ;
3°) ALORS QUE si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné ; que la destination du père de famille vaut donc titre lorsqu'existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien, que la servitude soit continue ou discontinue ; qu'en jugeant que dès lors que la servitude d'évacuation des eaux usées présentait un caractère discontinu, elle ne pouvait s'acquérir par la destination du père de famille qui ne vaudrait que pour les servitudes continues, la cour d'appel a ajouté une condition non prévue par la loi et a ainsi violé l'article 694 du code civil. | La destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes discontinues lorsqu'existent, lors de la division d'un fonds, des signes apparents de la servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien |
7,627 | COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Cassation partielle sans renvoi
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 202 F+B
Pourvoi n° E 20-19.174
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 MARS 2022
La société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], agissant en la personne de M. [G] [T], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lafayette 06, a formé le pourvoi n° E 20-19.174 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Alnève, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], anciennement dénommée Sineo Strasbourg,
2°/ à M. [K] [S], domicilié [Adresse 3],
3°/ à la société Fortis Lease France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],
4°/ à la société Lafayette 06, société civile immobilière, dont le siège est chez M. [S], [Adresse 3],
5°/ à la société Grumbach immobilier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de la société BTSG², ès qualités, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Alnève, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Grumbach immobilier, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2020), par un jugement du 29 novembre 2017, la société Lafayette 06, dirigée par M. [S], a été mise en liquidation judiciaire, la société BTSG², en la personne de M. [T], étant désignée liquidateur.
2. Par une ordonnance du 7 mai 2019, le juge-commissaire a autorisé la vente de gré à gré d'un immeuble de la société débitrice, situé à [Localité 6], au profit de la société Grumbach immobilier (la société Grumbach), au prix de 720 000 euros. Aucun recours n'a été formé contre l'ordonnance.
3. Mme [D], notaire de la société Grumbach, chargée de la rédaction de l'acte de cession, a notifié le projet de vente à la société Alnève, locataire de locaux commerciaux situés dans l'immeuble, et l'a informée de l'existence à son profit d'un droit de préemption. La société Alnève a confirmé, le 6 juin 2019, qu'elle souhaitait exercer ce droit.
4. Par une requête du 4 novembre 2019, le liquidateur, exposant les difficultés causées par cette notification tandis que le projet d'acte de vente préparé par Mme [D] stipulait une clause selon laquelle la vente portait sur un immeuble vendu dans sa globalité donné pour partie à bail commercial, ce qui constituait, selon le liquidateur, "une exemption au droit de préférence du preneur commercial", en a saisi le juge-commissaire.
5. Par une ordonnance du 18 décembre 2019, le juge-commissaire a rétracté l'ordonnance du 7 mai 2019, ordonné l'ouverture d'un nouvel appel d'offres pour l'acquisition de l'immeuble, et ordonné la notification de l'ordonnance, notamment à la société Alnève et au dirigeant de la société Lafayette 06, M. [S].
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société BTSG² fait grief à l'arrêt d'annuler l'ordonnance du 18 décembre 2019 alors « que le recours devant la cour d'appel contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L. 642-18 du code de commerce n'est ouvert qu'aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions, dans les dix jours de leur communication ou notification ; que le droit de préemption dont dispose le locataire commercial en vertu de l'article L. 145-46-1 du code de commerce ne s'applique pas en cas de vente réalisée dans le cadre de la réalisation des actifs d'un débiteur en liquidation judiciaire, en application de l'article L. 642-18 du code de commerce ; que par ordonnance du 7 mai 2019, le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la SCI Lafayette 06 a autorisé la vente de gré à gré au profit de la société Grumbach Immobilier d'un ensemble immobilier appartenant à cette société et comprenant des locaux commerciaux donnés à bail commercial à la société Alnève ; que par ordonnance du 18 décembre 2019, le juge-commissaire a rétracté cette ordonnance et ordonné l'ouverture d'une nouvelle procédure de vente de gré à gré, en précisant que la société locataire ne disposait pas d'un droit de préemption sur le bien objet de la cession ; que saisie d'un recours de la société Alnève, la cour d'appel a annulé pour excès de pouvoir l'ordonnance du 18 décembre 2019, en considérant que le juge-commissaire était dessaisi par le prononcé de l'ordonnance du 7 mai 2019 ayant ordonné la vente de l'immeuble et qu'il ne pouvait rétracter cette décision ; qu'en accueillant ainsi le recours formé par la société Alnève, laquelle ne pouvait se prévaloir d'un droit de préemption sur le bien immobilier vendu dans le cadre de la réalisation des actifs de la société propriétaire en liquidation judiciaire, de sorte que le recours prévu par l'article R. 642-37-1 du code de commerce ne lui était pas ouvert, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles L. 145-46-1 et L. 642-18 du code de commerce, et les articles 31 et 125 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. La société Alnève conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la société BTSG², ès qualités, se serait bornée à demander à la cour d'appel la confirmation de l'ordonnance sans remettre en cause la recevabilité du recours formé devant elle et que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.
8. Cependant, la société BTSG² ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, un tel moyen, qui est de pur droit, peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.
9. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 145-46-1, L. 642-18 et R. 642-37-1 du code de commerce :
10. La vente de gré à gré d'un actif immobilier dépendant d'une liquidation judiciaire est une vente faite d'autorité de justice. Il en résulte que les dispositions du premier de ces textes, qui concernent le cas où le propriétaire d'un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, ne sont pas applicables et qu'une telle vente ne peut donner lieu à l'exercice d'un droit de préemption par le locataire commercial. Le recours contre une ordonnance du juge-commissaire rendue en application du second texte, qui doit être formé devant la cour d'appel en application du troisième, n'est ouvert qu'aux tiers dont les droits et obligations sont affectés par la décision.
11. Pour annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance du 18 décembre 2019, l'arrêt retient que le juge-commissaire était dessaisi de son pouvoir dès le prononcé de sa décision du 7 mai 2019, à l'égard de laquelle aucun appel, aucune opposition, tierce-opposition ou recours en révision n'avait été effectué, que le liquidateur ne pouvait faire juger la difficulté tenant à l'application du droit de préemption du locataire que par la voie de l'appel et qu'en rétractant son ordonnance, le juge-commissaire a commis un excès de pouvoir.
12. En statuant ainsi, alors que, la vente de l'immeuble autorisée par le juge-commissaire au titre des opérations de liquidation judiciaire de la société Lafayette 06 ne pouvant donner lieu à l'exercice d'un droit de préemption par la société Alnève, les droits et obligations de celle-ci n'étaient pas affectés par l'ordonnance du 18 décembre 2019 contre laquelle elle n'était donc pas recevable à former un recours, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation de l'arrêt en ce qu'il annule pour excès de pouvoir l'ordonnance du 18 décembre 2019 entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt en ce qu'il dit que la cour d'appel ne dispose pas davantage de pouvoir pour rétracter l'ordonnance, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
14. Ainsi que le propose le demandeur, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
16. Il résulte de ce qui précède que le recours formé devant la cour d'appel par la société Alnève était irrecevable.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [S] de ses demandes de nullité de la déclaration d'appel et de prononcé de sa mise hors de cause, l'arrêt rendu le 2 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable le recours formé par la société Alnève contre l'ordonnance du juge-commissaire du 18 décembre 2019 ;
Condamne la société Alnève aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alnève et la société Grumbach immobilier et condamne la société Alnève à payer à la société BTSG², en qualité de liquidateur de la société Lafayette 06, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour la société BTSG², en la personne de M. [G] [T], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lafayette 06.
La SCP BTSG, agissant en la personne de Me [G] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Lafayette 06, reproche à l'arrêt attaqué d'avoir annulé pour excès de pouvoir l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Paris du 18 décembre 2019,
ALORS d'une part QUE le recours devant la cour d'appel contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L. 642-18 du code de commerce n'est ouvert qu'aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions, dans les dix jours de leur communication ou notification ; que le droit de préemption dont dispose le locataire commercial en vertu de l'article L. 145-46-1 du code de commerce ne s'applique pas en cas de vente réalisée dans le cadre de la réalisation des actifs d'un débiteur en liquidation judiciaire, en application de l'article L. 642-18 du code de commerce ; que par ordonnance du 7 mai 2019, le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la SCI Lafayette 06 a autorisé la vente de gré à gré au profit de la société Grumbach Immobilier d'un ensemble immobilier appartenant à cette société et comprenant des locaux commerciaux donnés à bail commercial à la société Alnève ; que par ordonnance du 18 décembre 2019, le juge-commissaire a rétracté cette ordonnance et ordonné l'ouverture d'une nouvelle procédure de vente de gré à gré, en précisant que la société locataire ne disposait pas d'un droit de préemption sur le bien objet de la cession ; que saisie d'un recours de la société Alnève, la cour d'appel a annulé pour excès de pouvoir l'ordonnance du 18 décembre 2019, en considérant que le juge-commissaire était dessaisi par le prononcé de l'ordonnance du 7 mai 2019 ayant ordonné la vente de l'immeuble et qu'il ne pouvait rétracter cette décision ; qu'en accueillant ainsi le recours formé par la société Alnève, laquelle ne pouvait se prévaloir d'un droit de préemption sur le bien immobilier vendu dans le cadre de la réalisation des actifs de la société propriétaire en liquidation judiciaire, de sorte que le recours prévu par l'article R. 642-37-1 du code de commerce ne lui était pas ouvert, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles L. 145-46-1 et L. 642-18 du code de commerce, et les articles 31 et 125 du code de procédure civile ;
ALORS d'autre part et en toute hypothèse QUE le recours devant la cour d'appel contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L. 642-18 du code de commerce n'est ouvert qu'aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions, dans les dix jours de leur communication ou notification ; que le droit de préemption dont dispose le locataire commercial en vertu de l'article L. 145-46-1 du code de commerce ne s'applique pas en cas de vente globale d'un immeuble dans lequel se trouvent des locaux commerciaux donnés à bail ; qu'en accueillant le recours formé par la société Alnève contre l'ordonnance du juge-commissaire du 18 décembre 2019 quand il était constant que la cession en cause portait sur un ensemble immobilier dans sa globalité, dans lequel la société Alnève louait des locaux commerciaux, d'où il résultait qu'elle ne pouvait se prévaloir d'un droit de préemption sur le bien immobilier en cause et que le recours prévu par l'article R. 642-37-1 du code de commerce ne lui était pas ouvert, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles L. 145-46-1 et L. 642-18 du même code, et les articles 31 et 125 du code de procédure civile ;
ALORS de troisième part et subsidiairement QUE le tiers intéressé n'ayant pas exercé de recours contre une ordonnance du juge-commissaire rendue en application de l'article L. 642-18 du code de commerce ne peut contester la décision qui est la suite ou la conséquence de cette ordonnance qu'à la condition que cette décision affecte ses droits et obligations ; qu'il est constant et qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué (p. 2, 1er § ; p. 4, 6ème §) qu'aucun recours n'avait été exercé contre l'ordonnance du 7 mai 2019 ayant ordonné la vente de gré à gré au profit de la société Grumbach Immobilier d'un ensemble immobilier appartenant à la SCI Lafayette 06 ; qu'en accueillant néanmoins le recours formé par la société Alnève contre l'ordonnance du juge-commissaire du 18 décembre 2019 ayant rétracté l'ordonnance du 7 mai 2019 et ordonné un nouvel appel d'offres, quand la société Alnève, qui n'avait pas formé de recours contre l'ordonnance du 7 mai 2019 ayant ordonné la cession de l'immeuble qu'elle louait à bail commercial, ne pouvait plus remettre en cause la vente en se prévalant d'un droit de préemption sur l'immeuble en cause, et était irrecevable, faute d'intérêt, à exercer un recours contre l'ordonnance du 18 décembre 2019 ayant rétracté l'ordonnance du 7 mai 2019 et ayant ordonné un nouvel appel d'offres, cette décision ne lui causant pas grief, la cour d'appel a encore violé l'article R. 642-37-1 du code de commerce, ensemble les articles L. 145-46-1 et L. 642-18 du même code, et les articles 31 et 125 du code de procédure civile ;
ALORS enfin et plus subsidiairement encore QUE si la vente de gré à gré d'un actif immobilier du débiteur en liquidation judiciaire est parfaite dès le prononcé de l'ordonnance du juge-commissaire qui l'autorise, le juge-commissaire peut, tant que le transfert de propriété résultant de la réitération de la vente par acte authentique n'a pas été opéré, et si les parties y consentent, rétracter l'ordonnance ayant autorisé la cession et décider de nouvelles modalités de cession de l'immeuble ; que pour décider que le juge-commissaire avait commis un excès de pouvoir en rétractant l'ordonnance du 7 mai 2019, la cour d'appel a retenu que le juge-commissaire était dessaisi de ses pouvoirs dès le prononcé de cette décision et que seul un recours contre cette décision, non exercé en l'espèce, pouvait remettre en cause la chose jugée par cette ordonnance ; qu'en statuant de la sorte, quand le juge-commissaire avait pu sans excéder ses pouvoirs, dès lors qu'il était constant et qu'il résultait des pièces de la procédure qu'aucun acte authentique n'avait été signé, rétracter, sur demande du liquidateur judiciaire et avec l'accord de la société acheteuse, l'ordonnance ayant autorisé la cession et ordonné un nouvel appel d'offres, la cour d'appel a violé l'article L. 642-18 du code de commerce. | La vente de gré à gré d'un actif immobilier dépendant d'une liquidation judiciaire étant une vente faite d'autorité de justice, les dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, qui concernent le cas où le propriétaire d'un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, ne sont pas applicables et une telle vente ne peut donner lieu à l'exercice d'un droit de préemption par le locataire commercial. Le recours contre une ordonnance du juge-commissaire rendue en application de l'article L. 642-18, qui doit être formé devant la cour d'appel en application de l'article R. 642-37-1 du même code, n'est ouvert qu'aux tiers dont les droits et obligations sont affectés par la décision. Dès lors, le locataire du bien objet de la vente ne pouvant exercer de droit de préemption et ses droits et obligations n'étant donc pas affectés par la décision, il est irrecevable à former un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente dans ces conditions. |
7,628 | COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 210 F-B
Pourvoi n° J 20-15.475
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 MARS 2022
La société X-Gil Full System, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4], anciennement dénommée Gil restauration et multi-activités, a formé le pourvoi n° J 20-15.475 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [U] partners, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [S] [U], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Seafrance,
2°/ à la société BTSG, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [L] [G], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Seafrance,
3°/ à la société FHB, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [E] [O], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Seafrance,
4°/ à la société Filhet Allard et cie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],
5°/ à la société Chubb european groupe SE, dont le siège est [Adresse 7], anciennement Chubb insurance company,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société X-Gil Full System, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Chubb european groupe SE, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société X-Gil Full System du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Filhet Allard et cie.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 19 septembre 2018, pourvoi n° P 17-15.191), la société Seafrance ayant pour activité le transport maritime trans-manche, a conclu en 2007 un "contrat cadre" confiant à la société Spiral restauration et multi-activités (la société RMA devenue ensuite X-Gil Full System) la conception et l'installation d'un progiciel de gestion des ventes à bord de ses navires. Le désaccord survenu entre les parties a conduit la société Seafrance à assigner en résiliation du contrat sa cocontractante, laquelle a appelé en garantie son assureur en responsabilité civile, la société Chubb european groupe SE (la société Chubb). Par jugement du 16 novembre 2011 du tribunal de commerce de Paris, la société Seafrance a été mise en liquidation judiciaire, la SCP [U] et la Selarl FHB étant désignées en qualité d'administrateurs et la société BTSG en celle de liquidateur. Après résiliation du contrat aux torts partagés à parts égales entre les parties, le montant du préjudice subi par chacune d'elles a été fixé, puis a fait l'objet d'une compensation.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La société X-Gil Full System fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il la condamne à payer à la société Seafrance la somme de 63 446,82 euros à titre de dommages-intérêts et de la condamner à payer aux organes de la procédure collective de la société Seafrance, une certaine somme, alors que :
« 1°/ en cas de partage de responsabilité, le juge doit rechercher le préjudice causé à chaque partie et leurs parts respectives de responsabilité avant d'en décider la compensation partielle ou totale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que chacune des sociétés avait contribué à la mauvaise exécution du contrat, étant définitivement acquis que chacune avait contribué au dommage à hauteur de 50 % ; qu'il en résultait que chacune d'elles devait participer, à hauteur de sa propre faute, à la réparation de l'ensemble des préjudices ; en considérant que chacune devait réparation du dommage de l'autre sans tenir compte de la part contributive de chacune, définitivement retenue à hauteur de 50 %, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1184 dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ que la cour d'appel ne pouvait accorder à la société Seafrance l'ensemble des indemnités liées au retard dans l'exécution de la prestation alors qu'elle avait constaté que "les difficultés liées à la recette de l'application nécessitant la présence de salariés de la société Seafrance à Lyon sont dues à l'attitude de la maîtrise d'ouvrage ainsi qu'il a été préalablement rappelé" ; qu'en accordant cependant à la société Seafrance sa demande sur les indemnités liées au retard, la cour d'appel a violé l'article 1147 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016,
5. Il résulte de ce texte que, sauf cause étrangère, le débiteur d'une obligation contractuelle est tenu de réparer, le cas échéant par le paiement de dommages-intérêts, le préjudice causé à son cocontractant en raison de l'inexécution fautive, ou réputée fautive, de cette obligation.
6. Pour condamner la société X-Gil Full System à payer une certaine somme aux organes de la procédure collective de la société Seafrance, l'arrêt, après avoir évalué les préjudices respectivement causés aux parties, a ordonné la compensation entre les créances de chacune.
7. En statuant ainsi, alors que, chacune des parties contractantes étant jugée responsable pour moitié de la résiliation du contrat, elle devait réparer le préjudice subi par l'autre du fait de cette résiliation en tenant compte de cette proportion, soit seulement à concurrence de 50 % de ce préjudice, la compensation ne devant s'opérer qu'après application au préjudice de chaque partie de ce coefficient, la cour d'appel qui, en ordonnant la compensation sans tenir compte de cette proportion, a condamné chaque partie à indemniser intégralement le préjudice de l'autre, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il condamne la société Spiral restauration et multi-activités devenue la société X-Gil Full System à payer à la société Seafrance la somme de 63 446,82 euros à titre de dommages-intérêts, il condamne la société X-Gil Full System à payer à la société [U] partners, prise en la personne de M. [S] [U], la société BTSG, prise en la personne de M. [L] [G] et la société FHB, prise en la personne de M. [O], ès qualités, la somme de 171 334,37 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2014, dit que les intérêts dus pour une année entière pourront être capitalisés aux conditions de l'article 1343-2 du code civil, condamne la société X-Gil Full System aux dépens et à payer à la société [U] partners, prise en la personne de M. [S] [U], la société BTSG, prise en la personne de M. [L] [G] et la société FHB, pris en la personne de M. [O], ès qualités, la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne les sociétés [U] partners, BTSG et FHB, ès qualités, aux dépens, à l'exception de ceux exposés par la société Chubb european group SE, qui seront supportés par la société X-Gil Full System ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour la société X-Gil Full System.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Spiral Restauration & Multi activités devenue la société X-Gil Full System à payer à la société Seafrance la somme de 63.446,82 € à titre de dommages et intérêts et d'avoir condamné la société X-Gil Full System (anciennement Spiral Restauration & Multi activités) à payer à la SCP [U] partners, prise en la personne de Me [S] [U], la Scp Btsg prise en la personne de Me [L] [G] et la Selarl Fhb, pris en la personne de Me [O], ès qualités, la somme de 171.334,37 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2014, Dit que les intérêts dus pour une année entière pourront être capitalisés aux conditions de l'article 1343-2 du code civil, outre frais irrépétibles et dépens ;
AUX MOTIFS QUE : « (
) Les parties étant chacune responsable de la résiliation du contrat, elles doivent supporter le dommage direct et certain que leur propre faute a causé à l'autre. Ainsi que l'a relevé le tribunal, le projet n'ayant pas réussi et le contrat cadre ayant été résilié, les dépenses et le temps passé sur le projet par les parties ont été perdus. Le préjudice de la société Seafrance en lien causal avec les manquements précédemment relevés de la société X-Gil résulte du défaut de recette de l'application Seavab prévue au plus tard le 19 décembre 2008. Le préjudice de la société X-Gil en lien causal avec les manquements de la société Seafrance est constitué par l'impossibilité pour le prestataire de mener le contrat à son terme. - Sur la demande de remboursement de sommes indues Les organes de la procédure collective de la société Seafrance réclament le paiement de 260.202,27 € TTC (238.987,32 € HT) au titre de sommes qu'elle a versées à la société XGil et qu'ils estiment indues en raison du défaut de recette de l'application. Le préjudice de la société Seafrance n'est nullement constitué, contrairement à ce que soutient la société X-Gil, d'une perte de chance d'obtenir un logiciel opérationnel, cette dernière s'étant engagée en application du contrat cadre puis du protocole d'engagement du 30 avril 2008, à mettre en service le logiciel sur un navire pilote au plus tard le 19 décembre 2008. Les sommes précitées ont été payées à la société X-Gil entre le 29 mars 2007 et le 21 novembre 2008 par la société Seafrance ainsi qu'en témoignent les factures fournies au débat, la société X-Gil ne contestant pas les avoir perçues. Ces factures qui concernent principalement des licences, des acomptes ou des prestations de formation ont donc été exposées en pure perte par la société Seafrance en raison du défaut de recette du logiciel dans les délais contractuellement prévus. Le paiement de ces sommes constitue donc un dommage subi par la société Seafrance en lien direct avec les fautes commises par la société X-Gil, ce quand bien même le contrat cadre du 11 juin 2007 n'a pas été résolu mais résilié par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 31 décembre 2014. Il ressort de ce qui précède que la société X-Gil n'oppose pas utilement les dispositions de l'article 18 du contrat cadre selon lesquelles "le prestataire ne prendra en aucun cas la charge de l'indemnisation des dommages indirects telles que préjudice d'exploitation, pertes de bénéfice pour lesquels le client doit souscrire ses propres polices d'assurances". La société X-Gil est en conséquence condamnée à payer à la procédure collective de la société Seafrance la somme de 238.987,32 €, hors TVA, la TVA sur les factures ayant déjà été collectée et reversée à l'administration fiscale. - Sur les pénalités de retard les organes de la procédure collective réclament également le versement des pénalités prévues à l'article 5 du protocole d'engagement en date du 30 avril 2008 pour un montant de 85.296,83 € HT soit 102.355,95 € TTC. Selon l'article 5 du protocole précité, "une pénalité forfaitaire d'un montant de 50.000 € HT sera à la charge du prestataire si ce dernier ne respectait pas l'échéance inscrite au planning au titre de la recette de la solution globale pour le navire pilote. Pour chaque semaine de retard constatée au-delà de la date prévue au titre de la recette de la solution, le prestataire consent à verser un montant de 1.500 € HT par semaine, cette pénalité venant s'incrémenter de 10 % par semaine complémentaire à partir de la 7eme semaine jusqu'à prononciation de la recette de la solution globale pour le navire pilote..." A supposer que le protocole précité qui "vise à déterminer l'ensemble des droits et devoirs liant le prestataire et le client en vue de garantir à ce dernier la livraison d'une solution logicielle sur le périmètre de son activité ventes à bord, dans les nouveaux délais convenus par les deux parties" forme avec le contrat cadre du 11 juin 2007 un ensemble contractuel indivisible de sorte que la résiliation de l'un entraîne la résiliation de l'autre, celle-ci n'est pas de nature à faire obstacle à l'application des pénalités contractuellement prévues par les parties en cas de non-respect des délais prévus pour la recette de l'application en cause antérieurement à la résiliation du contrat, qui constitue une réparation du dommage subi par la société Seafrance en raison du défaut de recette du logiciel par le prestataire, aucune disposition du protocole ne soumettant la mise en oeuvre de ces pénalités au paiement des lots 10, 11 et 12 par la société Seafrance, contrairement à ce que soutient la société X-Gil. Il sera en conséquence alloué à la procédure collective de la société Seafrance la somme de 102.355,95 € TTC réclamée par cette dernière, celle-ci détaillant clairement le calcul de ces pénalités à la date du 16 avril 2009 dans ses écritures, calcul qui n'est pas utilement contesté par la société X-Gil, les parties ayant en outre convenu d'assujettir ces pénalités à la TVA en exprimant les montants hors taxe. - Sur les surcoûts et frais Les organes de la procédure collective de la société Seafrance sollicitent l'allocation de la somme de 354.485,81 € au titre des surcoûts et frais par elle exposés en pure perte en raison des manquements de la société X-Gil, soit la mise à disposition de deux personnes pour assurer la maîtrise d'ouvrage, réclamant à ce titre les salaires qu'elle a versés durant cette mise à disposition soit un coût de 118.110,20 €, la mise à disposition d'une équipe informatique de trois personnes qui a accompagné et piloté le projet pendant 20 mois pour un coût total de 145.000 € ainsi que les coûts liés au détachement de ses salariés pendant deux mois pour procéder au processus de recettage soit 10.375,61 € de frais de déplacement Néanmoins, les salaires des personnels affectés au projet en cause auraient en tout état de cause dus être supportés par la société Seafrance qui n'établit donc pas de préjudice à ce titre en lien causal avec la faute de la société X-Gil, les appelants ne démontrant ni n'alléguant que la société Seafrance a subi un dommage en raison de l'indisponibilité de ces salariés pour accomplir d'autres tâches. S'agissant des frais de déplacement des préposés de la société Seafrance pour participer au recettage des progiciels, outre que les difficultés liées à la recette de l'application nécessitant la présence de salariés de la société Seafrance à [Localité 5] sont dues à l'attitude de la maîtrise d'ouvrage ainsi qu'il a été préalablement rappelé, seuls des documents internes à la société Seafrance, non visés par un professionnel du chiffre, sont fournis au débat pour établir ces frais qui sont contestés par la société X-Gil. Les appelants demandent également le paiement de surcoût de matériels d'un montant de 21.000 €. Néanmoins, il n'est pas démontré de lien entre l'acquisition de ce matériel et la mise en place du logiciel que devait fournir la société X-Gil. Enfin, il est sollicité la somme de 50.000 € en réparation du préjudice de la société Seafrance au titre de la désorganisation et de la perte de temps subies. Toutefois, les appelants se contentent de procéder par affirmations et les nombreuses démarches que la société Seafrance dit avoir entreprises pour mettre en place un nouveau projet avec un nouveau prestataire ne sont démontrées par aucune pièce. Les demandes au titre des surcoûts et des frais ne seront pas accueillies et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté les organes de la procédure collective de la société Seafrance de celles-ci. En conséquence, le préjudice de la société Seafrance est évalué à la somme totale de 341.343, 27 € (238.987,32 € + 102.355,95 €). - Sur les demandes de la société X-Gil - Sur les factures impayées La société X-Gil réclame le paiement de factures émises le 31 décembre 2008 pour un montant total de 142.147,88 € HT soit 170.008,90 € TTC. Ces factures correspondent à des prestations de développements spécifiques concernant les lots 10, 11 et 12 commandées par la société Seafrance et partiellement livrées au jour de la résiliation du contrat cadre par la société Seafrance. Le non-paiement de ces prestations réalisées notamment de consulting constitue un préjudice de la société X-Gil en lien avec la faute de la société Seafrance, le défaut de recette étant, ainsi qu'il a été précédemment rappelé, notamment dû à l'attitude de la maîtrise d'ouvrage. Aussi, la société Seafrance ne peut utilement opposer à la société X-Gil les dispositions de l'article 4.4 du protocole d'engagement selon lesquelles "les développements spécifiques feront l'objet de facturation déclenchée à la prononciation des recettes des lots 10, 11 et 12 identifiées au sein du planning", ni une exception d'inexécution, la société X-Gil n'ayant pu mener à son terme le projet en raison également du comportement de la société Seafrance. La demande de la société X-Gil de fixation de sa créance au passif de la procédure collective de la société Seafrance pour un montant de 170.008,90 € TTC sera accueillie, la TVA n'ayant pas été collectée en raison du non-règlement des factures par la société Seafrance. - Sur les demandes de dommages et intérêts au titre de la résiliation abusive des relations contractuelles La société X-Gil sollicite l'allocation de la somme de 401.806,62 € de dommages et intérêts au titre de la perte d'exploitation résultant de la rupture abusive des relations contractuelles par la société Seafrance par refus de recettage. Néanmoins, si le défaut de recette du logiciel est notamment dû à l'attitude de la société Seafrance, il a également pour cause le nombre d'anomalies trop élevé sur les différents lots livrés, celles-ci portant à plus de 50 % sur les fonctionnalités du progiciel standard, anomalies qui sont imputables à la société X-Gil. Cette dernière n'est donc pas fondée à invoquer une résiliation abusive du contrat par la société Seafrance. Le jugement entrepris sera confirmé en qu'il l'a déboutée de sa demande de ce chef. En conséquence le préjudice de la société X-Gil est évalué à la somme de 170.008,90 €. - Sur la compensation Il sera alloué à la procédure collective de la société Seafrance la somme de 171.334,37 € (341.343, 27 € - 170.008,90 €) après compensation entre les créances de chacune des parties, celles-ci étant responsables à part égale de l'échec du projet. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2014, date de résiliation du contrat, et la capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé sauf sur le montant alloué à titre de dommages et intérêts à la société Seafrance.»
ALORS QUE 1°) en cas de partage de responsabilité, le juge doit rechercher le préjudice causé à chaque partie et leurs parts respectives de responsabilité avant d'en décider la compensation partielle ou totale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que chacune des sociétés avait contribué à la mauvaise exécution du contrat, étant définitivement acquis que chacune avait contribué au dommage à hauteur de 50 % ; qu'il en résultait que chacune d'elles devait participer, à hauteur de sa propre faute, à la réparation de l'ensemble des préjudices ; en considérant que chacune devait réparation du dommage de l'autre sans tenir compte de la part contributive de chacune, définitivement retenue à hauteur de 50 %, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1184 dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
ALORS QUE 2°) la cour d'appel ne pouvait accorder à la Société Seafrance l'ensemble des indemnités liées au retard dans l'exécution de la prestation alors qu'elle avait constaté que « les difficultés liées à la recette de l'application nécessitant la présence de salariés de la société Seafrance à Lyon sont dues à l'attitude de la maîtrise d'ouvrage ainsi qu'il a été préalablement rappelé » ; qu'en accordant cependant à la société Seafrance sa demande sur les indemnités liées au retard, la cour d'appel a violé l'article 1147 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes formées contre la société Chubb european group (anciennement Chubb insurance company) ;
AUX MOTIFS QUE : « (
) La société Atig SA aux droits de laquelle intervient la société X-Gil a souscrit une police d'assurance RC 0070210563 auprès de la société Chubb à compter du 1er octobre 2006. Cette police d'assurance couvre la responsabilité civile professionnelle de la société X-Gil et prévoit l'application d'une franchise de 30.000 €. L'article 2 de ce contrat énumère les exclusions de garantie. Sont exclues des garanties du présent contrat notamment, les pénalités contractuelles et les pénalités de retards supportées par l'assuré à l'exception de la responsabilité civile qui aurait incombé à l'assuré en l'absence de telles stipulations contractuelles (article 2.15), les réclamations liées au retard dans l'exécution des prestations à l'exception des retards qui résultent d'un événement accidentel pour l'assuré provenant de l'un des événements suivants : décès ou incapacité totale de l'ingénieur chargé du projet, accident atteignant mes biens de l'assuré l'empêchant de poursuivre la prestation à laquelle il s'est engagé contractuellement (article 2.16), les dommages subis par les biens livrés ou par les travaux exécutés par l'assuré, et d'une façon générale tous les coûts de réparation ou de remboursement des produits, prestations ou travaux ainsi que les frais nécessaires au retrait ou la dépose-repose des produits (article 2.20), les réclamations relatives aux frais et honoraires de l'assuré (article 2.21), les dommages résultant des défectuosités connues de l'assuré ou de l'acquéreur à la livraison ou à l'achèvement des travaux (article 2.22) et les dommages causés du fait de l'inobservation par l'assuré de ses obligations contractuelles lorsque cette inobservation est due à un manque de moyens financiers de l'assuré ou à une insuffisance de personnel (article 2.28). Selon les dispositions de l'article L. 112-6 du code des assurances, "l'assureur peut opposer au porteur de la police et aux tiers qui en invoque le bénéfice, les exceptions opposables au souscripteur originaire". L'article L. 113-1 du même code prévoit que "Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police". La société Chubb oppose à la procédure collective de la société Seafrance qui sollicite sa condamnation solidaire avec la société X-Gil ainsi qu'à la société X-Gil les dispositions des articles 2.15, 2.16, 2.20, 2.21, 2.22 et 2.26 précitées. Il résulte de ce qui précède que la société X-Gil a été condamnée à réparer le dommage subi par la société Seafrance en raison du défaut de mise à disposition de l'application dans les délais contractuels, en payant les pénalités prévues au protocole d'accord et en remboursant les sommes exposées en pure perte par la société Seafrance. L'article 2.15 exclut les pénalités contractuelles. L'article 2.20 qui constitue une clause formelle et limitée qui laisse dans le champ de la garantie le dommage causé aux tiers et exclut seulement les coûts afférents aux dommages subis par les produits livrés et les travaux exécutés ainsi que les coûts de réparation ou de remboursement des produits, prestations ou travaux effectués à l'origine par l'assuré, ne vide pas la garantie de son objet. Aussi, la société Chubb est-elle fondée à opposer les exclusions de garanties prévues au contrat et notamment aux articles 2.15 et 2.20 de la police d'assurance. Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la société Chubb à garantir la société X-Gil des condamnations prononcées contre elle. La demande de condamnation solidaire de l'assureur et de la société X-Gil par les organes de la procédure collective de la société Seafrance sera également rejetée »
ALORS QUE 1°) la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, en l'espèce, la cassation à intervenir sur le premier moyen en ce que la cour d'appel a condamné l'exposante à payer des dommages et intérêts en application d'une pénalité contractuelle, entraînera nécessairement la cassation de l'arrêt sur la demande en garantie de l'exposante en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
ALORS QUE 2°) la clause d'exclusion de garantie qui exclut « les dommages subis par les biens livrés ou par les travaux exécutés par l'assuré, et d'une façon générale tous les coûts de réparation de remboursement des produits, prestations travaux ainsi que les frais nécessaires au retrait ou à la dépose-repose des produits» est sujette à interprétation, ce qui exclut qu'elle soit formelle et limitée ; qu'en affirmant que cette clause est « formelle et limitée qui laisse dans le champ de la garantie le dommage causé aux tiers », la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. | Lorsque chacune des parties contractantes est jugée responsable pour moitié de la résiliation du contrat, chaque partie doit réparer le préjudice subi par l'autre du fait de sa résiliation fautive en tenant compte de cette proportion, soit seulement à concurrence de 50 % de ce préjudice, la compensation ne devant s'opérer qu'après application au préjudice de chaque partie de ce coefficient |
7,629 | COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 215 F-B
Pourvoi n° H 19-19.103
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 MARS 2022
1°/ La société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Covea Fleet,
2°/ la société Continentales Asco - Continentale Verzekeringen, dont le siège est [Adresse 6] (Belgique),
3°/ la société Helvetia assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
4°/ la société Watkins, dont le siège est [Adresse 7] (Royaume-Uni), et encore domicilié en son agent société CAMITT, [Adresse 1],
5°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Covea Fleet,
ont formé le pourvoi n° H 19-19.103 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige les opposant à la société CMA CGM, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation.
La société CMA CGM a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD, Continentales Asco - Continentale Verzekeringen, Helvetia assurances, Watkins et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société CMA CGM, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 mai 2019), la société sénégalaise Société de cultures légumières - SCL (la société SCL) a vendu à la société britannique Barfoots of Botley (la société Barfoots) plusieurs conteneurs de maïs doux, dont un renfermant 56 000 épis en vrac d'un poids de 19 040 kg, au prix de 12 185,60 euros. Le transport maritime entre le port de [Localité 5] (Sénégal) à celui de [Localité 8] (Angleterre) en a été confié à la société CMA CGM, qui a émis un connaissement le 22 mars 2013.
2. La marchandise ayant été endommagée, la société Barfoots a cédé ses droits relatifs au sinistre à la société SCL, laquelle a signé un acte de subrogation pour un montant de 27 840 euros « aux compagnies d'assurance Helvetia et autres ». Les sociétés Helvetia, Watkins, Asco et la société Covea Fleet, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, (les assureurs) ont assigné la société CMA CGM en réparation.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident éventuel, qui est préalable
Enoncé du moyen
3. La société CMA CGM fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable des dommages en vertu des dispositions de la Convention de Bruxelles de 1924 originelle et de fixer l'indemnité due par elle à 823,96 DTS, alors :
« 1°/ que le transporteur n'est pas responsable de la perte résultant d'un acte ou d'une omission du chargeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le connaissement de la société CMA CGM du 22 mars 2013 mentionnait la température convenue de 1°C à l'intérieur du conteneur renfermant les épis de maïs ; que dans ses conclusions d'appel, la société CMA CGM faisait valoir que le 20 mars 2013, lors de l'empotage et du déclenchement de l'enregistreur de température, la température était bien plus élevée que celle requise au connaissement de conservation à +1°C, et que la marchandise n'avait donc pas été pré-réfrigérée à la bonne température par le chargeur ; qu'en écartant tout acte ou omission du chargeur quand il ressortait de ses propres constatations "qu'au chargement le 20 mars (la température) était de 11,0°C", la cour d'appel a violé l'article 4, § 2 (i) de la Convention du Bruxelles du 25 août 1924 ;
2°/ que le transporteur n'est pas responsable de la perte résultant d'un acte ou d'une omission du chargeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le connaissement de la société CMA CGM du 22 mars 2013 mentionnait la température convenue de 1°C à l'intérieur du conteneur renfermant les épis de maïs ; que la société CMA CGM faisait valoir que le 20 mars 2013, lors de l'empotage et du déclenchement de l'enregistreur de température, la température était bien plus élevée que celle requise au connaissement de conservation à +1°C, et que la marchandise n'avait donc pas été pré-réfrigérée à la bonne température par le chargeur ; qu'en se bornant, pour écarter tout acte ou omission du chargeur de nature à exonérer le transporteur maritime de toute responsabilité, à indiquer "qu'au chargement le 20 mars elle était de 11,0°C, alors que la marchandise avait été pré-refroidie à 3,5°C le même jour", la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant son arrêt de base légale au regard de l'article 4, § 2 (i) de la Convention du Bruxelles du 25 août 1924. »
Réponse de la Cour
4. Après avoir énoncé que le transporteur est présumé responsable des dommages subis par la marchandise sauf s'il rapporte la preuve d'un des cas exonératoires énumérés à l'article 4.2 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement (la Convention), l'arrêt retient, par motifs propres, qu'aux termes du rapport d'expertise du 29 juillet 2013, la température constatée à l'intérieur du conteneur renfermant les 56 000 épis de maïs en vrac était comprise entre 2,3° et 4,9°C, qu'au vu des enregistreurs, elle avait été comprise entre 10,0° et 47,0°C pendant le voyage et qu'au chargement le 20 mars, elle s'élevait à 11,0°C cependant que la marchandise avait été pré-refroidie à 3,56°C le même jour. Après avoir constaté que le connaissement mentionnait certes une température au chargement convenue de 1,1°C, l'arrêt relève, par motifs adoptés, que seul le conteneur litigieux avait subi des avaries en cours de voyage et que, d'après le rapport d'expertise, la marchandise avait été raisonnablement pré-réfrigérée à une température convenable, mais que les appareils de réfrigération du conteneur avaient été inopérants pendant le transport.
5. Par ces constatations écartant le rôle causal dans la survenance du dommage du fait que le maïs avait été chargé à une température supérieure à celle indiquée sur le connaissement, la cour d'appel a légalement justifié sa décision d'écarter l'acte du chargeur comme cas excepté de la responsabilité du transporteur maritime prévu par l'article 4, 2, i) de la Convention.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. Les assureurs font grief à l'arrêt de réduire l'indemnité due par la société CMA CGM à 823,96 DTS, alors « que, dans leurs écritures d'appel, ils ont fait valoir que, même si la Convention de Bruxelles originelle était applicable, si la marchandise est dite individualisable et individualisée, la limitation sera calculée par nombre d'épis transportés réputés colis, dont le nombre était clairement précisé par le connaissement ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4.5 de la Convention de Bruxelles originaire du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement :
8. Aux termes de ce texte, le transporteur comme le navire, ne seront tenus en aucun cas des pertes ou dommages causés aux marchandises ou les concernant pour une somme dépassant 100 livres sterling par colis ou unité, ou l'équivalent de cette somme en autre monnaie, à moins que la nature et la valeur de ces marchandises n'aient été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée au connaissement.
9. Pour limiter à 823,26 DTS l'indemnité due par la société CMA CGM, l'arrêt retient que les 56 000 épis de maïs étant empotés en vrac dans le conteneur, sans être conditionnés dans des cartons, des caisses ou des sacs pouvant être individualisés et manutentionnés séparément, ils constituaient un colis ou une unité unique.
10. En se déterminant ainsi, après avoir elle-même indiqué que la vente portait sur 56 000 épis de maïs pour un poids total de 19 040 kg, sans préciser, dès lors, si les parties au contrat de transport s'étaient ensuite référées, dans le connaissement, à une unité de fret et, dans l'affirmative, laquelle avait été choisie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il réduit l'indemnité due par la société CMA CGM, l'arrêt rendu le 2 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société CMA CGM aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CMA CGM et la condamne à payer aux sociétés Helvetia assurances, Watkins, Continentales Asco - Continentale Verzekeringen, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour les sociétés MMA IARD, Continentales Asco - Continentale Verzekeringen, Helvetia assurances, Watkins et MMA IARD assurances mutuelles.
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR réduit réduire l'indemnité due par la société CMA CGM à 823,96 DTS ;
AUX MOTIFS QUE « sur la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, l'article 10 de ce texte, dans sa version originelle, le rend applicable "à tout connaissement créé dans un des Etats contractants" ; que, parmi ces derniers figure le Sénégal, et le connaissement du 22 mars 2013 relatif au litige a été émis à [Localité 5], capitale de cet Etat ; que, par ailleurs le Sénégal n'est pas lié par les Protocoles des 23 février 1968 et 21 décembre 1979 ayant modifié la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 ; que le jugement est par suite confirmé pour avoir déclaré applicable la Convention de Bruxelles originelle ; [
] ; que, sur le montant de l'indemnité, en appel la faute inexcusable ou le dol de la société CMA CGM ne sont plus invoqués par les assureurs ; que cette indemnité est en conséquence celle plafonnée par l'article 4.5 de la Convention de Bruxelles originelle soit "100 livres sterling par colis ou unité" ; que le fait que les 56 000 épis de maïs étaient empotés en vrac dans le conteneur, sans être conditionnés dans des cartons ou des caisses ou des sacs qui pouvaient être individualisés et manutentionnés séparément, a pour conséquence qu'ils constituaient un colis ou une unité uniques, contrairement à ce qu'a retenu le jugement ; que, par application de l'article 4.5 de la Convention de Bruxelles originelle l'indemnité est de 100 livres sterling, soit les 823,96 DTS allégués par la société CMA CGM, et non de 16 632,12 euros » ;
1°/ ALORS QU'aux termes de l'article 4.5 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement (« Règles de La Haye »), le transporteur comme le navire, ne seront tenus en aucun cas des pertes ou dommages causés aux marchandises ou les concernant pour une somme dépassant 100 livres sterling par colis ou unité, ou l'équivalent de cette somme en autre monnaie, à moins que la nature et la valeur de ces marchandises n'aient pas été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée au connaissement ; que cette règle qui renvoie, pour le calcul de la limite de responsabilité du transporteur maritime, aux colis ou unités transportés, ne s'applique pas au transport maritime de marchandise en vrac ; qu'en décidant du contraire, après avoir constaté que la cargaison maïs était transportée en vrac, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;
2°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE, dans leurs écritures d'appel (concl., p. 8, in fine), les assureurs sur facultés ont fait valoir que, même si la Convention de Bruxelles originelle était applicable, si la marchandise est dite individualisable et individualisée, la limitation sera calculée par nombre d'épis transportés réputés colis, dont le nombre était clairement précisé par le connaissement ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE, dans leurs écritures d'appel (concl., p. 9, in fine), les assureurs sur facultés ont fait valoir que, même si la Convention de Bruxelles originelle était applicable, les limitations d'indemnités prévues par elle, par colis ou unité, étaient inapplicables au transport de marchandise en vrac, comme en a jugé la High Court of London dans une décision de 2016 ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur cette interprétation de l'article 4.5 de la Convention de Bruxelles originelle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE, le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motivation ; que, dans leurs écritures d'appel (concl., p. 6), les assureurs sur facultés ont invoqué l'application de la Convention de Hambourg, ratifiée par le Sénégal et ont fait valoir (concl., p. 8) que, la marchandise étant individualisable et individualisée, puisque l'épis est considéré comme un colis, aucune limitation n'est susceptible d'être opposée en application éventuelle des règles de Hambourg ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur l'application de la Convention de Hambourg, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société CMA CGM.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré le transporteur maritime CMA-CGM responsable des dommages en vertu des dispositions de la Convention de Bruxelles de 1924 originelle et d'avoir fixé l'indemnité due par la société CMA-CGM à 823 DTS 96 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 2 du texte précité pose le principe de la présomption de responsabilité du transporteur maritime sauf si ce dernier rapporte la preuve d'un des cas exonératoires énumérés par l'article 4.2, que le rapport d'expertise du 29 juillet 2013 mentionne clairement avoir constaté à l'intérieur du conteneur renfermant les 56.000 épis de maïs en vrac une température comprise entre 2,3° et 4,9° C, et au vu des enregistreurs une température durant le voyage allant de 10,0° à 47,0° C, avec la précision qu'au chargement le 20 mars elle était de 11,0° C, alors que la marchandise avait été pré-refroidie à 3,5° C le même jour; le même n'incrimine nullement le chargement des épis de maïs à même le sol, et n'évoque ni une mauvaise circulation, de l'air entre ces épis, ni une aggravation des dommages durent la période allant du débarquement du conteneur le 30 mars à la livraison chez la société BARFOOTS le 5 avril ; que ces éléments techniques, contre lesquels la société CMA CGM ne communique aucune pièce, sont de nature à écarter :- l'acte ou l'omission du chargeur de l'article 4.2.i de la Convention précitée ; - le vice propre de la marchandise de l'article 4.2.m ; - et le fait ou la faute des préposés du transporteur de l'article 42.c, ainsi que l'a justement décidé le tribunal ayant déclaré la société CMA-CGM responsable des dommages à la marchandise ;
ET AUX MOTIFS IMPLICITEMENT ADOPTES que la cargaison d'épis de maïs, telle que mentionnée sur le connaissement SN1251391, a été répartie dans plusieurs conteneurs embarqués à peu d'intervalle et dans les mêmes conditions par le chargeur la société SCL sur le navire Isabelle Shulte à destination de [Localité 8] ; que seul le conteneur 5032507 a subi des avaries en cours de voyage et que l'expertise contradictoire a conclu que la marchandise avait été raisonnablement pré-réfrigérée à une température convenable, mais qu'en revanche les appareils de réfrigération avaient été inopérants pendant le transport ;
1) ALORS QUE le transporteur n'est pas responsable de la perte résultant d'un acte ou d'une omission du chargeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le connaissement de la société CMA-CGM du 22 mars 2013 mentionnait la température convenue de 1°C à l'intérieur du conteneur renfermant les épis de maîs ; que dans ses conclusions d'appel, la société CMACGM faisait valoir que le 20 mars 2013, lors de l'empotage et du déclenchement de l'enregistreur de température, la température était bien plus élevée que celle requise au connaissement de conservation à +1°C, et que la marchandise n'avait donc pas été pré-réfrigérée à la bonne température par le chargeur (conclusions n°3, p. 5 dernier § et p. 6) ; qu'en écartant tout acte ou omission du chargeur quand il ressortait de ses propres constatations « qu'au chargement le 20 mars (la température) était de 11,0° C », la cour d'appel a violé l'article 4, § 2 (i) de la convention du Bruxelles du 25 août 1924 ;
2) ALORS QUE le transporteur n'est pas responsable de la perte résultant d'un acte ou d'une omission du chargeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le connaissement de la société CMA-CGM du 22 mars 2013 mentionnait la température convenue de 1°C à l'intérieur du conteneur renfermant les épis de maîs ; que la société CMA-CGM faisait valoir que le 20 mars 2013, lors de l'empotage et du déclenchement de l'enregistreur de température, la température était bien plus élevée que celle requise au connaissement de conservation à +1°C, et que la marchandise n'avait donc pas été pré-réfrigérée à la bonne température par le chargeur (conclusions n°3, p. 5 dernier § et p. 6) ; qu'en se bornant, pour écarter tout acte ou omission du chargeur de nature à exonérer le transporteur maritime de toute responsabilité, à indiquer « qu'au chargement le 20 mars elle était de 11,0° C, alors que la marchandise avait été pré-refroidie à 3,5° C le même jour », la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant son arrêt de base légale au regard de l'article 4, § 2 (i) de la convention du Bruxelles du 25 août 1924. | Aux termes de l'article 4.5 de la Convention de Bruxelles originaire du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, le transporteur comme le navire, ne seront tenus en aucun cas des pertes ou dommages causés aux marchandises ou les concernant pour une somme dépassant 100 livres sterling par colis ou unité, ou l'équivalent de cette somme en autre monnaie, à moins que la nature et la valeur de ces marchandises n'aient été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée au connaissement.
A privé sa décision de base légale la cour d'appel qui, après avoir indiqué que la marchandise confiée au transporteur maritime avait donné lieu à un contrat de vente portant sur 56 000 épis de maïs pour un poids total de 19 040 kg, a limité à 823,26 DTS l'indemnité due par le transporteur maritime en retenant que les 56 000 épis de maïs, empotés en vrac dans le conteneur, sans être conditionnés dans des cartons, des caisses ou des sacs pouvant être individualisés et manutentionnés séparément, constituaient un colis ou une unité unique, sans préciser si les parties au contrat de transport s'étaient référées, dans le connaissement, à une unité de fret et, dans l'affirmative, laquelle avait été choisie |
7,630 | COMM.
DB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Cassation
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 219 FS - B+R
Pourvoi n° R 19-16.466
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 MARS 2022
La société Frutas y Hortalizas Organicas de Michoacan Mexico, (FRHOMIMEX) dont le siège est [Adresse 3] (Mexique), a formé le pourvoi n° R 19-16.466 contre l'arrêt rendu le 7 mars 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant à la société CMA CGM, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Frutas y Hortalizas Organicas de Michoacan Mexico (FRHOMIMEX), de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société CMA CGM, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Vaissette, Bélaval, Fontaine, M. Riffaud, Mme Guillou, conseillers, Mmes Barbot Brahic-Lambrey, MM. Maigret, Régis, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 mars 2019), la société mexicaine Frutas y Hortalizas Organicas de Michoacan Mexico (la société FRHOMIMEX), ayant vendu à la société néerlandaise OTC (Organic Trade Company) - Holland (la société OTC) des avocats frais, en a confié le transport maritime entre les ports d'[Localité 2] (Mexique) et de [Localité 4] (Pays-Bas) à la société CMA CGM. La marchandise ayant été endommagée, la société FRHOMIMEX a assigné cette dernière en indemnisation de son préjudice.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La société FRHOMIMEX fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action en responsabilité formée par un chargeur contre le transporteur maritime, alors « qu'en cas de transport sans connaissement, le chargeur dispose, en sa seule qualité de partie au contrat, d'un intérêt à agir contre le transporteur en cas d'avaries subies par les marchandises ; qu'en soumettant le droit d'agir du chargeur à la démonstration d'un préjudice tout en constatant que le contrat avait donné lieu à l'émission de trois lettres de transport (« waybills ») et non pas de connaissements, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 31 du code de procédure civile :
3. Il résulte de ce texte que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action. En conséquence, le chargeur, partie au contrat de transport, est recevable à agir en responsabilité contre le transporteur maritime, en invoquant le préjudice qu'il subit du fait d'une avarie de transport, la preuve de l'existence de ce préjudice n'étant que la condition du succès de son action en réparation. En outre, le chargeur tenant son droit d'action en responsabilité contractuelle du contrat de transport et non du document qui le constate, il n'y a pas lieu, pour apprécier l'ouverture de ce droit, de distinguer selon que le transport a donné lieu à l'émission d'un connaissement ou d'une lettre de transport maritime, ni selon que le chargeur est identifié ou non sur ces documents.
4. Pour déclarer irrecevable l'action de la société FRHOMIMEX, l'arrêt retient que cette dernière, agissant en qualité de chargeur aux trois « waybills » (lettres de transport maritime), peut agir en indemnisation pour les avaries subies par les avocats contre le transporteur maritime, la société CMA CGM, mais à la condition d'avoir subi un préjudice et d'en justifier, même si elle n'a pas été la seule victime. Puis, il relève que les trois factures de vente émises par la société FRHOMIMEX envers la société OTC ainsi que les trois comptes de vente établis par celle-ci à l'égard de celle-là ne démontrent aucunement que les avaries à la marchandise sont supportées, même partiellement, par la société FRHOMIMEX, faute pour cette dernière de communiquer des pièces relatives aux flux financiers entre elle et la société OTC.
5. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société CMA CGM aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CMA CGM et la condamne à payer à la société mexicaine Frutas y Hortalizas Organicas de Michoacan Mexico la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Frutas y Hortalizas Organicas de Michoacan Mexico.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action en responsabilité formée par un chargeur (la société Frhomimex, l'exposante) contre le transporteur maritime (la société CMA-CGM) ;
AUX MOTIFS QUE la société Frhomimex, agissant en qualité de chargeur aux trois waybills des 15, 29 août et 5 septembre 2012, pouvait agir en indemnisation pour les avaries aux avocats frais contre le transporteur maritime, la société CMA-CGM, mais à la condition d'avoir subi un préjudice et d'en justifier, même si elle n'avait pas été la seule personne victime ; que les trois factures de vente émises par la société Frhomimex vis-à-vis de la société OTC les 12, 25 août et 1er septembre 2012, tout comme les trois comptes de vente établis par celle-ci à l'égard de celle-là les 24, 24 et 25 octobre, ne démontraient aucunement que les avaries à la marchandise étaient supportées même partiellement par la première société ; que, en effet, cette dernière ne communiquait pas de pièces relatives aux flux financiers entre elle et la seconde société ; que, par suite, le jugement était infirmé pour avoir déclaré recevable l'action de la société Frhomimex au vu de ces seuls factures et comptes de vente ;
ALORS QUE, en cas de transport sans connaissement, le chargeur dispose, en sa seule qualité de partie au contrat, d'un intérêt à agir contre le transporteur en cas d'avaries subies par les marchandises ; qu'en soumettant le droit d'agir du chargeur à la démonstration d'un préjudice tout en constatant que le contrat avait donné lieu à l'émission de trois lettres de transport (« waybills ») et non pas de connaissements, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien du code civil ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, même en cas de transport sous connaissement, le chargeur a un droit d'agir en responsabilité contre le transporteur s'il a subi un préjudice résultant du transport ; qu'en retenant que les factures et les comptes vente produits aux débats ne démontraient pas que les avaries à la marchandise étaient supportées même partiellement par le chargeur, sans répondre aux conclusions par lesquelles celui-ci faisait valoir (v. ses concl. n° 5, p. 24) que son intérêt à agir était établi par cela seul qu'il avait envoyé les marchandises dans le cadre d'un contrat de vente à la commission, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile. | Il résulte de l'article 31 du code de procédure civile que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action. En conséquence, le chargeur, partie au contrat de transport, est recevable à agir en responsabilité contre le transporteur maritime, en invoquant le préjudice qu'il subit du fait d'une avarie de transport, la preuve de l'existence de ce préjudice n'étant que la condition du succès de son action en réparation. En outre, le chargeur tenant son droit d'action en responsabilité contractuelle du contrat de transport et non du document qui le constate, il n'y a pas lieu, pour apprécier l'ouverture de ce droit, de distinguer selon que le transport a donné lieu à l'émission d'un connaissement ou d'une lettre de transport maritime, ni selon que le chargeur est identifié ou non sur ces documents |
7,631 | SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 356 FS-B
Pourvoi n° V 20-15.370
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 MARS 2022
La société Dachser France, exerçant sous le nom commercial Dachser, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-15.370 contre l'arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant à M. [K] [O], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Dachser France, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [O], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mme Grandemange, conseillers, Mme Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 février 2020) et les productions, M. [O] a été engagé à compter du 24 février 1997 en qualité de chauffeur livreur par la société Dachser France, entreprise de transport de messagerie et de logistique. Dans le cadre du projet de réorganisation par regroupement des agences de [Localité 6] et [Localité 7] sur le site des [Localité 4] (Var), sur lequel la société avait consulté le comité d'établissement concerné (le CER Sud) le 28 mai 2015 et le comité d'établissement le 30 juillet 2015, le salarié a été destinataire, le 7 août 2015, d'une proposition de mutation, à compter du 30 novembre 2015, du site de [Localité 5] ([Localité 6]-Alpes-Maritimes) où il exécutait sa prestation de travail, vers le site des [Localité 3], sur le fondement de l'article L. 1222-6 du code du travail.
2. Le 4 septembre 2015, le salarié a refusé cette proposition de modification de son contrat de travail. Le 24 novembre 2015, la société l'a informé qu'il était mis à la disposition de Dachser France à son domicile à compter du 30 novembre 2015, avec maintien de sa rémunération.
3. Ayant entre-temps engagé la procédure de licenciement économique collectif par consultation du CER le 3 novembre 2015, la société a élaboré un plan de sauvegarde de l'emploi concernant les vingt salariés qui avaient refusé la proposition de modification de leur lieu de travail. Ce plan a été homologué le 12 mai 2016 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (la Direccte).
4. Le salarié a été licencié pour motif économique le 17 juin 2016 après avoir refusé toutes les propositions de reclassement.
5. Le 25 janvier 2016, le salarié avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Il est fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts exclusifs de la société et de la condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel né de la rupture de son contrat de travail, alors « que l'employeur, qui n'est pas tenu d'engager une procédure de licenciement collectif et d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi avant de proposer à dix salariés ou plus une modification de leur contrat pour motif économique, peut, après avoir consulté le comité d'entreprise sur un projet de réorganisation entraînant uniquement des modifications de contrat et proposé ces modifications aux salariés concernés, mettre en oeuvre la réorganisation et, dans l'attente de l'achèvement de la procédure de licenciement, dispenser d'activité les salariés ayant refusé la modification de leur contrat, en maintenant leur rémunération ; qu'en l'espèce, il est constant qu'après avoir consulté le comité d'établissement sur le projet de regroupement des activités des agences de [Localité 6] et [Localité 7] au sein d'une nouvelle agence, située aux [Localité 3], et sur les mesures d'accompagnement à la mobilité offertes aux salariés, la société Dachser a proposé aux salariés de ces deux agences leur mutation au sein de cette nouvelle agence conformément aux dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail ; que vingt salariés ayant refusé cette modification de leur contrat, la société Dachser a engagé une procédure de licenciement collectif et placé les salariés concernés en dispense d'activité, à compter du transfert d'activité, pendant la durée de cette procédure, avant de prononcer le licenciement de ceux qu'elle n'a pu reclasser ; qu'en affirmant, pour juger cette dispense d'activité irrégulière, que la réorganisation ne pouvait être mise en oeuvre avant l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi la Direccte, de sorte que le salarié avait vocation à travailler sur le site de Nice jusqu'à la mise en oeuvre du plan, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-25, L. 2323-31 et L. 1233-30 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-25 du code du travail, l'article L. 1233-30 du code du travail dans sa version en vigueur du 1er juillet 2013 au 1er janvier 2016, et l'article L. 2323-31 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2018 :
8. Selon le premier de ces textes, lorsqu'au moins dix salariés ont refusé la modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail, proposée par leur employeur pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3 et que leur licenciement est envisagé, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique.
9. Selon le troisième texte, le comité d'entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs. Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application dans les conditions et délais prévus à l'article L. 1233-30, lorsqu'elle est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi. Cet avis est transmis à l'autorité administrative.
10. Pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts exclusifs de la société et la condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel né de la rupture de son contrat de travail, l'arrêt retient que l'article 3 du contrat de travail conclu avec la société Transports Graveleau, aux droits de laquelle vient la société Dachser, intitulé "Lieu et Modalités de travail", stipulait que "Le premier poste de travail sera situé à [Localité 5], mais quelle que soit la ville ou la région, le changement du lieu de travail ne pourra entraîner rupture du contrat de travail du fait de la Société", ce dont il résulte que cette clause de mobilité était nulle faute de définir de façon précise sa zone géographique d'application, raison pour laquelle l'employeur a fait le choix de mettre en avant le motif économique de la sauvegarde de la compétitivité et de proposer aux représentants du personnel un document unilatéral intitulé "Note technique sur le projet de réorganisation et plan de sauvegarde de l'emploi", homologué le 12 mai 2016 par la Direccte, concernant les vingt salariés travaillant sur les agences de [Localité 6] et [Localité 7] sur un effectif total de la société de trois mille deux salariés.
11. L'arrêt retient ensuite que ce document, dont la version finale était datée du 21 avril 2016, ne pouvait être mis en oeuvre avant son homologation le 12 mai 2016 par la Direccte, ce dont il résulte que le salarié avait vocation à travailler sur le site de [Localité 5] jusqu'à la mise en oeuvre du plan.
12. En statuant ainsi, alors que, si le comité d'entreprise doit être saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs, la réorganisation peut être mise en uvre avant la date d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi par l'autorité administrative, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation des chefs de dispositif prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts exclusifs de la société emporte cassation du chef de dispositif de l'arrêt disant que la société délivrera au salarié une attestation Pôle emploi conforme à l'arrêt.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [O] aux torts exclusifs de la société Dachser et la condamne à lui verser la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel né de la rupture de son contrat de travail, et dit que la société Dachser délivrera à M. [O] une attestation Pôle emploi conforme à l'arrêt, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Dachser France
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [O] aux torts exclusifs de la société Dachser et d'AVOIR condamné la société Dachser à payer à M. [O] la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel né de la rupture de son contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE "L'article 3 du contrat de travail conclu avec la société Transports Graveleau, aux droits de laquelle vient la société Dachser, intitulé "Lieu et Modalités de travail", stipulait que "Le premier poste de travail sera situé à [Localité 5], mais quelle que soit la ville ou la région, le changement du lieu de travail ne pourra entraîner rupture du contrat de travail du fait de la Société", ce dont il résulte que cette clause de mobilité était nulle faute de définir de façon précise sa zone géographique d'application, raison pour laquelle l'employeur a fait le choix de mettre en avant le motif économique de la sauvegarde de la compétitivité et de proposer aux représentants du personnel un document unilatéral intitulé "Note technique sur le projet de réorganisation et PLAN DE SAUVEGARDE DE L'EMPLOI", homologué le 12 mai 2016 par la Dirrecte, concernant les 20 salariés travaillant sur les agences de [Localité 6] et [Localité 7] sur un effectif total de la société de 3002 salariés. Ce document, dont la version finale était datée du 21 avril 2016, ne pouvait être mis en uvre avant son homologation le 12 mai 2016 par la Dirrecte, ce dont il résulte que le salarié avait vocation à travailler sur le site de [Localité 5] jusqu'à la mise en uvre du plan. Néanmoins une lettre du 24 novembre 2005 informait le salarié qu'à la suite de son refus d'accepter sa mutation géographique il était "mis à la disposition de Dachser France à votre domicile à compter du 30 novembre 2015" avec maintien de sa rémunération. Ce non-emploi, du fait de la fermeture prématurée de l'agence de [Localité 5] où le salarié accomplissait son travail, perdurera du 30 novembre 2015 au 17 juin 2016 et, comme le fait valoir à bon droit son conseil, il caractérisait un manquement de l'employeur à son obligation de fournir au salarié le travail prévu au contrat. Ce manquement était d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur" ;
1. ALORS QUE l'employeur, qui n'est pas tenu d'engager une procédure de licenciement collectif et d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi avant de proposer à dix salariés ou plus une modification de leur contrat pour motif économique, peut, après avoir consulté le comité d'entreprise sur un projet de réorganisation entraînant uniquement des modifications de contrat et proposé ces modifications aux salariés concernés, mettre en uvre la réorganisation et, dans l'attente de l'achèvement de la procédure de licenciement, dispenser d'activité les salariés ayant refusé la modification de leur contrat, en maintenant leur rémunération ; qu'en l'espèce, il est constant qu'après avoir consulté le comité d'établissement sur le projet de regroupement des activités des agences de [Localité 6] et [Localité 7] au sein d'une nouvelle agence, située aux [Localité 3], et sur les mesures d'accompagnement à la mobilité offertes aux salariés, la société Dachser a proposé aux salariés de ces deux agences leur mutation au sein de cette nouvelle agence conformément aux dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail ; que vingt salariés ayant refusé cette modification de leur contrat, la société Dachser a engagé une procédure de licenciement collectif et placé les salariés concernés en dispense d'activité, à compter du transfert d'activité, pendant la durée de cette procédure, avant de prononcer le licenciement de ceux qu'elle n'a pu reclasser ; qu'en affirmant, pour juger cette dispense d'activité irrégulière, que la réorganisation ne pouvait être mise en uvre avant l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi la Direccte, de sorte que le salarié avait vocation à travailler sur le site de Nice jusqu'à la mise en uvre du plan, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-25, L. 2323-31 et L. 1233-30 du code du travail ;
2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le respect du principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire se prononce sur la validité de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi et les aspects de la procédure de licenciement collectif contrôlés par l'administration ; qu'à supposer que l'employeur ne puisse mettre en uvre une réorganisation avant la validation ou l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi par l'administration, cette irrégularité, qui affecterait la décision de validation ou d'homologation du plan, ne pourrait être dénoncée que devant le juge administratif, dans le cadre d'un recours contre la décision de validation ou d'homologation ; qu'en retenant, pour dire que la période de dispense d'activité rémunérée pendant la procédure de licenciement collectif caractérisait un manquement de l'employeur à son obligation de fournir justifiant la résiliation judiciaire du contrat, que la réorganisation ne pouvait être mise en uvre avant l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 ;
3. ALORS QUE ne commet pas de manquement à ses obligations de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat, l'employeur qui dispense d'activité, pendant la durée de la procédure de licenciement collectif et de reclassement individuel, les salariés ayant refusé la modification de leur contrat de travail pour motif économique, dès lors qu'il maintient leur rémunération et les informe du caractère temporaire de cette situation ; qu'en l'espèce, il est constant qu'à la suite du refus de vingt salariés d'être mutés sur le site des [Localité 3], la société Dachser les a informés, par lettre du 24 novembre 2015, de l'engagement d'une procédure de licenciement collectif et, compte tenu du transfert de l'activité sur ce site au 30 novembre 2015, de leur dispense d'activité à compter de cette date et pour la durée de la procédure de licenciement collectif et de reclassement ; qu'elle a en outre maintenu leur rémunération pendant toute la durée de cette dispense d'activité ; qu'en conséquence, cette dispense d'activité rémunérée, qui ne lésait pas les droits du salarié, n'était pas de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat ; qu'en jugeant néanmoins que ce manquement de l'employeur à son obligation de fournir du travail justifiait la résiliation judiciaire du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
4. ALORS QU' en toute hypothèse, les juges doivent apprécier si le manquement de l'employeur fait obstacle à la poursuite de l'exécution du contrat en fonction des circonstances particulières de l'espèce ; qu'en l'espèce, la société Dachser faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'elle avait consulté le comité d'établissement sur le projet de regroupement des agences de [Localité 6] et [Localité 7] dès le mois de mai 2015, qu'elle avait ensuite défini en concertation avec les représentants du personnel et avec le soutien d'un cabinet spécialisé les mesures d'accompagnement à la mobilité adaptées aux contraintes des salariés et avait proposé aux salariés, par lettre du 7 août 2015, leur mutation au sein de la nouvelle agence, en leur accordant un délai de réflexion d'un mois et demi et de nombreuses aides pour faciliter leur mobilité ; qu'elle soutenait également qu'après l'expiration de ce délai, l'engagement de la procédure de licenciement collectif avait été retardé par un conflit de compétences entre les Direcctes qu'elle avait dû faire trancher par le Ministre du travail ; que le déménagement des activités étant programmé au 30 novembre 2015, elle avait alors été contrainte de placer les salariés en dispense d'activité rémunérée pour la durée de la procédure de licenciement collectif et des démarches de reclassement individuel ; qu'après l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi par la Direccte, elle avait mis en uvre les mesures de reclassement interne et, dans ce cadre, proposé plusieurs offres de reclassement au salarié, que ce dernier avait refusées, avant de prononcer son licenciement ; qu'en affirmant que le manquement de la société Dachser à son obligation de fournir du travail était d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat, sans s'expliquer sur les efforts de l'employeur pour favoriser la mobilité des salariés accompagnant les propositions de mutation, les contraintes liées à l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, et l'ensemble des démarches démontrant la volonté de l'employeur de mettre en uvre sérieusement ses obligations légales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Dachser à payer à M. [O] un solde d'indemnité de préavis, un solde de congés payés et un solde d'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE " Le reçu pour solde de tout compte du 12 septembre 2016 établit que le salarié a perçu un préavis de 3 531,97 euros, représentant deux mois d'un salaire mensuel de 1 670,32 euros brut, cette somme de 3 531,97 euros incluant les congés payés afférents. Contrairement à l'affirmation du conseil de l'employeur l'indemnité de préavis doit être calculée sur la base du salaire tel qu'il résulte des dernières fiches de paie du salarié, tous les éléments de rémunération fixes et variables ayant le caractère de salaire devant être retenus. La période d'inactivité forcée de M. [O] ne peut servir de base utile de calcul de son indemnité compensatrice de préavis, dès lors que cette situation a été provoquée par la faute de son employeur. Le salarié estime son salaire de référence à la somme de 2 774,24 euros brut, ce qui n'est pas conforme à la moyenne de sa rémunération lorsqu'un travail lui était fourni qui était de 2 511 euros sur les 9 premiers mois de l'année 2015. Son préavis de 2 mois ouvrait donc droit à une indemnité compensatrice d'un montant de 5 022 euros. Après déduction de la somme de 3 531,97 euros, versée le 30 juin 2016, la cour entrera en voie de condamnation à hauteur de la somme de 1 490,03 euros (5.022 € - 3 531,97 €), outre 310,67 euros au titre des congés payés afférents (502 € - 191,33 €). La somme de 13 086,93 euros a été versée au titre de l'indemnité de licenciement. Les parties sont contraires en fait sur le calcul de cette indemnité : 16 229,29 euros selon le salarié, 13 086,93 euros selon l'employeur. L'article 14 de l'annexe de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, applicable à la relation de travail, prévoit une indemnité calculée à raison de un cinquième de mois par année de présence sur la base de la moyenne des salaires que le salarié, justifiant d'au moins 3 ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a ou aurait perçus au cours des trois derniers mois. Ce droit conventionnel ne saurait s'appliquer étant moins favorable au salarié que la loi. En effet, l'article R. 1234-2 du code du travail, dans sa version issue du décret nº 2008-715 du 18 juillet 2008, dispose que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure au cinquième de mois de salaire par année de présence, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté. Le salaire à prendre en considération pour le calcul de cette indemnité le plus avantageux pour le salarié est le douzième de sa rémunération lorsqu'il était au travail, soit 2 511 euros brut. M. [O] ayant une ancienneté de 19 ans et 6 mois (préavis inclus), son indemnité légale doit être calculée comme suit : - de 1 à 10 ans : 1,5 mois/année = 5 022 € ; - de 10 à 19 ans : 1,5 mois/année = 4 519,80 € ; + 2/15 mois/année = 3 013,20 € ; + 6 mois = 669,60 €, soit au total la somme de 13.224,60 euros. Après déduction de la somme de 13 086,93 euros versée au titre de cette indemnité, l'employeur reste devoir un différentiel de 137,67 euros " ;
1. ALORS QUE selon l'article L. 1234-5 du code du travail, le montant de l'indemnité compensatrice de préavis est égal au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail ; qu'en affirmant que l'indemnité de préavis doit être calculée sur la base du salaire tel qu'il résulte des dernières fiches de paie du salarié, tous éléments de rémunération fixe et variable devant être retenus, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-5 du code du travail ;
2. ALORS QUE selon l'article L. 1234-5 du code du travail, le montant de l'indemnité compensatrice de préavis est égal au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail ; qu'en fixant le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à la hauteur de la moyenne des salaires des neuf premiers mois de l'année 2015, sans rechercher si ces salaires n'incluaient pas des éléments de salaire non-récurrents, comme le paiement d'heures supplémentaires non-habituelles ou des primes à périodicité supérieure au mois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-5 du code du travail. | Si, en application de l'article L. 2323-31 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2018, le comité d'entreprise doit être saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs, la réorganisation peut être mise en oeuvre par l'employeur avant la date d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi par l'autorité administrative.
Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l'employeur pour manquement à son obligation de fournir un travail, retient que le document unilatéral établi par la société, portant projet de réorganisation et plan de sauvegarde de l'emploi, ne pouvait être mis en oeuvre avant son homologation par l'administration et qu'il en résultait que le salarié avait vocation à travailler sur le site dont la fermeture avait été décidée jusqu'à la mise en oeuvre du plan |
7,632 | SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Cassation
M. CATHALA, président
Arrêt n° 357 FS-B
Pourvois n°
U 20-18.681
à X 20-18.684 JONCTION
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [V].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation en date du 13 janvier 2021.
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [I].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation en date du 7 avril 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 MARS 2022
La société GG sécurité privée, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° U 20-18.681, V 20-18.682, W 20-18.683 et X 20-18.684 contre quatre arrêts rendus le 20 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans les litiges l'opposant respectivement
1°/ à M. [M] [V], domicilié [Adresse 5],
2°/ à M. [D] [W], domicilié [Adresse 3],
3°/ à M. [S] [W], domicilié [Adresse 6],
4°/ à M. [T] [I], domicilié [Adresse 2],
5°/ à la société Métiers des services de sécurité, (M2S sécurité), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois, le moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société GG sécurité privée, de la SCP Didier et Pinet, avocat de MM. [V], [I], MM. [D] et [S] [W], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mme Grandemange, conseillers, Mme Prache, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° U 20-18.681, V 20-18.682, W 20-18.683 et X 20-18.684 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 20 mai 2020) et les productions, les salariés engagés par la société Métiers des services de sécurité (M2S sécurité) exerçaient en dernier lieu les fonctions d'agent cynophile et étaient exclusivement affectés sur le site de l'ensemble immobilier du centre urbain de la tour à [Localité 7].
3. Ils se sont vu notifier le 18 septembre 2015 par leur employeur le transfert de leur contrat de travail à la société GG sécurité privée, en application des dispositions conventionnelles de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985.
4. La société GG sécurité privée, ayant refusé de reprendre leur contrat, ils ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à voir imputer la rupture de fait de leur contrat de travail, à titre principal, à la société GG sécurité privée et, à titre subsidiaire, à la société M2S sécurité et à obtenir le paiement de diverses sommes à ce titre.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société GG sécurité privée fait grief aux arrêts de mettre hors de cause la société M2S sécurité, de dire que le licenciement des salariés concernés était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à leur payer une indemnité de préavis, une indemnité de congés payés, une indemnité de licenciement ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que les obligations de reprise du personnel dans les conditions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, s'appliquent au périmètre sortant tel que défini à l'article 1er, selon lequel par les termes de "périmètre sortant", il faut entendre à la fois le volume de prestations et la configuration des métiers, emplois, qualifications de l'ensemble des effectifs réalisant celles-ci, tels que ces deux éléments conjugués existaient précédemment à la consultation en vue du renouvellement du prestataire ; qu'il en résulte qu'en cas de renouvellement partiel d'un marché, le périmètre sortant soumis à l'obligation de reprise du personnel s'entend de la seule partie renouvelée et attribuée à un nouveau prestataire ; qu'en l'espèce, la société GG sécurité privée faisait valoir qu'en septembre 2015, la ville de [Localité 7] a décidé que la surveillance du "centre commercial de [Localité 7]" ne relevait plus de sa mission publique de sécurisation" et ainsi "purement et simplement retiré ce site des marchés publics avant de lancer les appels d'offres", en sorte que l'accord conventionnel de reprise du personnel n'était pas applicable aux "salariés de la société M2S sécurité affectés exclusivement à la surveillance du site du "centre commercial" retiré des marchés et des appels d'offres" ; qu'en retenant que "le fait que la ville de [Localité 7] ait décidé de réduire le périmètre du marché entrant ou repris (...) ne saurait permettre à la société GG sécurité privée d'échapper à ses obligations conventionnelles de reprise de la totalité des salariés transférables affectés au périmètre sortant", cependant qu'en cas de différence entre le périmètre entrant et le périmètre sortant, l'obligation de reprise du personnel ne concerne que les salariés affectés au périmètre entrant, la cour d'appel a violé les articles 1er et 2.3.3 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1er et 2.3.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 :
6. Selon ces textes, les obligations de reprise du personnel pesant sur l'entreprise entrante s'appliquent au périmètre sortant défini comme le volume de prestations et la configuration des métiers, emplois, qualifications de l'ensemble des effectifs réalisant celles-ci, tels que ces deux éléments conjugués existaient précédemment à la consultation en vue du renouvellement du prestataire. Il n'y a pas lieu de prendre en compte une éventuelle modification du volume ou des qualifications professionnelles requises au sein du périmètre entrant.
7. Il en résulte que le périmètre sortant est celui du marché transféré donnant lieu au renouvellement de prestataire et que l'obligation de reprise des contrats de travail ne s'impose pas au nouveau prestataire lorsque le renouvellement ne porte pas sur le marché auquel les salariés étaient affectés.
8. Pour mettre hors de cause la société sortante et condamner la société entrante à diverses sommes au titre de la rupture de leur contrat de travail, les arrêts retiennent d'abord que le périmètre sortant était composé du gardiennage de l'ensemble immobilier du centre commercial de la tour (lot n° 1) et de la sécurisation des biens communaux et des manifestations publiques (lot n° 2) et ensuite que la société entrante est devenue attributaire du marché relatif au gardiennage et à la sécurisation des bâtiments communaux et des manifestations publiques, relevant précisément du périmètre sortant.
9. Ils ajoutent que le fait que la ville de [Localité 7] ait décidé de réduire le périmètre du marché entrant ou repris avant de le rétablir dix mois plus tard ne saurait permettre à la société entrante d'échapper à ses obligations conventionnelles de reprise de la totalité des salariés transférables affectés au périmètre sortant.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le marché attribué à la société entrante ne concernait pas les missions de gardiennage de l'ensemble immobilier du centre commercial de la tour auxquelles étaient exclusivement affectés les salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 20 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société M2S sécurité aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen commun produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société GG sécurité privée, demanderesse aux pourvois n° U 20-18.681 à X 20-18.684
La société GG SECURITE PRIVÉE fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR mis hors de cause la société M2S SECURITE, D'AVOIR dit que le licenciement des salariés concernés était dépourvu de cause réelle et sérieuse, D'AVOIR condamné la société GG SECURITÉ PRIVEE à payer une indemnité de préavis, une indemnité de congés payés, une indemnité de licenciement ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1. ALORS QUE les obligations de reprise du personnel dans les conditions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, s'appliquent au périmètre sortant tel que défini à l'article 1er, selon lequel par les termes de « périmètre sortant », il faut entendre à la fois le volume de prestations et la configuration des métiers, emplois, qualifications de l'ensemble des effectifs réalisant celles-ci, tels que ces deux éléments conjugués existaient précédemment à la consultation en vue du renouvellement du prestataire ; qu'il en résulte qu'en cas de renouvellement partiel d'un marché, le périmètre sortant soumis à l'obligation de reprise du personnel s'entend de la seule partie renouvelée et attribuée à un nouveau prestataire ; qu'en l'espèce, la société GG Sécurité Privée faisait valoir qu'« en septembre 2015, la Ville de [Localité 7] a décidé que la surveillance du "centre Commercial de [Localité 7]" ne relevait plus de sa mission publique de sécurisation » et ainsi « purement et simplement retiré ce site des marchés publics avant de lancer les appels d'offres », en sorte que l'accord conventionnel de reprise du personnel n'était pas applicable aux « salariés de la société M2S Sécurité affectés exclusivement à la surveillance du site du "centre commercial" retiré des marchés et des appels d'offres » (conclusions pp. 5-6, § n° 1) ; qu'en retenant que « le fait que la ville de [Localité 7] ait décidé de réduire le périmètre du marché entrant ou repris (...) ne saurait permettre à la société GG Sécurité Privée d'échapper à ses obligations conventionnelles de reprise de la totalité des salariés transférables affectés au périmètre sortant » (arrêt, p. 6, pénultième paragraphe), cependant qu'en cas de différence entre le périmètre entrant et le périmètre sortant, l'obligation de reprise du personnel ne concerne que les salariés affectés au périmètre entrant, la cour d'appel a violé les articles 1er et 2.3.3 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité ;
2. ALORS QUE l'exposante a soutenu que les prestations de la société M2S Sécurité avaient porté, d'une part « sur le gardiennage de l'ensemble immobilier du centre urbain de la tour (lot n° 1) », et, d'autre part, « sur la sécurisation des biens communaux et des manifestations publiques (lot n° 2) » (conclusions, p. 3) et que le marché « n° 2015-010 » attribué à la société GG Sécurité Privée était quant à lui circonscrit aux « gardiennage et sécurisation des bâtiments communaux et des manifestations publiques », excluant l'ensemble immobilier du centre urbain de la tour (ibid.) ; qu'en retenant pourtant que le marché attribué à la société à la société GG SECURITE PRIVEE aurait « relev[é] précisément du périmètre sortant (...) (sa pièce n° 3) » (arrêt, p. 6, § 5), sans répondre aux conclusions précitées, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. | Le périmètre sortant auquel s'applique l'obligation de reprise du personnel pesant sur l'entreprise entrante en application des articles 1 et 2.3.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 est celui du marché transféré donnant lieu au renouvellement de prestataire. L'obligation de reprise des contrats de travail ne s'impose pas au nouveau prestataire lorsque le renouvellement ne porte pas sur le marché auquel les salariés étaient affectés |
7,633 | SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 358 FS-B sur le premier moyen
Pourvoi n° C 20-21.518
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 MARS 2022
Mme [T] [I], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 20-21.518 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BNP Paribas, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au syndicat CFDT des banques et des sociétés financières, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le syndicat CFDT des banques et des sociétés financières a formé un pourvoi incident contre le même arrêt
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [I] et du syndicat CFDT des banques et des sociétés financières, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mme Grandemange, conseillers, Mme Prache, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2020), Mme [I] a été engagée, à compter du 2 mai 2001, par la société BNP Paribas Lease Group, en qualité de juriste fiscaliste. Par accord entre la salariée, la société BNP Paribas Lease Group et la société BNP Paribas, le contrat de travail a été transféré à cette dernière à compter du 1er avril 2009.
2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir son positionnement à un autre niveau de la grille indiciaire, un rappel de salaire, des dommages-intérêts pour discrimination en raison de ses maternités, de son sexe et de son engagement syndical et pour harcèlement discriminatoire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième, cinquième et sixième branches, le deuxième moyen, pris en ses deuxième à douzième branches, et le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième à sixième branches, et le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes concernant la période antérieure au 1er avril 2009, alors :
« 1°/ que, lorsque, dans le cadre d'une mobilité professionnelle organisée au sein d'un groupe, le contrat de travail d'un salarié est transféré d'une filiale vers une autre filiale du groupe avec poursuite de ce contrat selon les mêmes conditions, le nouvel employeur reste tenu des obligations à la charge du précédent employeur ; qu'en affirmant que la salariée n'était pas fondée à se prévaloir des manquements commis par la société BNP Paribas Lease Group après avoir pourtant constaté que le 13 mars 2009, la salariée avait été avertie par son employeur, la Société BNP Paribas Lease Group, que dans le cadre de la mobilité intra-groupe, son contrat de travail serait transféré à la société BNP Paribas et que par courrier en date du 24 mars 2009 signé par la société BNP Paribas Lease Group et la société BNP Paribas, il avait été indiqué à la salariée, que son contrat de travail était transféré au sein de la société BNP Paribas pour occuper un poste de juriste comme précédemment, avec reprise d'ancienneté, de sa classification et sa rémunération, de ses droits acquis au titre des congés payés et du DIF, ainsi qu'une absence de liquidation de ses droits acquis antérieurement, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que, constitue une application volontaire des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, l'opération par laquelle, au sein d'un même groupe, et dans le cadre d'une mobilité encouragée et facilitée pour répondre aux besoins du groupe, une filiale transfère le contrat de travail d'un de ses salariés au sein de la société mère en application d'une convention prévoyant la poursuite du contrat de travail dans des conditions similaires, avec reprise d'ancienneté et des droits acquis chez le précédent employeur ; qu'en l'espèce, pour dire que les manquements de la société BNP Paribas Lease Group ne pouvaient engager la société BNP Paribas, la cour d'appel a relevé que les parties n'avaient pas prévu une application volontaire des dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail qui mettent à la charge du nouvel employeur les obligations de l'employeur antérieur ; qu'en se déterminant ainsi, après avoir pourtant constaté que le 13 mars 2009, la salariée avait été avertie par son employeur, la société Paribas Lease Group, que dans le cadre de la mobilité intra-groupe, son contrat de travail serait transféré à la société BNP Paribas et que par courrier en date du 24 mars 2009, signé par la société Paribas Lease Group, la société BNP Paribas et la salariée, il avait été indiqué à celle-ci que son contrat de travail était transféré au sein de la société BNP Paribas pour occuper un poste de juriste comme précédemment, avec reprise d'ancienneté, de sa classification et sa rémunération, ainsi qu'une absence de liquidation de ses droits acquis antérieurement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil.
4°/ qu'en retenant, pour dire que la salariée n'était pas fondée à se prévaloir des manquements commis avant le 1er avril 2009, que celle-ci avait accepté le transfert de son contrat de travail, que les parties n'avaient pas mentionné une reprise par la société BNP Paribas de l'ensemble des obligations mises à la charge du précédent employeur et n'avaient pas fait mention d'une application volontaire de l'article L. 1224-2 du code du travail, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé les articles L. 1224-1 et L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. La convention par laquelle un salarié quitte le poste qu'il occupait dans une entreprise pour entrer au service d'une autre entreprise appartenant au même groupe, organisant ainsi la poursuite du contrat de travail, hors application de l'article L. 1224-1 du code du travail, n'emporte pas la transmission au nouvel employeur de l'ensemble des obligations qui incombaient à l'ancien employeur, sauf stipulations expresses en ce sens.
6. La cour d'appel a constaté que la convention tripartie conclue entre la salariée et les deux employeurs successifs, qui avait pour objet la poursuite du contrat de travail au sein d'une autre société du groupe, avec maintien de l'ancienneté, de la même qualification et du même salaire, des droits acquis auprès du précédent employeur au titre des congés payés et du DIF, n'avait pas prévu une application volontaire des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, permettant de mettre à la charge du nouvel employeur l'ensemble des obligations de l'ancien employeur à la date de la modification de la situation juridique, ni ne mentionnait une reprise par le nouvel employeur de l'ensemble des obligations qui pesaient sur le précédent employeur au 1er avril 2009.
7. Elle en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, que la salariée n'était pas recevable à former à l'encontre du nouvel employeur des demandes fondées sur des manquements imputables au premier employeur.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen, pris en sa première branche, réunis
Enoncé du moyen
9. Par le deuxième moyen, la salariée fait grief à l'arrêt de dire qu'elle avait seulement fait l'objet d'une discrimination dans la fixation de sa part variable de 2012 à 2014 en lien avec ses activités syndicales et de condamner l'employeur à lui verser la seule somme de 6 600 euros à titre de rappel de rémunération variable au titre de ces années, outre 4 000 euros en réparation de son préjudice moral, alors « que la cassation à intervenir du chef du premier moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a dit que la salariée avait seulement fait l'objet d'une discrimination dans la fixation de sa part variable de 2012 à 2014 en lien avec ses activités syndicales et en ce qu'il a condamné la Société BNP Paribas à lui verser la seule somme de 6 600 euros à titre de rappel de rémunération variable au titre de ces années, outre 4 000 euros en réparation de son préjudice moral. »
10. Par le troisième moyen, la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé qu'elle avait été victime d'un harcèlement discriminatoire, en conséquence, de la débouter de ses demandes tendant à ce que soit ordonné son repositionnement au niveau J à compter du 1er janvier 2013 et au niveau K à compter du 1er janvier 2018, que sa rémunération fixe annuelle brute soit fixée à compter du 1er janvier 2018 à hauteur de 88 493,68 euros, subsidiairement, à hauteur de 72 429,12 euros, que son employeur soit condamné au rappel de salaires correspondants et de la débouter de ses demandes tendant à ce que l'avertissement en date du 30 janvier 2015 soit annulé et que l'employeur soit condamné à lui verser une certaine somme au titre du préjudice économique, la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement discriminatoire et subsidiairement, la même somme sur le fondement de l'article L. 4121-1 du code du travail, outre la somme de 10 000 euros au titre des dommages-intérêts en raison de la violation des accords collectifs, alors « que la cassation à intervenir du chef du premier moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes au titre du harcèlement discriminatoire. »
Réponse de la Cour
11. Le rejet du premier moyen rend sans portée la première branche du deuxième moyen et la première branche du troisième moyen, qui invoquent une cassation par voie de conséquence.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme [I] et le syndicat CFDT des banques et des sociétés financières aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [I], demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Madame [T] [I] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables ses demandes concernant la période antérieure au 1er avril 2009 ;
1) ALORS QUE, lorsque, dans le cadre d'une mobilité professionnelle organisée au sein d'un groupe, le contrat de travail d'un salarié est transféré d'une filiale vers une autre filiale du groupe avec poursuite de ce contrat selon les mêmes conditions, le nouvel employeur reste tenu des obligations à la charge du précédent employeur ; qu'en affirmant que Mme [I] n'était pas fondée à se prévaloir des manquements commis par la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP après avoir pourtant constaté que le 13 mars 2009, Mme [I] avait été avertie par son employeur, la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP, que dans le cadre de la mobilité intra-groupe, son contrat de travail serait transféré à la Société BNP PARIBAS et que par courrier en date du 24 mars 2009 signé par la Société BNP LEASE GROUP et la Société BNP PARIBAS, il avait été indiqué à Mme [I], que son contrat de travail était transféré au sein de la Société BNP PARIBAS pour occuper un poste de juriste comme précédemment, avec reprise d'ancienneté, de sa classification et sa rémunération, de ses droits acquis au titre des congés payés et du DIF, ainsi qu'une absence de liquidation de ses droits acquis antérieurement, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, constitue une application volontaire des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, l'opération par laquelle, au sein d'un même groupe, et dans le cadre d'une mobilité encouragée et facilitée pour répondre aux besoins du groupe, une filiale transfère le contrat de travail d'un de ses salariés au sein de la société mère en application d'une convention prévoyant la poursuite du contrat de travail dans des conditions similaires, avec reprise d'ancienneté et des droits acquis chez le précédent employeur ; qu'en l'espèce, pour dire que les manquements de la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP ne pouvaient engager la Société BNP PARIBAS, la cour d'appel a relevé que les parties n'avaient pas prévu une application volontaire des dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail qui mettent à la charge du nouvel employeur les obligations de l'employeur antérieur ; qu'en se déterminant ainsi, après avoir pourtant constaté que le 13 mars 2009, Mme [I] avait été avertie par son employeur, la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP, que dans le cadre de la mobilité intra-groupe, son contrat de travail serait transféré à la Société BNP PARIBAS et que par courrier en date du 24 mars 2009, signé par la Société BNP LEASE GROUP, la Société BNP PARIBAS et Mme [I], il avait été indiqué à Mme [I] que son contrat de travail était transféré au sein de la Société BNP PARIBAS pour occuper un poste de juriste comme précédemment, avec reprise d'ancienneté, de sa classification et sa rémunération, ainsi qu'une absence de liquidation de ses droits acquis antérieurement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil ;
3) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE, en l'espèce, il était acquis aux débats que le transfert du contrat de travail de Mme [I] s'inscrivait dans le cadre de la stratégie du groupe BNP PARIBAS visant à favoriser la mobilité interne des salariés et le maintien des contrats de travail en son sein, qu'il résultait de la convention tripartite en date du 24 mars 2009, qu'était en cause le transfert du contrat de travail de Mme [I], avec maintien de l'ancienneté, de la même qualification et du même salaire, le transfert des congés payés et des droits lis au DIF acquis auprès du précédent employeur, une stricte identité de niveau conventionnel, sans aucune exclusion de la responsabilité de la Société BNP PARIBAS à l'égard des manquements commis par la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP, autant d'éléments de nature à créer chez la salariée l'attente légitime que son nouvel employeur devait répondre des manquements de l'ancien ; qu'en se bornant, pour dire que Mme [I] n'était pas fondée à se prévaloir des manquements commis antérieurement au 1er avril 2009, à relever que n'était pas mentionnée une reprise par la Société BNP PARIBAS de l'ensemble des obligations à la charge du précédent employeur, sans rechercher, s'il n'en résultait pas nécessairement, du point de vue du salarié subordonné, l'attente légitime que son nouvel employeur soit tenu des manquements de son ancien employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
4) ALORS EN OUTRE QUE, en retenant, pour dire que Mme [I] n'était pas fondée à se prévaloir des manquements commis avant le 1er avril 2009, que celle-ci avait accepté le transfert de son contrat de travail, que les parties n'avaient pas mentionné une reprise par la Société BNP PARIBAS de l'ensemble des obligations mises à la charge du précédent employeur et n'avaient pas fait mention d'une application volontaire de l'article L. 1224-2 du code du travail, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé les articles L. 1224-1 et L. 1221-1 du code du travail ;
5) ALORS, à supposer les motifs du jugement adoptés, QUE, en affirmant qu'une nouvelle convention avait été conclue entre la Société BNP PARIBAS et Mme [I] et qu'était en cause, une nouvelle relation de travail, la cour d'appel, qui a dénaturé le courrier en date du 24 mars 2009, a violé l'article 4 du code du procédure civile, ensemble le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer l'écrit ;
6) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, il était acquis aux débats que, le 13 mars 2009, Mme [I] avait été avertie par son employeur, la Société BNP LEASE GROUP que dans le cadre de la mobilité intra-groupe, son contrat de travail serait transféré à la Société BNP PARIBAS et que par courrier en date du 24 mars 2009 signé par la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP et la Société BNP PARIBAS, il avait été indiqué à Mme [I], que son contrat de travail était transféré au sein de la Société BNP PARIBAS pour occuper un poste de juriste comme précédemment, avec reprise d'ancienneté, de sa classification et sa rémunération, ainsi qu'une absence de liquidation de ses droits acquis antérieurement et sans qu'aucune rupture n'intervienne ; qu'en affirmant qu'une nouvelle convention avait été conclue entre la Société BNP PARIBAS et Mme [I] et qu'était en cause, une nouvelle relation de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Madame [T] [I] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'elle avait seulement fait l'objet d'une discrimination dans la fixation de sa part variable de 2012 à 2014 en lien avec ses activités syndicales et d'AVOIR condamné la Société BNP PARIBAS à lui verser la seule somme de 6 600 euros à titre de rappel de rémunération variable au titre de ces années, outre 4 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
1) ALORS QUE, la cassation à intervenir du chef du premier moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a dit que Mme [I] avait seulement fait l'objet d'une discrimination dans la fixation de sa part variable de 2012 à 2014 en lien avec ses activités syndicales et en ce qu'il a condamné la Société BNP PARIBAS à lui verser la seule somme de 6 600 euros à titre de rappel de rémunération variable au titre de ces années, outre 4 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
2) ALORS AU SURPLUS, sur l'obligation d'adaptation, QUE, en retenant, pour dire que la Société BNP PARIBAS avait respecté son obligation d'adaptation, que Mme [I] avait été invitée à participer à des formations sur des thèmes précis et qu'en 2013, elle avait bénéficié d'une formation dans le domaine du droit financier, cependant qu'ainsi qu'il résultait des pièces versées par l'employeur, lesdites invitations dataient de 2013, et que la salariée se prévalait d'une absence de formation lors du transfert de son contrat de travail pour occuper un nouveau poste entre 2009 et 2013, date à laquelle elle a occupé un nouveau poste de juriste financier, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé les articles L. 1132-1, ensemble l'article L. 1134-1 du code du travail ;
3) ALORS QUE, en affirmant, après avoir constaté que la salariée présentait des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination et notamment au regard du manquement de la Société BNP PARIBAS à son obligation d'adaptation et de formation, que l'employeur n'avait pas manqué à ces obligations, cependant qu'il lui appartenait de rechercher si les faits présentés par la salariée sur ce point étaient, non pas avérés mais justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1143-1 du code du travail ;
4) ALORS EN OUTRE, sur la mauvaise foi dans les évaluations, QUE, nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en entérinant les écritures de l'employeur selon lesquelles les évaluations réalisées par Mme [L] en 2010 et 2011 étaient justifiées par l'insuffisance professionnelle de Mme [I], après avoir pourtant relevé que sur les années 2010, 2011 et 2012, la salariée avait bénéficié d'une augmentation de 6 000 euros et de bonus de 3 000 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe susvisé, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
5) ALORS QUE, dans ses écritures, Mme [I] avait produit de très nombreuses pièces démontrant la qualité de son travail et la satisfaction des clients à compter de sa prise de poste au sein de la Société BNP PARIBAS ; qu'en se bornant à se référer aux seules pièces produites par l'employeur et à écarter les pièces versées aux débats pour la période antérieure à l'année 2009, sans à aucun moment examiner, ni se prononcer sur les pièces versées par la salariée pour la période postérieure à mars 2009 lesquelles démontraient que l'insuffisance professionnelle de la salariée n'était nullement établie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6) ALORS PAR AILLEURS, sur la gestion de mauvaise foi de la mobilité, QUE, en affirmant qu'il ne résultait d'aucune pièce que l'employeur avait communiqué d'office les évaluations de Mme [I] lors de ses demandes de mobilité, cependant qu'il était constant que la salariée présentait des éléments de fait laissant présumer l'existence d'une discrimination et qu'il appartenait dès lors à l'employeur d'apporter des justifications objectives sur ce point, et ce faisant d'établir, soit qu'il n'avait pas transmis lesdites évaluations, soit que ce transfert l'avait été pour des raisons objectives, la cour d'appel a violé l'article L. 1134-1 du code du travail ;
7) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en reprochant à Mme [I] de ne pas avoir produit de pièces de nature à établir que ses évaluations auraient été transmises d'office dans le cadre de ses demandes de mobilité, la cour d'appel, qui a fait peser sur elle une preuve impossible à rapporter, a violé l'article 1315 du code civil ;
8) ALORS, sur l'absence de fourniture de travail, QUE, en l'espèce, après avoir constaté que la salariée présentait des faits laissant présumer l'existence d'une discrimination et tenant notamment à l'absence de fourniture de poste à la suite de la déclaration d'inaptitude lié à une inadaptation des postes proposés et au transfert de ses évaluations pour les années 2010 et 2011, la cour d'appel a relevé que l'employeur avait respecté son obligation de reclassement ; qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si la circonstance que Mme [I] n'ait pas retrouvé de poste pendant près d'un an et demi était justifiée par des éléments objectifs, la cour d'appel qui a de nouveau statué par un motif inopérant, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
9) ALORS, sur l'évolution de la classification et de la rémunération QUE, en affirmant qu'il était justifié que Mme [I] n'ait pas été recruté au niveau J lors de son embauche dès lors que la Société justifiait d'une grille de salaire opérant une hiérarchisation en fonction du niveau d'étude, cependant qu'était en cause sa classification et non son salaire, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
10) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE, en affirmant que MM. [D] et [M] disposaient d'une formation mieux valorisée que Mme [I], cependant qu'il résultait des éléments produits par l'employeur que MM. [D] et [M] avaient, à l'instar de la salariée, le CAPA, la cour d'appel, qui a dénaturé les écritures de l'employeur, a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer l'écrit ;
11) ALORS ENCORE QUE, en se bornant à reproduire les écritures de l'employeur relatives à l'expérience professionnelle de MM. [D], [M] et [N], sans préciser sur quels éléments elle se fondait, non plus sur quel fondement l'expérience avait été déterminante de la classification, et sans comparer cette expérience professionnelle à celle de Mme [I] laquelle était pourtant similaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
12) ALORS ENFIN QUE en retenant, pour écarter le moyen tiré de la tentative de licenciement lié à ses mandats, que la Société BNP PARIBAS avait saisi la juridiction administrative aux fins de voir annuler la décision du Ministre en date du 20 mars 2020 ayant refusé le licenciement de la salariée, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Madame [T] [I] fait grief à l'arrêt de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé qu'elle avait été victime d'un harcèlement discriminatoire, en conséquence, de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à ce que soit ordonné son repositionnement au niveau J à compter du 1er janvier 2013 et au niveau K à compter du 1er janvier 2018, que sa rémunération fixe annuelle brute soit fixée à compter du 1er janvier 2018 à hauteur de 88 493,68 euros, subsidiairement, à hauteur de 72 429,12 euros, que son employeur soit condamné au rappel de salaires correspondants et de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à ce que l'avertissement en date du 30 janvier 2015 soit annulé et que la Société BNP PARIBAS soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre du préjudice économique, la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement discriminatoire et subsidiairement, la même somme sur le fondement de l'article L. 4121-1 du code du travail, outre la somme de 10 000 euros au titre des dommages et intérêts en raison de la violation des accords collectifs ;
1) ALORS QUE la cassation à intervenir du chef du premier moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mme [I] de ses demandes au titre du harcèlement discriminatoire ;
2) ALORS QUE, en application des dispositions des articles L. 1134-1 et L. 1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence d'un harcèlement discriminatoire, il appartient au salarié de présenter des faits laissant supposer l'existence d'un tel harcèlement et lorsque ces faits sont établis, il appartient à l'employeur d'établir que ses agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, après avoir considéré que la salariée présentait des faits qui, pris en leur ensemble, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel a relevé, s'agissant des faits de harcèlement imputés à Mme [L], que plusieurs salariés avaient attesté de la bonne ambiance dans le service, que concernant M. [U], ses mails ne comportaient aucun mot blessant, que l'employeur justifiait qu'elle avait été invitée aux réunions de service, que la situation de harcèlement avait été prise en compte par la Société, que des démarches de définition de ses activités et de ses missions avaient été engagées, enfin, que contrairement à ses attestations, Mme [I] n'aurait pas toujours été mesurée et calme à l'égard du secrétaire du CHSCT, ce qui contredisait sa version des faits ; qu'en recherchant ainsi si les faits avancés par la salariée étaient établis, après avoir constaté qu'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement et alors qu'il lui appartenait de rechercher si ces faits étaient, non pas établis, mais justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement discriminatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
3) ALORS EN OUTRE, sur le comportement de Mme [L], QUE, en se référant aux attestations des autres salariés faisant état de leurs bonnes relations avec Mme [L], la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé les articles L. 1132-1 et L.1152-1 du code du travail ;
4) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ; qu'en se fondant d'une manière générale, pour écarter l'existence d'un harcèlement, sur le prétendu comportement conflictuel de Mme [I], cependant qu'un tel mode de communication ne constituait qu'une réaction à la discrimination et au harcèlement dont elle était victime, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef violé les articles L. 1132-1 et L. 1152-1 du code du travail ;
5) ALORS ENCORE QUE, à l'appui de sa demande et tel que la cour d'appel l'a constaté, la salariée s'était prévalue des tentatives de déstabilisation de la part de sa hiérarchie, d'un dénigrement de son travail, d'une mise à l'écart du service, des tentatives de déstabilisations émanant de la RH, la menace d'un licenciement pour insuffisance professionnelle et l'absence de suivi de sa charge de travail ; qu'en s'abstenant, après avoir pourtant constaté que ces faits laissaient présumer l'existence d'un harcèlement, de rechercher si ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs, la cour d'appel a violé les articles L. 1134-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
6) ALORS ENFIN QUE, en écartant plus de la moitié des éléments médicaux produits par la salariée motif pris qu'ils étaient antérieurs à sa qualité d'élue, cependant que Mme [I] faisait valoir qu'elle avait été victime d'un harcèlement discriminatoire fondé sur son sexe et la maternité depuis le début de sa relation de travail, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le syndicat CFDT des banques et des sociétés financières, demandeur au pourvoi incident
Le Syndicat CFDT des Banques et des Sociétés financières fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société BNP PARIBAS à lui verser la seule somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession ;
ALORS QUE, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef de l'un ou l'autre des moyens développés à l'appui du pourvoi déposé par Mme [I], emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a condamné la Société BNP PARIBAS à verser au Syndicat CFDT des Banques et des Sociétés financières la seule somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession. | La convention par laquelle un salarié quitte le poste qu'il occupait dans une entreprise pour entrer au service d'une autre entreprise appartenant au même groupe, organisant ainsi la poursuite du contrat de travail, hors application de l'article L. 1224-1 du code du travail, n'emporte pas la transmission au nouvel employeur de l'ensemble des obligations qui incombaient à l'ancien employeur, sauf stipulations expresses en ce sens |
7,634 | SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 359 FS-B
Pourvoi n° D 20-16.781
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 MARS 2022
L'association Marie Blaise, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 20-16.781 contre l'arrêt rendu le 5 février 2020 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [P] [U], divorcée [N], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à Pôle emploi de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de l'association Marie Blaise, de Me Occhipinti, avocat de Mme [U], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, M. Seguy, Mme Grandemange, conseillers, Mmes Prache, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 5 février 2020), Mme [U] a été embauchée, à compter du 1er juillet 1991, par l'association Marie Blaise en qualité de directrice d'une maison de retraite.
2. Licenciée pour faute grave, par lettre du 21 juillet 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre du paiement du salaire pendant la période de mise à pied et au titre des indemnités de congés payés sur rappel de salaire pendant la mise à pied, de préavis conventionnel, de congés payés sur préavis et de licenciement, de dire dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement, de le condamner à verser à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et d'ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement jusqu'au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités, alors :
« 1°/ qu'il entre dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié ; qu'en jugeant, en l'espèce, que le président de l'association, signataire de la lettre de licenciement de la salariée, n'avait pas le pouvoir de licencier, quand il résultait de ses propres constatations que le président de l'association disposait, en vertu des statuts, du pouvoir de représenter celle-ci en justice et dans tous les actes de la vie civile et qu'aucune disposition statutaire n'attribuait le pouvoir de licencier à un autre organe, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ensemble la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;
2°/ que les pouvoirs respectifs des organes d'une association sont fixés par les dispositions statutaires ; qu'en l'espèce, pour dire que le président de l'association, signataire de la lettre de rupture de la salariée ne disposait pas du pouvoir de licencier, la cour d'appel a relevé que le conseil d'administration avait le 29 juin 2015 donné pouvoir aux membres du bureau de prendre une décision de sanction à l'égard de la salariée et que le président de l'association ne justifiait d'aucune délégation du bureau ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que le président de l'association tenait des dispositions statutaires le pouvoir de licencier et n'avait donc à justifier d'aucune délégation de pouvoir émanant d'une autre instance, peu important la décision du conseil d'administration, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ensemble la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. »
Réponse de la Cour
4. Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, l'article 1134 devenu 1103 du code civil et la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association :
5. Il résulte de ces textes qu'il entre dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié.
6. La cour d'appel a d'abord constaté que l'article 16 des statuts de l'association attribue à son président le pouvoir de la représenter en justice et dans tous les actes de la vie civile, avec possibilité d'établir une délégation à un personnel de direction ou à un membre du conseil d'administration. Pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle a ensuite retenu que le conseil d'administration avait spécifiquement désigné les membres du bureau pour prendre une décision de sanction, pouvant aller jusqu'au licenciement, à l'encontre de la salariée et que le président ne justifiait d'aucune délégation du bureau lui permettant de mener la procédure de licenciement.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le président disposait du pouvoir de licencier, en application des statuts que le conseil d'administration ne pouvait pas modifier, de sorte qu'il n'avait pas besoin de délégation pour mener la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
8. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que le salarié d'une association, tiers au contrat fondateur, ne peut invoquer l'irrégularité de la désignation du président de l'association au regard des statuts pour contester son pouvoir de le licencier ; qu'en retenant, pour dire le licenciement de la salariée dénuée de cause réelle et sérieuse, que le procès-verbal de l'assemblée générale de l'association au cours duquel le président avait été élu révélerait diverses irrégularités tenant à l'auteur de la convocation, à son ordre du jour, aux modalités de constitution de l'assemblée, à la composition du conseil d'administration ou encore à celle du bureau désigné de sorte qu'il n'était pas établi que le président signataire de la lettre de licenciement disposait du pouvoir de licencier, quand la salariée, tiers au contrat d'association, ne pouvait invoquer les statuts de cette association pour critiquer la régularité de la désignation de son président en vue de contester son pouvoir de licencier, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article 1165 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 5 de la loi du 1er juillet 1901. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
9. Il résulte de ces dispositions que, si le salarié peut se prévaloir des statuts ou du règlement intérieur d'une association pour justifier du défaut de pouvoir de la personne signataire de la lettre de licenciement, il ne peut en revanche invoquer, sur le fondement de ces mêmes statuts, l'irrégularité de la désignation de l'organe titulaire du pouvoir de licencier au regard de ces statuts pour contester son pouvoir.
10. Pour dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les modalités statutaires de constitution de l'assemblée générale extraordinaire, au cours de laquelle le président a été désigné, n'ont pas été respectées et que la composition du conseil d'administration comme du bureau, ayant reconduit son mandat, est irrégulière, de sorte que l'employeur ne justifie pas, compte tenu des irrégularités relevées, que le signataire de la lettre de licenciement disposait du pouvoir de licencier.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne l'association Marie Blaise à verser à Mme [U] la somme de 3 437 euros au titre du paiement du compte épargne temps et déboute Mme [U] de sa demande au titre des congés payés afférents au solde de monétisation du compte épargne temps, l'arrêt rendu le 5 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne Mme [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour l'association Marie Blaise
L'association Marie Blaise fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières du 6 juillet 2018 l'ayant condamnée à payer à Mme [P] [U] épouse [N] les sommes de 3 094 € au titre du paiement du salaire pendant la période de mise à pied, 309,40 € au titre des indemnités de congés payés sur rappel de salaire pendant la mise à pied, 39 852 € au titre des indemnités de préavis conventionnel, 3 985,20 € au titre des indemnités de congés payés sur préavis, 31 872 € au titre des indemnités de licenciement, sauf en ce que requalifiant sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de la salariée, il avait débouté celle-ci en sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et assorti d'une astreinte la remise des documents de fin de contrat et du bulletin de salaire énonçant les condamnations mises à la charge de l'employeur, d'AVOIR, statuant à nouveau, dit dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [P] [U] divorcée [N], d'AVOIR condamné l'association Marie Blaise à verser à Mme [P] [U] divorcée [N] la somme de 82 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement par l'association Marie Blaiuse à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salarié du jour de son licenciement jusqu'au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités ;
AUX MOTIFS QUE sur la qualité de signataire de la lettre de licenciement ; que la lettre de licenciement de Mme [P] [U] divorcée [N] a été signée par M. [B] en qualité de Président ; que l'appelante soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que M. [B] n'avait pas les pouvoirs de signer la lettre de lcienciement ; qu'elle fait valoir que les procédures de désignation et reconduction de ce dernier au mandat de président ont été irrégulières ; qu'aux termes des statuts de l'association, mis à jour le 27 juin 2014, il est prévu que : - le président représente l'association dans tous les actes de la vie civile (article 16) ; -l'association est dirigée par un conseil d'administration d'au moins trois membres, élus pour trois ans par l'assemblée générale (article 12), - le conseil d'administration élit parmi ses membres un bureau composé d'un président, un trésorier et un secrétaire (article 13) ; - pour être admis membres de l'association, il convient d'obtenir l'agrément du bureau (article 6), - une assemblée générale peut être organisée notamment pour modifier les statuts ou en cas de situation d'urgence (article 11) ; qu'il résulte du compte-rendu de l'assemblée générale du 27 juin 2014 qu'à cette date, l'association était composée de quatre membres, dont les trois membres du bureau du conseil d'administration ; que le compte-rendu de l'assemblée générale extraordinaire du 17 mai 2015 précise que le 22 janvier 2015, le président et le trésorier du bureau du conseil d'administration ont démissionné ; qu'il s'ensuit qu'à la date du 22 janvier 2015, l'association n'était composée plus que de deux membres et le bureau du conseil d'administration de la seule secrétaire, tandis que l'article 12 des statuts précise qu'en cas de vacance, il est procédé au remplacement (des membres) lors de l'assemblée générale suivante ; que ces dispositions ajoutent que le conseil siège normalement avec les membres restants ; qu'une assemblée générale extraordinaire s'est tenue le 17 mai 2015 ; que si l'article 11 des statuts prévoit, comme en l'espèce, la possible tenue d'une assemblée générale extraordinaire en cas de situation d'urgence pouvant impliquer l'association, il précise que cette assemblée générale est convoquée par le président, si besoin est ou sur la demande de la moitié plus un des membres inscrits (à jour de leur cotisation), tandis que les modalités de convocation sont les mêmes que pour l'assemblée générale ordinaire ; que s'agissant de l'assemblée ordinaire, elle prévoit la convocation des membres de l'association quinze jours au moins avant la date fixée, pour l'ordre du jour figurer sur les convocations ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas du procès verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 17 mai 2015 des conditions dans lesquelles celle-ci a été provoquée, pas plus que de son initiateur, et pas davantage de son ordre du jour ; que l'examen attentif des personnes présentes révèle qu'un seul membre du conseil d'administration y participait, en la personne de Mme [H], secrétaire ; que pourtant, en page 2 de ce procès-verbal, il est fait état, tandis que M. [I], mentionné comme exerçant la fonction de vice-président de l'APPH, figurant en qualité d'invité a souhaité « que l'assemblée présente puisse se constituer immédiatement en association afin de pouvoir étudier le compte administratif 2015
. » après que le rapport a , en amont, mentionné que « de nombreux membres du conseil d'administration s'interrogent sur ces erreurs de gestion ayant eu de telles conséquences
», il ne ressort pas de ce procès-verbal que les modalités de constitution de l'assemblée générale, tel que visé dans les statuts auraient été respectées ; que s'agissant de même de la composition du conseil d'administration, la cour observe que celui-ci est composé de membres élus, dont la cour relève, qu'en dépit de son absence, excusée, M. [D] [X], a été désigné en qualité de membre du conseil d'administration ; que tandis que les statuts, en leur article 13, prévoient que le bureau est composé d'un président, un trésorier, un secrétaire trésorier adjoint, en l'espèce, ont été désignés un président, deux vice présidents, un trésorier et une secrétaire ; que si le président de l'association, par l'effet de l'article 16 des statuts, dispose du pouvoir de représenter celle-ci en justice et dans tous les actes de la vie civile, ces dispositions prévoyant la possibilité d'établir une délégation à un personnel de direction ou à un membre du conseil d'administration, il s'évince clairement du conseil d'administration en date du 29 juin 2015, à le supposer régulier, que celui-ci a expressément entendu, s'agissant de l'étude d'une procédure de licenciement de Mme [N], donner « pouvoir aux membres du bureau d'étudier et de prendre les décisions de sanction pouvant aller jusqu'au licenciement » ; qu'or compte tenu de cette désignation spécifique des membres du bureau pour prendre, après examen, une décision de sanction à l'encontre de cette salariée, M. [B], désigné comme président élu le 17 mai 2015, dans les conditions ci-dessus rappelées, ne justifie d'aucune délégation du bureau, lui permettant de mener une quelconque procédure de licenciement à l'encontre de Mme [P] [U], divorcée [N] ; qu'à défaut pour l'employeur de justifier, compte tenu de l'ensemble des irrégularités ci-dessus relevées, que le signataire de la lettre de licenciement adressée à Mme [P] [U] divorcée [N] disposait du pouvoir de le faire, le licenciement de la salariéese trouve privé de cause réelle et sérieuse, sans même qu'il y ait lieu d'examiner les griefs énoncés dans la lettre de licenciement ; que si le jugement doit être confirmé des chefs de demande de Mme [P] [U] auxquels il a été fait droit, au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, congés payés afférents, indemnité de préavis conventionnel, exactement calculée, majorée des congés payés afférents, indemnité de licenciement, rectification des documents de fin de contrat, par l'effet de la requalification du bien fondé du licenciement sur une cause réelle et sérieuse, il doit être infirmé en ce qu'il a débouté la salariée en sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; que compte tenu de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise (24 ans), de son âge au jour du licenciement (55 ans), des justificatifs qu'elle produit quant à sa situation au regard de l'emploi, postérieure au licenciement dont elle a fait l'objet, la somme de 84 000 euros, au paiement de laquelle se trouve condamné l'employeur indemnise le préjudice qu'elle a subi du fait de son licenciement ; que la décision doit être également être infirmée en ce qu'elle a assorti d'une astreinte la remise des documents de fin de contrat et du dernier bulletin de salaire, mentionnant l'ensemble des condamnations mises à sa charge ; qu'au contraire, la salairé sera déboutée en cette demande d'astreinte ; qu'il y a lieu de préciser que toute condamnation est prononcée sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables ; que compte tenu de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, laquelle occupe plus de onze salariés, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, selon les modalités définies aux termes du dispositif de la présente décision ;
1) ALORS QU'il entre dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié ; qu'en jugeant, en l'espèce, que le président de l'association, signataire de la lettre de licenciement de la salariée, n'avait pas le pouvoir de licencier, quand il résultait de ses propres constatations que le président de l'association disposait, en vertu des statuts, du pouvoir de représenter celle-ci en justice et dans tous les actes de la vie civile et qu'aucune disposition statutaire n'attribuait le pouvoir de licencier à un autre organe, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ensemble la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;
2) ALORS QUE les pouvoirs respectifs des organes d'une association sont fixés par les dispositions statutaires ; qu'en l'espèce, pour dire que le président de l'association, signataire de la lettre de rupture de la salariée ne disposait pas du pouvoir de licencier, la cour d'appel a relevé que le conseil d'administration avait le 29 juin 2015 donné pouvoir aux membres du bureau de prendre une décision de sanction à l'égard de la salariée et que le président de l'association ne justifiait d'aucune délégation du bureau ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que le président de l'association tenait des dispositions statutaires le pouvoir de licencier et n'avait donc à justifier d'aucune délégation de pouvoir émanant d'une autre instance, peu important la décision du conseil d'administration, la cour d'appel a violé l'article L.1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ensemble la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association;
3) ALORS QUE le salarié d'une association, tiers au contrat fondateur, ne peut invoquer l'irrégularité de la désignation du président de l'association au regard des statuts pour contester son pouvoir de le licencier ; qu'en retenant, pour dire le licenciement de la salariée dénuée de cause réelle et sérieuse, que le procès-verbal de l'assemblée générale de l'association au cours duquel le président avait été élu révélerait diverses irrégularités tenant à l'auteur de la convocation, à son ordre du jour, aux modalités de constitution de l'assemblée, à la composition du conseil d'administration ou encore à celle du bureau désigné de sorte qu'il n'était pas établi que le président signataire de la lettre de licenciement disposait du pouvoir de licencier, quand la salariée, tiers au contrat d'association, ne pouvait invoquer les statuts de cette association pour critiquer la régularité de la désignation de son président en vue de contester son pouvoir de licencier, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article 1165 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 et 5 de la loi du 1er juillet 1901 ;
4) ALORS QUE subsidiairement, en supposant qu'un salarié puisse invoquer les irrégularités affectant la désignation de l'organe titulaire du pouvoir de licencier au regard des statuts de l'association, seules les irrégularités expressément sanctionnées de nullité par les statuts ou ayant une incidence sur le déroulement et la sincérité des délibérations peuvent affecter la validité d'une assemblée générale et des délibérations qui ont été prises ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement de la salariée dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncée que le président de l'association, signataire de la lettre de rupture, avait été désigné au cours d'une assemblée générale dont le procès-verbal révèlerait diverses irrégularités tenant à l'auteur de la convocation, à son ordre du jour, aux modalités de constitution de l'assemblée, à la composition du conseil d'administration ou encore à celle du bureau désigné ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si les irrégularités constatées étaient expressément sanctionnées de nullité par les statuts ou si elles avaient eu une incidence sur le déroulement et la sincérité des délibérations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017. | Il entre dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié |
7,635 | SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 362 F-B
Pourvoi n° J 20-20.397
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 MARS 2022
Mme [J] [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-20.397 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant à la société Merck Serono, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [M], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Merck Serono, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 mars 2020), le Syndicat national des ingénieurs et cadres des industries chimiques et des visiteurs médicaux CGT (le syndicat) a désigné Mme [M] en qualité de représentante de section syndicale au sein de la société Merck Serono (la société) le 6 novembre 2018. Le syndicat a demandé à l'employeur de convoquer Mme [M] aux réunions du comité social et économique en sa qualité de représentante de section syndicale dans une entreprise de moins de 300 salariés.
2. Par acte du 8 février 2019, la société a assigné le syndicat et la salariée devant le tribunal de grande instance pour qu'il soit constaté que le syndicat n'étant pas représentatif, son représentant de section syndicale ne pouvait le représenter aux réunions du comité social et économique.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'avait pas qualité pour participer aux réunions, alors « que le représentant de section syndicale disposant des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du seul pouvoir de négocier des accords collectifs, il est de droit membre du comité social et économique dans les entreprises de moins de 300 salariés ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2142-1 et L. 2143-22 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 2314-2 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au comité social et économique. L'article L. 2143-22 du même code précise que, dans les entreprises de moins de trois cents salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical est de droit représentant syndical au comité social et économique.
5. Il résulte de ces textes que la désignation d'un représentant syndical au comité social et économique est une prérogative que la loi réserve aux syndicats qui sont reconnus représentatifs dans l'entreprise ou dans l'établissement. Le représentant de section syndicale n'est pas de droit représentant syndical au comité social et économique d'entreprise ou d'établissement dès lors que, si l'article L. 2142-1-1 du code du travail prévoit qu'il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du pouvoir de négocier des accords collectifs, cette assimilation ne s'applique qu'aux attributions liées à la constitution d'une section syndicale.
6. C'est par conséquent à bon droit que la cour d'appel a retenu que la salariée, qui n'est pas membre élue du comité social et économique et qui a été désignée représentante de section syndicale par un syndicat qui n'est pas représentatif dans l'entreprise, n'est pas de droit représentante syndicale au comité social et économique.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [M]
Mme [M] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit qu'elle n'avait pas qualité pour participer aux réunions et activités du CSE de la société.
ALORS QUE le représentant de section syndicale disposant des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du seul pouvoir de négocier des accords collectifs, il est de droit membre du comité social et économique dans les entreprises de moins de 300 salariés ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2142-1-1 et L. 2143-22 du code du travail. | Il résulte des articles L. 2314-2 et L.2143-22 du code du travail que la désignation d'un représentant syndical au comité social et économique est une prérogative que la loi réserve aux syndicats qui sont reconnus représentatifs dans l'entreprise ou dans l'établissement. Le représentant de section syndicale n'est pas de droit représentant syndical au comité social et économique d'entreprise ou d'établissement dès lors que, si l'article L. 2142-1-1 du code du travail prévoit qu'il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du pouvoir de négocier des accords collectifs, cette assimilation ne s'applique qu'aux attributions liées à la constitution d'une section syndicale.
C'est par conséquent à bon droit qu'une cour d'appel retient que le salarié, qui n'est pas membre élu du comité social et économique et qui a été désigné représentant de section syndicale par un syndicat qui n'est pas représentatif dans l'entreprise, n'est pas de droit représentant syndical au comité social et économique |
7,636 | SOC. / ELECT
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 370 FS-B
Pourvoi n° H 20-21.269
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 MARS 2022
1°/ Le Syndicat national des transports urbains de la CFDT, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ M. [T] [S], domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° H 20-21.269 contre le jugement rendu le 8 octobre 2020 par le tribunal judiciaire d'Auxerre (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant à la société Transdev Auxerrois, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller doyen, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat du Syndicat national des transports urbains de la CFDT et de M. [S], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Transdev Auxerrois, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Huglo, conseiller doyen rapporteur, M. Rinuy, Mmes Ott, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Auxerre , 8 octobre 2020), le Syndicat national des transports urbains de la CFDT (le syndicat) a désigné M. [S], élu membre suppléant de la délégation du personnel au comité social et économique, en qualité de délégué syndical de la société Transdev Auxerrois, par lettre du 27 juillet 2020. La société Transdev Auxerrois (la société) emploie moins de cinquante salariés.
2. La société a contesté cette désignation par requête du 28 août 2020.
Examen des moyens
Sur le premier moyen ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. Le syndicat et M. [S] font grief au jugement de prononcer la nullité de la désignation du salarié en qualité de délégué syndical, alors « que dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical ; qu'en l'absence de disposition contraire, le membre de la délégation du personnel au comité social et économique désigné comme délégué syndical est indifféremment un membre titulaire ou un membre suppléant dudit comité ; qu'en décidant au contraire que M. [S] ne pouvait être désigné en qualité de délégué syndical dans la mesure où il a été élu en qualité de membre suppléant du comité social et économique et qu'il ne dispose ainsi pas du crédit d'heure nécessaire pour exercer un mandat de délégué syndical, le tribunal a violé l'article L. 2143-6 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article L. 2143-6 du code du travail, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures. Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.
6. La Cour de cassation, selon une jurisprudence constante (Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 06-42.269, Bull. 2008, V, n° 184), a déduit de la disposition similaire antérieure de l'article L. 412-11 du code du travail que, sous réserve de conventions ou d'accords d'entreprise comportant des clauses plus favorables, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel titulaire disposant d'un crédit d'heures à ce titre peut être désigné comme délégué syndical.
7. Elle a jugé toutefois qu'un délégué du personnel suppléant assurant momentanément le remplacement du délégué du personnel titulaire en application de l'article L. 2314-30 dans sa rédaction alors applicable pouvait être désigné délégué syndical dès lors qu'il pouvait à ce titre bénéficier d'heures de délégation (Soc., 20 juin 2012, pourvoi n° 11-61.176, Bull. 2012, V, n° 193).
8. L'article L. 2315-9, issu de l'ordonnance n° 1386-2017 du 22 septembre 2017, prévoit que les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent, chaque mois, répartir entre eux et avec les membres suppléants le crédit d'heures de délégation dont ils disposent.
9. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2314-7 du code du travail, le protocole préélectoral peut modifier le nombre de sièges ou le volume des heures individuelles de délégation dès lors que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui résultant des dispositions légales au regard de l'effectif de l'entreprise.
10. Enfin, l'article L. 2315-2 du code du travail, dans le chapitre V « Fonctionnement » du comité social et économique dans lequel figure l'article L. 2315-9 sur la répartition des heures de délégation entre titulaires et suppléants, dispose que les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle aux dispositions plus favorables relatives au fonctionnement ou aux pouvoirs du comité social et économique résultant d'accords collectifs de travail ou d'usages.
11. Il en résulte que seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical.
12. C'est dès lors à bon droit que le tribunal a statué comme il a fait.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour le Syndicat national des transports urbains de la CFDT et M. [S]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR déclaré recevable la contestation de la société Transdev Auxerrois à l'encontre de la désignation de M. [T] [S] en qualité de délégué syndical ;
AUX MOTIFS QUE, sur la forclusion de l'action en contestation : en vertu de l'article L. 2143-8 du Code du travail, l'employeur dispose d'un délai de 15 jours, suivant l'accomplissement des formalités de publicité, pour introduire un recours une désignation d'un délégué syndical ; qu'il ressort de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation précitée que les formalités de l'article D. 2143-4 du Code du travail ne sont prévues que pour faciliter la preuve de la désignation et non pour sa validité ; qu'il suffit, dès lors, que la preuve soit rapportée que l'employeur en a eu connaissance de façon certaine ; qu'ainsi, le point de départ du délai de contestation de la désignation du délégué syndical commence à courir, à l'égard de l'employeur, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance de façon certaine ; qu'en l'espèce, le courrier de désignation avec accusé de réception daté du 27 juillet 2020 a été reçu le 31 juillet 2020 et le recours contre cette désignation a été introduit le 1er septembre 2020 ; que néanmoins, l'attestation de l'employeur et le tableau justificatif des congés permettent d'établir que Mme [X] [W] était absente de l'entreprise entre le 29 août [lire, « juillet »] et le 18 août 2020 ; qu'en considération de ces éléments, il n'est pas établi que l'employeur a eu une connaissance certaine de la désignation au moment de la signature de l'accusé de réception ; que, par ailleurs, la jurisprudence de la Chambre sociale en date du 18 janvier 2017, énonce que la désignation adressée à une personne différente de l'employeur, en l'espèce le chef de l'établissement où est constitué la section syndicale, ne fait pas courir le point de départ du délai de contestation sauf en cas d'une délégation de pouvoir de la part de l'employeur ; qu'en l'espèce, l'accusé de réception du courrier contenant la désignation a été signé le 31 juillet 2020 par Mme [V] [B], assistante de ressources humaines au sein de la société ; que, cependant, il ressort de l'attestation de Mme [X] [W], l'employeur au moment des faits, que Mme [V] [B] ne disposait d'aucune délégation de pouvoir ; que par ailleurs, aucune mention dans le contrat de travail ne permet d'établir que Mme [V] [B] était autorisée à ouvrir le courrier personnel de Mme [X] [W] ; que dès lors, le défendeur ne rapportant pas la preuve contraire que Mme [V] [B] disposait d'une telle délégation, il apparaît que l'employeur a eu une connaissance certaine de la désignation à son retour de congé soit le 18 août 2020 ; que par conséquent, il convient de dire que le recours en contestation introduit le 1er septembre 2020 n'est pas forclos ;
ALORS QUE la réception par l'employeur du courrier recommandé adressé par le syndicat portant désignation d'un salarié de l'entreprise comme délégué syndical établit la connaissance qu'il a de celle-ci, peu important que le préposé en accusant réception dispose d'une délégation de pouvoir et puisse être assimilé à la personne de l'employeur ; qu'en décidant au contraire que, la salariée ayant accusé réception, le 31 juillet 2020, du courrier recommandé de désignation, ne disposant d'aucune délégation de pouvoir permettant de l'assimiler à l'employeur, l'employeur n'avait eu connaissance de la désignation de M. [S] en qualité de délégué syndical qu'au retour de congés de son représentant, le 18 août 2020, le tribunal a violé les articles L. 2143-7, L. 2143-8 et D. 2143-4 du code du travail en leur rédaction applicable au litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit nulle et non avenue la désignation de M. [T] [S] en qualité de délégué syndical par le Syndicat National des Transports Urbains CFDT ;
AUX MOTIFS QUE, sur la nullité de la désignation de M. [T] [S] compte tenu de l'absence de qualité d'élu titulaire : l'article L. 2143-6 du code du travail modifié par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, dispose que dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical ; que sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures ; que le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical ; que de façon constante depuis 1983, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation interprète ces dispositions comme réservant seulement à un élu titulaire, à l'exclusion d'un élu suppléant, la possibilité d'être désigné en qualité de délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés ; que l'évolution de l'article L. 2143-6 du Code du travail modifié par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 s'est faite à droit constant, de sorte que l'interprétation jurisprudentielle de la chambre sociale n'a pas vocation à changer ; qu'en l'espèce, la société Transdev est une société de 43 salariés au sein de laquelle M. [T] [S] a été élu en qualité d'élu suppléant au sein du comité social et économique ; qu'au regard de ces éléments, il apparaît que M. [T] [S] ne dispose pas du crédit d'heure nécessaire pour exercer un mandat de délégué syndical ; qu'il résulte des dispositions des articles L. 2315-9 et R. 2315-3 du code du travail qu'une répartition des crédits d'heures peut s'opérer entre les élus titulaires et les élus suppléants soit en raison d'une information préalable à l'employeur, prévue à l'article R. 2315-6, ou soit en présence d'une mention de cette répartition dans l'accord préélectoral ; qu'à défaut de stipulation dans l'accord préélectoral, la répartition des heures entre les élus titulaires et suppléants au Comité social et économique est prévue par les dispositions de l'article R. 2314-1 qui ne fait état d'aucune mention de crédit d'heures pour les élus suppléants ; qu'en l'espèce, l'examen du protocole d'accord préélectoral pour la mise en place du CSE ne fait état d'aucune mention de répartition de crédits d'heures entre les élus titulaires et suppléants ; que par ailleurs, il n'est pas non plus établi que l'employeur ait été informé de la volonté de répartition des crédits d'heures entre les élus titulaires et suppléants ; qu'au regard de ces éléments, il apparaît que M. [T] [S] ne disposait pas du crédit d'heures nécessaire pour l'exercice d'un mandat de délégué syndical ; que dès lors, il convient de dire que la désignation de M. [T] [S] en qualité de délégué syndical est nulle et non avenue ;
ALORS QUE, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical ; qu'en l'absence de disposition contraire, le membre de la délégation du personnel au comité social et économique désigné comme délégué syndical est indifféremment un membre titulaire ou un membre suppléant dudit comité ; qu'en décidant au contraire que M. [S] ne pouvait être désigné en qualité de délégué syndical dans la mesure où il a été élu en qualité de membre suppléant du comité social et économique et qu'il ne dispose ainsi pas du crédit d'heure nécessaire pour exercer un mandat de délégué syndical, le tribunal a violé l'article L. 2143-6 du code du travail. | Seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical |
7,637 | SOC. / ELECT
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Cassation
M. CATHALA, président
Arrêt n° 373 FS-B
Pourvoi n° D 20-20.047
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 MARS 2022
1°/ la Fédération communication conseil culture (F3C) CFDT, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ M. [L] [P], domicilié [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° D 20-20.047 contre le jugement rendu le 25 août 2020 par le tribunal judiciaire de Versailles (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Assystem Engineering and operation services (AEOS), dont le siège est [Adresse 6],
2°/ au Syndicat national de l'encadrement du personnel de l'ingénierie (SNEPI) CFE CGC, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ au Syndicat national CFTC de l'ingénierie du conseil des technologies de l'information (SICSTI) CFTC, dont le siège est [Adresse 2],
4°/ à la Fédération CGT des bureaux d'études, dont le siège est [Adresse 7],
5°/ au Syndicat professionel d'études, de conseil, d'ingénierie, d'informatique et de service (SPECIS) UNSA, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération communication conseil culture (F3C) CFDT et de M. [P], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Assystem Engineering and operation services, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la Fédération CGT des bureaux d'études, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Agostini, conseillers, Mme Chamley-Coulet, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Versailles, 25 août 2020), un protocole d'accord préélectoral a été signé le 13 septembre 2019 entre la société Assystem Engineering and operation service (la société) et les organisations syndicales représentatives en vue de la mise en place d'un comité social et économique.
2. Il prévoit notamment l'usage du vote électronique, le premier tour se déroulant du 12 au 22 novembre 2019, le second tour, le cas échéant, du 27 novembre au 6 décembre 2019, l'appréciation des conditions d'électorat et d'éligibilité devant étant réalisée à la date de clôture du premier tour, soit le 22 novembre 2019.
3. Le syndicat Fédération communication conseil culture CFDT (le syndicat F3C CFDT), non signataire du protocole, a sollicité, le 26 novembre 2019, la communication des listes d'émargement. La société a refusé de faire droit à cette demande.
4. Par lettre recommandée avec accusé réception du 4 décembre 2019, le syndicat F3C CFDT et M. [P] ont saisi le tribunal d'instance de Versailles pour obtenir l'annulation du premier tour des élections professionnelles dans les collèges techniciens et agents de maîtrise et ingénieurs et cadres.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
5. Le syndicat F3C CFDT et M. [P] font grief au jugement de les débouter de leur demande d'annulation du premier tour des élections professionnelles qui se sont déroulées du 12 au 22 novembre 2019, alors « que le droit d'accès à la liste d'émargement à la fin des opérations électorales par tout électeur, candidat et organisation syndicale ayant déposé une liste de candidatures participe de la sincérité des opérations électorales et constitue un principe général du droit électoral dont la méconnaissance entraîne l'annulation des élections ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations du tribunal que l'employeur a refusé l'accès à la liste d'émargement après les opérations électorales, privant ainsi les exposants de la possibilité de vérifier la régularité et la sincérité des opérations électorales ; qu'en déboutant néanmoins les exposants de leur demande d'annulation des élections, aux motifs que l'accès à la liste d'émargement en cas de vote électronique n'est pas prévu après la clôture des opérations de vote et scellement des fichiers supports et qu'aucun élément ne permettait de douter de la régularité des opérations de vote, le tribunal a violé, par fausse application, l'article R. 2314-16 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article R. 2314-8 du code du travail, le système de vote électronique doit pouvoir être scellé à l'ouverture et à la clôture du scrutin.
7. Selon le premier alinéa de l'article R. 2314-16 du même code, la liste d'émargement n'est accessible qu'aux membres du bureau de vote et à des fins de contrôle de déroulement du scrutin.
8. Aux termes de l'article R. 2314-17 de ce code, l'employeur ou le prestataire qu'il a retenu conserve sous scellés, jusqu'à l'expiration du délai de recours et, lorsqu'une action contentieuse a été engagée, jusqu'à la décision juridictionnelle devenue définitive, les fichiers supports comprenant la copie des programmes sources et des programmes exécutables, les matériels de vote, les fichiers d'émargement, de résultats et de sauvegarde. La procédure de décompte des votes doit, si nécessaire, pouvoir être exécutée de nouveau. A l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'une action contentieuse a été engagée, après l'intervention d'une décision juridictionnelle devenue définitive, l'employeur ou, le cas échéant, le prestataire procède à la destruction des fichiers supports.
9. Enfin, en application de l'article 5 de l'arrêté du 25 avril 2007 du ministre du travail pris en application du décret n° 2007-602 du 25 avril 2007 relatif aux conditions et aux modalités de vote par voie électronique pour l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise et modifiant le code du travail, en cas de contestation des élections, les listes d'émargement sont tenues à la disposition du juge.
10. Il en résulte qu'après la clôture du scrutin, il appartient aux parties intéressées de demander au juge, en cas de contestation des élections, que les listes d'émargement soient tenues à sa disposition.
11. Dès lors, le tribunal, qui n'était saisi d'aucune demande de vérification des listes d'émargement et qui a relevé que le refus opposé par l'employeur à la demande d'accès à la liste d'émargement formée à son encontre par le syndicat F3C CFDT et le salarié était justifié au regard des conditions réglementées d'accès à cette liste en matière de vote électronique, a légalement justifié sa décision de rejeter la demande d'annulation des élections.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
12. Le syndicat F3C CFDT et M. [P] font le même grief au jugement, alors « que la contestation de l'éligibilité d'un candidat, qui porte sur la régularité de l'élection, est soumise au délai de forclusion de 15 jours ; qu'en déboutant les exposants de leur demande d'annulation au motif que la liste électorale n'a pas été contestée dans les trois jours suivant sa publication, le tribunal a violé, par fausse application, l'article R. 2314-24 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 2314-24 du code du travail :
13. Il résulte de ce texte que la contestation de l'éligibilité fondée sur le caractère injustifié de l'inscription sur une liste électorale est recevable si elle est faite dans les quinze jours suivant l'élection.
14. Pour rejeter la demande d'annulation du premier tour des élections reposant sur l'absence d'éligibilité de Mme [G] [C], faute pour cette salariée de remplir la condition requise d'ancienneté dans l'entreprise, le jugement retient que le syndicat F3C CFDT n'a pas contesté la liste électorale dans le délai de trois jours suivant la publication de la liste imparti par l'alinéa 2 de l'article R. 2314-24 du code du travail.
15. En statuant ainsi, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé.
Et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
16. Le syndicat F3C CFDT et M. [P] font le même grief au jugement, alors « que l'ancienneté d'un an conditionnant l'éligibilité au comité social et économique doit être appréciée à la date du premier tour du scrutin, sans qu'un protocole d'accord préélectoral ne puisse modifier cette date ; qu'en présence d'un scrutin se déroulant sur plusieurs jours, la condition d'ancienneté doit être réunie dès le premier jour du scrutin où le candidat est susceptible de recueillir des voix sur son nom ; qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que Mme [G] [C] ne disposait pas d'une ancienneté d'une année au premier jour du scrutin ; qu'en déboutant néanmoins les exposants de leur demande d'annulation, aux motifs que l'appréciation de l'ancienneté pouvait intervenir par accord le dernier jour du scrutin et que Mme [G] [C] disposera, en toute hypothèse, de l'ancienneté suffisante si des élections devaient être réorganisées après annulation, le tribunal a violé l'article L. 2314-19 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2314-18 et L. 2314-19, premier alinéa, du code du travail :
17. Aux termes du premier de ces textes, maintenu en vigueur jusqu'au 31 octobre 2022 par la décision n° 2021-947 QPC du 19 novembre 2021 du Conseil constitutionnel, sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise et n'ayant fait l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques.
18. Aux termes du second de ces textes, sont éligibles les électeurs âgés de dix-huit ans révolus, et travaillant dans l'entreprise depuis un an au moins, à l'exception des conjoint, partenaire d'un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, surs et alliés au même degré de l'employeur.
19. Il résulte de ces textes qu'en cas de recours à un vote électronique se déroulant sur plusieurs jours, les conditions d'ancienneté dans l'entreprise pour être électeur et éligible s'apprécient à la date du premier jour du scrutin. Si un protocole préélectoral peut, par des dispositions plus favorables, déroger aux conditions d'ancienneté exigées par les articles L. 2314-18 et L. 2314-19 du code du travail, il ne peut modifier la date d'appréciation de ces conditions.
20. Pour dire que Mme [G] [C] était éligible et que le premier tour des élections était valide, le jugement retient que le protocole d'accord préélectoral a pu valablement prévoir que la date d'appréciation de l'ancienneté est la date de clôture du premier tour des élections.
21. En statuant ainsi, le tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
22. La cassation prononcée sur le chef du dispositif visé au deuxième moyen entraîne la cassation du chef du dispositif visé au premier moyen qui s'y rattache par voie de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 août 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Nanterre ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Assystem Engineering and operation service et par la Fédération CGT des bureaux d'études, condamne la société Assystem Engineering and operation service à payer au syndicat Fédération communication conseil culture (F3C) CFDT et à M. [P] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la Fédération communication conseil culture (F3C) CFDT et M. [P]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable pour forclusion la demande d'annulation du second tour des élections professionnelles qui se sont déroulées du 27 novembre au 6 décembre 2019.
AUX MOTIFS QUE la F3C n'a saisi le tribunal que d'une requête visant à contester la régularité du premier tour des élections qui se sont déroulées entre le 12 et le 22 novembre 2019. Ce n'est qu'aux termes d'un courrier du 6 février 2020 que le conseil du syndicat a informé le tribunal qu'un second tour avait eu lieu, sans d'ailleurs en indiquer les dates, et qu'il convenait de convoquer les élus. Ce second tour ayant été organisé du 27 novembre au 6 décembre 2019, le délai de 15 jours pour saisir le tribunal était largement expiré lorsque la demande a été faite. Si l'annulation du premier tour des élections contestées entraîne nécessairement celle du second, encore faut-il que le juge soit régulièrement saisi d'une demande en ce sens. La demande d'annulation du second tour sera déclarée irrecevable comme étant forclose.
ALORS QUE l'annulation du premier tour des élections contestées entraîne nécessairement celle du second, peu important l'absence de contestation du second tour des élections dans le délai de forclusion ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé, par fausse application, l'article R. 2314-24 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté la fédération F3C CFDT et M. [P] de leur demande d'annulation du premier tour des élections professionnelles qui se sont déroulées du 12 au 22 novembre 2019.
AUX MOTIFS QUE sur les conditions d'éligibilité ;[
] la loi ne précise donc pas à quelle date doit s'apprécier l'ancienneté. C'est la jurisprudence qui a posé le principe que les conditions d'électorat ou d'éligibilité s'apprécient à la date du premier tour du scrutin, sans précision du jour, aucun des arrêts communiqués par les parties ne concernant le cas d'un vote électronique sur plusieurs jours. Il convient d'en déduire que la précision du jour du premier tour du scrutin est faite par opposition au deuxième tour du scrutin. Cette notion de premier tour doit ainsi permettre de couvrir l'intégralité du scrutin, de son ouverture à sa fermeture et il n'apparaît pas contraire à l'ordre public de préciser dans le protocole d'accord préélectoral la date exacte à laquelle il convient de se placer pour apprécier la condition d'ancienneté. Ainsi, en précisant que la date d'appréciation de l'ancienneté est la date de clôture du premier tour des élections, le protocole d'accord préélectoral tient compte de ce que le vote électronique, doit se dérouler sur plusieurs jours et fixe une date qui favorise le principe de participation des salariés à la détermination collective des conditions de travail inscrit au préambule de la constitution de 1946. Cette sera déclarée valable. En l'espèce, Madame [C], qui a conclu son contrat de travail le 23 octobre 2018 avec une entrée en vigueur au 19 novembre 2018, remplissait la condition d'ancienneté d'un an à la date de clôture du premier tour de scrutin, à savoir le 22 novembre 2018. Elle était par conséquent éligible et pouvait se présenter comme candidate. Il convient de souligner que cette de clôture du premier tour de scrutin a également été fixée pour apprécier si les conditions relatives à l'électorat étaient remplies. Or le syndicat F3C CFDT n'a pas contesté la liste électorale pour ce motif dans le délai de trois jours suivant la publication de la liste, imparti par l'alinéa 2 de l'article R. 2314-24 du code du travail.[A1] S'il soutient qu'il reste recevable à soulever ce moyen à l'occasion de sa contestation de l'éligibilité d'une élue, il n'en demeure pas moins que son recours n'est dicté que par son échec aux élections et non par son souhait de voir respecter des règles d'ordre public. A titre surabondant, il convient de souligner que si les élections devaient être annulées et si l'employeur se trouvait contraint d'en organiser de nouvelles, Madame [C] aurait largement l'ancienneté requise pour être éligible.
1° ALORS QUE la contestation de l'éligibilité d'un candidat, qui porte sur la régularité de l'élection, est soumise au délai de forclusion de 15 jours ; qu'en déboutant les exposants de leur demande d'annulation au motif que la liste électorale n'a été contestée dans les trois jours suivant sa publication, le tribunal a violé, par fausse application, l'article R. 2314-24 du code du travail.
2° ALORS QUE l'ancienneté d'un an conditionnant l'éligibilité au comité social et économique doit être appréciée à la date du premier tour du scrutin, sans qu'un protocole d'accord préélectoral ne puisse modifier cette date ; qu'en présence d'un scrutin se déroulant sur plusieurs jours, la condition d'ancienneté doit être réunie dès le premier jour du scrutin où le candidat est susceptible de recueillir des voix sur son nom ; qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que Mme [G] [C] ne disposait pas d'une ancienneté d'une année au premier jour du scrutin ; qu'en déboutant néanmoins les exposants de leur demande d'annulation, aux motifs que l'appréciation de l'ancienneté pouvait intervenir par accord le dernier jour du scrutin et que Mme [G] [C] disposera, en toute hypothèse, de l'ancienneté suffisante si des élections devaient être réorganisées après annulation, le tribunal a violé l'article L. 2314-19 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté la fédération F3C CFDT et M. [P] de leur demande d'annulation du premier tour des élections professionnelles qui se sont déroulées du 12 au 22 novembre 2019.
AUX MOTIFS QUE sur l'accès à la liste d'émargement ; [
] en présence de textes spécifiques relatifs à cette procédure de votre électronique, il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions du code électoral visant des élections particulières pour lesquelles le vote électronique n'est pas prévu. Or il résulte des dispositions du code du travail que l'accès de la liste d'émargement en cas de vote électronique n'est pas prévu après la clôture des opérations de vote et scellement des fichiers supports. Il convient d'ajouter que le syndicat F3C CFDT se contente de solliciter l'accès à cette liste pour y rechercher d'éventuelles irrégularités. Ainsi, s'il souligne que la procédure de décompte des votes doit, si nécessaire, pouvoir être exécutée de nouveau, il ne produit aucun élément établissant cette nécessité, aucun élément ne permettant de douter de la régularité des opérations de vote. Dans ces conditions, le refus opposé par l'employeur d'accès à la liste d'émargement n'est pas contraire aux principes généraux du droit électoral ni de nature à affecter la régularité des opérations de vote.
ALORS QUE le droit d'accès à la liste d'émargement à la fin des opérations électorales par tout électeur, candidat et organisation syndicale ayant déposé une liste de candidatures participe de la sincérité des opérations électorales et constitue un principe général du droit électoral dont la méconnaissance entraîne l'annulation des élections ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations du tribunal que l'employeur a refusé l'accès à la liste d'émargement après les opérations électorales, privant ainsi les exposants de la possibilité de vérifier la régularité et la sincérité des opérations électorales ; qu'en déboutant néanmoins les exposants de leur demande d'annulation des élections, aux motifs que l'accès à la liste d'émargement en cas de vote électronique n'est pas prévu après la clôture des opérations de vote et scellement des fichiers supports et qu'aucun élément ne permettait de douter de la régularité des opérations de vote, le tribunal a violé, par fausse application, l'article R. 2314-16 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral. | Il résulte des articles R. 2314-8, R. 2314-16, alinéa 1, R. 2314-17 du code du travail et 5 de l'arrêté du 25 avril 2007 du ministre du travail pris en application du décret n° 2007-602 du 25 avril 2007 relatif aux conditions et aux modalités de vote par voie électronique pour l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise et modifiant le code du travail, qu'après la clôture du scrutin, il appartient aux parties intéressées de demander au juge, en cas de contestation des élections, que les listes d'émargement soient tenues à sa disposition |
7,638 | SOC.
ZB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 374 FS-B sur le 1er et le 2e moyen du pourvoi principal
Pourvoi n° U 20-17.186
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 MARS 2022
1°/ l'association hospitalière [3] (l'AHSM), dont le siège est [Adresse 1],
2°/ M. [K] [E] [N], domicilié [Adresse 1], pris en sa qualité de président du comité social et économique central de l'association hospitalière [3],
ont formé le pourvoi n° U 20-17.186 contre l'ordonnance en la forme des référés rendue le 16 juin 2020 par le président du tribunal judiciaire de Paris, dans le litige les opposant à la société Secafi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Secafi a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les quatre moyens de cassation annéxés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annéxé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association hospitalière [3] et de M. [E] [N], ès qualités, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Secafi, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal judiciaire de Paris, 16 juin 2020), statuant en la forme des référés, par délibération du 27 novembre 2018, le comité central d'entreprise de l'association hospitalière [3] (l'AHSM) a décidé du recours à une expertise comptable, dans le cadre des consultations annuelles sur les orientations stratégiques, sur la situation économique et financière ainsi que sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.
2. Par lettre du 9 mai 2019, la société Secafi (la société), désignée à cette fin par ce comité, a informé l'AHSM de la durée de sa mission, comprise entre 46 et 47 jours, et de son taux journalier de 1 240 euros hors taxes, correspondant à un montant total d'honoraires compris entre 55 800 euros et 58 280 euros hors taxes. Elle a également sollicité la communication par l'AHSM de documents complémentaires, dont, au titre des données sociales, les déclarations annuelles de données sociales (DADS) et les déclarations sociales nominatives (DSN) de l'année en cours et des quatre années précédentes.
3. Par délibération du 20 juin 2019, le comité social et économique central de l'AHSM, venant aux droits du comité central d'entreprise de cette association, a précisé le contenu de la mission d'expertise.
4. L' AHSM et M. [E] [N], en sa qualité de président du comité social et économique central, ont saisi le président du tribunal judiciaire pour contester l'étendue de l'expertise et solliciter la réduction de son coût et de sa durée.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, et sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal ainsi que sur les troisième et quatrième moyens de ce pourvoi qui sont irrecevables, ni sur le moyen du pourvoi incident qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première à quatrième branches
Enoncé du moyen
6. L'AHSM fait grief à l'ordonnance de la débouter de sa demande tendant à dire que la mission confiée à la société par le comité social et économique central de l'AHSM ne rentre pas dans le cadre du recours à expertise prévu par l'article L. 2315-91 du code du travail en ce qui concerne l'analyse de l'évolution de la rémunération depuis 5 ans dans toutes ses composantes (salaire de base, primes, promotions, reprise d'ancienneté
), l'étude de la politique de recrutement et les modalités de départ, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude, de la condamner à communiquer à la société les DADS des années 2016, 2017 et 2018 et la DSN de l'année 2019, sous astreinte, de dire que l'éventuel contentieux de la liquidation de cette astreinte relèverait de cette même juridiction et de la débouter de sa demande de réduction de la durée et du coût de l'expertise, alors :
« 1°/ que le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, le cabinet Secafi ne se prévalait ni de l'absence de production par l'AHSM de la délibération du 27 mai 2018 aux termes de laquelle le comité central d'entreprise avait décidé de se faire assister par un expert dans le cadre des trois consultations annuelles récurrentes prévues par le code du travail, ni de l'absence de contestation par l'employeur de la mission confiée à l'expert par le comité social et économique central le 20 juin 2019 (et non 2020 comme visé à tort par l'ordonnance), pas plus qu'il ne discutait le défaut de mise en cause par l'employeur de cet organe ; qu'en se fondant sur de telles circonstances pour débouter l'employeur de sa demande relative à l'étendue de la mission de l'expert, le président du tribunal judiciaire a excédé les limites du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que, en s'abstenant d'inviter les parties à présenter leurs observations sur ces différents points qu'il a relevés d'office, le président du tribunal judiciaire a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que la contestation par l'employeur du coût prévisionnel de l'expertise, de son étendue ou de sa durée concerne les rapports de l'employeur avec ledit expert ; qu'elle n'impose donc pas la mise en cause du comité social et économique, ni une discussion sur les contours de sa mission tels que définis par ce dernier dès lors que la contestation porte sur l'étendue de la mission de l'expert au regard de la loi ; qu'en se fondant, pour débouter l'employeur de sa demande relative à l'étendue de la mission de l'expert, sur l'absence de contestation par l'employeur de la mission déterminée par le CSE central le 20 juin 2019 (et non 2020 comme visé à tort par l'ordonnance) et sur le défaut de mise en cause de cet organe, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 2312-17 du code du travail ;
4°/ que la mission de l'expert auquel le comité social et économique décide de recourir dans le cadre de l'une de ses consultations régulières ne doit pas excéder l'objet de celle-ci tel que défini par la loi ; que s'agissant de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, l'article L. 2312-26, I du code du travail prévoit qu'elle porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit ; que ne relèvent pas de cette consultation, et partant de la mission de l'expert, l'analyse de l'évolution individuelle de la rémunération dans toutes ses composantes, l'étude de la politique de recrutement et des modalités de départs, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude ; qu'en jugeant le contraire, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 2312-26, I du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article L. 2312-26, I, du code du travail, la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit.
8. Selon l'article L. 2312-26, II, du même code, afin de permettre au comité social et économique de se prononcer, l'employeur met à la disposition de celui-ci, dans les conditions prévues par l'accord mentionné à l'article L. 2312-21 ou à défaut d'accord au sous-paragraphe 4 intitulé « base de données économiques et sociales », du paragraphe 3 « dispositions supplétives » de la sous-section 3 « consultations et informations récurrentes », les informations sur l'évolution de l'emploi, des qualifications, de la formation et des salaires, sur les actions en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, sur le nombre et les conditions d'accueil des stagiaires, sur l'apprentissage et sur le recours aux contrats de travail à durée déterminée, aux contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou aux contrats conclus avec une entreprise de portage salarial, les informations et les indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l'entreprise, mentionnés au 2° de l'article L. 2312-36, ainsi que l'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes issu de la négociation mentionnée au 2° de l'article L. 2242-1 ou, à défaut, le plan d'action mentionné à l'article L. 2242-3, ainsi que les informations relatives aux contrats de mise à disposition conclus avec les entreprises de travail temporaires, aux contrats d'accompagnement dans l'emploi, aux contrats initiative emploi et les éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de l'année écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour l'année à venir, à des contrats de travail à durée déterminée, à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou à des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial.
9. Selon l'article L. 2312-36 du code du travail, inséré dans le sous-paragraphe 4 précité, en l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-21, une base de données économiques, sociales et environnementales, mise régulièrement à jour, rassemble un ensemble d'informations que l'employeur met à disposition du comité social et économique. Les informations contenues dans la base de données portent sur le thème de l'investissement social (emploi, évolution et répartition des contrats précaires, des stages et des emplois à temps partiel, formation professionnelle, évolution professionnelle et conditions de travail), sur le thème de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise : diagnostic et analyse de la situation comparée des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l'entreprise en matière d'embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de l'âge, de la qualification et de l'ancienneté, évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l'entreprise, part des femmes et des hommes dans le conseil d'administration, ainsi que sur l'ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants.
10. Selon l'article R. 2312-9 du code du travail, en l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-21, dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, la base de données économiques et sociales prévue à l'article L. 2312-18 comporte, s'agissant de l'investissement social, le nombre d'embauches par contrats de travail à durée indéterminée, le nombre d'embauches par contrats de travail à durée déterminée (dont le nombre de contrats de travailleurs saisonniers), le nombre d'embauches de salariés de moins de vingt-cinq ans, le total des départs, le nombre de démissions, le nombre de licenciements pour motif économique, dont les départs en retraite et préretraite, le nombre de licenciements pour d'autres causes, le nombre de fins de contrats de travail à durée déterminée, le nombre de départs au cours de la période d'essai, le nombre de mutations d'un établissement à un autre, le nombre de départs volontaires en retraite et préretraite, le nombre de décès, le nombre de salariés promus dans l'année dans une catégorie supérieure et le nombre de salariés déclarés définitivement inaptes à leur emploi par le médecin du travail, et, s'agissant de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise, par sexe, le nombre et le taux de promotions par catégorie professionnelle, la durée moyenne entre deux promotions, l'ancienneté moyenne par catégorie professionnelle et dans la catégorie professionnelle, par niveau ou coefficient hiérarchique et dans le niveau ou le coefficient hiérarchique, par sexe, la rémunération moyenne ou médiane mensuelle par catégorie professionnelle et par niveau ou coefficient hiérarchique, ainsi que, s'agissant de la rémunération des salariés et des dirigeants, dans l'ensemble de leurs éléments, le pourcentage des salariés dont le salaire dépend, en tout ou partie, du rendement.
11. Le président du tribunal judiciaire a retenu à bon droit que l'analyse de l'évolution de la rémunération dans toutes ses composantes et l'analyse de la politique de recrutement et des modalités de départ, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude, entrent dans la mission de l'expert désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.
12. Le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
13. L'AHSM fait grief à l'ordonnance de la condamner à communiquer à la société les DADS des années 2016, 2017 et 2018 et la DSN de l'année 2019, sous astreinte, et de dire que l'éventuel contentieux de la liquidation de cette astreinte relèverait de cette même juridiction, alors :
« 1°/ que l'employeur n'est tenu de fournir à l'expert que les informations nécessaires à l'exercice de sa mission ; qu'en affirmant, pour faire droit à la demande du cabinet Secafi tendant à la communication des déclarations annuelles des données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, que celle-ci apparaissait nécessaire, dans le cadre de sa consultation sur la politique sociale, à l'analyse de l'évolution de l'emploi, des qualifications et de la rémunération des salariés au sein de l'association, sans caractériser autrement que par voie de pure affirmation une telle nécessité, nonobstant la multitude des informations auxquelles l'expert pouvait avoir accès via la base de données économiques et sociales (BDES), le bilan social et les documents prévus à l'article L. 2312-27 du code du travail, le président du tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2315-83 du code du travail ;
2°/ que si l'expert-comptable est seul à apprécier les documents utiles à sa mission, c'est sous réserve de l'abus, celui-ci étant constitué lorsque la demande de communication porte sur des éléments excédant l'objet de la mission confiée ou qui sont manifestement sans nécessité sur celle-ci ; qu'en relevant, pour faire droit à la demande du cabinet Secafi tendant à la communication des déclarations annuelles des données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, que l'expert était seul juge de leur utilité, sans tenir compte de cette réserve, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 2315-83 du code du travail. »
Réponse de la Cour
14. Aux termes de l'article L. 2315-83 du code du travail, l'employeur fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission.
15. Aux termes de l'article L. 2312-26, I, de ce code, la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit.
16. Le président du tribunal judiciaire, qui a retenu qu'il appartenait à l'expert de déterminer les documents utiles à sa mission et que la communication à l'expert des DADS, devenues DSN, en ce que celles-ci se rapportaient à l'évolution de l'emploi, aux qualifications et à la rémunération des salariés au sein de l'entreprise, était nécessaire à l'exercice de sa mission d'expertise dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'Association hospitalière [3] et M. [N], ès qualités, demandeurs au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'association Hospitalière Sainte Marie fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à voir constater que la mission confiée au cabinet d'expertise Secafi par le CSE central de l'AHSM ne rentrait pas dans le cadre du recours à expertise prévu par l'article L.2315-91 du code du travail en ce qui concerne l'analyse de l'évolution de la rémunération depuis 5 ans dans toutes ses composantes (salaire de base, primes, promotions, reprise d'ancienneté
), l'étude de la politique de recrutement et les modalités de départ, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitudes, de l'AVOIR condamnée à communiquer à la société Secafi les déclarations annuelles de données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par document manquant passé un délai de 7 jours suivant la notification de l'ordonnance et ce, pendant une durée d'un mois, d'AVOIR dit que l'éventuel contentieux de la liquidation de cette astreinte relèverait de cette même juridiction, et de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à voir constater le caractère excessif du coût prévisionnel du fait du dépassement par l'expert du cadre de sa mission et à voir réduit à de plus justes proportions la durée et le coût de l'expertise ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, le cabinet Secafi ne se prévalait ni de l'absence de production par l'AHSM de la délibération du 27 mai 2018 aux termes de laquelle le comité central d'entreprise avait décidé de se faire assister par un expert dans le cadre des trois consultations annuelles récurrentes prévues par le code du travail, ni de l'absence de contestation par l'employeur de la mission confiée à l'expert par le comité social et économique central le 20 juin 2019 (et non 2020 comme visé à tort par l'ordonnance), pas plus qu'il ne discutait le défaut de mise de cause par l'employeur de cet organe ; qu'en se fondant sur de telles circonstances pour débouter l'employeur de sa demande relative à l'étendue de la mission de l'expert, le président du tribunal judiciaire a excédé les limites du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS à tout le moins QU'en s'abstenant d'inviter les parties à présenter leurs observations sur ces différents points qu'il a relevés d'office, le président du tribunal judiciaire a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°) ALORS en tout état de cause QUE la contestation par l'employeur du coût prévisionnel de l'expertise, de son étendue ou de sa la durée concerne les rapports de l'employeur avec ledit expert ; qu'elle n'impose donc pas la mise en cause du comité social et économique, ni une discussion sur les contours de sa mission tels que définis par ce dernier dès lors que la contestation porte sur l'étendue de la mission de l'expert au regard de la loi ; qu'en se fondant, pour débouter l'employeur de sa demande relative à l'étendue de la mission de l'expert, sur l'absence de contestation par l'employeur de la mission déterminée par le CSE central le 20 juin 2019 (et non 2020 comme visé à tort par l'ordonnance) et sur le défaut de mise en cause de cet organe, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L.2312-17 du code du travail ;
4°) ALORS QUE la mission de l'expert auquel le comité social et économique décide de recourir dans le cadre de l'une de ses consultations régulières ne doit pas excéder l'objet de celle-ci tel que défini par la loi ; que s'agissant de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, l'article L. 2312-26, I du code du travail prévoit qu'elle porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit ; que ne relèvent pas de cette consultation, et partant de la mission de l'expert, l'analyse de l'évolution individuelle de la rémunération dans toutes ses composantes, l'étude de la politique de recrutement et des modalités de départs, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude ; qu'en jugeant le contraire, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 2312-26, I du code du travail ;
5°) ALORS à tout le moins QU'aux termes de l'article R. 2312-10 du code du travail, en l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-21, les informations figurant dans la base de données économique et sociale portent sur l'année en cours, sur les deux années précédentes et, telles qu'elles peuvent être envisagées, sur les trois années suivantes ; qu'il en résulte que les informations relatives à la rémunération que l'employeur doit communiquer au comité social et économique et par suite à l'expert désigné par ce dernier, ne peuvent porter que sur ces seules années ; qu'en déboutant l'AHSM de sa demande tendant à voir constater qu'excédait la mission confiée au cabinet d'expertise Secafi par le CSE central l'analyse de l'évolution de la rémunération « depuis 5 ans », le président du tribunal judiciaire a violé le texte précité.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
L'association Hospitalière Sainte Marie fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à communiquer à la société Secafi les déclarations annuelles de données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par document manquant passé un délai de 7 jours suivant la notification de l'ordonnance et ce, pendant une durée d'un mois, et d'AVOIR dit que l'éventuel contentieux de la liquidation de cette astreinte relèverait de cette même juridiction ;
1°) ALORS QUE l'employeur n'est tenu de fournir à l'expert que les informations nécessaires à l'exercice de sa mission ; qu'en affirmant, pour faire droit à la demande du cabinet Secafi tendant à la communication des déclarations annuelles des données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, que celle-ci apparaissait nécessaire, dans le cadre de sa consultation sur la politique sociale, à l'analyse de l'évolution de l'emploi, des qualifications et de la rémunération des salariés au sein de l'association, sans caractériser autrement que par voie de pure affirmation une telle nécessité, nonobstant la multitude des informations auxquelles l'expert pouvait avoir accès via la base de données économiques et sociales (BDES), le bilan social et les documents prévues à l'article L. 2312-27 du code du travail, le président du tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2315-83 du code du travail ;
2°) ALORS subsidiairement QUE si l'expert-comptable est seul à apprécier les documents utiles à sa mission, c'est sous réserve de l'abus, celui-ci étant constitué lorsque la demande de communication porte sur des éléments excédant l'objet de la mission confiée ou qui sont manifestement sans nécessité sur celle-ci ; qu'en relevant, pour faire droit à la demande du cabinet Secafi tendant à la communication des déclarations annuelles des données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, que l'expert était seul juge de leur utilité, sans tenir compte de cette réserve, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 2315-83 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
L'association Hospitalière Sainte Marie fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à voir constater que l'ensemble des documents visés à la BDES concernant la rémunération avait été communiqué au Cabinet d'expertise Secafi ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaitre les termes du litige tels qu'ils résultent des prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions, l'AHSM sollicitait du président du tribunal judiciaire qu'il constate que l'ensemble des documents visés à la base de données économiques et sociales (BDES) concernant la rémunération avait été communiqué au cabinet Secafi ; que si, dans ses écritures, ce dernier sollicitait, à titre reconventionnel, la production complémentaire des déclarations annuelles de données sociales (DADS), devenue la déclaration sociale nominative (DSN), aux fins de réalisation de l'expertise, il ne contestait pas avoir été destinataire de l'ensemble des documents visés à la BDES ; qu'en jugeant que si l'expert admettait avoir été destinataire de certains éléments contenus dans cette base de données, il contestait en avoir reçu l'intégralité, le président du tribunal judiciaire a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS subsidiairement QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; qu'en jugeant que les pièces produites par l'employeur consistant en un courrier adressé au cabinet Secafi détaillant les éléments contenus dans la BDES qu'il acceptait de communiquer et un mail interne relatant les éléments transmis à l'expert, ne permettaient pas de justifier d'une communication de ces données au cabinet Secafi, faute de communication par l'employeur des mails cités dans sa réponse officielle du 19 mai 2020, le président du tribunal judiciaire, qui a exigé la production de pièces déterminées, a violé le principe susvisé.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
L'association Hospitalière Sainte Marie fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à voir constater le caractère excessif du coût prévisionnel du fait du dépassement par l'expert du cadre de sa mission et à voir celui-ci réduit à de plus justes proportions ;
ALORS QU'en constatant que l'expert ne pouvait obtenir communication des déclarations annuelles de données sociales (DADS), devenus la déclaration sociale nominative (DSN), que de 2016 à 2019, à l'exclusion de l'année 2015 comme il le réclamait, sans réduire en conséquence le coût prévisionnel de l'expertise qui intégrait une telle période, le président du tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé l'article L. 2315-86 du code du travail.
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Secafi, demanderesse au pourvoi incident
La société Secafi fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR limité la condamnation de l'association hospitalière [3] à lui communiquer les déclarations annuelles de données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, et de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à lui voir communiquer les DSN ou DADS de l'année 2015.
1° ALORS QUE l'ordonnance attaquée retient que l'employeur doit être débouté de sa demande visant à constater que la mission confiée au cabinet Secafi par le CSE central de l'AHSM ne rentre pas dans le cadre du recours à expertise prévu par l'article L. 2315-91 du Code du Travail en ce qui concerne l'analyse de l'évolution de la rémunération depuis 5 ans dans toutes ses composantes (salaire de base, primes, promotions, reprise d'ancienneté...) ; qu'en limitant pourtant aux déclarations annuelles de données sociales des années 2016, 2017 et 2018 et à la déclaration sociale nominative 2019 les documents devant être communiqués à l'expert dans ce cadre, à l'exclusion de la déclaration annuelle des données sociales de l'année 2015 pourtant relative à une période incluse dans le périmètre de cette analyse, le président du tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient nécessairement, a violé l'article L. 2315-83 du code du travail.
2° ALORS QU'aux termes de l'article L. 2315-83 du code du travail, l'employeur fournit à l'expert mandaté par le CSE en application des articles L. 2315-87 et suivants du même code les informations nécessaires à l'exercice de sa mission ; qu'il ne résulte de ce texte aucune autre limite matérielle ou temporelle à l'obligation de l'employeur d'avoir à communiquer des informations à l'expert que celle résultant des nécessités de sa mission ; qu'en retenant, au visa de l'article R. 2312-8 du code du travail pourtant uniquement relatif aux documents mis à la disposition du CSE dans la base de données économiques et sociales (BDES), que seule la communication des DADS des deux années précédant la délibération (soit 2016 et 2017) et les DADS de 2018 (année en cours) ainsi que les DSN de l'année 2019 (année de la délibération du CSE) apparaissent justifiées, le président du tribunal judicaire a violé l'article R. 2312-8 du code du travail par fausse application et l'article L. 2315-83 du même code | Il résulte des articles L. 2312-26, L. 2312-36 et R. 2312-9 du code du travail que l'analyse de l'évolution de la rémunération dans toutes ses composantes et l'analyse de la politique de recrutement et des modalités de départ, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude, entrent dans la mission de l'expert désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi |
7,639 | SOC. / ELECT
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 375 FS-B
Pourvoi n° S 20-16.333
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 MARS 2022
1°/ Mme [J] [V], domiciliée [Adresse 2],
2°/ le syndicat SCMDE/CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° S 20-16.333 contre le jugement rendu le 29 mai 2020 par le tribunal judiciaire d'Evreux (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :
1°/ au Syndicat d'eau du Roumois et du plateau du Neubourg (SERPN), dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à M. [U] [M], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de Mme [V] et du syndicat SCMDE/CFE-CGC, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du Syndicat d'eau du Roumois et du plateau du Neubourg, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Evreux, 29 mai 2020), Mme [V], salariée du Syndicat d'eau du Roumois et du plateau du Neubourg, a été désignée déléguée syndicale du syndicat SCMDE/ CFE CGC, par courrier du 26 avril 2020.
2. L'employeur a saisi, par requête du 6 mai 2020, le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de cette désignation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La salariée et le syndicat SCMDE/CFE-CGC font grief au jugement d'annuler la désignation de celle-ci en qualité de déléguée syndicale, alors :
« 1°/ que, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical ; que sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures ; que ce texte n'interdit pas la désignation comme délégué syndical d'un membre suppléant du comité social et économique, sauf à ce dernier à ne pas bénéficier d'un crédit d'heures ; qu'en annulant la désignation de Mme [V] en qualité de déléguée syndicale au motif que celle-ci, en tant que membre suppléante du comité social et économique, ne disposait pas d'un crédit d'heures de délégation mensuel personnel et permanent, le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2143-6 du code du travail ;
2°/ que, en toute hypothèse, les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent, chaque mois, répartir entre eux et avec les membres suppléants le crédit d'heures de délégation dont ils disposent ; que rien n'interdit à un membre titulaire de répartir ses heures de délégations avec un membre suppléant, de façon permanente et irrévocable ; qu'en affirmant pourtant que ‘le législateur n'a pas prévu la possibilité pour un membre titulaire du CSE de renoncer par avance pour toute la durée de son mandat et de manière irrévocable à ses heures de délégation au profit d'un membre suppléant', le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2315-9 du code du travail ;
3°/ que, en relevant que l'accord de partage des heures de délégation entre M. [M] et Mme [V] ne respectait pas le formalisme en ce qu'il ne comportait aucune indication sur le nombre d'heures réparties chaque mois jusqu'à la fin du mandat, cependant qu'aucun formalisme n'impose cette modalité particulière de répartition des heures de délégations, le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2315-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article L. 2143-6 du code du travail, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures. Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.
5. La Cour de cassation, selon une jurisprudence constante (Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 06-42.269, Bull. 2008, V, n° 184), a déduit de la disposition similaire antérieure de l'article L. 412-11 du code du travail que, sous réserve de conventions ou d'accords d'entreprise comportant des clauses plus favorables, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel titulaire disposant d'un crédit d'heures à ce titre peut être désigné comme délégué syndical.
6. Elle a jugé toutefois qu'un délégué du personnel suppléant assurant momentanément le remplacement du délégué du personnel titulaire en application de l'article L. 2314-30 dans sa rédaction alors applicable pouvait être désigné délégué syndical dès lors qu'il pouvait à ce titre bénéficier d'heures de délégation (Soc., 20 juin 2012, pourvoi n° 11-61.176, Bull. 2012, V, n° 193).
7. L'article L. 2315-9, issu de l'ordonnance n° 1386-2017 du 22 septembre 2017, prévoit que les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent, chaque mois, répartir entre eux et avec les membres suppléants le crédit d'heures de délégation dont ils disposent.
8. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2314-7 du code du travail, le protocole préélectoral peut modifier le nombre de sièges ou le volume des heures individuelles de délégation dès lors que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui résultant des dispositions légales au regard de l'effectif de l'entreprise.
9. Enfin, l'article L. 2315-2 du code du travail, dans le chapitre V « Fonctionnement » du comité social et économique dans lequel figure l'article L. 2315-9 sur la répartition des heures de délégation entre titulaires et suppléants, dispose que les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle aux dispositions plus favorables relatives au fonctionnement ou aux pouvoirs du comité social et économique résultant d'accords collectifs de travail ou d'usages.
10. Il en résulte que seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical.
11. Le tribunal qui a constaté que Mme [V] avait été élue en qualité de suppléant et que l'accord de partage des heures de délégation avec le membre titulaire du comité social et économique ne comportait aucune indication sur le nombre d'heures de délégation réparties mensuellement et était établi pour toute la durée du mandat en contrariété avec les dispositions des articles L. 2315-9 et R. 2315-6 du code du travail, en a exactement déduit qu'elle ne pouvait être désignée en qualité de délégué syndical.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme [V] et le syndicat SCMDE/CFE-CGC
Il est reproché au jugement attaqué d'avoir annulé la désignation de Mme [V] en qualité de déléguée syndicale et d'avoir rejeté les demandes de celle-ci et du syndicat SCMDE/CFECGC ;
AUX MOTIFS QU' en l'espèce, dans son jugement du 6 mars 2020 portant annulation de la première désignation de Mme [V] en qualité de déléguée syndicale, le tribunal avait tout d'abord relevé l'accord des parties sur le fait que l'effectif de l'entreprise est inférieur à cinquante salariés, que le SCMDE/CFE-CGC est un syndicat représentatif au sein du SERPN et que Mme [V] a été élue en qualité de membre suppléante du comité social et économique ; que le litige se limitait alors à déterminer si un membre suppléant de la délégation du personnel au CSE pouvait être désigné comme délégué syndical en application du nouvel article L. 2143-6 du code du travail, étant précisé que sous l'empire de l'ancienne législation il était de principe que « seul le délégué du personnel titulaire disposant d'un crédit d'heures à ce titre » pouvait être désigné délégué syndical dans une entreprise de moins de cinquante salariés ; que le tribunal avait relevé dans son jugement du 6 mars 2020 qu'au sein de l'entreprise SERPN, il résulte du protocole d'accord préélectoral du 11 octobre 2019 que « les élus titulaires bénéficieront d'un crédit d'heures de délégation individuel mensuel de 10 heures, conformément aux heures prévues à l'article R. 2314-1 du code du travail. Néanmoins, les élus titulaires peuvent chaque mois répartir entre eux et avec les suppléants le crédit d'heures dont ils disposent. Les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique concernés informent l'employeur du nombre d'heures réparties au titre de chaque mois au plus tard huit jours avant la date prévue pour leur utilisation. L'information de l'employeur se fait par un document écrit précisant leur identité ainsi que le nombre d'heures mutualistes pour chacun d'eux
» ; que le tribunal avait donc relevé que Mme [V] ne disposait d'aucun crédit d'heures de délégation individuel permanent et demeurait soumise chaque mois au choix discrétionnaire du membre élu titulaire FO au CSE de partager son crédit d'heures de délégation individuel ; que le tribunal avait donc précisé qu'en prévoyant spécifiquement que le mandat de délégué syndical en application de l'article L. 2143-6 du code du travail n'ouvre pas droit à un crédit d'heures de délégation et que les heures utilisées pour l'exercice des fonctions de délégué syndical s'impute sur le crédit d'heures de délégation acquis pour l'exercice du mandat de membre du CSE le législateur avait entendu, comme par le passé, réserver la possibilité d'être désigné délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés aux seuls membres titulaires de la délégation du personnel au CSE qui disposent pour leur part d'un crédit d'heures de délégation qu'ils peuvent faire le choix d'utiliser pour l'exercice des fonctions de délégué syndical ; que le tribunal avait en outre relevé que si Mme [V] faisait valoir que le membre élu titulaire FO avait accepté de partager ses heures de délégation avec elle de manière permanente, cette allégation n'était justifiée par aucune pièce ; que dans ce contexte, le tribunal avait annulé la désignation litigieuse ; que désormais, dans le cadre de la contestation de sa nouvelle désignation en date du 26 avril 2020, Mme [V] verse aux débats un engagement régularisé le 14 mars 2020 entre elle et M. [M], membre titulaire du CSE, dans lequel ce dernier indique au SERPN que : « mes heures de délégation seront partagées de façon irrévocable et permanente avec [J] [V], cosignataire de la présente et membre suppléante du même collège pour la totalité de la durée de nos mandats respectifs » ; que lors de l'audience du 22 mai 2020, interrogé à ce sujet, M. [M] a indiqué qu'il envisageait un partage « 50/50 répétitif mois par mois » ; que le litige porte donc désormais sur la valeur d'un tel engagement entre élus au CSE au regard du système de mutualisation des heures de délégation mis en place par le législateur ; qu'au regard de la rédaction des articles L. 2315-9 et R. 2315-6 du code du travail, le nouveau système de mutualisation des heures de délégation permet une répartition mensuelle avec information précise à l'employeur du nombre d'heures réparties au titre de chaque mois ; qu'en l'espèce, l'accord de partage des heures de délégation entre M. [M] et Mme [V] versé à la procédure ne respecte pas ce formalisme puisqu'il ne comporte aucune indication sur le nombre d'heures réparties chaque mois jusqu'à la fin du mandat ; qu'au-delà de ce point, il apparaît que le législateur n'a pas prévu la possibilité pour un membre titulaire du CSE de renoncer par avance pour toute la durée de son mandat et de manière irrévocable à ses heures de délégation au profit d'un membre suppléant ; qu'un tel accord irrévocable de partage des heures de délégation pour toute la durée du mandat, qui appauvrit de manière définitive les prérogatives du membre élu titulaire au CSE, n'a pas de valeur légale et n'est pas opposable à l'employeur ; que dans ce contexte, il sera à nouveau jugé que Mme [V], membre suppléante du CSE ne disposant pas d'un crédit d'heures de délégation mensuel personnel et permanent, ne peut être désignée de manière permanente en qualité de déléguée syndicale CFE CGC au sein du SERPN ; que la désignation litigieuse du 26 avril 2020 sera donc annulée ;
ALORS, D'UNE PART, QUE dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical ; que sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures ; que ce texte n'interdit pas la désignation comme délégué syndical d'un membre suppléant du comité social et économique, sauf à ce dernier à ne pas bénéficier d'un crédit d'heures ; qu'en annulant la désignation de Mme [V] en qualité de déléguée syndicale au motif que celle-ci, en tant que membre suppléante du comité social et économique, ne disposait pas d'un crédit d'heures de délégation mensuel personnel et permanent (jugement attaqué, p. 4, alinéa 5), le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2143-6 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU' en toute hypothèse, les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent, chaque mois, répartir entre eux et avec les membres suppléants le crédit d'heures de délégation dont ils disposent ; que rien n'interdit à un membre titulaire de répartir ses heures de délégations avec un membre suppléant, de façon permanente et irrévocable ; qu'en affirmant pourtant que « le législateur n'a pas prévu la possibilité pour un membre titulaire du CSE de renoncer par avance pour toute la durée de son mandat et de manière irrévocable à ses heures de délégation au profit d'un membre suppléant » (jugement attaqué, p. 4, alinéa 3), le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2315-9 du code du travail ;
ET ALORS, ENFIN, QU' en relevant que l'accord de partage des heures de délégation entre M. [M] et Mme [V] ne respectait pas le formalisme en ce qu'il ne comportait aucune indication sur le nombre d'heures réparties chaque mois jusqu'à la fin du mandat (jugement attaqué, p. 4, alinéa 2), cependant qu'aucun formalisme n'impose cette modalité particulière de répartition des heures de délégations, le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2315-9 du code du travail. | Seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical.
Dès lors, le tribunal qui constate que le salarié a été élu en qualité de suppléant et que l'accord de partage des heures de délégation avec le membre titulaire du comité social et économique ne comporte aucune indication sur le nombre d'heures de délégation réparties mensuellement et est établi pour toute la durée du mandat en contrariété avec les dispositions des articles L. 2315-9 et R. 2315-6 du code du travail, en déduit exactement qu'il ne pouvait être désigné en qualité de délégué syndical |
7,640 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 mars 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 308 FS-B
Pourvoi n° V 20-17.394
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 MARS 2022
1°/ M. [C] [Z], domicilié [Adresse 3],
2°/ Mme [T] [Z], domiciliée [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° V 20-17.394 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige les opposant :
1°/ à l'Etat du Liban, représenté par son ambassadeur en exercice, domicilié [Adresse 2],
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. et Mme [Z], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de l'Etat du Liban, représenté par son ambassadeur en exercice, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, M. Delbano, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2020), par arrêt du 5 mars 2009, la cour d'appel de Beyrouth (Liban) a condamné l'Etat du Liban a verser à M. et Mme [Z] la somme de 1 586 169 dollars américains. Le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation libanaise.
2. Par jugement réputé contradictoire du 13 février 2019, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré l'arrêt du 5 mars 2009 exécutoire en France.
3. Le jugement a été transmis à parquet le 27 mars 2019 pour signification par la voie diplomatique à l'Etat du Liban.
4. M. et Mme [Z] ont ensuite saisi, sur le fondement des articles L. 111-1-1 et L. 111-1-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution d'un tribunal judiciaire afin d'être autorisés à procéder à la saisie-attribution des fonds détenus par l'Agence française de développement pour le compte du Liban sur le fondement de ces décisions.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
6. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de rejeter leur requête tendant à être autorisés à pratiquer une saisie-attribution, à hauteur du montant dû par le Liban, sur les fonds détenus par l'Agence française de développement, appartenant au Liban et affectés au financement de prêts à destination d'entreprises privées, alors :
« 1°/ que la signification à parquet d'une décision d'exequatur en vue de sa remise par voie diplomatique, qui est la seule démarche que puisse entreprendre une partie en vue de la signification de cette décision à destination d'un Etat étranger, suffit à rendre cette décision opposable à l'Etat destinataire et autorise la partie notifiante à engager des mesures d'exécution à l'encontre de celui-ci ; qu'en jugeant que la remise à parquet de la décision d'exequatur obtenue par les consorts [Z] à l'encontre de l'Etat libanais avait pour seul effet d'enclencher la procédure de signification par voie diplomatique et qu'en l'état de cette seule remise, les consorts [Z] ne pouvaient entreprendre la saisie de biens appartenant à l'Etat libanais, la Cour d'appel a violé l'article 684 du code de procédure civile ;
2°/ que dans un Etat ayant accepté la prééminence du droit, chaque justiciable détient le droit fondamental de faire exécuter les décisions de justice prononcées en sa faveur ; qu'en l'espèce, les consorts [Z] rappelaient, sans être démentis, qu'ils n'étaient pas en mesure d'apporter la preuve de la réception effective de la décision d'exequatur par l'Etat libanais puisqu'ils étaient demeurés extérieurs au processus de notification par la voie diplomatique et faisaient valoir que cette preuve leur serait probablement inaccessible à long terme compte tenu de la mauvaise volonté manifestée par l'Etat libanais, qui était à la fois le débiteur de la condamnation et autorité en charge de la réception de l'acte par la voie diplomatique ; qu'en rejetant la requête des consorts [Z] tendant à être autorisés à procéder à la saisie de biens appartenant à l'Etat libanais sur le territoire français au motif qu'ils n'apportaient pas la preuve de la réception effective de la décision d'exequatur par l'Etat libanais, et en subordonnant ainsi l'exécution de la décision en cause à la production par les consorts [Z] d'une preuve dont il n'était pas contesté qu'elle leur était impossible, la Cour d'appel a violé l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette convention ;
3°/ que saisi d'une requête tendant à la saisie des biens d'un Etat étranger par une partie n'étant en mesure de justifier que de la seule signification à parquet de la décision d'exequatur, le juge de l'exécution ne peut se borner à rejeter la requête qui lui est présentée mais se doit a minima de mettre en oeuvre les pouvoirs que lui reconnaît expressément le code de procédure civile et d'ordonner, au besoin d'office, toutes mesures nécessaires à l'effet de garantir le droit à l'exécution dont justifie tout requérant ; qu'il lui appartient à cet effet de prescrire toutes diligences utiles et de donner le cas échéant commission rogatoire à toute autorité compétente aux fins de vérifier si le destinataire de l'acte en a eu connaissance et de l'informer le cas échéant de la procédure engagée à son encontre ou de l'acte qui lui est destiné ; qu'en rejetant la requête formée par les consorts [Z] au motif qu'ils n'apportaient pas la preuve de la réception effective de la décision d'exequatur par l'Etat libanais, sans procéder à ces démarches et vérifications qu'imposaient le droit à l'exécution des décisions de justice, la Cour d'appel a en tout état de cause violé les articles 10, 730, 734, 734-1, et 734-2 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette convention. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. L'Etat du Liban conteste la recevabilité du moyen en ses deuxième et troisième branches en ce qu'il serait contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond qui consistait à défendre que la signification était parfaite par la simple remise à parquet.
8. Cependant, dans leurs conclusions, M. et Mme [Z] ne soutenaient pas que la signification était effective par la simple remise mais qu'il ne pouvait être exigé d'eux davantage que la production de la remise à parquet pour justifier de la bonne signification dès lors qu'il leur était impossible de prouver la bonne réception de l'acte.
9. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
10. En application de l'article L. 111-1-1 du code des procédures civiles d'exécution, des mesures d'exécution ne peuvent être mises en uvre sur un bien appartenant à un Etat étranger que sur autorisation préalable du juge.
11. En application de l'article 503 du code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés.
12. S'agissant d'une notification internationale à destination d'un Etat étranger, et en l'absence de convention internationale applicable, l'article 684 du code de procédure civile prévoit que celle-ci doit être effectuée par la voie diplomatique.
13. La remise à parquet de la décision à signifier par la voie diplomatique ne constitue pas la preuve de la remise de l'acte à son destinataire et ne peut valoir notification.
14. Dès lors que le juge n'est pas tenu d'ordonner une mesure d'instruction en application de l'article 10 du code de procédure civile, et M. et Mme [Z] n'alléguant ni ne justifiant de démarches entreprises par eux auprès des autorités chargées de la notification de l'acte en vue d'obtenir la preuve de la remise, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'a pas exigé d'eux une preuve impossible, et n'a dès lors pas porté atteinte au droit des demandeurs à l'exécution des décisions de justice, a retenu que la remise à parquet de l'acte de signification du jugement du 13 février 2019 n'ayant aucun effet procédural, si ce n'est de permettre l'acheminement de l'acte au ministère de la justice aux fins de remise par la voie diplomatique, les requérants n'étaient pas fondés à poursuivre l'exécution forcée à l'égard de leur débiteur.
15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [Z]
Monsieur [C] [Z] et Madame [T] [Z] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté leur requête tendant à être autorisés à pratiquer une saisie-attribution, à hauteur du montant dû par le Liban, sur les fonds détenus par l'Agence Française de Développement, appartenant au Liban et affectés au financement de prêts à destination d'entreprise privées ;
1°) ALORS QUE la signification à parquet d'une décision d'exequatur en vue de sa remise par voie diplomatique, qui est la seule démarche que puisse entreprendre une partie en vue de la signification de cette décision à destination d'un Etat étranger, suffit à rendre cette décision opposable à l'Etat destinataire et autorise la partie notifiante à engager des mesures d'exécution à l'encontre de celui-ci ; qu'en jugeant que la remise à parquet de la décision d'exequatur obtenue par les consorts [Z] à l'encontre de l'Etat libanais avait pour seul effet d'enclencher la procédure de signification par voie diplomatique et qu'en l'état de cette seule remise, les consorts [Z] ne pouvaient entreprendre la saisie de biens appartenant à l'Etat libanais, la Cour d'appel a violé l'article 684 du code de procédure civile ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE dans un Etat ayant accepté la prééminence du droit, chaque justiciable détient le droit fondamental de faire exécuter les décisions de justice prononcées en sa faveur ; qu'en l'espèce, les consorts [Z] rappelaient, sans être démentis, qu'ils n'étaient pas en mesure d'apporter la preuve de la réception effective de la décision d'exequatur par l'Etat libanais puisqu'ils étaient demeurés extérieurs au processus de notification par la voie diplomatique et faisaient valoir que cette preuve leur serait probablement inaccessible à long terme compte tenu de la mauvaise volonté manifestée par l'Etat libanais, qui était à la fois le débiteur de la condamnation et autorité en charge de la réception de l'acte par la voie diplomatique ; qu'en rejetant la requête des consorts [Z] tendant à être autorisés à procéder à la saisie de biens appartenant à l'Etat libanais sur le territoire français au motif qu'ils n'apportaient pas la preuve de la réception effective de la décision d'exequatur par l'Etat libanais, et en subordonnant ainsi l'exécution de la décision en cause à la production par les consorts [Z] d'une preuve dont il n'était pas contesté qu'elle leur était impossible, la Cour d'appel a violé l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette convention ;
3°) ALORS à tout le moins QUE saisi d'une requête tendant à la saisie des biens d'un Etat étranger par une partie n'étant en mesure de justifier que de la seule signification à parquet de la décision d'exequatur, le juge de l'exécution ne peut se borner à rejeter la requête qui lui est présentée mais se doit a minima de mettre en oeuvre les pouvoirs que lui reconnaît expressément le code de procédure civile et d'ordonner, au besoin d'office, toutes mesures nécessaires à l'effet de garantir le droit à l'exécution dont justifie tout requérant ; qu'il lui appartient à cet effet de prescrire toutes diligences utiles et de donner le cas échéant commission rogatoire à toute autorité compétente aux fins de vérifier si le destinataire de l'acte en a eu connaissance et de l'informer le cas échéant de la procédure engagée à son encontre ou de l'acte qui lui est destiné ; qu'en rejetant la requête formée par les consorts [Z] au motif qu'ils n'apportaient pas la preuve de la réception effective de la décision d'exequatur par l'Etat libanais, sans procéder à ces démarches et vérifications qu'imposaient le droit à l'exécution des décisions de justice, la Cour d'appel a en tout état de cause violé les articles 10, 730, 734, 734-1, et 734-2 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette convention ;
4°) ALORS enfin QUE la faculté pour une partie ayant été privée du droit d'accès au juge d'engager la responsabilité de l'Etat Français ne dispense pas le juge national de son obligation de statuer en conformité avec les dispositions de la Convention EDH qui sont d'application directe en droit français ; qu'en jugeant qu'il appartenait aux consorts [Z] de mettre en jeu la responsabilité de l'Etat Français s'ils estimaient être privés de leur droit d'accès à un juge et que la mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat Français constituait une voie de droit propre à rendre effectif l'accès à un tribunal, la Cour d'appel a violé les articles 1er et 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 12 du code de procédure civile. | En application de l'article 503 du code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés.
Dans le cas d'une notification internationale à destination d'un Etat étranger, et en l'absence de convention internationale applicable, l'article 684 du code de procédure civile prévoit que celle-ci doit être effectuée par la voie diplomatique.
La remise à parquet de la décision à signifier par la voie diplomatique ne constitue pas la preuve de la remise de l'acte à son destinataire et ne peut valoir notification.
Dès lors que le juge n'est pas tenu d'ordonner une mesure d'instruction en application de l'article 10 du code de procédure civile, et les requérants n'alléguant ni ne justifiant de démarches entreprises par eux auprès des autorités chargées de la notification de l'acte en vue d'obtenir la preuve de la remise, c'est à bon droit qu'une cour d'appel, qui n'exige alors pas d'eux une preuve impossible et, dès lors, ne porte pas atteinte au droit de ceux-ci à l'exécution des décisions de justice, retient que la preuve de la remise à parquet de l'acte de signification du jugement ne suffisait pas à permettre de poursuivre l'exécution forcée de celui-ci à l'égard de leur débiteur, Etat étranger |
7,641 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 mars 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 312 F-B
Pourvoi n° C 19-25.033
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 MARS 2022
L'association Ker vie assistance, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 19-25.033 contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à Mme [L] [X], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de l'association Ker vie assistance, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [X], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2019), Mme [X] a interjeté appel, le 30 mars 2017, d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à l'association Ker vie assistance (l'association).
2. La déclaration d'appel a été signifiée à l'association par acte d'huissier de justice du 11 mai 2017.
3. Par arrêt du 16 octobre 2018, une cour d'appel a partiellement infirmé le jugement et statuant à nouveau, a, pour l'essentiel condamné pécuniairement l'association au profit de Mme [X].
4. L'association a formé opposition à cet arrêt. La cour d'appel a invité les parties à s'expliquer sur la recevabilité de l'opposition.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. L'association fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'opposition de l'association et de la condamner à payer à Mme [X] une certaine somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, alors « que pour que l'arrêt soit rendu non par défaut mais de manière contradictoire à l'égard d'un intimé non constitué, non seulement la déclaration d'appel doit avoir été signifiée à la personne de ce dernier mais également les conclusions comportant les moyens de fait et de droit ainsi que les pièces énumérées selon bordereau annexé ; qu'en retenant que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 octobre 2018 n'avait pas été rendu par défaut, en l'absence de constitution de l'intimé, dès lors que la seule déclaration d'appel valant citation était régulière et avait été signifiée à sa personne, la cour d'appel a méconnu les articles 473 alinéa 1er, 56 et 571 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article 473 du code de procédure civile, rendu applicable devant la cour d'appel par l'article 749 du même code, qu'un arrêt rendu par une cour d'appel n'est réputé contradictoire qu'à la seule condition que la déclaration d'appel ait été signifiée à la personne de l'intimé défaillant, les modalités de signification des premières conclusions d'appelant étant sans incidence sur la qualification de la décision.
7. Ayant constaté que la signification de la déclaration d'appel avait été délivrée à personne à l'association, et retenu, à bon droit, que les dispositions de l'article 56, alinéa 2, du code de procédure civile n'ayant pas vocation à s'appliquer à la déclaration d'appel, celle-ci valait à elle seule citation de l'intimé défaillant au sens de l'article 473 précité, la cour d'appel en a exactement déduit que, quelle que soit la qualification qui lui avait été donné, l'arrêt du 16 octobre 2018 n'avait pas été rendu par défaut et que l'opposition était irrecevable.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Ker vie assistance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Ker vie assistance et la condamne à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour l'association Ker vie assistance
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'opposition formée par l'association Ker Vie Assistance contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris, de l'avoir condamnée à payer à Mme [X] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédures civile, et de l'avoir condamnée au paiement des dépens de l'opposition ;
Aux motifs que « selon les dispositions de l'article 571 [du code de procédure civile], la voie de l'opposition n'est ouverte qu'au jugement par défaut ; qu'en application de l'article 473 du même code, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation n'a pas été délivrée à la personne du défendeur ; qu'en l'espèce, Mme [X] a interjeté appel le 31 mars 2017 et qu'elle a signifié le 11 mai 2017 à l'association Ker Vie Assistance cette déclaration d'appel, l'acte de signification étant délivré à personne ; que l'association Ker Vie Assistance, par référence aux dispositions de l'article 56 alinéa 2 du code de procédure civile, fait valoir que l'assignation doit contenir l'objet de la demande avec un exposé des moyens de fait et de droit, et que ces derniers ne sont exposés que dans les conclusions qui n'ont pas été signifiées à personne ; que ce moyen est toutefois inopérant s'agissant de la procédure d'appel d'un jugement contradictoire, les seules mentions de la déclaration d'appel, valant citation, étant celles prescrites par l'article 901 du code de procédure civile dans sa rédaction alors applicable ; qu'il s'ensuit que, quelle que soit la qualification qui a été donnée à l'arrêt, celui-ci n'était pas un arrêt par défaut, si bien que la voie de l'opposition n'était pas ouvertes à l'association Ker Vie Assistance » ;
Alors que pour que l'arrêt soit rendu non par défaut mais de manière contradictoire à l'égard d'un intimé non constitué, non seulement la déclaration d'appel doit avoir été signifiée à la personne de ce dernier mais également les conclusions comportant les moyens de fait et de droit ainsi que les pièces énumérées selon bordereau annexé ; qu'en retenant que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 octobre 2018 n'avait pas été rendu par défaut, en l'absence de constitution de l'intimé, dès lors que la seule déclaration d'appel valant citation était régulière et avait été signifiée à sa personne, la cour d'appel a méconnu les articles 473 alinéa 1er, 56 et 571 du code de procédure civile. | Il résulte de l'article 473 du code de procédure civile, rendu applicable devant la cour d'appel par l'article 749 du même code, qu'un arrêt rendu par une cour d'appel n'est réputé contradictoire qu'à la seule condition que la déclaration d'appel ait été signifiée à la personne de l'intimé défaillant, les modalités de signification des premières conclusions d'appelant étant sans incidence sur la qualification de la décision |
7,642 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 mars 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 313 F-B
Pourvoi n° K 20-12.210
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 MARS 2022
La société Goodyear Dunlop Tires France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° K 20-12.210 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-3) et l'arrêt rendu sur renvoi de cassation le 16 janvier 2020 par la même cour d'appel (chambre 3-2), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Vahedis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de son président, M. [W] [Y], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société BRMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de M. [C] [N], en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Vahedis,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Goodyear Dunlop Tires France, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Vahedis, de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société BRMJ, venant aux droits de M. [N], en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de de la société Vahedis, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Aix-en Provence, 14 mars 2019 et 16 janvier 2020 statuant sur renvoi après cassation), la société Vahedis et son mandataire liquidateur, M. [N], aux droits duquel vient la société BRMJ, (le liquidateur), ont relevé appel de l'ordonnance du juge-commissaire d'un tribunal de commerce ayant admis au passif de la société Vahedis, pour un certain montant, une créance déclarée par la société Goodyear Dunlop Tires France (la société Goodyear Dunlop), et sursis à statuer pour le surplus.
2. Sur le pourvoi de la société Vahedis, l'arrêt rendu par la cour d'appel a été cassé en toutes ses dispositions avec renvoi (Com., 24 janvier 2018, pourvoi n° 16-18.335, diffusé).
3. La société Goodyear Dunlop a saisi le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de renvoi d'un incident de caducité de la déclaration de saisine, tirée de son absence de signification.
4. Après avoir statué sur le déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant accueilli l'incident, la cour d'appel s'est prononcée sur le fond du litige.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Goodyear Dunlop fait grief à l'arrêt du 14 mars 2019 de la débouter de sa demande tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration de saisine de la cour d'appel d'Aix-en-Provence par la société Vahedis en date du 20 mars 2018, à raison de l'absence de signification de la déclaration par celle-ci, au sens de l'article 1037-1 du code de procédure civile, alors « qu'en vertu de l'article 1037-1 du code de procédure civile, en cas de renvoi devant la cour d'appel après cassation, « la déclaration de saisine doit être signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation » ; qu'il en résulte que seule la déclaration de saisine émanant du greffe, renvoyée via le RPVA au conseil de l'auteur de la saisine, doit être signifiée par ce dernier aux autres parties à l'instance, à l'exclusion de tout autre acte ; qu'en décidant néanmoins que la société Vahedis avait valablement signifié à la société Goodyear sa déclaration de saisine, en lui adressant la déclaration que son conseil avait lui-même généré, via le logiciel e-barreau, la cour d'appel a violé les articles 905-1, 1037-1 du code de procédure civile et 10 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel. »
Réponse de la Cour
6. En l'absence de dispositions particulières, notamment dans l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, régissant la signification par son auteur aux autres parties à l'instance de la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi après cassation, ce dernier satisfait à l'obligation qui lui incombe, en application de l'article 1037-1 du code de procédure civile, en signifiant la déclaration de saisine qu'il a établie et remise au greffe.
7. Ayant constaté qu'avait été signifié, les 25 et 26 avril 2018, par l'auteur de la déclaration de saisine aux autres parties de l'instance, le message d'origine, matérialisé sous un format papier, dont il n'était pas contesté qu'il comportait toutes les mentions prescrites par les dispositions de l'article 1033 du même code, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a décidé que refuser toute validité à une telle signification serait, en tout état de cause, de nature à constituer une atteinte disproportionnée aux droits du déclarant de saisir la juridiction de renvoi.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen, ci-après annexé
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Goodyear Dunlop Tires France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Goodyear Dunlop Tires France et la condamne à payer à la société Vahedis la somme de 3 000 euros et à la société BRMJ venant aux droits de M. [N], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Vahedis, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Goodyear Dunlop Tires France
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué en date du 14 mars 2019 d'avoir débouté la Société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE de sa demande tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration de saisine de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence par la Société VAHEDIS, en date du 20 mars 2018, à raison de l'absence de signification de la déclaration par celle-ci, au sens de l'article 1037-1 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1032 du Code de procédure civile, la juridiction de renvoi est saisie par déclaration au greffe de cette juridiction ; qu'une telle déclaration émane nécessairement d'une partie, et il ne saurait être contesté que la saisine résulte en l'espèce de la déclaration adressée par voie électronique au greffe de la cour par le conseil de la SAS VAHEDIS le 20 mars 2018 à 14 heures 50, laquelle a généré le 20 mars 2018 à 14 heures 55 un avis de réception par les services du greffe, auquel était joint, en exécution d'une instruction donnée au greffe destinataire par le premier président de procéder comme en matière de déclaration d'appel, un fichier récapitulatif reprenant les données du message revêtu du numéro RG ; que ceci au motif que, en cas de déclaration de saisine après renvoi de cassation, l'avocat n'était destinataire que d'un avis de réception par le RPVA, dépourvu de toute référence au numéro RG attribué ; qu'en effet, si, aux termes de l'article 10 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, ce récapitulatif tient lieu de déclaration d'appel, de même que son édition par l'auxiliaire de justice tient lieu d'exemplaire de cette déclaration lorsqu'elle doit être produite sous un format papier, ce texte ne concerne que la procédure d'appel ; qu'ainsi, prétendre que seule doit être signifiée la « déclaration de saisine après renvoi de cassation » émise par le greffe le 20 mars 2018, à destination de l'auteur de la saisine au visa de l'article 1036 du Code de procédure civile dont les dispositions ne sont d'ailleurs pas applicables aux termes de l'article 1037-1, serait contraire à la lettre même de ce texte qui, en son alinéa 2, prévoit que la déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation ; et, qu'étant constaté que c'est ici le message d'origine, matérialisé sous un format papier, dont il n'est pas contesté qu'il comporte toutes les mentions prescrites par les dispositions de l'article 1033 du même code, auquel était joint l'avis de fixation de l'affaire à bref délai émis par le greffe de la cour le 20 avril 2018 où figurent notamment toutes les références relatives à l'enregistrement de l'affaire au rôle de la cour, qui a fait l'objet d'une signification aux intimés les 25 et 26 avril 2018, refuser toute validité à une telle signification serait en tout état de cause de nature à constituer une atteinte disproportionnée aux droits dit déclarant de saisir la juridiction de renvoi ; qu'en conséquence, sa signification aux intimés ayant été effectuée dans le délai prescrit, la déclaration de saisine de la cour de renvoi ne saurait être déclarée caduque ;
ALORS QU'en vertu de l'article 1037-1 du Code de procédure civile, en cas de renvoi devant la cour d'appel après cassation, « la déclaration de saisine doit être signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation » ; qu'il en résulte que seule la déclaration de saisine émanant du greffe, renvoyée via le RPVA au conseil de l'auteur de la saisine, doit être signifiée par ce dernier aux autres parties à l'instance, à l'exclusion de tout autre acte ; qu'en décidant néanmoins que la Société VAHEDIS avait valablement signifié à la Société GOODYEAR sa déclaration de saisine, en lui adressant la déclaration que son conseil avait lui-même généré, via le logiciel e-barreau, la Cour d'appel a violé les articles 905-1, 1037-1 du Code de procédure civile et 10 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué du 16 janvier 2020 d'avoir débouté la Société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE de sa demande tendant à voir fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la Société VAHEDIS, par jugement en date du 16 mars 2011, à la somme de 2.137.120,40 euros, outre 581.027,35 euros au titre de pénalités de retard ;
AUX MOTIFS QUE, sur la reconnaissance de la dette, la Société GOODYEAR s'appuie sur un acte de nantissement sur les parts sociales détenues par Monsieur et Madame [Y] dans la SCI [Adresse 4], un cautionnement personnel consenti par Monsieur [Y] le 12 juin 2006, un relevé de compte du 29 février 2008 approuvé et contresigné par M. [Y] et les paiements déjà réalisés par la Société VAHEDIS ; que le cautionnement et le nantissement constituent une sûreté c'est-à-dire une garantie offerte à un créancier de pouvoir se faire payer si une dette persiste et si le débiteur principal est défaillant ; que, quelles que soient leurs stipulations, ces actes ne peuvent valoir reconnaissance de dette d'autant qu'ils n'ont pas été signés par la société elle-même mais par son gérant et/ou son épouse ; que, dès lors, s'ils permettent de considérer qu'à un moment il a pu être envisagé que la Société VAHEDIS pouvait être débitrice de la Société GOODYEAR, ils sont insuffisants pour démontrer qu'ils ont été conclus précisément pour garantir le montant dont se prévaut aujourd'hui l'intimée ; que cette analyse s'impose d'autant que l'acte de cautionnement a été signé le 12 juin 2006, c'est-à-dire seulement deux mois après la création de la Société VAHEDIS, et qu'il n'est pas contesté que la Société GOODYEAR était le fournisseur principal de la Société VAHEDIS, de sorte que des flux financiers ont nécessairement existé entre elles sans qu'il soit possible de déterminer si les sûretés peuvent correspondre à la créance revendiquée par l'intimée dans le cadre de la présente instance ; que la Société GOODYEAR se fonde également sur un relevé de compte du 29 février 2008, sa pièce 13 ; que, cependant, s'il est effectivement signé par Monsieur [Y], ce document ne comporte ni le cachet de l'entreprise ni les mentions manuscrites qu'il requiert lui-même (Bon pour accord du relevé du 29 février 2008 arrêté à la somme de 990 506,25 euros en chiffre et en lettres) : que, par ailleurs, en l'état des relations des parties, des flux financiers qui ont existé entre elles et des conclusions de l'expert judiciaire qui pointe une certaine confusion et de possibles surfacturations de la part de la Société GOODYEAR, ce document est lui-aussi insuffisant pour établir une quelconque reconnaissance, de la part de la Société VAHEDIS, de la créance objet du litige ; que, pour les mêmes raisons, il en va ainsi des paiements d'ores et déjà réalisés par la Société VAHEDIS au bénéfice de la Société GOODYEAR qui lui a livré des pneus pendant le cours de leurs relations commerciales ; qu'enfin, à l'inverse de ce que le juge commissaire du tribunal de commerce d'AVIGNON a pu considérer aux termes de la décision attaquée, aucun des éléments soumis à la cour, pas même le rapport d'expertise judiciaire, ne permet de démontrer que la Société VAHEDIS a pu se reconnaître redevable de la somme de 644.526,74 euros ; que cela d'autant qu'elle explique que l'objet de sa facture du 2 juillet 2010 était d'obtenir de la part de la Société GOODYEAR un remboursement de 1.492.593,66 euros, ce qui implique qu'elle se considérait créancière et non débitrice de cette société (voir notamment son dire à expert du 9 décembre 2011 en page 54 du rapport d'expertise, pièce 7 de la société VAHEDIS) ; qu'en conséquence, contrairement à ce que soutient la société GOODYEAR, il y a lieu de constater que la société VAHEDIS n'a jamais reconnu être redevable de tout ou partie des sommes dont elle se prétend créancière ; que, sur l'existence de la dette, pour justifier de l'existence et du montant de sa créance la Société GOODYEAR soumet à la cour strictement les mêmes éléments qu'elle a soumis à l'expert judiciaire et qui ne lui ont pas permis de prendre position clairement ; qu'après avoir répondu aux dires des parties de manière pertinente et circonstanciée, l'homme de l'art a ainsi pu conclure dans son rapport que : - page 87, toutes les factures contestées ont été enregistrées dans la comptabilité de la Société VAHEDIS et que certaines ont été réglées sans aucune mention de difficulté dans l'arrêté des comptes annuels, - page 140, les relations entre la Société VAHEDIS et la société GOODYEAR sont entachées d'opacité, - que, page 141, les difficultés de rapprochement entre les bons de livraison et les facturations démontrent l'insuffisance du contrôle interne mis en place au sein de la Société VAHEDIS, - que, page 141, GOODYEAR a contesté les surfacturations alléguées par la Société VAHEDIS sans être en mesure d'administrer la preuve de toutes les livraisons facturées, - que, page 141, seule une enquête pénale peut attester de la sincérité de certains bons de livraison contestés par la société VAHEDIS, - que, page 143, parmi les bons de livraison produits par la Société GOODYEAR certaines signatures ont été formellement contestées par la société VAHEDIS, - que, page 143, ce dysfonctionnement manifeste une défaillance du contrôle interne de la société GOODYEAR qui n'a pas été en mesure de fournir tous les bons de livraison, - que, page 145, il est dommage que la Société GOODYEAR n'ait pas pu apporter de réponse plus satisfaisante à la contestation soulevée par la société VAHEDIS car les livraisons qu'elle ne justifie pas (sans compter les signatures contestées) couvrent tout le résultat déficitaire de la société VAHEDIS, - que, page 145, à la lumière des éléments produits par la société GOODYEAR seules certaines surfacturations sont avérées, - que, page 149, le problème du volume de facturation est récurrent et doit être appréhendé à travers le prisme des surfacturations indiquées ci-dessus ; qu'à la lecture de ces conclusions, comme à celle des pièces produites par la Société GOODYEAR, la cour doit constater qu'aucun élément probant incontestable lui est soumis par l'intimée pour justifier de l'existence et surtout du montant de sa créance ; que, cela d'autant que des plaintes pénales ont été déposées par la Société VAHEDIS et qu'aucune information n'est apportée sur la suite qui leur a été donnée ; que, dans ces conditions, la créance tant en principal qu'en accessoire de la Société GOODYEAR sera rejetée et l'ordonnance rendue par le juge commissaire du tribunal de commerce d'AVIGNON sera infirmée en toutes ses dispositions en ce compris celles relatives aux dépens ; qu'il est donc sans objet de statuer sur les demandes subsidiaires des parties ;
1°) ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir sur le chef de dispositif de l'arrêt du 14 mars 2019, par lequel la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a débouté la Société GOODYEAR de sa demande tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration de saisine du 20 mars 2018 de la cour par la Société VAHEDIS, entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt du 16 janvier 2020 rendu par cette même cour, ayant débouté la Société GOODYEAR de sa demande tendant à voir fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la Société VAHEDIS par jugement en date du 16 mars 2011, à la somme de 2.137.120,40 euros, outre 581.027,35 euros au titre de pénalités de retard, et ce, en application de l'article 625 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en se bornant à affirmer, pour décider que la Société VAHEDIS n'avait pu se reconnaître redevable de la somme de 644.526,74 euros à l'égard de la Société GOODYEAR, sur la totalité de la créance principale revendiquée par celle-ci à hauteur de 2.137.120,40 euros, que l'objet de la facture du 2 juillet 2010 qu'elle lui avait adressée, d'un montant de 1.492.593,66 euros, au titre de l'ensemble des factures de la Société GOODYEAR qu'elle estimait injustifiées, consistait à obtenir un remboursement, « ce qui impliqu[ait] qu'elle se considérait créancière et non débitrice », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si, en établissant une telle facture, destinée à venir se compenser avec toutes les factures qu'elle estimait injustifiées, la Société VAHEDIS avait par la même admis que le surplus des factures émises par la Société GOODYEAR, et non recensées au titre de l'ensemble des factures qu'elle contestait, ayant donné lieu à la facture du 2 juillet 2010, était justifié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 624-1 et 624-2 du Code de commerce ;
3°) ALORS QUE, nonobstant l'absence de signature ès qualités, le dirigeant d'une société engage celle-ci pour les actes qu'il signe dès lors qu'il résulte de cet acte qu'il a agi en qualité de représentant de la société ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que l'acte de nantissement, souscrit par Monsieur [Y] et son épouse au profit de la Société GOODYEAR, ne pouvait contenir aucune reconnaissance de dette de la Société VAHEDIS à l'égard de celle-ci, que l'acte n'était pas signé par la Société VAHEDIS elle-même « mais par son gérant et/ou son épouse », sans rechercher s'il résultait de l'acte que Monsieur [Y], dont la qualité de président de la Société VAHEDIS était expressément mentionnée, était intervenu tant en son nom personnel qu'au nom de cette société qu'il représentait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1316-4, 1326, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1998 du Code civil, ensemble les articles L. 624-1 et 624-2 du Code de commerce ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, aux termes de l'article 1326 du Code civil, applicable à la reconnaissance de dette, l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement, ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ; qu'un acte d'engagement de payer ou de reconnaissance de dette ne respectant pas les formalités de l'article 1326 du Code civil peut valoir commencement de preuve par écrit ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que l'acte de nantissement, souscrit par Monsieur [Y], président de la Société VAHEDIS, et son épouse au profit de la Société GOODYEAR, ne pouvait contenir aucune reconnaissance de dette de la Société VAHEDIS à l'égard de celle-ci, que l'acte n'était pas signé par la Société VAHEDIS elle-même « mais par son gérant et/ou son épouse », sans rechercher si l'acte litigieux valait, à tout le moins, commencement de preuve par écrit, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1326 et 1347 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles L. 624-1 et 624-2 du Code de commerce ;
5°) ALORS QU'aux termes de l'article 1326 du Code civil, applicable à la reconnaissance de dette, l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement, ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ; qu'un acte d'engagement de payer ou de reconnaissance de dette ne respectant pas les formalités de l'article 1326 du Code civil peut valoir commencement de preuve par écrit ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que le relevé de compte du 29 février 2008 établi par la Société GOODYEAR, listant l'ensemble des factures demeurées impayées par la Société VAHEDIS jusqu'à cette date, revêtu de la signature de Monsieur [Y] accompagnée de la mention manuscrite « SAS VAHEDIS », ne pouvait valoir reconnaissance de dette de celle-ci à l'égard de la Société GOODYEAR, que le document litigieux ne comportait ni le cachet de l'entreprise, ni les mentions manuscrites qu'il requerrait, sans rechercher si l'acte en cause valait, à tout le moins, commencement de preuve par écrit, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1326 et 1347 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles L. 624-1 et 624-2 du Code de commerce ;
6°) ALORS QU'en décidant que l'intégralité de la créance de la Société GOODYEAR à l'égard de la Société VAHEDIS, à hauteur de la somme de 2.137.120,40 euros, outre 581.027,35 euros au titre de pénalités de retard, n'était pas justifiée, après avoir pourtant constaté qu'il résultait du rapport d'expertise que « seules certaines surfacturations [étaient] avérées », ce dont il résultait que le surplus des factures était justifié, la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations a violé les articles L. 624-1 et 624-2 du Code de commerce. | En l'absence de dispositions particulières, notamment dans l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique, dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, régissant la signification, par son auteur, aux autres parties à l'instance, de la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi après cassation, celui-ci satisfait à l'obligation qui lui incombe, en application de l'article 1037-1 du code de procédure civile, en signifiant la déclaration de saisine qu'il a lui-même établie et remise au greffe |
7,643 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 mars 2022
Cassation partielle sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 315 F-B
Pourvoi n° V 20-21.925
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 MARS 2022
La société Matières [U] [T], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-21.925 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Ad Lucem, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Matières [U] [T], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Ad Lucem, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 septembre 2020) et les productions, se plaignant de faits de concurrence déloyale, de parasitisme, de détournement de clientèle et de débauchage de personnel commis à son détriment par la société Ad Lucem créée par l'un de ses anciens salariés, la société Matières [U] [T] (anciennement société Océan) a saisi un juge des requêtes d'une demande de désignation d'un huissier de justice aux fins d'investigations au siège de la société sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
2. Par ordonnance du 11 juin 2014, le président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a accueilli la requête et a donné pour mission à l'huissier de justice de se rendre au siège de la société Ad Lucem et d'y effectuer toutes investigations concernant les actes de concurrence déloyale concernant la société Matières [U] [T], et notamment, à exercer ses recherches sur l'ensemble du système d'information de la société Ad Lucem, notamment à partir de tel ou tel mot-clé comme "MA'S", "[U] [T]" ou "Océan" ou tous autres se rapportant aux marques utilisées, fournisseurs, collaborateurs, produits et couleurs, à analyser les outils informatiques, ainsi que tous les fichiers et documents de l'entreprise, y compris le livre d'entrée de sortie du personnel, et à copier, décrire, faire reproduire tous documents à ce sujet.
3. L'huissier de justice a exécuté sa mission le 9 juillet 2014.
4. Le 24 mai 2019, la société Ad Lucem a assigné en référé la société Matières [U] [T] à fin de rétractation de l'ordonnance du 11 juin 2014.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Matières [U] [T] fait grief à l'arrêt de déclarer la société Ad Lucem recevable en sa demande, d'infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 25 septembre 2019 et, statuant à nouveau, de rétracter l'ordonnance sur requête du 11 juin 2014, de dire que la mesure d'instruction exécutée le 9 juillet 2014 était privée de fondement, de constater la nullité, d'ordonner la restitution à la société Ad Lucem de tous les documents et données captés, copiés ou enregistrés à l'occasion de cette mesure sur support informatique, photographique ou écrit dans un délai d'un mois à compter de la décision, et d'interdire à la société Matières [U] [T] d'utiliser à quelque fin que ce soit et notamment à l'occasion d'une instance judiciaire, même en cours, ces données et documents tels que consignés dans le procès-verbal de constat du 9 juillet 2014 et qui lui ont été remis par l'huissier de justice sur un disque dur externe, alors « que la cour d'appel a l'obligation de ne pas dénaturer le jugement qui lui est déféré ; qu'il résulte des termes clairs et précis de l'ordonnance déférée que « la juridiction des référés » avait été saisie de la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête ; qu'en retenant, pour en faire abstraction, que la mention du juge des référés dans le chapeau de la décision aurait procédé d'une erreur manifeste, aux motifs inopérants que la société Ad Lucem avait délivré une assignation en référé-rétractation qui ne faisait pas mention du juge des référés, et que l'ordonnance avait été rendue par le président du tribunal de commerce « statuant publiquement en référé », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette ordonnance, et violé le principe susvisé. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article 496, alinéa 2, du code de procédure civile que l'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire et que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. Dès lors, seul le juge des requêtes qui a rendu l'ordonnance peut être saisi d'une demande de rétractation de celle-ci.
7. Ayant constaté que le président du tribunal de commerce, juridiction des requêtes désignée par l'article 875 du code de procédure civile, avait été saisi en référé d'une demande de rétractation de son ordonnance du 11 juin 2014, la cour d'appel en a exactement déduit, hors de toute dénaturation, et abstraction faite d'un motif erroné, mais surabondant, tiré de ce que la mention de la juridiction des référés dans l'en-tête de l'ordonnance du 25 septembre 2019 procédait d'une erreur manifeste, que la demande de la société Ad Lucem était recevable.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. La société Matières [U] [T] fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 25 septembre 2019 et, statuant à nouveau, de rétracter l'ordonnance sur requête du 11 juin 2014, de dire que la mesure d'instruction exécutée le 9 juillet 2014 était privée de fondement, de constater la nullité, d'ordonner la restitution à la société Ad Lucem de tous les documents et données captés, copiés ou enregistrés à l'occasion de cette mesure sur support informatique, photographique ou écrit dans un délai d'un mois à compter de la décision, et d'interdire à la société Matières [U] [T] d'utiliser à quelque fin que ce soit et notamment à l'occasion d'une instance judiciaire, même en cours, ces données et documents tels que consignés dans le procès-verbal de constat du 9 juillet 2014 et qui lui ont été remis par l'huissier de justice sur un disque dur externe, alors « que le secret des affaires et le secret des correspondances ne constituent pas, en eux-mêmes, des obstacles à l'application de l'article 145 du code de procédure civile, dès lors que la mesure d'instruction sollicitée procède d'un motif légitime et qu'elle est nécessaire à la protection des droits du requérant ; que tel est le cas lorsque la mesure d'instruction, quelle que soit son étendue, est circonscrite dans son objet, en ce qu'elle n'autorise le requérant à accéder qu'aux seuls éléments de nature à établir les faits litigieux ; que l'ordonnance sur requête, qui ne confiait à l'huissier de justice la mission d'effectuer toute investigation, sur le seul « système d'informations » de la société Ad Lucem, que « concernant les actes de concurrence déloyale perpétrés contre » la société Matières [U] [T], ne l'autorisait à « copier, décrire, faire reproduire » que les documents « à ce sujet » ; qu'en retenant que la mesure ordonnée, en ce qu'elle autorisait l'huissier de justice à procéder à ses recherches sur le système informatique de la société Ad Lucem à partir de mots-clés, dont seuls des exemples étaient fournis, relatifs aux marques utilisées, aux fournisseurs, aux collaborateurs, aux produits et couleurs, et aurait permis l'accès à des informations sur l'intégralité de l'activité de la société Ad Lucem, potentiellement sans lien avec la société Matières [U] [T], aurait ainsi porté une atteinte disproportionnée aux droits de la société Ad Lucem, quand cette mesure ne permettait à la requérante d'avoir accès qu'aux documents de nature à établir « les actes de concurrence déloyale perpétrés » à son encontre, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 145 du code de procédure civile :
10. Il résulte de ce texte que constituent des mesures légalement admissibles des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi. Il incombe, dès lors, au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.
11. Pour rétracter l'ordonnance sur requête, l'arrêt retient que par sa formulation, l'autorisation donnée à l'huissier de justice permet l'accès à des informations se rapportant à l'intégralité de l'activité de production, transformation et distribution de matières décoratives de la société Ad Lucem, mais potentiellement sans aucun lien avec la société Matières [U] [T], que si les investigations de l'huissier de justice ont été guidées par l'établissement d'une liste limitative de mots-clefs, dont seuls des exemples sont fournis, relatifs aux marques utilisées, aux fournisseurs, aux collaborateurs, aux produits et couleurs, cette liste, qui révèle le besoin d'ajouter à l'ordonnance pour limiter l'exécution de la mesure au strict nécessaire, a été établie unilatéralement par la requérante sans avoir été soumise à l'appréciation du juge des requêtes et que par son caractère mal délimité et partant très général, la mesure ordonnée porte une atteinte disproportionnée aux droits de la société Ad Lucem tenant au secret des affaires et des correspondances ainsi qu'à la liberté du commerce.
12. En statuant ainsi, tout en relevant que la société Ad Lucem avait été créée le 4 février 2014 par un ancien salarié de la société Matières [U] [T] et alors qu'il résultait des termes de la mission de l'huissier de justice qu'il n'était autorisé à appréhender que les documents en lien avec les actes de concurrence déloyale dénoncés par la société Matières [U] [T], soit à partir de mots-clés pré-définis, soit à partir de mots-clés renvoyant aux marques, produits et couleurs utilisées par la société Matières [U] [T], ou à ses fournisseurs et collaborateurs, de sorte que la mesure, dont il n'a pas été allégué qu'elle avait été exécutée en dehors de ces limites, qui était nécessairement circonscrite dans le temps, entre le 4 février 2014 et le 9 juillet 2014, date de son exécution, et circonscrite dans son objet, instituait des mesures légalement admissibles proportionnées à l'objectif poursuivi et qui ne portaient pas atteinte de manière disproportionnée aux droits de la société Ad Lucem, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
13. Sur la suggestion de la société Matières [U] [T], il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
15. Il résulte du paragraphe 12 que l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 25 septembre 2019 doit être confirmée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions déclarant recevable la demande de la société Ad Lucem, l'arrêt rendu le 17 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
CONFIRME l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 25 septembre 2019 ;
Condamne la société Ad Lucem aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Grenoble ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ad Lucem et la condamne à payer à la société Matières [U] [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Matières [U] [T]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Matières [U] [T] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la société Ad lucem recevable en sa demande, d'AVOIR infirmé l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 25 septembre 2019 et, statuant à nouveau, d'AVOIR rétracté l'ordonnance sur requête du 11 juin 2014, dit que la mesure d'instruction exécutée le 9 juillet 2014 était privée de fondement, constaté la nullité, ordonné la restitution à la société Ad lucem de tous les documents et données captés, copiés ou enregistrés à l'occasion de cette mesure sur support informatique, photographique ou écrit dans un délai d'un mois à compter de la présente décision, et fait interdiction à la société Matières [U] [T] d'utiliser à quelque fin que ce soit et notamment à l'occasion d'une instance judiciaire, même en cours, ces données et documents tels que consignés dans le procès-verbal de constat du 9 juillet 2014 et qui lui ont été remis par l'huissier de justice sur un disque dur externe ;
ALORS QUE la cour d'appel a l'obligation de ne pas dénaturer le jugement qui lui est déféré ; qu'il résulte des termes clairs et précis de l'ordonnance déférée que « la juridiction des référés » avait été saisie de la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête ; qu'en retenant, pour en faire abstraction, que la mention du juge des référés dans le chapeau de la décision aurait procédé d'une erreur manifeste, aux motifs inopérants que la société Ad lucem avait délivré une assignation en référé-rétractation qui ne faisait pas mention du juge des référés, et que l'ordonnance avait été rendue par le président du tribunal de commerce « statuant publiquement en référé », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette ordonnance, et violé le principe susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
La société Matières [U] [T] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé l'ordonnance du 25 septembre 2019 et, statuant à nouveau, d'AVOIR rétracté l'ordonnance sur requête du 11 juin 2014, dit que la mesure d'instruction exécutée le 9 juillet 2014 était privée de fondement, constaté la nullité, ordonné la restitution de tous les documents et données captés, copiés ou enregistrés à l'occasion de cette mesure sur support informatique, photographique ou écrit, et fait interdiction à la société Matières [U] [T] d'utiliser à quelque fin que ce soit et notamment à l'occasion d'une instance judiciaire, même en cours, ces données et documents tels que consignés dans le procès-verbal de constat du 9 juillet 2014 et qui lui ont été remis par l'huissier de justice sur un disque dur externe ;
1°) ALORS QUE le secret des affaires et le secret des correspondances ne constituent pas, en eux-mêmes, des obstacles à l'application de l'article 145 du code de procédure civile, dès lors que la mesure d'instruction sollicitée procède d'un motif légitime et qu'elle est nécessaire à la protection des droits du requérant ; que tel est le cas lorsque la mesure d'instruction, quelle que soit son étendue, est circonscrite dans son objet, en ce qu'elle n'autorise le requérant à accéder qu'aux seuls éléments de nature à établir les faits litigieux ; que l'ordonnance sur requête, qui ne confiait à l'huissier de justice la mission d'effectuer toute investigation, sur le seul « système d'informations » de la société Ad lucem, que « concernant les actes de concurrence déloyale perpétrés contre » la société Matières [U] [T], ne l'autorisait à « copier, décrire, faire reproduire » que les documents « à ce sujet » ; qu'en retenant que la mesure ordonnée, en ce qu'elle autorisait l'huissier de justice à procéder à ses recherches sur le système informatique de la société Ad lucem à partir de mots-clés, dont seuls des exemples étaient fournis, relatifs aux marques utilisées, aux fournisseurs, aux collaborateurs, aux produits et couleurs, et aurait permis l'accès à des informations sur l'intégralité de l'activité de la société Ad lucem, potentiellement sans lien avec la société Matières [U] [T], aurait ainsi porté une atteinte disproportionnée aux droits de la société Ad lucem, quand cette mesure ne permettait à la requérante d'avoir accès qu'aux documents de nature à établir « les actes de concurrence déloyale perpétrés » à son encontre, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, en statuant de la sorte sans rechercher, comme il le lui était demandé, s'il ne fallait pas entendre les mots clés à partir desquels l'huissier de justice devait effectuer ses recherches, lesquelles ne devaient porter, aux termes de l'ordonnance sur requête, que sur « les actes de concurrence déloyal perpétrés contre » la société Matières [U] [T], précisément décrits dans la requête annexée, comme se rapportant aux noms de la société Matières [U] [T], anciennement Océan, et à ceux de ses fournisseurs et collaborateurs, ainsi qu'aux produits et couleurs qu'elle utilisait, la mesure d'instruction ordonnée étant ainsi précise, ciblée et limitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile. | Il résulte de l'article 496, alinéa 2, du code de procédure civile que l'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées, à l'initiative d'une partie, en l'absence de son adversaire, et que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. Dès lors, seul le juge des requêtes qui a rendu l'ordonnance peut être saisi d'une demande de rétractation de celle-ci.
Ayant constaté que le président du tribunal de commerce, juridiction des requêtes désignée par l'article 875 du code de procédure civile, avait été saisi en référé d'une demande de rétractation de l'ordonnance qu'il avait rendue sur requête, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande en rétractation portée devant le juge des référés était recevable |
7,644 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 mars 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 323 F-B
Pourvoi n° M 20-22.216
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 MARS 2022
La société les Mutuelles du Mans assurances IARD, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 20-22.216 contre l'ordonnance rendue le 3 août 2020 par le tribunal de commerce de Dijon, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société LLA gestion et participations, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée La Passion des terroires,
2°/ à la société Etablissements Obrecht, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 12],
3°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], ayant un établissement secondaire au [Adresse 5],
4°/ à la société Saint-Cricq embouteillages, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 10], ayant un établissement secondaire au [Adresse 6],
5°/ à M. [T] [F], domicilié [Adresse 9], pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Groupe embouteillage mobile,
6°/ à la société CB millesime filtration, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], ayant un établissement secondaire au [Adresse 4],
7°/ à la société Gerfran, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
8°/ à la société Groupe embouteillage mobile, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 11],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Les Mutuelles du Mans assurances IARD, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Saint-Cricq embouteillages, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Établissements Obrecht, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue en dernier ressort, (tribunal de commerce de Dijon, 3 août 2020), un tribunal de commerce a, par jugement du 21 novembre 2019, retenu que certains lots de bouchons en liège fournis par la société Établissements Obrecht à la société LLA gestion et participations étaient affectés d'un vice caché et a condamné cette société à réparer les préjudices en découlant.
2. Saisi par la société Établissements Obrecht d'une requête en rectification d'erreur matérielle, le tribunal de commerce a rectifié, au visa de l'article 462 du code de procédure civile, le jugement rendu le 21 novembre 2019 en jugeant qu'il serait mentionné, dans le dispositif du jugement, la condamnation de la société MMA IARD à garantir la société Etablissements Obrecht des condamnations prononcées à son encontre.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La société MMA IARD fait grief à l'ordonnance de faire droit à la requête en rectification d'erreur matérielle de la société Etablissements Obrecht et de dire qu'il serait mentionné en marge de la minute du jugement du 21 novembre 2019, « condamne la société MMA à garantir la société Obrecht de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre », alors « que les erreurs matérielles et les omissions de statuer affectant un jugement ne peuvent être corrigées que par la juridiction qui l'a prononcé ou par une juridiction statuant sur un recours contre celui-ci ; qu'en l'espèce, le jugement du 21 novembre 2019 a été rendu par le tribunal de commerce, régulièrement composé de trois magistrats statuant collégialement ; qu'ayant été instruite et prononcée par un juge unique, M. [V], sans que mention soit faite de noms des autres juges composant la formation collégiale du tribunal de commerce de Dijon, pourtant seul compétent pour examiner la requête en rectification de la société Obrecht à l'exclusion de toute autre formation et juridiction du tribunal, l'ordonnance du 3 août 2020 a violé les articles 462 et 463 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 462 du code de procédure civile :
4. Selon ce texte, si les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées, elles ne peuvent l'être que par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.
5. Un juge d'un tribunal de commerce a fait droit à la requête en rectification d'erreur matérielle affectant le jugement rendu par une formation collégiale de ce même tribunal.
6. En statuant ainsi, alors que les erreurs et omissions matérielles d'un jugement rendu par une formation collégiale ne peuvent être rectifiées que par une juridiction statuant en formation collégiale, le tribunal a violé le texte susvisé.
Mise hors de cause
7. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Saint-Cricq embouteillages et la société AXA France IARD, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 3 août 2020, entre les parties, par le tribunal de commerce de Dijon ;
Met hors de cause la société Saint-Cricq embouteillages et la société AXA France IARD ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le tribunal de commerce de Dijon autrement composé ;
Condamne la société Etablissements Obrecht aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société les Mutuelles du Mans assurances IARD
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La SA MMA Iard FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée,
D'AVOIR fait droit à la requête en rectification matérielle de la société Obrecht et dit qu'il serait mentionné en marge de la minute du jugement du 21 novembre 2019, « condamne la société MMA à garantir la société Obrecht de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre » ;
ALORS QUE les erreurs matérielles et les omissions de statuer affectant un jugement ne peuvent être corrigées que par la juridiction qui l'a prononcé ou par une juridiction statuant sur un recours contre celui-ci ; qu'en l'espèce, le jugement du 21 novembre 2019 a été rendu par le tribunal de commerce, régulièrement composé de trois magistrats statuant collégialement ; qu'ayant été instruite et prononcée par un juge unique, M. [V], sans que mention soit faite de noms des autres juges composant la formation collégiale du tribunal de commerce de Dijon, pourtant seul compétent pour examiner la requête en rectification de la société Obrecht à l'exclusion de toute autre formation et juridiction du tribunal, l'ordonnance du 3 août 2020 a violé les articles 462 et 463 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBISIDIAIRE)
La SA MMA Iard FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée,
D'AVOIR fait droit à la requête en rectification matérielle de la société Obrecht et dit, au visa de l'article 462 du code de procédure civile, qu'il serait mentionné en marge de la minute du jugement du 21 novembre 2019 « condamne la société MMA à garantir la société Obrecht de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre » ;
1°) ALORS QUE l'omission dans le dispositif d'un jugement d'une demande sur laquelle il s'est expliqué dans ses motifs constitue une omission de statuer, qui ne peut être réparée que dans le respect des dispositions de l'article 463 du code de procédure civile, lesquelles imposent notamment que le juge « statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées » ; qu'en l'espèce, le tribunal de commerce a rectifié une prétendue erreur matérielle affectant le jugement du 21 novembre 2019, après avoir constaté que ce jugement indiquait dans ses motifs que la société MMA serait condamnée à garantir la société Obrecht sans prévoir de condamnation à ce titre dans son dispositif ; qu'en corrigeant ainsi une omission de statuer sur le fondement de l'article 462 du code de procédure civile, sans audience et sans avoir entendu ou au moins appelées les parties, le tribunal a violé l'article 463 du code de procédure civile, ensemble, par fausse application, l'article 462 dudit code ;
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE lorsqu'il statue sans audience sur une requête en rectification d'une erreur ou d'omission matérielle, le juge doit s'assurer que la requête a bien été préalablement portée à la connaissance des autres parties ; qu'en l'espèce, le tribunal de commerce a rectifié une prétendue erreur matérielle affectant le jugement du 21 novembre 2019, sans débat contradictoire entre les parties et sans même vérifier que la requête avait bien été portée à la connaissance de la société MMA ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé les articles 14, 16 et 462 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
3°) ALORS TOUJOURS SUBSIDIAIREMENT QUE le juge qui statue sur le fondement de l'article 462 du code de procédure civile ne peut pas modifier les droits et obligations des parties tels qu'ils résultent du jugement visé par la requête ; qu'en l'espèce, le jugement rectifié reconnaissait, dans ses motifs, le principe de la garantie de l'exposante, mais constatait l'existence d'exclusions de garantie et ne prononçait aucune condamnation générale de celle-ci à garantir la totalité des condamnations prononcées contre son assurée ; qu'en ajoutant au dispositif du jugement du 21 novembre 2019 la mention « condamne la société MMA à garantir la société Obrecht de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre », le tribunal n'a ainsi pas corrigé une erreur simple matérielle, mais a modifié les droits et obligations des parties au jugement du 21 novembre 2019, et a excédé ses pouvoirs en violation de l'article 462 du code de procédure civile, ensemble l'article 1355 du code civil. | Les erreurs et omissions matérielles affectant un jugement rendu par une formation collégiale ne peuvent être rectifiées que par une juridiction statuant en formation collégiale |
7,645 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 mars 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 335 F-B
Pourvoi n° H 21-11.452
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 MARS 2022
La société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 21-11.452 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [T] [V],
2°/ à Mme [N] [D], épouse [V],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
3°/ à la Société immobilière Atho, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit foncier de France, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la Société immobilière Atho, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [V], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2020), par un jugement du 13 octobre 2013, la Société immobilière Atho a été déclarée adjudicataire du bien immobilier appartenant à M. et Mme [V] dont la vente était poursuivie par le Crédit foncier de France (la banque).
2. Le prix d'adjudication n'ayant pas été payé, la banque a obtenu un certificat de non-paiement du prix et l'a fait signifier le 22 janvier 2015 à la Société immobilière Atho.
3. Cette dernière a saisi un juge de l'exécution d'une contestation de ce certificat sur le fondement de l'article R. 322-68 du code des procédures civiles d'exécution. La banque a reconventionnellement demandé la réitération des enchères.
4. Par jugement du 7 novembre 2019, dont la banque a interjeté appel, les demandes de contestation du certificat de non-paiement et de réitération des enchères ont été rejetées.
5. La Société immobilière Atho a soulevé l'irrecevabilité de l'appel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Le Crédit foncier de France fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors « que lorsqu'un jugement statue sur plusieurs chefs de demande distincts, les voies de recours ouvertes aux parties doivent s'apprécier de façon distributive à l'égard de chacun des chefs de dispositif concernés (2e Civ., 30 janvier 2014, n° 12-29.687) ; qu'en déclarant irrecevable l'appel formé par le Crédit foncier de France contre le seul chef de dispositif par lequel le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil l'avait débouté de sa demande tendant à la réitération des enchères, au motif que l'instance avait été initiée par la société Atho, qui contestait le certificat de non-paiement émis par le greffe, et qu'il importait peu à cet égard que le juge de l'exécution ait été saisi de plusieurs demandes, cependant que le chef de dispositif attaqué, qui était distinct du chef tranchant les contestations de l'adjudicataire à l'égard du certificat de non-paiement, n'entrait pas dans le champ d'application de l'article R. 322-68 du code des procédures civiles d'exécution et pouvait donc être frappé d'appel par le créancier, la cour d'appel a violé l'article 543 du code de procédure civile et l'article R. 322-68 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 543 du code de procédure civile et l'article R. 322-68 du code des procédures civiles d'exécution :
7. Il résulte de ces textes que lorsque le juge de l'exécution statue en dernier ressort sur la contestation d'un certificat de non-paiement des frais et du prix de l'adjudication et sur d'autres chefs de demandes, l'appel de ces seuls chefs est recevable.
8. Pour déclarer l'appel de la banque irrecevable, l'arrêt retient que le premier juge a bien été saisi par la Société immobilière Atho d'une contestation du certificat prévu à l'article R. 322-67 du code des procédures civiles d'exécution et qu'il importe peu que le premier juge ait été saisi d'autres demandes, notamment par la banque aux fins de réitération des enchères, et ait statué sur celles-ci.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Société immobilière Atho et M. et Mme [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la Société immobilière Atho et par M. et Mme [V], condamne la Société immobilière Atho à payer à la société Crédit foncier de France la somme de 1 500 euros et condamne M. et Mme [V] à payer à la société Crédit foncier de France la somme globale de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Crédit foncier de France
Le Crédit Foncier de France fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré son appel irrecevable.
1°) ALORS QUE les dispositions de l'article R.322-68 du code des procédures civiles d'exécution, qui ferment la voie de l'appel à l'encontre de la décision statuant sur les contestations formées par l'adjudicataire défaillant contre le certificat de non-paiement, sont d'application stricte ; qu'ainsi, la décision par laquelle le juge de l'exécution, après avoir tranché les contestations formées contre le certificat de non-paiement, déboute en outre le créancier poursuivant de sa demande tendant à la réitération des enchères au motif qu'elle serait impossible, demeure susceptible d'appel de ce seul chef ; qu'en jugeant irrecevable l'appel formé par le Crédit Foncier de France contre le seul chef du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil l'avait débouté de sa demande de réitération des enchères, motifs pris qu'elle serait impossible et qu'il lui appartenait de saisir le juge ayant ordonné la licitation du bien saisi, la Cour d'appel a violé l'article 543 du code de procédure civile par refus d'application ;
2°) ALORS en outre QUE lorsqu'un jugement statue sur plusieurs chefs de demande distincts, les voies de recours ouvertes aux parties doivent s'apprécier de façon distributive à l'égard de chacun des chefs de dispositif concernés (Civ.2e, 30 janv. 2014, n° 12-29.687) ; qu'en déclarant irrecevable l'appel formé par le Crédit Foncier de France contre le seul chef de dispositif par lequel le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil l'avait débouté de sa demande tendant à la réitération des enchères, au motif que l'instance avait été initiée par la société Atho, qui contestait le certificat de non-paiement émis par le greffe, et qu'il importait peu à cet égard que le juge de l'exécution ait été saisi de plusieurs demandes (arrêt, p.5, in fine), cependant que le chef de dispositif attaqué, qui était distinct du chef tranchant les contestations de l'adjudicataire à l'égard du certificat de non-paiement, n'entrait pas dans le champ d'application de l'article R.322-68 du code des procédures civiles d'exécution et pouvait donc être frappé d'appel par le créancier, la Cour d'appel a violé l'article 543 du code de procédure civile et l'article R.322-68 du code des procédures civiles d'exécution. | Il résulte des articles 543 du code de procédure civile et R. 322-68 du code des procédures civiles d'exécution que lorsque le juge de l'exécution statue en dernier ressort sur la contestation d'un certificat de non-paiement des frais et du prix de l'adjudication et sur d'autres chefs de demandes, l'appel de ces seuls chefs est recevable |
7,646 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 mars 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 337 F-B
Pourvoi n° D 20-21.289
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 MARS 2022
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la Corse, agence pour la sécurité sociale des indépendants de Corse, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants, devenue caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de Corse, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-21.289 contre l'arrêt rendu le 8 juillet 2020 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [G] [R], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de la Corse, agence pour la sécurité sociale des indépendants de Corse, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants, devenue caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de Corse, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 8 juillet 2020), l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (l'URSSAF) de la Corse, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants, devenue caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de Corse, a fait procéder à une saisie-attribution, le 13 juillet 2018, sur les rémunérations versées à M. [R] par la société Courses services.
2. M. [R] a saisi un juge de l'exécution en nullité et mainlevée de la saisie-attribution, demandes dont il a été débouté par un jugement du 9 mai 2019, dont appel a été interjeté.
3. En application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, la cour d'appel a statué sans audience.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. L'URSSAF de la Corse, agence pour la sécurité sociale des indépendants de Corse, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants, devenue caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de Corse, fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes, de déclarer la nullité de la saisie-attribution du 13 juillet 2018 réalisée à son profit sur les rémunérations versées à M. [R] par la société Courses services, et de prononcer sa mainlevée, alors « que dans le cadre de l'adaptation des procédures judiciaires à l'état d'urgence sanitaire, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience, sauf dans les procédures en référé, dans les procédures accélérées au fond et dans les procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé ; qu'en l'espèce, il a été statué dans le cadre d'une procédure sans audience, sans possibilité d'opposition offerte aux parties quant à ce choix ; qu'en statuant ainsi, dans une procédure qui n'était ni une procédure de référé, ni une procédure accélérée au fond, ni une procédure dans laquelle le juge devait statuer dans un délai déterminé, la cour d'appel a violé l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 :
5. Aux termes de ce texte, lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut, à tout moment de la procédure, décider qu'elle se déroule selon la procédure sans audience. Il en informe les parties par tout moyen. A l'exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience.
6. Il en résulte que l'absence d'opposition des parties à la procédure sans audience doit être recueillie pour toutes les procédures, à l'exception de celles limitativement énumérées par l'article 8.
7. Pour statuer sans audience et sans recueillir l'accord des parties, l'arrêt retient qu'en raison de l'état d'urgence sanitaire, le 7 mai 2020, l'audience prévue ayant été annulée, la procédure a été renvoyée à l'audience du 12 juin 2020, pour être traitée en application de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020 dans le cadre d'une audience sans plaidoiries et avec dépôt de dossiers, s'agissant d'une procédure écrite relevant de l'article 905 du code de procédure civile, sans possibilité d'opposition offerte aux parties quant à ce choix.
8. En statuant ainsi, alors que la procédure à bref délai, régie par l'article 905 du code de procédure civile, n'entrant dans aucune des catégories de dérogations énumérées à l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance du 20 mai 2020, l'absence d'opposition des parties à la mise en oeuvre de la procédure sans audience devait être recueillie, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la Corse, agence pour la sécurité sociale des indépendants de Corse, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants, devenue caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de Corse
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'Urssaf de la Corse, Agence pour la sécurité sociale des indépendants de Corse, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants, devenue Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de la Corse, fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes, d'avoir déclaré la nullité de la saisie-attribution du 13 juillet 2018 réalisée à son profit sur les rémunérations versées à M. [G] [R] par la Sarl Courses Services, et d'avoir prononcé sa mainlevée,
ALORS QUE dans le cadre de l'adaptation des procédures judiciaires à l'état d'urgence sanitaire, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience, sauf dans les procédures en référé, dans les procédures accélérées au fond et dans les procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé ; qu'en l'espèce, il a été statué dans le cadre d'une procédure sans audience, sans possibilité d'opposition offerte aux parties quant à ce choix ; qu'en statuant ainsi, dans une procédure qui n'était ni une procédure de référé, ni une procédure accélérée au fond, ni une procédure dans laquelle le juge devait statuer dans un délai déterminé, la cour d'appel a violé l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020.
SECOND MOYEN DE CASSATION
L'Urssaf de la Corse, Agence pour la sécurité sociale des indépendants de Corse, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants, devenue Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de la Corse, fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes, d'avoir déclaré la nullité de la saisie-attribution du 13 juillet 2018 réalisée à son profit sur les rémunérations versées à M. [G] [R] par la Sarl Courses Services, et d'avoir prononcé sa mainlevée,
1) ALORS QUE l'article L. 3252-1 du code du travail, relatif à la procédure spécifique de saisie des rémunérations, visant toutes les rémunérations perçues par toute personne salariée ou travaillant pour un ou plusieurs employeurs, la notion de rémunération au sens de ce texte suppose l'existence d'un lien de subordination entre le débiteur et le tiers saisi et non un simple lien de dépendance économique ; que le gérant majoritaire d'une société ne se trouvant pas dans un lien de subordination vis-à-vis de la société qu'il dirige, sa rémunération n'a pas la nature d'un salaire et est donc exclue de la protection prévue en matière de saisie des rémunérations par les articles L. 3252-1 et suivants du code du travail ; qu'en jugeant pourtant que le versement d'une somme par la Sarl Courses Services à son dirigeant et associé unique, M. [R], constituant, à défaut de versement de tout dividende, son seul revenu, cette situation caractérisait un lien évident de dépendance économique avec la société Courses Services et la nature de rémunération du travail des sommes perçues par ce dernier, de sorte qu'il y avait lieu d'annuler la saisie attribution pratiquée le 13 juillet 2018, à la demande de l'Urssaf, sur ces rémunérations et d'en prononcer la mainlevée, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 3252-1 du code du travail, et par refus d'application l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution.
2) ALORS QU'en tout état de cause, la rémunération versée à un gérant majoritaire, associé unique, d'une société à responsabilité limitée ne peut constituer une rémunération au sens de l'article L. 3252-1 du code du travail et bénéficier de la protection prévue par le code du travail qu'autant que les sommes qui lui sont versées rémunèrent des fonctions techniques distinctes du mandat social ; qu'en ne caractérisant pas en quoi les sommes versées à M. [R] par la Sarl Courses Services et ayant fait l'objet de la saisie-attribution pratiquée par l'Urssaf auraient été la rémunération d'une activité au titre de fonctions techniques distinctes du mandat social de M. [R], gérant de cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3252-1 du code du travail et L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution. | Selon l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, à l'exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience.
Il en résulte que l'absence d'opposition des parties à la procédure sans audience doit être recueillie pour toutes les procédures, à l'exception de celles limitativement énumérées à cet article.
Encourt, dès lors, la cassation, l'arrêt qui n'a pas recueilli l'absence d'opposition des parties à la mise en oeuvre de la procédure sans audience dans une procédure à bref délai régie par l'article 905 du code de procédure civile, cette procédure n'entrant dans aucune des catégories de dérogations énumérées à l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020 |
7,647 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 mars 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 338 F-B
Pourvoi n° U 20-12.241
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 MARS 2022
La société Banque Delubac et Cie, société en commandite simple, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-12.241 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la Société générale industrielle commerciale, exerçant sous l'enseigne Clovis location, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Banque Delubac et Cie, de la SCP Gaschignard, avocat de la Société générale industrielle commerciale, exerçant sous l'enseigne Clovis location, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 décembre 2019), la Société générale industrielle commerciale (la société) a fait pratiquer une saisie-attribution des comptes bancaires ouverts au nom de la société Vicalex auprès de la société Banque Delubac et Cie (la banque) puis a assigné cette dernière, devant un juge de l'exécution, en paiement des causes de la saisie.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société la somme de 14 354 euros, alors « que le virement ordonné au débit du compte bancaire du débiteur saisi antérieurement à la saisie-attribution constitue une opération de débit susceptible d'affecter le solde du compte au préjudice du saisissant ; qu'en condamnant la Banque Delubac à verser à la société GIC la somme de 14.354 euros à titre de dommages et intérêts, motif pris que « les virements au débit ne sont pas prévus dans la liste de l'article L. 162-1 du Code des procédures civiles d'exécution et qu'ils ne peuvent affecter le solde du compte saisi », cependant que les quatre ordres de virement transmis par courriel du 29 janvier 2016, d'un montant total de 14.354 euros, au débit du compte de la société Avas Transport, débiteur saisi, avaient été validés par la Banque Delubac entre 11h21 et 11h31, antérieurement à la saisie-attribution régularisée à 15h48, et constituaient ainsi, au même titre que des retraits, une opération de débit ayant pu affecter le solde du compte bancaire du débiteur saisi, la cour d'appel a violé l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution ».
Réponse de la Cour
3. Aux termes de l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution, lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt, celui-ci est tenu de déclarer le solde du ou des comptes du débiteur au jour de la saisie. Dans le délai de quinze jours ouvrables qui suit la saisie et pendant lequel les sommes laissées au compte sont indisponibles, ce solde peut être affecté à l'avantage ou au préjudice du saisissant par les opérations suivantes dès lors qu'il est prouvé que leur date est antérieure à la saisie :
1° Au crédit : les remises faites antérieurement, en vue de leur encaissement, de chèques ou d'effets de commerce, non encore portées au compte ;
2° Au débit :
a) L'imputation des chèques remis à l'encaissement ou portés au crédit du compte antérieurement à la saisie et revenus impayés ;
b) Les retraits par billetterie effectués antérieurement à la saisie et les paiements par carte, dès lors que leurs bénéficiaires ont été effectivement crédités antérieurement à la saisie.
Par dérogation aux dispositions prévues au deuxième alinéa, les effets de commerce remis à l'escompte et non payés à leur présentation ou à leur échéance lorsqu'elle est postérieure à la saisie peuvent être contrepassés dans le délai d'un mois qui suit la saisie.
Le solde saisi attribué n'est diminué par ces éventuelles opérations de débit et de crédit que dans la mesure où leur résultat cumulé est négatif et supérieur aux sommes non frappées par la saisie au jour de leur règlement.
4. Il résulte de ces dispositions que les virements ordonnés par le débiteur titulaire du compte avant la saisie, qui ne sont pas au nombre des opérations limitativement énumérées à l'article L. 162-1, 2°, précité, ne peuvent affecter le solde saisi attribué au préjudice du saisissant.
5. Ayant, d'une part, relevé, par motifs propres et adoptés, que lors de la signification du procès-verbal de saisie-attribution, le 29 janvier 2016 à 15h48, la banque avait répondu sur-le-champ que le compte présentait un solde de 23 485,16 euros, que le 2 février 2016, la banque avait informé l'huissier de justice qu'à la suite de la comptabilisation d'opérations en cours de traitement au moment de la saisie, dont quatre virements ordonnés le jour même, entre 9h38 et 9h59, le solde du compte était désormais nul et, d'autre part, exactement retenu que les virements ne sont pas prévus dans la liste de l'article L. 162-1 précité et qu'ils ne peuvent, en conséquence, affecter le solde du compte saisi, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel en a déduit que la banque avait fait une déclaration inexacte en indiquant un solde de compte courant à zéro euro et l'a condamnée, après avoir retenu que la société était en droit de saisir les montants correspondant aux quatre virements, ce qui constituait son préjudice certain, à lui verser des dommages-intérêts à hauteur de cette somme.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque Delubac et Cie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque Delubac et Cie et la condamne à payer à la Société générale industrielle commerciale la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Banque Delubac et Cie
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la Banque Delubac à payer à la société GIC la somme de 14.354 euros ;
AUX MOTIFS QUE sur le fond, le jugement déféré, a considéré la communication de pièces justificatives, adressées le 27 avril 2016 par la scs banque Delubac & Cie à la sas société générale industrielle et commerciale relative à la saisie attribution du 29 janvier 2016, fautive mais sans démonstration de préjudice n'ouvrant droit à dommages et intérêts ; qu'il n'a pas fait droit à la demande de condamnation de la sas société générale industrielle et commerciale, cette dernière n'apportant aucun élément de nature à démontrer une fraude ou une négligence de l'agence bancaire ; que la sas société générale industrielle et commerciale objecte, au visa des articles L.211-2, R.211-5 et R.162-1 du code des procédures civiles d'exécution, que la scs banque Delubac & Cie aurait dû fournir le relevé de toutes les opérations du compte du tiers saisi au plus tard le 23 février 2016, que les opérations en cours peuvent faire l'objet d'une contre-passation étant limitativement énoncées par l'article L.161-2 et que ni le mandat cash ni les virements en font partie, que la construction grammaticale de l'article L.161-1 confère un caractère exhaustif à la liste des opérations en cours susceptibles d'affecter l'assiette de la saisie attribution, que les virements litigieux n'étaient ni débités du compte bancaire ni crédités au compte bancaire des bénéficiaires au moment de la saisie-attribution du 29 janvier 2016 à 15h48, que la ses banque Delubac & Cie aurait donc pu stopper les virements et a donc engagé sa responsabilité ; que la scs banque Delubac & Cie fait valoir, au visa des articles L.211-3, L.162-1, R.211-4 et 211-5 et R.162-1 du code des procédures civiles d'exécution, qu'il lui est seulement reproché un manquement à l'obligation de fournir des pièces justificatives ce qui est sanctionné par des dommages et intérêts, qu'elle a rempli ses obligations et n'a commis aucune faute entraînant un préjudice pour l'appelante, que les opérations au débit ordonnées et régularisées l'ont été antérieurement à la saisie, que le mandat cash constitue un retrait en espèce effectué dans une agence de la poste extérieure à la banque et est donc assimilé à un retrait en billetterie, que les virements en cours modifient l'assiette d'une saisie attribution, que l'article L.162-1 du code des procédures civiles d'exécution n'est pas limitatif, que l'article L.133-8 du code monétaire et financier dispose que l'irrévocabilité de l'ordre est fixée au jour de la réception de l'ordre par le banquier du donneur d'ordre ; que conformément à l'article L.211-3 du code des procédures civiles d'exécution, le tiers saisi est tenu de déclarer aux créanciers l'ensemble de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et ce, sur le champ, selon les termes de l'article R.211-4 du même code qui vise la communication des pièces justificatives ; que selon l'article R.211-5 du code des procédures civiles d'exécution, le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur ; qu'il peut être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligences fautives ou de déclaration inexacte ou mensongère ; que néanmoins des dispositions particulières s'appliquent, selon l'article L.162-1 du code de procédure civile, à l'établissement habilité à tenir des comptes de dépôt qui est tenu de déclarer le solde des comptes saisis et, durant le délai des 15 jours suivants, ce solde peut être affecté par les dépôts ou émission de chèques, retraits ou paiement par carte dès lors qu'il est établi que ces opérations sont antérieures à la saisie ; que selon les dispositions de l'article R.162-1 du même code les opérations précitées doivent être transmises à l'huissier sous huitaine ; qu'il est constant que si le tiers saisi se trouve dans la situation de ne fournir aucun renseignement sans motif légitime, la sanction de la condamnation aux causes de la saisie est automatique, il est constant que le seul manquement à l'obligation de fournir les pièces justificatives ne peut donner lieu qu'au paiement de dommages et intérêts ; qu'en l'espèce, lors de la signification du PV de saisie attribution le 29 janvier 2016 à 15h48, la scs banque Delubac & Cie a répondu sur-le-champ qu'un solde de 23 485,16 euros était sur le compte de la snc Vicalex ; que le 2 février 2016 la scs banque Delubac & Cie a informé l'huissier que, suite à la comptabilisation d'opérations en cours de traitement au moment de la saisie, le solde du compte était désormais nul ; que ce n'est que le 27 avril 2016, que la scs banque Delubac & Cie a transmis à l'huissier les opérations antérieurement reçues avec les pièces justificatives faisant ainsi état d'un mandat cash et de quatre virements ; que dès lors, la scs banque Delubac & Cie a répondu sur-le-champ puis a rapidement informé la sas société générale industrielle et commerciale de comptabilisation d'opérations affectant le solde bloqué à l'actif de la saisie s'avérant nul ; qu'ainsi la sanction automatique de l'alinéa un de l'article R.211-5 du code des procédures civiles d'exécution ne peut recevoir application ; que néanmoins le détail des opérations ayant affecté le compte et les pièces justificatives n'ont pas été transmis dans les délais légaux ; qu'aussi, une condamnation à des dommages et intérêts peut être envisagée à la condition de la démonstration d'un préjudice subi par la sas société générale industrielle et commerciale ; que l'article L.162-1 du code des procédures civiles d'exécution précise quelles sont les opérations pratiquées antérieurement à la saisie qui peuvent affecter le solde du compte saisi et notamment au débit de comptes de dépôt : - l'imputation des chèques remis à l'encaissement ou portés au crédit du compte antérieurement à la saisie et revenus impayés, - les retraits par billetterie effectuée antérieurement à la saisie et les paiements par carte, dès lors que leurs bénéficiaires ont été effectivement crédités antérieurement à la saisie ; - les effets de commerce ; que sur le mandat cash, la demande de mandat cash urgent a été reçue le 29 janvier à 8h32 par mail et le mandat récupéré dans un guichet à [Localité 2] le 29 janvier à 12h11 ; que le mandat cash est assimilé à un retrait en billetterie susceptible d'affecter l'assiette de la saisie et le retrait a été effectué avant la saisie intervenue le même jour à 15h48 ; que dès lors cette opération a incontestablement affecté le solde du compte saisi pour 9132 € ; que sur les virements, ils ne sont pas prévus dans la liste de l'article L.162-1 du code des procédures civiles d'exécution, aussi ils ne peuvent affecter le solde du compte saisi ; que dès lors les sommes restent saisissables par le créancier et la scs banque Delubac & Cie a donc fait une déclaration inexacte en indiquant un solde de compte courant à 0 euro ; que la sas société générale industrielle et commerciale était par conséquent en droit de saisir les montants correspondant aux quatre virements ce qui constitue son préjudice certain ; que la scs banque Delubac & Cie sera condamnée à verser des dommages et intérêts à la sas société générale industrielle et commerciale à hauteur de cette somme soit 14354 euros ;
ALORS QUE le virement ordonné au débit du compte bancaire du débiteur saisi antérieurement à la saisie-attribution constitue une opération de débit susceptible d'affecter le solde du compte au préjudice du saisissant ; qu'en condamnant la Banque Delubac à verser à la société GIC la somme de 14.354 euros à titre de dommages et intérêts, motif pris que « les virements au débit ne sont pas prévus dans la liste de l'article L. 162-1 du Code des procédures civiles d'exécution et qu'ils ne peuvent affecter le solde du compte saisi » (p.6§4), cependant que les quatre ordres de virement transmis par courriel du 29 janvier 2016, d'un montant total de 14.354 euros, au débit du compte de la société Avas Transport, débiteur saisi, avaient été validés par la Banque Delubac entre 11h21 et 11h31, antérieurement à la saisie-attribution régularisée à 15h48, et constituaient ainsi, au même titre que des retraits, une opération de débit ayant pu affecter le solde du compte bancaire du débiteur saisi, la cour d'appel a violé l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution. | Il résulte des dispositions de l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution que les virements ordonnés par le débiteur titulaire du compte, avant la saisie, qui ne sont pas au nombre des opérations limitativement énumérées au 2° de cet article, ne peuvent affecter le solde saisi attribué au préjudice du saisissant |
7,648 | N° H 22-80.019 FS-B
N° 00469
SL2
22 MARS 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 MARS 2022
M. [E] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 13 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroquerie et blanchiment, en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [E] [H], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Dary, conseiller rapporteur, MM. Bonnal, Maziau, Mme Labrousse, M. Seys, Mme Thomas, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Croizier, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 12 octobre 2021, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs d'escroquerie, recel d'escroquerie et blanchiment d'escroquerie, en bande organisée.
3. Le 22 novembre 2021, plusieurs personnes ont été interpellées dont M. [E] [H] qui, le 25 novembre suivant, a été mis en examen des chefs d'escroquerie et blanchiment, en bande organisée, et placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention dont il a relevé appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire du 25 novembre 2021, alors :
« 1°/ que le juge d'instruction ne peut saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire qu'après avoir recueilli les réquisitions écrites et motivées du ministère public ; qu'ayant constaté, en l'espèce, que de telles réquisitions n'avaient pas été recueillies par le magistrat instructeur avant qu'il ne prenne la décision de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins du placement en détention de M. [H], la chambre de l'instruction, en refusant néanmoins d'annuler l'ordonnance de placement prise par un juge des libertés et de la détention irrégulièrement saisi et donc incompétent pour en décider, au motif inopérant que cette absence de réquisitions écrites n'aurait causé aucun grief, a méconnu les articles 32, 82, 137-1, 145 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que le juge des libertés et de la détention est saisi par ordonnance motivée du juge d'instruction qui doit lui transmettre le dossier de la procédure accompagné des réquisitions écrites et motivées du procureur de la République ; que l'absence de ces réquisitions écrites et motivées empêche le mis en examen de préparer utilement sa défense préalablement au débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, et lui cause nécessairement grief ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a retenu qu'il était « constant que M. [H] a été placé en détention provisoire le 25 novembre 2021 sans que le procureur de la République de Paris ait pris de réquisitions écrites et alors que le juge d'instruction était tenu de saisir le juge des libertés et de la détention en lui transmettant le dossier de la procédure accompagné des réquisitions du procureur de la République » mais que la violation de ces formalités substantielles prescrites par la loi n'avait pas fait grief à M. [H] ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 82, 137-1, 145, 802 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en tout état de cause, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision, l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivalant à leur absence ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a retenu que l'absence des réquisitions écrites et motivées du procureur de la République au dossier transmis à la défense préalablement à la tenue du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention n'avait pas fait grief à M. [H] aux motifs que « d'une part [
] le défaut de réquisitions du procureur de la République n'a pas eu pour effet de raccourcir le délai de présentation de M. [H] au juge des libertés et de la détention et d'autre part [
] ce dernier n'a pas entendu user de sa faculté de demander un délai pour préparer sa défense et reporter le débat contradictoire, comme la loi l'y autorisait » ; qu'en statuant ainsi, lorsque, d'une part, M. [H] a été présenté au juge des libertés et de la détention le jour même de sa saisine, laquelle aurait dû être postérieure à la prise des réquisitions du procureur de la République, intervenue le lendemain, et lorsque, d'autre part, en l'absence des réquisitions du procureur de la République au dossier, la défense n'a pu apprécier l'opportunité de demander un délai au regard d'un dossier complet, la chambre de l'instruction a statué par des motifs impropres à écarter l'existence d'un grief, et a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 82, 137-1, 145, 802 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que la chambre de l'instruction a encore retenu que l'absence des réquisitions écrites et motivées du procureur de la République au dossier transmis à la défense préalablement à la tenue du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention n'avait pas fait grief à M. [H] aux motifs que « par ailleurs, le juge des libertés et de la détention de Paris a été saisi par une ordonnance motivée et circonstanciée du juge d'instruction qui sollicitait le placement en détention provisoire de M. [H]. Le débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention a eu lieu et les réquisitions du ministère public ont été entendues à cette occasion de sorte que le mis en examen a été informé des motifs justifiant la demande de placement en détention provisoire et a pu, assisté de son avocat, les débattre contradictoirement » ; qu'en statuant ainsi, lorsque, d'une part, des réquisitions orales faites au cours du débat contradictoire ne sauraient pallier l'absence de réquisitions écrites et motivées au dossier dont l'examen doit permettre d'apprécier l'opportunité de solliciter un délai pour préparer sa défense antérieurement à la tenue du débat contradictoire, et lorsque, d'autre part, l'ordonnance motivée du juge d'instruction ne saurait valablement remplacer les réquisitions du procureur de la République au regard des droits de la défense en l'absence de toute garantie d'identité entre elles et de toute précision quant à la teneur des réquisitions orales prises lors du débat contradictoire, la chambre de l'instruction a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale, en violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 82, 137-1, 145, 802 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 82, alinéa 3, du code de procédure pénale, le procureur de la République, qui requiert le placement en détention, est tenu de prendre des réquisitions écrites et motivées par référence aux seules dispositions de l'article 144 du même code.
6. Cette formalité n'est pas prévue à peine de nullité, de sorte que sa méconnaissance ne saurait avoir d'incidence sur la régularité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.
7. En effet, d'une part, ce juge est saisi par une ordonnance motivée du magistrat instructeur tendant au placement en détention provisoire de la personne mise en examen, d'autre part, il statue à l'issue d'un débat contradictoire au cours duquel le procureur de la République est entendu en ses réquisitions orales auxquelles font suite les observations de la personne mise en examen et, le cas échéant, celles de son avocat.
8. Ainsi, le moyen doit être écarté.
9. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux mars deux mille vingt-deux.
Le Rapporteur Le Président
Le Greffier de chambre | Si, aux termes de l'article 82, alinéa 3, du code de procédure pénale, le procureur de la République qui requiert un placement en détention provisoire est tenu de prendre des réquisitions écrites et motivées par référence aux seules dispositions de l'article 144 du même code, cette formalité n'est pas prévue à peine de nullité, de sorte que sa méconnaissance ne saurait avoir d'incidence sur la régularité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention |
7,649 | COUR DE CASSATION LG
CHAMBRE MIXTE
Audience publique du 25 mars 2022
Mme ARENS, première présidente Rejet
Arrêt n° 288 B+R
Pourvoi n° V 20-17.072
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, DU 25 mars 2022
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° V 20-17.072 contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 4), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [O] [R], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure, [T] [N],
2°/ à Mme [Y] [N],
3°/ à [T] [N],
domiciliées toutes trois [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
L'affaire, initialement orientée à la deuxième chambre civile, a été renvoyée, par une ordonnance du 27 septembre 2021 de la première présidente, devant une chambre mixte composée de la première chambre civile, de la deuxième chambre civile et de la chambre criminelle.
Le demandeur au pourvoi invoque, devant la chambre mixte, le moyen de cassation annexé au présent arrêt.
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du FGTI.
Aucun mémoire en défense n'a été déposé.
Le rapport de MM. Besson et Samuel, conseillers rapporteurs, désignés conformément à l'article R. 431-[Date décès 1] du code de l'organisation judiciaire, et l'avis écrit de M. Gaillardot, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties.
Un avis 1015 du code de procédure civile a été mis à disposition des parties et des observations ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret.
Sur le rapport de MM. Besson et Samuel, assistés de MM. Allain et Dureux, auditeurs au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 11 mars 2022 où étaient présents Mme Arens, première présidente, MM. Chauvin, Pireyre, Soulard, présidents, MM. Besson et Samuel, conseillers rapporteurs, Mmes de la Lance, Duval-Arnould, Martinel, doyens de chambre, Mme Durin-Karsenty, M. Mornet, Mmes Labrousse, Kerner-Menay, conseillers, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,
la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, composée de la première présidente, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 janvier 2020), à la suite du décès de [B] [V], tuée lors de l'attentat perpétré le [Date décès 1] 2016 à [Localité 7], le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) a adressé à Mme [R], fille de la victime, en réparation de son préjudice et de celui de ses deux filles mineures, [Y] et [T] [N], une offre d'indemnisation au titre, notamment, de leur préjudice d'affection et du « préjudice exceptionnel spécifique des victimes d'actes de terrorisme ».
2. Estimant cette offre insuffisante, Mme [R], agissant tant en qualité d'héritière de [B] [V] qu'à titre personnel et en tant que représentante légale de [Y] [N], aujourd'hui majeure, et d'[T] [N], a assigné le FGTI en indemnisation de leurs préjudices.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le FGTI fait grief à l'arrêt de fixer à la somme de 20 000 euros le préjudice d'attente et d'inquiétude subi par Mme [R], et à celle de 5 000 euros chacune celui subi par chacune de ses filles, ainsi que de le condamner à verser l'ensemble de ces sommes à Mme [R], tant à titre personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineures, alors « que le préjudice d'affection indemnise l'ensemble des souffrances morales éprouvées par les proches à raison du fait dommageable subi par la victime directe, à l'origine de son décès ; qu'en allouant à Mme [R], à titre personnel et en qualité de représentante légale de ses deux filles, diverses sommes au titre d'un « préjudice d'attente et d'inquiétude », cependant qu'elle avait également réparé leur préjudice d'affection, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice, violant le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit. »
Réponse de la Cour
4. Les proches d'une personne, qui apprennent que celle-ci se trouve ou s'est trouvée exposée, à l'occasion d'un événement, individuel ou collectif, à un péril de nature à porter atteinte à son intégrité corporelle, éprouvent une inquiétude liée à la découverte soudaine de ce danger et à l'incertitude pesant sur son sort.
5. La souffrance, qui survient antérieurement à la connaissance de la situation réelle de la personne exposée au péril et qui naît de l'attente et de l'incertitude, est en soi constitutive d'un préjudice directement lié aux circonstances contemporaines de l'événement.
6. Ce préjudice, qui se réalise ainsi entre la découverte de l'événement par les proches et leur connaissance de son issue pour la personne exposée au péril, est, par sa nature et son intensité, un préjudice spécifique qui ouvre droit à indemnisation lorsque la victime directe a subi une atteinte grave ou est décédée des suites de cet événement.
7. Il résulte de ce qui précède que le préjudice d'attente et d'inquiétude que subissent les victimes par ricochet ne se confond pas, ainsi que le retient exactement la cour d'appel, avec le préjudice d'affection, et ne se rattache à aucun autre poste de préjudice indemnisant ces victimes, mais constitue un préjudice spécifique qui est réparé de façon autonome.
8. Il s'ensuit que c'est sans indemniser deux fois le même préjudice que la cour d'appel a accueilli les demandes présentées au titre de ce préjudice spécifique d'attente et d'inquiétude.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé le vingt-cinq mars deux mille vingt-deux par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR liquidé à la somme de 20 000 euros le préjudice d'attente et d'inquiétude subi par Mme [R], d'AVOIR liquidé à la somme de 5 000 euros le préjudice d'attente et d'inquiétude subi par Mlle [T] [N] et Mme [Y] [N], et d'AVOIR condamné le FGTI à verser l'ensemble de ces sommes à Mme [R], tant à titre personnel qu'ès qualités ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le FGTI fait valoir que ce poste de préjudice n'est pas un préjudice autonome et que son indemnisation s'appréhende dans le cadre d'une majoration du préjudice d'affection ; qu'en l'occurrence, Mme [B] [V] qui était âgée de 64 ans et qui demeurait à [Localité 6], est venue à [Localité 7] le jeudi [Date décès 1] 2016 afin de rendre visite à une de ses amies, Mme [E] [P] ; que le matin du [Date décès 2], sa fille, Mme [O] [R], qui demeure à [Localité 9], et qui ne s'était pas immédiatement inquiétée compte tenu des habitudes de vie de sa mère qui rendaient peu vraisemblable sa présence sur [Adresse 5], a voulu prendre de ses nouvelles d'abord par un message envoyé sur son téléphone puis en lui téléphonant ; que n'ayant obtenu de réponse ni de sa part ni de la part de Mme [P], elle est arrivée à [Localité 7] le jour-même, et l'a cherchée en vain dans les hôpitaux ; que le samedi 16 juillet, elle a pris contact avec la cellule de crise où son ADN a été recueilli ; que le dimanche 17 juillet, un appel téléphonique l'ayant informée que sa mère n'était pas sur la liste des victimes, elle est rentrée chez elle ; que le lundi 18 juillet, la cellule de crise a pris contact avec elle afin qu'elle revienne immédiatement à [Localité 7] où elle a appris, vers 21 heures, le décès, dans la nuit du [Date décès 1] au [Date décès 2], de Mme [B] [V] ; que Mme [O] [R] a ainsi vécu pendant 4 jours dans l'angoisse, ignorant si sa mère était toujours vivante, craignant qu'elle ne soit blessée ou morte ; que ce préjudice ne se confond pas avec le préjudice d'affection lequel indemnise le préjudice moral subi par les proches à la suite du décès de la victime ; qu'il ne se confond pas davantage avec le préjudice exceptionnel spécifique des victimes de terrorisme ; que ce préjudice a été exactement indemnisé par le premier juge par la somme de 20 000 euros à Mme [O] [R] et celle de 5 000 euros à chacune de ses filles qui avaient 13 et 7 ans à la mort de leur grand-mère et étaient en âge de s'inquiéter de sa disparition ; que le jugement est confirmé de ces chefs ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE le préjudice spécifique temporaire d'attente et d'inquiétude peut être défini comme le préjudice autonome exceptionnel, directement lié aux circonstances contemporaines et immédiatement postérieures aux attentats terroristes euxmêmes vécues par les victimes par ricochet, et qui tiennent compte notamment de l'attente de l'arrivée et du déploiement des secours, des conditions dans lesquelles les familles ont été averties ou ont appris la nouvelle de l'accident, de l'incertitude du bilan ou d'une orientation hospitalière et de la diffusion de l'information donnée au fur et à mesure sur le sort des proches ; que ce préjudice situationnel d'angoisse autonome peut être vécu par une victime par ricochet, qu'il y ait ou non communauté de vie avec la victime directe de l'acte de terrorisme ; qu'il apparaît en l'espèce que Madame [O] [R] a tenté à plusieurs reprises, en vain, de joindre sa mère puis l'amie de celle-ci après l'annonce de l'attentat ; qu'elle se rendait le jour même à [Localité 7] où elle était reçue par la cellule d'urgence médico-psychologique, faisait prélever un échantillon de son ADN, et cherchait sa mère dans divers établissements hospitaliers ; que le dimanche 17 juillet 2016, elle recevait un appel en provenance de [Localité 8] l'informant que sa mère ne faisait pas partie de la liste des victimes de l'attentat ; que le lendemain lundi 18 juillet 2016, la cellule d'urgence la contactait et lui demandait de revenir en urgence à [Localité 7] où elle apprenait le décès de sa mère ; que le préjudice d'attente et d'inquiétude subi par Madame [O] [R] est ainsi suffisamment établi et sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 20 000 euros ; que, s'agissant de Mme [T] [N] et de Mme [Y] [N], les circonstances de la découverte du décès de Madame [B] [V] ont été ci-dessus décrites et n'ont pas épargné les mineures qui ont subi de ce chef un préjudice important indemnisable par l'octroi d'une somme de 5 000 euros chacune ;
ALORS QUE le préjudice d'affection indemnise l'ensemble des souffrances morales éprouvées par les proches à raison du fait dommageable subi par la victime directe, à l'origine de son décès ; qu'en allouant à Mme [R], à titre personnel et en qualité de représentante légale de ses deux filles, diverses sommes au titre d'un « préjudice d'attente et d'inquiétude », cependant qu'elle avait également réparé leur préjudice d'affection, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice, violant le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit. | Les proches d'une personne, qui apprennent que celle-ci se trouve ou s'est trouvée exposée, à l'occasion d'un événement, individuel ou collectif, à un péril de nature à porter atteinte à son intégrité corporelle, éprouvent une inquiétude liée à la découverte soudaine de ce danger et à l'incertitude pesant sur son sort.
Le préjudice qui naît de cette attente et de cette inquiétude, qui se réalise ainsi entre la découverte de l'événement par les proches et leur connaissance de son issue pour la personne exposée au péril, est un préjudice spécifique qui ne se confond pas avec le préjudice d'affection et ne se rattache à aucun autre poste de préjudice indemnisant les victimes indirectes. Il ouvre droit, de façon autonome, à indemnisation lorsque la victime directe a subi une atteinte grave ou est décédée des suites de cet événement |
7,650 | N° W 21-83.064 F-B
N° 00352
SL2
23 MARS 2022
CASSATION
M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 MARS 2022
M. [C] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Rennes, en date du 6 avril 2021, qui a déclaré irrecevable son appel contre le jugement du juge de l'application des peines ayant ordonné la révocation d'un sursis probatoire.
Un mémoire ampliatif et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [C] [S], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Mallard, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [C] [S] a été condamné, par jugement du 7 juin 2019, à la peine de huit mois d'emprisonnement assorti d'un sursis probatoire pendant deux ans.
3. Par jugement du 30 octobre 2020, le juge de l'application des peines a ordonné la révocation totale du sursis probatoire.
4. Ce jugement a été notifié à M. [S] par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 octobre 2020, signé le 31 octobre 2020.
5. Le 18 novembre 2020, M. [S] a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable comme tardif l'appel du jugement de révocation totale d'une mesure de sursis avec mise à l'épreuve en date du 30 octobre 2020, notifié par lettre recommandée avec accusé de réception le même jour, interjetée par M. [S] le 18 novembre 2020, alors :
« 1°/ que le délai d'appel d'une décision qui est de dix jours en la matière est prorogé, dès lors qu'il est établi que la personne concernée a été empêchée d'exercer ce droit par une circonstance indépendante de sa volonté, un cas de force majeure ou un obstacle invincible ; qu'en considérant que tel n'était pas le cas en l'espèce sans rechercher si M. [S], qui ne comprend pas le français, a pu avoir connaissance du contenu de la notification qui lui a été faite et si cette notification comportait en chiffres et en lettres l'indication du délai d'appel, afin d'attirer son attention sur ce point, ce qui était de nature à constituer pour lui un obstacle invincible, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des dispositions des articles 712-1, 712-6, 712-8, 712-11 et suivants du code de procédure pénale ;
2°/ que le droit à un interprète au sens des articles 6, § 3, e, de la Convention européenne des droits de l'homme, 803-5 du code de procédure pénale et préliminaire audit code doit s'étendre à la traduction de tous les actes de la procédure et à toutes les démarches nécessaires à la défense d'un prévenu ou d'un accusé pour assurer le respect des droits de tout justiciable ne comprenant pas le français ; qu'ainsi, l'article 803-5 du code de procédure pénale susvisé prévoit-il que lorsque la personne intéressée ne comprend pas le français, il peut être effectué une traduction orale des pièces essentielles qui doivent lui être remises ou notifiées ; que cette formalité est en effet essentielle pour assurer la garantie effective des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, le respect des droits de la défense, de l'égalité de tous devant la loi et l'accès concret au juge ; qu'à défaut d'accomplir les diligences nécessaires dans la langue comprise par M. [S] qui avait toujours été assisté d'un interprète auparavant, et qui l'était devant la cour d'appel, pour lui notifier la décision rendue à son encontre et lui signifier le délai de recours contre cette décision, l'intéressé s'est trouvé dans l'impossibilité matérielle absolue de comprendre le sens de la notification qui lui a été faite et d'interjeter appel dans le délai de dix jours de cette notification, ce qui constitue pour lui un obstacle invincible et indépendant de sa volonté ; qu'en considérant que M. [S] n'a justifié d'aucun obstacle et ne démontre pas que son défaut de lecture de la langue française ne lui a pas permis de se conformer au délai légal d'appel, sans rechercher si cet étranger a été informé dans une langue qu'il comprend du délai d'appel, circonstance qui est en elle-même de nature à constituer un obstacle invincible indépendant de la volonté du prévenu, la cour d'appel n'a pu justifier légalement sa décision au regard des textes et principes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles préliminaire, 712-6, 712-11 et 742 du code de procédure pénale :
7. Selon le premier de ces textes, la personne poursuivie a le droit d'obtenir la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès qui doivent, à ce titre, lui être remises ou notifiées en application du présent code.
8. Il résulte des autres articles susvisés que le jugement par lequel le juge de l'application des peines révoque un sursis probatoire doit être notifié et est susceptible d'appel.
9. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. [S], la chambre de l'application des peines relève qu'il disposait, pour exercer son recours, d'un délai de dix jours à compter de la notification du 31 octobre 2020, de sorte que la déclaration du 18 novembre 2020 est tardive, et que son recours est irrecevable.
10. Les juges ajoutent que M. [S] ne démontre pas que son défaut de lecture de la langue française ne lui ait pas permis de se conformer au délai légal de l'appel, dans la mesure où il a été en capacité de faire appel plus tard de la décision, et où il savait qu'il était suivi par le juge de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation, à la convocation duquel il avait su se rendre le 10 octobre 2019.
11. Ils en concluent que, faute, pour lui, de rapporter la preuve de l'existence d'un obstacle invincible assimilable à la force majeure, l'ayant placé dans l'impossibilité absolue de se conformer au délai, l'appel formé par M. [S] doit être déclaré irrecevable.
12. En prononçant ainsi, alors que le jugement, qui devait être notifié au demandeur en application d'une disposition du code de procédure pénale, devait donc être traduit, tout comme sa notification, laquelle, informant l'intéressé des modalités d'exercice d'une voie de recours, était une pièce essentielle à l'exercice de sa défense et à la garantie d'un procès équitable, et que ce défaut de traduction n'avait pas fait courir le délai d'appel, la chambre de l'application des peines a méconnu les textes susvisés.
13. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
14. Par l'effet de la cassation de l'arrêt ayant déclaré irrecevable l'appel de M. [S], la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Rennes se trouve saisie de l'appel formé le 18 novembre 2020 par M. [S].
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Rennes, en date du 6 avril 2021 ;
DIT que la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Rennes se trouve saisie de l'appel formé le 18 novembre 2020 par M. [S] contre le jugement du juge de l'application des peines de Nantes du 30 octobre 2020 ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois mars deux mille vingt-deux. | Le jugement par lequel le juge de l'application des peines révoque un sursis probatoire, ainsi que sa notification, qui informe des modalités d'exercice d'une voie de recours, constituent des pièces essentielles à l'exercice de la défense et à la garantie d'un procès équitable au sens de l'article préliminaire du code pénal, et doivent à ce titre être traduites lorsque l'intéressé ne comprend pas la langue française.
Est ainsi recevable un appel formé au-delà du délai légal, dès lors que l'appelant ne comprend pas la langue française, et que le défaut de traduction du jugement révoquant le sursis probatoire dont il avait fait l'objet, et de sa notification, n'avait pas fait courir ce délai |
7,651 | CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 338 FS-P+B
Pourvoi n° W 17-17.981
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2022
M. [B] [K], domicilié [Adresse 3] (Lettonie), a formé le pourvoi n° W 17-17.981 contre l'arrêt rendu le 21 février 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant à la République du Kirghizistan, dont le siège est [Adresse 1]), agissant poursuites et diligences par le Center of Court Representation, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [K], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la République du Kirghizistan, et l'avis de M. Poirret, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Avel, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2017), en 2007, à la suite d'un appel d'offres, M. [K], citoyen letton, a acquis la banque kirghize Insan Bank, devenue Manas Bank. A la suite du changement de régime en République du Kirghizistan en avril 2010, Manas Bank a été placée sous administration provisoire, puis sous séquestre, jusqu'au prononcé de son insolvabilité en juillet 2015.
2. M. [K] a alors engagé à [Localité 2] une procédure d'arbitrage ad hoc sur le fondement de l'Accord pour la promotion et la protection des investissements entre la République de Lettonie et celle du Kirghizistan (TBI) et du Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit du commerce international (CNUDCI).
3. La République du Kirghizistan a formé un recours en annulation contre la sentence arbitrale du 24 octobre 2014, qui l'a condamnée à verser la somme de 15 020 000 dollars à M. [K] et a ordonné à celui-ci de lui transférer sa participation dans les actions de Manas Bank.
4. A la suite de l'arrêt qui a annulé la sentence et rejeté sa demande de dommages-intérêts, M. [K] a formé un pourvoi, qui a été radié en application de l'article 1009-1 du code de procédure civile par ordonnance du 12 juillet 2018 et a été réinscrit au rôle par ordonnance du 21 janvier 2021.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [K] fait grief à l'arrêt d'annuler la sentence, alors :
« 1°/ que le juge de l'annulation est juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français et non juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que le juge doit "rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, tel que défini par les stipulations de la convention de Mérida", que cette recherche "n'est pas limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par ceux-ci", que les relations entre M. [K] et M. [X] [U], le fils du président de la République, "peuvent être qualifiées d'inappropriées dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux", que "l'appel d'offres s'est déroulé dans des conditions irrégulières", que "la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la régularité de ses contrôles sur la banque sujette à caution", que "Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment", que "le volume et la structure des transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2017, apparaissent sans rapport avec l'état de l'économie kirghize ; un succès aussi foudroyant, dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes" et qu'"il résulte de ce qui précède des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank était reprise par M. [K] afin de bénéficier dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie" de sorte que "la reconnaissance ou l'exécution de la sentence entreprise, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, viole de manière manifeste, effective et concrète l'ordre public international", la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté que le tribunal arbitral avait écarté l'allégation de blanchiment sur laquelle reposait "toute entière" la défense de la République du Kirghizstan faute d'élément probant, a ainsi procédé à une nouvelle instruction au fond de l'affaire, en violation de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;
2°/ que le juge de l'annulation est juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français et non juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en déduisant l'existence d'indices "graves, précis et concordants de ce que Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer, dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment", pour décider que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence "aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses", de procès-verbaux d'audition de témoins devant le tribunal arbitral et de rapports d'expertise soumis aux arbitres, la cour d'appel, qui a ainsi procédé à une nouvelle instruction au fond de l'affaire et a révisé la sentence, a violé l'article 1520.5° du code de procédure civile ;
3°/ que s'agissant de la violation de l'ordre public international, seule la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est examinée par le juge de l'annulation au regard de la compatibilité de sa solution avec cet ordre public ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que la valeur de Manas Bank, telle que déterminée par le tribunal arbitral pour fixer le montant de l'indemnisation accordée à M. [K], découlait d'opérations de blanchiment auxquelles celui-ci aurait participé, directement ou indirectement, à défaut de quoi la reconnaissance ou l'exécution de la sentence n'a pas pour effet de le faire bénéficier du produit d'activités de blanchiment, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article 1520, 5°, du code de procédure civile que le juge de l'annulation doit rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est compatible avec l'ordre public international.
7. La cour d'appel a énoncé que la prohibition du blanchiment est au nombre des principes dont l'ordre juridique français ne saurait souffrir la violation, même dans un contexte international, et relève de l'ordre public international, la lutte contre le blanchiment d'argent provenant d'activités délictueuses faisant l'objet d'un consensus international exprimé notamment dans la Convention des Nations Unies contre la corruption conclue à Mérida le 9 décembre 2003.
8. Elle a rappelé qu'il lui appartenait, non pas de vérifier si les décisions de placement sous administration provisoire puis sous séquestre de Manas Bank avaient été ou non prises légalement au regard du droit kirghize ou si les agissements de la République du Kirghizistan constituaient des violations de l'obligation de traitement juste et équitable prévue par le TBI, mais de rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence était de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, telles que définies par la convention de Mérida.
9. Elle a retenu à bon droit qu'une telle recherche, menée pour la défense de l'ordre public international, n'était ni limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par eux, son seul office à cet égard consistant à s'assurer que la production des éléments de preuve devant elle respectait le principe de la contradiction et celui d'égalité des armes.
10. Ayant analysé successivement les relations ayant existé entre M. [K] et le président de la République du Kirghizistan en place de 2005 à 2010, les conditions d'acquisition de Manas Bank et les contrôles opérés sur la banque, les relations de Manas Bank avec la Baltic International Bank dont le capital était détenu par M. [K], ainsi que le volume et la structure des opérations réalisées par Manas Bank, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à une nouvelle instruction ou à une révision au fond de la sentence, mais a porté une appréciation différente sur les faits au regard de la seule compatibilité de la reconnaissance ou de l'exécution de la sentence avec l'ordre public international, a estimé souverainement qu'il en résultait des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank avait été reprise par M. [K] afin de développer, dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie.
11. Sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, elle en a exactement déduit que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, violait de manière caractérisée l'ordre public international, de sorte qu'il y avait lieu d'en prononcer l'annulation.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
13. M. [K] fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir relevé, d'une part, que selon l'article 23 (1) de la convention de Mérida, le blanchiment s'entend, « des faits suivants lorsqu'ils sont commis intentionnellement : la conversion ou (le) transfert de biens dont celui qui s'y livre sait qu'ils sont le produit du crime, dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens ou d'aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l'infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ; la dissimulation ou (le) déguisement de la nature véritable, de l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l'auteur sait qu'ils sont le produit du crime; (...) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont le produit du crime; la participation à l'une des infractions établies conformément au présent article ou à toute association, entente, tentative ou complicité par fourniture d'une assistance, d'une aide ou de conseils en vue de sa commission », d'autre part, qu'il entre dans sa mission de "rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, telles que définies par les stipulations précitées de la convention de Mérida" et, enfin, qu'il existe "des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie", pour en déduire que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé que M. [K] a commis intentionnellement l'un des faits de blanchiment visés par la convention de Mérida du 9 décembre 2003, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;
2°/ qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris de relations inappropriées entre M. [K] et M. [X], les prestations et moyens fournis par Manas Bank au second s'analysant comme des abus de biens sociaux, de ce que l'appel d'offres pour l'acquisition d'Insan Bank s'est déroulé dans des conditions irrégulières, de ce que la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la réalité de ses contrôles sur la banque sujette à caution, de ce que "Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, des activités d'une banque Lettone peu soucieuse des règles de vigilances anti-blanchiment" et de ce que "le volume et la structure" des "transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2007 apparaissaient sans rapport avec l'Etat de économie kirghize" et "qu'un succès aussi foudroyant dans un temps aussi bref dans un pays aussi pauvre n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes", soit de constatations insusceptibles d'établir que M. [K] aurait participé intentionnellement à des faits de blanchiment tels que visés par la convention de Mérida, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;
3°/ que le juge qui décide de relever d'office un moyen est tenu de respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que "les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux", sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en se bornant à affirmer que les relations entre M. [K] et M. [X] peuvent être qualifiées d'inappropriées "dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux", sans préciser au regard de quelle règle de droit elle se prononçait, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
5°/ que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer, en considération des relations étroites entre la Baltic International Bank et la Manas Bank et de l'amende imposée par le Conseil de la commission des marchés financiers de capitaux de Lettonie à la Baltic International Bank et à sa présidente, pour "violation répétée des dispositions de la loi sur la prévention du blanchiment des produits d'activités criminelles", qu' "il apparaît, par conséquent, que Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer, en considération du volume des transactions effectuées par Manas Bank en deux ans et demi, "qu'un succès aussi foudroyant dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
14. C'est sans méconnaître le principe de la contradiction et sans statuer par voie de simples affirmations que la cour d'appel a jugé que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, violait de manière caractérisée l'ordre public international, de sorte qu'il y avait lieu d'en prononcer l'annulation en application de l'article 1520, 5°, du code de procédure civile.
15. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [K] et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à la République du Khighizistan ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. [K]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence rendue à Paris entre les parties le 24 octobre 2014 ;
AUX MOTIFS QU'à la suite d'un appel d'offres lancé à l'été 2007, M. [B] [K], ressortissant letton, propriétaire de la banque lettonne Baltic International Bank, a fait l'acquisition de la totalité du capital d'une banque kirghize en faillite, Insan Bank, qu'il a rebaptisée Manas Bank ; que le 6 avril 2010, le président [F] [M] [X], réélu en juillet 2009 au terme d'opérations caractérisées par le bourrage généralisé des urnes, les votes multiples et l'abus des ressources publiques (rapport daté du 11 mars 2010 du bureau de la démocratie, des droits de l'homme et du travail du département d'Etat des Etats-Unis, pièce République du Kirghizstan - ci-après RK -, n° 10), a été chassé du pouvoir par une émeute populaire provoquée par le doublement du prix des services publics ; qu'un gouvernement provisoire a été constitué par les chefs de l'opposition le 7 avril 2010 (Service de recherche du Parlement européen, Kirghizstan : situation politique, avril 2015, pièce RK, n° 9) ; que le 8 avril 2010, une ordonnance n°10/1 a été prise par le conseil d'administration de la Banque Nationale de la République kirghize (BNRK), "afin de contrôler le flux de capital et conserver les actifs dans l'intérêt des déposants et autres créanciers bancaires, face à l'instabilité de la République kirghize, et compte tenu de l'importance et de l'interrelation du système, ainsi que des circonstances de vol et de menace de vol, conformément à l'article 32 de la loi de la République kirghize sur la Banque Nationale de la République kirghize et à l'article 45 de la loi de la République kirghize sur les banques et les opérations bancaires"; que cette ordonnance place cinq banques, parmi lesquelles Manas Bank, sous administration provisoire pour une durée de six mois, désigne des administrateurs, et suspend toutes transactions en devises sur les comptes de correspondants de ces banques (pièce [K], ci-après - B -, n° 38) ; que le 9 avril 2010, le parquet de Bichkek a saisi les actifs de la banque Manas sur le fondement des articles 36 et 119 du code de procédure pénale afin de "garantir la procédure civile en matière d'indemnisation des préjudices et l'exécution du jugement aux fins de confiscation des biens"; que cette décision était motivée par des "opérations suspectes de transferts de fonds à grande échelle, dont l'origine suscite des doutes quant à leur légalité, (qui) ont été réalisées entre 2006 et 2010 par l'intermédiaire des banques AsiaUniversalBank (AUB), Issyk-Kul-Invest, Manas, KyrgyzCredit et Akylinvest", opérations documentées à partir du seul cas d'AUB (pièce B, n° 39) ; que le 8 octobre 2010, la BNRK a prolongé la décision d'administration temporaire de Manas Bank au motif que M. [K] se serait abstenu de remplacer les organes dirigeants dans le délai imparti ; que le 28 janvier 2011, elle a pris une mesure de placement sous séquestre pour une durée de 18 mois, prolongée le 25 juillet 2012 pour neuf mois, suivie d'une nouvelle prolongation en juillet 2013 qui s'est achevée par le prononcé de l'insolvabilité de la banque le 6 juillet 2015 ; que le 2 août 2011, une procédure arbitrale a été engagée par M. [K] sur le fondement de l'article 9 (2) d de l'Accord pour la promotion et la protection des investissements conclu le 22 mai 2008 entre la République de Lettonie et la République du KIRGHIZSTAN (Traité bilatéral d'investissement ou TBI) et de l'article 3 du Règlement d'arbitrage de 1976 de la Commission des Nations Unies pour le droit du commerce international (CNUDCI); La sentence : que la défense du KIRGHIZSTAN dans l'instance arbitrale tenait toute entière dans l'allégation de blanchiment ; toutefois, qu'aucun jugement de condamnation pénale n'était intervenu au KIRGHIZSTAN lorsque le tribunal arbitral a statué et que tel est d'ailleurs toujours le cas ; que le Tribunal du District de Pervomayski de la ville de Bichkek a rendu deux jugements le 18 avril et le 28 décembre 2011 sur les poursuites engagées contre M. [B] [K], M. [U] [X] (fils du président [M] [X]), M.[Y] (ou [P], président du conseil de Manas Bank) et 29 autres personnes, notamment des chefs de corruption et de blanchiment; que ces jugements ont renvoyé l'affaire au bureau du Procureur Général de la République du Kirghizstan pour "éliminer les lacunes et les défaillances" de l'enquête (pièces B, n°s 26 et 27) ; que le premier jugement relève, d'une part, que 23 des 38 personnes mises en cause ont été renvoyées devant la juridiction de jugement sans que les accusations portées à leur encontre leur aient été régulièrement notifiées et sans qu'elles aient pu bénéficier de l'assistance d'un avocat, d'autre part, que les copies versées au dossier n'étaient pas certifiées par les enquêteurs et n'étaient pas numérotées; que le second jugement constate le très grand désordre du dossier, l'absence de preuve des revenus illicites perçus par les accusés et du caractère fictif de certaines transactions, ainsi que l'absence de réponse aux commissions rogatoires internationales envoyées le 7 septembre 2011 en Lettonie aux fins de notification des charges notamment à MM [K] et [Y] ; que les juges kirghizes concluent que "le dossier a été instruit de manière superficielle, les enquêteurs ayant fait preuve d'un parti -pris en défaveur des accusés" ; que postérieurement à ces deux décisions, il n'est pas démontré que la justice kirghize se soit à nouveau prononcée sur les poursuites pénales engagées contre M. [K], celui-ci faisant allusion dans ses conclusions à un nouveau renvoi du dossier au Procureur général pour complément d'enquête par un jugement du 26 juin 2015 qui n'est pas produit ; que le 30 mars 2012, le KIRGHIZSTAN a demandé la suspension de l'instance arbitrale compte tenu des poursuites pénales en cours, ce qui a été refusé, le tribunal reconnaissant néanmoins qu'une nouvelle demande pourrait être présentée si des éléments concrets démontraient que les enquêtes étaient susceptibles de fournir des preuves "imminentes, spécifiques et pertinentes" (sentence § 23); qu'une nouvelle demande fondée sur l'enquête pénale diligentée à New York contre M. [U] [X] a été également rejetée au motif que ces investigations ne présentaient pas de lien suffisant avec l'arbitrage (sentence § 24) ; que l'échange de pièces a été clôturé en décembre 2013 après l'audition des témoins, avec l'accord des parties (sentence § 165) ; qu'à l'allégation de blanchiment opposée par le KIRGHIZSTAN aux demandes indemnitaires de M. [K], le tribunal arbitral a répondu dans les termes suivants :
« 153. Comme l'indique le Groupe d'Action financière (GAFI), une organisation intergouvernementale qui regroupe, entre autres, les grandes économies mondiales dans la lutte contre la délinquance économique, y compris la corruption et le blanchiment d'argent : ‘Le blanchiment d'argent est le processus qu'utilisent ces criminels pour déguiser l'origine illégale de ces fonds. Cette étape est capitale dans la mesure où elle permet aux groupes criminels de jouir de leurs profits sans mettre en danger leur source'.
154. Trois phases séquentielles reconnues constituent le blanchiment d'argent : (i) le placement, (ii) l'empilage et (iii) l'intégration. La phase de placement concerne la période durant laquelle l'argent généré par les activités criminelles est injecté dans le système financier. La phase d'empilage a pour but de masquer son origine en le faisant transiter via des transactions souvent complexes. Enfin, la phase d'intégration permet à l'argent de "refaire surface" sous forme de fonds ou d'actifs légitimes.
155. En pratique, les groupes criminels qui cherchent à blanchir les produits de leurs activités illégales disposent d'une multitude de méthodes possibles pour ce faire. Les institutions financières jouent, volontairement ou malgré elles, un rôle central dans la plupart des montages de blanchiment de fonds.
156. Ce Tribunal a connaissance d'opérations financières et des montants en apparence importants impliqués dans ces transactions, mentionnées dans le deuxième rapport d'expertise par East Star Capital. Dans ce contexte, le Tribunal a à l'esprit les définitions et caractéristiques d'un système de blanchiment de fonds typique.
157. De plus, le Tribunal reconnaît que certaines de ces transactions pourraient justifier de plus amples investigations permettant de déterminer si des activités considérées comme du blanchiment d'argent peuvent avoir été menées, par ou via Manas Bank.
158. Si des preuves substantielles et probantes d'une implication active de Manas Bank dans des activités de blanchiment d'argent avaient été produites devant le Tribunal, la demande déposée dans le cadre du TBI aurait pu être rejetée. Il n'est pas besoin de rappeler que la protection des investissements n'a pas pour objectif de bénéficier à des criminels ou à des investissements reposant sur ou menés par des activités criminelles.
159. Le blanchiment d'argent représente un grave problème. Tout arbitre faisant face à des allégations de blanchiment d'argent doit méticuleusement examiner les éléments de preuve. Néanmoins, la gravité des faits allégués
n'implique en rien que les principes fondamentaux de respect des procédures et de charge de la preuve peuvent ou doivent être négligés lors du traitement de telles allégations.
160. Dans son mémoire postérieur à l'audience, le Défendeur suggère que les suspicions sont suffisantes : ‘Une distinction importante doit être relevée dans les cas de blanchiment d'argent: la banque doit agir non pas lorsque l'illégalité est avérée, mais dès qu'elle est suspectée. Ce devoir d'action et de signalement des suspicions relève généralement de l'obligation légale, et une absence de signalement peut représenter en elle-même une infraction pénale.'
161. La suspicion de blanchiment d'argent peut, en effet, être, en elle-même suffisante pour justifier un jugement interlocutoire de la part d'un Etat-hôte, qui offrira le temps nécessaire à une investigation approfondie des activités suspectes alléguées. Néanmoins, l'Etat-hôte reste tenu de prouver que des activités de blanchiment d'argent ont bel et bien été menées par l'institution concernée, dans le cas présent Manas Bank, et que les mesures prises l'ont été en accord avec ses obligations internationales.
162. Bien entendu, les autorités nationales peuvent être bien mieux placées qu'un organisme international pour enquêter sur l'existence d'activités criminelles alléguées, dont le blanchiment d'argent, de la part de l 'un de ses ressortissants. Mais si ces dernières, ayant été en position de déployer les pouvoirs conséquents dont elles disposent pour l'investigation des activités criminelles en reviennent les mains vides au point que les tribunaux locaux ont, plus d'une fois, exigé des investigations plus poussées, il est difficile de concevoir comment un tribunal international, en l'absence de preuves concrètes, pourrait parvenir à des conclusions différentes » ; que le tribunal arbitral, après avoir constaté l'absence d'éléments probants produits par la procédure pénale et avoir relevé les insuffisances du rapport d'expertise de la société East Star Capital (ESC) versé aux débats par le KIRGHIZSTAN, a écarté l'allégation de blanchiment et examiné les faits imputés au défendeur au regard des stipulations du TBI; qu'il a constaté que la mesure d'administration provisoire initiale n'était pas justifiée, dès lors que les menaces qui pesaient sur le système bancaire étaient, selon les propres indications données par la BNRK dans son décret n°24/2 du 28 avril 2010 en réponse aux objections de Manas Bank (sentence § 200 et 78), de nature seulement physique (risque de vols, de déprédations) et non systémique; que le renouvellement de l'administration provisoire le 8 octobre 2010 au motif que M. [K] n'aurait pas proposé les noms de nouveaux administrateurs dans le délai imparti, alors que ce délai n'était pas expiré, a été décidé en violation de la loi kirghize ; que la mise sous séquestre avait été prononcée au titre d'une procédure pénale qui s'était poursuivie pendant plusieurs années sans produire de résultats tangibles, qu'elle avait été prolongée sans que la loi le permette et qu'elle avait conduit à une gestion déplorable de la banque; que les arbitres en ont déduit que Manas Bank avait fait l'objet d'une expropriation déguisée et que cette expropriation ne poursuivait pas un but d'utilité publique; que le tribunal a estimé, en outre, que les poursuites pénales étaient arbitraires et sans relation causale avec la mise sous séquestre et qu'il y avait donc eu de ce chef, ainsi que de celui de l'administration temporaire et de la mise sous séquestre, violation de la norme de traitement juste et équitable prévue par le TBI ; que les arbitres saisis d'une demande tendant à voir condamner le KIRGHIZSTAN à payer une indemnité de l'ordre de 33 millions USD, à mettre un terme à toutes les investigations administratives et pénales à l'encontre de M. [K], et à publier dans des organes de presse une réhabilitation du nom de celui-ci et des personnes liées à Manas Bank, a prononcé une condamnation au paiement d'une indemnité de 15.020.000 USD, outre intérêts et frais de procédure, et rejeté le surplus des demandes ; * Le contrôle exercé par le juge de l'annulation : que la prohibition du blanchiment est au nombre des principes dont l'ordre juridique français ne saurait souffrir la violation même dans un contexte international; qu'elle relève, par conséquent de l'ordre public international ; en effet, que la lutte contre le blanchiment d'argent provenant d'activités délictueuses fait l'objet d'un consensus international exprimé notamment dans la Convention des Nations Unies contre la corruption faite à Mérida le 9 décembre 2003, signée par 140 Etats et entrée en vigueur le 14 décembre 2005; Que le blanchiment s'entend, selon l'article 23 (1) de cette convention, des faits suivants lorsqu'ils sont commis intentionnellement : la conversion ou (le) transfert de biens dont celui qui s'y livre sait qu'ils sont le produit du crime, dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens ou d'aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l'infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ;la dissimulation ou (le) déguisement de la nature véritable, de l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l'auteur sait qu'ils sont le produit du crime; (...) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont le produit du crime; la participation à l'une des infractions établies conformément au présent article ou à toute association, entente, tentative ou complicité par fourniture d'une assistance, d'une aide ou de conseils en vue de sa commission" ; la dissimulation ou (le) déguisement de la nature véritable, de l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l'auteur sait qu'ils sont le produit du crime; (...) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont le produit du crime; la participation à l'une des infractions établies conformément au présent article ou à toute association, entente, tentative ou complicité par fourniture d'une assistance, d'une aide ou de conseils en vue de sa commission" ; en premier lieu, que si la République française et la République du KIRGHIZSTAN, toutes deux parties à cette convention, sont aussi toutes deux dotées d'incriminations pénales des faits de blanchiment, il n'entre pas dans la mission de cette cour, saisie d'un recours en annulation d'une sentence internationale, de rechercher si une partie à l'arbitrage peut être déclarée coupable du délit de blanchiment en application des dispositions pénales d'un ordre juridique national, mais seulement de rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, telles que définies par les stipulations précitées de la convention de Mérida ; que l'examen de ce grief n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une condamnation pénale du chef de blanchiment ; qu'il en résulte que la circonstance que les poursuites engagées par les autorités kirghizes en 2010 n'aient pas encore débouché sur un procès au fond est dénuée de pertinence ; au demeurant, que la durée de l'instruction n'apparaît pas, en l'occurrence, manifestement disproportionnée, dès lors que les faits de blanchiment donnent lieu, par nature, à des montages opaques et complexes impliquant de multiples sociétés off shore et, qu'en outre, la plupart des personnes poursuivies dans le dossier pénal en cause ont quitté le territoire [F] ; qu'il n'est pas davantage avéré que le ministère public ait renoncé aux poursuites; qu'en effet le courrier adressé le 28 janvier 2016 aux avocats de M. [K] par le Service d'Etat pour la lutte contre les délits économiques près le Gouvernement de la République kirghize fait seulement état de ce que, les prévenus faisant l'objet de recherches, ses investigations étaient suspendues et le dossier transmis au Procureur général pour examen, de sorte qu'il ne lui était pas possible de satisfaire leur demande de communication de pièces (pièce B, n° 45); que ne peut pas plus s'analyser comme un abandon des poursuites la décision prise par Interpol le 6 juillet 2012 de supprimer les fiches concernant plusieurs mis en cause; que, du reste, les procès-verbaux d'interrogatoires de témoins faits sur commission rogatoire par la police estonienne le 2 mars 2016 (pièce RK, n' 83) et par la police russe le 31 mai 2016 (pièce RK, n° 76) démontrent que l'instruction est toujours en cours; en second lieu, que le contrôle exercé par le juge de l'annulation sur la sentence arbitrale en vertu de l'article 1520, 5° du code de procédure civile n'a pas pour objet de vérifier si les décisions de placement sous administration provisoire puis sous séquestre de la Manas Bank ont été prises légalement ou non au regard du droit kirghize, ni si les agissements de la République du KIRGHIZSTAN sont des violations de l'obligation de traitement juste et équitable prévue par le TBI, mais, ainsi qu'il a été dit, de s'assurer que l'exécution de la sentence n'est pas de nature à faire bénéficier une partie du produit d'activités délictueuses ; que cette recherche, menée pour la défense de l'ordre public international, n'est pas limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres, ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par ceux-ci ; que la cour doit seulement s'assurer que la production des éléments de preuve devant elle respecte le principe de la contradiction et celui d'égalité des armes et que chaque partie a été mise en mesure de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation substantiellement désavantageuse vis-à-vis de son adversaire ; * La demande tendant à voir écarter certaines pièces des débats : que M. [K] demande que soient écartées des débats les pièces obtenues dans le cadre de l'instruction pénale conduite au Kirghizstan et/ou grâce à l'expropriation illégale constatée par la sentence; qu'il vise les pièces n°s 30, 65, 67 à 74, 77 à 81, 82, 84 à 86, 88 à 96, 99 à 110, 113 à 115 et 117 à 124 (conclusions p. 38, note n° 142) ; en premier lieu, que pour que soient respectés les principes de loyauté des débats et d'égalité des armes, il convient que l'asymétrie résultant de la mise en oeuvre par un Etat de ses pouvoirs d'investigation dans le cadre d'une procédure d'instruction soit corrigée par un accès de la personne mise en cause à l'ensemble du dossier pénal afin qu'elle puisse s'assurer que les pièces produites dans une instance civile parallèle ne sont pas tronquées ou tendancieusement sélectionnées et qu'elle puisse obtenir la communication des documents utiles à sa défense ; que l'allégation de M. [K] selon laquelle ce droit d'accès lui a été refusé n'est pas contestée par la partie adverse ; en second lieu, que les documents litigieux (formulaires d'ouverture de comptes, relevés de comptes, certificats de constitution de sociétés) sont produits sans aucune indication de leur origine et des conditions dans lesquelles ils ont été recueillis ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il convient de faire intégralement droit à la demande de M. [K] tendant à ce que soient écartées des débats les pièces énumérées à la page 38 de ses conclusions * L'allégation de blanchiment : que la République du KIRGHIZSTAN soutient, en substance, qu'Insan Bank, rebaptisée Manas Bank, a été acquise dans des conditions suspectes par M. [K] dans le seul but d'en faire une plate-forme de blanchiment grâce à ses liens étroits avec le fils du président [M] [X], [U] [X], lequel employait à ses fins personnelles les pouvoirs étendus que son père lui avait confiés sur l'économie du pays; 1) Les relations de M. [K] et de M. [U] [X] ; que M. [M] [X] a été élu à la présidence de la République le 10 juillet 2005 à la suite de la révolution dite "de la tulipe"; que le 29 octobre 2009, il a officialisé l'influence de son fils [U] sur le gouvernement et sur l'économie du pays en le nommant à la tête de l'Agence centrale pour le Développement, l'Investissement et l'Innovation (ACDII) ; que l'Institut Asie Centrale-Caucase donne de cet événement l'analyse suivante (pièce RK n° 20), qui n'est pas contestée par M. [K]: "Conformément à la loi relative à la création de l'agence, l'ACDII sera responsable de la ‘réorganisation structurelle de l'économie du pays, le soutien aux entreprises, attirer les investissements étrangers, et surtout, la préparation du budget et des programmes économiques nationaux du pays'. En d'autres termes, le fils du président s'occupera des investisseurs étrangers et contrôlera tous les grands projets économiques dans lesquels l'Etat intervient pour le compte du gouvernement. De plus, l'agence ayant été chargée de la gestion du Fonds de développement national (FDN), la disposition de tous les prêts étrangers, notamment le prêt de 300 millions de dollars de la Russie, ainsi les parts détenues par l'Etat dans la plus grande entreprise publique ont été confiées à l'ACDII. "; Que cette analyse souligne l'affaiblissement corrélatif de la position du gouvernement dont le premier ministre devient un simple membre du conseil de direction du FDN désormais présidé par le dirigeant de l'ACDII ; qu'il en résulte, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que les pouvoirs de l'Etat sur l'économie kirghize se trouvaient ainsi - de jure, après l'avoir été de facto -, concentrés entre les mains de M. [U] [X] ; que sur les liens de ce dernier avec M. [K], le tribunal arbitral a estimé qu'il n'était "pas en position de déterminer de manière positive que la relation entre le Demandeur et le fils de M. [X], [U] [X], était inappropriée, étant donné que celle-ci était uniquement superficielle"; qu'en réalité, M. [K] et M. [U] [X] sont co-fondateurs et actionnaires chacun pour moitié de la société LLC Maval Aktivi immatriculée à Riga le 20 juin 2006 dont l'objet est la fourniture de services financiers (pièce RK n° 25) ; qu'à compter de la reprise d'Insan Bank à l'été 2007, jusqu'aux événements d'avril 2010, le quatrième étage de l'immeuble acquis par la banque pour abriter ses activités a été occupé par M. [U] [X] sans qu'aucun contrat de location ait été signé et sans que l'occupant ait acquitté de charges, le quatrième étage n'ayant pas de compteurs distincts (courrier adressé le 14 septembre 2012 par la conservatrice de Manas Bank au vice-président du conseil de la BNRK, pièce RK n° 26) ; que M. [X] était aussi un client privilégié de la banque; que M. [P] (président du conseil de Manas Bank) a, par exemple, reconnu qu'une demande de prêt de 550.000 USD, déposée le 22 décembre 2008 par une société dont M. [X] était bénéficiaire avait été satisfaite, dès le 23 décembre; qu'il a précisé qu'il n'était pas inhabituel que la banque consente des prêts aussi rapidement (procès-verbal d'audition par le tribunal arbitral , p. 64, pièce B n° 86) ; qu'il apparaît donc que les relations entre M. [K] et M. [X] n'étaient pas superficielles et qu'elles peuvent certainement être qualifiées d'"inappropriées" dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux ; du reste, que la Manas Bank jouissait d'une confiance particulière de la part des autorités publiques kirghizes puisque le 23 septembre 2009, le Fonds de développement de la République kirghize a déposé auprès d'elle, 8 millions USD pour trois mois; que ce dépôt a été renouvelé le 26 décembre 2009 et le 26 mars 2010, et que le Fonds social de la République kirghize a également fait d'importants dépôts, de l'ordre de 14 millions USD, à compter de mai 2009 (pièce RK, n° 27); que si M. [P] allègue dans son témoignage, sans que cela soit étayé, que ce montant représenterait une petite partie des sommes placées par ce fonds auprès de diverses banques, il n'en reste pas moins qu'ainsi que le fait observer Mme [R], dans une attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile versée aux débats devant cette cour, qui reproduit les termes de son témoignage écrit devant le tribunal arbitral : "En temps normal, j'aurais trouvé surprenant que le Gouvernement transfère une quantité si importante de fond publics à une banque existant depuis un an" (pièce RK, n° 57, p. 4) ; 2) Les conditions d'acquisition d'Insan Bank ; qu'il résulte des énonciations de la sentence et qu'il n'est pas contesté qu'à l'été 2007 la BNRK a publié un appel d'offres pour l'acquisition et le redressement de cet établissement; que le comité chargé d'examiner les propositions de reprises ne pouvait se prononcer que s'il était saisi d'au moins deux offres; que le 28 août 2007, deux offres ont été reçues, émanant de M. [K] et de M. [H], juriste de droit bancaire qui avait été l'avocat de M. [K]; que le comité a choisi à l'unanimité la proposition de M. [K] (sentence, § 57 à 61) ; que la République du KIRGHIZSTAN allègue l'insincérité de la procédure d'appel d'offres ; que dans son témoignage devant le tribunal arbitral, M. [P], qui était en relation d'affaires avec M. [K] depuis le début des années 1990, a déclaré qu'au milieu de l'été 2007, M. [H], avait indiqué à M. [K] et à lui-même que leur collaboration devait cesser car il entendait participer à l'appel d'offres concernant Insan Bank et que, par la suite, il n'avait rencontré M. [H] que pour finaliser des documents juridiques dans des affaires qu'ils avaient précédemment eu en commun (procès-verbal d'audition du 10 décembre 2013, p. 17 à 20, pièce B., n° 86) ; que, toutefois, la suite de l'audition a fait apparaître, d'une part, qu'en 2007 M. [P] était, avec l'aval de M. [K] ( procès-verbal p.26), directeur général de plusieurs sociétés fondées ou contrôlées par M. [H] : V. Innovation (procès-verbal, p. 20), ZAO Innovatsia, (procès- verbal, p. 21), OsOO Technologia (fondée par VIP Consulting, elle-même fondée par M. [H], procès-verbal, p. 28 et 29, M. [P] étant resté directeur général jusqu'en janvier 2008), d'autre part, que plusieurs sociétés fondées par M. [H] avaient le même siège social que Manas Bank (ZAO Innovatsia, procès-verbal, p. 21 et 22, OsOO V Tchnologia, procès-verbal, p. 27), enfin que la collaboration de M. [H] avec M. [K] et M. [P] portait précisément sur le projet de reprise d'Insan Bank et que les dispositions prises avant même le résultat de l'appel d'offres démontraient le faible aléa de la procédure puisque la société V. Innovation dont M. [H] était fondateur et détenteur du capital avait déjà, pour le compte de M. [K], entrepris les travaux d'aménagement des futurs locaux et signé le contrat de fourniture de logiciel informatique (procès-verbal, p. 30 et p. 50 et 5 1) ; qu'en ce qui concerne la portée de ce témoignage, si M. [P] s'est plaint à plusieurs reprises au cours de son audition de n'avoir pas les pièces sous les yeux, ce n'était que pour des précisions de dates ou de sommes d'argent, mais non pas sur les points ci-dessus qui n'appelaient d'ailleurs pas d'effort de mémoire particulier ; qu'à l'issue de cette audition, le tribunal arbitral a estimé qu'il n'était "pas en mesure d'établir une détermination positive concernant les allégations du Défendeur (selon lesquelles l'appel d'offres était truqué), étant donné qu'aucune preuve concordante ne lui a été fournie. La simple relation entre le Demandeur et M. [H] est insuffisante pour prouver une fraude en lien avec l'investissement. En particulier, le Tribunal constate que le comité d'Insan Bank semblait très impressionné par l'offre du Demandeur pour l'acquisition d'Insan Bank. En outre, le tribunal convient que même en l'absence d'offre de M. [H], le Demandeur aurait très bien pu obtenir une licence bancaire en République du KIRGHIZSTAN" (sentence, § 62) ; que la cour estime, pour sa part, que les faits rapportés ci- dessus établissent suffisamment que l'appel d'offres s'est déroulé dans des conditions irrégulières, la circonstance que M. [K] aurait pu créer un établissement bancaire au Kirghizstan par d'autres moyens étant sans influence sur cette constatation ; 3) Les contrôles exercés sur Manas Bank ; que M. [K] fait valoir que la gestion de Manas Bank n'avait suscité avant 2010 aucune critique de la part des autorités régulatrices et que, "ainsi que le rappelle M. [P], la BNRK dépêchait des auditeurs chez Manas Bank, lesquels faisaient preuve de rigueur dans l'appréciation des documents, et ne s'étaient jamais plaints d'un manque d'accès à quelque document que ce fût. Au terme de ces audits, aucune violation des dispositifs anti-blanchiment n'avait été constatée" (conclusions, p. 94, citant le second témoignage écrit de M [P] devant le tribunal arbitral daté du 15 octobre 2012 ) ; que M. [P] reconnaît, dans ce témoignage, que Mme [S] [C], dirigeante de la société kirghize Top Audit KG, chargée de l'audit externe de Manas Bank, était titulaire d'un coffre-fort dans cette banque, mais affirme que cette circonstance était sans influence sur l'impartialité de l'intéressée et ne violait donc pas la législation kirghize (pièce B, n° 75 § 34);
Considérant, toutefois, qu'il résulte du "rapport d'inspection des pratiques de la SPAF Manas Bank en matière de location de coffres", établi le 2 juin 2011 par le conservateur de la banque, que Mme [A] possédait en réalité sept coffres qui contenaient, pour quatre d'entre eux des devises en espèces : 1.350.000 USD, 1.419.800 USD, 1.619.000 USD et 1.959.900 USD et pour le cinquième, plusieurs tampons de sociétés commerciales dont l'une immatriculée aux Iles Vierges britanniques, ainsi que huit tampons de services régionaux d'inspection fiscale (Pervomayskyi District, Octjabrskyi District, Sverdlovskyi District, etc.) (pièce RK, n° 31); que cette pièce n'est pas commentée par M. [K]; qu'elle ne l'a pas été davantage par le tribunal arbitral auquel elle avait été communiquée en annexe à la déclaration de témoin de Mme [W] [R], inspectrice en chef de la division d'inspection des banques de la BNRK (pièce A-46 annexée au témoignage de Mme [R], pièce RK, n° 57); que, du reste, si la sentence mentionne au paragraphe 34 que ce témoignage a été versé aux débats, elle n'y fait par la suite aucune allusion ; que le contenu des coffres de Mme [A] accrédite la thèse du KIRGHIZSTAN selon laquelle la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la réalité de ses contrôles sur la banque sujette à caution ; par ailleurs, que cette même [S] [C], directrice générale de la CJSC "Top-Audit KG", a été enregistrée par un décret du 3 mai 2009 de la Commission centrale des élections et référendum de la République kirghize comme représentante autorisée disposant du pouvoir de signature de documents financiers du candidat à l'élection présidentielle K. S. [X] (pièce RK, n° 28) ; 4) Les relations de Manas Bank avec la Baltic International Bank ; que Manas Bank entretenait des relations étroites avec la Baltic International Bank (BIB) dont le capital appartient à M. [K]; que cet aspect sur lequel M. [K] est discret devant la cour avait été au contraire mis en exergue dans l'instance arbitrale, la sentence relevant d'ailleurs qu'en "tirant parti du savoir-faire et des ressources humaines de la Baltic International Bank, Manas Bank a vite été performante" (sentence, § 3) ; que le 10 mars 2016 la Commission des marchés financiers et de capitaux de Lettonie a publié une décision de son conseil infligeant à la BIB et à sa présidente, Mme [L] [V] des amendes d'un montant respectif de 1.100.000 euros et 25.000 euros, aux motifs suivants : "au cours d'inspection menées au sein de la Baltic International Bank, la CMFC avait identifié des violations répétées de dispositions de la loi sur la prévention du blanchiment des produits d'activités criminelles (...) Alors qu'elle était impliquée dans des transactions soumettant la banque à des risques importants de blanchiment d'argent et de réputation. La banque n'a pas apporté une attention suffisante à des opérations complexes et liées entre elles réalisées par des clients, n'a pas identifié l'origine des fonds et n'a pas détecté en temps voulu des schémas suspects de transactions continues de spot forex. Les activités de la banque étant concentrées sur des marchés étrangers susceptibles de les soumettre à des risques accrus de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, la CMFC souligne l'importance de mettre en oeuvre des audits appropriés des clients, une supervision et un système de contrôle interne efficace. Lors de l'appréciation de la responsabilité de la Présidente de la Baltic International Bank, [L] [V], la CMFC a pris en compte le fait que, au cours de la période 2003-2015, elle était responsable des questions de lutte contre le blanchiment" (pièce RK, n° 36) ; que le commentaire de cette décision, envoyé le 21 septembre 2016 par la société BIB, dont le capital est détenu par M. [K], à la société JSC "[K] HOLDINGS" appartenant également à M. [K], ne peut être considéré comme probant lorsqu'il affirme, sans aucun élément matériel, que le contrôle ne portait que sur la période 2011 à 2015 - donc postérieure à la saisie de Manas Bank (pièce B, n° 87) ; qu'il apparaît, par conséquent, que Manas Bank prolongeait, dans un Etat doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment ; 5) Le volume et la structure des opérations réalisées par Manas Bank ; que le KIRGHIZSTAN a produit dans l'instance arbitrale deux rapports d'une société d'experts indépendants East Star Capital (ESC); que le tribunal arbitral relève que ces rapports ont été préparés par deux consultants occidentaux en quelques semaines, qu'ils ne prétendent pas contenir de preuves, mais se bornent à faire allusion à des faits dont ils allèguent qu'ils devraient faire l'objet d'investigations plus approfondies (sentence § 164 et 165), que le second contiendrait, en outre, des erreurs d'évaluation des débits et des crédits, ainsi que des erreurs de dénomination des transactions (sentence § 176) ; toutefois, que ne sont pas contestées les données suivantes figurant dans le second rapport ESC (pièce B, n° 68) : qu'en deux ans et huit mois, la valeur totale des transactions de Manas Bank s'élevait à 5,2 milliards 20. USD, soit un peu plus que le Produit Intérieur Brut total annuel de la République kirghize en 2008, et que sur la valeur totale des transactions, 80 %, soit 4,2 milliards USD impliquaient des sociétés non- résidentes (rapport, p. 7); que ces données sont d'ailleurs confirmées par un rapport établi le 10 août 2016 par l'Agence de la République Kirghize pour la Réorganisation des Banques et la Restructuration de la dette (DEBRA) établissement public exerçant les fonctions d'administrateur judiciaire des banques en situation de faillite (pièce RK n° 64 non contestée par M. [K]) qui fait ressortir que le chiffre global des mouvements de crédit sur la totalité des comptes clients de CJSC Manas Bank entre le 1er janvier 2008 et le 7 avril 2010 s'élevait à 5.923.825.731 USD (au taux moyen en vigueur au moment du calcul) dont 561.997.922 som (monnaie kirghize), 2.896.574.489 USD, 1.786.110.525 euros et le reste dans d'autres devises; que le volume et la structure de ces transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2007 apparaissent sans rapport avec l'état de l'économie kirghize; qu'un succès aussi foudroyant, dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes ; qu'il résulte de ce qui précède des indices graves, précis et concordants de ce qu' Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie ; que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence entreprise, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, viole de manière manifeste, effective et concrète l'ordre public international; qu'il convient donc de prononcer l'annulation sollicitée ;
1°) ALORS QUE le juge de l'annulation est juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français et non juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que le juge doit « rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, tel que défini par les stipulations de la convention de Mérida » (arrêt attaqué p. 9 § 3), que cette recherche « n'est pas limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par ceux-ci » (arrêt attaqué p. 10 § 2), que les relations entre M. [K] et M. [X] [U], le fils du président de la République, « peuvent être qualifiées d'inappropriées dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux » (arrêt attaqué p. 12 § 2), que « l'appel d'offres s'est déroulé dans des conditions irrégulières » (arrêt attaqué, p. 13 § 4), que « la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la régularité de ses contrôles sur la banque sujette à caution » (arrêt attaqué p. 14 § 2), que « Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment » (arrêt attaqué p. 15 § 1), que « le volume et la structure des transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2017, apparaissent sans rapport avec l'état de l'économie kirghize ; un succès aussi foudroyant, dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes » (arrêt attaqué p. 15 § 5) et qu'« il résulte de ce qui précède des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank était reprise par M. [K] afin de bénéficier dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie » (arrêt attaqué p. 15 § 6) de sorte que « la reconnaissance ou l'exécution de la sentence entreprise, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, viole de manière manifeste, effective et concrète l'ordre public international » (arrêt attaqué p. 15 § 7), la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté que le tribunal arbitral avait écarté l'allégation de blanchiment sur laquelle reposait « toute entière » la défense de la République du Kirghizstan (arrêt attaqué p. 6 § 3) faute d'élément probant (arrêt attaqué p. 7-8), a ainsi procédé à une nouvelle instruction au fond de l'affaire, en violation de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge de l'annulation est juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français et non juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en déduisant l'existence d'indices « graves, précis et concordants de ce que Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer, dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment », pour décider que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence « aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses », de procès-verbaux d'audition de témoins devant le tribunal arbitral (arrêt attaqué p. 12 § 1 et 5, p. 13 § 1, 5 et 6, p. 14 § 1) et de rapports d'expertise soumis aux arbitres (p. 15), la cour d'appel, qui a ainsi procédé à une nouvelle instruction au fond de l'affaire et a révisé la sentence, a violé l'article 1520.5° du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE s'agissant de la violation de l'ordre public international, seule la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est examinée par le juge de l'annulation au regard de la compatibilité de sa solution avec cet ordre public ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que la valeur de Manas Bank, telle que déterminée par le tribunal arbitral pour fixer le montant de l'indemnisation accordée à M. [K] (sentence, § 312), découlait d'opérations de blanchiment auxquelles celui-ci aurait participé, directement ou indirectement, à défaut de quoi la reconnaissance ou l'exécution de la sentence n'a pas pour effet de le faire bénéficier du produit d'activités de blanchiment, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence rendue à Paris entre les parties le 24 octobre 2014 ;
AUX MOTIFS QU'à la suite d'un appel d'offres lancé à l'été 2007, M. [B] [K], ressortissant letton, propriétaire de la banque lettonne Baltic International Bank, a fait l'acquisition de la totalité du capital d'une banque kirghize en faillite, Insan Bank, qu'il a rebaptisée Manas Bank ; que le 6 avril 2010, le président [F] [M] [X], réélu en juillet 2009 au terme d'opérations caractérisées par le bourrage généralisé des urnes, les votes multiples et l'abus des ressources publiques (rapport daté du 11 mars 2010 du bureau de la démocratie, des droits de l'homme et du travail du département d'Etat des Etats-Unis, pièce République du Kirghizstan - ci-après RK -, n° 10), a été chassé du pouvoir par une émeute populaire provoquée par le doublement du prix des services publics ; qu'un gouvernement provisoire a été constitué par les chefs de l'opposition le 7 avril 2010 (Service de recherche du Parlement européen, Kirghizstan : situation politique, avril 2015, pièce RK, n° 9) ; que le 8 avril 2010, une ordonnance n°10/1 a été prise par le conseil d'administration de la Banque Nationale de la République kirghize (BNRK), "afin de contrôler le flux de capital et conserver les actifs dans l'intérêt des déposants et autres créanciers bancaires, face à l'instabilité de la République kirghize, et compte tenu de l'importance et de l'interrelation du système, ainsi que des circonstances de vol et de menace de vol, conformément à l'article 32 de la loi de la République kirghize sur la Banque Nationale de la République kirghize et à l'article 45 de la loi de la République kirghize sur les banques et les opérations bancaires"; que cette ordonnance place cinq banques, parmi lesquelles Manas Bank, sous administration provisoire pour une durée de six mois, désigne des administrateurs, et suspend toutes transactions en devises sur les comptes de correspondants de ces banques (pièce [K], ci-après - B -, n° 38) ; que le 9 avril 2010, le parquet de Bichkek a saisi les actifs de la banque Manas sur le fondement des articles 36 et 119 du code de procédure pénale afin de "garantir la procédure civile en matière d'indemnisation des préjudices et l'exécution du jugement aux fins de confiscation des biens"; que cette décision était motivée par des "opérations suspectes de transferts de fonds à grande échelle, dont l'origine suscite des doutes quant à leur légalité, (qui) ont été réalisées entre 2006 et 2010 par l'intermédiaire des banques AsiaUniversalBank (AUB), Issyk-Kul-Invest, Manas, KyrgyzCredit et Akylinvest", opérations documentées à partir du seul cas d'AUB (pièce B, n° 39) ; que le 8 octobre 2010, la BNRK a prolongé la décision d'administration temporaire de Manas Bank au motif que M. [K] se serait abstenu de remplacer les organes dirigeants dans le délai imparti ; que le 28 janvier 2011, elle a pris une mesure de placement sous séquestre pour une durée de 18 mois, prolongée le 25 juillet 2012 pour neuf mois, suivie d'une nouvelle prolongation en juillet 2013 qui s'est achevée par le prononcé de l'insolvabilité de la banque le 6 juillet 2015 ; que le 2 août 2011, une procédure arbitrale a été engagée par M. [K] sur le fondement de l'article 9 (2) d de l'Accord pour la promotion et la protection des investissements conclu le 22 mai 2008 entre la République de Lettonie et la République du KIRGHIZSTAN (Traité bilatéral d'investissement ou TBI) et de l'article 3 du Règlement d'arbitrage de 1976 de la Commission des Nations Unies pour le droit du commerce international (CNUDCI); La sentence : que la défense du KIRGHIZSTAN dans l'instance arbitrale tenait toute entière dans l'allégation de blanchiment ; toutefois, qu'aucun jugement de condamnation pénale n'était intervenu au KIRGHIZSTAN lorsque le tribunal arbitral a statué et que tel est d'ailleurs toujours le cas ; que le Tribunal du District de Pervomayski de la ville de Bichkek a rendu deux jugements le 18 avril et le 28 décembre 2011 sur les poursuites engagées contre M. [B] [K], M. [U] [X] (fils du président [M] [X]), M.[Y] (ou [P], président du conseil de Manas Bank) et 29 autres personnes, notamment des chefs de corruption et de blanchiment; que ces jugements ont renvoyé l'affaire au bureau du Procureur Général de la République du Kirghizstan pour "éliminer les lacunes et les défaillances" de l'enquête (pièces B, n°s 26 et 27) ; que le premier jugement relève, d'une part, que 23 des 38 personnes mises en cause ont été renvoyées devant la juridiction de jugement sans que les accusations portées à leur encontre leur aient été régulièrement notifiées et sans qu'elles aient pu bénéficier de l'assistance d'un avocat, d'autre part, que les copies versées au dossier n'étaient pas certifiées par les enquêteurs et n'étaient pas numérotées; que le second jugement constate le très grand désordre du dossier, l'absence de preuve des revenus illicites perçus par les accusés et du caractère fictif de certaines transactions, ainsi que l'absence de réponse aux commissions rogatoires internationales envoyées le 7 septembre 2011 en Lettonie aux fins de notification des charges notamment à MM [K] et [Y] ; que les juges kirghizes concluent que "le dossier a été instruit de manière superficielle, les enquêteurs ayant fait preuve d'un parti -pris en défaveur des accusés" ; que postérieurement à ces deux décisions, il n'est pas démontré que la justice kirghize se soit à nouveau prononcée sur les poursuites pénales engagées contre M. [K], celui-ci faisant allusion dans ses conclusions à un nouveau renvoi du dossier au Procureur général pour complément d'enquête par un jugement du 26 juin 2015 qui n'est pas produit ; que le 30 mars 2012, le KIRGHIZSTAN a demandé la suspension de l'instance arbitrale compte tenu des poursuites pénales en cours, ce qui a été refusé, le tribunal reconnaissant néanmoins qu'une nouvelle demande pourrait être présentée si des éléments concrets démontraient que les enquêtes étaient susceptibles de fournir des preuves "imminentes, spécifiques et pertinentes" (sentence § 23); qu'une nouvelle demande fondée sur l'enquête pénale diligentée à New York contre M. [U] [X] a été également rejetée au motif que ces investigations ne présentaient pas de lien suffisant avec l'arbitrage (sentence § 24) ; que l'échange de pièces a été clôturé en décembre 2013 après l'audition des témoins, avec l'accord des parties (sentence § 165) ; qu'à l'allégation de blanchiment opposée par le KIRGHIZSTAN aux demandes indemnitaires de M. [K], le tribunal arbitral a répondu dans les termes suivants : "
153. Comme l'indique le Groupe d'Action financière (GAFI), une organisation intergouvernementale qui regroupe, entre autres, les grandes économies mondiales dans la lutte contre la délinquance économique, y compris la corruption et le blanchiment d'argent : ‘Le blanchiment d'argent est le processus qu'utilisent ces criminels pour déguiser l'origine illégale de ces fonds. Cette étape est capitale dans la mesure où elle permet aux groupes criminels de jouir de leurs profits sans mettre en danger leur source'.
154.Trois phases séquentielles reconnues constituent le blanchiment d'argent : (i) le placement, (ii) l'empilage et (iii) l'intégration. La phase de placement concerne la période durant laquelle l'argent généré par les activités criminelles est injecté dans le système financier. La phase d'empilage a pour but de masquer son origine en le faisant transiter via des transactions souvent complexes. Enfin, la phase d'intégration permet à l'argent de "refaire surface" sous forme de fonds ou d'actifs légitimes.
155. En pratique, les groupes criminels qui cherchent à blanchir les produits de leurs activités illégales disposent d'une multitude de méthodes possibles pour ce faire. Les institutions financières jouent, volontairement ou malgré elles, un rôle central dans la plupart des montages de blanchiment de fonds.
156. Ce Tribunal a connaissance d'opérations financières et des montants en apparence importants impliqués dans ces transactions, mentionnées dans le deuxième rapport d'expertise par East Star Capital. Dans ce contexte, le Tribunal a à l'esprit les définitions et caractéristiques d'un système de blanchiment de fonds typique.
157.De plus, le Tribunal reconnaît que certaines de ces transactions pourraient justifier de plus amples investigations permettant de déterminer si des activités considérées comme du blanchiment d'argent peuvent avoir été menées, par ou via Manas Bank.
158.Si des preuves substantielles et probantes d'une implication active de Manas Bank dans des activités de blanchiment d'argent avaient été produites devant le Tribunal, la demande déposée dans le cadre du TBI aurait pu être rejetée. Il n'est pas besoin de rappeler que la protection des investissements n'a pas pour objectif de bénéficier à des criminels ou à des investissements reposant sur ou menés par des activités criminelles.
159.Le blanchiment d'argent représente un grave problème. Tout arbitre faisant face à des allégations de blanchiment d'argent doit méticuleusement examiner les éléments de preuve. Néanmoins, la gravité des faits allégués n'implique en rien que les principes fondamentaux de respect des procédures et de charge de la preuve peuvent ou doivent être négligés lors du traitement de telles allégations.
160.Dans son mémoire postérieur à l'audience, le Défendeur suggère que les suspicions sont suffisantes : ‘Une distinction importante doit être relevée dans les cas de blanchiment d'argent: la banque doit agir non pas lorsque
l'illégalité est avérée, mais dès qu'elle est suspectée. Ce devoir d'action et de signalement des suspicions relève généralement de l'obligation légale, et une absence de signalement peut représenter en elle-même une infraction pénale.'
161. La suspicion de blanchiment d'argent peut, en effet, être, en elle-même suffisante pour justifier un jugement interlocutoire de la part d'un Etat-hôte, qui offrira le temps nécessaire à une investigation approfondie des activités suspectes alléguées. Néanmoins, l'Etat-hôte reste tenu de prouver que des activités de blanchiment d'argent ont bel et bien été menées par l'institution concernée, dans le cas présent Manas Bank, et que les mesures prises l'ont été en accord avec ses obligations internationales.
162. Bien entendu, les autorités nationales peuvent être bien mieux placées qu'un organisme international pour enquêter sur l'existence d'activités criminelles alléguées, dont le blanchiment d'argent, de la part de l 'un de ses ressortissants. Mais si ces dernières, ayant été en position de déployer les pouvoirs conséquents dont elles disposent pour l'investigation des activités criminelles en reviennent les mains vides au point que les tribunaux locaux ont, plus d'une fois, exigé des investigations plus poussées, il est difficile de concevoir comment un tribunal international, en l'absence de preuves concrètes, pourrait parvenir à des conclusions différentes."; que le tribunal arbitral, après avoir constaté l'absence d'éléments probants produits par la procédure pénale et avoir relevé les insuffisances du rapport d'expertise de la société East Star Capital (ESC) versé aux débats par le KIRGHIZSTAN, a écarté l'allégation de blanchiment et examiné les faits imputés au défendeur au regard des stipulations du TBI; qu'il a constaté que la mesure d'administration provisoire initiale n'était pas justifiée, dès lors que les menaces qui pesaient sur le système bancaire étaient, selon les propres indications données par la BNRK dans son décret n°24/2 du 28 avril 2010 en réponse aux objections de Manas Bank (sentence § 200 et 78), de nature seulement physique (risque de vols, de déprédations) et non systémique; que le renouvellement de l'administration provisoire le 8 octobre 2010 au motif que M. [K] n'aurait pas proposé les noms de nouveaux administrateurs dans le délai imparti, alors que ce délai n'était pas expiré, a été décidé en violation de la loi kirghize ; que la mise sous séquestre avait été prononcée au titre d'une procédure pénale qui s'était poursuivie pendant plusieurs années sans produire de résultats tangibles, qu'elle avait été prolongée sans que la loi le permette et qu'elle avait conduit à une gestion déplorable de la banque; que les arbitres en ont déduit que Manas Bank avait fait l'objet d'une expropriation déguisée et que cette expropriation ne poursuivait pas un but d'utilité publique; que le tribunal a estimé, en outre, que les poursuites pénales étaient arbitraires et sans relation causale avec la mise sous séquestre et qu'il y avait donc eu de ce chef, ainsi que de celui de l'administration temporaire et de la mise sous séquestre, violation de la norme de traitement juste et équitable prévue par le TBI ; que les arbitres saisis d'une demande tendant à voir condamner le KIRGHIZSTAN à payer une indemnité de l'ordre de 33 millions USD, à mettre un terme à toutes les investigations administratives et pénales à l'encontre de M. [K], et à publier dans des organes de presse une réhabilitation du nom de celui-ci et des personnes liées à Manas Bank, a prononcé une condamnation au paiement d'une indemnité de 15.020.000 USD, outre intérêts et frais de procédure, et rejeté le surplus des demandes ; * Le contrôle exercé par le juge de l'annulation : que la prohibition du blanchiment est au nombre des principes dont l'ordre juridique français ne saurait souffrir la violation même dans un contexte international; qu'elle relève, par conséquent de l'ordre public international ; en effet, que la lutte contre le blanchiment d'argent provenant d'activités délictueuses fait l'objet d'un consensus international exprimé notamment dans la Convention des Nations Unies contre la corruption faite à Mérida le 9 décembre 2003, signée par 140 Etats et entrée en vigueur le 14 décembre 2005; Que le blanchiment s'entend, selon l'article 23 (1) de cette convention, des faits suivants lorsqu'ils sont commis intentionnellement : la conversion ou (le) transfert de biens dont celui qui s'y livre sait qu'ils sont le produit du crime, dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens ou d'aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l'infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ; la dissimulation ou (le) déguisement de la nature véritable, de l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l'auteur sait qu'ils sont le produit du crime; (...) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont le produit du crime; la participation à l'une des infractions établies conformément au présent article ou à toute association, entente, tentative ou complicité par fourniture d'une assistance, d'une aide ou de conseils en vue de sa commission" ; en premier lieu, que si la République française et la République du KIRGHIZSTAN, toutes deux parties à cette convention, sont aussi toutes deux dotées d'incriminations pénales des faits de blanchiment, il n'entre pas dans la mission de cette cour, saisie d'un recours en annulation d'une sentence internationale, de rechercher si une partie à l'arbitrage peut être déclarée coupable du délit de blanchiment en application des dispositions pénales d'un ordre juridique national, mais seulement de rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, telles que définies par les stipulations précitées de la convention de Mérida ; que l'examen de ce grief n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une condamnation pénale du chef de blanchiment ; qu'il en résulte que la circonstance que les poursuites engagées par les autorités kirghizes en 2010 n'aient pas encore débouché sur un procès au fond est dénuée de pertinence ; au demeurant, que la durée de l'instruction n'apparaît pas, en l'occurrence, manifestement disproportionnée, dès lors que les faits de blanchiment donnent lieu, par nature, à des montages opaques et complexes impliquant de multiples sociétés off shore et, qu'en outre, la plupart des personnes poursuivies dans le dossier pénal en cause ont quitté le territoire [F] ; qu'il n'est pas davantage avéré que le ministère public ait renoncé aux poursuites; qu'en effet le courrier adressé le 28 janvier 2016 aux avocats de M. [K] par le Service d'Etat pour la lutte contre les délits économiques près le Gouvernement de la République kirghize fait seulement état de ce que, les prévenus faisant l'objet de recherches, ses investigations étaient suspendues et le dossier transmis au Procureur général pour examen, de sorte qu'il ne lui était pas possible de satisfaire leur demande de communication de pièces (pièce B, n° 45); que ne peut pas plus s'analyser comme un abandon des poursuites la décision prise par Interpol le 6 juillet 2012 de supprimer les fiches concernant plusieurs mis en cause; que, du reste, les procès-verbaux d'interrogatoires de témoins faits sur commission rogatoire par la police estonienne le 2 mars 2016 (pièce RK, n' 83) et par la police russe le 31 mai 2016 (pièce RK, n° 76) démontrent que l'instruction est toujours en cours; en second lieu, que le contrôle exercé par le juge de l'annulation sur la sentence arbitrale en vertu de l'article 1520, 5° du code de procédure civile n'a pas pour objet de vérifier si les décisions de placement sous administration provisoire puis sous séquestre de la Manas Bank ont été prises légalement ou non au regard du droit kirghize, ni si les agissements de la République du KIRGHIZSTAN sont des violations de l'obligation de traitement juste et équitable prévue par le TBI, mais, ainsi qu'il a été dit, de s'assurer que l'exécution de la sentence n'est pas de nature à faire bénéficier une partie du produit d'activités délictueuses ; que cette recherche, menée pour la défense de l'ordre public international, n'est pas limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres, ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par ceux-ci ; que la cour doit seulement s'assurer que la production des éléments de preuve devant elle respecte le principe de la contradiction et celui d'égalité des armes et que chaque partie a été mise en mesure de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation substantiellement désavantageuse vis-à-vis de son adversaire ; * La demande tendant à voir écarter certaines pièces des débats : que M. [K] demande que soient écartées des débats les pièces obtenues dans le cadre de l'instruction pénale conduite au Kirghizstan et/ou grâce à l'expropriation illégale constatée par la sentence; qu'il vise les pièces n°s 30, 65, 67 à 74, 77 à 81, 82, 84 à 86, 88 à 96, 99 à 110, 113 à 115 et 117 à 124 (conclusions p. 38, note n° 142) ; en premier lieu, que pour que soient respectés les principes de loyauté des débats et d'égalité des armes, il convient que l'asymétrie résultant de la mise en oeuvre par un Etat de ses pouvoirs d'investigation dans le cadre d'une procédure d'instruction soit corrigée par un accès de la personne mise en cause à l'ensemble du dossier pénal afin qu'elle puisse s'assurer que les pièces produites dans une instance civile parallèle ne sont pas tronquées ou tendancieusement sélectionnées et qu'elle puisse obtenir la communication des documents utiles à sa défense ; que l'allégation de M. [K] selon laquelle ce droit d'accès lui a été refusé n'est pas contestée par la partie adverse ; en second lieu, que les documents litigieux (formulaires d'ouverture de comptes, relevés de comptes, certificats de constitution de sociétés) sont produits sans aucune indication de leur origine et des conditions dans lesquelles ils ont été recueillis ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il convient de faire intégralement droit à la demande de M. [K] tendant à ce que soient écartées des débats les pièces énumérées à la page 38 de ses conclusions * L'allégation de blanchiment : que la République du KIRGHIZSTAN soutient, en substance, qu'Insan Bank, rebaptisée Manas Bank, a été acquise dans des conditions suspectes par M. [K] dans le seul but d'en faire une plate-forme de blanchiment grâce à ses liens étroits avec le fils du président [M] [X], [U] [X], lequel employait à ses fins personnelles les pouvoirs étendus que son père lui avait confiés sur l'économie du pays; 1) Les relations de M. [K] et de M. [U] [X] ; que M. [M] [X] a été élu à la présidence de la République le 10 juillet 2005 à la suite de la révolution dite "de la tulipe"; que le 29 octobre 2009, il a officialisé l'influence de son fils [U] sur le gouvernement et sur l'économie du pays en le nommant à la tête de l'Agence centrale pour le Développement, l'Investissement et l'Innovation (ACDII) ; que l'Institut Asie Centrale-Caucase donne de cet événement l'analyse suivante (pièce RK n° 20), qui n'est pas contestée par M. [K]: "Conformément à la loi relative à la création de l'agence, l'ACDII sera responsable de la ‘réorganisation structurelle de l'économie du pays, le soutien aux entreprises, attirer les investissements étrangers, et surtout, la préparation du budget et des programmes économiques nationaux du pays'. En d'autres termes, le fils du président s'occupera des investisseurs étrangers et contrôlera tous les grands projets économiques dans lesquels l'Etat intervient pour le compte du gouvernement. De plus, l'agence ayant été chargée de la gestion du Fonds de développement national (FDN), la disposition de tous les prêts étrangers, notamment le prêt de 300 millions de dollars de la Russie, ainsi les parts détenues par l'Etat dans la plus grande entreprise publique ont été confiées à l'ACDII. "; Que cette analyse souligne l'affaiblissement corrélatif de la position du gouvernement dont le premier ministre devient un simple membre du conseil de direction du FDN désormais présidé par le dirigeant de l'ACDII ; qu'il en résulte, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que les pouvoirs de l'Etat sur l'économie kirghize se trouvaient ainsi - de jure, après l'avoir été de facto -, concentrés entre les mains de M. [U] [X] ; que sur les liens de ce dernier avec M. [K], le tribunal arbitral a estimé qu'il n'était "pas en position de déterminer de manière positive que la relation entre le Demandeur et le fils de M. [X], [U] [X], était inappropriée, étant donné que celle-ci était uniquement superficielle"; qu'en réalité, M. [K] et M. [U] [X] sont co-fondateurs et actionnaires chacun pour moitié de la société LLC Maval Aktivi immatriculée à Riga le 20 juin 2006 dont l'objet est la fourniture de services financiers (pièce RK n° 25) ; qu'à compter de la reprise d'Insan Bank à l'été 2007, jusqu'aux événements d'avril 2010, le quatrième étage de l'immeuble acquis par la banque pour abriter ses activités a été occupé par M. [U] [X] sans qu'aucun contrat de location ait été signé et sans que l'occupant ait acquitté de charges, le quatrième étage n'ayant pas de compteurs distincts (courrier adressé le 14 septembre 2012 par la conservatrice de Manas Bank au vice-président du conseil de la BNRK, pièce RK n° 26) ; que M. [X] était aussi un client privilégié de la banque; que M. [P] (président du conseil de Manas Bank) a, par exemple, reconnu qu'une demande de prêt de 550.000 USD, déposée le 22 décembre 2008 par une société dont M. [X] était bénéficiaire avait été satisfaite, dès le 23 décembre; qu'il a précisé qu'il n'était pas inhabituel que la banque consente des prêts aussi rapidement (procès-verbal d'audition par le tribunal arbitral , p. 64, pièce B n° 86) ; qu'il apparaît donc que les relations entre M. [K] et M. [X] n'étaient pas superficielles et qu'elles peuvent certainement être qualifiées d' "inappropriées" dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux ; du reste, que la Manas Bank jouissait d'une confiance particulière de la part des autorités publiques kirghizes puisque le 23 septembre 2009, le Fonds de développement de la République kirghize a déposé auprès d'elle, 8 millions USD pour trois mois; que ce dépôt a été renouvelé le 26 décembre 2009 et le 26 mars 2010, et que le Fonds social de la République kirghize a également fait d'importants dépôts, de l'ordre de 14 millions USD, à compter de mai 2009 (pièce RK, n° 27); que si M. [P] allègue dans son témoignage, sans que cela soit étayé, que ce montant représenterait une petite partie des sommes placées par ce fonds auprès de diverses banques, il n'en reste pas moins qu'ainsi que le fait observer Mme [R], dans une attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile versée aux débats devant cette cour, qui reproduit les termes de son témoignage écrit devant le tribunal arbitral : "En temps normal, j'aurais trouvé surprenant que le Gouvernement transfère une quantité si importante de fond publics à une banque existant depuis un an" (pièce RK, n° 57, p. 4) ; 2) Les conditions d'acquisition d'Insan Bank ; qu'il résulte des énonciations de la sentence et qu'il n'est pas contesté qu'à l'été 2007 la BNRK a publié un appel d'offres pour l'acquisition et le redressement de cet établissement; que le comité chargé d'examiner les propositions de reprises ne pouvait se prononcer que s'il était saisi d'au moins deux offres; que le 28 août 2007, deux offres ont été reçues, émanant de M. [K] et de M. [H], juriste de droit bancaire qui avait été l'avocat de M. [K]; que le comité a choisi à l'unanimité la proposition de M. [K] (sentence, § 57 à 61) ; que la République du KIRGHIZSTAN allègue l'insincérité de la procédure d'appel d'offres ; que dans son témoignage devant le tribunal arbitral, M. [P], qui était en relation d'affaires avec M. [K] depuis le début des années 1990, a déclaré qu'au milieu de l'été 2007, M. [H], avait indiqué à M. [K] et à lui-même que leur collaboration devait cesser car il entendait participer à l'appel d'offres concernant Insan Bank et que, par la suite, il n'avait rencontré M. [H] que pour finaliser des documents juridiques dans des affaires qu'ils avaient précédemment eu en commun (procès-verbal d'audition du 10 décembre 2013, p. 17 à 20, pièce B., n° 86) ; que, toutefois, la suite de l'audition a fait apparaître, d'une part, qu'en 2007 M. [P] était, avec l'aval de M. [K] ( procès-verbal p.26), directeur général de plusieurs sociétés fondées ou contrôlées par M. [H] : V. Innovation (procès-verbal, p. 20), ZAO Innovatsia, (procès- verbal, p. 21), OsOO Technologia (fondée par VIP Consulting, elle-même fondée par M. [H], procès-verbal, p. 28 et 29, M. [P] étant resté directeur général jusqu'en janvier 2008), d'autre part, que plusieurs sociétés fondées par M. [H] avaient le même siège social que Manas Bank (ZAO Innovatsia, procès-verbal, p. 21 et 22, OsOO V Tchnologia, procès-verbal, p. 27), enfin que la collaboration de M. [H] avec M. [K] et M. [P] portait précisément sur le projet de reprise d'Insan Bank et que les dispositions prises avant même le résultat de l'appel d'offres démontraient le faible aléa de la procédure puisque la société V. Innovation dont M. [H] était fondateur et détenteur du capital avait déjà, pour le compte de M. [K], entrepris les travaux d'aménagement des futurs locaux et signé le contrat de fourniture de logiciel informatique (procès-verbal, p. 30 et p. 50 et 5 1) ; qu'en ce qui concerne la portée de ce témoignage, si M. [P] s'est plaint à plusieurs reprises au cours de son audition de n'avoir pas les pièces sous les yeux, ce n'était que pour des précisions de dates ou de sommes d'argent, mais non pas sur les points ci-dessus qui n'appelaient d'ailleurs pas d'effort de mémoire particulier ; qu'à l'issue de cette audition, le tribunal arbitral a estimé qu'il n'était "pas en mesure d'établir une détermination positive concernant les allégations du Défendeur (selon lesquelles l'appel d'offres était truqué), étant donné qu'aucune preuve concordante ne lui a été fournie. La simple relation entre le Demandeur et M. [H] est insuffisante pour prouver une fraude en lien avec l'investissement. En particulier, le Tribunal constate que le comité d'Insan Bank semblait très impressionné par l'offre du Demandeur pour l'acquisition d'Insan Bank. En outre, le tribunal convient que même en l'absence d'offre de M. [H], le Demandeur aurait très bien pu obtenir une licence bancaire en République du KIRGHIZSTAN" (sentence, § 62) ; que la cour estime, pour sa part, que les faits rapportés ci- dessus établissent suffisamment que l'appel d'offres s'est déroulé dans des conditions irrégulières, la circonstance que M. [K] aurait pu créer un établissement bancaire au Kirghizstan par d'autres moyens étant sans influence sur cette constatation ; 3) Les contrôles exercés sur Manas Bank ; que M. [K] fait valoir que la gestion de Manas Bank n'avait suscité avant 2010 aucune critique de la part des autorités régulatrices et que, "ainsi que le rappelle M. [P], la BNRK dépêchait des auditeurs chez Manas Bank, lesquels faisaient preuve de rigueur dans l'appréciation des documents, et ne s'étaient jamais plaints d'un manque d'accès à quelque document que ce fût. Au terme de ces audits, aucune violation des dispositifs anti-blanchiment n'avait été constatée" (conclusions, p. 94, citant le second témoignage écrit de M [P] devant le tribunal arbitral daté du 15 octobre 2012 ) ; que M. [P] reconnaît, dans ce témoignage, que Mme [S] [C], dirigeante de la société kirghize Top Audit KG, chargée de l'audit externe de Manas Bank, était titulaire d'un coffre-fort dans cette banque, mais affirme que cette circonstance était sans influence sur l'impartialité de l'intéressée et ne violait donc pas la législation kirghize (pièce B, n° 75 § 34); toutefois, qu'il résulte du "rapport d'inspection des pratiques de la SPAF Manas Bank en matière de location de coffres", établi le 2 juin 2011 par le conservateur de la banque, que Mme [A] possédait en réalité sept coffres qui contenaient, pour quatre d'entre eux des devises en espèces : 1.350.000 USD, 1.419.800 USD, 1.619.000 USD et 1.959.900 USD et pour le cinquième, plusieurs tampons de sociétés commerciales dont l'une immatriculée aux Iles Vierges britanniques, ainsi que huit tampons de services régionaux d'inspection fiscale (Pervomayskyi District, Octjabrskyi District, Sverdlovskyi District, etc.) (pièce RK, n° 31); que cette pièce n'est pas commentée par M. [K]; qu'elle ne l'a pas été davantage par le tribunal arbitral auquel elle avait été communiquée en annexe à la déclaration de témoin de Mme [W] [R], inspectrice en chef de la division d'inspection des banques de la BNRK (pièce A-46 annexée au témoignage de Mme [R], pièce RK, n° 57); que, du reste, si la sentence mentionne au paragraphe 34 que ce témoignage a été versé aux débats, elle n'y fait par la suite aucune allusion ; que le contenu des coffres de Mme [A] accrédite la thèse du KIRGHIZSTAN selon laquelle la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la réalité de ses contrôles sur la banque sujette à caution ; par ailleurs, que cette même [S] [C], directrice générale de la CJSC "Top-Audit KG", a été enregistrée par un décret du 3 mai 2009 de la Commission centrale des élections et référendum de la République kirghize comme représentante autorisée disposant du pouvoir de signature de documents financiers du candidat à l'élection présidentielle K. S. [X] (pièce RK, n° 28) ; 4) Les relations de Manas Bank avec la Baltic International Bank ; que Manas Bank entretenait des relations étroites avec la Baltic International Bank (BIB) dont le capital appartient à M. [K]; que cet aspect sur lequel M. [K] est discret devant la cour avait été au contraire mis en exergue dans l'instance arbitrale, la sentence relevant d'ailleurs qu'en "tirant parti du savoir-faire et des ressources humaines de la Baltic International Bank, Manas Bank a vite été performante" (sentence, § 3) ; que le 10 mars 2016 la Commission des marchés financiers et de capitaux de Lettonie a publié une décision de son conseil infligeant à la BIB et à sa présidente, Mme [L] [V] des amendes d'un montant respectif de 1.100.000 euros et 25.000 euros, aux motifs suivants : "au cours d'inspection menées au sein de la Baltic International Bank, la CMFC avait identifié des violations répétées de dispositions de la loi sur la prévention du blanchiment des produits d'activités criminelles (...) Alors qu'elle était impliquée dans des transactions soumettant la banque à des risques importants de blanchiment d'argent et de réputation. La banque n'a pas apporté une attention suffisante à des opérations complexes et liées entre elles réalisées par des clients, n'a pas identifié l'origine des fonds et n'a pas détecté en temps voulu des schémas suspects de transactions continues de spot forex. Les activités de la banque étant concentrées sur des marchés étrangers susceptibles de les soumettre à des risques accrus de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, la CMFC souligne l'importance de mettre en oeuvre des audits appropriés des clients, une supervision et un système de contrôle interne efficace. Lors de l'appréciation de la responsabilité de la Présidente de la Baltic International Bank, [L] [V], la CMFC a pris en compte le fait que, au cours de la période 2003-2015, elle était responsable des questions de lutte contre le blanchiment" (pièce RK, n° 36) ; que le commentaire de cette décision, envoyé le 21 septembre 2016 par la société BIB, dont le capital est détenu par M. [K], à la société JSC "[K] HOLDINGS" appartenant également à M. [K], ne peut être considéré comme probant lorsqu'il affirme, sans aucun élément matériel, que le contrôle ne portait que sur la période 2011 à 2015 - donc postérieure à la saisie de Manas Bank (pièce B, n° 87) ; qu'il apparaît, par conséquent, que Manas Bank prolongeait, dans un Etat doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment ; 5) Le volume et la structure des opérations réalisées par Manas Bank ; que le KIRGHIZSTAN a produit dans l'instance arbitrale deux rapports d'une société d'experts indépendants East Star Capital (ESC); que le tribunal arbitral relève que ces rapports ont été préparés par deux consultants occidentaux en quelques semaines, qu'ils ne prétendent pas contenir de preuves, mais se bornent à faire allusion à des faits dont ils allèguent qu'ils devraient faire l'objet d'investigations plus approfondies (sentence § 164 et 165), que le second contiendrait, en outre, des erreurs d'évaluation des débits et des crédits, ainsi que des erreurs de dénomination des transactions (sentence § 176) ; toutefois, que ne sont pas contestées les données suivantes figurant dans le second rapport ESC (pièce B, n° 68) : qu'en deux ans et huit mois, la valeur totale des transactions de Manas Bank s'élevait à 5,2 milliards USD, soit un peu plus que le Produit Intérieur Brut total annuel de la République kirghize en 2008, et que sur la valeur totale des transactions, 80 %, soit 4,2 milliards USD impliquaient des sociétés non- résidentes (rapport, p. 7); que ces données sont d'ailleurs confirmées par un rapport établi le 10 août 2016 par l'Agence de la République Kirghize pour la Réorganisation des Banques et la Restructuration de la dette (DEBRA) établissement public exerçant les fonctions d'administrateur judiciaire des banques en situation de faillite (pièce RK n° 64 non contestée par M. [K]) qui fait ressortir que le chiffre global des mouvements de crédit sur la totalité des comptes clients de CJSC Manas Bank entre le 1er janvier 2008 et le 7 avril 2010 s'élevait à 5.923.825.731 USD (au taux moyen en vigueur au moment du calcul) dont 561.997.922 som (monnaie kirghize), 2.896.574.489 USD, 1.786.110.525 euros et le reste dans d'autres devises; que le volume et la structure de ces transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2007 apparaissent sans rapport avec l'état de l'économie kirghize; qu'un succès aussi foudroyant, dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes ; qu'il résulte de ce qui précède des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie ; que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence entreprise, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, viole de manière manifeste, effective et concrète l'ordre public international; qu'il convient donc de prononcer l'annulation sollicitée ;
1°) ALORS QU'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir relevé, d'une part, que selon l'article 23 (1) de la convention de Mérida, le blanchiment s'entend, « des faits suivants lorsqu'ils sont commis intentionnellement : la conversion ou (le) transfert de biens dont celui qui s'y livre sait qu'ils sont le produit du crime, dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens ou d'aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l'infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ; la dissimulation ou (le) déguisement de la nature véritable, de l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l'auteur sait qu'ils sont le produit du crime; (...) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu'ils sont le produit du crime; la participation à l'une des infractions établies conformément au présent article ou à toute association, entente, tentative ou complicité par fourniture d'une assistance, d'une aide ou de conseils en vue de sa commission », d'autre part, qu'il entre dans sa mission de « rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, telles que définies par les stipulations précitées de la convention de Mérida » (arrêt attaqué p. 9 § 3) et, enfin, qu'il existe « des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie », pour en déduire que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses (arrêt attaqué p. 15 § 6), la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé que M. [K] a commis intentionnellement l'un des faits de blanchiment visés par la convention de Mérida du 9 décembre 2003, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris de relations inappropriées entre M. [K] et M. [X], les prestations et moyens fournis par Manas Bank au second s'analysant comme des abus de biens sociaux (arrêt attaqué, p. 12 § 2), de ce que l'appel d'offres pour l'acquisition d'Insan Bank s'est déroulé dans des conditions irrégulières (arrêt attaqué p. 13 § 4), de ce que la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la réalité de ses contrôles sur la banque sujette à caution (arrêt attaqué, p. 14 § 2), de ce que « Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, des activités d'une banque Lettone peu soucieuse des règles de vigilances anti-blanchiment » (arrêt attaqué, p. 15 § 1) et de ce que « le volume et la structure » des « transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2007 apparaissaient sans rapport avec l'Etat de économie kirghize » et « qu'un succès aussi foudroyant dans un temps aussi bref dans un pays aussi pauvre n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes » (arrêt attaqué, p. 15, § 5), soit de constatations insusceptibles d'établir que M. [K] aurait participé intentionnellement à des faits de blanchiment tels que visés par la convention de Mérida, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le juge qui décide de relever d'office un moyen est tenu de respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que « les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux », sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en se bornant à affirmer que les relations entre M. [K] et M. [X] peuvent être qualifiées d'inappropriées « dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux », sans préciser au regard de quelle règle de droit elle se prononçait, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer, en considération des relations étroites entre la Baltic International Bank et la Manas Bank et de l'amende imposée par le Conseil de la commission des marchés financiers de capitaux de Lettonie à la Baltic International Bank et à sa présidente, pour « violation répétée des dispositions de la loi sur la prévention du blanchiment des produits d'activités criminelles », qu'« il apparaît, par conséquent, que Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer, en considération du volume des transactions effectuées par Manas Bank en deux ans et demi, « qu'un succès aussi foudroyant dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. | Il résulte de l'article 1520, 5°, du code de procédure civile que le juge de l'annulation doit rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est compatible avec l'ordre public international.
Cette recherche n'est ni limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par eux, son seul office à cet égard consistant à s'assurer que la production des éléments de preuve devant lui respecte le principe de la contradiction et celui d'égalité des armes |
7,652 | N° D 21-82.427 F- B
N° 00374
GM
30 MARS 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 MARS 2022
M. [E] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 31 mars 2021, qui, dans la procédure suivi contre lui pour violences aggravées en récidive, mise en danger de la vie d'autrui et dégradations volontaires, a prononcé sur sa requête en restitution d'objet saisi.
Un mémoire, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [E] [X], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 23 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement définitif du 4 mai 2020, le tribunal correctionnel de Grasse a déclaré M. [X] coupable de violences volontaires sur ascendants suivies d'incapacité inférieure à 8 jours en récidive, violences volontaires suivies d'incapacité inférieure à 8 jours par ancien concubin avec arme par destination en récidive, mise en danger de la vie d'autrui et dégradations volontaires du bien d'autrui et l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis probatoire, sans toutefois statuer sur la restitution du véhicule Volkswagen, placé sous scellé durant l'enquête et avec lequel le demandeur, qui transportait également leur enfant commun âgé de deux ans, avait percuté volontairement le véhicule de son ancienne compagne.
3. Le 11 décembre 2020, le procureur de la République de Grasse a refusé de faire droit à la demande de restitution formulée par M. [X] qui a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen pris en ses sixième et septième branches
4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de restitution d'un véhicule saisi, présentée par M. [E] [X], alors :
« 1°/ que l'inconstitutionnalité et l'abrogation de l'article 41-4 du code de procédure pénale, qui permet de refuser la restitution de biens appartenant au prévenu, et qui ont été saisis pendant la procédure ayant abouti à sa condamnation, sans que leur confiscation qui pouvait être prononcée ait été ordonnée, invoquée par mémoire distinct que ne manquera pas de constater le Conseil constitutionnel entraînera l'annulation de l'arrêt attaqué par application des articles 61-1 et 62 de la Constitution ;
2°/ que les jugements définitifs ont autorité de la chose jugée ; que, par jugement du 4 mai 2020, le tribunal judiciaire de Grasse a condamné M. [X] à une peine d'emprisonnement, pour des violences volontaires ayant entraîné une ITT de moins de 8 jours sur son ancienne concubine, avec usage d'une arme et en récidive, commises le 30 avril 2020, à une peine de 18 mois d'emprisonnement dont 9 mois avec sursis ; que, par l'arrêt attaqué, la chambre de l'instruction a rejeté la requête en restitution du véhicule Tiguan que M. [X] avait utilisé le jour des faits en venant percuter le véhicule de son ex-concubine, en relevant que ce véhicule constituait l'arme par destination visées aux poursuites pour lesquelles il avait été condamné et ainsi l'instrument de l'infraction dont elle pouvait refuser la restitution et que la gravité des faits et la personnalité de M. [X] au moment des faits justifiaient de ne pas faire droit à la demande de restitution ; que, dès lors que le tribunal correctionnel saisi des poursuites n'avait pas condamné M. [X] à la peine de confiscation de ce véhicule, en refusant de le restituer au regard des critères de la peine, ce qui aboutissait à la confiscation de fait dudit véhicule que le tribunal correctionnel n'avait pas jugé nécessaire, la chambre de l'instruction a porté atteinte à l'autorité de la chose jugée par le tribunal correctionnel, en violation des articles 6 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en refusant la restitution au regard des critères de la peine et au vu des faits de violences volontaires par usage d'une arme par destination commis le 30 avril 2020, le véhicule étant considéré comme l'arme par destination utilisée au moment des faits et à ce titre l'instrument du délit dont la restitution pouvait être refusée, la chambre de l'instruction qui prononce ainsi une sanction à caractère punitif, équivalente à une confiscation, alors que M. [X] avait déjà été condamné pour les mêmes faits, a violé l'article 4 du Protocole n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
4°/ que portant atteinte au droit de propriété, la confiscation ou le refus de restitution de biens saisis doit être nécessaire et proportionné au but poursuivi ; que dès lors que le tribunal correctionnel n'avait pas jugé nécessaire de confisquer le véhicule de M. [X] dont il retenait pourtant la culpabilité pour violences volontaires par usage d'une arme par destination, le refus de restitution de ce véhicule, postérieurement au jugement de condamnation, fondé non sur la dangerosité intrinsèque du bien saisi mais sur le fait qu'il avait été utilisé pour commettre une infraction, sur la gravité des faits et sur la personnalité de M. [X] au moment des faits, ne pouvait être considéré comme nécessaire et proportionné au regard d'éléments que le tribunal correctionnel avait déjà appréciés ; que dès lors, en rejetant la demande de restitution qui ne pouvait être proportionnée au but poursuivi, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
5°/ qu'il appartient à la chambre de l'instruction à laquelle est déférée la décision de non-restitution de l'instrument de l'infraction rendue par le ministère public après que la juridiction de jugement saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, d'apprécier, sans porter atteinte aux droits du propriétaire de bonne foi, s'il y a lieu ou non de restituer le bien au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; que, par ailleurs, les juges ne peuvent prendre en considération les condamnations ayant entraîné une réhabilitation de plein droit, sauf pour les besoins de la récidive ; qu'en prenant en considération, pour apprécier la personnalité M. [X], des condamnations dont le juge de l'application des peines avait rappelé dans sa décision à laquelle l'arrêt attaqué se réfère qu'elles étaient réhabilitées de plein droit, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 133-16 du code pénal.»
Réponse de la Cour
Sur le moyen pris en sa première branche
6. Par décision du 3 décembre 2021 (Cons. Const. 3 décembre 2021, décision n° 2021-951 QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article 41-4 du code de procédure pénale.
7. Il en résulte que le moyen est devenu sans objet.
Sur le moyen pris en sa deuxième branche
8. Le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la décision de non-restitution a porté atteinte à l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal judiciaire l'ayant condamné pour violences volontaires mais sans statuer sur la confiscation ou la restitution de son véhicule placé sous scellé pendant l'enquête, véhicule, instrument de l'infraction, visé comme arme par destination à la prévention.
9. En effet, en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu l'article 6 du code de procédure pénale dès lors que la demande en restitution, initiée par le demandeur, n'a pas le même objet que les poursuites engagées contre celui-ci qui ont abouti au jugement de condamnation du 4 mai 2020, aujourd'hui définitif.
10. En conséquence, le grief ne saurait être accueilli.
Sur le moyen pris en sa troisième branche
11. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que l'article 4 du protocole n° 7 à la Convention européenne des
droits de l'homme est applicable seulement lorsque sont concernées deux
procédures de nature « pénale », visant la même infraction, la seconde, qui doit être nouvelle, constituant une répétition des poursuites déjà jugées définitivement dans le même Etat par la première.
12. La Cour européenne des droits de l'homme se fonde, pour écarter l'application de ces dispositions, sur plusieurs critères tenant à la fois à la nature de la seconde procédure mais également à celle de la mesure qui a été prononcée à l'issue de celle-ci. Elle considère ainsi que ne peut avoir un caractère punitif une mesure prise à titre préventif (CEDH, arrêt du 8 novembre 2018, Serazin c. Croatie, n° 19120/15 ; CEDH, arrêt du 20 mars 2001, Hangl c. Autriche, n° 38716/97).
13. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la Cour juge que les sanctions imposées pour les mêmes faits par des autorités différentes dans le cadre de procédures distinctes sont considérées comme faisant partie de la même procédure dès lors qu'il peut être constaté entre elles un lien, matériel et temporel, suffisamment étroit, telle que la mesure prise dans le cadre de la seconde procédure qui est la suite directe de la décision de condamnation et ne comporte pas un nouvel examen de l'infraction ou du comportement en cause (CEDH, arrêt du 13 décembre 2005, Nilsonn c. Suède, n° 73661/01 ; CEDH, arrêt du 21 septembre 2006, Maszni c. Roumanie, n° 59892/00, §§ 68-70).
14. Il résulte de ce qui précède le principe suivant : la décision de refus de
restitution d'une juridiction, saisie sur le fondement de l'article 41-4 du code de procédure pénale par une personne reconnue coupable d'avoir commis des infractions et condamnée pénalement par une décision distincte d'une juridiction répressive qui a omis de se prononcer sur la restitution de biens saisis au cours de l'enquête ou de l'information, ne peut être considérée comme une décision statuant sur des poursuites au sens de l'article 4 du Protocole n° 7 à la Convention.
15. Il s'ensuit que le grief ne peut être accueilli.
Sur le moyen pris en sa quatrième branche
16. Pour refuser de restituer son véhicule à M. [X], l'arrêt attaqué relève qu'il est insuffisant que l'intéressé fasse des efforts de réadaptation sociale relevés par le juge d'application des peines, alors que la période probatoire n'est pas terminée et qu'un amendement durable et définitif est loin d'être acquis, que ce magistrat relève aussi que si M. [X] n'est pas dangereux sur le plan psychiatrique selon l'expert, « son état nécessite un suivi thérapeutique strict afin de prévenir le risque de réitération », que ce risque est largement illustré par ses conduites addictives anciennes de consommation de stupéfiants qui lui ont valu deux condamnations, ainsi que par d'autres condamnations précédentes des chefs de violences avec arme et dégradation du bien d'autrui prononcées en 2004 et en 2005, laissant penser qu'il peut s'agir de faits commis selon le même mode opératoire que celui au moyen de son véhicule Tiguan, et enfin par la condamnation intervenue le 12 février 2020 pour violences commises sur Mme [S] qui lui a valu d'être en récidive légale retenue par le jugement du 4 mai 2020.
17. En l'état de ces énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, dont il résulte qu'elle a apprécié le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété de l'intéressé au regard de la situation personnelle de ce dernier et de la gravité concrète des faits, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
18. Le grief ne peut qu'être écarté.
Sur le moyen pris en sa cinquième branche
19. Pour refuser de restituer son véhicule à M. [X], l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au paragraphe 16 de la présente décision.
20. En se déterminant ainsi, et dès lors qu'en application des dispositions combinées des articles 133-16 du code pénal et 769 du code de procédure pénale, la réhabilitation de plein droit d'une condamnation n'interdit pas à la juridiction de prendre en compte, lors de l'examen d'une demande de restitution d'un bien qui a servi à commettre les infractions, cet élément de personnalité figurant régulièrement au dossier de la procédure par sa mention au casier judiciaire, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
21. Dès lors le moyen n'est pas fondé.
22. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente mars deux mille vingt-deux. | La décision de refus de restitution d'une juridiction, saisie sur le fondement de l'article 41-4 du code de procédure pénale par une personne reconnue coupable d'avoir commis des infractions et condamnée pénalement par une décision distincte d'une juridiction répressive qui a omis de se prononcer sur la restitution de biens saisis au cours de l'enquête ou de l'information, ne peut être considérée comme une décision statuant sur des poursuites au sens de l'article 4 du Protocole n° 7 à la Convention |
7,653 | N° A 21-82.217 F- B
N° 00375
GM
30 MARS 2022
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 MARS 2022
Mme [W] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 23 février 2021, qui, dans la procédure suivie contre M. [V] [O] pour escroquerie en bande organisée, a notamment ordonné une mesure de confiscation et prononcé sur sa demande de restitution d'objet saisi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [W] [N], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 23 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. M. [V] [O] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef d'escroquerie en bande organisée. Son épouse, Mme [W] [N], a quant à elle été poursuivie pour recel de ce délit.
2. Par jugement du 28 septembre 2020, le tribunal a déclaré M. [O] et Mme [N] coupables des faits poursuivis. Il a condamné M. [O] à cinq ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende, et Mme [N] à six mois d'emprisonnement et 10 000 euros d'amende.
3. Le tribunal a par ailleurs ordonné la mainlevée de la saisie pénale d'un immeuble situé à [Localité 1], propriété des époux [O], mais qualifié d'immeuble en état d'indivision entre ces derniers.
4. Sur l'action civile, enfin, il a déclaré M. [O] et Mme [N], outre d'autres prévenus, solidairement responsables des dommages subis par M. et Mme [H], parties civiles.
5. M. [O] a interjeté appel des dispositions pénales et civiles du jugement.
Le ministère public a interjeté appel incident sur les dispositions pénales du jugement et appel principal sur la mainlevée de la saisie pénale.
6. M. et Mme [H] ont interjeté appel des dispositions civiles du jugement.
7. Mme [O] n'a pas interjeté appel de la décision.
Examen du moyen
Sur le moyen soulevé d'office et mis dans le débat
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
8. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour ordonner la confiscation en valeur, à titre de produit de l'infraction commise par M. [O], de l'immeuble situé à [Localité 1] (60), l'arrêt retient que les faits sont d'une gravité déjà évoquée et n'ont eu comme motivation que l'enrichissement frauduleux de ses auteurs, dont M. [O] mais aussi son épouse, également propriétaire du bien en cause, de sorte qu'il est particulièrement adapté d'envisager une sanction d'ordre pécuniaire à leur encontre.
10. Les juges précisent que le produit de l'infraction d'escroquerie en bande organisée, à laquelle M. [O] a pris part, est une somme totale de plusieurs centaines de milliers d'euros obtenue frauduleusement des époux [H].
11. Ils en concluent que la confiscation en valeur de l'immeuble est une peine complémentaire adaptée à la gravité des faits, à la personnalité de leur auteur et à sa situation personnelle, et parfaitement proportionnée.
12. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'immeuble appartenait à M. [O] ainsi qu'à son épouse, Mme [N], et qu'il lui appartenait donc de rechercher si ce bien était en état d'indivision ou bien s'il appartenait à la communauté conjugale, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur les conditions de la mesure de confiscation ordonnée, a insuffisamment justifié sa décision.
13. En effet, lorsque le bien dont la confiscation est envisagée est en état d'indivision entre la personne condamnée et son époux de bonne foi, cette peine ne peut porter que sur la part indivise de la personne condamnée, les droits de l'époux de bonne foi devant lui être restitués, y compris lorsque le bien constitue le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188).
14. En revanche, lorsque le bien dont la confiscation est envisagée est commun à des époux mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts et que l'époux non condamné pénalement est de bonne foi, la confiscation ne peut qu'emporter sa dévolution pour le tout à l'Etat, sans qu'il puisse demeurer grevé des droits de l'époux de bonne foi, la confiscation faisant naître un droit à récompense pour la communauté lors de la dissolution de celle-ci (Crim., 9 septembre 2020, pourvoi n° 18-84.619).
15. Dans ce cas, il appartient à la cour d'appel saisie de l'appel interjeté par l'époux de bonne foi contre le jugement rejetant, en raison du prononcé de la peine complémentaire de confiscation, sa requête en restitution d'un bien commun placé sous main de justice, d'abord de s'assurer du caractère confiscable du bien dont la restitution est sollicitée, en application des conditions légales, en précisant la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure (Crim., 27 juin 2018, pourvoi n° 16-87.009, Bull. crim. 2018, n° 128). Il lui appartient ensuite d'apprécier si, nonobstant la reconnaissance d'un droit à récompense pour la communauté, il y a lieu de confirmer la confiscation en tout ou partie, en restituant tout ou partie du bien à la communauté, au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation de son auteur, ainsi que de la situation personnelle de l'époux de bonne foi, en s'expliquant, hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction, sur le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'époux de bonne foi lorsqu'une telle garantie est invoquée, ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine.
16. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 23 février 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la mesure de confiscation de l'immeuble situé à [Localité 1], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente mars deux mille vingt-deux. | Lorsque le bien dont la confiscation est envisagée est en état d'indivision entre la personne condamnée et son époux de bonne foi, cette peine ne peut porter que sur la part indivise de la personne condamnée, les droits de l'époux de bonne foi devant lui être restitués, y compris lorsque le bien constitue le produit direct ou indirect de l'infraction.
En revanche, lorsque le bien dont la confiscation est envisagée est commun à des époux mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts et que l'époux non condamné pénalement est de bonne foi, la confiscation ne peut qu'emporter sa dévolution pour le tout à l'Etat, sans qu'il puisse demeurer grevé des droits de l'époux de bonne foi, la confiscation faisant naître un droit à récompense pour la communauté lors de la dissolution de celle-ci.
En conséquence, il appartient à la cour d'appel saisie de l'appel interjeté par l'époux de bonne foi contre le jugement rejetant, en raison du prononcé de la peine complémentaire de confiscation, sa requête en restitution d'un bien commun placé sous main de justice, d'abord de s'assurer du caractère confiscable du bien dont la restitution est sollicitée, en application des conditions légales, en précisant la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure. Il lui appartient ensuite d'apprécier si, nonobstant la reconnaissance d'un droit à récompense pour la communauté, il y a lieu de confirmer la confiscation en tout ou partie, en restituant tout ou partie du bien à la communauté, au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation de son auteur, ainsi que de la situation personnelle de l'époux de bonne foi, en s'expliquant, hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction, sur le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'époux de bonne foi lorsqu'une telle garantie est invoquée, ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine |
7,654 | N° J 22-80.021 FS- B
N° 00452
GM
30 MARS 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 MARS 2022
M. [G] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 10e section, en date du 21 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, de vols en bande organisée et tentatives de vols en bande organisée, en récidive, association de malfaiteurs et infraction à la législation sur les armes, a ordonné sa détention provisoire après infirmation de l'ordonnance du juge d'instruction l'ayant placé sous contrôle judiciaire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. [G] [L], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, Mme Planchon, M. d'Huy, M. Wyon, M. Turcey, M. de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, M. Ascensi, Mme Fouquet, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [L] a été mis en examen le 8 décembre 2021 des chefs de vols en bande organisée et tentatives de vol en bande organisée, en récidive légale, association de malfaiteurs et acquisition et détention d'armes de catégorie B par personne déjà condamnée.
3. Le juge d'instruction, saisi de réquisitions aux fins de placement en détention provisoire, a dit n'y avoir lieu à saisir le juge des libertés et de la détention et, par ordonnance du même jour, a placé M. [L] sous contrôle judiciaire.
4. Le procureur de la République a interjeté appel de cette ordonnance.
5. Plusieurs jours avant l'audience, l'avocat de M. [L] a adressé à la chambre de l'instruction une demande de renvoi invoquant son indisponibilité. La veille de l'audience, cet avocat a informé la juridiction de l'isolement auquel était astreint son client, testé positif à la Covid 19. Lors de l'audience M. [L] n'a pas comparu devant la chambre de l'instruction mais était représenté par son avocat qui a déposé un mémoire.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de renvoi de M. [L], alors « qu'en cas d'appel du ministère public dirigé contre l'ordonnance ayant placé sous contrôle judiciaire le mis en examen, la comparution personnelle de ce dernier est de droit devant la chambre de l'instruction, laquelle n'est pas tenue de statuer dans les délais prévus à l'article 194 du code de procédure pénale ; qu'en se fondant, pour refuser de faire droit à la demande de renvoi formulée par M. [L], testé positif à la Covid 19 la veille de l'audience, sur les « délais contraints » qui lui seraient prétendument impartis pour statuer, la chambre de l'instruction a violé les articles 194 et 199 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Le moyen est inopérant, la personne mise en examen n'ayant pas sollicité de renvoi en vue de sa comparution personnelle rendue impossible par son placement à l'isolement pendant dix jours consécutivement à son dépistage positif à la Covid 19.
9. Au surplus, en énonçant de façon surabondante que, compte tenu de la date du test positif et des délais contraints pour statuer, un renvoi serait inopérant pour permettre à M. [L] de comparaître, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
10. En effet, la chambre de l'instruction, statuant sur l'appel interjeté par le procureur de la République à l'encontre de l'ordonnance du juge d'instruction qui, saisi de réquisitions aux fins de placement en détention provisoire, a placé la personne mise en examen sous contrôle judiciaire, se prononce en matière de détention provisoire et, en conséquence, est tenue de statuer dans le délai de quinze jours prévu par le quatrième alinéa de l'article 194 du code de procédure pénale.
11. Dès lors, le moyen doit être écarté.
12. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente mars deux mille vingt-deux. | La chambre de l'instruction, statuant sur l'appel interjeté par le procureur de la République à l'encontre de l'ordonnance du juge d'instruction qui, saisi de réquisitions aux fins de placement en détention provisoire, a placé la personne mise en examen sous contrôle judiciaire, se prononce en matière de détention provisoire et, en conséquence, est tenue de statuer dans le délai de quinze jours prévu par le quatrième alinéa de l'article 194 du code de procédure pénale |
7,655 | CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 mars 2022
Cassation sans renvoi
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 260 FS-D
Pourvoi n° F 20-22.050
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 MARS 2022
1°/ [L] [G], veuve [I], ayant été domiciliée [Adresse 10] (Tunisie), décédée,
2°/ Mme [U] [I], épouse [R], domiciliée [Adresse 9] (Tunisie),
3°/ Mme [C] [I], épouse [Z], domiciliée [Adresse 3] (Tunisie),
4°/ Mme [B] [I] épouse [H], domiciliée [Adresse 4],
5°/ M. [P] [I], domicilié [Adresse 1],
6°/ M. [D] [I], domicilié [Adresse 11] (Tunisie),
7°/ Mme [A] [I], épouse [Y], domiciliée [Adresse 6] (Tunisie),
8°/ Mme [F] [I], épouse [W], domiciliée [Adresse 7],
9°/ M. [N] [I], domicilié [Adresse 8] (Tunisie),
10°/ Mme [E] [I], épouse [M], domiciliée [Adresse 2],
tous neuf agissant en qualité d'héritiers de [L] [G], veuve [I], décédée,
ont formé le pourvoi n° F 20-22.050 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige les opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 5], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mmes [U], [C], [B], [A], [F] et [E] [I] et de MM. [P], [D] et [N] [I], et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 2020), [L] [G], née le 3 septembre 1926 à [Localité 12] (Haute-Garonne), s'est mariée le 6 juillet 1946 à [Localité 13] avec M. [I], de nationalité tunisienne, et a acquis la nationalité de son époux par déclaration du 25 mai 1957.
2. Elle a assigné le ministère public pour voir juger qu'elle avait conservé la nationalité française. Après son décès, l'instance a été reprise par ses héritiers.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
3. Les consorts [I] font grief à l'arrêt de rejeter la demande tendant à faire juger que [L] [G] a conservé la nationalité française, alors :
« 1°/ que la Convention franco-tunisienne du 3 juin 1955 ne prévoyait pas la perte de la nationalité française par le ressortissant français qui avait acquis la nationalité tunisienne ; qu'en retenant, pour confirmer le jugement ayant débouté [L] [G], veuve [I], de son action déclaratoire de nationalité, que la perte de la nationalité française par celle-ci résultait des seules stipulations de la Convention francotunisienne du 3 juin 1955, la cour d'appel a violé les articles 7 et 8 de la Convention franco-tunisienne précitée ;
2°/ que sous l'empire du code de la nationalité française, les femmes françaises qui ont acquis la nationalité de leur époux tunisien ont perdu la nationalité française en application de l'article 87 de ce code ; qu'en retenant, pour confirmer le jugement ayant débouté [L] [G], veuve [I], de son action déclaratoire de nationalité, que la perte de la nationalité française par celle-ci résultait des seules stipulations de la Convention franco-tunisienne du 3 juin 1955, les articles 87 du code de la nationalité française issu de l'ordonnance du 19 octobre 1945 et 9 de la même ordonnance, issu de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954, étant inapplicables au litige, la cour d'appel a violé les textes précités. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 8, c, de la Convention générale entre la France et la Tunisie, conclue à Paris le 3 juin 1955 :
4. Ce texte stipule :
« Le Gouvernement français s'engage à ne pas revendiquer comme ses ressortissants les nationaux français résidant en Tunisie qui acquerront la nationalité tunisienne par voie de naturalisation individuelle. Si le candidat à la naturalisation tunisienne est un Français du sexe masculin qui n'a pas accompli son service militaire actif, il devra avoir été autorisé dans les formes prévues par la loi française du 9 avril 1954. »
5. Pour dire que [L] [G] a perdu la nationalité française du fait de son acquisition de la nationalité tunisienne par déclaration, l'arrêt retient que la perte de sa nationalité française résulte des seules dispositions de la Convention franco-tunisienne du 3 juin 1955, les articles 87 de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 et 9 de la même ordonnance, issu de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954, étant inapplicables au litige.
6. En statuant ainsi, alors que l'article 8, c, de la Convention franco-tunisienne régit exclusivement les relations entre les Etats parties et n'est pas d'effet direct à l'égard des particuliers, lesquels ne peuvent ni en revendiquer l'application ni se le voir opposer, la cour d'appel a violé le texte susvisé, par fausse application.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. Selon l'article 23-1°du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945, est Français l'enfant, légitime, né en France d'un père qui y est également né.
10. Selon l'article 87 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, perd la nationalité française le Français majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère.
11. L'article 9 de cette même ordonnance, dans sa rédaction issue de la
loi n° 54-395 du 9 avril 1954, dispose :
« Jusqu'à une date qui sera fixée par décret, l'acquisition d'une nationalité étrangère par un Français du sexe masculin ne lui fait perdre la nationalité française qu'avec l'autorisation du Gouvernement français.
Cette autorisation est de droit lorsque le demandeur a acquis une nationalité étrangère après l'âge de cinquante ans.
Les Français du sexe masculin qui ont acquis une nationalité étrangère entre le 1er juin 1951 et la date d'entrée en vigueur de la présente loi, seront réputés n'avoir pas perdu la nationalité française nonobstant les termes de l'article 88 du code de la nationalité. Ils devront, s'ils désirent perdre la nationalité française, en demander l'autorisation au Gouvernement français, conformément aux dispositions de l'article 91 dudit code. Cette autorisation est de droit. »
12. Dans sa décision n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré que l'article 87 du code de la nationalité française, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945, était conforme à la Constitution, mais qu'étaient contraires à celle-ci les mots « du sexe masculin », figurant à l'article 9 de cette même ordonnance, dans sa rédaction résultant de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954.
13. Il a précisé que cette inconstitutionnalité ne pouvait être invoquée que par les femmes qui avaient perdu la nationalité française par l'application des dispositions de l'article 87 du code de la nationalité française entre le 1er juin 1951 et l'entrée en vigueur de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973, ainsi que par leurs descendants (§ 12).
14. Le tribunal ayant relevé que [L] [G], née le 3 septembre 1926 à [Localité 12], était issue de l'union de [T] [G], né le 12 mars 1887, à [Localité 14], et d'[X] [S], mariés le 22 juin 1912, il en résulte qu'étant française par application de l'article 23-1° précité, elle n'a pas perdu cette nationalité en acquérant par déclaration, le 25 mai 1957, la nationalité tunisienne de son époux.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 août 2018 ;
Dit que [L] [G] a conservé la nationalité française ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public, en ce compris ceux exposés en appel et en cassation ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mmes [U], [C], [B], [A], [F] et [E] [I] et de MM. [P], [D] et [N] [I], ès qualités.
Les consorts [I] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté [L] [G], veuve [I], de ses demandes tendant à faire juger qu'elle avait conservé la nationalité française ;
1°) ALORS QUE la Convention franco-tunisienne du 3 juin 1955 ne prévoyait pas la perte de la nationalité française par le ressortissant français qui avait acquis la nationalité tunisienne ; qu'en retenant, pour confirmer le jugement ayant débouté [L] [G], veuve [I], de son action déclaratoire de nationalité, que la perte de la nationalité française par celle-ci résultait des seules stipulations de la Convention franco-tunisienne du 3 juin 1955, la cour d'appel a violé les articles 7 et 8 de la Convention franco-tunisienne précitée ;
2°) ALORS QUE sous l'empire du code de la nationalité française, les femmes françaises qui ont acquis la nationalité de leur époux tunisien ont perdu la nationalité française en application de l'article 87 de ce code ; qu'en retenant, pour confirmer le jugement ayant débouté [L] [G], veuve [I], de son action déclaratoire de nationalité, que la perte de la nationalité française par celle-ci résultait des seules stipulations de la Convention franco-tunisienne du 3 juin 1955, les articles 87 du code de la nationalité française issu de l'ordonnance du 19 octobre 1945 et 9 de la même ordonnance, issu de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954, étant inapplicables au litige, la cour d'appel a violé les textes précités ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'article 8, c, de la Convention franco-tunisienne ne visait que l'acquisition de la nationalité tunisienne par voie de naturalisation individuelle, et n'était donc pas applicable à l'acquisition de la nationalité tunisienne par déclaration à raison du mariage avec un ressortissant tunisien ; qu'en retenant, pour confirmer le jugement ayant débouté [L] [G], veuve [I], de son action déclaratoire de nationalité, que la Convention franco-tunisienne ne faisait pas la distinction entre les acquisitions individuelles de la nationalité tunisienne par décision de l'autorité publique et les acquisitions individuelles par voie de déclaration par l'effet de la loi, la cour d'appel a violé l'article 8, c, de ladite Convention.
Le greffier de chambre | Viole l'article 8, c), de la Convention générale entre la France et la Tunisie conclue à Paris le 3 juin 1955, qui stipule que le gouvernement français s'engage à ne pas revendiquer comme ses ressortissants les nationaux français résidant en Tunisie qui acquerront la nationalité tunisienne par voie de naturalisation individuelle et que, si le candidat à la naturalisation tunisienne est un français du sexe masculin qui n'a pas accompli son service militaire actif, il devra avoir été autorisé dans les formes prévues par la loi française du 9 avril 1954, une cour d'appel qui fait application de ce texte pour dire qu'un ressortissant français a perdu la nationalité française, alors qu'il régit exclusivement les relations entre les Etats parties et n'est pas d'effet direct à l'égard des particuliers, lesquels ne peuvent ni en revendiquer l'application ni se le voir opposer.
Il ressort des articles 87 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, et 9 de cette même ordonnance, dans sa rédaction issue de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954, ainsi que de la décision du Conseil constitutionnel, Cons. const., 9 janvier 2014, décision n° 2013-360 QPC, qu'une ressortissante française qui a acquis la nationalité étrangère de son époux par déclaration entre le 1er juin 1951 et l'entrée en vigueur de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 ne perd pas la nationalité française |
7,656 | CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 mars 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 274 FS-B
Pourvoi n° D 19-17.996
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 MARS 2022
1°/ M. [I] [X],
2°/ Mme [Z] [S] épouse [X],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° D 19-17.996 contre l'arrêt rendu le 17 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige les opposant à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. et Mme [X], de la SCP Spinosi, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, Mme Guihal, M. Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 avril 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-11.337), suivant offres acceptées les 16 décembre 2008 et 5 octobre 2009, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à M. et Mme [X] (les emprunteurs) trois prêts immobiliers, libellés en francs suisses et remboursables en euros, dénommés Helvet Immo et destinés à financer l'acquisition d'appartements et d'emplacements de stationnement.
2. Par acte du 19 janvier 2012, les emprunteurs ont assigné la banque au titre de manquements à ses obligations, puis invoqué le caractère abusif de certaines clauses des contrats.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites leurs demandes relatives à la reconnaissance du caractère abusif de certaines clauses des contrats Helvet Immo, ainsi que les demandes subséquentes, alors « que la demande du consommateur tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive n'est pas soumise à la prescription quinquennale ; qu'en retenant, pour les déclarer irrecevables, que les demandes des emprunteurs tendant à voir déclarer non écrites les clauses abusives des contrats de prêt Helvet Immo étaient soumises à la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
4. Selon le premier de ces textes, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
5. Il résulte du second que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
6. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.
7. Il s'en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 précité n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
8. Pour déclarer les demandes irrecevables, comme prescrites, l'arrêt retient que l'action engagée par les emprunteurs pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d'abusives, qui relève du droit commun des contrats, est soumise à la prescription quinquennale et que celles-ci ont été formées plus de cinq ans après l'acceptation des offres de prêt.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le deuxième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
10. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires au titre du manquement de la banque à son obligation d'information, alors :
« 3°/ que le banquier dispensateur d'un crédit en devise étrangère remboursable en euros doit, au titre de son devoir d'information, exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère, de sorte que l'emprunteur soit mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et les risques qui en découlent pour lui, notamment en lui fournissant des informations suffisantes pour lui permettre de prendre ses décisions avec prudence et en toute connaissance de cause, ces informations devant au moins traiter de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'Etat membre où l'emprunteur est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger, en informant les emprunteurs qu'en souscrivant un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, il s'expose à un risque de change qu'il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d'assumer en cas de dépréciation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été accordé, mais également en exposant à l'emprunteur les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d'un prêt en devises étrangères tels que le risque d'impossibilité d'exercer le mécanisme d'option en euros, le risque d'impossibilité de procéder au rachat du prêt ou à la revente du bien ; qu'en se bornant à relever, pour statuer comme elle l'a fait, que les emprunteurs avaient été clairement, précisément, expressément, informés sur le risque de variation du taux de change, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les termes « risque de change » n'étaient pas absents de l'offre de prêt et des documents annexes, ce qui était de nature à démontrer que l'information délivrée par la banque était insuffisante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ qu'en se bornant encore à relever que les emprunteurs avaient reçu une information suffisante sur l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus, qui serait illustrée par les exemples chiffrés annexés à l'offre de prêt, sans constater que l'information et les exemples donnés traitaient de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de l'euro, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
11. Lorsqu'elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger.
12. Pour écarter tout manquement de la banque à son obligation d'information, l'arrêt relève, d'abord, que les opérations de change sont clairement décrites dans l'offre, que les clauses « description de votre crédit », « financement de votre crédit », « ouverture de compte interne en euros et d'un compte interne en francs suisses », « opérations de change » font expressément référence aux opérations et aux frais de change, que, dans l'article « opérations de change », il est expressément mentionné que l'amortissement du capital du prêt évoluera en fonction des variations du taux de change et que le taux de change applicable à toutes les opérations de change sera celui de référence publié sur le site internet de la Banque Centrale Européenne. Il retient, ensuite, que cet article explique que l'amortissement du prêt se fait par la conversion des échéances fixes en euros, que la conversion s'opérera selon un taux de change qui pourra évoluer, que l'amortissement évolue en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels effectués par l'emprunteur, que l'amortissement du capital sera plus ou moins rapide, selon qu'il résulte de l'opération de change une somme supérieure ou inférieure à l'échéance en francs suisses exigible, de sorte que les emprunteurs ont été clairement, précisément et expressément informés sur le risque de variation du taux de change et sur son influence sur la durée du prêt et donc sur la charge totale de remboursement de ce prêt. Il ajoute que les trois annexes font expressément référence à l'incidence de la variation du taux de change sur le montant des règlements, la durée et le coût total du crédit, qu'il est spécifié que les tableaux et les exemples chiffrés sont prévisionnels et indicatifs, qu'il ne saurait être exigé de la banque qu'elle évalue, très précisément et de manière chiffrée, un risque d'endettement sur la base d'un cours dont elle ne contrôle pas les fluctuations. Il énonce, enfin, que l'information est tout aussi précise sur le taux d'intérêt.
13. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE et ANNULE, mais seulement, en ce qu'il déclare irrecevables comme prescrites les demandes relatives à la reconnaissance du caractère abusif de certaines clauses des contrats Helvet Immo, ainsi que les demandes subséquentes, en ce qu'il dit que la société BNP Paribas Personal Finance n'a pas manqué à son obligation d'information et rejette les demandes indemnitaires formées à ce titre par les époux [X], l'arrêt rendu, le 17 avril 2019, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société BNP Paribas Personal Finance et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme [X].
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [X].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Les époux [X] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites leurs demandes relatives à la reconnaissance du caractère abusif de certaines clauses des contrats Helvet Immo ainsi que les demandes subséquentes ;
AUX MOTIFS QUE :
Considérant que les époux [X] peuvent se prévaloir d'une décision de la Cour de cassation (1ère civile 13/03/2019 17-23169), qui statuant, en matière de clause abusive, a jugé que la demande tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses ne s'analysait pas en une demande de nullité, de sorte qu'elle n'était pas soumise à la prescription quinquennale ;
Considérant qu'aucun texte, en droit français, ne prévoit l'imprescriptibilité de l'action tendant à voir réputée non écrite une clause qui serait abusive ;
Considérant qu'il résulte des écritures procédurales des parties et des pièces qu'elles versent au débats que le sujet est débattu et que la doctrine est partagée ;
Considérant qu'une réponse ministérielle ne lie pas les juges ;
Considérant que certes la cour de cassation, (3ème chambre) a jugé, en substance, que tout copropriétaire peut, sans que l'on puisse lui opposer la prescription, agir sur le fondement de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, pour faire modifier le règlement de copropriété quand il contient des clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 17, 19 à 37 et 42 de la loi, lesquelles sont réputées non écrites, et étant non avenues par le seul effet de la loi, sont censées n'avoir jamais existé ;
Considérant qu'elle a aussi (3ème chambre civile 10 juillet 2013 12-14.569 par exemple) jugé que la décision de réputer non écrite de telles clauses, contraires à des disposition légales, ne vaut que pour l'avenir et ne prend effet qu'à compter de la date à laquelle la décision a acquis l'autorité de la chose jugée ;
Considérant que la cour de cassation a également dans un arrêt (3ème civile 23 janvier 2008 06-19.129), censuré les juges d'appel qui avaient déclaré non écrite une clause d'un bail commercial, au lieu de prononcer sa nullité, étant précisé qu'ainsi ils avaient évité de constater l'acquisition de la prescription ;
Considérant que cependant dans un tel cas, les deux contractants étaient deux professionnels qui connaissaient le statut d'ordre public qui avait vocation à se substituer à la clause illicite ;
Considérant que la transposition des jurisprudences précitées aux clauses abusives de l'article 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1 du dit code, ne revêt aucun caractère d'évidence ;
Considérant qu'admettre que, par une fiction juridique, la clause abusive de l'article 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1 du dit code, réputée non écrite, est censée n'avoir jamais existé, pose de sérieuses questions ; qu' en son premier alinéa, l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que "dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat" et énonce, en son septième alinéa, que "l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible";
Considérant en effet que les jurisprudences citées plus haut sont fondées sur la différence entre la nullité, qui requiert l'intervention d'un juge, et le réputé non écrit qui produit ses effets automatiquement ;
Considérant que dans le cas d'espèce, pour qualifier une clause d'abusive au visa de ce texte, le juge ne doit pas examiner sa concordance avec des dispositions légales ou règlementaires précises, ni se contenter d'examiner si elle figure sur "une liste noire"; qu'il doit se livrer à une triple analyse et apprécier, d'abord, si la clause litigieuse porte sur la définition de l'objet principal du contrat, c'est à dire si elle fixe les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci, ou sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert et ensuite si, dans le premier cas, la clause est rédigée de façon claire et compréhensible, étant précisé que pour qu'une clause soit rédigée de manière claire et compréhensible, il faut qu'elle soit, non seulement intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d'autres clauses, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui; qu'en cas de réponse positive cumulative à ces deux questions, toute discussion à propos du caractère abusif de la clause est exclue ; que ce n'est qu'en cas de réponse négative que le juge doit dire si la dite clause a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Considérant, ensuite, que les conséquences de la décision du juge, qui déclare abusive, et donc non écrite, une clause d'un contrat, sont radicalement différentes, puisque la situation des parties doit être revue à la date de la conclusion du contrat et que tous les effets que la dite clause a produits doivent être anéantis dans le passé ;
Considérant qu'il est dès lors manifeste qu'autoriser un co-contractant à agir à tout moment, même si le contrat a été exécuté, pour soumettre à l'appréciation du juge le caractère abusif d'une clause d'un contrat et la voir déclarer non écrite, qu'imposer au juge, d'agir d'office, et d'écarter une telle clause, sans limite de temps, ni sans aucune autre condition, constitueraient des atteintes réelles à l'ordre social qui ne peut admettre que des situations acquises soient remises en cause sans prévisibilié aucune, et dépendent d'aléas judiciaires ;
Considérant que consacrer l'imprescriptibilité de cette action et la possibilité d'anéantir rétrospectivement les effets du contrat, de façon perpétuelle, créerait une insécurité juridique majeure ;
Considérant que la jurisprudence européenne doit être précisément examinée ;
Considérant que la jurisprudence de la Cour de Luxembourg invoquée par les époux [X] (21 décembre 2016 C-154/15) ne peut en aucune manière être citée comme constituant une interdiction de prescription de l'action en déclaration d'une clause abusive ; qu'en effet, il y a lieu de retranscrire les paragraphes essentiels de cette décision (soulignés par la cour) :
«
»
Considérant que cet arrêt statue uniquement sur les effets, dont la Cour dit qu'ils ne peuvent être limités dans le temps, d'une décision ayant constaté le caractère abusif d'une clause ;
Considérant que, dans le cas présent, non seulement une telle décision n'existe pas, mais qu'au contraire la Cour de cassation a approuvé la cour d'appel qui avait jugé que les clauses litigieuses du contrat Helvet Immo ne pouvaient être qualifiées d'abusives en ce qu'elles définissaient l'objet principal du contrat et qu'elles étaient rédigées de façon claire et compréhensible ;
Considérant qu'il doit être relevé que cet arrêt reconnaît expressément le droit aux juridictions nationales de conférer l'autorité de chose jugée à une décision qui contient une violation d'une disposition, quelle qu'en soit la nature, contenue dans la directive 93/13, et affirme que la protection du consommateur ne revêt pas un caractère absolu et que la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l'intérêt de la sécurité juridique est compatible avec le droit de l'Union, en rappelant les termes de l'arrêt du 6 octobre 2009 (Asturcom Telecommnicaciones C-40/08EU : C2009/615) dont certains points doivent être retranscrits ( soulignés par la cour) :
«
»
Considérant que cette décision rappelle que, selon l'article 6 paragraphe 1, de la directive 93/13 du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, "les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux" (souligné par la cour) ; qu'elle énonce expressément qu'il n'est pas interdit à une juridiction nationale d'appliquer les règles de prescription à un contrat contenant des clauses abusives, que la protection du consommateur n'a pas un caractère absolu et doit céder devant les impératifs de sécurité juridique et de respect d'autorité de chose jugée, qui relèvent du droit national qui doit prévoir des délais raisonnables pour rendre l'exercice des recours effectif ;
Considérant que l'arrêt Cofidis (CJUE 21 novembre 2002 C 473/00) édicte seulement le principe selon lequel, en matière de clause abusive, la fin de non recevoir tirée de la prescription ne peut être opposée au consommateur qui forme sa demande par voie d'exception ou au juge qui la relève d'office ;
Considérant en effet que la cour a dit pour droit :
«
»
Considérant qu'il résulte clairement de cette décision que la cour n'a envisagé que le cas de l'action intentée par le professionnel qui demande, à l'encontre du consommateur, l'application d'une clause qui pourrait être qualifiée d'abusive ; qu'elle ne traite pas de l'action engagée par le consommateur à l'encontre du professionnel, qui est le cas d'espèce, puisque les époux [X] sont demandeurs à l'action et non pas défendeurs ;
Considérant en outre qu'il s'évince des termes même et du sens de la décision que la cour, non seulement ne consacre pas la thèse du caractère imprescriptible de l'action tendant à faire déclarer non écrite une clause qualifiée d'abusive, mais qu'au contraire, elle part du constat que l'action n'est pas, par elle même, imprescriptible et qu'elle est soumise à des délais de prescription par le droit national, ce qu'elle avait jugé autorisé dans l'arrêt cité précédemment, et qu'elle en déduit qu'il faut, afin d'assurer la protection du consommateur, absolument éviter que le professionnel "attend(e) l'expiration du délai fixé par le législateur national pour demander l'exécution des clauses abusives"
(souligné par la cour) ;
Considérant que, dans notre droit national, les contrats sont soumis, par leur date, aux dispositions de la loi n°208-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile ;
Considérant que cette loi a eu parmi ses objectifs essentiels, celui de raccourcir le temps et modifier la durée de la prescription jugée le plus souvent excessive, celui d'harmoniser les délais, et d'intégrer les enjeux européens pour rendre le système juridique français plus sécurisé, plus performant et attractif pour les opérateurs économiques et le droit contractuel plus attrayant aux yeux des investisseurs ;
Considérant qu'il y a lieu, notamment, de rappeler que les deux délais de prescription de l'action en nullité absolue et relative ont été unifiés, par cette loi, en un seul délai de 5 ans, de sorte qu'il n'existe plus, du point de vue du délai de la prescription, aucune différence entre l'ordre public de direction et l'ordre public de protection , et de souligner que les conséquences du prononcé de la nullité d'une clause et de la qualification de clause abusive sont identiques , puisque la clause nulle est réputée n'avoir jamais existé ;
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les époux [X], la cour ne peut tirer, ni de la rédaction de l'article R 632-1 du code de la consommation qui prévoit que le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application et qu'il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat, ni des arrêts rendus le 4 juin 2009 par la CJCE ( arrêt Pannon) et le 16 mai 2018 par la 1ère chambre civile de la cour de cassation dans le présent litige, la conclusion qu'aucune limite temporelle ne saurait être imposée à l'action du juge, tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses d'un contrat dont il est saisi ;
Considérant en effet tout d'abord, que l'article R 632-1 du code de la consommation, qui figure au chapitre II intitulé "office du juge", du titre troisième intitulé "compétence du juge", effectue seulement une distinction entre ce que le juge "peut" et ce qu'il "doit" relever d'office ; que ce texte constitue une exception au principe selon lequel le juge du fond, au civil est lié par les prétentions des parties et qu'il ne peut modifier l'objet du litige dont il est saisi, et ceci pour suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel ;
Considérant que ce texte ne traite pas du problème de la prescription ; qu'il est constant que le juge, qui examine d'office certains moyens, est soumis aux mêmes conditions de temps et de délais que les parties elles mêmes et qu'il ne peut s'en affranchir ; qu'il y a lieu de rappeler, si besoin en était, que le juge pénal, se voit, comme la partie civile, opposer la prescription quand il exerce l'action publique, après l'expiration des délais prévus par la loi ;
Considérant que la CJCE dans l'arrêt PANNON et la cour de cassation dans l'arrêt du 16 mai 2018 ont seulement dit, sans aborder la question de la prescription, que le juge national était tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ;
Considérant que l'arrêt précité de la cour de cassation est d'autant moins susceptible d'avoir consacré sur le fond le caractère imprescriptible de l'action, et le caractère abusif de certaines clauses que, de façon constante, la cour lorsqu'elle examine le contrat lui même et le caractère abusif allégué de certaines clauses du contrat approuve la cour d'appel d'avoir considéré que les clauses du prêt Helvet Immo définissent l'objet principal du contrat et sont rédigées de manière claire et compréhensibles (1er civile mai 2018 17-13593 notamment) ;
Considérant qu'il doit être également relevé que dans l'arrêt Cofidis, la Cour de l'Union met sur le même plan l'exception soulevée par le juge et celle du consommateur, ce qui confirme que l'action du juge ne peut être décorrélée, s'agissant du délai pour agir, de celle de la partie ;
Considérant que les époux [X] ne peuvent pas sérieusement soutenir que le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où ils ont découvert le déséquilibre significatif, c'est à dire au jour où ils ont été en mesure de percevoir l'augmentation de la durée du crédit et la possibilité d'un déplafonnement total des échéances lors des cinq années supplémentaires, qu'ils fixent à la date de l'ordonnance de renvoi de la banque devant le tribunal correctionnel, et non à la date d'acceptation des offres ;
Considérant qu'il y a lieu de rappeler que la présente cour a eu à se prononcer sur le caractère abusif des clauses du prêt Helvet Immo, lorsque les demandes ont été présentées devant elle par les emprunteurs dans le délai de la prescription ; qu'elle a jugé, en se fondant sur les décisions de la CJUE, que la clause de monnaie de compte, dont toutes les autres ne sont que la déclinaison, définit l'objet principal du contrat et est rédigée de manière claire et compréhensible; que la cour de cassation a rejeté les pourvois formés contre les arrêts qui ont retenu cette solution ;
Considérant qu'il ne peut être valablement soutenu que les époux [X], qui doivent être considérés comme des consommateurs raisonnablement attentifs, et qui savent gérer leur patrimoine, n'ont pas compris, avant que le risque ne se réalise, qu'ils étaient soumis au risque de change et que la révélation de ce risque leur a été faite par la décision de renvoi de la banque devant le tribunal ;
Considérant que le point relatif à la qualité de l'information qui leur a été fournie sera développé ci-dessous mais que dès à présent il y a lieu de relever que les stipulations essentielles des contrats de prêts, de leurs annexes, le texte des accusés de réception et d'acceptation des offres, ont été ci-dessus reproduits ; qu'il en résulte que les époux [X] ont été spécialement informés de la caractéristique essentielle des prêts qui, consentis dans une devise étrangère, et remboursables en euros, étaient nécessairement impactés par le risque de change et qu'ils ont reconnu avoir reçu cette information ; que le contrat expose de façon transparente le fonctionnement concret du mécanisme d'un prêt en devises ; qu'il est, notamment explicitement stipulé que si le prêt en francs suisses n'est pas remboursé en totalité au terme de la durée initiale du crédit, les échéances étant constantes mais converties en francs suisses suivant un taux de change par essence variable, la durée de celui-ci sera allongée dans la limite de 5 ans et que le montant des échéances sera augmenté; que le contrat contient des explications simples sur les conséquences économiques qui découlent du contrat que les époux [X] pouvaient appréhender à la seule lecture des offres qu'ils ont acceptées ;
Considérant en conséquence que les époux [X] ne peuvent se prévaloir d'un quelconque report du point de départ du délai de prescription ;
Considérant qu'ils ne peuvent non plus invoquer la violation qui en découlerait pour eux de leur droit à un recours effectif au juge, prévu par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ;
Considérant en effet que ce droit n'est pas absolu, qu'il se prête à certaines limitations et appelle une réglementation par l'État, jouissant à cet égard d'une certaine marge d'appréciation ; qu'en l'espèce le droit au tribunal des époux [X] ne se trouve pas atteint dans sa substance même ; que les délais de prescription, qui ne sont pas exagérément courts, puisqu'ils sont de 5 ans, poursuivent un but légitime, en ce que l'appréciation du délai à respecter pour former une demande vise à assurer une administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique ;
Considérant que les époux [X] ne sauraient sérieusement prétendre soutenir que la prescription a été interrompue par l'assignation qu'ils ont fait délivrer le 6 janvier 2012 ;
Considérant qu'il est de jurisprudence constante qu'en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre ; qu'il en est autrement lorsque deux actions procèdent d'une même cause, ou lorsque, bien qu'ayant des causes distinctes, les deux actions tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ;
Considérant qu'aux termes de leur assignation initiale, les emprunteurs reprochaient à la banque des manquements à ses devoirs de conseil, d'information et de mise en garde et réclamaient la condamnation de la banque à leur payer la somme de 150 000 € à titre de dommages-intérêts ; que dans le cadre de la présente instance de renvoi après cassation, ils continuent de former des demandes indemnitaires à hauteur, maintenant, de 407 346,30 €, au titre de leur préjudice financier, et 35 000 €, au titre de leur préjudice moral, et pour la première fois, demandent à la cour, après avoir dit que certaines clauses étaient abusives de requalifier les contrats Helvet Immo en contrat de crédit en euros à taux fixe depuis leur conclusion, de condamner la banque à recalculer le TEG fixé dans chacun des trois contrats de prêts HELVET IMMO en lui retirant les frais de change, de déterminer les sommes dues au jour de la conclusion du contrat et le solde dû au jour de l'arrêt, déduction faite des sommes payées par eux en euros et d'établir et communiquer un nouveau tableau d'amortissement ;
Considérant que ces nouvelles demandes n'ont pas la même cause que les demandes initiales ; qu'elles ne poursuivent pas le même but non plus puisque les premières, qui ne sont pas abandonnées mais coeexistent avec les secondes, supposent, dans le cadre d'une action en responsabilité, l'allocation de dommages-intérêts et le maintien des contrats, dans les termes des offres acceptées, avec, notamment, la clause d'indexation et que les secondes tendent à la requalification des prêts Helvet Immo en prêts en euros dès l'origine ;
Considérant, dans ces conditions, qu'aucune interruption de prescription ne peut être constatée ;
Considérant en définitive et compte tenu de ce qui précède, qu' il y a lieu de dire que l'action engagée par les époux [X] pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d'abusives relève du droit commun des contrats ; qu'elle est donc soumise, comme les demandes, à la prescription quinquennale, laquelle n'a pas été interrompue ; que le point de départ de cette prescription est la date de l'acceptation des offres, soit le 16 décembre 2008 et le 5 octobre 2009 ; que les époux [X] ont, pour la première fois, prétendu que les clauses des offres de prêt étaient abusives, dans des conclusions datées du 15 août 2018, c'est à dire postérieurement à l'expiration du délai quinquennal de prescription intervenu le 17 décembre 2013 et le 6 octobre 2014 ; que les demandes sont donc irrecevables car prescrites ;
1°) ALORS QUE la demande du consommateur tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive n'est pas soumise à la prescription quinquennale ; qu'en retenant, pour les déclarer irrecevables, que les demandes des époux [X] tendant à voir déclarer non écrites les clauses abusives des contrats de prêt Helvet Immo étaient soumises à la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
2°) ALORS QUE, en outre, aucune limite temporelle n'est fixée à l'obligation pour le juge d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; qu'en décidant néanmoins, pour refuser d'examiner le caractère abusif des clauses des contrats de prêt dont elle était saisie, que le juge était soumis aux mêmes conditions de temps et de délais que les parties elles-mêmes, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
3°) ALORS QUE, en tout état de cause, c'est à la date à laquelle le juge dispose des éléments de fait et de droit nécessaires à l'examen du caractère abusif d'une clause contractuelle que s'apprécie l'écoulement du délai quinquennal ; qu'en s'abstenant de rechercher si, dès l'introduction de l'instance en janvier 2012, c'est-à-dire moins de cinq ans après l'acceptation des offres de prêt, les premiers juges ne disposaient pas des éléments de fait et de droit nécessaires à l'examen du caractère abusif des clauses litigieuses, de sorte qu'elle ne pouvait refuser de procéder à cet examen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
4°) ALORS QUE, en tout état de cause, le délai de prescription de l'action tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive ne commence à courir qu'à compter du jour où le consommateur découvre l'existence d'un déséquilibre significatif ; qu'en se bornant à relever, pour dire que le délai de prescription avait commencé de courir, pour chaque prêt, à la date d'acceptation de l'offre, que les époux [X] avaient pu se convaincre par les mentions des offres de prêt de l'existence d'un risque de change et des conséquences économiques qui découlaient pour eux du contrat, sans constater qu'ils avaient pris conscience de l'existence d'un déséquilibre significatif à leur détriment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2224 du code civil et L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;
5°) ALORS QUE le délai de prescription de l'action tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive ne commence à courir à la date de conclusion du contrat que si le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère a été exposé de manière transparente à l'emprunteur, de sorte que ce dernier ait été mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et les risques qui en découlaient pour lui, notamment par la fourniture d'informations devant au moins traiter de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de l'euro et de ce qu'en souscrivant un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, il s'expose à un risque de change qu'il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d'assumer en cas de dépréciation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été accordé ; qu'en se bornant, pour placer le point de départ de la prescription au jour de la conclusion du prêt, à se référer aux stipulations du prêt, sans constater que le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère avait été exposé de manière transparente à l'emprunteur selon les critères précités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;
6°) ALORS QUE, plus subsidiairement, l'effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice s'étend, dans la même action, aux demandes tendant aux mêmes fins ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que l'action découlant des clauses litigieuses des contrats de prêt avait été introduite à l'encontre de la BNP les 6 et 9 janvier 2012, ce dont il résultait que cette demande en justice avait interrompu le délai de prescription tant à l'égard des demandes indemnitaires initiales que de celles, formées ultérieurement, tendant à voir constater le caractère abusif des clauses de ces contrats, qui tendaient aux mêmes fins que les premières, s'est néanmoins placée, pour dire prescrites ces dernières demandes, à la date des conclusions dans lesquelles elles avaient été formulées, a violé l'article 2241 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Les époux [X] font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leurs demandes indemnitaires au titre du manquement de la banque à son obligation d'information ;
AUX MOTIFS QUE :
Considérant que les époux [X] ont souscrit, à trois reprises, un prêt Helvet Immo libellé en francs suisses pour financer l'acquisition de trois biens immobiliers ; que la lecture des offres de prêt, qui ont été acceptées par les époux [X], et dont les stipulations essentielles sont ci-dessus reproduites, est éclairante à cet égard ; que l'article "description de votre crédit", qui figure en première page des offres de prêt acceptées par les époux [X] indique que ces derniers ont emprunté des sommes chiffrées en francs suisses ; que l'article "Financement de votre crédit" précise que le capital emprunté permettra de débloquer le montant du prix de vente des immeubles chiffré en euros chez le notaire et de payer les frais de change correspondant à ces opérations ; que l'article " Ouverture d'un compte interne en euros et d'un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit" explique sans équivoque le fonctionnement du prêt en devise ; que les articles "Compte interne en euros" et "Compte interne en francs suisses" détaillent les opérations effectuées à chaque paiement d'échéance au crédit et au débit de chaque compte ; que les opérations de change sont clairement décrites dans l'offre ; que les clauses "description de votre crédit", "financement de votre crédit", "ouverture de compte interne en euros et d'un compte interne en francs suisses" "opérations de change" font expressément référence aux opérations et aux frais de change ; que dans l'article "opérations de change" il est expressément mentionné que l'amortissement du capital du prêt évoluera en fonction des variations du taux de change et que le taux de change applicable à toutes les opérations de change sera le taux de change de référence publié sur le site internet de la Banque Centrale Européenne ; que cet article explique que l'amortissement du prêt se fait par la conversion des échéances fixes en euros et que la conversion s'opérera selon un taux de change qui pourra évoluer; que l'amortissement évolue en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels effectués par l'emprunteur, que l'amortissement du capital sera plus ou moins rapide, selon qu'il résulte de l'opération de change une somme supérieure ou inférieure à l'échéance en francs suisses exigible ;
Considérant que les époux [X] ont été clairement, précisément, expressément, informés sur le risque de variation du taux de change et sur son influence sur la durée du prêt et donc sur la charge totale de remboursement de ce prêt ; que la variation du taux de change est au coeur de l'économie du contrat de prêt souscrit par les époux [X] puisqu'ils ont contracté un prêt en francs suisses qu'ils devaient rembourser en euros, les échéances étant converties en francs suisses au taux de change déterminé deux jours ouvrés avant l'arrêté de compte ;
Considérant que non seulement, les clauses sont rédigées de manière claire et compréhensible sur les plans formel et grammatical mais qu'elles fournissent aux emprunteurs des informations suffisantes sur l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus par rapport à la devise étrangère dans laquelle les prêts ont été accordés ;
Considérant que les trois annexes (tableau d'amortissement prévisionnel, notice présentant les conditions et modalités de variations du taux d'intérêt du crédit, informations relatives aux opération de change) font expressément référence, ainsi que cela est illustré plus haut, à l'incidence de la variation du taux de change sur le montant des règlements, la durée et le coût total du crédit ; qu'il est spécifié que les tableaux et les exemples chiffrés sont prévisionnels et indicatifs ; que dans le dernier document il est spécialement indiqué que le prêteur n'est pas engagé sur l'évolution du taux de change euros contre francs suisses et sur le taux d'intérêts et par conséquent sur les durées, montants des règlements mensuels et coûts totaux qui sont mentionnés ;
Considérant que l'attention des emprunteurs a été spécialement appelée, dans le formulaire de l'acceptation de l'offre de crédit sur l'existence des opérations de change pouvant avoir un impact sur le plan de remboursement ;
Considérant que l'information est tout aussi précise sur le taux d'intérêt; que les prêts Helvet Immo souscrits par les époux [X] sont des prêts dont le taux d'intérêt, qui est fixe pendant la période initiale de 5 ans, est ensuite révisé tous les cinq ans à partir de la date du premier déblocage des fonds prêtés ; que le taux d'intérêt est variable ; que les emprunteurs ont, au moment de la révision, aux termes de l'offre de prêt, le choix entre trois options : soit ils décident de continuer à amortir leur prêt en francs suisses, ("charges de votre crédit") et alors le nouveau taux d'intérêt est calculé en additionnant deux composantes, l'une fixe, l'autre égale à la moyenne mensuelle du taux swap francs suisses 5 ans du mois, soit ils choisissent un changement de monnaie de compte, la monnaie de paiement devenant la monnaie de compte et ils optent pour un taux fixe en euros qui est défini comme étant celui du Taux moyen Mensuel des Emprunts d'Etat à long terme, publié par la Caisse des Dépôts et Consignations, majoré suivant ce qui est fixé dans les offres et augmentée de 0,20 ou 0,30 selon la durée du crédit, le TME pris en compte étant le dernier publié au jour de la réception par la banque de la décision de choisir l'option, soit ils optent pour un taux trimestriellement révisable en euro et, dans ce cas, la révision du taux se fait sur la base du Taux Interbancaire à 3 mois offert en euros (Tibeur en euros) publié par la Fédération Bancaire Européenne, le nouveau taux étant égal à la somme de deux composantes, l'une fixe, déterminée dans l'offre, l'autre égale à la moyenne mensuelle du TIBEUR à 3 mois du mois civil précédent la date de révision ; que les indices sont objectifs, et font l'objet de publication ; que le mode de calcul du taux est précisé ;
Considérant, ainsi, que la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a, dans l'offre, qui détaille les caractéristiques du prêt, et les annexes, qui la synthétisent sur les points essentiels et contiennent des simulations chiffrées, respecté son obligation d'information, neutre et descriptive, envers les emprunteurs ; que l'offre de prêt adressée aux emprunteurs indique de manière claire que le prêt contracté par ces derniers est un prêt en francs suisses, que l'amortissement de ce prêt se fait par la conversion des échéances fixes payées en euros selon les modalités prévues au contrat de crédit, que la conversion s'opérera selon un taux de change qui, par essence est susceptible d'évoluer, que la variation du taux de change peut avoir une incidence sur la durée de remboursement et sur le montant des échéances à compter de la cinquième année, et, par conséquence, sur la charge totale de remboursement du prêt ; que la variation du taux de change et ses conséquences sur l'amortissement du prêt est constamment rappelée dans l'offre, dont une lecture littérale et objective s'impose, et que la notice contient des exemples clairs ; que l'information fournie est complète, loyale et compréhensible et que les époux [X], qui ont signé le document intitulé "accusé de réception et acceptation de l'offre", ne peuvent pertinemment prétendre qu'ils n'ont pas été informés des risques de change encourus ; que le paiement d'échéances fixes en euros et la possibilité d'un allongement de la durée d'amortissement implique logiquement et nécessairement un risque d'augmentation de la contrevaleur en euros du capital restant dû en francs suisses et d'allongement de la durée des prêts ; qu'il est clairement dit dans l'offre que lorsque l'échéance en euros ne suffit pas à rembourser l'échéance théorique en francs suisses, l'emprunteur continue à payer l'échéance initialement prévue mais voit la durée de son crédit s'allonger ; qu'il doit être noté, en outre que les emprunteurs ont reçu chaque trimestre, un relevé de situation qui détaille les opérations réalisées à chaque échéance et précise de manière systématique le taux de change appliqué, ce qui démontre que la banque a respecté son obligation d'information tout au long de l'exécution du prêt ;
Considérant qu'il est donc inexact de soutenir, comme le font les époux [X], que la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a dissimulé le risque qui existait pour eux de voir les sommes à payer en euros augmenter par l'effet de l'allongement de la période de remboursement du crédit lié à une dépréciation de l'euro, ou qu'elle a effectué une présentation trompeuse du mécanisme ; qu'il doit être au contraire relevé qu'alors qu'elle n'en avait pas l'obligation , la banque a intégré dans les trois offres de prêt une notice permettant d'apprécier l'influence de la fluctuation du taux de change sur le capital emprunté et la variation de la durée du prêt en résultant dans laquelle il est expressément dit que les variations éventuelles du taux de change au cours de la vie du crédit auront un impact sur son plan de remboursement et qui comprend des simulations chiffrées qui détaillent le montant des échéances, la durée du crédit, le coût total du crédit dans l'hypothèse d'une appréciation ou d'une dépréciation du franc suisse par rapport à l'euro ;
Considérant qu'il ne saurait être exigé de l'établissement de crédit prêteur qu'il évalue très précisément et de manière chiffrée, un risque d'endettement sur la base d'un cours dont il ne contrôle pas les fluctuations ; que le taux de change est, par essence, susceptible d'évoluer, et qu'il impacte nécessairement l'amortissement du prêt ;
1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en refusant d'examiner les pièces du dossier d'instruction et l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en se bornant à affirmer, pour écarter les demandes indemnitaires des époux [X], qu'il ne saurait être exigé de l'établissement de crédit prêteur qu'il évalue très précisément et de manière chiffrée, un risque d'endettement sur la base d'un cours dont il ne contrôle pas les fluctuations, sans examiner, fût-ce sommairement, les éléments développés dans les conclusions des emprunteurs, qui étaient de nature à démontrer que la banque avait anticipé, dès 2007, une importante dépréciation de l'euro face au franc suisse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le banquier dispensateur d'un crédit en devise étrangère remboursable en euros doit, au titre de son devoir d'information, exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère, de sorte que l'emprunteur soit mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et les risques qui en découlent pour lui, notamment en lui fournissant des informations suffisantes pour lui permettre de prendre ses décisions avec prudence et en toute connaissance de cause, ces informations devant au moins traiter de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'Etat membre où l'emprunteur est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger, en informant les emprunteurs qu'en souscrivant un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère, il s'expose à un risque de change qu'il lui sera, éventuellement, économiquement difficile d'assumer en cas de dépréciation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été accordé, mais également en exposant à l'emprunteur les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d'un prêt en devises étrangères tels que le risque d'impossibilité d'exercer le mécanisme d'option en euros, le risque d'impossibilité de procéder au rachat du prêt ou à la revente du bien ; qu'en se bornant à relever, pour statuer comme elle l'a fait, que les époux [X] avaient été clairement, précisément, expressément, informés sur le risque de variation du taux de change, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les termes « risque de change » n'étaient pas absents de l'offre de prêt et des documents annexes, ce qui était de nature à démontrer que l'information délivrée par la banque était insuffisante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°) ALORS QU'en se bornant encore à relever que les emprunteurs avaient reçu une information suffisante sur l'incidence sur les remboursement d'une dépréciation de la monnaie dans laquelle ils perçoivent leurs revenus, qui serait illustrée par les exemples chiffrés annexés à l'offre de prêt, sans constater que l'information et les exemples donnés traitait de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de l'euro, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Les époux [X] font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande indemnitaire au titre du manquement de la banque à son obligation de renégocier le contrat ;
AUX MOTIFS QUE :
Considérant qu'il ne saurait être reproché à la BNP Paribas Personal Finance d'avoir manqué à son obligation de bonne foi en refusant de renégocier le contrat ;
Considérant que l'article 1195 du code civil issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 n'est pas applicable à l'espèce ;
Considérant que l'article 1134 du code civil, dont les dispositions s'appliquent aux contrats litigieux, prévoit que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que le contrat est intangible et que le juge n'a pas le pouvoir de le réviser ; que dans le cas présent, ainsi qu'il a été dit plus haut, les emprunteurs ont été informés que l'amortissement du crédit serait soumis à la variation du taux de change et que le bouleversement de l'économie du contrat qu'ils invoquent n'est que l'application des stipulations contractuelles ;
1°) ALORS QU'en cas de bouleversement des conditions d'exécution d'un contrat, qui aurait pour effet de rendre celles-ci ruineuses, le créancier de l'obligation dont les conditions d'exécution ont été bouleversées, tenu d'une obligation d'exécuter de bonne foi, doit proposer la renégociation du contrat en cause ; qu'en se fondant, pour écarter la demande indemnitaire des époux [X], sur la circonstance inopérante que le contrat était intangible et que le juge n'avait pas le pouvoir de le réviser, ce qui était sans incidence sur la demande indemnitaire fondée sur l'obligation de renégocier le contrat, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QU'en se bornant par ailleurs à relever que les emprunteurs avaient été informés que l'amortissement du crédit serait soumis à la variation du taux de change et que le bouleversement de l'économie du contrat qu'ils invoquaient n'était que l'application des stipulations contractuelles, sans rechercher, comme elle y invitée, si, comme le soutenait la banque, le décrochage de l'euro n'avait pas été brusque et imprévisible, de sorte que ce n'était pas de l'application du contrat que résultait le bouleversement de ses conditions d'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. | Par arrêts du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.
Il s'en déduit qu'une demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
Une banque, qui consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger |
7,657 | CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 mars 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 277 FS-B
Pourvoi n° U 21-13.970
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 MARS 2022
L'Association d'aide aux maitres d'ouvrages individuels (AAMOI), dont le siège est chez M. [O] [T], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-13.970 contre l'arrêt rendu le 16 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Sogerep courtage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société Maisons Pierre, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'Association d'aide aux maitres d'ouvrages individuels, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Maisons Pierre, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Sogerep courtage, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, Mme Guihal, M. Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2021), l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels (AAMOI), qui a pour objet social la défense des intérêts des consommateurs en tant que maître d'ouvrage, vis-à-vis des constructeurs de maisons individuelles avec fourniture du plan, et le respect des normes dans le domaine de la construction de maisons individuelles, a été agréée par arrêté du 6 janvier 2006 du préfet de l'Essonne pour exercer l'action civile conformément aux dispositions du livre IV du code de la consommation.
2. Les 30 décembre 2016 et 3 et 9 janvier 2017, invoquant l'existence de pratiques illicites, elle a assigné, devant le tribunal de grande instance de Paris, la société Maisons Pierre, constructeur de maisons individuelles, et l'assureur de celle-ci, la société Axa France IARD, ainsi que la société Sogerep courtage, courtier, pour obtenir, sur le fondement des articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation, la cessation de ces pratiques, des dommages-intérêts en réparation du préjudice collectif des consommateurs et la publication de la décision à intervenir.
3. A la suite de l'arrêté préfectoral du 24 avril 2018 portant retrait de son agrément, le premier juge a déclaré son action irrecevable, faute de qualité pour agir. En appel, l'association a indiqué agir, à titre subsidiaire, sur le fondement du droit commun pour la défense de l'intérêt collectif entrant dans son objet social.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et sixième branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches
Enoncé du moyen
5. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables, faute de qualité pour agir, ses demandes principales formées à l'encontre de la société Sogerep Courtage, de la société Axa France IARD et de la société Maisons Pierre, alors :
« 2°/ que même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables faute de qualité les demandes présentées par l'AAMOI dans l'intérêt collectif des maîtres d'ouvrage consommateurs, qu'« une association de défense des intérêts des consommateurs ne peut agir en justice au titre de l'intérêt collectif des consommateurs et en réparation des préjudices directs et indirects occasionnés à celui-ci qu'en vertu d'un agrément administratif régulièrement accordé par l'autorité publique compétente dans le strict respect du cadre prévu par la loi et le règlement », en en subordonnant ainsi la défense de l'intérêt collectif entrant dans son objet social à une condition que la loi ne comporte pas, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et 1er de la loi du 1er juillet 1901 ;
3°/ que l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017, que l'agrément avait été retiré à l'AAMOI par un arrêté préfectoral du 24 avril 2018, quand cet événement postérieur était sans incidence sur l'existence du droit d'agir au jour de l'introduction de l'instance, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et L. 621-2 du code de la consommation ;
4°/ que le retrait de l'agrément d'une association de consommateurs, qui sanctionne la perte de conditions initialement réunies, n'est pas rétroactif ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017, que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 », la cour d'appel, qui a méconnu le principe de sécurité juridique, a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile, L. 621-2 et R. 811-7 du code de la consommation ;
5°/ que, subsidiairement, faute d'avoir été annulée par le juge administratif ou déclarée illégale, les décisions administratives réglementaires ou individuelles ont un caractère exécutoire et doivent être appliquées par le juge judiciaire ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable, faute de qualité pour agir, l'ensemble des demandes principales de l'AAMOI, que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 », quand cet arrêté préfectoral énonce, en son article 1er, que « l'agrément départemental de l'association d'aide aux maîtres d'ouvrages individuels [
] est retiré à compter de la notification du présent arrêté à l'intéressé », soit à une date nécessairement postérieure à celle de son édiction, la cour d'appel a violé l'arrêté du 24 avril 2018. »
Réponse de la Cour
6. Les articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation habilitent les associations agréées, d'une part, à exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, d'autre part, à agir devant les juridictions civiles en cessation, interdiction, ou réparation de tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'article 1er de la directive 2009/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiée relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs.
7. Dès lors, n'est pas recevable à agir sur le fondement de ces dispositions l'association qui ne justifie ni de l'existence d'une infraction ni de la méconnaissance d'une disposition issue de la transposition du droit de l'Union.
8. La cour d'appel a relevé que l'action en cessation engagée par l'association était fondée sur la méconnaissance alléguée de dispositions du code des assurances relatives à l'obligation des maîtres d'ouvrage, ayant la qualité de consommateurs, de souscrire une assurance de dommages-ouvrage.
9. Il en résulte que l'association, qui n'invoquait ni l'existence d'une infraction ni la méconnaissance d'une disposition issue de la transposition d'une directive du droit de l'Union, n'était pas recevable à agir sur le fondement de ces textes.
10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle déclare irrecevable l'action de l'AAMOI sur le fondement des dispositions susvisées du code de la consommation.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, dont l'examen est préalable au deuxième moyen
Enoncé du moyen
11. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à agir en appel sur le fondement du droit commun, les prétentions formulées sur ce fondement étant nouvelles, alors « que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de l'AAMOI, que celles-ci étaient désormais fondées sur le droit commun, quand l'appelante était recevable à invoquer de nouveaux moyens de droit pour fonder ses prétentions, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 563 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 563, 564 et 565 du code de procédure civile :
12. Selon le premier texte, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
13. Aux termes du deuxième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
14. Selon le troisième, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
15. Pour déclarer irrecevable comme nouvelle l'action de l'AAMOI en ce qu'elle est fondée sur le droit commun, l'arrêt retient que celle-ci est distincte de celle formée sur le fondement des dispositions du code de la consommation, que les deux actions protègent des catégories de personnes différentes et qu'elles n'ont ni le même fondement légal ni la même portée, ni la même finalité. Il ajoute que la qualité d'association de consommateurs dont s'est prévalue l'AAMOI en première instance ne saurait être confondue avec celle d'association oeuvrant dans l'intérêt spécifique d'une catégorie de la population, à savoir les maîtres d'ouvrage, au soutien de laquelle l'association prétend agir en appel, et que les prétentions formulées par une partie en une qualité différente de celle en laquelle elle avait procédé en première instance, avec une finalité différente de celle soumise au premier juge, caractérisent une prétention nouvelle.
16. En statuant ainsi, alors que l'AAMOI, qui agissait, en première instance comme en appel, pour la défense des intérêts collectifs définis par ses statuts, n'avait pas modifié, devant la cour d'appel, ses demandes en cessation d'actes illicites, en indemnisation et en publication de la décision, et s'était bornée à invoquer un moyen nouveau au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier et le troisième par refus d'application et le deuxième par fausse application.
Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
17. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action sur le fondement du droit commun pour défaut d'intérêt à agir relativement à la restriction géographique de ses statuts, alors « que l'action est ouverte à l'association qui a un intérêt légitime au succès d'une prétention formée au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour dénier à l'AAMOI la possibilité d'agir en dehors du département de l'Essonne, et sur tout le territoire français" et la déclarer irrecevable faute d'intérêt, que [le] silence [de ses statuts] ne pouva[it] s'interpréter comme permettant à l'association d'agir sur un territoire illimité", quand il en résultait au contraire qu'elle n'avait pas limité son objet social au seul département dans la préfecture duquel elle avait été déclarée, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et 1er de la loi du 1er juillet 1901. »
Réponse de la Cour
Vu l'articles 31 du code de procédure civile :
18. Il résulte de ce texte qu'une association, même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social. Lorsqu'aucune stipulation des statuts ne prévoit une restriction du champ d'action géographique de l'association, l'action formée par elle peut être introduite devant toute juridiction territorialement compétente.
19. Pour déclarer l'AAMOI irrecevable en son action sur le fondement du droit commun pour défaut d'intérêt à agir « relativement à la restriction géographique de ses statuts », l'arrêt retient que le silence de ceux-ci ne peut s'interpréter comme permettant à l'association d'agir sur un territoire illimité.
20. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels sur le fondement du code de la consommation et rejette la demande en indemnisation formée par la société Maisons Pierre et la société Sogerep courtage au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Maisons Pierre, la société Sogerep courtage et la société Axa France IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour l'Association d'aide aux maitres d'ouvrages individuels.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'AAMOI fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable, faute de qualité pour agir, l'ensemble des demandes principales qu'elle a formées à l'encontre de la société Sogerep Courtage, de la société Axa France IARD et de la société Maisons Pierre aux fins de cessation sous astreinte de pratiques arguées d'illicéité, de publication sous astreinte par la voie électronique et par voie de presse du jugement à intervenir, de diffusion sous astreinte du jugement à intervenir auprès des clients de la société Axa et de réparation du préjudice occasionné à l'intérêt collectif des consommateurs ;
1°) ALORS QUE les dispositions des articles L. 621-1, L. 612-2 et L. 621-7 du code de la consommation, en ce qu'elles subordonnent à l'obtention d'un agrément la recevabilité de l'action d'une association en défense d'un intérêt collectif de consommateurs qui entre dans son objet social, méconnaît le principe de la liberté d'association et le droit à un recours juridictionnel effectif ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et de constater, à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, que l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale au regard du principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté d'association, du principe constitutionnel d'égalité et de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
2°) ALORS QUE même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables faute de qualité les demandes présentées par l'AAMOI dans l'intérêt collectif des maîtres d'ouvrage consommateurs, qu'« une association de défense des intérêts des consommateurs ne peut agir en justice au titre de l'intérêt collectif des consommateurs et en réparation des préjudices directs et indirects occasionnés à celui-ci qu'en vertu d'un agrément administratif régulièrement accordé par l'autorité publique compétente dans le strict respect du cadre prévu par la loi et le règlement » (arrêt, p. 8, § 2), en en subordonnant ainsi la défense de l'intérêt collectif entrant dans son objet social à une condition que la loi ne comporte pas, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et 1er de la loi du 1er juillet 1901 ;
3°) ALORS QUE l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017 (arrêt, p. 3, § 5), que l'agrément avait été retiré à l'AAMOI par un arrêté préfectoral du 24 avril 2018, quand cet événement postérieur était sans incidence sur l'existence du droit d'agir au jour de l'introduction de l'instance, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et L. 621-2 du code de la consommation ;
4°) ALORS QUE le retrait de l'agrément d'une association de consommateurs, qui sanctionne la perte de conditions initialement réunies, n'est pas rétroactif ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017 (arrêt, p. 3, § 5), que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 » (arrêt, p. 8, § 1er), la cour d'appel, qui a méconnu le principe de sécurité juridique, a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile, L. 621-2 et R. 811-7 du code de la consommation ;
5°) ALORS QUE, subsidiairement, faute d'avoir été annulée par le juge administratif ou déclarée illégale, les décisions administratives réglementaires ou individuelles ont un caractère exécutoire et doivent être appliquées par le juge judiciaire ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable, faute de qualité pour agir, l'ensemble des demandes principales de l'AAMOI, que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 » (arrêt, p. 8, § 1er), quand cet arrêté préfectoral énonce, en son article 1er, que « l'agrément départemental de l'association d'aide aux maîtres d'ouvrages individuels [
] est retiré à compter de la notification du présent arrêté à l'intéressé », soit à une date nécessairement postérieure à celle de son édiction, la cour d'appel a violé l'arrêté du 24 avril 2018 ;
6o) ALORS QU'en toute hypothèse, par suite de l'annulation à intervenir, devant les juridictions administratives, de l'arrêté préfectoral du 24 avril 2018 portant retrait de l'agrément de l'AAMOI, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale au regard des articles 31 du code de procédure civile, L. 612-2 du code de la consommation, 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
L'AAMOI fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR déclarée irrecevable en son action sur le fondement du droit commun pour défaut d'intérêt à agir relativement à la restriction géographique de ses statuts ;
1°) ALORS QUE l'action est ouverte à l'association qui a un intérêt légitime au succès d'une prétention formée au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour dénier à l'AAMOI « la possibilité d'agir en dehors du département de l'Essonne, et sur tout le territoire français » et la déclarer irrecevable faute d'intérêt, que « [le] silence [de ses statuts] ne pouva[it] s'interpréter comme permettant à l'association d'agir sur un territoire illimité » (arrêt, p. 12, pénultième paragraphe), quand il en résultait au contraire qu'elle n'avait pas limité son objet social au seul département dans la préfecture duquel elle avait été déclarée, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et 1er de la loi du 1er juillet 1901 ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge a l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; que, selon ses statuts, l'objet de l'AAMOI est « d'assurer, du point de vue matériel et moral, la défense et la représentation des intérêts généraux de toutes les familles quelle que soit leur situation juridique et sociale ou leur nationalité, en particulier en leurs qualités de consommateurs, en tant que maître de l'ouvrage, vis-à-vis des constructeurs de maisons individuelles avec fourniture de plan » et « de veiller, par tous moyens légitimes et légaux, y compris par voie de presse, d'édition et de formation, et d'une façon générale en utilisant tout support de l'information, quelle que soit sa nature, au maintien et au respect des règlements et lois en vigueur dans le domaine de la construction de maison individuelle » ; qu'en retenant, sous couvert d'interprétation, que l'association avait limité son objet au seul département de l'Essonne, la cour d'appel, qui a dénaturé ses statuts, a violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
L'AAMOI fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR déclarée irrecevable à agir en cause d'appel sur le fondement du droit commun, les prétentions formulées sur ce fondement étant nouvelles ;
1°) ALORS QUE pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de l'AAMOI, que celles-ci étaient désormais fondées sur le droit commun, quand l'appelante était recevable à invoquer de nouveaux moyens de droit pour fonder ses prétentions, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 563 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de l'AAMOI, qu'« entre la première instance et l'appel, les prétentions, fondées sur des droits distincts, n'[avaient] pas le même objet » (arrêt, p. 13, § 5) et en en déduisant qu'elle agissait « en une qualité différente » (arrêt, p. 13, dernier paragraphe), quand elle relevait elle-même que « les deux actions [
] prot[égeaient] une catégorie de personnes différentes, à savoir les consommateurs pour l'une, les maîtres d'ouvrage pour l'autre, qui, si elles peuvent se recouper, ne sont pas similaires » (arrêt, p. 13, § 4), ce dont il résultait pourtant que, dans cette mesure au moins, l'action tendait aux mêmes fins que celle exercée devant les premiers juges, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 565 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la cour d'appel est tenue d'examiner au regard de chacune des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile si la demande est nouvelle ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de l'AAMOI, qu'« entre la première instance et l'appel, les prétentions, fondées sur des droits distincts, n'[avaient] pas le même objet » (arrêt, p. 13, § 5), sans rechercher, même d'office, si ces demandes ne constituaient pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles formées par l'AAMOI en première instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 566 du code de procédure civile.
Le greffier de chambre | N'est pas recevable à agir sur le fondement des articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation une association de défense des consommateurs qui ne justifie ni de l'existence d'une infraction ni de la méconnaissance d'une disposition issue de la transposition du droit de l'Union européenne.
Ne forme aucune prétention nouvelle l'association qui agit pour la défense des intérêts collectifs définis par ses statuts et se borne, en appel, à modifier le fondement juridique de ses demandes en cessation d'actes illicites, en indemnisation et en publication de la décision |
7,658 | COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 mars 2022
Rejet
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 221 F-B
Pourvoi n° P 20-11.776
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 MARS 2022
1°/ Mme [F] [Z], épouse [E],
2°/ M. [C] [E],
domiciliés tous deux [Adresse 5] (Espagne),
3°/ la société A2M, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° P 20-11.776 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2019 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [G] [K], domicilié [Adresse 4],
2°/ à la société Vista, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société Cleo, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],
4°/ à la société Ocle, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
5°/ à la société LM investissement, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. et Mme [E] et de la société A2M, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 octobre 2019), la SARL Vista, créée à parts égales entre, d'un côté, la SARL LM investissement, ayant pour associé unique M. [K], et, de l'autre, M. et Mme [E], détient la totalité des titres de la SARL Cleo et de la SAS Ocle, lesquelles exploitent chacune un fonds de commerce d'optique et de lunetterie.
2. Ces deux dernières sociétés avaient, respectivement, pour gérant et président M. [E], lequel était par ailleurs lié, ainsi que son épouse, à la société Vista, ayant pour gérant M. [K], par un contrat de travail.
3. Le 18 mars 2015, par décisions de l'associé unique, M. [E] a été révoqué de ses deux mandats sociaux pour différents motifs liés à l'exercice d'une activité concurrente au sein d'une société A2M créée avec son épouse. Puis, le 28 mars 2015, M. et Mme [E] se sont vu notifier leur licenciement pour faute grave par la société Vista.
4. Le 29 septembre 2015, cette dernière a assigné la société A2M ainsi que M. et Mme [E] devant un tribunal de commerce en responsabilité sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, demandant leur condamnation solidaire au paiement de certaines sommes en réparation de divers détournements dont M. et Mme [E] se seraient rendus les auteurs au profit de la société A2M. M. [K] et la société LM investissement ont été appelés à la cause, et les sociétés Cleo et Ocle sont intervenues volontairement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
6. Mme [E] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le tribunal de commerce compétent pour connaître du litige, alors « qu'en se fondant sur la seule circonstance que les sociétés Ocle et Cleo, filiales de la société Vista, reprochaient à Mme [E] de s'être comportée en dirigeant de fait, pour écarter la compétence de la juridiction prud'homale, sans rechercher si elle s'était effectivement comportée en dirigeant de fait ou si elle avait agi dans le cadre de ses fonctions salariées au sein de la société Vista, consistant à superviser la gestion des filiales de cette dernière, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1411-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. L'arrêt énonce que, bien que n'étant titulaire d'aucun mandat social au sein des sociétés Cleo et Ocle, Mme [E] ne prétend pas que ces sociétés ne peuvent agir en responsabilité à son encontre à raison des fautes de gestion qu'elle aurait commises en tant que dirigeante de fait.
8. Ayant, pour écarter l'exception d'incompétence dont elle était saisie, rappelé à bon droit que les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître des actions en responsabilité engagées par des sociétés commerciales contre leurs dirigeants de fait, la cour d'appel, qui n'a pas tenu pour établi que Mme [E] serait dirigeante de fait des sociétés Cleo et Ocle, une telle question ressortissant au bien-fondé de l'action dirigée contre elle et non à la compétence de la juridiction saisie pour en connaître, a exactement retenu que le tribunal de commerce était compétent pour connaître des demandes des sociétés Cleo et Ocle contre Mme [E].
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [E] et la société A2M aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [E] et la société A2M.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré le tribunal de commerce compétent pour connaître du litige ;
Aux motifs qu' « il est constant que M. et Mme [E] occupaient l'un et l'autre un emploi salarié de cadre administratif au sein de la société Vista et étaient plus particulièrement chargés de la mise en oeuvre des conventions de management liant cette société à ses filiales, qui incluaient en particulier la définition et le développement de la stratégie commerciale, la supervision de la stratégie financière et la recherche de financements ; que si M. [E] était parallèlement le gérant de la société Cleo et le président de la société Ocle, rien ne permet d'affirmer qu'il ne bénéficiait d'aucune indépendance dans l'exercice des mandats sociaux qui lui avaient été confiés et qu'il se trouvait en réalité placé, pour l'exercice de son activité de dirigeant social, dans un état de subordination à l'égard de la société Vista ; qu'il ne peut dès lors, sauf à renverser la charge de la preuve, prétendre que seul le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des demandes dirigées à son encontre par la société Vista, peu important qu'il ait été concomitamment révoqué de ses mandats sociaux et licencié de son emploi de cadre administratif ; qu'en ce qui concerne Mme [E], bien que n'étant titulaire d'aucun mandat social au sein des sociétés Cleo et Ocle, elle ne prétend pas que ces sociétés ne peuvent agir en responsabilité à son encontre à raison des fautes de gestion qu'elle aurait commises en tant que dirigeante de fait ; que c'est donc à juste titre que le tribunal de commerce s'est déclaré compétent pour connaître du litige, dont il était saisi ; qu'il n'y a pas davantage lieu de surseoir à statuer sur l'action dirigée contre la société A2M dans l'attente de la décision du conseil de prud'hommes de Perpignan, dont il n'est pas soutenu qu'il a été saisi par M. et Mme [E] d'une action visant à contester le licenciement, dont ces derniers ont fait l'objet le 28 mai 2015 » (p. 8) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés qu' « aux termes de la loi, les dirigeants de sociétés, qu'ils soient administrateur, directeur général ou gérant, sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion ; que ces actions en responsabilité ne relèvent pas de la mauvaise exécution d'un contrat de travail, mais des contestations relatives à l'exercice d'un mandat social au sein de sociétés commerciales ; qu'en l'espèce, les sociétés Ocle et Cleo entendant engager la responsabilité des époux [E], pour les fautes commises dans leur gestion, dans le cadre de leur mandat social et non dans le cadre du contrat de travail qui les liait à la SARL Vista ; que par ailleurs tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en l'espèce, la SARL Vista entend engager la responsabilité civile de la société A2M, au titre de faits de concurrence déloyale ; que ces faits constituent des contestations entre sociétés commerçantes ; qu'il convient en conséquence de se déclarer compétent pour en connaître » (jugement du 22 novembre 2013, p. 5) ;
1°) Alors que la juridiction prud'hommale est compétente pour régler les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre un employeur et son salarié ; qu'en jugeant que M. [E] n'établissait pas qu'il était placé dans un état de subordination à l'égard de la société Vista dans l'exercice de ses fonctions de dirigeant social, après avoir pourtant relevé qu'il était le salarié de la société mère, chargé à ce titre de la direction de ses filiales, et que la société Vista, qui avait pour seul objet la gestion desdites filiales, avait concomitamment mis fin aux mandats sociaux et au contrat de travail de M. [E], ce dont il résultait que, dans l'exercice de ses mandats sociaux, il avait agi en tant que salarié de la société Vista, la cour, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1221-1 et L. 1411-1 du code du travail ;
2°) Alors qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que M. [E] n'établissait pas qu'il ne bénéficiait d'aucune indépendance dans l'exercice de ses mandats sociaux, pour écarter la compétence de la juridiction prud'hommale, la cour a ajouté une condition à la loi et violé les articles L. 1221-1 et L. 1411-1 du code du travail ;
3°) Alors qu'en refusant de prendre en compte la circonstance, pourtant opérante, que la société Vista avait concomitamment mis fin aux fonctions de M. [E] au titre de ses mandats sociaux et de son contrat de travail, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1411-1 du code du travail ;
4°) Alors qu'en omettant de se prononcer, comme cela lui était demandé (conclusions d'appel, p. 14, pièce n° 54), sur la circonstance, pourtant opérante, que M. [E] était rémunéré par la société Vista pour l'exercice de ses mandats sociaux au sein des filiales du groupe, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1411-1 du code du travail ;
5°) Alors qu'en se fondant sur la seule circonstance que les sociétés Ocle et Cleo, filiales de la société Vista, reprochaient à Mme [E] de s'être comportée en dirigeant de fait, pour écarter la compétence de la juridiction prud'hommale, sans rechercher si elle s'était effectivement comportée en dirigeant de fait ou si elle avait agi dans le cadre de ses fonctions salariées au sein de la société Vista, consistant à superviser la gestion des filiales de cette dernière, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1411-1 du code du travail. | Une cour d'appel qui, pour écarter une exception d'incompétence, rappelle à bon droit que les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître des actions en responsabilité engagées par des sociétés commerciales contre leurs dirigeants de fait, ne tient pas, ce faisant, pour établi que la personne visée serait dirigeante de fait des sociétés concernées. Par suite, elle n'a pas, pour déclarer le tribunal de commerce compétent pour connaître du litige, à rechercher si cette personne s'était effectivement comportée en dirigeant de fait, une telle question ressortissant au bien-fondé de l'action dirigée contre elle |
7,659 | COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 mars 2022
Cassation partielle
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 228 F-B
Pourvois n°
N 20-16.168
B 20-17.354 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 MARS 2022
I - M. [G] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 20-16.168 contre un arrêt rendu le 28 mai 2020 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société Traqueur, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
II - La société Traqueur a formé le pourvoi n° B 20-17.354 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant à M. [G] [Z], défendeur à la cassation.
Le demandeur au pourvoi n° N 20-16.168 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi n° B 20-17.354 Invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [Z], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Traqueur, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° N 20-16.168 et n° B 20-17.354 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 mai 2020) et les productions, M. [Z] a été nommé président du conseil de surveillance de la société Traqueur le 18 juillet 2006 puis membre et président du directoire de cette société le 28 novembre 2016. Le même jour, M. [Z] et la société Traqueur ont conclu une convention de mandat social prévoyant diverses obligations de paiement à la charge de cette dernière.
3. Le 15 juin 2017, le conseil de surveillance de la société Traqueur a décidé de révoquer M. [Z] de ses mandats de membre et président du directoire.
4. La société Traqueur ayant refusé de faire droit à ses demandes en paiement de diverses sommes en exécution de la convention de mandat social, M. [Z] l'a assignée en paiement.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° B 20-17.354
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° N 20-16.168
Enoncé du moyen
6. M. [Z] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la prime sur objectifs, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la lettre accord du 9 novembre 2016 prévoyait de confier à M. [Z] une mission de "restructuration et [de] développement du groupe Traqueur avec pour objectif la cession rapide du groupe Traqueur" ; que l'article 4.1.4 de la convention de mandat social du 28 novembre 2016 prévoyait le paiement d'une prime "en cas de cession" de la société, le terme cession étant défini comme "toute opération conduite durant la présidence du directoire de Traqueur par M. [G] [Z], de quelque nature qu'elle soit et quelles qu'en soient les modalités, entraînant immédiatement ou à terme un changement de contrôle de Traqueur (
) et conduisant à une offre publique d'achat sur Traqueur" ; que M. [Z], qui avait reçu mandat de restructurer et développer la société pour créer en amont les conditions propices à la réalisation d'une cession rapide, et non un mandat de négociation en vue d'une cession, avait ainsi droit à cette "prime en cas de cession" dès lors qu'une opération entraînant un changement de contrôle intervenait pendant le temps de sa présidence, peu important qu'il n'ait pas mené les opérations de cession, initiées en l'occurrence par les principaux actionnaires ; qu'en affirmant cependant que "M. [Z], n'ayant pas mené les opérations de cession, ne peut prétendre au versement d'une prime à ce titre en soutenant que la prime était due indépendamment de toute diligence déployée de sa part dans la recherche de négociations avec un acquéreur et était générée par le simple fait de l'acceptation par le conseil de surveillance d'une offre de cession alors qu'il présidait le directoire", la cour d'appel a dénaturé la convention de mandat social du 28 novembre 2016, violant ainsi le principe ci-dessus. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1103 du code civil :
7. Selon ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Lorsque les stipulations d'un contrat sont ambiguës, il appartient au juge de déterminer quelle a été la commune intention des parties.
8. Pour rejeter la demande de M. [Z] en paiement de la prime en cas de cession, prévue à l'article 4.1.4 de la convention de mandat social du 28 novembre 2016, l'arrêt retient que les termes clairs de cette convention prévoient que la cession devait être menée sous la présidence de M. [Z] et que, de plus, il ressort de la lettre du 9 novembre 2016 que l'objectif de la mission qui lui était confiée était la cession rapide du groupe Traqueur, et en déduit que M. [Z] n'ayant pas mené les opérations de cession, il ne peut prétendre au versement d'une prime à ce titre.
9. En statuant ainsi, alors que la convention du 28 novembre 2016, applicable entre les parties, était ambiguë en ce qui concerne tant la question de savoir si la cession de la société Traqueur entrait dans la mission confiée à M. [Z] en sa qualité de président du directoire que les conditions de versement de la prime en cas de cession, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rechercher quelle avait été la commune intention des parties, n'a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° N 20-16.168
Enoncé du moyen
10. M. [Z] fait le même grief à l'arrêt alors « qu'une société qui s'engage à payer une rémunération variable à son dirigeant en fonction d'objectifs à atteindre qu'elle fixe unilatéralement est liée par cet engagement ; qu'elle manque à son obligation en s'abstenant de fixer les objectifs conditionnant le versement de cette rémunération ; qu'il revient dans ce cas au juge de déterminer le montant de la rémunération variable en fonction des données de la cause, peu important que le dirigeant n'ait jusqu'alors pas réclamé la fixation de ces objectifs ; que pour débouter M. [Z] de sa demande en paiement de la prime sur objectifs, la cour d'appel a jugé qu'il "avait la possibilité de demander à la société Traqueur de procéder à la fixation de ses objectifs, s'en est abstenu, (et) ne peut dès lors reprocher à la société Traqueur un manquement dans ses obligations de ne pas y avoir procédé" et qu'il "établit donc d'autant moins (
) que c'est de façon déloyale que la société Traqueur s'est soustraite à l'énumération des objectifs qui devaient lui être fixés" ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, tandis qu'il lui incombait de déterminer le montant de la rémunération variable de M. [Z] en fonction des données de la cause, sans que la circonstance que la société Traqueur n'ait pas fixé ces objectifs ou que M. [Z] n'en ait pas réclamé la fixation permette à la société d'échapper à son obligation, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1104, alinéa 1er, du code civil :
11. Selon ce texte, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.
12. Pour rejeter la demande en paiement de la prime sur objectifs formée par M. [Z], l'arrêt, après avoir relevé que la convention du 28 novembre 2016 prévoyait son versement et que les objectifs devaient être fixés par le conseil de surveillance, retient que M. [Z] avait la possibilité de demander à la société Traqueur de procéder à la fixation de ses propres objectifs et que s'en étant abstenu, il ne peut reprocher à cette dernière un manquement dans ses obligations pour ne pas y avoir procédé.
13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'il incombait à la seule société Traqueur de fixer les objectifs à réaliser par M. [Z] et qu'elle ne l'avait pas fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° N 20-16.168
Enoncé du moyen
14. M. [Z] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour révocation brutale et sans juste motif, alors « que si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts ; que le simple changement de majorité ou la volonté de désigner une nouvelle gouvernance ne constitue pas un juste motif de révocation, à moins qu'elle soit justifiée par la nécessité de préserver l'intérêt social ; qu'en se bornant à affirmer, pour juger que M. [Z] ne rapportait pas la preuve de l'absence de juste motif, que la lettre du 18 mai 2017 l'informait de la volonté de la société Coyote de mettre en place une nouvelle gouvernance et que l'extrait du procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 rappelait qu'il en avait été informé préalablement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette décision de révocation était justifiée par la nécessaire préservation de l'intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-61 du code de commerce, ensemble l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 225-61, alinéa 1er, du code de commerce :
15. Selon ce texte, les membres du directoire peuvent être révoqués par l'assemblée générale, ainsi que, si les statuts le prévoient, par le conseil de surveillance. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts.
16. Pour juger que M. [Z] ne rapportait pas la preuve de l'absence de juste motif à sa révocation et rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts, l'arrêt relève que la société Coyote l'a, par une lettre du 18 mars 2017, informé de sa volonté de mettre en place une nouvelle gouvernance.
17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la décision de révoquer M. [Z] était justifiée par la nécessaire préservation de l'intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
REJETTE le pourvoi n° B 20-17.354 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes en paiement de la prime en cas de cession, de la prime sur objectifs et de dommages-intérêts pour révocation brutale et sans juste motif formées par M. [Z] et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Traqueur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Traqueur et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi n° N 20-16.168 par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. [Z].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [Z] de ses demandes en paiement des sommes de 318 369,31 € au titre de la prime contractuelle de cession et de 35 000 € au titre de la prime sur objectifs ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la prime en cas de cession, au préalable, il convient de relever que la société Traqueur conclut pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés à la nullité de la convention de mandat social à défaut de respect de la procédure concernant les conventions réglementées ; qu'il convient de rappeler que la demande de nullité de la convention du 28 novembre 2016 qui porte sur la prime au cas de cession s'appuie sur les mêmes moyens que précédemment évoqués pour la prime de révocation lesquels ont été écartés ; qu'au chapitre " rémunération " figurant à la convention de mandat social du 28 novembre 2016 est prévue une prime perçue par M. [Z] en cas de cession de la société Traqueur ; que les modalités d'attribution et de versement de la prime sont décrites par renvoi au paragraphe nº 6 de la lettre accord du 9 novembre 2016 ; que l'article 4.1.4 de la convention de mandat social du 28 novembre 2016 prévoit que par cession, il convient d'entendre " toute opération conduite durant la présidence du directoire de Traqueur par M. [G] [Z], de quelque nature qu'elle soit et quelque qu'en soient les modalités, entraînant immédiatement ou à terme un changement de contrôle de Traqueur au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce et conduisant à une offre publique d'achat sur Traqueur " ; que le tribunal a relevé notamment qu'il n'était pas contesté que M. [Z] n'avait pas participé au processus d'acquisition de la société par Coyote ; que M. [Z] critique la décision entreprise soutenant pour l'essentiel que le versement de la prime de cession n'était pas subordonné à sa participation au processus de cession ; que cependant, les termes clairs de la convention prévoient que la cession devait être menée sous la présidence de M. [Z], celui-ci ne produisant aucun élément à cet égard, que de plus il ressort de la lettre du 9 novembre 2016 que l'objectif de la mission qui lui était confiée était la cession rapide du groupe Traqueur ; que dès lors, M. [Z] n'ayant pas mené les opérations de cession ne peut prétendre au versement d'une prime à ce titre en soutenant que la prime était due indépendamment de toute diligence déployée de sa part dans la recherche de négociations avec un acquéreur et était générée par le simple fait de l'acceptation par le conseil de surveillance d'une offre de cession alors qu'il présidait le directoire ; (
) que sur la prime sur objectifs, la convention du 28 novembre 2016 prévoit une prime sur objectifs ; qu'il s'agit d'une prime annuelle sur atteinte d'objectifs d'un montant brut de 70 000 € ; que les objectifs annuels seront, après discussion, décidés lors du conseil de surveillance lors de l'élaboration annuelle du groupe ; que M. [Z] fait valoir que la prime sur objectifs est un élément de rémunération du président du directoire, qu'elle n'est pas soumise à autorisation ; qu'il relève qu'il appartenait à la société Traqueur de lui fixer ses objectifs, que celle-ci s'est abstenue d'y procéder de façon déloyale, qu'elle ne peut dans ces conditions se soustraire au versement de la prime ayant manqué à ses obligations issues de la convention de mandat social ; (
) que la société Traqueur conclut à la confirmation du jugement qui a retenu qu'aucun objectif n'ayant été fixé par le conseil de surveillance, la prime ne pouvait dès lors être allouée ; que M. [Z], pour rapporter la preuve de ce qu'il avait rempli les objectifs, verse au débat deux attestations selon lesquelles il a donné toute satisfaction mais celles-ci sont insuffisantes à l'établir dans la mesure où les objectifs n'ont pas été fixés par le conseil de surveillance alors qu'ils devaient être décidés annuellement, après discussion, lors de l'élaboration du budget annuel du Groupe ; que M. [Z] qui avait la possibilité de demander à la société Traqueur de procéder à la fixation de ses objectifs, s'en est abstenu, et ne peut dès lors reprocher à la société Traqueur un manquement dans ses obligations pour ne pas y avoir procédé ; qu'il établit donc d'autant moins comme il le prétend que c'est de façon déloyale que la société Traqueur s'est soustraite à l'énumération des objectifs qui devaient lui être fixés ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE, sur la prime en cas de cession, il n'est pas contesté que M. [Z] n'a pris aucune part au processus d'acquisition de la société par Coyote et que, selon les écritures de ce dernier, aucun audit, due diligence ou entretien avec l'équipe dirigeante n'a été réalisé préalablement ; (
) que sur la prime d'atteinte d'objectifs, aucun objectif qualitatif ou quantitatif reposant sur des critères objectifs d'appréciation et arrêté expressément par le conseil ne permet d'allouer une telle prime ; que les affirmations de M. [Z], corroborées par les témoignages de MM. H. [P] et M. [T], selon lesquelles il a donné toute satisfaction pendant les 6 mois de son mandat, ne démontrent pas, en l'absence d'objectifs chiffrés, qu'il a obtenu des résultats tangibles visant à " restructurer et développer le groupe avec pour objectif de lui permettre de se rapprocher, de s'adosser ou de s'intégrer, y compris par voie de cession, à un groupe qui lui garantira sa pérennité financière, industriel et technologique " (convention de mandat social p. 2) ; que (
) M. [Z] ne rapporte pas la preuve que les résultats d'exploitation et les marges de la société se sont améliorés du fait de son action ; que les conditions d'octroi de la prime sur objectifs sollicitée ne sont en conséquence pas réunies et qu'il convient de rejeter cette demande ;
1°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la lettre accord du 9 novembre 2016 prévoyait de confier à M. [Z] une mission de " restructuration et [de] développement du groupe Traqueur avec pour objectif la cession rapide du groupe Traqueur " (p. 1 § 2) ; que l'article 4.1.4 de la convention de mandat social du 28 novembre 2016 prévoyait le paiement d'une prime " en cas de cession " de la société, le terme cession étant défini comme " toute opération conduite durant la présidence du directoire de Traqueur par M. [G] [Z], de quelque nature qu'elle soit et quelles qu'en soient les modalités, entraînant immédiatement ou à terme un changement de contrôle de Traqueur (
) et conduisant à une offre publique d'achat sur Traqueur " ; que M. [Z], qui avait reçu mandat de restructurer et développer la société pour créer en amont les conditions propices à la réalisation d'une cession rapide, et non un mandat de négociation en vue d'une cession, avait ainsi droit à cette " prime en cas de cession " dès lors qu'une opération entraînant un changement de contrôle intervenait pendant le temps de sa présidence, peu important qu'il n'ait pas mené les opérations de cession, initiées en l'occurrence par les principaux actionnaires ; qu'en affirmant cependant que " M. [Z], n'ayant pas mené les opérations de cession, ne peut prétendre au versement d'une prime à ce titre en soutenant que la prime était due indépendamment de toute diligence déployée de sa part dans la recherche de négociations avec un acquéreur et était générée par le simple fait de l'acceptation par le conseil de surveillance d'une offre de cession alors qu'il présidait le directoire " (arrêt, p. 11 § 2), la cour d'appel a dénaturé la convention de mandat social du 28 novembre 2016, violant ainsi le principe ci-dessus ;
2°) ALORS QU' une société qui s'engage à payer une rémunération variable à son dirigeant en fonction d'objectifs à atteindre qu'elle fixe unilatéralement est liée par cet engagement ; qu'elle manque à son obligation en s'abstenant de fixer les objectifs conditionnant le versement de cette rémunération ; qu'il revient dans ce cas au juge de déterminer le montant de la rémunération variable en fonction des données de la cause, peu important que le dirigeant n'ait jusqu'alors pas réclamé la fixation de ces objectifs ; que pour débouter M. [Z] de sa demande en paiement de la prime sur objectifs, la cour d'appel a jugé qu'il " avait la possibilité de demander à la société Traqueur de procéder à la fixation de ses objectifs, s'en est abstenu, (et) ne peut dès lors reprocher à la société Traqueur un manquement dans ses obligations de ne pas y avoir procédé " et qu'il " établit donc d'autant moins (
) que c'est de façon déloyale que la société Traqueur s'est soustraite à l'énumération des objectifs qui devaient lui être fixés " (arrêt, p. 12 § 1 et 2) ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, tandis qu'il lui incombait de déterminer le montant de la rémunération variable de M. [Z] en fonction des données de la cause, sans que la circonstance que la société Traqueur n'ait pas fixé ces objectifs ou que M. [Z] n'en ait pas réclamé la fixation permette à la société d'échapper à son obligation, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil.
3°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'article 4.1.3 de la convention de mandat social stipule que " M. [G] [Z] percevra une prime annuelle sur atteinte d'objectifs d'un montant brut de 70 000 €. Les objectifs annuels seront, après discussion, décidés par le conseil de surveillance lors de l'élaboration du budget annuel du groupe " ; que cette prime était soumise à la seule condition que les objectifs annuels s'imposant à M. [Z] et décidés par le conseil de surveillance soient atteints, sans que M. [Z] n'ait à démontrer que son action ait eu des effets positifs sur les résultats d'exploitation et les marges de la société ; qu'en rejetant cependant la demande en paiement de la prime sur objectifs au motif que " M. [Z] ne rapporte pas la preuve que les résultats d'exploitation et les marges de la société se sont améliorés du fait de son action " (jugt, p. 9 § 6), la cour d'appel a dénaturé la convention de mandat social du 28 novembre 2016, violant ainsi le principe ci-dessus.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [Z] de sa demande d'indemnisation pour révocation brutale et sans juste motifs ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L. 225-61 du code de commerce dispose que " les membres du directoire ou le directeur général peuvent être révoqués par l'assemblée générale ainsi que, si les statuts le prévoient par le conseil de surveillance. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts " ; qu'il ressort des termes de la convention de mandat social du 28 novembre 2016 que M. [Z] pouvait être révoqué à tout moment et sans préavis de ses fonctions de président du directoire par décision de l'assemblée générale ordinaire des actionnaires de la société Traqueur ou par décision du conseil de surveillance ; que M. [Z] soutient que la révocation est intervenue de façon brutale sans que le principe du contradictoire ne soit respecté alors que la société Coyote par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mai 2017 l'informait de sa volonté de mettre en place une nouvelle gouvernance, l'extrait du procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 rappelant que M. [Z] en avait été informé préalablement ; que M. [Z] estime que les motifs ne lui ont pas été explicités, qu'il a donc été révoqué sans juste motif ; que cependant, la cour constate que si les motifs ne figurent pas dans l'extrait du procès-verbal de réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 mais sont remplacés par des points de suspension, c'est dans le souci de conserver un caractère de confidentialité aux motifs s'agissant d'un extrait déposé au greffe ; que M. [Z] ne le conteste pas ; qu'au regard de ces éléments, M. [Z] ne rapporte la preuve ni du caractère vexatoire, ni brutal de la révocation dont il a été informé un mois auparavant dans le respect du contradictoire ni celle de l'absence de juste motif ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE par lettre recommandée AR du 18 mai 2017, Coyote informait M. [Z] de l'état d'avancement de la procédure de prise de contrôle de Traqueur, lui demandait d'inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale des actionnaires du 15 juin 2017 un projet de résolutions comportant la nomination de 3 nouveaux membres au conseil de surveillance et la révocation de MM. [C] et [Y], précisant que " le nouvel actionnaire de contrôle souhaiterait mettre en place une nouvelle gouvernance chargée de la mise en uvre de la stratégie qui sera déployée " ; que dans ce contexte, son éviction du directoire était prévisible et justifiée ; que le procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 précise que M. [Z] a été informé de son éventuelle révocation préalablement à la tenue de la réunion et que le président a exposé les motifs conduisant le conseil à envisager cette décision ; que M. [Z] avait ainsi latitude pour argumenter et contester la mesure ;
1°) ALORS QUE si la révocation d'un membre du directoire est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts ; que s'il revient au dirigeant révoqué d'établir l'absence de juste motif, encore faut-il que la société expose au préalable les motifs justifiant selon elle la révocation, pour qu'il soit en mesure de démontrer qu'ils ne constituent pas de justes motifs, et qu'il soit invité à participer à la réunion du conseil de surveillance afin qu'il puisse présenter sa défense avant le vote ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que " si les motifs ne figurent pas dans l'extrait de procès-verbal de réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 mais sont remplacés par des points de suspension, c'est dans le souci de conserver un caractère de confidentialité aux motifs s'agissant d'un extrait déposé au greffe " (arrêt, p. 13 § 4) ; qu'en statuant ainsi sur la base d'indications imprécises du procès-verbal de réunion du conseil de surveillance ne faisant état ni des motifs de révocation, ni de la possibilité laissée à M. [Z] de présenter sa défense, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rechercher, comme elle y était pourtant invitée (concl., p. 38 § 1 à 10 ; p. 40 § 5 à 9), si M. [Z] avait eu connaissance des motifs de sa révocation et s'il avait pu présenter ses observations avant qu'il soit procédé au vote, a privé sa décision de base légale au regard de L. 225-61 du code de commerce, ensemble l'article 1240 du code civil ;
2°) ALORS QUE pour écarter le caractère abusif et dépourvu de juste motif de la révocation de M. [Z], la cour d'appel a affirmé que " si les motifs ne figurent pas dans l'extrait de procès-verbal de réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 mais sont remplacés par des points de suspension, c'est dans le souci de conserver un caractère de confidentialité aux motifs s'agissant d'un extrait déposé au greffe " et que " M. [Z] ne le conteste pas " (arrêt, p. 13 § 4) ; que ce dernier avait pourtant fait valoir dans ses conclusions (p. 38 § 10) que " la circonstance que la société Traqueur soit autorisée à produire au registre du commerce et des sociétés un procès-verbal expurgé des mentions des causes de la révocation, ne l'exonérait nullement de la nécessité de justifier des motifs de la révocation de M. [Z] dans le cadre de la présente instance ", de sorte qu'il contestait expressément la conservation du caractère confidentiel des motifs de sa révocation ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. [Z] violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts ; que le simple changement de majorité ou la volonté de désigner une nouvelle gouvernance ne constitue pas un juste motif de révocation, à moins qu'elle soit justifiée par la nécessité de préserver l'intérêt social ; qu'en se bornant à affirmer, pour juger que M. [Z] ne rapportait pas la preuve de l'absence de juste motif, que la lettre du 18 mai 2017 l'informait de la volonté de la société Coyote de mettre en place une nouvelle gouvernance et que l'extrait du procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 rappelait qu'il en avait été informé préalablement (arrêt, p. 13 § 3), sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 39 § 4 à 6), si cette décision de révocation était justifiée par la nécessaire préservation de l'intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-61 du code de commerce, ensemble l'article 1240 du code civil. Moyen produit au pourvoi n° B 20-17.354 par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour la société Traqueur.
La société Traqueur fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Traqueur à verser à M. [Z] la somme de 90.000 € au titre de l'indemnité de révocation ;
1) Alors que les conventions conclues entre la société et un membre du conseil de surveillance sont soumises à l'autorisation préalable du conseil de surveillance ; que la cour d'appel a constaté que le conseil de surveillance n'a pas donné son autorisation préalable ; qu'en considérant néanmoins que la procédure prévue à l'article L. 225-86 du code de commerce a été respectée (p. 9), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 225-86 du code de commerce ;
2) Alors que les conventions conclues entre la société et un membre du conseil de surveillance sont soumises à l'autorisation préalable du conseil de surveillance ; que la cour d'appel a retenu que « la convention du 28 novembre 2016 dans laquelle figure la fixation de l'indemnité de révocation a donc été approuvée par le conseil de surveillance ce qui ressort des termes du procès-verbal de réunion du même jour » et que « le conseil de surveillance a donc été parfaitement informé et éclairé sur les modalités de rémunération mais aussi sur le versement de primes qui seraient versées à M. [Z] au cas de révocation de son mandat » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants qui ne sont pas de nature à écarter l'exigence légale d'une autorisation préalable du conseil de surveillance, la cour d'appel a violé l'article L. 225-86 du code de commerce ;
3) Alors que les conventions réglementées conclues sans autorisation préalable du conseil de surveillance peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société ; que le versement d'une rémunération sans contrepartie constitue nécessairement une « conséquence dommageable » au sens de commerce, puisque ce versement implique un appauvrissement de la société, sans aucune forme de compensation ; que la cour d'appel a néanmoins affirmé que si le défaut d'autorisation préalable par le conseil de surveillance était retenu, il appartenait à la société Traqueur de rapporter la preuve de conséquences dommageables pour la société (p. 9) ; qu'en statuant, alors que les conséquences dommageables découlaient automatiquement de la nature des sommes litigieuses, la cour d'appel a violé l'article L. 225-90 du code de commerce ;
4) Alors, en tout état de cause, que les conventions réglementées conclues sans autorisation préalable du conseil de surveillance peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société ; que le versement d'une rémunération sans contrepartie constitue nécessairement une « conséquence dommageable » au sens de commerce, puisque ce versement implique un appauvrissement de la société, sans aucune forme de compensation ; que la société Traqueur soutenait, dans ses conclusions d'appel, que l'annulation devait être accueillie étant donné que les primes de révocation et de cession ont été conclues sans autorisation préalable du conseil de surveillance et que leur versement serait de nature à avoir des conséquences financières dommageables pour la société ; que la cour d'appel a néanmoins retenu que la société Traqueur n'établissait pas les conséquences dommageables du versement des primes (p. 9) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, en quoi le versement des sommes litigieuses trouvait, en l'espèce, une contrepartie pour la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-90 du code de commerce ; | Viole l'article 1104, alinéa 1, du code civil, l'arrêt qui, après avoir relevé qu'une convention prévoyait le versement d'une prime sur objectifs formée par le président du directoire d'une société anonyme et que les objectifs devaient être fixés par le conseil de surveillance de la société, rejette la demande en paiement de cette prime au motif que le dirigeant avait la possibilité de demander à la société de procéder à la fixation de ses objectifs et que s'en étant abstenu, il ne peut reprocher à cette dernière un manquement dans ses obligations pour ne pas y avoir procédé, alors qu'il résultait des constatations de la cour d'appel qu'il incombait à la seule société de fixer les objectifs à réaliser par le dirigeant et qu'elle ne l'avait pas fait |
7,660 | SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 mars 2022
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 381 FS-B
Pourvois n°
N 20-18.537
et S 20-20.151
à K 20-20.168
JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 MARS 2022
La société Proserve Dasri, dont le siège est [Adresse 22], a formé les pourvois n° N 20-18.537, S 20-20.151, T 20-20.152, U 20-20.153, V 20-20.154, W 20-20.155, X 20-20.156, Y 20-20.157, Z 20-20.158, A 20-20.159, B 20-20.160, C 20-20.161, D 20-20.162, E 20-20.163, F 20-20.164, H 20-20.165, G 20-20.166, J 20-20.167 et K 20-20.168 contre dix-neuf arrêts rendus le 9 juillet 2020 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ à M. [G] [T], domicilié [Adresse 13],
2°/ à M. [ZS] [R], domicilié [Adresse 9],
3°/ à M. [D] [H], domicilié [Adresse 8],
4°/ à M. [N] [J], domicilié [Adresse 17],
5°/ à M. [UJ] [U], domicilié [Adresse 15],
6°/ à M. [OO] [XP], domicilié [Adresse 11],
7°/ à M. [OB] [E], domicilié [Adresse 2],
8°/ à M. [DP] [W], domicilié [Adresse 16],
9°/ à M. [JG] [GA], domicilié [Adresse 18],
10°/ à M. [JU] [A], domicilié [Adresse 3],
11°/ à M. [NN] [FM], domicilié [Adresse 7],
12°/ à M. [O] [XC], domicilié [Adresse 1],
13°/ à M. [C] [K], domicilié [Adresse 12],
14°/ à M. [L] [KH], domicilié [Adresse 10],
15°/ à M. [M] [Z], domicilié [Adresse 6],
16°/ à M. [V] [X], domicilié [Adresse 20],
17°/ à M. [Y] [I], domicilié [Adresse 19],
18°/ à M. [S] [F], domicilié [Adresse 5],
19°/ à M. [P] [B], domicilié [Adresse 4],
20°/ au Syndicat général des transports CFDT du nord-ouest francilien, dont le siège est [Adresse 14],
21°/ à la société Suez RV Île-de-France, dont le siège est [Adresse 21],
défendeurs à la cassation.
La société Suez RV Île-de-France a formé un pourvoi incident contre les mêmes arrêts.
La demanderesse aux pourvois principaux invoque, à l'appui de ses recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Proserve Dasri, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Suez RV Île-de-France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du Syndicat général des transports CFDT du nord-ouest francilien, de M. [T] et des dix-huit autres salariés, et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Capitaine, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° N 20-18.537, S 20-20.151, T 20-20.152, U 20-20.153, V 20-20.154, W 20-20.155, X 20-20.156, Y 20-20.157, Z 20-20.158, A 20-20.159, B 20-20.160, C 20-20.161, D 20-20.162, E 20-20.163, F 20-20.164, H 20-20.165, G 20-20.166, J 20-20.167 et K 20-20.168 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 09 juillet 2020), M. [T] et dix-huit autres salariés ont été engagés par la société Sita Île-de-France devenue la société Suez RV Île-de France en qualité de conducteurs poids-lourd collecteurs Dasri-dis (déchets d'activités de soins à risques infectieux-déchets industriel spécial).
3. La convention collective applicable est celle des activités du déchet du 11 mai 2000 étendue par arrêté du 5 juillet 2001.
4. Le 9 septembre 2016, ces salariés ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de versement d'une prime conventionnelle pour travaux dangereux, outre des dommages-intérêts pour le préjudice subi. Le Syndicat général des transports CFDT du nord-ouest francilien est intervenu volontairement à l'instance.
5. À compter du 1er mars 2018, la société Suez RV Île-de-France a cédé la partie de ses activités liées aux déchets d'activités de soins à risques infectieux à la société Proserve Dasri.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, réunis
Enoncés des moyens
7. Par son moyen, la société Proserve Dasri fait grief aux arrêts de dire qu'elle était redevable à l'égard des salariés du règlement de la majoration de salaire prévue par l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet à compter du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par les salariés et, en conséquence, de la condamner à régler aux salariés une majoration de salaire du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par les salariés ainsi qu'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral et à verser au syndicat général des transports CFDT du nord-ouest francilien une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, alors :
« 1°/ que le caractère dangereux d'une activité au sens de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet doit être apprécié intrinsèquement et ne peut être retenu que s'il persiste un risque suffisamment élevé pour être considéré encore comme dangereux en dépit des mesures de sécurité prises par l'employeur ; qu'il ne peut en revanche être déduit de l'existence de mesures de sécurité prises par l'employeur et destinées précisément à minimiser le risque ; que pour dire que le salarié effectuait un travail dangereux devant entraîner la majoration conventionnelle pour travaux dangereux, la cour d'appel, après avoir énoncé qu'il convenait de vérifier si la collecte et le transport des déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri) étaient dangereux pour les salariés qui les effectuaient au regard des procédures mises en place par l'employeur, a retenu que si l'ensemble de ces dispositifs visaient à préserver la santé et la sécurité du salarié, il apparaissait qu'ils minimisaient le risque de danger mais ne le supprimaient pas totalement de sorte que l'entreprise avait défini un protocole de soins à respecter lorsque, par mégarde ou par malchance, le salarié se blessait ou se trouvait en contact avec les déchets collectés ; qu'en déduisant le caractère dangereux de l'activité en cause en se fondant sur l'existence des procédures mises en place par l'employeur pour préserver la santé et la sécurité du salarié et du protocole de soins en cas d'accident, la cour d'appel a violé l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet ;
2°/ que la notion de travaux dangereux au sens de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet impose une exposition fréquente et régulière du salarié au risque indemnisé ; qu'en se bornant à énoncer que si les procédures mises en place par l'employeur visaient à préserver la santé et la sécurité du salarié, il apparaissait qu'elles minimisaient le risque de danger mais ne le supprimaient pas totalement, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la fréquence et l'intensité de l'exposition du salarié au danger, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3.14 de la convention collective susvisée ;
3°/ qu'en retenant que l'employeur reconnaissait dans ses écritures que les principaux risques statistiques liés à l'activité Dasri résultaient à 93,33 % de la manutention des déchets (manutention manuelle, port de charges et risques d'infection) et des chutes et chocs des agents, cependant que ce pourcentage concernait tant les activités de collecte et de transport que les activités de conditionnement des Dasri, la cour d'appel, qui n'a pas précisé la proportion de risques qui se rattachait à la seule activité spécifique de collecte et de transport des Dasri, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet ;
4°/ subsidiairement, que l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet dispose que ce sont les entreprises qui définiront, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles et dangereux ; qu'il en résulte que l'employeur a seul le pouvoir de définir, pour le passé et à plus forte raison pour l'avenir, les activités dangereuses et, le cas échéant, les majorations de salaire pour les travaux pénibles et dangereux ; qu'en condamnant la société Proserve Dasri à régler au salarié "une majoration de salaire d'un montant mensuel de 70 euros outre les congés payés du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié" (activité de collecte et de transport des Dasri), la cour d'appel, qui s'est substituée à l'employeur, tant pour le passé que pour l'avenir, a violé l'article 3.14 de la convention collective susvisée ;
5°/ encore plus subsidiairement, que l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet dispose que les entreprises définiront, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles et dangereux ; que pour retenir "comme correspondant à la juste indemnisation du travail dangereux prévue à l'article 3.14 de la convention collective susvisée, une augmentation de salaire mensuelle de 70 euros", la cour d'appel s'est fondée sur le bulletin de salaire d'un salarié de la société Sita Nord-Est, et sur le bulletin de salaire d'un ancien salarié de la société Veolia, contrats transférés à la société Proserve Dasri en application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en se fondant, pour fixer le montant de la majoration litigieuse, sur la situation d'autres entreprises et en s'abstenant de tenir compte des particularités de la société Proserve Dasri, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3.14 de la convention collective susvisée ;
6°/ encore plus subsidiairement, que le salaire n'est dû que dans la mesure du travail effectivement accompli par le salarié ; qu'en refusant "de limiter le montant de l'augmentation de salaire "par jour travaillé" ", et en retenant "une augmentation de salaire mensuelle" forfaitaire, quand elle constatait que la majoration de salaire pour travaux dangereux était "versée en contrepartie du travail réalisé par les salariés" la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que la majoration de salaire aurait dû être indexée en fonction du temps de travail effectif et du temps réel d'exposition au prétendu risque, a violé les articles L. 1221-1 et L. 3221-3 du code du travail. »
8. Par son premier moyen, la société Suez RV Île-de-France fait grief aux arrêts de dire que les sociétés Suez RV Ile-de-France et Proserve Dasri sont redevables à l'égard des salariés du règlement de la majoration de salaire prévue par l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet, pour la période allant jusqu'au 28 février 2018 pour la première, et à compter du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié pour la seconde, de la condamner en conséquence à régler aux salariés une majoration de salaire jusqu'au 28 février 2018 dans la limite de la prescription, une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, de la condamner en conséquence à verser au syndicat général des transports CFDT du nord-ouest francilien une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, alors :
« 1°/ que l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités de déchets du 11 mai 2000 dispose que "conformément aux dispositions légales, les entreprises définiront, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles et dangereux. Ces majorations s'ajouteront le cas échéant à celles prévues par la présente convention collective" ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que si la dangerosité des déchets d'activités de soins à risque infectieux (Dasri) est admise par toutes les parties, elle ne rend pas nécessairement elles-mêmes dangereuses les activités de collecte et de transport de ces déchets ; que la cour d'appel a relevé que l'employeur justifiait d'un ensemble de mesures visant à préserver la santé et la sécurité des salariés - formation du salarié sur les déchets spéciaux, consignes de sécurité prodiguées par l'entreprise, protocoles à respecter, véhicules adaptés, équipements de protection individuelle obligatoires, contrôle de conformité, contenants spécifiques hermétiques, et enfin, autorisation donnée au salarié de refuser une collecte d'emballages non conformes, non verrouillés ou non identifiés - qui "minimisaient" le risque de danger ; qu'en jugeant que ces activités constituaient néanmoins des travaux dangereux au sens de la disposition conventionnelle précitée au motif inopérant que le risque de blessures et d'entrée en contact avec les déchets n'était pas "totalement supprimé" par les mesures applicables dans l'entreprise, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé que les activités en cause constituaient des travaux présentant des risques plus importants que les autres activités visées par la convention collective, voire même que toute autre activité professionnelle pour laquelle il n'existe pas de risque nul, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités de déchets du 11 mai 2000 ;
2°/ qu' interdiction est faite au juge de dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses écritures d'appel, l'employeur, sur la base d'un tableau statistique figurant dans le rapport Progexa produit par la partie adverse faisait valoir que "sur les 30 accidents du travail répertoriés sur une période de 3 ans, 93,33 % sont liés à la manutention, des chocs ou des chutes de plein pied. Les principaux risques statistiques liés à l'activité de collecte Dasri sont donc à part égale, liés à la manutention ou aux chutes. Le risque prégnant est donc très loin d'être biologique" ; que le tableau auquel il se référait précisait en effet que 50 % des accidents étaient liés à des chutes ou des chocs de plein pied et 43,33 % d'entre eux à la manutention, le rapport précisant sur ce point que les accidents de manutention se traduisaient par des douleurs ressenties pendant le port de charge ; que dès lors en affirmant que "l'employeur reconnaît dans ses écritures que les principaux risques statistiques liés à l'activité Dasri résultent à 93,33 % de la manutention des déchets (manutention manuelle, port de charges et risques d'infection) et des chutes et chocs des agents" pour en déduire que les activités de collecte et de transport des Dasri constituaient des travaux dangereux, lorsque l'employeur soulignait au contraire que les risques d'infection n'étaient pas inclus dans ces 93,33 %, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions d'appel en violation du principe susvisé ;
3°/ que les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que les salariés sollicitaient la condamnation de leur employeur à leur verser une "prime pour travaux dangereux" ; qu'en condamnant la société Suez RV Île-de-France à leur verser "une majoration de salaire" d'un montant mensuel de 70 euros, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4°/ qu'à supposer que la cour d'appel ait accordé une majoration de salaire prenant la forme d'une prime, la société lui demandait de préciser si cette prime était due uniquement pour les périodes de travail ou bien y compris en cas de périodes de suspension du contrat de travail, et rappelait à cet égard que si la prime était due périodes de travail et de congés confondues, elle ne pouvait rentrer dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés que la cour d'appel a constaté que "la prime litigieuse est versée en contrepartie du travail réalisé par les salariés et destinée à compenser la sujétion permanente liée au caractère dangereux de leurs missions" et a assorti sa condamnation d'une indemnité de congés payés ; qu'en statuant ainsi sans toutefois préciser, comme elle y était invitée, que la prime devait être proratisée en fonction des seules périodes travaillées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3-14 de la convention collective des activités de déchets du 11 mai 2000 ;
5°/ que la société Suez RV Île-de-France faisait valoir que la prime de 70 euros versée au sein de la société Sita Nord-Est l'avait été en vertu d'un accord de fin de conflit qui ne faisait pas référence à l'article 3-14 de la convention collective, l'accord prévoyant le versement d'une "prime chauffeur Das" en contrepartie de la compétence particulière requise pour la collecte des déchets d'activités de soins, qui n'est pas reconnue par la convention collective ; qu'en jugeant que cette prime donnait une indication pour fixer le montant de la majoration due en application de l'article 3-14 de la convention collective à 70 euros, sans répondre à ce moyen péremptoire établissant que la prime chauffeur DAS n'avait pas le même objet que la majoration prévue par la convention collective, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. Il résulte de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000, que conformément aux dispositions légales, les entreprises définiront, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles ou dangereux.
Ces majorations s'ajouteront, le cas échéant, à celles prévues par la présente convention collective.
10. Après avoir relevé que le caractère dangereux des produits collectés -aiguilles, seringues, lancettes, cathéters, pansements, gants souillés, poches de sang vides, déchets anatomiques humains, déchets présentant un risque infectieux- n'était pas contesté, la cour d'appel, qui a constaté que les mesures de prévention mises en place par l'employeur ne supprimaient pas le danger, a, hors toute dénaturation, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches inopérantes, pu décider que l'activité de collecte, de manipulation et de transport des contenants de ces produits était une activité à risque spécifique, et que les salariés qui y étaient affectés effectuaient un travail dangereux, leur ouvrant droit à la majoration de salaire prévue par la convention collective en contrepartie du travail effectué, majoration, dont elle a, après avoir constaté la carence de l'employeur, et exerçant son office, fixé le montant au vu des éléments fournis par les parties.
11. Les moyens ne sont en conséquence pas fondés.
12. Le rejet du premier moyen du pourvoi incident rend sans portée la première branche du deuxième moyen et le troisième moyen du même pourvoi pris d'une cassation par voie de conséquence.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les sociétés Proserve Dasri et Suez RV Île-de-France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Proserve Dasri et Suez RV Île-de-France et condamne la société Proserve Dasri à payer à MM. [T], [R], [H], [J], [U], [XP], [E], [W], [GA], [A], [FM], [XC], [K], [KH], [Z], [X], [I], [F] et [B] et au Syndicat général des transports CFDT du nord-ouest francilien la somme globale de 3 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen commun produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Proserve Dasri, demanderesse aux pourvois principaux n° N 20-18.537 et S 20-20.151 à K 20-20.168
La société PROSERVE DASRI reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit qu'elle était redevable à l'égard du salarié du règlement de la majoration de salaire prévue par l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet à compter du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salariés et, en conséquence, d'avoir condamné la société Proserve Dasri à régler au salarié une majoration de salaire d'un montant mensuel de 70 euros outre les congés payés (7 euros) du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié ainsi que la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et à verser au syndicat général des transports Cfdt du nord-ouest francilien la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
Alors 1°) que le caractère dangereux d'une activité au sens de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet doit être apprécié intrinsèquement et ne peut être retenu que s'il persiste un risque suffisamment élevé pour être considéré encore comme dangereux en dépit des mesures de sécurité prises par l'employeur ; qu'il ne peut en revanche être déduit de l'existence de mesures de sécurité prises par l'employeur et destinées précisément à minimiser le risque ; que pour dire que le salarié effectuait un travail dangereux devant entraîner la majoration conventionnelle pour travaux dangereux, la cour d'appel, après avoir énoncé qu'il convenait de vérifier si la collecte et le transport des déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri) étaient dangereux pour les salariés qui les effectuaient au regard des procédures mises en place par l'employeur, a retenu que si l'ensemble de ces dispositifs visaient à préserver la santé et la sécurité du salarié, il apparaissait qu'ils minimisaient le risque de danger mais ne le supprimaient pas totalement de sorte que l'entreprise avait défini un protocole de soins à respecter lorsque, par mégarde ou par malchance, le salarié se blessait ou se trouvait en contact avec les déchets collectés ; qu'en déduisant le caractère dangereux de l'activité en cause en se fondant sur l'existence des procédures mises en place par l'employeur pour préserver la santé et la sécurité du salarié et du protocole de soins en cas d'accident, la cour d'appel a violé l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet ;
Alors 2°) que la notion de travaux dangereux au sens de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet impose une exposition fréquente et régulière du salarié au risque indemnisé ; qu'en se bornant à énoncer que si les procédures mises en place par l'employeur visaient à préserver la santé et la sécurité du salarié, il apparaissait qu'elles minimisaient le risque de danger mais ne le supprimaient pas totalement, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la fréquence et l'intensité de l'exposition du salarié au danger, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3.14 de la convention collective susvisée ;
Alors 3°) qu'en retenant que l'employeur reconnaissait dans ses écritures que les principaux risques statistiques liés à l'activité Dasri résultaient à 93,33 % de la manutention des déchets (manutention manuelle, port de charges et risques d'infection) et des chutes et chocs des agents, cependant que ce pourcentage concernait tant les activités de collecte et de transport que les activités de conditionnement des Dasri, la cour d'appel, qui n'a pas précisé la proportion de risques qui se rattachait à la seule activité spécifique de collecte et de transport des Dasri, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet ;
Alors 4°), subsidiairement, que l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet dispose que ce sont les entreprises qui définiront, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles et dangereux ; qu'il en résulte que l'employeur a seul le pouvoir de définir, pour le passé et à plus forte raison pour l'avenir, les activités dangereuses et, le cas échéant, les majorations de salaire pour les travaux pénibles et dangereux ; qu'en condamnant la société Proserve Dasri à régler au salarié « une majoration de salaire d'un montant mensuel de 70 euros outre les congés payés du 1er mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié » (activité de collecte et de transport des Dasri), la cour d'appel, qui s'est substituée à l'employeur, tant pour le passé que pour l'avenir, a violé l'article 3.14 de la convention collective susvisée ;
Alors 5°), encore plus subsidiairement, que l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet dispose que les entreprises définiront, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles et dangereux ; que pour retenir « comme correspondant à la juste indemnisation du travail dangereux prévue à l'article 3.14 de la convention collective susvisée, une augmentation de salaire mensuelle de 70 euros », la cour d'appel s'est fondée sur le bulletin de salaire d'un salarié de la société Sita Nord Est, et sur le bulletin de salaire d'un ancien salarié de la société Veolia, contrats transférés à la société Proserve Dasri en application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en se fondant, pour fixer le montant de la majoration litigieuse, sur la situation d'autres entreprises et en s'abstenant de tenir compte des particularités de la société Proserve Dasri, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3.14 de la convention collective susvisée ;
Alors 6°), encore plus subsidiairement, que le salaire n'est dû que dans la mesure du travail effectivement accompli par le salarié ; qu'en refusant « de limiter le montant de l'augmentation de salaire « par jour travaillé » », et en retenant « une augmentation de salaire mensuelle » forfaitaire, quand elle constatait que la majoration de salaire pour travaux dangereux était « versée en contrepartie du travail réalisé par les salariés », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que la majoration de salaire aurait dû être indexée en fonction du temps de travail effectif et du temps réel d'exposition au prétendu risque, a violé les articles L. 1221-1 et L. 3221-3 du code du travail.
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Suez RV Île-de-France, demanderesse au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Suez RV IDF fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit que les sociétés Suez RV Ile de France et SAS Proserve Dasri sont redevables à l'égard des salariés du règlement de la majoration de salaire prévue par l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet, pour la période allant jusqu'au 28/02/2018 pour la première, et à compter du 01/03/2018 jusqu'à la date de l'arrêt de l'exercice de cette activité par le salarié pour la seconde, de l'AVOIR en conséquence condamnée à régler aux salariés une majoration de salaire d'un montant mensuel de 70 euros outre les congés-payés y afférents (7 euros) jusqu'au 28/02/2018 dans la limite de la prescription, la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral, de l'AVOIR en conséquence condamnée à verser au syndicat général des transports CFDT du nord-ouest francilien la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et d'AVOIR condamné les SAS Suez RV Ile de France et SAS Proserve Dasri par moitié aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser aux salariés la somme de 150 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et au syndicat général des transports CFDT du nord-ouest francilien la somme de 50 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
1/ ALORS QUE l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités de déchets du 11 mai 2000 dispose que « conformément aux dispositions légales, les entreprises définiront, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles et dangereux. Ces majorations s'ajouteront le cas échéant à celles prévues par la présente convention collective » ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que si la dangerosité des déchets d'activités de soins à risque infectieux (DASRI) est admise par toutes les parties, elle ne rend pas nécessairement elles-mêmes dangereuses les activités de collecte et de transport de ces déchets; que la cour d'appel a relevé que l'employeur justifiait d'un ensemble de mesures visant à préserver la santé et la sécurité des salariés -formation du salarié sur les déchets spéciaux, consignes de sécurité prodiguées par l'entreprise, protocoles à respecter, véhicules adaptés, équipements de protection individuelle obligatoires, contrôle de conformité, contenants spécifiques hermétiques, et enfin, autorisation donnée au salarié de refuser une collecte d'emballages non conformes, non verrouillés ou non identifiés- qui « minimisaient » le risque de danger ; qu'en jugeant que ces activités constituaient néanmoins des travaux dangereux au sens de la disposition conventionnelle précitée au motif inopérant que le risque de blessures et d'entrée en contact avec les déchets n'était pas « totalement supprimé » par les mesures applicables dans l'entreprise, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé que les activités en cause constituaient des travaux présentant des risques plus importants que les autres activités visées par la convention collective, voire même que toute autre activité professionnelle pour laquelle il n'existe pas de risque nul, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités de déchets du 11 mai 2000 ;
2/ ALORS QU' interdiction est faite au juge de dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses écritures d'appel (p 11), l'employeur, sur la base d'un tableau statistique figurant dans le rapport Progexa produit par la partie adverse (pièce adverse n° 17, en production) faisait valoir que « sur les 30 accidents du travail répertoriés sur une période de 3 ans, 93,33 % sont liés à la manutention, des chocs ou des chutes de plein pied. Les principaux risques statistiques liés à l'activité de collecte DASRI sont donc à part égale, liés à la manutention ou aux chutes (p 32). Le risque prégnant est donc très loin d'être biologique » ; que le tableau auquel il se référait précisait en effet que 50 % des accidents étaient liés à des chutes ou des chocs de plein pied et 43,33 % d'entre eux à la manutention, le rapport précisant sur ce point que les accidents de manutention se traduisaient par des douleurs ressenties pendant le port de charge ; que dès lors en affirmant que « l'employeur reconnaît dans ses écritures que les principaux risques statistiques liés à l'activité DASRI résultent à 93,33 % de la manutention des déchets (manutention manuelle, port de charges et risques d'infection) et des chutes et chocs des agents » pour en déduire que les activités de collecte et de transport des DASRI constituaient des travaux dangereux, lorsque l'employeur soulignait au contraire que les risques d'infection n'étaient pas inclus dans ces 93,33 %, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions d'appel en violation du principe susvisé;
3/ ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que les salariés sollicitaient la condamnation de leur employeur à leur verser une « prime pour travaux dangereux » (V. leurs conclusions d'appel p 44, p 52 et s.) ; qu'en condamnant la société Suez RV IDF à leur verser « une majoration de salaire » d'un montant mensuel de 70 euros, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4/ ALORS QU'à supposer que la cour d'appel ait accordé une majoration de salaire prenant la forme d'une prime, la société lui demandait de préciser si cette prime était due uniquement pour les périodes de travail ou bien y compris en cas de périodes de suspension du contrat de travail, et rappelait à cet égard que si la prime était due périodes de travail et de congés confondues, elle ne pouvait rentrer dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés (conclusions d'appel de l'exposante p 22-23); que la cour d'appel a constaté que « la prime litigieuse est versée en contrepartie du travail réalisé par les salariés et destinée à compenser la sujétion permanente liée au caractère dangereux de leurs missions » et a assorti sa condamnation d'une indemnité de congés payés ; qu'en statuant ainsi sans toutefois préciser, comme elle y était invitée, que la prime devait être proratisée en fonction des seules périodes travaillées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3-14 de la convention collective des activités de déchets du 11 mai 2000 ;
5/ ALORS QUE la société Suez RV IDF faisait valoir que la prime de 70 euros versée au sein de la société Sita Nord Est l'avait été en vertu d'un accord de fin de conflit qui ne faisait pas référence à l'article 3-14 de la convention collective, l'accord prévoyant le versement d'une « prime chauffeur DAS » en contrepartie de la compétence particulière requise pour la collecte des déchets d'activités de soins, qui n'est pas reconnue par la convention collective (conclusions d'appel de l'exposante p 12, article 2 de l'accord de fin de conflit du 30 avril 2013) ; qu'en jugeant que cette prime donnait une indication pour fixer le montant de la majoration due en application de l'article 3-14 de la convention collective à 70 euros, sans répondre à ce moyen péremptoire établissant que la prime chauffeur DAS n'avait pas le même objet que la majoration prévue par la convention collective, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
La société Suez RV IDF FAIT GRIEF aux arrêts attaqués de l'AVOIR condamnée à régler aux salariés la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral, d'AVOIR condamné les SAS Suez RV Ile de France et SAS Proserve Dasri par moitié aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser aux salariés la somme de 150 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
1/ ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de dispositif des arrêts accordant aux salariés un rappel de salaire entrainera par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'interprétation faite par l'employeur des dispositions conventionnelles litigieuses, divergente de celle des salariés, n'est pas en soi constitutive d'une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts ; qu'en le condamnant néanmoins à indemniser le préjudice moral subi par les salariés sans caractériser que la société avait de mauvaise foi estimé que l'activité de collecte et de transport des DASRI ne constituait pas des travaux dangereux au sens de l'article 3-14 de la convention collective applicable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-6 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
La société SUEZ RV IDF FAIT GRIEF aux arrêts attaqués de l'AVOIR condamnée à verser au syndicat général des transports CFDT du nord-ouest francilien la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et d'AVOIR condamné les SAS Suez RV Ile de France et SAS Proserve Dasri par moitié aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser au syndicat général des transports CFDT du nord-ouest francilien la somme de 50 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de dispositif des arrêts accordant aux salariés un rappel de salaire en application de l'article 3-14 de la convention collective applicable entrainera par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif en application de l'article 624 du code de procédure civile. | Selon l'article 3.14 de la convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000, les entreprises définiront, conformément aux dispositions légales, en tenant compte le cas échéant de leurs particularités, des majorations de salaire pour les travaux pénibles ou dangereux.
Doit être approuvé l'arrêt qui, relevant que l'activité de collecte, de manipulation et de transports des contenants des produits collectés était une activité à risque spécifique et que les salariés qui y étaient affectés effectuaient un travail dangereux, leur ouvrant droit à la majoration de salaire prévue par ce texte en contrepartie du travail effectué, a, après avoir constaté la carence de l'employeur et exerçant son office, fixé le montant de cette majoration au vu des éléments fournis par les parties |
7,661 | BSOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 mars 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Pourvois n° S 20-15.022
S 20-17.230 JONCTION
Arrêt n° 429 FS-B sur le second moyen du pourvoi n° S 20-15.022 et sur le deuxième moyen du pourvoi n° S 20-17.230
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 MARS 2022
I. Le syndicat Avenir Sopra Steria, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 20-15.022,
II. 1°/ La société Sopra Steria Group, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7],
2°/ la société Sopra Steria Infrastructure & Security Services, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
3°/ la société Sopra HR Software, société anonyme,
4°/ la société Sopra Banking Software, société anonyme,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 7],
5°/ la société Beamap, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
6°/ la société Axway Siftware, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
ont formé le pourvoi n° S 20-17.230,
contre l'arrêt rendu le 6 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant et les opposant également :
1°/ au comité d'établissement Sopra Steria Group, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ au syndicat Solidaires informatique, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à la Fédération CFDT communication, conseil, culture (F3C CFDT), dont le siège est [Adresse 3],
Le demandeur au pourvoi n° S 20-15.022 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les demanderesses au pourvoi n° S 20-17.230 invoquent, à l'appui de leur recours, les quatre moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du syndicat Avenir Sopra Steria, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat des sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services, Sopra HR Software, Sopra Banking Software, Beamap et Axway Siftware, de l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Lecaplain-Morel, M. Flores, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° S 20-15.022 et S 20-17.230 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 février 2020), les sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services, Sopra HR Software, Sopra Banking Software, Beamap et Axway Software (les sociétés employeurs) qui exercent des activités de prestations de services en matière informatique, constituent l'unité économique et sociale Sopra Steria (l'UES). La convention collective applicable à l'ensemble des salariés de l'UES est celle des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.
3. Le syndicat Avenir Sopra Steria (le syndicat) a par assignations des 8 et 20 décembre 2016 saisi le tribunal de grande instance de diverses demandes relatives, notamment, au minimum salarial nécessaire en matière de convention de forfait en heures, aux cotisations employeur minimales en matière de prévoyance, aux cotisations de retraite complémentaire et aux frais de déplacement des salariés. Le syndicat Solidaires informatique et la fédération CFDT communication conseil, culture sont intervenus volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le quatrième moyen du pourvoi n° S 20-17.230 des sociétés employeurs, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi n° S 20-15.022 du syndicat
Enoncé du moyen
5. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes fondées sur le non-respect du minimum salarial pour les salariés en modalité 2 prévue par la convention Syntec et, en conséquence, de le débouter de ses demandes tendant à faire condamner les sociétés employeurs en raison de leur non-respect des dispositions de l'accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail en ce qu'elles ont fait application de la modalité 2 prévue par ces dispositions à des salariés dont la rémunération était inférieure au plafond de la sécurité sociale, ordonner sous astreinte qu'il soit interdit à l'employeur d'appliquer la modalité 2 dite « réalisation de missions » aux salariés dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale et ce, tant que leur rémunération ne sera pas au moins égale à ce plafond, ordonner qu'en toute hypothèse, les conventions de forfait conclues en application de cette modalité soient inopposables à ces salariés, condamner sous astreinte les sociétés employeurs à régulariser la situation des salariés concernés en procédant au calcul et au paiement des heures supplémentaires réalisées par ces salariés au-delà de 35 heures de travail hebdomadaires dans les limites de la prescription triennale ou à leur payer le complément de salaire dû en cette période pour atteindre le plafond de sécurité sociale et condamner les sociétés employeurs à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif qu'il représente, alors :
« 1°/ que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale prévue par l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif ; que faute d'être remplie ou de ne plus être remplie, le salarié ne peut pas ou ne peut plus être soumis au forfait en heures ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait souligné que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif, a néanmoins, pour en déduire que le syndicat n'était pas fondé à soutenir que les salariés relevant des modalités 2 devaient bénéficier d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale non seulement à la date de conclusion de la convention de forfait en heures mais aussi durant toute la période de son exécution, retenu de manière inopérante que l'employeur n'était pas tenu à une indexation des salaires des intéressés sur ce plafond, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif, et non une simple condition d'entrée, violant ainsi l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, le syndicat qui faisait valoir que tant l'accord d'entreprise du 27 mars 2000, établi du reste d'après l'accord national de branche du 22 juin 1999, que les autres accords d'entreprise sur le temps de travail signés les 31 mars 2016 et 30 juin 2016, renvoyaient aux dispositions conventionnelles en prévoyant que les salariés en modalités 2 pouvaient travailler entre 214 et 218 jours maximum par an, soutenait que ces accords qui étaient identiques à l'accord de branche, l'article 3 de la convention collective Syntec prévoyant que les salariés relevant de la modalité 2 dite "réalisation de missions" et soumis au forfait heures, ne pouvaient travailler plus de 217 jours par an pour l'entreprise, ne pouvaient donc pas prévaloir sur ce dernier, en sorte que l'employeur ne pouvait, au recrutement de la modalité 2 ou à son passage, fixer au salarié un salaire annuel inférieur au plafond de la sécurité sociale ; qu'en se bornant à considérer que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 l'accord collectif d'entreprise ou d'établissement prime sur l'accord de branche en matière de durée et d'aménagement du temps de travail, sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale prévue par l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif ; qu'en se bornant, pour débouter le syndicat de ses demandes tendant à voir condamner les sociétés employeurs en raison de leur non-respect des dispositions de l'accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail, à se fonder sur la circonstance inopérante qu'au regard de ses productions, le syndicat ne démontrait pas que certains salariés ayant été intégrés dans le dispositif des modalités 2 "réalisation de missions", ne bénéficiaient pas à la date de leur entrée dans ce dispositif, d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les salariés relevant des modalités 2 bénéficiaient d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche, qui détermine préalablement les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée individuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
7. Ces dispositions permettent de fixer par voie d'accord d'entreprise ou d'établissement des conditions d'éligibilité des salariés au forfait en heures sur l'année et des caractéristiques principales de ces conventions de forfait différentes de celles prévues par l'accord collectif de branche, quelle que soit la date de conclusion de l'accord de branche.
8. La cour d'appel a, d'abord, constaté que le protocole d'accord relatif à la mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail signé le 27 mars 2000 au sein de la société Steria distinguait les trois mêmes types de gestion des horaires de travail que ceux prévus par l'accord de branche du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec mais aménageait différemment le dispositif des modalités 2 dites « réalisation de missions » en prévoyant un nombre de jours de travail inférieur, fixé entre 218 et 214 jours en fonction de l'ancienneté, et en soumettant à ce dispositif, avec leur accord, les ingénieurs et cadres ne relevant pas des modalités 3 et bénéficiant d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale et à 115 % du minimum conventionnel de leur catégorie.
9. Elle a, ensuite, relevé qu'à la suite des opérations de fusion, les sociétés de l'UES, qui avaient accueilli en leur sein des salariés de la société Steria relevant des modalités 2, avaient maintenu ce dispositif pour ces seuls salariés dans le cadre de plusieurs accords de substitution et d'adaptation conclus avec les organisations syndicales représentatives les 31 mars et 30 juin 2016.
10. Elle a retenu, à bon droit, que ces accords d'entreprise n'avaient pas pour objet de fixer la rémunération minimale des salariés et qu'ils primaient l'accord de branche en matière d'aménagement du temps de travail.
11. Elle a ajouté que le syndicat ne démontrait pas que certains salariés avaient été intégrés dans le dispositif des modalités 2 alors qu'ils ne bénéficiaient pas d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale.
12. Elle en a exactement déduit, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants visés au moyen pris en sa première branche et sans être tenue de répondre aux conclusions ni de procéder à la recherche que ses constatations rendaient inopérantes, que le syndicat devait être débouté de ses demandes tendant à obtenir la condamnation des sociétés employeurs pour avoir fait application des modalités 2 à des salariés dont la rémunération annuelle n'était pas au moins égale au plafond de la sécurité sociale.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen du pourvoi n° S 20-15.022 du syndicat
Enoncé du moyen
14. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes fondées sur le non-respect de l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et, en conséquence, de le débouter de ses demandes tendant à faire condamner les sociétés employeurs en raison de leur non-respect du taux minimum de 1,5 % fixé pour les cotisations employeurs versées pour la tranche A de salaire de chaque salarié cadre, condamner ces sociétés à régulariser les cotisations employeurs à 1,5 % pour la tranche A dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision sous astreinte et condamner les mêmes solidairement à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi, alors :
« 1°/ que l'article 7, relatif aux avantages en matière de prévoyance, de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 dispose que les employeurs s'engagent à verser, pour la prévoyance de leurs salariés cadres et assimilés, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,5 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale ; qu'en énonçant, pour débouter le syndicat de sa demande, que ni la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, ni l'ANI relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017 qui la substituait, n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, seule étant prévue une affectation prioritaire de sa cotisation à la couverture décès, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ;
2°/ que l'article 7, relatif aux avantages en matière de prévoyance, de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 dispose que les employeurs s'engagent à verser, pour la prévoyance de leurs salariés cadres et assimilés, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,5 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale ; qu'en affirmant que ni la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, ni l'ANI relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017 qui la substituait, n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, tout en constatant que le législateur en 2013 avait distingué les frais de santé et les ''risques lourds'' lorsqu'il avait entériné le dispositif institué par l'ANI du 11 janvier 2013 en rendant obligatoire, à compter du 1er janvier 2016, la couverture en matière de remboursement de frais de santé pour les salariés, de même que dans le dispositif conventionnel Syntec, comme l'accord du 27 mars 1997 pour les garanties décès, incapacité, invalidité et l'accord du 7 octobre 2015 instaurant une couverture minimum de branche en matière de complémentaire santé précisément en application de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ce dont il résultait que les avantages de prévoyance financés par l'employeur ne comprenaient pas les frais de santé, la cour d'appel a de nouveau violé, par fausse interprétation, l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947. »
Réponse de la Cour
15. Ayant relevé que l'obligation à la charge exclusive de l'employeur de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale avait été reprise telle quelle par l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017, étendu par arrêté du 27 juillet 2018, que les partenaires sociaux avaient conclu dans le cadre de la fusion de l'Agirc et de l'Arrco et constaté que ni cette convention collective ni l'ANI qui la substituait n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, seule étant prévue une affectation prioritaire de la cotisation à la couverture décès, la cour d'appel en a exactement déduit que, pour vérifier si l'employeur respectait son obligation de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale, il devait être tenu compte de la cotisation patronale versée pour le financement de la garantie frais de santé.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° S 20-17.230 des sociétés employeurs
Enoncé du moyen
17. Les sociétés employeurs font grief à l'arrêt d'annuler l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements étaient supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence et de condamner la société Sopra Steria Group à payer au syndicat, au syndicat Solidaires informatique et à la Fédération communication, conseil, culture CFDT une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation de l'article 50 de la convention collective Syntec, alors :
« 1°/ que les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, qui prévoient que "les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire ou d'une diminution de salaire", que "l'importance des frais dépend du lieu où s'effectuent les déplacements, ils ne sauraient être fixés d'une façon uniforme", qu' "ils seront remboursés de manière à couvrir les frais d'hôtel et de restaurant du salarié" et qu' "ils ne pourront faire l'objet d'un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié", ne sont applicables qu'aux déplacements des salariés hors de leur lieu de travail habituel nécessités par le service et, dès lors, qu'aux salariés ayant un lieu de travail habituel ; qu'en énonçant, par conséquent, pour annuler l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la "procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels" établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence, que l'absence de tout remboursement des frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client, lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et dans le cas où les frais de déplacement sont supérieurs à ceux qu'aurait exposés le salarié pour se rendre à son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, était contraire aux stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, sans limiter cette appréciation aux seuls salariés ayant un lieu de travail habituel, quand, en se déterminant de la sorte, elle retenait que les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec étaient applicables aux salariés n'ayant pas un lieu de travail habituel, la cour d'appel a violé les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec ;
2°/ qu'en annulant, dans le dispositif de l'arrêt attaqué, l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la "procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels" établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence, quand, dans les motifs de l'arrêt attaqué, elle avait énoncé, après avoir relevé que l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la "procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels" établie par la société Sopra Steria Group prévoyait que les frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client ne sont pas remboursés lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié, y compris quand les frais de déplacement sont supérieurs à ceux exposés pour se rendre à cette agence de rattachement, que l'absence de tout remboursement des frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client, lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et dans le cas où les frais de déplacement sont supérieurs à ceux qu'aurait exposés le salarié pour se rendre à son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, occasionnait pour le salarié concerné une charge supplémentaire indue et était contraire aux stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif et a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
18. La cour d'appel a, d'abord, énoncé que l'article 50 de la convention collective Syntec prévoyait en ses alinéas 1 et 2 que les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne devaient pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire ou d'une diminution de salaire, que l'importance des frais dépendait du lieu où s'effectuaient les déplacements, qu'ils ne sauraient être fixés d'une façon uniforme, qu'ils seraient remboursés de manière à couvrir les frais d'hôtel et de restaurant du salarié et qu'ils pourraient faire l'objet d'un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié.
19. Elle a, ensuite, constaté que l'article 4.1.2 de la note unilatéralement établie par la société Sopra Steria Group, le 8 février 2016, mettant en oeuvre une « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels », prévoyait que, lorsque l'utilisation du véhicule personnel était acceptée par le salarié et le directeur d'entité, les frais remboursés concernaient tous les déplacements entre le domicile du collaborateur et le client, si celui-ci était situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié, ces frais étant plafonnés au trajet entre l'agence et le client, et tous les déplacements, durant la journée, entre l'agence du collaborateur et le client ou un autre site de l'entreprise, même si ces derniers étaient situés dans la zone urbaine.
20. Elle en a conclu que les frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client n'étaient pas remboursés lorsque le client était situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et retenu que dans le cas où ces frais étaient supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre sur son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, l'absence de tout remboursement, ne serait-ce que sous forme forfaitaire, occasionnait pour le salarié concerné une charge supplémentaire indue.
21. Nonobstant l'erreur matérielle que le moyen pris en sa deuxième branche ne tend, sous le couvert d'un grief de contradiction entre les motifs et le dispositif, qu'à dénoncer et qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour qui ordonnera sa rectification ci-après, la cour d'appel en a exactement déduit que l'absence de tout remboursement dans ces conditions était contraire aux dispositions conventionnelles et qu'il y avait lieu d'annuler les dispositions de la note le prévoyant.
22. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° S 20-17.230 des sociétés employeurs
Enoncé du moyen
23. Les sociétés employeurs font grief à l'arrêt de dire que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par elles, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, d'ordonner à la société Sopra Steria Group, à la société Sopra Steria Infrastructure & Security Services, à la société Sopra Banking Software, à la société Beamap et à la société Axway Software de mettre en place un système de contreparties déterminées, région par région, en fonction du temps normal de trajet entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail et de condamner in solidum la société Sopra Steria Group, la société Sopra Steria Infrastructure & Security Services, la société Sopra Banking Software, la société Beamap et la société Axway Software à payer au syndicat une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 3121-4 du code du travail, alors :
« 1°/ que s'il appartient au juge de fixer la contrepartie prévue par les dispositions de l'article L. 3121-4, alinéa 2, du code du travail dans le cas où elle n'a pas été déterminée, il n'appartient pas au juge, lorsqu'une telle contrepartie a été déterminée par la voie prévue par la loi, d'en apprécier le caractère suffisant ; qu'en disant, par conséquent, que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés de l'UES conformément à la loi, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail ;
2°/ que lorsque le salarié est itinérant, c'est-à-dire n'a pas de lieu de travail habituel et effectue des déplacements quotidiens entre son domicile et les locaux du client de son employeur, où il se rend directement depuis son domicile, sans passer par son agence de rattachement, le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, au sens des dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, est le temps normal de trajet des salariés itinérants de la région considérée entre leur domicile et les locaux des clients de leurs employeurs, et non le temps normal de trajet de tous les salariés de la région considérée entre leur domicile et leur lieu habituel de travail ; qu'en énonçant, dès lors, pour dire que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés de l'UES, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, que, s'agissant d'un salarié itinérant, le lieu habituel de travail est défini comme étant le lieu où se situe son agence de rattachement si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon à ce que le temps de trajet ainsi défini soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée, qu'à défaut, le surtemps de trajet doit être déterminé en fonction du temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée, que les compensations accordées par la société Sopra Steria Group étaient déconnectées de ces temps normaux de trajet et que la "franchise", c'est-à-dire le temps de déplacement excédentaire non indemnisé, de près de 2 heures, était trop importante, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
24. Selon l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière.
25. La cour d'appel a, d'abord, énoncé, à bon droit, que la circonstance que certains salariés des sociétés de l'UES ne travaillent pas habituellement au sein de leur agence de rattachement ne dispense pas leur employeur de respecter à leur égard les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail.
26. Elle a, ensuite, appréciant la situation d'un salarié itinérant, défini le lieu habituel de travail comme étant le lieu où se situe son agence de rattachement si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon à ce que le temps de trajet ainsi déterminé soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée.
27. Dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve, elle a estimé que les compensations accordées par la société Sopra Steria Group étaient déconnectées de ces temps normaux de trajet, la « franchise », c'est-à-dire le temps de déplacement excédentaire non indemnisé, de près de 2 heures étant trop importante.
28. Elle a pu en déduire que les contreparties sous forme financière au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés employeurs, méconnaissaient, en raison de leur caractère dérisoire, les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail et ordonner à ces sociétés de mettre en place un système de contreparties déterminées, région par région, en fonction du temps normal de trajet entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail qu'elle avait défini.
29. Le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain dont disposait la cour d'appel pour vérifier qu'au regard des exigences du texte
susvisé les contreparties allouées n'étaient pas manifestement disproportionnées, n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen relevé d'office
30. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article L. 2132-3 du code du travail :
31. Selon ce texte, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
32. Il en résulte que si un syndicat peut agir en justice pour faire constater une irrégularité commise par l'employeur affectant le paiement de cotisations de retraite complémentaire d'une catégorie de salariés et demander l'allocation de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif, il ne peut prétendre obtenir la condamnation de l'employeur à régulariser la situation des salariés concernés.
33. Pour rejeter la fin de non-recevoir opposée par les sociétés employeurs aux demandes portant sur les cotisations de retraite complémentaire des salariés assimilés aux cadres et condamner les sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services et Beamap à établir à l'intention de l'Agirc la liste de l'ensemble des ex-salariés des sociétés Steria relevant de la catégorie ETAM positions 3.2 et 3.3, au cours de la période ayant couru de 1988 à 2014 et à régulariser la situation de ces salariés, l'arrêt retient que l'action du syndicat, introduite le 8 décembre 2016, est prescrite pour la période antérieure au 8 décembre 2011, mais seulement s'il connaissait ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et qu'il ressort des productions de part et d'autre que le syndicat, tout comme l'employeur, n'ont découvert les faits considérés qu'au cours du second semestre 2014, lors de la remise du rapport de l'expert-comptable au comité central d'entreprise de l'UES préalablement aux opérations de fusion. Il en déduit que, dans ces conditions, la prescription n'a pu courir.
34. En statuant ainsi, alors que, si la circonstance que le syndicat a eu, comme elle l'a souverainement retenu, connaissance de l'irrégularité qu'il dénonçait, à la date du second semestre 2014, le rendait recevable à agir en 2016 pour obtenir réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif, cette circonstance n'ouvrait pas au syndicat le droit de poursuivre la régularisation de la situation des salariés concernés par cette irrégularité, la cour d'appel, qui a accueilli la demande du syndicat de ce chef, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
35. La cassation prononcée entraîne, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif condamnant les sociétés employeurs à payer au salarié des dommages-intérêts pour défaut d'assimilation du personnel assimilé cadre au régime de complémentaire des cadres, évalués par la cour d'appel au regard de la période de régularisation qu'elle retenait de 1988 à 2014.
36. Elle n'emporte, en revanche, pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les sociétés employeurs aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celles-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi n° S 20-15.022 ;
RECTIFIE l'erreur matérielle affectant le dispositif de l'arrêt attaqué et dit qu'aux lieu et place de : « Annule l'article 4.1.2. de la note du 8 février 2016 relative à la "Procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels" établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoit aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence », il y a lieu de lire : « Annule l'article 4.1.2. de la note du 8 février 2016 relative à la "Procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels" établie par la société Sopra Steria Group en ce qu'il ne prévoit aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé dans la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence » ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne les sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services et Beamap à établir à l'intention de l'Agirc la liste de l'ensemble des salariés concernés, c'est-à-dire tous les ex-salariés des sociétés Steria relevant de la catégorie ETAM positions 3.2 et 3.3, au cours de la période ayant couru de 1988 à 2014 et à régulariser la situation de ces salariés auprès de l'institution de retraite en s'acquittant des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire des cadres et condamne in solidum les mêmes sociétés à payer au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, pour défaut d'affiliation du personnel assimilé cadre au régime de retraite complémentaire entre 1988 et 2014, l'arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne le syndicat Avenir Sopra Steria aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocats aux Conseils, pour le syndicat Avenir Sopra Steria, demandeur au pourvoi n° S 20-15.022
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le SYNDICAT AVENIR SOPRA STERIA de ses demandes fondées sur le non-respect du minimum salarial pour les salariés en modalité RTT 2 prévue par la convention Syntec et de l'AVOIR en conséquence, débouté de ses demandes tendant à voir condamner les sociétés intimées en raison de leur non-respect des dispositions de l'accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail en ce qu'elles ont fait application de la modalité 2 prévue par ces dispositions à des salariés dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale, ordonner sous astreinte qu'il soit interdit à l'employeur d'appliquer la modalité 2 dite « réalisation de missions » aux salariés dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale et ce, tant que leur rémunération ne sera pas au moins égale à ce plafond, ordonner qu'en toute hypothèse, les conventions de forfait conclues en application de cette modalité soient inopposables à ces salariés, condamner sous astreinte les sociétés intimées à régulariser la situation des salariés concernés en procédant au calcul et au paiement des heures supplémentaires réalisées par ces salariés au-delà de 35 heures de travail hebdomadaires conformément aux règles légales et conventionnelles applicables dans les limites de la prescription triennale ou à leur payer le complément de salaire dû en cette période pour atteindre le plafond de sécurité sociale et condamner les sociétés intimées à lui verser 50 000 € à titre de dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif qu'il représente ;
AUX MOTIFS QUE Sur les demandes fondées sur le non-respect du minimum salarial pour les salariés en modalité RTT 2 prévue par la convention Syntec :
A titre liminaire, la cour constate que les intimées exposent sans être expressément contredites sur ce point que les seuls salariés concernés par la modalité 2 sont ceux dont le contrat de travail a été transféré, à la suite de la fusion, au sein des sociétés SOPRA STERIA GROUP, SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES, SOPRA BANKING SOFTWARE et BEAMAP, les sociétés SOPRA HR SOFTWARE et AXWAY SOFTWARE qui n'ont accueilli aucun salarié de la société STERIA n'étant pas en cause.
La convention collective Syntec prévoit trois types de modalités d'organisation de la durée du travail :
- les modalités 1 dites « modalités standard », qui correspondent à une durée hebdomadaire de 35 heures,
- les modalités 2 dites « réalisation de missions », qui prévoient que la durée hebdomadaire de 35 heures inclut des dépassements de 10 %, soit un maximum de 38 h 30 par semaine sur 219 jours par an (outre la journée de solidarité), compte non tenu des éventuels jours d'ancienneté conventionnels,
- les modalités 3 dites « réalisation de missions avec autonomie complète », qui fixent un forfait annuel de 219 jours.
Les modalités 2, seules modalités en cause dans le présent litige, sont définies par l'article 3 du chapitre II relatif aux horaires de travail de l'accord du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec en ces termes :
« Ces modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète. Tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale. De plus, en fonction de l'activité de l'entreprise, un accord d'entreprise doit préciser les conditions dans lesquelles d'autres catégories de personnel peuvent disposer de ces modalités de gestion.
Compte tenu de la nature des tâches accomplies (responsabilités particulières d'expertise technique ou de gestion qui ne peuvent s'arrêter à heure fixe, utilisation d'outils de haute technologie mis en commun, coordination de travaux effectués par des collaborateurs travaillant aux mêmes tâches...), le personnel concerné, tout en disposant d'une autonomie moindre par rapport aux collaborateurs définis à l'article 3, ne peut suivre strictement un horaire prédéfini. La comptabilisation du temps de travail de ces collaborateurs dans le respect des dispositions légales se fera également en jours, avec un contrôle du temps de travail opéré annuellement (chapitre III).
Les appointements de ces salariés englobent les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.
La rémunération mensuelle du salarié n'est pas affectée par ces variations.
Les dépassements significatifs du temps de travail, commandés par l'employeur, au-delà de cette limite, représentant des tranches exceptionnelles d'activité de 3,5 heures, sont enregistrés en suractivité. Le compte de temps disponible peut être utilisé pour enregistrer ces suractivités qui ont vocation à être compensées par des sous-activités (récupérations, inter contrats...) par demi-journée dans le cadre de la gestion annuelle retenue.
Ces salariés ne peuvent travailler plus de 219 jours pour l'entreprise, compte non tenu des éventuels jours d'ancienneté conventionnels. Le compte de temps disponible peut être utilisé pour enregistrer les jours accordés aux salariés concernés par ces modalités. Toutefois, ce chiffre de 219 jours pourra être abaissé par accord d'entreprise ou d'établissement, négocié dans le cadre de l'article L. 132-19 du code du travail.
Le personnel ainsi autorisé à dépasser l'horaire habituel dans la limite de 10 % doit bénéficier d'une rémunération annuelle au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie.
L'adoption de ces modalités de gestion du temps de travail ne peut entraîner une baisse du salaire brut de base en vigueur à la date de ce choix ».
Citant plusieurs décisions de justice (arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation du 4 novembre 2015 n° 14-25745 et n° 14-25751, du 1er décembre 2016 n° 15-16422, de la cour d'appel de Lyon du 9 septembre 2016 n° 15/04050), le syndicat AVENIR SOPRA STERIA soutient que les salariés ne bénéficiant pas d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale ne peuvent être valablement soumis à une convention de forfait en heures (modalités 2) en vertu de l'accord de branche du 22 juin 1999, cette condition de rémunération minimale devant être remplie aussi bien au moment de la conclusion de la convention de forfait que pendant son exécution. Il en déduit que la convention de forfait en heures prévue par les modalités 2 est inopposable à ces salariés tant que leur rémunération n'est pas au moins égale au plafond de la sécurité sociale, de sorte qu'ils sont fondés à solliciter le paiement des heures supplémentaires réalisées au-delà de 35 heures ou à défaut le respect de la condition d'éligibilité c'est-à-dire le paiement d'une rémunération qui ne soit pas inférieure au plafond de la sécurité sociale.
Les sociétés intimées répondent que la durée du travail des collaborateurs concernés au sein de Sopra Steria ne relève pas directement des dispositions de la branche mais d'accords collectifs d'entreprise, dont les dispositions priment sur l'accord de branche ainsi que le confirme lui-même l'accord du 22 juin 1999 en son chapitre 11. Elles font valoir subsidiairement que contrairement à l'argumentation du syndicat AVENIR SOPRA STERIA, le salaire minimal à hauteur du plafond de sécurité sociale (PASS) ne constitue pas une condition de maintien dans le dispositif mais une simple condition d'entrée, comme l'a rappelé la fédération SYNTEC Numérique dans un communiqué du 20 décembre 2015 adressé à ses adhérents. Elles citent également l'arrêt de la cour d'appel de Lyon précité qui a retenu que le dispositif du forfait en heures « réalisation de missions » suppose que la rémunération du salarié concerné soit au moins égale d'une part au plafond de la sécurité sociale et d'autre part à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie, ces deux éléments relatifs à la rémunération constituant des conditions de formation d'une convention de forfait en heures « réalisation de missions ». Elles ajoutent que la jurisprudence n'impose pas à l'employeur de faire évoluer les salaires au même rythme que le PASS, une telle indexation étant interdite tant par l'article L. 112-2 du code monétaire et financier que par l'article L. 3231-3 du code du travail.
Il ressort des dispositions précitées de l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, lequel instaure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire pour les salariés relevant des modalités 2 « réalisation de missions », que lesdites modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète et que tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale.
Il en résulte que seuls les ingénieurs et cadres dont la rémunération est au moins égale au plafond de la sécurité sociale relèvent des modalités 2 « réalisation de missions ».
Cependant, l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif et n'impose pas à l'employeur une indexation des salaires de l'intéressé sur ce plafond, une telle obligation n'étant prévue ni par l'accord du 22 juin 1999, ni par les accords d'entreprise ci-après examinés.
Le syndicat AVENIR SOPRA STERIA n'est donc pas fondé à soutenir que les salariés relevant des modalités 2 doivent bénéficier d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale non seulement à la date de conclusion de la convention de forfait en heures mais aussi durant toute la période de son exécution.
Par ailleurs, l'article 1 du chapitre 11 de l'accord du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec dispose :
« (...). Dans les entreprises pourvues d'organisations syndicales représentatives, des négociations sur l'aménagement et la réduction du temps de travail seront engagées dès signature du présent accord.
Les accords d'entreprise ou d'établissement, conclus avec des délégués syndicaux ou en application de l'article 3 de la loi du 13 juin 1998 peuvent prévoir des dispositions différentes de celles du présent accord, spécifiques à leur situation particulière. »
Conformément à ces dispositions permettant la conclusion d'accords d'entreprise sur des bases différentes, le protocole d'accord relatif à la mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail signé le 27 mars 2000 au sein de la société STERIA distinguait les trois mêmes types de gestion des horaires de travail que ceux prévus par l'accord de branche mais aménageait différemment le dispositif des modalités 2 en prévoyant un nombre de jours de travail inférieur, fixé entre 218 et 214 jours en fonction de l'ancienneté, et en soumettant à ce dispositif, avec leur accord, les ingénieurs et cadres ne relevant pas des modalités 3 et bénéficiant d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale et à 115 % du minimum conventionnel de leur catégorie.
A la suite des opérations de fusion, les sociétés de l'UES SOPRA STERIA qui ont accueilli en leur sein des salariés de la société STERIA relevant des modalités 2 ont maintenu ce dispositif pour ces seuls salariés dans le cadre de plusieurs accords conclus avec les organisations syndicales représentatives :
- accord de substitution relatif au temps de travail signé le 31 mars 2016 puis accord relatif au temps de travail et d'harmonisation des statuts sociaux signé le 30 juin 2016 au sein de la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES ;
- accord d'adaptation des statuts sociaux des salariés bénéficiant des accords et règles des anciennes sociétés Steria signé le 31 mars 2016 au sein des sociétés SOPRA STERIA GROUP et SOPRA BANKING SOFTWARE.
Contrairement à l'argumentation du syndicat, ces accords d'entreprise, dont l'annulation n'a pas été sollicitée, n'ont pas pour objet de fixer la rémunération minimale des salariés concernés et n'empiètent donc pas sur les prérogatives de la branche en la matière.
Ils ne peuvent pas être considérés comme moins favorables dans leurs dispositions relatives aux salariés relevant des modalités 2, dès lors qu'ils prévoient un nombre annuel de jours travaillés inférieur à celui fixé par l'accord de branche, étant en tout état de cause rappelé que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 l'accord collectif d'entreprise ou d'établissement prime sur l'accord de branche en matière de durée et d'aménagement du temps de travail.
Enfin, au regard de ses productions (nos 49, 67, 86, 87 et 123), le syndicat AVENIR SOPRA STERIA ne démontre pas que certains salariés aient été intégrés dans le dispositif des modalités 2 « réalisation de missions » alors qu'à la date de leur entrée dans ce dispositif ils ne bénéficiaient pas d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale.
En conséquence, le syndicat AVENIR SOPRA STERIA sera débouté de ses demandes tendant à voir condamner les sociétés intimées en raison de leur non-respect des dispositions de l'accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail en ce qu'elles ont fait application de la modalité 2 prévue par ces dispositions à des salariés dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale, ordonner sous astreinte qu'il soit interdit à l'employeur d'appliquer la modalité 2 « réalisation de missions » aux salariés dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale et ce, tant que leur rémunération ne sera pas au moins égale à ce plafond, ordonner qu'en toute hypothèse, les conventions de forfait conclues en application de cette modalité soient inopposables à ces salariés, condamner sous astreinte les sociétés intimées à régulariser la situation des salariés concernés en procédant au calcul et au paiement des heures supplémentaires réalisées par ces salariés au-delà de 35 heures de travail hebdomadaires conformément aux règles légales et conventionnelles applicables dans les limites de la prescription triennale ou à leur payer le complément de salaire dû en cette période pour atteindre le plafond de sécurité sociale et condamner les sociétés intimées à lui verser 50 000 € à titre de dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif qu'il représente, le jugement entrepris étant confirmé de ces chefs ;
1°) ALORS QUE l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale prévue par l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif ; que faute d'être remplie ou de ne plus être remplie, le salarié ne peut pas ou ne peut plus être soumis au forfait en heures ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait souligné que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif, a néanmoins, pour en déduire que le syndicat Avenir Sopra Steria n'était pas fondé à soutenir que les salariés relevant des modalités 2 devaient bénéficier d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale non seulement à la date de conclusion de la convention de forfait en heures mais aussi durant toute la période de son exécution, retenu de manière inopérante que l'employeur n'était pas tenu à une indexation des salaires des intéressés sur ce plafond, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif, et non une simple condition d'entrée, violant ainsi l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec ;
2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 27-29), le syndicat Avenir Sopra Steria qui faisait valoir que tant l'accord d'entreprise du 27 mars 2000, établi du reste d'après l'accord national de branche du 22 juin 1999, que les autres accords d'entreprise sur le temps de travail signés les 31 mars 2016 et 30 juin 2016, renvoyaient aux dispositions conventionnelles en prévoyant que les salariés en modalités 2 pouvaient travailler entre 214 et 218 jours maximum par an, soutenait que ces accords qui étaient identiques à l'accord de branche, l'article 3 de la convention collective Syntec prévoyant que les salariés relevant de la modalité 2 dite « réalisation de missions » et soumis au forfait heures, ne pouvaient travailler plus de 217 jours par an pour l'entreprise, ne pouvaient donc pas prévaloir sur ce dernier, en sorte que l'employeur ne pouvait, au recrutement de la modalité 2 ou à son passage, fixer au salarié un salaire annuel inférieur au plafond de la sécurité sociale ; qu'en se bornant à considérer que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 l'accord collectif d'entreprise ou d'établissement prime sur l'accord de branche en matière de durée et d'aménagement du temps de travail, sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile
3°) ALORS QUE l'exigence d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale prévue par l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, constitue une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif ; qu'en se bornant, pour débouter le syndicat Avenir Sopra Steria de ses demandes tendant à voir condamner les sociétés intimées en raison de leur non-respect des dispositions de l'accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail, à se fonder sur la circonstance inopérante qu'au regard de ses productions (nos 49, 67, 86, 87 et 123), le syndicat Avenir Sopra Steria ne démontrait pas que certains salariés ayant été intégrés dans le dispositif des modalités 2 « réalisation de missions », ne bénéficiaient pas à la date de leur entrée dans ce dispositif, d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les salariés relevant des modalités 2 bénéficiaient d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 attaché à la convention collective Syntec ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le syndicat AVENIR SOPRA STERIA de ses demandes fondées sur le non-respect de l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et de l'AVOIR en conséquence débouté de ses demandes tendant à voir condamner les sociétés intimées en raison de leur non-respect du taux minimum de 1,5 % fixé pour les cotisations employeurs versées pour la tranche A de salaire de chaque salarié cadre, condamner les sociétés intimées à régulariser les cotisations employeurs à 1,5 % pour la tranche A dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision sous astreinte de 1 000 € par jour et par salarié concerné au-delà du deuxième mois de notification de la décision à intervenir et condamner les mêmes solidairement à lui verser la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi ;
AUX MOTIFS QUE sur les demandes fondées sur le non-respect de l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ;
L'article 7, relatif aux avantages en matière de prévoyance, de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 dispose :
« § 1er - Les employeurs s'engagent à verser, pour tout bénéficiaire visé aux articles 4 et 4 bis de la Convention ou à l'annexe IV à cette Convention, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de Sécurité sociale.
Cette contribution doit être versée à une institution de prévoyance ou à un organisme d'assurance pour les bénéficiaires visés aux articles 4 et 4 bis, à l'INPR (Institution nationale de prévoyance des représentants) pour les ressortissants de l'annexe IV à l'exclusion des VRP affiliés pour ordre à Malakoff Médéric Retraite AGIRC en application du dernier alinéa du § 2 de l'article 1er de l'annexe IV.
Elle est affectée par priorité à la couverture d'avantages en cas de décès.
§ 2 - Tout bénéficiaire visé au § 1er ci-dessus peut, quel que soit son âge, prétendre, en application du présent article, à la constitution d'avantages en cas de décès dont le montant peut varier en fonction de l'âge atteint.
Ces avantages sont maintenus en cas de maladie ou d'invalidité au sens de l'article 8 de l'annexe I, jusqu'à liquidation de la retraite.
Peuvent cependant être exclus du bénéfice des présentes dispositions les décès résultant d'un fait de guerre ou d'un suicide volontaire et conscient survenant dans les deux premières années de l'admission au régime.
§ 3 - Les employeurs qui, lors du décès d'un participant, ne justifient pas avoir souscrit un contrat comportant le versement de la cotisation visée au premier paragraphe, sont tenus de verser aux ayants droit du cadre ou du VRP décédé une somme égale à trois fois le plafond annuel de la Sécurité sociale en vigueur lors du décès.
Le versement de cette somme est effectué dans l'ordre suivant : au conjoint survivant non séparé de droit ou de fait, à défaut aux descendants et à défaut à la succession ».
Cette obligation à la charge exclusive de l'employeur de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale a été reprise telle quelle par l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017, étendu par arrêté du 27 juillet 2018, que les partenaires sociaux ont conclu dans le cadre de la fusion de l'Agirc et de l'Arrco.
Le syndicat AVENIR SOPRA STERIA fait valoir que les sociétés intimées ne respectent pas leur obligation en la matière dans la mesure où la cotisation versée au titre de la prévoyance s'élève seulement à 1 % de la tranche A du salaire des salariés concernés. Il soutient que contrairement à leur argumentation il n'y a pas lieu de tenir compte de la cotisation de 1,8 % versée au titre de la garantie frais de santé, l'interprétation littérale des dispositions conventionnelles conduisant à distinguer la prévoyance des frais de santé.
A cet égard, il se prévaut d'un arrêt rendu le 14 avril 2010 par la chambre 6-9 de cette cour (n° 08-10505), qui selon lui opère cette distinction dans le cadre de l'application de la convention collective nationale de l'immobilier, et se réfère également à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 prévoyant une couverture collective obligatoire exclusivement en matière de remboursements complémentaires de frais de santé.
Il fait en outre observer qu'au niveau de la branche Syntec les obligations de l'employeur en matière de prévoyance et de complémentaire santé sont régies par des textes conventionnels distincts et indépendants :
- L'accord du 27 mars 1997 traite uniquement des garanties capital décès, invalidité absolue et définitive, rente éducation, incapacité temporaire de travail et invalidité totale ou partielle.
L'annexe I de cet accord relative à la prévoyance prévoit :
« 2. Taux des cotisations prévoyance.
Les entreprises adhérentes du régime de branche auprès des organismes désignés acquitteront une cotisation calculée comme suit :
- sur la tranche A : 0,74 % ;
- sur la tranche B : 1,13 % ;
- sur la tranche C : 1,13 %.
Les taux de cotisations seront maintenus pendant 3 ans par les institutions de prévoyance, et ce à compter du 1er janvier 2013.
3. Répartition.
La répartition des cotisations sera faite dans chaque entreprise en fonction de ses règles propres sans que la part salarié excède 50 % du montant total des cotisations quel que soit l'organisme assureur.
Il est rappelé que l'article 7 de la convention collective nationale des cadres du 14 mars 1947 prévoit une cotisation de 1,5 % calculée sur la tranche A du salaire des cadres. La cotisation de 0,70 % sur la tranche A prévue à l'article 2 ci-dessus est imputable à cette obligation. Aucune cotisation n'est due pour tout participant bénéficiant des prestations incapacité de travail ou invalidité prévues par le présent accord.
Pour les situations visées à l'article 2, paragraphes 3 et 4, de l'accord du 27 mars 1997, il sera proposé des cotisations individuelles par le biais d'un régime spécifique ».
- L'accord du 7 octobre 2015 a exclusivement pour objet d'assurer le remboursement de tout ou partie des frais de santé, le syndicat ajoutant que les cotisations dues pour le financement de ces régimes sont fixées sans aucune considération de l'obligation à la charge de l'employeur au titre de l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947.
Pour rejeter les demandes du syndicat AVENIR SOPRA STERIA à ce titre, les premiers juges ont suivi l'argumentation des sociétés composant l'UES en retenant qu'elles n'avaient pas manqué à leur obligation résultant des dispositions conventionnelles applicables aux cadres en matière de prévoyance dès lors qu'elles assument sur l'ensemble des salaires de leurs employés un taux de 1 % au titre du risque « prévoyance » cumulé à un taux de 1,8 % au titre du risque « frais de santé », soit un taux global de 2,8 %.
Il doit être rappelé que la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, dite loi « Évin », prévoit son application aux opérations ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité ou du risque chômage.
L'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale dispose : « Les garanties collectives mentionnées à l'article L. 911-1 ont notamment pour objet de prévoir, au profit des salariés, des anciens salariés et de leurs ayants droit, la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, des risques d'inaptitude et du risque chômage, ainsi que la constitution d'avantages sous forme de pensions de retraite, d'indemnités ou de primes de départ en retraite ou de fin de carrière » ;
Il résulte de ces dispositions que la prévoyance recouvre également les frais de santé et de maternité.
Si, ainsi que le relève avec pertinence le syndicat, il ne peut être tiré aucune conséquence du fait que la cotisation à la charge exclusive de l'employeur prévue par l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 doit être versée indifféremment à une institution de prévoyance ou à un organisme d'assurance la distinction entre ces deux types d'entités n'étant pas liée à la nature des garanties collectives de prévoyance auxquelles elles sont susceptibles de souscrire mais à leur statut , et s'il est exact que les frais de santé et les « risques lourds » ont été de fait distingués par le législateur en 2013 lorsqu'il a entériné le dispositif institué par l'ANI du 11 janvier 2013 en rendant obligatoire, à compter du 1er janvier 2016, la couverture en matière de remboursement de frais de santé pour les salariés, de même que dans le dispositif conventionnel Syntec (accord du 27 mars 1997 pour les garanties décès, incapacité, invalidité et accord du 7 octobre 2015 instaurant une couverture minimum de branche en matière de complémentaire santé précisément en application de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013), il n'en reste pas moins que tant la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 que l'ANI relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017 qui la substitue n'excluent pas les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, seule étant prévue une affectation prioritaire de sa cotisation à la couverture décès.
Dès lors, pour vérifier si l'employeur respecte son obligation de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,5 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale, il doit être tenu compte de la cotisation patronale versée pour le financement de la garantie frais de santé.
Il suffit ensuite que plus de 0,75 % de cette cotisation de 1,5 % à la charge exclusive de l'employeur soit affectée à la couverture décès.
Or au cas présent, il n'est pas contesté et il ressort des bulletins de paie communiqués que les sociétés de l'UES SOPRA STERIA cotisent pour la prévoyance à hauteur de 2,8 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale (1 % pour les « risques lourds » et 1,8 % pour les frais de santé) et il n'est pas allégué ni a fortiori justifié qu'en raison d'éventuels cas de dispense en matière de frais de santé, les sociétés de l'UES SOPRA STERIA ne respecteraient pas de fait le taux minimal de 1,5 %.
C'est en vain que le syndicat AVENIR SOPRA STERIA se prévaut également d'une rupture d'égalité du fait que les salariés de la société SOPRA HR SOFTWARE bénéficieraient quant à eux d'une contribution employeur pour la prévoyance égale à 1,5 % sur la tranche A, cette allégation n'étant pas documentée.
A cet égard, il est rappelé en particulier qu'au sein d'une unité économique et sociale, pour la détermination des droits à rémunération d'un salarié, il ne peut y avoir comparaison entre les conditions de rémunération de ce salarié et celles de salariés employés par une autre société de l'unité économique et sociale que si ces conditions sont fixées par la loi, une convention ou un accord collectif commun, ainsi que dans le cas où le travail de ces salariés est accompli dans un même établissement, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.
En conséquence, le syndicat AVENIR SOPRA STERIA sera débouté de ses demandes tendant à voir condamner les sociétés intimées en raison de leur non-respect du taux minimum de 1,5 % fixé pour les cotisations employeurs versées pour la tranche A de salaire de chaque salarié cadre, condamner les sociétés intimées à régulariser les cotisations employeurs à 1,5 % pour la tranche A dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision sous astreinte de 1 000 € par jour et par salarié concerné au-delà du deuxième mois de notification de la décision à intervenir et condamner les mêmes solidairement à lui verser la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi, le jugement entrepris étant confirmé de ces chefs ;
1°) ALORS QUE l'article 7, relatif aux avantages en matière de prévoyance, de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 dispose que les employeurs s'engagent à verser, pour la prévoyance de leurs salariés cadres et assimilés, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,5 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale ; qu'en énonçant, pour débouter le syndicat Avenir Sopra Steria de sa demande, que ni la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, ni l'ANI relatif à la prévoyance des cadre du 17 novembre qui la substituait, n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, seule étant prévue une affectation prioritaire de sa cotisation à la couverture décès, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ;
2°) ALORS QUE l'article 7, relatif aux avantages en matière de prévoyance, de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 dispose que les employeurs s'engagent à verser, pour la prévoyance de leurs salariés cadres et assimilés, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,5 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale ; qu'en affirmant que ni la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, ni l'ANI relatif à la prévoyance des cadre du 17 novembre qui la substituait, n'excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur, tout en constatant que le législateur en 2013 avait distingué les frais de santé et les « risques lourds » lorsqu'il avait entériné le dispositif institué par l'ANI du 11 janvier 2013 en rendant obligatoire, à compter du 1er janvier 2016, la couverture en matière de remboursement de frais de santé pour les salariés, de même que dans le dispositif conventionnel Syntec, comme l'accord du 27 mars 1997 pour les garanties décès, incapacité, invalidité et l'accord du 7 octobre 2015 instaurant une couverture minimum de branche en matière de complémentaire santé précisément en application de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ce dont il résultait que les avantages de prévoyance financés par l'employeur ne comprenaient pas les frais de santé, la cour d'appel a de nouveau violé, par fausse interprétation, l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947. Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour les sociétés Sopra Steria Group, Sopra Steria Infrastructure & Security Services, Sopra HR Software, Sopra Banking Software, Beamap et Axway Siftware, demanderesses au pourvoi n° S 20-17.230
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Sopra Steria group, la société Sopra Steria infrastructure & security services, la société Sopra Hr software, la société Sopra banking software, la société Beamap et la société Axway software font grief à l'arrêt, sur ces points, infirmatif attaqué D'AVOIR annulé l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence et D'AVOIR condamné la société Sopra Steria group à payer au syndicat Avenir Sopra Steria, au syndicat Solidaires informatique et à la Fédération communication, conseil, culture Cfdt la somme de 5 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour violation de l'article 50 de la convention collective Syntec ;
ALORS QUE, de première part, les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, qui prévoient que « les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire ou d'une diminution de salaire », que « l'importance des frais dépend du lieu où s'effectuent les déplacements, ils ne sauraient être fixés d'une façon uniforme », qu'« ils seront remboursés de manière à couvrir les frais d'hôtel et de restaurant du salarié » et qu'« ils ne pourront faire l'objet d'un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié », ne sont applicables qu'aux déplacements des salariés hors de leur lieu de travail habituel nécessités par le service et, dès lors, qu'aux salariés ayant un lieu de travail habituel ; qu'en énonçant, par conséquent, pour annuler l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence, que l'absence de tout remboursement des frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client, lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et dans le cas où les frais de déplacement sont supérieurs à ceux qu'aurait exposés le salarié pour se rendre à son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, était contraire aux stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, sans limiter cette appréciation aux seuls salariés ayant un lieu de travail habituel, quand, en se déterminant de la sorte, elle retenait que les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec étaient applicables aux salariés n'ayant pas un lieu de travail habituel, la cour d'appel a violé les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec ;
ALORS QUE, de deuxième part, en annulant, dans le dispositif de l'arrêt attaqué, l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence, quand, dans les motifs de l'arrêt attaqué, elle avait énoncé, après avoir relevé que l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria group prévoyait que les frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client ne sont pas remboursés lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié, y compris quand les frais de déplacement sont supérieurs à ceux exposés pour se rendre à cette agence de rattachement, que l'absence de tout remboursement des frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client, lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et dans le cas où les frais de déplacement sont supérieurs à ceux qu'aurait exposés le salarié pour se rendre à son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, occasionnait pour le salarié concerné une charge supplémentaire indue et était contraire aux stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif et a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, de troisième part et à titre subsidiaire, en énonçant, après avoir relevé que l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria group prévoyait que les frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client ne sont pas remboursés lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié, y compris quand les frais de déplacement sont supérieurs à ceux exposés pour se rendre à cette agence de rattachement, que l'absence de tout remboursement des frais de déplacement entre le domicile du salarié et le client, lorsque le client est situé dans la zone urbaine de l'agence de rattachement du salarié et dans le cas où les frais de déplacement sont supérieurs à ceux qu'aurait exposés le salarié pour se rendre à son lieu de travail habituel ou à son agence de rattachement, occasionnait pour le salarié concerné une charge supplémentaire indue et était contraire aux stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec et qu'il convenait en conséquence d'annuler l'article 4.1.2 de la note du 8 février 2016 relative à la « procédure de remboursement des frais de déplacement et de séjour professionnels » établie par la société Sopra Steria group en ce qu'il ne prévoyait aucun remboursement des déplacements entre le domicile du collaborateur et le client situé en dehors de la zone urbaine de l'agence du salarié dans le cas où les frais induits par de tels déplacements sont supérieurs à ceux qu'il aurait exposés pour se rendre à son agence, la cour d'appel a violé les stipulations de l'article 50 de la convention collective Syntec.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
La société Sopra Steria group, la société Sopra Steria infrastructure & security services, la société Sopra Hr software, la société Sopra banking software, la société Beamap et la société Axway software font grief à l'arrêt, sur ces points, infirmatif attaqué D'AVOIR dit que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés de l'unité économique et sociale Sopra Steria, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, D'AVOIR ordonné à la société Sopra Steria group, à la société Sopra Steria infrastructure & security services, à la société Sopra banking software, à la société Beamap et à la société Axway software de mettre en place un système de contreparties déterminées, région par région, en fonction du temps normal de trajet entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail, dans les trois mois de sa signification et D'AVOIR condamné in solidum la société Sopra Steria group, la société Sopra Steria infrastructure & security services, la société Sopra banking software, la société Beamap et la société Axway software à payer au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'article L. 3121-4 du code du travail ;
ALORS QUE, de première part, s'il appartient au juge de fixer la contrepartie prévue par les dispositions de l'article L. 3121-4, alinéa 2, du code du travail dans le cas où elle n'a pas été déterminée, il n'appartient pas au juge, lorsqu'une telle contrepartie a été déterminée par la voie prévue par la loi, d'en apprécier le caractère suffisant ; qu'en disant, par conséquent, que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés de l'unité économique et sociale Sopra Steria conformément à la loi, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail ;
ALORS QUE, de seconde part et à titre subsidiaire, lorsque le salarié est itinérant, c'est-à-dire n'a pas de lieu de travail habituel et effectue des déplacements quotidiens entre son domicile et les locaux du client de son employeur, où il se rend directement depuis son domicile, sans passer par son agence de rattachement, le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, au sens des dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, est le temps normal de trajet des salariés itinérants de la région considérée entre leur domicile et les locaux des clients de leurs employeurs, et non le temps normal de trajet de tous les salariés de la région considérée entre leur domicile et leur lieu habituel de travail ; qu'en énonçant, dès lors, pour dire que les contreparties au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par les sociétés de l'unité économique et sociale Sopra Steria, méconnaissaient en raison de leur caractère dérisoire les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, que, s'agissant d'un salarié itinérant, le lieu habituel de travail est défini comme étant le lieu où se situe son agence de rattachement si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon à ce que le temps de trajet ainsi défini soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée, qu'à défaut, le surtemps de trajet doit être déterminé en fonction du temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée, que les compensations accordées par la société Sopra Steria group étaient déconnectées de ces temps normaux de trajet et que la « franchise », c'est-à-dire le temps de déplacement excédentaire non indemnisé, de près de 2 heures, était trop importante, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
La société Sopra Steria group, la société Sopra Steria infrastructure & security services, la société Sopra Hr software, la société Sopra banking software, la société Beamap et la société Axway software font grief à l'arrêt, sur ces points, infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée aux demandes portant sur les cotisations de retraite complémentaire des salariés assimilés aux cadres, D'AVOIR condamné la société Sopra Steria group, la société Sopra Steria infrastructure & security services et la société Beamap à établir à l'intention de l'Agirc la liste de l'ensemble des salariés concernés, c'est-à-dire tous les ex-salariés des sociétés Steria relevant de la catégorie des employés techniciens et agents de maîtrise positions 3.2 et 3.3, au cours de la période ayant couru de 1988 à 2014, et à régulariser la situation de ces salariés auprès de l'institution de retraite en s'acquittant des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire des cadres, dans les trois mois de sa signification et D'AVOIR condamné in solidum la société Sopra Steria group, la société Sopra Steria infrastructure & security services et la société Beamap à payer au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'affiliation du personnel assimilé cadre au régime de retraite complémentaire entre 1988 et 2014 ;
ALORS QUE, de première part, sous l'empire des dispositions antérieures à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, il résulte des dispositions de l'article 2277 du code civil que se prescrivent par cinq ans, à compter de leur exigibilité, les actions en paiement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ; que si ce délai de prescription de cinq ans ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui, en particulier, résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire, il est applicable à l'action d'un syndicat professionnel, fondée sur l'inexécution par un employeur d'une convention collective et de la décision de l'institution de retraite complémentaire qui en est issue et l'atteinte corrélative à l'intérêt collectif de la profession, tendant à la régularisation, par le paiement des cotisations qui en découlent, de l'affiliation de salariés à un régime de retraite complémentaire, dès lors qu'une telle action, qui a trait à une obligation périodique, ne dépend pas d'éléments qui ne sont pas connus de ce syndicat ; qu'en retenant, dès lors, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée à la demande du syndicat Avenir Sopra Steria tendant à la régularisation, par le paiement des cotisations de retraite qui en découlaient, de l'affiliation de salariés relevant de la catégorie des employés techniciens et agents de maîtrise positions 3.2 et 3.3 auprès du régime de retraite complémentaire de l'Agirc pour la période de 1988 à 2008, que cette demande était, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription trentenaire prévue par les dispositions de l'article 2262 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, quand cette même demande était soumise à la prescription quinquennale, prévue par les dispositions de l'article 2277 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, à compter de chacune des dates d'exigibilité de l'obligation de l'employeur d'affiliation au régime de retraite du salarié qu'elle concernait et de paiement des cotisations relatives à la période sur laquelle elle portait qui en découlaient, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2262 et 2277, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
ALORS QUE, de seconde part et à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait retenu que la demande du syndicat Avenir Sopra Steria tendant à la régularisation, par le paiement des cotisations de retraite qui en découlaient, de l'affiliation de salariés relevant de la catégorie des employés techniciens et agents de maîtrise positions 3.2 et 3.3 auprès du régime de retraite complémentaire de l'Agirc était soumise, pour le tout, en application des dispositions de l'article 26 de la n° 2008-561 du 17 juin 2008 et de l'article 2224 du code civil issu de cette loi, à la prescription quinquennale prévue par les dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que le syndicat professionnel, qui exerce une action fondée sur l'inexécution par un employeur d'une convention collective et de la décision de l'institution de retraite complémentaire qui en est issue et l'atteinte corrélative à l'intérêt collectif de la profession, tendant à la régularisation, par le paiement des cotisations qui en découlent, de l'affiliation de salariés à un régime de retraite complémentaire, a connu ou aurait dû connaître les faits permettant d'exercer une telle action dès l'adoption de la convention collective et de la décision de l'institution de retraite complémentaire qui en est issue dont il invoque l'inexécution et la réception par les salariés intéressés de leurs bulletins de paie qui faisaient apparaître, par hypothèse, que la cotisation de retraite complémentaire en cause n'était pas payée par leur employeur ; qu'en retenant, par conséquent, le contraire pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée à la demande du syndicat Avenir Sopra Steria tendant à la régularisation, par le paiement des cotisations de retraite qui en découlaient, de l'affiliation de salariés relevant de la catégorie des employés techniciens et agents de maîtrise positions 3.2 et 3.3 auprès du régime de retraite complémentaire de l'Agirc, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2224 du code civil.
QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION
La société Sopra Steria group, la société Sopra Steria infrastructure & security services, la société Sopra Hr software, la société Sopra banking software, la société Beamap et la société Axway software font grief à l'arrêt, sur ce point, infirmatif attaqué D'AVOIR condamné in solidum la société Sopra Steria group, la société Sopra Steria infrastructure & security services, la société Sopra Hr software, la société Sopra banking software, la société Beamap et la société Axway software à payer au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la discrimination qu'il avait subie ;
ALORS QUE, de première part, l'affichage et la diffusion des communications syndicales à l'intérieur de l'entreprise sont liés à la constitution par les organisations syndicales d'une section syndicale ; qu'en se bornant, dès lors, à énoncer, pour condamner in solidum la société Sopra Steria group, la société Sopra Steria infrastructure & security services, la société Sopra Hr software, la société Sopra banking software, la société Beamap et la société Axway software à payer au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la discrimination qu'il avait subie, qu'il ressortait suffisamment des productions que le syndicat Avenir Sopra Steria avait été confronté à des difficultés d'affichage que l'employeur avait tardé à prendre en compte, sans caractériser dans quelles entreprises ou dans quels établissements ces difficultés d'affichage avaient eu lieu, ni, partant, que ces difficultés s'étaient produites dans des entreprises ou établissements dans lesquels le syndicat Avenir Sopra Steria avait constitué une section syndicale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 2142-3 à L. 2142-7 du code du travail ;
ALORS QUE, de deuxième part, l'affichage et la diffusion des communications syndicales à l'intérieur de l'entreprise sont liés à la constitution par les organisations syndicales d'une section syndicale ; qu'en se bornant, dès lors, à énoncer, pour condamner in solidum la société Sopra Steria group, la société Sopra Steria infrastructure & security services, la société Sopra Hr software, la société Sopra banking software, la société Beamap et la société Axway software à payer au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la discrimination qu'il avait subie, qu'il ressortait suffisamment des productions que le syndicat Avenir Sopra Steria avait été confronté à des difficultés d'affichage que l'employeur avait tardé à prendre en compte, sans caractériser à quelle période ces difficultés d'affichage avaient eu lieu, ni, partant, que ces difficultés s'étaient produites pendant une période durant laquelle le syndicat Avenir Sopra Steria avait constitué une section syndicale dans les entreprises ou établissements considérés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 2142-3 à L. 2142-7 du code du travail ;
ALORS QUE, de troisième part, le droit d'un syndicat de disposer, dans une entreprise ou un établissement d'au moins mille salariés, d'un local syndical mis à sa disposition par l'employeur est subordonné à la constitution par ce syndicat, dans cette entreprise ou dans cet établissement, d'une section syndicale ; qu'en se bornant, dès lors, à énoncer, pour condamner in solidum la société Sopra Steria group, la société Sopra Steria infrastructure & security services, la société Sopra Hr software, la société Sopra banking software, la société Beamap et la société Axway software à payer au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la discrimination qu'il avait subie, qu'à l'examen des éléments communiqués par le syndicat Avenir Sopra Steria, il était suffisamment établi qu'en dépit de ses demandes réitérées auprès de l'employeur, il n'avait obtenu que tardivement un local syndical au sein des établissements de Manhattan et de Paris Kléber Presbourg, sans caractériser que le syndicat Avenir Sopra Steria avait constitué une section syndicale dans chacun de ces établissements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 2142-8 du code du travail ;
ALORS QUE, de quatrième part, le droit d'un syndicat de disposer, dans une entreprise ou un établissement d'au moins mille salariés, d'un local syndical mis à sa disposition par l'employeur est subordonné à la constitution par ce syndicat, dans cette entreprise ou dans cet établissement, d'une section syndicale ; qu'en se bornant, dès lors, à énoncer, pour condamner in solidum la société Sopra Steria group, la société Sopra Steria infrastructure & security services, la société Sopra Hr software, la société Sopra banking software, la société Beamap et la société Axway software à payer au syndicat Avenir Sopra Steria la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la discrimination qu'il avait subie, qu'à l'examen des éléments communiqués par le syndicat Avenir Sopra Steria, il était suffisamment établi qu'en dépit de ses demandes réitérées auprès de l'employeur, il n'avait obtenu que tardivement un local syndical au sein des établissements de Manhattan et de Paris Kléber Presbourg, sans caractériser à quelles périodes le syndicat Avenir Sopra Steria n'avait pu obtenir un local syndicat au sein de ces établissements, ni, partant, que le syndicat Avenir Sopra Steria avait constitué une section syndicale dans chacun de ces établissements quand il n'avait pu obtenir un local syndicat au sein de lesdits établissements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 2142-8 du code du travail. | L'obligation à la charge exclusive de l'employeur de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale, prévue à l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et reprise par l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017 qui s'y substitue, est satisfaite dès lors que l'employeur affecte prioritairement sa cotisation obligatoire de 1,50 % à la couverture décès, peu important qu'une partie de sa cotisation serve au financement de la garantie frais de santé.
Dès lors fait une exacte application de ces dispositions conventionnelles la cour d'appel qui relevant qu'elles n'excluent pas les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l'employeur et que seule est prévue une affectation prioritaire de la cotisation à la couverture décès, retient que pour vérifier que l'employeur respecte son obligation de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 %, il doit être tenu compte de la cotisation patronale versée pour le financement de la garantie frais de santé |
7,662 | SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 mars 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 430 FS-B
sur la seconde branche du premier moyen
Pourvoi n° M 20-18.651
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 MARS 2022
M. [E] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-18.651 contre l'arrêt rendu le 9 avril 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société EM courtage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [W], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société EM courtage, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 9 avril 2020), M. [W] a été engagé par la société EM courtage en qualité d'attaché commercial.
2. Le contrat de travail prévoyait un forfait mensuel de 198,67 heures moyennant une rémunération de 1 404 euros, portée à 1 800 euros par avenant du 23 avril 2013.
3. Le salarié, qui a été licencié le 31 octobre 2014, a saisi, le 30 septembre 2015, la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'intégralité de ses demandes notamment de rappel de salaire et repos compensateur, alors « que la fixation par le contrat de travail d'une rémunération mensuelle fixe forfaitaire pour un nombre précis d'heures de travail caractérise une convention de forfait de rémunération, incluant un nombre déterminé d'heures supplémentaires, dont le salarié peut se prévaloir pour faire appliquer la règle selon laquelle ''La rémunération du salarié ayant conclu une convention de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise pour le nombre d'heures correspondant à son forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires prévues à l'articles L. 3121-22'' ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail de M. [W] stipulait ''un forfait mensuel fixé à 198,67 heures'' et qu' ''en contrepartie de ce travail, le salarié percevra une rémunération mensuelle brute forfaitaire de mille quatre cent euros (1 404,00 euros) correspondant à l'horaire mensuel maximal de travail défini à l'article 5-2'' ; qu'en jugeant que la clause de forfait était irrégulière, et qu'il convenait donc de revenir à la législation applicable à la durée du travail, au prétexte, d'une part que la clause ne définissait pas le nombre d'heures supplémentaires incluses dans la rémunération, d'autre part que l'employeur ne pouvait pas ne pas appliquer les majorations et contreparties afférentes aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale, la cour d'appel a violé les articles L. 3122-22 et L. 3121-41 du code du travail dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Il se déduit du premier de ces textes que la rémunération au forfait ne peut résulter que d'un accord entre les parties et que la convention de forfait doit déterminer le nombre d'heures correspondant à la rémunération convenue, celle-ci devant être au moins aussi avantageuse pour le salarié que celle qu'il percevrait en l'absence de convention, compte tenu des majorations pour heures supplémentaires.
6. Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement de diverses sommes au titre des heures supplémentaires, des contreparties en repos obligatoires, des congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de travail et pour travail dissimulé l'arrêt relève que l'employeur oppose que la clause invoquée ne constitue pas une convention de forfait régulière dans la mesure où elle fixe une rémunération forfaitaire sans définir le nombre d'heures supplémentaires incluses dans cette rémunération. L'arrêt rappelle que s'il est loisible pour un employeur et un salarié de contractualiser un volume d'heures supplémentaires en prévoyant, dans le contrat, le nombre et la rémunération correspondant aux dites heures supplémentaires, l'employeur n'est pas fondé à ne pas appliquer les majorations et contreparties afférentes aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale. L'arrêt en déduit que les clauses du contrat sont irrégulières et ne sont pas applicables et qu'il convient de revenir à la législation applicable à la durée du travail.
7. En statuant ainsi, alors que la fixation par le contrat de travail d'une rémunération mensuelle fixe forfaitaire pour 198,67 heures caractérise une convention de forfait de rémunération incluant un nombre déterminé d'heures supplémentaires, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait le même grief, alors « que seul le salarié peut se prévaloir de la nullité du forfait horaire inclus dans son contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, conformément aux écritures des parties, que le salarié ''se prévala[it] de l'existence d'un forfait horaire de 198,67 heures mensuelles prévues au contrat'', mais que l'employeur lui ''oppos[ait] que la clause invoquée ne constitue pas une convention de forfait régulière'' ; qu'en rejetant la demande de M. [W] de rappel de salaire pour le nombre d'heures de travail convenu, au prétexte que les stipulations contractuelles étaient irrégulières et n'étaient pas applicables si bien qu'il convenait de revenir à la législation applicable à la durée du travail, la cour d'appel, qui a opposé au salarié des règles relevant de l'ordre public social édicté dans le seul souci de sa protection, a violé le principe susvisé, ensemble les articles L. 3122-22 et L. 3121-41 du code du travail dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
9. Il se déduit du premier de ces textes que la rémunération au forfait ne peut résulter que d'un accord entre les parties et que la convention de forfait doit déterminer le nombre d'heures correspondant à la rémunération convenue, celle-ci devant être au moins aussi avantageuse pour le salarié que celle qu'il percevrait en l'absence de convention, compte tenu des majorations pour heures supplémentaires.
10. Seul le salarié peut se prévaloir de la nullité de la convention de forfait en heures.
11. Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement de diverses sommes au titre des heures supplémentaires, des contreparties en repos obligatoires, des congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de travail et pour travail dissimulé l'arrêt relève que l'employeur oppose que la clause invoquée ne constitue pas une convention de forfait régulière dans la mesure où elle fixe une rémunération forfaitaire sans définir le nombre d'heures supplémentaires incluses dans cette rémunération. L'arrêt rappelle que s'il est loisible pour un employeur et un salarié de contractualiser un volume d'heures supplémentaires en prévoyant dans le contrat le nombre et la rémunération correspondant aux dites heures supplémentaires, l'employeur n'est pas fondé à ne pas appliquer les majorations et contreparties afférentes aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale. L'arrêt en déduit que les clauses du contrat sont irrégulières et qu'il convient de revenir à la législation applicable à la durée du travail, avant de relever que le salarié verse aux débat les bulletins de salaire qui mentionnent un volume horaire de 198,67 heures mensuelles, soit quarante-sept heures supplémentaires.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [W] de ses demandes en paiement de diverses sommes au titre des heures supplémentaires, des contreparties en repos obligatoires, des congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de travail et pour travail dissimulé et en remise de bulletins de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes, l'arrêt rendu le 9 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société EM Courtage aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société EM courtage et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [W]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [W] fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Soissons en date du 24 mai 2016 en ce qu'il avait dit ses demandes non fondées et l'avait débouté de l'intégralité de ses demandes notamment de rappel de salaire et repos compensateur ;
1) ALORS QUE la fixation par le contrat de travail d'une rémunération mensuelle fixe forfaitaire pour un nombre précis d'heures de travail caractérise une convention de forfait de rémunération, incluant un nombre déterminé d'heures supplémentaires, dont le salarié peut se prévaloir pour faire appliquer la règle selon laquelle « La rémunération du salarié ayant conclu une convention de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise pour le nombre d'heures correspondant à son forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires prévues à l'articles L. 3121-22 » ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté (arrêt page 3 in fine et page 4) que le contrat de travail de M. [W] stipulait « un forfait mensuel fixé à 198,67 heures » et qu'« en contrepartie de ce travail, le salarié percevra une rémunération mensuelle brute forfaitaire de mille quatre cent euros (1404,00 euros) correspondant à l'horaire mensuel maximal de travail défini à l'article 5-2 » ; qu'en jugeant que la clause de forfait était irrégulière, et qu'il convenait donc de revenir à la législation applicable à la durée du travail, au prétexte, d'une part que la clause ne définissait pas le nombre d'heures supplémentaires incluses dans la rémunération, d'autre part que l'employeur ne pouvait pas ne pas appliquer les majorations et contreparties afférentes aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale (arrêt page 4, § 4 à 6), la cour d'appel a violé les articles L. 3122-22 et L. 3121-41 du code du travail dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2) ALORS QUE seul le salarié peut se prévaloir de la nullité du forfait horaire inclus dans son contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, conformément aux écritures des parties, que le salarié « se prévala[it] de l'existence d'un forfait horaire de 198,67 heures mensuelles prévues au contrat » (arrêt page 3, sur les heures supplémentaires, § 1 et 2), mais que l'employeur lui « oppos[ait] que la clause invoquée ne constitue pas une convention de forfait régulière » (arrêt page 5, § 4) ; qu'en rejetant la demande de M. [W] de rappel de salaire pour le nombre d'heures de travail convenu, au prétexte que les stipulations contractuelles étaient irrégulières et n'étaient pas applicables si bien qu'il convenait de revenir à la législation applicable à la durée du travail, la cour d'appel, qui a opposé au salarié des règles relevant de l'ordre public social édicté dans le seul souci de sa protection, a violé le principe susvisé, ensemble les articles L. 3122-22 et L. 3121-41 du code du travail dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
SECOND MOYEN (SUBSIDIAIRE) DE CASSATION
M. [W] fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Soissons en date du 24 mai 2016 en ce qu'il avait dit ses demandes non fondées et l'avait débouté de l'intégralité de ses demandes notamment de rappel de salaire et repos compensateur ;
1) ALORS QU'il ressort des constatations de la décision attaquée que chacune des fiches de paie versées aux débats par le salarié « mentionn[aient] un volume horaire de 198,67 heures mensuelles, soit 47 heures supplémentaires par mois » (arrêt page 4, § 9), conformément aux stipulations contractuelles, et ce bien que l'employeur disposât de rapports d'activités et d'agendas dont il ressortait que le salarié réalisait moins d'heures de travail (arrêt page 4 in fine et page 5) ; qu'en retenant que le salarié ne pouvait prétendre au paiement de plus d'heures de travail qu'il n'avait réalisé, quand il ressortait de ses propres constatations que l'employeur s'était engagé à rémunérer M. [W] pour 198,67 heures de travail mensuelles, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2) ALORS en tout état de cause QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au juge de former sa conviction au regard des éléments produits par l'employeur, en tenant compte des exigences des articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail qui lui imposent d'établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, et de tenir à la disposition de l'administration du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; qu'en admettant en l'espèce que l'employeur puisse établir l'absence d'heures supplémentaires en produisant seulement les rapports d'activités établis par le salarié et ses agendas, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article L. 3171-4 du code du travail. | Seul le salarié peut se prévaloir de la nullité de la convention de forfait en heures |
7,663 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 31 mars 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 339 FS-B
Pourvoi n° E 20-15.448
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2022
1°/ la société T2L, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles,
3°/ la société MMA IARD,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° E 20-15.448 contre l'arrêt rendu le 11 février 2020 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Colas rail, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations et les plaidoiries de la SCP Didier et Pinet, avocat des sociétés T2L, MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat des sociétés Colas rail et Generali IARD, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mmes Bouvier, Chauve, conseillers, MM. Talabardon, Ittah, Pradel, Mme Brouzes, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 11 février 2020), par un ordre d'affrètement du 4 avril 2016, la société Colas rail, assurée auprès de la société Generali, a confié à la société T2L le transport d'une grue-pelle « rail-route » lui appartenant. Parvenu sur le lieu de livraison, alors que le chauffeur de la société T2L, aux commandes de la grue-pelle, la conduisait pour la faire descendre de la remorque ayant servi à son transport, l'engin a basculé et chuté au sol.
2. Après avoir indemnisé la société Colas rail, la société Generali et son assurée ont, sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, assigné devant un tribunal de grande instance la société T2L et ses assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, afin d'obtenir leur condamnation à leur payer, à la première, le montant de l'indemnité versée, à la seconde, celui de la franchise restée à charge et des frais d'expertise.
3. La société T2L et ses assureurs ont soulevé devant le juge de la mise en état l'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal de commerce.
4. Le juge de la mise en état a rejeté cette exception et retenu la compétence du tribunal de grande instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société T2L et ses assureurs font grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal de commerce, alors que « la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation ne s'applique pas dans les rapports entre le transporteur et le propriétaire d'une marchandise endommagée lors du déchargement, liés par un contrat de transport ; qu'en retenant dès lors, pour écarter l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal de commerce, que la grue-pelle de la société Colas rail transportée par la société T2L et endommagée lors du déchargement était impliquée dans un accident de la circulation, la cour d'appel a violé les articles L. 132-8 et suivants du code du commerce par refus d'application et les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et les articles L. 110-1,5°, L. 132-8 et L. 721-3, 1°, du code de commerce :
6. Il résulte du premier de ces textes, tel qu'interprété par la jurisprudence, que la loi du 5 juillet 1985 instaure un régime autonome et d'ordre public d'indemnisation, excluant l'application du droit commun de la responsabilité, qu'elle soit contractuelle ou délictuelle, qui fait peser sur le conducteur du véhicule impliqué, soumis à une obligation d'assurance, la charge de cette indemnisation.
7. Cette loi, qui tend à assurer une meilleure protection des victimes d'accidents de la circulation par l'amélioration et l'accélération de leur indemnisation, dès lors qu'est impliqué un véhicule terrestre à moteur, n'a pas pour objet de régir l'indemnisation des propriétaires de marchandises endommagées à la suite d'un tel accident, survenu au cours de leur transport par le professionnel auquel elles ont été remises à cette fin, en exécution d'un contrat de transport. Les conditions et modalités de la réparation de tels préjudices, d'ordre exclusivement économique, sont déterminées par ce contrat et les dispositions du code de commerce qui lui sont applicables.
8. Aux termes du second de ces textes, la loi répute acte de commerce toute entreprise de transport par terre ou par eau. Selon le troisième, la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire. Aux termes du quatrième, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants.
9. Pour confirmer l'ordonnance déférée, l'arrêt énonce que la grue-pelle, dont la nature de véhicule terrestre à moteur n'est pas contestée par les parties, a été endommagée alors qu'elle était en mouvement, conduite par le chauffeur de la société T2L, pour être déchargée.
10. Il ajoute, par motifs adoptés, que la chute de la grue-pelle a eu lieu alors qu'elle roulait sur la rampe de déchargement de la remorque et relève que c'est la manoeuvre de l'engin pour le descendre de cette dernière qui a eu pour effet de le déséquilibrer et de le faire chuter.
11. Il retient enfin que l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 et en déduit que, peu important l'existence d'un contrat de transport liant les sociétés T2L et Colas rail, le tribunal de grande instance est compétent, en application des dispositions de l'article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire.
12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les dommages matériels occasionnés à la marchandise transportée, dont il était demandé réparation, étaient survenus lors des opérations de déchargement de celle-ci, effectuées en exécution du contrat de transport liant les parties au litige, dont la qualité de commerçant n'était pas contestée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne les sociétés Colas rail et Generali aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Colas rail et Generali et condamne la société Colas rail à payer aux sociétés T2L, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour les sociétés T2L, MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance du Mans au profit du tribunal
de commerce du Mans, soulevée par la Sarl T2L, M.M.A. Iard et M.M.A. Iard Assurances Mutuelles ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la compétence. Les appelantes concluent à l'infirmation de l'ordonnance entreprise considérant que le litige en cause relève de la compétence du tribunal de commerce et non de la compétence du tribunal de grande instance comme retenu par le juge de la
mise en état. Elles exposent qu'en regard du contrat de transport routier national liant les sociétés Colas Rail et T2L, la loi du 5 juillet 1985 n'a pas vocation à s'appliquer à la cause, qui concerne une difficulté dans l'exécution d'une prestation de transport opposant le transporteur et son donneur d'ordre régie par le contrat type de transport véhicule roulant ; elles soulignent en outre que la société Colas Rail ne peut avoir le statut de victime au sens de ladite loi. Par suite, les appelantes soutiennent que la responsabilité du transporteur ne peut être recherchée sur le terrain quasi délictuel et comme retenu régulièrement par les juridictions et invoquant cet
acte de commerce, elles estiment donc que seul le tribunal de commerce du Mans est compétent pour trancher ce litige ; que les intimées rétorquent qu'à raison le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée alors que la loi de 1985 dite loi Badinter est d'ordre public et que
son article 5 prévoit expressément que le propriétaire du véhicule dispose
d'un recours contre le conducteur qui en avait la garde lorsque l'accident est survenu. Elles considèrent donc que la loi de 1985 est la seule applicable à la cause nonobstant la convention passée entre les parties puisqu'elle instaure un régime de responsabilité autonome exclusif de tout autre régime de responsabilité, contractuel ou délictuel. Constatant que la grue-pelle ayant chuté alors qu'elle était conduite par le chauffeur de la société T2L et roulait sur la rampe de déchargement de la remorque, elles soutiennent que la responsabilité de ladite société est bien régie par la loi de 1985 ; que l'article 1 de la loi 85-677 du 5 juillet 1985 énonce que : « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ». Son article 5 précise que « Lorsque le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'en est pas le propriétaire, la faute de ce conducteur peut être opposée au propriétaire pour l'indemnisation des dommages causés à son véhicule. Le propriétaire dispose d'un recours contre le conducteur » ; que par ailleurs, aux termes de l'article R 212-8 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal de grande instance (devenu le tribunal judiciaire) connaît à juge unique des litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre, le juge pouvant toujours, d'office ou à la demande des parties, renvoyer une affaire en l'état à la formation collégiale ; qu'il est constant que la grue-pelle rail litigieuse, dont la nature de véhicule terrestre à moteur n'est pas contestée par les parties puisque dotée d'une force automotrice et de quatre pneus et destinée notamment à circuler, a été endommagée alors qu'elle était en mouvement et conduite par le chauffeur de la société T2L pour être déchargée à destination ; qu'elle a ainsi basculé et a chuté au sol ; que la manuvre de la grue-pelle rail constitue donc un fait de circulation dans le chantier de la société Colas Rail à [Localité 4] ; que l'indemnisation d'une victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions d'ordre public de la loi de 1985 dite loi Badinter, loi qui ne s'applique pas qu'aux victimes d'un dommage corporel. En conséquence et nonobstant le contrat liant les sociétés Colas Rail et T2L, l'ordonnance déférée doit être confirmée en ce qu'elle a retenu que le tribunal de grande instance du Mans était seul compétent pour connaître de ce litige relatif à l'indemnisation par l'employeur du conducteur de l'engin au moment de l'accident de circulation du dommage matériel ainsi occasionné à la société Colas Rail et rejeté l'exception d'incompétence ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en l'espèce, les sociétés demanderesses
fondent la compétence matérielle du tribunal de grande instance sur la compétence du tribunal de grande instance pour les litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre, en soutenant que leur action en responsabilité est régie par la loi d'ordre public n° 85-677 du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation ; que l'article R 212-8 du code de l'organisation judiciaire prévoit que le tribunal de grande instance connaît à juge unique des litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre, le juge pouvant toujours renvoyer une affaire à la formation collégiale ; que selon l'article premier de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, les dispositions de la loi s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ; que selon l'article 5 de ladite loi, le propriétaire d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation dispose d'un recours contre le conducteur de son véhicule au moment de l'accident pour l'indemnisation des dommages causés à son véhicule ; que la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 instaure un régime autonome de responsabilité, exclusif de tout autre régime de responsabilité contractuel ou délictuel ; autrement dit, l'indemnisation d'une victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, ne peut être fondée que sur les dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 ; qu'en l'espèce, le propriétaire de la grue-pelle rail-route RR KGT n° 5042 et son assureur, sollicitent l'indemnisation des dommages causés le 4 avril 2016 à cette grue-pelle rail-route RR KGT n° 5042 ; qu'il n'est pas contesté que la grue pelle rail-route RR KGT n° 5042 relève de la catégorie des véhicules terrestres à moteur ; qu'il ressort des éléments de la procédure, que les dommages ont été causés à l'occasion d'une manuvre de déchargement de la grue-pelle rail-route, alors qu'elle était en mouvement, puisque sa chute a eu lieu alors qu'elle était conduite par un chauffeur de la société T2L et qu'elle roulait sur la rampe de déchargement de la remorque ; que la manuvre de la grue-pelle rail-route pour la descendre de la remorque qui a eu pour effet de la déséquilibrer et de la faire chuter est à l'origine des dommages dont la réparation est sollicitée ; qu'il convient ainsi de considérer que les dommages sont survenus à l'occasion d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ; que par suite, en application de l'article R 212-8 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal de grande instance du Mans est compétent pour connaître de l'action introduite par la Sas Colas Rail et la Sa Generali à l'encontre de la Sarl T2L et des M.M.A. Iard et M.M.A. Iard Assurances Mutuelles ; que l'exception d'incompétence sera en conséquence rejetée ;
1°) ALORS QUE la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 relative aux accidents de
la circulation ne s'applique pas dans les rapports entre le transporteur et le
propriétaire d'une marchandise endommagée lors du déchargement, liés par un contrat de transport ; qu'en retenant dès lors, pour écarter l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal de commerce, que la pelle-grue de la société Colas Rail transportée par la société T2L et endommagée lors du déchargement était impliquée dans un
accident de la circulation la cour d'appel a violé les articles L132-8 et suivants du code du commerce par refus d'application et les dispositions de
la loi du 5 juillet 1985 par fausse application ;
2°) ALORS QUE le contrat-type transport véhicules roulants a pour objet le
transport en régime intérieur, par un transporteur public, de véhicules roulants chargés sur un véhicule transporteur, moyennant une juste rémunération ; que l'article 7 du contrat-type définit les obligations respectives des parties au contrat de transport pour les opérations de déchargement du véhicule transporté ; qu'il en résulte que les réparations du dommage subi par un véhicule transporté relève des dispositions du contrat-type, à l'exclusion des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 sur les
accidents de la circulation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1 et 7 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises, par refus d'application, et les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 par fausse application ;
3°) ALORS QUE subsidiairement, la loi du 5 juillet 1985 ne s'applique pas
lorsque l'accident est dû à un élément étranger à la fonction de déplacement
du véhicule ; qu'en se bornant à énoncer que l'accident s'est produit alors que la grue-pelle était en mouvement pour être déchargée, qu'elle a ainsi basculé et chuté au sol, sans établir que la cause de ce basculement résidait dans la fonction de déplacement de cet engin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de la loi du 1er juillet 1985. | Il résulte de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, tel qu'interprété par la jurisprudence, que cette loi instaure un régime d'indemnisation autonome et d'ordre public, excluant l'application du droit commun de la responsabilité, qu'elle soit contractuelle ou délictuelle, qui fait peser sur le conducteur du véhicule impliqué, soumis à une obligation d'assurance, la charge de cette indemnisation.
Cette loi, qui tend à assurer une meilleure protection des victimes d'accidents de la circulation par l'amélioration et l'accélération de leur indemnisation, dès lors qu'est impliqué un véhicule terrestre à moteur, n'a pas pour objet de régir l'indemnisation des propriétaires de marchandises endommagées à la suite d'un tel accident, survenu au cours de leur transport par le professionnel auquel elles ont été remises à cette fin, en exécution d'un contrat de transport. Les conditions et modalités de la réparation de tels préjudices, d'ordre exclusivement économique, sont déterminées par ce contrat et les dispositions du code de commerce qui lui sont applicables.
Encourt la cassation l'arrêt qui, après avoir constaté que les dommages matériels dont il était demandé réparation avaient été occasionnés à la marchandise transportée, une grue-pelle, lors des opérations de déchargement de celle-ci alors qu'elle roulait sur la rampe de descente de la remorque sur laquelle elle se trouvait, effectuées en exécution du contrat de transport liant les parties au litige, dont la qualité de commerçant n'était pas contestée, retient que l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 et en déduit que, peu important l'existence d'un contrat de transport liant les parties, le tribunal de grande instance est compétent en application des dispositions de l'article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire |
7,664 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 31 mars 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 341 FS-B
Pourvoi n° U 20-19.992
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2022
Mme [C] [Z], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° U 20-19.992 contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [O] [T], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 3], dont le siège est [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [Z], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Gan assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, MM. Talabardon, Ittah, Mme Brouzes, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 janvier 2020), Mme [Z] a été victime, le 7 juillet 1980, d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. [T], assuré auprès de la société Gan assurances.
Une cour d'appel a liquidé son préjudice par un arrêt du 29 novembre 1985.
2. Mme [Z] a, par la suite, été indemnisée de l'aggravation de ses dommages, par deux décisions de cette même cour d'appel des 25 janvier 1995 et 12 septembre 2012.
3. Alléguant une nouvelle aggravation de son état, Mme [Z] a assigné, les 17 et 25 octobre 2016, M. [T] et son assureur devant un tribunal de grande instance, afin d'obtenir la réparation de son préjudice. A cette occasion, elle a sollicité l'indemnisation d'un préjudice de perte de droits à la retraite lié aux conséquences de son dommage initial.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il la déboute du surplus de ses demandes indemnitaires, et y ajoutant, la déclare prescrite en sa demande d'indemnisation d'un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial, alors « que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a confirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait débouté Mme [Z] du surplus de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice de retraite résultant du dommage initial ; que, dans le même temps, elle a déclaré cette demande irrecevable comme prescrite ; qu'en déclarant la demande de Mme [Z] tout à la fois irrecevable et mal fondée, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel ayant constaté que la demande de réparation d'un préjudice de retraite avait été formée devant le premier juge au titre de l'aggravation de son préjudice, alors qu'elle était sollicitée devant elle au titre de l'indemnisation de son préjudice initial, c'est sans commettre d'excès de pouvoir qu'elle a confirmé le jugement en l'absence de lien de causalité avec l'aggravation et déclaré la demande présentée devant elle irrecevable comme prescrite.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de la déclarer prescrite en sa demande d'indemnisation d'un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial, alors :
« 1°/ que la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, pour déclarer prescrite la demande de Mme [Z], la cour d'appel considéré que « l'action en aggravation d'un préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial » ; qu'en se prononçant ainsi tandis que l'action tendant à la réparation du dommage initial comprend tous les chefs de préjudice qui n'ont pas encore été réparés de sorte qu'elle interrompt le délai de prescription de l'action tendant à l'indemnisation de l'ensemble des préjudices non réparés qui sont consécutifs à ce dommage, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil, anciennement l'article 2244 du même code ;
2°/ que la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, Mme [Z] faisait valoir qu'elle avait engagé plusieurs actions en réparation de son préjudice initial puis en réparation de l'aggravation de celui-ci et que ces actions qui constituaient des actes interruptifs du délai de prescription, concernaient l'indemnisation de son préjudice d'incapacité professionnelle dont fait partie le préjudice de retraite ; qu'en déclarant prescrite la demande de Mme [Z] tendant à l'indemnisation du préjudice de retraite au titre du dommage initial, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les demandes de Mme [Z] tendant à obtenir l'indemnisation de son préjudice d'incapacité professionnelle, à chaque aggravation, ne comprenaient pas virtuellement le préjudice de retraite, non réparé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du code civil, anciennement l'article 2244 du même code. »
Réponse de la Cour
8. L'arrêt relève d'abord que Mme [Z] sollicitait l'indemnisation d'un préjudice de retraite résultant de son préjudice initial, alors que son état avait été consolidé avec une incapacité permanente partielle de 58 %, consacrant une incapacité de travail, ce dont elle avait parfaitement connaissance puisqu'elle n'a jamais repris d'activité salariée depuis son accident.
9. Retenant ensuite exactement que l'action en aggravation d'un préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la demande formée par Mme [Z] au titre de son préjudice de retraite était prescrite, puisque, si la demande en justice aux fins d'indemnisation de son préjudice initial avait interrompu le délai de prescription jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 1986, un nouveau délai de 10 ans avait commencé à courir à compter de cette date, lequel avait expiré le 16 décembre 1996.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour Mme [Z]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté Mme [C] [Z] du surplus de ses demandes indemnitaires, et y ajoutant d'AVOIR déclaré Mme [Z] prescrite en sa demande d'indemnisation d'un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la prescription de l'action Il est constant que ne constitue pas une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, prohibée devant la cour, une demande d'indemnisation d'un poste de préjudice qui n'aurait pas été présentée précédemment, car elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge à savoir obtenir l'indemnisation intégrale de l'ensemble des postes de dommage effectivement subis en relation de causalité avec l'accident initial, étayés par les nouvelles pièces produites, situation expressément autorisée par les articles 563 à 565 du code de procédure civile. De ce chef la demande est donc recevable. Il est également constant que Mme [Z] sollicite l'indemnisation d'un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial alors que son dommage avait été consolidé avec une incapacité permanente partielle de 58%, consacrant une incapacité de travail, ce dont elle avait parfaitement connaissance puisqu'elle n'a jamais repris d'activité salariée depuis son accident. Par ailleurs, l'action en aggravation d'un préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial. La société Gan soutient que cette demande est prescrite. En effet, elle l'est puisque l'accident est survenu le 7 juillet 1980 à un moment où l'action en réparation de son préjudice corporel se prescrivait par 30 ans ; délai que la loi du 5 juillet 1985 entrée en vigueur le 1er janvier 1986 a ramené à 10 ans. La demande en justice alors formée par Mme [Z], pour obtenir l'indemnisation d'un poste de préjudice rattaché à son préjudice initial, a interrompu le délai de prescription jusqu'à la décision de la Cour de cassation intervenue le 16 décembre 1986. A compter de cette date, un nouveau délai de 10 ans a recommencé à courir et il a expiré le 16 décembre 1996. En conséquence, les 17 et 27 octobre 2016, Mme [Z] était largement prescrite en sa demande d'indemnisation d'un préjudice de retraite en lien direct et certain avec son préjudice initial ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur le préjudice de retraite Il résulte des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions. Mme [C] [Z] sollicite la somme de 147.757,48 euros au titre de son préjudice de retraite. Celle-ci ne justifie cependant pas d'un quelconque lien entre l'aggravation et ce préjudice. Elle sera dès lors déboutée de sa demande à ce titre ;
ALORS QUE le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a confirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait débouté Mme [Z] du surplus de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice de retraite résultant du dommage initial ; que, dans le même temps, elle a déclaré cette demande irrecevable comme prescrite ; qu'en déclarant la demande de Mme [Z] tout à la fois irrecevable et mal fondée, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 122 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré Mme [Z] prescrite en sa demande d'indemnisation d'un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial ;
AUX MOTIFS QUE sur la prescription de l'action (
) Il est également constant que Mme [Z] sollicite l'indemnisation d'un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial alors que son dommage avait été consolidé avec une incapacité permanente partielle de 58%, consacrant une incapacité de travail, ce dont elle avait parfaitement connaissance puisqu'elle n'a jamais repris d'activité salariée depuis son accident. Par ailleurs, l'action en aggravation d'un préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial. La société Gan soutient que cette demande est prescrite. En effet, elle l'est puisque l'accident est survenu le 7 juillet 1980 à un moment où l'action en réparation de son préjudice corporel se prescrivait par 30 ans ; délai que la loi du 5 juillet 1985 entrée en vigueur le 1er janvier 1986 a ramené à 10 ans. La demande en justice alors formée par Mme [Z], pour obtenir l'indemnisation d'un poste de préjudice rattaché à son préjudice initial, a interrompu le délai de prescription jusqu'à la décision de la Cour de cassation intervenue le 16 décembre 1986. A compter de cette date, un nouveau délai de 10 ans a recommencé à courir et il a expiré le 16 décembre 1996. En conséquence, les 17 et 27 octobre 2016, Mme [Z] était largement prescrite en sa demande d'indemnisation d'un préjudice de retraite en lien direct et certain avec son préjudice initial ;
1) ALORS QUE la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, pour déclarer prescrite la demande de Mme [Z], la cour d'appel considéré que « l'action en aggravation d'un préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial » ; qu'en se prononçant ainsi tandis que l'action tendant à la réparation du dommage initial comprend tous les chefs de préjudice qui n'ont pas encore été réparés de sorte qu'elle interrompt le délai de prescription de l'action tendant à l'indemnisation de l'ensemble des préjudices non réparés qui sont consécutifs à ce dommage, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil, anciennement l'article 2244 du même code ;
2) ALORS QUE la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, Mme [Z] faisait valoir qu'elle avait engagé plusieurs actions en réparation de son préjudice initial puis en réparation de l'aggravation de celui-ci et que ces actions qui constituaient des actes interruptifs du délai de prescription, concernaient l'indemnisation de son préjudice d'incapacité professionnelle dont fait partie le préjudice de retraite (concl. p. 7 § 1) ; qu'en déclarant prescrite la demande de Mme [Z] tendant à l'indemnisation du préjudice de retraite au titre du dommage initial, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les demandes de Mme [Z] tendant à obtenir l'indemnisation de son préjudice d'incapacité professionnelle, à chaque aggravation, ne comprenaient pas virtuellement le préjudice de retraite, non réparé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du code civil, anciennement l'article 2244 du même code. | L'action en aggravation d'un préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial.
En conséquence, se trouve légalement justifié l'arrêt d'une cour d'appel qui retient que l'action de la victime tendant à l'indemnisation d'un préjudice de perte de droit à la retraite en lien avec son préjudice initial était prescrite et que les actions en indemnisation de l'aggravation du préjudice corporel, distinctes, n'avaient pu interrompre le délai de prescription |
7,665 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 31 mars 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 346 F-B
Pourvoi n° X 20-23.284
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2022
M. [H] [V], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 20-23.284 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant à la société Abeille IARD et Santé, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Aviva assurances, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [V], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Abeille IARD et Santé, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30 septembre 2020), après avoir pris acte de la démission de M. [V] de son mandat d'agent général d'assurance, les sociétés Aviva assurances et Aviva vie (l'assureur) lui ont fait savoir que son indemnité de fin de mandat serait affectée d'un abattement de 30 % en raison de la découverte d'un déficit de caisse et de fautes de gestion, en application de l'annexe 3 des accords contractuels sur l'exercice du métier d'agent général qui avaient été conclus le 29 avril 1997 entre les sociétés Abeille assurances et Abeille vie, anciennes dénominations de l'assureur, et le syndicat professionnel des agents généraux d'assurance Abeille.
2. M. [V], contestant l'application de cet abattement, a assigné l'assureur en paiement de l'intégralité de l'indemnité de fin de contrat et de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [V] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes et de le condamner à payer la somme de 1 514,33 euros à l'assureur, alors « qu'est une clause pénale la clause d'un accord d'entreprise conclu entre une entreprise d'assurance et le syndicat professionnel de ses agents généraux qui, à titre de sanction des obligations incombant à un agent sortant, stipule à la charge de celui-ci une pénalité sous la forme d'un abattement sur le montant de son indemnité de cessation de fonctions ; qu'au cas d'espèce, le traité de nomination du 29 avril 2003, par lequel M. [H] [V] a été désigné en qualité d'agent général des sociétés Aviva assurances et Aviva vie à [Localité 2], était soumis aux accords contractuels du 29 avril 1997 sur l'exercice du métier d'agent général conclus entre d'une part Aviva assurances et Aviva vie, anciennement dénommées Abeille assurances et Abeille vie, et d'autre part le syndicat professionnel des agents généraux d'Abeille ; qu'aux termes de l'article 5 de l'annexe 3 de ces accords, intitulé « Abattements sur indemnité », des abattements ne pouvant excéder 30 % s'appliqueront à la totalité de l'indemnité de fin de mandat en cas de déficit de caisse, de non-respect du préavis, sauf cas de force majeure, d'actes de gestion relevant de la faute professionnelle, de non-respect des règles d'exclusivité fixées au mandat, de révocation, de pratiques commerciales déloyales vis-à-vis du successeur, telles qu'un refus de lui présenter les clients les plus importants de l'agence ; que pour rejeter la demande de M. [V] tendant à obtenir une réduction du montant de l'abattement, égal à 30 % de son indemnité de fin de mandat, soit 96 117 euros, pratiqué par la société Aviva assurances sur le fondement de cette clause, la cour d'appel a considéré que l'abattement prévu par l'accord professionnel ne constituait pas une clause pénale prévoyant le montant de la sanction indemnitaire en cas d'inexécution de ses obligations par l'agent général mais était l'un des éléments de calcul de l'indemnité de fin de mandat dans les cas prévus, de telle sorte qu'il n'était pas soumis au pouvoir modérateur du juge ; qu'en statuant ainsi, alors que l'article 5 de l'annexe 3 des accords contractuels du 29 avril 1997, qui stipule à la charge de l'agent sortant une pénalité sous la forme d'un abattement sur le montant de son indemnité de cessation de fonctions en cas de violation par l'agent des obligations qu'il vise, constitue une clause pénale, la cour d'appel a violé l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
4. Constitue une clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée.
5. Par suite, n'est pas une clause pénale, soumise au pouvoir de modération du juge, la stipulation de l'accord contractuel conclu entre une entreprise d'assurance et les syndicats professionnels de ses agents généraux qui, en cas de méconnaissance par un agent général de certaines des obligations de son mandat, prévoit à la charge de ce dernier un abattement, non forfaitaire et non déterminé à l'avance, ne pouvant excéder 30 % de la totalité de son indemnité de fin de mandat.
6. C'est, dès lors, à bon droit que l'arrêt retient que la stipulation qui prévoit un tel abattement n'est pas une clause pénale mais constitue l'un des éléments de calcul de l'indemnité de fin de mandat, de telle sorte qu'il n'est pas soumis au pouvoir modérateur du juge.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [V]
LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. [V] de ses demandes et de l'avoir condamné à payer à la société Aviva Assurances la somme de 1514,33 euros,
ALORS QU' est une clause pénale la clause d'un accord d'entreprise conclu entre une entreprise d'assurance et le syndicat professionnel de ses agents généraux qui, à titre de sanction des obligations incombant à un agent sortant, stipule à la charge de celui-ci une pénalité sous la forme d'un abattement sur le montant de son indemnité de cessation de fonctions ; qu'au cas d'espèce, le traité de nomination du 29 avril 2003, par lequel M. [H] [V] a été désigné en qualité d'agent général des sociétés Aviva assurances et Aviva vie à [Localité 2], était soumis aux accords contractuels du 29 avril 1997 sur l'exercice du métier d'agent général conclus entre d'une part Aviva assurances et Aviva vie, anciennement dénommées Abeille assurances et Abeille vie, et d'autre part le syndicat professionnel des agents généraux d'Abeille ; qu'aux termes de l'article 5 de l'annexe 3 de ces accords, intitulé « Abattements sur indemnité », des abattements ne pouvant excéder 30 % s'appliqueront à la totalité de l'indemnité de fin de mandat en cas de déficit de caisse, de non-respect du préavis, sauf cas de force majeure, d'actes de gestion relevant de la faute professionnelle, de non-respect des règles d'exclusivité fixées au mandat, de révocation, de pratiques commerciales déloyales vis-à-vis du successeur, telles qu'un refus de lui présenter les clients les plus importants de l'agence ; que pour rejeter la demande de M. [V] tendant à obtenir une réduction du montant de l'abattement, égal à 30% de son indemnité de fin de mandat, soit 96.117 euros, pratiqué par la société Aviva assurances sur le fondement de cette clause, la cour d'appel a considéré que l'abattement prévu par l'accord professionnel ne constituait pas une clause pénale prévoyant le montant de la sanction indemnitaire en cas d'inexécution de ses obligations par l'agent général mais était l'un des éléments de calcul de l'indemnité de fin de mandat dans les cas prévus, de telle sorte qu'il n'était pas soumis au pouvoir modérateur du juge ; qu'en statuant ainsi, alors que l'article 5 de l'annexe 3 des accords contractuels du 29 avril 1997, qui stipule à la charge de l'agent sortant une pénalité sous la forme d'un abattement sur le montant de son indemnité de cessation de fonctions en cas de violation par l'agent des obligations qu'il vise, constitue une clause pénale, la cour d'appel a violé l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016. | N'est pas une clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, soumise au pouvoir de modération du juge, la stipulation de l'accord contractuel conclu entre une entreprise d'assurance et les syndicats professionnels de ses agents généraux qui, en cas de méconnaissance par un agent général de certaines des obligations de son mandat, prévoit à la charge de ce dernier un abattement, non forfaitaire et non déterminé à l'avance, ne pouvant excéder 30 % de la totalité de son indemnité de fin de mandat |
7,666 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 31 mars 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 352 F-B
Pourvoi n° Z 21-12.296
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2022
1°/ Mme [U] [W], domiciliée clinique [10], [Adresse 9],
2°/ la société La Médicale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], anciennement [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° Z 21-12.296 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à [R] [Z], ayant été domicilié [Adresse 8], décédé le [Date décès 4] 2021,
2°/ à la société AON France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 11], dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à la société Draka Comteq France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
5°/ à la société La Mutuelle AG2R prévoyance, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme [W] et de la société La Médicale, de Me Balat, avocat de [R] [Z], de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société La Mutuelle AG2R prévoyance, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 décembre 2020), rendu en matière de référé, M. [Z], après avoir subi deux opérations chirurgicales pratiquées par Mme [W] au sein d'un établissement privé de soins, a été affecté d'un pneumopéritoine ayant nécessité un traitement médical prescrit par ce médecin, qui a provoqué un choc septique à la suite duquel il a été transféré dans un centre hospitalier et a subi une amputation de la jambe gauche au niveau de la cuisse.
2. Après qu'une expertise judiciaire a conclu à un défaut de prise en charge dans les règles de l'art de l'épisode infectieux, incombant tant à Mme [W] qu'au centre hospitalier et précisé que la victime n'était pas consolidée mais que son déficit fonctionnel permanent ne serait pas inférieur à 55 %, M. [Z] et son assureur, la société Aon France ont assigné Mme [W] et son assureur, la société La Médicale, en référé-provision.
3. La société AG2R Réunica prévoyance, devenue la société AG2R prévoyance, est intervenue volontairement à l'instance en qualité de tiers payeur et a sollicité une provision au titre des dépenses de santé actuelles qu'elle a exposées.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche et le second moyen, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
5. Mme [W] et la société La Médicale font grief à l'arrêt, statuant en matière de référé, de les condamner à payer à M. [Z] la somme de 100 000 euros à titre de provision, à valoir notamment, sur l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent, alors :
« 2°/ que subsidiairement, le juge des référés ne peut accorder une provision que dans la limite du montant non sérieusement contestable de l'obligation ; que le montant de l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent est fixé en considération de l'âge de la victime à la date de consolidation du dommage ; qu'en décidant que M. [Z] pouvait prétendre à une provision au titre de son déficit fonctionnel permanent qui aurait pu atteindre la somme de 167 475 euros et qui a été limitée par la demande à la somme de 152 350 euros, sans indiquer en quoi l'obligation n'était pas sérieusement contestable à hauteur de ce montant, ce qui supposait d'indiquer quelles étaient les modalités de calcul appliquées, s'agissant notamment de l'âge de M. [Z] à la date de consolidation de son dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;
3°/ que très subsidiairement, le juge des référés ne peut accorder une provision que dans la limite du montant non sérieusement contestable de l'obligation ; que le montant de l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent est fixé en considération de l'âge de la victime à la date de consolidation du dommage ; qu'en décidant cependant, pour fixer à la somme de 167 475 euros limitée par la demande à 152 350 euros, le montant de la provision à laquelle M. [Z] pouvait prétendre au titre de son déficit fonctionnel permanent, qu'il convenait de prendre en compte l'âge de M. [Z] à la date des opérations d'expertise, bien que son état de santé ne fût pas consolidé à cette date, de sorte que M. [Z] ne pouvait prétendre au versement d'une indemnité au titre de son déficit fonctionnel permanent à compter de cette date, la cour d'appel, qui a ainsi accordé une provision excédant nécessairement le montant non sérieusement contestable de l'obligation, a violé l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Sous couvert de griefs non fondés de violation de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, devenu 835, alinéa 2, du code de procédure civile et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par laquelle la cour d'appel a caractérisé, à hauteur du montant qu'elle a retenu, l'existence d'une obligation non sérieusement contestable.
7. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [W] et la société La Médicale aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [W] et la société La Médicale et les condamne à payer à [R] [Z] et à la société AG2R prévoyance la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme [W] et la société La Médicale
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le Docteur [U] [W] et la Société LA MEDICALE FONT GRIEF à l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, de les avoir condamnées à payer à Monsieur [R] [Z] la somme de 100.000 euros à titre de provision, à valoir, notamment, sur l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent ;
1°) ALORS QUE le juge des référés ne peut accorder une provision qu'à la condition que l'obligation ne soit pas sérieusement contestable ; que se heurte à une contestation sérieuse et excède les pouvoirs du juge des référés, la demande de provision de la victime d'un dommage corporel au titre de son déficit fonctionnel permanent en l'absence de consolidation, dès lors qu'il n'est pas acquis que l'état de santé de la victime fera l'objet d'une consolidation ; qu'en décidant néanmoins que Monsieur [Z] pouvait prétendre à une provision au titre de son déficit fonctionnel permanent, après avoir pourtant constaté l'absence de consolidation de l'état de santé de Monsieur [Z], la Cour d'appel, a violé l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, le juge des référés ne peut accorder une provision que dans la limite du montant non sérieusement contestable de l'obligation ; que le montant de l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent est fixé en considération de l'âge de la victime à la date de consolidation du dommage ; qu'en décidant que Monsieur [Z] pouvait prétendre à une provision au titre de son déficit fonctionnel permanent qui aurait pu atteindre la somme de 167.475 euros et qui a été limitée par la demande à la somme de 152.350 euros, sans indiquer en quoi l'obligation n'était pas sérieusement contestable à hauteur de montant, ce qui supposait d'indiquer quelles étaient les modalités de calcul appliquées, s'agissant notamment de l'âge de Monsieur [Z] à la date de consolidation de son dommage, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, très subsidiairement, le juge des référés ne peut accorder une provision que dans la limite du montant non sérieusement contestable de l'obligation ; que le montant de l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent est fixé en considération de l'âge de la victime à la date de consolidation du dommage ; qu'en décidant cependant, pour fixer à la somme de 167.475 euros, limitée par la demande à 152.350 euros, le montant de la provision à laquelle Monsieur [Z] pouvait prétendre au titre de son déficit fonctionnel permanent, qu'il convenait de prendre en compte l'âge de Monsieur [Z] à la date des opérations d'expertise, bien que son état de santé ne fût pas consolidé à cette date, de sorte que Monsieur [Z] ne pouvait prétendre au versement d'une indemnité au titre de son déficit fonctionnel permanent à compter de cette date, la Cour d'appel, qui a ainsi accordé une provision excédant nécessairement le montant non sérieusement contestable de l'obligation, a violé l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
La Société LA MEDICALE FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, de l'avoir condamnée à payer à la Société AG2R PREVOYANCE la somme de 10.352,42 euros à titre de provision à valoir sur le remboursement des dépenses de santé exposées pour Monsieur [Z] ;
ALORS QUE le juge des référés ne peut accorder une provision que dans la limite du montant non sérieusement contestable de l'obligation ; qu'il n'est fait droit au recours subrogatoire d'un tiers payeur que dans la mesure où sa créance s'impute, poste par poste, sur les indemnités auxquelles peut prétendre la victime et qui réparent des préjudices qu'il a pris en charge ; qu'en condamnant la Société LA MEDICALE à payer à la Société AG2R PREVOYANCE la somme de 10.352,42 euros à titre de provision à valoir sur le remboursement des dépenses de santé exposées pour Monsieur [Z], sans procéder à l'évaluation préalable du montant des indemnités auxquelles Monsieur [Z] pouvait prétendre au titre de ses dépenses de santé, afin, dans un second temps, d'imputer la créance de la Société AG2R PREVOYANCE sur ce montant, la Cour d'appel, qui n'a pas limité la provision accordée à la Société AG2R PREVOYANCE au montant non sérieusement contestable de son obligation, a violé l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile, ensemble l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. | C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation qu'une cour d'appel, statuant en référé, en l'état d'une expertise médicale constatant, malgré l'absence de consolidation au jour de l'expertise, que le déficit fonctionnel permanent ne sera pas inférieur à 55%, fixe le montant de la provision allouée à la victime au montant qu'elle retient |
7,667 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 31 mars 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 363 F-B
Pourvoi n° X 20-22.594
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2022
1°/ La caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Grand Est (Groupama Grand Est), dont le siège est [Adresse 2],
2°/ M. [R] [J], domicilié [Adresse 6],
ont formé le pourvoi n° X 20-22.594 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2020 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [C] [P], domicilié [Adresse 4],
2°/ à M. [H] [Z], domicilié [Adresse 7], successeur de M. [S] [V], agent général MMA assurances,
3°/ à la société Cheval, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
4°/ à la société MMA Iard, dont le siège est [Adresse 3],
5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Grand Est (Groupama Grand Est) et de M. [J], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Z] et des sociétés Cheval et MMA Iard, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [P], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 8 septembre 2020), M. [J] a confié son tracteur, assuré auprès de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Grand Est (la société Groupama), au garage exploité par la société Cheval afin de rechercher l'origine d'une fuite d'huile. Alors que M. [P], salarié du garage, s'était glissé sous le tracteur, il a demandé à M. [J] d'actionner le démarreur du véhicule. Celui-ci s'est alors mis en mouvement et a roulé sur M. [P], le blessant gravement.
2. Afin d'obtenir réparation des préjudices non couverts par la législation applicable en matière d'accident de travail, M. [P] a assigné M. [J] et son assureur, la société Cheval et son assureur, la société MMA Iard, M. [V] en qualité d'agent d'assurances, ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie devant un tribunal de grande instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [J] et la société Groupama font grief à l'arrêt de déclarer M. [J] entièrement responsable du préjudice subi par M. [P] et de les condamner in solidum à lui payer différentes sommes à titre de dommages-intérêts, alors « que le propriétaire d'un véhicule confié à un garagiste pour réparation en perd la qualité de gardien ; que le fait, pour ce propriétaire, de mettre en marche le moteur dudit véhicule en actionnant le contact, à la demande expresse du professionnel de la réparation, ne lui fait pas reprendre la garde de son véhicule puisqu'il n'a aucun pouvoir de direction ou de contrôle sur celui-ci, dès lors qu'il ne peut pas l'utiliser à sa guise de manière autonome ; qu'en retenant que M. [J] était demeuré gardien de son tracteur confié pour réparation à la société Cheval, au motif inopérant qu'il n'était pas établi que M. [J] ait averti M. [P] de l'absence de sécurité que présentait son tracteur lors de la mise en route, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, devenu l'article 1242, alinéa 1er, du code civil, ensemble les articles 1er et 6 de la loi du 5 juillet 1985. »
Réponse de la Cour
4. L'arrêt relève que si le propriétaire d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation en est présumé gardien, il peut apporter la preuve qu'il en avait confié la garde à une autre personne et que, si l'accident trouve sa cause dans un défaut du véhicule, remis à un tiers lors de l'accident, la qualité de gardien peut, sauf si ce dernier avait été averti de ce vice, demeurer au propriétaire, en tant qu'il a la garde de la structure du véhicule impliqué. Il ajoute qu'il résulte des opérations d'expertise que le tracteur de M. [J], qui a roulé sur le corps de M. [P] et lui a occasionné des blessures, était un véhicule dangereux en ce que la sécurité de démarrage, vitesse engagée, n'était plus fonctionnelle et que selon un témoin, lorsque M. [J], à la demande de M. [P], a actionné la clef de contact tout en restant debout près du tracteur, celui-ci a démarré, a avancé et est passé sur le corps de M. [P].
5. L'arrêt retient ensuite que le tracteur ne se serait pas déplacé si une vitesse n'était pas restée enclenchée, que la cause de l'accident réside dans la défaillance du système de sécurité et que la preuve n'étant pas rapportée de ce que M. [J] avait averti M. [P] de cette absence de sécurité, il y a lieu de considérer qu'il était resté gardien de la structure de son véhicule.
6. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu décider que M. [J] avait conservé la garde de son véhicule, de sorte qu'il était tenu, en cette qualité, d'indemniser la victime en application de la loi du 5 juillet 1985.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [J] et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Grand Est aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Z] et par les sociétés Cheval et MMA Iard, rejette la demande formée par M. [J] et par la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Grand Est, et condamne ces derniers à payer à M. [P] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Grand Est (Groupama Grand Est) et M. [J]
Groupama Grand Est et M. [J] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. [J] entièrement responsable du préjudice subi par M. [P] et de les avoir en conséquences condamnés, in solidum, à payer différentes sommes à M. [P] à titre de dommages-intérêts,
Alors que le propriétaire d'un véhicule confié à un garagiste pour réparation en perd la qualité de gardien ; que le fait, pour ce propriétaire, de mettre en marche le moteur dudit véhicule en actionnant le contact, à la demande expresse du professionnel de la réparation, ne lui fait pas reprendre la garde de son véhicule puisqu'il n'a aucun pouvoir de direction ou de contrôle sur celui-ci, dès lors qu'il ne peut pas l'utiliser à sa guise de manière autonome ; qu'en retenant que M. [J] était demeuré gardien de son tracteur confié pour réparation à la société Cheval, au motif inopérant qu'il n'était pas établi que M. [J] ait averti M. [P] de l'absence de sécurité que présentait son tracteur lors de la mise en route, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, devenu l'article 1242, alinéa 1er du code civil, ensemble les articles 1er et 6 de la loi du 5 juillet 1985. | Si un accident de la circulation trouve sa cause dans un défaut du véhicule, remis à un tiers lors de l'accident, la qualité de gardien peut, sauf si ce dernier avait été averti de ce vice, demeurer au propriétaire, en tant qu'il a la garde de la structure du véhicule impliqué.
Ayant constaté qu'un tracteur, confié par son propriétaire à un garagiste, avait roulé sur ce dernier lorsqu'à sa demande, le propriétaire avait actionné la clef de contact tout en restant debout près de l'engin, et relevé que la cause de l'accident résidait dans la défaillance de la sécurité du démarrage dont il n'était pas établi que le garagiste avait été averti, une cour d'appel a pu décider que le propriétaire avait conservé la garde de son véhicule et était tenu, en cette qualité, d'indemniser la victime en application de la loi du 5 juillet 1985 |
7,668 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 31 mars 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 369 F-B
Pourvoi n° B 20-17.147
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2022
La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 20-17.147 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2020 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant à la société Helvetia assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Helvetia assurances, et après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mars 2020), M. [P] a fait l'acquisition auprès de la société ACM-Chantier naval de Colombelles (ACM) d'un bateau de plaisance, qu'il a assuré, en vertu d'un contrat d'assurance de dommages, auprès de la société Axa France IARD (l'assureur). La société CGI Finance, crédit-bailleresse, a financé cette acquisition.
2. A la suite d'un sinistre survenu le 21 août 2008 et au vu des conclusions d'une expertise judiciaire, l'assureur a assigné la société Helvetia assurances, en qualité d'assureur de la société ACM, devant un tribunal de commerce aux fins de condamnation à lui payer la somme de 207 843,57 euros qu'elle avait versée à titre d'indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
3. L'assureur fait grief à l'arrêt de condamner la société Helvetia assurances à lui régler la seule somme de 80 888,76 euros alors :
« 1°/ que le jeu de la subrogation légale n'exige pas que le paiement de l'indemnité d'assurance ait été opéré entre les mains de l'assuré lui-même, pourvu qu'il ait été fait pour son compte ; qu'en ayant jugé que l'assureur ne pouvait pas se prévaloir de la subrogation légale, concernant la somme de 126 954,81 euros qui était finalement revenue à la société CGI Finance, crédit-bailleresse du bateau assuré, sans rechercher si le paiement de la somme de 126 954,81 euros à la société CGI Finance n'avait pas, comme il résultait de la pièce n° 10 versée aux débats, été opéré par le conseil de l'assureur laquelle avait déposé l'indemnité dans son intégralité, en un seul chèque, sur le compte Carpa de son avocat), sur ordre de M. [P], assuré, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 121-12 du code des assurances ;
2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant jugé que l'assureur ne pouvait se prévaloir de la subrogation légale, concernant la somme de 126 954,81 euros qui était finalement revenue à la société CGI Finance, propriétaire du bateau, sans répondre aux conclusions de l'exposante, ayant fait valoir que c'était sur ordre de M. [P], assuré, qu'elle avait réglé cette somme à la société CGI Finance qui s'était d'ailleurs manifestée auprès de l'assureur, en tant que crédit-bailleresse du bateau, pour faire opposition au paiement de l'entière indemnité entre les mains de l'assuré, ce dont il résultait que le paiement litigieux avait été opéré par l'assureur au nom et pour le compte de l'assuré, ce qui autorisait le jeu de la subrogation légale, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 121-12 du code des assurances :
4. Ce texte, selon lequel l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui ont causé le dommage, n'exige pas que ce paiement ait été fait entre les mains de l'assuré lui-même.
5. Pour limiter au montant de 80 888,76 euros la somme que la société Helvetia assurances doit à l'assureur au titre du recours subrogatoire formé, l'arrêt, après avoir constaté que ce dernier, bien qu'il ait versé une somme totale de 207 843,57 euros, limite sa demande à la somme de 205 308,37 euros, qui correspond à l'évaluation réalisée par l'expert judiciaire, énonce qu'il résulte des pièces produites par M. [P], l'assuré, qu'il a perçu de l'assureur la seule somme de 80 888,76 euros, une autre somme, de 126 954,81 euros, ayant été versée par l'assureur à la société CGI Finance, crédit-bailleresse.
6. La décision ajoute que, pour bénéficier de la subrogation légale de plein droit, l'assureur doit justifier qu'il a effectivement payé l'indemnité d'assurance et que le paiement est intervenu en exécution de l'obligation de garantie qu'il avait souscrite par contrat et qu' il n'est pas démontré que le paiement serait intervenu en exécution d'un contrat d'assurance, puisque le seul contrat d'assurance dont justifie l'assureur est celui qu'il a signé avec M. [P], aucune pièce du dossier ne permettant de considérer que la société CGI Finance ait eu la qualité d'assurée et le seul fait qu'elle ait été propriétaire du bateau, au jour du sinistre, ne suffit pas à justifier qu'elle ait bénéficié de partie de l'indemnité d'assurance ce dont elle déduit que, faute pour l'assureur de démontrer qu'il bénéficie de la subrogation légale s'agissant de la somme versée à la société CGI Finance, et en l'absence de quittance subrogative, sa demande en paiement de la somme de 126 954,81 euros ne saurait prospérer.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le paiement de cette somme n'avait pas été opéré, au titre de l'indemnisation d'assurance, sur ordre et pour le compte de l'assuré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Helvetia assurances à payer à la société Axa France IARD la somme de 80 888,76 euros et dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2013 et que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 19 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Helvetia assurances aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Helvetia assurances et la condamne à payer à la société Axa France IARD la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD
IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir, sur le recours subrogatoire de la société AXA France Iard, assureur de dommages du navire loué puis vendu à M. [P] seulement condamné la société Helvetia Assurances à lui régler la somme de 80.888,76 € ;
AUX MOTIFS QUE Sur les demandes d'Axa. Axa indique qu'en sa qualité d'assureur dommages du navire, elle a dû à la suite du sinistre indemniser M. [P] en lui versant la somme de 80.888,76 euros et régler la somme de 126.954,81 euros à CGI Finance, organisme qui avait financé le navire et en était propriétaire au moment du sinistre. Observant qu'Helvetia conteste pour la première fois, après plus de 6 ans de procédure, la subrogation dont elle bénéficie, elle juge que cette critique n'est pas sérieuse puisqu'elle a payé les sommes susvisées et se trouve donc bien légalement subrogée à hauteur de la somme de 208.843,57 euros et de celle de 10.303,66 euros au titre des frais d'expertise. Elle ajoute qu'à l'évidence le coût de la main d'uvre fait bien partie du dommage matériel indemnisable et que l'affirmation sur ce point d'Helvetia mériterait qu'elle soit condamnée à une amende civile pour oser présenter un tel argument. Elle indique enfin que l'indemnisation doit tenir compte de la TVA dès lors que le navire a été acquis TTC et que les travaux de réparation ont été facturés TTC. Helvetia fait valoir que le seul assuré d'Axa est M. [P] et que la société "CGL" ne figure aucunement comme bénéficiaire de l'indemnité d'assurance et qu'Axa n'est en outre pas subrogée dans les droits de "CGL". Elle indique qu'Axa ne peut donc pas réclamer la réparation d'un préjudice inexistant, le versement qu'elle a fait à CGL relevant d'une pure intention libérale à son égard, qui ne peut fonder une quelconque subrogation. Elle soutient donc qu'elle ne doit à Axa que la somme de 80.888,76 euros que celle-ci a versée à son assuré, M. [P]. L'expert a chiffré le coût des travaux de remise en état du navire à la somme de 205.308,37 euros. M. [P] y a ajouté la perte de gasoil pour 1.250 euros, la perte de petits équipements pour 2.670 euros et la TVA sur les frais de stationnement pour 2.365,20 euros (l'expert ayant retenu ce poste de préjudice, mais hors taxes). Le préjudice matériel s'élèverait donc selon lui à la somme de 211.593,57 euros (mais il indique dans ses écritures qu'il est de 209.293,57 euros). L'article 5 de la police souscrite par ACM, intitulé "risques garantis" prévoit que le contrat a pour "objet de couvrir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'assuré vis-à-vis des tiers, encourue après livraison des navires ou engins maritimes ... en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs et résultant des activités garanties". La cour a rappelé dans l'arrêt du 31 octobre 2019 que l'article 7 de la police stipule que : "ne sont pas garantis les frais incombant à l'assuré lorsqu'il est tenu de refaire un travail mal exécuté ou de remplacer ou de réparer tout ou partie de sa fourniture ou d'en rembourser totalement ou partiellement le prix" et qu'il est ensuite précisé que "la présente exclusion ne porte que sur l'organe technique atteint de vice, défaut ou malfaçon mais non pas sur les dommages matériels par répercussion pouvant être causés à d'autres parties du navire techniquement indépendantes de l'organe défaillant, atteint de malfaçon ou vicié". La cour a précisé qu'en l'espèce, ce sont bien les dommages par répercussion causés à d'autres parties du navire indépendantes du flybridge et de l'emplacement des orifices d'évacuation qui sont en cause, puisque les défauts affectant le bateau ont entraîné la présence d'eau dans la cale, laquelle a ensuite endommagé les moteurs, propulseurs d'étrave et groupe électrogène. Compte tenu de ces dispositions contractuelles, Helvetia est tenue de supporter le coût des travaux de remise en état tel qu'il a été évalué par l'expert judiciaire et ne saurait donc prétendre qu'elle n'est tenue de supporter que le prix de remplacement des deux moteurs, du groupe électrogène et du propulseur d'étrave, soit la somme de 82.655,86 euros HT, alors que le bateau a été immergé dans l'eau de mer, ce qui a, évidemment, entraîné des dégâts au-delà des seuls éléments qu'elle cite. Axa, bien qu'elle ait versé une somme totale de 207.843,57 euros, limite sa demande à la somme de 205.308,37 euros, qui correspond à l'évaluation réalisée par l'expert judiciaire. Cette somme de 205.308,37 euros correspond au préjudice dont Helvetia pourrait être condamnée à supporter la réparation. M. [P] indique que son assureur Axa lui a versé la somme de 207.793,57 euros, déduction faite de la franchise de 1.500 euros. Toutefois, il résulte des pièces produites par Axa qu'il n'a perçu de celle-ci que la somme de 80.888,76 euros, une autre somme, de 126.954,81 euros, ayant été versée par Axa à la société CGI Finance (le total des paiements étant d'ailleurs de 207.843,57 et non de 207.793,57 comme l'indique M. [P]). Axa verse aux débats la copie d'un chèque qu'elle a établi le 13 juillet 2011 à l'ordre de la CARPA d'un montant de 207.843,37 euros. Ce chèque a été envoyé à son avocat, le cabinet Clyde & Co, accompagné de cette explication : " ce chèque représente règlement selon le rapport de notre expert M. [Y]". Le cabinet Clyde & Co a ensuite transmis un chèque de 80.888,76 euros à M. [P], par courrier du 3 octobre 2011, et un chèque de 126.954,81 euros à la société CGI Finance par courrier du 7 octobre 2011. S'agissant de CGI Finance, Axa indique qu'elle était propriétaire du navire qu'elle louait à M. [P] mais aucune pièce n'est produite pour justifier de la nature du contrat qui liait CGI à M. [P]. La société CGI s'était manifestée auprès d'Axa par un courrier du 15 juin 2011 dans lequel elle indiquait : "Nous apprenons que le navire Excellence V 2 de marque ACM francisé sous le n° CB8730720 donné en location à notre client commun M. [L] [P] a été endommagé. Nous vous informons que notre créance arrêtée au jour du sinistre se chiffre à 126.954,81 euros ...". Puis, par courrier daté du 1er septembre 2011, elle a de nouveau écrit à Axa en lui rappelant qu'elle lui avait envoyé une "opposition" pour 126.954,81 euros le 15 juin 2011 et en s'interrogeant sur la date à laquelle elle percevrait le règlement. Axa se contente d'invoquer les dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances et la qualité de propriétaire du navire de CGI pour justifier ses prétentions à l'encontre d'Helvetia, et n'a développé aucune explication pour s'opposer aux moyens que celle-ci a développés en défense. CGI Finance était manifestement propriétaire du navire puisque le 12 octobre 2011, elle l'a vendu à M. [P] pour la somme de 126.879,81 euros (acte de vente dont M. [P] a fini par justifier le 23 janvier 2020). Toutefois, aux termes des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers, qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. Pour bénéficier de la subrogation légale de plein droit, l'assureur doit donc justifier qu'il a effectivement payé l'indemnité d'assurance et que le paiement est intervenu en exécution de l'obligation de garantie qu'il avait souscrite par contrat. Or, il n'est pas démontré que le paiement serait intervenu en exécution d'un contrat d'assurance, puisque le seul contrat d'assurance dont justifie Axa est celui qu'elle a signé avec M. [P], qui y figure seul en qualité d'assuré. Aucune pièce du dossier ne permet de considérer que la société CGI Finance ait eu la qualité d'assurée et le seul fait qu'elle ait été propriétaire du bateau le jour du sinistre ne suffit pas à justifier qu'elle ait, en exécution de l'obligation de garantie souscrite par M. [P] auprès d'Axa, bénéficié de partie de l'indemnité d'assurance. En conséquence, faute pour Axa de démontrer qu'elle bénéficie de la subrogation légale s'agissant de la somme versée à CGI Finance, et en l'absence de quittance subrogative, sa demande en paiement de la somme de 126.954,81 euros ne saurait prospérer. La société Helvetia ne sera donc condamnée à payer à Axa, légalement subrogée dans les seuls droits de M. [P], que la somme de 80.888,76 euros. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2013 (date de l'assignation d'Helvetia par Axa devant le tribunal de commerce de Nanterre). Les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
1°) ALORS QUE le jeu de la subrogation légale n'exige pas que le paiement de l'indemnité d'assurance ait été opéré entre les mains de l'assuré lui-même, pourvu qu'il ait été fait pour son compte ; qu'en ayant jugé que la société Axa France Iard ne pouvait pas se prévaloir de la subrogation légale, concernant la somme de 126.954,81 € qui était finalement revenue à la société CGI Finance, crédit-bailleresse du bateau assuré, sans rechercher si le paiement de la somme de 126.954,81 € à la société CGI Finance n'avait pas, comme il résultait de la pièce n° 10 versée aux débats, été opéré par le conseil d'Axa (laquelle avait déposé l'indemnité dans son intégralité, en un seul chèque, sur le compte CARPA de son avocat), sur ordre de M. [P], assuré, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 121-12 du code des assurances ;
2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant jugé que la société Axa France Iard ne pouvait se prévaloir de la subrogation légale, concernant la somme de 126.954,81 € qui était finalement revenue à la société CGI Finance, propriétaire du bateau, sans répondre aux conclusions de l'exposante (p. 7 et 8), ayant fait valoir que c'était sur ordre de M. [P], assuré, qu'elle avait réglé cette somme à la société CGI Finance qui s'était d'ailleurs manifestée auprès de l'assureur, en tant que crédit-bailleresse du bateau, pour faire opposition au paiement de l'entière indemnité entre les mains de l'assuré, ce dont il résultait que le paiement litigieux avait été opéré par la société Axa France Iard au nom et pour le compte de l'assuré, ce qui autorisait le jeu de la subrogation légale, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent délaisser des pièces versées aux débats par les parties sans même les examiner ou au moins les viser ; qu'en ayant jugé que la société Axa France Iard ne pouvait se prévaloir de la subrogation légale, concernant la somme de 126.954,81 € qui était finalement revenue à la société CGI Finance, propriétaire du bateau, sans examiner la pièce n° 10 de l'exposante, dont il résultait qu'elle avait réglé la somme en cause à la société crédit-bailleresse, sur ordre et pour le compte de M. [P], la cour d'appel a de plus fort méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile. | L'article L. 121-12 du code des assurances, selon lequel l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui ont causé le dommage, n'exige pas que ce paiement ait été fait entre les mains de l'assuré lui-même.
Dès lors, la cour d'appel qui ne recherche pas, comme il le lui est demandé, si le paiement d'une somme par l'assureur auprès d'un tiers, en l'occurrence un crédit-bailleur, n'avait pas été opéré, au titre de l'indemnisation d'assurance, sur ordre et pour le compte de l'assuré, prive sa décision de base légale au regard du texte susvisé |
7,669 | N° Z 20-81.775 FS-B
N° 00321
MAS2
5 AVRIL 2022
CASSATION SANS RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 AVRIL 2022
Mme [I] [U] et la société [1], intervenant en qualité de mandataire liquidateur de la société [2], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 10 février 2020, qui, pour travail dissimulé, a condamné, la première, à 5 000 euros d'amende, la seconde, à 50 000 euros d'amende.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un avis en date du 15 décembre 2021.
Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [I] [U] et de la société [1], intervenant en qualité de mandataire liquidateur de la société [2], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, M. Seys, M. Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, M. Michon, conseillers référendaires, M. Lemoine, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société anonyme [2] a pour activité de collecter puis de traiter, pour le compte de marques ou d'enseignes, des données commerciales dites de « terrain » recueillies par des particuliers appelés « clicwalkers » qui, à partir d'une application gratuite téléchargée sur leur téléphone, effectuent pour le compte de cette société des missions.
3. Celles-ci peuvent consister à fournir des informations sur leurs habitudes de consommation, à émettre un avis ou prendre des photographies sur les supports de communication des clients ou enfin à vérifier dans les magasins la présence, le prix et la visibilité des produits, les supports commerciaux ou la qualité des prestations de service des entreprises clientes de la société.
4. La participation des « clicwalkers » aux missions s'effectue sur la base du volontariat.
5. Ces derniers perçoivent une gratification en points-cadeaux ou en numéraire versée après vérification par la société [2] du respect des modalités de la mission.
6. Au terme d'une enquête préliminaire ayant conclu que les « clicwalkers » devaient être assimilés à des salariés, la société [2] et Mme [I] [U], présidente et directrice générale de celle-ci, ont été poursuivies du chef de travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés, par défaut de déclaration nominative préalable à l'embauche, de déclarations sociales et fiscales et de remise de bulletins de paie, en raison des missions exécutées par vingt-huit salariés ayant perçu chacun plus de 600 euros en 2015 ou 2016.
7. Ni les « clicwalkers » visés à la prévention ni l'URSSAF ne se sont constitués parties civiles.
8. Par jugement en date du 24 mai 2018, le tribunal correctionnel a relaxé Mme [U] et la société [2] au motif que les « clicwalkers » ne pouvaient être considérés comme des salariés.
9. Le procureur de la République a formé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [U] et la société [2] coupables du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés, alors :
« 1°/ que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, la société [2], dont Mme [U] est la dirigeante, a mis en place une application mobile sur laquelle sont répertoriées diverses missions de très courte durée, s'inscrivant dans la vie quotidienne des consommateurs, consistant, pour le particulier qui y souscrit, appelé « clicwalker », à collecter des données ou à donner son avis sur un produit, une vitrine, une expérience client ou une pratique commerciale via cette application en contrepartie de quelques euros ou de points-cadeaux ; qu'en retenant, pour déclarer la société [2] et Mme [U] coupables de travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés, que les « clicwalkers » étaient liés par un contrat de travail à cette société, lorsqu'elle constatait que ceux-ci étaient libres d'accepter ou non les missions disponibles sur l'application et de les abandonner, qu'ils étaient également libres de gérer leur temps comme ils l'entendaient et qu'ils ne percevaient qu'une faible rémunération, ce dont il se déduisait qu'ils bénéficiaient d'une liberté totale exclusive d'un lien de subordination, dont l'exercice n'était pas même limité par un état de dépendance économique, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1221-1 et L. 8221-5 du code du travail ;
2°/ que pour retenir l'existence d'un lien de subordination entre la société [2] et les « clicwalkers », la cour d'appel relève d'abord que les missions sont parfois très précises, ce dont elle déduit que la société dispose du pouvoir de donner des ordres et des directives aux « clicwalkers » puis ajoute que la société contrôle la bonne exécution de la prestation et dispose d'un pouvoir de sanction consistant à ne pas rémunérer le « clicwalker » et à ne pas rembourser les frais éventuellement exposés lorsque la mission n'a pas été exécutée conformément aux modalités prescrites ; qu'en prononçant ainsi, lorsque la société n'exerce aucun pouvoir de direction mais se borne à proposer des missions détaillées auxquelles les particuliers sont totalement libres de souscrire ou non après avoir pris connaissance du contenu de la mission, que le contrôle exercé, qui n'intervient qu'une fois la mission achevée, consiste uniquement à vérifier l'exécution de l'obligation contractuelle qui est la cause de la gratification, et que l'absence de rémunération sanctionne exclusivement le défaut d'exécution de cette obligation librement souscrite, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser un lien de subordination, n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1 et L. 8221-5 du code du travail ;
3°/ que les juges correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en l'espèce, les exposantes sont poursuivies pour des faits supposément commis « entre courant juillet 2015 et courant juin 2016 » ; que, dès lors, en se fondant, pour retenir que la société [2] disposait d'un pouvoir de sanction et en déduire l'existence d'un lien de subordination, que, jusqu'en 2014, les conditions générales prévoyaient qu'un contributeur pouvait être banni et son compte fermé en cas de manquement répété aux spécificités techniques demandées ou à défaut de transmission des éléments dans les délais annoncés, la cour d'appel a violé les articles 388 et 512 du code de procédure pénale et méconnu le principe ci-dessus énoncé ;
4°/ que pour retenir que la société [2] disposait d'un pouvoir de sanction et en déduire l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel énonce que si la clause des conditions générales selon laquelle « en cas de manquement répété par le « clicwalker » quant aux spécificités techniques demandées ou à défaut de transmission des éléments dans les délais annoncés celui-ci pourra se voir exclu du réseau » a été supprimée en 2015, il est apparu dans les faits que, postérieurement à cette date, la société avait pu « bannir » certains utilisateurs tel qu'en atteste un courriel daté du 22 juillet 2015 signifiant à un « clicwalker » la clôture de son compte utilisateur pour avoir utilisé une photo non conforme ; qu'en se déterminant ainsi, lorsqu'il ne pouvait être déduit de la clôture du compte utilisateur de ce membre que la société prévenue détenait un pouvoir hiérarchique sur les « clicwalkers » dès lors que cette clôture ne sanctionnait pas un manquement dans l'exécution d'une mission ou d'une prestation de travail mais l'utilisation d'une photo non conforme, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1 et L. 8221-5 du code du travail ;
5°/ que le contrat de travail ne peut exister qu'en présence d'une prestation de travail, laquelle consiste en une activité professionnelle, c'est-à-dire exercée de manière habituelle ou régulière afin d'en tirer des revenus ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les « clicwalkers », dont les compétences professionnelles n'étaient pas contrôlées et qui étaient libres d'accepter les missions proposées, étaient rémunérés de quelques euros par mission et que seuls 27 d'entre eux avaient perçu plus de 600 euros en 2015 ; qu'en retenant qu'un contrat de travail les liait à la société [2], lorsqu'il ressortait de ces constatations que les missions proposées l'étaient non en considération des aptitudes professionnelles des « clicwalkers » mais au regard de leur seule qualité de consommateurs et qu'elles n'étaient par ailleurs qu'occasionnelles et peu rémunératrices, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la fourniture d'une prestation de travail, a violé les articles au regard des articles L. 1221-1 et L. 8221-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 8221-5 et L. 8224-1 du code du travail :
11. Il se déduit de ces textes que le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié suppose que soit établie l'existence d'un lien de subordination.
12. La Cour de cassation juge que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Soc., 13 novembre 1996, pourvoi n° 94-13.187, Bull. 1996, V, n° 386).
13. L'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle (Ass. plén., 4 mars 1983, pourvois n° 81-11.647 et 81-15.290, Bull. 1983, Ass. plén., n° 3 ; Soc., 19 décembre 2000, pourvoi n° 98-40.572, Bull. 2000, V, n° 437 ; Soc., 28 novembre 2018, pourvoi n° 17-20.079, publié au Bulletin).
14. En l'espèce, pour infirmer le jugement et caractériser notamment l'existence d'un lien de subordination entre la société prévenue et les « clicwalkers », l'arrêt énonce que les missions qui leur sont confiées ainsi que les consignes et directives pour les exécuter peuvent être très précises.
15. Les juges ajoutent que la société contrôle la bonne exécution de la prestation, afin de vérifier qu'elle correspond à la commande de son client.
16. Ils relèvent encore que ce contrôle s'accompagne d'un pouvoir de sanction puisque si la mission est rejetée, celui qui l'a exécutée ne sera pas rémunéré et ses frais ne seront pas remboursés.
17. Ils constatent enfin que même si les conditions générales de la plate-forme ne le prévoient plus depuis 2014, la mauvaise exécution répétée des missions a entraîné la clôture du compte de certains utilisateurs en 2015.
18. Ils en déduisent que les utilisateurs de la plate-forme exécutent une prestation de travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné et qu'ainsi la qualification de contrat de travail doit être retenue.
19. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
20. En effet, n'exécute pas une prestation de travail sous un lien de subordination le particulier qui accepte, par l'intermédiaire d'une plate-forme numérique gérée par une société, d'exécuter des missions telles que décrites précédemment dès lors qu'il est libre d'abandonner en cours d'exécution les missions proposées, qu'il ne reçoit aucune instruction ou consigne lors de leur exécution, que la société ne dispose pas, pendant l'exécution de la mission, du pouvoir de contrôler l'exécution de ses directives et d'en sanctionner les manquements, quand bien même la correcte exécution des missions est l'objet d'une vérification par la société qui peut refuser de verser la rémunération prévue et le remboursement des frais engagés, en cas d'exécution non conforme.
21. Il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
22. N'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, les faits n'étant susceptibles d'aucune autre qualification pénale, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 10 février 2020 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq avril deux mille vingt-deux. | Le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié suppose que soit établie l'existence d'un lien de subordination.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
N'exécute pas une prestation de travail sous un lien de subordination le particulier qui accepte, par l'intermédiaire d'une plateforme numérique gérée par une société, d'exécuter des missions consistant à collecter, pour le compte de marques ou d'enseignes, des données commerciales, dès lors qu'il est libre d'abandonner en cours d'exécution les missions proposées, qu'il ne reçoit aucune instruction ou consigne lors de leur exécution, que la société ne dispose pas, pendant l'exécution de la mission, du pouvoir de contrôler l'exécution de ses directives et d'en sanctionner les manquements, quand bien même la correcte exécution des missions est l'objet d'une vérification par la société qui peut refuser de verser la rémunération prévue et le remboursement des frais engagés, en cas d'exécution non conforme.
Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui condamne ladite société et sa directrice générale du chef de travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés pour ne pas avoir effectué de déclaration nominative à l'embauche, de déclarations sociales et fiscales ni remis de bulletins de paie en raison des missions précitées |
7,670 | CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 avril 2022
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 307 FS-B
Pourvoi n° B 21-12.045
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2022
La société ATHMO, dont le siège est [Adresse 2] (Luxembourg), a formé le pourvoi n° B 21-12.045 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pole 5, chambre 8), dans le litige l'opposant à M. [G] [N], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat de la société ATHMO, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [N], et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2020), par un accord conclu le 27 mai 2016, réitéré le 24 novembre suivant, la société Athmo, représentée par son dirigeant, M. [V], a cédé ses actions de la société Aciernet à la société Aciernet Capital.
2. Invoquant avoir assisté la société Athmo lors de la cession, M. [N], expert-comptable, l'a assignée en reconnaissance d'un contrat de louage d'ouvrage et paiement de la rémunération prévue dans un sms de M. [V] du 6 novembre 2015. La société Athmo a contesté l'existence d'un tel contrat et conclu, subsidiairement, à sa nullité en ce qu'il prévoyait uniquement des honoraires de résultat.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Athmo fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de M. [N], alors « qu'un contrat ne peut déroger à l'ordre public ; que les honoraires rémunérant les missions effectuées par un expert-comptable ne peuvent être calculés sur la base d'un pourcentage des résultats financiers obtenus par les clients ; que la fixation d'un honoraire de résultat constitue un manquement aux règles déontologiques d'ordre public gouvernant la profession d'expert comptable ; qu'en jugeant cependant que le contrat verbal conclu le 6 novembre 2015 entre la société Athmo et M. [N], expert-comptable, dans le cadre de la cession des actions de la société Aciernet n'encourait pas la nullité, tandis qu'il avait été conclu en méconnaissance de la règle déontologique d'ordre public prohibant le pacte de quota litis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et s'est fondée sur un motif inopérant tiré de l'absence d'illicéité de la prestation objet du contrat, a violé l'article 24 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 novembre 1945 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-443 du 30 avril 2014, applicable au litige, ainsi que l'article 6 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 24 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-443 du 30 avril 2014 :
4. Selon ce texte, les honoraires de l'expert-comptable doivent constituer la juste rémunération du travail fourni comme du service rendu et ne peuvent en aucun cas être calculés d'après les résultats financiers obtenus par les clients.
5. Il en résulte qu'un contrat conclu entre un expert-comptable et son client, en ce qu'il fixe les honoraires dus en fonction de tels résultats, est illicite et, partant, nul, de sorte que le montant des honoraires dus à l'expert-comptable doit être déterminé en fonction du travail fourni et du service rendu.
6. Pour accueillir la demande de M. [N], après avoir admis l'existence d'un contrat de louage d'ouvrage et constaté qu'il prévoyait des honoraires de résultat, l'arrêt retient que les règles de déontologie, dont l'objet est de fixer les devoirs des membres de la profession, ne sont assorties que de sanctions disciplinaires et n'entraînent pas, à elles seules, la nullité des contrats conclus en infraction à leurs dispositions et que la société Athmo invoque une contrariété à l'ordre public sans toutefois la caractériser ni même l'expliciter.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat aux Conseils, pour la société ATHMO.
La société Athmo fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. [N] la somme de 192 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2016, avec capitalisation, et à lui payer certaines sommes correspondant à 4% du prix complémentaire défini par l'article 3 du protocole d'accord du 27 mai 2016, dans l'hypothèse où, pendant la période comprise entre la date de réalisation et le 31 décembre 2017, la société Aciernet Capital (substituée à la société Tenareze Participations) procéderait en une ou plusieurs fois à une cession de plus de 51% du capital et des droits de vote de la société Aciernet, autre que toute cession au profit d'un affilié de la société Aciernet Capital ou de M. [S], à un prix de cession par action supérieur à 2 449 €, et quelles que soient les modalités de paiement du prix de revente, Ie complément de prix par action ainsi cédée étant égal à 80%, net de taxes et frais, de la différence entre le prix de revente et 2.449 €, multiplié par le nombre d'actions cédées par la société Aciernet Capital excédant le seuil de 51%, si la cession intervient avant le 30 juin 2017 inclus, 50%, net de taxes et frais, de la différence entre le prix de revente et 2.449 €, multiplié par le nombre d'actions cédées par la société Aciernet Capital excédant le seuil de 51%, si la cession intervient entre le 1er juillet et le 31 décembre 2017.
Alors qu' un contrat ne peut déroger à l'ordre public ; que les honoraires rémunérant les missions effectuées par un expert-comptable ne peuvent être calculés sur la base d'un pourcentage des résultats financiers obtenus par les clients ; que la fixation d'un honoraire de résultat constitue un manquement aux règles déontologiques d'ordre public gouvernant la profession d'expert-comptable ; qu'en jugeant cependant que le contrat verbal conclu le 6 novembre 2015 entre la société Athmo et M. [N], expert-comptable, dans le cadre de la cession des actions de la société Aciernet n'encourait pas la nullité, tandis qu'il avait été conclu en méconnaissance de la règle déontologique d'ordre public prohibant le pacte de quota litis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et s'est fondée sur un motif inopérant tiré de l'absence d'illicéité de la prestation objet du contrat, a violé l'article 24 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 novembre 1945 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-443 du 30 avril 2014, applicable au litige, ainsi que l'article 6 du code civil.
Le greffier de chambre | Un contrat conclu entre un expert-comptable et son client, en ce qu'il fixe les honoraires dus exclusivement en fonction des résultats financiers obtenus par les clients, est illicite et, partant, nul, de sorte que le montant des honoraires dus à l'expert-comptable doit être déterminé en fonction du travail fourni et du service rendu |
7,671 | CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 avril 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 309 FS-B
Pourvoi n° Z 21-12.825
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2022
1°/ M. [Z] [P] [V], domicilié [Adresse 6] (Espagne),
2°/ M. [K] [P] [V], domicilié [Adresse 5],
3°/ Mme [D] [P] [V], domiciliée [Adresse 9] (Andorre),
agissant tous trois tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [E] [P], décédé, et volontairement en qualité d'ayants droit d'[T] [V]-[C], veuve [P], décédée,
ont formé le pourvoi n° Z 21-12.825 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [R] [U], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société MACSF, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Le Sou médical,
3°/ à l' Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) dont le siège est [Adresse 8],
4°/ à la caisse primaire centrale d'assurance maladie de [Localité 7], dont le siège est [Adresse 4],
5°/ à La Mission nationale de contrôle et d'audit et d'audit des organismes de sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de MM. [Z] et [K] [P] [V] et de Mme [P] [V], agissant tant en leur nom personnel, qu'ès qualités, de la SCP Richard, avocat de M. [U], de la société MACSF, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux), et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à MM. [Z] et [K] [P] [V] et Mme [D] [P] [V], agissant tant en leur nom personnel, qu'ès qualités, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] et la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué ( Paris, 22 octobre 2020), le 20 juin 2012, [E] [P], qui présentait une claudication intermittente due à une courte occlusion de l'artère fémorale superficielle droite, a subi une chirurgie carotidienne sous anesthésie loco-régionale, réalisée par M. [U], et est demeuré hémiplégique à la suite de la survenue, au cours de l'intervention, d'une crise convulsive généralisée. Il est décédé le 7 novembre 2016.
3. Les 24, 27 et 28 février 2017, [T] [V]-[C], son épouse, et MM. [Z] et [K] [P] [V] et Mme [D] [P] [V], ses enfants, agissant à titre personnel et en qualité d'ayants droit, ont assigné en responsabilité et indemnisation M. [U] et son assureur, la société MACSF, ainsi que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) et ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] (la caisse) qui a sollicité le remboursement de ses débours. A la suite du décès d'[T] [V]-[C], survenu le 12 mai 2020, MM. [Z] et [K] [P] [V] et Mme [D] [P] [V] (les consorts [P] [V]) sont intervenus volontairement à l'instance en qualité d'ayants droit de celle-ci.
4. La responsabilité de M. [U] a été écartée et les demandes formées à l'égard de celui-ci et de la société MACSF par les consorts [P] [V] et la caisse ont été rejetées.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Les consorts [P] [V] font grief à l'arrêt de mettre hors de cause l'ONIAM et de rejeter leurs demandes à son encontre, alors « que la condition d'anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que sont anormaux les troubles, entraînés par un acte médical, survenus chez un patient de manière prématurée, alors même que l'intéressé aurait été exposé à long terme à des troubles identiques par l'évolution prévisible de sa pathologie ; qu'en retenant que la condition d'anormalité du dommage n'était pas remplie, tout en constatant que l'intervention médicale et la survenue de l'accident neurologique avaient entrainé une accélération du processus d'involution cérébrale, que ces événements conjoints ont été responsables d'une aggravation significative de l'état fonctionnel de M. [P] plus précocement qu'elle ne serait spontanément survenue en l'absence de tout événement et que la détérioration et l'incapacité fonctionnelle qui en résultent ont été accélérées d'environ trois ans par rapport à ce qui aurait été l'évolution spontanée de la pathologie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique :
6. Il résulte de ce texte que la condition d'anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement et que, dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.
7. Les conséquences de l'acte médical peuvent être notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement si les troubles présentés, bien qu'identiques à ceux auxquels il était exposé par l'évolution prévisible de sa pathologie, sont survenus prématurément. Dans ce cas, une indemnisation ne peut être due que jusqu'à la date à laquelle les troubles seraient apparus en l'absence de survenance de l'accident médical.
8. Pour mettre hors de cause l'ONIAM et rejeter les demandes d'indemnisation formées à son encontre, après avoir relevé que, selon les experts, l'état de santé d'[E] [P] lors de leur examen était la conséquence de l'évolution prévisible de la pathologie qu'il présentait antérieurement, que l'hospitalisation, l'intervention et la survenue de l'accident neurologique avaient été conjointement responsables d'une accélération du processus d'involution cérébrale liée à la démence vasculaire déjà présente avant les faits, que ces événements conjoints avaient été responsables d'une aggravation significative de son état fonctionnel plus précocement qu'elle ne serait spontanément survenue en l'absence de tout événement et que la détérioration et l'incapacité fonctionnelle qui en étaient résultées avaient été accélérées d'environ trois ans par rapport à ce qu'aurait été l'évolution spontanée de la pathologie, l'arrêt retient qu'en l'absence d'ambiguïté de leurs conclusions sur l'évolution spontanée de la pathologie vasculaire dont souffrait [E] [P] vers l'état de détérioration intellectuelle et de dépendance qui était le sien après l'intervention, la preuve de l'anormalité du dommage n'est pas rapportée.
9. En se déterminant ainsi, sans prendre en compte le fait que l'intervention avait entraîné de manière prématurée la survenue des troubles auxquels [E] [P] était exposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Mises hors de cause
En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause M. [U] et la société MACSF, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il met hors de cause l'ONIAM et rejette les demandes d'indemnisation à son encontre, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Met hors de cause M. [U] et la société MACSF ;
Condamne l'ONIAM aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par l'ONIAM, M. [U] et la société MACSF et condamne l'ONIAM à payer à MM. [Z] et [K] [P] [V] et Mme [D] [P] [V] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour MM. [Z] et [K] [P] [V] et Mme [D] [P] [V].
Les consorts [P] [V] font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le docteur [R] [U] n'a pas commis de faute au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique lors de l'intervention du 20 juin 2012, d'AVOIR mis hors de cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), d'AVOIR débouté les consorts [P] [V] de l'ensemble de leurs demandes ;
ALORS QUE la condition d'anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que sont anormaux les troubles, entraînés par un acte médical, survenus chez un patient de manière prématurée, alors même que l'intéressé aurait été exposé à long terme à des troubles identiques par l'évolution prévisible de sa pathologie ; qu'en retenant que la condition d'anormalité du dommage n'était pas remplie, tout en constatant que l'intervention médicale et la survenue de l'accident neurologique avaient entrainé une accélération du processus d'involution cérébrale, que ces événements conjoints ont été responsables d'une aggravation significative de l'état fonctionnel de M. [P] plus précocement qu'elle ne serait spontanément survenue en l'absence de tout événement et que la détérioration et l'incapacité fonctionnelle qui en résultent ont été accélérées d'environ trois ans par rapport à ce qui aurait été l'évolution spontanée de la pathologie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique.
Le greffier de chambre | Il résulte de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique que la condition d'anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé, par sa pathologie, de manière suffisamment probable en l'absence de traitement et que, dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.
Les conséquences de l'acte médical peuvent être notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé, par sa pathologie, de manière suffisamment probable en l'absence de traitement si les troubles présentés, bien qu'identiques à ceux auxquels il était exposé par l'évolution prévisible de sa pathologie, sont survenus prématurément. Dans ce cas, une indemnisation ne peut être due que jusqu'à la date à laquelle les troubles seraient apparus en l'absence de survenance de l'accident médical |
7,672 | CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 avril 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 311 F-B
Pourvoi n° M 20-18.513
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2022
1°/ [Z] [I], décédée, ayant été domiciliée [Adresse 7],
2°/ M. [Y] [I], domicilié [Adresse 1],
3°/ M. [N] [I], domicilié [Adresse 2],
agissant tous deux en qualité d'héritiers de [Z] [I],
ont formé le pourvoi n° M 20-18.513 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2020 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [X] [D], domicilié [Adresse 6],
2°/ à la société Clinique [9], société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 11],
4°/ à la société Solimut mutuelle de France, dont le siège est [Adresse 8],
5°/ à la société mutuelles de France réseau Santé, dont le siège est [Adresse 5],
6°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 10], dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. [Y] et [N] [I], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Clinique [9], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à MM. [Y] et [N] [I] de leur reprise d'instance en qualité d'héritiers de [Z] [I], décédée le 20 septembre 2020.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à MM. [Y] et [N] [I] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [D].
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 juin 2020), le 26 décembre 2009, [Z] [I], présentant une fracture d'une cheville, a subi une ostéosynthèse pratiquée par M. [D] (le praticien) au sein de la clinique [9] (la clinique). Les suites opératoires ont été compliquées par un gonflement de la cheville et une inflammation nécessitant une nouvelle intervention, à l'occasion de laquelle les prélèvements réalisés ont mis en évidence la présence d'un staphyloccus aureus multisensible.
4. Les 16 et 25 mars 2015, après avoir sollicité une expertise judiciaire, [Z] [I] a assigné en indemnisation la clinique, le praticien et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM). Elle a mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 10], la société Solimut mutuelle de France Plus et la société Mutuelles de France réseau santé.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. MM. [Y] et [N] [I] font grief à l'arrêt de dire que l'infection contractée par [Z] [I] n'est pas nosocomiale, de mettre l'ONIAM hors de cause et de rejeter les demandes de [Z] [I], alors « que les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; que présente un tel caractère l'infection, d'origine exogène ou endogène, survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci ; qu'en jugeant, pour écarter le caractère nosocomial de l'infection post-opératoire à staphylocoque contractée par [Z] [I], survenue sur le site opératoire dans les jours suivant l'intervention chirurgicale, que [Z] [I] présentait un « état cutané anormal antérieur » caractérisé par la présence de plusieurs lésions et que le germe retrouvé sur le site opératoire infecté correspondait à celui trouvé sur sa peau, cependant que ni les prédispositions pathologiques de [Z] [I], ni le caractère endogène du germe à l'origine de l'infection n'étaient de nature à ôter à celle-ci son caractère nosocomial, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 I al. 2 du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1142-1, I, alinéa 2, et L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique :
6. Selon le premier de ces textes, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère .
7. Selon le second, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale, les dommages résultant d'infections nosocomiales dans ces établissements, services ou organismes correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales.
8. Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.
9. Pour écarter le caractère nosocomial de l'infection contractée par [Z] [I], l'arrêt retient que celle-ci présentait un état cutané anormal antérieur à l'intervention caractérisé par la présence de plusieurs lésions, que le germe retrouvé au niveau du site opératoire correspondait à celui trouvé sur sa peau et que, selon l'expert judiciaire, son état de santé préexistant et son tabagisme chronique avaient contribué en totalité aux complications survenues.
10. En se déterminant ainsi, par des motifs tirés de l'existence de prédispositions pathologiques et du caractère endogène du germe à l'origine de l'infection ne permettant pas d'écarter tout lien entre l'intervention réalisée et la survenue de l'infection, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables la demande au titre de la responsabilité de M. [D] et la demande de nullité de l'expertise judiciaire, l'arrêt rendu le 9 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Clinique [9] et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour MM. [Y] et [N] [I]
Les consorts [I] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que l'infection contractée par Mme [I] n'était pas une infection nosocomiale, d'AVOIR mis l'Oniam hors de cause et d'AVOIR débouté Mme [I] de l'intégralité de ses prétentions ;
1°) ALORS QUE les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; que présente un tel caractère l'infection, d'origine exogène ou endogène, survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celleci ; qu'en jugeant, pour écarter le caractère nosocomial de l'infection post-opératoire à staphylocoque contractée par Mme [I], survenue sur le site opératoire dans les jours suivant l'intervention chirurgicale, que Mme [I] présentait un « état cutané anormal antérieur » caractérisé par la présence de plusieurs lésions et que le germe retrouvé sur le site opératoire infecté correspondait à celui trouvé sur sa peau, cependant que ni les prédispositions pathologiques de Mme [I], ni le caractère endogène du germe à l'origine de l'infection n'étaient de nature à ôter à celle-ci son caractère nosocomial, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 I al. 2 du code de la santé publique ;
2°) ALORS QUE seul un évènement imprévisible, irrésistible et extérieur est susceptible de caractériser une cause étrangère exonérant un établissement de santé de la responsabilité de plein droit qu'il encourt à raison de la survenance d'une infection nosocomiale ; qu'en jugeant que « la preuve est rapportée d'une cause étrangère à l'infection litigieuse, laquelle exonère la clinique [9] de toute responsabilité pour les dommages résultant de ladite infection » (jugement confirmé, p. 5, § 6), sans constater que l'infection du site opératoire résultant de la présence de lésions cutanées visibles ou celle d'un germe aussi commun que le staphylococcus aureus revêtirait, pour la clinique, un caractère extérieur, imprévisible et irrésistible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 I al. 2 du code de la santé publique. | Au sens des articles L. 1142-1, I, alinéa 2, et L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique, doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge |
7,673 | CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 avril 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 296 FS-B
Pourvoi n° P 21-14.448
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2022
M. [V] [H], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 21-14.448 contre l'arrêt rendu le 3 février 2021 par la cour d'appel de Toulouse (chambre des expropriations), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Electricité de France (EDF), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au commissaire du Gouvernement, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [H], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Electricité de France, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 3 février 2021), par convention du 29 juin 1929 et ses avenants des 8 et 9 octobre 1930, 22 février 1938, 21 février et 9 mars 1939, [M] [H], titulaire d'un droit d'usage de l'eau de la Garonne fondé en titre, a donné à bail ce droit d'usage à la société Energie électrique de la Haute-Garonne pour une durée de soixante-quatorze ans et un mois à compter du 1er décembre 1934, moyennant le paiement d'une indemnité en argent, le maintien d'un débit d'eau de 500 litres par seconde et la fourniture de l'éclairage et de la force électrique.
2. Le 18 décembre 2008, la société Electricité de France (EDF), substituée à la société Energie électrique de la Haute-Garonne, a obtenu du préfet le renouvellement de la concession d'exploitation.
3. M. [V] [H] et [W] [H], devenus respectivement nu-propriétaire et usufruitière du terrain auquel le droit d'eau est attaché, ont assigné EDF pour obtenir une indemnité sur le fondement de l'article L. 521-14 du code de l'énergie.
4. [W] [H] est décédée en cours d'instance.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. [V] [H] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une indemnité de 4 959 838 euros, alors « que le titulaire d'un droit d'eau fondé en titre qui en a été dépossédé par EDF peut prétendre à une indemnisation en argent, laquelle peut lui être accordée par décision motivée du juge, quand même une indemnisation en nature demeurerait possible ; qu'en ayant refusé toute indemnisation en argent à M. [H], motif pris de ce qu'une indemnisation en nature était en l'espèce possible, en sorte que le juge était tenu de l'allouer à l'exposant sous cette forme, quand une indemnisation en argent peut toujours être décidée par le juge, quand même une indemnisation en nature serait possible, la cour d'appel a violé l'article L. 521-14 du code de l'énergie. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 521-14 du code de l'énergie :
7. Selon ce texte, lorsque les droits à l'usage de l'eau étaient exercés à la date de l'affichage de la demande en concession, le concessionnaire est tenu, sauf décision contraire du juge, de restituer en nature l'eau ou l'énergie utilisée et, le cas échéant, de supporter les frais des transformations reconnues nécessaires aux installations préexistantes à raison des modifications apportées aux conditions d'utilisation. En outre, en cas de désaccord sur la nature ou le montant de l'indemnité due, la contestation est portée devant le juge de l'expropriation.
8. Il résulte de ces dispositions que, si, lorsque la restitution en nature est possible, le concessionnaire est, en principe, tenu d'y procéder, il appartient au juge de l'expropriation, en cas de désaccord, de choisir librement le mode d'indemnisation lui paraissant le plus approprié.
9. Pour rejeter la demande de M. Bertrand [H], l'arrêt retient que l'indemnisation en argent constitue une exception et que le juge, qui ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire, doit faire application du principe de l'indemnisation en nature lorsque celle-ci est possible.
10. En statuant ainsi, en s'estimant tenue d'accorder une indemnité en nature, dès lors que celle-ci était possible, alors qu'il lui appartenait de choisir le mode d'indemnisation le plus approprié, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. Bertrand [H] en paiement d'une indemnité de 4 959 838 euros, l'arrêt rendu le 3 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Electricité de France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. [H]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
- M. [V] [H] FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une indemnité de 4.959.838 € ;
1°) ALORS QUE le titulaire d'un droit d'eau fondé en titre qui en a été dépossédé par EDF peut prétendre à une indemnisation en argent, laquelle peut lui être accordée par décision motivée du juge, quand même une indemnisation en nature demeurerait possible ; qu'en ayant refusé toute indemnisation en argent à M. [H], motif pris de ce qu'une indemnisation en nature était en l'espèce possible, en sorte que le juge était tenu de l'allouer à l'exposant sous cette forme, quand une indemnisation en argent peut toujours être décidée par le juge, quand même une indemnisation en nature serait possible, la cour d'appel a violé l'article L. 521-14 du code de l'énergie ;
2°) ALORS QUE la restitution en nature due au titulaire d'un droit fondé en titre dont il a été dépossédé par EDF doit être intégrale ; qu'en s'étant référée, pour juger qu'une indemnisation en nature pouvait seulement être accordée M. [H], aux « propositions concrètes » qui lui avaient été présentées par EDF, sans rechercher si ces offres n'étaient pas notoirement insuffisantes, en regard de la capacité hydraulique actuelle, constatée par expertise judiciaire, des chutes d'eau en cause, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 521-14 du code de l'énergie ;
3°) ALORS QUE la restitution en nature due au titulaire d'un droit fondé en titre dont il a été dépossédé par EDF doit être intégrale ; qu'en ayant accordé à M. [H] une indemnisation en nature, sur la base des offres présentées par EDF, au motif que cette indemnisation en nature avait déjà été affirmée par le premier juge dans son jugement du 28 avril 2015 ordonnant une expertise, la cour d'appel, qui a perdu de vue que ce jugement visait le potentiel énergétique actuel des chutes, soit la restitution intégrale de l'eau et de l'énergie, ce qu'EDF n'avait jamais proposé à l'exposant, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 521-14 du code de l'énergie ;
4°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant débouté M. [H] de sa demande d'indemnisation en argent, sans répondre aux conclusions de l'exposant (p. 8), ayant fait valoir que la restitution en nature était impossible, car l'eau avait été déviée en amont pour être valorisée dans la centrale exploitée par EDF, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
- M. [V] [H] FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué de s'être borné, après l'avoir débouté de sa demande d'indemnisation en argent, à constater que la société EDF lui offrait une restitution d'eau à hauteur de 500 l/s et une restitution d'énergie électrique correspondant à une puissance de 9 kw ;
ALORS QUE le juge de l'expropriation ne peut refuser, sous prétexte de respecter les termes du litige, de fixer une indemnisation en nature dont il a constaté dans son principe qu'elle était due ; qu'en s'étant bornée à constater la consistance de l'offre d'indemnisation en nature – si basse qu'elle en était ridicule, en regard de la puissance hydraulique actuelle des chutes – présentée par EDF, au prétexte que M. [H] avait limité ses demandes en appel à une indemnisation en argent, la cour d'appel a violé les articles 4 du code civil et L. 521-14 du code de l'énergie. | En application des dispositions de l'article L. 521-14 du code de l'énergie, l'éviction des droits particuliers à l'usage de l'eau, exercés à la date de l'affichage de la demande en concession, ouvre droit à une indemnité. Si, lorsque la restitution en nature est possible, le concessionnaire est, en principe, tenu d'y procéder, il appartient au juge de l'expropriation, en cas de désaccord, de choisir le mode d'indemnisation lui paraissant le plus approprié |
7,674 | CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 avril 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 297 FS-B
Pourvoi n° G 21-13.891
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2022
M. [C] [B], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-13.891 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [U] [L] [E] [N],
2°/ à Mme [H] [F], épouse [E],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [B], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [E], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 janvier 2021), M. [B], propriétaire d'un lot dans un lotissement, reprochant à M. et Mme [E], propriétaires d'un lot voisin, d'avoir, courant 2008, construit en limite de propriété un abri à usage d'appentis et de local à vélos en violation du cahier des charges, les a assignés en démolition et en indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. M. [B] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors « que l'action introduite sur le fondement de la violation du cahier des charges est soumise à une prescription trentenaire lorsque la clause dont la méconnaissance est invoquée institue un droit réel ; qu'en se bornant à constater, pour retenir que l'action formée par M. [B] visant à obtenir la démolition de la construction édifiée par les époux [E] en méconnaissance des stipulations du cahier des charges du lotissement était une action personnelle, que « l'action est fondée sur le non-respect du cahier des charges du lotissement qui constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toute les dispositions qui y sont contenues, quelle que soit sa date, nonobstant le plan local d'urbanisme en vigueur », sans rechercher ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si les droits issus de la clause du cahier des charges dont la méconnaissance était invoquée par M. [B] n'étaient réels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2227 du code civil, ensemble l'article 2224 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2224 et 2227 du code civil :
3. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
4. En application du second, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
5. L'action tendant à obtenir la démolition d'une construction édifiée en violation d'une charge réelle grevant un lot au profit des autres lots en vertu d'une stipulation du cahier des charges d'un lotissement est une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire.
6. L'action en réparation du préjudice personnel que prétend avoir subi le propriétaire d'un lot en raison de la violation des stipulations du cahier des charges est une action personnelle soumise à la prescription quinquennale.
7. Pour rejeter les demandes de M. [B], l'arrêt retient que l'action est fondée sur le non-respect du cahier des charges du lotissement qui constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les dispositions qui y sont contenues, quelle que soit sa date, nonobstant le plan local d'urbanisme en vigueur, et qu'il s'agit, en conséquence, d'une action personnelle visant à obtenir la démolition des constructions, au motif qu'elles ont été édifiées par M. et Mme [E] au mépris de leurs engagements contractuels, et des dommages-intérêts.
8. Constatant que le délai de prescription a commencé à courir le 30 juin 2008, date d'achèvement des constructions et que l'action a été introduite par assignation du 23 septembre 2016, il en déduit que l'action en démolition, soumise à la prescription quinquennale, est prescrite.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par fausse application et le second par refus d'application.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cour d'appel ayant légalement justifié sa décision de déclarer irrecevable, comme prescrite, l'action en indemnisation du préjudice personnellement subi par M. [B] du fait de la violation des stipulations du cahier des charges du lotissement, qui est une action personnelle, la cassation sera limitée au chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable la demande de démolition de la construction.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le chef de dispositif du jugement ayant déclaré irrecevable la demande d'indemnisation formée par M. [B] à l'encontre de M. et Mme [E], l'arrêt rendu le 8 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. et Mme [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [E] et les condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [B]
M. [B] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables ses demandes de démolition et d'indemnisation formées à l'encontre des époux [E] ;
1°) ALORS QUE l'action introduite sur le fondement de la violation du cahier des charges est soumise à une prescription trentenaire lorsque la clause dont la méconnaissance est invoquée institue un droit réel ; qu'en se bornant à constater, pour retenir que l'action formée par M. [B] visant à obtenir la démolition de la construction édifiée par les époux [E] en méconnaissance des stipulations du cahier des charges du lotissement était une action personnelle, que « l'action est fondée sur le non-respect du cahier des charges du lotissement qui constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toute les dispositions qui y sont contenues, quelle que soit sa date, nonobstant le plan local d'urbanisme en vigueur » (arrêt, p. 4, § 5), sans rechercher ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si les droits issus de la clause du cahier des charges dont la méconnaissance était invoquée par M. [B] n'étaient réels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2227 du code civil, ensemble l'article 2224 du même code ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, les juges sont tenus de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que l'action formée par M. [B] visant à obtenir la démolition de la construction édifiée par les époux [E] en méconnaissance des stipulations du cahier des charges du lotissement était une action personnelle, quant il s'évince clairement des termes de la clause, dont la méconnaissance était invoquée par M. [B], qui met « à la charge et au profit de chaque lot » des « servitudes réciproques et perpétuelles » (article 7 du cahier des charges du lotissement), que les droits issus de cette clause étaient de nature réelle dès lors que celle-ci n'instaure pas d'obligation personnelle entre les colotis, mais une charge grevant chacun des lots au profit des autres, la cour d'appel a dénaturé le cahier des charges et violé le principe susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige. | L'action tendant à obtenir la démolition d'une construction édifiée en violation d'une charge réelle grévant un lot au profit des autres lots en vertu d'une stipulation du cahier des charges d'un lotissement est une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire de l'article 2227 du code civil |
7,675 | CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 avril 2022
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 298 FS-B
Pourvoi n° Y 21-12.893
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2022
La commune de Marseille agissant par son maire, domicilié [Adresse 6], aux lieu et place de la société Marseille Aménagement, société anonyme, a formé le pourvoi n° Y 21-12.893 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre des expropriations), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Texel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au commissaire du gouvernement de Marseille, domicilié [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la commune de Marseille, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Texel, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la commune de Marseille du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le commissaire du gouvernement.
Faits et procédure
2. L'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ, 14 février 2019, pourvois n° 17-27.273 et 17-31.142) déclare irrecevable le mémoire de la commune de Marseille déposé le 7 février 2020 et fixe les indemnités dues par celle-ci à la société Texel à la suite du transfert de propriété d'un bien qu'elle sous-louait.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La commune de Marseille fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son mémoire déposé le 7 février 2020 et de fixer à une certaine somme l'indemnité d'éviction, alors « que l'article R. 13-49, devenu l'article 311-26, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'est pas applicable à la procédure suivie devant la cour d'appel sur renvoi de cassation ; que dès lors, en retenant que le mémoire déposé le 7 février 2020 par la ville de Marseille était irrecevable comme tardif en application de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, car déposé plus de 3 mois après la notification du mémoire de reprise d'instance de la société Texel, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble l'article 631 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et 631 du code de procédure civile :
4. Il résulte de ces textes que les dispositions de l'article R. 311-26 précité ne s'appliquent pas aux conclusions devant la cour d'appel de renvoi et que l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.
5. Pour déclarer irrecevable, comme tardif, le mémoire déposé par la commune de Marseille le 7 février 2020, l'arrêt retient que la notification le 17 juillet 2019, par la société Texel à celle-ci de son mémoire en reprise d'instance a fait courir le délai de trois mois de l'article R. 311-26 précité.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Texel aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la commune de Marseille
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La ville de Marseille fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable son mémoire déposé le 7 février 2020 et d'avoir fixé à 1 416 800 € l'indemnité d'éviction due par elle à la société Texel, après ;
1°) ALORS QUE l'article R. 13-49, devenu l'article 311-26, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'est pas applicable à la procédure suivie devant la cour d'appel sur renvoi de cassation ; que dès lors, en retenant que le mémoire déposé le 7 février 2020 par la ville de Marseille était irrecevable comme tardif en application de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, car déposé plus de 3 mois après la notification du mémoire de reprise d'instance de la société Texel, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble l'article 631 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, en tout état de cause, QUE les parties qui ne comparaissent pas ou qui ne formulent pas de nouveaux moyens ou de nouvelles prétentions devant la cour d'appel de renvoi sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la juridiction dont la décision a été cassée ; qu'en se contentant de relever que le mémoire déposé par l'exposante le 7 février 2020 était irrecevable comme tardif pour statuer au seul visa des seules écritures de la société Texel et du commissaire du gouvernement, sans viser le dernier mémoire de la ville de Marseille soumis à la juridiction dont la décision a été cassée, la cour d'appel a violé l'article 634 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
La ville de Marseille fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 1 416 800 € l'indemnité d'éviction due par elle à la société Texel ;
ALORS QUE l'indemnité d'éviction due par l'expropriant ne peut s'apprécier au regard d'une activité qui n'est pas exercée dans le local cédé ; que dès lors en fixant l'indemnité d'éviction au regard de l'intégralité du chiffre d'affaires réalisé par la société Texel pour les exercices 2006, 2007 et 2008, au motif qu'au 21 juillet 2009 le chiffre d'affaires réalisé par la société Texel correspondait uniquement à l'activité exercée dans les locaux du [Adresse 3], objet de la procédure d'expropriation, puisque, l'immeuble à usage d'hôtel sis [Adresse 4] et le local sis [Adresse 2], dont elle était également propriétaire, étaient en travaux à la date du procès-verbal de constat du 10 juin 2009, sans vérifier si ces immeubles n'avaient pas produit des revenus pour les années 2006 à 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. | Les dispositions de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne s'appliquant pas aux conclusions devant la cour d'appel de renvoi et l'instruction étant reprise, selon l'article 631 du code de procédure civile, en l'état de la procédure non atteinte par la cassation, viole ces dispositions la cour d'appel qui déclare irrecevable, comme tardif, le mémoire déposé plus de trois mois après la notification du mémoire en reprise d'instance de la partie adverse |
7,676 | COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 avril 2022
Rejet et déchéance
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 238 F-B
Pourvoi n° N 17-28.116
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 AVRIL 2022
La société France.com Inc., société de droit américain, dont le siège est [Adresse 1] (États-Unis), a formé le pourvoi n° N 17-28.116 contre un arrêt n° RG 15/24810 rendu le 24 novembre 2016 et un arrêt ° RG 15/24810 rendu le 22 septembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ au groupement d'intérêt économique (GIE) Atout France, agence française de développement touristique, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à l'Etat français, représenté par le ministre des affaires étrangères et du développement international, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société France.com Inc., société de droit américain, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat du GIE Atout France, et de l'Etat français, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Déchéance du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 novembre 2016, examinée d'office
Vu l'article 978 du code de procédure civile :
1. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il serait fait application du texte susvisé.
2. En vertu de ce texte, à peine de déchéance, le demandeur doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.
3. Aucun grief n'étant formulé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 novembre 2016, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision.
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2017), la société, de droit américain, France.com Inc. (la société France.com) est titulaire du nom de domaine « france.com » enregistré aux Etats-Unis le 10 février 1994.
5. La société, de droit néerlandais, Traveland Resorts a déposé, le 2 juillet 2009, les cinq marques françaises suivantes, pour désigner divers produits et services des classes 16, 25, 35, 36, 38, 39, 41, 42 et 43 :
- la marque « france.com » n° 3661596,
- les marques semi-figuratives déposées en couleurs « france.com » n° 3661598 et 3661603,
- les marques semi-figuratives « france.com » n° 3661600 et 3661602.
6. Cette société était également titulaire de quatre enregistrements, du 22 juin 2010, de marques communautaires (marques de l'Union européenne) n° 08791857, 08791873, 08791899 et 08791923, revendiquant la priorité des enregistrements français correspondants, pour désigner divers produits et services dans les mêmes classes.
7. Par acte du 19 mai 2014, la société France.com l'a assignée pour obtenir, sur le fondement d'un dépôt frauduleux, le transfert des marques à son profit ainsi que l'indemnisation de son préjudice.
8. Le 14 avril 2015, l'Etat français est intervenu volontairement à l'instance pour faire constater, notamment, l'atteinte à ses droits sur le nom de son territoire par les marques et le nom de domaine « france.com » et obtenir leur transfert à son profit ou, subsidiairement pour le nom de domaine, une interdiction de le licencier. Le groupement d'intérêt économique Atout France est également intervenu pour former une demande en concurrence déloyale.
9. Par l'effet d'une transaction, la cession des marques au profit de la société France.com est intervenue à l'automne 2014 et a été enregistrée le 18 mai 2015 à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (l'OHMI), en ce qui concerne les marques communautaires, et le 3 juillet 2015 sur le registre national des marques, en ce qui concerne les marques françaises. Puis, le 19 juin 2015, la société France.com s'est désistée de l'instance et de son action, ce qui a été accepté le jour même par la société Traveland Resorts.
10. Le 3 septembre 2015, l'Etat français a formé des demandes additionnelles afin de voir annuler les cinq enregistrements des marques françaises cédées à la société France.com et qu'il soit ordonné à celle-ci de renoncer volontairement auprès de l'OHMI aux quatre enregistrements des marques communautaires.
11. Le désistement d'instance et d'action de la société France.com contre la société Traveland Resorts a été constaté par une ordonnance du juge de la mise en état du 2 octobre 2015.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et sur les quatrième, cinquième et sixième moyens, ci-après annexés
12. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
13. La société France.com fait grief à l'arrêt d'annuler les marques françaises « France.com » déposées le 2 juillet 2009 pour l'ensemble des produits et services visés aux dépôts, alors :
« 1°/ qu'il appartient à celui qui prétend avoir été dans l'impossibilité d'agir pendant le délai légalement fixé d'alléguer et de prouver les circonstances qui ont constitué un obstacle à l'exercice de son action ; qu'il appartient donc au demandeur à une action en nullité de marque, intentée plus de cinq ans après l'enregistrement de la marque, d'alléguer et de prouver qu'il n'a pas eu connaissance de l'usage de la marque pendant ce délai ; qu'en reprochant pourtant à la société France.com, défendeur à l'action en nullité de marque et qui invoquait la forclusion de l'action, de ne pas démontrer ni même alléguer que l'Etat français, demandeur à l'action en nullité, avait eu connaissance de l'usage des signes litigieux avant juillet 2015, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil ;
2°/ que le juge du fond doit rechercher la date à laquelle le demandeur à l'action en nullité de marque a acquis la connaissance de l'usage du signe litigieux ; qu'en se bornant à constater que la société France.com ne démontrait pas ni même n'alléguait que l'Etat français aurait eu connaissance de l'usage des signes litigieux avant juillet 2015, après avoir pourtant constaté que l'Etat français avait agi pour obtenir le transfert à son profit de ces signes dès le 14 avril 2015, et sans s'expliquer plus précisément sur la date à laquelle l'Etat français avait eu connaissance de l'usage des signes litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-3, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle. »
Réponse de la Cour
14. Celui qui oppose la forclusion par tolérance à une action en nullité de sa marque doit en démontrer l'usage honnête et continu depuis plus de cinq ans, ce qui ne saurait se déduire de son seul enregistrement, ainsi que la connaissance qu'en avait le titulaire du droit antérieur, qui lui est opposé.
15. En l'état des conclusions de la société France.com qui, sans même alléguer un usage public des marques litigieuses, se bornait à opposer à l'Etat français la forclusion par tolérance de son action en nullité des marques françaises au motif qu'à supposer même que l'Etat puisse se prévaloir d'un droit antérieur sur le mot « France », il ne pouvait en invoquer le bénéfice plus de cinq ans après l'enregistrement des marques « France.com », c'est sans inverser la charge de la preuve et sans être tenue de s'en expliquer davantage, que la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré que l'Etat français avait connaissance de l'usage, par la société Traveland Resorts, des signes litigieux avant leur cession.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
17. La société France.com fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 3°/ que selon la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008, les conflits entre une marque et des droits antérieurs doivent être énumérés de façon exhaustive ; qu'aucune disposition de la loi française ne prévoyant un droit antérieur des Etats sur l'appellation de leur pays, l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété conformément à la directive, ne permet donc pas, en l'absence de prévision textuelle expresse, à l'Etat français de se prévaloir d'un droit antérieur portant sur l'appellation "France" ; qu'en se fondant, pour juger le contraire, sur le fait que l'énumération visée par l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle n'est pas exhaustive, la cour d'appel a violé ce texte ;
4°/ que le "droit au nom" ne constitue un droit antérieur que s'il est expressément protégé par la législation nationale ; que si la législation française protège explicitement la "dénomination ou raison sociale" ou le "nom commercial ou enseigne" des sociétés, le "nom patronymique" des personnes physiques, ou le "nom" des collectivités territoriales, aucune disposition spécifique ne prévoit un droit antérieur des Etats sur l'appellation de leur pays ; qu'en jugeant pourtant que l'appellation "France" devait être assimilée, pour l'Etat français, au nom patronymique d'une personne physique et bénéficier de ce fait de la même protection, la cour d'appel a violé l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété conformément à la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008 ;
5°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en jugeant, pour annuler les marques de la société France.com, qu'elles créaient un risque de confusion dans l'esprit du public qui identifierait les produits et services désignés comme émanant de l'Etat français ou d'un de ses services officiels, sans répondre au moyen de l'exposante qui expliquait, pièces à l'appui, que l'extension ".com" était à l'époque réservée aux entités commerciales, seules les extensions ".gouv.fr" étant susceptibles d'être associées à un service de l'Etat français, ce qui excluait tout risque de confusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
18. Après avoir exactement retenu que l'énumération des droits antérieurs visés par l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, n'est pas exhaustive et que l'appellation « France » constitue pour l'Etat français un élément d'identité, en ce que ce terme désigne le territoire national dans son identité économique, géographique, historique, politique et culturelle, pour laquelle il est en droit de revendiquer un droit antérieur au sens de cet article, l'arrêt retient que le suffixe « .com », correspondant à une extension internet de nom de domaine, n'est pas de nature à modifier la perception du signe, de sorte que le public identifiera les produits et services désignés à l'enregistrement des marques comme émanant de l'État français ou à tout le moins d'un service officiel bénéficiant de sa caution. Il en déduit qu'il existe un risque de confusion, lequel, dans les marques complexes, est renforcé par la représentation stylisée des frontières géographiques de la France. En cet état, la cour d'appel, qui a implicitement répondu, en l'écartant, au moyen invoqué par la cinquième branche, a retenu à juste titre l'atteinte portée au droit antérieur de l'Etat français.
19. La question préjudicielle invoquée par la société France.com relative à l'‘interprétation de la directive 2008/95 /CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques sur le caractère exhaustif ou non des droits antérieurs porte sur une disposition du droit de l'Union dépourvue de toute ambiguïté, dès lors que ce texte prévoit qu'un Etat membre peut interdire l'enregistrement ou l'usage d'une marque en vertu d'un droit antérieur et « notamment: i) d'un droit au nom, ii) d'un droit à l'image, iii) d'un droit d'auteur, iv) d'un droit de propriété industrielle ». Il s'agit, par conséquent, d'un acte clair ne nécessitant pas d'interprétation par la Cour de justice de l'Union européenne. En outre, la question de savoir si un Etat peut opposer, au titre d'une antériorité, l'appellation du pays en l'absence de toute disposition nationale expresse, quand le droit au nom ou le droit de la personnalité sont visés à l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, relève de l'interprétation du seul droit interne.
20. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
21. La société France.com fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement lui ayant ordonné de transférer à l'Etat français, sous astreinte, le nom de domaine « france.com », alors « que le juge est tenu de préciser le fondement de la décision qu'il adopte ; qu'en se bornant, pour ordonner le transfert du nom de domaine "france.com" à l'Etat français, à énoncer par motifs propres que ce nom de domaine portait atteinte à l'appellation "France" constituant pour l'Etat français un élément de son identité, et par motifs adoptés que ce nom de domaine heurtait les droits de l'Etat sur son nom, son identité et sa souveraineté, sans préciser plus avant sur quel texte ou principe elle se fondait pour consacrer un tel droit et ordonner le transfert à l'Etat du bien d'autrui, la cour d'appel, qui n'a pas précisé le fondement de la décision adoptée, a violé l'article 12 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
22. Ayant retenu, par motif propres et adoptés, que le nom de domaine « france.com » utilisé par la société France.com heurtait les droits de l'Etat sur son nom, sur son identité et sur sa souveraineté et portait atteinte à l'appellation « France », qui constitue un élément de son identité, la cour d'appel a statué sur le fondement de l'article 9 du code civil, tel qu'invoqué par l'Etat français.
23. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen, pris en ses cinquième, sixième, septième et huitième branches
Enoncé du moyen
24. La société France.com fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 5°/ que toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que dans les conditions prévues par la loi ; qu'aucun texte ou principe ne permet à un juge, sur le fondement du droit de l'Etat sur l'appellation du pays, d'ordonner le transfert forcé à l'Etat d'un nom de domaine régulièrement enregistré par un tiers ; qu'en ordonnant pourtant un tel transfert, dans des conditions non prévues par la loi, la cour d'appel a violé l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme ;
6°/ que toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que pour cause d'utilité publique ; qu'en jugeant pourtant qu'il était indifférent que l'Etat français n'ait pas besoin du nom de domaine "france.com", et donc en ordonnant le transfert forcé d'un bien à l'Etat sans utilité publique démontrée, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil, l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
7°/ que toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; qu'en ordonnant pourtant le transfert du nom de domaine "france.com" à l'Etat français, ce qui privait la société France.com de son outil de travail, sans mettre à la charge de l'Etat la moindre indemnité compensatrice, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil, l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
8°/ que le juge ne peut pas statuer par des motifs inopérants ; que la cour d'appel a incriminé, par motifs adoptés, la possibilité de créer des adresses courriel associées au nom de domaine, ce qui était vanté par le mandataire chargé de la vente du site "www.france.com" ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants à justifier le transfert du nom de domaine de la société France.com à l'Etat français, faute de donner une base légale suffisante à un tel transfert, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Sur la question préjudicielle
25. La question préjudicielle formulée par la société France.com, en ce qu'elle porte uniquement sur l'interprétation de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne au regard de la décision de la cour d'appel d'ordonner le transfert d'un nom de domaine au profit d'un tiers ne porte pas sur un droit de propriété intellectuelle ni sur aucun autre droit identifié par la société France.com qui relèverait du champ d'application du droit de l'Union, mais sur une réglementation nationale. Elle ne relève donc pas de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et, dès lors, la Cour de justice de l'Union européenne serait manifestement incompétente pour y répondre.
Sur le moyen
26. En premier lieu, les garanties de l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme (la Convention) ne trouvent à s'appliquer qu'en cas d'ingérence de l'Etat dans le droit d'un individu au respect de ses biens, ce qui implique de caractériser l'existence d'un « bien » au sens autonome de la Convention.
27. Si le titulaire d'un nom de domaine peut se prévaloir d'un « intérêt patrimonial » susceptible de relever de la protection conventionnelle (Paeffgen GmbH c. Allemagne (déc.), n° 25379/04, 21688/05, 21722/05 et 21770/05, 18 septembre 2007), c'est à la condition que les prérogatives, dont il entend se prévaloir à ce titre, soient suffisamment reconnues et protégées par le droit interne applicable (Anheuser-Busch Inc. c. Portugal [GC], n° 73049/01, §§ 66-78 , 11 janvier 2007), l'interprétation et l'application à donner à ce droit ne devant pas être l'objet d'un différend ([S] c. Slovaquie [GC], § 50, n° 44912/98, 28 septembre 2004).
28. Si l'usage d'un nom de domaine peut être cédé ou faire l'objet d'une protection en droit interne, c'est à la condition qu'il ne porte pas atteinte aux droits des tiers.
29. Or, il ressort des productions et de la procédure que la société France.com a cessé d'exploiter son site internet dédié au tourisme en France, qui était accessible à l'adresse « www.france.com », avant de mettre en vente le seul nom de domaine « france.com ». Par motifs adoptés, l'arrêt relève que la possibilité de créer des adresses mails associées à ce nom de domaine conférait à son titulaire un accès privilégié et monopolistique au détriment des autres opérateurs, était utilisé comme argument commercial par le mandataire chargé de la vente du site litigieux, qui vantait l'apparente confiance et crédibilité de cette adresse comme pouvant être attribuée à un service de l'Etat français ou à un tiers autorisé, puis retient que le nom de domaine heurte le droit de l'Etat français sur son nom.
30. Au regard de ces circonstances, qui font ressortir le caractère illicite de la mise en vente du nom de domaine « france.com », dont l'exploitation avait cessé, la société France.com ne peut se prévaloir d'un bien protégé au sens de l'article 1 du Protocole n° 1.
31. En second lieu, hors toute question prioritaire de constitutionnalité, et l'enregistrement d'un nom de domaine ne conférant pas à son titulaire un droit de propriété, au sens des articles 544 et 545 du code civil, la société France.com ne peut pas se prévaloir d'une atteinte à un tel droit.
32. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance rendue le 24 novembre 2016, entre les parties, par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société France.com Inc. aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France.com Inc. et la condamne à payer au groupement d'intérêt économique Atout France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société France.com Inc. société de droit américain.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant déclaré recevable l'intervention volontaire de l'Etat français et d'AVOIR fait droit aux demandes de l'Etat français dirigées contre la société France.com,
AUX CONSTATATIONS PROPRES QUE l'Etat français est représenté par le ministre des affaires étrangères et du développement international,
ET QUE le 14 avril 2015, l'Etat Français et le GIE Atout France sont intervenus volontairement à la procédure pour faire constater notamment l'atteinte aux droits de l'Etat français sur le nom de son territoire par la société Traveland Resorts et obtenir le transfert à son profit des marques litigieuses, ainsi que l'atteinte à ses droits par la société France.com Inc. et obtenir le transfert du nom de domaine, ou subsidiairement une interdiction de licencier, outre la constatation des actes de concurrence déloyale commis au préjudice du GIE Atout France,
ET AUX CONSTATATIONS ADOPTEES QUE l'Etat français est pris en la personne du ministre des affaires étrangères et du développement international, intervenant volontaire,
ET QUE l'Etat Français et le GIE Atout France sont intervenus volontairement à la procédure suivant conclusions signifiées par voie électronique le 14 avril 2015, pour faire constater notamment l'atteinte aux droits de l'Etat français sur le nom de son territoire par la société hollandaise et obtenir le transfert à son profit des marques litigieuses, ainsi que l'atteinte à ses droits par la société américaine et obtenir le transfert du nom de domaine ou subsidiairement une interdiction de licencier, outre la constatation des actes de concurrence déloyale commis au préjudice du GIE Atout France,
ALORS QUE devant les juridictions judiciaires, l'Etat n'est pas représenté par le ministre mais par l'agent judiciaire de l'Etat ou, en matière domaniale, par l'administration chargée des domaines ; que le défaut de pouvoir du représentant de l'Etat constitue une irrégularité de fond qui, ayant un caractère d'ordre public, doit être relevée d'office par le juge ; qu'en s'abstenant pourtant de déclarer nulle l'intervention de l'Etat français, représenté par le ministre des affaires étrangères et du développement international, dans le litige l'opposant à la société France.com, la cour d'appel a violé les articles 117 et 120 du code de procédure civile, ensemble l'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955 et les articles R.2331-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé les marques françaises France.com déposées le 2 juillet 2009 pour l'ensemble des produits et services visés aux dépôts,
AUX MOTIFS QUE l'État français sollicite, au visa des articles L711-2, L711-3 et L711-4 code de la propriété intellectuelle, l'annulation des cinq marques précitées, en date du 2 juillet 2009, et qu'il soit ordonné sous astreinte à la société France.com Inc., de renoncer volontairement auprès de l'Ohmi (devenu EUIPO) aux quatre enregistrements de marques communautaires pris sous priorité des marques françaises annulées ; que l'appelante fait valoir essentiellement que les dispositions précitées sont inapplicables en l'espèce et que l'État français ne dispose d'aucun droit sur la dénomination « France » qui ne désigne qu'une zone géographique ; que l'énumération des droits antérieurs visés par l'article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle n'étant pas exhaustive, la dénomination « France » revendiquée par l'État français est susceptible de constituer une antériorité aux dépôts des marques françaises en cause dès lors qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; qu'il n'est pas démontré ni même allégué par la société France.com que l'État français avait connaissance de l'usage des signes litigieux par la société déposante avant la publication de leur cession intervenue en juillet 2015 de sorte qu'une forclusion par tolérance ne peut être opposée à l'intimée ; que contrairement à ce que soutient l'appelante, l'appellation « France » constitue pour l'État français un élément d'identité assimilable au nom patronymique d'une personne physique ; que ce terme désigne le territoire national dans son identité économique, géographique, historique, politique et culturelle, laquelle a notamment vocation à promouvoir l'ensemble des produits et services visés aux dépôts des marques considérées ; que le suffixe .com correspondant à une extension internet de nom de domaine n'est pas de nature à modifier la perception du signe ; qu'ainsi, le grand public identifiera ces produits et services comme émanant de l'État français ou à tout le moins d'un service officiel bénéficiant de la caution de l'État français ; que le risque de confusion est en outre renforcé par la représentation stylisée des frontières géographiques de la France dans les marques complexes en cause ; qu'il convient en conséquence d'annuler les marques françaises France.com n° 3661596, n° 3661598, n° 3661602, n° 3661600 et n° 3661603 déposées le 2 juillet 2009 pour l'ensemble des produits et services visés aux dépôts,
1- ALORS QU'il appartient à celui qui prétend avoir été dans l'impossibilité d'agir pendant le délai légalement fixé d'alléguer et de prouver les circonstances qui ont constitué un obstacle à l'exercice de son action ; qu'il appartient donc au demandeur à une action en nullité de marque, intentée plus de cinq ans après l'enregistrement de la marque, d'alléguer et de prouver qu'il n'a pas eu connaissance de l'usage de la marque pendant ce délai ; qu'en reprochant pourtant à la société France.com, défendeur à l'action en nullité de marque et qui invoquait la forclusion de l'action, de ne pas démontrer ni même alléguer que l'Etat français, demandeur à l'action en nullité, avait eu connaissance de l'usage des signes litigieux avant juillet 2015, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil.
2- ALORS, à tout le moins, QUE le juge du fond doit rechercher la date à laquelle le demandeur à l'action en nullité de marque a acquis la connaissance de l'usage du signe litigieux ; qu'en se bornant à constater que la société France.com ne démontrait pas ni même n'alléguait que l'Etat français aurait eu connaissance de l'usage des signes litigieux avant juillet 2015, après avoir pourtant constaté que l'Etat français avait agi pour obtenir le transfert à son profit de ces signes dès le 14 avril 2015, et sans s'expliquer plus précisément sur la date à laquelle l'Etat français avait eu connaissance de l'usage des signes litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.714-3, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle.
3- ALORS QUE selon la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008, les conflits entre une marque et des droits antérieurs doivent être énumérés de façon exhaustive ; qu'aucune disposition de la loi française ne prévoyant un droit antérieur des Etats sur l'appellation de leur pays, l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété conformément à la directive, ne permet donc pas, en l'absence de prévision textuelle expresse, à l'Etat français de se prévaloir d'un droit antérieur portant sur l'appellation « France » ; qu'en se fondant, pour juger le contraire, sur le fait que l'énumération visée par l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle n'est pas exhaustive, la cour d'appel a violé ce texte.
4- ALORS QUE le « droit au nom » ne constitue un droit antérieur que s'il est expressément protégé par la législation nationale ; que si la législation française protège explicitement la « dénomination ou raison sociale » ou le « nom commercial ou enseigne » des sociétés, le « nom patronymique » des personnes physiques, ou le « nom » des collectivités territoriales, aucune disposition spécifique ne prévoit un droit antérieur des Etats sur l'appellation de leur pays ; qu'en jugeant pourtant que l'appellation « France » devait être assimilée, pour l'Etat français, au nom patronymique d'une personne physique et bénéficier de ce fait de la même protection, la cour d'appel a violé l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété conformément à la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008.
5- ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en jugeant, pour annuler les marques de la société France.com, qu'elles créaient un risque de confusion dans l'esprit du public qui identifierait les produits et services désignés comme émanant de l'Etat français ou d'un de ses services officiels, sans répondre au moyen de l'exposante qui expliquait, pièces à l'appui, que l'extension « .com » était à l'époque réservée aux entités commerciales, seules les extensions « .gouv.fr » étant susceptibles d'être associées à un service de l'Etat français, ce qui excluait tout risque de confusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant ordonné à la société France.com de transférer à l'Etat français, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, passé le délai de deux mois après la signification du jugement, le nom de domaine <france.com>, sans la moindre contrepartie,
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'argument de l'appelante selon lequel l'État français, qui dispose d'autres adresses internet, « n'a pas besoin » du nom de domaine france.com est inopérant ; que pour des motifs identiques à ceux déjà exposés, ce nom de domaine permettant d'accéder à un site internet dédié au tourisme en France, porte atteinte à l'appellation « France » qui constitue pour l'État français un élément de son identité ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de transfert au profit de l'intimé, la bonne foi invoquée par la société France.com, à la supposer établie, étant ici inopérante,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'Etat français estime que l'appropriation à des fins purement spéculatives du nom de domaine <France.com> par la société américaine, porte atteinte à son nom, son identité et à sa souveraineté ; que certes, le contenu du site exploité à cette adresse par la société américaine, ne porte pas atteinte à l'image du pays, mais tout comme les marques précédemment évoquées, le nom de domaine utilisé par la société France.com heurte les droits de l'Etat sur son nom, sur son identité et sur sa souveraineté ; qu'en outre, la possibilité de créer des adresses mail associées confère au titulaire du nom de domaine, un accès privilégié et monopolistique au détriment des autres opérateurs, ce qui est d'ailleurs utilisé comme argument commercial par le mandataire chargé de la vente du site litigieux, qui vante l'apparente confiance et crédibilité de cette adresse, comme pouvant être attribuées à un service de l'Etat français ou un tiers autorisé ; qu'ainsi, le nom de domaine <france.com> qui appartient à la société américaine, se heurte aux droits de l'Etat français sur son nom ; que celui-ci est donc fondé à en solliciter le transfert, tandis que la société France.com n'est pas légitime à prétendre au versement préalable d'une juste indemnité,
1- ALORS QUE le juge est tenu de préciser le fondement de la décision qu'il adopte ; qu'en se bornant, pour ordonner le transfert du nom de domaine <france.com> à l'Etat français, à énoncer par motifs propres que ce nom de domaine portait atteinte à l'appellation « France » constituant pour l'Etat français un élément de son identité, et par motifs adoptés que ce nom de domaine heurtait les droits de l'Etat sur son nom, son identité et sa souveraineté, sans préciser plus avant sur quel texte ou principe elle se fondait pour consacrer un tel droit et ordonner le transfert à l'Etat du bien d'autrui, la cour d'appel, qui n'a pas précisé le fondement de la décision adoptée, a violé l'article 12 du code de procédure civile.
2- ALORS, à tout le moins, QUE les noms de domaine ne sont pas régis par les règles applicables aux marques ; qu'en se bornant à renvoyer à ses développements relatifs à l'action en nullité des marques France.com pour justifier le transfert du nom de domaine <france.com> à l'Etat français, la cour d'appel a violé l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle par fausse application.
3- ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de pure affirmation d'ordre général ; qu'en se bornant à énoncer, par motifs propres, que le nom de domaine <france.com> portait atteinte à l'appellation France constituant pour l'Etat français un élément de son identité, et par motifs adoptés que ce nom de domaine heurtait les droits de l'Etat sur son nom, son identité et sa souveraineté, sans expliquer plus avant en quoi consistait cette atteinte prétendument subie par l'Etat français, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
4- ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en jugeant, pour ordonner le transfert du nom de domaine <france.com> à l'Etat français, par motifs propres qu'il portait atteinte à l'appellation France constituant pour l'Etat français un élément de son identité, et par motifs adoptés que ce nom de domaine heurtait les droits de l'Etat sur son nom, son identité et sa souveraineté, sans répondre au moyen de l'exposante qui expliquait, pièces à l'appui, que l'extension « .com » était à l'époque réservée aux entités commerciales, seules les extensions « .gouv.fr » étant susceptibles d'être associées à l'Etat français, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
5- ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que dans les conditions prévues par la loi ; qu'aucun texte ou principe ne permet à un juge, sur le fondement du droit de l'Etat sur l'appellation du pays, d'ordonner le transfert forcé à l'Etat d'un nom de domaine régulièrement enregistré par un tiers ; qu'en ordonnant pourtant un tel transfert, dans des conditions non prévues par la loi, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6- ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que pour cause d'utilité publique ; qu'en jugeant pourtant qu'il était indifférent que l'Etat français n'ait pas besoin du nom de domaine <france.com>, et donc en ordonnant le transfert forcé d'un bien à l'Etat sans utilité publique démontrée, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil, l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
7- ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; qu'en ordonnant pourtant le transfert du nom de domaine <france.com> à l'Etat français, ce qui privait la société France.com de son outil de travail, sans mettre à la charge de l'Etat la moindre indemnité compensatrice, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil, l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
8- ALORS QUE le juge ne peut pas statuer par des motifs inopérants ; que la cour d'appel a incriminé, par motifs adoptés, la possibilité de créer des adresses courriel associées au nom de domaine, ce qui était vanté par le mandataire chargé de la vente du site www.france.com ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants à justifier le transfert du nom de domaine de la société France.com à l'Etat français, faute de donner une base légale suffisante à un tel transfert, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes de condamnation pécuniaire formées par la société France.com contre l'Etat français et d'AVOIR rejeté ces demandes,
AUX MOTIFS QUE l'issue du litige conduit à conduit à rejeter les diverses demandes d'indemnités de la société France.com, étant observé en tout état de cause qu'il n'est nullement justifié, contrairement à ce que soutient cette dernière, de la mise en cause de l'agent judiciaire de l'Etat dans le cadre du présent litige ; que succombant en partie, l'appelante n'est pas plus fondée à solliciter des dommages et intérêts pour procédure abusive,
ALORS QUE le juge qui déclare une demande irrecevable ne peut, sans excéder ses pouvoirs, examiner le fond du litige ; qu'en jugeant toutefois non seulement que les demandes formées contre l'Etat français étaient irrecevables, faute de mise en cause de l'agent judiciaire de l'Etat, mais encore qu'elles devaient être rejetées, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes de condamnation pécuniaire formées par la société France.com contre l'Etat français,
AUX MOTIFS QUE l'issue du litige conduit à conduit à rejeter les diverses demandes d'indemnités de la société France.com, étant observé en tout état de cause qu'il n'est nullement justifié, contrairement à ce que soutient cette dernière, de la mise en cause de l'agent judiciaire de l'Etat dans le cadre du présent litige
ALORS QUE les demandes reconventionnelles sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense, de sorte qu'elles ne nécessitent pas la mise en cause d'un autre représentant que celui choisi par le demandeur ; qu'en l'espèce, l'Etat français, demandeur, ayant choisi de se faire représenter à l'instance par le ministre des affaires étrangères, la société France.com n'avait pas à mettre en cause, dans le cadre de ses demandes reconventionnelles, un autre représentant de l'Etat ; qu'en jugeant pourtant que cette société aurait dû mettre en cause, à peine d'irrecevabilité, l'agent judiciaire de l'Etat, la cour d'appel a violé les articles 63 et 68 du code de procédure civile.
SIXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de condamnation pécuniaire formées par la société France.com contre l'Etat français et contre le GIE Atout France,
AUX MOTIFS QUE l'issue du litige conduit à conduit à rejeter les diverses demandes d'indemnités de la société France.com, étant observé en tout état de cause qu'il n'est nullement justifié, contrairement à ce que soutient cette dernière, de la mise en cause de l'agent judiciaire de l'Etat dans le cadre du présent litige ; que succombant en partie, l'appelante n'est pas plus fondée à solliciter des dommages et intérêts pour procédure abusive,
1- ALORS QUE la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que pour rejeter les demandes reconventionnelles de la société France.com, la cour d'appel s'est fondée sur l'issue donnée au litige sur la nullité des marques et le transfert du nom de domaine et a énoncé que dès lors qu'elle succombait en partie, la société France.com ne pouvait solliciter des dommages-intérêts pour procédure abusive ; que par conséquent, la cassation à intervenir sur le fondement des trois premiers moyens, qui permet de montrer que l'issue du litige aurait dû être différente, justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile.
2- ALORS QU'en s'abstenant de rechercher si, même à estimer leurs demandes bien fondées, l'Etat Français et le GIE Atout France n'avaient pas commis une faute en faisant croire à la société France.com, pendant des années, qu'ils étaient ses partenaires et en n'engageant aucune action judiciaire, ce qui lui avait causé un préjudice en la faisant massivement investir dans le développement de son site internet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
3- ALORS QU'en s'abstenant de rechercher si, même à estimer leurs demandes bien fondées, l'Etat Français et le GIE Atout France n'avaient pas commis une faute en méconnaissant le principe d'égalité, dès lors qu'ils ne s'étaient jamais opposés à l'enregistrement de marques ou de noms de domaines comportant le mot « France », ce qui se traduisait par l'existence de milliers de signes comportant le mot « France.com », cette méconnaissance du principe d'égalité ayant causé un préjudice moral et patrimonial spécifique à l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
4- ALORS QU'en s'abstenant de rechercher si, même à estimer leurs demandes bien fondées, l'Etat Français et le GIE Atout France n'avaient pas commis une faute ayant causé un dommage spécifique à l'exposante en faisant bloquer à son insu le nom de domaine <france.com> après le prononcé du jugement entrepris, pourtant non assorti de l'exécution provisoire, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. | La forclusion, prévue à l'article L. 714-3, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, sanctionnant la tolérance, par le titulaire d'une marque première, de l'usage de la marque seconde, en connaissance de cause, suppose que soit rapportée la preuve de l'usage de celle-ci après son enregistrement. Est donc approuvé l'arrêt qui écarte la forclusion par tolérance du seul fait d'un enregistrement de la marque seconde, en l'absence de preuve d'un usage de cette marque |
7,677 | SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 avril 2022
Cassation partielle partiellement sans renvoi
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 432 F-B
Pourvois n°
H 19-25.244
X 19-25.994 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 AVRIL 2022
I. La Société nationale SNCF, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'EPIC SNCF mobilités, a formé le pourvoi n° H 19-25.244,
II. M. [I] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 19-25.994,
contre le même arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige les opposant.
La demanderesse au pourvoi n° H 19-25.244 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi n° X 19-25.994 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la Société nationale SNCF, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 19-25.244 et X 19-25.994 sont joints.
Reprise d'instance
2. Il est donné acte à M. [Y] de sa reprise d'instance contre la SNCF voyageurs, venant aux droits de l'EPIC SNCF mobilités, devenue la Société nationale SNCF.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 19 septembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-18.241), M. [Y] a été engagé le 1er mars 2007 en qualité d'acheteur expert bâtiment par l'établissement public industriel et commercial SNCF mobilités devenu la Société nationale SNCF. Les 4 et 5 février 2013, le salarié et sa supérieure hiérarchique ont saisi la direction éthique de la SNCF. Se fondant sur ce rapport, l'employeur a notifié au salarié une mesure de suspension et l'a convoqué devant le conseil de discipline. Il a été licencié le 25 septembre 2013.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi de l'employeur
Enoncé du moyen
4. La Société nationale SNCF fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié nul, d'ordonner sa réintégration au sein de la direction régionale de la SNCF à [Localité 3], de la condamner à lui verser une somme au titre de la période d'éviction entre le 28 janvier 2014 et le 30 septembre 2019, à parfaire sur la base de 4 533,69 euros bruts mensuels jusqu'à sa réintégration, ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ qu'après une cassation partielle, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi, à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation ; que méconnaît les limites de sa saisine une cour de renvoi qui fait droit à une demande dont le rejet, par la première cour d'appel, n'a pas été atteint par la cassation ; que le rejet, par l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 mars 2017, de la demande de nullité du licenciement n'a pas été censuré par l'arrêt de cassation partielle du 4 juillet 2018 ; qu'en faisant droit à cette demande, la cour d'appel de renvoi a méconnu les limites de sa saisine et violé les articles 624 et 638 du code de procédure civile, ensemble l'article 1355 du code civil ;
2°/ qu'il incombe au demandeur de présenter, devant la première cour d'appel, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder sa demande ; qu'il ne peut renouveler, devant la cour de renvoi, une demande dont le rejet, par la première cour d'appel, n'a pas été atteint par la cassation en invoquant un fondement juridique ou un moyen qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile ; qu'en relevant, pour accepter d'examiner la demande de nullité du licenciement du salarié, dont le rejet, par l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 mars 2017, n'avait pas été censuré par l'arrêt de cassation partielle du 4 juillet 2018, que celui-ci soulevait un nouveau moyen, sur lequel la Cour de cassation ne s'était pas prononcée, la cour d'appel de renvoi a violé l'article 1355 du code civil, ensemble les articles 624 et 638 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles 624, 631, 632 et 633 du code de procédure civile que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation. Par l'effet de la cassation partielle intervenue, aucun des motifs de fait ou de droit ayant justifié la disposition annulée ne subsiste, de sorte que la cause et les parties sont remises de ce chef dans le même état où elles se trouvaient avant l'arrêt précédemment déféré et qu'elles peuvent devant la cour de renvoi, invoquer de nouveaux moyens ou former des prétentions nouvelles qui sont soumises aux règles qui s'appliquent devant la juridiction dont la décision a été annulée.
6. La cour d'appel de renvoi, tenue de répondre aux prétentions et moyens formulés devant elle, a décidé à bon droit que le salarié, qui avait retrouvé du fait de la cassation prononcée le droit de soumettre de nouveaux moyens, était fondé à contester son licenciement en invoquant sa nullité en raison de la violation d'une liberté fondamentale caractérisée par l'atteinte portée aux droits de la défense, sur lequel la Cour de cassation ne s'était pas prononcée.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, du pourvoi de l'employeur
Enoncé du moyen
8. La Société nationale SNCF fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 3°/ que le juge ne peut annuler un licenciement pour violation d'une liberté fondamentale que si le motif du licenciement porte atteinte à une telle liberté ; qu'une irrégularité dans la procédure de licenciement ne peut conduire, à elle seule, à l'annulation du licenciement ; qu'en relevant, pour annuler le licenciement, que la procédure disciplinaire était entachée d'une violation des droits de la défense, la cour d'appel, qui s'est fondée, non pas sur le motif du licenciement, mais sur la procédure de sanction, a violé l'article L. 1121-1 du code du travail ;
4°/ que le fait, pour le conseil de discipline de la SNCF, de se fonder de manière déterminante sur des témoignages anonymes pour donner son avis sur la sanction qu'il convient de prononcer ne caractérise pas la violation d'une liberté fondamentale entraînant la nullité du licenciement pris à la suite de cet avis ; qu'en considérant, pour annuler le licenciement, que, du fait de l'anonymat des témoignages, celui-ci n'avait pu apporter, devant le conseil de discipline, des explications circonstanciées sur les griefs qui lui étaient reprochés et que le conseil de discipline ne pouvait fonder sa décision de manière déterminante sur un rapport composé de témoignages anonymes, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail et, par fausse application, l'article 6, § 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
9. Vu l'article 6.1 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 1121-1 du code du travail :
10. Le conseil de discipline, ayant un rôle purement consultatif, ne constitue pas un tribunal au sens de l'article 6.1 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales de sorte que les dispositions de ce texte ne lui sont pas applicables.
11. Il en résulte que si l'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur est assimilée à la violation d'une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu'elle a privé le salarié des droits de sa défense ou lorsqu'elle est susceptible d'avoir exercé une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur, elle n'est pas de nature à entacher le licenciement de nullité.
12. Pour dire le licenciement nul, l'arrêt retient que s'il résulte du procès-verbal du conseil de discipline que celui-ci a entendu les explications du salarié et a pris connaissance de ses pièces, il apparaît cependant que sa décision repose largement sur le contenu du rapport de l'éthique puisqu'il n'est fait mention d'aucune autre audition. Il ajoute que ce rapport d'enquête de la direction de l'éthique du mois de septembre 2013 qui a été un élément déterminant dans la prise de décision du conseil de discipline, s'analyse en une compilation de témoignages anonymes et que dans ces conditions, même si le salarié a eu connaissance du contenu de ce rapport, à l'évidence, il n'a pas pu apporter des explications circonstanciées sur tous les griefs qui lui étaient reprochés avant que ne soit prise la mesure de licenciement.
13. Il poursuit en ajoutant que de la même manière que la haute juridiction a considéré que la cour d'appel de Rennes ne pouvait fonder sa décision de manière déterminante sur des témoignages anonymes, pour justifier le licenciement, il convient de considérer que le conseil de discipline ne pouvait fonder sa décision de manière déterminante sur le rapport de l'éthique principalement composé de témoignages anonymes et en conclut que la procédure disciplinaire mise en oeuvre par la société SNCF mobilités ayant violé les droits de la défense, le licenciement doit donc être déclaré nul.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquence de la cassation
15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la
Cour de cassation statue au fond.
17. Selon le référentiel RH00144 interne à la SNCF, lorsqu'une majorité absolue de voix converge vers un niveau de sanction, ce niveau constitue l'avis du comité de discipline, il y a alors un seul niveau, le directeur ne peut prononcer une sanction plus sévère. Lorsqu'aucun niveau de sanction ne recueille la majorité des voix, le conseil a émis plusieurs avis. Dans ce cas, il y a lieu de tenir compte des avis émis par le conseil pour déterminer une majorité, ou tout au moins le partage des avis en deux parties. Pour ce faire, les voix qui se sont portées sur la plus sévère des sanctions s'ajoutent à l'avis ou aux avis du degré inférieur qui se sont exprimés, jusqu'à avoir trois voix. Le directeur peut prononcer une sanction correspondant à l'avis le plus élevé ainsi déterminé.
18. En conséquence, en cas de partage de voix en deux parties égales de trois voix chacune, la sanction la plus sévère n'ayant pas recueilli la majorité absolue des voix exprimées, il y a lieu d'ajouter les voix qui se sont portées sur cette sanction à l'avis ou aux avis du degré inférieur qui se sont exprimés. Le directeur peut prononcer une sanction correspondant à l'avis le plus élevé ainsi déterminé.
19. Il ressort des constatations des juges du fond que le conseil de discipline s'était prononcé à égalité pour et contre le licenciement, soit trois voix pour et trois voix contre, et dans les mêmes conditions pour un dernier avertissement avec une mise à pied de douze jours et un déplacement, ce dont il résulte que le directeur ne pouvait prononcer un licenciement.
20. Il y a lieu en conséquence de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE sauf en ce qu'il condamne la SNCF mobilités, aux droits de laquelle vient la Société nationale SNCF, aux dépens et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef du licenciement ;
DIT que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
Remet, sur les points restant en litige, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée, pour qu'il soit statué sur les conséquences indemnitaires de ce licenciement ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour la Société nationale SNCF, demanderesse au pourvoi n° H 19-25.244
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. [Y] était nul, d'avoir ordonné sa réintégration au sein de la direction régionale de la SNCF à [Localité 3] et d'avoir condamné l'EPIC SNCF Mobilités aux droits duquel vient la Société nationale SNCF SA, à lui verser la somme de 146 483,40 euros au titre de la période d'éviction entre le 28 janvier 2014 et le 30 septembre 2019, à parfaire sur la base de 4 533,69 euros bruts mensuels jusqu'à sa réintégration, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE, sur la nullité du licenciement, sur les contours de l'arrêt de la Cour de cassation, M. [Y] avait présenté devant la haute juridiction un moyen fondé sur le caractère discriminatoire de son licenciement, sollicitant ainsi la nullité de celui-ci ; que ce moyen a été écarté par la Cour de cassation ; que, devant la cour d'appel de renvoi, M. [Y] présente un nouveau moyen de droit dont la recevabilité n'est d'ailleurs pas contestée par la partie adverse ; qu'il soutient que son licenciement est nul pour non-respect des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment en raison de la violation d'une liberté fondamentale caractérisée par l'atteinte portée aux droits de la défense ; qu'il convient de relever que la Cour de cassation ne s'est donc pas prononcée sur ce nouveau moyen de droit soulevé devant la cour d'appel de renvoi ; que, sur le bien-fondé de la demande, l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a introduit à l'article L. 1235-3-1 du code du travail la violation d'une liberté fondamentale au titre des nullités pouvant entacher le licenciement ; que ces dispositions ne sont cependant applicables qu'aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de cette ordonnance et ne sont donc pas applicables au présent litige ; que, néanmoins, il était préalablement admis que le juge pouvait prononcer la nullité du licenciement sur le fondement des dispositions la prévoyant ou pour violation d'une liberté fondamentale ; qu'en l'espèce, M. [Y] prétend qu'il n'a pas pu se défendre devant la commission de discipline en raison de la production du rapport anonyme de l'éthique, sur lequel la commission s'est exclusivement fondée pour rendre sa décision ; que l'examen chronologique des pièces versées au débat permet d'établir que : - la suspension à titre de mesure conservatoire dans l'attente des suites de la procédure disciplinaire a été prononcée le 18 septembre 2013 « au regard de la gravité des faits qui ont été portés à [la] connaissance [du directeur des achats] par la direction de l'éthique dans son rapport remis le 9 septembre 2013 » ; - la demande d'explications écrites à M. [Y] reprend les griefs qui lui sont imputables et précédemment évoqués au titre des motifs du licenciement. Il est expressément précisé que ces griefs résultent du rapport communiqué par la direction de l'éthique le 9 septembre 2013 ; - dans sa réponse écrite, M. [Y] souligne la méconnaissance des droits de la défense en précisant : « je suis stupéfait par les accusations portées à mon égard par un rapport d'éthique (qui m'est inconnu) et dont je comprends qu'il aurait été remis à Mme [M]. Je ne vois pas très bien l'intérêt à solliciter mes explications puisque l'auteur de la demande d'informations précise que les faits me sont « imputables » sans m'avoir entendu » ; - il résulte du procès-verbal de la commission de discipline que celle-ci a entendu les explications de M. [Y] et a pris connaissance de ses pièces. Cependant il apparaît que la décision de la commission de discipline repose largement sur le contenu du rapport de l'éthique puisqu'il n'est fait mention d'aucune autre audition ; qu'il résulte de ces éléments que le rapport d'enquête de la direction de l'éthique du mois de septembre 2013 a été un élément déterminant dans la prise de décision de la commission de discipline ; que ce rapport d'enquête s'analyse en une compilation de témoignages anonymes ; que dans ces conditions, même si à un moment de la procédure, M. [Y] a eu connaissance du contenu de ce rapport, à l'évidence, il n'a pas pu apporter des explications circonstanciées sur tous les griefs qui lui étaient reprochés avant que ne soit prise la mesure de licenciement ; que, de la même manière que la haute juridiction a considéré que la cour d'appel de Rennes ne pouvait fonder sa décision de manière déterminante sur des témoignages anonymes, pour justifier le licenciement, il convient de considérer que la commission de discipline ne pouvait fonder sa décision de manière déterminante sur le rapport de l'éthique principalement composé de témoignages anonymes ; que par conséquent, il y a lieu de considérer que la procédure disciplinaire mise en oeuvre par SNCF Mobilités ayant conduit au licenciement a violé les droits de la défense ; que le licenciement de M. [Y] doit donc être déclaré nul ;
1°) ALORS QU'après une cassation partielle, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi, à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation ; que méconnaît les limites de sa saisine une cour de renvoi qui fait droit à une demande dont le rejet, par la première cour d'appel, n'a pas été atteint par la cassation ; que le rejet, par l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 mars 2017, de la demande de nullité du licenciement de M. [Y] n'a pas été censuré par l'arrêt de cassation partielle du 4 juillet 2018 ; qu'en faisant droit à cette demande, la cour d'appel de renvoi a méconnu les limites de sa saisine et violé les articles 624 et 638 du code de procédure civile, ensemble l'article 1355 du code civil ;
2°) ALORS QU'il incombe au demandeur de présenter, devant la première cour d'appel, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder sa demande ; qu'il ne peut renouveler, devant la cour de renvoi, une demande dont le rejet, par la première cour d'appel, n'a pas été atteint par la cassation en invoquant un fondement juridique ou un moyen qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile ; qu'en relevant, pour accepter d'examiner la demande de nullité du licenciement de M. [Y], dont le rejet, par l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 mars 2017, n'avait pas été censuré par l'arrêt de cassation partielle du 4 juillet 2018, que M. [Y] soulevait un nouveau moyen, sur lequel la Cour de cassation ne s'était pas prononcée, la cour d'appel de renvoi a violé l'article 1355 du code civil, ensemble les articles 624 et 638 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le juge ne peut annuler un licenciement pour violation d'une liberté fondamentale que si le motif du licenciement porte atteinte à une telle liberté ; qu'une irrégularité dans la procédure de licenciement ne peut conduire, à elle seule, à l'annulation du licenciement ; qu'en relevant, pour annuler le licenciement de M. [Y], que la procédure disciplinaire était entachée d'une violation des droits de la défense, la cour d'appel, qui s'est fondée, non pas sur le motif du licenciement, mais sur la procédure de sanction, a violé l'article L. 1121-1 du code du travail ;
4°) ALORS QU'en tout état de cause, le fait, pour le conseil de discipline de la SNCF, de se fonder de manière déterminante sur des témoignages anonymes pour donner son avis sur la sanction qu'il convient de prononcer ne caractérise pas la violation d'une liberté fondamentale entraînant la nullité du licenciement pris à la suite de cet avis ; qu'en considérant, pour annuler le licenciement de M. [Y], que, du fait de l'anonymat des témoignages, celui-ci n'avait pu apporter, devant le conseil de discipline, des explications circonstanciées sur les griefs qui lui étaient reprochés et que le conseil de discipline ne pouvait fonder sa décision de manière déterminante sur un rapport composé de témoignages anonymes, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail et, par fausse application, l'article 6 § 1 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [Y], demandeur au pourvoi n° X 19-25.994
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de n'AVOIR condamné l'employeur à verser au salarié qu'une somme de 146 483,40 euros nets au titre de la période d'éviction entre le 28 janvier 2014 et le 30 septembre 2019, somme à parfaire sur la base de 4 533,69 euros bruts mensuels jusqu'à sa réintégration.
AUX MOTIFS QU'il est de principe que le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration, a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ; qu'il peut être déduit de la réparation du préjudice subi les revenus qu'il a pu tirer d'une autre activité professionnelle et le revenu de remplacement qui a pu lui être servi pendant cette période ; qu'en l'espèce, les pièces versées aux débats par M. [Y] permettent d'établir que : - à la lecture du bulletin de paie du mois de janvier 2014, le salaire de base de M. [Y] était de 4 533,69 euros bruts mensuels ; - le licenciement a été effectif à l'issue de deux mois de préavis, soit le 27 janvier 2014 ; - pour le mois de janvier 2014, il n'a perçu aucune rémunération de 3 948,70 euros bruts sur 27 jours ; - pour la période du 28 janvier 2014 au 30 septembre 2019, il aurait dû percevoir la somme suivante : 4 533,69 euros bruts x (11 + 12 + 12 + 12 + 12 + 9 mois) + (4533,69 – 3948,70) soit la somme de 308 290,92 euros bruts ou 247 443,40 euros nets, à parfaire jusqu'à la réintégration de M. [Y] ; - M. [Y] a déclaré 38 461 euros au titre de ses revenus de l'année 2013, 34 699 euros au titre de ses revenus de l'année 2014, 29 501 euros au titre de ses revenus de l'année 2015, 29 547 euros au titre de ses revenus de l'année 2016, 11 190 euros au titre de ses revenus de l'année 2017 ; - à compter du 27 juillet 2013, il a été placé en arrêt de travail et a donc bénéficié d'indemnités journalière à compter de cette date ; - à partir du 21 février 2017, M. [Y] a bénéficié de l'allocation de solidarité spécifique, soit une allocation journalière d'environ 16,30 euros ; - pour la période du 1er mai 2018 au 31 mars 2019, M. [Y] a été indemnisé par Pôle emploi à hauteur de 5 520,80 euros, puis à hauteur de 502,20 euros en avril 2019 ; - M. [Y] a donc bénéficié de revenus de remplacement à hauteur de 110 960 euros nets ; qu'il convient donc de condamner la SNCF Mobilités à verser à M. [Y] la somme de 146 483,40 euros nets au titre de la période d'éviction entre le 28 janvier 2014 au 30 septembre 2019, somme à parfaire sur la base de 4 533,69 euros bruts mensuels jusqu'à réintégration.
1° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge doit se prononcer sur tout ce qui lui est demandé et seulement sur ce qui lui est demandé ; qu'en déduisant les revenus de remplacement perçus par le salarié entre son licenciement nul et sa réintégration de la somme allouée au titre de cette période, quand cette déduction ne lui était pas demandée, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.
2° ALORS à tout le moins QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'en déduisant d'office les revenus de remplacement de la somme allouée au salarié sans avoir, au préalable, invité les parties à en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
3° ALORS subsidiairement QUE le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement des salaires dont il a été privé entre son éviction et sa réintégration dans l'entreprise, sans déduction des revenus de remplacement perçus pendant cette période ; qu'en déduisant néanmoins les revenus de remplacement perçus par le salarié entre son licenciement nul et sa réintégration de la somme allouée au titre de cette période, la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil.
4° ALORS à tout le moins QU'en cas de licenciement nul en raison de l'atteinte aux droits de la défense du salarié garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale aux salaires dont il a été privé entre son éviction et sa réintégration dans l'entreprise, sans déduction des revenus de remplacement perçus pendant cette période ; qu'après avoir prononcé la nullité du licenciement en raison de la violation des droits de la défense du salarié, la cour d'appel a alloué à ce dernier une somme correspondant aux salaires dont il avait été privés entre son éviction et sa réintégration dans l'entreprise, déduction faite des revenus de remplacement perçus pendant cette période ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
5° ALORS en tout état de cause QUE, peu important que la déduction des revenus de remplacement soit ou non licite, la somme allouée au titre de la période entre le licenciement nul et la réintégration du salarié entre dans l'assiette des cotisations sociales ; qu'en allouant au salarié une somme nette déterminée à partir des salaires nets qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable en la cause. | Le conseil de discipline ayant un rôle purement consultatif, ne constitue pas un tribunal au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de sorte que les dispositions de ce texte ne lui sont applicables.
Il en résulte que si l'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur est assimilée à la violation d'une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu'elle a privé le salarié des droits de sa défense ou lorsqu'elle est susceptible d'avoir exercé une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur, elle n'est pas de nature à entacher le licenciement de nullité |
7,678 | SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 avril 2022
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 439 F-B
Pourvois n°
H 21-10.923
à P 21-10.929 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 AVRIL 2022
1°/ M. [G] [K], domicilié [Adresse 1],
2°/ M. [D] [E], domicilié [Adresse 7],
3°/ M. [X] [Z], domicilié [Adresse 9],
4°/ M. [L] [Y], domicilié [Adresse 3],
5°/ M. [A] [B], domicilié [Adresse 5],
6°/ M. [C] [R], domicilié [Adresse 2],
7°/ M. [N] [P], domicilié [Adresse 4],
ont formé respectivement les pourvois n° H 21-10.923, G 21-10.924, J 21-10.925, K 21-10.926, M 21-10.927, N 21-10.928 et P 21-10.929 contre sept arrêts rendus le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans les litiges les opposant :
1°/ à la société [M]-[I], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 8], prise en la personne de M. [I], en sa qualité de liquidateur de la société Logistique transports,
2°/ à l'association AGS-CGEA de [Localité 10], dont le siège est [Adresse 6],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs aux pourvois invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation commun et identique annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [K] et des six autres salariés, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 21-10.923, G 21-10.924, J 21-10.925, K 21-10.926, M 21-10.927, N 21-10.928 et P 21-10.929 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Caen, 26 novembre 2020), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 20 septembre 2018, pourvoi n° 17-11.602, 17-11.605, 17-11.606,17-11.607, 17-11.608, 17-11.609, Bull. 2018, V, n° 161 et Soc., 20 septembre 2018, pourvoi n° 17-11.596), par jugement du 27 mai 2010, la société Logistrans a été mise en redressement judiciaire et, par jugement du 17 mars 2011, en liquidation judiciaire, Mme [M] ayant été désignée en qualité de mandataire liquidateur. M. [K] et six autres salariés de la société Logistrans ont été licenciés pour motif économique en mai 2011 dans le cadre d'une procédure accompagnée d'un plan de sauvegarde de l'emploi, après autorisations de l'inspecteur du travail des 28 avril et 2 mai 2011.
3. Ils ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième à sixième branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Les salariés font grief aux arrêts de juger irrecevables leurs demandes de dommages-intérêts, alors « que selon l'article 1037-1 du code procédure civile issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2016, en cas de renvoi devant la cour d'appel, la déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation, à peine de caducité de la déclaration ; que le texte s'applique, sans exception, aux procédures de saisine de la cour de renvoi effectuées après le 1er septembre 2017, qu'elles soient orales ou écrites et quelle que soit la date de l'appel initial ; qu'en l'espèce, la saisine de la cour d'appel de renvoi étant postérieure au 1er septembre 2017, en l'absence de signification de la déclaration de saisine dans le délai de 10 jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation, la saisine de la cour d'appel de renvoi était caduque ; qu'en écartant la caducité, au motif erroné que la procédure de renvoi de cassation suivait les règles procédurales applicables à la matière dans laquelle avait été rendu le jugement que ce recours attaque et que l'appel interjeté par le mandataire liquidateur du jugement du conseil de prud'hommes ayant été introduit le 9 mars 2015, la procédure devant la cour de renvoi suivait les règles applicables en matière de procédure sans représentation obligatoire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1037-1 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article 1037-1 du code de procédure civile, en cas de renvoi devant la cour d'appel, lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 905. En ce cas, les dispositions de l'article 1036 ne sont pas applicables. La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président.
7. En outre, il résulte de la combinaison des articles 46 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 et R. 1461-2 du code du travail que seuls les instances et appels en matière prud'homale engagés à compter du 1er août 2016 sont formés, instruits et jugés suivant la procédure avec représentation obligatoire.
8. Par conséquent, un appel formé avant le 1er août 2016 contre un jugement rendu en matière prud'homale est assujetti aux règles de la procédure sans représentation obligatoire, lesquelles demeurent applicables, en cas de cassation de l'arrêt, devant la cour d'appel de renvoi.
9. La cour d'appel qui a constaté, pour chaque salarié, que l'appel formé par le mandataire liquidateur à l'encontre des jugements rendus par le conseil de prud'hommes avait été introduit le 9 mars 2015 en a exactement déduit que les dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile n'étaient pas applicables.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne MM. [K], [E], [Z], [Y], [B], [R] et [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [K], [E], [Z], [Y], [B], [R] et [P] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen commun et identique produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [K] et six autres salariés, demandeurs aux pourvois n° H 21-10.923 à P 21-10.929
Le salarié fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé irrecevables ses demandes de dommages-intérêts ;
Alors 1°) que selon l'article 1037-1 du code procédure civile issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2016, en cas de renvoi devant la cour d'appel, la déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation, à peine de caducité de la déclaration ; que le texte s'applique, sans exception, aux procédures de saisine de la cour de renvoi effectuées après le 1er septembre 2017, qu'elles soient orales ou écrites et quelle que soit la date de l'appel initial ; qu'en l'espèce, la saisine de la cour d'appel de renvoi étant postérieure au 1er septembre 2017, en l'absence de signification de la déclaration de saisine dans le délai de 10 jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation, la saisine de la cour d'appel de renvoi était caduque ; qu'en écartant la caducité, au motif erroné que la procédure de renvoi de cassation suivait les règles procédurales applicables à la matière dans laquelle avait été rendu le jugement que ce recours attaque et que l'appel interjeté par le mandataire liquidateur du jugement du conseil de prud'hommes ayant été introduit le 9 mars 2015, la procédure devant la cour de renvoi suivait les règles applicables en matière de procédure sans représentation obligatoire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1037-1 du code de procédure civile ;
Alors 2°) qu'en l'état d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire reste compétent pour apprécier la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour voir réparer les fautes de l'employeur ou l'entité qui disposait du pouvoir de décision, antérieures ou concomitantes aux licenciements, résultant de l'absence de présentation du plan de sauvegarde de l'emploi aux représentants du personnel et d'une légèreté blâmable résultant de l'absence de suppression des heures supplémentaires et/ou de réduction de la durée légale de travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, le principe de la séparation des pouvoirs ;
Alors 3°) qu'en l'état d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire reste compétent pour apprécier la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour voir réparer les fautes de l'employeur ou l'entité qui disposait du pouvoir de décision, antérieures ou concomitantes aux licenciements, résultant de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi qui se limitait à prévoir un reclassement interne et externe, la mise en place d'une cellule de reclassement, d'une convention d'allocation temporaire dégressive, des mesures spécifiques pour les salariés âgés de 50 ans sans autre précision quant au caractère concret de ces mesures et de la légèreté blâmable de l'employeur pendant la période ayant précédé le licenciement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, le principe de la séparation des pouvoirs ;
Alors 4°) qu'en retenant que le principe de la séparation des pouvoirs interdisait d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement supposée avoir été vérifiée par l'inspection du travail sous le contrôle des juridictions administratives et que par le biais d'une demande indemnitaire fondée sur l'article L. 1235-15 du code du travail pour absence de mise en place des représentants du personnel au niveau idoine de l'UES que formait la société Logistrans avec d'autres entités du groupe, le salarié protégé demandait à la cour d'appel de censurer cette procédure, bien que la demande du salarié avait pour objet la seule obtention de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé, par fausse application, le principe de la séparation des pouvoirs, et par refus d'application, l'article L. 1235-15 du code du travail ;
Alors 5°) que selon l'article L. 1235-7 du code du travail, toute contestation portant sur le licenciement pour motif économique se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité social et économique ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester le licenciement pour motif économique, à compter de la notification de celui-ci ; que la demande de dommages-intérêts fondée sur l'article L. 1235-15 n'est pas soumise à cette prescription annale ; qu'en retenant pourtant que l'action indemnitaire du salarié protégé se serait heurtée à cette prescription, cependant que l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi était un moyen pour le salarié protégé de solliciter des dommages et intérêts, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-7 et L. 1235-15 du code du travail ;
Alors 6°) que selon l'article L. 2322-4 du code du travail, la reconnaissance d'une union économique et sociale (UES) intervient « par convention ou par décision de justice » ; que la dissolution d'une UES créée par un jugement implique l'existence d'un jugement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le parallèle que faisait le salarié protégé avec Mme [H], salariée protégée de la société TSR, n'était pas pertinent, car il ne résultait pas du jugement visant son cas que les autres sociétés Serta Services Transport Affrètement, Serta Nord, Serta Rhône-Alpes, Livra Trans et Logistrans étaient dissoutes au moment de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société TSR, alors qu'à la date de l'ouverture du redressement judiciaire de la société Logistrans, les cinq autres sociétés composant avec elle l'UES étaient en liquidation judiciaire, ce qui emporte la dissolution de celles-ci, et qu'en l'absence de nouvelle élection, seul le comité d'entreprise de la société Logistrans était habilité à se prononcer sur la consultation du plan de sauvegarde de l'emploi ; que le salarié ne pouvait pas supputer que l'inspecteur du travail n'avait pas validé la procédure de consultation du plan de sauvegarde de l'emploi en connaissance de cause ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'UES créée par jugement n'était pas dissoute par la liquidation judiciaire de certaines sociétés, la cour d'appel a violé l'article L. 2322-4 du code du travail. | Il résulte de l'article 1037-1 du code de procédure civile que les dispositions qu'il prévoit sont applicables en cas de renvoi devant la cour d'appel lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire.
En outre, il résulte de la combinaison des articles 46 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 et R.1461-2 du code du travail, que seuls les instances et appels en matière prud'homale engagés à compter du 1er août 2016 sont formés, instruits et jugés suivant la procédure avec représentation obligatoire.
Par conséquent, un appel formé avant le 1er août 2016 contre un jugement rendu en matière prud'homale est assujetti aux règles de la procédure sans représentation obligatoire, lesquelles demeurent applicables, en cas de cassation de l'arrêt, devant la cour d'appel de renvoi, devant laquelle les dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile ne sont donc pas applicables |
7,679 | SOC.
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 avril 2022
Cassation partielle sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 457 F-B
Pourvoi n° Z 20-22.918
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 AVRIL 2022
La société XPO Supply Chain Nord & Est France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], ayant un établissement [Adresse 3] a formé le pourvoi n° Z 20-22.918 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant à M. [E] [U], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société XPO Supply Chain Nord & Est France, de Me Haas, avocat de M. [U], après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 12 novembre 2020), M. [U], engagé à compter du 1er octobre 2001 par la société XPO Supply Chain (la société) en qualité de conducteur routier, occupant en dernier lieu un poste de magasinier cariste, titulaire de différents mandats, a été licencié le 19 novembre 2013. A l'issue des recours devant les juridictions administratives, il a été réintégré le 1er février 2016 au poste de cariste.
2. Le 6 février 2017, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir diverses sommes concernant la période entre son licenciement et sa réintégration, notamment une somme à titre de dommages-intérêts pour majoration d'impôt sur le revenu.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième, cinquième et sixième moyens, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour majoration de l'impôt sur le revenu, alors « que lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié protégé a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision ; que la majoration de l'impôt sur le revenu qui est dû au titre de cette indemnité ne constitue pas un préjudice réparable ; qu'en mettant à la charge de l'employeur la majoration de l'impôt sur le revenu de M. [U] résultant du versement en une seule fois de cette indemnité représentant près de deux années de salaire, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2422-4 du code du travail, l'article 1241 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de réparation intégrale du préjudice :
5. Il résulte du premier de ces textes que lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié, titulaire d'un mandat, a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice, tant matériel que moral, subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.
6. Il résulte du second de ces textes et du principe susvisé que la réparation du préjudice doit être intégrale, sans perte ni profit.
7. Pour faire droit à la demande de dommages-intérêts pour majoration d'impôt sur le revenu présentée par le salarié, réintégré après annulation définitive de l'autorisation de licenciement, l'arrêt retient que le salarié justifie, par la production de ses avis d'imposition 2015, 2016 et 2017 et de simulations pour ces mêmes années, qu'il a subi un surcoût d'impôt de 2 136 euros, lequel se trouve être la conséquence du versement par l'employeur de l'indemnisation, ayant pesé sur une seule et même année d'imposition (2017, pour les revenus 2016), alors que cette somme, s'il n'y avait pas eu éviction, aurait été étalée sur les années concernées, n'entraînant pas de surcoût d'impôt, de sorte que, cette charge étant directement en lien avec le versement de l'indemnisation de l'éviction fautive, l'employeur sera condamné à verser ce montant au salarié en réparation du préjudice causé.
8. En statuant ainsi, alors que les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l'indemnisation de la victime, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Le salarié doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre de la majoration d'impôt sur le revenu.
12. La cassation du chef de dispositif condamnant la société à payer au salarié une somme à ce titre n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiées par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
13. Il convient de condamner la société qui succombe pour l'essentiel aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société XPO Supply Chain à payer à M. [U] la somme de 2 136 euros à titre de dommages-intérêts pour majoration de l'impôt sur le revenu, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. [U] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la majoration de l'impôt sur le revenu ;
Condamne la société XPO Supply Chain Nord et Est France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société XPO Supply Chain Nord et Est France et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société XPO Supply Chain Nord & Est France
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société XPO Supply Chain Nord & Est France FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [U] les sommes de 760,41 euros au titre de la prise en charge de la complémentaire santé et 2 136 euros à titre de dommages et intérêts pour majoration de l'impôt sur le revenu,
ALORS QUE les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; que dans son acte introductif d'instance M. [U] sollicitait le paiement de la somme de 19 750, 28 euros à titre de reliquat de préjudice matériel en application de l'article L. 2422-4 du code du travail qui dispose que l'indemnité due au salarié dont l'autorisation de licenciement a été définitivement annulée correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision ; qu'en jugeant que les demandes formulées ultérieurement par le salarié visant au paiement de sommes à titre de prise en charge de la complémentaire santé et à titre de dommages et intérêts pour majoration de l'impôt sur le revenu se rattachaient par un lien suffisant à la demande initiale du salarié en paiement d'un reliquat de préjudice matériel, la cour d'appel a violé l'article 70 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
La société XPO Supply Chain Nord & Est France FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [U] la somme de 19 750, 28 euros à titre de complément de salaire pour la période du 19 novembre 2013 au 1er février 2016,
1/ ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que la société XPO Supply Chain Nord & Est se prévalait (conclusions d'appel p. 18) d'un accord des parties, après négociations, sur le montant de l'indemnité perçue conformément à l'article L. 2422-4 du code du travail, ce montant ayant été opéré par référence à la situation d'un collègue à la demande de l'avocat du salarié, ce qui avait été accepté par l'employeur ; qu'en jugeant pourtant que l'employeur n'invoquait pas un tel accord, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE l'accord des parties, régi par le principe du consensualisme, n'est pas soumis à une formalité particulière ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas justifier d'un « protocole d'accord », motifs impropres à écarter l'existence de l'accord des parties dont il se prévalait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3/ ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que la société XPO Supply Chain Nord & Est faisait valoir que la somme de 19 750,28 euros correspondant au reliquat de rappel de salaires que M. [U] réclamait au titre de sa période d'éviction et qu'il avait obtenue en première instance, intégrait à tort une indemnité de congés payés (conclusions d'appel p. 18) ; qu'en affirmant que la société XPO Supply Chain ne remettait pas en cause le calcul présenté dans ses conclusions par M. [E] [U], la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4/ ALORS QUE le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans la limite des salaires dont il a été privé ; qu'il ne peut acquérir de jours de congés pendant cette période ; que la société XPO Supply Chain Nord & Est faisait valoir que la somme de 19 750,28 euros correspondant au reliquat de rappel de salaires que M. [U] réclamait au titre de sa période d'éviction et qu'il avait obtenue en première instance, intégrait à tort une indemnité de congés payés puisque le salarié n'avait acquis aucun droit à congés payés pendant cette période (conclusions d'appel p. 18) ; qu'en jugeant que le salarié pouvait prétendre à une indemnité de congés payés sur la somme qui lui était due pour la période comprise entre son licenciement et sa réintégration, la cour d'appel a violé les articles L. 2422-4 et L. 3141-1 et s. du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
La société XPO Supply Chain Nord & Est France FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [U] la somme de 760,41 € au titre de la prise en charge de la complémentaire santé, la somme de 1 760 € au titre des heures de formation et la somme de 10 000 € en réparation du préjudice moral résultant de l'éviction,
ALORS QUE lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié protégé a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision ; que dans ses conclusions, l'employeur soulignait que le salarié avait été rempli de ses droits au titre de la prise en charge de la complémentaire santé, des heures de formation et du préjudice moral, par l'indemnité résultant de l'éviction qui lui avait d'ores et déjà été versée et sur le montant de laquelle un accord avait été trouvé ; qu'en allouant au salarié des indemnités complémentaires à ce titre, sans caractériser que ces demandes n'avaient pas été d'ores et déjà été prises en compte dans le cadre de l'accord des parties ayant porté sur l'indemnité d'éviction versée lors de la réintégration du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2422-4 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
La société XPO Supply Chain Nord & Est France FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée au paiement de la somme de 2 136 euros à titre de dommages et intérêts pour majoration de l'impôt sur le revenu,
ALORS QUE lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié protégé a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision ; que la majoration de l'impôt sur le revenu qui est dû au titre de cette indemnité ne constitue pas un préjudice réparable ; qu'en mettant à la charge de l'employeur la majoration de l'impôt sur le revenu de M. [U] résultant du versement en une seule fois de cette indemnité représentant près de deux années de salaire, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-4 du code du travail.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
La société XPO Supply Chain Nord & Est France FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [U] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination,
1/ ALORS QUE lorsque les faits matériellement établis par le salarié, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que pour exclure tout harcèlement moral dont aurait été victime M. [U], la société XPO Supply Chain faisait valoir et offrait de prouver par les résultats d'une enquête menée par le CHSCT que M. [U] était lui-même à l'origine d'une tentative orchestrée avec un autre salarié visant à faire licencier un de leur collègue, ce dont il résultait qu'il était lui-même responsable du comportement de ses collègues à son égard (conclusions d'appel de l'exposante p. 30-33) ; qu'elle invoquait également, pour dénier toute attitude méprisante qui lui était prêtée envers M. [U], les attestations de MM. [S], [C], [G] et [D], salariés travaillant tous dans l'équipe de M. [U] qui témoignaient des bonnes relations et de l'entente entre M. [U] et son directeur de site, M. [Z] (conclusions d'appel de l'exposante p. 35-36) ; qu'en retenant que les arguments et les pièces de la société XPO Supply Chain ne sont pas de nature à remettre en cause les éléments justifiés par M. [E] [U] sans examiner aucune de ces pièces, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1154-1 du code du travail ;
2/ ALORS QUE ce n'est que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'une discrimination syndicale, qu'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'une telle discrimination ; qu'en retenant que la société XPO Supply Chain ne démontrait pas que le harcèlement n'avait pas pour origine les fonctions et appartenances syndicales de M. [E] [U] après avoir seulement constaté l'existence de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, et non de faits laissant présumer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a violé l'article L. 1134-1 du code du travail.
SIXIEME MOYEN DE CASSATION
La société XPO Supply Chain Nord & Est France FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevables les demandes de M. [E] [U] relatives aux sanctions prononcées les 31 juillet et 16 octobre 2017,
ALORS QUE les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; que dans son acte introductif d'instance, M. [U] sollicitait le paiement de la somme de 19 750,28 euros à titre de reliquat de préjudice matériel en application de l'article L. 2422-4 du code du travail, l'annulation d'une sanction prononcée le 26 octobre 2016, et des dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination ; qu'en jugeant que les demandes formulées ultérieurement par le salarié visant à l'annulation de sanctions prononcées les 31 juillet et 16 octobre 2017 se rattachaient par un lien suffisant à la demande initiale du salarié, au motif inopérant qu'il en avait fait état dans ses dernières conclusions de première instance au soutien de son allégation de harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article 70 du code de procédure civile. | Les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l'indemnisation de la victime |
7,680 | N° P 21-84.092 F-B
N° 00419
MAS2
6 AVRIL 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 AVRIL 2022
M. [B] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 12e chambre, en date du 11 juin 2021, qui, pour association de malfaiteurs, infractions à la législation sur les stupéfiants, en récidive, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement et a ordonné une mesure de confiscation.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [B] [H], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Après avoir reçu un renseignement portant sur un trafic de stupéfiants, la police a ouvert une enquête préliminaire. A l'issue de celle-ci, sept personnes, dont le demandeur, ont été poursuivies devant le tribunal correctionnel, selon la procédure de la comparution immédiate.
3. Condamné par le tribunal correctionnel, qui a rejeté les exceptions de nullité de la procédure qu'il avait soulevées, M. [B] [H] a relevé appel et le ministère public a formé appel incident.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen
4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par l'exposant tirée de l'irrégularité de la fouille du sac poubelle réalisée le 24 juin 2020, alors « que, toute ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée doit faire l'objet d'un contrôle judiciaire efficace de nature à garantir sa stricte nécessité ; que la fouille d'un sac poubelle déposé dans un conteneur sur la voie publique constitue une mesure d'ingérence dans la vie privée nécessitant l'autorisation préalable d'un juge ou du procureur de la République ; qu'en l'espèce, les officiers de police ont procédé d'initiative, en enquête préliminaire, à la fouille d'un sac poubelle déposé aux fins de destruction dans un conteneur sur la voie publique, en dehors de tout contrôle d'un juge ; qu'en conséquence, en rejetant l'exception de nullité soulevée par le conseil de l'exposant aux motifs que l'acte n'entrerait pas « dans le champ légal des actes soumis à l'autorisation préalable d'un juge ou le contrôle en amont du procureur de la République », la cour d'appel a méconnu les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 39-3 et 41 du code de procédure pénale, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte des pièces de procédure que, lors d'une surveillance, les enquêteurs ont remarqué qu'un homme qui avait été observé sur la terrasse de l'appartement où, selon leur renseignement, le trafic de stupéfiants se déroulait, a déposé un sac poubelle dans un conteneur à ordures à usage collectif. Les enquêteurs ont pris ce sac et découvert, à l'intérieur de celui-ci, un ticket de recharge d'une ligne téléphonique pré-payée. La saisie de ce ticket et l'exploitation des informations qu'il contenait ont permis d'identifier les auteurs du trafic.
7. Pour rejeter l'exception de nullité présentée par M. [H], qui estimait que la fouille de ce sac poubelle et l'exploitation de son contenu, sans autorisation judiciaire, avaient porté à sa vie privée une ingérence excessive au regard des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel retient que l'atteinte ainsi portée à la vie privée du demandeur est restée modérée et proportionnée au but recherché, consistant dans la recherche de preuves susceptibles de démanteler un trafic de stupéfiants.
8. En prononçant ainsi, dès lors que la saisie, par les enquêteurs, dans le but de rechercher les auteurs d'une infraction, d'un objet découvert abandonné sur la voie publique ou dans un conteneur collectif d'ordures ménagères ne constitue pas une atteinte à la vie privée, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, nécessitant une autorisation judiciaire préalable à l'exploitation de son contenu, la cour d'appel a justifié sa décision.
9. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par l'exposant tirée de l'irrégularité des procès-verbaux de surveillance exploitant un dispositif de captation et d'enregistrement d'images sur la voie publique, alors « que, toute ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée doit faire l'objet d'un contrôle judiciaire efficace de nature à garantir sa stricte nécessité ; que la mise en place par les enquêteurs d'un dispositif de surveillance au moyen de l'exploitation d'un dispositif de captation et d'enregistrement d'images sur la voie publique constitue une ingérence dans la vie privée nécessitant l'autorisation préalable et le contrôle d'un juge ;
qu'en l'espèce, en rejetant l'exception de nullité soulevée par le conseil de l'exposant aux motifs « les photographies et leur exploitation querellées, réalisées de manière discontinues dans un lieu public ne constituent pas un « recueil systématique de données » mais s'assimilent à la surveillance des actes et déplacements d'individus dans un lieu public en utilisant un système de prises de vues sans enregistrement de données, et ne constituent pas en soi une ingérence dans la vie privée, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, le cadre de l'enquête préliminaire sous le contrôle du parquet et le but poursuivi de rechercher des preuves d'infractions à la législation sur les stupéfiants étant légal, adapté et proportionné », lorsqu'il résultait pourtant des éléments et pièces de la procédure que le dispositif de surveillance avait été mis en place sur une durée de près de trois mois, sans autorisation préalable d'un juge, la cour d'appel a méconnu les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
11. Pour rejeter l'exception de nullité tirée de ce qu'un dispositif de surveillance accompagné de la captation et de l'enregistrement d'images sur la voie publique, constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée nécessitant l'autorisation préalable et le contrôle d'un juge, l'arrêt attaqué énonce qu'à l'occasion de l'enquête préliminaire, la police a, lors de surveillances physiques, pris des clichés photographiques de M. [H].
12. Les juges relèvent que ces prises de vue ont été réalisées sur la voie publique, de manière non continue, les appareils en cause n'étant pas fixés ou installés durablement sur place et ne fonctionnant pas en permanence, compte tenu de la présence intermittente des enquêteurs.
13. Ils en concluent que les photographies et leur exploitation, réalisées de manière discontinue dans un lieu public, ne constituent pas un recueil systématique de données mais s'assimilent à la surveillance des actes et déplacements d'individus dans un lieu public en utilisant un système de prise de vues sans enregistrement de données et ne constituent ainsi pas en soi une ingérence dans la vie privée, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, le cadre de l'enquête préliminaire sous le contrôle du parquet et le but poursuivi de recherche des preuves d'infractions à la législation sur les stupéfiants étant légal, adapté et proportionné, de sorte que l'exception de nullité doit être rejetée.
14. En statuant ainsi la cour d'appel n'a pas méconnu la disposition conventionnelle visée au moyen et a justifié sa décision, les actes incriminés,
soit la prise de clichés photographiques, ne pouvant être assimilés à la mise en place d'un dispositif de captation et d'enregistrement continu d'images de personnes se trouvant dans un lieu privé, qui requiert l'autorisation préalable et le contrôle d'un juge.
15. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par l'exposant tirée de l'irrégularité de la mise en place du dispositif de sonorisation et de captation d'images, en ce qu'elle n'a pas été réalisée par un agent qualifié ou spécialement désigné, alors « qu'est irrégulière la mise en place d'un dispositif de sonorisation et de captation d'images réalisée par un agent non qualifié et non spécialement requis par le procureur de la République ; qu'en l'espèce, en rejetant l'exception de nullité soulevée par le conseil de l'exposant lorsqu'il résultait des éléments et pièces de la procédure que les agents ayant installé le dispositif en cause n'ont pas été spécialement requis et ne figurent pas sur la liste limitative des agents spécialement compétents, la cour d'appel a méconnu les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 706-96, 706-96-1, 706-95-17, 706-95-18, D. 15-1-5 du code de procédure pénale, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
17. Pour rejeter l'exception de nullité tirée de l'absence de désignation, par le procureur de la République, des officiers de police judiciaire qui ont procédé à la pose des dispositifs de sonorisation et de captation des images dans des lieux privés, la cour d'appel énonce qu'il a été recouru à ces techniques spéciales d'enquête conformément à l'autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, les dispositifs techniques nécessaires ayant été installés par deux officiers de police judiciaire appartenant au service requis par le procureur de la République pour procéder à l'enquête préliminaire dans le cadre de laquelle il a été recouru à ces techniques d'investigation.
18. Au surplus, les pièces de procédure indiquent que cette surveillance a été réalisée par un officier de police judiciaire appartenant à la sûreté départementale de [Localité 1]. Celui-ci est un service territorial de police judiciaire, au sens de l'article D. 15-1-5 du code de procédure pénale, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, l'expression de service territorial de police judiciaire n'étant pas limitée aux services déconcentrés de la direction centrale de la police judiciaire, cités par ailleurs dans le même texte.
19. En cet état, et dès lors qu'aucune disposition de la loi n'impose une désignation nominative, par le juge d'instruction ou par le procureur de la République, de l'officier ou de l'agent de police judiciaire chargé de la mise en place des dispositifs techniques prévus à l'article 706-96 du code de procédure pénale, dont l'utilisation a été autorisée par le juge des libertés et de la détention, la juridiction du second degré a justifié sa décision.
20. En conséquence le moyen doit être écarté.
21. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six avril deux mille vingt-deux. | La saisie d'un objet abandonné sur la voie publique ou dans un conteneur collectif d'ordures ménagères ne constitue pas une atteinte à la vie privée au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Justifie sa décision la cour d'appel qui rejette une exception de nullité tirée de ce que l'exploitation du contenu d'un tel objet nécessite une autorisation judiciaire préalable |
7,681 | N° Y 21-83.457 F-B
N° 00427
MAS2
6 AVRIL 2022
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 AVRIL 2022
M. [R] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 25 mars 2021, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à trente mois d'emprisonnement dont quinze mois avec sursis et cinq ans d'interdiction professionnelle, a ordonné sa convocation devant le juge d'application des peines pour un éventuel aménagement de la partie ferme de l'emprisonnement et une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [R] [X], et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 18 juin 2019, le tribunal correctionnel de Thionville a reconnu M. [R] [X] coupable d'agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à trente mois d'emprisonnement dont quinze mois avec sursis, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
3. Le prévenu, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [X] à un emprisonnement délictuel de trente mois, dit qu'il sera sursis partiellement pour une durée de quinze mois et ordonné la convocation de M. [X] devant le juge de l'application des peines pour un éventuel aménagement de la partie ferme de la peine d'emprisonnement, alors : « que l'aménagement des peines relève à titre principal de l'office du juge correctionnel qui doit soit décider de celui-ci dans ses modalités ou dans son seul principe, soit, dans les cas prévus, décerner mandat de dépôt ou mandat d'arrêt, soit, pour les peines d'au moins six mois, décerner un mandat de dépôt à effet différé, faisant obstacle à un aménagement ultérieur de la peine ; qu'afin d'exclure toute impossibilité d'aménager la peine d'emprisonnement ferme prononcée, la juridiction de jugement doit interroger le prévenu comparant sur sa situation personnelle et, le cas échéant, ordonner un ajournement de la peine aux fins d'investigations sur sa personnalité ou sa situation, en application de l'article 132-70-1 du code pénal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a prononcé une peine d'emprisonnement de trente mois, dont quinze mois assortis d'un sursis simple, s'est contentée d'ordonner
« la convocation de [R] [X] devant le juge de l'application des peines pour un éventuel aménagement de la partie ferme de la peine d'emprisonnement » ; qu'en abandonnant ainsi au juge de l'application des peines le soin de dire si la partie ferme de la peine d'emprisonnement prononcée était effectivement aménageable, quand il lui appartenait de statuer elle-même sur le principe de cet aménagement en interrogeant M. [X], présent à l'audience et, au besoin, en ajournant le prononcé de la peine aux fins d'investigation sur sa situation personnelle et familiale, la cour d'appel a violé les articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-19, dans ses rédactions antérieure et postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et 132-25 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale :
6. Il se déduit de ces textes que si la peine d'emprisonnement ferme est supérieure à un an et inférieure ou égale à deux ans au sens de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, et à deux ans lorsque les faits ont été commis avant le 24 mars 2020 (Crim., 20 octobre 2020, pourvoi n° 19-84.754, publié au Bulletin), son aménagement est le principe et le juge ne peut l'écarter que s'il constate que la situation ou la personnalité du condamné ne permettent pas son prononcé ou s'il relève une impossibilité matérielle de le faire. Dans ce cas, le juge doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.
7. Il s'ensuit que le juge ne peut refuser d'aménager la peine au motif qu'il ne serait pas en possession d'éléments lui permettant d'apprécier la mesure d'aménagement adaptée ; dans ce cas, il doit ordonner, d'une part, l'aménagement de la peine, d'autre part, la convocation du prévenu devant le juge de l'application des peines qui déterminera cette mesure, en application de l'article 464-2, I, 1° et 2°, du code de procédure pénale.
8. Après avoir condamné M. [X] à une peine d'emprisonnement dont la partie ferme est de quinze mois, la cour d'appel constate que cette peine est aménageable et qu'il n'existe aucune raison pour priver celui-ci d'une telle mesure.
9. Les juges ajoutent qu'ils ne disposent pas d'éléments suffisants, notamment au regard des conditions de logement de M. [X] pour déterminer la forme d'aménagement de la peine la plus adaptée.
10. Ils en concluent que M. [X] devra être convoqué par le juge de l'application des peines, et ordonnent cette convocation pour un éventuel aménagement de la partie ferme de l'emprisonnement.
11. En renvoyant ainsi au juge de l'application des peines la décision d'aménager la peine, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
12. En effet, dès lors que la cour d'appel estimait que ni la situation ou la personnalité du condamné, ni une impossibilité matérielle empêchaient l'aménagement de la peine, il lui appartenait, d'une part, de l'ordonner explicitement, dans son principe, et, d'autre part, soit de déterminer la forme de cet aménagement si elle obtenait les éléments d'appréciation nécessaires à cette fin, en interrogeant le prévenu présent à l'audience, soit, dans le cas inverse, d'ordonner sa convocation devant le juge de l'application des peines pour qu'il en règle les modalités conformément aux dispositions de l'article 464-2, I, 1° et 2°, précité.
13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que les autres dispositions n'encourent pas la censure.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 25 mars 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six avril deux mille vingt-deux. | Dès lors que ni la situation ou la personnalité du condamné, ni une impossibilité matérielle empêchent l'aménagement de la peine, il appartient à la juridiction correctionnelle, d'une part, de l'ordonner explicitement, dans son principe, et, d'autre part, soit de déterminer la forme de cet aménagement si elle obtient les éléments d'appréciation nécessaires à cette fin, en interrogeant le prévenu présent à l'audience, soit, dans le cas inverse, d'ordonner sa convocation devant le juge de l'application des peines pour qu'il en règle les modalités, conformément aux dispositions de l'article 464-2, I, 1° et 2°, du code de procédure pénale.
Méconnaît ce texte une cour d'appel qui, ayant prononcé une peine et constaté qu'il n'existait aucune raison pour priver le condamné d'une mesure d'aménagement, renvoie au juge de l'application des peines la décision d'aménager ou non cette peine |
7,682 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 avril 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 340 FS-B
Pourvoi n° Q 21-11.137
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022
La société Airbus, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-11.137 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2020 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Helvetia compagnie suisse d'assurances, dont le siège est [Adresse 5] (Suisse), ayant son établissement principal pour la France, [Adresse 4],
2°/ à la société Daher aérospace, dont le siège est [Adresse 2], ayant un établissement secondaire, [Adresse 6],
3°/ à la société Helvetia assurances, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations et plaidoiries de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Airbus, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat des sociétés Helvetia compagnie suisse d'assurances, Daher aérospace, et Helvetia assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mmes Bouvier, Chauve, conseillers, MM. Talabardon, Ittah, Pradel, Mme Brouzes, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 25 novembre 2020), par une lettre de voiture du 19 octobre 2018, la société Airbus a confié à la société Daher aerospace (le transporteur) le transport d'un ensemble propulsif lui appartenant, selon un itinéraire prédéfini, jusqu'à l'un de ses entrepôts. Au cours du trajet, après que le chauffeur eut dévié de l'itinéraire prévu, l'ensemble propulsif transporté a heurté la base du tablier d'un pont et a été endommagé.
2.La société Airbus a, sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, assigné devant un tribunal de grande instance le transporteur et la société Helvetia compagnie suisse d'assurances afin d'obtenir leur condamnation in solidum à lui payer une certaine somme en réparation de son préjudice. La société Helvetia assurances est intervenue volontairement à l'instance, en qualité d'assureur du transporteur, en lieu et place de la société Helvetia compagnie suisse d'assurances.
3. Le transporteur et la société Helvetia assurances ont soulevé, devant le juge de la mise en état, l'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal de commerce.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société Airbus fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant déclaré le tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance) incompétent et dit que l'affaire sera transmise au tribunal de commerce alors « que l'indemnisation d'une victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions d'ordre public de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ; que l'article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire confère au tribunal judiciaire (anciennement le tribunal de grande instance) une compétence exclusive pour connaître, à juge unique, « des litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre » ; qu'après avoir constaté que le dommage dont la société Airbus réclamait l'indemnisation était né d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule terrestre à moteur au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, ce dont il résultait que le régime d'indemnisation issu de cette loi était seul applicable et que le tribunal judiciaire était seul compétent, la cour d'appel, qui a néanmoins écarté la compétence du tribunal judiciaire au motif que la victime étant liée au défendeur par un contrat de transport, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire ensemble 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tel qu'interprété par la jurisprudence, que celle-ci instaure un régime autonome et d'ordre public d'indemnisation, excluant l'application du droit commun de la responsabilité, qu'elle soit contractuelle ou délictuelle, qui fait peser sur le conducteur du véhicule impliqué, soumis à une obligation d'assurance, la charge de cette indemnisation.
6. Cette loi, qui tend à assurer une meilleure protection des victimes d'accidents de la circulation par l'amélioration et l'accélération de leur indemnisation, dès lors qu'est impliqué un véhicule terrestre à moteur, n'a pas pour objet de régir l'indemnisation des propriétaires de marchandises endommagées à la suite d'un tel accident, survenu au cours de leur transport par le professionnel auquel elles ont été remises à cette fin, en exécution d'un contrat de transport. Les conditions et modalités de la réparation de tels préjudice, d'ordre exclusivement économique, sont déterminées par ce contrat et les dispositions du code de commerce qui lui sont applicables.
7. Aux termes de l'article L. 110-1, 5°, du code de commerce, la loi répute acte de commerce toute entreprise de transport par terre ou par eau. Selon l'article L. 132-8 du même code, la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire. Aux termes de l'article L. 721-3, 1°, de ce code, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants.
8. La cour d'appel, après avoir analysé les stipulations contractuelles liant la société Airbus et le transporteur, a retenu que la société Airbus, propriétaire de la marchandise, était partie au contrat de transport, qui constitue un acte de commerce par nature, conclu entre des sociétés commerciales.
9. Elle en a exactement déduit que seul ce contrat régissait la responsabilité du transporteur pour les dommages causés à la marchandise transportée et que l'exception d'incompétence soulevée par le transporteur devait être accueillie.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Airbus aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Airbus et la condamne à payer aux sociétés Daher aerospace, Helvetia assurances et Helvetia compagnie suisse d'assurances, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Airbus
La société SAS Airbus fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance entreprise ayant déclaré le tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance) de Toulouse incompétent et dit que l'affaire sera transmise au tribunal de commerce de Toulouse ;
Alors que l'indemnisation d'une victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions d'ordre public de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ; que l'article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire confère au tribunal judiciaire (anciennement le tribunal de grande instance) une compétence exclusive pour connaître, à juge unique, « des litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre » ; qu'après avoir constaté que le dommage dont la société Airbus réclamait l'indemnisation était né d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule terrestre à moteur au sens
de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, ce dont il résultait que le régime d'indemnisation issu de cette loi était seul applicable et que le tribunal judiciaire était seul compétent, la cour d'appel qui a néanmoins écarté la compétence du tribunal judiciaire au motif que la victime étant liée au défendeur par un contrat de transport, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire ensemble 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. | Il résulte de l'article 1 de la loi du 5 juillet 1985, tel qu'interprété par la jurisprudence, qu'elle instaure un régime d'indemnisation autonome et d'ordre public, excluant l'application du droit commun de la responsabilité, qu'elle soit contractuelle ou délictuelle, qui fait peser sur le conducteur du véhicule impliqué, soumis à une obligation d'assurance, la charge de cette indemnisation.
Cette loi, qui tend à assurer une meilleure protection des victimes d'accidents de la circulation par l'amélioration et l'accélération de leur indemnisation, dès lors qu'est impliqué un véhicule terrestre à moteur, n'a pas pour objet de régir l'indemnisation des propriétaires de marchandises endommagées à la suite d'un tel accident, survenu au cours de leur transport par le professionnel auquel elles ont été remises à cette fin, en exécution d'un contrat de transport. Les conditions et modalités de la réparation de tels préjudices, d'ordre exclusivement économique, sont déterminées par ce contrat et les dispositions du code de commerce qui lui sont applicables.
Après avoir analysé les stipulations contractuelles liant la société propriétaire de la marchandise transportée et le transporteur et retenu que cette société était partie au contrat de transport, qui constitue un acte de commerce par nature, conclu entre des sociétés commerciales, la cour d'appel en a exactement déduit que seul ce contrat régissait la responsabilité du transporteur pour les dommages causés à la marchandise transportée et que l'exception d'incompétence soulevée par le transporteur devait en conséquence être accueillie |
7,683 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 avril 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 359 F-B
Pourvoi n° B 20-19.746
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022
1°/ M. [M] [I],
2°/ Mme [C] [B], épouse [I],
3°/ Mme [L] [I],
tous trois domiciliés [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° B 20-19.746 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2020 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Citya Montchalin, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,
3°/ à la société MMA IARD,
toutes deux ayant leur [Adresse 1] et venant aux droits de la société Covea Risks,
4°/ à M. [D] [J], domicilié [Adresse 6],
5°/ à la société Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. et Mme [I] et Mme [L] [I], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Citya Montchalin, MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [J], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 juin 2020), le [Date décès 4] 2014, [V] [I], alors qu'il était assis et fumait une cigarette sur le rebord de la fenêtre de l'appartement de Mme [F], a basculé dans le vide et trouvé la mort.
2. Les parents de [V] [I], sa soeur, Mme [L] [I] et la société MACIF ont assigné devant un tribunal de grande instance M. [J], propriétaire de l'appartement où est survenu l'accident, en réparation des préjudices subis du fait de la mort de [V] [I].
3. Le bailleur a appelé en garantie la société Citya Montchalin, chargée de la gestion du logement et l'assureur de cette dernière, les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. M. [M] [I], Mme [C] [I] et Mme [L] [I] font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes à l'encontre de M. [J], alors « que seule la faute d'imprudence de la victime à l'origine exclusive de son dommage fait obstacle à la mise en oeuvre de la responsabilité du gardien d'une chose inerte ; qu'en considérant, pour écarter la responsabilité de M. [J] en sa qualité de gardien de la fenêtre par laquelle est tombé [V] [I], que ce dernier « s'est montré particulièrement imprudent et est seul à l'origine de la réalisation de son propre dommage » pour s'être assis, alcoolisé et ayant consommé du cannabis, sur un rebord de fenêtre au 5e étage ce dont toute personne normalement avisée concevrait le danger, après avoir cependant constaté que cette fenêtre se trouvait à 42 cm du sol, mesurait 80 cm de haut et 125 cm de large et ne comportait aucun garde-corps malgré l'étage élevé de l'appartement, ce dont il résultait que le comportement de [V] [I] n'était pas à l'origine exclusive de sa chute, puisque la présence d'un garde-corps l'aurait nécessairement empêchée, la cour d'appel a violé l'article 1242 du code civil dans sa version applicable issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ancien 1384 alinéa 1er du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1242, alinéa 1er, du code civil :
5. Seul le fait de la victime à l'origine exclusive de son dommage fait obstacle à l'examen de la responsabilité du gardien de la chose, prévue au texte susvisé.
6. Pour écarter la responsabilité de M.[J], l'arrêt retient qu'il y a eu une faute d'imprudence de la victime, alcoolisée et ayant consommé du cannabis, à s'asseoir en pleine nuit au 5ème étage d'un immeuble, sur un rebord de fenêtre, qui habituellement n'est pas fait pour s'asseoir, alors qu'elle ne connaissait pas les lieux, sans s'assurer qu'il n'y avait pas de risque de chute.
7. L'arrêt en déduit que la faute de la victime apparaît déterminante dans la survenance du dommage et que, par conséquent, la fenêtre, même basse et dépourvue de garde-corps, ne peut être considérée comme étant anormale, et dès lors comme instrument du dommage.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la fenêtre située au 5ème étage et à 42 cm du sol de l'appartement, était dépourvue de garde-corps susceptible d'empêcher une chute, ce dont il se déduisait que l'imprudence de la victime n'était pas la cause exclusive du dommage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 23 juin 2020, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne M. [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Citya Montchalin, les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD et M. [J] et condamne ce dernier à payer à M. et Mme [I] et Mme [L] [I] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [I] et Mme [L] [I]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [M] [I], Mme [C] [I] et Mme [L] [I] reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutés de leurs demandes formées à l'encontre de M. [J] ;
1°/ ALORS QUE la faute de la victime qui fait obstacle à la mise en oeuvre de la responsabilité du gardien d'une chose inerte doit revêtir les caractères de la force majeure, à savoir l'extériorité, l'imprévisibilité et l'irrésistibilité ; qu'en énonçant, pour refuser de mettre en jeu la responsabilité de M. [J] en sa qualité de gardien de la fenêtre par laquelle est tombé [V] [I], que ce dernier « alcoolisé et ayant consommé du cannabis s'est assis en plein nuit au 5e étage sur un rebord de fenêtre, qui, habituellement, n'est pas fait pour s'asseoir, alors qu'il ne connaissait pas les lieux », sa faute étant seule « à l'origine de la réalisation de son propre dommage » (arrêt, p. 7, §5), la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une faute présentant les caractères de la force majeure, a violé l'article 1242 du code civil dans sa version applicable issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ancien 1384 alinéa 1er du même code ;
2°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE seule la faute d'imprudence de la victime à l'origine exclusive de son dommage fait obstacle à la mise en oeuvre de la responsabilité du gardien d'une chose inerte ; qu'en considérant, pour écarter la responsabilité de M. [J] en sa qualité de gardien de la fenêtre par laquelle est tombé [V] [I], que ce dernier « s'est montré particulièrement imprudent et est seul à l'origine de la réalisation de son propre dommage » (arrêt, p. 7, § 5) pour s'être assis, alcoolisé et ayant consommé du cannabis, sur un rebord de fenêtre au 5e étage ce dont toute personne normalement avisée concevrait le danger, après avoir cependant constaté que cette fenêtre se trouvait à 42 cm du sol, mesurait 80 cm de haut et 125 cm de large et ne comportait aucun garde-corps malgré l'étage élevé de l'appartement, ce dont il résultait que le comportement de [V] [I] n'était pas à l'origine exclusive de sa chute, puisque la présence d'un garde-corps l'aurait nécessairement empêchée, la cour d'appel a violé l'article 1242 du code civil dans sa version applicable issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ancien 1384 alinéa 1er du même code ;
3°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le caractère anormal d'une chose inerte s'apprécie au regard de son état, de son comportement ou de sa position ; que présente un tel caractère la fenêtre d'un appartement situé au 5ème étage d'un immeuble d'habitation, se trouvant à 42 cm du sol, mesurant 80 cm de haut et 125 cm de large et ne comportant aucun garde-corps ; qu'en écartant le caractère anormal de la fenêtre par laquelle est tombé [V] [I], après avoir relevé qu'elle était basse pour se trouver à 42 cm du sol, qu'elle était dépourvue de garde-corps et qu'elle se situait dans un appartement au 5e étage d'un immeuble, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1242 du code civil dans sa version applicable issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ancien 1384 alinéa 1er du même code ;
4°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le caractère anormal d'une chose inerte s'apprécie au regard de son état, de son comportement ou de son positionnement, indépendamment de l'appréciation du comportement de la victime et de celui du gardien dont elle répond ; qu'en écartant le caractère anormal de la fenêtre litigieuse en raison du comportement de la victime et de l'absence de méconnaissance par M. [J] des dispositions de l'article R. 111-15 du code de la construction et de l'habitation, la cour d'appel a violé l'article 1242 du code civil dans sa version applicable issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ancien 1384 alinéa 1er du même code.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
M. [M] [I], Mme [C] [I] et Mme [L] [I] reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutés de leurs demandes formées à l'encontre de M. [J] ;
1°/ ALORS QUE les consorts [I] faisaient valoir, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, que M. [J] avait méconnu son obligation contractuelle de sécurité en louant un appartement sans installer de garde-corps à une fenêtre se trouvant à 42 cm du sol au 5ème étage d'un immeuble et que ce manquement leur avait causé un dommage ; qu'en les déboutant de leur demande au motif qu' « ils agissent sur le fondement des articles 1719 et suivants du code civil mais que s'agissant de tiers au contrat de bail, ils ne sont pas fondés à agir sur ce fondement textuel qui concerne les obligations du bailleur vis à vis du preneur uniquement », la cour d'appel, qui a rejeté leurs demandes au prétexte qu'ils auraient agi sur un fondement contractuel, a dénaturé les conclusions dont elle était saisie et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS, SUBISIDAIREMENT, QUE le bailleur est tenu d'une obligation de sécurité au profit des locataires ; que les consorts [I] faisaient valoir, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, que M. [J] avait méconnu son obligation contractuelle de sécurité en louant un appartement sans installer de garde-corps à une fenêtre se trouvant à 42 cm du sol au 5ème étage d'un immeuble et que ce manquement leur avait causé un dommage ; qu'en énonçant, pour les débouter de leurs demandes, qu'ils ne rapportaient pas la preuve que M. [J], qui avait respecté la réglementation en vigueur issue de l'article R. 111-15 du code de la construction et de l'habitation et ne gérait pas son bien, ait commis une faute, sans rechercher, comme il le lui était demandé (conclusions, p. 11 et 12), si une telle faute ne découlait pas de la méconnaissance de son obligation de sécurité de moyen indépendamment du respect de la réglementation en vigueur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1719 et suivants ensemble l'article 1240 du code civil (1382 ancien).
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
M. [M] [I], Mme [C] [I] et Mme [L] [I] reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutés de leurs demandes formées à l'encontre des sociétés Citya Montchalin, Mma Iard et Mma Iard assurances mutuelles ;
ALORS QUE l'agent immobilier qui a la gestion d'un appartement doit s'assurer que celui-ci ne présente pas de danger pour ses occupants ; que les consorts [I] faisaient valoir, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, que la société Citya Montchalin avait méconnu son obligation contractuelle d'évaluer le niveau de protection nécessaire du logement dont elle avait la gestion et de s'assurer que ce dernier ne présentait pas de danger de défenestration, ce manquement leur ayant causé un préjudice puisqu'il était à l'origine du décès de [V] [I] ; qu'en énonçant, pour les débouter de leurs demandes, qu'ils ne démontraient pas de faute de la société Citya Montchalin en l'absence de méconnaissance de l'article R. 111-15 du code de la construction et de l'habitation, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la faute de cette société ne résultait pas de la méconnaissance de son obligation de s'assurer de la sécurité de ce logement pour ses occupants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil dans sa version applicable issue de l'ordonnance précité du 10 février 2016 (1382 ancien). | Il résulte de l'article 1242 du code civil que seul le fait de la victime à l'origine exclusive de son dommage fait obstacle à l'examen de la responsabilité du gardien de la chose.
Viole le texte susvisé la cour d'appel qui retient que la victime, alcoolisée et ayant consommé du cannabis, ayant chuté depuis le 5e étage d'un immeuble après s'être assise sur le rebord d'une fenêtre, a commis une faute déterminante dans la survenance du dommage et que la fenêtre ne pouvait être considérée comme instrument du dommage, alors qu'elle constatait que la fenêtre, située à 42 centimètres du sol de l'appartement, était dépourvue de garde-corps susceptible d'empêcher une chute, ce dont il se déduisait que l'imprudence de la victime n'était pas la cause exclusive du dommage |
7,684 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 avril 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 374 F-B
Pourvoi n° U 20-20.498
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022
M. [H] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-20.498 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hauts-de-Seine, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 mai 2020), M. [V] (le médecin) exerce une activité de médecin spécialiste en médecine générale. Lors de sa première installation en exercice libéral, il a demandé à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) à être autorisé à exercer son activité en secteur à honoraires différents (dit secteur 2). Par décision du 21 avril 2016, prise après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, la caisse lui a opposé un refus au motif que la durée de son activité en tant qu'assistant spécialiste en établissement de santé privé d'intérêt collectif était insuffisante à établir une équivalence avec le titre d'ancien assistant des hôpitaux.
2. Le médecin a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses autres branches, et le second moyen, réunis
Enoncé des moyens
4. Le médecin fait grief à l'arrêt de dire qu'il ne peut être autorisé à exercer son activité en secteur 2, alors :
premier moyen
« 1°/ qu'aux termes de l'article R. 6152-537 du code de la santé publique, « pour porter le titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux ou d'ancien assistant généraliste des hôpitaux, il est nécessaire de justifier de deux années de fonctions effectives respectivement en l'une ou l'autre de ces qualités » ; qu'en retenant que pour bénéficier du titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux la réglementation imposait de justifier de deux années de fonctions effectives à temps plein, cependant que l'article R. 6152-537 du code de la santé publique n'exige nullement de justifier de l'exercice desdites fonctions à temps plein, la cour d'appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'article R. 6152-537 du code de la santé publique ;
2°/ qu'aux termes de l'article R. 6152-511-1 du code de la santé publique, relatif au recrutement des assistants des hôpitaux, « les assistants doivent avoir accompli au moins deux ans de services effectifs à temps plein avant de pouvoir être recrutés en qualité d'assistants des hôpitaux à temps partiel » ; qu'en jugeant qu'il résultait de cette disposition que pour bénéficier du titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux il fallait justifier de deux années de fonctions effectives en cette qualité à temps plein, cependant que l'article R. 6152-511-1 du code de la santé publique concerne exclusivement les conditions dans lesquelles les assistants des hôpitaux peuvent exercer leur activité à temps partiel au sein d'un établissement de santé public et nullement l'attribution du titre d'ancien assistant des hôpitaux, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 6152-511-1 du code de la santé publique ;
second moyen
1°/ que, pour déterminer si un assistant des hôpitaux a accompli deux ans de fonctions effectives à temps plein et peut ainsi bénéficier du titre d'ancien assistant des hôpitaux, le juge doit apprécier concrètement la réalité du nombre d'heures de travail effectuées par ce dernier, peu important les mentions figurant sur les documents contractuels ; qu'en affirmant, pour juger qu' « il ne peut être considéré que le médecin a accompli deux années de fonctions effectives d'assistant spécialiste à temps plein au sens de la réglementation », qu' « il importe peu que le médecin ait pu, alors qu'il travaillait pour l'Institut dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel de 80 %, assurer un service correspondant à un nombre d'heures pouvant aller jusqu'à être équivalent à un temps plein », cependant que l'exercice effectif des fonctions d'assistant des hôpitaux à temps plein pendant deux ans était déterminant en l'espèce, peu important les mentions figurant sur le contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles R. 6152-511-1 et R. 6152-537 du code de la santé publique ;
2°/ que, pour déterminer si un assistant des hôpitaux a accompli deux ans de fonctions effectives à temps plein et peut ainsi bénéficier du titre d'ancien assistant des hôpitaux, le juge doit apprécier concrètement la réalité du nombre d'heures de travail effectuées par ce dernier, peu important les mentions figurant sur les documents contractuels ; qu'en retenant, pour juger qu' « il ne peut être considéré que le médecin a accompli deux années de fonctions effectives d'assistant spécialiste à temps plein », que les bulletins de salaire produits par le médecin ne démontrent aucunement qu'il a assuré un service correspondant à un nombre d'heures équivalent à un temps plein et que « l'équivalent temps plein que le médecin revendique, s'il a pu être réalisé en terme de temps passé en tant qu'assistant spécialiste, ne se trouve vérifié ni par le contrat signé, ni par le bulletin de salaire », sans rechercher in concreto, comme elle y était invitée, s'il ressortait de l'attestation destinée à l'Assedic établie par l'employeur et de l'attestation de la chef de service du médecin que celui-ci avait en réalité travaillé à temps plein pendant deux ans, en renonçant à quarante jours de congés, qui lui ont finalement été payés en fin de contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 6152-537 et R. 6152-511-1 du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article 35.1 de la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes signée le 26 juillet 2011 et approuvée par arrêté ministériel du 22 septembre 2011, applicable au litige, peuvent être autorisés à pratiquer des honoraires différents les médecins qui sont titulaires de l'un des titres qu'il énumère, parmi lesquels figure celui d'ancien assistant des hôpitaux dont le statut est régi par les articles R. 6152-501 et suivants du code de la santé publique, acquis notamment dans les établissements publics ou par équivalence dans les établissements de santé privés d'intérêt collectif. S'agissant des titres acquis dans ces derniers établissements, leur équivalence aux titres énumérés est reconnue par la caisse primaire d'assurance maladie du lieu d'implantation du cabinet principal du médecin conformément aux décisions de la Caisse nationale d'assurance maladie, après avis du conseil national de l'ordre des médecins et, en tant que de besoin, des services ministériels compétents.
6. Aux termes de l'article R. 6152-511-1 du code de la santé publique, les assistants doivent avoir accompli au moins deux ans de services effectifs à temps plein avant de pouvoir être recrutés en qualité d'assistants des hôpitaux à temps partiel.
7. Aux termes de l'article R. 6152-537 du même code, pour porter le titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux ou d'ancien assistant généraliste des hôpitaux, il est nécessaire de justifier de deux années de fonctions effectives respectivement en l'une ou l'autre de ces qualités.
8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que pour pouvoir prétendre être autorisé à pratiquer des honoraires différents, le médecin qui invoque un titre équivalent à celui d'ancien assistant des hôpitaux acquis dans un établissement de santé privé d'intérêt collectif doit justifier de deux années de fonctions effectives à temps plein en cette qualité.
9. L'arrêt relève que le médecin a exercé entre le 29 octobre 2012 et le 31 octobre 2014 son activité de médecin spécialiste à l'Institut hospitalier franco-britannique de [Localité 3], établissement de santé privé d'intérêt collectif, que la fonction de médecin spécialiste correspond à celle d'assistant spécialiste, que jusqu'au 31 octobre 2013, il a exercé cette activité dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel (80 %) puis, du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2014, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à temps complet.
10. Il constate par ailleurs que l'équivalent temps plein que le médecin revendique ne se trouve vérifié ni par le contrat signé ni par les bulletins de salaires.
11. De ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel qui n'avait pas à s'expliquer davantage sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a exactement déduit que le médecin qui ne justifiait pas avoir accompli deux années de fonctions effectives à temps plein pour acquérir un titre équivalent à celui d'assistant spécialiste des hôpitaux, ne pouvait être autorisé à exercer en secteur à honoraires différents.
12. Les moyens ne sont, dès lors, pas fondés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. [V]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [V] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR décidé que M. [H] [V] ne peut se voir, en l'état, accorder la possibilité d'exercer son activité en secteur 2 en bénéficiant du titre d'ancien assistant des hôpitaux ;
ALORS QUE 1°), aux termes de l'article R6152-537 du code de la santé publique, « pour porter le titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux ou d'ancien assistant généraliste des hôpitaux, il est nécessaire de justifier de deux années de fonctions effectives respectivement en l'une ou l'autre de ces qualités » ; qu'en retenant que pour bénéficier du titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux la réglementation imposait de justifier de deux années de fonctions effectives à temps plein, cependant que l'article R6152-537 du code de la santé publique n'exige nullement de justifier de l'exercice desdites fonctions à temps plein, la cour d'appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'article R 6152-537 du code de la santé publique,
ALORS QUE 2°), aux termes de l'article R6152-511-1 du code de la santé publique, relatif au recrutement des assistants des hôpitaux, « les assistants doivent avoir accompli au moins deux ans de services effectifs à temps plein avant de pouvoir être recrutés en qualité d'assistants des hôpitaux à temps partiel » ; qu'en jugeant qu'il résultait de cette disposition que pour bénéficier du titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux il fallait justifier de deux années de fonctions effectives en cette qualité à temps plein, cependant que l'article R6152-511-1 du code de la santé publique concerne exclusivement les conditions dans lesquelles les assistants des hôpitaux peuvent exercer leur activité à temps partiel au sein d'un établissement de santé public et nullement l'attribution du titre d'ancien assistant des hôpitaux, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R6152-511-1 du code de la santé publique,
ALORS QUE 3°), commet un déni de justice le juge qui refuse d'examiner la question dont il est saisi et en renvoie l'examen à un tiers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que c'est sur la base des dispositions des articles R6152-511-1 et R6152-537 du code de la santé publique que « la CNAMTS, après avis du conseil national de l'ordre des médecins, a considéré que M. [V] ne pouvait bénéficier du titre d'ancien assistant des hôpitaux » et que « la cour ne peut qu'observer que l'avis du conseil national de l'ordre est émis par des praticiens qui sont mieux à même de juger du ‘travail' effectué par un médecin et de ses qualifications » (arrêt, p. 5, avant dernier §) ; qu'en se bornant ainsi à renvoyer au conseil national de l'ordre l'appréciation du travail et des qualifications de M. [V] et en refusant d'apprécier elle-même le travail et les qualifications de ce dernier, la cour a violé l'article 4 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
M. [V] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR décidé que M. [H] [V] ne peut se voir, en l'état, accorder la possibilité d'exercer son activité en secteur 2 en bénéficiant du titre d'ancien assistant des hôpitaux ;
ALORS QUE 1°), pour déterminer si un assistant des hôpitaux a accompli deux ans de fonctions effectives à temps plein et peut ainsi bénéficier du titre d'ancien assistant des hôpitaux, le juge doit apprécier concrètement la réalité du nombre d'heures de travail effectuées par ce dernier, peu important les mentions figurant sur les documents contractuels ; qu'en affirmant, pour juger qu' « il ne peut être considéré que M. [V] a accompli deux années de fonctions effectives d'assistant spécialiste à temps plein au sens de la réglementation » (arrêt, p. 6, §1), qu' « il importe peu que M. [V] ait pu, alors qu'il travaillait pour l'Institut dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel de 80%, assurer un service correspondant à un nombre d'heures pouvant aller jusqu'à être équivalent à un temps plein » (arrêt, p. 5, dernier §), cependant que l'exercice effectif des fonctions d'assistant des hôpitaux à temps plein pendant deux ans était déterminant en l'espèce, peu important les mentions figurant sur le contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles R 6152-511-1 et R 6152-537 du code de la santé publique,
ALORS QUE 2°), pour déterminer si un assistant des hôpitaux a accompli deux ans de fonctions effectives à temps plein et peut ainsi bénéficier du titre d'ancien assistant des hôpitaux, le juge doit apprécier concrètement la réalité du nombre d'heures de travail effectuées par ce dernier, peu important les mentions figurant sur les documents contractuels ; qu'en retenant, pour juger qu' « il ne peut être considéré que M. [V] a accompli deux années de fonctions effectives d'assistant spécialiste à temps plein » (arrêt, p. 6, §1), que les bulletins de salaire produits par M. [V] ne démontrent aucunement qu'il a assuré un service correspondant à un nombre d'heures équivalent à un temps plein et que « l'équivalent temps-plein que M. [V] revendique, s'il a pu être réalisé en terme de temps passé en tant qu'assistant spécialiste, ne se trouve vérifié ni par le contrat signé, ni par le bulletin de salaire » (arrêt, p. 5 dernier §), sans rechercher in concreto, comme elle y était invitée (conclusions de M. [V] p. 16 et note en délibérée de M. [V], p. 1-2), s'il ressortait de l'attestation destinée à l'Assedic établie par l'employeur et de l'attestation de la chef de service de M. [V] que celui-ci avait en réalité travaillé à temps plein pendant deux ans, en renonçant à 40 jours de congés, qui lui ont finalement été payés en fin de contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R 6152-537 et R 6152-511-1 du code de la santé publique. | Il résulte de la combinaison des articles 35.1 de la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes signée le 26 juillet 2011 et approuvée par arrêté ministériel du 22 septembre 2011, R.6152-511-1 et R.6152-537 du code de la santé publique que pour pouvoir prétendre être autorisé à pratiquer des honoraires différents, le médecin qui invoque un titre équivalent à celui d'ancien assistant des hôpitaux acquis dans un établissement de santé privé d'intérêt collectif doit justifier de deux années de fonctions effectives à temps plein en cette qualité |
7,685 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 avril 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 377 F-B
Pourvoi n° H 20-19.130
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Aquitaine, dont le siège est [Adresse 2], ayant un établissement [Adresse 1], venant aux droits du régime social des indépendants, a formé le pourvoi n° H 20-19.130 contre l'arrêt rendu le 25 février 2020 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à M. [C] [T], domicilié chez Mme [Y], [Adresse 3], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Aquitaine, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 25 février 2020), la caisse du régime social des indépendants d'Aquitaine, aux droits duquel vient l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Aquitaine (l'URSSAF), a notifié à M. [T] (le cotisant) quatre mises en demeure des 24 octobre et 11 décembre 2014 et 10 avril et 15 juin 2015 au titre des régularisations de cotisations et majorations de retard pour les années 2011, 2012 et 2013, ainsi que des cotisations des 4e trimestre 2014,1er et 2e trimestres 2015, puis lui a décerné, le 22 décembre 2015, une contrainte signifiée le 14 janvier 2016, à laquelle il a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à la décision attaquée d'annuler les mises en demeure et, par voie subséquente, la contrainte, alors, « que du seul fait de son affiliation au régime social des indépendants (RSI), le cotisant est redevable personnellement des cotisations et contributions réclamées au titre de l'exercice d'une activité professionnelle, peu important les modalités dans lesquelles il exerce son activité ; qu'en constatant d'abord que M. [T] était affilié à titre personnel au RSI du 15 mars 2005 au 11 juillet 2017 pour son activité de gérant de l'EURL [4], et en relevant ensuite que la contrainte et les mises en demeure visaient son affiliation au RSI, les périodes de cotisations et leurs montants, pour néanmoins considérer que les mises en demeure puis la contrainte délivrées aux fins de paiement desdites cotisations devaient être annulées faute pour elles de faire référence à l'EURL [4], quand le visa de la société au titre de laquelle il était affilié au RSI n'était pas nécessaire à ce qu'il puisse avoir connaissance de la nature, la cause et l'étendue de son obligation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles R. 241-2, R. 133-26 et L. 613-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, rendus applicables au recouvrement des cotisations par le régime social des indépendants par les articles L. 133-6-4, I, et L. 612-12 du même code, alors en vigueur :
4. Selon ces textes, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
5. L'arrêt énonce que les mises en demeure sont adressées à M. [T] [C] - [Adresse 5] et sont postérieures au jugement de clôture pour insuffisance d'actif de l'activité personnelle de restaurateur du cotisant et qu'il n'est pas fait mention dans les mises en demeure, ni dans la contrainte, de sa qualité de gérant de l'EURL [4] pour laquelle il est affilité au régime social des indépendants.
6. De ces constatations et énonciations, faisant ressortir que l'activité mentionnée dans les mises en demeure était erronée, la cour a exactement déduit que ni celles-ci, ni la contrainte ne pouvaient permettre au cotisant d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, de sorte que la contrainte devait être annulée.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Aquitaine aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Aquitaine
L'URSSAF Aquitaine fait grief à la décision attaquée d'AVOIR annulé les mises en demeure des 24 octobre 2014, 11 décembre 2014, 10 avril 2015, 15 juin 2015 et, par voie subséquente, la contrainte du 22 décembre 2015 notifiée à M. [T] ;
1. ALORS QUE le juge du fond doit inviter les parties à s'expliquer sur les moyens qu'il relève d'office ; qu'en l'espèce, M. [T] dans ses conclusions écrites développées à la barre n'a jamais soutenu que ni la contrainte ni les mises en demeure ne pouvaient lui permettre d'avoir connaissance de la nature de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'en retenant d'office ce motif non invoqué par le cotisant pour annuler la contrainte et les mises en demeure sans inviter l'Urssaf à s'expliquer sur cette cause de nullité des actes notifiés au cotisant, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
2. ALORS QUE du seul fait de son affiliation au Régime Social des Indépendants (RSI), le cotisant est redevable personnellement des cotisations et contributions réclamées au titre de l'exercice d'une activité professionnelle, peu important les modalités dans lesquelles il exerce son activité ; qu'en constatant d'abord que M. [T] était affilié à titre personnel au RSI du 15 mars 2005 au 11 juillet 2017 pour son activité de gérant de l'EURL [4], et en relevant ensuite que la contrainte et les mises en demeure visaient son affiliation au RSI, les périodes de cotisations et leurs montants, pour néanmoins considérer que les mises en demeure puis la contrainte délivrées aux fins de paiement desdites cotisations devaient être annulées faute pour elles de faire référence à l'EURL [4], quand le visa de la société au titre de laquelle il était affilié au RSI n'était pas nécessaire à ce qu'il puisse avoir connaissance de la nature, la cause et l'étendue de son obligation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles R 241-2, R 133-26 et L 613-1 du code de la sécurité sociale. | Fonde légalement sa décision la cour d'appel qui, faisant ressortir que l'activité mentionnée dans les mises en demeure était erronée, en déduit que ni celles-ci, ni la contrainte, ne pouvaient permettre au cotisant d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, de sorte que la contrainte devait être annulée |
7,686 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 avril 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 380 F-B
Pourvoi n° B 20-19.447
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022
La société Entreprise Dufour, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° B 20-19.447 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société [4], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société entreprise Dufour,
3°/ à la société [5], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de Mme [T] [X], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de la société Entreprise Dufour,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Entreprise Dufour, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 26 juin 2020), la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie (la caisse) a, par décisions des 18 septembre et 16 octobre 2019, soumis à une tarification propre les salariés de la société Entreprise Dufour (la société) occupant des fonctions support de nature administrative, à effet du 1er août 2019.
2. Contestant cette date, la société a saisi d'un recours la juridiction de la tarification.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'application du taux fonction support de nature administrative à compter du 1er janvier 2017, alors « que les salariés qui occupent à titre principal des fonctions support de nature administrative dans des locaux non exposés aux autres risques relevant de la même entreprise constituent, sur la demande de cette dernière, un établissement distinct soumis à une tarification propre ; que cette disposition nouvelle issue de l'arrêté du 15 février 2017 modifiant l'arrêté du 17 octobre 1995 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles s'applique à compter de son entrée en vigueur le 2 mars 2017 pour toute demande faite antérieurement au 1er janvier 2020, dès lors que la situation justifiant la création d'un établissement distinct est constituée avant cette date ; qu'en décidant que cette nouvelle tarification ne pouvait s'appliquer à la cotisante qu'à compter de sa demande du 10 juillet 2019, sans pouvoir rétroagir à une situation qui préexistait à cette demande, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'arrêté du 15 février 2017 modifiant l'arrêté du 17 octobre 1995 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles. »
4. Selon l'article 1er, III, de l'arrêté du 17 octobre 1995 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles, dans sa rédaction modifiée par l'arrêté du 15 février 2017, applicable au litige, les salariés des entreprises mentionnées aux 1° et 3° des articles D. 242-6-2 et D. 242-30 constituent, sur demande de l'entreprise, un établissement distinct soumis à une tarification propre lorsqu'ils occupent à titre principal des fonctions support de nature administrative dans des locaux non exposés aux autres risques relevant de la même entreprise.
5. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 15 février 2017, les dispositions de l'article 1er s'appliquent aux demandes formées postérieurement à son entrée en vigueur.
6. Il en résulte que la tarification propre prévue par le premier de ces textes s'applique à compter de la demande formée conformément au second.
7. Ayant constaté que la société avait formé sa demande le 10 juillet 2019, la cour d'appel en a exactement déduit que la société ne pouvait bénéficier de la tarification propre pour une période antérieure à cette date.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Entreprise Dufour aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Entreprise Dufour et la condamne à payer à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Entreprise Dufour
L'arrêt attaqué par la société DUFOUR encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande de la société DUFOUR visant à voir juger que le taux fonction support de nature administrative doit s'appliquer à compter du 1er janvier 2017 aux salariés relevant de la section d'établissement 03 sous le risque 453AF ;
ALORS QUE les salariés qui occupent à titre principal des fonctions support de nature administrative dans des locaux non exposés aux autres risques relevant de la même entreprise constituent, sur la demande de cette dernière, un établissement distinct soumis à une tarification propre ; que cette disposition nouvelle issue de l'arrêté du 15 février 2017 modifiant l'arrêté du 17 octobre 1995 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles s'applique à compter de son entrée en vigueur le 2 mars 2017 pour toute demande faite antérieurement au 1er janvier 2020, dès lors que la situation justifiant la création d'un établissement distinct est constituée avant cette date ; qu'en décidant en l'espèce que cette nouvelle tarification ne pouvait s'appliquer à la société DUFOUR qu'à compter de sa demande du 10 juillet 2019, sans pouvoir rétroagir à une situation qui préexistait à cette demande, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'arrêté du 15 février 2017 modifiant l'arrêté du 17 octobre 1995 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles. | Selon l'article 1, III, de l'arrêté du 17 octobre 1995 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles, dans sa rédaction modifiée par l'arrêté du 15 février 2017, applicable au litige, les salariés des entreprises mentionnées aux 1° et 3° des articles D. 242-6-2 et D. 242-30 constituent, sur demande de l'entreprise, un établissement distinct soumis à une tarification propre lorsqu'ils occupent à titre principal des fonctions support de nature administrative dans des locaux non exposés aux autres risques relevant de la même entreprise.
Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 15 février 2017, les dispositions de l'article 1 s'appliquent aux demandes formées postérieurement à son entrée en vigueur.
Il en résulte que la tarification propre prévue par le premier de ces textes s'applique à compter de la demande formée conformément au second |
7,687 | CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 avril 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 388 F-B
Pourvoi n° P 20-20.930
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022
La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2], dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 20-20.930 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à M. [O] [V], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 17 septembre 2020), à la suite d'un contrôle de la facturation de l'activité de M. [V], infirmier exerçant à titre libéral (le professionnel de santé), portant sur le 2e trimestre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2] (la caisse) lui a notifié, le 8 juin 2016, un indu.
2. Le professionnel de santé a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler la notification d'indu du 8 juin 2016, alors :
« 1°/ que la caisse rapporte la preuve de l'indu qu'elle réclame à un professionnel de santé, au moyen des tableaux qu'elle établit aux fins de permettre à ce dernier de connaître la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ; qu'il appartient alors au professionnel de santé d'apporter des éléments pour contester l'inobservation des règles de facturation et de tarification retenue par la caisse à son encontre ; qu'en reprochant à la caisse de ne produire aucun élément, et notamment aucune prescription, justifiant de la réalité de l'indu visé aux tableaux versés aux débats, les juges du fond ont violé les articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale et 1353 nouveau du code civil ;
2°/ que plus subsidiairement, faute de s'expliquer sur le point de savoir si, eu égard à la teneur des tableaux, lesquels mentionnaient, pour chaque anomalie, l'identité de l'assuré, la nature de l'acte, le montant remboursé, les numéros de lot et de facture, la date de mandatement et la date des soins et indiquaient, pour chaque groupe d'anomalies, le motif de l'indu, la caisse n'établissait pas la nature et le montant de l'indu, de sorte qu'il appartenait au professionnel de santé d'apporter des éléments pour contester l'inobservation des règles de facturation et de tarification retenue par la caisse à son encontre, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale et 1353 nouveau du code civil ;
3°/ qu'en tout état, interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en omettant la mention du motif de l'indu, lorsqu'ils ont listé les mentions figurant sur les tableaux produits par la caisse, les juges du fond ont en tout état dénaturé lesdits tableaux. »
Réponse de la Cour
4. Il appartient à l'organisme social qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, d'établir l'existence du paiement d'une part, son caractère indu d'autre part.
5. Conformément à l'article 1358 du code civil, cette preuve peut être rapportée par tout moyen.
6. L'arrêt relève que le tableau produit aux débats par la caisse ne permet pas à la cour d'appel de déterminer la réalité des indus réclamés. Il ajoute que la caisse affirme que le professionnel de santé a facturé des majorations de nuit, de dimanche et de jours fériés alors qu'il n'était pas prescrit une exécution de nuit ou une exécution quotidienne mais ne le démontre pas et qu'il en est de même concernant les indemnités kilométriques et les pathologies non prises en charge à 100 %.
7. C'est dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle que la cour d'appel a estimé, sans inverser la charge de la preuve ni dénaturer les documents produits, que la caisse ne rapportait pas la preuve du caractère indu des paiements litigieux.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2]
L'arrêt attaqué par la Caisse encourt la censure ;
EN CE QU' il a, confirmant le jugement, annulé la notification d'indu adressé par la Caisse à M. [V] le 8 juin 2016 et débouté la Caisse de l'ensemble de ses demandes ;
ALORS QUE, premièrement, la Caisse rapporte la preuve de l'indu qu'elle réclame à un professionnel de santé, au moyen des tableaux qu'elle établit aux fins de permettre à ce dernier de connaître la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ; qu'il appartient alors au professionnel de santé d'apporter des éléments pour contester l'inobservation des règles de facturation et de tarification retenue par la Caisse à son encontre ; qu'en reprochant à la Caisse de ne produire aucun élément, et notamment aucune prescription, justifiant de la réalité de l'indu visé aux tableaux versés aux débats, les juges du fond ont violé les articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale et 1353 nouveau [1315 ancien] du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, et plus subsidiairement, faute de s'expliquer sur le point de savoir si, eu égard à la teneur des tableaux, lesquels mentionnaient, pour chaque anomalie, l'identité de l'assuré, la nature de l'acte, le montant remboursé, les numéros de lot et de facture, la date de mandatement et la date des soins et indiquaient, pour chaque groupe d'anomalies, le motif de l'indu, la Caisse n'établissait pas la nature et le montant de l'indu, de sorte qu'il appartenait au professionnel de santé d'apporter des éléments pour contester l'inobservation des règles de facturation et de tarification retenue par la Caisse à son encontre, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale et 1353 nouveau [1315 ancien] du code civil.
ALORS QUE, troisièmement, et en tout état, interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en omettant la mention du motif de l'indu, lorsqu'ils ont listé les mentions figurant sur les tableaux produits par la Caisse, les juges du fond ont en tout état dénaturé lesdits tableaux (v. prod. n°7). | Il appartient à l'organisme social qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, d'établir l'existence du paiement d'une part, son caractère indu d'autre part.
Conformément à l'article 1358 du code civil, cette preuve peut être rapportée par tout moyen.
C'est dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle qu'une cour d'appel estime que la caisse ne rapporte pas la preuve du caractère indu des paiements litigieux |
7,688 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 avril 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 397 F-B
Pourvoi n° T 20-22.360
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022
Le Pôle emploi [Localité 4], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-22.360 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [B] [C], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat du Pôle emploi [Localité 4], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [C], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 17 septembre 2020) et les productions, M. [C] (l'allocataire) a perçu entre 2008 et 2011, des allocations d'aide au retour à l'emploi et d'aide au retour à l'emploi formation. A la suite d'un contrôle de gendarmerie, il a fait l'objet de poursuites pénales du chef de déclarations mensongères à une administration publique en vue d'obtenir un avantage indu. Par un jugement définitif du 3 juillet 2014, il a été relaxé des fins de la poursuite. La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a, par décision administrative du 2 septembre 2013, supprimé, avec effet rétroactif au 1er février 2008, son droit à l'allocation chômage.
2. Le Pôle emploi [Localité 5], aux droits duquel vient le Pôle emploi [Localité 4] (le Pôle emploi), a fait assigner l'allocataire le 27 novembre 2014 devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir la restitution des allocations chômage indûment versées.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le Pôle emploi fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande de remboursement de l'indu, alors :
« 1°/ que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque la demande est fondée sur une cause différente de celle qui a fait l'objet d'un précédent jugement ; qu'il s'ensuit que l'autorité de chose jugée attachée au jugement relaxant un allocataire du chef de fraude pour l'allocation de prestations indues n'interdit pas au Pôle emploi de se prévaloir d'une fraude ou d'une fausse déclaration de sa part pour exercer pendant dix ans devant les juridictions civiles une action en répétition des allocations indûment versées, sur le fondement d'une décision administrative excluant l'allocataire du bénéfice du revenu de remplacement ; qu'en affirmant qu'en l'état de la décision du tribunal correctionnel devenue définitive, le Pôle emploi ne pouvait revendiquer un délai de prescription de dix ans au motif de déclarations mensongères, fausses ou frauduleuses, la cour d'appel a violé l'ancien article 1351 devenu l'article 1355 du code civil, ensemble l'article L. 5422-5 du code du travail ;
2°/ que l'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par dix ans, en cas de fraude ou de fausse déclaration ; qu'il s'ensuit que même en l'absence d'une fraude en vue d'obtenir une allocation d'assurance-chômage, le fait, pour un bénéficiaire des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, de ne pas déclarer à l'institution gestionnaire du régime d'assurance-chômage, l'exercice d'une activité professionnelle caractérise une fausse déclaration permettant à cette institution d'agir en remboursement des allocations indues pendant dix ans à compter de leur versement ; qu'en décidant que l'institution gestionnaire du régime d'assurance-chômage n'était pas fondé à soutenir que la fraude de l'allocataire l'autorisait à agir en répétition des allocations indûment versées depuis dix ans dès lors qu'il avait été relaxé du chef de fraude pour l'obtention d'allocations indues, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à exclure l'existence d'une fausse déclaration autorisant Pôle emploi à agir pendant dix ans ; qu'ainsi, elle a violé l'ancien article 1351 devenu l'article 1355 du code civil, ensemble l'article L. 5422-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article L. 5422-5 du code du travail, l'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par trois ans. En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans. Les délais courent à compter du jour de versement de ces sommes.
5. Il résulte de l'article 441-6, alinéa 2, du code pénal, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, applicable au litige, que le fait, pour un bénéficiaire des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, de ne pas déclarer à Pôle emploi l'exercice d'une activité professionnelle caractérise la fraude en vue d'obtenir lesdites allocations.
6. Il résulte des articles 1351, devenu 1355, du code civil, et 480 du code de procédure civile, que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé.
7. Il résulte de la combinaison de ces textes que la relaxe prononcée du chef du délit prévu par l'article 441-6, alinéa 2, du code pénal à l'égard de l'allocataire par un jugement définitif est revêtue, au civil, de l'autorité absolue quant à l'absence de fraude ou de fausse déclaration de cet allocataire, au sens de l'article L. 5422-5 du code du travail.
8. Ayant constaté que l'allocataire avait été relaxé des poursuites dont il faisait l'objet du chef de déclarations mensongères à une administration publique en vue d'obtenir un avantage indu, par un jugement définitif, la cour d'appel en a exactement déduit que le Pôle emploi ne pouvait prétendre que le délai de prescription applicable à son action en remboursement était de dix ans, et que celui-ci ayant exercé son action en remboursement plus de trois ans à compter du versement des sommes réclamées, il n'était pas recevable à agir en raison de la prescription.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Pôle emploi [Localité 4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Pôle emploi [Localité 4] et le condamne à payer à M. [C] la somme de 345 euros, et à la SAS [3] la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour le Pôle emploi [Localité 4]
POLE EMPLOI [Localité 4] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable comme étant prescrite l'action qu'il avait formée contre M. [C], en vue d'obtenir le remboursement des allocations indûment versées depuis plus de trois ans ;
1. ALORS QUE l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque la demande est fondée sur une cause différente de celle qui a fait l'objet d'un précédent jugement ; qu'il s'ensuit que l'autorité de chose jugée attachée au jugement relaxant un allocataire du chef de fraude pour l'allocation de prestations indues n'interdit pas au POLE EMPLOI de se prévaloir d'une fraude ou d'une fausse déclaration de sa part pour exercer pendant dix ans devant les juridictions civiles une action en répétition des allocations indument versées, sur le fondement d'une décision administrative excluant l'allocataire du bénéfice du revenu de remplacement ; qu'en affirmant qu'en l'état de la décision du tribunal correctionnel devenue définitive, POLE EMPLOI [Localité 4] ne pouvait revendiquer un délai de prescription de dix ans au motif de déclarations mensongères, fausses ou frauduleuses, la cour d'appel a violé l'ancien article 1351 devenu l'article 1355 du code civil, ensemble l'article L. 5422-5 du code du travail ;
2. ALORS QUE l'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par dix ans, en cas de fraude ou de fausse déclaration ; qu'il s'ensuit que même en l'absence d'une fraude en vue d'obtenir une allocation d'assurance-chômage, le fait, pour un bénéficiaire des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, de ne pas déclarer à l'institution gestionnaire du régime d'assurance-chômage, l'exercice d'une activité professionnelle caractérise une fausse déclaration permettant à cette institution d'agir en remboursement des allocations indues pendant dix ans à compter de leur versement ; qu'en décidant que l'institution gestionnaire du régime d'assurance-chômage n'était pas fondé à soutenir que la fraude de M. [C] l'autorisait à agir en répétition des allocations indûment versées depuis dix ans dès lors qu'il avait été relaxé du chef de fraude pour l'obtention d'allocations indues, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à exclure l'existence d'une fausse déclaration autorisant POLE EMPLOI à agir pendant dix ans ; qu'ainsi, elle a violé l'ancien article 1351 devenu l'article 1355 du code civil, ensemble l'article L. 5422-5 du code du travail. | Aux termes de l'article L. 5422-5 du code du travail, l'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par trois ans. En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans. Les délais courent à compter du jour de versement de ces sommes.
La relaxe prononcée à l'égard du bénéficiaire des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, par jugement définitif, du chef du délit de déclarations mensongères à une administration publique en vue d'obtenir un avantage indu étant revêtue, au civil, de l'autorité absolue de chose jugée quant à l'absence de fraude ou de fausse déclaration de cet allocataire, l'action en remboursement des allocations d'assurance chômage indûment versées se prescrit dès lors par trois ans à compter du jour du versement de ces sommes |
7,689 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 avril 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 400 F-B
Pourvoi n° W 20-21.719
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [H] [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 10 septembre 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022
Mme [H] [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-21.719 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section : personnes handicapées) (CNITAAT), dans le litige l'opposant à la maison départementale des personnes handicapées de la Seine-Maritime, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de Mme [T], de la SCP Gaschignard, avocat de la maison départementale des personnes handicapées de la Seine-Maritime, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 27 juin 2019), Mme [T] (l'allocataire), bénéficiaire de l'allocation compensatrice tierce personne sur la période du 1er août 2009 au 31 juillet 2014, a demandé le 17 septembre 2014 le renouvellement de cette allocation. La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la maison départementale des personnes handicapées de la Seine-Maritime ayant rejeté cette demande au motif qu'elle était en rupture de droits depuis le 31 juillet 2014, et instruit sa demande de prestation de compensation du handicap, l'assurée a saisi la juridiction du contentieux de l'incapacité.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. L'allocataire fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors :
« 1°/ qu'il n'y a pas de forclusion sans texte ; que les bénéficiaires de l'allocation compensatrice prévue au chapitre V du titre IV du livre II du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 en conservent le bénéfice tant qu'ils en remplissent les conditions d'attribution ; que la demande de renouvellement de l'allocation compensatrice n'est assortie par la loi d'aucun délai ; qu'en considérant cependant que l'allocataire qui était bénéficiaire de l'allocation compensatrice l'avait nécessairement « perdue » du fait de l'absence de demande de renouvellement avant le 31 juillet 2014, la cour d'appel a violé ensemble le principe susvisé et les articles 95 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, L. 245-1 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 et R. 245-32 dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;
2°/ que la personne qui était bénéficiaire de l'allocation compensatrice pour tierce personne prévue par l'article L. 245-1 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 peut, en lieu et place de cette allocation, demander le bénéfice de la prestation de compensation prévue par la loi nouvelle à chaque demande de renouvellement du droit à l'allocation compensatrice ; que cette option est exercée par la personne bénéficiaire, préalablement informée des montants respectifs de l'allocation et de la prestation auxquels elle peut avoir droit ; qu'en l'espèce, l'allocataire faisait valoir qu'elle n'avait pas été informée des droits respectifs pour faire sa demande de renouvellement ; qu'en considérant que l'allocataire avait « perdu » le droit d'option, sans examiner si elle avait été dûment informée, la cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles 95 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, L. 245-1 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 et R. 245-32 dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005. »
Réponse de la Cour
3. Selon l'article 95, I, de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, les bénéficiaires de l'allocation compensatrice prévue au chapitre V du titre IV du livre II du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction antérieure à la présente loi en conservent le bénéfice tant qu'ils en remplissent les conditions d'attribution. Ils ne peuvent cumuler cette allocation avec la prestation de compensation. Ils peuvent toutefois opter pour le bénéfice de la prestation de compensation, à chaque renouvellement de l'attribution de l'allocation compensatrice. Ce choix est alors définitif. Lorsque le bénéficiaire n'exprime aucun choix, il est présumé vouloir désormais bénéficier de la prestation de compensation.
4. Aux termes de l'article R. 245-32 du code de l'action sociale et des familles, toute personne bénéficiaire de l'allocation compensatrice, prévue à l'article L. 245-1 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, peut demander le bénéfice de la prestation de compensation. Lorsque cette demande de prestation est formulée à la date d'échéance de renouvellement du droit à l'allocation compensatrice, l'option mentionnée à l'article 95 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 est exercée par la personne bénéficiaire, préalablement informée des montants respectifs de l'allocation et de la prestation auxquels elle peut avoir droit.
5. Il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l'allocation compensatrice qui n'en sollicite pas le renouvellement à son échéance en perd le bénéfice au profit de la prestation de compensation du handicap, sans que l'organisme social ne soit tenu de l'informer préalablement des montants respectifs de l'allocation et de la prestation auxquels il peut avoir droit.
6. Ayant constaté que le renouvellement de l'allocation compensatrice n'avait pas été sollicité à sa date d'échéance du 31 juillet 2014, la cour d'appel en a exactement déduit que l'allocataire en avait perdu le bénéfice à la date de sa demande du 17 septembre 2014.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour Mme [T]
Madame [T] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit qu'elle ne pouvait plus bénéficier de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) après le 31 juillet 2014, et qu'elle a perdu le droit d'option prévu par l'article 95 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005,
Alors que 1°) il n'y a pas de forclusion sans texte ; que les bénéficiaires de l'allocation compensatrice prévue au chapitre V du titre IV du livre II du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 en conservent le bénéfice tant qu'ils en remplissent les conditions d'attribution ; que la demande de renouvellement de l'allocation compensatrice n'est assortie par la loi d'aucun délai ; qu'en considérant cependant que Madame [T] qui était bénéficiaire de l'allocation compensatrice l'avait nécessairement « perdue » du fait de l'absence de demande de renouvellement avant le 31 juillet 2014, la cour d'appel a violé ensemble le principe susvisé et les articles 95 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, L. 245-1 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 et R. 245-32 dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;
Alors que 2°) la personne qui était bénéficiaire de l'allocation compensatrice pour tierce personne prévue par l'article L. 245-1 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 peut, en lieu et place de cette allocation, demander le bénéfice de la prestation de compensation prévue par la loi nouvelle à chaque demande de renouvellement du droit à l'allocation compensatrice ; que cette option est exercée par la personne bénéficiaire, préalablement informée des montants respectifs de l'allocation et de la prestation auxquels elle peut avoir droit ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir qu'elle n'avait pas été informée des droits respectifs pour faire sa demande de renouvellement (v. conclusions p. 7) ; qu'en considérant que Madame [T] avait « perdu » le droit d'option, sans examiner si elle avait été dûment informée, la cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles 95 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, L. 245-1 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 et R. 245-32 dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005. | Il résulte des articles 95, I, de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, et R. 245-32 du code de l'action sociale et des familles que le bénéficiaire de l'allocation compensatrice qui n'en sollicite pas le renouvellement à son échéance en perd le bénéfice au profit de la prestation de compensation du handicap, sans que l'organisme social ne soit tenu de l'informer préalablement des montants respectifs de l'allocation et de la prestation auxquels il peut avoir droit |
7,690 | CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 avril 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 401 F-B
Pourvoi n° R 20-18.310
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-18.310 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale et du contentieux de la tarification), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 29 mai 2020), la société [3] (la société) ayant demandé le 18 juin 2019, plus de deux mois après la notification de son taux de cotisation 2019, le retrait de son compte employeur 2017 des incidences financières de la maladie de l'un de ses salariés et leur inscription sur le compte spécial, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie lui a opposé la forclusion de son recours.
2. La société a saisi d'un recours la juridiction de la tarification.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risque par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail ; que la décision de notification du taux de cotisation n'acquiert donc un caractère définitif qu'à compter de sa notification pour l'année en cours et n'interdit pas à l'employeur de contester l'imputation sur son compte employeur de dépenses relatives à un sinistre lorsque ces dépenses sont susceptibles d'avoir une incidence sur les taux de la cotisation pour d'autres exercices qui ne lui ont pas été notifiés ; qu'au cas présent, après avoir expressément constaté que la maladie de la victime avait une incidence sur le taux de cotisation 2019 notifié à l'employeur, mais également sur ceux des années 2020 et 2021, qui ne lui avaient pas encore été notifiés, la cour d'appel a jugé que « la recevabilité de la contestation des coûts litigieux suppose que la contestation du taux 2019 ne soit pas atteinte de forclusion », pour considérer que l'employeur n'était pas recevable ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'employeur était recevable à contester l'imputation sur son compte employeur des dépenses afférentes à la maladie litigieuse dès lors qu'elles devaient être prises en compte pour le calcul des taux de cotisation pour les exercices 2020 et 2021 qui ne lui avaient pas été notifiés et n'avaient pas acquis un quelconque caractère définitif à son égard, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles L. 242-5 et R. 142-13-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-5 et R. 142-13-2 du code de la sécurité sociale, le second dans sa rédaction issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, applicable au litige :
5. Selon le premier de ces textes, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risques par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'après les règles fixées par décret.
6. Selon le second, le recours de l'employeur mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 242-5 et à l'article L. 242-7, est introduit dans le délai de deux mois à compter de la date de réception de la notification par cette caisse de sa décision concernant les taux de cotisation.
7. L'arrêt retient que le taux de cotisation 2019 ayant été notifié par courrier du 1er janvier reçu le 11 janvier 2019 et qu'aucun recours n'ayant été adressé à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail dans le délai de deux mois de cette notification, la forclusion de la contestation de ce taux entraîne l'irrecevabilité de la contestation de l'inscription au compte employeur 2017 des coûts de la maladie de son salarié ainsi que de la demande d'inscription de ceux-ci au compte spécial.
8. En statuant ainsi, alors que l'employeur est en droit de contester l'imputation des conséquences d'une maladie professionnelle à son compte employeur sans que puisse lui être opposée la forclusion de la contestation du dernier taux de cotisation notifié et sans qu'il ait à attendre la notification des taux à venir, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que le taux de cotisation 2019 de l'établissement 451329908 03973 de la société [3] est devenu définitif, l'arrêt rendu le 29 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [3]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit le taux de cotisations 2019 de l'établissement 451329908 03973 de la société [3] était devenu définitif faute de recours gracieux ou contentieux de la part de cette dernière dans le délai de deux mois de la notification de ce taux et d'avoir déclaré par voie de conséquence irrecevable la contestation par l'inscription au compte employeur 2017 de son établissement 451329908 03973 des coûts de la maladie ressortissant du tableau n°42 déclarée par Monsieur [M] ainsi que la demande de cette société en inscription au compte spécial ;
1°) ALORS QUE l'employeur est recevable à demander l'imputation au compte spécial des dépenses relatives à une maladie inscrite sur son compte employeur sans que ne puisse lui être opposé le délai de forclusion de deux mois pour contester le calcul du taux annuel qui lui a été notifié ; qu'au cas présent, la société [3] a formé une action tendant à obtenir le retrait de son compte employeur 2017 des conséquences de la maladie de M. [M] et leur imputation au compte spécial ; que pour rejeter ce recours, la cour d'appel d'Amiens a considéré que cette action était forclose, à défaut pour l'employeur d'avoir formé un recours dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de son taux de cotisation pour l'année 2019 ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'action dont elle était saisie portait sur l'inscription du coût afférent à une maladie professionnelle au compte spécial et au retrait d'un compte employeur et qu'une telle demande n'est pas soumise au délai de forclusion de deux mois courant à compter de la notification du taux de cotisation AT-MP, la cour d'appel a violé les articles L. 242-5 et R. 142-13-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige issue du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risque par la CARSAT ; que la décision de notification du taux de cotisation n'acquiert donc un caractère définitif qu'à compter de sa notification pour l'année en cours et n'interdit pas à l'employeur de contester l'imputation sur son compte employeur de dépenses relatives à un sinistre lorsque ces dépenses sont susceptibles d'avoir une incidence sur les taux de la cotisation pour d'autres exercices qui ne lui ont pas été notifiés ; qu'au cas présent, après avoir expressément constaté que la maladie de M. [M] avait une incidence sur le taux de cotisation 2019 notifié à l'employeur, mais également sur ceux des années 2020 et 2021, qui ne lui avaient pas encore été notifiés, la cour d'appel a jugé que « la recevabilité de la contestation des coûts litigieux suppose que la contestation du taux 2019 ne soit pas atteinte de forclusion » (arrêt p. 4), pour considérer que l'employeur n'était pas recevable ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'employeur était recevable à contester l'imputation sur son compte employeur des dépenses afférentes à la maladie litigieuse dès lors qu'elles devaient être prises en compte pour le calcul des taux de cotisation pour les exercices 2020 et 2021 qui ne lui avaient pas été notifiés et n'avaient pas acquis un quelconque caractère définitif à son égard, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles L. 242-5 et R. 142-13-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige issue du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018. | Selon l'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risques par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) suivant des règles fixées par décret.
Selon l'article R. 142-13-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, applicable au litige, le recours de l'employeur mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 242-5 et à l'article L. 242-7, est introduit dans le délai de deux mois à compter de la date de réception de la notification par cette caisse de sa décision concernant les taux de cotisation.
L'employeur est en droit de contester l'imputation des conséquences d'une maladie professionnelle à son compte employeur sans que puisse lui être opposée la forclusion de la contestation du dernier taux de cotisation qui lui a été notifié et sans qu'il ait à attendre la notification des taux à venir |
7,691 | N° G 21-83.696 F-B
N° 00443
ECF
12 AVRIL 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 AVRIL 2022
La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 19 avril 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 2 mai 2018, n° 17-81.643), dans la procédure suivie contre elle du chef d'infractions au code de l'environnement, a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [2], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'association [1], partie civile, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société [2] (la société) a été poursuivie du chef d'abandon et de dépôt illégal de déchets dangereux, pour avoir, entre le 1er janvier 2002 et le 31 janvier 2006, sur le territoire de plusieurs communes du Calvados, déversé des résidus de broyage automobile dans des sites non habilités pour les recevoir.
3. Les premiers juges ont constaté l'extinction de l'action publique du fait de la prescription et déclaré l'association [1] (le [1]) irrecevable en sa constitution de partie civile.
4. Le [1] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
5. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique, alors :
« 1°/ que le point de départ du délai de prescription du délit de dépôt illégal de déchet dangereux ne saurait être reporté au jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement de l'action publique prétexte pris qu'il était dissimulé lorsque ce délit a été commis plus de trois ans l'entrée en vigueur de l'article 9-1 du code de procédure pénale issu de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 ; qu'en l'espèce où les faits poursuivis ont été commis entre le 1er janvier 2002 et le 31 janvier 2006, la cour d'appel, en reportant le point de départ du délai de prescription au mois d'octobre 2008, date de la dénonciation des faits commis sur le site de Versainville par une association de défense de l'environnement parce que le dépôt des déchets dangereux sur ce site avait été dissimulé, a méconnu les articles 112-2, 4° du code pénal, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué énonce que si, en principe, le point de départ doit être fixé au jour de la commission de l'infraction, il en va différemment en cas d'infractions occultes ou dissimulées.
8. Les juges ajoutent que la société a été poursuivie pour avoir déposé ou fait déposer des déchets dangereux de résidus de broyage automobile sur différents sites entre mai 2002 et le 31 janvier 2006.
9. Ils relèvent que cette activité avait un caractère occulte se traduisant par la dissimulation du dépôt de ces déchets dangereux, certains étant enfouis comme sur le premier site visé par la plainte, d'autres dissimulés sous une quarantaine de centimètres de remblais, d'autres encore servant eux-mêmes de remblais sur un terrain destiné à être cultivé.
10. Ils retiennent que l'existence de ces déchets était ignorée des utilisateurs de ces terrains, leur présence dans les remblais n'apparaissant pas sur les factures et les enquêteurs n'ayant pu retracer leur cheminement et leur importance qu'à travers la comptabilité analytique de la société.
11. Ils en déduisent que le point de départ de la prescription doit être fixé au mois d'octobre 2008, date de la dénonciation des faits par une association de défense de l'environnement concernant un des sites et qui a amené la découverte des déchets sur les autres sites.
12. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
13. En effet, le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir, en cas de dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l'infraction, qu'à partir du jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice des poursuites.
14. Ainsi, le moyen doit être écarté.
15. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que la société [2] devra payer à l'association [1] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze avril deux mille vingt-deux. | Si le délit prévu par l'article L. 541-6 du code de l'environnement, consistant à abandonner, déposer ou faire déposer des déchets dans des conditions contraires aux dispositions du même code, est une infraction qui se prescrit à compter du jour où les faits la consommant ont été commis, le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir, lorsque les actes irréguliers ont été dissimulés ou accomplis de manière occulte, qu'à partir du jour où ils sont apparus et ont pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice des poursuites |
7,692 | N° V 22-80.284 FS- B
N° 00553
GM
12 AVRIL 2022
CASSATION
M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 AVRIL 2022
M. [X] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 30 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et associations de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [X] [J], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, M. Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, M. Michon, conseillers référendaires, M. Lemoine, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en cause pour son implication à la tête d'un important réseau de trafic de stupéfiants, M. [X] [J] a fait l'objet d'un mandat d'arrêt international délivré contre lui des chefs susvisés par le juge d'instruction le 7 décembre 2020.
3. M. [J] a été interpellé à Dubaï (Etat des Emirats arabes unis) le 18 février 2021.
4. Remis aux autorités françaises, l'intéressé a comparu le 15 décembre 2021 devant le magistrat instructeur, qui l'a mis en examen des chefs susvisés.
5. Il a fait l'objet d'une mesure d'incarcération provisoire le même jour, puis, par ordonnance en date du 17 décembre 2021, a été placé en détention provisoire sous mandat de dépôt criminel.
6. M. [J] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire après avoir écarté le grief pris de la violation du principe de spécialité, alors :
« 1°/ que l'individu extradé ne peut être détenu pour une infraction antérieure à la remise, autre que celle ayant motivé l'extradition ; qu'en jugeant régulière la comparution de M. [J] devant le juge des libertés et de la détention aux motifs qu'il comparaissait pour des infractions visées dans le mandat d'arrêt sur le fondement duquel il avait été arrêté, lorsque seul le décret d'extradition, absent au dossier de la procédure, pouvait permettre de s'assurer des infractions en vertu desquelles l'intéressé avait été remis à la France, la chambre de l'instruction a violé le principe de spécialité ensemble les articles 12 de la convention d'extradition du 2 mai 2007 entre la France et les Emirats-Arabes-Unis et 591 du code de procédure pénale ;
2°/ que préalablement au débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, l'absence au dossier de la procédure du décret d'extradition en vertu duquel une personne a été remise à la France fait nécessairement grief à cette dernière en ce qu'elle est empêchée de vérifier que son éventuel placement en détention interviendra sur le fondement d'une infraction pour laquelle elle été remise à l'Etat requérant, qu'en jugeant le contraire la chambre de l'instruction a violé le principe de spécialité ensemble les articles 12 de la convention d'extradition du 2 mai 2007 entre la France et les Emirats-Arabes-Unis, 802 et 591 du code de procédure pénale.
3°/ que le mis en examen qui comparait devant le juge des libertés et de la détention doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, et notamment pouvoir prendre connaissance de l'entier dossier de la procédure ; qu'en refusant de faire droit à la demande de renvoi de l'affaire à une audience ultérieure en vue de permettre la communication du décret d'extradition au dossier de la procédure et ainsi de permettre à M. [J] de connaître les infractions en vertu desquelles le juge des libertés et de la détention se prononçait, la chambre de l'instruction a violé les articles 5, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 145 et 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 696-6 et 593 du code de procédure pénale :
9. Selon le premier de ces textes, lorsque la juridiction qui a émis le mandat d'arrêt a obtenu la remise de la personne recherchée, celle-ci ne peut être poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l'exécution d'une peine privative de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise et autre que celui qui a motivé cette mesure.
10. Il s'ensuit qu'une personne remise à la France en exécution d'un mandat d'arrêt et qui n'a pas renoncé au principe de spécialité ne peut faire l'objet d'une mesure de détention provisoire pour une infraction autre que celle qui a motivé sa remise.
11. En vertu du second, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
12. En l'espèce, pour écarter le grief d'irrégularité de la procédure pris de l'impossibilité de vérifier le respect du principe de spécialité en raison de l'absence, au dossier, de la décision d'extradition des autorités de l'Etat requis et approuver le rejet de la demande de report du débat contradictoire aux fins de versement de cette décision à la procédure, l'arrêt attaqué énonce que le document concerné est une pièce administrative émanant de l'Etat requis, dont l'absence ne fait pas grief aux intérêts de M. [J], qui a la possibilité d'en solliciter l'annulation, le juge des libertés et de la détention n'étant pas compétent pour se prononcer sur ce point alors que l'intéressé a eu, en outre, la possibilité d'exercer des recours dans l'Etat requis
13. Les juges relèvent que les infractions visées, d'une part, dans le mandat d'arrêt international, d'autre part, dans la saisine du juge des libertés et de la détention sont les mêmes et qu'il a été procédé au débat contradictoire au vu de ces seules infractions, de telle sorte que la question du principe de spécialité ne se posait pas.
14. La chambre de l'instruction en déduit l'absence de violation du principe du contradictoire comme d'atteinte au droit à un procès équitable.
15. En prononçant ainsi, par des motifs inopérants, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
16. En effet, cette pièce n'étant pas au dossier lors du débat contradictoire en vue d'un éventuel placement en détention provisoire, il lui appartenait de demander, en application de l'article 194 du code de procédure pénale, le versement en procédure de la décision de remise des autorités compétentes de l'Etat requis, puis de rechercher si M. [J] avait été placé en détention provisoire pour des chefs de mise en examen pour lesquels ces autorités avaient ordonné, en tout ou partie, sa remise.
17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 30 décembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze avril deux mille vingt-deux. | Il se déduit de l'article 696-6 du code de procédure pénale qu'une personne remise à la France à la suite d'une procédure d'extradition et qui n'a pas renoncé au principe de spécialité ne peut faire l'objet d'une mesure de détention provisoire pour un fait quelconque antérieur à la remise et autre que celui qui a motivé cette mesure.
Dès lors, en cas de contestation soulevée devant elle sur ce point, il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'un appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, de s'assurer du respect du principe de spécialité. Dans le cas où le demandeur fait valoir que ne figure pas en procédure la décision de remise des autorités judiciaires requises, la chambre de l'instruction, en application de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, doit en demander le versement au dossier.
Encourt en conséquence la cassation l'arrêt qui, pour écarter le moyen d'irrégularité de la procédure devant le juge des libertés et de la détention pris de la violation du principe de spécialité, énonce que les infractions visées, d'une part, dans le mandat d'arrêt international, d'autre part, dans la saisine de ce magistrat sont les mêmes, alors qu'en l'absence à la procédure de la décision de remise des autorités compétentes de l'Etat requis, il appartenait à la chambre de l'instruction d'en ordonner le versement au dossier, puis de vérifier si l'intéressé avait été placé en détention provisoire pour des chefs de mise en examen pour lesquels ces autorités avaient ordonné, en tout ou partie, sa remise |
7,693 | N° M 22-80.276 F-B
N° 00573
ODVS
6 AVRIL 2022
CASSATION
M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 AVRIL 2022
Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre 3-6, en date du 18 novembre 2021, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention disant n'y avoir lieu à placement en détention provisoire de [V] [H].
Des mémoires en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [V] [H], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 avril 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Mallard, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. [V] [H], né le [Date naissance 1] 2004, a fait l'objet de poursuites pour vol aggravé, en récidive.
3. Le 24 octobre 2021, le procureur de la République lui a notifié une convocation à comparaître devant le tribunal pour enfants statuant en audience unique, et a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de placement de l'intéressé en détention provisoire jusqu'à sa comparution, prévue le 9 novembre 2021.
4. Par ordonnance du 24 octobre 2021, le juge des libertés et de la détention a dit n'y avoir lieu à placement en détention provisoire, ni à toute autre mesure de sûreté.
5. Le procureur de la République a relevé appel de cette ordonnance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen est pris de la violation des articles L. 322-3 à L. 322-6, L. 423-4 et L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs.
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé que la saisine du juge des libertés et de la détention était irrégulière, en l'absence au dossier du rapport éducatif prescrit par l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs, alors que l'article L. 423-9 du même code, qui seul, en matière d'enfance délinquante, régit la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention d'un mineur, n'exige nullement que le rapport prévu à l'article L. 423-4 précité soit joint, dès cette phase, à la procédure, et ne sanctionne d'aucune irrecevabilité l'absence de cette formalité.
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 322-5, L. 423-4 et L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs :
8. Il résulte de ces textes que, lorsque le procureur de la République, après avoir fait déférer un mineur devant lui, le poursuit devant le tribunal pour enfants, selon la procédure exceptionnelle de l'audience unique, il peut saisir le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire jusqu'à l'audience, si les conditions prévues par le dernier des articles susvisés sont remplies. Avec ses réquisitions, le procureur de la République doit produire le recueil de renseignements socio-éducatifs, prévu par le premier des textes susvisés, qui est obligatoire à ce stade de la procédure, au contraire du rapport prévu par l'article L. 423-4, 2°, a), qui doit être versé au dossier avant l'audience de jugement.
9. Pour dire que le juge des libertés et de la détention n'était pas régulièrement saisi de la demande de placement en détention provisoire de [V] [H], l'arrêt attaqué énonce que l'article L. 423-4, 2°, a), ne laisse place à aucune ambiguïté quant au moment où le rapport visé à ce texte doit être versé au dossier par le parquet, dès lors qu'il précise que, si ce rapport n'a pas déjà été déposé et versé au dossier unique de personnalité alors qu'il aurait dû l'être, il peut toujours être requis par le procureur de la République au moment du défèrement.
10. Les juges ajoutent que ce rapport doit d'autant plus être versé au dossier au moment du défèrement que le juge des libertés et de la détention, saisi aux fins de placement du mineur en détention provisoire, doit pouvoir en prendre connaissance dans le cadre de son appréciation de la nécessité de cette détention.
11. Ils en concluent que, en l'absence au dossier du rapport éducatif prescrit par l'article L. 423-4 précité, le juge des libertés et de la détention n'était pas régulièrement saisi, et qu'il n'y avait pas lieu en conséquence de faire droit à la demande tendant au placement en détention provisoire du mineur.
12. En prononçant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le recueil de renseignements socio-éducatifs avait été établi et figurait au dossier, la chambre des mineurs a méconnu les textes susvisés.
13. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 novembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 800-2 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six avril deux mille vingt-deux. | Lorsque le procureur de la République, après avoir fait déférer un mineur devant lui, le poursuit devant le tribunal pour enfants, selon la procédure exceptionnelle de l'audience unique, il peut saisir le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire jusqu'à l'audience, si les conditions prévues par l'article L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs sont remplies. Avec ses réquisitions, le procureur de la République doit produire le recueil de renseignements socio-éducatifs, prévu par l'article L. 322-5 du même code, qui est obligatoire à ce stade de la procédure, au contraire du rapport prévu par l'article L. 423-4, 2°, a), du même code, qui doit être versé au dossier avant l'audience de jugement.
Encourt ainsi la cassation l'arrêt disant que, en l'absence au dossier du rapport éducatif prescrit par l'article L. 423-4 précité, le juge des libertés et de la détention n'était pas régulièrement saisi, alors que le recueil de renseignements socio-éducatifs avait été établi, et figurait au dossier |
7,694 | CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 avril 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 328 F-B
Pourvoi n° D 20-22.807
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022
Mme [I] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-22.807 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 2), dans le litige l'opposant à M. [T] [H], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
Partie intervenante : l'Association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adulte, agissant en qualité de mandataire spécial de Mme [I] [G], dont le siège est [Adresse 2].
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [G] et de l'association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adulte, ès qualités, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [H], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Intervention
1. Il est donné acte à l'Association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adulte de son intervention en qualité de mandataire spécial de Mme [G] pour l'assister, notamment, pendant la procédure de divorce.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2020), un jugement a prononcé le divorce de Mme [G] et de M. [H].
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [G] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de prestation compensatoire, alors « que la prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; que le juge fixe la prestation compensatoire en tenant compte de la situation des époux au moment du divorce ; qu'il en résulte que le juge ne peut prendre en considération, pour apprécier le droit d'un époux à une prestation compensatoire, l'avantage constitué par la jouissance gratuite du domicile conjugal accordé, au titre du devoir de secours, à l'époux qui demande une prestation compensatoire ; qu'en énonçant, par conséquent, pour rejeter la demande de prestation compensatoire de Mme [I] [G], que Mme [I] [G] bénéficiait de la jouissance gratuite de l'ancien domicile conjugal, après avoir relevé que cette jouissance avait été accordée à Mme [I] [G] par l'ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris en date du 27 novembre 2013 en exécution du devoir de secours, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 270 et 271 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 270 et 271 du code civil :
5. Il résulte du premier de ces textes que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives. Selon le second, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
6. Pour rejeter la demande de prestation compensatoire formée par Mme [G], l'arrêt retient que celle-ci bénéficie de la jouissance gratuite de l'ancien domicile conjugal depuis près de sept ans.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a pris en considération l'avantage constitué par la jouissance gratuite du domicile conjugal accordée à l'épouse au titre du devoir de secours pour apprécier l'existence d'une disparité créée par le divorce dans les conditions de vie respectives des époux, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de prestation compensatoire de Mme [G], l'arrêt rendu le 22 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] et le condamne à payer à Mme [G] et à l'Association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adulte, ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme [G]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt, sur ce point, confirmatif attaqué D'AVOIR dit que le jugement de divorce de Mme [I] [G] et de M. [T] [H] prendrait effet, dans les rapports entre les époux en ce qui concerne leurs biens, à la date du 1er avril 2012 ;
ALORS QUE l'existence de relations patrimoniales entre les époux, résultant d'une volonté commune, allant au-delà des obligations découlant du mariage ou du régime matrimonial, caractérise le maintien de la collaboration des époux ; qu'en conséquence, l'accomplissement par les époux des actes de gestion de la société au sein desquels ceux-ci sont associés caractérise le maintien de la collaboration des époux ; qu'en retenant, dès lors, le contraire, pour dire que le jugement de divorce de Mme [I] [G] et de M. [T] [H] prendrait effet, dans les rapports entre les époux en ce qui concerne leurs biens, à la date du 1er avril 2012, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 262-1 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt, sur ce point, confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la demande de prestation compensatoire de Mme [I] [G] ;
ALORS QUE, de première part, la prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; que le juge fixe la prestation compensatoire en tenant compte de la situation des époux au moment du divorce ; qu'il en résulte que le juge ne peut prendre en considération, pour apprécier le droit d'un époux à une prestation compensatoire, l'avantage constitué par la jouissance gratuite du domicile conjugal accordé, au titre du devoir de secours, à l'époux qui demande une prestation compensatoire ; qu'en énonçant, par conséquent, pour rejeter la demande de prestation compensatoire de Mme [I] [G], que Mme [I] [G] bénéficiait de la jouissance gratuite de l'ancien domicile conjugal, après avoir relevé que cette jouissance avait été accordée à Mme [I] [G] par l'ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris en date du 27 novembre 2013 en exécution du devoir de secours, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 270 et 271 du code civil ;
ALORS QUE, de deuxième part, pour apprécier les mérites d'une demande de prestation compensatoire, le juge doit se placer à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée, si bien qu'en cas d'appel général d'un jugement de première instance prononçant un divorce, y compris sur demande acceptée, le juge doit se placer au jour où il statue pour apprécier les mérites de la demande de prestation compensatoire ; qu'en énonçant, par conséquent, pour rejeter la demande de prestation compensatoire de Mme [I] [G], qu'à l'exception des années 2014, 2015 et 2016, bien postérieures à la séparation des époux, au cours desquelles Mme [I] [G] avait perçu des revenus au titre de son activité libérale en sus des revenus tirés de sa retraite, il avait toujours existé une différence entre les revenus déclarés par les époux en faveur de M. [T] [H], cette différence était compensée, d'une part, par la différence de revenus entre les époux au cours des années 2014, 2015 et 2016 et, d'autre part, par la situation patrimoniale respective des époux qui était aujourd'hui en faveur de l'épouse, quand, en se déterminant de la sorte, elle s'est fondée, alors qu'elle était saisie d'un appel général interjeté à l'encontre du jugement de divorce prononcé le 23 février 2017 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris, sur la différence de revenus entre les époux en faveur de Mme [I] [G] au cours des années 2014, 2015 et 2016 et, partant, sur des circonstances qui étaient antérieures de plusieurs années à la date à laquelle elle devait se placer pour apprécier le droit de Mme [I] [G] à une prestation compensatoire, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 270 et 271 du code civil ;
ALORS QUE, de troisième part, le juge doit prendre en considération, pour apprécier les mérites d'une demande de prestation compensatoire, la situation de concubinage dans laquelle se trouve l'un des époux avec une tierce personne ; qu'en rejetant, dès lors, la demande de prestation compensatoire de Mme [I] [G], sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme [I] [G], si M. [T] [H] n'était pas en situation de concubinage avec une tierce personne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 270 et 271 du code civil ;
ALORS QUE, de quatrième part, le juge doit prendre en considération, pour apprécier les mérites d'une demande de prestation compensatoire, l'endettement personnel des époux ; qu'en rejetant, dès lors, la demande de prestation compensatoire de Mme [I] [G], sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme [I] [G], si Mme [I] [G] n'était pas endettée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 270 et 271 du code civil. | Il résulte de l'article 270 du code civil que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives. Selon l'article 271 du même code, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
En conséquence, l'avantage constitué par la jouissance gratuite du domicile conjugal accordée à un époux au titre du devoir de secours pendant la durée de l'instance en divorce ne peut être pris en compte pour apprécier l'existence d'une disparité créée par le divorce dans les conditions de vie respectives des époux |
7,695 | CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 avril 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 332 FS-B
Pourvoi n° G 20-17.199
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022
M. [B] [X], domicilié [Adresse 5], [Localité 8], a formé le pourvoi n° G 20-17.199 contre l'arrêt rendu le 11 février 2020 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant à M. [N] [X], domicilié [Adresse 1], 22220 Plouguiel, défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [B] [X], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [N] [X], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, M. Fulchiron, Mme Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 février 2020), [T] [P] et [O] [X], époux communs en biens, sont décédés respectivement les 26 mai 2012 et 7 septembre 2015, en laissant pour leur succéder leurs fils, [N] et [B], et en l'état de deux testaments authentiques dressés le 23 avril 2003 et rédigés en des termes quasi-identiques, chacun des testateurs léguant la quotité disponible de sa succession à son fils [B] et offrant à celui-ci, outre une priorité sur le choix des meubles, la faculté de prélever à titre d'attribution un bien situé à [Localité 7] lui appartenant ([T] [P]) ou ses droits sur ce bien ([O] [X]) et à son fils [N] la même faculté à l'égard d'un bien situé à [Localité 8].
2. Des difficultés sont survenues lors du règlement des successions.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [B] [X] fait grief à l'arrêt de déclarer nuls les testaments, alors « que seul un testament-partage imposant aux héritiers et légataires le partage et portant sur la totalité de la succession exclut la possibilité pour le testateur de léguer un bien dépendant de la communauté et les dispositions de l'article 1423 du code civil ; qu'en l'espèce il résulte des termes clairs des testaments litigieux qu'aucun partage n'était imposé aux héritiers, puisqu'il n'était stipulé qu'une simple faculté de se faire attribuer certains biens ; qu'en outre la cour d'appel relève que lesdits testaments répartissaient « la quasi-totalité » du patrimoine et non la totalité ; qu'en décidant néanmoins qu'il s'agissait de testaments-partages, excluant l'application des dispositions de l'article 1423 du code civil, l'arrêt attaqué a violé les articles 1075 et 1079 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1075 et 1079 du code civil :
4. Il résulte de ces textes que le testament-partage est un acte d'autorité par lequel le testateur entend imposer le partage.
5. Pour déclarer nuls les testaments, l'arrêt retient que ceux-ci, rédigés de façon similaire et ayant pour objet de répartir entre les héritiers la quasi-totalité du patrimoine des époux, lesquels ont ainsi entendu procéder au partage de leurs biens, comprennent des dispositions portant sur les biens communs, ce qui excède la faculté accordée aux ascendants par l'article 1075 du code civil de procéder par anticipation au partage de leur succession, les dispositions de l'article 1423 du même code ne pouvant s'appliquer qu'aux légataires et non aux héritiers.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les attributions prévues par les testaments présentaient un caractère facultatif pour leurs bénéficiaires, de sorte que ces actes ne pouvaient être qualifiés de testaments-partage, la cour d'appel, qui n'en a pas tiré les conséquences légales, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare nuls les testaments du 23 avril 2003 de [O] [X] et d'[T] [P], épouse [X], l'arrêt rendu le 11 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne M. [N] [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [N] [X] et le condamne à payer à M. [B] [X] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [B] [X].
IL EST FAIT GRIEF l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nuls les testaments du 23 avril 2003 de M. [O] [X] et Mme [T] [P] épouse [X] ;
AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article 1075 du code civil: « Toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits. Cet acte peut se faire sous forme de donation-partage ou de testament-partage. (
) ».
Aux termes de l'article 1423 du même code: « Le legs fait par un époux ne peut excéder sa part dans la communauté.
Si un époux a légué un effet de la communauté, le légataire ne peut le réclamer en nature qu'autant que l'effet, par l'événement du partage, tombe dans le lot des héritiers du testateur ; si l'effet ne tombe point dans le lot de ces héritiers, le légataire a la récompense de la valeur totale de l'effet légué, sur la part, dans la communauté, des héritiers de l'époux testateur et sur les biens personnels de ce dernier. ».
Le testament de M. [X] est rédigé comme suit : « Je maintiens les termes de la donation entre époux que j'ai consentie à mon conjoint.
Je lègue à mon fils [B] ma quotité disponible.
Je laisse la faculté, s'il le souhaite, à mon fils [B] de prélever à titre d'attribution mes droits (récompenses) sur la propriété à [Localité 7] au lieudit [Localité 6] qui appartient à ma femme.
Mon fils [N] aura la même faculté en ce qui concerne l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 8] dont il est locataire.
Ils auront un délai de trois mois après le décès de mon époux et de moi-même pour exercer cette faculté.
S'il existe un conflit sur la fixation de la valeur de ces immeubles, celle-ci sera fixée à dire d'expert nommé par le président du Tribunal de Grande Instance compétent.
Je désire qu'au décès du dernier d'entre nous, le passage que j'ai créé sur la propriété [Adresse 2] à [Localité 8] pour accéder à l'arrière de la propriété [Adresse 4], soit purement et simplement supprimé.
Lors du partage de notre mobilier, [B] choisira, en priorité, les meubles qu'il souhaite recevoir, les autres reviendront à [N]. », Le testament de Mme [X] est rédigé comme suit: « Je maintiens les termes de la donation entre époux que j'ai consentie à mon Conjoint.
Je lègue à mon fils [B] ma quotité disponible.
Je laisse la faculté, s'il le souhaite, à mon fils [B] de prélever à titre d'attribution la propriété qui m'appartient à [Localité 7] au lieudit Kergrenn.
Mon fils [N] aura la même faculté en ce qui concerne l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 8] dont il est locataire.
Ils auront un délai de trois mois après le décès de mon époux et de moi-même pour exercer cette faculté.
S'il existe un conflit sur la fixation de la valeur de ces immeubles, celle-ci sera fixée à dire d'expert nommé par le président du Tribunal de Grande Instance compétent.
Je désire qu'au décès du dernier d'entre nous, le passage que j'ai créé sur la propriété [Adresse 2] à [Localité 8] pour accéder à l'arrière de la propriété [Adresse 4], soit purement et simplement supprimé.
Lors du partage de notre mobilier, [B] choisira, par priorité, les meubles qu'il souhaite recevoir, les autres reviendront à [N]. ».
Il ressort du projet de déclaration fiscale de Mme [X], que sont des actifs de communauté le montant des récompenses dues par la succession pour le financement par le patrimoine commun de l'acquisition des 6/7ème indivis de l'immeuble sis à [Localité 7], le bâtiment à usage de commerce situé [Adresse 3] à [Localité 8], le mobilier.
M. et Mme [X] ont rédigé de façon similaire des testaments qui ont pour objet de répartir entre les héritiers la presque totalité du patrimoine des époux, et ceci que les biens concernés soient propres ou communs. En procédant ainsi, ils ont entendu procéder au partage de leurs biens entre leurs héritiers.
La faculté accordée par l'article 1075 du Code civil aux ascendants de faire par anticipation le partage de leur succession est limitée aux biens dont chacun d'eux à la propriété et la libre disposition sans pouvoir être étendue aux biens communs. Les dispositions de l'article 1423 du même code ne peuvent s'appliquer qu'aux légataires et non aux héritiers, dont les parts, devant être déterminées au moment même du décès de l'ascendant, ne sauraient être subordonnées au résultat futur et incertain du partage de la communauté.
Dès lors que chacun de ces testaments emporte disposition de biens de communauté, ils ne peuvent qu'être annulés. » ;
ALORS QUE seul un testament-partage imposant aux héritiers et légataires le partage et portant sur la totalité de la succession exclut la possibilité pour le testateur de léguer un bien dépendant de la communauté et les dispositions de l'article 1423 du code civil ; qu'en l'espèce il résulte des termes clairs des testaments litigieux qu'aucun partage n'était imposé aux héritiers, puisqu'il n'était stipulé qu'une simple faculté de se faire attribuer certains biens ; qu'en outre la Cour d'appel relève que lesdits testaments répartissaient « la quasi-totalité » du patrimoine et non la totalité ; qu'en décidant néanmoins qu'il s'agissait de testaments-partages, excluant l'application des dispositions de l'article 1423 du code civil, l'arrêt attaqué a violé les articles 1075 et 1079 du code civil. | Il résulte des articles 1075 et 1079 du code civil que le testament-partage est un acte d'autorité par lequel le testateur entend imposer le partage.
En conséquence, des testaments prévoyant des attributions présentant un caractère facultatif pour leurs bénéficiaires ne peuvent être qualifiés de testaments-partage |
7,696 | CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 avril 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 333 FS-B
Pourvoi n° Q 20-23.530
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022
M. [O] [C], domicilié [Adresse 5] (Allemagne), a formé le pourvoi n° Q 20-23.530 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [C], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société BNP Paribas, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 2020), [N] [J] est décédée le 24 septembre 2015 à [Localité 2], en l'état d'un testament notarié dressé le 9 octobre 1996 en Allemagne et désignant comme héritier son époux, M. [C].
2. Le 19 septembre 2016, le service notarial des affaires successorales de [Localité 4] (Allemagne) a établi au profit de celui-ci un certificat successoral européen sur le fondement de l'article 67 du règlement UE n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable et l'exécution des actes authentiques en matière de succession et à la création d'un certificat successoral européen.
3. Le 5 octobre suivant, M. [C] a adressé à l'agence bancaire [Adresse 3] (la banque) une demande de règlement de la totalité des liquidités de la succession, accompagnée d'une copie du certificat successoral européen.
4. La banque ayant soumis la délivrance des fonds à la preuve de l'enregistrement du testament auprès de l'administration fiscale française par application de l'article 1000 du code civil, M. [C] l'a assignée en libération des fonds et en paiement de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. M. [C] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à question préjudicielle auprès de la Cour de justice de l'Union européenne et de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que le Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 a instauré le Certificat successoral européen, afin de, dépassant la diversité des procédures nationales, permettre de faire la preuve de la qualité d'héritier et de mettre en place une procédure commune à tous les États membres qui assure un règlement rapide, aisé et efficace des successions transfrontières au sein de l'Union européenne, notamment en évitant la duplication des documents ; que ce Règlement a prévu que le Certificat successoral européen produirait ses effets de plein droit dans tous les États membres, sans qu'il ne soit nécessaire de recourir à aucune procédure ou formalité, et a donc entendu lui donner un effet direct et uniforme qui soit suffisant pour permettre l'exécution des successions dans tout l'espace européen sur présentation dudit Certificat ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que M. [C] avait produit un Certificat successoral européen dont ni la validité, ni le contenu n'étaient contestés, de sorte que ni sa qualité d'héritier, ni l'étendue de ses droits ne l'étaient, mais ont considéré que la banque pouvait légitimement subordonner la libération des fonds relevant de la succession visée par le Certificat à la preuve de l'enregistrement du testament de la de cujus en application des articles 1000 du code civil et 655 du code général des impôts, motifs pris de ce que le Certificat successoral européen n'avait d'autre portée que probatoire, qu'il n'épuisait pas les formalités à mettre en oeuvre pour l'exécution des droits successoraux en cause et que l'exigence d'un enregistrement préalable en France constituait une condition fiscale d'exécution des testaments étrangers dont le Certificat ne permettait pas de se dispenser ; qu'en statuant ainsi, bien que le Certificat ait précisément pour objet de supprimer, dans le cas des testaments européens, les formalités et procédures nationales particulières et toute exigence de production des testaments dans les pays d'exécution pour assurer au Certificat un effet uniforme direct dans l'espace européen, la cour d'appel, qui a méconnu l'effet direct du Certificat et son objet, le privant ainsi d'effet utile, a violé le préambule et les articles 63 et 69 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 ;
2°/ que l'article 63.2 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 définit ses effets en affirmant qu'il permet « en particulier » à son titulaire de prouver sa qualité d'héritier et « l'attribution d'un bien déterminé ou de plusieurs biens déterminés faisant partie de la succession à l'héritier/aux héritiers », ce dont il se déduit que ses effets probatoires ne sont pas exclusifs, ce que confirme le fait que le Règlement assure l'efficacité de plein droit du Certificat et protège les tiers de bonne foi qui exécutent les instructions données sur présentation du Certificat par le titulaire des droits que ce dernier constate ; qu'en l'espèce, en jugeant que le Certificat successoral européen n'avait pas d'autre effet que probatoire, la cour d'appel a violé le préambule et les articles 63.2 et 69 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 ;
3°/ que les exceptions prévues par le Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 sont d'interprétation stricte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que le Certificat successoral européen ne faisait pas échec à l'exigence d'enregistrement des testaments étrangers posée par l'article 1000 du code civil, motifs pris de ce qu'il s'agissait d'une formalité fiscale, que « le règlement UE n° 650/2012 a, par ailleurs, expressément limité son champ d'application, puisque son article 10 dispose que « le présent règlement ne devrait pas s'appliquer aux questions fiscales ni aux questions administratives relevant du droit public. Il appartient dès lors au droit national de déterminer, par exemple, comment sont calculés et payés les impôts et autres taxes, qu'il s'agisse d'impôts dus par la personne décédée au moment de son décès ou de tout type d'impôt lié à la succession dont doivent s'acquitter la succession ou les bénéficiaires. Il appartient également au droit national de déterminer si le transfert d'un bien successoral aux bénéficiaires en vertu du présent règlement ou l'inscription d'un bien successoral dans un registre peut, ou non, faire l'objet de paiement d'impôts » et que « l'exigence de paiement d'un impôt ou d'une taxe conditionnant un transfert de tout ou partie d'un actif successoral ne peut donc pas porter atteinte au principe d'application directe du règlement UE n° 650/2012 ayant créé le certificat successoral européen, puisque c'est ce règlement lui-même qui prévoit expressément le maintien des règles fiscales internes » ; qu'en statuant ainsi, bien que l'enregistrement soit un acte tendant à donner date certaine au testament et ayant donc une finalité probatoire, quand bien même il donnerait lieu à perception d'un droit fixe en contrepartie de son exécution, la cour d'appel a donné une interprétation extensive à l'exception prévue par le Règlement à son application, l'a ainsi privé d'effet direct utile en France et a donc violé le préambule et les articles 1er et 69 du Règlement n° 650/2012 ;
4°/ que le Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 prévoit que le Certificat successoral européen doit produire les mêmes effets dans tous les États membres ; qu'en décidant que l'exécution en France des testaments européens ayant donné lieu à établissement d'un Certificat successoral européen n'était pas dispensée de la formalité d'enregistrement préalable prévue par l'article 1000 du code civil, la cour d'appel a consacré une modalité d'exécution propre à la France et violé le préambule et l'article 69 du Règlement susvisé ;
5°/ que la formalité de l'enregistrement du testament étranger a une finalité probatoire rendue inutile, dans le cas d'un testament établi dans un autre État membre de l'Union européenne, par la production d'un Certificat successoral européen, lequel procède d'un texte particulier dérogeant nécessairement au droit commun de l'article 1000 du code civil ; qu'en jugeant qu'elle était néanmoins une condition à l'exécution d'un testament établi dans un autre État membre de l'Union européenne, même en cas de présentation d'un tel Certificat, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1000 du code civil et 655 du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel a justement retenu que, conformément au considérant 71 du règlement UE n° 650/2012 du 4 juillet 2012, le certificat successoral européen avait une efficacité probatoire mais ne constituait pas un titre exécutoire, de sorte que, s'il attestait de la qualité et des droits d'héritier, il n'épuisait pas nécessairement les formalités à mettre en oeuvre pour obtenir l'exécution de ces droits.
8. Après avoir relevé que le règlement excluait de son domaine matériel les questions fiscales et administratives, son considérant 10 disposant qu'il appartenait au droit national de déterminer, par exemple, comment étaient calculés et payés les impôts et autres taxes, qu'il s'agît d'impôts dus par la personne décédée au moment de son décès ou de tout autre type d'impôt lié à la succession dont devaient s'acquitter la succession ou les bénéficiaire, elle a retenu à bon droit que les dispositions des articles 1000 du code civil et 655 du code général des impôts prévoyant l'enregistrement des testaments faits en pays étrangers, constituaient une formalité fiscale dès lors que celle-ci relevait de l'administration fiscale et donnait lieu au paiement d'un droit fixe de 125 euros.
9. Elle en exactement déduit que l'exigence d'enregistrement de tout testament établi à l'étranger, qui ne remettait pas en cause l'efficacité probatoire du certificat successoral européen et ne constituait pas une condition d'exécution des testaments prohibée par le Règlement, ne portait pas atteinte au principe d'application directe du règlement ni ne le privait de son effet utile.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. M. [C] fait encore le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que le Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 fait obligation aux organismes bancaires d'effectuer spontanément un paiement ou remettre un bien successoral sur simple présentation des Certificats successoraux européens apparemment valides qui leur sont présentés ; qu'en l'espèce, la banque BNP Paribas s'est d'office crue autorisée à exiger le respect d'une formalité de droit interne, quand bien même aucune disposition du règlement ne renvoyait expressément à celle-ci et ne l'y autorisait, faisant ainsi obstacle à l'application du Règlement et aux droits que l'exposant en tirait ; qu'en rejetant les demandes indemnitaires de M. [C], aux motifs que la banque n'aurait commis aucune faute, la cour d'appel a violé les articles 1er, 63 et 69 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012, ensemble l'article 1240 du code civil ;
2°/ qu'en tout état de cause, le chef de dispositif de l'arrêt ayant rejeté les demandes indemnitaires de M. [C] sera cassé par voie de conséquence de la censure qui sera prononcée au titre des premier et deuxième moyens de cassation ayant considéré que l'enregistrement du testament de Mme [C] était requis avant toute exécution du Certificat successoral européen et Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté M. [C] de sa demande de libération des fonds dépendant de la succession de Mme [N] [J], épouse [C], détenus par la SA BNP Paribas, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
12. D'une part, ayant retenu à bon droit que la banque s'était conformée tant au règlement (UE) n° 650/12 du 4 juillet 2012 qu'aux dispositions internes françaises compatibles avec celui-ci en refusant de remettre les fonds dépendant de la succession à un héritier titulaire d'un certificat successoral européen mais ne prouvant pas s'être acquitté de la formalité d'enregistrement prévue par les articles 1000 du code civil et 655 du code général des impôts, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que celle-ci n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.
13. D'autre part, la cassation n'étant pas prononcée sur les premier et deuxième moyens, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.
14. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et le condamne à payer à la société BNP Paribas la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour M. [C].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [C] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR dit n'y avoir lieu à question préjudicielle auprès de la Cour de Justice de l'Union européenne et d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté M. [C] de sa demande de libération des fonds dépendant de la succession de Mme [N] [J], épouse [C], détenus par la BNP Paribas et de sa demande d'indemnisation de ses préjudices matériels et moral ;
1°) ALORS QUE le Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 a instauré le Certificat successoral européen, afin de, dépassant la diversité des procédures nationales, permettre de faire la preuve de la qualité d'héritier et de mettre en place une procédure commune à tous les États membres qui assure un règlement rapide, aisé et efficace des successions transfrontières au sein de l'Union européenne, notamment en évitant la duplication des documents ; que ce Règlement a prévu que le Certificat successoral européen produirait ses effets de plein droit dans tous les États membres, sans qu'il ne soit nécessaire de recourir à aucune procédure ou formalité, et a donc entendu lui donner un effet direct et uniforme qui soit suffisant pour permettre l'exécution des successions dans tout l'espace européen sur présentation dudit Certificat ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que M. [C] avait produit un Certificat successoral européen dont ni la validité, ni le contenu n'étaient contestés, de sorte que ni sa qualité d'héritier, ni l'étendue de ses droits ne l'étaient, mais ont considéré que la banque pouvait légitimement subordonner la libération des fonds relevant de la succession visée par le Certificat à la preuve de l'enregistrement du testament de la de cujus en application des articles 1000 du Code civil et 655 du Code général des impôts, motifs pris de ce que le Certificat successoral européen n'avait d'autre portée que probatoire, qu'il n'épuisait pas les formalités à mettre en oeuvre pour l'exécution des droits successoraux en cause et que l'exigence d'un enregistrement préalable en France constituait une condition fiscale d'exécution des testaments étrangers dont le Certificat ne permettait pas de se dispenser ; qu'en statuant ainsi, bien que le Certificat ait précisément pour objet de supprimer, dans le cas des testaments européens, les formalités et procédures nationales particulières et toute exigence de production des testaments dans les pays d'exécution pour assurer au Certificat un effet uniforme direct dans l'espace européen, la cour d'appel, qui a méconnu l'effet direct du Certificat et son objet, le privant ainsi d'effet utile, a violé le préambule et les articles 63 et 69 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 ;
2°) ALORS QUE l'article 63.2 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 définit ses effets en affirmant qu'il permet « en particulier » à son titulaire de prouver sa qualité d'héritier et « l'attribution d'un bien déterminé ou de plusieurs biens déterminés faisant partie de la succession aÌ l'héritier/aux héritiers », ce dont il se déduit que ses effets probatoires ne sont pas exclusifs, ce que confirme le fait que le Règlement assure l'efficacité de plein droit du Certificat et protège les tiers de bonne foi qui exécutent les instructions données sur présentation du Certificat par le titulaire des droits que ce dernier constate ; qu'en l'espèce, en jugeant que le Certificat successoral européen n'avait pas d'autre effet que probatoire, la cour d'appel a violé le préambule et les articles 63.2 et 69 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 ;
3°) ALORS QUE les exceptions prévues par le Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 sont d'interprétation stricte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que le Certificat successoral européen ne faisait pas échec à l'exigence d'enregistrement des testaments étrangers posée par l'article 1000 du Code civil, motifs pris de ce qu'il s'agissait d'une formalité fiscale, que « le règlement UE n° 650/2012 a, par ailleurs, expressément limité son champ d'application, puisque son article 10 dispose que "le présent règlement ne devrait pas s'appliquer aux questions fiscales ni aux questions administratives relevant du droit public. Il appartient dès lors au droit national de déterminer, par exemple, comment sont calculés et payés les impôts et autres taxes, qu'il s'agisse d'impôts dus par la personne décédée au moment de son décès ou de tout type d'impôt lié à la succession dont doivent s'acquitter la succession ou les bénéficiaires. Il appartient également au droit national de déterminer si le transfert d'un bien successoral aux bénéficiaires en vertu du présent règlement ou l'inscription d'un bien successoral dans un registre peut, ou non, faire l'objet de paiement d'impôts » et que « l'exigence de paiement d'un impôt ou d'une taxe conditionnant un transfert de tout ou partie d'un actif successoral ne peut donc pas porter atteinte au principe d'application directe du règlement UE n°650/2012 ayant creìeì le certificat successoral europeìen, puisque c'est ce règlement lui-même qui prévoit expressément le maintien des règles fiscales internes » (V. p. 6) ; qu'en statuant ainsi, bien que l'enregistrement soit un acte tendant à donner date certaine au testament et ayant donc une finalité probatoire, quand bien même il donnerait lieu à perception d'un droit fixe en contrepartie de son exécution, la cour d'appel a donné une interprétation extensive à l'exception prévue par le Règlement à son application, l'a ainsi privé d'effet direct utile en France et a donc violé le préambule et les articles 1er et 69 du Règlement n° 650/2012 ;
4°) ALORS QUE le Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 prévoit que le Certificat successoral européen doit produire les mêmes effets dans tous les États membres ; qu'en décidant que l'exécution en France des testaments européens ayant donné lieu à établissement d'un Certificat successoral européen n'était pas dispensée de la formalité d'enregistrement préalable prévue par l'article 1000 du Code civil, la cour d'appel a consacré une modalité d'exécution propre à la France et violé le préambule et l'article 69 du Règlement susvisé ;
5°) ALORS QUE la formalité de l'enregistrement du testament étranger a une finalité probatoire rendue inutile, dans le cas d'un testament établi dans un autre État membre de l'Union européenne, par la production d'un Certificat successoral européen, lequel procède d'un texte particulier dérogeant nécessairement au droit commun de l'article 1000 du Code civil ; qu'en jugeant qu'elle était néanmoins une condition à l'exécution d'un testament établi dans un autre État membre de l'Union européenne, même en cas de présentation d'un tel Certificat, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1000 du Code civil et 655 du Code général des impôts.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
M. [C] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR dit n'y avoir lieu à question préjudicielle auprès de la Cour de Justice de l'Union européenne et d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté M. [C] de sa demande de libération des fonds dépendant de la succession de Mme [N] [J], épouse [C], détenus par la SA BNP Paribas et de sa demande d'indemnisation de ses préjudices matériels et moral ;
1°) ALORS QU' est prohibée toute discrimination fondée sur la nationalité et toute restriction déguisée à la libre circulation des capitaux dans l'Union européenne ; qu'en l'espèce, M. [C] faisait valoir que l'exigence d'un enregistrement des testaments européens constituait une atteinte illicite à la libre circulation des capitaux, résultant d'un traitement discriminatoire injustifié entre les européens produisant un Certificat successoral européen à raison de l'endroit où le testament a été établi ; qu'en rejetant le moyen, aux motifs que cette formalité est requise pour tous les testaments étrangers, ce qui est inopérant au regard des règles européennes, qu'aucune distinction n'est instaurée en fonction de l'affectation des fonds et qu'aucune atteinte n'était donc portée à la libre circulation des capitaux, la cour d'appel a violé les articles 63 et 65 du TFUE ;
2°) ALORS QU'en statuant ainsi, sans caractériser une différence de situation objective de nature à justifier une différence de traitement entre les héritiers demandant l'exécution d'un testament établi en France ou ailleurs en Europe et produisant un Certificat successoral européen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 63 et 65 du TFUE.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
M. [C] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR dit n'y avoir lieu à question préjudicielle auprès de la Cour de Justice de l'Union européenne et d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté M. [C] de sa demande d'indemnisation de ses préjudices matériels et moral ;
1°) ALORS QUE le Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 fait obligation aux organismes bancaires d'effectuer spontanément un paiement ou remettre un bien successoral sur simple présentation des Certificats successoraux européens apparemment valides qui leur sont présentés ; qu'en l'espèce, la banque BNP Paribas s'est d'office crue autorisée à exiger le respect d'une formalité de droit interne, quand bien même aucune disposition du règlement ne renvoyait expressément à celle-ci et ne l'y autorisait, faisant ainsi obstacle à l'application du Règlement et aux droits que l'exposant en tirait ; qu'en rejetant les demandes indemnitaires de M. [C], aux motifs que la banque n'aurait commis aucune faute, la cour d'appel a violé les articles 1er, 63 et 69 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012, ensemble l'article 1240 du Code civil ;
2°) ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE QUE le chef de dispositif de l'arrêt ayant rejeté les demandes indemnitaires de M. [C] sera cassé par voie de conséquence de la censure qui sera prononcée au titre des premier et deuxième moyens de cassation ayant considéré que l'enregistrement du testament de Mme [C] était requis avant toute exécution du Certificat successoral européen et Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté M. [C] de sa demande de libération des fonds dépendant de la succession de Mme [N] [J], épouse [C], détenus par la SA BNP Paribas, en application des articles 624 et 625 du Code de procédure civile. | Conformément au considérant 71 du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, le certificat successoral européen a une efficacité probatoire, mais ne constitue pas un titre exécutoire, de sorte que, s'il atteste de la qualité et des droits d'héritier, il n'épuise pas nécessairement les formalités à mettre en oeuvre pour obtenir l'exécution de ces droits.
En outre, conformément à son considérant 10, le règlement exclut de son domaine matériel les questions fiscales et administratives.
En conséquence, l'exigence d'enregistrement de tout testament établi à l'étranger, prévue aux articles 1000 du code civil et 655 du code général des impôts, constitue une formalité fiscale dès lors qu'elle relève de l'administration fiscale et donne lieu au paiement d'un droit fixe.
Il s'en déduit qu'une telle exigence, qui ne remet pas en cause l'efficacité probatoire du certificat successoral européen et ne constitue pas une condition d'exécution des testaments prohibée par le règlement, ne porte pas atteinte au principe d'application directe du règlement ni ne le prive de son effet utile.
Dès lors, ne commet pas de faute de nature à engager sa responsabilité la banque qui refuse de remettre les fonds dépendant de la succession à un héritier titulaire d'un certificat successoral européen, mais ne prouvant pas s'être acquitté de la formalité d'enregistrement prévue par les textes précités |
7,697 | CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 avril 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 319 FS-B
Pourvoi n° D 21-15.336
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022
1°/ la société 2BC, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ M. [B] [Y], domicilié [Adresse 1],
agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société 2BC,
ont formé le pourvoi n° D 21-15.336 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Vilogia, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la Société d'aménagement d'études, de montages et de constructions immobilière bordelaire (SAEMCIB), société anonyme, défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société 2BC et de M. [Y], ès qualités, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Vilogia, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 janvier 2021), la société 2BC (la locataire), destinataire, le 2 septembre 2015, d'un commandement de payer un arriéré locatif, visant la clause résolutoire, qui lui a été délivré par la société Vilogia (la bailleresse), a assigné cette dernière en annulation de ce commandement.
2. La bailleresse a opposé la résiliation de plein droit du bail commercial, le 2 octobre 2015, à défaut du paiement des sommes dues.
3. Par jugement du tribunal de commerce du 5 octobre 2017, une procédure de sauvegarde a été ouverte au bénéfice de la locataire, et un mandataire judiciaire désigné.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La locataire et le commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde font grief à l'arrêt de constater la résiliation du bail liant les parties à la date du 2 octobre 2015, de dire que la locataire ou tout occupant de son chef devra quitter les lieux et à défaut, ordonner son expulsion, de fixer la créance de la bailleresse au passif de la locataire à la somme de 14 857,41 euros au titre de l'arriéré de loyers arrêté au 2 octobre 2015 et à la somme de 33 643,83 euros au titre de l'arriéré de taxes foncières pour la période du 13 août 2010 au 12 août 2016 et à la somme de 70 113,12 euros au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 2 octobre 2015 au 6 septembre 2017, de condamner la locataire au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer contractuel, soit 7 939,37 euros à compter du jugement prononçant l'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire et jusqu'à complète libération des locaux et de rejeter leur demande de dommages et intérêts à hauteur de l'arriéré de taxe foncière de 23 724,45 euros, alors « que la résiliation d'un contrat de bail commercial par le jeu d'une clause résolutoire n'étant acquise qu'une fois cette résiliation constatée par une décision passée en force de chose jugée, la demande du bailleur, présentée postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du preneur et tendant à faire constater la résiliation du bail commercial sur le fondement d'une clause résolutoire visant des sommes dues antérieurement à l'ouverture de la procédure est soumise à l'arrêt des poursuites individuelles ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que la société 2BC a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 6 septembre 2017, date à laquelle aucune décision passée en force de chose jugée n'avait constaté la résiliation du bail ; qu'en constatant néanmoins la résiliation du bail liant les parties à la date du 2 octobre 2015 par le jeu de la clause résolutoire, au motif erroné que l'ouverture de la procédure judiciaire de la société 2BC en septembre 2017 n'interdit pas à la société Vilogia d'invoquer le bénéfice d'une clause résolutoire dont le jeu doit s'apprécier au moment de la délivrance du commandement de payer, soit au 2 octobre 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 145-41 et L. 622-21 du code de commerce :
5. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, ne peut être poursuivie après ce jugement.
6. Pour déclarer la demande en résiliation du bail commercial recevable, l'arrêt relève que l'ouverture de la procédure judiciaire en septembre 2017 n'interdit pas d'invoquer le bénéfice de la clause résolutoire dont le jeu doit s'apprécier au moment de la délivrance du commandement de payer, soit le 2 octobre 2015.
7 .En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE sauf en ses dispositions fixant la créance de la société Vilogia au passif de la locataire à la somme de 14 857,41 euros au titre de l'arriéré de loyers arrêté au 2 octobre 2015 et à la somme de 33 643,83 euros au titre de l'arriéré de taxes foncières pour la période du 13 août 2010 au 12 août 2016, l'arrêt rendu le 12 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Condamne la société Vilogia aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société 2BC et M. [Y], ès qualités,
Le moyen comporte une branche. Il est tiré d'une violation de l'article L. 622-21 du code de commerce relatif à l'arrêt des poursuites individuelles. Il invoque une jurisprudence constante de la Cour de cassation ;
La société 2BC et M. [B] [Y], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société 2BC font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la résiliation du bail liant les parties à la date du 2 octobre 2015 par le jeu de la clause résolutoire, d'AVOIR dit que la société 2BC ou tout occupant de son chef devra en conséquence quitter les lieux dès signification de la présente décision et qu'à défaut, ordonne son expulsion, et celle de tout occupant de son chef, avec si nécessaire le concours de la force publique, d'AVOIR fixé la créance de la société Vilogia au passif de la société 2BC à la somme de 14 857,41 euros au titre de l'arriéré de loyers arrêté au 2 octobre 2015 et à la somme de 33 643,83 euros au titre de l'arriéré de taxes foncières pour la période du 13 août 2010 au 12 août 2016 et à la somme de 70 113,12 euros au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 2 octobre 2015 au 06 septembre 2017, d'AVOIR condamné la société 2BC au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer contractuel, soit 7 939,37 euros à compter du jugement prononçant l'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire et jusqu'à complète libération des locaux et d'AVOIR débouté la société 2BC et la Selarl [B] [Y] ès-qualités de leur demande de dommages et intérêts à hauteur de l'arriéré de taxe foncière de 23 724,45 euros ;
ALORS QUE la résiliation d'un contrat de bail commercial par le jeu d'une clause résolutoire n'étant acquise qu'une fois cette résiliation constatée par une décision passée en force de chose jugée, la demande du bailleur, présentée postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du preneur et tendant à faire constater la résiliation du bail commercial sur le fondement d'une clause résolutoire visant des sommes dues antérieurement à l'ouverture de la procédure est soumise à l'arrêt des poursuites individuelles ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que la société 2BC a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 6 septembre 2017, date à laquelle aucune décision passée en force de chose jugée n'avait constaté la résiliation du bail ; qu'en constatant néanmoins la résiliation du bail liant les parties à la date du 2 octobre 2015 par le jeu de la clause résolutoire, au motif erroné que l'ouverture de la procédure judiciaire de la société 2BC en septembre 2017 n'interdit pas à la société Vilogia d'invoquer le bénéfice d'une clause résolutoire dont le jeu doit s'apprécier au moment de la délivrance du commandement de payer, soit au 2 octobre 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce. | Il résulte de la combinaison des articles L. 145-41 et L. 622-21 du code de commerce que l'action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut être poursuivie après ce jugement.
Dès lors, viole ces textes la cour d'appel qui, pour déclarer recevable une demande en résiliation d'un bail commercial, retient que l'ouverture d'une procédure judiciaire n'interdit pas d'invoquer le bénéfice d'une clause résolutoire délivrée antérieurement dont le jeu doit s'apprécier au moment de la délivrance du commandement de payer |
7,698 | CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 avril 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 321 FS-B
Pourvoi n° S 21-15.923
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022
M. [V] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-15.923 contre l'arrêt rendu le 24 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] , dont le siège est [Adresse 1], représenté par son administrateur provisoire M. [F] [G], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [N], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 février 2021), l'immeuble du [Adresse 1], soumis au statut de la copropriété, est constitué des bâtiments A et B, auxquels l'état descriptif de division inclus dans le règlement de copropriété affecte des parties communes spéciales propres à chacun d'entre eux.
2. Par ordonnance du 16 septembre 2009, prise au visa de l'article 29-1 de la loi n° 66-557 du 10 juillet 1965, un administrateur provisoire a été désigné à la copropriété, dont la mission a été renouvelée.
3. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] a assigné M. [N], propriétaire de tous les lots du bâtiment B, en paiement d'un arriéré de charges.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. M. [N] fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'un arriéré de charges de copropriété, alors « que l'approbation des comptes d'un exercice et la fixation du budget provisionnel de l'exercice suivant par l'administrateur provisoire ayant reçu les pouvoirs de l'assemblée générale ne dispensent pas le syndicat des copropriétaires de son obligation de prouver que le copropriétaire qu'il assigne en paiement d'un arriéré de charges est débiteur des charges qui lui sont imputées et ne privent pas le copropriétaire assigné de son droit de contester être redevable de tout ou partie des charges réclamées ; qu'en retenant, pour considérer que M. [N] n'était pas fondé à soutenir qu'aucune dépense ne pouvait être imputée au bâtiment B dont il est seul propriétaire et qui n'était plus composé que de parties privatives, que le budget décidé par Me [G], administrateur provisoire, se composait de charges communes générales, de charges du bâtiment A et de charges du bâtiment B et que les copropriétaires ne peuvent remettre en cause les décisions prises par l'administrateur provisoire qui a reçu tous les pouvoirs normalement dévolus à l'assemblée générale à l'exception de ceux que la loi interdit au juge de lui donner, la cour d'appel a violé les articles 10, 14-1 et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 dans leurs rédactions successivement issues des lois des 13 décembre 2000 et 24 mars 2014 ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Sans préjudice de la possibilité pour les copropriétaires d'en référer au président du tribunal judiciaire pour mettre fin ou modifier la mission de l'administrateur provisoire, la cour d'appel a retenu, à bon droit, qu'ils ne peuvent remettre en cause des décisions prises par l'administrateur provisoire qui a reçu tous les pouvoirs normalement dévolus à l'assemblée générale, à l'exception de ceux que la loi interdit au juge de lui donner.
7. Ayant relevé que les décisions de l'administrateur provisoire approuvant les comptes et les budgets prévisionnels étaient définitives et exécutoires de plein droit, elle en a exactement déduit que M. [N] n'était pas fondé à les contester en prétendant qu'aucune dépense ne pourrait être imputée au bâtiment B, au motif qu'il en serait le seul propriétaire.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [N] et le condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour M. [N]
M. [V] [N] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] les sommes de 43 130,96 euros au titre des charges de copropriété arrêtées au 20 septembre 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2016 sur la somme de 39 644,75 euros, et de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-paiement des charges à bonne date ;
1°/ ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 4 à 7), M. [N] faisait valoir qu'étant devenu seul propriétaire des lots composant le bâtiment B, les parties communes de ce bâtiment étaient devenues privatives en vertu du règlement de copropriété et qu'il ne pouvait plus y avoir de charges communes particulières à ce bâtiment ; qu'en affirmant néanmoins que « M. [N] ne conteste pas
les quotes-parts de parties communes spéciales attachées à chacun de ses lots et reprises dans les appels de fonds pour justifier la répartition des charges », la cour d'appel a dénaturé ses conclusions en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2°/ ALORS QUE l'approbation des comptes d'un exercice et la fixation du budget provisionnel de l'exercice suivant par l'administrateur provisoire ayant reçu les pouvoirs de l'assemblée générale ne dispensent pas le syndicat des copropriétaires de son obligation de prouver que le copropriétaire qu'il assigne en paiement d'un arriéré de charges est débiteur des charges qui lui sont imputées et ne privent pas le copropriétaire assigné de son droit de contester être redevable de tout ou partie des charges réclamées ; qu'en retenant, pour considérer que M. [N] n'était pas fondé à soutenir qu'aucune dépense ne pouvait être imputée au bâtiment B dont il est seul propriétaire et qui n'était plus composé que de parties privatives, que le budget décidé par Me [G], administrateur provisoire, se composait de charges communes générales, de charges du bâtiment A et de charges du bâtiment B et que les copropriétaires ne peuvent remettre en cause les décisions prises par l'administrateur provisoire qui a reçu tous les pouvoirs normalement dévolus à l'assemblée générale à l'exception de ceux que la loi interdit au juge de lui donner, la cour d'appel a violé les articles 10, 14-1 et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 dans leurs rédactions successivement issues des lois des 13 décembre 2000 et 24 mars 2014 ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;
3°/ ALORS QU'en tout état de cause, M. [N] soutenait (p. 6) que le syndicat des copropriétaires se contentait, au sujet des charges particulières au bâtiment B, d'invoquer des appels de fonds sans justifier de l'existence de dépenses réellement engagées pour ce bâtiment ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS QUE M. [N] faisait valoir (p. 7 et suiv.) que, sous couvert de charges communes générales au titre des lots dont il est propriétaire dans le bâtiment B, le syndicat des copropriétaires lui réclamait des charges relevant, en vertu du règlement de copropriété et de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, des charges particulières au bâtiment A et qu'en toute hypothèse, il ne produisait de factures justifiant des dépenses engagées ; qu'en se bornant à retenir que les frais et dépens occasionnés par la procédure ayant opposé la copropriété à la SCI Zeurbast avaient été à juste titre inclus dans les charges communes générales sans répondre aux conclusions de M. [N] en ce qu'elles portaient sur des charges autres que les dépens et frais de procédure (travaux sur le bâtiment A relatifs notamment à une colonne et à des planchers ; étaiement de l'appartement du 3ème étage ; appel provisionnel sur travaux d'entretien), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. | Sans préjudice de la possibilité d'en référer au président du tribunal judiciaire pour mettre fin ou modifier sa mission, les copropriétaires ne peuvent remettre en cause les décisions prises par l'administrateur provisoire qui, désigné en application de l'article 29-1 de la loi n° 66-557 du 10 juillet 1965, a reçu tous les pouvoirs normalement dévolus à l'assemblée générale, à l'exception de ceux que la loi interdit au juge de lui donner.
Dès lors, une cour d'appel, saisie d'une action en recouvrement de charges, en déduit exactement qu'un copropriétaire n'est pas fondé à contester les décisions de l'administrateur provisoire approuvant les comptes et les budgets prévisionnels |
7,699 | COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 avril 2022
Rejet
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 249 F-B
Pourvoi n° T 20-23.165
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 AVRIL 2022
La société Franklin Bach, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-23.165 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2020 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [F] [H], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Franklin Bach, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [H], et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 20 novembre 2020), M. [I] et Mme [H] sont propriétaires indivis d'un bien immobilier qui constitue leur résidence principale. Par un jugement du 10 août 2016, M. [I], exerçant la profession de peintre, a été mis en liquidation judiciaire, la société Franklin Bach étant désignée liquidateur.
2. Mme [H] s'opposant à la vente de l'immeuble, le liquidateur l'a assignée devant le tribunal aux fins de partage judiciaire de l'indivision et de vente aux enchères publiques de l'immeuble. Mme [H] lui a opposé l'insaisissabilité de plein droit des droits du débiteur sur sa résidence principale prévue par l'article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Franklin Bach, ès qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action en partage et licitation de l'immeuble indivis, alors « que l'article 206, IV, de la loi n° 2015-690 du 6 août 2015 ne fait produire effet à l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de cette loi, qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle du débiteur après la publication de cette loi ; que pour déclarer irrecevable l'action du liquidateur en partage et licitation du bien immobilier, sis à Saint-Paul, propriété indivise de M. [I] et de Mme [H] l'arrêt attaqué retient que "[N] [I] a été placé en liquidation judiciaire par jugement du 10 août 2016 du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion, de sorte que les dispositions de l'article L. 526 alinéa 1 du code de commerce, issues de la loi du 6 août 2015, sont applicables à la procédure collective le concernant" et qu'il "n'est donc pas opérant d'invoquer l'applicabilité des dispositions de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette loi" ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait du tableau des créances produit par le liquidateur que l'essentiel des créances déclarées étaient antérieures au 8 août 2015, date de publication de la loi du 6 août 2015, et que le premier alinéa de l'article L. 526-1, dans sa rédaction résultant de l'article 206 de ladite loi, n'avait pas d'effet à l'égard des créanciers dont les droits étaient nés avant sa publication, la cour d'appel a violé l'article L. 526-1, par fausse application, ensemble l'article 206, IV, de la loi du 6 août 2015, par refus d'application. »
Réponse de la Cour
4. L'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur résultant de l'article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 n'a d'effet, en application de l'article 206, IV, alinéa 1er, de cette loi, qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de la loi. Il en résulte que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l'immeuble indivis constituant la résidence principale de l'indivisaire en liquidation judiciaire, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi, les droits du débiteur sur l'immeuble étant alors appréhendés par le gage commun.
5. Dès lors qu'il est soutenu par le liquidateur que l'essentiel des créances déclarées sont antérieures au 8 août 2015, date de la publication de la loi, et non leur totalité, l'arrêt retient exactement qu'il n'est pas opérant de la part du liquidateur, en l'espèce, d'invoquer l'opposabilité de l'insaisissabilité de droit de la résidence principale du débiteur aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement, et que l'action est irrecevable.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Franklin Bach, en qualité de liquidateur de M. [I], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Franklin Bach.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action du liquidateur en partage et licitation du bien immobilier sis à Saint-Paul, propriété indivis de [N] [I] et [F] [H] ;
Alors que l'article 206, IV, de la loi n° 2015-690 du 6 août 2015 ne fait produire d'effet à l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de cette loi, qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle du débiteur après la publication de cette loi; que pour déclarer irrecevable l'action du liquidateur en partage et licitation du bien immobilier sis à Saint-Paul, propriété indivis de [N] [I] et [F] [H], l'arrêt attaqué retient que " [N] [I] a été placé en liquidation judiciaire par jugement du 10 août 2016 du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion, de sorte que les dispositions de l'article L. 526 alinéa 1 du code de commerce, issues de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, sont applicables à la procédure collective le concernant " et qu'il " n'est donc pas opérant d'invoquer l'applicabilité des dispositions de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette loi " (arrêt p. 4, § 5 et 6); qu'en statuant ainsi, quand il résultait du tableau des créances produit par le liquidateur que l'essentiel des créances déclarées étaient antérieures au 8 août 2015, date de publication de la loi du 6 août 2015, et que le premier alinéa de l'article L. 526-1, dans sa rédaction résultant de l'article 206 de ladite loi, n'avait pas d'effet à l'égard des créanciers dont les droits étaient nés avant sa publication, la cour d'appel a violé l'article L. 526-1 du code de commerce, par fausse application, ensemble l'article 206, IV, de la loi du 6 août 2015, par refus d'application. | L'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur résultant de l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, n'a d'effet, en application de l'article 206, IV, alinéa 1, de cette loi, qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de la loi. Il en résulte que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l'immeuble indivis constituant la résidence principale de l'indivisaire en liquidation judiciaire, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi, les droits du débiteur sur l'immeuble étant alors appréhendés par le gage commun.
C'est, dès lors, exactement qu'une cour d'appel déclare irrecevable l'action en licitation-partage d'un tel immeuble formée par un liquidateur qui soutient que l'essentiel des créances déclarées sont antérieures au 8 août 2015, date de la publication de la loi, et non leur totalité |