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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 mai 2022 Rejet M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 320 FS-B Pourvoi n° E 20-22.164 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 MAI 2022 La société [L] - Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de Mme [T] [L], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Carla, a formé le pourvoi n° E 20-22.164 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société des Bains, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à M. [G] [O], domicilié [Adresse 1], 3°/ à la société Les Nouveaux bains du Marais, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 4°/ à M. [U] [K], domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société [L] - Yang-Ting, ès qualités, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société des Bains, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mmes Vallansan, Vaissette, Fontaine, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, conseillers, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 septembre 2020) rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 9 octobre 2019, pourvoi n° 18-17.563), en 2005, la SCI des Bains (la SCI) a donné en location à la société Carla des locaux destinés à l'exercice de son activité commerciale. La société Carla a été mise en liquidation judiciaire le 17 novembre 2016, la société [L] - Yang-Ting étant désignée liquidateur. Par une ordonnance du 8 mars 2017, le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de la société Carla. 2. Par une requête du 21 mars 2017, la SCI a demandé au juge-commissaire de constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers dus postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable. Et sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 4. La société [L] - Yang-Ting, ès qualités, fait grief à l'arrêt, infirmant le jugement, de déclarer la SCI recevable en son recours à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 16 juin 2017, de déclarer la SCI recevable en sa requête tendant à faire constater la résiliation du bail conclu entre elle-même et la société Carla, de constater la résiliation de plein droit de ce bail au 21 mars 2017, et de dire n'y avoir lieu de statuer sur les autres prétentions, alors « que le juge-commissaire, saisi d'une demande de résiliation judiciaire de plein droit du bail commercial, a le pouvoir d'ordonner des délais de paiement ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs, en violation des articles 1343-5 du code civil et R. 641-21 du code de commerce. » Réponse de la Cour 5. Lorsque le juge-commissaire est saisi, sur le fondement de l'article L. 641-12, 3°, du code de commerce, d'une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d'un immeuble utilisé pour l'activité de l'entreprise, en raison d'un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l'article L. 145-41 du code de commerce, à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail. Dans un tel cas, le juge-commissaire doit se borner à constater la résiliation du bail si les conditions en sont réunies et ne peut accorder les délais de paiement prévus par l'alinéa 2 de ce dernier texte, qui est inapplicable, ni même faire usage de la faculté d'accorder des délais de paiement en application de l'article 1343-5 du code civil, le seul délai opposable au bailleur étant le délai de trois mois prévu par l'article R. 641-21 du code de commerce, pendant lequel il ne peut agir. 6. L'arrêt retient exactement qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge-commissaire, saisi sur le fondement de l'article R. 641-21, alinéa 2, du code de commerce, d'accorder des délais de paiement. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société [L] - Yang-Ting, en qualité de liquidateur de la société Carla, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société [L] - Yang-Ting, en la personne de Mme [T] [L], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Carla. Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'avoir déclaré la SCI des Bains recevable en son recours à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 16 juin 2017, d'avoir déclaré la SCI des Bains recevable en sa requête tendant à faire constater la résiliation du bail conclu entre elle-même et la société Carla, d'avoir constaté la résiliation de plein droit de ce bail au 21 mars 2017, et d'avoir dit n'y avoir lieu de statuer sur les autres prétentions ; alors 1°/ que le juge-commissaire, saisi sur le fondement de l'article L. 641-12 du code de commerce d'une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d'un immeuble utilisé pour l'activité de l'entreprise, en raison d'un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, doit vérifier que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail est acquise ; que la résiliation judiciaire de plein droit du bail ne peut donc être prononcée par le juge-commissaire que si un commandement de payer, visant la clause résolutoire, demeuré infructueux a été préalablement adressé au preneur ;qu'en décidant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles L. 641-12, 3°, R. 641-21, alinéa 2 du code de commerce, ensemble l'article L. 145-41 du même code ; alors et en tout état de cause 2°/ qu'un créancier est irrecevable à suivre un comportement procédural consistant, au cours d'une unique procédure collective, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'à l'audience tenue par le juge-commissaire le 23 février 2017, la société bailleresse a accepté la cession du fonds de commerce de la société Carla : « le bailleur représenté par son conseil a exprimé un avis favorable en faveur de l'offre de M. [M] en relevant cependant que les loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective n'étaient toujours pas payés » (arrêt , p. 9, antépénultième alinéa) ; qu'elle a exprimé cet avis alors qu' « à cette date du 23 février 2017, le délai de trois mois visé par l'article L. 622-14 du code de commerce était expiré » (arrêt, p. 9, pénultième alinéa) en sorte que la SCI des Bains aurait pu solliciter dès cette date la résiliation du bail ; que la bailleresse était donc irrecevable à adopter quelques jours plus tard un comportement radicalement contraire à cette prise de position, comportement consistant à solliciter la résiliation du bail commercial ce qui rendait de fait impossible la cession du fonds de commerce ; qu'en retenant pourtant qu' « il n'est pas établi que la requête aux fins de faire constater la résiliation du bail déposée le 21 mars par le bailleur ait été empreinte de mauvaise foi » (arrêt, p. 10, alinéa 2), quand ce comportement procédural était contradictoire et la requête, partant, irrecevable, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ; alors et en tout état de cause 3°/ que le juge-commissaire, saisi d'une demande de résiliation judiciaire de plein droit du bail commercial, a le pouvoir d'ordonner des délais de paiement ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs, en violation des articles 1343-5 du code civil et R. 641-21 du code de commerce.
Lorsque le juge-commissaire est saisi, sur le fondement de l'article L.641-12, 3°, du code de commerce, d'une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d'un immeuble utilisé pour l'activité de l'entreprise, en raison d'un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l'article L. 145-41 du code de commerce, à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail. Dans un tel cas, le juge-commissaire doit se borner à constater la résiliation du bail si les conditions en sont réunies et ne peut accorder les délais de paiement prévus par l'alinéa 2 de ce dernier texte, qui est inapplicable, ni même faire usage de la faculté d'accorder des délais de paiement en application de l'article 1343-5 du code civil, le seul délai opposable au bailleur étant le délai de trois mois prévu par l'article R. 641-21 du code de commerce, pendant lequel il ne peut agir. Par conséquent, une cour d'appel a exactement retenu qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du juge-commissaire, saisi sur le fondement de l'article R. 641-21, alinéa 2, du code de commerce, d'accorder des délais de paiement
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SOC. / ELECT CA3 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 mai 2022 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 603 F-B Pourvoi n° S 21-11.737 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022 1°/ la Fédération communication conseil culture F3C CFDT, dont le siège est [Adresse 23], 2°/ M. [VI] [S], domicilié chez F3C CFDT, [Adresse 23], ont formé le pourvoi n° S 21-11.737 contre le jugement rendu le 26 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Sopra Steria Group, société anonyme, dont le siège est [Adresse 52], 2°/ à la société Sopra Banking Software, société anonyme, dont le siège est [Adresse 52], 3°/ à la société Sopra Steria Infrastructure & Security Services I2S, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 52], 4°/ à la société Beamap, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 51], 5°/ à la société Sopra HR Software, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 52], 6°/ à M. [CY] [OD], domicilié [Adresse 6], 7°/ à M. [KJ] [D], domicilié [Adresse 35], 8°/ à M. [GI] [R] [ST], domicilié [Adresse 30], 9°/ à M. [EX] [DA], domicilié [Adresse 36], 10°/ à Mme [XF] [WY], domiciliée [Adresse 27], 11°/ à M. [MG] [UP], domicilié [Adresse 14], 12°/ à Mme [LC] [RT], domiciliée [Adresse 41], 13°/ à M. [ZN] [SL], domicilié [Adresse 5], 14°/ à Mme [CG] [M], domiciliée [Adresse 18], 15°/ à M. [TL] [J], domicilié [Adresse 8], 16°/ à Mme [HB] [WM] [PO], domiciliée [Adresse 10], 17°/ à M. [SA] [B], domicilié [Adresse 45], 18°/ à M. [N] [A], domicilié [Adresse 26], 19°/ à M. [VU] [C], domicilié [Adresse 1], 20°/ à M. [KV] [YJ], domicilié [Adresse 31], 21°/ à Mme [ZC] [ZJ], domiciliée [Adresse 39], 22°/ à M. [TX] [XY], domicilié [Adresse 20], 23°/ à M. [YR] [LN], domicilié [Adresse 32], 24°/ à Mme [AN] [OW], domiciliée [Adresse 47], 25°/ à M. [MG] [EA], domicilié [Adresse 24], 26°/ à Mme [XR] [T], domiciliée [Adresse 40], 27°/ à Mme [MZ] [Y], domiciliée [Adresse 48], 28°/ à M. [MN] [W], domicilié [Adresse 38], 29°/ à M. [RH] [CO], domicilié [Adresse 3], 30°/ à M. [U] [LV], domicilié [Adresse 13], 31°/ à Mme [OK] [H], domiciliée [Adresse 21], 32°/ à M. [JF] [I], domicilié [Adresse 43], 33°/ à Mme [WB] [ZV], domiciliée [Adresse 2], 34°/ à M. [TL] [FP], domicilié [Adresse 46], 35°/ à Mme [IM] [K], domiciliée [Adresse 49], 36°/ à M. [FE] [Z], domicilié [Adresse 4], 37°/ à M. [TE] [DR], domicilié [Adresse 16], 38°/ à M. [NS] [IF], domicilié [Adresse 7], 39°/ à M. [L] [P], domicilié [Adresse 37], 40°/ à M. [PD] [GP], domicilié [Adresse 44], 41°/ à M. [HU] [G], domicilié [Adresse 42], 42°/ à M. [O] [E], domicilié [Adresse 34], 43°/ à Mme [JR] [F], domiciliée [Adresse 12], 44°/ à Mme [IY] [V], domiciliée [Adresse 50], 45°/ à M. [FX] [BM], domicilié [Adresse 9], 46°/ à M. [X] [VB], domicilié [Adresse 29], 47°/ au syndicat CGT, dont le siège est [Adresse 11], 48°/ au syndicat Traid Union, dont le siège est [Adresse 15], 49°/ au Syndicat solidaires informatique, dont le siège est [Adresse 17], 50°/ au syndicat avenir Sopra Steria, dont le siège est [Adresse 22], 51°/ au Syndicat indépendant des informaticiens et ingénierie (S3I), dont le siège est [Adresse 33], 52°/ à la Fédération Nationale du Personnel de l'Encadrement de l'Informatique des Etudes, du Conseil et de l'Ingenierie FIECI CFE CGC, dont le siège est [Adresse 19], 53°/ au Syndicat CFTC SICSTI, dont le siège est [Adresse 28], 54°/ au syndicat FEC FO, dont le siège est [Adresse 25], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération communication conseil culture F3C CFDT et de M. [S], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Sopra Steria Group, de la société Sopra Banking Software, de la société Sopra Steria Infrastructure & Security Services I2S, de la société Beamap et de la société Sopra HR Software, après débats en l'audience publique du 23 mars 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 26 janvier 2021), les sociétés Steria Group, Banking Software, HR Software, Sopra Steria Infrastructure & Security Services I2S et Beamap constituent une unité économique et sociale (UES) en vertu d'un accord collectif. 2. Deux accords ont été conclus prévoyant l'un le recours au vote électronique, l'autre la fixation du nombre et la composition des collèges électoraux. 3. Après l'échec des négociations en vue de parvenir à un protocole d'accord préélectoral, la Direccte a opéré la répartition des salariés et des sièges entre les collèges pour le comité social et économique des sociétés Sopra I2S et Beamap, regroupées en un seul établissement distinct au sein de l'UES par un accord du 5 juin 2019 prévoyant, en tout pour l'UES, quatre comités sociaux et économiques d'établissement. 4. Le 27 septembre 2019, par décision unilatérale, l'employeur a fixé les modalités d'organisation des élections. Le premier tour des élections a eu lieu du 7 au 14 novembre 2019. 5. Le 29 novembre 2019, la Fédération communication conseil culture CFDT ( la F3C CFDT) et M. [S], candidat présenté par la F3C CFDT, ont saisi le tribunal d'instance aux fins d'annulation de l'élection de l'ensemble des membres, titulaires et suppléants, du comité social et économique de l'établissement Sopra I2S Beamap, en invoquant différentes irrégularités. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. La F3C CFDT et le salarié font grief au jugement de les débouter de leur demande tenant à annuler le premier tour des élections du comité social et économique d'établissement I2S/Beamap, alors « que l'absence de réserves émises par un syndicat lors du dépôt d'une liste électorale ne vaut pas acquiescement aux modalités d'organisation des élections fixées, après échec de la négociation d'un protocole d'accord préélectoral unilatéralement par l'employeur ; qu'en l'espèce, le tribunal a jugé que la présentation par un syndicat des candidats sans formuler aucune réserve sur les conditions de déroulement du scrutin, y compris alors qu'elles ont été fixées par décision unilatérale de l'employeur, vaut nécessairement acceptation de ces conditions, ce dont il résulterait que le syndicat CFDT n'était plus autorisé à contester judiciairement le choix d'un bureau de vote unique ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé les articles L. 2314-28, R. 2314-24 et R. 2314-2 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article L. 2314-28 du code du travail, les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales, conclu conformément à l'article L. 2314-6. Cet accord respecte les principes généraux du droit électoral. Les modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées par une décision du juge judiciaire. 8. Il résulte de ce texte qu'à défaut d'accord satisfaisant aux conditions de validité prévues à l'article L. 2314-6 du code du travail, il appartient à l'employeur, en l'absence de saisine du tribunal judiciaire, de fixer les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote. 9. En l'absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections professionnelles, une organisation syndicale, ayant présenté une liste de candidats sans avoir émis, au plus tard lors du dépôt de sa liste, de réserves sur les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote ainsi fixées, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections et demander à ce titre l'annulation des élections. 10. Le tribunal, qui a constaté que la F3C CFDT avait présenté des candidats sur l'établissement considéré en déposant le 7 octobre 2019 ses listes de candidats sans émettre de réserves sur les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote fixées unilatéralement par l'employeur, lequel avait notamment décidé de la mise en place d'un bureau de vote unique, et n'avait pas saisi le juge judiciaire d'un contentieux préélectoral, a décidé à bon droit que cette organisation syndicale ne pouvait plus contester cette modalité pour demander l'annulation des élections. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la Fédération communication conseil culture F3C CFDT et M. [S] La fédération syndicale F3C CFDT et M. [S] font grief au jugement attaqué de les AVOIR déboutés de leur demande tendant à annuler le premier tour des élections du CSE d'établissement I2S/Beamap. ALORS QUE l'absence de réserves émises par un syndicat lors du dépôt d'une liste électorale ne vaut pas acquiescement aux modalités d'organisation des élections fixées, après échec de la négociation d'un protocole d'accord préélectoral unilatéralement par l'employeur ; qu'en l'espèce, le tribunal a jugé que la présentation par un syndicat des candidats sans formuler aucune réserve sur les conditions de déroulement du scrutin, y compris alors qu'elles ont été fixées par décision unilatérale de l'employeur, vaut nécessairement acceptation de ces conditions, ce dont il résulterait que le syndicat CFDT n'était plus autorisé à contester judiciairement le choix d'un bureau de vote unique ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé les articles L. 2314-28, R. 2314-24 et R. 2314-2 du code du travail.
Il résulte de l'article L. 2314-28 du code du travail qu'à défaut d'accord satisfaisant aux conditions de validité prévues à l'article L. 2314-6 du code du travail, il appartient à l'employeur, en l'absence de saisine du tribunal judiciaire, de fixer les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote. En l'absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections professionnelles, une organisation syndicale, ayant présenté une liste de candidats sans avoir émis, au plus tard lors du dépôt de sa liste, de réserves sur les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote ainsi fixées, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections et demander à ce titre l'annulation des élections
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SOC. / ELECT CA3 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 mai 2022 Cassation partielle M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 610 F-B Pourvoi n° T 21-11.347 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022 1°/ Le syndicat CFDT Interco Loire Haute-Loire, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ M. [W] [U], domicilié [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° T 21-11.347 contre le jugement rendu le 20 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Roanne (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant : 1°/ à l'Office public de l'habitat OPHEOR, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à l'Union locale CGT des Cantons du Roannais, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT Interco Loire Haute-Loire, de M. [U], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Office public de l'habitat OPHEOR, après débats en l'audience publique du 23 mars 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Roanne, 20 janvier 2021), lors des élections organisées au sein de l'Office public de l'habitat OPHEOR (l'Opheor), ont été élus, sur les listes présentées par le syndicat CFDT Interco Loire Haute-Loire (le syndicat CFDT), comme membre titulaire du premier collège, Mme [Z], comme membre suppléant du même collège, M. [V], comme membre titulaire du second collège, Mme [O], et, comme membre suppléant de ce collège, Mme [T]. M. [J], Mme [F] et M. [U], candidats appartenant au deuxième collège et présentés par le même syndicat, n'ont pas été élus. 2. Mme [Z] a démissionné de son mandat. M. [V] a quitté l'entreprise. L'Opheor a décidé de l'organisation d'élections partielles pour remplacer ces membres élus du premier collège. 3. Le 25 novembre 2020, le syndicat CFDT et M. [U] ont saisi le tribunal judiciaire afin que Mme [F] ou, à défaut, M. [U] soit désigné, comme membre titulaire du comité social et économique, représentant le premier collège, jusqu'à ce que Mme [T] puisse exercer elle-même ce mandat, ainsi que pour qu'il soit dit qu'il n'y a pas lieu d'organiser des élections partielles au sein de l'Opheor et qu'il soit fait interdiction à ce dernier de poursuivre le processus électoral engagé. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le syndicat CFDT et M. [U] font grief au jugement de rejeter l'intégralité de leurs demandes et de dire que des élections partielles doivent être organisées à l'initiative de l'Opheor dans la mesure où le premier collège n'est plus représenté, alors « que des élections partielles doivent être organisées par l'employeur lorsqu'un collège électoral n'est plus représenté au comité social et économique ; qu'un collège demeure représenté au comité social et économique lorsque les membres de ce collège ayant cessé leur fonction peuvent être remplacés, par ordre de priorité et par défaut, par des délégués suppléants élus sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle des titulaires à remplacer et de même catégorie professionnelle, par des suppléants d'une autre catégorie professionnelle mais appartenant au même collège électoral et élus sur une liste présentée par la même organisation syndicale, par des suppléants d'un collège différent, mais toujours de même appartenance syndicale, par des candidats non élus présentés par la même organisation syndicale et venant sur la liste immédiatement après le dernier candidat élu comme titulaire ou, à défaut, suppléant, par des candidats d'une autre organisation syndicale, mais appartenant à la même catégorie professionnelle et ayant obtenu le plus grand nombre de voix ; qu'en l'espèce, en jugeant que le premier collège ouvriers/employés, qui comprenait un seul titulaire élu sur une liste présentée par la CFDT, n'était plus représenté et que l'employeur devait organiser des élections partielles en raison de la cessation par ce titulaire de ses fonctions et de l'impossibilité de pourvoir à son remplacement par un candidat élu ou non élu sur une liste présentée par la CFDT au sein d'un autre collège électoral que celui du titulaire à remplacer, le tribunal a violé les articles L. 2314-10 et L. 2314-37 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 2314-37 du code du travail : 5. Aux termes de ce texte, lorsqu'un délégué titulaire cesse ses fonctions pour l'une des causes indiquées à la présente section ou est momentanément absent pour une cause quelconque, il est remplacé par un suppléant élu sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle de ce titulaire. La priorité est donnée au suppléant élu de la même catégorie. S'il n'existe pas de suppléant élu sur une liste présentée par l'organisation syndicale qui a présenté le titulaire, le remplacement est assuré par un candidat non élu présenté par la même organisation. Dans ce cas, le candidat retenu est celui qui vient sur la liste immédiatement après le dernier élu titulaire ou, à défaut, le dernier élu suppléant. A défaut, le remplacement est assuré par le suppléant élu n'appartenant pas à l'organisation du titulaire à remplacer, mais appartenant à la même catégorie et ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Le suppléant devient titulaire jusqu'au retour de celui qu'il remplace ou jusqu'au renouvellement de l'institution. 6. Il en résulte que, en l'absence de suppléant de la même catégorie, le remplacement est assuré en priorité par un suppléant d'une autre catégorie appartenant au même collège, présenté par la même organisation syndicale, à défaut, par un suppléant d'un autre collège présenté par cette même organisation, à défaut par un candidat non élu répondant à cette condition de présentation syndicale. 7. Pour dire que les membres suppléants du comité social et économique et les candidats non élus du second collège présentés par le syndicat CFDT ne pouvaient remplacer le membre titulaire du premier collège présenté par ce même syndicat, le jugement retient que l'article L. 2314-37 du code du travail ne permet pas de remplacer des membres d'un collège par ceux d'un autre collège, n'ayant assurément pas les mêmes intérêts collectifs, et que seul un candidat élu ou non élu de la liste du syndicat CFDT, à défaut de la liste du syndicat CGT, aurait pu remplacer Mme [Z] puis M. [V] au sein du premier collège, ce qui est impossible dans la mesure où le syndicat CFDT n'avait présenté aucun autre candidat pour l'élection du premier collège et qu'il n'existe aucun autre suppléant dans ce collège, issu des listes des syndicats CFDT et CGT. 8. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il accueille l'intervention volontaire accessoire de l'Union locale CGT des Cantons Roannais et déclare recevable l'action du syndicat CFDT Interco Loire Haute-Loire, le jugement rendu le 20 janvier 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Roanne ; Remet l'affaire et les parties, sauf sur ces points, dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lyon ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le syndicat CFDT Interco Loire Haute-Loire et M. [U] Le syndicat CFDT et M. [U] font grief à la décision attaquée d'AVOIR rejeté l'intégralité de leurs demandes, et d'AVOIR dit que des élections partielles devaient être organisées à l'initiative de l'Office public de l'habitat Opheor dans la mesure où premier collège n'était plus représenté. ALORS QUE des élections partielles doivent être organisées par l'employeur lorsqu'un collège électoral n'est plus représenté au comité social et économique ; qu'un collège demeure représenté au comité social et économique lorsque les membres de ce collège ayant cessé leur fonction peuvent être remplacés, par ordre de priorité et par défaut, par des délégués suppléants élus sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle des titulaires à remplacer et de même catégorie professionnelle, par des suppléants d'une autre catégorie professionnelle mais appartenant au même collège électoral et élus sur une liste présentée par la même organisation syndicale, par des suppléants d'un collège différent, mais toujours de même appartenance syndicale, par des candidats non élus présentés par la même organisation syndicale et venant sur la liste immédiatement après le dernier candidat élu comme titulaire ou, à défaut, suppléant, par des candidats d'une autre organisation syndicale, mais appartenant à la même catégorie professionnelle et ayant obtenu le plus grand nombre de voix ; qu'en l'espèce, en jugeant que le premier collège ouvriers/employés, qui comprenait un seul titulaire élu sur une liste présentée par la CFDT, n'était plus représenté et que l'employeur devait organiser des élections partielles en raison de la cessation par ce titulaire de ses fonctions et de l'impossibilité de pourvoir à son remplacement par un candidat élu ou non élu sur une liste présentée par la CFDT au sein d'un autre collège électoral que celui du titulaire à remplacer, le tribunal a violé les articles L. 2314-10 et L. 2314-37 du code du travail.
Aux termes de l'article L. 2314-37 du code du travail, lorsqu'un délégué titulaire cesse ses fonctions pour l'une des causes indiquées à la présente section ou est momentanément absent pour une cause quelconque, il est remplacé par un suppléant élu sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle de ce titulaire. La priorité est donnée au suppléant élu de la même catégorie. S'il n'existe pas de suppléant élu sur une liste présentée par l'organisation syndicale qui a présenté le titulaire, le remplacement est assuré par un candidat non élu présenté par la même organisation. Dans ce cas, le candidat retenu est celui qui vient sur la liste immédiatement après le dernier élu titulaire ou, à défaut, le dernier élu suppléant. A défaut, le remplacement est assuré par le suppléant élu n'appartenant pas à l'organisation du titulaire à remplacer, mais appartenant à la même catégorie et ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Le suppléant devient titulaire jusqu'au retour de celui qu'il remplace ou jusqu'au renouvellement de l'institution. Il en résulte que, en l'absence de suppléant de la même catégorie, le remplacement est assuré en priorité par un suppléant d'une autre catégorie appartenant au même collège, présenté par la même organisation syndicale, à défaut, par un suppléant d'un autre collège présenté par cette même organisation, à défaut par un candidat non élu répondant à cette condition de présentation syndicale
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SOC. CDS COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 mai 2022 Cassation partielle sans renvoi M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 612 F+B sur le 2d moyen Pourvoi n° H 21-10.118 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. [H]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 17 mars 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022 La société Fiducial Private Security, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 4], a formé le pourvoi n° H 21-10.118 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant à M. [V] [H], domicilié [Adresse 2], [Localité 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation, ainsi que les deux moyens complémentaires annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Fiducial Private Security, de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 23 mars 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 novembre 2020), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 13 février 2019, pourvoi n° 16-25.764), M. [H] a été engagé par la société Brink's le 14 décembre 2005, en qualité d'agent de sécurité, et son contrat a été transféré en dernier lieu à la société Fiducial Private Security. Il a été désigné en qualité de délégué syndical le 28 juin 2010 jusqu'au 15 mars 2012, la période de protection s'achevant le 15 mars 2013. Ce même jour, son employeur l'a convoqué à un entretien préalable au licenciement prévu le 5 avril 2013. Son licenciement lui a été notifié le 3 mai 2013 sans autorisation administrative préalable. 2. Le 2 juillet 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en sollicitant, notamment, la nullité de son licenciement et sa réintégration. 3. Il a fait valoir ses droits à la retraite le 1er décembre 2014. Examen des moyens Sur le premier moyen complémentaire, le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen initial, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen complémentaire Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation des conséquences financières de son licenciement, alors « que lorsque la réintégration d'un salarié protégé, dont le licenciement est nul pour avoir été prononcé en violation du statut protecteur, est impossible dès lors qu'il avait décidé unilatéralement de faire valoir ses droits à la retraite, ce salarié ne peut pas prétendre au paiement de dommages-intérêts en réparation des conséquences financières de la rupture de son contrat de travail en plus des sommes dues au titre de la violation du statut protecteur ; qu'en l'espèce, M. [H] a lui-même rendu impossible sa réintégration en prenant sa retraite le 2 juillet 2014 avant que la cour d'appel ne statue ; que cependant, la cour d'appel de renvoi a accordé au salarié ''l'indemnisation de sa perte d'emploi à 62 ans'' en prenant en compte ''le fait que ce non-emploi a eu une incidence sur le calcul du montant de sa demi-pension'', outre l'indemnisation due au titre du statut protecteur correspondant ''à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la date de son départ à la retraite'' ; qu'en statuant ainsi, bien que l'employeur faisait valoir en cause d'appel qu'il ne lui incombait pas d'assumer les conséquences du choix du salarié de faire valoir ses droits à la retraite, la cour d'appel de renvoi a violé l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 24 septembre 2017. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article L. 2411-1 et de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, que le salarié protégé dont le licenciement est nul, qui ne demande pas sa réintégration ou dont la réintégration est impossible, est en droit d'obtenir, outre l'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur, les indemnités de rupture ainsi qu'une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, sans que le juge ait à se prononcer sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement. 7. La cour d'appel, qui a alloué au salarié, en sus d'une indemnité pour violation du statut protecteur, des dommages-intérêts en réparation de sa perte d'emploi, a statué à bon droit. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre de la violation de son statut protecteur, alors « que le salarié protégé licencié sans autorisation administrative de licenciement qui a fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, a droit au titre de la violation du statut protecteur à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à celle de son départ à la retraite ; qu'en l'espèce, il était constant que M. [H], licencié par lettre du 3 mai 2013, était resté le salarié de la société Fiducial Private Security jusqu'à l'issue de son préavis de deux mois le 5 juillet 2013, et qu'il était parti à la retraite à compter du 1er décembre 2014, comme l'a constaté la cour d'appel ; que le salarié ne pouvait donc pas percevoir, au titre de la violation du statut protecteur, une indemnité supérieure à dix-sept mois de salaire, tel qu'il l'admettait d'ailleurs lui-même ; qu'en accordant cependant à M. [H] une indemnité correspondant à vingt mois de salaire, la cour d'appel a violé la règle susvisée et l'article L. 2411-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au 3 mai 2013. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 2411-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : 10. Lorsque le salarié protégé licencié sans autorisation administrative de licenciement demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration. Cette indemnité lui est également due lorsque la demande de réintégration est formulée après l'expiration de la période de protection en cours pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié. Toutefois, dans cette dernière hypothèse, le salarié qui a fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, a droit au titre de la violation du statut protecteur à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à celle de son départ à la retraite. 11. Pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 35 260 euros au titre de la violation de son statut protecteur, l'arrêt retient que cette indemnité correspond à vingt mois de salaire. 12. En statuant ainsi, après avoir énoncé que le salarié avait fait valoir ses droits à la retraite le 1er décembre 2014, et alors que celui-ci indiquait dans ses écritures que son éviction était intervenue le 5 juillet 2013, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 15. Le salarié a droit au titre de la violation du statut protecteur à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à celle de son départ à la retraite, d'un montant de 29 971 euros, correspondant à dix-sept mois de salaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'employeur à payer au salarié la somme de 35 260 euros au titre de la violation de son statut protecteur, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne la société Fiducial Private Security à payer à M. [H] la somme de 29 971 euros d'indemnité au titre de la violation du statut protecteur ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Fiducial Private Security PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Fiducial Private Security fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Fiducial Private Security à payer à M. [H] la somme de 35 260 euros au titre de la violation de son statut protecteur ; 1) ALORS QUE le salarié protégé, licencié sans autorisation administrative de licenciement, qui demande sa réintégration après la fin de la période de protection, a droit une indemnité pour méconnaissance du statut protecteur égale aux salaires qu'il aurait reçus depuis son éviction jusqu'à sa réintégration ou son départ à la retraite, seulement s'il a dû formuler sa demande de réintégration après l'expiration de la période de protection pour des raisons qui ne lui sont pas imputables ; qu'en l'espèce, il ressort de la décision attaquée que la période de protection a pris fin le 15 mars 2013 et que M. [H] a sollicité sa réintégration postérieurement, après avoir saisi la juridiction prud'homale le 2 juillet 2013 ; qu'en accordant à M. [H] une indemnité pour méconnaissance du statut protecteur égale aux salaires qu'il aurait dû percevoir depuis son éviction jusqu'à son départ en retraite, sans constater que la demande de réintégration, formulée après l'expiration de la période de protection, l'avait été pour des raisons qui n'étaient pas imputables au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la règle susvisée et de l'article L. 2411-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au 3 mai 2013 ; 2) ALORS subsidiairement QUE le salarié protégé licencié sans autorisation administrative de licenciement qui a fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, a droit au titre de la violation du statut protecteur à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à celle de son départ à la retraite ; qu'en l'espèce, il était constant que M. [H], licencié par lettre du 3 mai 2013, était resté le salarié de la société Fiducial Private Security jusqu'à l'issue de son préavis de deux mois le 5 juillet 2013 (pièces d'appel du salarié n° 6 et 7 : attestation Pôle emploi et certificat de travail), et qu'il était parti à la retraite à compter du 1er décembre 2014, comme l'a constaté la cour d'appel (arrêt page 4, § 1) ; que le salarié ne pouvait donc pas percevoir, au titre de la violation du statut protecteur, une indemnité supérieure à dix-sept mois de salaire, tel qu'il l'admettait d'ailleurs lui-même (ses conclusions, page 13) ; qu'en accordant cependant à M. [H] une indemnité correspondant à vingt mois de salaire, la cour d'appel a violé la règle susvisée et l'article L. 2411-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au 3 mai 2013. SECOND MOYEN DE CASSATION La société Fiducial Private Security fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Fiducial Private Security à payer à M. [H] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des conséquences financières de son licenciement ; ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le conseil de la société Fiducial n'avait pas élevé de protestation sur la demande nouvelle du salarié tendant à obtenir le paiement de la somme de 120 000 euros au titre du préjudice résultat de la perte d'emploi (arrêt page 4, § 6) ; que cependant, dans ses conclusions, oralement soutenues à l'audience comme l'a constaté la cour d'appel (page 3 de son arrêt), l'employeur contestait tant la recevabilité de cette demande du salarié devant la juridiction de renvoi que son bien-fondé (conclusions d'appel page 6 et 8) ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. PREMIER MOYEN DE CASSATION COMPLEMENTAIRE (préalable au premier moyen du mémoire ampliatif initial) La société Fiducial Private Security fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Fiducial Private Security à payer à M. [H] la somme de 35 260 euros au titre de la violation de son statut protecteur ; ALORS QUE le salarié protégé, dont le licenciement est nul pour avoir été prononcé sans autorisation administrative de licenciement et qui a pris sa retraite, ne peut pas prétendre, au titre de la violation du statut protecteur, à une indemnité déterminée en fonction des salaires qu'il aurait perçus jusqu'à sa mise à la retraite dès lors que la période de protection avait pris fin dès avant le jour du licenciement ; qu'en l'espèce, il était constant que M. [H] ne demandait plus sa réintégration pour avoir pris sa retraite le 1er décembre 2014 et que la période protection avait pris fin dès avant son licenciement ; qu'en jugeant cependant que le salarié avait droit, au titre de la violation du statut protecteur, à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la date de son départ à la retraite, en plus de l'indemnisation de la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 2411-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au 3 mai 2013. SECOND MOYEN DE CASSATION COMPLEMENTAIRE La société Fiducial Private Security fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Fiducial Private Security à payer à M. [H] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des conséquences financières de son licenciement ; ALORS QUE lorsque la réintégration d'un salarié protégé, dont le licenciement est nul pour avoir été prononcé en violation du statut protecteur, est impossible dès lors qu'il avait décidé unilatéralement de faire valoir ses droits à la retraite, ce salarié ne peut pas prétendre au paiement de dommages-intérêts en réparation des conséquences financières de la rupture de son contrat de travail en plus des sommes dues au titre de la violation du statut protecteur ; qu'en l'espèce, M. [H] a lui-même rendu impossible sa réintégration en prenant sa retraite le 2 juillet 2014 avant que la cour d'appel ne statue ; que cependant, la cour d'appel de renvoi a accordé au salarié « l'indemnisation de sa perte d'emploi à 62 ans » en prenant en compte « le fait que ce non-emploi a eu une incidence sur le calcul du montant de sa demi-pension », outre l'indemnisation due au titre du statut protecteur correspondant « à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la date de son départ à la retraite » (arrêt attaqué page 4, § 9 à 12) ; qu'en statuant ainsi, bien que l'employeur faisait valoir en cause d'appel qu'il ne lui incombait pas d'assumer les conséquences du choix du salarié de faire valoir ses droits à la retraite (conclusions d'appel page 8), la cour d'appel de renvoi a violé l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 24 septembre 2017.
Il résulte des articles L. 2411-1 et L. 1235-3, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, du code du travail que le salarié protégé dont le licenciement est nul, qui ne demande pas sa réintégration ou dont la réintégration est impossible, est en droit d'obtenir, outre l'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur, les indemnités de rupture ainsi qu'une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, sans que le juge ait à se prononcer sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement
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N° H 21-86.685 FS-B N° 00358 GM 18 MAI 2022 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MAI 2022 Mme [X] [K] et M. [D] [B] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 30 juin 2021, qui, pour vol aggravé, les a condamnés, chacun, à une amende de 400 euros avec sursis. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire, commun aux demandeurs, et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat des demandeurs, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, l'avocat des demandeurs ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, Mme Leprieur, Mme Sudre, Mme Issenjou, M. Laurent, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Bougy, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 29 juillet 2019, une dizaine de personnes se sont rendues à la mairie de [Localité 1] (Bas-Rhin) où elles se sont emparé du portrait du Président de la République pour afficher à sa place un tract. 3. Ces personnes se sont ensuite regroupées devant la mairie, le temps de poser pour une photographie, avant de repartir en emportant le portrait. 4. Le tract était rédigé au nom de l'organisation Action non-violente COP21 et expliquait que l'acte consistait à « réquisitionner temporairement » le portrait de M. [P] [U], Président de la République, jusqu'à ce que soit amorcée par le Gouvernement une politique en accord avec les engagements pris lors de la vingt-et-unième conférence des parties à la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21). 5. M. [D] [B] et Mme [X] [K] ont été identifiés comme ayant pris part aux faits ; cette dernière a reconnu qu'elle avait bien le portrait en sa possession, qui n'a pas été retrouvé à son domicile lors d'une perquisition. 6. Mme [K] et M. [B] ont été condamnés, l'un et l'autre, par ordonnances pénales, pour vol en réunion, à 300 euros d'amende. 7. Sur leur opposition, le tribunal correctionnel de Strasbourg les a relaxés. 8. Le ministère public a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné les prévenus pour vol à une peine d'amende de 400 euros avec sursis, alors : « 1°/ que l'incrimination d'un comportement constitutif d'une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause ; que l'appréciation du caractère proportionné de l'incrimination doit reposer sur des critères pertinents tels que le lien entre le comportement constitutif de l'infraction et le message qu'il vise à exprimer relativement à une question d'intérêt général, la manière dont cette infraction a été commise, la gravité de ses conséquences et la gravité des conséquences de l'incrimination sur l'exercice de la liberté d'expression ; que la Cour de cassation est en mesure de constater, au regard des motifs de l'arrêt et des éléments du dossier, d'une part, qu'il existait un lien étroit et pertinent entre d'un côté l'action de s'emparer d'un portrait du Président de la République dans les locaux d'une mairie pour y laisser à la place un vide destiné à symboliser l'absence politique efficience pour lutter contre le réchauffement climatique ou une pancarte reprenant ce message et pour utiliser ensuite ce portrait au cours de manifestations ou pour des actions médiatiques, et de l'autre le contenu du message visant à dénoncer l'insuffisance des mesures prises par l'Etat pour respecter les engagements pris par la France en termes de lutte contre le réchauffement climatique, lequel s'inscrit dans un débat relatif à une question d'intérêt général, d'autre part, que les prévenus ont agi à visage découvert, de manière non violente et organisée à cette fin, sans commettre de dégradation et en ayant recours à un certaine dose d'humour et de dérision, ensuite, que les conséquences de l'infraction sont limitées, la victime, collectivité territoriale, ne subissant qu'un préjudice négligeable s'agissant du vol d'un bien d'une valeur modique et aisément remplaçable, l'ordre public n'étant troublé que ponctuellement et l'action n'ayant ni pour objet ni pour effet de remettre en cause en son principe l'obligation faite pour toute personne de respecter la loi et les droits d'autrui et, enfin, que les conséquences de l'incrimination de vol qui ne se limitent pas au risque d'une condamnation mais s'étendent à celui, avéré, de faire l'objet d'une mesure d'enquête coercitive ou intrusive, sont de nature à dissuader tous ceux qui souhaitent participer à des performances à caractère politique et non-violentes comme celles consistant, en utilisant une dose d'humour, de dérision ou de satire et sans commettre de dégradation, à s'emparer de biens de faible valeur appartenant à des personnes publiques ou à des personnes morales titulaires d'un pouvoir politique ou économique pour s'en prendre symboliquement à ces dernières afin de dénoncer, avec une base factuelle suffisante, une carence de leur part dans la lutte contre le réchauffement climatique ; qu'au regard de ces éléments, l'ingérence résultant de l'incrimination de vol ne répond pas à l'exigence de proportionnalité et en retenant le contraire la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ qu'en appréciant la proportionnalité des seules poursuites et en se fondant uniquement sur la considération que les prévenus disposaient de moyens légaux pour s'exprimer, que le vol du portrait du Président de la République pour un motif politique était porteur de dérives et que ledit portrait n'avait pas été restitué, sans mettre en oeuvre, en tout ou partie, les critères précités, la cour d'appel, qui n'a pas apprécié la proportionnalité de l'incrimination et n'a pas fait état de motifs pertinents et suffisants, a violé, à double titre, l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°/ qu'eu égard de la place qu'occupe, dans une société démocratique, le moyen de participer à un débat sur une question d'intérêt général que constituent les actions non-violentes utilisant une dose d'humour, de dérision ou de satire et consistant à s'emparer, sans dégradation, de biens de faible valeur appartenant à des personnes publiques ou des personnes morales titulaires d'un pouvoir politique ou économique pour s'en prendre symboliquement à ces dernières lorsqu'il s'agit de dénoncer, avec une base factuelle suffisante, une carence dans leurs actions telle que celle, désormais constatée en justice, qui entachait l'action du Gouvernement en termes de lutte contre le réchauffement climatique à la date des faits reprochés aux prévenus, la seule circonstance que cette dénonciation aurait pu emprunter d'autres formes ne peut justifier qu'elle soit incriminée pénalement en ce qu'elle a donné lieu à la commission d'une infraction pénale lorsque cette incrimination constitue, par ailleurs, une restriction disproportionnée dans la liberté d'expression au regard des critères tirés notamment du lien entre le comportement constitutif de l'infraction et le message qu'il vise à exprimer, de la manière dont cette infraction a été commise, de la gravité de ses conséquences et de celle des conséquences de l'incrimination sur l'exercice de la liberté d'expression ; que, dès lors, en se prononçant au regard du motif inopérant tiré de ce qu'il existait à la disposition des prévenus et des membres de leur organisation toutes sortes de moyens légaux pour exprimer leurs inquiétudes sur le réchauffement climatique et l'inaction du Gouvernement en ce domaine, la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 4°/ que le risque qu'en cas de résultat décevant de la dénonciation réalisée au moyen du comportement incriminé, d'autres actions pourraient s'en prendre à des biens publics ou communaux d'une autre nature ou de plus grande valeur que le portrait du Président de la République constitue un motif hypothétique et, en toute hypothèse, ne peut suffire, à lui seul ou associé au motif tiré de ce que les prévenus ont refusé de restituer le portrait, à justifier le caractère proportionné de l'incrimination de vol, de sorte que la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 5°/ que le vol du portrait du Président de la République ayant été réalisé avec l'indication qu'il s'agissait d'une réquisition temporaire et que ce portrait ne serait pas restitué tant que les engagements pris par la France dans le cadre de la COP21 ne seraient pas tenus, l'absence de restitution participait de l'opinion politique émise par les prévenus là où, du fait de la valeur modique du bien et de son caractère aisément remplaçable, cette absence de restitution n'a pu produire qu'une atteinte négligeable aux intérêts de collectivité territoriale concernée ; que, dès lors, en se fondant sur la considération que les prévenus avaient refusé de restituer le portrait, la cour d'appel s'est prononcée au regard d'un motif inopérant et a violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 6°/ qu'en reprochant aux prévenus de ne pas avoir restitué le portrait tandis qu'elle constatait que ce portrait avait été dérobé pour le conserver tant que des mesures à mêmes d'assurer le respect des engagements pris par la France dans le cadre de la COP21 ne seraient pas mises en oeuvre, la cour d'appel a pénalisé le refus des prévenus de renoncer à leur opinion politique et au message qu'ils diffusaient et a violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 7°/ que les conséquences de l'incrimination au regard desquelles doit être examinée la proportionnalité de l'ingérence doivent être appréciées au regard de l'effet dissuasif qu'elles produisent sur l'exercice de la liberté d'expression et ne se limitent pas à la sanction prononcée ou à l'exercice de poursuites et comprennent notamment les mesures d'enquête qui ont pu être imposées aux prévenus ; qu'en appréciant la proportionnalité de l'ingérence au regard uniquement des poursuites exercées sans apprécier leur effet dissuasif et sans tenir compte des mesures d'enquête subies par les prévenus, la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 8°/ qu'en omettant de se prononcer sur le moyen pris de ce qu'il convenait de tenir compte, dans l'appréciation de la proportionnalité de l'ingérence, de l'ampleur des moyens déployés par l'Etat en réponse aux différentes opérations de « décrochage » réalisées depuis le 21 février 2019 sur le territoire national, qui étaient au nombre de cent cinquante environ, et de rechercher si cette ampleur, qui se caractérisait par le suivi des affaires par le bureau de lutte anti-terroriste, l'incitation à ce que les maires déposent systématiquement plainte ou la substitution du préfet à ces derniers, le placement en garde à vue de cent vingt-sept personnes, la réalisation de quatre vingt-six perquisitions et des poursuites engagées devant un tribunal correctionnel à l'encontre de quatre vingt personnes au total, ne manifestait pas la volonté des pouvoirs publics de réprimer ou à tout le moins de dissuader l'expression d'une opinion critique à l'égard du Gouvernement, et non pas seulement d'assurer la répression des infractions pénales et de prévenir ou de mettre fin à un trouble à l'ordre public, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 10. Selon l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à la liberté d'expression, et l'exercice de cette liberté peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui. 11. Ainsi que le juge la Cour de cassation, l'incrimination d'un comportement constitutif d'une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause (Crim., 26 octobre 2016, pourvoi n° 15-83.774, Bull. Crim. 2016, n° 278 ; Crim., 26 février 2020, pourvoi n° 19-81.827, publié au Bulletin ; Crim., 22 septembre 2021, pourvoi n° 20-85.434, publié au Bulletin). 12. Lorsque le prévenu invoque une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression, il appartient au juge, après s'être assuré, dans l'affaire qui lui est soumise, du lien direct entre le comportement incriminé et la liberté d'expression sur un sujet d'intérêt général, de vérifier le caractère proportionné de la condamnation. Ce contrôle de proportionnalité requiert un examen d'ensemble, qui doit prendre en compte, concrètement, entre autres éléments, les circonstances des faits, la gravité du dommage ou du trouble éventuellement causé. 13. Dans le cas particulier d'une poursuite du chef de vol, doivent être notamment prises en compte la valeur matérielle du bien, mais également, le cas échéant, sa valeur symbolique, ainsi que la réversibilité ou l'irréversibilité du dommage causé à la victime. 14. Pour écarter l'argumentation des prévenus, qui faisaient valoir que l'incrimination de vol en réunion constituait en l'espèce une ingérence disproportionnée dans l'exercice de leur liberté d'expression, la cour d'appel retient qu'ils ont voulu, avec d'autres, dans un dessein politique, appeler l'attention des pouvoirs publics sur la méconnaissance, par la France, des engagements qu'elle a souscrits dans le cadre de la COP21. 15. Les juges énoncent que l'objet du vol est le portrait du Président de la République, exposé dans les locaux d'une mairie, peu important sa valeur marchande. 16. Ils relèvent que les prévenus ont refusé de restituer le portrait volé tant que la politique du gouvernement n'aurait pas changé, alors même que le maire de la commune avait fait en ce sens une démarche amiable. Ils remarquent que la restitution du portrait aurait évité, si ce n'est les poursuites, du moins une perquisition du domicile de la prévenue. 17. Ils en déduisent que les poursuites engagées contre les prévenus ne constituent pas une ingérence disproportionnée dans l'exercice de leur liberté d'expression. 18. Ils soulignent, pour motiver la peine prononcée, que les prévenus n'ont pas des profils de délinquants et que le vol qu'ils ont commis, d'un bien d'une valeur d'environ 35 euros, s'explique seulement par leur engagement sincère en faveur de la protection de la planète et de la lutte contre le réchauffement climatique, ce dont il résulte qu'une amende de 400 euros avec sursis constitue une sanction adaptée et proportionnée. 19. En l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision, sans encourir les griefs du moyen. 20. En effet, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que, bien que l'action menée par les prévenus se soit inscrite dans le cadre d'une démarche militante et puisse être considérée comme une expression au sens de l'article 10 précité, la condamnation prononcée n'est pas disproportionnée au regard de la valeur symbolique du portrait du Président de la République et du refus de le restituer tant que leurs revendications ne seraient pas satisfaites, ainsi que de la circonstance que le vol a été commis en réunion. 21. Dès lors, le moyen doit être écarté. 22. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit mai deux mille vingt-deux.
L'incrimination d'un comportement constitutif d'une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression. Il appartient au juge, lorsqu'est invoquée une telle atteinte, de vérifier le caractère proportionné de la condamnation, au terme d'un examen d'ensemble qui doit prendre en compte notamment les circonstances de fait et la gravité du dommage et du trouble éventuellement causé. Au cas de poursuites pour vol, la valeur matérielle et symbolique du bien, le caractère réversible ou irréversible du dommage, doivent être pris en compte. La cour d'appel a justifié sa décision en mettant la Cour de cassation en mesure de s'assurer qu'au cas d'espèce, s'agissant de faits relevant de la liberté d'expression au sens de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, la condamnation prononcée n'est pas disproportionnée
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N° N 21-82.205 FS-B N° 00517 MAS2 18 MAI 2022 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MAI 2022 M. [TL] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises de la Charente, en date du 5 mars 2021, qui, pour viols et agressions sexuelles, l'a condamné à quatorze ans de réclusion criminelle, sept ans de suivi socio-judiciaire, a décerné mandat d'arrêt et a ordonné une mesure de confiscation, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [TL] [X], les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mmes [P] [L], [W] [K], [U] [M], [B] [O], [C] [Z], [WD] [V], [G] [A], [T] [E], [R] [D], [I] [F], [Y] [SJ], [J] [BC], [T] [ZJ], [MN] [CO] et [I] [S], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Slove, Leprieur, Sudre, MM. Turbeaux, Laurent, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Mallard, Mme Guerrini, conseillers référendaires, Mme Mathieu, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [TL] [X] a été renvoyé devant la cour d'assises de la Gironde, par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, du 21 décembre 2017, des chefs susvisés. 3. Cette cour d'assises, par arrêt du 8 février 2019, l'a reconnu coupable, l'a condamné à neuf ans d'emprisonnement, sept ans de suivi socio-judiciaire, a ordonné la confiscation des scellés et, par arrêt distinct, la cour a prononcé sur les intérêts civils. 4. M. [X] a relevé appel de ces décisions, le ministère public a formé appel incident et des parties civiles appel incident de l'arrêt civil. Examen des moyens Sur les premier, deuxième et cinquième moyens 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt pénal attaqué en ce qu'il a déclaré M. [X] coupable de viols et agressions sexuelles et l'a condamné de ces chefs, alors « que les témoins déposent oralement et ne peuvent, aux termes de l'article 331 du code de procédure pénale, s'aider de documents que s'ils y ont été préalablement autorisés par le président ; qu'au cas d'espèce, il résulte du procès-verbal des débats et de l'arrêt incident rendu le 4 mars 2021 que Mme [H] [N], témoin, « s'est aidée d'une note écrite au début de sa déposition puis librement dès que la remarque lui en a été faite », que la violation de l'article 331 est caractérisée. » Réponse de la Cour 7. Selon l'article 331 du code de procédure pénale, les témoins, lors de leur audition devant la cour d'assises, peuvent s'aider de documents au cours de leur déposition, à la condition d'y avoir été autorisés par le président. 8. La Cour de cassation casse les arrêts de condamnation prononcés par la cour d'assises, lorsqu'il résulte du procès-verbal des débats qu'au cours de ceux-ci, un témoin s'aide d'un document, sans y avoir été autorisé par le président, si cette irrégularité fait l'objet d'un donné-acte ou d'un incident (Crim., 7 novembre 2007, pourvoi n° 07-80.437, Bull. crim. 2007, n° 267). La cassation est alors prononcée, même en l'absence de grief causé par cette irrégularité aux droits de la défense. 9. Cependant, l'article 802 du code de procédure pénale dispose qu'en cas de violation ou d'inobservation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne. 10. Par application de cette disposition, la cassation d'un arrêt de cour d'assises, en cas de méconnaissance, au cours des débats, de la formalité précitée de l'article 331 du code de procédure pénale, n'est encourue que lorsque cette inobservation a porté atteinte aux intérêts du demandeur au pourvoi. 11. Le procès-verbal des débats indique qu'au cours de l'audition du témoin Mme [N], l'avocat de l'accusé a demandé à ce qu'il lui soit donné acte de ce que ce témoin déposait avec des notes à la main. 12. Le procès-verbal mentionne que le président lui a donné acte de ce que, pendant quelques minutes, le témoin s'était aidé de notes pour faire sa déposition, et a invité le témoin à les poser pour poursuivre. 13. En cet état, et dès lors que le demandeur ne prétend pas que le recours du témoin à ses notes a porté atteinte à ses intérêts, le moyen ne peut être accueilli. Mais sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 14. Le moyen critique l'arrêt pénal attaqué en ce qu'il a déclaré M. [X] coupable de viols et agressions sexuelles et l'a condamné de ces chefs, alors « que les jurés ont le devoir de ne pas manifester leur opinion ; qu'au cas d'espèce, il résulte du procès-verbal des débats que le 3 mars 2021, « le président a posé la question suivante émanant d'un juré « Monsieur [X], pensez pour vos enfants, qu'ils sauront ce que vous avez fait et ne vous le pardonneront pas tandis que si vous le reconnaissiez, ils vous pardonneraient », ce dont le président a donné acte, sur sa demande, à l'avocat de M. [X] ; que l'arrêt attaqué, rendu par un jury dans lequel siégeait le juré ayant posé cette question et ayant ainsi manifesté son opinion sur la culpabilité de M. [X], encourt la cassation. » Réponse de la Cour Vu les articles 311 et 328 du code de procédure pénale : 15. Il résulte de ces textes que, lors des débats devant la cour d'assises, le président, les assesseurs et les jurés ne peuvent manifester leur opinion sur la culpabilité de l'accusé. 16. Le procès-verbal des débats mentionne qu'à la demande de l'avocat de la défense, le président a donné acte de ce qu'il venait de poser à l'accusé la question suivante, émanant d'un juré : « M. [X] pensez pour vos enfants, qu'ils sauront ce que vous avez fait et ne vous le pardonneront pas tandis que si vous le reconnaissiez, ils vous pardonneraient ». 17. En posant ainsi une question dans laquelle un juré donnait son opinion sur la culpabilité de l'accusé en la présentant comme établie ce qui résulte de l'emploi de l'expression « ce que vous avez fait », à propos des infractions, objet de l'accusation, le président de la cour d'assises a méconnu son obligation d'impartialité. 18. Il en résulte que la cassation est encourue de ce chef. Portée et conséquence de la cassation 19. La cassation, qui portera sur toutes les dispositions de l'arrêt pénal, entraînera la mise en liberté immédiate, s'il n'est détenu pour autre cause, de M. [X] qui, placé sous contrôle judiciaire, a comparu libre devant la cour d'assises statuant en appel. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt pénal susvisé de la cour d'assises de la Charente, en date du 5 mars 2021, ensemble la déclaration de la cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ; CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de la Dordogne, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Ordonne la mise en liberté de M. [X], s'il n'est détenu pour autre cause ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Charente et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit mai deux mille vingt-deux.
La méconnaissance, dont il est donné acte à la défense, de la formalité de l'article 331 du code de procédure pénale, qui subordonne à l'autorisation préalable du président de la cour, la possibilité pour un témoin de s'aider de ses notes afin de déposer devant la cour d'assises, ne peut être sanctionnée que si le demandeur justifie, conformément à l'article 802 du code de procédure pénale, que cette irrégularité a porté atteinte à ses intérêts
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N° E 21-84.613 F-B N° 00580 ODVS 18 MAI 2022 REJET M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MAI 2022 M. [E] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-10, en date du 27 décembre 2018, qui, pour conduite d'un véhicule après usage de stupéfiants, en récidive, l'a condamné à l'annulation de son permis de conduire et a ordonné une mesure de confiscation. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 avril 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Slove, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [E] [D] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, notamment du chef de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de cannabis. 3. Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable de ce chef et ont prononcé l'annulation de son permis de conduire. 4. M. [D] a relevé appel de cette décision et le ministère public a formé appel incident. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen est pris de la violation des articles L. 235-1 et R. 235-6 du code de la route et de l'arrêté du 13 décembre 2016 régissant les modalités de dépistage des stupéfiants. 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du procès-verbal d'expertise toxicologique et de tous les actes subséquents alors que le médecin ayant réalisé le prélèvement sanguin en vue de la réalisation d'une analyse permettant de savoir si le prévenu avait consommé des produits stupéfiants avant de prendre le volant, ne précise ni le volume de sang prélevé, ni le nombre de tubes utilisé pour son prélèvement. Il soutient que l'arrêté du 13 décembre 2016 prévoit l'obligation de procéder à un prélèvement sanguin de deux fois 10 ml dans deux tubes distincts ; qu'ainsi, les analyses pouvant être erronées, il n'est pas possible d'affirmer que M. [D] était sous l'emprise de produits stupéfiants alors qu'il conduisait son véhicule, ce d'autant que la fiche d'examen de comportement n'a permis de déceler aucun comportement anormal et que le taux notifié peut ainsi être faux, le taux réel pouvant être inférieur à 1 ng/ml ou pouvant être nul. Réponse de la Cour 7. Pour écarter le moyen de nullité du rapport toxicologique, l'arrêt attaqué, par motifs propres et adoptés, énonce que la quantité de sang à prélever ne fait pas l'objet de réglementation et qu'aucune disposition n'impose au praticien requis de prélever un volume minimal de sang, la référence au volume ne concernant que la capacité des tubes mis à disposition par l'agent requérant ; qu'ainsi le volume de 10 ml de sang n'est que le maximum de sang qu'il est possible de prélever. 8. Les juges ajoutent que le volume de remplissage du tube doit être laissé à l'appréciation du praticien qui tiendra toujours compte des conditions de son intervention tout en respectant les principes médicaux de la ponction sanguine. 9. Ils concluent que le prévenu qui n'a pas fait d'observations particulières lors de la notification du résultat de taux de THC-COOH, n'invoque aucun grief précis qui résulterait de l'absence de mentions précisant le volume exact de sang prélevé. 10. En prononçant ainsi, et dès lors que l'article 8 de l'arrêté du 5 septembre 2001, qui imposait le prélèvement d'une quantité minimale de sang en vue de l'analyse destinée à établir la présence de cannabis à l'occasion de la conduite d'un véhicule, a été abrogé par l'arrêté du 13 décembre 2016, qui prévoit seulement la mise à la disposition, par l'enquêteur qui requiert le prélèvement, au praticien qui l'exécute, de deux tubes de 10 ml chacun, sans imposer le recueil d'une quantité minimale de sang, la cour d'appel a justifié sa décision. 11. Par conséquent, le moyen n'est pas fondé. 12. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit mai deux mille vingt-deux.
L'article 8 de l'arrêté du 5 septembre 2001, qui imposait le prélèvement d'une quantité minimale de sang en vue de l'analyse destinée à établir la présence de cannabis à l'occasion de la conduite d'un véhicule, a été abrogé par l'arrêté du 13 décembre 2016, qui prévoit seulement la mise à la disposition, par l'enquêteur qui requiert le prélèvement, au praticien qui l'exécute, de deux tubes de 10 ml chacun, sans imposer le recueil d'une quantité minimale de sang. Justifie en conséquence sa décision la cour d'appel qui écarte le moyen de nullité du rapport toxicologique en énonçant qu'aucune disposition n'impose au praticien requis de prélever un volume minimal de sang
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N° X 21-82.283 FS-B N° 00273 ECF 18 MAI 2022 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MAI 2022 La [1], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, en date du 23 février 2021, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte contre personne non dénommée des chefs de proxénétisme aggravé, défaut d'avertissement relatif à un contenu pornographique, enregistrement et diffusion de représentations pornographiques de mineurs, fabrication et diffusion de message violent et pornographique perceptible par un mineur, a confirmé partiellement l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de la [1], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, Mme Leprieur, Mme Sudre, Mme Issenjou, M. Turbeaux, M. Laurent, conseillers de la chambre, M. Petitprez, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 9 décembre 2010, une information judiciaire a été ouverte des chefs susvisés sur plainte avec constitution de partie civile de la [1], en raison de faits constatés sur quatre sites français à caractère pornographique. 3. Cette plainte visait, notamment, des comportements consistant, pour des jeunes femmes, à se livrer, devant une caméra, à des agissements à caractère sexuel, retransmis en direct par un moyen de communication audiovisuelle à des clients qui les sollicitaient et les rémunéraient par un moyen de paiement à distance. 4. Le 8 juillet 2019, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu. 5. La partie civile a relevé appel de cette ordonnance. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation des articles 80-1, 186, 207, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à un chef péremptoire de conclusions, violation des droits de la défense, des articles 225-5, 225-6 et 225-7 du code pénal, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, principe du respect des droits de la défense et de l'égalité des armes. 7. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé partiellement l'ordonnance de non-lieu entreprise en ce qu'il y est dit n'y avoir lieu à suivre des chefs de proxénétisme aggravé et défaut de mise en garde quant au contenu pornographique, alors « que la prostitution consiste dans le fait d'employer son corps, moyennant rémunération, à la satisfaction des plaisirs du public, quelle que soit la nature des actes accomplis quand bien même il n'y a pas de contact physique entre la personne prostituée et son client ; qu'est qualifiable de proxénétisme le fait de tirer profit de la prostitution d'autrui, d'en partager les produits ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la prostitution, ou de servir d'intermédiaire dans un tel but ; qu'il y a proxénétisme aggravé lorsque le proxénétisme est réalisé grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication électronique ; qu'en l'espèce il était fait valoir, pour justifier de la demande de poursuite de l'information, que les faits relatifs au site eurolive.com devaient être qualifiés de prostitution en ce que « les « modèles » du site eurolive se livrent, devant une caméra, à des actes sexuels (y compris de pénétration) sur eux-mêmes et/ou sur d'autres « modèles », à la demande d'un client qui les rémunère pour assouvir ainsi ses désirs sexuels », ce qui laisserait supposer des actes qualifiables de proxénétisme aggravé commis ou permis par le responsable légal de la structure exploitant ce site, rendant nécessaire la poursuite de l'information ; qu'en rejetant cette demande, sans analyser en quoi consistait l'exploitation du site litigieux, au seul motif que « la cour qui doit garantir le respect du principe d'interprétation stricte de la loi pénale ne s'écartera pas de la définition jurisprudentielle de la prostitution à savoir le contact physique onéreux avec le client pour la satisfaction des besoins sexuels de celui-ci » quand la prostitution ne fait l'objet d'aucune définition législative, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris s'est déterminée selon un motif inopérant et a violé les articles précités. » Réponse de la Cour 8. Les articles 225-5 et 225-6 du code pénal incriminent le proxénétisme, qui consiste pour quiconque, de quelque manière que ce soit, à aider ou assister la prostitution d'autrui, protéger cette activité, convaincre une personne de s'y livrer, en tirer profit ou en faciliter l'exercice. 9. Afin de déterminer si un comportement peut être poursuivi au titre du proxénétisme, il convient, au préalable, de définir ce qui relève de la prostitution, les dispositions précitées ne la définissant pas. 10. La Cour de cassation juge que la prostitution consiste à se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu'ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d'autrui (Crim., 27 mars 1996, pourvoi n° 95-82.016, Bull. crim. 1996 n° 138). 11. Le développement d'internet a favorisé un phénomène connu sous le nom de « caming », consistant pour des « camgirls » ou « camboys » à proposer, moyennant rémunération, une diffusion d'images ou de vidéos à contenu sexuel, le client pouvant donner à distance des instructions spécifiques sur la nature du comportement ou de l'acte sexuel à accomplir. 12. Ces comportements n'entrent pas dans le cadre de la définition précitée, dès lors qu'ils n'impliquent aucun contact physique entre la personne qui s'y livre et celle qui les sollicite, de sorte que l'assimilation de ces comportements à des actes de prostitution suppose une extension de cette définition. 13. Or, il apparaît que le législateur n'a pas entendu étendre cette définition, y compris à l'occasion de lois récentes pénalisant certains comportements de nature sexuelle. 14. Ainsi, l'article 611-1 du code pénal, créé par la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016, visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, incrimine le fait de solliciter une personne qui se livre à la prostitution, en précisant que ce fait consiste, en échange d'une rémunération, à solliciter, accepter ou obtenir des relations de nature sexuelle, ce qui exclut l'incrimination en l'absence de telles relations. 15. Par ailleurs, l'article 227-23-1 du code pénal, créé par la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste, réprime le fait, pour un majeur, de solliciter auprès d'un mineur la diffusion ou transmission d'images, vidéos ou représentations à caractère pornographique de ce mineur. Même si la condition d'une rémunération n'est pas exigée pour caractériser cette infraction, il convient de souligner que le législateur n'a pas employé le terme de prostitution pour qualifier ce comportement, pourtant comparable à celui visé dans la présente affaire. 16. En l'état de cette évolution législative, dont il résulte que la notion de prostitution n'excède pas les limites de la définition jurisprudentielle précitée, qui n'a pas été remise en cause depuis 1996, il n'appartient pas au juge de modifier son appréciation dans un sens qui aurait pour effet d'élargir cette définition au-delà de ce que le législateur a expressément prévu. 17. Par l'arrêt attaqué, pour dire n'y avoir lieu à suivre du chef de proxénétisme aggravé, la chambre de l'instruction retient qu'il lui incombe de garantir le respect du principe d'interprétation stricte de la loi pénale et de ne pas s'écarter de la définition jurisprudentielle de la prostitution qui implique le contact physique onéreux avec le client pour la satisfaction des besoins sexuels de celui-ci. 18. Les juges ajoutent qu'en l'absence de contact physique avec le client lui-même, l'activité visée par la plainte se distingue de la prostitution. 19. En l'état de ces motifs, la chambre de l'instruction, qui a répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire de la partie civile, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués. 20. Dès lors, le moyen doit être écarté. 21. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit mai deux mille vingt-deux.
En l'absence de définition légale de la prostitution, dont la caractérisation conditionne l'incrimination de proxénétisme, et en présence de textes récents dont il résulte que le législateur n'a pas entendu étendre la définition jurisprudentielle de cette notion, arrêtée par la Cour de cassation en 1996, et selon laquelle cette activité consiste à se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu'ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d'autrui, il n'appartient pas au juge de modifier son appréciation dans un sens qui aurait pour effet d'élargir cette définition au-delà de ce que le législateur a expressément prévu. Doit ainsi être rejeté le pourvoi qui reproche à une chambre de l'instruction d'avoir refusé d'étendre la définition de la prostitution à l'activité de « caming », consistant à proposer, moyennant rémunération, une diffusion d'images ou de vidéos à contenu sexuel, le client pouvant donner à distance des instructions spécifiques sur la nature du comportement ou de l'acte sexuel à accomplir, dès lors que celle-ci n'implique aucun contact physique entre la personne qui s'y livre et celle qui la sollicite
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N° F 21-85.074 FS-B N° 00518 MAS2 18 MAI 2022 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 18 MAI 2022 M. [U] [H] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises de la Guyane, en date du 12 mai 2021, qui, pour complicité de meurtre, l'a condamné à huit ans d'emprisonnement et quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [U] [H] [Y], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Slove, Leprieur, Issenjou, MM. Turbeaux, Laurent, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Mallard, Mme Guerrini, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du 19 septembre 2018, le juge d'instruction de Cayenne a renvoyé M. [U] [H] [Y] devant la cour d'assises de la Guyane sous l'accusation de complicité de meurtre. 3. Par arrêt du 11 septembre 2019, cette juridiction a acquitté M. [H] [Y]. 4. Le procureur général près la cour d'appel de Cayenne a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé sur l'action publique, alors « que le greffier dresse, à l'effet de constater l'accomplissement des formalités prescrites, un procès-verbal qui est signé par le président et par ledit greffier ; qu'en l'espèce, la douzième et dernière page du procès-verbal des débats, relative aux formalités accomplies après la suspension de l'audience le 12 mai 2021 à 12 heures 19, n'est pas signée par le greffier ; qu'il en résulte que ne sont légalement établis, pour la dernière demi-journée d'audience, ni la composition de la cour d'assises ni la présence du ministère public à l'audience ni l'identité du greffier qui aurait assisté aux débats ni la publicité de l'audience ni le fait que l'accusé aurait eu la parole en dernier ; qu'en prononçant ainsi sur l'action publique, la cour d'assises a violé l'article 378 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. L'examen du procès-verbal des débats révèle que la signature du greffier n'a pas été apposée sur la dernière page de ce document, qui relate les formalités accomplies lors de la dernière demi-journée des débats, à la reprise de l'audience. 8. Cependant, l'arrêt pénal mentionne la composition de la cour d'assises, la présence du ministère public, l'identité du greffier, la publicité de l'audience et la circonstance que l'accusé a eu la parole en dernier. 9. Ces mentions mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les formalités dont l'observation est contestée par le moyen ont été accomplies. 10. Le moyen sera, dès lors, écarté. 11. Par ailleurs, la procédure est régulière et la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit mai deux mille vingt-deux.
Si en application de l'article 378 du code de procédure pénale, le procès-verbal des débats, qui se sont tenus devant la cour d'assises, doit être signé du président et du greffier, la nullité de la procédure n'est pas encourue en cas de défaut de signature de la seule dernière page de ce document par le greffier, dès lors que l'arrêt pénal permet à la Cour de cassation de s'assurer que les formalités relatives à la composition de la cour d'assises, la présence du ministère public, l'identité du greffier, la publicité de l'audience et la circonstance que l'accusé a eu la parole en dernier, dont l'accomplissement est contesté par le moyen, ont été remplies
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mai 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 495 FS-B Pourvoi n° A 20-20.343 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022 M. [Z] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 20-20.343 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2020 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société CITV Somme, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à M. [S] [P], domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de Me Occhipinti, avocat de M. [F], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société CITV Somme et de M. [P], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 23 juin 2020), sur le fondement d'un jugement du 8 avril 2014 condamnant M. [F] au paiement d'une certaine somme, la société CITV Somme a saisi entre ses mains et celles de la SCI D3Ass les parts détenues par M. [F] dans chacune d'elles. 2. La vente par adjudication de ces parts sociales a été réalisée au profit de M. [P], le 8 décembre 2017, en la chambre départementale des notaires de la Somme. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation des procès-verbaux d'adjudication du 8 décembre 2017, alors « que la vente forcée des droits d'associés et des valeurs mobilières non cotées est une procédure engagée par un huissier de justice et qu'aucun texte ne donne compétence aux notaires pour réaliser l'adjudication de ces biens ; qu'en estimant que l'adjudication des droits d'associés de M. [F] avait pu être réalisée par un notaire, la cour d'appel a violé les articles L. 231-1, R. 231-1 et R. 231-5 du code des procédures civiles d'exécution, et L. 211-21 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 relative aux ventes judiciaires aux enchères publiques en vigueur jusqu'au 1er juillet 2022 conformément à l'ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016, les commissaires-priseurs judiciaires ont, avec les autres officiers publics ou ministériels et les autres personnes légalement habilitées, seuls compétence pour organiser et réaliser les ventes judiciaires de meubles corporels ou incorporels aux enchères publiques, et faire les inventaires et prisées correspondants. 5. Il en résulte que les notaires, qui, selon l'article 1er de l'ordonnance n° 45-290 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, sont des officiers publics, ont, comme tout autre officier public ou ministériel, le pouvoir de réaliser l'adjudication des parts sociales. 6. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et le condamne à payer à la société CITV Somme et à M. [P] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour M. [F] M. [F] reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande d'annulation des procès-verbaux d'adjudication du 8 décembre 2017 qu'il avait formée ; ALORS QUE la vente forcée des droits d'associés et des valeurs mobilières non cotées est une procédure engagée par un huissier de justice et qu'aucun texte ne donne compétence aux notaires pour réaliser l'adjudication de ces biens ; qu'en estimant que l'adjudication des droits d'associés de M. [F] avait pu être réalisée par un notaire, la cour d'appel a violé les articles L 231-1, R 2311 et R 231-5 du code des procédures civiles d'exécution, et L 211-21 du code monétaire et financier.
Il résulte de l'article 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 relative aux ventes judiciaires aux enchères publiques, en vigueur jusqu'au 1er juillet 2022, que les notaires ont, comme tout autre officier public ou ministériel, le pouvoir de réaliser l'adjudication des parts sociales
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mai 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 499 F-B Pourvoi n° A 20-21.585 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022 1°/ Mme [W] [C], domiciliée [Adresse 3] (États-Unis), 2°/ M. [T] [Y], domicilié [Adresse 4] (États-Unis), 3°/ M. [K] [F] [Y], domicilié [Adresse 5] (États-Unis), ont formé le pourvoi n° A 20-21.585 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [N] [V], domicilié [Adresse 1], 2°/ à Mme [H] [B], domiciliée [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [C], M. [T] [Y] et M. [K] [F] [Y], de la SCP Spinosi, avocat de M. [V] et Mme [B], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2020), Mme [C], M. [T] [Y] et M. [K] [F] [Y], ces derniers venant aux droits de [D] [Y], héritiers de l'artiste [J] [Z] (les consorts [Z]), revendiquant la propriété de quatorze oeuvres d'[J] [Z], parmi lesquelles le mobile « un verre et deux cuillères », selon eux détenues en dépôt par [P] [V], galiériste et marchand d'art, ont, en 2005, agi à l'encontre de ses héritiers, M. [V] et Mme [B] (les consorts [V]) en restitution de ces oeuvres, soutenant qu'[P] [V] et [J] [Z] étaient liés par un contrat de dépôt et que les consorts [V] étaient mal fondés à invoquer à leur profit la règle selon laquelle, en matière de meubles, possession vaut titre. 2. Par un arrêt du 26 novembre 2010, devenu irrévocable par l'effet du rejet du pourvoi formé par les consorts [V] (1re Civ., 22 mars 2012, pourvoi n° 10-28.590, bull. n° 69), la cour d'appel de Paris a, pour l'essentiel, condamné les consorts [V] à remettre sous astreinte aux consorts [Z] sept oeuvres, dont le mobile « un verre et deux cuillères », a débouté les consorts [Z] de leur demande de revendication et d'expertise concernant quatre oeuvres, et, avant dire droit sur les demandes concernant les trois autres oeuvres, a ordonné la réouverture des débats pour que les consorts [V] produisent les documents concernant leur vente et que les parties concluent sur ce point. 3. La restitution du mobile « un verre et deux cuillères » est intervenue le 15 avril 2011 en présence d'un expert qui a constaté l'existence de dommages. 4. Après réouverture des débats, les consorts [Z] ont demandé la condamnation des consorts [V] à leur payer une certaine somme en réparation du préjudice résultant de la vente des trois dernières oeuvres restant en litige. 5. Par arrêt du 14 janvier 2015, la cour d'appel de Paris a déclaré prescrite la demande d'indemnisation concernant l'une des oeuvres et a condamné les consorts [V] à indemniser les consorts [Z] pour les deux autres oeuvres. 6. En 2016, les consorts [Z], invoquant les dommages causés au mobile « un verre et deux cuillères », imputables selon eux à [P] [V], qui en avait la garde, ont assigné les consorts [V] en paiement de différentes sommes en réparation de leurs préjudices matériel et moral résultant de cette détérioration. 7. Les consorts [V] ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée aux arrêts du 26 novembre 2010 et du 14 janvier 2015. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 8. Les consorts [Z] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes en réparation des préjudices causés par la restitution dans un état dégradé de l'oeuvre dénommée « Un verre et deux cuillères », alors « que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; qu'en déclarant irrecevable la demande d'indemnisation fondée sur la détérioration de l'oeuvre « Un verre et deux cuillères » qui n'a pas le même objet que la précédente demande en restitution de cette oeuvre, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile : 9. Il résulte du premier de ces textes que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime être de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits. 10. Pour déclarer irrecevables les demandes des consorts [Z] en réparation des préjudices causés par la restitution, dans un état dégradé, de l'oeuvre dénommée « Un verre et deux cuillères », l'arrêt retient que l'action engagée en 2016 est une action en indemnisation fondée sur un manquement aux obligations du contrat de dépôt, tandis que la première action contenait une demande indemnitaire fondée sur le contrat de dépôt, de sorte que les deux actions ont le même objet et qu'il appartenait aux consorts [Z], en application du principe de la concentration des moyens, de soulever dès la première instance le moyen tiré de la mauvaise exécution de l'obligation de restitution du dépositaire. 11. En statuant ainsi, alors que la demande d'indemnisation de l'état détérioré du mobile restitué « Un verre et deux cuillères » avait un objet distinct de celui de la demande d'indemnisation de l'absence de restitution des trois oeuvres vendues, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, l'arrêt rendu le 20 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne M. [V] et Mme [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et Mme [B] et les condamne à payer à Mme [C], M. [T] [Y] et M. [K] [F] [Y] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [C], M. [T] [Y] et M. [K] [F] [Y] Mme [W] [C], M. [T] [Y] et M. [K] [F] [Y] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables leurs demandes en réparation des préjudices causés par la restitution dans un état dégradé de l'oeuvre de [Z] dénommée « Un verre et deux cuillères » ; 1/ ALORS QUE, l'action sur laquelle la cour d'appel de Paris a statué par ses arrêts des 26 novembre 2010 et 14 janvier 2015 était une action en revendication de quatorze oeuvres de [Z] détenues par les consorts [V] qui prétendaient en avoir prescrit la propriété, si bien qu'en retenant que cette action était de nature indemnitaire, la cour d'appel a méconnu l'autorité de chose jugée attachée aux arrêts précités violant ainsi l'article 1355 du code civil ; 2/ ALORS QU'il résulte des articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que la demande en restitution d'un bien fondée sur le droit de propriété du demandeur n'a pas le même objet, ni la même cause que la demande en réparation du préjudice résultant des dégradations du bien constatées lors de sa restitution ; qu'en déclarant irrecevable comme se heurtant à l 'autorité de chose jugée des arrêts ordonnant la restitution de oeuvres la demande de réparation du préjudice causé par les détériorations de l'oeuvre constatées lors de sa restitution, la cour d'appel a violé les textes précités ; 3/ ALORS QUE s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; qu'en déclarant irrecevable la demande d'indemnisation fondée sur la détérioration de l'oeuvre « Un verre et deux cuillères » qui n'a pas le même objet que la précédente demande en restitution de cette oeuvre, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 1355 du code civil que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime être de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits. La demande d'indemnisation des dommages subis par une oeuvre d'art, formée, sur le fondement de l'inexécution de son obligation de restitution par le dépositaire, par les propriétaires auxquels elle a été restituée, n'a, pas le même objet que la demande d'indemnisation, formée par les mêmes propriétaires, au titre de l'absence de restitution, dans le cadre du même contrat de dépôt, de trois oeuvres vendues. Viole en conséquence les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile, la cour d'appel qui déclare irrecevable la demande en indemnisation de l'oeuvre détérioriée au motif que les deux demandes, en ce qu'elles étaient fondées sur le même contrat de dépôt, avaient le même objet et que les propriétaires devaient dès lors concentrer leurs moyens dès la première instance, alors que, s'agissant de demandes dont les objets étaient distincts, les propriétaires n'étaient pas tenus de toutes les présenter dès la première instance
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mai 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 500 F-B Pourvoi n° N 21-10.422 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022 M. [L] [J], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 21-10.422 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Selafa Mandataires judiciaires associés (Selafa MJA), société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Takeeateasy.fr, exerçant sous le nom commercial Take Eat Easy, 2°/ à l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Ouest, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [J], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2020), M. [J] a saisi un conseil de prud'hommes aux fins de requalification en contrat de travail de son contrat de prestation de services avec la société Takeeateasy.fr, placée en liquidation judiciaire, puis a relevé appel du jugement du 21 juin 2018 qui a déclaré la juridiction incompétente. 2. Ayant saisi le premier président d'une requête en application de l'article 84, alinéa 2 du code de procédure civile, il a été autorisé à assigner à jour fixe pour l'audience du 19 décembre 2019. 3. Par un premier arrêt du 20 février 2020, une cour d'appel a constaté la caducité de la déclaration d'appel, l'extinction de l'instance et son dessaisissement. 4. Le 20 février 2020, M. [J] a formé une nouvelle déclaration d'appel. Examen du moyen Sur le moyen unique, en sa première branche Enoncé du moyen 5. M. [J] fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel formé le 20 février 2020 irrecevable, alors « que seule la partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 du code de procédure civile se trouve privée de la possibilité de former un appel principal contre le même jugement en application de l'article 911-1 du même code ; que dès lors, considérant que la caducité de l'appel prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris le 20 février 2020, dont elle a pourtant constaté qu'elle était fondée sur les articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, rendait irrecevable le second appel formé par M. [J] à l'encontre de la même décision, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que la caducité n'avait pas été prononcée sur le fondement des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 du code de procédure civile, a violé l'article 911-1 du même code par fausse application. » Réponse de la Cour Vu les articles 83, 85, 911-1, alinéa 3 du code de procédure civile et R. 1461-2 du code du travail : 6. Selon l'article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues notamment par l'article 85 du même code. Aux termes de ce dernier texte, nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit ou jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948. 7. En application de l'article R. 1461-2 du code du travail, l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire, prévue par le code de procédure civile. 8. Il résulte de l'article 911-1, alinéa 3 du code de procédure civile, que la partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie. 9. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que l'article 85 du code de procédure civile, figurant au rang des dispositions qui instituent une voie de recours particulière pour les jugements ayant statué exclusivement sur la compétence, se réfère certes à la procédure à jour fixe pour ce qui est des règles d'instruction et de jugement applicables à cette affaire, mais que cette voie de recours n'est pas une procédure à jour fixe et n'exclut en rien les règles de la procédure ordinaire avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, auxquelles il se réfère expressément, s'agissant du respect des prescriptions de l'article 901 qui ouvre la sous-section 1 et donc, implicitement, des articles suivants. 10. En statuant ainsi, alors que la caducité de la déclaration d'appel avait été prononcée sur le fondement des articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, non visés par l'article 911-1, alinéa 3, précité, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la Selafa MJA, en qualité de mandataire liquidateur de la société Takeeateasy.fr, et l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Ouest aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Selafa MJA, en qualité de mandataire liquidateur de la société Takeeateasy.fr, et l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Ouest à payer à M. [J] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [J] M. [J] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'appel formé le 20 février 2020 irrecevable, alors : 1°) que seule la partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 du code de procédure civile se trouve privée de la possibilité de former un appel principal contre le même jugement en application de l'article 911-1 du même code ; que dès lors, considérant que la caducité de l'appel prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris le 20 février 2020, dont elle a pourtant constaté qu'elle était fondée sur les articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, rendait irrecevable le second appel formé par M. [J] à l'encontre de la même décision, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que la caducité n'avait pas été prononcée sur le fondement des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 du code de procédure civile, a violé l'article 911-1 du même code par fausse application ; 2°) qu'en tout état de cause, il résulte des articles 84 et 85 du code de procédure civile, que l'appel formé à l'encontre d'un jugement rendu par une juridiction devant laquelle la constitution d'un avocat est obligatoire et s'étant prononcée sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, est instruit et jugé selon la procédure à jour fixe de sorte que les règles applicables aux procédures ordinaires sont écartées ; que dès lors, en retenant, pour considérer que la caducité de l'appel prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris le 20 février 2020, sur le fondement des articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile rendait le second appel principal formé par M. [J] à l'encontre de la même décision irrecevable, en application de l'article 911-1 du même code, que, même s'il résultait de l'article 85 que l'appel dirigé contre un jugement statuant sur la compétence devait être instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe, il ne s'agirait pas d'une procédure à jour fixe de sorte que les articles 901 et suivants du code de procédure civile relatifs aux procédures ordinaires, et plus particulièrement l'article 911-1, seraient applicables, la cour d'appel, a violé les articles 84 et 85 du code de procédure civile par refus d'application.
Selon l'article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues notamment, par l'article 85 du même code. Aux termes de ce dernier texte, nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit ou jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948. Il résulte de l'article 911-1, alinéa 3, du code de procédure civile que la partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie. Il découle de la combinaison de ces textes que dans une procédure avec représentation obligatoire, la caducité de la déclaration d'appel ne peut être prononcée sur le fondement des articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, qui ne sont pas visés par l'article 911-1, alinéa 3, précité
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mai 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 504 F-B Pourvoi n° W 21-14.616 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022 1°/ M. [X] [E], domicilié [Adresse 2], 2°/ la société Emera exploitations, société par actions simplifiée, 3°/ la société Emera, société par actions simplifiée, 4°/ la société Emera plus santé, société par actions simplifiée, ayant toutes trois leur siège [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° W 21-14.616 contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1 - chambre 3), dans le litige les opposant à la société FJMN, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [E] et des sociétés Emera exploitations, Emera et Emera plus santé, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société FJMN, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 janvier 2021), ayant découvert fortuitement que le groupe Emera, avec lequel il était lié par un accord de partenariat, faisait l'objet d'une opération de cession de titres au bénéfice d'un tiers, le groupe Aplus, dont la société FJMN est subrogée dans les droits, a assigné le groupe Emera devant un juge des référés aux fins notamment de le voir condamné à communiquer certaines informations relatives à cette opération. 2. Par ordonnance du 27 février 2020, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé. La société FJMN a interjeté appel. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 4. Les sociétés Emera exploitations, Emera, Emera plus santé et M. [X] [E] font grief à l'arrêt de déclarer recevables les pièces et conclusions de la société FJMN, et en conséquence d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de communication de l'ensemble des pièces sollicitées par la société FJMN, et statuant à nouveau et y ajoutant, de condamner les sociétés Emera exploitations, Emera, Emera plus santé et M. [X] [E] à communiquer à la société FJMN : une copie de la promesse d'achat consentie par la société Newco Emera en date du 24 juillet 2019, une copie des annexes 10 à 14 au contrat de cession et d'acquisition en date du 20 novembre 2019, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à l'expiration du délai imparti, astreinte courant pendant un délai de quatre mois, alors : « 1°/ que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation ; que l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l'avocat de l'intimé avec les pièces visées à peine d'irrecevabilité ; qu'en retenant que les conclusions et les pièces étaient recevables quand bien même les pièces n'avaient pas été produites avec les conclusions d'appel dans le délai d'un mois imparti à l'appelant, la cour d'appel a violé les articles 16, 905-2, 906 et 954 du code de procédure civile ensemble le principe de la contradiction ; 2°/ que, à tout le moins, le principe de contradiction suppose que l'intimé se soit vu notifier les pièces visées à l'appui de conclusions en demande dans le délai d'un mois qui lui est imparti à compter de la notification de ces conclusions lorsque l'affaire est fixée à bref délai ; qu'en considérant qu'il était suffisant que les pièces visées par les conclusions de l'appelant soient versées avant la clôture, peu important qu'elles n'aient pas été produites dans le délai d'un mois imparti à l'intimé pour y répondre, si bien qu'il n'y avait pas lieu de prononcer l'irrecevabilité de ces conclusions, la cour d'appel a violé les articles 16, 905-2, 906 et 954 du code de procédure civile ensemble le principe de la contradiction. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 905-2 du code de procédure civile, alinéas 1 et 2, issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe. L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. 6. Il résulte de l'article 906 que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués. Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification. Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables. 7. Cet article n'édictant pas de sanction en cas de défaut de communication des pièces simultanément à la notification des conclusions, même lorsque l'affaire est fixée à bref délai en application de l'article 905-1 précité, le juge est toutefois tenu de rechercher si ces pièces ont été communiquées en temps utile. 8. Ayant relevé que les intimés avaient conclu, le 19 juin 2020, dans le délai imparti par l'article 905-2 du code de procédure civile, et que si l'appelante avait communiqué à la partie adverse les pièces, figurant sur son bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions, après l'expiration du délai des intimés pour conclure, la sanction de cette communication tardive ne pouvait, au regard de l'article 906 du même code, être l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante, notifiées dans le délai de l'article 905-2 requis, c'est à bon droit et sans méconnaître le principe de la contradiction que la cour d'appel, après avoir constaté que l'appelante avait communiqué ses pièces le 24 juin, permettant ainsi aux intimés de conclure utilement au fond bien avant la date de clôture fixée au 22 octobre 2020, a déclaré recevables les conclusions et pièces de l'appelante. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [E], la société Emera exploitations, la société Emera et la société Emera plus santé aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E], la société Emera exploitations, la société Emera, la société Emera plus santé et les condamne à payer à la société FJMN la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. [E] et les sociétés Emera exploitations, Emera et Emera plus santé Premier moyen de cassation Les sociétés Emera Exploitations, Emera, Emera Plus Santé et M. [X] [E] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevables les pièces et conclusions de la société Fjmn, et en conséquence d'avoir infirmé l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de communication de l'ensemble des pièces sollicitées par la société Fjmn, et statuant à nouveau et y ajoutant, condamné les sociétés Emera Exploitations, Emera, Emera Plus Santé et M. [X] [E] à communiquer à la société Fjmn : une copie de la promesse d'achat consentie par la société Newco Emera en date du 24 juillet 2019, une copie des annexes 10 à 14 au contrat de cession et d'acquisition en date du 20 novembre 2019, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à l'expiration du délai imparti, astreinte courant pendant un délai de 4 mois. Alors que 1°) les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation ; que l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l'avocat de l'intimé avec les pièces visées à peine d'irrecevabilité ; qu'en retenant que les conclusions et les pièces étaient recevables quand bien même les pièces n'avaient pas été produites avec les conclusions d'appel dans le délai d'un mois imparti à l'appelant, la cour d'appel a violé les articles 16, 905-2, 906 et 954 du code de procédure civile ensemble le principe de la contradiction ; Alors que 2°) à tout le moins, le principe de contradiction suppose que l'intimé se soit vu notifier les pièces visées à l'appui de conclusions en demande dans le délai d'un mois qui lui est imparti à compter de la notification de ces conclusions lorsque l'affaire est fixée à bref délai ; qu'en considérant qu'il était suffisant que les pièces visées par les conclusions de l'appelant soient versées avant la clôture, peu important qu'elles n'aient pas été produites dans le délai d'un mois imparti à l'intimé pour y répondre, si bien qu'il n'y avait pas lieu de prononcer l'irrecevabilité de ces conclusions, la cour d'appel a violé les articles 16, 905-2, 906 et 954 du code de procédure civile ensemble le principe de la contradiction ; Alors que 3°) à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les premières conclusions devant être déposées dans le délai strict imparti à l'appelant d'un mois en cas de fixation de l'affaire à bref délai, l'ensemble des prétentions de l'appelant, en ce compris la demande visant à obtenir l'annulation d'un chef de dispositif du jugement ; qu'en considérant que la cour d'appel statuant au vu des dernières conclusions, il importait peu que les premières conclusions remises dans le délai imparti d'un mois n'aient pas critiqué les chefs de dispositif du jugement, la cour d'appel a violé les articles 905-2, 910-4 et 954 du code de procédure civile. Second moyen de cassation, subsidiaire. Les sociétés Emera Exploitations, Emera, Emera Plus Santé et M. [X] [E] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de communication de l'ensemble des pièces sollicitées par la société Fjmn, et statuant à nouveau et y ajoutant, condamné les sociétés Emera Exploitations, Emera, Emera Plus Santé et M. [X] [E] à communiquer à la société Fjmn : une copie de la promesse d'achat consentie par la société Newco Emera en date du 24 juillet 2019, une copie des annexes 10 à 14 au contrat de cession et d'acquisition en date du 20 novembre 2019, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à l'expiration du délai imparti, astreinte courant pendant un délai de 4 mois. Alors que le juge des référés ne peut ordonner l'exécution d'une obligation de faire que pour prévenir un dommage imminent, faire cesser un trouble manifestement illicite, ou en présence d'une obligation non sérieusement contestable ; que l'absence de contestation sérieuse d'une obligation suppose que l'obligation soit incontestable en son principe ; qu'une promesse unilatérale d'achat est le contrat par lequel un acheteur, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la vente dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation de laquelle ne manque que le consentement du bénéficiaire ; que le bénéficiaire est libre d'exercer cette option ; qu'en l'espèce, l'article 6-1-1 de l'accord de partenariat du 4 mai 2016 stipulait que devait être transmis à « à Aplus tout accord engageant relatif à une opération pouvant entraîner un changement de contrôle Emera », c'est-à-dire obligeant M. [E] à céder le contrôle défini comme la perte de plus de 50% d'Emera, directement ou indirectement ; qu'en considérant que la promesse d'achat faite au bénéfice du Groupe Emera, libre de céder ou non le contrôle en suite de cet engagement, était un « acte engageant », la cour d'appel a commis une erreur de qualification de la promesse ne permettant pas de caractériser l'absence de contestation sérieuse sur l'existence même de l'obligation de transmettre le document litigieux, étant constant que l'accord de cession de contrôle a été dûment transmis ; que ce faisant, la cour d'appel a violé l'article 873 al. 2 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 906 que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués. Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification. Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables. Cet article n'édicte pas de sanction en cas de défaut de communication des pièces simultanément à la notification des conclusions, même lorsque l'affaire est fixée à bref délai en application de l'article 905-1 précité. Il appartient, toutefois, au juge de rechercher si ces pièces ont été communiquées en temps utile
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mai 2022 Cassation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 506 F-B Pourvoi n° H 21-13.062 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022 M. [U] [M], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-13.062 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [V] [N], domicilié [Adresse 3], 2°/ à Mme [B] [Z], domiciliée [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [M], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [N], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. [M] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [Z]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 janvier 2021), le 18 août 2012, un tribunal de grande instance a condamné M. [M] et Mme [Z], titulaires d'un bail consenti par M. [N], à payer à celui-ci diverses sommes dues en exécution de ce contrat. 3. La liquidation judiciaire de Mme [Z] a été prononcée par un jugement du 14 juin 2013, puis a été clôturée pour insuffisance d'actif le 13 novembre 2015, M. [N] ayant alors reçu un certificat d'irrecouvrabilité à la suite de la déclaration de sa créance. 4. Par ordonnance du 20 novembre 2014, M. [N] a obtenu de saisir sur les rémunérations du travail de M. [M] la somme de 21 020,68 euros, correspondant à la moitié des condamnations prononcées le 18 août 2012. Cette somme a été entièrement payée au créancier le 2 juillet 2015. 5. Le 11 mai 2017, M. [N] a assigné M. [M] et Mme [Z] devant un tribunal de grande instance, pour obtenir qu'ils soient solidairement tenus au paiement de leurs dettes locatives arrêtées par le jugement du 21 janvier 2013. 6. M. [M] a fait appel du jugement ayant notamment déclaré irrecevable la demande de M. [N] tendant à la condamnation solidaire des débiteurs, ayant constaté que ces derniers étaient tenus solidairement au paiement des sommes dues en exécution du bail et jugé que l'obligation au paiement pesant sur eux était solidaire. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. M. [M] fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. [N] à son encontre et de dire qu'il est solidairement tenu au paiement de la dette locative fixée par le jugement du 21 janvier 2013, alors « que la seconde demande en paiement d'une même dette locative, formée à l'encontre des mêmes parties, est irrecevable comme se heurtant à l'autorité attachée au jugement ayant déjà statué sur cette demande, d'un montant identique, quoiqu'initialement sans solidarité ; qu'en déclarant cependant recevable la demande de M. [N] tendant à voir M. [M] solidairement tenu, avec Mme [Z], d'une dette locative de 36.324,84 € au titre de l'occupation de locaux entre le 1er avril 2011 et le 15 octobre 2012, tandis que par un jugement du 21 janvier 2013, le tribunal d'instance d'Annecy les avait condamnés au paiement de cette somme, sans autre précision et donc conjointement, ce dont il résultait que la demande formée contre les mêmes parties et tendant au paiement de la même dette locative, quoique désormais avec solidarité, se heurtait à l'autorité de la chose jugée par le jugement du 21 janvier 2013, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil : 8. Il résulte de ce texte qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci. 9. Pour déclarer recevable l'action de M. [N] à l'encontre de M. [M] et dire qu'il est solidairement tenu au paiement de la dette locative fixée par le jugement du 21 janvier 2013, l'arrêt énonce qu'il ne peut être déduit de l'absence d'invocation de solidarité entre M. [M] et Mme [Z], lors de l'instance précédente, que M. [N] aurait renoncé à se prévaloir de cette modalité de sa créance, et relève que le jugement du 21 janvier 2013 a reconnu que M. [N] détenait une créance à l'encontre de M. [M] et de Mme [Z], de sorte que la demande qu'il formule dans la présente instance ne tend pas à la reconnaissance du même droit, dans la mesure où, s'il se prévaut toujours de la même créance à l'égard des mêmes personnes, il argue de la solidarité entre elles, ce qui modifie, en la confortant, la consistance de son droit. 10. En se déterminant ainsi, alors qu'il appartenait à M. [N] de solliciter, dès l'instance relative à la première demande, la condamnation solidaire des débiteurs, de sorte que sa seconde demande, portant sur le caractère solidaire de la condamnation irrévocablement prononcée, ne tendait qu'à remettre en cause, en dehors de l'exercice des voies de recours, par un moyen non soutenu devant le tribunal d'instance, une décision revêtue de l'autorité de chose jugée à leur égard, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquence de la cassation 11. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, invoqués par le demandeur au pourvoi. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue sur le fond. 13. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 8 à 10 qu'il y a lieu de déclarer irrecevables les demandes de M. [N] à l'encontre de M. [M]. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable l'action de M. [N] à l'encontre de M. [M], et dit que M. [M] est solidairement tenu au paiement de la datte locative fixée par le jugement du 21 janvier 2013, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes de M. [N] à l'encontre de M. [M] ; Condamne M. [N] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Chambéry ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [N] et le condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros tant au titre de l'instance suivie tant devant la cour d'appel de Chambéry que devant la Cour de cassation ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. [M] M. [M] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable l'action de M. [N] à son encontre et d'avoir dit qu'il était solidairement tenu au paiement de la dette locative fixée par le jugement du 21 janvier 2013 ; 1°) Alors que la seconde demande en paiement d'une même dette locative, formée à l'encontre des mêmes parties, est irrecevable comme se heurtant à l'autorité attachée au jugement ayant déjà statué sur cette demande, d'un montant identique, quoiqu'initialement sans solidarité ; qu'en déclarant cependant recevable la demande de M. [N] tendant à voir M. [M] solidairement tenu, avec Mme [Z], d'une dette locative de 36.324,84 € au titre de l'occupation de locaux entre le 1er avril 2011 et le 15 octobre 2012, tandis que par un jugement du 21 janvier 2013, le tribunal d'instance d'Annecy les avait condamnés au paiement de cette somme, sans autre précision et donc conjointement, ce dont il résultait que la demande formée contre les mêmes parties et tendant au paiement de la même dette locative, quoique désormais avec solidarité, se heurtait à l'autorité de la chose jugée par le jugement du 21 janvier 2013, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ; 2°) Alors qu'en toute hypothèse en jugeant que la demande de M. [N] à l'encontre de M. [M] était recevable et que ce dernier devait être solidairement tenu au paiement de l'intégralité de la dette locative fixée par le jugement du 21 janvier 2013 (arrêt, p. 9 § 9), sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé (concl., p. 8 § 5 et s.), si l'autorité de la chose jugée par l'ordonnance du juge d'instance de Paris du 20 novembre 2014, saisi d'une intervention de M. [N] à la procédure de saisie des rémunérations de M. [M], fixant la créance de M. [N] à l'encontre de M. [M] à la moitié de la dette locative fixée par le jugement du 21 janvier 2013, faisait obstacle à la recevabilité de la demande de M. [N], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ; 3°) Alors que la cassation des dispositions de l'arrêt déclarant recevable l'action de M. [N] à l'encontre de M. [M] entraînera, par voie de conséquence, la cassation des dispositions qui, faisant droit à cette demande, ont dit qu'il était solidairement tenu au paiement de la dette locative fixée par le jugement du 21 janvier 2013, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 1351, devenu 1355, du code civil, qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci. Méconnaît ces dispositions l'arrêt qui déclare recevable l'action d'un créancier à l'encontre d'un débiteur dont il avait déjà obtenu la condamnation conjointe avec un autre débiteur, lors d'une instance précédente, et le dit solidairement tenu de la dette fixée par le premier jugement, dans la mesure où, en se déterminant ainsi, alors qu'il appartenait au créancier de solliciter, dès l'instance relative à la première demande, la condamnation solidaire des débiteurs, de sorte que sa seconde demande, portant sur le caractère solidaire de la condamnation irrévocablement prononcée, ne tendait qu'à remettre en cause, en dehors de l'exercice des voies de recours, par un moyen non soutenu devant le tribunal d'instance, une décision revêtue de l'autorité de chose jugée à leur égard
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mai 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 509 F-B Pourvoi n° P 20-23.529 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [T], épouse [P]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 22 octobre 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022 1°/ Mme [X] [T], épouse [P], domiciliée [Adresse 3], assistée de son curateur, l'Association tutélaire protection (ATP), 2°/ l'Association tutélaire protection (ATP), dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de curateur de Mme [X] [T], ont formé le pourvoi n° P 20-23.529 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [G] [R], domiciliée [Adresse 4], assistée de son curateur, M. [J] [C], 2°/ à M. [J] [C], domicilié [Adresse 2], pris en qualité de curateur de Mme [G] [R], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [T] et de l'Association tutélaire protection (ATP), en qualité de curateur de Mme [T], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [R] et de M. [C], en qualité de curateur de Mme [R], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 décembre 2019), Mme [R], propriétaire d'un appartement donné à bail à Mme [T] et M. [B], leur a délivré un congé pour vente. 2. Estimant ce congé frauduleux, Mme [T] a assigné Mme [R] devant un tribunal d'instance pour obtenir notamment la nullité du congé et le paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice de jouissance. Un jugement du 5 décembre 2012, confirmé par un arrêt d'une cour d'appel du 4 juillet 2014, a rejeté ces demandes. 3. En 2017, Mme [T] a assigné Mme [R] devant un tribunal d'instance afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices découlant du congé frauduleusement délivré. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 4. Mme [T] fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables au regard de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 4 juillet 2014, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, qu'il faut notamment que la chose demandée soit la même ; qu'en jugeant irrecevables les demandes de Mme [T] comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 4 juillet 2014 devant laquelle cette dernière avait demandé, à titre subsidiaire, la nullité du congé pour vente en raison d'un prix manifestement excessif proposé par la bailleresse et l'octroi de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance causé par l'état du logement, la cour d'appel, saisie en l'occurrence par Mme [T] d'une demande tendant à la condamnation de Mme [R] à des dommages et intérêts en raison du seul caractère frauduleux du congé que cette dernière lui avait délivré, a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. Mme [R] conteste la recevabilité du moyen au motif que celui-ci est nouveau. 6. Cependant, Mme [T] ayant soutenu dans ses écritures devant la cour d'appel que la demande formée dans cette nouvelle instance n'était pas la même que celle ayant donné lieu à l'arrêt du 4 juillet 2014, le moyen n'est pas nouveau. 7. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile : 8. Il résulte du premier de ces textes que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime être de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits. 9. Pour déclarer irrecevables les demandes présentées par Mme [T], comme se heurtant à l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 4 juillet 2014, l'arrêt retient que celle-ci a déjà saisi le tribunal d'instance de Marseille d'une demande tendant à voir prononcer la nullité du congé et qu'elle a été déboutée de cette demande par arrêt confirmatif du 4 juillet 2014 et qu'au regard de l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt, ses demandes qui tendent notamment à obtenir le prononcé de la nullité du congé, dont est invoqué le caractère frauduleux, doivent être déclarées irrecevables. 10. En statuant ainsi, alors que l'action tendant à obtenir la nullité du congé et l'indemnisation des troubles de jouissance subis durant l'occupation du logement n'avait pas le même objet que l'action en réparation des préjudices subis du fait de la délivrance frauduleuse du congé pour vendre, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne Mme [R], assistée de son curateur M. [C], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [R] assistée de son curateur M. [C] et la condamne à payer à la SAS Buk Lament-Robillot, la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme [T] et l'Association tutélaire protection (ATP), en qualité de curateur de Mme [T] Mme [T] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré ses demandes irrecevables au regard de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 4 juillet 2014. 1°) ALORS QUE Mme [T], dans le dispositif de ses dernières conclusions en date du 26 septembre 2019, demandait en l'espèce à la cour d'appel d'Aix-en-Provence de dire et juger que le congé pour vendre délivré à la requête de Mme [R] avait un caractère frauduleux et de condamner en conséquence cette dernière à lui verser une somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts ; qu'en énonçant, pour juger irrecevables les demandes de Mme [T] comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 4 juillet 2014 devant laquelle cette dernière avait demandé, à titre subsidiaire, la nullité du congé pour vente en raison d'un prix manifestement excessif proposé par la bailleresse, que les demandes dont elle était présentement saisie tendaient à obtenir le prononcé de la nullité du congé, la cour d'appel a violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause ; 2°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, qu'il faut notamment que la chose demandée soit la même ; qu'en jugeant irrecevables les demandes de Mme [T] comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 4 juillet 2014 devant laquelle cette dernière avait demandé, à titre subsidiaire, la nullité du congé pour vente en raison d'un prix manifestement excessif proposé par la bailleresse et l'octroi de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance causé par l'état du logement, la cour d'appel, saisie en l'occurrence par Mme [T] d'une demande tendant à la condamnation de Mme [R] à des dommages et intérêts en raison du seul caractère frauduleux du congé que cette dernière lui avait délivré, a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile.
L'action tendant à obtenir la nullité du congé et l'indemnisation des troubles de jouissance subis durant l'occupation du logement n'a pas le même objet que l'action en réparation des préjudices subis du fait de la délivrance frauduleuse du congé pour vendre, de sorte que la seconde demande ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la première
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mai 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 511 F-B Pourvoi n° Y 21-10.685 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022 1°/ Mme [S] [A], veuve [W], domiciliée [Adresse 7], 2°/ M. [T] [W], domicilié [Adresse 2], tous deux agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [U] [W], décédé, ont formé le pourvoi n° Y 21-10.685 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [Z] [X], domiciliée [Adresse 6], 2°/ à Mme [N] [X], domiciliée [Adresse 4], 3°/ à Mme [D] [X], domiciliée [Adresse 5], tous trois venant aux droits de [Y] [X], décédé, 4°/ à la société [Y] [X], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6], représentée par son liquidateur, Mme [Z] [X], 5°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 6°/ à la société Atelier l'Echelle, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], venant aux droits de la société Cabinet d'architecture [V] [R] et [C] [H], 7°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [A], veuve [W], et M. [T] [W], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mmes [Z], [N] et [D] [X] venant aux droits de [Y] [X], la société [Y] [X] représentée par son liquidateur, Mme [Z] [X], et la société MMA IARD, de Me Balat, avocat de la société Atelier l'Echelle, venant aux droits de la société Cabinet d'architecture [V] [R] et [C] [H], et la société Mutuelle des architectes français, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2020), Mme [W] et son fils, M. [T] [W], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [U] [W], ont, par déclaration du 23 novembre 2017, relevé appel du jugement d'un tribunal de grande instance ayant déclaré irrecevable comme prescrite leur action en responsabilité engagée contre M. [X], en son nom personnel et en qualité de liquidateur de la société [X], aux droits desquels viennent la société [Y] [X] représentée par son liquidateur Mme [Z] [X], Mmes [N], [Z] et [D] [X] venant aux droits de [Y] [X], et contre la société MMA IARD. 2. La société Cabinet d'architecture [V] [R] et [C] [H], aux droits de laquelle se trouve la société Atelier l'Echelle, et la société Mutuelle des architectes français ont été appelées en garantie. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Mme [W] et M. [T] [W] font grief à l'arrêt de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, alors : « 1°/ que, lorsqu'une demande en annulation de la déclaration d'appel, fondée sur l'absence de mention, dans cette déclaration, des chefs du jugement critiqués, est rejetée par le conseiller de la mise en état au motif que, le chef de dispositif que l'appelant a entendu remettre en cause étant aisément identifiable, ce vice de forme ne cause aucun grief à l'intimé, la cour d'appel doit être regardée comme saisie de l'effet dévolutif de l'appel ; que, dans son ordonnance du 3 juillet 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande des intimés tendant à l'annulation de la déclaration d'appel formée par les époux [W], au motif que, le dispositif du jugement attaqué ne comportant, outre les condamnations aux dépens et aux indemnités de procédure, qu'une seule disposition, par laquelle le jugement a déclaré l'action prescrite, l'appel portait nécessairement sur cette disposition, de sorte que les intimés ne justifiaient d'aucun grief résultant de la mention, dans cette déclaration, selon laquelle l'appel était « total » ; qu'en considérant, pour constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, que la déclaration d'appel ne visait aucun chef de jugement critiqué, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile ; 2°/ que le constat de l'absence d'effet dévolutif de l'appel ne bénéficie qu'à l'intimé qui s'en est prévalu devant la cour d'appel ; que seule la société MAF avait demandé à la cour d'appel de juger que l'acte d'appel des consorts [W] était dépourvu de tout effet dévolutif ; qu'en considérant qu'elle n'était saisie d'aucune demande, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 5. En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. 6. Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel fondée sur ce même grief aurait été rejetée. 7. En application des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, a le pouvoir de statuer sur l'absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile. 8. Ayant relevé que la déclaration d'appel mentionnait au titre de l'objet/portée de l'appel un « appel total » et ne visait aucun chef de jugement critiqué et qu'aucune régularisation de la déclaration d'appel n'était intervenue dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, la cour d‘appel, qui ne pouvait que constater que cette déclaration d'appel était dépourvue d'effet dévolutif, quand bien même le conseiller de la mise en état avait rejeté la demande d'annulation de cette déclaration d'appel fondée sur l'absence de mention des chefs de jugement critiqués faute de grief causé aux intimés, en a exactement déduit qu'elle n'était saisie d'aucune demande, l'absence d'effet dévolutif opérant pour l'ensemble des intimés. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [W] et M. [T] [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [W] et M. [T] [W] et les condamne à payer à la société [Y] [X] représentée par son liquidateur, Mme [Z] [X], Mmes [N], [Z] et [D] [X] venant aux droits de [Y] [X], et la société MMA IARD, la somme globale de 3 000 euros et à la société Mutuelle des architectes français la somme globale de 1 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour Mme [A], veuve [W], et M. [T] [W] IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'absence d'effet dévolutif de l'appel ; 1°) ALORS QUE, lorsqu'une demande en annulation de la déclaration d'appel, fondée sur l'absence de mention, dans cette déclaration, des chefs du jugement critiqués, est rejetée par le conseiller de la mise en état au motif que, le chef de dispositif que l'appelant a entendu remettre en cause étant aisément identifiable, ce vice de forme ne cause aucun grief à l'intimé, la cour d'appel doit être regardée comme saisie de l'effet dévolutif de l'appel ; que, dans son ordonnance du 3 juillet 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande des intimés tendant à l'annulation de la déclaration d'appel formée par les époux [W], au motif que, le dispositif du jugement attaqué ne comportant, outre les condamnations aux dépens et aux indemnités de procédure, qu'une seule disposition, par laquelle le jugement a déclaré l'action prescrite, l'appel portait nécessairement sur cette disposition, de sorte que les intimés ne justifiaient d'aucun grief résultant de la mention, dans cette déclaration, selon laquelle l'appel était « total » ; qu'en considérant, pour constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, que la déclaration d'appel ne visait aucun chef de jugement critiqué, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en tout état de cause, le constat de l'absence d'effet dévolutif de l'appel ne bénéficie qu'à l'intimé qui s'en est prévalu devant la cour d'appel ; que seule la société MAF avait demandé à la cour d'appel de juger que l'acte d'appel des consorts [W] était dépourvu de tout effet dévolutif ; qu'en considérant qu'elle n'était saisie d'aucune demande, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel, fondée sur ce même grief, aurait été rejetée, seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, ayant le pouvoir, en application des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, de statuer sur l'absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mai 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 517 F-B Pourvoi n° J 21-10.580 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022 La caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 2], a formé le pourvoi n° J 21-10.580 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant à la société Lactalis Nestlé ultra frais marques, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Lactalis Nestlé ultra frais marques, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2020), à l'issue de l'instruction de la demande de M. [G], salarié de la société Lactalis Nestlé ultra frais marques (la société Lactalis), la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire (la CPAM) a notifié à celle-ci, le 8 octobre 2015, la prise en charge de la maladie de celui-ci au titre de la législation professionnelle. 2. Après un recours amiable, rejeté, la société Lactalis a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une contestation de cette décision. 3. Par jugement du 7 septembre 2017, notifié le 19 septembre 2017, la juridiction a considéré, dans ses motifs, que la CPAM n'avait pas pleinement respecté la procédure d'instruction de sorte que la décision de prise en charge n'était pas opposable à la société Lactalis. Dans son dispositif était toutefois indiqué que la société Lactalis était déboutée de son recours et que la décision de prise en charge lui était opposable. 4. Le 21 septembre 2017, la société Lactalis a déposé une requête en rectification d'erreur matérielle auprès de la juridiction qui, par jugement du 5 octobre 2017, notifié le 12 octobre suivant, a rectifié la décision en indiquant en lieu et place de ce qui était indiqué dans son dispositif que le recours de la société Lactalis était dit bien fondé et que la décision de prise en charge lui était inopposable. 5. Le 25 octobre 2017, la CPAM a interjeté appel des deux jugements. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. La CPAM fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel interjeté par elle le 25 octobre 2017, alors « que la rectification d'une erreur matérielle intervenue après l'expiration du délai pour former appel ouvre un nouveau délai pour former appel à l'encontre du jugement rectifié, lorsque la rectification fait naître l'intérêt pour l'appelant à former appel et ne peut donner lieu à contestation utile en cassation ; qu'en déclarant irrecevable comme tardif l'appel formé le 25 octobre 2017 par la Caisse contre le jugement du 7 septembre 2017, quand, d'une part, celle-ci ne disposait pas d'un intérêt à former appel avant la rectification intervenue le 5 octobre 2017 dès lors qu'en l'état originel du jugement du 7 septembre 2017, la Caisse ne succombait nullement, et d'autre part, la rectification ne pouvait donner lieu à contestation utile en cassation, les juges du fond ont violé les articles 31, 462, 538, 543 et 546 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 7. En application de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. 8. La décision rectificative a, quant aux voies de recours, le même caractère et est soumise aux mêmes règles que la décision interprétée. 9. Néanmoins, si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation. 10. Il en résulte que la décision rectificative n'a pas d'effet sur le délai d'appel de la décision rectifiée, qui court depuis sa notification. 11. Ayant relevé, d'une part, que lorsque la caisse avait interjeté appel le 25 octobre 2017, le délai d'appel était expiré, une requête en rectification d'erreur matérielle ne pouvant constituer une cause d'interruption ou de suspension de ce délai, et exactement retenu, d'autre part, que la décision rectifiée, qui était passée en force de chose jugée à la date à laquelle le recours avait été introduit, le 25 octobre 2017, contre la décision rectificative, ne pouvait être attaquée que par un pourvoi en cassation, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait. 12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire et la condamne à payer à la société Lactalis Nestlé ultra frais marques la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire L'arrêt attaqué, critiqué par la Caisse, encourt la censure ; EN CE QU' il a déclaré irrecevable l'appel interjeté le 25 octobre 2017 par la Caisse ; ALORS QUE, la rectification d'une erreur matérielle intervenue après l'expiration du délai pour former appel ouvre un nouveau délai pour former appel à l'encontre du jugement rectifié, lorsque la rectification fait naître l'intérêt pour l'appelant à former appel et ne peut donner lieu à contestation utile en cassation ; qu'en déclarant irrecevable comme tardif l'appel formé le 25 octobre 2017 par la Caisse contre le jugement du 7 septembre 2017, quand, d'une part, celle-ci ne disposait pas d'un intérêt à former appel avant la rectification intervenue le 5 octobre 2017 dès lors qu'en l'état originel du jugement du 7 septembre 2017, la Caisse ne succombait nullement, et d'autre part, la rectification ne pouvait donner lieu à contestation utile en cassation, les juges du fond ont violé les articles 31, 462, 538, 543 et 546 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En application de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. La décision rectificative a, quant aux voies de recours, le même caractère et est soumis aux mêmes règles que la décision interprétée. Néanmoins, si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation. Il en résulte que la décision rectificative n'a pas d'effet sur le délai d'appel de la décision rectifiée, qui court depuis sa notification
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mai 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 521 F-B Pourvoi n° P 21-10.423 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022 M. [N] [T], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 21-10.423 contre l'arrêt rendu le 20 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Selafa Mandataires judiciaires associés (Selafa MJA), société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de Mme [R] [C], en qualité de mandataire liquidateur de la société Takeeateasy.fr, exerçant sous le nom commercial Take Eat Easy, 2°/ à l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Ouest, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [T], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 février 2020), M. [T] a saisi un conseil de prud'hommes aux fins de requalification en contrat de travail de son contrat de prestation de services avec la société Takeeateasy, placée en liquidation judiciaire, puis a relevé appel du jugement du 21 juin 2018 qui a déclaré la juridiction incompétente. 2. Ayant saisi le premier président d'une requête en application de l'article 84, alinéa 2 du code de procédure civile, il a été autorisé à assigner à jour fixe pour l'audience du 19 décembre 2019. Examen du moyen Sur le moyen unique, en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [T] fait grief à l'arrêt de constater la caducité de la déclaration d'appel transmise le 6 mai 2019, sur le fondement des articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, ainsi que l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour, alors « que dans le cadre de la procédure à jour fixe, copies de la requête, de l'ordonnance du premier président, et un exemplaire de la déclaration d'appel doivent être joints à l'assignation et qu'aucune disposition n'impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction ou de transmettre un acte de procédure en plusieurs envois scindés ; qu'en retenant, pour considérer que l'impossibilité de remettre l'assignation accompagnée des pièces essentielles faisant corps avec elle par la voie électronique en raison de la taille du fichier ne constituait pas un dysfonctionnement dans le dispositif de transmission caractérisant une cause étrangère et autorisant la remise au greffe des conclusions sur support papier, que l'obstacle pouvait être surmonté en s'abstenant de transmettre les pièces ou en les transmettant par un message séparé, modalités non prévues par les textes, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 920, 922 et 930-1 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 920, alinéas 2, 3, 4, 922 et 930-1 du code de procédure civile : 4. Selon le premier de ces textes, copies de la requête, de l'ordonnance du premier président, et un exemplaire de la déclaration d'appel visé par le greffier ou une copie de la déclaration d'appel dans le cas mentionné au troisième alinéa de l'article 919, sont joints à l'assignation. L'assignation informe l'intimé que, faute de constituer avocat avant la date de l'audience, il sera réputé s'en tenir à ses moyens de première instance. L'assignation indique à l'intimé qu'il peut prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête et lui fait sommation de communiquer avant la date de l'audience les nouvelles pièces dont il entend faire état. 5. Selon le deuxième, la cour d'appel est saisie par la remise de la copie de l'assignation au greffe. 6. Dans la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ; l'irrecevabilité sanctionnant cette obligation est écartée lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit ; l'acte est en ce cas remis au greffe sur support papier. 7. Pour constater l'irrecevabilité des assignations et la caducité de l'appel en application des articles 922 et 930-1 du code de procédure civile, l'arrêt retient en substance que la taille de l'envoi de l'appelant correspondant aux assignations et leurs annexes était de 2,8 Mo et que ce n'est qu'en raison de la transmission simultanée des pièces que la taille de l'envoi global dépassait 11 Mo et que dès lors, l'appelant ne justifie pas de la cause étrangère alléguée qui l'aurait empêché de remettre au greffe par le RPVA une copie des assignations signifiées aux intimés. 8. En statuant ainsi, alors qu'aucune disposition n'impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction et de transmettre, par envois séparés, l'assignation à jour fixe et les pièces visées dans la requête prévue aux articles 918 et 920 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la Selafa MJA, prise en la personne de Mme [C] en qualité de mandataire liquidateur de la société Takeeateasy, et l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Ouest aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Selafa MJA, prise en la personne de Mme [C] en qualité de mandataire liquidateur de la société Takeeateasy, et l'Unedic délégation AGS CGEA IDF Ouest à payer à M. [T] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [T] M. [T] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la caducité de la déclaration d'appel transmise le 6 mai 2019, sur le fondement des articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, ainsi que l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour alors : 1°) que dans le cadre de la procédure à jour fixe, copies de la requête, de l'ordonnance du premier président, et un exemplaire de la déclaration d'appel doivent être joints à l'assignation et qu'aucune disposition n'impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction ou de transmettre un acte de procédure en plusieurs envois scindés ; qu'en retenant, pour considérer que l'impossibilité de remettre l'assignation accompagnée des pièces essentielles faisant corps avec elle par la voie électronique en raison de la taille du fichier ne constituait pas un dysfonctionnement dans le dispositif de transmission caractérisant une cause étrangère et autorisant la remise au greffe des conclusions sur support papier, que l'obstacle pouvait être surmonté en s'abstenant de transmettre les pièces ou en les transmettant par un message séparé, modalités non prévues par les textes, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 920, 922 et 930-1 du code de procédure civile ; 2°) qu'en tout état de cause, aucune disposition n'interdit aux parties d'incorporer des pièces à leurs écritures par insertions d'images ; que dès lors en retenant, pour considérer que l'impossibilité de remettre l'assignation accompagnée des pièces essentielles faisant corps avec elle par la voie électronique en raison de la taille du fichier ne constituait pas un dysfonctionnement dans le dispositif de transmission caractérisant une cause étrangère et autorisant la remise au greffe des conclusions sur support papier, que l'incorporation des pièces aux conclusions par capture d'images ne serait pas conforme aux dispositions des articles 954 et 920 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ces textes par fausse application ; 3°) que les excès de formalisme en matière de procédure portent atteinte au droit d'accès à un tribunal ; qu'en matière prud'homale, les salariés ont la possibilité d'être représentés devant la cour d'appel par un avocat issu d'un barreau situé dans le ressort de la cour d'appel et pouvant donc transmettre des actes au greffe de cette juridiction par voie électronique, mais également par un avocat d'un barreau extérieur ou par un représentant syndical, n'ayant pas accès au RPVA et ne pouvant, en conséquence, transmettre des documents que sur support matériel ; que dès lors, en considérant que le défaut de transmission électronique de l'assignation au greffe de la cour d'appel de Paris par l'avocat de M. [T], inscrit a barreau de Paris, devait être sanctionné par l'irrecevabilité de l'assignation remise au greffe sur support matériel en application de l'article 930-1 du code de procédure civile et, partant, la caducité de la déclaration d'appel en application de l'article 922 du même code, quand une remise identique par un avocat issu d'un barreau extérieur ou un représentant syndical n'aurait emporté aucune conséquence quant à la régularité de la procédure, la cour d'appel, qui a fait preuve d'un formalisme excessif, a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Selon l'article 920, alinéa 2, 3 et 4 du code de procédure civile, copies de la requête, de l'ordonnance du premier président et un exemplaire de la déclaration d'appel visé par le greffier ou une copie de la déclaration d'appel dans le cas mentionné au troisième alinéa de l'article 919, sont joints à l'assignation. L'assignation informe l'intimé que, faute de constituer avocat avant la date de l'audience, il sera réputé s'en tenir à ses moyens de première instance. L'assignation indique à l'intimé qu'il peut prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête et lui fait sommation de communiquer avant la date de l'audience les nouvelles pièces dont il entend faire état. Il résulte de l'article 922 dudit code que la cour d'appel est saisie par la remise de la copie de l'assignation au greffe. L'article 930-1 du même code prévoit que dans la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ; l'irrecevabilité sanctionnant cette obligation est écartée lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit ; l'acte est en ce cas remis au greffe sur support papier. Il en découle qu'aucune disposition n'impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction et de transmettre, par envois séparés, l'assignation à jour fixe et les pièces visées dans la requête prévue aux articles 918 et 920 du code de procédure civile. Encourt la cassation un arrêt de cour d'appel, qui, pour constater l'irrecevabilité des assignations et la caducité de l'appel en application des articles 922 et 930-1 du code de procédure civile, retient que la taille de l'envoi de l'appelant correspondant aux assignations et leurs annexes était de 2,8 Mo et que ce n'est qu'en raison de la transmission simultanée des pièces que la taille de l'envoi global dépassait 11 Mo et que dès lors, l'appelant ne justifie pas de la cause étrangère alléguée qui l'aurait empêché de remettre au greffe par le RPVA une copie des assignations signifiées aux intimés
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 mai 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 522 F-B Pourvoi n° E 21-23.249 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [Y], veuve [U]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 16 septembre 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022 Mme [D] [Y], veuve [U], domiciliée [Adresse 2], [Localité 4], a formé le pourvoi n° E 21-23.249 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Hauts-de-France, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [Y], veuve [U], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 mars 2021), Mme [Y] (l'assurée) a bénéficié, à compter du 13 septembre 2011, d'une pension de retraite versée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Nord Picardie (la caisse). 2. Contestant le nombre de trimestres d'assurance retenus par la caisse pour procéder à la liquidation de sa pension de retraite, l'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'assurée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Arras le 6 juin 2019, alors : « 1°/ qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l'audience ; que le seul fait que l'appelante ait été destinataire d'une lettre simple de convocation qui, au surplus, n'a pas été produite, ne permet cependant pas de s'assurer que l'appelante ait été réellement touchée par la convocation ; qu'en jugeant pourtant que Mme [Y] aurait été régulièrement convoquée pour la seule raison qu'elle avait été destinataire d'un courrier simple de convocation sans rechercher si l'appelante avait été effectivement touchée par la convocation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 937 du code de procédure civile ; 2°/ que le principe d'égalité des armes, composante du droit à un procès équitable, commande que l'appelant et l'intimé soient traités de manière égale dans le cadre d'une convocation à l'audience d'une procédure sans représentation obligatoire ; que puisque le défendeur doit être convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le demandeur doit l'être également ; qu'en l'espèce, en jugeant que Mme [Y], absente à l'audience d'appel, aurait été régulièrement convoquée car elle aurait été destinataire d'un courrier simple de convocation, la cour d'appel a rompu l'égalité des armes et ainsi violé l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 937 du code de procédure civile, applicable à la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, le greffier de la cour convoque le défendeur à l'audience prévue pour les débats par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l'audience. 5. Ayant relevé que l'appelante avait été destinataire d'une lettre simple de convocation, c'est sans porter atteinte au principe de l'égalité des armes ni encourir les autres griefs du moyen que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de rechercher si l'assurée, qui devait s'enquérir du sort de l'appel qu'elle avait interjeté, avait effectivement reçu l'avis, a statué comme elle l'a fait. 6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme [Y], veuve [U] Mme [D] [Y] fait grief à l'arrêt attaqué qualifié de contradictoire en application de l'article 468 du Code de procédure civile d'avoir confirmé le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'Arras le 6 juin 2019 ; 1° ALORS QU' en matière de procédure sans représentation obligatoire le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l'audience ; que le seul fait que l'appelante ait été destinataire d'une lettre simple de convocation qui, au surplus, n'a pas été produite, ne permet cependant pas de s'assurer que l'appelante ait été réellement touchée par la convocation ; qu'en jugeant pourtant que Mme [Y] aurait été régulièrement convoquée pour la seule raison qu'elle avait été destinataire d'un courrier simple de convocation sans rechercher si l'appelante avait été effectivement touchée par la convocation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 937 du Code de procédure civile ; 2° ALORS QU' en outre le principe d'égalité des armes, composante du droit à un procès équitable, commande que l'appelant et l'intimé soient traités de manière égale dans le cadre d'une convocation à l'audience d'une procédure sans représentation obligatoire ; que puisque le défendeur doit être convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le demandeur doit l'être également ; qu'en l'espèce, en jugeant que Mme [Y], absente à l'audience d'appel, aurait été régulièrement convoquée car elle aurait été destinataire d'un courrier simple de convocation, la cour d'appel a rompu l'égalité des armes et ainsi violé l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Selon l'article 937 du code de procédure civile, applicable à la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, le greffier de la cour convoque le défendeur à l'audience prévue pour les débats par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l'audience. La cour d'appel qui constate que l'appelant, auquel il appartient de s'enquérir du sort de l'appel qu'il a interjeté, a été destinataire d'une lettre simple de convocation, n'a pas à rechercher s'il a effectivement reçu cet avis
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 411 FS-B Pourvoi n° Z 20-23.148 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 La société Soletanche Bachy France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 20-23.148 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Aqaba Container Terminal PVT.Co, société de droit jordanien, dont le siège est [Adresse 2] Jordanie, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Soletanche Bachy France, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Aqaba Container Terminal PVT.Co, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Avel, Guihal, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 décembre 2020), le 9 décembre 2009, la société Aqaba container terminal (la société ACT) a conclu avec la société Soletanche Bachy France (la société Soletanche) un contrat de construction en Jordanie. Invoquant le manquement par celle-ci à certaines de ses obligations contractuelles, la société ACT a résilié le contrat et confié la réalisation des travaux restant à exécuter à la société BAM Abu Dhabi, filiale de la société BAM international. La société Soletanche a, conformément à la clause compromissoire stipulée au contrat, engagé une procédure d'arbitrage devant la Chambre de commerce internationale. Par une sentence rendue à Londres, le 30 août 2017, complétée par deux sentences rectificatives des 28 septembre 2017 et 1er mai 2018, le tribunal arbitral a condamné la société Soletanche à payer diverses sommes à la société ACT. 2. La société Soletanche a interjeté appel de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris ayant déclaré ces sentences exécutoires en France. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société Soletanche fait grief à l'arrêt d'accorder l'exequatur, alors : « 1°/ qu'il appartient à l'arbitre, avant d'accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible d'affecter son indépendance ou son impartialité ; qu'il lui est également fait obligation de révéler sans délai toute circonstance de même nature qui pourrait naître après l'acceptation de sa mission ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir constaté, d'une part, que l'arbitre, M. [V], n'a pas révélé en cours d'instance arbitrale avoir été impliqué dans la préparation d'une demande d'arbitrage et chargé de représenter une joint-venture composée d'une société du groupe BAM et, d'autre part, qu'une autre société du même groupe avait été désignée comme "une autre entité pertinente" par la CCI dans le "Case informations sheet", avait concouru à l'appel d'offres initial et été choisie pour reprendre le chantier après la résiliation litigieuse objet de l'arbitrage, et que des demandes chiffrées de la société ACT reposaient dans l'arbitrage sur des documents émanant de cette société du groupe BAM, ce dont il résultait que l'arbitre s'était, en cours d'arbitrage, abstenu de révéler des circonstances de nature à provoquer dans l'esprit des parties un doute raisonnable quant à son indépendance et son impartialité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1520.2° et 1525 du code de procédure civile ; 2°/ que l'arbitre doit agir avec loyauté dans la conduite de la procédure arbitrale et que le lien de confiance avec l'arbitre et les parties doit être préservé pendant toute la durée de l'arbitrage ; qu'il en résulte que la sentence peut être annulée lorsque l'arbitre manque à son engagement de révéler en cours d'instance toute circonstance nouvelle relative à des circonstances déjà déclarées ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir pourtant constaté que malgré l'engagement pris par M. [V] lors de l'audience du 24 octobre 2016, lequel, "après avoir déclaré qu'il avait été mandaté par BAM dans le cadre d'une joint-venture en relation avec un projet en Australie, sans aucun rapport avec l'affaire en litige et dans une autre partie du monde, qu'il n'avait jamais rencontré personne de chez BAM, qu'il avait seulement eu affaire avec les avocats, qui ne sont pas impliqués sur ce projet, afin de répondre à des questions d'ordre juridique", avait ajouté qu'il "n'y a pas de conflit", "c'est totalement sans lien" et que "s'il devait y avoir quelque chose d'alarmant vous pouvez être assuré que je me manifesterai", ce n'est qu'après le prononcé de la sentence finale du 30 août 2017, le 23 octobre 2017, qu'interrogé par la société Soletanche, l'arbitre a révélé qu'il avait été mandaté pour représenter la joint-venture précitée dans un litige et une procédure d'arbitrage, ce dont il résultait qu'il avait ainsi manqué à l'obligation de révélation spécifique qu'il avait souscrite en cours d'arbitrage, la cour d'appel, qui a pourtant décidé que ces faits ne constituent pas "des circonstances nouvelles, au regard de ceux à l'invocation desquels Soletanche a renoncé en octobre 2016, et qui auraient nécessité d'être révélés par l'arbitre postérieurement à cette audience", que "l'arbitre n'avait pas d'obligation de révélation complémentaire postérieurement à l'audience d'octobre 2016 du fait qu'en 2017, il a été impliqué dans la préparation d'une demande d'arbitrage et chargé de représenter la joint-venture dans un litige" et que ces faits ne constituent pas "des circonstances nouvelles que l'arbitre avait l'obligation de révéler aux parties, compte tenu de la connaissance qu'elles avaient déjà du lien professionnel existant et qui pouvaient raisonnablement mettre en doute l'indépendance et l'impartialité de l'arbitre", qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1464, alinéa 3, 1506.3° et 1520.2° et 1525 du code de procédure civile ; 3°/ que la renonciation doit être claire et non équivoque ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que "dès la fin du mois d'octobre 2016, Soletanche a renoncé expressément à invoquer une irrégularité de la constitution du tribunal arbitral du fait de l'existence d'un lien professionnel, et nécessairement financier, compte tenu de la nature de l'intervention de M. [V] en sa qualité d'avocat auprès de la joint-venture, entre ces derniers et une entité d'une groupe BAM", après avoir pourtant constaté qu'au cours de l'audience du 24 octobre 2016, M. [V] avait déclaré "qu'il avait été mandaté par BAM dans le cadre d'une joint-venture en relation avec un projet en Australie, sans aucun rapport avec l'affaire en litige et dans une autre partie du monde, qu'il n'avait jamais rencontré personne de chez BAM, qu'il avait seulement eu affaire avec les avocats, qui ne sont pas impliqués sur ce projet, afin de répondre à des questions d'ordre juridique", que le conseil de la société Soletanche avait indiqué qu'"en ce qui concerne mes clients, ils sont disposés à renoncer à un quelconque conflit qui pourrait exister concernant M. [V]" et qu'après une suspension d'audience, l'arbitre avait ajouté "Je peux le dire de façon certaine. Je suis absolument sûr de ce que j'ai lu et il n'y a pas de conflit. C'est totalement sans aucun lien. Et s'il devait y avoir quelque chose d'alarmant, vous pouvez être assuré que je me manifesterai", le conseil de la société Soletanche indiquant alors qu'il "n'y avait pas d'objection de Soletanche à ce que M. [V] demeure membre, à part entière, de ce tribunal "malgré sa connexion", ce dont il résultait que la société Soletanche n'avait pas renoncé de façon claire et univoque à se prévaloir de tout lien professionnel et financier entre l'arbitre et une société du groupe BAM, mais uniquement du seul lien professionnel et financier révélé par l'arbitre, soit celui né du mandat confié par la joint-venture constituée d'une société du groupe BAM pour répondre à des questions d'ordre juridiques, la cour d'appel a violé les articles 1520.2° et 1525 du code de procédure civile ; 4°/ que l'arbitre a l'obligation de révéler sans délai toute circonstance susceptible d'affecter son indépendance ou son impartialité qui pourrait naître après l'acceptation de sa mission ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que "l'arbitre n'avait pas d'obligation de révélation complémentaire postérieurement à l'audience d'octobre 2016, du fait qu'en 2017 il a été impliqué dans la préparation d'une demande d'arbitrage et chargé de représenter la joint-venture dans un litige" dès lors, d'une part, qu'il "découlait à l'évidence des activités professionnelles de conseil et d'assistance de M. [V], connues des parties, qu'une fois qu'il était mandaté dans le cadre d'un tel projet par une joint-venture incluant une entité du groupe BAM, les questions juridiques sur lesquelles il était conduit à se prononcer dans le cadre de son mandat pouvaient aboutir à un contentieux et qu'il était susceptible de se voir confier la représentation des intérêts de son mandant dans le contentieux qui en résulterait devant une juridiction", et, d'autre part, que "cette évolution s'inscrit dans la poursuite de l'évolution prévisible pour les parties du mandat porté à leur connaissance lors de l'audience d'octobre 2016" et que ces faits ne "constituent pas des circonstances nouvelles que l'arbitre avait l'obligation de révéler aux parties, compte tenu de la connaissance qu'elles avaient déjà du lien professionnel existant et qui pouvaient raisonnablement mettre en doute l'indépendance et l'impartialité de l'arbitre" ou "des circonstances nouvelles, au regard de ceux à l'invocation desquels Soletanche a renoncé en octobre 2016, et qui auraient nécessité d'être révélés par l'arbitre postérieurement à cette audience", sans rechercher, comme elle y était invitée et tenue, si la circonstance que M. [V] avait été mandaté en cours d'arbitrage pour représenter la joint-venture constituée d'une société du groupe BAM, dont une autre société était intéressée à l'arbitrage, dans le litige et une procédure d'arbitrage, n'était pas de nature à aggraver de manière significative les doutes raisonnables que la société Soletanche pouvait avoir sur l'indépendance et l'impartialité de cet arbitre, qui avait au préalable uniquement déclaré, au cours de l'audience, avoir été mandaté par la jointventure "afin de répondre à des question d'ordre juridique" et qui s'était engagé à se manifester "s'il devait y avoir quelque chose d'alarmant", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1520.2° et 1525 du code de procédure civile ; 5°/ que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer qu'il "découlait à l'évidence des activités professionnelles de conseil et d'assistance de M. [V], connues des parties, qu'une fois qu'il était mandaté dans le cadre d'un tel projet par une joint-venture incluant une entité du groupe BAM, les questions juridiques sur lesquelles il était conduit à se prononcer dans le cadre de son mandat pouvaient aboutir à un contentieux et qu'il était susceptible de se voir confier la représentation des intérêts de son mandant dans le contentieux qui en résulterait devant une juridiction", et que "cette évolution s'inscrit dans la poursuite de l'évolution prévisible pour les parties du mandat porté à leur connaissance lors de l'audience d'octobre 2016", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. La cour d'appel a relevé, d'une part, qu'après que M. [V], arbitre, eut indiqué aux parties, lors de l'audience du 24 octobre 2016, avoir été mandaté par la société BAM International à propos d'une entreprise commune incluant les sociétés BAM Australie et Clough en relation avec un projet en Australie sans aucun rapport avec le litige arbitral et qu'il n'avait eu affaire qu'à des avocats dont aucun n'était impliqué dans le projet litigieux, en précisant qu'il se manifesterait ultérieurement auprès des parties si quelque chose d'alarmant devait survenir, le conseil de Soletanche avait fait savoir qu'il n'avait pas d'objection à ce que M. [V] demeure membre du tribunal arbitral malgré ses liens avec une autre entité de la société BAM International. 5. Elle a relevé, d'autre part, que cet arbitre, postérieurement, avait participé à des réunions relatives à ce projet en Australie avec la société d'avocats HFW, conseil de cette entreprise commune, avait eu des entretiens avec le directeur commercial représentant la société BAM Australie dans l'entreprise commune, au sujet de questions sans rapport avec le différend soumis à l'arbitrage litigieux, et était intervenu, pour préparer une demande d'arbitrage où il devrait représenter l'entreprise commune, sans aucun contact avec les représentants des sociétés Clough et BAM Australie, ces échanges ayant été limités à quelques discussions téléphoniques et courriels avec l'associé et l'avocat en charge chez HFW. 6. Elle en a souverainement déduit, par une décision motivée, que ces échanges, les conseils prodigués à ces occasions et la rencontre organisée à Perth pour préparer la demande d'arbitrage, qui s'inscrivaient dans la poursuite et l'évolution prévisibles du mandat connu des parties, ne modifiaient pas la nature et l'ampleur de l'intervention de l'arbitre auprès de l'entité qui l'avait mandaté. 7. Elle a ainsi pu retenir, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que celui-ci n'avait pas manqué à son obligation de révélation de toute circonstance nouvelle susceptible d'affecter son indépendance ou son impartialité. 8. Le moyen n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Soletanche Bachy France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Soletanche Bachy France et la condamne à payer à la société Aqaba Container Terminal la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Soletanche Bachy France La société Soletanche Bachy fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance d'exequatur du président du tribunal de grande instance de Paris en date du 25 mai 2018 déclarant exécutoire la sentence finale du 30 août 2017, le premier addendum du 28 septembre 2017 et le second addendum du 1er mai 2018, rendus par le tribunal arbitral, composé de MM. [W] [V] et [N] [H], co-arbitres, et de M. [L] [G], président, et de l'avoir condamnée à payer à la société Aqaba Container Terminal (PVT CO) une indemnité de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 1°) ALORS QU'il appartient à l'arbitre, avant d'accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible d'affecter son indépendance ou son impartialité ; qu'il lui est également fait obligation de révéler sans délai toute circonstance de même nature qui pourrait naître après l'acceptation de sa mission ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir constaté, d'une part, que l'arbitre, M. [V], n'a pas révélé en cours d'instance arbitrale avoir été impliqué dans la préparation d'une demande d'arbitrage et chargé de représenter une joint-venture composée d'une société du groupe BAM et, d'autre part, qu'une autre société du même groupe avait été désignée comme « une autre entité pertinente » par la CCI dans le « Case informations sheet », avait concouru à l'appel d'offres initial et été choisie pour reprendre le chantier après la résiliation litigieuse objet de l'arbitrage, et que des demandes chiffrées de la société ACT reposaient dans l'arbitrage sur des documents émanant de cette société du groupe BAM, ce dont il résultait que l'arbitre s'était, en cours d'arbitrage, abstenu de révéler des circonstances de nature à provoquer dans l'esprit des parties un doute raisonnable quant à son indépendance et son impartialité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1520.2° et 1525 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'arbitre doit agir avec loyauté dans la conduite de la procédure arbitrale et que le lien de confiance avec l'arbitre et les parties doit être préservé pendant toute la durée de l'arbitrage ; qu'il en résulte que la sentence peut être annulée lorsque l'arbitre manque à son engagement de révéler en cours d'instance toute circonstance nouvelle relative à des circonstances déjà déclarées ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir pourtant constaté que malgré l'engagement pris par M. [V] lors de l'audience du 24 octobre 2016, lequel, « après avoir déclaré qu'il avait été mandaté par BAM dans le cadre d'une joint-venture en relation avec un projet en Australie, sans aucun rapport avec l'affaire en litige et dans une autre partie du monde, qu'il n'avait jamais rencontré personne de chez BAM, qu'il avait seulement eu affaire avec les avocats, qui ne sont pas impliqués sur ce projet, afin de répondre à des questions d'ordre juridique », avait ajouté qu'il « n'y a pas de conflit », « c'est totalement sans lien » et que « s'il devait y avoir quelque chose d'alarmant vous pouvez être assuré que je me manifesterai » (arrêt attaqué, p. 5 § 7), ce n'est qu'après le prononcé de la sentence finale du 30 août 2017, le 23 octobre 2017, qu'interrogé par la société Soletanche, l'arbitre a révélé qu'il avait été mandaté pour représenter la jointventure précitée dans un litige et une procédure d'arbitrage (arrêt attaqué, p. 6, § 3), ce dont il résultait qu'il avait ainsi manqué à l'obligation de révélation spécifique qu'il avait souscrite en cours d'arbitrage, la cour d'appel, qui a pourtant décidé que ces faits ne constituent pas « des circonstances nouvelles, au regard de ceux à l'invocation desquels Soletanche a renoncé en octobre 2016, et qui auraient nécessité d'être révélés par l'arbitre postérieurement à cette audience » (arrêt attaqué, p. 6 § 4), que « l'arbitre n'avait pas d'obligation de révélation complémentaire postérieurement à l'audience d'octobre 2016 du fait qu'en 2017, il a été impliqué dans la préparation d'une demande d'arbitrage et chargé de représenter la joint-venture dans un litige » (arrêt attaqué, p. 7 § 4) et que ces faits ne constituent pas « des circonstances nouvelles que l'arbitre avait l'obligation de révéler aux parties, compte tenu de la connaissance qu'elles avaient déjà du lien professionnel existant et qui pouvaient raisonnablement mettre en doute l'indépendance et l'impartialité de l'arbitre » (arrêt attaqué, p. 7 § 5), qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1464, alinéa 3, 1506.3° et 1520.2° et 1525 du code de procédure civile ; 3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la renonciation doit être claire et non équivoque ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que « dès la fin du mois d'octobre 2016, Soletanche a renoncé expressément à invoquer une irrégularité de la constitution du tribunal arbitral du fait de l'existence d'un lien professionnel, et nécessairement financier, compte tenu de la nature de l'intervention de M. [V] en sa qualité d'avocat auprès de la joint-venture, entre ces derniers et une entité d'une groupe BAM » (arrêt attaqué, p. 6 § 1 in fine), après avoir pourtant constaté qu'au cours de l'audience du 24 octobre 2016, M. [V] avait déclaré « qu'il avait été mandaté par BAM dans le cadre d'une joint-venture en relation avec un projet en Australie, sans aucun rapport avec l'affaire en litige et dans une autre partie du monde, qu'il n'avait jamais rencontré personne de chez BAM, qu'il avait seulement eu affaire avec les avocats, qui ne sont pas impliqués sur ce projet, afin de répondre à des questions d'ordre juridique », que le conseil de la société Soletanche avait indiqué qu'« en ce qui concerne mes clients, ils sont disposés à renoncer à un quelconque conflit qui pourrait exister concernant M. [V] » et qu'après une suspension d'audience, l'arbitre avait ajouté « Je peux le dire de façon certaine. Je suis absolument sûr de ce que j'ai lu et il n'y a pas de conflit. C'est totalement sans aucun lien. Et s'il devait y avoir quelque chose d'alarmant, vous pouvez être assuré que je me manifesterai », le conseil de la société Soletanche indiquant alors qu'il « n'y avait pas d'objection de Soletanche à ce que M. [V] demeure membre, à part entière, de ce tribunal « malgré sa connexion » » (arrêt attaqué, p. 5 § 7), ce dont il résultait que la société Soletanche n'avait pas renoncé de façon claire et univoque à se prévaloir de tout lien professionnel et financier entre l'arbitre et une société du groupe BAM, mais uniquement du seul lien professionnel et financier révélé par l'arbitre, soit celui né du mandat confié par la joint-venture constituée d'une société du groupe BAM pour répondre à des questions d'ordre juridiques, la cour d'appel a violé les articles 1520.2° et 1525 du code de procédure civile ; 4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'arbitre a l'obligation de révéler sans délai toute circonstance susceptible d'affecter son indépendance ou son impartialité qui pourrait naître après l'acceptation de sa mission ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que « l'arbitre n'avait pas d'obligation de révélation complémentaire postérieurement à l'audience d'octobre 2016, du fait qu'en 2017 il a été impliqué dans la préparation d'une demande d'arbitrage et chargé de représenter la joint-venture dans un litige » (arrêt attaqué, p. 7 § 4) dès lors, d'une part, qu'il « découlait à l'évidence des activités professionnelles de conseil et d'assistance de M. [V], connues des parties, qu'une fois qu'il était mandaté dans le cadre d'un tel projet par une joint-venture incluant une entité du groupe BAM, les questions juridiques sur lesquelles il était conduit à se prononcer dans le cadre de son mandat pouvaient aboutir à un contentieux et qu'il était susceptible de se voir confier la représentation des intérêts de son mandant dans le contentieux qui en résulterait devant une juridiction » (arrêt attaqué, p. 7 § 3), et, d'autre part, que « cette évolution s'inscrit dans la poursuite de l'évolution prévisible pour les parties du mandat porté à leur connaissance lors de l'audience d'octobre 2016 » et que ces faits ne « constituent pas des circonstances nouvelles que l'arbitre avait l'obligation de révéler aux parties, compte tenu de la connaissance qu'elles avaient déjà du lien professionnel existant et qui pouvaient raisonnablement mettre en doute l'indépendance et l'impartialité de l'arbitre » (arrêt attaqué, p. 7 § 5) ou « des circonstances nouvelles, au regard de ceux à l'invocation desquels Soletanche a renoncé en octobre 2016, et qui auraient nécessité d'être révélés par l'arbitre postérieurement à cette audience » (arrêt attaqué, p. 6 § 4), sans rechercher, comme elle y était invitée et tenue, si la circonstance que M. [V] avait été mandaté en cours d'arbitrage pour représenter la joint-venture constituée d'une société du groupe BAM, dont une autre société était intéressée à l'arbitrage, dans le litige et une procédure d'arbitrage, n'était pas de nature à aggraver de manière significative les doutes raisonnables que la société Soletanche pouvait avoir sur l'indépendance et l'impartialité de cet arbitre, qui avait au préalable uniquement déclaré, au cours de l'audience, avoir été mandaté par la jointventure « afin de répondre à des question d'ordre juridique » et qui s'était engagé à se manifester « s'il devait y avoir quelque chose d'alarmant », la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1520.2° et 1525 du code de procédure civile ; 5°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer qu'il « découlait à l'évidence des activités professionnelles de conseil et d'assistance de M. [V], connues des parties, qu'une fois qu'il était mandaté dans le cadre d'un tel projet par une joint-venture incluant une entité du groupe BAM, les questions juridiques sur lesquelles il était conduit à se prononcer dans le cadre de son mandat pouvaient aboutir à un contentieux et qu'il était susceptible de se voir confier la représentation des intérêts de son mandant dans le contentieux qui en résulterait devant une juridiction » (arrêt attaqué, p. 7 § 3), et que « cette évolution s'inscrit dans la poursuite de l'évolution prévisible pour les parties du mandat porté à leur connaissance lors de l'audience d'octobre 2016 » (arrêt attaqué, p. 7 § 5), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Après avoir souverainement estimé que des faits, révélés après le prononcé d'une sentence arbitrale, s'inscrivaient dans la poursuite et l'évolution prévisibles d'un mandat confié à l'arbitre, dont l'existence avait préalablement été portée par lui à la connaissance des parties au cours de l'instance arbitrale, et ne modifiaient pas la nature et l'ampleur de l'intervention de celui-ci auprès de l'entité qui l'avait mandaté, une cour d'appel a pu en déduire que cet arbitre n'avait pas manqué à son obligation de révélation de toute circonstance nouvelle susceptible d'affecter son indépendance ou son impartialité
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 412 FS-B Pourvoi n° Z 20-50.035 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [O] [M]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 2 juin 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 Le procureur général près la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, domicilié en son parquet général, [Adresse 6], a formé le pourvoi n° Z 20-50.035 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2020 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre d'appel de Mamoudzou-Mayotte (chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Mamoudzou, domicilié [Adresse 1], 2°/ à Mme [Z] [O] [M], domiciliée chez [W] [L], [Adresse 5], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme [O] [M], et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 08 septembre 2020), le ministère public a assigné Mme [O] [M], née en 1984 à [Localité 4], Anjouan (Comores), aux fins de constater son extranéité. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 3 et 311-14 du code civil et l'article 84 du code de la nationalité, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 : 3. Il résulte du premier de ces textes qu'en matière de droits indisponibles, il incombe au juge français de mettre en oeuvre les règles de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle. 4. Aux termes du deuxième, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant. 5. Il résulte du troisième que l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française ne s'étend qu'aux enfants dont la filiation a été établie avant cette acquisition par leur auteur. 6. Pour dire que Mme [Z] [O] [M] est française, l'arrêt retient que son acte de naissance établit sa filiation à l'égard de M. [O] [M] et qu'elle bénéficie de l'effet collectif attaché à la déclaration d'acquisition de la nationalité française souscrite par celui-ci le 12 juin 1989. 7. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de rechercher si, au regard des règles d'établissement de la filiation paternelle selon la loi de la mère, désignée par la règle de conflit, la filiation de Mme [Z] [O] [M] avait été établie avant l'acquisition par son père de la nationalité française, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la procédure régulière, l'arrêt rendu le 08 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre d'appel de Mamoudzou-Mayotte ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ; Condamne Mme [O] [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion li est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infrrmé le jugement et, statuant à nouveau, dit que Madame [Z] [O] [M] est de nationalité française: AUX MOTIFS QUE:" 18. En l'espèce, Madame [Z] [O] [M] est titulaire d'un certificat de nationalité française délivré le 25 mars 2008 par le tribunal de première instance de MAMOUDZOU. Ce certificat est motivé par le fait que l'intéressée, fille de Monsieur [O] [M], né le 1er janvier 1955 à [Localité 2] (Comores), est devenue française de plein droit par l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française par ce parent suivant déclaration souscrite le 12 juin 1989 et enregistrée sous le numéro de dossier 8644DX89'. Il appartient donc au ministère public de faire la démonstration de l'insuffisance des pièces produites par Madame [Z] [O] [M] relativement à l'établissement de son état civil, de sa filiation et de sa nationalité. 20. Le jugement supplétif de naissance du tribunal de première instance de MUTSAMUDU du 19 juillet 2019 [lire 11 septembre 2006] dit et juge que [Z] [O] [M] (est) née en mil neuf cent quatre vingt quatre à [Localité 4]-Anjouan, fille de [O] [M], né le premier janvier mil neuf cent cinquante cinq à [Localité 2]-Anjouan et de [T] [B], née en mil neuf cent soixante deux à [Localité 4]-Anjouan" et autorise la transcription du dispositif dans les registres de l'état civil de [Localité 3]-Anjouan. 21. Contrairement aux affirmations de l'intimé, ce jugement est motivé et vise les pièces produites ainsi que l'avis conforme du ministère public. La signature du greffier, [G] [H], a été authentifiée au dos de l'expédition par l'ambassade des Comores en France, de sorte qu'il doit être considéré comme dûment légalisé. La simple erreur matérielle de frappe sur l'orthographe du prénom ([Z] au lieu de [Z]) ne peut être jugée significative. La précision du 1er janvier 1984 au lieu de la simple mention de l'année dans l'acte de naissance initial dressé le 16 octobre 2006 ou à l'occasion de l'acte de reconnaissance du 4 janvier 2001 s'explique par la référence habituelle au premier jour de l'année lorsque le véritable jour de la naissance est ignoré. 22. Ce jugement supplétif a permis l'établissement d'un acte de naissance conforme, dressé le 20 juillet 2019 [lire 16 octobre 2006] par l'officier d'état civil Inssa [P], dont la signature a été authentifiée au dos de l'expédition par l'ambassade des Comores en France, de sorte qu'il doit être également considéré comme dûment légalisé. 23. Cet acte de naissance établit suffisamment la filiation de Madame [Z] [O] [M] avec Monsieur [O] [S], né le 1er janvier 1955 à [Localité 2] (Comores). 24. Enfin, il n'est pas allégué par le ministère public que la mention du certificat de nationalité française délivré le 25 mars 2008 par le tribunal de première instance de Mamoudzou, aux termes de laquelle Madame [Z] [O] [M] "est devenue française de plein droit par l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française par (son père) suivant déclaration souscrite le 12 juin 1989 et enregistrée sous le numéro de dossier 8644DX89 11 serait erronée, étant ici observé que cette déclaration, dont il n'est pas exigé la production, a été faite alors que l'appelante était âgée de 15 ans". ALORS QUE l'article 84 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de la loi n°73-42 du 9 janvier 1973, suppose que la filiation de l'enfant ait été légalement établie avant l'acquisition par son auteur de la nationalité française ; qu'un jugement supplétif d'acte de naissance n'a pas pour objet d'établir un lien de filiation, mais un état civil, et de permettre qu'un acte de naissance soit enregistré dans les registres de l'état civil au nom de la personne concernée qui, jusqu'alors, en était privée ; qu'en se bornant à affirmer que l'acte de naissance de Madame [Z] [O] [M], dressé en exécution d'un jugement supplétif du Il septembre 2006, établissait suffisamment la filiation de l'intéressée, déclarée née le 1er janvier 1984, à l'égard de Monsieur [O] [M], Français par déclaration souscrite le 12 juin 1989, sans examiner, ainsi qu'elle avait été invitée à le faire, les conséquences du défaut de production par Madame [O] [M], se prétendant issue d'une filiation légitime, de l'acte de mariage de ses parents, la chambre d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; ALORS QU'à supposer qu'un jugement supplétif régulier, quelle que soit la date à laquelle il est prononcé, soit réputé, en raison de son caractère déclaratif, établir la filiation de l'enfant à la date de sa naissance, cette filiation n'emporte des effets utiles en matière de nationalité, pour l'enfant prétendant au bénéfice de l'effet collectif prévu à l'article 84 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de la loi n°73-42 du 9 janvier 1973, que dans les conditions prévues par cette disposition ; qu'en jugeant Madame [Z] [O] [M] française aux motifs que son acte de naissance, dressé en exécution d'un jugement supplétif du Il septembre 2006, établissait suffisamment la fIliation de l'intéressée, déclarée née le 1er janvier 1984, à l'égard de Monsieur [O] [M], Français par déclaration souscrite le 12 juin 1989, alors que le jugement supplétif ne permettait pas à Madame [Z] [O] [M] de revendiquer la nationalité française acquise par son auteur avant le prononcé de cette décision, la chambre d'appel a violé l'article 84 du code de la nationalité française; ALORS QUE l'article 455 du code de procédure civile dispose que le jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en omettant de répondre au moyen développé par le ministère public, qui soutenait que l'acte de reconnaissance du 4 janvier 2001 de Madame [Z] [O] par Monsieur [O] [M], postérieur à l'acquisition, par ce dernier, de la nationalité française le 12 juin 1989, ne permettait pas à l'intéressée, qui ne démontrait pas être issue d'une fIliation légitime, de prétendre au bénéfice de l'effet collectif prévu à l'article 84 du code de la nationalité française, dans sa rédaction de la loi n°73-42 du 9 janvier 1973, la chambre d'appel n'a pas répondu à un moyen déterminant du ministère public et a donc violé l'article 455 du code de procédure civile;
Il résulte de l'article 84 du code de la nationalité, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993, que l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française ne s'étend qu'aux enfants dont la filiation a été établie avant cette acquisition par leur auteur. Viole ce texte et l'article 311-14 du code civil, selon lequel la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant, la cour d'appel qui, pour déclarer française une personne née d'une mère étrangère, retient que son acte de naissance établit sa filiation à l'égard de son père et qu'elle bénéficie de l'effet collectif attaché à la déclaration d'acquisition de la nationalité française souscrite par celui-ci, sans rechercher, ainsi qu'il le lui incombait, si sa filiation avait été établie, selon la loi de sa mère, avant l'acquisition par son père de la nationalité française
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 416 F-B Pourvoi n° U 21-10.635 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 1°/ M. [J] [W], 2°/ Mme [E] [L], épouse [W], domiciliés tous deux [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° U 21-10.635 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Crédit et services financiers (Créserfi), dont le siège est [Adresse 3], exerçant sous le nom commercial CSF-Crédit social des fonctionnaires, défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. et Mme [W], de la SCP Boullez, avocat de la société Crédit & services financiers, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Avel, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 28 novembre 2018, pourvoi n° 17-24.481), suivant offre du 11 août 2004, acceptée le 23 août et réitérée par acte authentique le 31 août, la société Entenial, aux droits de laquelle se trouve la société Crédit foncier de France (le prêteur), a consenti à M. et Mme [W] (les emprunteurs) un prêt de 220 000 euros d'une durée de vingt ans, destiné au financement de leur résidence principale. 2. Ce prêt, stipulant un taux d'intérêt fixe de 3,55 % pendant les trois premiers mois et susceptible de variations en fonction de l'évolution de l'indice Tibeur trois mois, prévoyait deux périodes de différés d'amortissement avec franchise partielle d'intérêts, l'amortissement du capital prenant effet avec le cinquante-deuxième versement. 3. La société Crédit et services financiers (la Créserfi) a accompagné les emprunteurs dans leur recherche de prêt, puis dans leurs discussions avec le prêteur, leur a consenti une assurance et a souscrit à leur bénéfice un engagement de caution. 4. Soutenant que le prêteur et la Créserfi avaient manqué à leurs devoirs d'information et de conseil, ainsi que de mise en garde, pour leur avoir fourni un produit dangereux et inadapté à leur situation financière, les emprunteurs ont sollicité leur condamnation en paiement de dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le troisième moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, réunis Enoncé du moyen 6. Par leur premier moyen, les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'indemnisation formées contre la société Créserfi pour manquement à son obligation de mise en garde, faute de les avoir informés du risque d'amortissement négatif lié à la mise en place d'un prêt par palier, alors « que l'intermédiaire en crédit qui prête son concours à la mise en place d'un prêt à long terme accordé à taux variable et remboursable par paliers à échéance constante sur une première période de remboursement des seuls intérêts suivie d'une période d'amortissement se doit de mettre en garde l'emprunteur contre le risque d'amortissement négatif inhérent à un tel prêt, ledit risque existant dès l'instant où, lors du remboursement du prêt, les intérêts à rembourser sont supérieurs au montant de l'échéance acquittée, et où la différence entre le montant de l'échéance et le solde des intérêts du capital initial génère des intérêts ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le prêt "comportait trois paliers d'échéances, dont les deux premiers ne sont pas progressifs mais dégressifs pour une raison qui reste inconnue, lesquels ne permettent pas avec des montants de 491 euros et 357 euros de couvrir la totalité du montant mensuel des intérêts générés par le capital emprunté de 220 000 euros" et que "la part d'intérêts non réglée durant les quarante et un premiers mois" faisait "l'objet d'un report avec une capitalisation mensuelle et un cumul" ; qu'il est par ailleurs constant qu'aucune mise en garde n'a été délivrée sur le risque d'amortissement négatif ; qu'en rejetant toutefois les demandes d'indemnisation formée sur ce fondement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » 7. Par leur deuxième moyen, les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'indemnisation contre la banque pour manquement à son devoir d'information sur un risque d'amortissement négatif lié à la mise en place d'un prêt par paliers, alors « que le banquier qui consent un prêt à long terme à un taux variable et remboursable par paliers à échéance constante sur une première période de remboursement des seuls intérêts suivie d'une période d'amortissement est tenu d'informer l'emprunteur du risque d'amortissement négatif inhérent à un tel prêt, ledit risque existant dès l'instant où, lors du remboursement prêt, les intérêts à rembourser sont supérieurs au montant de l'échéance acquittée, la différence entre le montant de l'échéance et les intérêts étant capitalisée; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le prêt "comportait trois paliers d'échéances, dont les deux premiers ne sont pas progressifs mais dégressifs pour une raison qui reste inconnue, lesquels ne permettent pas avec des montants de 491 euros et 357 euros de couvrir la totalité du montant mensuel des intérêts générés par le capital emprunté de 220 000 euros", et que "la part d'intérêts non réglée durant les quarante et un premiers mois" faisait "l'objet d'un report avec une capitalisation mensuelle et un cumul" ; qu'il est par ailleurs constant qu'aucune information n'a été délivrée quant à un risque d'amortissement négatif ; qu'en rejetant toutefois les demandes d'indemnisation des époux [W] à ce titre, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 8. Il résulte de ce texte que, lorsqu'il consent à un emprunteur non averti un prêt comportant des paliers d'échéances, dont le montant de certaines est inférieur à celui des intérêts échus, de sorte que le règlement de ces échéances n'affecte pas le capital emprunté, et que la différence calculée entre le montant de l'échéance et ces intérêts s'ajoute au capital restant dû, le prêteur est tenu à une obligation d'information et l'intermédiaire en crédit à un devoir de mise en garde sur le risque d'amortissement négatif qui en résulte. 9. Pour rejeter les demandes des emprunteurs au titre des manquements de la Créserfi à son obligation de mise en garde et de la banque à son obligation d'information, l'arrêt retient que les emprunteurs ne démontrent pas que le prêt litigieux, bien que comportant des remboursements par paliers, ainsi qu'un taux variable, emportait un risque d'amortissement négatif. 10. En statuant ainsi, après avoir relevé, d'une part, que le prêt litigieux comportait trois paliers d'échéances, dont les deux premiers n'étaient pas progressifs mais dégressifs et ne permettaient pas de couvrir la totalité du montant mensuel des intérêts générés par le capital emprunté, d'autre part, que la part d'intérêts non réglée durant les quarante et un premiers mois faisait l'objet d'un report avec une capitalisation mensuelle et un cumul, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable la demande de déchéance du prêteur de son droit aux intérêts formée par M. et Mme [W], l'arrêt rendu le 18 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Crédit foncier de France et la société Crédit et services financiers aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit et services financiers et la condamne, avec la société Crédit foncier de France, à payer à M. et Mme [W] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [W] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [J] [W] et son épouse, Mme [E] [W], font grief à l'arrêt attaqué de les Avoir déboutés de leurs demandes d'indemnisation formées à l'encontre de la société CRESERFI CSF pour manquement à son obligation de mise en garde faute de les avoir informés d'un risque d'amortissement négatif liés à la mise en place d'un prêt par palier, 1°) Alors que l'intermédiaire en crédit qui prête son concours à la mise en place d'un prêt à long terme accordé à taux variable et remboursable par paliers à échéance constante sur une première période de remboursement des seuls intérêts suivie d'une période d'amortissement se doit de mettre en garde l'emprunteur contre le risque d'amortissement négatif inhérent à un tel prêt, ledit risque existant dès l'instant où, lors du remboursement du prêt, les intérêts à rembourser sont supérieurs au montant de l'échéance acquittée ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le prêt « comportait trois paliers d'échéances, dont les deux premiers ne sont pas progressifs mais dégressifs pour une raison qui reste inconnue, lesquels ne permettent pas avec des montants de 491 euros et 357 euros de couvrir la totalité du montant mensuel des intérêts générés par le capital emprunté de 220 000 euros » (arrêt p. 13, § 1) ; qu'il est par ailleurs constant qu'aucune mise en garde n'a été délivrée sur le risque d'amortissement négatif ; qu'en rejetant toutefois les demandes d'indemnisation formée sur ce fondement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°) Alors que, subsidiairement, l'intermédiaire en crédit qui prête son concours à la mise en place d'un prêt à long terme accordé à taux variable et remboursable par paliers à échéance constante sur une première période de remboursement des seuls intérêts suivie d'une période d'amortissement se doit de mettre en garde l'emprunteur contre le risque d'amortissement négatif inhérent à un tel prêt, ledit risque existant dès l'instant où, lors du remboursement du prêt, les intérêts à rembourser sont supérieurs au montant de l'échéance acquittée, et où la différence entre le montant de l'échéance et le solde des intérêts du capital initial génère des intérêts ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le prêt « comportait trois paliers d'échéances, dont les deux premiers ne sont pas progressifs mais dégressifs pour une raison qui reste inconnue, lesquels ne permettent pas avec des montants de 491 euros et 357 euros de couvrir la totalité du montant mensuel des intérêts générés par le capital emprunté de 200 000 euros » et que « la part d'intérêts non réglée durant les 41 premiers mois » faisait « l'objet d'un report avec une capitalisation mensuelle et un cumul » (arrêt p. 13, § 1) ; qu'il est par ailleurs constant qu'aucune mise en garde n'a été délivrée sur le risque d'amortissement négatif ; qu'en rejetant toutefois les demandes d'indemnisation formée sur ce fondement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; Subsidiairement, 3°) Alors qu'en relevant, d'une part, que les intérêts générés par le capital emprunté de 220 000 euros n'étaient pas intégralement réglés durant les deux premiers paliers d'échéances et que la part d'intérêts non réglée durant les 41 premiers mois faisait l'objet d'un report avec une capitalisation mensuelle et un cumul, et d'autre part, qu'il n'existait pas de risque d'amortissement négatif en ce que les intérêts non couverts par les échéances mensuelles des deux premiers paliers ne venaient pas s'ajouter au capital initialement emprunté, quand la part d'intérêts non réglés par les 41 échéances des deux premiers paliers d'échéances ne pouvaient tout à la fois faire l'objet d'un report avec une capitalisation et un cumul et ne pas venir s'ajouter au capital initialement emprunté, la cour d'appel s'est contredite et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) Alors qu'en ne s'expliquant pas suffisamment sur la question de savoir si le solde des intérêts réglés au terme des deux premiers paliers était, outre qu'il était reporté sur une période ultérieure, cumulé à des intérêts générés par ces derniers, pour déterminer s'il existait un risque d'amortissement négatif, la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 5°) Alors, en tout état de cause, que dans un prêt assorti d'un taux variable et remboursable par paliers à échéance constante sur une première période de remboursement des seuls intérêts suivie d'une période d'amortissement, le risque que le début de l'entrée en amortissement du capital soit différé de manière indéterminable, en raison du caractère variable du taux d'intérêt contractuel, constitue un risque d'amortissement négatif; que pour débouter les époux [W] de leurs demandes indemnitaires, l'arrêt attaqué se borne à relever que « la part d'intérêts non réglée durant les 41 premiers mois, si elle fait l'objet d'un report avec une capitalisation mensuelle et un cumul, n'est pas, en revanche, intégrée au capital restant dû aÌ l'issue de ces deux périodes de différé partiel de paiement des intérêts », « qu'en effet, aux termes des stipulations de l'offre de prêt et du tableau d'amortissement, les intérêts reportés et capitalisés pour un montant de 8 590, 65 euros ne viennent pas s'ajouter après l'échéance 41 au capital initialement emprunté d'un montant de 220 000 euros, non encore entré en amortissement, pour le porter à une somme de 228 590, 65 euros à rembourser et générer ainsi un amortissement dit négatif en ce que les intérêts non couverts par les échéances mensuelles des deux premières paliers produisent un capital supplémentaire à amortir qui va lui-même générer pour les emprunteurs un surcoût d'intérêts aÌ payer au taux contractuel » et « qu'aux termes du contrat de prêt conclu entre les parties, la société Entenial et les époux [W] ont au contraire manifestement convenu que les intérêts reportés et cumulés seraient apurés par les échéances du troisième palier à compter de l'échéance 42 et ce jusqu'aÌ complet paiement, cette modalité de règlement ne conduisant donc pas aÌ créer un risque d'amortissement dit négatif mais à différer de manière indéterminable, notamment en raison du caractère variable du taux d'intérêt contractuel, le début de l'entrée en amortissement du prêt dont le montant à rembourser de 220 000 euros reste inchangé » (arrêt p. 13, § 1 à 3); qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence du risque d'amortissement négatif né de l'octroi du prêt litigieux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [J] [W] et son épouse, Mme [E] [W], font grief à l'arrêt attaqué de les Avoir déboutés de leurs demandes d'indemnisation formées à l'encontre de la société Crédit Foncier de France pour manquement à son obligation d'information sur un risque d'amortissement négatif liés à la mise en place d'un prêt par paliers, 1°) Alors que le banquier qui consent un prêt à long terme à un taux variable et remboursable par paliers à échéance constante sur une première période de remboursement des seuls intérêts suivie d'une période d'amortissement est tenu d'informer l'emprunteur du risque d'amortissement négatif inhérent à un tel prêt, ledit risque existant dès l'instant où, lors du remboursement prêt, les intérêts à rembourser sont supérieurs au montant de l'échéance acquittée ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le prêt « comportait trois paliers d'échéances, dont les deux premiers ne sont pas progressifs mais dégressifs pour une raison qui reste inconnue, lesquels ne permettent pas avec des montants de 491 euros et 357 euros de couvrir la totalité du montant mensuel des intérêts générés par le capital emprunté de 220 000 euros (arrêt p. 13, § 1) ; qu'il est par ailleurs constant qu'aucune information n'a été délivrée quant à un risque d'amortissement négatif ; qu'en rejetant toutefois les demandes d'indemnisation des époux [W] à ce titre, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016; 2°) Alors que, subsidiairement, le banquier qui consent un prêt à long terme à un taux variable et remboursable par paliers à échéance constante sur une première période de remboursement des seuls intérêts suivie d'une période d'amortissement est tenu d'informer l'emprunteur du risque d'amortissement négatif inhérent à un tel prêt, ledit risque existant dès l'instant où, lors du remboursement prêt, les intérêts à rembourser sont supérieurs au montant de l'échéance acquittée, la différence entre le montant de l'échéance et les intérêts étant capitalisée; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le prêt « comportait trois paliers d'échéances, dont les deux premiers ne sont pas progressifs mais dégressifs pour une raison qui reste inconnue, lesquels ne permettent pas avec des montants de 491 euros et 357 euros de couvrir la totalité du montant mensuel des intérêts générés par le capital emprunté de 220 000 euros », et que « la part d'intérêts non réglée durant les 41 premiers mois » faisait « l'objet d'un report avec une capitalisation mensuelle et un cumul » (arrêt p. 13, § 1) ; qu'il est par ailleurs constant qu'aucune information n'a été délivrée quant à un risque d'amortissement négatif ; qu'en rejetant toutefois les demandes d'indemnisation des époux [W] à ce titre, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016; 2°) Alors, subsidiairement, qu'en ne s'expliquant pas suffisamment sur la question de savoir si le solde des intérêts réglés au terme des deux premiers paliers était, outre qu'il était reporté sur une période ultérieure, cumulé à des intérêts générés par ces derniers, pour déterminer s'il existait un risque d'amortissement négatif, la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°) Alors que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en relevant, d'une part, que les intérêts générés par le capital emprunté de 220 000 euros n'étaient pas intégralement réglés durant les deux premiers paliers d'échéances et que la part d'intérêts non réglée durant les 41 premiers mois faisait l'objet d'un report avec une capitalisation mensuelle et un cumul, et d'autre part, qu'il n'existait pas de risque d'amortissement négatif en ce que les intérêts non couverts par les échéances mensuelles des deux premiers paliers ne venaient pas s'ajouter au capital initialement emprunté, quand la part d'intérêts non réglés par les 41 échéances des deux premiers paliers d'échéances ne pouvaient tout à la fois faire l'objet d'un report avec une capitalisation et un cumul et ne pas venir s'ajouter au capital initialement emprunté, la cour d'appel s'est contredite et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) Alors, en tout état de cause, que dans un prêt assorti d'un taux variable et remboursable par paliers à échéance constante sur une première période de remboursement des seuls intérêts suivie d'une période d'amortissement, le risque que le début de l'entrée en amortissement du capital soit différé de manière indéterminable, en raison du caractère variable du taux d'intérêt contractuel, constitue un risque d'amortissement négatif; que pour débouter les époux [W] de leurs demandes indemnitaires, l'arrêt attaqué se borne à relever que « la part d'intérêts non réglée durant les 41 premiers mois, si elle fait l'objet d'un report avec une capitalisation mensuelle et un cumul, n'est pas, en revanche, intégrée au capital restant dû à l'issue de ces deux périodes de différé partiel de paiement des intérêts », « qu'en effet, aux termes des stipulations de l'offre de prêt et du tableau d'amortissement, les intérêts reportés et capitalisés pour un montant de 8 590, 65 euros ne viennent pas s'ajouter après l'échéance 41 au capital initialement emprunté d'un montant de 220 000 euros, non encore entré en amortissement, pour le porter à une somme de 228 590, 65 euros à rembourser et générer ainsi un amortissement dit négatif en ce que les intérêts non couverts par les échéances mensuelles des deux premières paliers produisent un capital supplémentaire à amortir qui va lui-même générer pour les emprunteurs un surcoût d'intérêts à payer au taux contractuel » et « qu'aux termes du contrat de prêt conclu entre les parties, la société Entenial et les époux [W] ont au contraire manifestement convenu que les intérêts reportés et cumulés seraient apurés par les échéances du troisième palier à compter de l'échéance 42 et ce jusqu'à complet paiement, cette modalité de règlement ne conduisant donc pas à créer un risque d'amortissement dit négatif mais à différer de manière indéterminable, notamment en raison du caractère variable du taux d'intérêt contractuel, le début de l'entrée en amortissement du prêt dont le montant à rembourser de 220 000 euros reste inchangé » (arrêt p. 13, § 1 à 3); qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence du risque d'amortissement négatif né de l'octroi du prêt litigieux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. TROISIEME MOYEN DE CASSATION M. [J] [W] et son épouse, Mme [E] [W], font grief à l'arrêt attaqué de les Avoir déboutés de leurs demandes d'indemnisation formées à l'encontre de la société Cresefi CSF et d'Avoir limité les dommages intérêts mis à la charge de la société Crédit foncier de France à la somme de 10 000 euros, Alors qu'en énonçant que les « autres fautes reprochées à la société Creserfi CSF et à la société Crédit immobilier de France n'entrent pas dans le champ du renvoi de sorte qu'elles n'ont pas à être examinées », quand l'arrêt du 28 novembre 2018 avait cassé l'arrêt du 24 février 2017 en ce qu'il avait rejeté la demande d'indemnisation formée par les époux [W] à l'encontre de la société Creserfi et en ce qu'il avait limité la condamnation de la société Crédit foncier de France à payer à ceux-ci la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts, de sorte que la cour d'appel, statuant sur renvoi, était investie de la connaissance de l'entier litige relatif à ces demandes d'indemnisation et que les autres fautes reprochés à la société Crerserfi CSF et à la société Crédit immobilier de France entraient dans le champ du renvoi, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine et violé l'article 624 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que, lorsqu'il est consenti à un emprunteur non averti un prêt comportant des paliers d'échéances, dont le montant de certaines est inférieur à celui des intérêts échus, de sorte que le règlement de ces échéances n'affecte pas le capital emprunté, et que la différence calculée entre le montant de l'échéance et ces intérêts s'ajoute au capital restant dû, le prêteur est tenu à une obligation d'information et l'intermédiaire en crédit à un devoir de mise en garde sur le risque d'amortissement négatif qui en résulte
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 421 F-B Pourvois n° V 20-21.488 N 20-22.355 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 I - La société Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-21.488 contre un arrêt rendu le 3 septembre 2020 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [D] [W], domicilié [Adresse 1], 2°/ à Mme [P] [S], domiciliée [Adresse 3], défendeurs à la cassation. II - La société Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC), société anonyme, a formé le pourvoi n° N 20-22.355 contre un arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [D] [W], 2°/ à Mme [P] [S], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin, avocat de la société Compagnie européenne de garanties et cautions, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 20-21.488 et N 20-22.355 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 3 septembre 2020, complété le 19 novembre 2020), la société Caisse d'épargne Rhône-Alpes (la banque) a consenti à M. [W] et Mme [S] (les emprunteurs) deux prêts immobiliers garantis par le cautionnement solidaire de la société Compagnie européenne des garanties et cautions (la caution). 3. Une ordonnance du 3 octobre 2016 a ordonné la suspension de l'exécution des obligations de Mme [S] pour une durée de douze mois. 4. Le 7 février 2017, à la suite d'échéances impayées, la banque a mis en demeure M. [W] puis, les 23 et 24 février suivants, a prononcé la déchéance du terme. 5. Après avoir payé à la banque les sommes réclamées, la caution a assigné les emprunteurs en remboursement. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. La caution fait grief aux arrêts de déclarer son action contre Mme [S] irrecevable, alors « que lorsque la caution exerce son recours personnel après paiement, le débiteur ne peut pas lui opposer les exceptions et moyens de défense dont il aurait disposé à l'égard du créancier ; qu'au cas présent, la caution ayant payé la dette des emprunteurs, elle ne pouvait se voir opposer, dans l'exercice de son recours personnel contre les débiteurs, l'exception tirée de l'absence de déchéance du terme à l'égard de Mme [S] ; qu'en jugeant néanmoins que la demande de la caution à l'encontre de Mme [S] était irrecevable aux motifs que "la caution étant subrogée dans les droits de la banque, ne peut avoir plus de droits que cette dernière", et "qu'ainsi, l'absence de déchéance du terme lui est opposable par Mme [S]", la cour d'appel a violé l'article 2305 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 2305, 2307 et 2308, alinéa 2, du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 : 7. Selon le premier de ces textes, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal. 8. Selon le deuxième, lorsqu'il y a plusieurs débiteurs principaux solidaires d'une même dette, la caution qui les a tous cautionnés a, contre chacun d'eux, le recours pour la répétition du total de ce qu'elle a payé. 9. Il résulte du troisième que, si un débiteur peut faire valoir à sa caution qu'il aurait eu des moyens pour faire déclarer sa dette éteinte avant qu'elle ne paye le créancier en ses lieu et place, ce débiteur ne peut toutefois pas se prévaloir de l'absence de déchéance du terme de sa dette, celle-ci n'étant pas une cause d'extinction de ses obligations. 10. Il s'en déduit que l'absence de déchéance du terme à l'égard de l'un des débiteurs solidaires ne prive pas la caution de son droit d'exercer à son encontre son recours personnel. 11. Pour déclarer l'action de la caution contre Mme [S] irrecevable après avoir relevé qu'au moment de la délivrance des mises en demeure à M. [W], Mme [S] bénéficiait d'une mesure de suspension de ses obligations résultant des deux prêts pour une durée de douze mois notifiée à la banque le 4 octobre 2016, l'arrêt retient qu'aucune déchéance du terme ne pouvait être prononcée à son encontre avant le 4 octobre 2017, de sorte que la caution, subrogée dans les droits de la banque, ne pouvait avoir plus de droits que cette dernière. 12. En statuant ainsi, alors que la caution exerçait son recours personnel, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déclarent irrecevable l'action de la société Compagnie européenne des garanties et cautions à l'encontre de Mme [S], les arrêts rendus les 3 septembre 2020 et 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne Mme [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi n° V 20-21.488 par la SAS Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie européenne de garanties et cautions La CEGC fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable son action en paiement de la somme de 143 683,13€, outre intérêts, à l'encontre de Mme [S] ; Alors que lorsque la caution exerce son recours personnel après paiement, le débiteur ne peut pas lui opposer les exceptions et moyens de défense dont il aurait disposé à l'égard du créancier ; qu'au cas présent, la CEGC ayant payé la dette des consorts [Z], elle ne pouvait se voir opposer, dans l'exercice de son recours personnel contre les débiteurs, l'exception tirée de l'absence de déchéance du terme à l'égard de Mme [S] ; qu'en jugeant néanmoins que la demande de la CEGC à l'encontre de Mme [S] était irrecevable aux motifs que « la caution étant subrogée dans les droits de la banque, ne peut avoir plus de droits que cette dernière », et « qu'ainsi, l'absence de déchéance du terme lui est opposable par Mme [S] », la cour d'appel a violé l'article 2305 du code civil. Moyen produit au pourvoi n° N 20-22.355 par la SAS Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie européenne de garanties et cautions La CEGC fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action de la société CEGC irrecevable à l'encontre de Mme [S] ; Alors que lorsque la caution exerce son recours personnel après paiement, le débiteur ne peut pas lui opposer les exceptions et moyens de défense dont il aurait disposé à l'égard du créancier ; qu'au cas présent, la CEGC ayant payé la dette des consorts [Z], elle ne pouvait se voir opposer, dans l'exercice de son recours personnel contre les débiteurs, l'exception tirée de l'absence de déchéance du terme à l'égard de Mme [S] ; qu'en jugeant néanmoins que la demande de la CEGC à l'encontre de Mme [S] était irrecevable « en raison de la suspension des échéances des deux prêts ordonnée par le tribunal d'instance de Bonneville par ordonnance du 3 octobre 2016 », la cour d'appel a violé l'article 2305 du code civil.
L'absence de déchéance du terme à l'égard de l'un des débiteurs solidaires ne prive pas la caution de son droit d'exercer son recours personnel à l'encontre de celui-ci
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 423 F-B Pourvoi n° B 21-14.713 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 1°/ Mme [Z] [B], épouse [C], 2°/ M. [H] [C], domiciliés tous deux [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° B 21-14.713 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la proximité), dans le litige les opposant à la société CIC lyonnaise de banque, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [B] et de M. [C], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société CIC lyonnaise de banque, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 10 décembre 2020), suivant acte authentique du 6 novembre 2014, la CIC lyonnaise de banque (la banque) a consenti à M. [C] et Mme [B] (les emprunteurs) un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier. Les conditions générales du contrat prévoyaient à l'article 17 une exigibilité du prêt par anticipation en cas de fourniture de renseignements inexacts par l'emprunteur sur des éléments essentiels ayant déterminé l'accord de la banque ou de nature à compromettre le remboursement du prêt. 2. Le 21 juin 2016, soutenant que les emprunteurs avaient communiqué des renseignements mensongers au moment de la souscription du prêt, la banque s'est prévalue de l'article 17 pour prononcer la déchéance du terme et, le 30 juin 2016, elle a informé les emprunteurs d'un signalement auprès du fichier des incidents des crédits aux particuliers de la Banque de France (FICP). 3. Le 26 avril 2018, elle a délivré un commandement de payer le solde du prêt aux emprunteurs qui l'ont assignée devant le juge de l'exécution en annulation du commandement et en mainlevée de l'inscription au FICP. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 5. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de mainlevée de l'inscription au FICP, alors « que ne constitue pas un incident de paiement caractérisé, pour l'application de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursements de crédit aux particuliers, le défaut de paiement qui est provoqué par l'exigibilité de l'intégralité du montant du prêt, résultant du prononcé de la déchéance du terme par la banque quand cette déchéance du terme ne fait pas suite à un incident de paiement ; qu'en énonçant que l'inscription au FICP serait justifié par le fait qu'à raison de la déchéance du terme prononcée sur le fondement de prétendues déclarations inexactes lors de la souscription du prêt, les époux [C] sont redevables de la somme de 273 946,48 euros devenue intégralement exigible, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'arrêté du 26 octobre 2010. » Réponse de la Cour 6. Après avoir relevé qu'à la suite de la déchéance du terme prononcée en raison de la communication par les emprunteurs de renseignements inexacts au moment de la souscription du prêt, ceux-ci étaient redevables de la somme de 273 946,48 euros devenue intégralement exigible le 21 juin 2016 et n'avaient pas payé cette somme, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que ce prêt avait fait l'objet d'un incident de paiement caractérisé, justifiant son refus de procéder à la mainlevée de l'inscription des emprunteurs au FICP. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [C] et Mme [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. [C] et Mme [B] et les condamne à payer à la société CIC lyonnaise de banque la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [B] et M. [C] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. et Mme [C] font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu de prononcer l'annulation du commandement de payer aux fins de saisie vente délivré le 26 avril 2018, dit n'y avoir lieu de condamner la société CIC Lyonnaise de Banque à faire procéder à la mainlevée de l'inscription au FICP, et d'avoir rejeté la demande de liquidation de l'astreinte ; 1°- ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, les époux [C] faisaient valoir, dans leurs conclusions devant la Cour d'appel, que la preuve de la fraude alléguée par la banque à l'appui du prononcé de la déchéance du terme n'est pas rapportée, en faisant observer notamment qu'ils n'avaient jamais été mis en examen cinq ans après le réquisitoire introductif dans le cadre de la procédure d'instruction relative à cette prétendue fraude ; qu'ils contestaient ainsi expressément les allégations de la banque tirées d'une inexactitude dans leurs déclarations de nature à justifier le prononcé de la déchéance du terme ; qu'en se fondant pour considérer comme établies les allégations de fraude de la banque, sur l'absence de contestation des époux [C], la Cour d'appel a dénaturé leurs conclusions et violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 2°- ALORS QU'il incombe à la banque qui invoque la déchéance du terme du prêt sur le fondement de prétendues déclarations inexactes des emprunteurs lors de la souscription du prêt, contestées par ces derniers, d'en démontrer la réalité ; qu'en se fondant pour entériner le prononcé de la déchéance du terme et partant la validité du commandement, sur le silence des époux [C] sur le montant de leurs ressources au moment de la souscription du prêt, et sur leur silence sur les prétendues anomalies dans les documents joints et sur leur qualité de salariés des sociétés Urgo et Manager Marsafi, et en faisant ainsi peser le risque de la preuve sur les emprunteurs, la Cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION M. et Mme [C] font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu de condamner la société CIC Lyonnaise de Banque à faire procéder à la mainlevée de l'inscription au FICP, et d'avoir rejeté la demande de liquidation de l'astreinte ; ALORS QUE ne constitue pas un incident de paiement caractérisé, pour l'application de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursements de crédit aux particuliers, le défaut de paiement qui est provoqué par l'exigibilité de l'intégralité du montant du prêt, résultant du prononcé de la déchéance du terme par la banque quand cette déchéance du terme ne fait pas suite à un incident de paiement ; qu'en énonçant que l'inscription au FICP serait justifié par le fait qu'à raison de la déchéance du terme prononcée sur le fondement de prétendues déclarations inexactes lors de la souscription du prêt, les époux [C] sont redevables de la somme de 273.946,48 euros devenue intégralement exigible, la Cour d'appel a violé l'article 4 de l'arrêté du 26 octobre 2010.
Après avoir relevé qu'à la suite de la déchéance du terme prononcée en raison de la communication par les emprunteurs de renseignements inexacts au moment de la souscription du prêt, ceux-ci étaient redevables du solde du prêt devenu intégralement exigible et n'avaient pas payé cette somme, c'est à bon droit qu'une cour d'appel en déduit que ce prêt a fait l'objet d'un incident de paiement caractérisé au sens de l'article 4 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, justifiant son refus de procéder à la mainlevée de l'inscription des emprunteurs à ce fichier
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CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 424 F-P+B Pourvoi n° Q 21-11.045 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 1°/ Mme [B] [F], domiciliée [Adresse 4], 2°/ la société Floriana, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4], ont formé le pourvoi n° Q 21-11.045 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2020 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige les opposant : 1°/ à la Caisse de crédit mutuel Valdoie Giromagny, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ au syndicat des copropriétaires de la Résidence des Barges, dont le siège est [Adresse 4], représenté par l'agence Otim, syndic, domicilié [Adresse 5], 3°/ à la trésorerie de [Localité 7], dont le siège est [Adresse 2], 4°/ à la trésorerie de [Localité 8], dont le siège est [Adresse 1], 5°/ à la société la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 6], venant aux droits de la Banque populaire du Massif Central, défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme [F] et de la société Floriana, de la SARL Le Prado Gilbert, avocat de la société Caisse de crédit mutuel Valdoie Giromagny, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 23 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 27 mars 2019, pourvoi n° 17-28.944), à la suite d'une procédure de saisie immobilière d'un bien en copropriété, engagée par un syndicat de copropriétaires à l'encontre de Mme [F] en raison de charges demeurées impayées, la Caisse de crédit mutuel Valdoie Giromagny (la banque), qui avait, par actes notariés des 21 novembre 2005 et 13 octobre 2006, consenti trois prêts à la société civile immobilière Floriana (la SCI), a demandé au juge de l'exécution l'autorisation de poursuivre la procédure de saisie immobilière par voie de subrogation, en se prévalant du cautionnement de ces prêts consenti par Mme [F] (la caution). Examen des moyens Sur le premier moyen 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La caution et la SCI reprochent à l'arrêt de rejeter la demande de la caution en déchéance du droit aux intérêts pour non-respect de l'obligation d'information de la caution, alors « que le créancier professionnel doit adresser chaque année à la caution personne physique les informations prévues à l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ; que la seule production par le créancier de la copie d'une lettre d'information ne suffit pas à justifier de son envoi ; que la cour d'appel énonce que « la banque justifie par les courriers qu'elle verse aux débats avoir adressé à la caution l'information requise pour les années 2011 à 2018 pour les deux prêts n° 20188704 et n°20188705 » ; qu'en se bornant ainsi à faire état de la seule production par la banque de la copie de lettres d'information, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à justifier de l'envoi de ces courriers, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier : 4. Il résulte de ce texte qu'il appartient aux établissements de crédit et aux sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, de justifier de l'accomplissement des formalités légalement prévues et que la seule production de la copie de lettres d'information ne suffit pas à justifier de leur envoi. 5. Pour retenir que la banque a satisfait à son obligation d'information annuelle de la caution, l'arrêt relève que la banque justifie, par les lettres qu'elle verse aux débats, avoir adressé à la caution l'information requise pour les années 2011 à 2018 pour les deux prêts n° 20188704 et n° 20188705. 6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à justifier de l'accomplissement des formalités prévues par le texte susvisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme [F] en déchéance du droit aux intérêts pour non-respect de l'obligation d'information de la caution, l'arrêt rendu le 23 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne la Caisse de crédit mutuel Valdoie Giromagnyaux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse de crédit mutuel Valdoie Giromagny et la condamne à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour Mme [B] [F], la société Floriana PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [F] et la SCI Floriana reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [F] de sa demande tendant à voir constater l'absence de cautionnement dans les actes notariés et dire que la caisse de crédit mutuel ne disposant d'aucun titre exécutoire devait être déboutée de sa demande de subrogation, ALORS QUE le mandat sous seing privé de se porter caution consenti par une personne physique au bénéfice d'un créancier professionnel doit comporter les mentions prescrites par l'article L. 341-2 du code de la consommation (dans sa version antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, applicable au litige), comprenant notamment la mention de la durée de l'engagement de caution ; que l'irrégularité qui entache le mandat s'étend au cautionnement subséquent donné sous la forme authentique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que « s'agissant de l'acte authentique du 21 novembre 2005 portant prêt n° 201888704 pour un montant de 191 394 €, (…) Mme [F] intervient pour se porter caution personnelle et solidaire de l'emprunteur, la SCI Floriana, en cela représentée par Mme [J], clerc de notaire en vertu des pouvoirs qu'il lui a conféré dans une procuration sous seing privée du 15 novembre 2005 et qui figure en annexe de l'acte authentique » et que « cette procuration mentionne que Mme [F] par l'intermédiaire de son mandataire, s'engage à se constituer irrévocablement caution personnelle et solidaire pour le remboursement du montant du prêt et porte la mention manuscrite suivante : « bon pour pouvoir en me portant caution de la SCI Floriana dans la limite de 80 560 € en principal, les intérêts et le cas échéant des pénalités de retard. Je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si ladite la SCI Floriana n'y satisfait pas elle-même. En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2021 du code civil en m'obligeant solidairement avec la SCI Floriana, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'ils poursuivent préalablement ladite société » » (arrêt, p. 10) ; que dès lors, en retenant que Mme [F] s'est bien engagée en qualité de caution solidaire de la SCI Floriana pour le prêt n° 20188704 souscrit le 21 novembre 2005 auprès de la banque, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que la procuration sous-seing privée de se porter caution solidaire ne comportait pas la mention de la durée du cautionnement exigée par l'ancien article L. 341-2 code de la consommation (cf. arrêt, p. 10, in fine), ce dont il résultait que le mandat sous seing privé était irrégulier et que cette irrégularité s'étendait au cautionnement subséquent donné sous la forme authentique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article L 341-2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Mme [F] et la SCI Floriana reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [F] de sa demande de déchéance du droit aux intérêts pour non-respect de l'obligation d'information de la caution, ALORS QUE 1°) le créancier professionnel doit adresser chaque année à la caution personne physique les informations prévues à l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ; que la seule production par le créancier de la copie d'une lettre d'information ne suffit pas à justifier de son envoi ; que la cour d'appel énonce que « la Caisse de crédit mutuel justifie par les courriers qu'elle verse aux débats avoir adressé à Mme [F] l'information requise pour les années 2011 à 2018 pour les deux prêts n° 20188704 et n° 20188705 » (arrêt, p. 11, in fine) ; qu'en se bornant ainsi à faire état de la seule production par la banque de la copie de lettres d'information, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à justifier de l'envoi de ces courriers, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, ALORS QUE 2°), le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant que « la Caisse de crédit mutuel justifie par les courriers qu'elle verse aux débats avoir adressé à Mme [F] l'information requise pour les années 2011 à 2018 pour les deux prêts n°20188704 et n° 20188705 » (arrêt, p. 11, in fine), cependant que les courriers d'information en date des 16 février 2012, 18 février 2013, 24 février 2014, 20 février 2015 et 18 février 2016 versés aux débats par la banque (pièce adverse n° 41) étaient relatifs au seul prêt n° 20188704 et non au prêt n° 20188705, la cour d'appel a dénaturé ces courriers, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause, ALORS QUE 3°) en se bornant à affirmer que « la Caisse de crédit mutuel justifie par les courriers qu'elle verse aux débats avoir adressé à Mme [F] l'information requise pour les années 2011 à 2018 pour les deux prêts n° 20188704 et n°20188705 » (arrêt, p. 11, in fine), sans rechercher si la banque justifiait de l'exécution de son obligation d'information annuelle de la caution antérieurement à l'année 2011 pour ces crédits souscrits en 2005 et 2006, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier.
Il résulte de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier qu'il appartient aux établissements de crédit et aux sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, de justifier de l'accomplissement des formalités légalement prévues et que la seule production de la copie de lettres d'information ne suffit pas à justifier de leur envoi
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CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 425 F-P+B Pourvoi n° T 20-23.326 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 1°/ M. [W] [P], domicilié [Adresse 3], 2°/ Mme [N] [L], épouse [G], domiciliée [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° T 20-23.326 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2020 par la cour d'appel d'Angers (chambre civile A), dans le litige les opposant à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) de l'Anjou et du Maine, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [P], et de Mme [L], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) de l'Anjou et du Maine, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 20 octobre 2020), Mme [L] et M. [P] ont chacun ouvert auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine (la banque) un compte courant, la première suivant convention du 21 mars 2007 n° 0014711210, le second suivant convention n° 2439742000. 2. Le 16 juillet 2014, la banque les a assignés en paiement des soldes débiteurs de ces comptes. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Mme [L] fait grief à l'arrêt de dire que l'action en paiement engagée par la banque à son encontre n'est pas forclose et de la condamner à lui payer la somme de 175 001,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2014 au titre du solde débiteur du compte n° 0014711210, alors : « 1°/ que le dépassement au sens du 11° de l'article L. 311-1 du code de la consommation, non régularisé à l'issue du délai de trois mois prévu par l'article L. 311-47, fait courir le délai de forclusion biennale applicable à l'action en paiement engagée à l'encontre de l'emprunteur ; que le délai de forclusion commence à courir le jour où le dépassement atteint trois mois sans être régularisé, peu important que ce dépassement fasse ultérieurement l'objet de régularisations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [L] bénéficiait d'un découvert autorisé de 5 000 euros sur son compte n° 000147101210 ouvert dans les livres de la banque, et que le solde de son compte avait dépassé le débit de 5 000 euros de manière continue, du 1er janvier au 15 mai 2012, soit pendant une période excédant trois mois ; qu'en jugeant cependant que la banque n'était pas forclose en son action en paiement introduite le 16 juillet 2014 à l'encontre de Mme [L], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 311-52 du code de la consommation, applicable à la cause, devenu l'article R. 312-35 du même code ; 2°/ que le délai de forclusion commence à courir le jour où le dépassement atteint trois mois sans être régularisé, peu important que ce dépassement fasse ultérieurement l'objet de régularisations ; qu'en énonçant, pour juger que la banque n'était pas forclose en son action dirigée contre Mme [L], que le compte de Mme [L] n'a été en position débitrice de manière continue et permanente qu'à compter du 31 juillet 2012" et que précédemment, les différents dépassements ont été régularisés ", la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation de l'article L. 311-52 du code de la consommation, applicable à la cause, devenu l'article R. 312-35 du même code. » Réponse de la Cour 5. Il résulte des articles L. 311-47, L. 311-1, 11°, et L. 311-52 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que les actions en paiement d'un découvert en compte tacitement accepté doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans suivant l'expiration du délai de trois mois à compter du dépassement non régularisé. 6. Ayant relevé que le compte avait précédemment présenté des positions débitrices ayant été régularisées et qu'il n'avait été en position débitrice continue qu'à compter du 31 juillet 2012, ce dont il résultait que l'action en paiement du solde débiteur devait être engagée dans les deux ans suivant l'expiration du délai de trois mois à compter de cette date correspondant à celle du dépassement non régularisé, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action de la banque, introduite le 16 juillet 2014, n'était pas atteinte par la forclusion. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [L] et M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et M. [P] et les condamne à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine la somme de 1 500 euros chacun ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. Le conseiller referendaire rapporteur le president Le greffier de chambre MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [P], PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [L] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'action en paiement engagée par la CRCAM à son encontre n'est pas forclose et de l'avoir condamnée à payer à la CRCAM la somme de 175.001,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2014 au titre du solde débiteur du compte n° 0014711210 ; ALORS QUE 1°), le dépassement au sens du 11° de l'article L. 311-1 du code de la consommation, non régularisé à l'issue du délai de trois mois prévu par l'article L. 311-47, fait courir le délai de forclusion biennale applicable à l'action en paiement engagée à l'encontre de l'emprunteur ; que le délai de forclusion commence à courir le jour où le dépassement atteint trois mois sans être régularisé, peu important que ce dépassement fasse ultérieurement l'objet de régularisations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [L] bénéficiait d'un découvert autorisé de 5.000 euros sur son compte n°000147101210 ouvert dans les livres de la CRCAM, et que le solde de son compte avait dépassé le débit de 5.000 euros de manière continue, du 1er janvier au 15 mai 2012, soit pendant une période excédant trois mois (arrêt p. 6 §6 et p. 7§2) ; qu'en jugeant cependant que la CRCAM n'était pas forclose en son action en paiement introduite le 16 juillet 2014 à l'encontre de Mme [L], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 311-52 du code de la consommation, applicable à la cause, devenu l'article R. 312-35 du même code ; ALORS QUE 2°), le délai de forclusion commence à courir le jour où le dépassement atteint trois mois sans être régularisé, peu important que ce dépassement fasse ultérieurement l'objet de régularisations ; qu'en énonçant, pour juger que la CRCAM n'était pas forclose en son action dirigée contre Mme [L], que le compte de Mme [L] « n'a été en position débitrice de manière continue et permanente qu'à compter du 31 juillet 2012 » et que « précédemment, les différents dépassements ont été régularisés » (p. 7§ 3), la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation de l'article L. 311-52 du code de la consommation, applicable à la cause, devenu l'article R. 312-35 du même code. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [P] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à la CRCAM la somme de 84.554,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2014 au titre du compte n° 2439742000 ; ALORS QUE 1°), il incombe à celui qui invoque une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de rapporter la preuve de son bien-fondé ; qu'en énonçant, pour juger que les virements intervenus sur le compte de M. [P] faisaient échec à la forclusion biennale, que M. [P] ne justifiait pas qu'il avait qualité à faire valoir que ces virements auraient été opérés sans l'autorisation des sociétés en cause, cependant qu'il incombait à la CRCAM qui contestait la qualité de M. [P] à faire valoir ce moyen de rapporter la preuve de ce prétendu défaut de qualité, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315, devenu 1353 du code civil, ALORS QUE 2°), les moyens de défense échappent à toute prescription ; qu'ainsi, le moyen par lequel M. [P] contestait la régularité des virements opérés sur son compte les 15 février et 16 mai 2012, en défense à l'action en paiement introduite par la banque, laquelle, au soutien de sa demande, faisait valoir que lesdits virements auraient fait échec à la forclusion biennale, n'était pas soumis à prescription ; qu'en jugeant au contraire que M. [P] ne pouvait pas contester la régularité des virements susvisés, en raison de la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile. Le greffier de chambre
Il résulte des articles L. 311-47, L. 311-1, 11°, et L. 311-52 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que les actions en paiement d'un découvert en compte tacitement accepté doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans suivant l'expiration du délai de trois mois à compter du dépassement non régularisé. Ayant relevé qu'un compte courant a précédemment présenté des positions débitrices ayant été régularisées et qu'il n'a été en position débitrice continue qu'à compter d'une certaine date, ce dont il résultait que l'action en paiement du solde débiteur devait être engagée dans les deux ans suivant l'expiration du délai de trois mois à compter de cette date correspondant à celle du dépassement non régularisé, une cour d'appel en déduit exactement que l'action de la banque, introduite dans les deux ans suivant l'expiration du délai de trois mois à compter de cette date, n'est pas atteinte par la forclusion
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CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 426 F-P+B Pourvoi n° A 21-10.250 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 Mme [S] [J], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-10.250 contre l'arrêt rendu le 29 juillet 2020 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Mercedes Benz Financial Service France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [J], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Mercedes Benz Financial Service France, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 29 juillet 2020), le 13 août 2010, la société Mercedes Benz Financial Service France (le crédit-bailleur) et Mme [J] (le preneur) ont conclu un contrat de location avec option d'achat portant sur un véhicule automobile. Ce contrat est arrivé à son terme le 27 octobre 2013. 2. En dépit d'une mise en demeure adressée le 25 juin 2015, le preneur n'a ni levé l'option d'achat ni restitué le véhicule au crédit-bailleur. Celui-ci l'a assigné le 20 avril 2016 en paiement d'une indemnité en réparation de son préjudice de jouissance et en restitution du véhicule. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Le preneur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action en restitution formée par le crédit-bailleur à son encontre, d'ordonner la restitution du véhicule sous astreinte et, à défaut de restitution, d'autoriser son appréhension dans les conditions prévues aux articles R. 222-2, R. 223-6 à R. 223-13 du code des procédures civiles d'exécution avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin, alors « que l'action en restitution exercée par le crédit-bailleur à l'encontre du crédit-preneur sur le fondement du contrat de crédit-bail est une action personnelle mobilière soumise à la prescription extinctive biennale lorsqu'elle est formée à l'encontre d'un consommateur ; qu'en déclarant recevable l'action en restitution" formée par la société Mercedes Benz à l'encontre de l'exposante au motif inopérant que celle-ci ne justi[fiait] nullement d'une prescription acquisitive concernant le véhicule loué" et que la société était demeurée propriétaire du véhicule, quand celle-ci n'agissait pas en revendication du véhicule mais exerçait contre l'exposante une action en restitution de nature personnelle et mobilière, soumise à la prescription extinctive biennale dès lors qu'elle avait la qualité de consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu l'article L. 218-2 du même code. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 2227 du code civil, le droit de propriété est imprescriptible. Selon l'article 2266 du code civil, ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit, de sorte que le locataire, le dépositaire, l'usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire. 6. En application de ces dispositions, la Cour de cassation juge que la propriété ne s'éteignant pas par le non-usage, l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription extinctive (1re Civ., 2 juin 1993, pourvoi n° 90-21.982, 91-10.971, 91-12.013, 91-10.429, Bull. civ. 1993, I, n° 197). Elle juge également que l'action en revendication, par laquelle le propriétaire d'un meuble en réclame la restitution à celui à qui il l'a remis à titre précaire, naît de son droit de propriété et de l'absence de droit du détenteur, de sorte que la forclusion prévue à l'article L. 311-37 du code de la consommation ne constitue pas un titre pour le locataire et n'est pas applicable à l'action en revendication de la chose louée exercée par le crédit-bailleur (1re Civ., 20 décembre 1994, pourvoi n° 93-11.624, Bull. civ. 1994, I, n° 384). 7. Il en résulte que l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, disposant que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, n'est pas applicable à l'action formée par le crédit-bailleur qui, après l'expiration du contrat ayant pour objet la location d'une voiture, en demande la restitution au preneur n'ayant pas levé l'option d'achat. 8. La cour d'appel, qui a relevé qu'au terme du contrat de crédit-bail, le preneur n'avait pas levé l'option d'achat du véhicule, a exactement retenu que celui-ci était resté la propriété du crédit-bailleur et que l'action en restitution de son bien n'était pas soumise à la prescription biennale. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [J] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [J] et la condamne à payer à la société Mercedes Benz Financial Service France la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [S] [J] Mme [J] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que l'action en restitution du véhicule formée par la société Mercedes Benz Financial Service France à son encontre était recevable ; d'AVOIR ordonné la restitution du véhicule sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 7 jours à compter de la signification de la décision et d'AVOIR autorisé, à défaut de restitution, son appréhension dans les conditions prévues aux articles R. 222-2, R. 223-6 à R. 223-13 du code des procédures civiles d'exécution avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin ; 1°) ALORS QUE l'action en restitution exercée par le crédit-bailleur à l'encontre du crédit-preneur sur le fondement du contrat de crédit-bail est une action personnelle mobilière soumise à la prescription extinctive biennale lorsqu'elle est formée à l'encontre d'un consommateur ; qu'en déclarant recevable « l'action en restitution » formée par la société Mercedes Benz à l'encontre de l'exposante au motif inopérant que celle-ci « ne justi[fiait] nullement d'une prescription acquisitive concernant le véhicule loué » (arrêt, p. 5, al. 2) et que la société était demeurée propriétaire du véhicule (arrêt, p. 5, al. 3), quand celle-ci n'agissait pas en revendication du véhicule mais exerçait contre l'exposante une action en restitution de nature personnelle et mobilière, soumise à la prescription extinctive biennale dès lors qu'elle avait la qualité de consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu l'article L. 218-2 du même code ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse le juge doit, en toute circonstances, respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que le droit de propriété de la société Mercedes Benz ferait obstacle à la prescription extinctive de l'action en restitution invoquée par Mme [J] (arrêt, p. 5, al. 2 et 3) sans rouvrir les débats ni inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse l'enrichissement sans cause ne peut suppléer une action que la prescription empêche son titulaire d'exercer ; qu'en déclarant recevable l'action en restitution du véhicule de la société Mercedes Benz recevable au motif que Mme [J] ne pouvait « conserver [le véhicule] sans l'avoir payé, sauf à lui octroyer un enrichissement sans cause » (arrêt, p. 5, al. 2), quand les principes relatifs à l'enrichissement sans cause ne pouvaient permettre d'échapper à l'impossibilité d'exercer l'action en restitution de la société Mercedes Benz éteinte par prescription, la cour d'appel a violé l'article 1371 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, devenu l'article 1303-3 du code civil.
L'article L.137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, disposant que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, n'est pas applicable à l'action formée par le crédit-bailleur qui, après l'expiration du contrat ayant pour objet la location d'une voiture, en demande la restitution au preneur n'ayant pas levé l'option d'achat
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 525 FS-B Pourvois n° et P 19-12.048 D 19-15.052 Jonction R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 I. La société Paget Approbois, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 19-12.048 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Depeyre entreprises, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Alpha Insurance A/S, société de droit danois, dont le siège est [Adresse 3] (Danemark), représentée par M. [O] [W], pris en qualité de syndic de faillite, défenderesses à la cassation. II. La société Alpha Insurance A/S, société de droit danois, représentée par M. [O] [W], agissant en qualité de syndic de faillite, a formé le pourvoi n° D 19-15.052 contre le même arrêt, dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Paget Approbois, société par actions simplifiée, 2°/ à la société Depeyre entreprises, société à responsabilité limitée, défenderesses à la cassation. La société Paget Approbois, demanderesse au pourvoi n° P 19-12.048, invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La société Alpha Insurance A/S, demanderesse au pourvoi n° D 19-15.052, invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Paget Approbois, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Alpha Insurance A/S, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Depeyre entreprises, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, MM. Talabardon, Ittah, Pradel, Mme Brouzes, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 20 novembre 2018) et les productions, la société Paget Approbois (la société Paget) a souscrit, à effet du 1er juillet 2011, par l'intermédiaire de la société Depeyre entreprises (la société Depeyre), courtier en assurance, une police d'assurance « multirisque industrielle » portant la mention « Compagnie : Alpha insurance ». 2. Le 20 mai 2012, une chute de grêle a endommagé deux sites exploités par la société Paget, qui a adressé le lendemain une déclaration de sinistre à la société Depeyre. 3. Une expertise amiable a été mise en oeuvre afin d'évaluer les dommages matériels consécutifs au sinistre. 4. La société Paget n'a toutefois perçu aucune indemnité d'assurance, la société Depeyre lui ayant finalement fait connaître par une lettre datée du 7 janvier 2013 qu'elle avait été assurée par l'intermédiaire d'une société de droit belge, la société Albic, que ses assureurs avaient été, à compter du 1er janvier 2012, la société britannique United et la société roumaine Euroins, et qu'elle n'avait plus d'assureur depuis le 1er janvier 2013, ces sociétés ayant depuis retiré leur agrément à la société Albic. 5. La société Paget a alors assigné en responsabilité et indemnisation de ses préjudices la société Depeyre, qui a appelé en garantie la société de droit danois Alpha Insurance, désignée par elle comme étant le véritable assureur à la date du sinistre. 6. La société Paget a sollicité en cause d'appel la condamnation in solidum de la société Depeyre et de la société Alpha Insurance au paiement de la somme de 335 080,79 euros en réparation de son préjudice matériel ainsi que la mise en oeuvre d'une expertise afin d'évaluer son préjudice immatériel. 7. À l'audience de plaidoirie du 16 octobre 2018, le conseil de la société Alpha Insurance a informé la cour d'appel que le tribunal maritime et commercial de Copenhague avait prononcé la faillite de cette société à compter du 8 mai 2018 et en a justifié en cours de délibéré en produisant ce jugement désignant M. [W] en qualité de syndic de faillite. 8. La cour d'appel de Besançon, par arrêt du 20 novembre 2018, a dit n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture et a statué au fond. 9. La société Alpha Insurance, représentée par M. [W], pris en qualité de syndic de faillite, et la société Paget, se sont pourvues contre cet arrêt. 10. Par un arrêt du 17 décembre 2020, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) de questions préjudicielles portant sur l'interprétation de l'article 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (dite « Solvabilité II »). 11. Par un arrêt du 13 janvier 2022 (C-724/20), la CJUE a répondu aux questions posées. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi n° D 19-15.052 de la société Alpha Insurance, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 12. La société Alpha Insurance fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Paget de sa demande d'expertise et de la condamner la société Alpha Insurance à payer à la société Paget la somme de 335 080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012, alors : « 1°/ que l'ouverture d'une procédure collective interrompt l'instance de plein droit dès lors qu'elle survient avant l'audience et qu'elle emporte assistance ou dessaisissement du débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'il avait été justifié qu'une procédure de faillite avait été ouverte à l'encontre de la société Alpha Insurance par jugement du tribunal maritime et commercial de Copenhague du 8 mai 2018, soit antérieurement à l'audience de plaidoirie du 16 octobre 2018 ; qu'en s'abstenant de constater l'interruption de l'instance qui résultait de plein droit de l'ouverture de cette procédure collective, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 369, 371 et 372 du code de procédure civile ; 2°/ que l'ouverture d'une procédure collective interrompt toute action en justice de la part des créanciers antérieurs au jugement d'ouverture dès lors que cette action tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce, il est constant et constaté par les juges que, par acte du 10 juin 2015, la société Alpha Insurance a été assignée en paiement et garantie d'une indemnité d'assurance, et qu'elle a ensuite fait l'objet d'une procédure de faillite par jugement du tribunal maritime et commercial de Copenhague du 8 mai 2018 ; qu'en s'abstenant de constater l'interruption de l'instance qui résultait de plein droit de l'ouverture de cette procédure collective, la cour d'appel a violé les articles L. 622-22, R. 622-20, L. 641-3 et L. 641-9 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 326-20 et L. 326-28 du code des assurances, les articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce et les articles 369 et 371 du code de procédure civile : 13. Aux termes du premier de ces textes, issu de l'ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015 transposant la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II), les décisions concernant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire prises par les autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France à l'égard d'une entreprise d'assurance ayant son siège sur le territoire de cet Etat produisent tous leurs effets sur le territoire de la République française sans aucune autre formalité, y compris à l'égard des tiers, dès qu'elles produisent leurs effets dans cet Etat. 14. Selon le deuxième, issu de la même ordonnance, transposant l'article 292 de la directive Solvabilité II, les effets de la mesure d'assainissement ou de l'ouverture de la procédure de liquidation sur une instance en cours en France concernant un bien ou un droit dont l'entreprise d'assurance est dessaisie sont régis exclusivement par les dispositions du code de procédure civile. 15. Il résulte des dispositions susvisées du code de procédure civile que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, dès lors que cet événement survient avant l'ouverture des débats. 16. Il découle des dispositions susvisées du code de commerce que par l'effet du jugement qui ouvre la procédure de liquidation judiciaire, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur, dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. 17. Par son arrêt précité du 13 janvier 2022 (C-724/20), la CJUE a dit pour droit que l'article 292 de la directive Solvabilité II doit être interprété en ce sens : - d'une part, que « la notion d'« instance en cours concernant un actif ou un droit dont l'entreprise d'assurance est dessaisie », visée par cet article, englobe une instance en cours ayant pour objet une demande d'indemnité d'assurance sollicitée par un preneur d'assurance, au titre de dommages supportés dans un Etat membre, auprès d'une entreprise d'assurance soumise à une procédure de liquidation dans un autre Etat membre » ; - d'autre part, que « la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel l'instance est en cours, au sens de cet article, a pour objet de régir tous les effets de la procédure de liquidation sur cette instance » et en particulier, qu'« il convient d'appliquer les dispositions du droit de cet Etat membre qui, premièrement, prévoient que l'ouverture d'une telle procédure entraîne l'interruption de l'instance en cours, deuxièmement, soumettent la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation et, troisièmement, interdisent toute condamnation au paiement de l'indemnité, celle-ci ne pouvant plus faire l'objet que d'une constatation de son existence et d'une fixation de son montant, dès lors que, en principe, de telles dispositions n'empiètent pas sur la compétence réservée au droit de l'Etat membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive. » 18. Il en découle qu'en application de l'article L. 326-28 du code des assurances, tel qu'interprété à la lumière de la directive Solvabilité II, les dispositions des articles 369 et 371 du code de procédure civile et de l'article L. 622-22 du code de commerce s'appliquent aux instances en cours ayant pour objet une demande d'indemnité d'assurance sollicitée par un preneur d'assurance, au titre de dommages supportés en France, auprès d'une entreprise d'assurance soumise à une procédure de liquidation judiciaire dans un autre Etat membre. 19. Pour dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, débouter la société Paget de sa demande d'expertise et condamner la société Alpha Insurance à payer à la société Paget la somme de 335 080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012, l'arrêt retient que, malgré l'objection formulée par la société Depeyre, la société Alpha Insurance n'a pas établi que la procédure de faillite danoise avait les mêmes effets qu'en droit français sur la poursuite de l'instance et sur la recevabilité des demandes dirigées contre elle. 20. Elle en déduit qu'ignorée des parties avant la clôture et n'apparaissant pas revêtir la gravité justifiant de révoquer l'ordonnance de clôture, l'existence de cette procédure de faillite restera étrangère aux débats. 21. En statuant ainsi, alors que le jugement du tribunal maritime et commercial de Copenhague ayant prononcé la faillite de la société Alpha Insurance et désigné un syndic de faillite, intervenu avant l'ouverture des débats, avait entraîné l'interruption de l'instance en cours, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt disant n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, déboutant la société Paget de sa demande d'expertise et condamnant la société Alpha Insurance à payer à la société Paget la somme de 335 080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel entraîne la cassation des chefs de dispositif déboutant la société Paget de sa demande en condamnation de la société Depeyre à l'indemniser de ses préjudices résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012 et de sa demande en condamnation de la société Alpha Insurance à l'indemniser de son préjudice immatériel, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne la société Depeyre entreprises aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi n° P 19-12.048 par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Paget Approbois PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, D'AVOIR infirmé le jugement sauf en ce qu'il avait débouté la société PAGET de sa demande d'expertise, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, D'AVOIR débouté celle-ci de ses demandes à l'encontre de la société DEPEYRE, D'AVOIR condamné la société ALPHA INSURANCE à lui payer la somme de 335.080,79 € au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012 et D'AVOIR débouté la société PAGET de sa demande en condamnation de cette dernière à l'indemniser de son préjudice immatériel ; AUX MOTIFS QUE « sur la faillite de la société ALPHA INSURANCE : à l'audience de plaidoirie, le conseil de la société ALPHA INSURANCE a informé la cour et les autres parties du placement de celle-ci en faillite à compter du 8 mai 2018 par le tribunal maritime et commercial de Copenhague (Danemark), ce dont il a justifié en cours de délibéré, postérieurement à la clôture des débats ; toutefois, malgré l'objection formulée en réponse par la société DEPEYRE dans son courrier du 29 octobre, la société ALPHA INSURANCE n'a pas établi que la procédure de faillite danoise avait les mêmes effets qu'en droit français sur la poursuite de l'instance et sur la recevabilité des demandes dirigées contre elle ; dès lors, ignorée des parties avant la clôture et n'apparaissant pas revêtir la gravité justifiant de révoquer l'ordonnance de clôture, l'existence de cette procédure de faillite restera étrangère aux débats » ; 1°/ ALORS, D'UNE PART, QUE les instances en cours à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance et mis en cause le liquidateur judiciaire ; que les jugements, mêmes passés en force de chose jugée, rendus en méconnaissance de ces dispositions sont réputés non avenus ; que la cour d'appel a elle-même relevé qu'une procédure de liquidation judiciaire avait été ouverte à l'encontre de la société ALPHA INSURANCE à compter du 8 mai 2018 par le tribunal maritime et commercial de Copenhague (arrêt p. 5 § 4 et in fine), ce dont il résultait que l'instance, qui tendait à la condamnation de cette société au paiement de sommes d'argent, se trouvait interrompue et ne pouvait être reprise qu'en présence du liquidateur judiciaire de cette société ; qu'ainsi, l'arrêt rendu en méconnaissance de cette interruption et sans que l'instance ait été régulièrement reprise en présence du liquidateur judiciaire de la société ALPHA INSURANCE, doit être réputé non avenu en application des articles 369 et 372 du code de procédure civile, L. 621-41, L. 622-22, L. 641-3, L. 641-9 et R. 622-20 du code de commerce ; 2°/ ALORS, D'AUTRE PART, QUE constitue une cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture la notification, postérieurement à cette ordonnance, de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire par un tribunal étranger à l'égard d'une société de droit étranger contre laquelle des demandes en paiement de sommes d'argent sont formées ; qu'en l'espèce, dès lors qu'à l'audience de plaidoirie, le conseil de la société ALPHA INSURANCE avait informé la cour et les autres parties du placement de celle-ci en faillite à compter du 8 mai 2018 par le tribunal maritime et commercial de Copenhague, la cour d'appel devait révoquer l'ordonnance de clôture et rouvrir les débats aux fins de mettre les parties en mesure de présenter leurs observations concernant les effets de la procédure de faillite danoise sur la poursuite de l'instance et la recevabilité des demandes dirigées contre la société ALPHA INSURANCE et de leur permettre, le cas échéant, de mettre en cause le liquidateur judiciaire de cette société ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 784 et 907 du code de procédure civile, ensemble le principe de la contradiction et les articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU' il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger, d'en rechercher, soit d'office soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; que pour dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et statuer sur les demandes en paiement formées contre la société ALPHA INSURANCE sans que son liquidateur judiciaire ait été appelé en cause, la cour d'appel ne pouvait se borner à relever que malgré l'objection formulée par la société DEPEYRE, la société ALPHA INSURANCE n'établissait pas que la procédure de faillite danoise avait les mêmes effets qu'en droit français sur la poursuite de l'instance et sur la recevabilité des demandes dirigées contre elle, quand, ayant ainsi elle-même retenu que la loi danoise régissait les effets en France de la procédure de faillite danoise, il incombait à la cour d'appel de rechercher et de trancher la question de savoir si en application de la loi danoise, l'ouverture de cette procédure de faillite interrompait l'instance et requérait la mise en cause du liquidateur judiciaire de la société ALPHA INSURANCE ; qu'en ne le faisant pas, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 3 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR débouté la société PAGET de ses demandes à l'encontre de la société DEPEYRE ; AUX MOTIFS QUE « sur la responsabilité de l'intermédiaire d'assurance : s'agissant des préjudices attachés par la SAS PAGET au défaut d'assurance, dès lors que la garantie est due par la société ALPHA INSURANCE, aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de la SARL DEPEYRE ; l'assurée demande toutefois que celle-ci soit condamnée solidairement avec l'assureur à l'indemniser de son entier préjudice, nonobstant l'existence de la garantie, aux motifs que c'est en raison de la mauvaise gestion de l'assurance par la SARL DEPEYRE qu'elle n'a pas été indemnisée ‘en temps et en heure' ; la mauvaise gestion invoquée, qui au demeurant permettrait d'imputer à l'intermédiaire d'assurance l'indemnisation non pas de l'entier sinistre mais seulement du préjudice distinct causé par le retard d'indemnisation, n'est nullement établie ; en effet, il n'apparaît pas que la société DEPEYRE se soit montrée négligente ou autrement fautive dans sa gestion du sinistre survenu le 20 mai 2012 ; tout d'abord, il n'est pas soutenu qu'elle a manqué à une quelconque obligation pendant les premiers mois suivant le sinistre, au cours desquels les parties ont suivi les opérations d'expertise puis trouvé un accord relatif à l'indemnisation, au mois de septembre 2012 bien que cet accord a été formalisé par une lettre d'acceptation signée par l'assuré seulement le 10 janvier 2013, le déroulement de ces opérations n'apparaissant pas avoir été retardé par la SARL DEPEYRE ; ensuite, pendant l'année 2013, la SARL DEPEYRE a sollicité plusieurs fois la société ALBIC afin qu'elle provoque le paiement de l'indemnité par son mandant, et ce par courriers des 2 janvier, 7 mars, 2 avril et 10 juillet ; parallèlement, le 25 avril elle a demandé aux sociétés UNITED et EUROINS de lui fournir une attestation de garantie ; c'est enfin par un courrier daté du 7 janvier 2013, mais datant manifestement du 7 janvier 2014 dès lors qu'il se réfère aux démarches effectuées courant 2013, que la SARL DEPEYRE a finalement indiqué à la SAS PAGET qu'elle n'avait plus d'assureur ; cette dernière n'établit pas que ces différentes démarches ont été accomplies avec retard, ni qu'elles auraient dû être complétées par d'autres ; en conséquence, la responsabilité de la SARL DEPEYRE n'étant pas engagée envers la SAS PAGET, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la première à indemniser la seconde, laquelle sera déboutée de ce chef » ; 1°/ ALORS QU' engage sa responsabilité vis-à-vis de l'assuré l'intermédiaire d'assurance qui lui donne des informations erronées et contradictoires sur l'identité de l'assureur qui ont pour conséquence de retarder l'indemnisation du sinistre ; que la cour d'appel avait elle-même constaté que la société PAGET avait souscrit par l'intermédiaire de la société DEPEYRE, courtier et agent général d'assurance, une police d'assurance auprès de la compagnie ALPHA INSURANCE avec effet au 1er janvier 2011, que la société PAGET avait déclaré le sinistre survenu le 20 mai 2012 dès le lendemain à la société DEPEYRE, que la société PAGET avait donné son accord sur le montant de l'indemnisation de son préjudice matériel en septembre 2012 mais qu'elle n'avait reçu aucune indemnisation avant le jugement du 10 mars 2017 car par lettre du 7 janvier 2013, la société DEPEYRE lui avait indiqué à tort qu'elle était assurée par les sociétés UNITED et EUROINS à la date du sinistre, quand, en réalité, elle était assurée par la société ALPHA INSURANCE ; qu'il s'en déduisait que le retard d'indemnisation subi par la société PAGET avait été causé par les informations erronées et contradictoires qui lui avaient été données par la société DEPEYRE sur l'identité de l'assureur ; qu'en jugeant néanmoins que la responsabilité de la société DEPEYRE n'était pas engagée envers la société PAGET, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1147, 1991 et 1992 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige ; 2°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU' engage sa responsabilité vis-à-vis de l'assuré, l'intermédiaire d'assurance qui lui donne des informations erronées et contradictoires sur l'identité de l'assureur qui ont pour conséquence de retarder l'indemnisation du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait juger que la responsabilité de la société DEPEYRE n'était pas engagée envers la société PAGET en se bornant à énoncer que cette dernière n'établissait pas que les différentes démarches de la société DEPEYRE avaient été accomplies avec retard, ni qu'elles auraient dû être complétées par d'autres, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions p. 11, 17 et 20), si le retard d'indemnisation subi par la société PAGET n'avait pas été causé par les informations erronées et contradictoires qui lui avaient été données par la société DEPEYRE sur l'identité de l'assureur, notamment par lettre du 7 janvier 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, 1991 et 1992 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. Moyens produits au pourvoi n° D 19-15.052 par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Alpha insurance A/S PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ; d'AVOIR infirmé le jugement sauf en ce qu'il avait débouté la société Paget Approbois de sa demande d'expertise ; d'AVOIR condamné la société Alpha Insurance à payer à la société Paget Approbois la somme de 335.080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012 ; AUX MOTIFS QUE sur la faillite de la société Alpha Insurance : à l'audience de plaidoirie, le conseil de la société Alpha Insurance a informé la cour et les autres parties du placement de celle-ci en faillite à compter du 8 mai 2018 par le tribunal maritime et commercial de Copenhague (Danemark), ce dont il a justifié en cours de délibéré, postérieurement à la clôture des débats ; que toutefois, malgré l'objection formulée en réponse par la société Depeyre dans son courrier du 29 octobre, la société Alpha Insurance n 'a pas établi que la procédure de faillite danoise avait les mêmes effets qu'en droit français sur la poursuite de l'instance et sur la recevabilité des demandes dirigées contre elle ; que dès lors, ignorée des parties avant la clôture et n'apparaissant pas revêtir la gravité justifiant de révoquer l'ordonnance de clôture, l'existence de cette procédure de faillite restera étrangère aux débats ; 1) ALORS QUE l'ouverture d'une procédure collective interrompt l'instance de plein droit dès lors qu'elle survient avant l'audience et qu'elle emporte assistance ou dessaisissement du débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'il avait été justifié qu'une procédure de faillite avait été ouverte à l'encontre de la société Alpha Insurance par jugement du tribunal maritime et commercial de Copenhague du 8 mai 2018, soit antérieurement à l'audience de plaidoirie du 16 octobre 2018 ; qu'en s'abstenant de constater l'interruption de l'instance qui résultait de plein droit de l'ouverture de cette procédure collective, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 369, 371 et 372 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE l'ouverture d'une procédure collective interrompt toute action en justice de la part des créanciers antérieurs au jugement d'ouverture dès lors que cette action tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce, il est constant et constaté par les juges que, par acte du 10 juin 2015, la société Alpha Insurance a été assignée en paiement et garantie d'une indemnité d'assurance, et qu'elle a ensuite fait l'objet d'une procédure de faillite par jugement du tribunal maritime et commercial de Copenhague du 8 mai 2018 ; qu'en s'abstenant de constater l'interruption de l'instance qui résultait de plein droit de l'ouverture de cette procédure collective, la cour d'appel a violé les articles L. 622-22, R. 622-20, L. 641-3 et L. 641-9 du code de commerce ; 3) ALORS QUE l'ouverture d'une procédure collective interrompt l'instance de plein droit dès lors qu'elle survient avant l'audience et qu'elle emporte assistance ou dessaisissement du débiteur ; qu'il en va de même à l'égard de l'action en paiement d'une somme d'argent introduite par un créancier antérieur au jugement d'ouverture ; que la clôture de la mise en état ne fait pas obstacle à cette interruption, pas plus qu'à la recevabilité des conclusions tendant à la reprise de l'instance par le représentant du débiteur à la procédure collective ; qu'en retenant en l'espèce que la faillite de la société Alpha Insurance ne présentait pas une gravité suffisante pour justifier de révoquer l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles 369, 371 et 783 du code de procédure civile et des articles L. 622-22, R. 622-20, L. 641-3 et L. 641-9 du code de commerce ; 4) ALORS, subsidiairement, QU' il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher la teneur, soit avec le concours des parties, soit au besoin d'office, et d'apporter au litige une solution conforme à ce droit étranger ; qu'en excluant en l'espèce tout effet interruptif de la procédure de faillite ouverte au Danemark à l'encontre de la société Alpha Insurance au motif que celle-ci n'établissait pas que cette procédure avait les mêmes effets en droit danois sur la poursuite de l'instance et sur la recevabilité des demandes formées contre elle, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 3 du code civil. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement sauf en ce qu'il avait débouté la société Paget Approbois de sa demande d'expertise, et d'AVOIR condamné la société Alpha Insurance à payer à la société Paget Approbois la somme de 335.080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012 ; AUX MOTIFS QUE Sur le débiteur de la garantie d'assurance, les parties s'opposent sur le point de savoir si la police d*assurance litigieuse oblige comme assureur la SARL Depeyre, comme le soutient la SAS Paget, ou au contraire la société Alpha Insurance, comme le soutiennent les autres parties ; que contrairement à ce que prétend la société Alpha Insurance, les autres parties ne soutiennent pas simultanément que la garantie d'assurance serait due par elle-même et par les sociétés United et Euroins, de sorte qu'elles n'encourent pas le grief de contradiction ; qu'opposées sur la détermination de l'assureur, les parties s'accordent en revanche sur le fait qu'elle doit être effectuée à l'examen de la police versée aux débats, et sur le fait que les obligations de l'assureur et de l'assuré sont définies par la même police ; que l'examen du document montre, certes, que figure en tête de chaque page la mention « Cabinet Depeyres assureurs conseils », mais aussi qu'il a pour titre « Police d'assurance multirisque industriel » immédiatement suivi de la mention Compagnie : Alpha Insurance – N° 11/0002 », puis de la mention « Assuré : Paget Approbois », et enfin qu'en pied de chaque page figure la référence « Paget Approbois – MRI n° 11/0002 – Alpha Insurance » ; que de telles mentions, qui identifient clairement la compagnie d'assurance et l'assuré, ne permettent pas d'envisager que l'assureur soit la SARL Depeyre et non la société Alpha Insurance, qui au demeurant confirme avoir été engagée par ce contrat, même si elle soutient s'en être déliée par la suite ; qu'il est indifférent que la seule mention « compagnie Alpha Insurance N° 11/0002 », sans plus de précision sur l'identité et l'adresse de l'assureur ne réponde pas aux exigences d'identification contractuelle de l'assureur édictées à l'article L. 112-4 du code des assurances, dès lors que la violation de ce texte n'a pas pour effet de conférer la qualité d'assureur à l'intermédiaire d'assurance par lequel le contrat a été rédigé et que les parties n'en tirent pas d'autre conséquence ; que quant aux dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances, également invoquées à ce titre, elles ne concernent pas l'identification de l'assureur ; qu'il résulte des précédents éléments que la société Alpha Insurance s'est engagée à assurer la SAS Paget dans les termes du contrat produit ; que la garantie, conformément au chapitre VI du contrat a couru du janvier au 31 décembre 2011, puis s'est renouvelée automatiquement d'année en années sans qu'il ait été besoin que l'assuré ou l'assureur manifeste son consentement, la stipulation du caractère automatique du renouvellement rendant une telle manifestation inutile ; qu'il est donc indifférent que la société Alpha Insurance ait pu, à la date de renouvellement du contrat, avoir révoqué le mandat consenti à son intermédiaire la société Albic et avoir ainsi privé celui-ci du pouvoir de consentir pour elle au renouvellement du contrat ; que par suite, aucune contradiction n*entache le fait pour les sociétés Paget et Depeyre de soutenir simultanément que le mandataire avait été révoqué et que le contrat avait pourtant été renouvelé. ; que le seul moyen prévu au contrat de faire obstacle au renouvellement automatique du contrat était, pour la partie intéressée, d'adresser à [C] une dénonciation par lettre recommandée trois mois au moins avant la date d'échéance, ce qui en l'espèce n'a pas été fait ; qu'il n'apparaît pas davantage que le contrat ait jamais été résilié, étant indifférente la résiliation du mandat donné par la société Alpha Insurance à la société Albic, qui n'affecte pas les contrats conclus en exécution de ce mandat avant sa résiliation ; qu'il en résulte que le contrat, qui le 31 décembre 2011 n'avait pas pris fin mais s'était au contraire automatiquement renouvelé, était en vigueur au 20 mai 2012, date du sinistre ; que la société Alpha Insurance n'apporte pas la preuve, qui lui incombait, qu'à la date du sinistre elle n'était plus débitrice de la garantie en raison d'un transfert effectué au profit de la société roumaine Euroins et de la société britannique United ; que ne produisant pas aux débats les contrats dont a pu résulter un tel transfert, elle invoque un document intitulé « Avenant de transfert », établi à l'entête de son mandataire la société belge Albic SA, non daté sinon par référence à la date de la poste que les pièces produites ne permettent pas de connaître, et surtout dépourvue de toute signature du preneur d'assurance ; qu'ainsi, n'établissant pas que l'assuré a accepté la substitution de nouveaux cocontractants, ni même que son accord a été sollicité, le document invoqué n'a pas pu le décharger de ses engagements envers son cocontractant ; que si effectivement, par ailleurs, l'appel de primes pour l'année 2012 ne mentionne plus la société Alpha Insurance, il n'en résulte pas pour autant que l'assuré a donné son accord au prétendu changement d'assureur ; qu'au surplus, aucun de ces documents n'établit que la société Albic a réellement transféré la garantie donnée par la société Alpha Insurance à des sociétés tierces, que ce soit au profit de la société United, qui n'a jamais répondu à la demande d'attestation de garantie que lui a adressé la SARL Depeyre, ou au profit de la société Euroins, qui a répondu ne connaître ni l'assuré, ni la société Albic ; qu'il résulte de ce qui précède qu'à la date du sinistre, la garantie promise à la SAS Paget restait due par la société Alpha Insurance ; que c'est donc à tort que le premier juge a retenu que la SAS Paget n'était pas assurée et, ajoutant à leur décision déférée, alors que la condamnation de la société Alpha Insurance ne leur était pas demandée, la cour condamnera la société Alpha Insurance à indemniser la SAS Paget des chefs de préjudice établis ; 1) ALORS QUE les juges sont tenus de ne pas dénaturer les conclusions qui les saisissent ; qu'en l'espèce, la société Alpha Insurance soutenait à titre principal qu'elle n'avait jamais autorisé une délégation de pouvoir de conclure des contrats d'assurance en son nom à un autre courtier que la société Albic, et contestait à ce titre avoir jamais été lié par le contrat d'assurance souscrit par la société Paget Approbois auprès de la société Depeyre ; que ce n'est que pour le cas où ce premier moyen viendrait à être écarté qu'elle contestait ensuite que les reconductions tacites des contrats d'assurance conclus pour son compte puissent lui être opposées après la résiliation du mandat confié à la société Albic ; qu'en affirmant que la société Alpha Insurance confirmait avoir été engagée par le contrat conclu par la société Paget Approbois auprès de la société Depeyre, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société Alpha Insurance du 14 novembre 2017, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2) ALORS, subsidiairement, QUE les actes conclus par l'intermédiaire en assurance n'engagent l'assureur désigné par l'intermédiaire que pour autant qu'il est constaté l'existence d'un mandat donné à celui-ci par l'assureur ; qu'en s'abstenant en l'espèce de rechercher, comme il lui était demandé, si la société Alpha Insurance n'avait pas confié le pouvoir de conclure des contrats d'assurance en son nom à la seule société Albic, à l'exclusion de tout autre intermédiaire en assurance, ce qui excluait qu'elle puisse être tenue par le contrat conclu en son nom par la société Depeyre avec la société Paget Approbois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 ancien, 1984 et 1998 du code civil, ensemble l'article L. 511-1 du code des assurances ; 3) ALORS, en toute hypothèse, QU'à l'arrivée du terme extinctif d'un contrat comportant une clause de tacite reconduction, il se forme une nouvelle convention qui trouve sa force obligatoire, non dans le contrat d'origine, dont les effets sont éteints, mais dans l'accord tacite en vertu duquel ces effets sont reconduits dans un nouveau contrat ; qu'il en résulte qu'en cas de souscription du contrat initial par l'intermédiaire d'un mandataire, la résiliation du mandat fait obstacle à la tacite reconduction, faute pour le nouvel accord de pouvoir se former par l'intermédiaire d'un mandataire privé de pouvoir ; qu'en jugeant qu'il était indifférent en l'espèce qu'à la date de la tacite reconduction du contrat, la société Alpha Insurance ait pu voir révoqué le mandat donné à son intermédiaire en assurance, la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien, 1984 et 1998 du code civil, ensemble l'article L. 511-1 du code des assurances. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement sauf en ce qu'il avait débouté la société Paget Approbois de sa demande d'expertise, et d'AVOIR condamné la société Alpha Insurance à payer à la société Paget Approbois la somme de 335.080,79 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel résultant du sinistre survenu le 20 mai 2012 ; AUX MOTIFS QUE l'assurée et l'assureur s'accordent pour considérer, comme l'avait fait le premier juge, que la lettre d'acceptation d'une indemnité de 335.089,19 € signée le 10 janvier 2013 par l'assurée porte sur la seule indemnisation de son préjudice matériel ; que l'assureur n'acquiesçant pas pour autant à la demande d'indemnisation faite à ce titre, il appartenait à l'assurée d'apporter la preuve de son préjudice matériel, ce qu'elle fait, même si elle ne produit pas le rapport d'expertise dont il importe dès lors peu qu'il puisse être inopposable à l'assureur, en versant aux débats diverses autres pièces relatives aux opérations de l'expertise menée par la société SW Associates, qui intervenait comme expert de l'assureur, en présence de l'expert d'assuré [J] [N] ; qu'il résulte ainsi du projet de règlement de la somme de 335.080,19 € établi par la société SW Associates et joint à son courrier du 31 juillet 2012, dont le contenu détaillé n'est pas critiqué, ainsi que de la lettre d'acceptation établie pour le même montant par l'assuré le 10 janvier 2013, que le préjudice matériel indemnisable par l'assureur doit être évalué à la même valeur de 335.080,19 € ; que l'assureur sera donc condamné à payer cette somme à l'assurée au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel ; 1) ALORS QUE les juges ne peuvent se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence des autres parties ; qu'en l'espèce, en se fondant exclusivement, pour fixer le montant du préjudice à la somme de 335.080,79 euros, sur le projet de règlement issu de l'expertise amiable réalisée à la demande de la société Depeyre en présence de l'expert de l'assuré, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS, subsidiairement, QUE les juges ne peuvent se fonder exclusivement sur une expertise amiable, même ensuite soumise au débat contradictoire, dès lors que la partie à laquelle on l'oppose n'a pas été appelée aux opérations d'expertise ; qu'en l'espèce, en se fondant exclusivement, pour fixer le montant du préjudice à la somme de 335.080,79 euros, sur le projet de règlement issu de l'expertise à laquelle la société Alpha Insurance était restée étrangère, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3) ALORS QUE l'expertise diligentée par un intermédiaire en assurance sans pouvoir est inopposable à l'assureur ; qu'en l'espèce, la société Alpha Insurance faisait valoir qu'elle n'avait jamais confié aucun pouvoir de représentation à la société Depeyre et que celle-ci avait pris seule l'initiative de missionner un expert afin d'évaluer les dommages de la société Paget Approbois ; qu'en tenant pour acquis que la société SW Associates était intervenue en qualité d'expert de l'assureur, sans rechercher si la société Depeyre disposait d'un tel pouvoir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 ancien, 1984 et 1998 du code civil, ensemble l'article L. 511-1 du code des assurances.
Par arrêt du 13 janvier 2022 (C-724/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II) doit être interprété en ce sens : - d'une part, que « la notion d' "instance en cours concernant un actif ou un droit dont l'entreprise d'assurance est dessaisie", visée par cet article, englobe une instance en cours ayant pour objet une demande d'indemnité d'assurance sollicitée par un preneur d'assurance, au titre de dommages supportés dans un Etat membre, auprès d'une entreprise d'assurance soumise à une procédure de liquidation dans un autre Etat membre » ; - d'autre part, que « la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel l'instance est en cours, au sens de cet article, a pour objet de régir tous les effets de la procédure de liquidation sur cette instance » et en particulier, qu' « il convient d'appliquer les dispositions du droit de cet Etat membre qui, premièrement, prévoient que l'ouverture d'une telle procédure entraîne l'interruption de l'instance en cours, deuxièmement, soumettent la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation et, troisièmement, interdisent toute condamnation au paiement de l'indemnité, celle-ci ne pouvant plus faire l'objet que d'une constatation de son existence et d'une fixation de son montant, dès lors que, en principe, de telles dispositions n'empiètent pas sur la compétence réservée au droit de l'Etat membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive ». Il en découle qu'en application de l'article L. 326-28 du code des assurances, qui transpose l'article 292 de la directive précitée, les dispositions des articles 369 et 371 du code de procédure civile et de l'article L. 622-22 du code de commerce s'appliquent aux instances en cours ayant pour objet une demande d'indemnité d'assurance sollicitée par un preneur d'assurance, au titre de dommages supportés en France, auprès d'une entreprise d'assurance soumise à une procédure de liquidation judiciaire dans un autre Etat membre. Or, il résulte des dispositions précitées du code de procédure civile que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, dès lors que cet événement survient avant l'ouverture des débats. En outre, il découle des dispositions précitées du code de commerce que par l'effet du jugement qui ouvre la procédure de liquidation judiciaire, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Encourt, dès lors, la censure, l'arrêt qui condamne une société d'assurance à indemniser l'assuré, alors qu'un jugement d'un tribunal de Copenhague ayant prononcé la faillite de cette société et désigné un syndic de faillite, intervenu avant l'ouverture des débats, avait entraîné l'interruption de l'instance en cours
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 527 FS-B Pourvoi n° X 20-16.476 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 La fédération départementale des chasseurs de la Mayenne, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 20-16.476 contre l'arrêt rendu le 25 février 2020 par la cour d'appel d'Angers (chambre A civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [Z] [B], épouse [N], 2°/ à M. [M] [N], tous deux domiciliés [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations et plaidoiries de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la fédération départementale des chasseurs de la Mayenne, les observations et plaidoiries de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [N], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mmes Bouvier, Chauve, conseillers, M. Talabardon, Mme Guého, MM. Ittah, Pradel, Mme Brouzes, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 25 février 2020), à la suite de dégâts causés par des sangliers à des cultures et récoltes sur des terres exploitées par M. et Mme [N], la fédération départementale des chasseurs de la Mayenne (la fédération) a mis en place, en 2009, des clôtures pour les protéger. 2. Considérant que ces dernières étaient insuffisantes, M. et Mme [N] ont obtenu du président d'un tribunal de grande instance, statuant en référé, l'instauration d'une mesure d'expertise pour déterminer, d'une part, si ces clôtures étaient adaptées, d'autre part, les travaux à engager pour protéger les cultures ainsi que leur coût. 3. M. et Mme [N] ont assigné la fédération, sur le fondement des articles 1383, devenu 1241, du code civil et L. 426-5 du code de l'environnement, afin d'obtenir sa condamnation sous astreinte à prendre en charge les travaux préconisés par l'expert et à leur verser une provision à valoir sur la réparation de leurs préjudices. 4. Par jugement du 26 juin 2017, un tribunal de grande instance a, notamment, condamné la fédération à prendre à sa charge le coût des travaux préconisés par l'expert. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen La fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à prendre à sa charge le coût des travaux préconisés par l'expert, de dire que la fourniture des piquets et le coût de la pose des clôtures seront pris en charge par la fédération, de dire que celle-ci devra rembourser sur justification du travail réalisé le montant des factures acquittées par M. [N] dans le délai de deux mois à compter de la présentation des factures sous astreinte de 100 euros par jour de retard et que l'astreinte courra durant quatre mois alors « que si la fédération départementale des chasseurs peut prendre à sa charge les dépenses liées à la prévention des dégâts de grand gibier dont elle répartit le montant entre les adhérents, les territoires de chasse et les chasseurs de grand gibier, l'indemnisation qu'elle peut être contrainte de verser à l'exploitant lorsque les conditions légales sont réunies est limitativement définie par l'article L 426-1 du code de l'environnement et ne peut avoir pour objet que la réparation des dégâts causés aux cultures et aux récoltes agricoles par des sangliers ou des grands gibiers ; qu'en condamnant la Fédération départementale des chasseurs de Mayenne à financer la mise en place d'une clôture préventive sur le terrain des époux [N], la cour d'appel a violé les articles L 426-1 et L 426-5 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 426-1 et L. 426-5 du code de l'environnement, dans leur rédaction issue de la loi n° 2012-325 du 7 mars 2012 applicable au litige : 5. Selon le premier de ces textes, en cas de dégâts causés aux cultures ou aux récoltes agricoles, soit par les sangliers, soit par les autres espèces de grand gibier provenant d'une réserve où ils font l'objet de reprise ou d'un fonds sur lequel a été exécuté un plan de chasse, l'exploitant qui a subi un dommage nécessitant une remise en état, une remise en place de filets de récolte ou entraînant un préjudice de perte agricole peut en réclamer l'indemnisation à la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs. 7. Selon le second, la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs prend à sa charge les dépenses liées à l'indemnisation et à la prévention des dégâts de grand gibier et, dans le cadre du plan de chasse mentionné à l'article L. 425-6 du même code, est instituée, à la charge des chasseurs de cerfs, daims, mouflons, chevreuils et sangliers, une contribution par animal destinée à financer l'indemnisation et la prévention des dégâts de grand gibier. 8. Pour condamner la fédération à prendre en charge le coût des travaux de clôture préconisés par l'expert, en ce compris la fourniture des piquets et le coût de la pose de la clôture, l'arrêt, après avoir relevé qu'en application de l'article L. 426-5 du code de l'environnement, dans sa version issue de la loi n° 2012-325 du 7 mars 2012, la fédération doit prendre en charge les mesures de prévention des dégâts de grand gibier, retient que ce texte ne peut qu'être interprété comme instaurant l'obligation de financer les travaux de prévention nécessaires, et en déduit qu'il appartient seulement à l'exploitant de démontrer la nécessité d'une action de prévention des dégâts causés par le grand gibier. 9. En statuant ainsi, alors que si la loi du 7 mars 2012 a consacré, à l'article L. 426-5 du code de l'environnement, un principe général de prise en charge, par les fédérations départementales et interdépartementales des chasseurs, des mesures de prévention des dégâts causés par le grand gibier, elle ne comporte aucune disposition ouvrant à un exploitant agricole un droit à la prise en charge, par ces fédérations, sur le fondement de ce texte, du coût de mesures de prévention de dommages susceptibles d'affecter son exploitation, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 12. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 9 qu'il y a lieu de rejeter les demandes de M. et Mme [N] aux fins de condamnation de la fédération à prendre à sa charge le coût des travaux préconisés par l'expert. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. et Mme [N] de leur demande de dommages-intérêts « au titre de leur surcoût de travail et de surveillance depuis plusieurs années lié à l'insuffisance de la clôture actuelle et des tracas », l'arrêt rendu le 25 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déboute M. et Mme [N] de leurs demandes ; Condamne M. et Mme [N] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Angers ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant la cour d'appel d'Angers que devant la Cour de cassation ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la fédération départementale des chasseurs de la Mayenne IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Fédération Départementale des Chasseurs de la Mayenne à prendre à sa charge financièrement les travaux préconisés par M. [C] expert, dit que la fourniture des piquets et le coût de la pose des clôtures seront pris en charge financièrement par l'association Fédération Départementale des Chasseurs de la Mayenne, dit que Fédération Départementale des Chasseurs de la Mayenne devra rembourser sur justification du travail réalisé le montant des factures acquittées par M. [N] dans le délai de deux mois à compter de la présentation des factures sous astreinte de 100 euros par jour de retard et que l'astreinte courra durant quatre mois ; AUX MOTIFS QUE sur la demande au titre des travaux de clôture, à titre liminaire, il convient de préciser que seule la demande en indemnisation des dommages causés aux cultures a été déclarée irrecevable par le tribunal d'instance de sorte que les demandes au titre de la mise en oeuvre de la clôture, que ce soit sur le fondement du code de l'environnement ou celui du code civil, pouvaient valablement être présentées devant le tribunal de grande instance. Par ailleurs, la prescription de six mois de l'article L. 426-7 du code de l'environnement concerne les actions en indemnisation et non celle au titre de l'engagement de travaux de prévention. L'article L. 426-1 du code de l'environnement, dans sa version applicable au présent litige, dispose, en ses quatre premiers alinéas, que « La fédération départementale des chasseurs instruit les demandes d'indemnisation et propose une indemnité aux réclamants selon un barème départemental d'indemnisation. Ce barème est fixé par la commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage qui fixe également le montant de l'indemnité en cas de désaccord entre le réclamant et la fédération départementale des chasseurs. Une Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier fixe chaque année, pour les principales denrées, les valeurs minimale et maximale des prix à prendre en compte pour l'établissement des barèmes départementaux. Elle fixe également, chaque année, aux mêmes fins, les valeurs minimale et maximale des frais de remise en état. Lorsque le barème adopté par une commission départementale ne respecte pas les valeurs ainsi fixées, la Commission nationale d'indemnisation en est saisie et statue en dernier ressort. Elle peut être saisie en appel des décisions des commissions départementales. La composition de la Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier et des commissions départementales compétentes en matière de chasse et de faune sauvage, assure la représentation de l'Etat, et notamment de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, des chasseurs et des intérêts agricoles et forestiers dans des conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat. Dans le cadre du plan de chasse mentionné à l'article L. 425-6, il est institué, à la charge des chasseurs de cerfs, daims, mouflons, chevreuils et sangliers, mâles et femelles, jeunes et adultes, une contribution par animal à tirer destinée à financer l'indemnisation et la prévention des dégâts de grand gibier. Le montant de ces contributions est fixé par l'assemblée générale de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs sur proposition du conseil d'administration. La fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs prend à sa charge les dépenses liées à l'indemnisation et à la prévention des dégâts de grand gibier. Elle en répartit le montant entre ses adhérents ou certaines catégories d'adhérents. Elle peut notamment exiger une participation personnelle des chasseurs de grand gibier et de sanglier, une participation pour chaque dispositif de marquage, une participation des territoires de chasse ou une combinaison de ces différents types de participation. Ces participations peuvent être modulées en fonction des espèces de gibier, du sexe, des catégories d'âge, des territoires de chasse ou unités de gestion ». Si ce texte se situe dans la partie « procédure non contentieuse » des dispositions du code de l'environnement relatives aux dégâts causés par le gibier, il n'en demeure pas moins que les principes qu'il pose sont ceux applicables en matière judiciaire et que ce texte est applicable par la présente juridiction. C'est à juste titre que les premiers juges ont relevé qu'en vertu de cet article modifié par la loi du 7 mars 2012, la fédération de chasse devait prendre à sa charge les mesures de prévention des dégâts de grand gibier, obligation qu'elle n'avait pas antérieurement, cette prise en charge ne pouvant être interprétée que comme une obligation de financer les travaux nécessaires. Au vu de cette nouvelle législation, l'éventuelle faute de la victime, longuement soutenue par la fédération de chasseurs, est indifférente, une telle faute n'ayant de conséquence que dans le cadre de l'indemnisation des dommages. Ainsi, il appartient uniquement à la cour de vérifier si les intimés démontrent la nécessité d'une action de prévention de leurs cultures s'agissant des dégâts causés par le grand gibier. En l'espèce, il n'est pas contesté que les cultures des époux [N] subissent des dégâts liés au gibier depuis plusieurs années, entraînant des indemnisations régulières par la fédération de chasseurs dans le cadre administratif. A cet égard, la pièce 15 des époux [N], non contestée par la fédération, fait apparaître un total d'indemnisations versées entre 2008 et 2013 de 12.537,96 euros. Il apparaît qu'une clôture a été mise en place en 2008, avec la participation de chasseurs et de la fédération, mais l'expert désigné indique dans son rapport qu'elle n'est pas efficace pour arrêter les sangliers. Si l'expert a relevé un défaut d'entretien de cette clôture, il conclut « Les clôtures mises en place ne sont pas adaptées pour protéger les terres du « Buisson » des sangliers car le linéaire est trop long et trop difficile à entretenir en agriculture biologique, sans le recours aux désherbants chimiques. » Il résulte de cette expertise que si le défaut d'entretien est caractérisé, la mesure de prévention mise en place est en tout état de cause inadaptée au regard de la taille de la parcelle et de la nature de l'agriculture qui y est pratiquée. L'expert conclut 'Pour éviter l'intrusion de sangliers au « Buisson » nous conseillons la réalisation d'une clôture permanente en grillage sur environ 1800 m en bordure de bois, et la réalisation d'une clôture temporaire sur environ 2700 m en complément. » En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que les travaux réalisés en 2008 n'étaient pas satisfaisants en matière de prévention et qu'en application de l'article susvisé la fédération devait prendre à sa charge financièrement les travaux préconisés par l'expert. L'expert a également relevé que « conformément aux usages », M. [N] pourrait prendre à sa charge la fourniture des piquets de bois et effectuer lui-même la pose, ce qui permettrait de réduire le coût total de cette intervention, estimé à 17.085 euros en cas de pose par un professionnel, à la somme de 12.170 euros. Toutefois, il apparaît que les usages sur la pose de barrière aux frais partagés éventuellement en vigueur quand la fédération de chasseurs n'était pas tenue de mettre en place des mesures de prévention ne peuvent plus être valablement appliqués alors que la loi du 7 mars 2012 prévoit une prise en charge des dépenses de prévention, sans limitation de leur montant ni partage de ces dépenses. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné l'association Fédération départementale des chasseurs de la Mayenne à prendre à sa charge les travaux préconisés par l'expert et à rembourser les factures acquittées à ce titre par les époux [N] dans un délai de deux mois à compter de la présentation de la facture et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, la cour ajoutant que l'astreinte provisoire courra pendant une durée de quatre mois. Au contraire, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que M. [N] fournira les piquets et exécutera la pose, le coût de ces travaux étant également laissé à la charge finale de la fédération par la cour. Sur la demande indemnitaire C'est par une motivation pertinente, non contestée en cause d'appel, que le premier juge a rejeté la demande indemnitaire à hauteur de 5.000 euros au titre de la réparation « de leur surcoût de travail et de surveillance depuis plusieurs années lié à l'insuffisance de la clôture actuelle et des tracas » dès lors que l'insuffisance de la clôture ne saurait être reprochée à la fédération de chasse qui n'avait, avant 2012, aucune obligation de mettre en oeuvre une telle clôture. La cour relève par ailleurs, qu'après 2012, la faute de la fédération n'est pas plus démontrée alors qu'elle pouvait légitimement penser que le défaut d'entretien de la clôture était à l'origine de la pénétration du gibier. De plus, les époux [N] n'ont subi aucun préjudice lié à l'entretien et à la surveillance de la clôture alors que l'expert a relevé le défaut d'entretien. Dès lors que le jugement, bien qu'ayant motivé le rejet de cette demande, ne l'a pas fait figurer dans le dispositif de sa décision, la cour, ajoutant à la décision entreprise, rejettera cette demande indemnitaire. 1°- ALORS QUE si la Fédération départementale des chasseurs peut prendre à sa charge les dépenses liées à la prévention des dégâts de grand gibier dont elle répartit le montant entre les adhérents, les territoires de chasse et les chasseurs de grand gibier, l'indemnisation qu'elle peut être contrainte de verser à l'exploitant lorsque les conditions légales sont réunies est limitativement définie par l'article L 426-1 du code de l'environnement et ne peut avoir pour objet que la réparation des dégâts causés aux cultures et aux récoltes agricoles par des sangliers ou des grands gibiers ; qu'en condamnant la Fédération départementale des chasseurs de Mayenne à financer la mise en place d'une clôture préventive sur le terrain des époux [N], la Cour d'appel a violé les articles L 426-1 et L 426-5 du code de l'environnement ; 2°- ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, sans constater l'existence d'une faute commise par la Fédération départementale des chasseurs de nature à justifier sa condamnation à financer une clôture préventive, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 3°- ALORS QU'à supposer que la Fédération départementale des chasseurs puisse être tenue sur le fondement des dispositions de l'article L 426-5 d'indemniser la mise en place d'une clôture par l'exploitant victime de dégâts de gibiers, cette indemnité ne peut être allouée que dans les conditions prévues pour l'indemnisation des dégâts causés aux récoltes et peut être réduite lorsque la victime des dégâts a une part de responsabilité dans la commission des dégâts ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L 426-3 du code de l'environnement ; 4°- ALORS QU'à supposer que la Fédération départementale des chasseurs puisse être tenue sur le fondement des dispositions de l'article L 426-5 d'indemniser la mise en place d'une clôture par l'exploitant victime de dégâts de gibiers, l'action de l'exploitant en indemnisation par la Fédération départemental des chasseurs des travaux de prévention de dégâts de gibiers doit être exercée dans les six mois à compter du jour où des dégâts ont été commis ; qu'en écartant cette prescription, la Cour d'appel a violé l'article L 426-7 du code de l'environnement.
Si la loi du 7 mars 2012 a consacré, à l'article L. 426-5 du code de l'environnement, un principe général de prise en charge, par les fédérations départementales et interdépartementales des chasseurs, des mesures de prévention des dégâts causés par le grand gibier, elle ne comporte aucune disposition ouvrant à un exploitant agricole un droit à la prise en charge, par ces fédérations, sur le fondement de ce texte, du coût de mesures de prévention de dommages susceptibles d'affecter son exploitation. Viole ce texte et l'article L. 426-1 du même code, dans leur version applicable au litige, la cour d'appel qui, pour condamner une fédération à prendre en charge le coût des travaux de clôture préconisés par l'expert pour [d']une parcelle dont les cultures ou récoltes avaient été affectées à plusieurs reprises par des dégâts causés par des sangliers, retient que l'article L. 426-5 ne peut qu'être interprété comme instaurant l'obligation de financer les travaux de prévention nécessaires, et en déduit qu'il appartient seulement à l'exploitant de démontrer la nécessité d'une action de prévention des dégâts causés par le grand gibier
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 548 F-B Pourvoi n° F 21-10.439 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 La société MMA IARD, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 21-10.439 contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [X] [O], domicilié [Adresse 3], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, dont le siège est [Adresse 4], 3°/ à la société Harmonie mutuelle, dont le siège est [Adresse 2], ayant un établissement secondaire [Adresse 5], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MMA IARD, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [O], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er octobre 2020), le 26 août 2011, M. [O] a été blessé dans un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société MMA IARD. Une expertise a été ordonnée par le juge des référés et l'expert a déposé son rapport le 27 janvier 2015. 2. M. [O] a assigné la société MMA IARD en réparation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Var et de la société Harmonie mutuelle. Une nouvelle expertise a été ordonnée dont le rapport a été déposé le 12 mars 2018. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société MMA IARD fait grief à l'arrêt de la condamner, fixant le préjudice corporel global de M. [O] à la somme de 274 383,85 euros et disant que l'indemnité lui revenant s'établissait à 159 065,01 euros, à lui payer, outre la somme de 159 065,01 euros, les intérêts au double du taux légal sur la somme de 274 383,85 euros à compter du 27 avril 2012 jusqu'à l'arrêt devenu définitif et avec anatocisme dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les MMA faisaient valoir que, conformément aux exigences de l'article L. 211-9 du code des assurances, elles avaient formulé une offre d'indemnisation le 23 mars 2015, soit dans les cinq mois de leur connaissance de la consolidation de M. [O] ; que pour estimer qu'aucune offre n'avait été formulée par les MMA, la cour d'appel a déclaré que l'offre du 23 mars 2015 n'aurait pas été communiquée et que M. [O] aurait contesté l'avoir reçue ; qu'en statuant ainsi, cependant que M. [O] produisait lui-même l'offre d'indemnisation du 23 mars 2015 en soutenant dans ses conclusions d'appel que « l'assureur a(vait) formulé pour la première fois une offre d'indemnisation par l'intermédiaire de son avocat le 23 mars 2015 », la cour d'appel, qui n'a par ailleurs pas considéré que l'offre du 23 mars 2015 serait incomplète ou insuffisante, a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 4. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 5. Pour condamner la société MMA IARD à payer à M. [O] les intérêts au double du taux légal sur la somme de 274 383,85 euros à compter du 27 avril 2012 jusqu'à l'arrêt devenu définitif, l'arrêt retient que l'assureur n'a pas communiqué l'offre définitive du 23 mars 2015 dont il se prévaut et que M. [O] conteste avoir reçue. 6. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, M. [O] reconnaissait que l'assureur avait formulé pour la première fois une offre d'indemnisation par l'intermédiaire de son avocat le 23 mars 2015 et produisait cette offre aux débats, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 7. La société MMA IARD fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'offre d'indemnisation de l'assureur ne peut porter sur des chefs de préjudice qu'il ignore, ce qui doit être apprécié à la date à laquelle cette offre a été formulée par l'assureur et au vu des informations alors portées à sa connaissance ; que la cour d'appel a considéré que les offres d'indemnisation effectuées dans les conclusions des MMA des 5 octobre 2018, 19 avril 2019 et 8 janvier 2020 étaient incomplètes faute de viser les postes de pertes de gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle ; qu'en statuant ainsi cependant que, comme elle le relevait, le rapport d'expertise judiciaire du 27 janvier 2015, au vu duquel avait été faite l'offre du 23 mars 2015 et le rapport d'expertise judiciaire du 12 mars 2018 concluaient à l'absence de répercussion de l'accident sur le plan professionnel, le second rapport excluant explicitement l'incidence professionnelle, et aucun des deux rapports ne retenant une perte de gains professionnels futurs, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9, L. 211-13 et R. 211-40 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances : 8. Il résulte de ces textes que l'assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice et que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis par le premier texte, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. 9. L'offre de l'assureur ne peut porter sur des chefs de préjudice dont il ignore l'existence. 10. Pour condamner la société MMA IARD à payer à M. [O] les intérêts au double du taux légal sur la somme de 274 383,85 euros à compter du 27 avril 2012 jusqu'à l'arrêt devenu définitif, l'arrêt retient que l'offre émise le 5 octobre 2018 est incomplète pour ne pas viser les postes de perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle et est donc assimilable à une absence d'offre, et qu'il en est de même des offres contenues dans les conclusions du 19 avril 2019 et dans celles du 8 janvier 2020 qui sont strictement identiques à celle du 5 octobre 2018. 11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, bien que les experts aient conclu à l'absence de perte de gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle, l'assureur avait connaissance de l'existence de ces chefs de préjudice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société MMA IARD à payer à M. [O] les intérêts au double du taux légal sur la somme de 274 383,85 euros à compter du 27 avril 2012 jusqu'à l'arrêt devenu définitif et avec anatocisme dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 1er octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne M. [O] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société MMA IARD La société MMA Iard reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, DE L'AVOIR, ayant fixé le préjudice corporel global de M. [O] à la somme de 274 383,85 euros et dit que l'indemnité lui revenant s'établissait à 159 065,01 euros, condamnée à payer à M. [O], outre la somme de 159 065,01 euros, sauf à déduire les provisions versées, en réparation de son préjudice corporel, les intérêts au double du taux légal sur la somme de 274 383,85 euros à compter du 27 avril 2012 jusqu'à l'arrêt devenu définitif et avec anatocisme dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ; 1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les MMA faisaient valoir que, conformément aux exigences de l'article L. 211-9 du code des assurances, elles avaient formulé une offre d'indemnisation le 23 mars 2015, soit dans les cinq mois de leur connaissance de la consolidation de M. [O] ; que pour estimer qu'aucune offre n'avait été formulée par les MMA, la cour d'appel a déclaré que l'offre du 23 mars 2015 n'aurait pas été communiquée et que M. [O] aurait contesté l'avoir reçue ; qu'en statuant ainsi, cependant que M. [O] produisait lui-même l'offre d'indemnisation du 23 mars 2015 en soutenant dans ses conclusions d'appel (p. 20) que « l'assureur a(vait) formulé pour la première fois une offre d'indemnisation par l'intermédiaire de son avocat le 23 mars 2015 (pièce n°31) », la cour d'appel, qui n'a par ailleurs pas considéré que l'offre du 23 mars 2015 serait incomplète ou insuffisante, a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2°) ALORS en outre et en toute hypothèse QUE l'offre d'indemnisation de l'assureur ne peut porter sur des chefs de préjudice qu'il ignore, ce qui doit être apprécié à la date à laquelle cette offre a été formulée par l'assureur et au vu des informations alors portées à sa connaissance ; que la cour d'appel a considéré que les offres d'indemnisation effectuées dans les conclusions des MMA des 5 octobre 2018, 19 avril 2019 et 8 janvier 2020 étaient incomplètes faute de viser les postes de pertes de gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle ; qu'en statuant ainsi cependant que, comme elle le relevait, le rapport d'expertise judiciaire du 27 janvier 2015, au vu duquel avait été faite l'offre du 23 mars 2015 et le rapport d'expertise judiciaire du 12 mars 2018 concluaient à l'absence de répercussion de l'accident sur le plan professionnel, le second rapport excluant explicitement l'incidence professionnelle, et aucun des deux rapports ne retenant une perte de gains professionnels futurs, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9, L. 211-13 et R. 211-40 du code des assurances ; 3°) ALORS QUE, en toute hypothèse, le rapport d'expertise judiciaire du 27 janvier 2015 précise qu'« aucun handicap dans les (…) activités professionnelles » n'est imputable à l'accident et que « les difficulté éventuelles de poursuite de l'activité [professionnelle] ne sont pas imputables à l'accident » (p. 18), pour en conclure que la « victime est apte à reprendre dans les conditions antérieures l'activité qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident » (p. 19 et 22), ne retenant « aucun poste de préjudice » concernant l'incidence professionnelle ou la perte des gains professionnels futurs (p. 23) ; que le rapport d'expertise judiciaire du 12 mars 2018 précise que « les différents postes de préjudice, les taux et cotations retenus par le premier expert ne doivent pas être modifiés sauf pour le taux de déficit fonctionnel permanent » (p. 8) et que « les lésions imputables exclusivement à l'accident et leurs séquelles ne justifient pas que soit retenue une incidence professionnelle » (p. 9) ; qu'il en résulte clairement que ces deux rapports n'étaient pas de nature à informer les MMA de l'existence de postes de préjudice de pertes de gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle ; qu'en affirmant néanmoins que les offres d'indemnisation effectuées dans les conclusions des MMA des 5 octobre 2018, 19 avril 2019 et 8 janvier 2020 étaient incomplètes faute de viser les postes de pertes de gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle quand l'assureur n'était, à ces dates, pas informé de l'existence de tels préjudices, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.
En application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice. Lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis par le premier texte, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. L'offre de l'assureur ne peut porter sur des chefs de préjudice dont il ignore l'existence. Dès lors, ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui assortit l'indemnité qu'elle alloue à la victime du doublement de l'intérêt au taux légal jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif au motif que l'offre de l'assureur est incomplète pour ne pas viser les postes de perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle, et est donc assimilable à une absence d'offre, sans rechercher si, bien que les experts aient conclu à l'absence de ces deux chefs de préjudice, l'assureur avait connaissance de leur existence
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 550 F-B Pourvoi n° B 20-17.101 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [W]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 16 octobre 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° B 20-17.101 contre l'arrêt rendu le 22 mai 2020 par la cour d'appel de [Localité 3] (4e chambre, section 1 - chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [B] [W], domiciliée [Adresse 1], prise en qualité d'administrateur ad hoc de [E] [Y], mineur, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [W], prise en qualité d'administrateur ad hoc de [E] [Y], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 3], 22 mai 2020), [H] [F] est décédé des suites d'un cancer broncho-pulmonaire dont l'origine professionnelle a été reconnue par une caisse primaire d'assurance maladie. 2. Le 21 octobre 2013, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) a été saisi d'une demande d'indemnisation du préjudice personnel subi par l'enfant mineur [E] [Y], né le [Date naissance 2] 2005, du fait du décès de son grand-père maternel, [H] [F]. 3. Par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 décembre 2013, remise le 3 janvier 2014, le FIVA a adressé à Mme [F] une proposition d'indemnisation du préjudice d'affection subi par son fils mineur [E]. 4. Après avoir été saisi par un courrier lui ayant été adressé le 4 mars 2014, un juge des tutelles a, par ordonnances du 15 mars 2015, d'une part, rejeté la demande d'homologation de transaction présentée par M. [Y] et Mme [F] agissant en qualité d'administrateurs légaux des biens de leur enfant, d'autre part, désigné Mme [W] en qualité d'administratrice ad hoc afin de le représenter dans la procédure suivie devant la cour d'appel en contestation de l'indemnisation. 5. Le 15 avril 2015, Mme [W], ès qualités, a saisi la cour d'appel d'une contestation de l'offre d'indemnisation. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 7. Le FIVA fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours formé par Mme [W] ès qualités d'administratrice ad hoc de l'enfant mineur et, en conséquence, de fixer à 4 200 euros l'indemnité due par le FIVA à Mme [W] es qualités en réparation de son préjudice d'affection, alors : « 2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ; que, dans ses écritures d'appel, auxquelles elle s'est, comme la cour d'appel l'a relevé, expressément référée à l'audience, Mme [W], es qualités, n'a aucunement soutenu que le Fonds n'aurait pas fait la preuve de ce qu'il avait été saisi par Mme [F] ; qu'en relevant d'office un tel moyen, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3°/ qu'un défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans ses écritures d'appel, le Fonds a invoqué l'article 382-1 du code civil, pour faire valoir que Mme [F], en sa qualité d'administratrice légale de son fils mineur, pouvait saisir seule le Fonds d'une demande d'indemnisation, étant alors réputée avoir reçu du père de l'enfant pouvoir à cette fin, de sorte qu'il n'avait pas à notifier à ce dernier son offre d'indemnisation du préjudice moral subi par le mineur ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ces chefs de conclusions, d'où il résultait que la notification de l'offre du Fonds à la mère de l'enfant avait fait courir le délai de recours de deux mois pour saisir le juge des tutelles, à l'égard des deux parents exerçant en commun l'administration légale, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Pour déclarer recevable l'action engagée le 17 avril 2015 par Mme [W], ès qualités, la cour d'appel, après avoir rappelé que le FIVA était informé, par la copie du livret de famille qu'il produit dans la procédure, que l'enfant était soumis à l'administration légale de ses deux parents, a exactement retenu, répondant aux conclusions prétendument délaissées, que la notification de l'offre devait être effectuée aux deux administrateurs légaux et qu'à défaut, le délai de recours n'avait pas couru à l'égard du père de l'enfant qui n'avait pas reçu notification. 9. Le moyen qui, en sa deuxième branche, s'attaque à des motifs surabondants, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à payer à la SCP Waquet, Farge, Hazan avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR déclaré recevable le recours formé par Mme [W] ès qualités d'administratrice ad hoc de l'enfant mineur [E] [Y] né le [Date naissance 2] 2005 et, en conséquence, fixé à 4 200 euros l'indemnité due par le FIVA à Mme [W] ès qualités d'administratrice ad hoc de l'enfant [E] [Y] en réparation du préjudice d'affection, AUX MOTIFS QUE « sur la recevabilité du recours, l'article 20 du décret du 23 octobre 2001 dispose que « L'offre d'indemnisation est notifiée par le directeur du fonds au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; elle est accompagnée, le cas échéant, de la copie des décomptes produits par les personnes ou organismes débiteurs des prestations ou indemnités mentionnées au premier alinéa du IV de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 susvisée. Si les conditions d'indemnisation ne sont pas réunies, le fonds en fait part au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en lui en indiquant les motifs, et en joignant l'avis de la commission d'examen des circonstances de l'exposition à l'amiante lorsqu'il a été recueilli. La notification indique les délais et voies de recours contre les décisions du fonds. » ; qu'en vertu de l'article 25 de ce décret, « le délai pour agir devant la cour d'appel est de deux mois. Ce délai court à partir de la notification, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de l'offre d'indemnisation ou du constat établi par le fonds que les conditions d'indemnisation ne sont pas réunies. Si, à l'expiration du délai prévu au IV de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 susvisée, le demandeur n'a pas reçu notification de la décision du fonds, sa demande doit être considérée comme rejetée et le délai imparti pour saisir la cour d'appel court du jour où intervient cette décision implicite de rejet. » ; qu'il est constant en l'espèce que l'enfant mineur [E] [Y] était soumis à l'administration légale pure et simple de ses deux parents M. [O] [Y] et Mme [D] [F] qui exercent en commun l'autorité parentale ; qu'il résulte de la combinaison des articles 389-5, 389-6, 389-7, 496 et 504 à 506 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 que dans le régime de l'administration légale pure et simple les pouvoirs des administrateurs légaux sont essentiellement définis par référence à ceux du tuteur (article 389-5, 389-6 et 389-7 du code civil) ; qu'ainsi les parents accomplissent ensemble tous les actes que le tuteur ne pourrait faire qu'avec l'autorisation du conseil de famille ; que, selon l'article 389-5 du code civil, ce n'est qu'en cas de désaccord entre eux ou dans six cas expressément prévus par la loi que l'autorisation du juge des tutelles est nécessaire ; que, par application de l'article 506 du code civil le tuteur ne peut, sans autorisation, transiger ou compromettre au nom du mineur protégé ; que, dès lors, l'acceptation de l'offre d'indemnisation faite par le FIVA en faveur de l'enfant mineur emportant renonciation à un droit devait être soumise à l'approbation préalable au juge des tutelles ; qu'il est admis par la jurisprudence que le délai de deux mois imparti par l'article 25 du décret précité pour contester l'offre du FIVA est suspendu entre la date de saisine du juge des tutelles et la date de sa décision ; que le FIVA soutient que le délai de deux mois qui était imparti à compter de la date de notification par LRAR du 4 janvier 2013 pour former un recours était expiré lorsque Mme [F] a saisi le juge des tutelles le 4 mars 2014, de sorte que Mme [W] est forclose dans son recours ; qu'il résulte des mentions portées sur le formulaire de demande d'indemnisation adressé au FIVA, que celui-ci verse aux débats (pièce 4) que seule l'identité de l'enfant mineur et de son grand-père décédé est mentionnée, à l'exclusion de celle de ses parents administrateurs légaux ; que la cour constate en outre que la signature portée sur ce document correspond au nom de [Y], sans qu'il soit possible d'attribuer cette signature au père de l'enfant (pièce 11 du FIVA) ; que, par suite, le FIVA ne pouvait avoir aucune certitude sur l'identité du demandeur, il ne rapporte pas la preuve que la demande d'indemnisation a été formée par Mme [F] ; qu'étant informé par la copie du livret de famille qu'il produit dans la procédure que l'enfant était soumis à l'administration légale de ses deux parents, la notification de l'offre devait être effectuée aux deux administrateurs légaux ; qu'à défaut, le délai de recours de deux mois n'a pas couru à l'égard de M. [O] [Y] qui n'a pas reçu notification de l'offre d'indemnisation ; que, par suite est inopérant le moyen opposé par le FIVA tiré de la forclusion de Mme [W] dans ses demandes, motif pris que le juge des tutelles a été saisi tardivement le 4 mars 2014, soit deux mois et un jour [a]près la notification de l'offre reçue par Mme [D] [F] le 3 janvier 2014 ; qu'à défaut de notification de l'offre d'indemnisation à M. [Y] par LRAR, le délai de recours n'a commencé à courir à son égard qu'à l'expiration du délai de 6 mois prévu au IV de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 qui emportait décision implicite de rejet ; que ce délai expirait en l'espèce le 30 juin 2014, soit 6 mois après l'offre d'indemnisation du 30 décembre 2013 ; que le délai ayant été suspendu entre la saisine du juge des tutelles le 4 mars 2014 et le 10 mars 2015, le recours formé par Mme [W] le 17 avril 2015 est recevable ; que, sur le fond, l'enfant [E] [Y] était âgé de 8 ans lors du décès de [H] [F] ; qu'à défaut d'élément précis justifiant de la régularité et de la proximité des relations entre cet enfant et son grand-père, le préjudice d'affection qu'il subit du fait du décès de celui-ci des suites d'une exposition à l'amiante justifie réparation à hauteur de 4 200 euros, somme qui sera versée à Mme [W] en qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant mineur » ; 1°/ ALORS QU' il ne peut y avoir décision implicite de rejet que si le demandeur a saisi le Fonds d'une demande d'indemnisation ; qu'en énonçant qu'à défaut de notification de l'offre d'indemnisation à M. [Y] par lettre RAR, le délai de recours n'a commencé à courir à son égard qu'à l'expiration du délai de 6 mois prévu au IV de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 qui emportait décision implicite de rejet, sans relever que ce dernier aurait saisi le Fonds d'une demande d'indemnisation, et après avoir relevé au contraire que la proposition d'indemnisation a été adressée par le Fonds à Mme [F] par une lettre RAR du 30 décembre 2013 remise le 3 janvier 2014 en réparation du préjudice d'affection subi par son fils mineur, ce dont il découlait que seule cette dernière avait saisi le Fonds et que M. [Y] ne pouvait invoquer une décision implicite de rejet d'une demande d'indemnisation qu'il n'avait pas soumise au Fonds, la cour d'appel a violé les articles 53-IV et 53-V de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et 25 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 ; 2°/ ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ; que, dans ses écritures d'appel, auxquelles elle s'est, comme la cour d'appel l'a relevé, expressément référée à l'audience, Mme [W], ès qualités, n'a aucunement soutenu que le Fonds n'aurait pas fait la preuve de ce qu'il avait été saisi par Mme [F] ; qu'en relevant d'office un tel moyen, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3°/ ALORS QU' un défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 5 s.), le Fonds a invoqué l'article 382-1 du code civil, pour faire valoir que Mme [F], en sa qualité d'administratrice légal de son fils mineur pouvait saisir seule le Fonds d'une demande d'indemnisation, étant alors réputée avoir reçu du père de l'enfant pouvoir à cette fin, de sorte qu'il n'avait pas à notifier à ce dernier son offre d'indemnisation du préjudice moral subi par le mineur ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ces chefs de conclusions, d'où il résultait que la notification de l'offre du Fonds à la mère de l'enfant avait fait courir le délai de recours de deux mois pour saisir le juge des tutelles, à l'égard des deux parents exerçant en commun l'administration légale, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
En cas de demande d'indemnisation formée devant le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) au nom d'un mineur, c'est à bon droit qu'une cour d'appel, après avoir exactement retenu que le délai de deux mois prévu pour la saisir de la contestation de l'offre présentée par le FIVA n'avait pas couru à l'égard du père de l'enfant, qui n'en avait pas reçu notification, juge qu'est recevable l'action engagée devant elle par l'administrateur ad hoc représentant l'enfant, désigné par le juge des tutelles, en contestation de cette offre d'indemnisation, peu important que le juge des tutelles ait été saisi plus de deux mois après que cette offre avait été notifiée à la mère de l'enfant
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 553 F-B Pourvoi n° A 20-17.123 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de [U] [F]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 26 avril 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 La société Ville renouvelée, société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° A 20-17.123 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2020 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à [U] [F], domicilié [Adresse 3], mineur sous curatelle, 2°/ à l'association AGSS de l'UDAF, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de curateur de [U] [F], 3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Covea risks, 4°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Covea risks, 5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 6] [Localité 7], dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. L'association AGSS de l'UDAF et [U] [F] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] [Localité 7] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les demandeurs aux pourvois incidents invoquent, à l'appui de leurs recours, chacun un moyen unique de cassation, annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Ville renouvelée, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de [U] [F] et de l'association AGSS de l'UDAF, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] [Localité 7], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 2 avril 2020), le 29 octobre 2010, [U] [F], mineur, s'est blessé en chutant du toit d'un entrepôt appartenant à la société Ville renouvelée (la SAEM) et assuré par la société MMA IARD, venant aux droits de la société Covea risks. 2. Aux fins d'obtenir le remboursement de ses débours, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6]-[Localité 7] (la CPAM) a assigné, devant un tribunal de grande instance, la société MMA IARD, la SAEM et [U] [F], dont le curateur, l'association AGSS de l'UDAF, a été assignée ultérieurement. En cours de procédure, la société MMA IARD assurances mutuelles a déclaré intervenir volontairement à l'instance. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal de la SAEM et le moyen du pourvoi incident formé par les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, pris en sa deuxième branche, réunis, qui sont similaires Enoncé des moyens 3. La SAEM fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable des conséquences dommageables résultant du fait d'une plaque en fibrociment placée sous sa garde et ayant joué un rôle actif dans l'accident survenu le 29 juillet 2010 à [U] [F], alors « qu'on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ; qu'une chose inerte peut être l'instrument du dommage seulement si la preuve qu'elle occupait une position anormale ou qu'elle était en mauvais état est rapportée ; que toutefois l'état d'entretien de la chose inerte ne peut à lui seul justifier la responsabilité du gardien lorsque, même à l'état neuf, cette chose n'est pas en mesure de supporter l'action humaine exercée contre elle ; qu'en se fondant exclusivement, pour retenir la responsabilité de la SAEM Ville Renouvelée en tant que gardien de la plaque de fibrociment placée sur le toit du bâtiment et qui a cédé sous le poids de M. [F] lorsqu'il a couru sur elle, sur le mauvais état de ces plaques équipant le toit, tout en relevant que même sous le régime des normes de sécurité les plus récentes, il ressortait d'une documentation éditée par la MSA de Bretagne au titre de la prévention des accidents sur toiture qu'il n'est pas possible de prendre appui directement sur ce type de plaques, et a fortiori de courir sur elles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1384 alinéa 1er du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1242, alinéa 1er, du même code. » 4. Les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD font grief à l'arrêt de déclarer la SAEM responsable des conséquences dommageables résultant du fait d'une plaque en fibrociment placée sous sa garde et ayant rempli un rôle actif dans l'accident survenu le 29 juillet 2010 à [U] [F], de dire que la faute commise par [U] [F] n'exonère que partiellement la SAEM de sa responsabilité à son égard et de dire qu'elle sera garantie par la société MMA IARD de toutes condamnations qui seront prononcées à son encontre, alors « que subsidiairement le caractère anormal d'une chose inerte s'apprécie au regard de son état, de son comportement ou de sa position ; que ne présente pas un tel caractère une plaque de fibrociment exempte de tout vice interne qui, à l'état neuf, n'est pas de nature à pouvoir supporter le poids d'un homme et dont il est uniquement relevé dans un rapport établi plus de huit mois après l'accident qu'elle est située sur un bâtiment en état « moyen voire vétuste » et que la couverture dont elle fait partie n'est pas affectée de « graves désordres d'étanchéité », dont il est établi que la toiture à laquelle elle appartient date de « plusieurs dizaines d'années » et a une solidité qui « diminue au fil du temps » et dont les témoins de l'accident ont affirmé que la toiture dont elle faisait partie « était déjà fissurée » et « ne tenait pas trop » ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1384, alinéa 1er, du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1242, alinéa 1er, du même code. » Réponse de la Cour Vu l'article l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil : 5. Aux termes de ce texte, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. 6. Pour retenir la responsabilité de la SAEM, l'arrêt relève que l'expert mentionne que l'ensemble du bâtiment est en état moyen, voire vétuste, que dans leurs conclusions, les assureurs indiquaient que la toiture était posée depuis plusieurs dizaines d'années, admettant en outre que la solidité d'une telle toiture diminue au fil du temps, qu'il résulte des déclarations de témoins directs des faits que ces derniers avaient cherché à dissuader [U] [F] d'emprunter la toiture, en l'avertissant qu'elle était déjà fissurée. 7. L'arrêt constate que les normes de sécurité Afnor produites aux débats ne permettent pas à elles seules d'établir l'existence d'un vice interne de la plaque ayant cédé sous le poids de [U] [F], alors que leur « applicabilité » à l'époque de la construction du bâtiment n'est pas établie. 8. L'arrêt en déduit qu'en conséquence d'un défaut d'entretien, le mauvais état des plaques de fibrociment équipant le toit conduit à retenir le rôle actif de la plaque ayant cédé sous le poids de [U] [F], laquelle a été ainsi l'instrument du dommage. 9. En se déterminant ainsi, en se fondant exclusivement sur le défaut d'entretien de la plaque de fibrociment pour retenir son rôle actif dans la survenance du dommage, sans mettre en évidence l'anormalité de cette chose, en recherchant si la plaque, même correctement entretenue, n'aurait pas cédé sous le poids de [U] [F], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquence de la cassation 10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif déclarant la SAEM responsable des conséquences dommageables de l'accident en qualité de gardien du toit, emporte cassation des chefs du dispositif relatifs à l'expertise, à la faute de la victime et au partage de responsabilité en découlant ainsi que de celui relatif à la garantie de son assureur, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la demande de la société Ville renouvelée à l'égard de la société MMA IARD, l'arrêt rendu le 2 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ; Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6]-[Localité 7], [U] [F] et l'AGSS de l'UDAF prise en sa qualité de curateur de [U] [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour la société Ville renouvelée La SAEM Ville Renouvelée reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée responsable des conséquences dommageables résultant du fait d'une plaque en fibrociment placée sous sa garde et ayant rempli un rôle actif dans l'accident survenu le 29 juillet 2010 à M. [U] [F] ; ALORS QU'on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ; qu'une chose inerte peut être l'instrument du dommage seulement si la preuve qu'elle occupait une position anormale ou qu'elle était en mauvais état est rapportée ; que toutefois l'état d'entretien de la chose inerte ne peut à lui seul justifier la responsabilité du gardien lorsque, même à l'état neuf, cette chose n'est pas en mesure de supporter l'action humaine exercée contre elle ; qu'en se fondant exclusivement, pour retenir la responsabilité de la SAEM Ville Renouvelée en tant que gardien de la plaque de fibrociment placée sur le toit du bâtiment et qui a cédé sous le poids de M. [F] lorsqu'il a couru sur elle, sur le mauvais état de ces plaques équipant le toit, tout en relevant que même sous le régime des normes de sécurité les plus récentes, il ressortait d'une documentation éditée par la MSA de Bretagne au titre de la prévention des accidents sur toiture qu'il n'est pas possible de prendre appui directement sur ce type de plaques, et a fortiori de courir sur elles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1384 alinéa 1er du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1242, alinéa 1er, du même code. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour [U] [F] et l'association AGSS de l'UDAF L'AGSS de l'UDAF, prise en sa qualité de curateur de M. [F], et M. [F], font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la faute commise par M. [F] exonérait partiellement la SAEM Ville Renouvelée de sa responsabilité à son égard et d'AVOIR prononcé, par conséquent, un partage de responsabilité à hauteur de 50 % entre M. [F], d'une part, et la SAEM Ville Renouvelée, d'autre part ; 1- ALORS QUE seule la faute de la victime ayant concouru directement et certainement au dommage permet de réduire son droit à indemnisation ; qu'en se fondant, pour conclure à un partage de responsabilité à hauteur de 50 %, sur l'imprudence de la victime qui n'aurait pas veillé à sa propre sécurité et aurait accédé illégalement au site litigieux en dépit des précautions prétendument mises en oeuvre, tout en relevant que la perspective d'intrusions sur le site était probable pour le gardien et que l'accès aux toitures était possible et même régulier pour M. [F] et ses amis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que le dommage n'était pas imputable au comportement de M. [F] mais au seul fait de la chose, son gardien n'ayant pris aucune mesure efficace lui permettant de prévenir la réalisation du dommage, violant ainsi l'article 1382, devenu 1240, du code civil. 2- ALORS, en tout état de cause, QUE sauf si elle revêt les caractères de la force majeure, la faute de l'enfant ayant subi un dommage corporel n'a aucun effet exonératoire ; que la cour d'appel a elle-même relevé que la faute de M. [F], âgé de 12 ans au moment des faits, ne présentait pas les caractères de la force majeure ; qu'en jugeant pourtant que sa faute venait réduire de moitié son droit à indemnisation, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD Les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD reprochent à l'arrêt infirmatif attaqué, D'AVOIR déclaré la SAEM Ville renouvelée responsable des conséquences dommageables résultant du fait d'une plaque en fibrociment placée sous sa garde et ayant rempli un rôle actif dans l'accident survenu le 29 juillet 2010 à M. [U] [F], D'AVOIR dit que la faute commise par M. [F] n'exonère que partiellement de la SAEM Ville renouvelée de sa responsabilité à son égard et D'AVOIR dit que la SAEM Ville renouvelé sera garantie par la société MMA Iard de toutes condamnations qui seront prononcées à son encontre ; 1/ ALORS QUE le juge doit, même d'office, vérifier si les conditions d'application de la loi sont réunies et, en matière de responsabilité, vérifier si les conditions de mise en jeu de la responsabilité sont réunies ; que la faute de la victime à l'origine exclusive de son dommage fait obstacle à la mise en oeuvre de la responsabilité du gardien d'une chose inerte, sans qu'elle ait à revêtir le caractère de la force majeur ; qu'en déclarant que la responsabilité de la SAEM Ville renouvelée du fait de la plaque de fibrociment était établie, sans vérifier si les nombreuses fautes qu'elle avait retenues à l'encontre de la victime M. [F] qui avait accédé à un site sécurisé, escaladé une clôture de deux mètres de hauteur puis deux murs, suivi un cheminement complexe et dangereux, bravé une interdiction manifeste de pénétrer dans les locaux, passé outre les avertissements de deux témoins et couru sur une surface dont il connaissait la fragilité, n'étaient pas la cause exclusive de son dommage, et si le lien de causalité entre le dommage et le mauvais entretien de la plaque n'était pas dès lors rompu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1242, alinéa 1er, du même code ; 2/ ALORS QUE subsidiairement le caractère anormal d'une chose inerte s'apprécie au regard de son état, de son comportement ou de sa position ; que ne présente pas un tel caractère une plaque de fibrociment exempte de tout vice interne qui, à l'état neuf, n'est pas de nature à pouvoir supporter le poids d'un homme et dont il est uniquement relevé dans un rapport établi plus de huit mois après l'accident qu'elle est située sur un bâtiment en état « moyen voire vétuste » et que la couverture dont elle fait partie n'est pas affectée de « graves désordres d'étanchéité », dont il est établi que la toiture à laquelle elle appartient date de « plusieurs dizaines d'années » et a une solidité qui « diminue au fil du temps » et dont les témoins de l'accident ont affirmé que la toiture dont elle faisait partie « était déjà fissurée » et « ne tenait pas trop » ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1384, alinéa 1er, du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1242, alinéa 1er, du même code. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] [Localité 7] La CPAM de [Localité 6] – [Localité 7] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la faute commise par M. [F] exonérait partiellement la SAEM Ville Renouvelée de sa responsabilité à son égard et d'AVOIR prononcé, par conséquent, un partage de responsabilité à hauteur de 50 % entre M. [F], d'une part, et la SAEM Ville Renouvelée, d'autre part ; 1- ALORS QUE seule la faute de la victime ayant concouru directement et certainement au dommage permet de réduire son droit à indemnisation ; qu'en se fondant, pour conclure à un partage de responsabilité à hauteur de 50 %, sur l'imprudence de la victime qui n'aurait pas veillé à sa propre sécurité et aurait accédé illégalement au site litigieux en dépit des précautions prétendument mises en oeuvre, tout en relevant que la perspective d'intrusions sur le site était probable pour le gardien et que l'accès aux toitures était possible et même régulier pour M. [F] et ses amis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que le dommage n'était pas imputable au comportement de M. [F] mais au seul fait de la chose, son gardien n'ayant pris aucune mesure efficace lui permettant de prévenir la réalisation du dommage, violant ainsi l'article 1382, devenu 1240, du code civil. 2- ALORS, en tout état de cause, QUE sauf si elle revêt les caractères de la force majeure, la faute de l'enfant ayant subi un dommage corporel n'a aucun effet exonératoire ; que la cour d'appel a elle-même relevé que la faute de M. [F], âgé de 12 ans au moment des faits, ne présentait pas les caractères de la force majeure ; qu'en jugeant pourtant que sa faute venait réduire de moitié son droit à indemnisation, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
Prive sa décision de base légale, au regard de l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil, la cour d'appel qui juge le propriétaire d'un bâtiment responsable des conséquences dommageables résultant de la rupture d'une plaque en fibrociment placée sous sa garde, sous le poids d'un mineur, en se fondant exclusivement sur le défaut d'entretien de celle-ci pour retenir son rôle actif dans la survenance du dommage, sans rechercher si, même correctement entretenue, elle n'aurait pas cédé sous le poids de la victime
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COMM. DB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 323 F-B Pourvoi n° N 20-18.307 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MAI 2022 M. [W] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-18.307 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2020 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l'opposant à M. [M] [B], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [W] [B], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [M] [B], après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, Mme Daubigney, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 juin 2020), par un acte du 4 juin 2007, M. [W] [B] a acquis de son frère, M. [T] [B], et de leurs parents, M. et Mme [M] [B], les parts qu'ils détenaient dans la société SO.GE.HO pour la somme totale de 2 929 000 euros. L'acquisition s'est réalisée par le biais de la société Blue investissement, créée à cet effet. Le même jour, MM. [W] et [M] [B] ont signé une convention par laquelle le premier s'engage à payer au second une somme, plafonnée à deux millions d'euros, calculée sur la base d'une évaluation des titres de la société Blue investissement réalisée à partir du 1er janvier 2018 et finalisée d'un commun accord entre les parties au plus tard au 30 avril 2018. La convention prévoit en outre que, faute d'accord entre les parties sur cette évaluation, ces dernières désigneront un ou plusieurs experts chargés d'évaluer la valeur nette liquidative de la participation de M. [W] [B] dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil. 2. Par un acte du 19 novembre 2019, M. [M] [B] a assigné M. [W] [B] devant le président d'un tribunal de commerce en application de l'article 1843-4 du code civil, en vue de désigner un expert pour procéder à l'évaluation des titres de la société Blue investissement. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 4. M. [W] [B] fait grief à l'arrêt de dire que le président du tribunal de commerce n'a commis aucun excès de pouvoir et de rejeter, en conséquence, l'appel-nullité par lui formé, alors « que le pouvoir juridictionnel exclusif du président du tribunal statuant en la forme des référés en application de l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 applicable à la cause, est limité à la désignation d'un expert chargé de l'évaluation de droits sociaux ; qu'au cas d'espèce, le président du tribunal de commerce de Lyon, après avoir fait droit à la demande de désignation d'un expert sollicitée par M. [M] [B], a également statué sur la validité de la convention conclue le 4 juin 2010 entre ce dernier et M. [W] [B] outrepassant l'étendue de son pouvoir juridictionnel et commettant ainsi un excès de pouvoir ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel, qui a consacré elle-même cet excès de pouvoir, a violé l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 applicable à la cause. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. Il résulte de l'article 1843-4 du code civil que la décision par laquelle le président du tribunal de commerce procède à la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux est sans recours possible. Cette disposition s'applique, par sa généralité, au pourvoi en cassation comme à toute autre voie de recours. Il n'y est dérogé qu'en cas d'excès de pouvoir. 6. M. [W] [B] s'est pourvu en cassation contre un arrêt ayant rejeté son appel-nullité formé contre l'ordonnance ayant fait droit à la demande d'expertise formée par M. [M] [B]. 7. Ce pourvoi n'est donc pas recevable, sauf si un excès de pouvoir est caractérisé. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1843-4 du code civil : 8. Il ressort de ce texte que les parties peuvent s'en remettre, en cas de contestation sur la valeur des droits sociaux d'un associé, à l'estimation d'un expert désigné, à défaut d'accord entre elles, par le président du tribunal statuant sans recours possible. 9. Le président du tribunal appelé à désigner un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil et dont le pouvoir juridictionnel se limite à en examiner les conditions d'application, ne peut connaître de la validité de la convention en exécution de laquelle il est saisi. En présence d'une telle contestation, le président doit surseoir à statuer sur la demande de désignation de l'expert dans l'attente d'une décision du tribunal compétent, saisi à l'initiative de la partie la plus diligente. 10. Pour rejeter le recours formé contre l'ordonnance du président du tribunal ayant désigné un expert après avoir écarté une exception de nullité de la convention au motif que la demande d'annulation était prescrite et qu'en toute hypothèse, la convention était causée, l'arrêt énonce que le président du tribunal a fait application du texte dont il était saisi sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels et qu'en l'absence de tout excès de pouvoir, l'appel-nullité formé par M. [W] [B], dont les conclusions tendent à la réformation de l'ordonnance critiquée, doit être rejeté. 11. En statuant ainsi, alors qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du président du tribunal, saisi sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, de trancher la contestation relative à la validité de la convention en exécution de laquelle il est saisi, la cour d'appel a violé ce texte et consacré un excès de pouvoir. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ; Condamne M. [M] [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [M] [B] et le condamne à payer à M. [W] [B] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. [B]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, après éventuelle rectification de l'omission matérielle entachant son dispositif, révoqué l'ordonnance de clôture du 11 février 2020 et en conséquence, statué au visa des conclusions de M. [M] [B] signifiées le 15 février 2020 ; AUX MOTIFS QUE «par conclusions n° 2 du 6 février 2020, M. [M] [B] a demandé à la cour de prononcer la nullité de la déclaration d'appel de M. [W] [B] ainsi que de ses conclusions d'appelant ; que M. [W] [B] a répondu sur ce point aux termes de ses conclusions n° 4 signifiées le 10 février 2020, soit la veille de l'ordonnance de clôture, et produit 8 nouvelles pièces à l'appui de la fin de non-recevoir soulevée ; que M. [M] [B] a, par conclusions récapitulatives signifiées le 15 février 2020, demandé la révocation de l'ordonnance de clôture et répondu sur ce point ; que les conclusions et pièces signifiées par M. [W] [B] le 10 février 2020 appelaient une réponse de la part de M. [M] [B] conduisant, pour assurer le respect du contradictoire, à la révocation de l'ordonnance de clôture » ; 1°/ ALORS QUE lorsque, à l'occasion d'une décision rendue sans audience, le juge révoque l'ordonnance de clôture, cette révocation doit s'accompagner d'une ouverture des débats, le cas échéant, fixée à une date ultérieure, pour permettre aux parties de s'expliquer contradictoirement sur les nouveaux éléments admis postérieurement à la clôture ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a, par une même décision, révoqué l'ordonnance de clôture du 11 février 2020 pour admettre les conclusions déposées par M. [M] [B] le 15 février 2020 et a statué au fond ; qu'en procédant ainsi, sans avoir ordonné l'ouverture des débats et fixé une audience à une date ultérieure pour permettre à Monsieur [W] [B] de s'expliquer contradictoirement sur les nouvelles conclusions déposées par l'intimé, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 784 du même code dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable à la cause ; 2°/ ALORS QUE lorsque, à l'occasion d'une décision rendue sans audience, l'ordonnance de clôture a été révoquée pour admettre des conclusions déposées par l'intimé, une nouvelle ordonnance doit alors être rendue fixant la clôture à une date ultérieure, afin de permettre à l'appelant d'y répondre ; qu'en révoquant l'ordonnance de clôture intervenue le 11 février 2020 pour admettre le conclusions déposées par M. [M] [B] le 15 février 2020, sans rendre une nouvelle ordonnance de clôture à une date ultérieure, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 784 du même code dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable à la cause ; SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le président du tribunal de commerce n'a commis aucun excès de pouvoir et d'avoir, en conséquence, rejeté l'appel-nullité formé par M. [W] [B] ; AUX MOTIFS QUE « l'article 1843-4 du code civil dans sa version en vigueur au jour de la saisine du président du tribunal de commerce de Lyon dispose : "I. – Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceuxci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible (…)" ; que s'il en résulte qu'aucune voie de recours n'est autorisée contre une ordonnance désignant un expert sur le fondement de ce texte, l'appel nullité est toutefois possible en cas d'excès de pouvoir caractérisé par la méconnaissance par le premier juge de l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels, soit en les outrepassant, soit en ne les exerçant pas ; que ni une erreur de droit, à la supposer établie, ni l'inobservation par le président des conditions d'application de l'article 1843-4 du code civil, ni la violation d'un principe essentiel de la procédure ne constituent un excès de pouvoir justifiant un recours en annulation d'une décision de justice ; qu'en l'espèce, le président du tribunal de commerce, statuant en la forme des référés a répondu à l'ensemble des moyens soulevés par [W] [B] ; qu'il a fait droit à la demande de désignation d'un expert dont il était saisi sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil qui ne fait pas obstacle à ce que, en dehors de son champ d'application impératif, les parties décident de recourir à ce texte dans des cas autres que la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ceux-ci par la société ; que le président du tribunal de commerce a donc fait application du texte dont il était saisi sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels et en l'absence de tout excès de pouvoir, l'appel-nullité formé par M. [W] [B] dont les conclusions tendent à la réformation de l'ordonnance critiquée, doit être rejeté » ; ALORS QUE le pouvoir juridictionnel exclusif du président du tribunal statuant en la forme des référés en application de l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 applicable à la cause, est limité à la désignation d'un expert chargé de l'évaluation de droits sociaux ; qu'au cas d'espèce, le président du tribunal de commerce de Lyon, après avoir fait droit à la demande de désignation d'un expert sollicitée par M. [M] [B], a également statué sur la validité de la convention conclue le 4 juin 2010 entre ce dernier et M. [W] [B] outrepassant l'étendue de son pouvoir juridictionnel et commettant ainsi un excès de pouvoir ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel, qui a consacré elle-même cet excès de pouvoir, a violé l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 applicable à la cause.
Le président du tribunal appelé à désigner un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil et dont le pouvoir juridictionnel se limite à en examiner les conditions d'application, ne peut connaître de la validité de la convention en exécution de laquelle il est saisi. En présence d'une telle contestation, le président doit surseoir à statuer sur la demande de désignation de l'expert dans l'attente d'une décision du tribunal compétent, saisi à l'initiative de la partie la plus diligente
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation sans renvoi M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 334 F-B Pourvoi n° Z 19-25.513 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MAI 2022 Mme [R] [Y], domiciliée chez Dr [S] [K] [H], [Adresse 5] (Mexique), venant aux droits de [E] [X], a formé le pourvoi n° Z 19-25.513 contre l'arrêt rendu le 8 octobre 2019 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 7], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd, avocat de Mme [Y], venant aux droits de [E] [X], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Reprise d'instance 1. Il est donné acte à Mme [R] [Y] de ce qu'elle reprend l'instance, en qualité d'héritière de [E] [X], décédée le [Date décès 4] 2020. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 octobre 2019), à la suite du décès de [J] [X], survenu le [Date décès 1] 2010, sa fille, [E] [X], a déposé une déclaration de succession dans laquelle elle a revendiqué, s'agissant des parts de la société [X] entreprises, qu'elle a qualifiée de holding animatrice de groupe, le bénéfice de l'exonération partielle des droits de succession à hauteur de 75 % de la valeur de ces parts, prévue à l'article 787 B du code général des impôts, en prenant l'engagement de les conserver pendant une durée de quatre ans à compter de leur transmission. 3. L'administration fiscale, remettant en cause cette exonération partielle au motif que, dès le 3 décembre 2010, la société [X] entreprises avait cédé ses participations dans certaines de ses filiales et que l'activité de la holding était devenue purement financière, a notifié à [E] [X] une proposition de rectification le 30 septembre 2013. 4. Après rejet de sa réclamation contentieuse, [E] [X] a assigné l'administration fiscale en décharge des rappels d'imposition réclamés. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de [E] [X] tendant à la décharge des droits de succession et des intérêts de retard mis en recouvrement à son encontre et au remboursement des sommes versées, soit 1 666 488 euros, alors « que la condition tenant à ce qu'une société holding anime son groupe de sociétés, à laquelle est subordonné le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation prévue par l'article 787 B du code général des impôts en cas de transmission de ses parts à titre gratuit, ne doit être remplie qu'à la date de cette transmission et non postérieurement ; qu'en considérant que [E] [X] ne pouvait bénéficier de cette exonération partielle, du fait que la société holding [X] entreprises, dont une partie des parts lui avait été transmise, aurait perdu, postérieurement à cette transmission, la qualité d'animatrice du groupe de sociétés dans lesquelles elle détenait des participations et qui était la sienne à la date de cette transmission, la cour d'appel a violé l'article 787 B du code général des impôts et l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 G-6-01. » Réponse de la Cour Vu l'article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 : 6. Selon ce texte, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs sont, à condition qu'elles aient fait l'objet d'un engagement collectif de conservation présentant certaines caractéristiques, et d'un engagement individuel de conservation pendant une durée de quatre ans à compter de l'expiration de l'engagement collectif, exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur. 7. Est assimilée à une telle société la société holding qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, le caractère principal de son activité d'animation de groupe devant être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l'imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total. 8. Pour dire fondée la remise en cause, par l'administration fiscale, de l'exonération partielle de droits de succession à laquelle prétendait [E] [X], l'arrêt, après avoir relevé qu'il n'était pas contesté que la société [X] entreprises était, au jour du décès de [J] [X], une holding animatrice d'un groupe de sociétés dont elle assurait le pilotage, et déduit que les héritiers de [J] [X] pouvaient utilement revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article 787 B du code général des impôts, énonce cependant que, s'agissant d'une société holding, le bénéfice de l'avantage fiscal accordé par ce texte ne peut se concevoir, au regard de l'objectif fixé par le législateur, et, sauf à vider la loi de sa substance, que si ladite société conserve, pendant la durée exigée, sa fonction d'animation d'un groupe formé de filiales, lesquelles doivent, sauf circonstances indépendantes de leur volonté, comme c'est le cas, par exemple, dans l'hypothèse d'une procédure collective, conserver une activité économique. Il énonce ensuite que rien n'impose que le périmètre de ce groupe demeure immuable et qu'un changement d'activité économique peut être envisagé, sous réserve que la holding conserve, à l'égard de ses nouvelles filiales, son rôle d'animation. 9. Il en déduit que l'administration fiscale est fondée à soutenir que la perte, par la société [X] entreprises, de sa fonction d'animatrice de groupe avant l'expiration du délai légal de conservation des parts rend la transmission de ces parts inéligible à l'exonération partielle, faute de satisfaire aux conditions légales. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. Il résulte des constatations des juges du fond que la société [X] entreprises était, au jour du décès de [J] [X], une société holding animatrice d'un groupe de sociétés, que [E] [X] a conservé les titres de cette société pendant la période de son engagement, soit quatre années, et que les dirigeants, MM. [I] et [P] [X], sont demeurés à la tête de cette société pendant la durée requise de trois ans, de sorte que [E] [X] remplissait les conditions pour bénéficier de l'exonération partielle de droits de succession, prévue à l'article 787 B du code général des impôts, sur la valeur des parts de la société [X] entreprises dont elle a hérité. 14. Il convient, dès lors, d'annuler la décision de rejet de la réclamation de [E] [X] et de prononcer la décharge des rappels de droits d'enregistrement mis en recouvrement. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Annule la décision rejetant la réclamation de [E] [X] ; Prononce la décharge des rappels de droits d'enregistrement mis en recouvrement ; Condamne le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, aux dépens, y compris ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques et le condamne à payer à Mme [Y], en sa qualité d'héritière de [E] [X], la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour Mme [Y], venant aux droits de sa mère [E] [X], décédée. Il est fait grief à la décision confirmative attaquée d'AVOIR débouté Mme [E] [X] de ses demandes tendant à la décharge des droits de succession et des intérêts de retard mis en recouvrement à son encontre et au remboursement des sommes versées, soit 1 666 488 euros ; AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes de l'article 787 B du livre des procédures fiscales (dans sa rédaction applicable au présent litige) : « sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs si les conditions suivantes sont réunies : a. les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés ; lorsque les parts ou actions transmises par décès n'ont pas fait l'objet d'un engagement collectif de conservation, un ou des héritiers ou légataires peuvent entre eux ou avec d'autres associés conclure dans les six mois qui suivent la transmission l'engagement prévu au premier alinéa. b. l'engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 %, y compris les parts ou actions transmises… l'engagement collectif de conservation est réputé acquis lorsque les parts ou actions détenues depuis deux ans au moins par une personne physique seule ou avec son conjoint ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité atteignent les seuils prévus au premier alinéa, sous réserve que cette personne ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité exerce depuis plus de deux ans au moins dans la société concernée son activité professionnelle principale ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque la société est soumise à l'impôt sur les sociétés… c. chacun des héritiers, donataires ou légataires prend l'engagement dans la déclaration de succession ou l'acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts ou les actions transmises pendant une durée de quatre ans à compter de la date d'expiration du délai visé au a » ; que la finalité de ce dispositif est de maintenir, notamment au moment du décès, l'activité économique en assurant la continuité de l'entreprise familiale par la pérennité de son actionnariat et de ses dirigeants ; qu'il convient de rappeler que l'administration a admis dans sa doctrine (7 G-6-01 du 30 juillet 2001) que si les titres des holdings étaient en principe exclus du champ d'application de la disposition précitée du fait de leur activité financière, les contribuables étaient cependant fondés à s'en prévaloir dès lors que la société présentait les caractéristiques d'une société holding animatrice d'un groupe de sociétés ; qu'il sera, à cet égard, rappelé qu'une holding est considérée par la jurisprudence comme animatrice d'un groupe dès lors qu'elle participe activement à la conduite et à la gestion de ses filiales notamment en prenant des décisions de politique commerciale ou d'orientation stratégique ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté par l'administration fiscale que la société [X] Entreprises était, au jour du décès de Mme [J] [X], une holding animatrice d'un groupe cohérent de sociétés dont elle assurait le nécessaire pilotage exerçant, en l'occurrence, une activité économique dans le secteur des travaux publics, de la voirie et du bâtiment ; que les héritiers de Mme [X] pouvaient donc utilement revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article 787 B du code général des impôts ; qu'il n'est pas davantage contesté que les déclarants ont conservé les titres de la holding pendant la période de leur engagement (quatre ans) et que, de même, les dirigeants ([I] et [P] [X]) sont demeurés à la tête de cette société pendant la durée requise (trois ans) ; que cependant et s'agissant d'une société holding, le bénéfice de l'avantage fiscal accordé par l'article précité ne peut se concevoir, au regard de l'objectif fixé par le législateur et sauf à vider la loi de sa substance, que si ladite société conserve pendant la durée exigée sa fonction d'animation d'un groupe formé de filiales lesquelles doivent, sauf circonstances indépendantes de leur volonté (procédure collective par exemple), conserver une activité économique ; que rien, en revanche, n'impose que le périmètre de ce groupe demeure immuable, certaines filiales pouvant, pendant cette période et notamment en raison des choix stratégiques opérés par les dirigeants ou des contraintes économiques affectant notamment le secteur d'activité, être cédées et d'autres acquises ; qu'un changement d'activité économique peut de même être envisagé sous réserve que la holding conserve à l'égard de ses (nouvelles) filiales son rôle d'animation ; qu'il ressort des pièces du dossier (et plus particulièrement tant de la proposition de rectification adressée par l'administration en septembre 2013 que des observations formulées par le contribuable en novembre suivant et de la réponse à ces observations communiquées en février 2014) que, dès le mois de décembre 2010 (soit moins de deux mois après le décès de Mme [X]), la société [X] Entreprises a cédé cinq des sept sociétés commerciales qui formaient son groupe de BTP (ses dirigeants s'interdisant pendant une durée de quatre ans d'exercer toute activité dans le domaine des travaux publics et privés, de l'extraction de minéraux et de la fabrication d'enrobés) puis, en mars 2012, une sixième société, ce moyennant un prix global d'environ 14 500 000 euros, de sorte que dix-huit mois après le décès de Mme [J] [X], la société holding ne détenait de participation majoritaire que dans une seule société commerciale, la société 2M Distribution, fortement déficitaire, et dans une société civile immobilière qu'elle contrôlait déjà au jour du décès, la société Ker Nantes, les autres participations, minoritaires, concernant essentiellement des sociétés civiles immobilières dont le caractère professionnel n'est nullement allégué après la cession des actifs immobiliers nécessaires à l'activité des sociétés cédées (6 sociétés sur 9) ; que l'administration a relevé que les six sociétés cédées représentaient, avant la cession, 83 % du chiffre d'affaires global du groupe, que l'effectif de celui-ci était passé de 130 à 20 salariés, qu'enfin, la proportion de l'actif éligible au dispositif Dutreil était passé de 92 % avant la cession à 34 % en 2011 ; qu'elle a également noté que les fonds provenant des cessions n'avaient pas été réinvestis dans une activité économique ; que si Mme [X] soutient que la société [X] Entreprises a non seulement conservé l'une de ses filiales mais également réorienté son activité vers l'immobilier notamment commercial et développé plusieurs projets, le premier juge a relevé, à bon escient, concernant les projets : - que le projet de recyclage et de tri de matériaux de construction n'avait pas progressé depuis 2010, la société ayant seulement conservé par l'intermédiaire d'une filiale (minoritaire) un terrain sur lequel aucune activité industrielle n'avait été développée, - que le projet de participation dans une société de recyclage du bois destiné aux chaufferies collectives était un simple projet financier, au demeurant non concrétisé, - et que le projet de construction d'un circuit automobile n'avait pas reçu le moindre commencement d'exécution, de telle sorte que ces différents projets, non aboutis ni même engagés, ne peuvent être pris en compte ; que devant la cour, la situation est identique, aucune pièce n'étant produite quant à leur réalisation ; que, s'agissant de la réorientation vers l'immobilier commercial, Mme [X] fait état de participations prises dans deux entreprises : - la société [X] Immobilier, marchand de biens, - et la société civile de construction vente [Adresse 3] ; que cependant, force est de constater que les dites participations sont très minoritaires (20 % dans la première société, le surplus soit 80 % étant détenu, pièce n° 17 de l'appelante, par la société [X] Entreprises et 10 % dans la seconde) ; que si la société [X] Entreprises a consenti à la société [X] Immobilier comme à la SCCV des avances en compte courant (respectivement 3 250 000 euros et 1 800 000 euros) grâce à la trésorerie qu'elle détient à la suite des cessions survenues, ces avances (dont les conditions notamment de rémunération ne sont pas précisées), assimilables à celles que tout associé pourrait consentir, ne permettent pas de caractériser les fonctions animatrices nécessaires, lesquelles supposent que la holding puisse définir les orientations stratégiques, ce qui ne peut être le cas lorsque les participations se trouvent aux niveaux ci-dessus précisés (a fortiori lorsque l'autre associé est une holding détenant 80 % des parts), mais uniquement une activité de holding financière exclue du dispositif ; qu'enfin, si la société [X] Entreprises a effectivement conservé le contrôle de l'une de ses filiales, la société 2M Distribution, à laquelle elle a consenti des abandons de créances en compte courant avec clause de retour à meilleure fortune (1 386 720 euros au 31 mars 2015, cf. pièce 14 de l'appelante) et au bénéfice de laquelle (comme de la société [X] Immobilier, cf. avenant n° 3 du 24 juin 2013) elle a effectué certaines prestations courantes dans le cadre de la poursuite de la convention qui avait été signée en 2006 et de l'avenant conclu en 2013, il ne résulte nullement des pièces soumises à la cour par Mme [X] (aucune pièce n'étant à cet égard produite) que ces prestations aient notamment porté sur les orientations stratégiques et la politique commerciale de cette filiale, preuve, dont l'administration lui incombe, qui ne saurait résulter des seuls termes de l'avenant lequel reprend et renvoie à la convention initiale, conclue antérieurement à la cession intervenue en 2010 ; qu'au demeurant et à supposer même que ce soit le cas (ce qui n'est nullement démontré), la cession de la plupart des filiales exerçant une activité économique a modifié la nature de la société [X] Entreprises qui, de holding animatrice, est devenue essentiellement une holding financière gérant les produits des cessions intervenues ; qu'ayant perdu sa fonction d'animatrice d'un groupe de filiales, elle ne satisfait plus aux conditions légales ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le bénéfice de l'avantage fiscal précité et que le tribunal, par des motifs pertinents que la cour adopte, a rejeté la demande de Mme [E] [X] » ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « aux termes des dispositions de l'article 787 B du code général des impôts : « sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès (…) si les conditions suivantes sont réunies : a) les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés ; (…) ; d) l'un des associés mentionnés au a ou l'un des héritiers, donataires ou légataires mentionnés au c) exerce effectivement dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation (L. n° 2007-1822 du 24 déc. 2007, art. 15-I-4° et IV) « pendant la durée de l'engagement prévu au a et, pendant les trois » années qui suivent la date de la transmission, son activité professionnelle principale si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter, ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option ; (…) ; e) la déclaration de succession ou l'acte de donation doit être appuyée d'une attestation de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation certifiant que les conditions prévues aux a et b ont été remplies jusqu'au jour de la transmission. A compter de la transmission et jusqu'à l'expiration de l'engagement collectif de conservation visé au a, la société doit en outre adresser, dans les trois mois qui suivent le 31 décembre de chaque année, une attestation certifiant que les conditions prévues aux a et b sont remplies au 31 décembre de chaque année. (…) » ; que ce dispositif, dénommé dispositif Dutreil, a pour finalité de maintenir l'activité économique en assurant la continuité de l'entreprise et la pérennité de ses dirigeants : tant que l'entreprise est conservée dans le patrimoine familial et que l'un des membres de la famille exerce effectivement des fonctions de direction, le bénéfice de l'exonération est acquis ; que la doctrine fiscale fondée sur l'instruction 7 G-6-01 du 30 juillet 2001 exclut l'activité financière des holdings du champ de l'application du dispositif, ces holdings n'étant pas considérées comme poursuivant effectivement l'animation et la direction de l'entreprise ; qu'en l'espèce, l'administration note que cette absence d'animation des entreprises qui ont fait l'objet de la cession des parts sociales est d'autant plus caractérisée que les conventions de cession mentionnent un engagement de non concurrence (engagement portant précisément sur les activités de travaux publics et privés, fabrication d'enrobés, exploitation de carrière) ; qu'elle souligne par ailleurs que l'existence de prestations de services de la part de la holding ne suppose pas nécessairement une animation lorsque ces prestations ne relèvent que des tâches fonctionnelles ; que le tribunal constate qu'il en est ainsi, y compris pour les prestations consistant à fournir, sous forme de prêts ou d'apports financiers, car s'il est légitime de considérer que ce type de concours présente un caractère commercial par nature en application de l'article L. 110-1 du code de commerce, encore faut-il qu'il s'inscrive dans une activité d'entremise (emprunt sur le marché pour mobiliser des fonds à prêter), la mise à disposition par la société des fonds dont elle dispose ne caractérisant pas cette entremise, alors que ce concours ne donne, en effet, pas aux cédants un autre pouvoir que celui dont disposeraient les actionnaires (ou la banque) ; que la demanderesse ne justifie donc nullement de la poursuite d'une activité commerciale ; que la demanderesse soutient cependant que l'engagement de continuation de l'entreprise [X] Entreprises est bien respecté puisque l'activité même de cette entreprise était déjà d'être une société holding, dont l'activité est poursuivie ; qu'en réalité, le groupe [X] était bien animé par [X] Entreprises (holding), qui assurait la direction de ses filiales, mais ces filiales ont été cédées, de sorte que l'activité concernée n'est pas l'activité d'origine mais seulement une activité financière dont la finalité est de gérer les produits de la cession ; que [X] Entreprises, holding active, est ainsi devenue holding passive ; qu'il ne peut donc être soutenu que l'activité est effectivement poursuivie ; qu'il s'agit d'une activité nouvelle de gestion financière à titre principal et non de l'activité d'origine, industrielle et commerciale, pour laquelle un engagement de conservation a été pris, la notion de conservation supposant qu'il s'agisse sinon de la même activité : location et distribution de matériel et engins pour le bâtiment et les travaux publics, fabrication de béton et distribution, au moins d'une activité similaire pour tenir compte de l'évolution de l'entreprise au marché, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que le dispositif Dutreil serait totalement dénaturé dans son objectif de continuation, si la seule conservation des fonds (sans l'activité) issus de la cession suffisait à justifier l'exonération ; qu'en effet, le simple projet de redéployer une activité de recyclage et de tri de matériaux de construction, qui pouvait s'inscrire dans une perspective industrielle prolongeant l'activité initiale liée à la construction et qui a été évoqué en 2010 est resté au stade du projet sans aucun développement, à l'exception de la conservation d'un terrain de 3 hectares pour lequel [X] Entreprises se comporte en simple bailleur et sans y développer de projet industriel ; que l'autre projet de prise de participation dans une société de recyclage du bois destiné aux chaufferies collectives s'analyse comme un simple projet financier ; que le projet de construction d'un circuit automobile est évoqué seulement, sans qu'aucun élément ne permette de considérer qu'il ait fait l'objet d'une avancée quelconque ; que le tribunal note enfin que ces projets, qui sont évoqués dans les conclusions, ne sont par ailleurs pas justifiés dans les pièces produites aux débats, ce qui démontre leur caractère plutôt chimérique ; qu'à ce stade, [X] Entreprises a pris des participations dans la société [X] Immobilier, société de marchand de biens, puis dans la société Edmond Blanc, société de promotion immobilière, mettant ainsi ses apports financiers dans la poursuite de projets qui s'inscrivent dans sa logique de holding financière ; qu'au total, [X] Entreprises est une holding financière passive qui n'exerce plus sur les sociétés filiales d'origine dont elle devait assurer la conservation des fonctions d'animation et de direction et qui a redéployé une activité nouvelle au moyen des fonds qui lui sont revenus du fait de la cession de ses parts sociales ; qu'alors que la doctrine issue de l'instruction (ancienne) 4 A-14-78 du 27 septembre 1978 considérait que « lorsque la prise de participation répond au désir de diriger et contrôler la société émettrice, l'activité de la société participante n'est pas différente de celle poursuivie par la société dans laquelle elle détient des droits. Les holdings qui exercent une activité de production par le biais de filiales ou de participations dans des entreprises industrielles ont ainsi une activité commerciale », force est de constater que la société [X] Entreprises ne contrôle plus ses anciennes filiales et que son activité est très différente de celles qu'elle exerçait auparavant, ses prises de participations dans de nouvelles sociétés de marchands de biens n'ayant aucune activité industrielle, s'analysant comme de simples modalités de gestion financière des capitaux dont elle dispose du fait de la cession des actifs qu'elle aurait dû conserver ; qu'il s'agit en réalité d'un mécanisme de financiarisation et nullement d'un projet de reconversion industrielle ; que l'absence de distribution de dividendes, qui est invoqué à plusieurs reprises, n'est pas un élément de nature à changer la nature de l'activité, qui reste financière et non d'animation ou de direction de l'activité ; et que si la société [X] Entreprises s'interposait entre les détenteurs de son capital social et les sociétés filiales dont elle était détentrice, la cession de ces filiales sans conservation d'un contrôle ou d'une direction sur celles-ci, a changé la nature même de l'activité de la société mère, qui n'est plus opérationnelle mais passive alors qu'elle devait être conservée dans une perspective fiscale de continuation ; qu'au total, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la demanderesse ne pouvait bénéficier de l'instruction 7G-6-01 du 18 juillet 2001 qui prévoit que « l'activité financière des sociétés holdings les exclut normalement du champ d'application de l'exonération partielle. Toutefois, les dispositions de l'article 787 B du CGI sont applicables aux transmissions à titre gratuit de parts ou actions de sociétés holding animatrices de leur groupe de sociétés, toutes les autres conditions devant être par ailleurs remplies », puisque la société [X] Entreprises ne peut plus être considérée comme une holding animatrice, ce qu'elle était à la date du décès et qu'elle a cessé d'être du fait des cessions des titres dont elle disposait au moment du décès, cession qui est intervenue le 6 décembre 2010 (deux mois après le décès de Madame [J] [X]) pour ce qui est de ERTP [X] à la société JML Finances au prix de 13 847 030 euros et le même jour pour les ventes d'immeubles d'exploitation (bureaux, ateliers, garages, usine d'enrobées, hangars) pour un total de 6 999 256 euros, puis le 27 mars 2012 pour ce qui est des titres de [X] Béton, étant précisé que lors de la déclaration effectuée en application de l'article 787 B du code général des impôts, la valeur de la SARL [X] était déclarée pour 19 027 925,96 euros » ; 1°) ALORS QUE la condition tenant à ce qu'une société holding anime son groupe de sociétés, à laquelle est subordonné le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation prévue par l'article 787 B du code général des impôts en cas de transmission de ses parts à titre gratuit, ne doit être remplie qu'à la date de cette transmission et non postérieurement ; qu'en considérant que Mme [E] [X] ne pouvait bénéficier de cette exonération partielle, du fait que la société holding [X] Entreprises, dont une partie des parts lui avait été transmise, aurait perdu, postérieurement à cette transmission, la qualité d'animatrice du groupe de sociétés dans lesquelles elle détenait des participations et qui était la sienne à la date de cette transmission, la cour d'appel a violé l'article 787 B du code général des impôts et l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 G-6-01 ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être regardée comme l'animatrice de filiales dont elle ne détient que des participations minoritaires, dès lors qu'elle exerce une influence sur la politique de ces sociétés ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises ne pouvait être qualifiée d'animatrice d'un groupe de sociétés, postérieurement à la transmission de ses parts, dans la mesure où elle ne détenait que des participations de 20 % et 10 % dans deux des sociétés de ce groupe, la société [X] Immobilier et la société civile de construction vente [Adresse 3], sans rechercher si elle n'exerçait pas une influence sur la politique de ces deux filiales à travers les importantes avances de trésorerie en compte courant dont elle avait contrôlé l'affectation et les prestations d'intermédiaire dans la négociation des acquisitions qu'elle leur avait fournies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 787 B du code général des impôts et de l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7G-6-01 ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être regardée comme l'animatrice d'une filiale dès lors qu'elle participe à la conduite de sa politique et à son contrôle, sans nécessairement avoir à lui fournir des prestations de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises n'aurait pas animé un groupe de sociétés, postérieurement à la transmission de ses parts, en ce que les prestations de service qu'elle avait rendues à la société 2M Distribution n'avaient pas porté sur les orientations stratégiques et la politique commerciale de cette filiale, sans rechercher si la participation majoritaire qu'elle détenait dans cette société et les avances très importantes de trésorerie qu'elle lui avait consenties et dont elle avait contrôlé l'affectation ne permettaient pas, à eux seuls, de la qualifier d'animatrice de cette filiale, la cour d'appel a, une nouvelle fois, privé sa décision de base légale au regard de l'article 787 B du code général des impôts et de l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 G-6-01 ; 4°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être regardée comme ayant une activité de nature commerciale lorsqu'elle rend à ses filiales des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers, sans nécessairement que ces prestations de service aient pour objet la conduite de la politique de ces filiales ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises n'aurait pas animé un groupe de sociétés, postérieurement à la transmission de ses parts, du fait qu'il n'aurait pas été justifié que les prestations de service qu'elle avait rendues à la filiale commerciale qu'elle continuait à contrôler, la société 2M Distribution, avaient porté sur les orientations stratégiques et la politique commerciale de cette filiale, quand il n'était aucunement requis que ces prestations aient un tel objet, la cour d'appel a, une nouvelle fois, violé l'article 787 B du code général des impôts et l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7G-6-01 ; 5°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être qualifiée d'animatrice de certaines sociétés de son groupe, alors même qu'elle exerce majoritairement, par ailleurs, une activité purement financière de gestion de fonds ou de participations ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises n'aurait pas animé un groupe de sociétés, postérieurement à la transmission de ses parts, dans la mesure où elle avait cédé « la plupart » de ses filiales exerçant une activité économique et qu'elle était ainsi devenue « essentiellement » une holding financière gérant les produits des cessions ainsi intervenues, ce dont il résultait que la société holding avait conservé, pour une part, une activité économique à travers les filiales qu'elle avait conservées (les sociétés [X] Béton et 2M Distribution) et celles dans lesquelles elle avait pris de nouvelles participations (les sociétés [X] Immobilier et [Adresse 2]) et qu'elle pouvait donc être regardée comme l'animatrice de ces sociétés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 787 B du code général des impôts et de l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7 G-6-01 ; 6°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société holding peut être l'animatrice d'une seule société et pas nécessairement d'un groupe composé de plusieurs sociétés ; qu'en affirmant que la société holding [X] Entreprises aurait perdu sa qualité d'animatrice, postérieurement à la transmission de ses parts, du fait qu'elle avait cédé la plupart de ses filiales exerçant une activité économique, quand elle relevait elle-même que la société holding avait conservé le contrôle de plusieurs de ses filiales commerciales, les sociétés [X] Béton et société 2M Distribution, dont elle pouvait ainsi être l'animatrice, la cour d'appel a derechef violé l'article 787 B du code général des impôts et l'instruction fiscale du 18 juillet 2001 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 7G-6-01.
Selon l'article 787-B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs sont, à condition qu'elles aient fait l'objet d'un engagement collectif de conservation présentant certaines caractéristiques, et d'un engagement individuel de conservation pendant une durée de quatre ans à compter de l'expiration de l'engagement collectif, exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur. Est assimilée à une telle société la société holding qui a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, le caractère principal de son activité d'animation de groupe s'appréciant au jour du fait générateur de l'imposition. Viole ces dispositions, en ajoutant à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, la cour d'appel qui énonce que, s'agissant de la transmission des parts d'une société holding, le bénéfice de l'avantage fiscal est subordonné à la conservation, par cette société, de sa fonction d'animation de groupe jusqu'à l'expiration du délai légal de conservation des parts
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 338 F-B Pourvoi n° A 20-16.042 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MAI 2022 La société Eurotitrisation, société anonyme, dont le siège est immeuble [5], [Adresse 1], [Localité 4], agissant en qualité de représentant du Fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, venant aux droits de la société Crédit immobilier de France développement, a formé le pourvoi n° A 20-16.042 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2020 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [J] [O], 2°/ à Mme [R] [X], épouse [O], domiciliés tous deux [Adresse 2], [Localité 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Eurotitrisation, agissant en qualité de représentant du Fonds commun de titrisation (FCT) Credinvest, compartiment Credinvest 2, venant aux droits de la société Crédit immobilier de France développement, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [O], et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 28 janvier 2020), poursuivant le paiement de créances détenues à l'encontre de M. et Mme [O], la société Crédit immobilier de France développement (la banque) a engagé une procédure de saisie immobilière sur un bien leur appartenant. Prétendant être substitué dans les droits de la banque par l'effet d'une cession de ces créances, le Fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2 (le FCT), représenté par la société Eurotitrisation, a repris la procédure en lieu et place de la banque. M. et Mme [O] ont contesté sa qualité de créancier. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 2. La société Eurotitrisation fait grief à l'arrêt d'annuler le commandement de payer aux fins de saisie immobilière du 2 mars 2018, d'ordonner sa radiation aux frais du FCT et d'ordonner la radiation, aux frais du FCT, des inscriptions de privilège de prêteur de deniers prises le 5 septembre 2002, alors « que, conformément aux articles L. 214-169 et D. 214-227 du code monétaire et financier, la cession des créances s'effectue par la seule remise d'un bordereau, qui doit comporter "la désignation ou l'individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d'y pourvoir", sans qu'aucune mention obligatoire ne soit exigée ; qu'en relevant que les indications chiffrées figurant sur le bordereau ne seraient pas propres à permettre d'identifier la dette des époux [O] car "ni la nature de la créance ni son montant n'y figurent, pas plus que le nom des débiteurs, ce qui serait tout de même la moindre des choses", cependant qu'aucune de ces indications ne constitue une mention obligatoire du bordereau et que rien ne s'oppose à ce que l'identification des créances soit effectuée au moyen de références chiffrées, la cour d'appel a violé les articles L. 214-169 et D. 214-227 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 214-169 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, et D. 214-227, 4°, du même code : 3. Aux termes du premier de ces textes, l'acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s'effectue par la seule remise d'un bordereau. Il résulte du second que, si le bordereau doit comporter la désignation ou l'individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d'y pourvoir, les procédés d'identification proposés par ce texte ne sont ni impératifs ni exhaustifs. 4. Pour annuler le commandement aux fins de saisie immobilière et ordonner la radiation du commandement et des inscriptions de privilège, l'arrêt retient que les seuls éléments chiffrés mentionnés sur le bordereau de cession de créances sont impropres à permettre d'identifier la dette de M. et Mme [O] dès lors que ni la nature de la créance ni son montant n'y figurent, pas plus que le nom des débiteurs, ce qui serait tout de même la moindre des choses. 5. En statuant ainsi, alors que l'indication de la nature et du montant de la créance cédée et le nom du débiteur ne constituent pas des mentions devant obligatoirement figurer sur le bordereau et que l'identification de la créance peut intervenir au moyen de références chiffrées, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ; Condamne M. et Mme [O] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Eurotitrisation, agissant en qualité de représentant du Fonds commun de titrisation (FCT) Credinvest, compartiment Credinvest 2, venant aux droits de la société Crédit immobilier de France développement. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé le commandement de payer aux fins de saisie immobilière du 2 mars 2018, ordonné sa radiation aux frais du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, représenté par la société Eurotitrisation et d'avoir ordonné la radiation, aux frais du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, représenté par la société Eurotitrisation, des inscriptions de privilège de prêteur de deniers prises le 5 septembre 2002 ; AUX MOTIFS QUE « trois lettres intitulées « information cession », concernant la cession des créances par le CRÉDIT IMMOBILIER au FCT CREDINVEST ont bien été adressées aux époux [O] les 4, 15 et 28 janvier 2019, en termes identiques, étant précisé que sur ces documents la seule référence permettant de rattacher l'information à un dossier particulier est le numéro : 300008000004048 écrit en haut à gauche ; Attendu qu'il est précisé expressément dans chaque courrier : « Par la présente, nous vous informons que le Crédit Immobilier De France Développement (CIFD) a cédé la créance rattachée à votre dossier cité en référence, au Fonds Commun de Titrisation CREDINVEST – Compartiment Credinvest 2» ; Mais attendu que les éléments de la cession, tels qu'ils figurent au dossier, n'apparaissent pas conformes aux exigences de l'article D. 214-227 du code monétaire et financier qui dispose notamment : Le bordereau prévu au premier alinéa du V de l'article L. 214-169 comporte les énonciations suivantes : […'] 4° La désignation ou l'individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d'y pourvoir, par exemple l'indication du débiteur ou du type de débiteurs, des actes ou des types d'actes dont les créances sont ou seront issues, du lieu de paiement, du montant des créances ou de leur évaluation et, s'il y a lieu, de leur échéance. La désignation ou l'individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d'y pourvoir peuvent figurer sur un ou des fichiers pouvant le cas échéant prendre la forme électronique, dès lors que ce ou ces fichiers sont remis ou transmis par le cédant au cessionnaire au plus tard le jour de la remise du bordereau et que le bordereau fait référence à ce ou ces fichiers. Ce ou ces fichiers sont alors réputés faire partie intégrante du bordereau. Lorsque la transmission des créances cédées est effectuée par un procédé informatique permettant de les identifier, le bordereau peut se borner à indiquer, outre les mentions prévues aux 1°, 2° et 3°, le moyen par lequel elles sont transmises, désignées ou individualisées ainsi que l'évaluation de leur nombre global. » Attendu qu'il résulte en effet de ce texte que si l'acquisition ou la cession de créances dans le cadre d'une opération de titrisation peut s'effectuer par la seule remise d'un bordereau sans autre formalité, c'est à la condition que ce bordereau réponde à l'exigence d'identification incontestable des créances cédées ; Attendu que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque le bordereau tiré du fichier électronique, censé représenter les créances détenues contre les époux [O] est ainsi rédigé : » ID Ligne ID Client ID Opération ID Créance 239 3088068 3091144 300008000004048 240 3088068 3091146 300008000004050 Or attendu que ces seules indications chiffrées ne sont nullement propres à permettre d'identifier la dette des époux [O] ; en effet ni la nature de la créance ni son montant n'y figurent, pas plus que le nom des débiteurs, ce qui serait tout de même la moindre des choses ; si l'on retrouve le numéro 300008000004048 sur les deux lettres « information cession » des 4, 15 et 28 janvier 2019, par contre le numéro 300008000004050 n'y figure pas, de sorte que si l'on comprend bien, ce relevé tiré d'un fichier informatique mettrait au compte des époux [O] non pas une mais deux créances, non identifiables, alors que selon les termes clairs des lettres d'information une seule créance est cédée, étant précisé que le numéro de client « 3088068 » censé, selon la banque, représenter les époux [O] ne figure pas non plus sur ces lettres ; Attendu que l'ambiguïté s'interprète toujours en faveur du débiteur ; Attendu que l'acte de « cession de créances réitératif » daté du 3 septembre 2019, produit in fine au dossier, n'est qu'une preuve faite tardivement à soi-même ; Attendu que dans ces conditions le jugement doit être infirmé sans qu'il soit nécessaire d'aller plus avant dans l'examen des moyens ; qu'en conséquence il y aura lieu d'annuler le commandement et d'ordonner la radiation des inscriptions, comme précisé ci-après dans le dispositif » ; 1°) ALORS QUE conformément aux articles L. 214-169 et D. 214-227 du code monétaire et financier, la cession des créances s'effectue par la seule remise d'un bordereau, qui doit comporter « la désignation ou l'individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d'y pourvoir », sans qu'aucun formalisme ne soit imposé ; que cette exigence peut être satisfaite au moyen de références chiffrées, dès lors que celles-ci permettent d'identifier, de manière certaine, les créances cédées ; qu'en affirmant que les seules indications chiffrées figurant sur le bordereau ne seraient pas propres à permettre d'identifier la dette des époux [O], sans rechercher, comme elle y était invitée, si, d'une part, les numéros de créances « 300008000004048 » et « 300008000004050 » ne renvoyaient pas aux références des deux prêts consentis aux époux [O], qui figuraient sur les offres de prêts, les tableaux d'amortissement et l'ensemble des courriers adressés par la banque aux époux [O], d'autre part, le numéro de client « 3088068 » ne figurait pas déjà, quant à lui, sur les tableaux d'amortissement et certains courriers adressés par la banque aux époux [O], et si, en conséquence, ces références chiffrées ne permettaient pas aux époux [O] d'identifier les créances cédées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 214-169 et D. 214-227 du code monétaire et financier ; 2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE conformément aux articles L. 214-169 et D. 214-227 du code monétaire et financier, la cession des créances s'effectue par la seule remise d'un bordereau, qui doit comporter « la désignation ou l'individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d'y pourvoir », sans qu'aucune mention obligatoire ne soit exigée ; qu'en relevant que les indications chiffrées figurant sur le bordereau ne seraient pas propres à permettre d'identifier la dette des époux [O] car « ni la nature de la créance ni son montant n'y figurent, pas plus que le nom des débiteurs, ce qui serait tout de même la moindre des choses », cependant qu'aucune de ces indications ne constitue une mention obligatoire du bordereau et que rien ne s'oppose à ce que l'identification des créances soit effectuée au moyen de références chiffrées, la cour d'appel a violé les articles L. 214-169 et D. 214-227 du code monétaire et financier ; 3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE conformément à l'article L. 214-169 du code monétaire et financier, la cession des créances prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, sans qu'il soit besoin d'autre formalité et sans qu'il soit, en particulier, nécessaire d'informer le cessionnaire ; qu'ainsi, lorsque la cession porte sur deux créances, la simple circonstance que les lettres d'informations adressées au débiteur cédé ne visent que le numéro de l'une de ces créances est, en elle-même, sans incidence sur la régularité du bordereau au regard des exigences de l'article D. 214-227 du code monétaire et financier ; qu'en relevant que les lettres d'information adressées aux époux [O] en janvier 2019 ne mentionneraient que le numéro « 30008000004048 » et non le numéro « 3008000004050 », « de sorte que, si l'on comprend bien, ce relevé informatique mettrait au compte des époux [O] deux créances », « alors que selon les termes clairs des lettres d'information une seule créance est cédée », la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à justifier en quoi le bordereau ne satisferait pas aux exigences de l'article D. 214-227, 4°, du code monétaire et financier et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 214-169 et D. 214-227 du même code ; 4°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'acte de cession de créances réitératif du 3 septembre 2019 est un acte signé à la fois par un représentant de la société Eurotitrisation et par un représentant du Crédit immobilier de France Développement, et non un acte établi unilatéralement par la première ; qu'en relevant que cet acte ne serait qu'une « preuve faite tardivement à soi-même », la cour d'appel l'a dénaturé, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 5°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en statuant ainsi, sans justifier en quoi cet acte, pourtant signé à la fois par un représentant de la société Eurotitrisation et par un réprésentant du Crédit immobilier de France Développement, constituerait une preuve faite à soi-même, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1363 du code civil ; 6°) ALORS, TRES SUBSIDIAIREMENT, QUE la validité du commandement de payer valant saisie doit s'apprécier à la date de sa signification ; que la circonstance que les créances invoquées dans ce commandement aient fait ultérieurement l'objet d'une cession, fût-elle irrégulière, demeure donc sans incidence sur la validité de ce commandement ; qu'en se bornant à relever, après avoir retenu que « les éléments » de la cession de créances intervenue entre le Crédit immobilier de France Développement et le « FCT Crédinvest » ne seraient pas conformes aux exigences de l'article D. 214-227 du code monétaire et financier, « qu'en conséquence il y aura lieu d'annuler le commandement » aux fins de saisie immobilière du 2 mars 2018, délivré par la société Crédit immobilier de France Développement, sans préciser sur quel fondement juridique elle prononçait une telle annulation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 12 du code de procédure civile ; 7°) ALORS, TRES SUBSIDIAIREMENT, QUE la circonstance que la créance garantie par une inscription de privilège de prêteur de deniers ait fait l'objet d'une cession, fût-elle irrégulière, est sans incidence sur la régularité et la validité de l'inscription faite, à l'origine, par le créancier initial ; qu'en relevant, après avoir retenu que « les éléments » de la cession de créances intervenue entre le Crédit immobilier de France Développement et le « FCT Crédinvest » ne seraient pas conformes aux exigences de l'article D. 214-227 du code monétaire et financier, qu'en conséquence, il y avait lieu d'ordonner la radiation des inscriptions de privilège de prêteur de deniers prises le 5 septembre 2002, sans préciser sur quel fondement juridique elle ordonnait la radiation de ces inscriptions, la cour n'a pas satisfait aux exigences de l'article 12 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article L. 214-169 du code monétaire et financier dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, l'acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s'effectue par la seule remise d'un bordereau. Si ce bordereau doit comporter, en application du 4° de l'article D. 214-227 du même code, la désignation ou l'individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d'y pourvoir, l'indication de la nature et du montant de ces créances et le nom du débiteur ne constituent pas des mentions devant obligatoirement y figurer et l'identification de ces créances peut intervenir au moyen de références chiffrées
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COMM. SMSG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 343 FS-B+R Pourvoi n° P 20-14.352 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MAI 2022 1°/ Mme [P] [O], veuve [R], domiciliée [Adresse 5], 2°/ M. [D] [R], domicilié [Adresse 4], 3°/ Mme [G] [R], domiciliée [Adresse 2], 4°/ Mme [N] [R], domiciliée [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° P 20-14.352 contre l'ordonnance en la forme des référés rendue le 12 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Blois, dans le litige les opposant : 1°/ à la société du Connil, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la société Logex Centre Loire, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de Mme [P] [O], veuve [R], de M. [D] [R] et de Mmes [G] et [N] [R], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société du Connil et de la société Logex Centre Loire, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Daubigney, Fèvre, Ducloz, conseillers, Mmes de Cabarrus, Lion, Lefeuvre, Tostain, MM. Boutié, Gillis, Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le président d'un tribunal de grande instance (Blois, 12 novembre 2019), et les productions, [X] [R] et son épouse, Mme [O], étaient associés au sein de la société civile immobilière du Connil (la SCI du Connil), constituée entre une société d'expertise-comptable, la société Logex, et ses membres ou anciens membres. A la suite de sa condamnation par un tribunal correctionnel pour diverses infractions, [X] [R] a été exclu de la société Logex dont il était associé, le 15 décembre 1995. Concomitamment, son épouse, Mme [O], a été licenciée par cette société pour faute lourde. 2. Une sentence arbitrale prononcée le 16 août 1996 a statué sur les conséquences de l'exclusion de [X] [R] de la société Logex, et a notamment fixé la valeur nette de la SCI du Connil à une valeur négative de 40 627 francs. Puis, en application d'une délibération de l'assemblée générale de la SCI du Connil du 25 juin 1997, [X] [R] et son épouse se sont vu proposer le rachat de leurs parts au prix de un franc. 3. Par un arrêt du 29 mars 2001, une cour d'appel a notamment dit que [X] [R] et son épouse avaient perdu de plein droit la qualité d'associés de la SCI du Connil du fait de leur départ de la société Logex, qu'ils étaient privés de tout droit d'associés, et a renvoyé les parties, pour l'évaluation de leurs droits sociaux dans la SCI du Connil, à suivre la procédure prévue par l'article 1843-4 du code civil. 4. Le 10 février 2009, [X] [R] et son épouse ont assigné la SCI du Connil devant le président d'un tribunal de grande instance sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil aux fins de désignation d'un expert pour fixer la valeur de leurs droits sociaux. 5. Par une ordonnance du 5 mai 2009, le président du tribunal, statuant en la forme des référés, les a déclarés irrecevables en leur demande après avoir constaté que la valeur des parts sociales avait été fixée par la sentence arbitrale du 16 août 1996, et qu'ils avaient accepté cette évaluation. 6. Le 4 juin 2014, [X] [R] est décédé en laissant pour lui succéder son épouse et leurs enfants, M. [D] [R] et Mmes [G] et [N] [R]. 7. Le 29 mai 2019, Mme [P] [O], M. [D] [R] et Mmes [G] et [N] [R] (les consorts [R]), agissant en leur qualité d'ayants droit de [X] [R], ont à nouveau assigné la SCI du Connil aux mêmes fins et devant la même juridiction. Recevabilité du pourvoi contestée par la défense 8. Selon l'article 1843-4 du code civil, la décision par laquelle le président du tribunal procède à la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux est sans recours possible. 9. La Cour de cassation juge qu'il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d'excès de pouvoir (Com., 15 mai 2012, n° 11-12.999, Bull. N° 103 ; 2e Civ., 7 juin 2018, n° 17-18.722, Bull. N° 114) et elle déclare irrecevables les recours dans lesquels une simple erreur de droit est invoquée (Com., 15 mai 2012, n° 11-17.866, Bull. N° 98 ; Com., 7 juill. 2020, n° 18-18.190). 10. Jusqu'à présent, elle appliquait cette solution même lorsque le recours était formé contre une décision rejetant la demande de désignation d'un expert (Com., 11 mars 2008, n° 07-13.189, Bull. N° 62). 11. Toutefois, cette unité de régime n'est pas exigée par la lettre du texte et ce n'est que lorsque le président désigne un expert que l'objectif de célérité poursuivi par le législateur commande l'absence de recours. 12. Dès lors, afin d'éviter de placer les parties face à une situation de blocage dans le cas où le président refuse de désigner un expert pour quelque cause que ce soit, il apparaît nécessaire de leur reconnaître le droit de relever appel de cette décision. 13. La jurisprudence considérait, en outre, qu'en cas d'annulation d'une décision de première instance refusant de désigner un expert, la cour d'appel ne pouvait désigner elle-même cet expert (Com., 10 octobre 2018, pourvoi n° 16-25.076). 14. Cette limitation apportée au pouvoir de la cour d'appel, cohérente avec un appel-nullité, n'a plus lieu d'être dès lors qu'un appel, voie de réformation, est ouvert aux parties en cas de refus de désignation. En ce cas, au terme d'un réexamen complet des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel pourra, si elle décide d'infirmer l'ordonnance qui lui est déférée, désigner elle-même un expert, et ce, par une décision sans recours possible, sauf excès de pouvoir. La reconnaissance d'un tel pouvoir de désignation au juge d'appel contribuera à l'efficacité et à la célérité du dispositif. 15. L'ordonnance attaquée ayant, en l'espèce, déclaré irrecevable comme se heurtant à l'autorité de chose jugée la demande de désignation d'un expert, il s'ensuit que cette décision, qui n'a pas désigné un expert, est susceptible de recours et qu'elle aurait dû être déférée à la cour d'appel. 16. Toutefois, l'application à cette instance de la règle issue du présent revirement de jurisprudence, qui devrait conduire à déclarer irrecevable le pourvoi au motif qu'il n'est pas dirigé contre une décision rendue en dernier ressort, aboutirait à priver les consorts [R], qui ne pouvaient ni connaître ni prévoir, à la date où ils ont exercé leur pourvoi en cassation, la possibilité qui leur est désormais reconnue de former un appel d'une décision de refus de désignation d'un expert, d'un procès équitable au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 17. Il convient donc de déclarer le recours recevable. Examen du moyen Enoncé du moyen 18. Les consorts [R] font grief à l'ordonnance de les déclarer irrecevables en leur demande de désignation d'un expert en application de l'article 1843-4 du code civil, alors : « 1°/ que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en déclarant irrecevable l'action tendant à la nomination d'un expert afin de déterminer la valeur de parts sociales introduite par des héritiers en ce que, dans le cadre d'une précédente instance, une demande de même nature formée par le de cujus avait été déclarée irrecevable, sans rechercher, comme il y était invité, si les héritiers n'invoquaient pas des circonstances de fait nouvelles résultant, notamment, du décès de leur auteur et de la situation de blocage résultant de l'absence du moindre acte de cession des parts en litige et de tout versement de leur valeur, le président du tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil, devenu 1355 ; 2°/ que dans le cadre de leurs dernières écritures, les héritiers soutenaient que l'autorité de la chose jugée de la précédente ordonnance rendue le 5 mai 2009 ne pouvait leur être opposée dès lors que leur auteur n'avait pas été informé par la signification de la possibilité qui lui était ouverte de former un pourvoi pour excès de pouvoir à l'encontre de cette décision ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, le président du tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 19. Ayant constaté qu'une ordonnance en la forme des référés avait été rendue le 5 mai 2009, déclarant [X] [R] et son épouse irrecevables en leur demande de désignation d'un expert chargé, en application de l'article 1843-4 du code civil, de déterminer la valeur des droits sociaux qu'ils détenaient dans la SCI du Connil, le président du tribunal, après avoir relevé que la demande dont il était saisi était présentée par les mêmes parties agissant dans la même qualité, avait le même objet et se fondait sur la même cause, en a déduit qu'elle se heurtait à l'autorité de chose jugée relativement aux contestations que cette ordonnance avait tranchées, et l'a déclarée irrecevable en application des articles 1355 du code civil et 122 du code de procédure civile. 20. Le rachat des parts de [X] [R] n'étant pas la conséquence de son décès mais de son exclusion, et la situation de blocage invoquée préexistant à la première saisine du président du tribunal, celui-ci n'avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée par la première branche. 21. L'absence de mention d'une possibilité de recours dans la notification de l'ordonnance du 5 mai 2009, ne pouvant avoir de conséquences que sur le point de départ du délai d'exercice d'une voie de recours, et n'étant pas susceptible de faire échec à l'autorité de chose jugée attachée, en l'absence de recours, à cette décision, le président du tribunal n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes visées par la seconde branche. 22. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [P] [O], veuve [R], M. [D] [R] et Mmes [G] et [N] [R], en leur qualité d'ayants droit de [X] [R], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [P] [O], veuve [R], M. [D] [R] et Mmes [G] et [N] [R], en leur qualité d'ayants droit de [X] [R], et les condamne à payer à la société civile immobilière du Connil et à la société Logex Centre Loire la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour Mme [P] [O], veuve [R], M. [D] [R] et Mmes [G] et [N] [R]. Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR déclaré les demandeurs au pourvoi irrecevables en leur demande de désignation d'un expert en application de l'article 1843-4 du code civil et condamné à payer à la SCI du Connil la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE « l'article 122 du code de procédure civile dispose : Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; que l'article 492-1 du code de procédure civile dispose : A moins qu'il en soit disposé autrement, lorsqu'il est prévu que le juge statue comme en matière de référé ou en la forme des référés, la demande est formée, instruite et jugée dans les conditions suivantes : 1° Il est fait application des articles 485 à 487 et 490 ; 2° Le juge exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction au fond et statue par une ordonnance ayant l'autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu'elle tranche ; 3° L'ordonnance est exécutoire à titre provisoire, à moins que le juge en décide autrement ; que l'article 1355 du code civil dispose : L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'en l'espèce, une ordonnance en la forme des référés a été rendue le 5 mai 2009 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Blois et a déclaré [X] [R] et Mme [P] [O], veuve [R], irrecevables en leur demande tendant à la désignation d'un expert en application de l'article 1843-4 du code civil ; que l'ordonnance ayant été rendue en la forme des référés, elle a l'autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu'elle a tranchées, en l'occurrence la désignation d'un expert en application de l'article 1843-4 du code civil ; qu'au surplus, la chose demandée est la même : la désignation d'un expert en application de l'article 1843-4 du code civil ; que la demande est fondée sur la même cause : la détermination de la valeur des parts sociales détenues par [X] [R] et Mme [P] [O], veuve [R], dans la SCI du Connil afin de permettre leur mise en vente ; que la demande était entre les mêmes parties et formées par elles et contre elles : en demande, [X] [R], aux droits duquel viennent M. [D] [R], Mme [G] [R] et Mme [N] [R], et Mme [P] [O], veuve [R] ; en défense, la SCI du Connil ; que par suite, il ne saurait être de nouveau statué sur cette demande ; qu'en conséquence, Mme [P] [O], veuve [R], M. [D] [R], Mme [G] [R] et Mme [N] [R], ès-qualités d'ayants-droit de [X] [R], seront déclarés irrecevables en leur demande » ; 1) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des évènements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en déclarant irrecevable l'action tendant à la nomination d'un expert afin de déterminer la valeur de parts sociales introduite par des héritiers en ce que, dans le cadre d'une précédente instance, une demande de même nature formée par le de cujus avait été déclarée irrecevable, sans rechercher, comme il y était invité, si les héritiers n'invoquaient pas des circonstances de fait nouvelles résultant, notamment, du décès de leur auteur et de la situation de blocage résultant de l'absence du moindre acte de cession des parts en litige et de tout versement de leur valeur, le président du tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil, devenu 1355 ; 2) ALORS QUE, dans le cadre de leurs dernières écritures (p. 8, dernier § et s.), les héritiers soutenaient que l'autorité de la chose jugée de la précédente ordonnance rendue le 5 mai 2009 ne pouvait leur être opposée dès lors que leur auteur n'avait pas été informé par la signification de la possibilité qui lui était ouverte de former un pourvoi pour excès de pouvoir à l'encontre de cette décision ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, le président du tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile.
La décision par laquelle le président du tribunal, saisi en application de l'article 1843-4 du code civil, refuse, pour quelque cause que ce soit et, notamment, en raison de l'autorité de chose jugée attachée à une précédente décision de refus, de désigner un expert est susceptible d'appel. En ce cas, au terme d'un réexamen complet des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel peut, si elle décide d'infirmer l'ordonnance qui lui est déférée, désigner elle-même un expert, et ce, par une décision sans recours possible, sauf excès de pouvoir
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SOC. ZB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Rejet Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 622 F-B Pourvoi n° K 21-11.478 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MAI 2022 M. [M] [T], domicilié [Adresse 1], [Localité 2], a formé le pourvoi n° K 21-11.478 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association [Adresse 5], dont le siège est [Adresse 4], [Localité 3], anciennement centre social et culturel [6], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. [T], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de l'association [Adresse 5], après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, Mme Pecqueur, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code d'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 décembre 2020), M. [T] a été engagé le 3 janvier 2000 par la fédération [6] en qualité de directeur. La relation de travail s'est ensuite poursuivie avec l'association de gestion du centre social et culturel [6], devenue l'association [Adresse 5]. 2. Le salarié a été licencié le 20 janvier 2017 pour insuffisance professionnelle. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande d'heures supplémentaires présentée pour la première fois en cause d'appel, alors « que ne constituent pas des demandes nouvelles les demandes qui sont l'accessoire la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge ; que la cour d'appel a énoncé que la demande d'heures supplémentaires n'était ni l'accessoire ni la conséquence ni le complément des prétentions soumises au conseil de prud'homme et qu'il n'était pas suffisant que M. [T] soutienne à l'appui de sa demande d'heures supplémentaires qu'il n'était pas cadre dirigeant alors qu'il avait fondé sa demande d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail sur le retrait d'attributions et d'autonomie ; qu'en statuant de la sorte alors que la perte d'autonomie et le retrait d'attributions avaient pour conséquence la perte du statut de cadre dirigeant et en conséquence le droit au paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article 564 et l'article 566 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. 6. La cour d'appel, qui a constaté que les demandes formées par le salarié devant les premiers juges étaient limitées à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail, en a exactement déduit que la demande au titre du paiement des heures supplémentaires formulée pour la première fois en appel n'était pas l'accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire des prétentions originaires et qu'elle était irrecevable. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. [T] PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande d'heures supplémentaires présentée pour la première fois en cause d'appel Alors que ne constituent pas des demandes nouvelles les demandes qui sont l'accessoire la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge ; que la Cour d'appel a énoncé que la demande d'heures supplémentaires n'était ni l'accessoire ni la conséquence ni le complément des prétentions soumises au conseil de prud'homme et qu'il n'était pas suffisant que Monsieur [T] soutienne à l'appui de sa demande d'heures supplémentaires qu'il n'était pas cadre dirigeant alors qu'il avait fondé sa demande d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail sur le retrait d'attributions et d'autonomie ; qu'en statuant de la sorte alors que la perte d'autonomie et le retrait d'attributions avaient pour conséquence la perte du statut de cadre dirigeant et en conséquence le droit au paiement d'heures supplémentaires, la Cour d'appel a violé l'article 564 et l'article 566 du code de procédure civile DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à la Cour d'appel d'avoir débouté Monsieur [T] de sa demande aux fins d'annulation de l'avertissement en date du 12 mars 2015 Alors qu'une sanction disciplinaire ne peut être prononcée qu'en raison des faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l'employeur ; que sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise de sa liberté d'expression ; que l'abus du salarié de sa liberté d'expression suppose l'emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs ; que la Cour d'appel qui a décidé que les propos tenus par Monsieur [T] étaient excessifs , et s'est bornée à énoncer qu'à la suite de sa plainte de février 2015 contre une salariée, Monsieur [T] avait manifestement eu un échange animé avec la présidente puisque dans un message du 25 février 2015, il avait regretté que son agacement ait pu être perçu comme une agression, sans préciser quels étaient les propos jugés excessifs n'a pas justifié sa décision au regard des articles L 1331-1, L 1333-2 L 1121-1 du code du travail ensemble l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales TROISIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement était justifié par l'insuffisance professionnelle du salarié et d'avoir en conséquence débouté Monsieur [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 1° Alors que l'insuffisance professionnelle ne présente pas de caractère fautif de sorte qu'un même fait ne peut être à la fois qualifié de fautif et relever de l'insuffisance professionnelle ; que la Cour d'appel qui a énoncé que le terme de manquement figurant dans une lettre de licenciement pouvait s'appliquer indifféremment à des faits fautifs et à des faits d'insuffisance professionnelle, et que les faits énoncés au titre du management contraire aux valeurs de l'association, pouvaient être rattachés à une insuffisance professionnelle, a considéré que les faits fautifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement pouvaient constituer une insuffisance professionnelle et a violé les articles L 1331-1 et L 1232-6 du code du travail 2° Alors que lorsque la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige invoque des erreurs persistantes du salarié procédant d'une mauvaise volonté délibérée, cette lettre ne fait pas état d'une insuffisance professionnelle mais de manquements du salarié à ses obligations à l'égard de l'employeur de sorte que le licenciement présente un caractère disciplinaire ; que la Cour d'appel qui a relevé que la lettre de licenciement énonçait que le licenciement était prononcé en raison d'un ensemble de faits et en l'absence de volonté du salarié de modifier son comportement, et qui a décidé que le licenciement avait été prononcé pour insuffisance professionnelle a violé les articles L 1331-1 et L 1232-6 du code du travail 3° Alors que les faits qui ont fait l'objet d'un avertissement constituent des manquements qui ne peuvent justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle ; que la Cour d'appel qui a notamment retenu au titre de l'insuffisance professionnelle, des faits de discrimination et de paiement tardif du salaire à une salariée, ayant précédemment fait l'objet d'un avertissement, a violé les articles L 1331-1 et L 1232-1 du code du travail 4° Alors que les faits d'insuffisance professionnelle invoqués dans la lettre de licenciement ne justifient le licenciement que s'ils sont imputables au salarié et ne résultent pas d'agissements de l'employeur ; que la Cour d'appel qui n'a pas recherché comme cela lui était demandé si les faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement n'étaient pas imputables à l'employeur n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L 1232-1 du code du travail
Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. Est irrecevable en appel la demande au titre du paiement des heures supplémentaires dès lors que cette demande n'est pas l'accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire des demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail formées par le salarié devant les premiers juges
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 539 F-B Pourvoi n° M 20-16.351 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 M. [P] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 20-16.351 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2020 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [O], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mars 2020), alors qu'il traversait à un passage piéton au Maroc, M. [O], athlète professionnel, a été renversé par une motocyclette dont le conducteur n'a pas été identifié. Il a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions pour obtenir réparation, notamment, d'un préjudice exceptionnel de renonciation à un « métier passion » et d'une perte de chance d'être sélectionné et de participer aux Jeux olympiques. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 3. M. [O] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 25 octobre 2018 en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation au titre du préjudice exceptionnel lié à la perte de chance de « pratiquer un métier passion » et, en conséquence, de limiter la somme globale que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) est tenu de lui verser à la somme de 1 019 268,92 euros, avant déduction des sommes déjà payées à titre provisionnel, alors : « 1°/ qu'est réparable le préjudice permanent exceptionnel correspondant à un préjudice exceptionnel atypique, en lien avec un handicap permanent qui prend une résonance toute particulière pour certaines victimes, soit en raison de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable ; qu'est réparable à ce titre le préjudice moral exceptionnel lié à l'abandon brutal du métier hors du commun d'athlète professionnel ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'indemnisation de la victime de ce préjudice, que la disqualification de son statut professionnel tenant à l'impossibilité de reprendre son activité d'athlète professionnel et à sa seule aptitude à reprendre un poste sédentaire était déjà réparée par les sommes allouées au titre des pertes de gains professionnels, quand ce poste de préjudice répare uniquement le préjudice purement patrimonial et non le préjudice moral lié à la perte d'un statut professionnel hors du commun, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ; 2°/ qu'est réparable le préjudice permanent exceptionnel correspondant à un préjudice exceptionnel atypique, en lien avec un handicap permanent qui prend une résonance toute particulière pour certaines victimes, soit en raison de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable ; qu'est réparable à ce titre le préjudice moral exceptionnel lié à l'abandon brutal du métier hors du commun d'athlète professionnel ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'indemnisation de la victime de ce préjudice, que la disqualification de son statut professionnel était déjà réparée par les sommes allouées au titre de l'incidence professionnelle, quand il résultait de ses propres constatations que ce poste d'indemnisation réparait seulement les incidences professionnelles du dommage tenant à la nécessité de se reconvertir dans un métier sédentaire, à la pénibilité à exercer ce métier ou encore à sa dévalorisation sur le marché du travail et non le préjudice moral lié au renoncement à un métier hors du commun, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ; 3°/ qu'est réparable le préjudice permanent exceptionnel correspondant à un préjudice exceptionnel atypique, en lien avec un handicap permanent qui prend une résonance toute particulière pour certaines victimes, soit en raison de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable ; qu'est réparable à ce titre le préjudice moral exceptionnel lié à l'abandon brutal du métier hors du commun d'athlète professionnel ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'indemnisation de la victime lié à l'arrêt involontaire d'un métier passion, que la réparation de ce préjudice était déjà assurée au travers de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent dès lors que le retentissement psychologique et psychiatrique inclus dans l'évaluation du taux de déficit fonctionnel permanent tenait compte de l'impact de l'arrêt de sa carrière de sportif lié à l'accident dans les séquelles psychiatriques, cependant que les souffrances morales inclus dans le poste de déficit fonctionnel permanent n'incluaient pas celles liées à l'abandon d'un métier hors du commun, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ; 4°/ qu'est réparable le préjudice permanent exceptionnel correspondant à un préjudice exceptionnel atypique, en lien avec un handicap permanent qui prend une résonance toute particulière pour certaines victimes, soit en raison de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable ; qu'est réparable à ce titre le préjudice moral exceptionnel lié à l'abandon brutal du métier hors du commun d'athlète professionnel ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour rejeter la demande d'indemnisation de la victime lié à l'arrêt involontaire d'un métier passion, à énoncer que le caractère distinct de ce préjudice au regard de ceux réparés au titre du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique définitif n'était pas établi, sans expliquer en quoi le préjudice lié à l'abandon brutal du métier hors du commun d'athlète professionnel serait susceptible d'être réparé au travers des indemnités versées au titre des préjudices d'agrément et esthétique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. » Réponse de la Cour 4. Pour rejeter la demande d'indemnisation du préjudice exceptionnel résultant, pour lui, de la renonciation à exercer un « métier passion », après avoir constaté, d'une part, que si M. [O], qui était un athlète professionnel, ne peut reprendre ses anciennes activités sportives, ce préjudice est réparé par les sommes allouées au titre des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle, d'autre part, que la réparation du retentissement psychologique et psychiatrique de l'abandon forcé de sa carrière sportive est assurée au travers de l'indemnisation du déficit permanent, c'est, sans encourir les griefs du moyen, que la cour d'appel a jugé que M. [O] ne justifiait pas de l'existence d'un préjudice permanent exceptionnel distinct de ses préjudices après consolidation qui ont été réparés au titre de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent. 5. Le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus. Mais sur le second moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 6. M. [O] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation au titre du préjudice exceptionnel lié à la perte de chance de participer aux Jeux olympiques et, en conséquence, de limiter la somme globale que le FGTI est tenu de lui verser à la somme de 1 019 268,92 euros, avant déduction des sommes déjà payées à titre provisionnel, alors « que toute perte de chance ouvre droit à réparation ; qu'en l'espèce, pour le débouter de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice exceptionnel tenant à la perte d'une chance de participer aux Jeux olympiques, la cour d'appel a retenu qu'il n'établissait pas, comme il lui incomberait, qu'il avait une chance sérieuse d'y participer, faute de justifier qu'en poursuivant sa carrière, il aurait eu une chance sérieuse d'atteindre un temps de 3,38 mn pour le 1 500 mètres alors que son meilleur temps était jusqu'alors de 3,42 mn ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas constaté l'absence de probabilité pour la victime d'atteindre le temps requis et d'être ainsi sélectionné pour les Jeux olympiques, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 7. Pour rejeter la demande de M. [O] d'être indemnisé de son préjudice résultant de la perte de chance d'être sélectionné et de participer aux Jeux olympiques, l'arrêt, après avoir constaté qu'il avait participé à des championnats juniors et à des courses de sélection catégorie espoirs, n'était qu'au début de sa carrière, relève qu'il n'apporte aucun démenti à l'affirmation du FGTI selon laquelle son meilleur temps sur 1 500 mètres se situait à 4 secondes de celui permettant de participer aux Jeux olympiques de [Localité 4], ni ne fournit aucune explication permettant de penser qu'il aurait pu atteindre un tel temps s'il avait pu poursuivre sa carrière et en déduit qu'il ne rapporte pas la preuve d'une chance sérieuse de participer aux Jeux olympiques. 8. En statuant ainsi, alors que toute perte de chance ouvre droit à réparation, la cour d'appel, qui a exigé de la victime qu'elle démontre l'existence de la perte d'une chance sérieuse de participer aux Jeux olympiques, a violé le texte et le principe susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement du 25 octobre 2018 en ce que, d'une part, il rejette la demande d'indemnisation du préjudice exceptionnel résultant de la perte de chance de participer aux Jeux olympiques, d'autre part, dit que le Fonds de garantie est tenu de verser à M. [O] la somme de 1 019 268,92 euros, avant déduction des sommes déjà payées à titre provisionnel, l'arrêt rendu le 19 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. [O] PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du 25 octobre 2018 en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation présentée par M. [O] au titre du préjudice exceptionnel lié à la perte de chance de « pratiquer un métier passion » et d'AVOIR, en conséquence, limité la somme globale que le FGTI est tenu de lui verser à 1 019 268,92 €, avant déduction des sommes déjà payées à titre provisionnel ; AUX MOTIFS QUE M. [O] reproche à la CIVI d'avoir écarté ce chef de préjudice ; qu'il fait valoir que le sport de haut niveau n'est ni un métier, ni un loisir, mais une pratique d'excellence, une passion nourrie d'efforts et que son arrêt induit une remise en question de l'ensemble des domaines constitutifs de l'existence même du sportif ; qu'il prétend subir une disqualification de son statut professionnel qui le valorisait sur le plan narcissique et en faisait un individu exceptionnel sur le plan social ; qu'il invoque également les modifications corporelles suscitées par l'arrêt de l'entraînement, qui entraînent une baisse de l'estime de soi ; qu'il argue aussi des circonstances d'une particulière violence de l'accident, M. [O] disant avoir vu sa jambe, sans peau, sans os, sans muscle, qui pendait ; que l'arrêt brutal de ce « métier passion » justifie selon M. [O] une indemnité de 500 000 euros ; que le fond de garantie réplique que la CIVI a, à juste titre, considéré que les préjudices allégués étaient déjà indemnisés au titre de l'incidence professionnelle, des souffrances endurées et du déficit permanent sans justification d'un préjudice distinct ; que le préjudice permanent exceptionnel vise à indemniser, à titre exceptionnel, un préjudice extra-patrimonial permanent particulier soit à raison de la nature de la victime, soit du fait des circonstances ou de la nature de l'accident, qui ne serait pas indemnisé par un autre biais ; qu'au cas particulier, M. [O] se plaint d'une disqualification de son statut professionnel ; que comme déjà indiqué, il résulte du rapport d'expertise que M. [O] qui était un athlète professionnel ne peut reprendre les activités sportives qu'il pratiquait avant, étant désormais apte à un travail sédentaire, mais ce préjudice est d'ores et déjà réparé par les sommes allouées au titre des pertes de gains et de l'incidence professionnelle ; que ses développements concernant sa dévalorisation sur le plan de son identité sociale ne peuvent être suivis ; qu'en effet, il importe de rappeler au vu des pièces versées aux débats que lors de l'accident, M. [O] était au début de sa carrière de sportif, ayant participé à des championnats junior et à des courses de sélection dans la catégorie espoirs, de sorte que l'allégation selon laquelle il aurait perdu une position sociale prestigieuse n'apparaît pas fondée ; que de plus, les arguments énoncés par M. [O] constituent pour l'essentiel la reprise d'un article à caractère général intitulé « l'arrêt de carrière sportive de haut niveau : un phénomène dynamique et multidimensionnel » alors que l'évaluation du préjudice de la victime doit se faire in concreto ; que de même ses développements concernant la perte de l'estime de soi liée à l'abandon forcé de sa carrière sportive sont largement inspirés de cet article ; qu'en tout état de cause, le retentissement psychologique et psychiatrique inclus dans l'évaluation du taux de déficit fonctionnel permanent tient compte, comme le montrent les pièces psychiatriques citées par le docteur [Y], notamment le bilan de Mme [E], psychologue clinicienne, qui souligne l'impossibilité pour M. [O] de « se construire sereinement en adéquation aux projets constructifs qu'il a eus et qu'il ne peut plus mettre en oeuvre », de l'impact de l'arrêt de sa carrière de sportif lié à l'accident dans les séquelles psychiatriques de celui-ci ; et que la réparation de ce préjudice est assurée au travers de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent ; qu'en définitive, M. [O] ne justifie pas, au regard du profil qui était le sien avant l'accident, de l'existence d'un préjudice exceptionnel distinct des préjudices après consolidation qui ont été réparés au titre de l'incidence professionnelle, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique définitif ; qu'enfin, s'il n'est pas contestable que le fait dommageable a été particulièrement traumatique pour M. [O] tant sur le plan physique que psychique, la cour se doit de souligner que ses circonstances ne sont pas exceptionnelles, s'agissant d'un accident de la circulation pour lequel le préjudice résultant notamment de la vue de son propre membre avec perte osseuse et cutanée est d'ores et déjà réparé par la somme allouée au titre des souffrances endurées ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ; ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QU'il est demandé à ce titre une somme de 500 000 euros ; qu'il convient de rappeler qu'aux termes de la jurisprudence, le préjudice permanent exceptionnel s'entend d'un préjudice distinct des souffrances endurées, ou du déficit fonctionnel permanent, et se définit par un préjudice particulier, se rencontrant notamment dans le domaine des catastrophes industrielles ou des attentats ; que pour malheureuse que soit la situation dans laquelle M. [O] s'est trouvé après son accident, et la circonstance qu'il a dû abandonner une carrière qui lui tenait à coeur (le « métier passion » qu'il évoque), il ne démontre aucunement avoir subi à ce titre un préjudice distinct de l'incidence professionnelle, des souffrances endurées, ou du déficit fonctionnel permanent, qui puisse être indemnisé au titre d'un préjudice exceptionnel ; que la demande à ce titre sera en conséquence rejetée ; 1) ALORS QU'est réparable le préjudice permanent exceptionnel correspondant à un préjudice exceptionnel atypique, en lien avec un handicap permanent qui prend une résonance toute particulière pour certaines victimes, soit en raison de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable ; qu'est réparable à ce titre le préjudice moral exceptionnel lié à l'abandon brutal du métier hors du commun d'athlète professionnel ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'indemnisation de la victime de ce préjudice, que la disqualification de son statut professionnel tenant à l'impossibilité de reprendre son activité d'athlète professionnel et à sa seule aptitude à reprendre un poste sédentaire était déjà réparée par les sommes allouées au titre des pertes de gains professionnels, quand ce poste de préjudice répare uniquement le préjudice purement patrimonial et non le préjudice moral lié à la perte d'un statut professionnel hors du commun, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ; 2) ALORS QU'est réparable le préjudice permanent exceptionnel correspondant à un préjudice exceptionnel atypique, en lien avec un handicap permanent qui prend une résonance toute particulière pour certaines victimes, soit en raison de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable ; qu'est réparable à ce titre le préjudice moral exceptionnel lié à l'abandon brutal du métier hors du commun d'athlète professionnel ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'indemnisation de la victime de ce préjudice, que la disqualification de son statut professionnel était déjà réparée par les sommes allouées au titre de l'incidence professionnelle, quand il résultait de ses propres constatations que ce poste d'indemnisation réparait seulement les incidences professionnelles du dommage tenant à la nécessité de se reconvertir dans un métier sédentaire, à la pénibilité à exercer ce métier ou encore à sa dévalorisation sur le marché du travail et non le préjudice moral lié au renoncement à un métier hors du commun, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime; 3) ALORS QU'est réparable le préjudice permanent exceptionnel correspondant à un préjudice exceptionnel atypique, en lien avec un handicap permanent qui prend une résonance toute particulière pour certaines victimes, soit en raison de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable ; qu'est réparable à ce titre le préjudice moral exceptionnel lié à l'abandon brutal du métier hors du commun d'athlète professionnel ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'indemnisation de la victime lié à l'arrêt involontaire d'un métier passion, que la réparation de ce préjudice était déjà assurée au travers de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent dès lors que le retentissement psychologique et psychiatrique inclus dans l'évaluation du taux de déficit fonctionnel permanent tenait compte de l'impact de l'arrêt de sa carrière de sportif lié à l'accident dans les séquelles psychiatriques, cependant que les souffrances morales inclus dans le poste de déficit fonctionnel permanent n'incluaient pas celles liées à l'abandon d'un métier hors du commun, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ; 4) ALORS QU'est réparable le préjudice permanent exceptionnel correspondant à un préjudice exceptionnel atypique, en lien avec un handicap permanent qui prend une résonance toute particulière pour certaines victimes, soit en raison de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable ; qu'est réparable à ce titre le préjudice moral exceptionnel lié à l'abandon brutal du métier hors du commun d'athlète professionnel ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour rejeter la demande d'indemnisation de la victime lié à l'arrêt involontaire d'un métier passion, à énoncer que le caractère distinct de ce préjudice au regard de ceux réparés au titre du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique définitif n'était pas établi, sans expliquer en quoi le préjudice lié à l'abandon brutal du métier hors du commun d'athlète professionnel serait susceptible d'être réparé au travers des indemnités versées au titre des préjudices d'agrément et esthétique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du 25 octobre 2018 en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation présentée par M. [O] au titre du préjudice exceptionnel lié à la perte de chance de participer aux Jeux Olympiques et d'AVOIR, en conséquence, limité la somme globale que le FGTI est tenu de lui verser à 1 019 268,92 €, avant déduction des sommes déjà payées à titre provisionnel ; AUX MOTIFS QUE M. [O] invoque qu'il disposait d'une chance réelle et sérieuse de participer aux jeux olympiques de 2012 et 2016, justifiant une indemnisation à hauteur de la somme de 200 000 euros ; qu'il fait valoir qu'il ne s'agit pas de compenser une perte de revenus mais de réparer le préjudice lié à la perte de chance de prendre part à une compétition exceptionnelle ; que le fonds de garantie conclut à la confirmation du jugement ayant rejeté cette demande ; qu'il considère que la perte de chance n'est pas établie, compte tenu notamment des performances minimales exigées par la fédération non atteintes par M. [O] lors de l'accident ; qu'il appartient à M. [O] de prouver l'existence d'une perte de chance sérieuse de participer aux jeux olympiques ; qu'or, il résulte des énonciations précédentes que M. [O] n'était qu'au début de sa carrière, ayant participé à des championnats junior et à des courses de sélection dans la catégorie espoirs, et que la comparaison à laquelle il procède avec M. [G], athlète de sa génération qui a participé aux jeux olympiques, n'est pas pertinente ; que M. [O] n'apporte par ailleurs aucun démenti à l'affirmation du fonds de garantie selon lequel pour pouvoir participer aux jeux olympiques de [Localité 4], il fallait réaliser un temps de 3,38 mn pour le 1 500 mètres alors qu'il résulte de diverses pièces que son meilleur temps était de 3,42 mn ; qu'il ne fournit aucune explication permettant de penser qu'il aurait eu une chance sérieuse d'atteindre un tel temps s'il avait pu poursuivre sa carrière ; qu'en définitive, seul son entraîneur au sein du club d'[Localité 3] affirme que M. [O] a raté les jeux olympiques de [Localité 4] et qu'il était un des plus grands espoirs du demi fond français mais il a d'ores et déjà été relevé le caractère imprécis de cette allégation, émanant d'une personne ayant un intérêt évident à défendre M. [O], en qualité d'ancien entraîneur de celui-ci ; que du reste, la lettre signée de M. [H] au nom de la fédération française d'athlétisme ne fait pas état d'une possible participation de M. [O] aux jeux olympiques ; qu'en considération de ces éléments, la preuve d'une chance sérieuse de participer aux jeux olympiques pour M. [O] n'est pas rapportée et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef ; ALORS QUE toute perte de chance ouvre droit à réparation ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [O] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice exceptionnel tenant à la perte d'une chance de participer aux Jeux Olympiques, la cour d'appel a retenu qu'il n'établissait pas, comme il lui incomberait, qu'il avait une chance sérieuse d'y participer, faute de justifier qu'en poursuivant sa carrière, il aurait eu une chance sérieuse d'atteindre un temps de 3,38 mn pour le 1 500 mètres alors que son meilleur temps était jusqu'alors de 3,42 mn ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas constaté l'absence de probabilité pour la victime d'atteindre le temps requis et d'être ainsi sélectionné pour les Jeux Olympiques, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions est tenu de verser à M. [O] la somme de 1 019 268,92 euros, avant déduction des sommes déjà payées à titre provisionnel ; Alors qu'aux termes de l'article 706-4 du code de procédure pénale, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales se borne à allouer l'indemnité revenant à la victime ; qu'il n'appartient pas à la commission d'indemnisation de condamner le Fonds de garantie à payer l'indemnité allouée à la victime, lequel est tenu au versement de cette somme en application des articles 706-9, et R. 50-24 du code de procédure pénale ; qu'en disant que le Fonds de garantie est tenu de verser à M. [O] les sommes auxquelles elle avait évalué l'indemnité due à celui-ci, ce qui équivaut à une condamnation, la cour d'appel a violé les articles 706-4, 706-9, et R. 50-24 du code de procédure pénale.
Il résulte du principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit, que toute perte de chance ouvre droit à réparation. Viole ce principe une cour d'appel qui, pour rejeter la demande d'un athlète professionnel d'être indemnisé de son préjudice résultant de la perte de chance de participer aux Jeux olympiques, retient qu'il ne rapporte pas la preuve d'une chance sérieuse d'y participer
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 423 FS-B Pourvoi n° N 21-18.518 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 La société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 21-18.518 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant à Mme [E] [V], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [V], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 décembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 18-17.433), Mme [V] a souscrit auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF) un contrat d'assurance dommages-ouvrage portant sur la construction d'une maison individuelle. 2. La réception de l'ouvrage est intervenue le 8 février 2004. 3. Mme [V] a déclaré un sinistre à la MAF le 10 janvier 2012. 4. Par lettre du 12 mars 2012, la MAF a notifié à l'assurée un refus de garantie. 5. Mme [V] a assigné la MAF en référé-expertise, par acte du 11 mars 2014, puis au fond, après le dépôt du rapport de l'expert. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 6. La MAF fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme [V] diverses sommes au titre des travaux de reprise et des frais de maîtrise d'oeuvre, alors « que l'assureur dommages-ouvrage qui dénie sa garantie et n'indemnise pas l'assuré ne peut être subrogé dans les droits du maître d'ouvrage et exercer un recours contre les constructeurs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, pour écarter l'exception de subrogation opposée par la Maf aux demandes de Mme [V], que cette dernière avait déclaré le sinistre le 10 janvier 2012 alors qu'il subsistait, avant l'expiration de la garantie décennale le 8 février 2014, un délai permettant à l'assureur de respecter à son égard les obligations résultant des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances et ainsi de prendre une position de garantie ou de non garantie en toute connaissance de cause, puis d'exercer son recours subrogatoire contre les constructeurs, de sorte que c'était l'inaction de la Maf qui avait empêché la subrogation de s'opérer ; qu'en statuant ainsi, quand l'assureur dommages-ouvrage qui dénie sa garantie et n'indemnise par l'assuré n'est pas subrogé dans ses droits et ne peut agir contre les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, de sorte qu'il ne pouvait être reproché à la Maf de n'avoir exercé de recours contre les constructeurs avant l'expiration de la garantie décennale, la cour d'appel a violé l'article L. 121-12 du code des assurances, ensemble l'article 126 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 121-12, alinéas 1er et 2, du code des assurances et l'article 334 du code de procédure civile : 7. Il résulte du premier et du dernier de ces textes que l'assureur qui n'a pas indemnisé son assuré ne peut agir par subrogation mais est en droit d'appeler le responsable en garantie s'il est lui-même poursuivi. 8. Selon le deuxième, l'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur. 9. Pour rejeter l'exception de subrogation opposée par l'assureur, l'arrêt retient que l'assurée a déclaré le sinistre à l'assureur dans un délai lui permettant de prendre une position de garantie ou de non-garantie en toute connaissance de cause, puis d'exercer son recours subrogatoire contre les constructeurs et que c'est l'inaction de l'assureur, et non la délivrance de l'assignation en référé aux fins d'expertise postérieurement à l'expiration du délai décennal qui a empêché la subrogation de s'opérer. 10. Il ajoute que l'assureur avait des éléments lui permettant d'anticiper cette assignation puisque l'assurée avait maintenu ses réclamations et avait fait organiser une expertise amiable à laquelle la MAF avait été convoquée. 11. Il énonce, enfin, que l'assureur dommages-ouvrage, même non encore subrogé, est en droit d'assigner en responsabilité les constructeurs dans le délai de la garantie décennale s'il indemnise l'assuré avant que le juge ne statue. 12. En statuant ainsi, alors que l'assureur qui refuse sa garantie ne peut agir contre les responsables à titre subrogatoire ou les appeler en garantie avant d'avoir été lui-même poursuivi, de sorte que la MAF n'était pas privée de ses recours par son inaction mais par le fait de l'assurée, à laquelle il appartenait d'assigner l'assureur dans un délai lui permettant d'appeler les responsables en garantie ou, à défaut, d'assigner elle-même ces responsables pour préserver les recours de l'assureur, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions relatives aux demandes formées au titre du préjudice de jouissance et de la résistance abusive, l'arrêt rendu le 4 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne Mme [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour la société Mutuelle des architectes français Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Mutuelle des Architectes Français à payer à Mme [V] les sommes de 72 788,10 euros TTC, 5 823,04 euros TTC, 2 000 euros TTC, 8 745 euros TTC et 699,30 euros TTC au titre des travaux de reprise et des frais de maîtrise d'oeuvre ; 1/ Alors que l'assureur dommages-ouvrage est fondé à opposer l'exception de subrogation à l'assuré qui l'a assigné en référé expertise après l'expiration du délai de garantie décennale sans avoir au préalable préservé ses recours contre les constructeurs, privant ainsi cet assureur de tout recours contre les constructeurs responsables et leurs assureurs, ce alors que le refus de garantie avait été notifié près de deux ans avant cette assignation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rejeté l'exception de subrogation opposée par la Maf, alors que Mme [V] avait déclaré le sinistre le 10 janvier 2012, que le refus de garantie lui avait été opposé par la Maf le 12 mars 2012, que le délai de garantie décennale expirait le 8 février 2014 et que Mme [V] a attendu le 11 mars 2014 pour assigner la Maf en référé-expertise, sans avoir préalablement préservé ses recours contre les constructeurs ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 121-12 du code des assurances ; 2/ Alors que l'assureur dommages-ouvrage qui dénie sa garantie et n'indemnise pas l'assuré ne peut être subrogé dans les droits du maître d'ouvrage et exercer un recours contre les constructeurs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, pour écarter l'exception de subrogation opposée par la Maf aux demandes de Mme [V], que cette dernière avait déclaré le sinistre le 10 janvier 2012 alors qu'il subsistait, avant l'expiration de la garantie décennale le 8 février 2014, un délai permettant à l'assureur de respecter à son égard les obligations résultant des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances et ainsi de prendre une position de garantie ou de non garantie en toute connaissance de cause, puis d'exercer son recours subrogatoire contre les constructeurs, de sorte que c'était l'inaction de la Maf qui avait empêché la subrogation de s'opérer ; qu'en statuant ainsi, quand l'assureur dommages-ouvrage qui dénie sa garantie et n'indemnise par l'assuré n'est pas subrogé dans ses droits et ne peut agir contre les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, de sorte qu'il ne pouvait être reproché à la Maf de n'avoir exercé de recours contre les constructeurs avant l'expiration de la garantie décennale, la cour d'appel a violé l'article L. 121-12 du code des assurances, ensemble l'article 126 du code de procédure civile ; 3/ Alors que le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion des parties ; qu'en l'espèce, pour contester l'évaluation des désordres retenue par l'expert judiciaire, la Maf a produit un devis établi par la société B2M chiffrant les travaux de reprise à la somme de 56 930 euros (concl. d'appel, p. 19) ; que la cour a estimé, pour condamner la Maf à payement, que « c'est à juste titre que le premier juge a écarté le devis B2M établi à la demande de la MAF, qui ne l'a pas soumis à l'examen de l'expert judiciaire » (arrêt, p. 7) ; qu'en statuant ainsi, quand ce devis ayant été régulièrement versé aux débats, elle ne pouvait refuser de l'examiner au prétexte qu'il n'avait pas été soumis à l'expert judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 4/ Alors que lorsqu'une omission ou une déclaration inexacte du risque de la part de l'assuré, qui n'est pas de mauvaise foi, est constatée après sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés ; que lorsque les parties ne se sont pas mises d'accord pour déterminer le montant de la prime qui aurait été dû si le risque avait été exactement et complètement déclaré, les juges du fond doivent déterminer ce montant et fixer la réduction qui doit être apportée à l'indemnité du fait des déclarations inexactes de l'assuré ; qu'en l'espèce, la Maf, assureur dommages-ouvrage, a opposé la réduction proportionnelle car son assurée ne lui a pas transmis les documents demandés relatifs aux constructeurs intervenus sur le chantier et à leurs assureurs, et a produit un tableau comportant le détail du calcul de la prime payée, de la prime qui aurait dû être payée et du montant de la surprime ; que la cour d'appel, après avoir retenu que les documents demandés et non transmis auraient contribué à l'appréciation des risques par l'assureur et admis ainsi le principe de la réduction proportionnelle, a néanmoins écarté la demande de la Maf en considérant qu'elle ne démontrait pas qu'une cotisation supplémentaire était due ; que néanmoins, ayant admis le principe de la réduction proportionnelle, elle devait déterminer le montant de la prime due, la cour d'appel a violé les articles L. 113-9 du code des assurances et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
Il résulte des articles L. 121-12 du code des assurances et 334 du code de procédure civile que l'assureur qui refuse sa garantie ne peut agir contre les responsables à titre subrogatoire ou les appeler en garantie avant d'avoir été lui-même poursuivi, de sorte qu'il appartient à l'assuré d'assigner l'assureur dans un délai lui permettant d'appeler les responsables en garantie ou, à défaut, d'assigner lui-même les responsables pour préserver les recours de l'assureur. Viole, dès lors, ces dispositions, la cour d'appel qui écarte l'exception de subrogation opposée par l'assureur aux motifs, d'une part, que l'assuré a déclaré le sinistre à l'assureur dommages-ouvrage le 10 janvier 2012, alors qu'il subsistait, avant l'expiration de la garantie décennale le 8 février 2014, un délai permettant à l'assureur de prendre une position de garantie ou de non-garantie en toute connaissance de cause, puis d'exercer son recours subrogatoire contre les constructeurs, d'autre part, que l'assureur dommages-ouvrage, même non encore subrogé, est en droit d'assigner en responsabilité les constructeurs dans le délai de la garantie décennale s'il indemnise l'assuré avant que le juge ne statue et que c'est l'inaction de l'assureur, lequel pouvait anticiper la future assignation de son assuré, et non la délivrance de l'assignation en référé aux fins d'expertise le 11 mars 2014, postérieurement à l'expiration du délai décennal, qui a empêché la subrogation de s'opérer
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 424 FS-B Pourvoi n° M 21-18.218 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 La société Etex France Exteriors, nouvelle dénomination de la société Eternit France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 21-18.218 contre l'arrêt rendu le 16 février 2021 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Abeille IARD & santé, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], anciennement Aviva assurances, 2°/ à la société Socobati, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La société Socobati a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Etex France Exteriors nouvelle dénomination de la société Eternit France, de la SCP Richard, avocat de la société Socobati, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Abeille IARD & santé, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 16 février 2021), rendu en référé, et les productions, suivant factures des 31 mai, 31 octobre et 30 novembre 2008, pour les besoins de la construction d'un bâtiment agricole pour l'EARL de la Journeauserie (le maître de l'ouvrage), la société Nouvelle Construction Charles (l'entreprise), assurée auprès de la société Aviva assurances, désormais dénommée Abeille IARD et Santé, a acheté des plaques de couverture en fibrociment à la société Socobati (le fournisseur), fabriquées par la société Eternit France, aujourd'hui la société Etex France Exteriors (le fabricant). 2. Se plaignant d'infiltrations dans la toiture, le maître de l'ouvrage a assigné, le 31 octobre 2018, l'entreprise et son assureur, et obtenu la désignation d'un expert, par ordonnance du 22 novembre 2018. 3. Le 4 février 2020, la société Aviva a assigné en ordonnance commune le fournisseur et le fabricant. Sur le moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, réunis Enoncé des moyens 4. Par son moyen, le fabricant fait grief à l'arrêt de lui déclarer communes et opposables les opérations d'expertise ordonnées le 22 novembre 2018 et de rejeter sa demande de mise hors de cause, alors « que l'action en garantie des vices cachés, qui doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription de cinq années prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce, lequel commence à courir à compter de la vente initiale ; que la société Etex a vendu en 2008, à la société Socobati, des plaques de fibrociment qu'elle a ensuite revendues, la même année, à la société Nouvelles Constructions Charles pour la construction d'un bâtiment agricole ; qu'après avoir constaté la survenance de divers désordres dans le bâtiment construit, le maître d'ouvrage a sollicité que soit ordonnée une mesure d'expertise judiciaire au contradictoire de la société Nouvelles Constructions Charles et de son assureur de responsabilité, la société Aviva ; que par acte du 4 février 2020, soit plus de douze années après la date de la vente initiale, la société Aviva a assigné la société Etex afin de lui voir déclarer communes et opposables les opérations d'expertise judiciaires ordonnées le 22 novembre 2018 ; qu'en faisant droit à cette demande au motif que l'action en garantie des vices cachés qu'entendait introduire la société Aviva à l'encontre de la société Etex, après le dépôt du rapport d'expertise, n'était pas manifestement prescrite, de sorte qu'elle justifiait d'un motif légitime pour solliciter une extension des mesures d'expertise à l'encontre de la société Etex, tandis que cette action était manifestement prescrite depuis de 2013, cinq années après à la vente initiale des plaques de fibrociment intervenue entre les sociétés Etex et Socobati, la cour d'appel a violé les articles 145 du code de procédure civile, 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. » 5. Par son moyen, le fournisseur fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'action en garantie des vices cachés, même si elle doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce, qui court à compter de la vente de la chose ; qu'en retenant néanmoins, pour faire droit à la demande de la société Aviva tendant à voir déclarer communes et opposables à la société Socobati les opérations d'expertises ordonnées le 22 novembre 2018, afin de déterminer l'origine des désordres affectant les ouvrages construits par son assurée, la société Nouvelles Constructions Charles, que l'action en garantie des vices cachées que la société Aviva entendait exercer à l'encontre de la société Socobati, en sa qualité de vendeur des matériaux utilisés par la société Nouvelles Constructions Charles, n'était pas prescrite, dès lors que le délai de prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce était suspendu jusqu'à ce que la responsabilité de la société Nouvelles Constructions Charles fût recherchée par le maître de l'ouvrage, bien que ce délai ait commencé à courir à compter de la vente des matériaux au cours de l'année 2008, de sorte que la prescription quinquennale était acquise depuis 2013, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil, L. 110-4 du code de commerce et 145 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. Pour les ventes conclues antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, il est jugé que les vices affectant les matériaux ou les éléments d'équipement mis en oeuvre par un constructeur ne constituent pas une cause susceptible de l'exonérer de la responsabilité qu'il encourt à l'égard du maître de l'ouvrage, quel que soit le fondement de cette responsabilité et que, sauf à porter une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, le constructeur dont la responsabilité est ainsi retenue en raison des vices affectant les matériaux qu'il a mis en oeuvre pour la réalisation de l'ouvrage, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale. 7. Il s'ensuit que, l'entrepreneur ne pouvant pas agir contre le vendeur et le fabricant avant d'avoir été lui même assigné par le maître de l'ouvrage, le point de départ du délai qui lui est imparti par l'article 1648, alinéa 1er, du code civil est constitué par la date de sa propre assignation et que le délai de l'article L. 110-4, I, du code de commerce, courant à compter de la vente, est suspendu jusqu'à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l'ouvrage (3e Civ., 16 février 2022, pourvoi n° 20-19.047, publié). 8. Pour les ventes conclues après l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, il est jugé que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré que par l'article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit (3e Civ., 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-21.439, publié). 9. En effet, l'article 2224 du code civil fixe le point de départ du délai de prescription au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ce qui annihile toute possibilité d'encadrement de l'action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l'article 1648 du même code, à savoir la découverte du vice. 10. La loi du 17 juin 2008 ayant réduit le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4, I, du code de commerce, sans préciser son point de départ, celui-ci ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil. 11. Il s'ensuit que le délai de cinq ans de l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut plus être regardé comme un délai butoir et que l'action en garantie des vices cachés doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter de la vente initiale. 12. La cour d'appel a relevé que l'entreprise et son assureur avaient été assignés par le maître de l'ouvrage, le 31 octobre 2018, pour des désordres de la toiture, de sorte que l'action de la société Aviva formée contre les sociétés Socobati et Eternit par actes du 4 février 2020, n'était pas prescrite et que l'assureur de l'entrepreneur justifiait d'un motif légitime pour solliciter l'extension des opérations d'expertise au fournisseur et au fabricant. 13. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la société Etex France Exteriors aux dépens du pourvoi principal et la société Socobati aux dépens du pourvoi incident ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société Etex France Exteriors nouvelle dénomination de la société Eternit France (demanderesse au pourvoi principal) La société Etex fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré communes et opposables à la société Eternit France les opérations d'expertise ordonnées le 22 novembre 2018, d'avoir dit que ces opérations ordonnées par ordonnance du juge des référés du 22 novembre 2018 se poursuivront en la présence de cette société sous le numéro RG : 18/194, et de l'avoir déboutée de sa demande de mise hors de cause ; Alors que l'action en garantie des vices cachés, qui doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription de cinq années prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce, lequel commence à courir à compter de la vente initiale ; que la société Etex a vendu en 2008, à la société Socobati, des plaques de fibrociment qu'elle a ensuite revendues, la même année, à la société Nouvelles Constructions Charles pour la construction d'un bâtiment agricole ; qu'après avoir constaté la survenance de divers désordres dans le bâtiment construit, le maître d'ouvrage a sollicité que soit ordonnée une mesure d'expertise judiciaire au contradictoire de la société Nouvelles Constructions Charles et de son assureur de responsabilité, la société Aviva ; que par acte du 4 février 2020, soit plus de douze années après la date de la vente initiale, la société Aviva a assigné la société Etex afin de lui voir déclarer communes et opposables les opérations d'expertise judiciaires ordonnées le 22 novembre 2018 ; qu'en faisant droit à cette demande au motif que l'action en garantie des vices cachés qu'entendait introduire la société Aviva à l'encontre de la société Etex, après le dépôt du rapport d'expertise, n'était pas manifestement prescrite, de sorte qu'elle justifiait d'un motif légitime pour solliciter une extension des mesures d'expertise à l'encontre de la société Etex, tandis que cette action était manifestement prescrite depuis de 2013, cinq années après à la vente initiale des plaques de fibrociment intervenue entre les sociétés Etex et Socobati, la cour d'appel a violé les articles 145 du code de procédure civile, 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Socobati (demanderesse au pourvoi incident) La Société SOCOBATI FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de lui avoir déclaré communes et opposables les opérations d'expertise judiciaire ordonnées le 22 novembre 2018, d'avoir dit que les opérations d'expertises se poursuivront en sa présence, puis d'avoir rejeté sa demande de mise hors de cause ; ALORS QUE l'action en garantie des vices cachés, même si elle doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4 du Code de commerce, qui court à compter de la vente de la chose ; qu'en retenant néanmoins, pour faire droit à la demande de la Société AVIVA tendant à voir déclarer communes et opposables à la Société SOCOBATI les opérations d'expertises ordonnées le 22 novembre 2018, afin de déterminer l'origine des désordres affectant les ouvrages construits par son assurée, la Société NOUVELLES CONSTRUCTIONS CHARLES, que l'action en garantie des vices cachées que la Société AVIVA entendait exercer à l'encontre de la Société SOCOBATI, en sa qualité de vendeur des matériaux utilisés par la Société NOUVELLES CONSTRUCTIONS CHARLES, n'était pas prescrite, dès lors que le délai de prescription de l'article L. 110-4 du Code de commerce était suspendu jusqu'à ce que la responsabilité de la Société NOUVELLES CONSTRUCTIONS CHARLES fût recherchée par le maître de l'ouvrage, bien que ce délai ait commencé à courir à compter de la vente des matériaux au cours de l'année 2008, de sorte que la prescription quinquennale était acquise depuis 2013, la Cour d'appel a violé les articles 1648 du Code civil, L. 110-4 du Code de commerce et 145 du Code de procédure civile.
La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ayant réduit le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4, I, du code de commerce, sans préciser son point de départ, celui-ci ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil, ce qui annihile toute possibilité d'encadrement de l'action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l'article 1648 du même code, à savoir la découverte du vice. Il s'ensuit que le délai de cinq ans de l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut plus être regardé comme un délai butoir et que l'action en garantie des vices cachés relative à des biens vendus après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans résultant de l'article 2232 du code civil et courant à compter de la vente initiale
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 427 FS-B Pourvoi n° F 21-18.098 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 Mme [U] [K], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° F 21-18.098 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Entreprise Dherbey Coux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], 2°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], 3°/ à la société Eco protect', société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], 4°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 5°/ à la société Charpentes contemporaines, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], 6°/ à la société mutuelle d'assurance du batiment et des travaux publics (SMABTP), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 6], pris en qualité d'assureur de la société Charpentes contemporaines, 7°/ à la société BMCTP, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 8], 8°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 9°/ à la société MMA assurances mutuelles, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [K], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Entreprise Dherbey Coux et des sociétés MMA IARD et MMA assurances mutuelles, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Charpentes contemporaines et de la SMABTP, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des sociétés Eco protect' et de la Generali IARD, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à Mme [K] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés BMCTP et Allianz IARD. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 16 mars 2021), rendu en référé, Mme [K] a fait construire une maison d'habitation dont elle a confié le lot gros oeuvre à la société Dherbey Coux, assurée auprès de la société MMA IARD assurances mutuelles (la société MMA), le lot étanchéité à la société Eco Protect, assurée auprès de la société Generali IARD (la société Generali), et le lot ossature bois – façades bardage – étanchéité revêtement terrasse extérieure à la société Charpente contemporaine, assurée auprès de la SMABTP. 3. Un incendie s'est déclaré dans l'ouvrage en construction, avant sa réception. 4. Mme [K] a assigné les constructeurs et leurs assureurs en référé aux fins d'expertise et de provisions. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Mme [K] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de provisions dirigées contre les sociétés Dherbey Coux, Eco Protect, Charpente contemporaine et leurs assureurs respectifs, à savoir les sociétés MMA, Generali et SMABTP, alors « que si la chose a péri avant d'avoir été livrée, l'entrepreneur est tenu de restituer les sommes perçues du maître d'ouvrage en exécution de sa prestation, peu important la cause de cette destruction et notamment le fait qu'il ait ou non commis une faute ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [K] de ses demandes de provision correspondant à la restitution d'une partie de ce qu'elle avait versées aux entrepreneurs, la cour a retenu que « l'article 1788 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer dans le cas où la perte ou la détérioration de la chose est due à l'inexécution fautive des obligations de l'entrepreneur », avant d'ajouter qu'une expertise était en cours avec pour mission notamment donnée à l'expert de rechercher les causes de l'incendie et vérifier s'il n'était pas imputable à une faute d'imprudence de l'une des entreprises présentes sur le chantier le jour de l'incendie ; qu'en statuant, pour retenir une contestation sérieuse, par de tels motifs, inopérants dès lors que la seule perte de l'ouvrage autorisait Mme [K] à solliciter le remboursement des sommes versées aux entrepreneurs en contrepartie de leur travail, afin qu'ils répondent de la perte de leur ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1788 du code civil, ensemble l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 835, alinéa 2, du code de procédure civile et 1788 du code civil : 6. Selon le premier de ces textes, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. 7. Selon le second, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, si la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose. 8. La charge du risque n'est pas diminuée ou supprimée si l'événement qui a causé la perte de l'ouvrage revêt le caractère de force majeure pour l'entrepreneur (1re Civ., 9 novembre 1999, pourvoi n° 97-16.306, 97-16.800, Bull. 1999, I, n° 293). De même, sauf son recours contre les constructeurs fautifs, l'entrepreneur non fautif qui a fourni la matière et dont l'ouvrage a péri avant la réception ne peut prétendre au paiement du prix des travaux qu'il n'est pas en mesure de livrer. 9. Par ailleurs, le maître de l'ouvrage peut agir sur le fondement de l'article 1788 du code civil, en dehors de toute recherche de responsabilité, même lorsque la cause des dommages demeure inconnue et même s'il est établi qu'elle réside dans une mauvaise exécution, par l'entrepreneur, de ses obligations contractuelles, dès lors que la demande ne porte que sur la reconstruction de l'ouvrage dans les conditions du marché initial ou sur la restitution du prix payé. 10. Pour rejeter les demandes de provisions à valoir sur le remboursement des acomptes versés aux entrepreneurs dont l'ouvrage avait été détruit avant la réception, l'arrêt retient que l'article 1788 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer dans le cas où la perte ou la détérioration de la chose est due à l'inexécution fautive des obligations de l'entrepreneur et qu'en l'espèce, l'application ou non des dispositions de ce texte est subordonnée au résultat des investigations de l'expert quant à la cause du sinistre, inconnue ou imputable à une entreprise, de sorte que la demande prématurée formée par Mme [K] se heurte à une contestation sérieuse. 11. En statuant ainsi, alors que les fautes éventuellement commises par les constructeurs et qui avaient pu être à l'origine de la destruction de la maison, n'empêchaient pas le maître de l'ouvrage de réclamer aux entrepreneurs, en dehors de toute recherche de responsabilité, la restitution par provision du prix des travaux qu'ils n'étaient pas en mesure de livrer, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. La cassation prononcée ne s'étend pas au rejet des demandes de provision ad litem. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de provision, à l'exception de celle ad litem, de Mme [K], l'arrêt rendu le 16 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne les sociétés Charpentes contemporaines, SMABTP, Eco Protect, Generali IARD, Dherbey Coux, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Charpentes contemporaines, SMABTP, Eco Protect, Generali IARD, Dherbey Coux et MMA IARD assurances mutuelles à payer à Mme [K] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour Mme [K] Mme [U] [K] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de provisions dirigées contre les sociétés Dherbey Coux, Eco Protect, et Charpente Contemporaine, et leurs assureurs respectifs, à savoir les compagnies Mma Iard Assurances Mutuelles, Generali Iard et Smabtp ; 1/ Alors que si la chose a péri avant d'avoir été livrée, l'entrepreneur est tenu de restituer les sommes perçues du maître d'ouvrage en exécution de sa prestation, peu important la cause de cette destruction et notamment le fait qu'il ait ou non commis une faute ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [K] de ses demandes de provision correspondant à la restitution d'une partie de ce qu'elle avait versées aux entrepreneurs, la cour a retenu que « l'article 1788 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer dans le cas où la perte ou la détérioration de la chose est due à l'inexécution fautive des obligations de l'entrepreneur », avant d'ajouter qu'une expertise était en cours avec pour mission notamment donnée à l'expert de rechercher les causes de l'incendie et vérifier s'il n'était pas imputable à une faute d'imprudence de l'une des entreprises présentes sur le chantier le jour de l'incendie ; qu'en statuant, pour retenir une contestation sérieuse, par de tels motifs, inopérants dès lors que la seule perte de l'ouvrage autorisait Mme [K] à solliciter le remboursement des sommes versées aux entrepreneurs en contrepartie de leur travail, afin qu'ils répondent de la perte de leur ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1788 du code civil, ensemble l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile ; 2/ Alors, en tout état de cause, que le juge ne doit pas méconnaître les termes du litige ; qu'en l'espèce, la cour a retenu, pour débouter Mme [K] de ses demandes de provision, que l'article 1788 du code civil instituait « un régime spécial à la charge des risques de la chose fournie par l'entrepreneur, lequel perd seulement ce qu'il a fourni, sans pour autant devoir nécessairement des dommages-intérêts au maître de l'ouvrage pour le préjudice qui en résulte », et qu'il « n'a pas vocation à s'appliquer dans le cas ou la perte ou la détérioration de la chose est due à l'inexécution fautive des obligations de l'entrepreneur », avant d'ajouter qu'une expertise étant en cours avec pour rechercher les causes de l'incendie, les demandes se heurtaient à une contestation sérieuse ; qu'en statuant de la sorte, quand Mme [K] ne sollicitait pas la condamnation des entrepreneurs à lui verser des dommages-intérêts pour le préjudice résultant de la perte de l'ouvrage, mais entendait seulement qu'ils répondent de la perte de leur ouvrage en restituant les sommes qu'ils avaient perçues, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.
Les fautes éventuellement commises par les constructeurs et qui ont pu être à l'origine de la destruction de l'ouvrage, n'empêchent pas le maître de l'ouvrage de réclamer aux entrepreneurs, sur le fondement de l'article 1788 du code civil, en dehors de toute recherche de responsabilité, la restitution du prix des travaux qu'ils ne sont pas en mesure de livrer. Viole, dès lors, les articles 835 du code de procédure civile et 1788 du code civil, une cour d'appel qui rejette, comme prématurée, une demande de restitution, par provision, des acomptes versés aux constructeurs dont l'ouvrage a été détruit par incendie avant la réception, au motif que l'application ou non des dispositions de l'article 1788 du code civil est subordonnée au résultat des investigations de l'expert quant à la cause du sinistre, inconnue ou imputable à une entreprise
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CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 425 FS-B Pourvois n° M 21-12.238 P 21-13.620 JONCTION Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. [O]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 28 juin 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 1°/ Mme [M] [R], épouse [O], domiciliée [Adresse 2], 2°/ La société Anissa, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], ont formé les pourvois n° M 21-12.238 et P 21-13.620 contre un arrêt rendu le 9 décembre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige les opposant à M. [U] [O], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Les demandeurs aux pourvois n° M 21-12.238 et P 21-13.620 invoquent, à l'appui de leurs recours, un moyen unique identique de cassation annexé au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme [R] et de la société Anissa, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [O], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° M 21-12.238 et P 21-13.620 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 décembre 2020), le 24 février 1994, la société civile immobilière Anissa (la SCI) a été constituée entre MM. [D], [U] et [K] [O]. 3. Par acte du 14 novembre 2005, enregistré au registre du commerce et des sociétés le 28 novembre suivant, M. [U] [O] a cédé à Mme [R], épouse de son frère [D], la part qu'il détenait dans la société. 4. Soutenant que sa signature avait été falsifiée, M. [U] [O] a, le 21 décembre 2016, assigné Mme [R] et la SCI pour faire constater l'existence d'un faux et obtenir l'annulation de la cession et des dommages-intérêts. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. Mme [R] et la SCI font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et dire l'action recevable, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la publicité de la cession de parts d'une société civile est accomplie par dépôt, en annexe au registre du commerce et des sociétés, de deux copies authentiques de l'acte de cession, s'il est notarié, ou de deux originaux, s'il est sous seing privé ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que la cession de part de la SCI Anissa en date du 14 novembre 2005 avait été publiée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier le 28 novembre 2005 ; que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de ladite cession de part engagée le 21 décembre 2016 par M. [U] [O], la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription quinquennale au 24 juin 2014 en énonçant que ce dernier, dont l'épouse avait constaté qu'il n'était plus actionnaire de la SCI Anissa en consultant Internet, n'avait antérieurement aucune raison particulière ni impérieuse de consulter Infogreffe ; qu'en fixant le point de départ de la prescription quinquennale au 24 juin 2014, date où l'épouse de M. [U] [O] se serait décidée à consulter Infogreffe, quand ce dernier avait été en mesure de connaître la cession litigieuse dès sa publication au registre du commerce et des sociétés, le 28 novembre 2005, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble l'article 52 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 dans sa version applicable à la cause. » Réponse de la Cour 7. En premier lieu, selon les premier et deuxième alinéas de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils sont découverts. 8. L'action en nullité fondée sur l'absence de consentement d'une partie, qui ne tend qu'à la protection des intérêts privés de celle-ci, relève du régime des nullités relatives prévues par ce texte (3e Civ., 3 décembre 2015, pourvoi n° 14-12.998, Bull. 2015, III, n° 129). 9. L'absence de consentement constituant, comme le vice du consentement, une cause de nullité inhérente à l'une des parties, le délai de prescription de cinq ans ne court qu'à compter du jour de sa découverte. 10. L'action en nullité de la cession de ses parts sociales engagée par M. [U] [O] en invoquant la falsification de sa signature s'analyse en une action fondée sur une absence de consentement. 11. Il s'ensuit qu'elle était soumise au délai de prescription quinquennal de l'article 1304 précité, courant à compter du jour où M. [U] [O] a eu connaissance de l'acte comportant sa signature falsifiée. 12. En second lieu, il résulte de l'article 1865 du code civil que la publication de l'acte de cession de parts sociales au registre du commerce et des sociétés est destinée à assurer l'opposabilité de l'acte aux tiers. 13. Il s'ensuit que la présomption de connaissance de l'acte résultant de l'accomplissement de cette formalité ne s'applique pas dans les rapports entre les parties à l'acte. 14. Ayant souverainement relevé que M. [U] [O], qui n'avait aucune raison particulière de consulter Infogreffe et de se rendre compte qu'il avait été dépossédé de la part qu'il détenait dans la SCI au moyen d'un faux, n'avait eu connaissance de ce faux que le 24 juin 2014, lorsqu'il avait porté plainte, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action introduite le 21 décembre 2016 n'était pas prescrite. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne Mme [R] et la société civile immobilière Anissa aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [R] et la société civile immobilière Anissa et les condamne à payer à la société civile professionnelle Marlange et de La Burgade la somme de 2 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen identique produit aux pourvois n° M 21-12.238 et P 21-13.620 par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme [R] et la société Anissa Mme [M] [R] épouse [O] et la SCI Anissa font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et dit l'action de M. [U] [O] recevable ; alors 1°/ que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la publicité de la cession de parts d'une société civile est accomplie par dépôt, en annexe au registre du commerce et des sociétés, de deux copies authentiques de l'acte de cession, s'il est notarié, ou de deux originaux, s'il est sous seing privé ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que la cession de part de la SCI Anissa en date du 14 novembre 2005 avait été publiée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier le 28 novembre 2005 ; que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de ladite cession de part engagée le 21 décembre 2016 par M. [U] [O], la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription quinquennale au 24 juin 2014 en énonçant que ce dernier, dont l'épouse avait constaté qu'il n'était plus actionnaire de la SCI Anissa en consultant Internet, n'avait antérieurement aucune raison particulière ni impérieuse de consulter Infogreffe ; qu'en fixant le point de départ de la prescription quinquennale au 24 juin 2014, date où l'épouse de M. [U] [O] se serait décidée à consulter Infogreffe, quand ce dernier avait été en mesure de connaître la cession litigieuse dès sa publication au registre du commerce et des sociétés, le 28 novembre 2005, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble l'article 52 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 dans sa version applicable à la cause ; alors 2°/ que Mme [M] [R] épouse [O] et la SCI Anissa faisaient valoir en cause d'appel que le fait que M. [U] [O] n'avait été convoqué à aucune assemblée générale depuis l'année 2006 aurait dû conduire celui-ci à se poser des questions sur sa détention au capital social de la SCI Anissa ; qu'en fixant le point de départ de la prescription quinquennale au 24 juin 2014, date où l'épouse de celui-ci s'était décidée à consulter Infogreffe, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de la cession de part litigieuse du 14 novembre 2005, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions des exposantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; alors 3°/ qu'en tout état de cause, seule la demande en justice interrompt la prescription ; que l'arrêt énonce que M. [U] [O] avait agi dans le délai de la prescription quinquennale en saisissant le tribunal de grande instance de Montpellier de ses demandes par assignation du 21décembre 2016 après avoir tenté un règlement amiable du litige avec sa belle-soeur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas fait partir le délai quinquennal du jour où M. [U] [O] a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action en nullité de la cession de part litigieuse, peu important les prétendues tentatives de règlement amiable qu'il aurait prétendument engagées, a violé l'article 2224 du code civil.
L'action en nullité d'une cession de parts sociales fondée sur la falsification de la signature du cédant est soumise au délai de prescription quinquennale prévu à l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause, courant à compter du jour où le demandeur a eu connaissance de l'acte comportant sa signature falsifiée. La présomption de connaissance de l'acte de cession de parts sociales résultant de sa publication au registre du commerce et des sociétés, destinée à assurer son opposabilité aux tiers, ne s'applique pas dans les rapports entre les parties à l'acte
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 428 FS-B Pourvoi n° Y 21-15.883 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022 La société Les Demeures Occitanes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-15.883 contre l'arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société ACM IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société CIC assurances, 2°/ à M. [H] [X], 3°/ à Mme [V] [S], épouse [X], domiciliés tous deux lieudit [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Les Demeures Occitanes, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société ACM IARD, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 février 2021), M. et Mme [X] ont confié la construction d'une maison à la société Demeures occitanes. 2. Ils ont souscrit un contrat d'assurance auprès de la société CIC assurances, aux droits de laquelle vient la société ACM IARD (la société ACM), pour couvrir, notamment, le risque tempête, grêle et neige avant l'achèvement de l'ouvrage. 3. La maison a été endommagée par une tempête de grêle avant sa réception. 4. La société CIC assurances a refusé de prendre en charge le coût des réparations, estimant que celui-ci incombait au constructeur en application de l'article 1788 du code civil. 5. La société Demeures occitanes a avancé le coût des réparations et en a demandé le remboursement à la société ACM. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. La société Demeures occitanes fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre la société ACM, alors : « 1°/ que lorsque l'ouvrage n'a pas péri, la charge des travaux de remise en état de la chose endommagée n'incombe pas à l'entreprise de travaux ; qu'en jugeant au cas présent que la Société Les Demeures Occitanes devait supporter la charge du sinistre survenu le 2 août 2013, cependant qu'il ressort de ses constatations que l'immeuble en construction n'a pas été totalement détruit, mais seulement une partie de la toiture, et les plafonds qui se sont effondrés, la cour a violé l'article 1788 du code civil ; 2°/ que lorsque l'ouvrage n'a pas péri, la charge des travaux de remise en état de la chose endommagée n'incombe pas à l'entreprise de travaux ; qu'en jugeant au cas présent que la Société Les Demeures Occitanes n'était pas fondée à réclamer à l'assureur le remboursement des travaux de réparation au titre d'un recours subrogatoire ou d'une répétition de l'indu dès lors qu'elle devait supporter la charge du sinistre survenu le 2 août 2013, cependant qu'il ressort de ses constatations qu'ont été effectués, non pas des travaux de reconstruction, mais des travaux de réparation, ce qui excluait que la chose ait été perdue, la cour a violé l'article 1788 du code civil par fausse application ; 3°/ qu'en jugeant au cas présent qu'« en application des dispositions de l'article 1788 du code civil, la SAS Demeures Occitanes doit supporter la charge du sinistre survenu le 2 août 2013 », sans répondre, ne serait-ce que pour l'écarter, au moyen opérant des conclusions d'appel de l'exposante selon lequel la construction ne s'était pas totalement effondrée mais était seulement endommagée, pour preuve le coût des travaux de reprise d'un montant de 12 074,51 euros, très inférieur au coût de travaux de reconstruction, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. Les dispositions de l'article 1788 du code civil ont vocation à s'appliquer même lorsqu'une reconstruction complète de l'ouvrage n'est pas nécessaire. 8. Ayant constaté qu'avant la réception de l'ouvrage, un orage de grêle avait provoqué la destruction d'une partie de la toiture et l'effondrement des plafonds, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions inopérantes quant à l'étendue de la perte de l'ouvrage, que le constructeur devait supporter le coût des travaux de réparation de la maison qu'il devait livrer. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Demeures occitanes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour la société Les Demeures Occitanes La Société Les Demeures Occitanes fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes 1°) de confirmation du jugement du Tribunal de grande instance de Bergerac, sauf en ce qu'il avait limité la condamnation de la Société ACM Iard à lui payer la somme de 10 570,41 euros, 2°) de statuer à nouveau en condamnant la compagnie d'assurance à lui payer la somme principale de 12 074,51 euros ; 1°) ALORS QUE lorsque l'ouvrage n'a pas péri, la charge des travaux de remise en état de la chose endommagée n'incombe pas à l'entreprise de travaux ; qu'en jugeant au cas présent que la Société Les Demeures Occitanes devait supporter la charge du sinistre survenu le 2 août 2013, cependant qu'il ressort de ses constatations que l'immeuble en construction n'a pas été totalement détruit, mais seulement une partie de la toiture, et les plafonds qui se sont effondrés (arrêt attaqué p. 6 alinéa 6), la cour a violé l'article 1788 du Code civil ; 2°) ALORS QUE lorsque l'ouvrage n'a pas péri, la charge des travaux de remise en état de la chose endommagée n'incombe pas à l'entreprise de travaux ; qu'en jugeant au cas présent que la Société Les Demeures Occitanes n'était pas fondée à réclamer à l'assureur le remboursement des travaux de réparation au titre d'un recours subrogatoire ou d'une répétition de l'indu dès lors qu'elle devait supporter la charge du sinistre survenu le 2 août 2013 (arrêt p. 7 alinéas 7 et 8), cependant qu'il ressort de ses constatations qu'ont été effectués, non pas des travaux de reconstruction, mais des travaux de réparation (arrêt attaqué p. 7 alinéa 12), ce qui excluait que la chose ait été perdue, la cour a violé l'article 1788 du Code civil par fausse application ; 3°) ALORS QU' en jugeant au cas présent qu'« en application des dispositions de l'article 1788 du Code civil, la SAS Demeures Occitanes doit supporter la charge du sinistre survenu le 2 août 2013 » (arrêt attaqué p. 7 alinéa 7), sans répondre, ne serait-ce que pour l'écarter, au moyen opérant des conclusions d'appel de l'exposante selon lequel la construction ne s'était pas totalement effondrée mais était seulement endommagée, pour preuve le coût des travaux de reprise d'un montant de 12 074,51 euros, très inférieur au coût de travaux de reconstruction (conclusions p. 7, alinéas 10 à 13 et p. 8, alinéas 1 à 4), la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
Les dispositions de l'article 1788 du code civil ont vocation à s'appliquer même lorsqu'une reconstruction complète de l'ouvrage n'est pas nécessaire
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SOC. COUR DE CASSATION LG ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 25 mai 2022 NON-LIEU A RENVOI M. CATHALA, président Arrêt n° 777 FS-B Affaire n° Q 22-40.006 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MAI 2022 Le tribunal de commerce de Nantes a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 7 mars 2022, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 14 mars 2022, dans l'instance mettant en cause : D'une part, la société D.V.M. Renov', société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], D'autre part, l'association Caisse du Grand Ouest (CGO), membre du réseau Congés intempéries BTP (CIBTP) du Grand Ouest, dont le siège est [Adresse 1]. Partie intervenante volontaire : L'association Collectif contre les caisses de congés du BTP, dont le siège est [Adresse 3]. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société D.V.M. Renov' et de l'association Collectif contre les caisses de congés du BTP, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la caisse Congés intempéries BTP du Grand Ouest, et l'avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Intervention 1. Selon les articles 327 et 330 du code de procédure civile, l'intervention volontaire n'est admise devant la Cour de cassation que si elle est formée à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie, et n'est recevable que si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie. 2. L'association « Collectif contre les caisses de congés du BTP » ne justifiant pas d'un tel intérêt dans le présent litige, son intervention volontaire n'est pas recevable. Faits et procédure 3. Le 15 juin 2018, l'association Caisse de congés payés (CGO) caisse du Grand Ouest a assigné la société D.V.M. Renov' en vue d'obtenir le paiement de cotisations impayées. Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité 4. Par jugement du 7 mars 2022, le tribunal de commerce de Nantes a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « En édictant les dispositions de l'article L. 3141-32 du code du travail -lesquelles abandonnent au pouvoir réglementaire non seulement le pouvoir de décider de soumettre un secteur d'activité professionnelle à un régime dérogatoire d'affiliation obligatoire à une caisse de congés payés mais aussi celui de définir l'organisation et le fonctionnement de la caisse de congés payés ainsi que de fixer la nature et l'étendue des obligations de l'employeur, le tout sans aucunement prévoir un encadrement légal approprié et des garanties légales suffisantes susceptibles de protéger effectivement le droit de propriété, la liberté d'entreprendre et la liberté d'association-, le législateur a-t-il, d'une part, méconnu sa propre compétence en affectant des droits et libertés que la Constitution garantit -dont en particulier la liberté d'association, la liberté d'entreprendre ainsi que le droit de propriété- et d'autre part, porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à ces mêmes droits et libertés, tels qu'ils résultent notamment du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi que des articles 2, 4 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? » Examen de la question prioritaire de constitutionnalité 5. La disposition contestée est applicable au litige. 6. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 7. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle. 8. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que la disposition contestée n'encourt pas le grief d'incompétence négative du législateur, qui a assorti l'intervention des caisses de congés payés de garanties légales suffisantes, et que l'atteinte portée au droit de propriété, à la liberté d'entreprendre et à la liberté d'association est justifiée par la mission d'intérêt général confiée aux caisses de congés payés, dont l'accomplissement est de nature à garantir la protection du droit au repos et de la santé des salariés concernés résultant du paragraphe 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. 9. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question posée au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLE l'intervention volontaire de l'association « Collectif contre les caisses de congés du BTP » ; DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse CIBTP du Grand Ouest ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux et Mme Jouanneau, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché.
La question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution de l'article L. 3141-32 du code du travail ne présente pas un caractère sérieux dès lors que cette disposition n'encourt pas le grief d'incompétence négative du législateur, qui a assorti l'intervention des caisses de congés payés de garanties légales suffisantes, et que l'atteinte portée au droit de propriété, à la liberté d'entreprendre et à la liberté d'association est justifiée par la mission d'intérêt général confiée aux caisses de congés payés, dont l'accomplissement est de nature à garantir la protection du droit au repos et de la santé des salariés concernés résultant du paragraphe 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi
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N° V 22-81.572 F-P+B N° 00806 GM 25 MAI 2022 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 25 MAI 2022 M. [H] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 23 février 2022, qui a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant rejeté sa demande de mise en liberté. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. d'Huy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [H] [G], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. d'Huy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [H] [G] a été mis en examen des chefs d'homicide volontaire aggravé, infraction à la législation sur les armes, association de malfaiteurs, vol, recel, destruction par incendie, détention de faux document administratif, et placé sous mandat de dépôt criminel le 18 octobre 2019. 3. Il a présenté une demande de mise en liberté, qui a été rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 17 janvier 2022. 4. Cette décision a été notifiée à son avocat le 20 janvier 2022 et à lui-même le 25 janvier suivant. 5. Ce dernier a formalisé une déclaration d'appel auprès du chef de l'établissement pénitentiaire le 16 février 2022. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré l'appel irrecevable et constaté que M. [G] n'était pas détenu sans titre, alors : « 1°/ que tout document dans lequel une personne provisoirement détenue manifeste son intention d'interjeter appel d'une décision de rejet de demande de mise en liberté vaut appel de cette décision, quand bien même le document en cause aurait, par ailleurs, d'autres objets ; qu'en affirmant, pour dire que la lettre adressée à l'administration pénitentiaire par M. [G] le 21 janvier 2022, par laquelle M. [G] écrivait « je souhaite aussi faire appel du rejet de ma demande de remise en liberté » ne « formalisait pas d'appel » de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 17 janvier 2022 rejetant cette demande, que le souhait d'appel était précédé d'une demande de certificat de présence et d'une contestation d'amendes, de sorte que le courrier traitait « principalement » d'autres demandes qu'un appel de rejet de demande de mise en liberté, la chambre de l'instruction a dénaturé la lettre du 21 janvier 2022 et violé les articles 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, 503, 194, D. 45-26, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'expression par M. [G] du souhait de « faire appel du rejet de ma demande de mise en liberté » valait nécessairement appel de la dernière décision de rejet de demande de mise en liberté dont M. [G] avait fait l'objet ; qu'en affirmant, pour juger que la lettre du 21 janvier 2022, ne « formalisait pas d'appel », que cette lettre ne désignait pas expressément la décision dont M. [G] entendait faire appel, quand il résultait de façon claire et univoque de ses termes qu'elle manifestait le souhait de faire appel de l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté qui avait été rendue le 17 janvier 2022 , soit quatre jours auparavant, la chambre de l'instruction a dénaturé la lettre du 21 janvier 2022 et violé les articles 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, 503, 194, D. 45-26, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que l'appel peut être interjeté contre une décision dès lors qu'elle est prononcée, peu important qu'elle n'ait pas encore été notifiée à l'intéressé ; qu'au cas d'espèce, M. [G] avait pu, dès le 21 janvier 2022, manifester son souhait d'interjeter appel de l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté en date du 17 janvier 2022, dont il avait eu connaissance par son conseil auquel elle avait été notifiée le 20 janvier 2022, peu important que cette décision ne lui ait été notifiée que le 25 janvier 2022 ; qu'en jugeant que la lettre du 21 janvier 2022 par laquelle M. [G] écrivait « je souhaite aussi faire appel du rejet de ma demande de remise en liberté » ne pouvait valoir expression d'une volonté d'interjeter appel de l'ordonnance du 17 janvier 2022, dès lors qu'au jour de cette lettre l'ordonnance de rejet n'avait pas été notifiée à M. [G], la chambre de l'instruction s'est déterminée par un motif inopérant en violation des articles 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, 503, 194, D. 45-26, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. Pour déclarer irrecevable l'appel interjeté par M. [G] de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant rejeté sa demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué énonce que par courrier du 15 février 2022 l'avocat de l'intéressé a déposé au greffe de la chambre de l'instruction une demande de mise en liberté immédiate pour détention sans titre de M. [G] depuis le 14 février 2022 minuit, en faisant valoir un courrier rédigé et daté par M. [G] le 21 janvier 2022, portant le tampon de réception du greffe pénitentiaire au 24 janvier 2022, ne comportant aucun objet et indiquant : « je vous écris car depuis que je suis en détention je reçois des amendes routières pour des contraventions que je n'ai pas commises. En conséquence, je vous demande s'il est possible de me communiquer un certificat de présence en détention. Cela me permettrait de contester toutes ces amendes. Par ailleurs je souhaite aussi faire appel du rejet de ma demande de mise en liberté », l'avocat produisant en outre le certificat de présence établi par la maison d'arrêt le 24 janvier 2022, à la suite de cette demande. 8. Les juges constatent qu'en premier lieu, ce n'est qu'au terme de sa demande de certificat de présence et de son souhait de contester des amendes que M. [G] a inséré, à la fin du courrier, son souhait de faire appel du rejet de sa demande de mise en liberté, sans autre précision ; qu'ainsi le contenu de ce courrier a justifié qu'il soit traité en ce sens par le service, ce que confirme un courriel du responsable du greffe pénitentiaire, précisant que ledit courrier a été orienté par le secrétariat pour traitement de la demande de certificat de présence et qu'il n'a pas été formalisé d'appel. 9. Ils relèvent qu'en second lieu, à la date du courrier au 21 janvier 2022 et de sa réception par le greffe le 24 janvier suivant, la décision de rejet n'avait pas encore été notifiée à M. [G] par le greffe pénitentiaire, cette notification n'étant intervenue que le 25 janvier 2022. 10. Ils déduisent de ces éléments que la lettre traitait principalement d'une toute autre demande, pour aborder in fine le souhait de faire appel d'une décision dont la date n'était pas précisée, sachant que le greffe ne l'avait pas encore notifiée au détenu à la date de sa réception et qu'il n'est donc pas établi que l'intéressé a manifesté, auprès du service compétent et dans le délai légal, son intention d'interjeter appel de l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté rendue le 17 janvier 2022. 11. La chambre de l'instruction conclut qu'il ne saurait dès lors être reproché à l'administration pénitentiaire de n'avoir pas conduit l'intéressé au greffe pour y établir la déclaration prévue par l'article 503 du code de procédure pénale dans le délai lui permettant d'exercer utilement cette voie de recours de sorte que la déclaration d'appel formalisée au greffe le 16 février 2022, soit à l'expiration du délai de dix jours prévu par l'article 186 du code de procédure pénale, est irrecevable comme étant tardive. 12. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître aucun des textes visés au moyen. 13. En effet, il ne peut être reproché au greffe pénitentiaire de ne pas considérer qu'un courrier manifeste clairement l'intention de faire appel lorsque celui-ci comporte des demandes distinctes. 14. Ainsi, le moyen doit être écarté. 15. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.
Il ne peut être reproché au greffe pénitentiaire de ne pas considérer qu'un courrier, que lui a adressé un détenu, manifeste clairement l'intention de faire appel lorsque ce courrier comporte des demandes distinctes
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CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juin 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 445 F-B Pourvoi n° C 21-12.276 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022 M. [C] [U] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-12.276 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la société MCS et associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [U] [S], après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 novembre 2020), un jugement du 15 juin 1992, devenu irrévocable, a condamné M. [U] [S] (le débiteur) à payer le solde débiteur d'un compte détenu à la société Citybank international plc. 2. Par acte authentique du 6 février 2003, celle-ci a cédé sa créance à la société MCS et associés (la société MCS), qui a fait pratiquer diverses mesures d'exécution forcées sur des valeurs mobilières du débiteur. 3. Le débiteur a assigné, devant le juge de l'exécution, en mainlevée de ces mesures, la société MCS, qui a sollicité reconventionnellement le paiement de dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Le débiteur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, dire que les frais de l'exécution forcée engagés pour les mesures pratiquées à son encontre par la société MCS le 9 avril 2015 étaient à sa charge et de le condamner à payer à la société MCS la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que la remise au conseil du débiteur, lors d'une audience devant le juge de l'exécution, de conclusions mentionnant une cession de créance et contenant copie de l'acte de cession, ne vaut pas signification du transport et ne rend pas la cession de créance opposable au débiteur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1689 et 1690 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige. » Réponse de la Cour 6. Ayant constaté que la société MCS avait remis au débiteur, le 9 octobre 2014, lors d'une audience devant le juge de l'exécution, des conclusions comprenant copie de l'acte authentique de cession, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que cette remise équivalait à une signification au débiteur auquel la cession était dès lors opposable. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. M. [U] [S] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société MCS la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que la résistance aux demandes adverses, la contestation en justice de mesures d'exécution, et le fait de se défendre en justice, ne constituent pas, sauf circonstances particulières, une faute ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné M. [U] [S] à verser des dommages-intérêts à la société MCS & Associés, aux motifs que cette dernière « souligne que M. [U] [S] sait pertinemment depuis 27 ans être débiteur d'une somme conséquente » sans avoir proposé de mode d'apurement de la dette ce qui autorisait cette société à « se prévaloir d'une résistance abusive », et que « l'adoption d'une position de contestation systématique des mesures d'exécution », à laquelle s'était ajoutée « une nouvelle contestation de saisie-attribution sur ses comptes bancaires pratiquée le 6 février 2019, outre la multiplication de demandes, telles la péremption d'instance ou sa suspension poursuivies en première instance, et l'invocation de moyens dont M. [U] ne pouvait ignorer la fragilité caractérisent un usage des voies de droit de manière disproportionnée et à des fins dilatoires », soit un « comportement fautif » ; qu'en se déterminant de la sorte, cependant que la créance née 27 ans plus tôt concernait la société Citybank et non la société MCS & Associés, que M. [U] [S] avait triomphé en justice dans sa contestation des mesures d'exécution antérieures engagées par la société MCS & Associés, que le résultat de la contestation de la saisie-attribution du 6 février 2019 n'était pas connu, que la péremption d'instance avait été soulevée d'office par le premier juge et non demandée par M. [U] [S], que le premier juge avait fait droit à sa demande de suspension, et que l'invocation de moyens prétendument « fragiles » ne peut être reprochée à une partie, d'autant moins en l'espèce eu égard aux moyens soulevés, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de faute de M. [U] [S] faisant dégénérer en abus son droit de résister aux mesures d'exécution et aux demandes adverses, ni de contester ces mesures en justice et de défendre aux prétentions adverses, a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil, ensemble l'article L. 121-3 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour 9. Ayant retenu que le débiteur savait depuis vingt-sept ans qu'il devait une somme conséquente sans proposer un mode d'apurement de la dette et qu'il avait adopté une position de contestation systématique des mesures d'exécution et multiplié les demandes, telles la péremption d'instance ou sa suspension, et l'invocation de moyens dont il ne pouvait ignorer la fragilité, la cour d'appel a caractérisé les circonstances particulières constitutives d'une faute ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [U] [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux, signé par lui et Mme Tinchon, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Ridoux, avocat aux Conseils, pour M. [U] [S] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [C] [U] [S] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de L'AVOIR débouté de sa demande de mainlevée des mesures d'exécution forcée pratiquée à son encontre par la SAS MCS & Associés le 9 avril 2015, de L'AVOIR débouté de sa demande de dommages-intérêts, D'AVOIR dit que les frais de l'exécution forcée engagés pour les mesures d'exécution forcée pratiquées à son encontre par la SAS MCS & Associés le 9 avril 2015 étaient à la charge du débiteur, et de L'AVOIR condamné à payer à la SAS MCS & Associés la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ; 1°) ALORS, de première part, QUE la remise au conseil du débiteur, lors d'une audience devant le juge de l'exécution, de conclusions mentionnant une cession de créance et contenant copie de l'acte de cession, ne vaut pas signification du transport et ne rend pas la cession de créance opposable au débiteur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1689 et 1690 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige ; 2°) ALORS, de deuxième part, QUE le juge a l'interdiction de méconnaître l'objet du litige et de violer le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, la société MCS & Associés ne soutenait pas que M. [U] [S] aurait su et accepté la cession de créance ; que les débats n'ont pas porté sur cette question ; que dès lors, en jugeant que M. [U] [S] « ne contest[ait] pas avoir connu et accepté sans équivoque cette cession de créance » et qu'il « ne sout[enait pas] qu'il aurait été privé d'éléments nécessaires à une exacte information quant au transfert de la créance lors de la communication judiciaire de l'acte authentique de cession » (arrêt attaqué, p 4 § 5), la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige à la faveur d'un moyen relevé d'office, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, a violé les articles 4, 5 et 16 du code de procédure civile ; 3°) ALORS, en de troisième part, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en jugeant que M. [U] [S] « ne contest[ait] pas avoir connu et accepté sans équivoque cette cession de créance » et qu'il « ne sout[enait pas] qu'il aurait été privé d'éléments nécessaires à une exacte information quant au transfert de la créance lors de la communication judiciaire de l'acte authentique de cession » (arrêt attaqué, p. 4 § 5), quand les écritures de M. [U] [S], dans lesquelles il critiquait la notification par voie de conclusions au motif notamment qu'elle ne l'avait pas été touché (conclusions d'appel, p. 4 à 6, en partic. p. 6 § 2), étaient incompatibles avec les affirmations de l'arrêt susvisées, la cour d'appel a dénaturé les écritures de M. [U] [S] et a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 4°) ALORS, de quatrième part, QUE pour juger que M. [U] [S] avait connu et accepté sans équivoque la cession de créance litigieuse, et qu'il ne démontrait pas qu'il aurait été privé des éléments d'information nécessaires, la cour d'appel s'est fondée sur la remise à l'avocat du débiteur, lors d'une audience devant le juge de l'exécution, de conclusions ayant apparemment contenu l'acte authentique de cession (arrêt attaqué, p. 4) ; qu'en se déterminant par ces motifs ne caractérisant pas la connaissance ni l'acceptation, certaines et sans équivoque, de la cession par le débiteur cédé, la cour d'appel a violé les articles 1689 et 1690 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige. SECOND MOYEN DE CASSATION, subsidiaire M. [C] [U] [S] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de L'AVOIR, infirmant le jugement entrepris de ce chef, condamné à verser à la SAS MCS & Associés la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ; ALORS QUE la résistance aux demandes adverses, la contestation en justice de mesures d'exécution, et le fait de se défendre en justice, ne constituent pas, sauf circonstances particulières, une faute ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné M. [U] [S] à verser des dommages-intérêts à la société MCS & Associés, aux motifs (p. 4) que cette dernière « souligne que M. [U] [S] sait pertinemment depuis 27 ans être débiteur d'une somme conséquente » sans avoir proposé de mode d'apurement de la dette ce qui autorisait cette société à « se prévaloir d'une résistance abusive », et que « l'adoption d'une position de contestation systématique des mesures d'exécution », à laquelle s'était ajoutée « une nouvelle contestation de saisie-attribution sur ses comptes bancaires pratiquée le 6 février 2019, outre la multiplication de demandes, telles la péremption d'instance ou sa suspension poursuivies en première instance, et l'invocation de moyens dont M. [U] ne pouvait ignorer la fragilité caractérisent un usage des voies de droit de manière disproportionnée et à des fins dilatoires », soit un « comportement fautif » ; qu'en se déterminant de la sorte, cependant que la créance née 27 ans plus tôt concernait la société Citybank et non la société MCS & Associés, que M. [U] [S] avait triomphé en justice dans sa contestation des mesures d'exécution antérieures engagées par la société MCS & Associés, que le résultat de la contestation de la saisie-attribution du 6 février 2019 n'était pas connu, que la péremption d'instance avait été soulevée d'office par le premier juge et non demandée par M. [U] [S], que le premier juge avait fait droit à sa demande de suspension, et que l'invocation de moyens prétendument « fragiles » ne peut être reprochée à une partie, d'autant moins en l'espèce eu égard aux moyens soulevés, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de faute de M. [U] [S] faisant dégénérer en abus son droit de résister aux mesures d'exécution et aux demandes adverses, ni de contester ces mesures en justice et de défendre aux prétentions adverses, a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil, ensemble l'article L. 121-3 du code des procédures civiles d'exécution.
La remise au débiteur, lors d'une audience devant le juge de l'exécution, de conclusions mentionnant une cession de créance et contenant copie de l'acte de cession équivaut à une signification au débiteur auquel la cession est dès lors opposable au sens des articles 1689 et 1690 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016
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CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juin 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 453 FS-B Pourvoi n° C 21-16.232 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022 1°/ M. [J] [W], 2°/ Mme [N] [L], épouse [W], tous deux domiciliés 27 bis rue Emile Clermont, entrée A, [Localité 3], 3°/ M. [F] [W], domicilié [Adresse 2], [Localité 4], ont formé le pourvoi n° C 21-16.232 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant : 1°/ au [8], dont le siège est [Adresse 7], [Localité 6], représenté par son syndic en exercice la société Foncia Iles d'Or, dont le siège est 170 chemin de la Villette, Espace Victoria, [Localité 5], 2°/ à la société Foncia Iles d'Or, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 5], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des consorts [W], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence [8] et de la société Foncia Iles d'Or, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 mars 2021), dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, l'assemblée générale de tous les copropriétaires a, le 5 juillet 2016, autorisé la cession à l'un d'entre eux d'une surface déterminée des parties communes spéciales du bâtiment H correspondant à une partie du couloir située au droit de son appartement. 2. M. et Mme [W] et M. [J] [W] (les consorts [W]), propriétaires de lots situés dans ce bâtiment, ont assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence [8] et la société Foncia Iles d'Or, son syndic, en annulation de la résolution n° 28, autorisant cette cession, et de la n° 29, subséquente, ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Les consorts [W] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation des résolutions n° 28 et 29, alors « que seuls les copropriétaires des parties communes spéciales qui en ont la propriété indivise, peuvent décider de leur aliénation ; qu'en jugeant que la résolution n° 28, et la résolution n° 29 subséquente, ayant pour objet la cession d'une partie du couloir du bâtiment H, avait été valablement votée par l'ensemble des copropriétaires de la résidence bien qu'elle ait, elle-même, relevé que le bâtiment H constituait une partie commune spéciale ce dont il résultait qu'une telle décision ne pouvait être votée que par les copropriétaires de ce bâtiment, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965. » Réponse de la Cour Vu les articles 3 et 4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 : 4. Selon le premier de ces textes, sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux et, selon le second, elles sont l'objet d'une propriété indivise entre l'ensemble des copropriétaires ou certains d'entre eux seulement. 5. Pour rejeter la demande d'annulation des résolutions n° 28 et 29, l'arrêt retient que la cession de la partie du couloir commun, qui a été votée à la condition préalable de l'adoption d'un projet modificatif de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété, emporte création d'un lot auquel sont nécessairement affectées une quote-part des parties communes spéciales et une quote-part des parties communes générales, en sorte que la modification du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division qu'elle implique relève de l'approbation de l'ensemble de la collectivité. 6. Il ajoute que la distinction entre la cession relevant des seuls copropriétaires du bâtiment concerné et la modification de l'état descriptif de division relevant de la copropriété toute entière consisterait à confier à une assemblée restreinte le principe de la cession et ses conséquences à l'assemblée générale, alors que cette distinction, qui ne résulte d'aucune disposition légale ou réglementaire, fait dépendre le vote de l'assemblée générale de la décision de l'assemblée restreinte. 7. Il en déduit que la cession des parties communes spéciales devait être soumise à l'approbation de l'ensemble des copropriétaires. 8. En statuant ainsi, alors que seuls les propriétaires des parties communes spéciales peuvent décider de l'aliénation de celles-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation des résolutions n° 28 et 29 de l'assemblée générale des copropriétaires du 5 juillet 2016, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne le [8] et la société Foncia Iles d'Or aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires de la résidence [8] et la société Foncia Iles d'Or et les condamne à payer M. et Mme [W] ainsi qu'à M. [J] [W] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour les consorts [W] Les époux [W] font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de leur demande d'annulation des résolutions n° 28 et 29 de l'assemblée générale du 5 juillet 2016 ; 1°) ALORS QUE seuls les copropriétaires des parties communes spéciales qui en ont la propriété indivise, peuvent décider de leur aliénation ; qu'en jugeant que la résolution n° 28, et la résolution n° 29 subséquente, ayant pour objet la cession d'une partie du couloir du bâtiment H, avait été valablement votée par l'ensemble des copropriétaires de la résidence bien qu'elle ait, elle-même, relevé que le bâtiment H constituait une partie commune spéciale ce dont il résultait qu'une telle décision ne pouvait être votée que par les copropriétaires de ce bâtiment, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 ; 2°) ALORS QUE constitue une véritable décision, comme telle soumise à annulation, toute résolution prise par l'assemblée générale des copropriétaires et qui emporte des effets juridiques propres ; qu'en refusant d'annuler la résolution n° 28, et la résolution n° 29 subséquente, ayant pour objet la cession d'une partie commune spéciale, votée par l'ensemble des copropriétaires de la résidence, motif pris de ce qu'elle impliquait une modification du règlement de copropriété et une nouvelle répartition des tantièmes qui serait décidée par l'ensemble des copropriétaires quand la résolution litigieuse, constituait en soi une véritable décision en ce qu'elle produisait ses propres effets de droit et devait, comme telle, être soumise aux seuls copropriétaires concernés, la cour d'appel a violé l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, les sommes représentant le prix des parties communes cédées se divisent de plein droit entre les copropriétaires dans les lots desquels figuraient ces parties communes et proportionnellement à la quotité de ces parties afférentes à chaque lot ; qu'en refusant d'annuler la résolution n° 28, et la résolution n° 29 subséquente, de cession d'une partie du couloir du bâtiment H, partie commune spéciale, qui impliquait une répartition du prix entre l'ensemble des copropriétaires de la résidence, quand les sommes représentant le prix de cession d'une partie commune spéciale ne pouvait se diviser qu'entre les copropriétaires dans les lots desquels figuraient ces parties communes, la cour d'appel a méconnu l'article 16-1 de la loi du 10 juillet 1965 ; 4°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'assemblée générale ne saurait, à quelque majorité que ce soit, priver un copropriétaire d'une partie de ses droits sur les parties communes contenues dans son lot ; qu'en refusant d'annuler la résolution n° 28, et la résolution n° 29 subséquente, de cession d'une partie du couloir du bâtiment H, partie commune spéciale, qui impliquait une répartition du prix de cession entre l'ensemble des copropriétaires de la résidence quand cette décision avait pour effet de priver partiellement les copropriétaires de cette partie commune spéciale et ne pouvait dès lors être votée sans leur consentement, la cour d'appel a méconnu l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble les articles 544 du code civil et 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'Homme.
Lors de l'assemblée générale des copropriétaires, appelée à se prononcer sur la cession de parties communes spéciales, seuls les copropriétaires, propriétaires de celles-ci, peuvent décider de leur aliénation
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CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juin 2022 Cassation Mme TEILLER, président Arrêt n° 457 FS+B Pourvoi n° V 21-11.602 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022 La société La Vénitienne, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 3], a formé le pourvoi n° V 21-11.602 contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [C] [Y], domiciliée [Adresse 5], [Localité 2], 2°/ à Mme [E] [D], épouse [O], domiciliée [Localité 1], 3°/ à Mme [K] [D], épouse [X], domiciliée [Adresse 6], [Localité 2], 4°/ à M. [B] [D], domicilié [Adresse 4], [Localité 2], 5°/ à M. [N] [D], 6°/ à M. [L] [D], tous deux domiciliés [Localité 2], 7°/ à Mme [T] [D], épouse [S], domiciliée [Localité 2], défendeurs à la cassation. Mme [C] [Y], Mme [E] [D], Mme [K] [D], M. [B] [D], M. [N] [D], M. [L] [D] et Mme [T] [D] ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ; La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ; Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société La Vénitienne, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [C] [Y], Mme [E] [D], Mme [K] [D], M. [B] [D], M. [N] [D], M. [L] [D] et Mme [T] [D] et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mme Schmitt, M. Baraké, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 30 janvier 2020), Mme [C] [Y], Mme [E] [D], Mme [K] [D], M. [B] [D], M. [N] [D], M. [L] [D] et Mme [T] [D] (les consorts [D]) ont donné à bail commercial à la société La Vénitienne un local édifié sans permis de construire. 2. La société La Vénitienne a assigné les consorts [D] en résolution du bail à leurs torts et en réparation de ses préjudices. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société La Vénitienne fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de résolution du bail aux torts des consorts [D] et en réparation de ses préjudices, alors « que le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; que pour juger que la société locataire ne démontre pas que les bailleurs ont manqué à leur obligation de délivrance, la cour d'appel a retenu qu'elle exploitait le local litigieux conformément à sa destination, qu'un commerce identique était exploité dans les lieux de manière constante depuis 1996, qu'elle ne produisait pas de courrier de l'administration lui enjoignant de quitter les lieux et que selon l'expert, l'absence de régularité de la situation administrative du local n'avait pas d'incidence directe sur l'exploitation quotidienne du fonds de commerce ; qu'en se prononçant ainsi, après avoir relevé, pour retenir une faute à l'encontre des bailleurs, que la chose louée était affectée d'un défaut de conformité dont il n'était pas démontré qu'il était régularisable, causant des troubles d'exploitation à la société locataire « consistant en des difficultés pour assurer les lieux, de fortes restrictions quant aux capacités de développement de son commerce, ainsi qu'en une limitation drastique de sa capacité à vendre son fonds du fait du risque de perte du local d'exploitation en cas d'injonction administrative de démolir », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1719 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1719 du code civil : 4. Selon ce texte, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'une stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée. 5. Pour rejeter la demande de la société La Vénitienne en résolution du bail, l'arrêt retient qu'elle exploite le local litigieux, conformément à sa destination de commerce de pizzas à emporter, depuis la signature du bail, et que l'absence de régularité de la situation administrative du local n'a pas d'incidence directe sur l'exploitation quotidienne du fonds de commerce et ne peut légitimer le non-paiement des loyers. 6. L'arrêt retient, encore, que le défaut de permis de construire affectant le local commercial, dont les consorts [D] ne démontrent pas qu'il puisse être régularisé, est source de troubles d'exploitation consistant en des difficultés pour assurer les lieux, de fortes restrictions quant aux capacités de développement du commerce, ainsi qu'en une limitation drastique de la capacité du preneur à vendre son fonds du fait du risque de perte du local d'exploitation en cas d'injonction administrative de démolir. 7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le pourvoi principal entraîne, par voie de conséquence, l'annulation des dispositions critiquées par le moyen du pourvoi incident fixant le montant des préjudices subis par la société La Vénitienne, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ; Condamne Mme [C] [Y], Mme [E] [D], Mme [K] [D], M. [B] [D], M. [N] [D], M. [L] [D] et Mme [T] [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [C] [Y], Mme [E] [D], Mme [K] [D], M. [B] [D], M. [N] [D], M. [L] [D] et Mme [T] [D] et les condamne à payer à la société La Vénitienne la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour la société La Vénitienne Premier moyen de cassation La société La Vénitienne fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de résiliation du bail du 1er juillet 2009 aux torts exclusifs des bailleurs avec effet rétroactif à cette date et de ses demandes subséquentes en remboursement des loyers versés depuis le 1er juillet 2009 et en réparation de ses préjudices, au delà de la somme de 8.114.600 F CFP ; 1°) Alors que le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; que pour juger que la société locataire ne démontre pas que les bailleurs ont manqué à leur obligation de délivrance, la cour d'appel a retenu qu'elle exploitait le local litigieux conformément à sa destination, qu'un commerce identique était exploité dans les lieux de manière constante depuis 1996, qu'elle ne produisait pas de courrier de l'administration lui enjoignant de quitter les lieux et que selon l'expert, l'absence de régularité de la situation administrative du local n'avait pas d'incidence directe sur l‘exploitation quotidienne du fonds de commerce ; qu'en se prononçant ainsi, après avoir relevé, pour retenir une faute à l'encontre des bailleurs, que la chose louée était affectée d'un défaut de conformité dont il n'était pas démontré qu'il était régularisable, causant des troubles d'exploitation à la société locataire « consistant en des difficultés pour assurer les lieux, de fortes restrictions quant aux capacités de développement de son commerce, ainsi qu'en une limitation drastique de sa capacité de vendre son fonds du fait du risque de perte du local d'exploitation en cas d'injonction administrative de démolir », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1719 du code civil ; 2°) Alors que pour juger que les bailleurs n'ont pas manqué à leur obligation de délivrance, la cour d'appel a retenu qu'il résulte de la pièce 11 du dossier des intimés (les bailleurs) qu'un commerce identique était exploité dans les lieux de manière constante depuis 1996 ; que la pièce produite par les intimés en appel sous le numéro 11, à savoir le compromis de vente du fonds de commerce, ne comprend aucun terme en ce sens ; que la cour d'appel en a donc dénaturé les termes clairs et précis, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les pièces du dossier ; 3°) Alors que si, dans un contrat synallagmatique à exécution successive, la résiliation judiciaire n'opère pas pour le temps où le contrat a été régulièrement exécuté, la résolution judiciaire pour absence d'exécution ou exécution imparfaite dès l'origine entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat ; qu'en déboutant la société La Vénitienne de sa demande de restitution de l'intégralité des loyers versés en exécution du bail en conséquence de l'inexécution par les bailleurs de leur obligation de délivrance au motif, inopérant, de l'absence de dol, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil. Second moyen de cassation (subsidiaire) La société la Vénitienne fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la résiliation du bail à ses torts exclusifs à effet du 3 novembre 2018, d'avoir en conséquence ordonné son expulsion des lieux, de l'avoir condamnée à payer aux bailleurs la somme de 5 070 000 F CFP au titre des loyers et indemnités d'occupation échus depuis le 1er novembre 2016 jusqu'à sa décision et une somme mensuelle de 130 000 F CFP à titre d'indemnité d'occupation à compter du 1er février 2020 et jusqu'à la libération effective des lieux ; 1/ Alors que la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence l'annulation des chefs de l'arrêt ayant constaté la résiliation du bail aux torts exclusifs de la société La Vénitienne, ordonné l'expulsion des lieux de la société et l'ayant condamnée à payer aux bailleurs une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux, en application de l'article 624 du code de procédure civile, les chefs de dispositif critiqués étant unis par un lien de dépendance nécessaire ; 2/ Alors qu'une clause résolutoire n'est pas acquise si elle a été mise en oeuvre de mauvaise foi par le créancier ; que pour constater l'acquisition de la clause résolutoire, la cour d'appel a retenu que le défaut de conformité de la chose louée n'est pas en lui-même constitutif d'une mauvaise foi des bailleurs susceptible de priver d'effet leur commandement de payer, qu'en effet, dès lors que cette irrégularité administrative n'empêchait pas la société locataire de poursuivre l'exploitation de son fonds de commerce, les bailleurs étaient en droit d'obtenir le paiement de leurs loyers ; qu'en statuant ainsi, après avoir relevé, pour retenir une faute à l'encontre des bailleurs, que ceux-ci ont construit l'extension abritant le local désormais occupé par la société La Vénitienne sans avoir préalablement obtenu de permis de construire et qu'ils ont néanmoins permis à celle-ci d'y transférer l'exploitation de son fonds de commerce, alors qu'ils ne pouvaient ignorer que la chose louée était affectée d'un défaut de conformité dont il n'était pas démontré qu'il était régularisable, causant des troubles d'exploitation à la société locataire « consistant en des difficultés pour assurer les lieux, de fortes restrictions quant aux capacités de développement de son commerce, ainsi qu'en une limitation drastique de sa capacité de vendre son fonds du fait du risque de perte du local d'exploitation en cas d'injonction administrative de démolir », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française, antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour les consorts [D] Les consorts [J] à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés solidairement à verser à la société La Vénitienne en réparation des préjudices causés par leur faute la somme globale de 8 114 600 francs CFP (7 500 000 francs CFP + 614 600 francs CFP) ; ALORS QUE la société La Vénitienne demandait réparation d'un préjudice consistant dans le manque à gagner et la perte éprouvée en ce que le fonds de commerce ne pouvait être vendu (conclusions adverses, p. 8, § 4) ; que la cour d'appel a jugé qu' « il n'[était] pas établi que, nonobstant la perte du droit au bail, le fonds de l'appelante (incluant notamment son nom commercial et sa clientèle) n'aurait pas pu être cédé à un commerçant disposant d'un autre local à proximité puisque ce droit au bail ne constitue que l'un des élément du fonds » (arrêt, p. 7, § 2), ce dont il résultait que la société La Vénitienne n'avait pas établi l'existence du préjudice qu'elle alléguait ; que la cour d'appel a indemnisé le préjudice de perte de chance de vendre le fonds de commerce (arrêt, p. 7, § 2 à 4) ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas soutenu que le préjudice subi consistait en une perte de chance, la cour d'appel qui a relevé d'office le moyen tiré de l'existence d'un tel préjudice, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, a violé l'article 6 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Manque à son obligation de délivrance le bailleur louant un local commercial affecté d'un défaut de permis de construire
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juin 2022 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 360 FS-B Pourvoi n° T 19-20.999 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2022 1°/ La société Janssen-Cilag, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ la société Johnson & Johnson, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 5] (États-Unis), ont formé le pourvoi n° T 19-20.999 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige les opposant : 1°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence, domiciliée [Adresse 2], 2°/ au ministre chargé de l'Economie, domicilié [Adresse 7], 3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la présidente de l'Autorité de la concurrence, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, Mme Beaudonnet, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte aux sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Paris. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 juillet 2019), par décision n° 17-D-25 du 20 décembre 2017, l'Autorité de la concurrence (l'Autorité), considérant que la société Janssen-Cilag, qui commercialise un médicament princeps constitutif d'un dispositif transdermique de fentanyl appelé Durogesic, s'était, au cours de l'année 2008, immiscée indûment dans la procédure nationale d'examen des demandes d'autorisation de mise sur le marché (AMM) portant sur les spécialités produites par la société Ratiopharm, par une intervention juridiquement infondée auprès de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (l'AFSSAPS), devenue depuis l'Agence nationale de sécurité du médicament, (l'ANSM), afin de convaincre cette dernière de refuser l'octroi, au niveau national, du statut de générique aux spécialités concurrentes de Durogesic en dépit de l'obtention de ce statut au niveau européen, et avait, une fois ces autorisations octroyées, diffusé, jusqu'à mi-août 2009, un discours dénigrant sur les spécialités Ratiopharm auprès de professionnels de santé exerçant en milieu hospitalier et en ville, a infligé une sanction pécuniaire à la société Janssen-Cilag, ainsi qu'à la société Johnson & Johnson, en qualité de société mère, pour abus de position dominante entrant dans le champ d'application des articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et L. 420-2 du code de commerce. 3. Saisie d'un recours contre cette décision, la cour d'appel de Paris a réformé, en le réduisant, le montant de la sanction. Examen des moyens Sur le cinquième moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Les sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson font grief à l'arrêt de rejeter le moyen d'annulation de la décision de l'Autorité pris de l'incompétence de celle-ci pour apprécier les arguments juridiques développés par la société Janssen-Cilag devant l'AFSSAPS et, par voie de réformation de cette décision, de leur infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 21 millions d'euros, alors : « 1°/ que le directeur général de l'AFSSAPS, auquel les articles L. 5121-10 et R. 5121-5 du code de la santé publique attribuent une compétence exclusive pour se prononcer sur l'identification d'un médicament comme une spécialité générique et sur son inscription au répertoire des groupes génériques, est seul compétent pour apprécier, sous le contrôle du juge administratif, le bien fondé, au regard des normes du code de la santé publique, des arguments juridiques et scientifiques soulevés par un laboratoire pharmaceutique dans le cadre de l'instruction préparatoire à l'édiction de telles décisions ; que l'Autorité n'a pas pour mission légale de veiller au respect des règles de santé publique ; qu'il s'ensuit que lorsque le directeur général de l'AFSSAPS a pris, en application des textes susvisés, une décision reconnaissant le bien-fondé des arguments soulevés par un laboratoire pharmaceutique, l'Autorité ne saurait, sans outrepasser les compétences que lui attribuent les articles L. 461-1 et L. 462-6 du code de commerce, se faire elle-même juge de la légalité des arguments juridiques soulevés par ce laboratoire au regard des normes du droit pharmaceutique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le directeur général de l'AFSSAPS avait édicté le 28 juillet 2008 une décision par laquelle il avait refusé en l'état d'identifier les spécialités Ratiopharm comme médicaments génériques en vue de leur inscription au répertoire des groupes génériques, compte tenu de l'absence de démonstration suffisante de l'identité de la quantité de substance active libérée dans l'organisme entre les spécialités Durogesic et celles de Ratiopharm ; qu'il s'évinçait ainsi des termes de cette décision que son auteur avait nécessairement considéré qu'il disposait bien du pouvoir d'appréciation que la société Janssen-Cilag l'avait invité à exercer ; qu'en jugeant néanmoins que l'Autorité n'avait pas outrepassé sa compétence en appréciant elle-même le bien-fondé de l'argumentation juridique soulevée par le laboratoire Janssen-Cilag devant le directeur général de l'AFSSAPS sans se considérer liée par l'analyse juridique que ce dernier avait pu suivre dans le cadre du dossier des spécialités Ratiopharm, au motif que la mission de répression des pratiques anticoncurrentielles confiée à l'Autorité impliquerait une plénitude de compétence, qui ne saurait être entravée en la rendant captive d'une analyse juridique retenue par une autre autorité administrative, cependant que le directeur général de l'AFSSAPS était exclusivement compétent pour exercer le contrôle de la conformité de l'argumentation juridique soutenue devant lui aux normes du droit pharmaceutique, la cour d'appel a violé les articles L. 5121-10 et R. 5121-5 du code de la santé publique et les articles L. 461-1 et L. 462-6 du code de commerce ; 2°/ que l'Autorité était d'autant moins compétente pour faire prévaloir sa propre appréciation de la légalité de l'argumentation juridique soulevée par le laboratoire Janssen-Cilag devant le directeur général de l'AFSSAPS au regard des normes du droit pharmaceutique sur celle qu'en avait faite cette autorité sanitaire qu'une telle appréciation n'était pas dissociable d'un jugement sur la légalité de la décision administrative du 28 juillet 2008 par laquelle l'AFSSAPS avait fait droit à cette argumentation ; que l'Autorité avait énoncé dans sa décision qu'un laboratoire pharmaceutique en position dominante "ne peut pas s'immiscer indûment dans le processus décisionnel d'une autorité de santé, en présentant à cette dernière des arguments de nature à l'inciter à adopter une décision contraire au cadre juridique s'imposant à elle" et que tel était le cas en l'espèce puisque "l'agence française de santé ne disposait d'aucune marge de manoeuvre pour revenir sur ce statut [de médicament générique], reconnu par la décision du 23 octobre 2007 de la Commission européenne", de sorte qu'elle "était tenue d'accorder une AMM nationale reconnaissant le statut de générique aux spécialités génériques de fentanyl transdermique de Ratiopharm et d'en tirer les conséquences juridiques en les inscrivant au répertoire des génériques" et que "sur les sollicitations de Janssen-Cilag, l'AFSSAPS a réuni des groupes de travail – le GTMG et le GTNPA – revenant indûment sur le statut de générique de ces spécialités", puis "a alors rendu, le 28 juillet 2008, des décisions d'AMM concernant ces spécialités mais en refusant leur inscription au répertoire des génériques" ; qu'en affirmant néanmoins que l'Autorité n'avait pas outrepassé ses compétences dès lors qu'elle ne s'était pas prononcée sur la légalité des décisions prises par le directeur général de l'AFSSAPS, cependant qu'il ressortait des énonciations mêmes de la décision attaquée que l'examen du bien-fondé de l'argumentation soulevée par le laboratoire à laquelle l'Autorité s'était livrée n'était pas détachable d'une appréciation de la légalité de la décision administrative du 28 juillet 2008 par laquelle le directeur général de l'AFSSAPS y avait fait droit, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ; 3°/ que la cour d'appel a elle-même énoncé que "dès lors que les spécialités Ratiopharm se sont vu reconnaître, par la décision de la Commission, la qualité de médicament générique, au sens de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27, la qualité de spécialité générique, au sens des articles L. 5121-1, 5° et L. 5121-10 du code de la santé publique, ne pouvait pas leur être déniée par les autorités nationales, et notamment l'AFSSAPS" , de sorte que son directeur général était "tenu, en vertu du dernier de ces articles, de les inscrire au répertoire des groupes génériques en tant que génériques de Durogesic", que "le débat concernant la qualité de générique des spécialités Ratiopharm, indûment soulevé par la société Janssen-Cilag, a parasité les travaux de l'AFSSAPS, l'empêchant de répondre d'emblée à la seule question pertinente de l'encadrement de la substitution" et qu'ainsi, "au lieu de se concentrer sur les modalités d'encadrement de la substitution en cours de traitement, l'AFSSAPS a consacré une partie de sa réflexion et de son temps à se demander si les spécialités Ratiopharm étaient des génériques de Durogesic, alors même que cette analyse avait été déjà faite par les autorités de l'Union, dont la décision s'imposait à elle" ; qu'en l'état de ces énonciations, qui font ressortir que l'examen du bien-fondé de l'argumentation juridique soulevée par le laboratoire Janssen-Cilag devant le directeur général de l'AFSSAPS n'était pas détachable d'une appréciation, fût-elle incidente, de la légalité de la décision administrative du 28 juillet 2008 par laquelle le directeur général de l'AFSSAPS y avait fait droit, la cour d'appel de Paris ne pouvait, sans méconnaître le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, se livrer elle-même à cette appréciation, qui relevait de la compétence exclusive de la juridiction administrative et qu'elle aurait dès lors dû interroger par voie préjudicielle avant d'entrer en voie de répression ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 4°/ qu'en outre, lorsque la résolution d'une question de droit européen de la concurrence dépend au moins pour partie de la solution d'une question préalable imposant d'examiner la licéité de certaines pratiques au regard d'une législation interne ou européenne de droit pharmaceutique dont l'interprétation est discutée, la résolution de cette question préalable ne relève pas de la compétence des autorités nationales de concurrence, mais de celle des seules autorités administratives spécialisées dans cette matière sous le contrôle de leur propre juge et, pour autant qu'un tel examen a été effectué par ces dernières, les autorités nationales de concurrence sont tenues de se conformer à leurs décisions (CJUE, 23 janvier 2018, [Localité 4] C-179/16, §§. 60 et 61) ; qu'en l'espèce, l'Autorité avait fondé sa décision sur la considération générale d'après laquelle "l'immixtion d'une entreprise en position dominante dans le processus décisionnel d'une autorité publique est susceptible de constituer un abus de position dominante contraire aux articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce, dans la mesure où cette intervention est indue, en ce qu'elle est juridiquement infondée, et qu'elle vise à convaincre l'autorité publique de prendre une décision qu'elle ne devrait pas prendre" et avait, en l'espèce, considéré que "le laboratoire Janssen-Cilag est intervenu de façon indue auprès de l'AFSSAPS afin de la convaincre de refuser l'octroi au niveau national du statut de générique aux spécialités concurrentes de Durogesic, en dépit de l'obtention de ce statut au niveau européen", de sorte que "les interventions répétées de Janssen-Cilag devant l'agence nationale de santé ont conduit l'AFSSAPS à ne pas procéder à l'identification des spécialités de fentanyl transdermique comme génériques de Durogesic à l'occasion de la délivrance des AMM de ces spécialités en juillet 2008" "constat ", selon elle, "suffisant pour fonder une pratique d'abus de position dominante" ; qu'en jugeant que l'Autorité n'avait pas outrepassé sa compétence dès lors qu'elle avait le devoir de replacer les pratiques incriminées dans leur contexte juridique, cependant qu'il résultait des énonciations précitées de la décision attaquée que l'Autorité ne s'était pas bornée à déterminer le "cadre juridique" dans lequel s'était inscrit l'intervention du pharmacien responsable de la société Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS, mais avait directement déduit l'existence d'un abus de position dominante du constat d'après lequel le laboratoire Janssen-Cilag était, selon elle, parvenu à convaincre l'autorité de santé de prendre une décision qu'elle n'aurait pas dû prendre au regard des normes du droit pharmaceutique, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 5121-10 et R. 5121-5 de ce code et les articles L. 461-1 et L. 462-6 du code de commerce, ensemble l'article 102 du TFUE ; 5°/ qu'enfin, la distinction faite par la cour d'appel entre les appréciations de caractère juridique, pour lesquelles l'Autorité disposerait d'une plénitude de compétence, et les appréciations de caractère scientifique, qui ne relèvent que de la compétence d'une autorité spécialisée telle que l'AFSSAPS, est étrangère à la jurisprudence Hoffmann-Laroche, qui a bien affirmé l'incompétence des autorités nationales de concurrence pour trancher elles-mêmes la question de la légalité d'une pratique au regard des dispositions internes et communautaires de droit pharmaceutique ; qu'en tant que l'article L. 5121-1, 5° du code de la santé publique définit la notion de médicament générique par référence à des critères tirés de notions scientifiques telles que celle de "bioéquivalence démontrée par des études de biodisponibilité appropriées", son interprétation et sa mise en oeuvre pratique sont elles-mêmes indissociables de considérations de nature scientifique et impliquent une expertise de cette nature ; qu'en opposant les appréciations de caractère juridique, pour lesquelles l'Autorité disposerait d'une plénitude de compétence, et les appréciations de caractère scientifique, quand une telle distinction n'était pas de nature à justifier la compétence prétendue de l'Autorité de substituer sa propre appréciation du bien-fondé de l'argumentation juridique soulevée par le laboratoire Janssen-Cilag devant le directeur général de l'AFSSAPS à l'appréciation que ce dernier en avait faite dans le cadre du dossier des spécialités Ratiopharm, la cour d'appel a violé les articles L. 5121-10 et R. 5121-5 de ce code et les articles L. 461-1 et L. 462-6 du code de commerce, ensemble le principe d'indépendance des législations. » Réponse de la Cour 6. L'arrêt rappelle que l'Autorité, qui peut être saisie de toute pratique susceptible de constituer une infraction aux règles de concurrence, quel que soit le secteur d'activité concerné, a le devoir, aux fins d'apprécier leur éventuel caractère anticoncurrentiel, de replacer les pratiques incriminées dans leur contexte juridique – qui diffère suivant le marché sur lequel les pratiques se déroulent – et factuel. Il en déduit que l'Autorité n'a pas outrepassé ses pouvoirs en déterminant, au préalable, le cadre juridique et factuel dans lequel s'inscrivait l'intervention de la société Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS, sans se considérer liée par l'analyse juridique que celle-ci, ou son directeur général, avaient pu suivre dans le cadre du dossier des spécialités Ratiopharm, la question de savoir si, ce faisant, elle a fait une interprétation erronée des dispositions applicables ou une mauvaise appréciation du contexte factuel relevant de l'appréciation de la légalité interne de la décision attaquée. Il relève qu'en considérant que la décision de la Commission européenne avait définitivement tranché la question de la qualité de générique des spécialités Ratiopharm, au sens tant du droit de l'Union que du droit français, l'Autorité ne s'est pas immiscée dans le fonctionnement de l'AFSSAPS, dès lors que cette appréciation, portée en 2017, dans la décision contestée, n'a en rien empiété sur le traitement du dossier des spécialités Ratiopharm par cette autorité ou son directeur général dans le courant de l'année 2008 ni sur les décisions qu'ils ont pu prendre, et que l'Autorité, qui n'était saisie d'aucun recours contre les décisions de l'AFSSAPS ou de son directeur général et n'aurait d'ailleurs pas été compétente pour en connaître, ne s'est pas prononcée sur la légalité de ces décisions. Il estime également que l'Autorité était fondée à rechercher si les comportements de la société Janssen-Cilag, qui commercialisait le Durogesic depuis plusieurs années, ne tendaient pas à préserver sa position sur le marché des spécialités à base de fentanyl et que le fait que l'AFSSAPS fût, sans conteste, compétente pour délivrer des AMM aux spécialités Ratiopharm, et son directeur général pour les inscrire dans le répertoire des groupes génériques, n'interdisait nullement à l'Autorité d'apprécier si la société Janssen-Cilag s'était efforcée, par des moyens étrangers à une concurrence par les mérites, d'empêcher ou retarder ces délivrance et inscription. Il relève enfin que l'Autorité ne s'est, à aucun moment, prononcée sur l'éventuel caractère anticoncurrentiel des décisions de l'AFSSAPS ou de son directeur général, de sorte que la question de savoir si ces décisions sont détachables de l'exercice de prérogatives de puissance publique excluant la compétence de l'Autorité ne se pose pas. 7. L'arrêt énonce ensuite que s'il résulte de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) Hoffmann-Laroche C-179/16 du 23 janvier 2018 que la vérification de la conformité au droit de l'Union des conditions dans lesquelles un médicament est, du côté de la demande, prescrit par les médecins, et, du côté de l'offre, reconditionné en vue de son utilisation hors AMM, n'incombe pas aux autorités nationales de la concurrence, mais aux autorités ayant compétence pour contrôler le respect de la réglementation pharmaceutique, c'est parce qu'une telle vérification implique des appréciations complexes de nature scientifique. Il déduit qu'il n'en résulte pas l'impossibilité pour une autorité de concurrence d'établir le cadre juridique dans lequel se sont inscrites les pratiques sanctionnées. 8. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, faisant ressortir que des appréciations scientifiques n'étaient pas requises, au cas d'espèce, pour analyser la réglementation juridique en cause et que l'Autorité ne s'était pas livrée à de telles appréciations, la cour d'appel, qui n'a méconnu ni les pouvoirs et attributions de l'AFSSAPS et de son directeur général, ni la séparation des pouvoirs, ni la jurisprudence de la CJUE sur les compétences respectives des autorités sanitaires et des autorités de concurrence, a, à bon droit, décidé que l'Autorité était compétente pour qualifier les comportements reprochés à la seule société Janssen-Cilag, au regard des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce dont elle est chargée de vérifier le respect et, le cas échéant, de sanctionner les pratiques qui y sont contraires. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 10. Les sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson font grief à l'arrêt de rejeter le moyen d'annulation de la décision de l'Autorité pris du défaut de notification des actes d'instruction au ministre chargé de la santé et, par voie de réformation de cette décision, de leur infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 21 millions d'euros, alors : « 1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'après avoir constaté que la décision de l'Autorité avait été prise au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 463-2 du code de commerce, faute pour le rapporteur ou le rapporteur général adjoint d'avoir notifié le rapport au ministre chargé de la santé, la cour d'appel a relevé d'office le moyen de défense tiré de l'application de l'article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 et du principe dégagé par le Conseil d'Etat d'après lequel "un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie" (CE, Ass., 23 décembre 2011, [P], n° 335477), puis a considéré que le défaut de notification du rapport au ministre chargé de la santé n'avait privé les parties poursuivies d'aucune garantie et n'avait pu avoir d'influence sur le sens de la décision dès lors que l'Autorité disposait d'ores et déjà de l'éclairage le plus complet qui soit sur le cadre juridique et scientifique à la suite de l'audition des agents de l'AFSSAPS et de l'ANSM, de sorte que l'absence d'avis du ministre de la santé n'avait pu, en l'espèce, la priver d'éléments de compréhension dudit cadre ni, par conséquent, avoir une incidence sur son interprétation ; qu'en s'abstenant de rouvrir les débats pour provoquer les explications contradictoires des parties sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°/ qu' en toute hypothèse, pour juger que le défaut de notification du rapport au ministre chargé de la santé n'était pas susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision de l'Autorité, la cour d'appel a relevé que les rapporteurs avaient procédé à l'audition du chef du pôle juridique à la direction juridique et réglementaires de l'ANSM, d'un évaluateur au pôle réglementaire à la même direction, du responsable du département de l'évaluation pharmaceutique de l'AFSSAPS, d'un évaluateur à la direction générique et d'un évaluateur pharmacocinétique à la direction de l'évaluation de l'ANSM, de sorte que l'Autorité disposait d'ores et déjà de l'éclairage le plus complet qui soit sur le cadre juridique et scientifique par les agents de l'AFSSAPS et de l'ANSM ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que l'AFSSAPS, ainsi que l'ANSM, qui lui a succédé, sont des établissements publics de l'Etat placés par l'article L. 5311-1 du code de la santé publique "sous la tutelle du ministre chargé de la santé", circonstance de droit dont il s'évinçait que les réponses que de simples agents de l'AFSSAPS et de l'ANSM avaient pu donner lors de leur audition par les services de l'instruction de l'Autorité ne pouvaient être tenues pour équipollentes à l'avis que le ministre chargé de la santé, autorité de tutelle de l'établissement dont relevaient ces agents, aurait lui-même pu donner s'il avait été mis en mesure de le faire par la communication du rapport, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé le texte susvisé, ensemble l'article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ; 3°/ qu'en jugeant que le défaut de notification du rapport au ministre chargé de la santé n'était pas susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision de l'Autorité dès lors que celle-ci disposait déjà d'ores et déjà, au travers des auditions de plusieurs agents de l'AFSSAPS et de l'ANSM, de l'éclairage le plus complet qui soit sur le cadre juridique et scientifique dans lequel s'étaient déroulées les interventions reprochées à la société Janssen-Cilag, cependant qu'elle constatait par ailleurs que, par une décision du 28 juillet 2008, le directeur général de l'AFSSAPS avait délivré au laboratoire Ratiopharm les AMM demandées, mais avait refusé en l'état l'identification du fentanyl Ratiopharm comme médicament générique et son inscription au répertoire des groupes génériques, compte tenu de l'absence de démonstration suffisante de l'identité de la quantité de substance active libérée dans l'organisme entre les spécialités Durogesic et celles de Ratiopharm, circonstance dont il s'évinçait que le directeur général de l'AFSSAPS, supérieur hiérarchique des agents entendus par l'Autorité lors de son instruction, avait implicitement mais nécessairement considéré que l'AFSSAPS n'était pas, du fait de la décision de la Commission européenne du 23 octobre 2007 en situation de compétence liée pour décider de l'inscription au répertoire des groupes génériques des dispositifs transdermiques à base de fentanyl du laboratoire Ratiopharm, ce qui ne rendait que d'autant plus nécessaire de mettre le ministre chargé de la santé en mesure de faire connaître sa propre doctrine, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a derechef violé l'article L. 5311-1 du code de la santé publique, ensemble l'article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ; 4°/ qu'enfin l'article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 et le principe dont il s'inspire d'après lequel "un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie" ne sont applicables au cas d'omission d'une procédure obligatoire qu'à la condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte (arrêt [P], précité) ; qu'en relevant que l'Autorité, en sa qualité d'autorité administrative indépendante, n'est pas liée par les avis que les ministres intéressés peuvent lui transmettre, pour en déduire que l'éventuel avis du ministre chargé de la santé n'aurait pas été susceptible de modifier le sens de la décision attaquée, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à justifier sa décision, privant sa décision de base légale au regard du texte et du principe susvisés. » Réponse de la Cour 11. En premier lieu, après avoir estimé que le ministre chargé de la santé était un ministre intéressé au sens de l'article L. 463-2, alinéas 1 et 2, du code de commerce et que la procédure suivie était, faute qu'il ait été procédé à la notification, à ce ministre, du rapport établi par les services d'instruction, irrégulière, la cour d'appel, qui était saisie d'un moyen de légalité externe de la décision de l'Autorité faisant valoir que la sanction de ce défaut de notification était la nullité, sans indiquer de quel texte celle-ci résultait, a relevé qu'aucune disposition légale ou réglementaire du code de commerce ne précisait les conséquences de cette irrégularité, ce dont elle a déduit, à juste titre, qu'il lui appartenait de les déterminer elle-même. 12. La sanction du vice de procédure relevé étant donc dans le débat, c'est sans méconnaître le principe de la contradiction qu'ayant retenu que le défaut de notification du rapport s'analysait comme un manquement à une consultation obligatoire au sens de l'article 70 de la loi n° 211-525 du 27 mai 2011 alors applicable, elle a, faisant application des règles dégagées par l'arrêt du Conseil d'Etat du 23 décembre 2011 [P], req. N° 335477, recherché si l'omission de la formalité en cause avait été susceptible d'exercer une influence sur la décision prise. 13. En second lieu, l'arrêt retient que les auditions d'agents de l'AFSSAPS et de l'ANSM, auxquelles il avait été procédé au cours de l'instruction, avaient éclairé suffisamment l'Autorité sur le cadre juridique et scientifique dans lequel les pratiques en cause avaient été relevées, de sorte que l‘absence d'avis du ministre chargé de la santé n'a pu, en l'espèce, la priver d'éléments de compréhension de ce cadre ni avoir une incidence sur son interprétation. 14. En l'état de ces seules énonciations et appréciations, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la quatrième branche, c'est souverainement que la cour d'appel a estimé que l'omission de la formalité requise n'avait pu avoir d'influence sur le sens de la décision de l'Autorité, ce dont elle a déduit qu'il n'y avait pas lieu de l'annuler. 15. Pour partie inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 16. Les sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson font grief à l'arrêt de rejeter les moyens d'annulation de la décision de l'Autorité pris de ce que l'Autorité avait commis des erreurs de droit quant à la détermination du cadre réglementaire dans lequel s'était inscrite l'intervention du laboratoire Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS desquelles résultait une inexacte qualification de cette intervention comme « juridiquement infondée » et de leur infliger une sanction pécuniaire, alors : « 1°/ qu'en vertu de l'article 168, § 7 du TFUE, "l'action de l'Union est menée dans le respect des responsabilités des Etats membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l'organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux" et "les responsabilités des Etats membres incluent la gestion de services de santé et de soins médicaux, ainsi que l'allocation des ressources qui leur sont affectées" ; que, par ailleurs, l'article 10 de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, dans sa version consolidée issue de la directive 2004/27/CE ne donne de la notion de "médicament générique", substituée à celle de "spécialité essentiellement similaire", une définition qui ne vaut qu'"aux fins du présent article", c'est-à-dire pour les seuls besoins de la détermination du contenu du dossier devant être remis aux autorités de santé en vue de l'obtention d'AMM, l'article 4 § 3 de la même directive précisant au surplus que les dispositions qu'elle renferme "n'affectent pas les compétences des autorités des Etats membres, ni en matière de fixation des prix des médicaments ni en ce qui concerne leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance maladie, sur la base de conditions sanitaires, économiques et sociales, notamment en matière de remboursement" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, d'une part, les Etats membres de l'Union européenne jouissent d'une compétence exclusive pour déterminer les conditions et les procédures par lesquelles un médicament peut se voir reconnaître la qualité de médicament générique au sens et pour l'application de leur législation interne de sécurité sociale autorisant la substitution par les pharmaciens de médicaments génériques aux médicaments de référence et que, d'autre part, la décision, même prise sur la base de la procédure abrégée réservée aux spécialités génériques au sens de l'article 10 de la directive susvisée, par laquelle la Commission enjoint, en vertu de l'article 34 § 3 de cette directive, aux Etats membres concernés par une procédure de reconnaissance mutuelle d'AMM, de délivrer des AMM, n'a d'autorité de la chose décidée que dans les limites de son objet et ne saurait placer les autorités nationales de santé en situation de compétence liée pour trancher la question, distincte, de l'attribution pour la spécialité pharmaceutique concernée du statut de médicament générique conditionnant le droit de substitution du pharmacien prévu par leur législation interne ; qu'en affirmant néanmoins que, dès lors que les spécialités Ratiopharm s'étaient vu reconnaître par une décision de la Commission du 23 octobre 2007 la qualité de médicament générique, au sens de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27, le directeur général de l'AFSSAPS ne pouvait refuser de leur reconnaître la qualité de médicament générique au sens des articles L. 5121-1, 5° et L. 5121-10 du code de la santé publique et de procéder à leur inscription au répertoire des groupes génériques ouvrant le droit de substitution des pharmaciens, la cour d'appel, qui a ainsi attribué à la décision de la Commission une autorité de chose décidée qui excédait son propre objet, en méconnaissance des règles de répartition des compétences entre les organes de l'Union et les Etats membres, a violé l'ensemble des dispositions susvisées ; 2°/ que les articles L. 5121-10, alinéa 3, et R. 5121-5 du code de la santé publique ne confèrent qu'à l'AFSSAPS et à son directeur général la compétence pour identifier une spécialité pharmaceutique comme un médicament générique au sens de l'article L. 5121-1, 5° du même code et inscrire cette spécialité au répertoire des groupes génériques, sous la condition, s'il y a lieu, d'une mise en garde ; qu'aucune autre disposition légale ou réglementaire ne vient faire échec à cette compétence exclusive de l'AFSSAPS et au pouvoir qu'elle implique d'apprécier si le médicament en cause a bien la même composition qualitative et quantitative en substances actives que le médicament de référence, a la même forme pharmaceutique que le médicament de référence et fait la démonstration, par des études appropriées de biodisponibilité, de la bioéquivalence avec le médicament de référence ; qu'en relevant que l'article L. 5121-10, alinéa 3, du code de la santé publique n'avait pas subordonné l'inscription d'un médicament au répertoire des groupes génériques à d'autres conditions que la vérification de ce qu'il répond à la définition de la spécialité générique donnée à l'article L. 5121-1, 5° du même code et que ce dernier texte avait lui-même défini la spécialité générique en usant de critères similaires à ceux employés pour définir la notion de "générique" par l'article 10 de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, dans sa version issue de la directive 2004/27/CE, si bien qu'il serait "juridiquement incohérent", de la part du directeur général de l'AFSSAPS de dénier une qualification de médicament générique que la Commission européenne avait préalablement admise, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à fonder l'existence d'une compétence liée du directeur de l'AFSSAPS par l'effet d'une décision prise par la Commission européenne en vertu de l'article 34 § 3 de la directive précitée, dont ce dernier texte restreint la portée à la seule délivrance de l'AMM ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles L. 5121-10, alinéa 3, et R. 5121-5 du code de la santé publique, ensemble l'article L. 5121-1, 5° du même code ; 3°/ que l'article 10 de la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, dans sa version modifiée par la directive 2004/27/CE, n'ayant donné de la notion de médicament générique, substituée à celle de spécialité essentiellement similaire, une définition fonctionnelle qui ne vaut qu'"aux fins du présent article", c'est-à-dire pour les seuls besoins de la détermination du contenu du dossier devant être remis aux autorités de santé en vue de l'obtention d'AMM, il n'existe aucune "incohérence juridique" à ce que l'appréciation, par le directeur de l'AFSSAPS, de la démonstration, par des études appropriées de biodisponibilité, de la bioéquivalence du médicament en cause avec le médicament de référence soit exercée moyennant un standard d'exigence plus élevé, dès lors qu'il ne s'agit plus à ce stade de vérifier si ce médicament peut être mis sur le marché, ce qui est définitivement acquis, mais de déterminer s'il peut, sans danger et sans perte d'efficacité, être à tout moment substitué au médicament de référence pour des patients en cours de traitement ; qu'en énonçant qu'un médicament ne peut à la fois être qualifié de médicament générique, au sens du droit de l'Union et se voir dénier la qualité de spécialité générique, au sens du droit national, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'"ainsi que le démontre la présente espèce, le constat de la biodisponibilité [lire : bioéquivalence] entre deux spécialités n'épuise pas toutes les questions liées à la substituabilité de l'une par l'autre", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé derechef les articles L. 5121-10, alinéa 3, et L. 5121-1, 5° du code de la santé publique, ensemble l'article 10 de la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, dans sa version modifiée par la directive 2004/27/CE. » Réponse de la Cour 17. L'arrêt retient d'abord que le droit de l'Union se borne à prévoir la possibilité d'accorder une AMM à un médicament reconnu comme le générique d'un médicament de référence ou de reconnaître, dans le cadre d'une procédure de reconnaissance mutuelle, une AMM délivrée par un Etat membre suivant la procédure abrégée édictée pour les médicaments génériques. Il constate que les termes « médicament générique » et « spécialité générique » sont définis de façon identique à l'article 10 § 2, sous b), de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27 la modifiant, et à l'article L. 5121-1, 5° du code de la santé publique qui définit la spécialité générique d'une spécialité de référence comme « celle qui a la même composition qualitative et quantitative en principe[s] actif[s], la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées », ce même article précisant, depuis 2000, que la spécialité de référence et les spécialités qui en sont génériques constituent un groupe générique. Il relève que cette définition commune de la spécialité ou du médicament générique repose sur une liste exhaustive de trois conditions : avoir la même composition qualitative et quantitative en substances actives que le médicament de référence, avoir la même forme pharmaceutique que le médicament de référence et faire la démonstration, par des études appropriées de biodisponibilité, de la bioéquivalence avec le médicament de référence. Il en déduit que les notions scientifiques de « bioéquivalence » et de « biodisponibilité » ne sauraient recouvrer des concepts différents en droit de l'Union et en droit national. Il estime qu'il s'ensuit que les notions de médicament essentiellement similaire, au sens de la directive 2001/83, dans sa version antérieure à la directive 2004/27, de médicament générique, au sens de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27, de spécialité essentiellement similaire, au sens du code de la santé publique, dans sa version antérieure à un décret du 6 mai 2008, et de spécialité générique, au sens du code de la santé publique, tant avant qu'après l'entrée en vigueur de ce décret, ont la même signification. Il en déduit qu'un médicament ne peut à la fois être qualifié de médicament générique, au sens du droit de l'Union, et se voir dénier la qualité de spécialité générique, au sens du droit national. 18. L'arrêt retient ensuite qu'il résulte de la lecture combinée des articles 10 et 28 à 34 de la directive 2001/83, modifiée par la directive 2004/27, qu'une procédure de reconnaissance mutuelle d'une AMM nationale délivrée à un médicament sur la base d'un dossier abrégé ne peut aboutir que si la qualité de générique d'un médicament de référence est reconnue à ce médicament, puisque la procédure abrégée est réservée aux médicaments génériques par l'article 10 de la même directive. Il relève qu'il est constant que les autorités allemandes ont, le 4 avril 2006, délivré des AMM aux spécialités Ratiopharm selon la procédure abrégée, en considérant qu'elles étaient des génériques des spécialités de Durogesic et que, sur la base de ces AMM, la société Ratiopharm a, le 6 juillet 2006, lancé une procédure de reconnaissance mutuelle, la France faisant partie des États membres concernés. Il observe que des désaccords sont apparus entre Etats membres portant notamment sur la question de savoir si la bioéquivalence des spécialités Ratiopharm avec les spécialités de Durogesic, médicaments de référence, était démontrée par des études appropriées de biodisponibilité, soit l'une des trois conditions exigées pour pouvoir qualifier un médicament de générique. Il observe encore qu'il résulte d'un avis du comité des médicaments à usage humain, qu'il cite, qu'a été examinée la question de savoir si les spécialités de Ratiopharm pouvaient être qualifiées de génériques des spécialités de Durogesic et qu'à l'issue d'une analyse scientifique, il a été conclu par l'affirmative. Il estime que, compte tenu de la date des travaux en cause, l'avis s'est référé à la définition du médicament générique figurant à l'article 10 § 2, sous b) de la directive 2001/83, dans sa rédaction résultant de la directive 2004/27. Il retient encore qu'il ne saurait être déduit de l'absence, dans la décision de la Commission européenne, du mot « générique » la preuve que les autorités de l'Union n'ont pas pris position sur la qualité de médicament générique des spécialités Ratiopharm et en déduit que ces spécialités se sont vu reconnaître, par une décision de la Commission, la qualité de médicament générique, au sens de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27. Il en déduit également que du fait de cette décision, la qualité de spécialité générique au sens des articles L. 5121-1, 5° du code de la santé publique, qui définit cette notion, et L. 5121-10 du même code, qui prévoit l'inscription au répertoire des groupes génériques des spécialités génériques dont la mise sur le marché a été autorisée, ne pouvait pas leur être déniée par les autorités nationales. 19. L'arrêt relève en outre qu'en droit de l'Union, la qualification de générique n'emporte aucune conséquence quant à la possibilité, -ou à l'obligation -, de substitution d'un générique au médicament de référence par les pharmaciens, seul le droit national de chaque Etat membre étant susceptible de prévoir un tel mécanisme de substitution, et, le cas échéant, de le rendre facultatif ou obligatoire, et retient que si, compte tenu de la décision de la Commission, l'AFSSAPS avait une compétence liée en ce qui concerne l'octroi d'une AMM aux spécialités Ratiopharm, la délivrance de ces autorisations, par décision du 28 juillet 2008, a suffi pour qu'elle respecte, à son niveau, les obligations de la France à l'égard de l'Union européenne. Il en déduit que l'éventuelle obligation d'inscrire les spécialités Ratiopharm dans le répertoire des groupes génériques ne pouvait découler que de l'article L. 5121-10, alinéa 3, du code de la santé publique. Il rappelle que l'article L. 5121-1, 5° de ce code définit la spécialité générique d'une spécialité de référence comme « celle qui a la même composition qualitative et quantitative en principe[s] actif[s], la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées », et que ce même article précise, également depuis 2000, que la spécialité de référence et les spécialités qui en sont génériques constituent un groupe générique. Il relève que l'article L. 5121-10, alinéas 2 et 3, dans sa version résultant de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004, dispose que « Lorsque l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a délivré une autorisation de mise sur le marché d'une spécialité générique, elle en informe le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité de référence. Le directeur général de l'agence procède à l'inscription de la spécialité générique dans le répertoire des groupes génériques au terme d'un délai de soixante jours, après avoir informé de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché de celle-ci le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité de référence. [...] ». Il relève que l'alinéa 1er de l'article L. 5125-23 du même code, dans sa version résultant de la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002, dispose que « [l]e pharmacien ne peut délivrer un médicament ou produit autre que celui qui a été prescrit, ou ayant une dénomination commune différente de la dénomination commune prescrite, qu'avec l'accord exprès et préalable du prescripteur, sauf en cas d'urgence et dans l'intérêt du patient ». Il retient enfin que s'il eût été loisible au législateur français d'exiger, pour que soit autorisée une telle substitution, des conditions plus strictes que celles requises pour pouvoir qualifier une spécialité de générique, il ressort de l'article L. 5121-10, alinéa 3, du code de la santé publique qu'il faut et il suffit qu'un médicament réponde à la définition de spécialité générique figurant à l'article L. 5121-1,5° du même code pour pouvoir être inscrit dans le répertoire des groupes génériques. 20. En l'état de ces seules énonciations et appréciations, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, la cour d'appel, qui n'a méconnu aucun des principes ni textes invoqués par le moyen, mais a au contraire mis en oeuvre, conformément au principe d'effectivité du droit de l'Union, une interprétation des textes nationaux à la lumière de ce dernier propre à garantir la cohérence de l'ensemble des législations en cause, a statué à bon droit. 21. Pour partie inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 22. Les sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson font grief à l'arrêt de rejeter les moyens d'annulation de la décision de l'Autorité pris de l'absence de réunion des conditions requises pour qu'une intervention auprès d'une autorité publique constitue un abus de position dominante ainsi que de la légitimité de l'intervention de la société Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS et de leur infliger une sanction pécuniaire, alors : « 1°/ que le simple fait, de la part d'une entreprise en position dominante, de soumettre, dans des conditions exclusives de toute manipulation par fourniture d'informations factuelles trompeuses, une argumentation juridique contraire au droit positif existant ou supposé tel à une autorité administrative pleinement compétente pour en apprécier elle-même les mérites ne relève que de l'exercice normal de la liberté fondamentale d'expression qui doit gouverner le dialogue entre les entreprises et les administrations dont elles relèvent et ne saurait être regardé comme un abus au sens des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ; qu'en affirmant néanmoins que le fait pour une entreprise dominante de soutenir devant une autorité administrative une analyse juridique dont la fausseté ressort déjà de l'état du droit est susceptible de constituer un abus de position dominante et ne relève pas de l'exercice légitime des libertés fondamentales précitées, dès lors qu'il s'avère que le débat ainsi ouvert devant ladite autorité est susceptible d'entraver le libre jeu de la concurrence, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce, ensemble les articles 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 11 et 13 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 2°/ que, outre, le simple fait, de la part d'une entreprise en position dominante, de "soulever" un débat juridiquement infondé devant une autorité administrative pleinement compétente pour se livrer à une appréciation indépendante de ses mérites ne saurait par lui-même produire un effet anticoncurrentiel ; qu'en effet, si l'autorité administrative ne fait pas droit à cette argumentation, l'effet anticoncurrentiel ne se produit pas et, dans le cas contraire, c'est la décision administrative qui en reconnaît le bien-fondé qui fait obstacle à la qualification d'abus de position dominante, car c'est d'elle seule que procède l'éventuel effet restrictif de concurrence sur le marché ; qu'en jugeant néanmoins que c'est le fait même pour la société Janssen-Cilag d'avoir "soulevé" un débat juridiquement infondé devant le directeur de l'AFSSAPS qui était de nature à produire un effet anticoncurrentiel, compte tenu de l'aversion au risque des personnes chargées d'élaborer les décisions de l'AFSSAPS et de la tendance au ralentissement du processus décisionnel qui pouvait s'ensuivre, cependant qu'il ne relevait que de la responsabilité propre de cette autorité administrative de consacrer le temps et les moyens adéquats pour examiner les arguments soutenus, fussent-ils infondés, la cour d'appel, qui n'a par ailleurs constaté aucune manoeuvre déloyale imputable à la société Janssen-Cilag dans le cadre de sa communication avec cette autorité administrative, a violé de plus fort les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ; 3°/ que si l'exercice par une entreprise en position dominante de voies contentieuses ne peut, dans une société démocratique, être qualifié d'abus au sens des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce que "dans des circonstances tout-à-fait exceptionnelles" (TUE, 17 juillet 1998, T-111/96, ITT Promedia) et aux conditions cumulatives de caractériser l'absence "manifeste" de tout fondement juridique des prétentions soutenues et leur insertion dans un plan d'ensemble visant à éliminer la concurrence (TUE, 13 septembre 2012, T-119/09, Protégé International, §. 57), ces conditions ne sauraient a fortiori être moindres lorsqu'il s'agit de rechercher si l'intervention d'une entreprise dominante devant une autorité administrative a pu revêtir le caractère d'un abus ; qu'en énonçant que "ne relève pas de l'exercice légitime de [la] liberté [d'expression], le fait pour une entreprise [en position dominante] d'intervenir dans le processus décisionnel d'une autorité publique en soulevant devant celle-ci une analyse juridique dont elle sait, ou doit savoir, qu'elle est contraire à l'interprétation constante des textes applicables" et en se contentant de citer une seule décision du Conseil d'Etat, elle-même impropre à établir l'existence d'une "jurisprudence constante", pour en déduire que la société Janssen-Cilag ne pouvait pas soutenir de façon juridiquement erronée que l'AFSSAPS aurait eu le pouvoir d'apprécier si les spécialités Ratiopharm devaient être identifiées comme médicaments génériques aux fins d'exercice du droit de substitution, quand il lui appartenait de caractériser l'absence manifeste de tout fondement de cette position et son insertion dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer la concurrence, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ; 4°/ que dans son arrêt Reckitt-Benkiser du 21 décembre 2007, le Conseil d'Etat avait jugé que lorsque le directeur général de l'AFSSAPS a pris une première décision par laquelle il a délivré une AMM à un médicament en l'identifiant comme un médicament générique et que cette décision est devenue définitive par l'expiration du délai de recours gracieux ou contentieux, les tiers ne sont plus fondés à contester cette qualification de médicament générique à l'appui d'un recours contentieux dirigé contre la décision subséquente d'inscription de ce médicament au répertoire des génériques ; que cet arrêt, rendu sur une configuration factuelle dans laquelle il n'apparaissait pas que la Commission fût intervenue de quelque manière dans la procédure d'AMM, ne permettait pas de fonder avec évidence la position consistant à affirmer qu'au cas d'espèce, la décision du 23 octobre 2007 par laquelle la Commission avait enjoint aux Etats membres concernés de délivrer des AMM aux spécialités Ratiopharm aurait placé l'AFSSAPS en situation de compétence liée pour trancher de la question, distincte, de l'attribution pour les spécialités pharmaceutiques concernées du statut de médicament générique conditionnant le droit de substitution du pharmacien prévu par la législation interne et ne pouvait en toute hypothèse caractériser l'existence d'une "jurisprudence constante" en ce sens ; qu'en se fondant néanmoins sur cette unique décision du Conseil d'Etat, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser "l'interprétation" prétendument "constante des textes applicables" qui aurait, selon elle, établi l'évidence d'un défaut de pouvoir du directeur général de l'AFSSAPS pour se prononcer sur la qualification de médicament générique des spécialités Ratiopharm, et a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ; 5°/ que la circonstance que l'autorité administrative compétente a d'abord reconnu le bien-fondé de l'argumentation juridique qui lui était soumise en édictant une première décision dans le sens souhaité suffit par elle-même à exclure la qualification d'abus de position dominante, en tant qu'elle atteste de ce que l'absence de fondement de cette argumentation juridique n'était pas manifeste ; que l'arrêt attaqué a lui-même constaté que le directeur général de l'AFSSAPS avait édicté le 28 juillet une première décision par laquelle il avait délivré aux spécialités Ratiopharm les AMM demandées, mais refusé en l'état leur identification comme médicaments génériques en vue de leur inscription au répertoire des groupes génériques, compte tenu, était-il précisé, de l'absence de démonstration suffisante de l'identité de la quantité de substance active libérée dans l'organisme entre les spécialités Durogesic et celles de Ratiopharm ; qu'il s'évinçait ainsi des termes de cette décision que le directeur général de l'AFSSAPS avait nécessairement considéré qu'il disposait bien du pouvoir d'appréciation que la société Janssen-Cilag l'avait invité à exercer ; qu'en jugeant néanmoins, pour retenir l'existence d'un abus de position dominante, que dès l'instant où les requérantes reconnaissaient que des AMM devaient être délivrées aux spécialités Ratiopharm à l'issue d'une procédure abrégée dans laquelle leur qualité de générique de Durogesic avait été constatée par la Commission, elles ne pouvaient pas soutenir, sans méconnaître les articles L. 5121-1, 5° et L. 5121-10 du code de la santé publique, que lesdites spécialités ne devaient pas être inscrites au répertoire des groupes génériques et ne pouvaient donc ignorer – et en tout cas n'aurait pas dû ignorer – que le débat qu'elles ouvraient devant l'AFSSAPS quant à la qualité de générique des spécialités Ratiopharm reposait sur une analyse juridique qui ne pouvait plus être soutenue, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ; 6°/ que l'infraction d'abus de position dominante doit, en toute hypothèse, être écartée lorsqu'un comportement d'éviction peut être considéré comme objectivement nécessaire pour des raisons touchant à la santé ou à la sécurité qui sont liées à la nature du produit considéré ; que cette condition de nécessité objective doit s'apprécier en se plaçant à la date des faits incriminés ; qu'en l'espèce, la société Janssen-Cilag faisait valoir que l'intervention de son pharmacien responsable auprès de l'AFSSAPS avait indéniablement servi la protection de la santé publique dès lors que les informations scientifiques qui avaient été communiquées à cette autorité avaient déterminé celle-ci à publier une mise en garde informant les professionnels de santé de l'impérieuse nécessité d'une surveillance médicale attentive des patients en cours de traitement en cas de changement de spécialité à base de fentanyl ; qu'après avoir elle-même relevé que l'Autorité ne contestait pas le droit, voire le devoir, qu'avait le pharmacien responsable de la société Janssen-Cilag de porter à la connaissance de l'AFSSAPS les préoccupations de santé publique que faisait naître, selon lui, la substitution de génériques aux spécialités de Durogesic et également constaté que l'intervention de cette société était légitime en tant qu'elle avait transmis à l'AFSSAPS ses préoccupations de santé publique liées à la substitution entre dispositifs transdermiques de fentanyl en cours de traitement, la cour d'appel a néanmoins jugé que l'ouverture devant cette autorité de santé d'un débat quant à la qualité de générique des spécialités Ratiopharm n'était pas objectivement nécessaire et proportionnée à un objectif de protection de la santé publique, dès lors que l'AFSSAPS "considérait" elle-même "qu'elle pouvait encadrer la substitution d'un médicament princeps par son générique" et n'était donc pas confrontée à une alternative entre reconnaître la qualité de générique et autoriser une substitution sans limite, ou dénier la qualité de générique et interdire toute substitution ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant qu'elle relevait que le pouvoir de l'AFSSAPS d'assortir l'inscription d'un médicament au répertoire des groupes génériques d'une mise en garde n'avait été introduit dans l'ordre juridique qu'avec le décret du 6 mai 2008, lui-même postérieur à l'intervention du pharmacien responsable de Janssen-Cilag, et que ce pouvoir n'avait jamais été concrètement exercé auparavant même si l'AFSSAPS avait envisagé de se l'arroger, ce dont il résultait que l'état du droit demeurait à tout le moins incertain à l'époque des faits, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. » Réponse de la Cour 23. Après avoir rappelé qu'est susceptible de constituer un abus le fait, pour une entreprise, de soutenir une analyse juridique dont la fausseté ressort déjà de l'état du droit, l'arrêt énonce que, si une entreprise en position dominante a droit au respect de sa liberté d'expression et doit pouvoir proposer à une autorité publique une analyse juridique dans un contexte où l'interprétation des textes légaux et réglementaires est encore incertaine, ne relève pas de l'usage légitime de cette liberté, l'intervention, par une entreprise en position dominante, dans le processus décisionnel d'une autorité publique, consistant à soulever, devant celle-ci, une analyse juridique dont elle sait ou devait savoir qu'elle est contraire à l'interprétation des textes applicables, lorsque le débat ainsi ouvert devant l'autorité concernée est susceptible d'entraver le libre jeu de la concurrence sur le marché dominé. Il relève que le retard de l'inscription des spécialités de la société Ratiopharm au répertoire des groupes génériques repoussait d'autant la mise en oeuvre du droit de substitution, lequel constitue l'un des principaux facteurs de la conquête de parts de marché par les fabricants de génériques. Il relève également que toute contestation devant une autorité sanitaire, en raison de la responsabilité d'une telle autorité, dans le contexte d'une judiciarisation certaine des questions de santé, conduit quasi-inéluctablement à un ralentissement du processus décisionnel, ce qu'aucun laboratoire pharmaceutique ne peut ignorer. Il en déduit qu'au cas d'espèce, c'est le fait même de soulever un débat juridiquement infondé qui était de nature à produire un effet anticoncurrentiel. 24. L'arrêt rappelle ensuite qu'il est établi depuis un arrêt du 21 décembre 2007 du Conseil d'Etat, Reckitt Benckiser, que les articles L. 5121-1, 5° et L. 5121-10 du code de la santé publique doivent être interprétés en ce sens que, lorsque la décision délivrant l'AMM d'un générique est devenue définitive, ne peuvent plus être invoqués, à l'appui d'une contestation de la décision d'inscription au répertoire des groupes génériques de ce médicament, des moyens tirés de ce que celle-ci serait illégale au motif que les conditions posées à cette identification ne seraient pas satisfaites, ces moyens remettant nécessairement en cause la légalité de la décision d'AMM. Il relève que dès l'instant où la société Janssen-Cilag et la société Johnson & Johnson reconnaissent que des AMM avaient été délivrées aux spécialités de la société Ratiopharm à l'issue d'une procédure abrégée dans laquelle leur qualité de générique de Durogesic avait été constatée par la Commission, elles ne peuvent pas soutenir, sans méconnaître ces mêmes articles, que ces spécialités ne pouvaient pas être inscrites au répertoire des groupes génériques. Il en déduit qu'elles ne pouvaient pas ignorer ou n'auraient pas dû ignorer que le débat qu'elles ouvraient devant l'AFFSSAPS, quant à la qualité de générique des spécialités Ratiopharm, reposait sur une analyse juridique qui ne pouvait plus être soutenue. 25. L'arrêt relève en outre qu'il résulte d'un document intitulé « Plan produit pour 2007 », établi par la société Janssen-Cilag, que ses auteurs craignaient l'arrivée sur le marché de génériques de Durogesic dès 2007 et qu'ils savaient qu'une intervention était seulement susceptible de retarder, mais en aucun cas d'empêcher, la délivrance d'une AMM et que le projet d'obtenir le report du lancement est formalisé dans un document de stratégie commerciale qui ne fait mention d'aucun argument scientifique permettant de justifier un tel report, ce dont il déduit que le choix d'intervenir pour retarder le lancement des génériques de Durogesic est le fruit d'une approche commerciale déconnectée de toute considération de santé publique. Ayant ensuite relevé que seule une intervention auprès de l'AFSSAPS était de nature à parvenir au report souhaité, il observe que ce plan est antérieur de deux ans seulement à l'intervention incriminée. Il estime que la société Janssen-Cilag savait que les AMM avaient été délivrées à la société Ratiopham sur la base d'une procédure allégée au cours de laquelle leur qualité de générique de Durogesic avait été reconnue par les autorités allemandes et qu'ayant suivi la procédure de reconnaissance mutuelle, elle ne pouvait ignorer que la décision de la Commission européenne, qui imposait notamment aux autorités françaises de reconnaître les AMM allemandes, avait, à son tour, reconnu la qualité de générique de Durogesic des spécialités Ratiopham. Il en déduit qu'examinées à la lumière du plan produit pour 2007, ces circonstances permettent de conclure que la société Janssen-Cilag avait conscience du caractère injustifié du débat soulevé devant l'AFSSAPS et que son intervention constitue la mise en oeuvre du volet de ce plan relatif au report du lancement des génériques de Durogesic. 26. L'arrêt retient enfin qu'il était parfaitement possible que la société Janssen-Cilag échangeât avec l'AFSSAPS sur les risques liés à la substitution entre princeps et génériques qu'elle avait identifiés, sans remettre en cause la qualité de générique des spécialités Ratiopharm. Il retient également que si la possibilité d'accompagner la substitution en pharmacie par une mise en garde inscrite au répertoire des groupes génériques a été formellement introduite dans l'ordre juridique par la création de l'article R. 5121-5 du code de la santé publique par le décret n° 2008-435 du 6 mai 2008, l'AFSSAPS se reconnaissait déjà le pouvoir, avant cette date, d'encadrer la substitution au travers de messages à destination des professionnels de santé. Il en déduit que, dès avant l'entrée en vigueur de ce dernier texte, l'AFSSAPS n'était pas confrontée à une alternative entre reconnaître la qualité de générique et autoriser la substitution sans limite, ou dénier la qualité de générique et interdire toute substitution, mais pouvait choisir d'encadrer la substitution entre un médicament princeps et ses génériques. 27. En l'état de ces énonciations et appréciations, faisant ressortir que le comportement en cause ne s'insérait pas dans un débat d'intérêt général relatif aux conséquences sanitaires de l'entrée sur le marché d'un nouveau médicament mais dans une stratégie visant à retarder le développement sur le marché de produits concurrents et dont la mise en oeuvre, dans les circonstances propres au contexte dont elle a relevé les caractéristiques, pouvait, à lui seul, produire cet effet anticoncurrentiel, peu important la capacité décisionnaire exclusive de l'autorité de santé, cependant que l'état du droit devant être connu par l'opérateur dominant résultait d'un arrêt du Conseil d'Etat, aurait-il été unique, qui établissait les conséquences de plein droit, en matière d'inscription sur le répertoire des médicaments génériques, d'une AMM d'un médicament générique, peu important qu'elle fût intervenue sur la seule initiative de l'autorité nationale et non en exécution d'une décision de la Commission européenne, la loi ainsi interprétée ne faisant aucune distinction sur cet effet en fonction de la nature de l'autorité ayant pris une telle décision, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu le principe de la libre recherche scientifique et n'a pas porté une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit à la liberté d'expression de la société Janssen-Cilag au regard de la nécessité de préserver l'ordre public concurrentiel, lequel garantit le droit des entreprises à une concurrence non faussée, également protégé par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme (voir, mutadis mutandis, Ashby Donald et autres c. France, n° 36769/08, §§ 39-45, 10 février 2013), a, à bon droit, retenu que le comportement de cette société, qui ne s'était pas limitée à faire des préconisations scientifiques sur les modalités de substitution des génériques au princeps, ce qu'elle était en droit de faire, et peu important que le directeur général de l'AFSSAPS ait, dans l'attente d'informations complémentaires, réservé sa décision sur l'inscription des spécialités concernées sur le répertoire des génériques, était, en raison de sa responsabilité particulière née de sa position dominante sur le marché en cause, constitutif d'un abus de cette position. 28. Pour partie inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus. Et sur le sixième moyen Enoncé du moyen 29. Les sociétés Janssen-Cilag et Johnson &Johnson font grief à l'arrêt de leur infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 21 millions d'euros, alors : « 1°/ que porte atteinte aux principe de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique l'infliction d'une sanction fondée sur l'application rétroactive d'une interprétation jurisprudentielle nouvelle des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce conduisant à regarder désormais comme un abus de position dominante un comportement dont la pratique décisionnelle de l'Autorité de concurrence de l'Union pouvait raisonnablement laisser supposer, à l'époque de sa commission, qu'il ne tombait pas sous le coup de la prohibition édictée par ces textes ; qu'à l'époque des faits litigieux, seule la décision AstraZeneca de la Commission en date du 15 juin 2005 s'était prononcée sur le point de savoir si les interventions d'un laboratoire pharmaceutique auprès d'une autorité administrative nationale pouvaient tomber sous le coup de la prohibition des abus de position dominante et qu'au titre du premier abus relevé, la Commission s'était déterminée en considération de ce que le laboratoire pharmaceutique avait soumis à l'autorité administrative en charge des brevets des informations factuelles inexactes et trompeuses en vue d'obtenir des décisions indues d'extension de la durée de ses droits de propriété industrielle, tandis qu'au titre du second, la Commission avait sanctionné le comportement d'un laboratoire ayant consisté à soumettre à des autorités de santé, qui ne disposaient d'aucune marge de manoeuvre pour refuser d'y faire droit, des demandes de radiation de ses propres AMM dans l'unique dessein d'entraver l'arrivée sur le marché de médicaments génériques ; que dans sa décision, la Commission avait expressément relevé, pour condamner cette seconde pratique, qu'"il convient de rappeler que les demandes d'AZ aux autorités publiques de radier les autorisations de marché ne sont pas des demandes adressées dans le cadre d'un processus ouvertement politique ou une tentative d'influencer les décisions prises dans un domaine où ces autorités disposent d'une marge de manoeuvre, ou en général pour recevoir un examen indépendant du bien-fondé de la requête. En l'espèce, les autorités nationales concernées ont considéré, comme le souhaitait AZ, qu'elles n'avaient pas le pouvoir discrétionnaire de maintenir l'autorisation de mise sur le marché lorsque leur retrait était demandé. Dans ces conditions, l'effet anticoncurrentiel qui en résultera ne résultera pas d'un contrôle indépendant du bien-fondé de la requête, mais plutôt de l'effet automatique (ou quasi automatique) d'une demande privée, présentée sous la forme d'un exercice d'un droit spécifique" (Décision n° C(2005)1757 du 15 juin 2005, affaire COMP/A.37.507/F3, AstraZeneca) ; qu'en se fondant sur cette décision de la Commission, pour considérer que la société Janssen-Cilag s'en trouvait nécessairement avertie que ses interventions dans le processus décisionnel d'une autorité publique pourraient, en fonction des circonstances de l'espèce, être qualifiées d'abus de position dominante, dès lors qu'elles seraient susceptibles de retarder la concurrence exercée par des médicaments générique, cependant qu'il ressortait clairement des motifs de la décision de la Commission que, par contraste avec le comportement d'AstraZeneca, le simple fait pour un laboratoire pharmaceutique de soumettre, dans des conditions exclusives de toute manipulation par fourniture d'informations factuelles trompeuses, une demande ou une prétention à une autorité administrative pleinement compétente pour en apprécier elle-même le bien-fondé et exercer ainsi un contrôle indépendant ne pourrait se voir attribuer un effet anticoncurrentiel, la cour d'appel a violé les principes de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique, ensemble les articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 2°/ qu'en affirmant que la sanction infligée à la société Janssen-Cilag n'était pas fondée sur une interprétation nouvelle des dispositions servant de fondement aux poursuites, cependant, d'une part, que les seules décisions des juridictions de l'Union ayant sanctionné l'émission d'une prétention juridiquement infondée par une entreprise en position dominante avaient été rendues dans le cadre de l'exercice abusif d'actions en justice et avaient subordonné la qualification d'abus de position dominante à la double condition de caractériser l'absence "manifeste" de tout fondement juridique des prétentions soutenues et leur insertion dans un plan d'ensemble visant à éliminer la concurrence (TUE, 17 juillet 1998, T-111/96, ITT Promedia ; TUE, 13 septembre 2012, T-119/09, Protégé International) et, d'autre part, que la Présidente de l'Autorité avait elle-même jugé bon de communiquer la décision de sanction prise à l'encontre de la société Janssen-Cilag au syndicat pharmaceutique Les Entreprises du Médicament (LEEM) en précisant, par un courrier du 20 février 2018, que "l'Autorité a, pour la première fois, sanctionné un laboratoire en raison de son intervention juridiquement infondée", la cour d'appel a derechef violé les principes de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique, ensemble les articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 3°/ qu'en matière d'infractions de concurrence, le principe de proportionnalité des peines commande de tenir compte du caractère plus ou moins évident de la règle violée afin d'adapter la sanction au degré de conscience que l'entreprise pouvait avoir d'agir en infraction avec les règles de concurrence (CE, 15 avril 2016, n° 375.658, Sté Copagef) ; qu'en rejetant la demande subsidiaire de la société Janssen-Cilag tendant à la réduction de la sanction prononcée à son encontre à raison de l'absence de précédent ayant sanctionné un laboratoire du fait de la présentation d'arguments juridiquement infondés à une autorité administrative, au motif que cette société devait s'estimer suffisamment avertie par la décision AstraZeneca du 15 juin 2005 que ses interventions dans le processus décisionnel d'une autorité publique pourraient, en fonction des circonstances de l'espèce, être qualifiées d'abus de position dominante, cependant que rien dans cette décision ne pouvait laisser supposer que le fait pour un laboratoire pharmaceutique de soumettre, dans des conditions exclusives de toute manipulation par fourniture d'informations factuelles trompeuses, une demande ou une prétention à une autorité administrative pleinement compétente pour en apprécier elle-même le bien-fondé pourrait être qualifié d'abus de position dominante, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ; 4°/ que la société Janssen-Cilag faisait valoir que l'intervention de son pharmacien responsable auprès de l'AFSSAPS avait été, non seulement légitime, mais surtout directement utile à la collectivité en tant qu'elle avait permis de révéler à l'autorité de santé publique certains risques graves attachés à une substitution sans surveillance médicale suffisante des dispositifs transdermiques à base de fentanyl et avait mis celle-ci en mesure d'émettre une mise en garde à destination des professionnels de santé, de sorte qu'il devait à tout le moins en être tenu compte en tant que circonstance atténuante ; que, pour refuser de tenir compte de l'utilité de cette intervention du pharmacien responsable comme circonstance atténuante, la cour d'appel retient qu'en réduisant de 15 % à 13 % le pourcentage de la valeur des ventes permettant de calculer le montant de base de la sanction, elle a déjà tenu compte du fait qu'il est seulement reproché à cette société d'avoir soulevé devant l'AFSSAPS un débat infondé sur la qualité de générique des spécialités Ratiopharm et de ce que la procédure d'inscription de ces spécialités au répertoire des groupes génériques a aussi été ralentie par la communication légitime relative aux risques liées à la substitution en cours de traitement, de sorte que "rien ne justifie d'accorder, pour ce même motif, une réduction de la sanction à titre de circonstance atténuante" ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que la réformation de la décision à laquelle elle s'est livrée avait seulement pour but de tirer les conséquences du fait que l'Autorité s'était méprise sur le sens et la portée de l'intervention de la société Janssen-Cilag lorsqu'elle avait considéré que cette intervention avait pour objet de remettre en cause la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm, ce qui l'avait conduite à surestimer la gravité des faits et le dommage causé à l'économie, de sorte qu'elle ne pouvait faire double-emploi avec la demande qui lui était faite de prendre en compte l'utilité de l'intervention du pharmacien responsable pour la collectivité en tant que circonstance atténuante, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 30. L'arrêt énonce d'abord que le caractère inédit d'une pratique n'implique pas nécessairement que sa qualification d'abus de position dominante et sa sanction reposent sur une nouvelle interprétation, rétroactive, des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. Il retient qu'il est constant, depuis la décision de la Commission du 15 juin 2005 relative aux pratiques mises en oeuvre par la société AstraZeneca, que l'intervention d'une entreprise en position dominante dans le processus décisionnel d'une autorité publique est susceptible de constituer un abus de position dominante et qu'étant relative au secteur des médicaments, cette décision était nécessairement connue de la société Janssen-Cilag. Il retient également qu'une décision du Conseil de la concurrence du 3 novembre 2005 avait qualifié d'abus de position dominante le fait, pour un opérateur économique dans cette situation, d'être intervenu auprès d'une autorité publique afin qu'elle refuse un projet de convention qu'un concurrent négociait avec l'un de ses clients, sans qu'il lui ait été reproché d'avoir communiqué des informations erronées, mais seulement d'avoir exercé des pressions sur les autorités de tutelle de son concurrent. Il en déduit que toute entreprise en position dominante est avertie que son intervention dans le processus décisionnel d'une autorité publique peut, en fonction des circonstances de l'espèce, être qualifiée d'abus de position dominante et que la condamnation intervenue n'est pas fondée sur une nouvelle interprétation des dispositions servant de fondement aux poursuites. Il relève ensuite que, s'agissant du dénigrement des produits d'un concurrent, il est de pratique décisionnelle et de jurisprudence constantes que ce comportement mis en oeuvre par une entreprise en position dominante est susceptible d'être qualifié d'abus de cette position. Il retient encore qu'un laboratoire pharmaceutique, détenteur d'un médicament princeps sur le marché duquel il occupe une position dominante, qui rouvre, devant une autorité incompétente pour en connaître, un débat définitivement clos quant à la qualité de génériques des produits concurrents, mais dont il sait qu'il va retarder la concurrence de son princeps par ces spécialités, est nécessairement conscient qu'il emploie des moyens étrangers à une concurrence par les mérites et qu'il commet un abus de position dominante. 31. L'arrêt retient ensuite que dès lors qu'a déjà été prise en considération, au stade de l'appréciation des conséquences conjoncturelles et structurelles du comportement de la société Janssen-Cilag, la circonstance que la procédure d'inscription a été aussi ralentie par la communication, légitime, relative aux risques liés à la substitution en cours de traitement, de sorte que le montant de base de la sanction, fixé en considération de la gravité des faits et du dommage à l'économie, devait être réduit par rapport à celui fixé par l'Autorité, il n'y a pas lieu au surplus de considérer que l'intervention, en partie légitime, de la société Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS caractérise une circonstance atténuante. 32. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la prohibition des comportements litigieux était accessible et raisonnablement prévisible pour un opérateur tel que la société Janssen-Cilag, c'est à bon droit et sans méconnaître l'objet du litige, ni aucun des principes ni textes invoqués par le moyen, et en faisant application des critères d'infliction de la sanction défini par l'article L. 464-2 du code de commerce que la cour d'appel a retenu que le caractère inédit d'une pratique anticoncurrentielle dont les diverses manifestations possibles, compte tenu de leur variété et complexité, ne sont pas énumérées de façon exhaustive ni dans le droit de l'Union, ni dans le droit interne, n'empêche pas sa sanction. 33. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum les sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson à payer au président de l'Autorité de la concurrence la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson. PREMIER MOYEN DE CASSATION – sur l'incompétence de l'Autorité pour apprécier la légalité des arguments juridiques de la société Janssen-Cilag devant l'AFSSAPS au regard des normes du droit pharmaceutique – Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le moyen d'annulation de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 17-D-25 du 20 décembre 2017 pris de l'incompétence de l'Autorité pour apprécier les arguments juridiques développés par la société Janssen-Cilag devant l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et d'AVOIR, par voie de réformation de cette décision, infligé aux sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson une sanction pécuniaire d'un montant de 21 millions d'euros. AUX MOTIFS QUE : Sur le moyen pris de l'incompétence de l'Autorité pour apprécier les arguments juridiques développés par la société Janssen-Cilag devant l'AFSSAPS : 83. En premier lieu, la cour constate que l'Autorité ne conteste pas, que ce soit dans la décision attaquée ou dans ses écritures devant la cour, le droit, voire le devoir, qu'avait le pharmacien responsable de la société Janssen-Cilag de porter à la connaissance de l'AFSSAPS les préoccupations de santé publique que faisait naître, selon lui, la substitution de génériques aux spécialités de Durogesic. 84. De même, l'Autorité ne s'est livrée, dans la décision attaquée, à aucune analyse de nature scientifique. En effet, en considérant que la démarche de la société Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS avait pour objet et pour finalité d'empêcher, ou à tout le moins de retarder, la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm ainsi que la reconnaissance de leur statut de générique de Durogesic, alors que, selon elle, l'AFSSAPS avait, à cet égard, une compétence liée à la suite de la décision de la Commission enjoignant aux États membres concernés par la procédure, dont la France, d'octroyer les AMM nationales demandées par la société Ratiopharm, l'Autorité s'est limitée à une analyse juridique. 85. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5311-1 du code de la santé publique, l'AFSSAPS « participe à l'application des lois et règlements et prend, dans les cas prévus par des dispositions particulières, des décisions relatives à l'évaluation, aux essais, à la fabrication, à la préparation, à l'importation, à l'exportation, à la distribution en gros, au conditionnement, à la conservation, à l'exploitation, à la mise sur le marché, à la publicité, à la mise en service ou à l'utilisation des produits à finalité sanitaire destinés à l'homme et des produits à finalité cosmétique ». 86. En revanche, l'AFSSAPS n'a pas reçu le pouvoir de donner l'interprétation authentique des lois et règlements qu'elle est chargée d'appliquer, ni a fortiori des dispositions de droit de l'Union en matière de médicaments à usage humain. 87. De son côté, l'Autorité de la concurrence peut être saisie de toute pratique susceptible de constituer une infraction aux règles de concurrence, quel que soit le secteur d'activité concerné. Aux fins d'apprécier leur éventuel caractère anticoncurrentiel, elle a le devoir de replacer les pratiques incriminées dans leur contexte juridique – qui diffère suivant le marché sur lequel les pratiques se déroulent – et factuel. 88. L'Autorité n'a donc pas outrepassé ses pouvoirs en déterminant au préalable le cadre juridique et factuel dans lequel s'inscrivait l'intervention de la société Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS, sans se considérer liée par l'analyse juridique que l'AFSSAPS, ou son directeur général, avaient pu suivre dans le cadre du dossier des spécialités Ratiopharm. La question de savoir si, ce faisant, l'Autorité a fait une interprétation erronée des dispositions applicables ou une mauvaise appréciation du contexte factuel relève de l'appréciation de la légalité interne de la décision attaquée. 89. En considérant que la décision de la Commission avait définitivement tranché la qualité de générique, au sens tant du droit de l'Union que du droit français, des spécialités Ratiopharm, l'Autorité ne s'est pas immiscée dans le fonctionnement de l'AFSSAPS. En effet, cette appréciation, portée dans la décision attaquée, en 2017, n'a en rien empiété sur le traitement du dossier des spécialités Ratiopharm par l'AFSSAPS ou son directeur général dans le courant de l'année 2008 et sur les décisions qu'ils ont pu prendre. Elle n'a notamment pu avoir aucun effet sur l'appréciation par l'AFSSAPS ou son directeur général de la « recevabilité » de la contestation, par la société Janssen-Cilag, de la qualité de générique des spécialités Ratiopharm. 90. Par ailleurs, l'Autorité, qui n'était saisie d'aucun recours contre les décisions de l'AFSSAPS ou de son directeur général, et n'aurait d'ailleurs pas été compétente pour en connaître, ne s'est pas prononcée sur la légalité de ces décisions. 91. En tant que de besoin, la cour relève que l'analyse adoptée par l'Autorité dans la décision attaquée, ne marque aucun changement dans l'appréciation de ses pouvoirs par rapport à la décision n° 09-D-28 du 31 juillet 2009, précitée. En effet, dans cette décision, par laquelle elle a rejeté la demande de mesures conservatoires, l'Autorité a fondé le constat de son incompétence sur le fait que l'intervention de la société Janssen-Cilag avait été faite pendant le déroulement de la phase réglementaire auprès de l'AFSSAPS, « qui est une autorité publique et dispose de la compétence et de l'expertise nécessaires pour évaluer la bioéquivalence d'un générique et les risques que peut entraîner la substitution du princeps par le générique », ne renvoyant ainsi à la compétence exclusive de l'AFSSAPS que pour ce qui concerne les seuls aspects scientifiques du dossier. 92. C'est en vain que les requérantes soutiennent que la compétence de l'Autorité se limitant à l'examen des pratiques anticoncurrentielles des opérateurs économiques sur le marché, elle était incompétente pour connaître de comportements intervenus avant la commercialisation des spécialités Ratiopharm et devant une autorité habilitée à en connaître. D'une part, l'Autorité était fondée à rechercher si les comportements de la société Janssen-Cilag, qui commercialisait Durogesic depuis plusieurs années, ne tendaient pas à préserver sa position sur le marché des spécialités à base de fentanyl. Sur ce point, la cour rappelle qu'un abus de position dominante peut consister à empêcher un concurrent potentiel d'entrer sur le marché pertinent. D'autre part, le fait que l'AFSSAPS était sans conteste compétente pour délivrer des AMM aux spécialités Ratiopharm, et son directeur général pour les inscrire dans le répertoire des groupes génériques, n'interdit nullement à l'Autorité d'apprécier si la société Janssen-Cilag s'est efforcée, par des moyens étrangers à une concurrence loyale, d'empêcher ou retarder lesdites délivrance et inscription. 93. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la jurisprudence des juridictions de l'Union n'invalide pas l'approche adoptée par l'Autorité dans la décision attaquée. 94. S'agissant, d'abord, de l'arrêt de la Cour de justice F. Hoffmann-La Roche e.a., précité (points 60 et 61), si la vérification de la conformité au droit de l'Union des conditions dans lesquelles un médicament est, du côté de la demande, prescrit par les médecins et, du côté de l'offre, reconditionné en vue de son utilisation hors AMM, n'incombe pas aux autorités nationales de la concurrence, mais aux autorités ayant compétence pour contrôler le respect de la réglementation pharmaceutique ou aux juridictions nationales, c'est parce qu'une telle vérification implique des appréciations complexes de nature scientifique. Il ne peut donc être déduit de cet arrêt l'impossibilité pour l'Autorité d'établir le cadre juridique dans lequel se sont inscrites les pratiques sanctionnées. 95. S'agissant, ensuite, des arrêts du Tribunal de l'Union et de la Cour de justice AstraZeneca/Commission, précités, la cour constate que, dans ces arrêts, les juridictions de l'Union se sont bornées à préciser, en se plaçant dans le contexte factuel de l'affaire, quels sont les éléments qui doivent, ou peuvent, être pris en considération par les autorités de concurrence afin d'apprécier si l'intervention d'une entreprise en position dominante auprès d'une autorité publique est constitutive d'un abus de position dominante. La cour constate d'ailleurs que cette jurisprudence est également invoquée par les requérantes pour soutenir, sur le fond, que les conditions requises pour qu'une telle intervention soit qualifiée d'abus de position dominante ne sont pas réunies en l'espèce. Ladite jurisprudence est en revanche étrangère à la délimitation des compétences d'une autorité de concurrence pour apprécier le caractère anticoncurrentiel d'une intervention d'un opérateur économique auprès d'une autre autorité publique. 96. La cour ajoute, à titre surabondant, d'une part, que rien, dans les arrêts AstraZeneca/Commission, précités, ne permet de considérer que les juridictions de l'Union ont défini de façon exhaustive les hypothèses dans lesquelles l'intervention d'une entreprise en position dominante auprès d'une autorité publique constitue un abus de position dominante, de sorte que c'est à tort que les requérantes soutiennent qu'une telle intervention n'est susceptible d'être anticoncurrentielle que si l'entreprise en position dominante communique à l'autorité publique des données objectivement et factuellement fausses. D'autre part, si, dans son arrêt AstraZeneca/Commission, précité (point 357), le Tribunal de l'Union a jugé que « la marge d'appréciation limitée des autorités publiques ou l'absence d'obligation leur incombant de vérifier l'exactitude ou la véracité des informations communiquées peuvent constituer des éléments pertinents devant être pris en considération devant être pris en considération aux fins de déterminer si la pratique en cause est de nature à aboutir à l'élévation d'obstacles réglementaires à la concurrence » (souligné par la cour), l'emploi du verbe « pouvoir » suffit à démontrer que cette juridiction n'a pas fait de l'existence et de l'importance d'une telle marge d'appréciation une condition sine qua non pour pouvoir qualifier une intervention auprès de l'autorité publique de pratique anticoncurrentielle. 97. Enfin, s'agissant des arrêts du Tribunal de l'Union et de la Cour de justice Agria Polska e.a./Commission et Agria Polska e.a./Commission, précités, qui statuent sur un recours contre une décision de la Commission de ne pas instruire une plainte, la seule question en débat était de déterminer la probabilité d'établir une infraction, de sorte qu'ils sont sans pertinence pour trancher la question soulevée par le présent moyen. 98. La cour ajoute encore que la thèse des requérantes ne peut être retenue dès lors qu'elle conduirait à entraver la mission confiée à l'Autorité en la rendant captive d'une analyse du contexte juridique qui pourrait avoir été retenue par une autre autorité administrative à la suite d'un comportement susceptible d'être anticoncurrentiel. À cet égard, c'est en vain que les requérantes soutiennent que le constat de l'incompétence de l'Autorité n'emporterait aucun rétrécissement du champ du droit de la concurrence ; en effet, un hypothétique recours de la société Ratiopharm contre une décision de l'AFSSAPS lui faisant grief aurait seulement permis aux juridictions administratives de se prononcer sur la légalité de cette décision, mais n'aurait pas été de nature à sanctionner l'éventuel comportement anticoncurrentiel de la société Janssen-Cilag. 99. En dernier lieu, la question de savoir si les décisions de l'AFSSAPS ou de son directeur général sont détachables de l'exercice des prérogatives de puissance publique attribuées à cette autorité, ne se pose pas en l'espèce, puisque l'Autorité ne s'est à aucun moment prononcée sur l'éventuel caractère anticoncurrentiel de ces décisions, se contentant d'apprécier le comportement de la société Janssen-Cilag. Or ce comportement n'est pas imputable à l'AFSSAPS, celle-ci n'ayant pas demandé à la société Janssen-Cilag de lui faire connaître sa position sur la qualité de générique des spécialités Ratiopharm, ainsi que celle-ci l'a fait par son courrier du 25 mars 2008. 100. La décision attaquée est, sur ce point, en conformité avec la pratique décisionnelle antérieure du Conseil de la concurrence (décisions précités n° 07-D-10 du 28 mars 2007, § 71 ; n° 09-D-10 du 27 février 2009, § 90, et n° 10-D-13 du 15 avril 2010, § 149), qui a toujours distingué le comportement des opérateurs économiques, qu'il apprécie au regard des règles de concurrence, des décisions prises par les autorités publiques dans l'exercice de leurs prérogatives de puissance publique, dont il s'interdit d'apprécier l'éventuel caractère anticoncurrentiel. 101. Par ailleurs, si la loi fait peser sur le pharmacien responsable des responsabilités particulières, dont la violation peut être sanctionnée pénalement, elle ne lui attribue aucune prérogative de puissance publique, de sorte que la question de savoir si, en l'espèce, les agissements reprochés au pharmacien responsable de la société Janssen-Cilag par l'Autorité sont « détachables » de l'exercice de telles prérogatives est sans objet. 102. Le moyen pris de l'incompétence de l'Autorité est rejeté. 1) ALORS QUE le directeur général de l'AFSSAPS, auquel les articles L. 5121-10 et R. 5121-5 du code de la santé publique attribuent une compétence exclusive pour se prononcer sur l'identification d'un médicament comme une spécialité générique et sur son inscription au répertoire des groupes génériques, est seul compétent pour apprécier, sous le contrôle du juge administratif, le bien fondé, au regard des normes du code de la santé publique, des arguments juridiques et scientifiques soulevés par un laboratoire pharmaceutique dans le cadre de l'instruction préparatoire à l'édiction de telles décisions ; que l'Autorité de la concurrence n'a pas pour mission légale de veiller au respect des règles de santé publique ; qu'il s'ensuit que lorsque le directeur général de l'AFSSAPS a pris, en application des textes susvisés, une décision reconnaissant le bien fondé des arguments soulevés par un laboratoire pharmaceutique, l'Autorité de la concurrence ne saurait, sans outrepasser les compétences que lui attribuent les articles L. 461-1 et L. 462-6 du code de commerce, se faire elle-même juge de la légalité des arguments juridiques soulevés par ce laboratoire au regard des normes du droit pharmaceutique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le directeur général de l'AFSSAPS avait édicté le 28 juillet 2008 une décision par laquelle il avait refusé en l'état d'identifier les spécialités Ratiopharm comme médicaments génériques en vue de leur inscription au répertoire des groupes génériques, compte tenu de l'absence de démonstration suffisante de l'identité de la quantité de substance active libérée dans l'organisme entre les spécialités Durogesic et celles de Ratiopharm ; qu'il s'évinçait ainsi des termes de cette décision que son auteur avait nécessairement considéré qu'il disposait bien du pouvoir d'appréciation que la société Janssen-Cilag l'avait invité à exercer ; qu'en jugeant néanmoins que l'Autorité de la concurrence n'avait pas outrepassé sa compétence en appréciant elle-même le bien-fondé de l'argumentation juridique soulevée par le laboratoire Janssen-Cilag devant le directeur général de l'AFSSAPS sans se considérer liée par l'analyse juridique que ce dernier avait pu suivre dans le cadre du dossier des spécialités Ratiopharm (§. 88), au motif que la mission de répression des pratiques anticoncurrentielles confiée à l'Autorité impliquerait une plénitude de compétence, qui ne saurait être entravée en la rendant captive d'une analyse juridique retenue par une autre autorité administrative (§. 98), cependant que le directeur général de l'AFSSAPS était exclusivement compétent pour exercer le contrôle de la conformité de l'argumentation juridique soutenue devant lui aux normes du droit pharmaceutique, la cour d'appel a violé les articles L. 5121-10 et R. 5121-5 du code de la santé publique et les articles L. 461-1 et L. 462-6 du code de commerce. 2) ALORS QUE l'Autorité de la concurrence était d'autant moins compétente pour faire prévaloir sa propre appréciation de la légalité de l'argumentation juridique soulevée par le laboratoire Janssen-Cilag devant le Directeur général de l'AFSSAPS au regard des normes du droit pharmaceutique sur celle qu'en avait faite cette autorité sanitaire qu'une telle appréciation n'était pas dissociable d'un jugement sur la légalité de la décision administrative du 28 juillet 2008 par laquelle l'AFSSAPS avait fait droit à cette argumentation ; que l'Autorité avait énoncé dans sa décision qu'un laboratoire pharmaceutique en position dominante « ne peut pas s'immiscer indûment dans le processus décisionnel d'une autorité de santé, en présentant à cette dernière des arguments de nature à l'inciter à adopter une décision contraire au cadre juridique s'imposant à elle » (§. 435) et que tel était le cas en l'espèce puisque « l'agence française de santé ne disposait d'aucune marge de manoeuvre pour revenir sur ce statut [de médicament générique], reconnu par la décision du 23 octobre 2007 de la Commission européenne » (§. 432), de sorte qu'elle « était tenue d'accorder une AMM nationale reconnaissant le statut de générique aux spécialités génériques de fentanyl transdermique de Ratiopharm et d'en tirer les conséquences juridiques en les inscrivant au répertoire des génériques » (§. 441) et que « sur les sollicitations de Janssen-Cilag, l'AFSSAPS a réuni des groupes de travail – le GTMG et le GTNPA – revenant indûment sur le statut de générique de ces spécialités », puis « a alors rendu, le 28 juillet 2008, des décisions d'AMM concernant ces spécialités mais en refusant leur inscription au répertoire des génériques » (§. 482) ; qu'en affirmant néanmoins que l'Autorité n'avait pas outrepassé ses compétences dès lors qu'elle ne s'était pas prononcée sur la légalité des décisions prises par le Directeur général de l'AFSSAPS (arrêt, §. 88), cependant qu'il ressortait des énonciations mêmes de la décision attaquée que l'examen du bien-fondé de l'argumentation soulevée par le laboratoire à laquelle l'Autorité s'était livrée n'était pas détachable d'une appréciation de la légalité de la décision administrative du 28 juillet 2008 par laquelle le directeur général de l'AFSSAPS y avait fait droit, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés. 3) ALORS QUE la cour d'appel a elle-même énoncé que « dès lors que les spécialités Ratiopharm se sont vu reconnaître, par la décision de la Commission, la qualité de médicament générique, au sens de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27, la qualité de spécialité générique, au sens des articles L. 5121-1 5° et L. 5121-10 du code de la santé publique, ne pouvait pas leur être déniée par les autorités nationales, et notamment l'AFSSAPS » (§. 212), de sorte que son directeur général était « tenu, en vertu du dernier de ces articles, de les inscrire au répertoire des groupes génériques en tant que génériques de Durogesic » (§. 225), que « le débat concernant la qualité de générique des spécialités Ratiopharm, indûment soulevé par la société Janssen-Cilag, a parasité les travaux de l'AFSSAPS, l'empêchant de répondre d'emblée à la seule question pertinente de l'encadrement de la substitution » (§. 527) et qu'ainsi, « au lieu de se concentrer sur les modalités d'encadrement de la substitution en cours de traitement, l'AFSSAPS a consacré une partie de sa réflexion et de son temps à se demander si les spécialités Ratiopharm étaient des génériques de Durogesic, alors même que cette analyse avait été déjà faite par les autorités de l'Union, dont la décision s'imposait à elle » (§. 530) ; qu'en l'état de ces énonciations, qui font ressortir que l'examen du bien-fondé de l'argumentation juridique soulevée par le laboratoire Janssen-Cilag devant le directeur général de l'AFSSAPS n'était pas détachable d'une appréciation, fût-elle incidente, de la légalité de la décision administrative du 28 juillet 2008 par laquelle le directeur général de l'AFSSAPS y avait fait droit, la cour d'appel de Paris ne pouvait, sans méconnaître le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, se livrer elle-même à cette appréciation, qui relevait de la compétence exclusive de la juridiction administrative et qu'elle aurait dès lors dû interroger par voie préjudicielle avant d'entrer en voie de répression ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. 4) ALORS, en outre, QUE lorsque la résolution d'une question de droit européen de la concurrence dépend au moins pour partie de la solution d'une question préalable imposant d'examiner la licéité de certaines pratiques au regard d'une législation interne ou européenne de droit pharmaceutique dont l'interprétation est discutée, la résolution de cette question préalable ne relève pas de la compétence des autorités nationales de concurrence, mais de celle des seules autorités administratives spécialisées dans cette matière sous le contrôle de leur propre juge et, pour autant qu'un tel examen a été effectué par ces dernières, les autorités nationales de concurrence sont tenues de se conformer à leurs décisions (CJUE, 23 janvier 2018, [Localité 4] C-179/16, §§. 60 et 61) ; qu'en l'espèce, l'Autorité de la concurrence avait fondé sa décision sur la considération générale d'après laquelle « l'immixtion d'une entreprise en position dominante dans le processus décisionnel d'une autorité publique est susceptible de constituer un abus de position dominante contraire aux articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce, dans la mesure où cette intervention est indue, en ce qu'elle est juridiquement infondée, et qu'elle vise à convaincre l'autorité publique de prendre une décision qu'elle ne devrait pas prendre » (§. 513) et avait, en l'espèce, considéré que « le laboratoire Janssen-Cilag est intervenu de façon indue auprès de l'AFSSAPS afin de la convaincre de refuser l'octroi au niveau national du statut de générique aux spécialités concurrentes de Durogesic, en dépit de l'obtention de ce statut au niveau européen » (§. 514), de sorte que « les interventions répétées de Janssen-Cilag devant l'agence nationale de santé ont conduit l'AFSSAPS à ne pas procéder à l'identification des spécialités de fentanyl transdermique comme génériques de Durogesic à l'occasion de la délivrance des AMM de ces spécialités en juillet 2008 » (§. 524), « constat », selon elle, « suffisant pour fonder une pratique d'abus de position dominante » (§. 526) ; qu'en jugeant que l'Autorité n'avait pas outrepassé sa compétence dès lors qu'elle avait le devoir de replacer les pratiques incriminées dans leur contexte juridique (arrêt, §§. 87-88), cependant qu'il résultait des énonciations précitées de la décision attaquée que l'Autorité ne s'était pas bornée à déterminer le « cadre juridique » dans lequel s'était inscrit l'intervention du pharmacien responsable de la société Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS, mais avait directement déduit l'existence d'un abus de position dominante du constat d'après lequel le laboratoire Janssen-Cilag était, selon elle, parvenu à convaincre l'autorité de santé de prendre une décision qu'elle n'aurait pas dû prendre au regard des normes du droit pharmaceutique, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 5121-10 et R. 5121-5 de ce code et les articles L. 461-1 et L. 462-6 du code de commerce, ensemble l'article 102 du TFUE. 5) ALORS, enfin, QUE la distinction faite par la cour d'appel entre les appréciations de caractère juridique, pour lesquelles l'Autorité disposerait d'une plénitude de compétence, et les appréciations de caractère scientifique, qui ne relèvent que de la compétence d'une autorisée spécialisée telle que l'AFSSAPS, est étrangère à la jurisprudence Hoffmann-Laroche, qui a bien affirmé l'incompétence des autorités nationales de concurrence pour trancher elles-mêmes la question de la légalité d'une pratique au regard des dispositions internes et communautaires de droit pharmaceutique ; qu'en tant que l'article L. 5121-1, 5° du code de la santé publique définit la notion de médicament générique par référence à des critères tirés de notions scientifiques telles que celle de « bioéquivalence démontrée par des études de biodisponibilité appropriées », son interprétation et sa mise en oeuvre pratique sont elles-mêmes indissociables de considérations de nature scientifique et impliquent une expertise de cette nature ; qu'en opposant les appréciations de caractère juridique, pour lesquelles l'Autorité de la concurrence disposerait d'une plénitude de compétence, et les appréciations de caractère scientifique, quand une telle distinction n'était pas de nature à justifier la compétence prétendue de l'Autorité de substituer sa propre appréciation du bien-fondé de l'argumentation juridique soulevée par le laboratoire Janssen-Cilag devant le directeur général de l'AFSSAPS à l'appréciation que ce dernier en avait faite dans le cadre du dossier des spécialités Ratiopharm, la cour d'appel a violé les articles L. 5121-10 et R. 5121-5 de ce code et les articles L. 461-1 et L. 462-6 du code de commerce, ensemble le principe d'indépendance des législations. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION – sur l'irrégularité de la procédure suivie devant l'Autorité de la concurrence à raison du défaut de notification des actes de l'instruction au ministre chargé de la santé – Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le moyen d'annulation de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 17-D-25 du 20 décembre 2017 pris du défaut de notification des actes d'instruction au ministre chargé de la santé et d'AVOIR, par voie de réformation de cette décision, infligé aux sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson une sanction pécuniaire d'un montant de 21 millions d'euros. AUX MOTIFS QUE : Sur l'obligation de notification du rapport au ministre chargé de la santé : 137. L'article L. 463-2, alinéas 1er et 2, du code de commerce dispose : « Sans préjudice des mesures prévues à l'article L. 464-1, le rapporteur général ou un rapporteur général adjoint désigné par lui notifie les griefs aux intéressés ainsi qu'au commissaire du Gouvernement, qui peuvent consulter le dossier sous réserve des dispositions de l'article L. 463-4 et présenter leurs observations dans un délai de deux mois. [...] Le rapport est ensuite notifié aux parties, au commissaire du Gouvernement et aux ministres intéressés. Il est accompagné des documents sur lesquels se fonde le rapporteur et des observations faites, le cas échéant, par les intéressés. » 138. Il résulte de cette disposition que le rapport doit être notifié aux ministres intéressés, mais pas les griefs. 139. Cette interprétation, fondée sur la lettre même de l'article L. 463-2 du code de commerce n'est pas contredite par l'article R. 463-11 alinéa 1er du même code. En effet, ce texte, au demeurant de simple valeur réglementaire, aux termes duquel, « [p]our l'application de l'article L. 463-2, la notification des griefs retenus par le rapporteur et la notification du rapport sont faites par le rapporteur général à l'auteur de la saisine, aux ministres intéressés, aux autres parties intéressées et au commissaire du Gouvernement », se borne à désigner celui qui doit procéder aux notifications prévues à l'article L. 463-2. Confirme encore cette interprétation l'alinéa 2 de l'article R. 463-11, qui, précisant dans quelle mesure les ministres intéressés peuvent réagir à la notification qui leur est faite, n'envisage la notification que du seul rapport. 140. Par suite, il ne saurait être reproché au rapporteur général ou au rapporteur général adjoint désigné par lui de ne pas avoir notifié au ministre chargé de la santé les griefs adressés aux requérantes. 141. Ainsi que le soulignent tant les requérantes que l'Autorité et le ministre chargé de l'économie, un ministre n'est « intéressé », au sens de l'article L. 463-2 du code de commerce, que s'il est intervenu à un quelconque moment pour apprécier, favoriser ou condamner les pratiques en cause ou encore si les pratiques en cause ont à être appréciées au regard de textes, autres que ceux des articles L. 420-1 ou L. 420-2 du code de commerce, ayant une incidence directe ou indirecte sur leur licéité et dont la mise en oeuvre relèverait de missions propres à ce ministre. 142. En l'espèce, il n'est, d'une part, pas établi que le ministre chargé de la santé serait intervenu à un quelconque moment pour apprécier, favoriser ou condamner les pratiques d'abus de position dominante, objet du grief unique. 143. C'est à tort que les requérantes soutiennent que l'AFSSAPS a « apprécié » l'intervention de la société Janssen-Cilag – laquelle est visée par la première branche du grief unique. En effet, sans compétence aucune en matière de droit de la concurrence, l'AFSSAPS, qui s'est exclusivement concentrée sur les arguments scientifiques développés devant elle par la société Janssen-Cilag, n'a pas apprécié les pratiques d'abus de position dominante reprochées à ce laboratoire. 144. Elle n'a pas davantage « favorisé » la pratique en demandant à la société Janssen-Cilag un dossier relatif à la substitution, alors que, ainsi que la cour l'a déjà souligné, il n'est pas reproché à cette société d'avoir communiqué à l'AFSSAPS ses inquiétudes quant aux risques que feraient courir la substitution de génériques à ses spécialités de Durogesic, mais d'avoir contesté abusivement la qualité de générique des spécialités Ratiopharm et cherché à retarder, voire empêcher, la délivrance d'AMM à ces spécialités. 145. Quant à la circonstance que l'AFSSAPS a été impliquée dans les pratiques reprochées à la société Janssen-Cilag, ce constat est certes exact, puisque la première branche de l'infraction unique fait grief à cette société de s'être immiscée indûment dans le processus décisionnel de l'AFSSAPS en soulevant des arguments juridiquement infondés. Cette circonstance est cependant sans pertinence pour apprécier si le ministre chargé de la santé, en sa qualité de ministre de tutelle de l'AFSSAPS, a apprécié, favorisé ou condamné lesdites pratiques, dans la mesure où l'AFSSAPS, qui n'a pas été à l'initiative de l'intervention auprès d'elle, a, selon l'analyse de l'Autorité, été victime desdits agissements. 146. Mais, d'autre part, il est constant que le ministre chargé de la santé est en charge des questions de santé publique. À ce titre, il a la responsabilité d'assurer la délivrance et le retrait des AMM, une telle mission revêtant une importance toute particulière, eu égard aux risques inhérents à l'usage de tout médicament à usage humain. 147. La mise en oeuvre des dispositions tant de droit de l'Union que de droit national en matière d'AMM de médicament à usage humain relève donc des missions propres du ministre chargé de la santé. Un tel constat n'est pas infirmé par le fait que l'AFSSAPS s'est vu confier le soin d'octroyer les AMM conformément auxdites dispositions : établissement public de l'État « placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé », selon les termes de l'article L. 5311-1 du code de la santé publique, sa création n'est qu'une modalité d'accomplissement de sa mission par le ministre chargé de la santé. 148. Or, en l'espèce, force est de constater que la décision attaquée, en tant qu'elle statue sur la première branche du grief unique, repose entièrement sur une interprétation des dispositions pertinentes en matière de délivrance des AMM. En effet, selon que l'on considère que la qualité de générique des spécialités Ratiopharm et leur droit à l'obtention d'AMM étaient définitivement reconnus par la décision de la Commission ou devaient encore être appréciés par l'AFSSAPS, le grief est susceptible d'être établi ou, au contraire, est nécessairement infondé. 149. Est sans fondement l'argument selon lequel, dès lors que le débat scientifique était clos et le cadre réglementaire clair, la solution du litige ne dépendait pas d'un texte que le ministre chargé de la santé était chargé d'appliquer ou sur lequel son interprétation était nécessairement requise. En effet, la clarté ou l'obscurité des textes ayant une incidence directe ou indirecte sur la licéité des pratiques n'est pas un critère pour déterminer si un ministre est ou non intéressé, seul important de savoir si la mise en oeuvre de ces textes relève de missions propres à ce ministre. 150. Dès lors que l'appréciation des pratiques était liée à la question de savoir si la qualité de générique des spécialités Ratiopharm était déjà tranchée par la décision de la Commission ou devait encore être déterminée par l'AFSSAPS, ce qui nécessitait l'interprétation des textes de droit national et de l'Union en matière d'AMM, interprétation ayant une incidence directe sur la licéité desdites pratiques, il appartenait au rapporteur général, ou au rapporteur général adjoint désigné par lui, de notifier le rapport au ministre chargé de la santé. 151. C'est en vain que l'Autorité soutient qu'en tout état de cause, il appartient au commissaire du Gouvernement d'informer, en tant que de besoin, les ministres dont il souhaite recueillir les avis. À supposer même que le commissaire du Gouvernement ait, en l'espèce, sollicité l'avis du ministre chargé de la santé en vue d'établir ses observations écrites et orales, ce qu'au demeurant l'Autorité ne démontre pas, une telle circonstance ne serait pas de nature à dispenser le rapporteur général ou le rapporteur général adjoint de notifier le rapport à ce ministre, qui était intéressé. 152. Il résulte des considérations qui précèdent que la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière. Sur la sanction du défaut de notification du rapport au ministre chargé de la santé : 153. Aucune disposition légale ou réglementaire ne détermine les conséquences du défaut de notification du rapport aux ministres intéressés. Les requérantes rappellent certes que, dans sa décision n° 04-D-49 du 28 octobre 2004 relative à des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de l'insémination artificielle bovine (§ 132), le Conseil de la concurrence a considéré qu'une telle notification s'impose « à peine de nullité ». La cour souligne toutefois que la sanction légalement encourue ne saurait être fixée par les parties, fussent-elles d'accord, mais doit être recherchée par la cour au travers de l'interprétation du cadre juridique. 154. À cet égard, l'article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, applicable ratione temporis, dispose : « Lorsque l'autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d'un organisme, seules les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l'encontre de la décision. » 155. Ces dispositions énoncent, s'agissant des irrégularités commises lors de la consultation d'un organisme, une règle qui s'inspire du principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte (CE, Ass. plén., arrêt du 23 décembre 2011, [P], req. n° 335477). 156. Eu égard à la fois au caractère obligatoire de la notification du rapport aux ministres intéressés et au fait que cette notification leur ouvre la possibilité de transmettre un avis écrit à l'Autorité, ainsi que le prévoit l'article R. 463-11 alinéa 2 du code de commerce, cette formalité s'analyse comme une consultation obligatoire au sens de l'article 70 de la loi du 17 mai 2011, précitée. 157. À l'évidence, l'omission de notification aux ministres intéressés n'a pas pour effet d'affecter la compétence de l'Autorité. Par ailleurs, cette formalité n'a ni pour objet ni pour effet de donner une garantie aux parties à la procédure devant l'Autorité, et au premier chef à l'entreprise à laquelle des griefs ont été notifiés. En conséquence, le défaut de notification du rapport aux ministres intéressés n'est susceptible d'entraîner la nullité de la procédure subséquente ainsi que celle de la décision prise à l'issue de cette procédure, que s'il ressort des pièces du dossier qu'elle a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. 158. En l'espèce, il n'appartient ni à l'Autorité ni à la cour de postuler que, si le rapport avait été notifié au ministre chargé de la santé, celui-ci aurait renoncé à éclairer l'Autorité par un avis. 159. Quant à la question de savoir si un tel avis aurait été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision attaquée, la cour rappelle, d'une part, que l'AFSSAPS – devenue aujourd'hui l'ANSM – a été spécialement instituée, sous la tutelle du ministre chargée de la santé, pour mettre en oeuvre les dispositions tant de droit de l'Union que de droit national en matière d'AMM de médicament à usage humain, de sorte que ses agents apparaissent les mieux à même de porter une analyse pertinente sur ces dispositions. 160. D'autre part, au cours de l'instruction, les rapporteurs ont procédé à l'audition : - du chef du pôle juridique à la direction juridique et réglementaires de l'ANSM [auditions du 29 octobre 2014 (cote 37439) et du 13 février 2017 (cote 43938)] ; - d'un évaluateur au pôle réglementaire à la même direction [audition du 22 septembre 2014 (cote 34055)] ; - du responsable du département de l'évaluation pharmaceutique de l'AFSSAPS puis conseiller aux affaires pharmaceutiques et internationales à la direction de l'évaluation de l'ANSM [auditions du 23 mars 2012 (cote 28427) et du 22 septembre 2014 (cote 34055)] ; - d'un évaluateur à la direction générique [audition du 22 septembre 2014 (cote 34055)] et - d'un évaluateur pharmacocinétique à la direction de l'évaluation de l'ANSM [audition du 22 septembre 2014 (cote 34055)]. 161. L'Autorité disposait donc d'ores et déjà de l'éclairage le plus complet qui soit sur le cadre juridique et scientifique par les agents de l'AFSSAPS et de l'ANSM, établissements publics placés sous la tutelle du ministre chargé de la santé, de sorte que l'absence d'avis de ce dernier n'a pu, en l'espèce, la priver d'éléments de compréhension dudit cadre ni, par conséquent, avoir une incidence sur son interprétation. 162. Il convient par ailleurs de souligner que, autorité administrative indépendante, l'Autorité n'est pas liée par les avis que les ministres intéressés peuvent lui transmettre. 163. Dès lors, la cour constate que l'éventuel avis du ministre chargé de la santé n'aurait pas été susceptible de modifier le sens de la décision attaquée, de sorte que le défaut de notification du rapport à ce ministre n'emporte pas l'annulation de la procédure subséquente et de la décision attaquée. 164. En tant que de besoin, la cour ajoute que, pour les mêmes raisons, ledit défaut de notification n'a pu causer aucun grief aux requérantes. 165. Le moyen d'annulation pris du défaut de notification du rapport au ministre chargé de la santé est rejeté. 1) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'après avoir constaté que la décision de l'Autorité de la concurrence avait été prise au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 463-2 du code de commerce, faute pour le rapporteur ou le rapporteur général adjoint d'avoir notifié le rapport au ministre chargé de la santé, la cour d'appel a relevé d'office le moyen de défense tiré de l'application de l'article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 et du principe dégagé par le Conseil d'Etat d'après lequel « un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie » (CE, Ass., 23 décembre 2011, [P], n° 335477), puis a considéré que le défaut de notification du rapport au ministre chargé de la santé n'avait privé les parties poursuivies d'aucune garantie et n'avait pu avoir d'influence sur le sens de la décision dès lors que l'Autorité disposait d'ores et déjà de l'éclairage le plus complet qui soit sur le cadre juridique et scientifique à la suite de l'audition des agents de l'AFSSAPS et de l'ANSM, de sorte que l'absence d'avis du ministre de la santé n'avait pu, en l'espèce, la priver d'éléments de compréhension dudit cadre ni, par conséquent, avoir une incidence sur son interprétation ; qu'en s'abstenant de rouvrir les débats pour provoquer les explications contradictoires des parties sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. 2) ALORS, en toute hypothèse, QUE pour juger que le défaut de notification du rapport au ministre chargé de la santé n'était pas susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision de l'Autorité, la cour d'appel a relevé que les rapporteurs avaient procédé à l'audition du chef du pôle juridique à la direction juridique et réglementaires de l'ANSM, d'un évaluateur au pôle réglementaire à la même direction, du responsable du département de l'évaluation pharmaceutique de l'AFSSAPS, d'un évaluateur à la direction générique et d'un évaluateur pharmacocinétique à la direction de l'évaluation de l'ANSM, de sorte que l'Autorité disposait d'ores et déjà de l'éclairage le plus complet qui soit sur le cadre juridique et scientifique par les agents de l'AFSSAPS et de l'ANSM ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que l'AFSSAPS, ainsi que l'ANSM, qui lui a succédé, sont des établissements publics de l'Etat placés par l'article L. 5311-1 du code de la santé publique « sous la tutelle du ministre chargé de la santé », circonstance de droit dont il s'évinçait que les réponses que de simples agents de l'AFSSAPS et de l'ANSM avaient pu donner lors de leur audition par les services de l'instruction de l'Autorité ne pouvaient être tenues pour équipollentes à l'avis que le ministre chargé de la santé, autorité de tutelle de l'établissement dont relevaient ces agents, aurait lui-même pu donner s'il avait été mis en mesure de le faire par la communication du rapport, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé le texte susvisé, ensemble l'article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011. 3) ALORS QU'EN jugeant que le défaut de notification du rapport au ministre chargé de la santé n'était pas susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision de l'Autorité dès lors que celle-ci disposait déjà d'ores et déjà, au travers des auditions de plusieurs agents de l'AFSSAPS et de l'ANSM, de l'éclairage le plus complet qui soit sur le cadre juridique et scientifique dans lequel s'étaient déroulées les interventions reprochées à la société Janssen-Cilag, cependant qu'elle constatait par ailleurs que, par une décision du 28 juillet 2008, le Directeur général de l'AFSSAPS avait délivré au laboratoire Ratiopharm les autorisations de mise sur le marché (AMM) demandées, mais avait refusé en l'état l'identification du fentanyl Ratiopharm comme médicament générique et son inscription au répertoire des groupes génériques, compte tenu de l'absence de démonstration suffisante de l'identité de la quantité de substance active libérée dans l'organisme entre les spécialités Durogesic et celles de Ratiopharm, circonstance dont il s'évinçait que le Directeur général de l'AFSSAPS, supérieur hiérarchique des agents entendus par l'Autorité lors de son instruction, avait implicitement mais nécessairement considéré que l'AFSSAPS n'était pas, du fait de la décision de la Commission européenne du 23 octobre 2007 en situation de compétence liée pour décider de l'inscription au répertoire des groupes génériques des dispositifs transdermiques à base de fentanyl du laboratoire Ratiopharm, ce qui ne rendait que d'autant plus nécessaire de mettre le ministre chargé de la santé en mesure de faire connaître sa propre doctrine, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a derechef violé l'article L. 5311-1 du code de la santé publique, ensemble l'article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011. 4) ALORS, enfin, QUE l'article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 et le principe dont il s'inspire d'après lequel « un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie » ne sont applicables au cas d'omission d'une procédure obligatoire qu'à la condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte (arrêt [P], précité) ; qu'en relevant que l'Autorité de la concurrence, en sa qualité d'autorité administrative indépendante, n'est pas liée par les avis que les ministres intéressés peuvent lui transmettre, pour en déduire que l'éventuel avis du ministre chargé de la santé n'aurait pas été susceptible de modifier le sens de la décision attaquée, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à justifier sa décision, privant sa décision de base légale au regard du texte et du principe susvisés. TROISIEME MOYEN DE CASSATION – sur l'intervention prétendument « juridiquement infondée » du laboratoire Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS – Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les moyens d'annulation de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 17-D-25 du 20 décembre 2017 pris de ce que l'Autorité avait commis des erreurs de droit quant à la détermination du cadre réglementaire dans lequel s'était inscrite l'intervention du laboratoire Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS desquelles résultait une inexacte qualification de cette intervention comme « juridiquement infondée » et d'AVOIR, par voie de réformation de cette décision, infligé aux sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson une sanction pécuniaire d'un montant de 21 millions d'euros. AUX MOTIFS QUE : 1) Sur les moyens pris des erreurs de l'Autorité quant à la détermination du cadre règlementaire : Sur les notions d' « essentiellement similaire » et de « générique » en droit de l'Union et en droit national : 195. À titre liminaire, la cour rappelle que les requérantes comme l'Autorité et le ministre chargé de l'économie s'accordent pour dire qu'en remplaçant, dans la directive 2001/83, les termes « médicament […] essentiellement similaire » par les termes « médicament générique », la directive 2004/27 n'a procédé qu'à un simple changement terminologique. Il s'ensuit que la définition du médicament générique, donnée à l'article 10, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27, s'applique également à la notion de « médicament essentiellement similaire » employé dans l'article 10 de la directive 2001/83, dans sa version antérieure à la directive 2004/27. 196. D'une part, dès lors que les dispositions des articles R. 5121-29 2° c) et R. 5121-32 du code de la santé publique, dans leur version antérieure au décret du 6 mai 2008, assuraient la transposition en droit français de l'article 10 de la directive 2001/83, dans sa version antérieure à la directive 2004/27, il convient de constater la même équivalence entre la notion de spécialité essentiellement similaire figurant dans lesdites dispositions et celle de médicament générique, telle que définie à l'article 10, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27. 197. D'autre part, la cour constate que les termes « médicament générique » et « spécialité générique » sont définis de façon identique à l'article 10, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27, et à l'article L. 5121-1 5° du code de la santé publique, reposant sur une liste exhaustive de trois conditions : - avoir la même composition qualitative et quantitative en substances actives que le médicament de référence ; - avoir la même forme pharmaceutique que le médicament de référence ; - faire la démonstration, par des études appropriées de biodisponibilité, de la bioéquivalence avec le médicament de référence. 198. S'agissant, en particulier de la dernière condition, il y a lieu de souligner que les notions scientifiques de « bioéquivalence » et de « biodisponibilité » ne sauraient recouvrer des concepts différents en droit de l'Union et en droit national. Il n'est a fortiori pas sérieux de soutenir qu'il existerait des degrés dans la bioéquivalence entre deux produits : deux médicaments sont ou ne sont pas bioéquivalents. 199. C'est, au demeurant, ce que confirme la déclaration des agents de l'ANSM en date du 22 septembre 2014, reproduite au paragraphe 178 du présent arrêt, d'où il ressort que le fait que la question se pose de savoir si deux spécialités présentent, aux fins de leur substituabilité, la même efficacité et la même tolérance ne suffit pas à remettre en cause le constat de leur bioéquivalence. 200. Il s'ensuit que les notions de médicament essentiellement similaire, au sens de la directive 2001/83, dans sa version antérieure à la directive 2004/27, de médicament générique, au sens de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27, de spécialité essentiellement similaire, au sens du code de la santé publique, dans sa version antérieure au décret du 6 mai 2008, et de spécialité générique, au sens du même code, tant avant qu'après l'entrée en vigueur dudit décret, ont la même signification. 201. C'est en vain que les requérantes soutiennent que, au moins jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 6 mai 2008, la pratique décisionnelle de l'AFSSAPS était de refuser, le cas échéant, l'inscription au répertoire des groupes génériques à une spécialité à laquelle elle aurait délivré une AMM dans le cadre d'une procédure abrégée, distinguant ainsi les notions de spécialité essentiellement similaire et de spécialité générique. 202. En effet, aucun des deux exemples invoqués n'établit une telle pratique. Le premier concerne les spécialités Ratiopharm, qui sont au coeur de la présente instance, pour lesquelles un refus d'inscription au répertoire des groupes génériques a été brièvement opposé à la société Ratiopharm à la suite de l'intervention de la société Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS. Le second concerne la spécialité Matrifen du laboratoire Nycomed, que ce laboratoire ne souhaitait pas voir inscrite au répertoire des groupes génériques, de sorte que, même s'il devait être déduit de ce dernier exemple qu'au vu de la double terminologie ayant coexisté en droit français jusqu'au 7 mai 2008, l'AFSSAPS considérait qu'elle pouvait délivrer une AMM sur la base d'un dossier abrégé à une spécialité dont le laboratoire revendiquait la qualité de spécialité essentiellement similaire, sans l'inscrire au répertoire des groupes génériques lorsque le laboratoire n'en faisait pas la demande, la thèse des requérantes ne s'en trouverait pas confirmée pour autant. 203. En tout état de cause, et ainsi qu'il sera constaté ci-après, la présente espèce a ceci de spécifique que la qualité de médicament générique – et non de médicament essentiellement similaire – avait été reconnue par les autorités compétentes de l'Union aux spécialités Ratiopharm. 204. Il résulte des considérations qui précèdent, notamment, qu'un médicament ne peut à la fois être qualifié de médicament générique, au sens du droit de l'Union, et se voir dénier la qualité de spécialité générique, au sens du droit national. Sur la reconnaissance mutuelle d'une AMM nationale délivrée selon la procédure abrégée 205. Il résulte de la lecture combinée des articles 10 et 28 à 34 de la directive 2001/83, modifiée par la directive 2004/27, qu'une procédure de reconnaissance mutuelle d'une AMM nationale délivrée à un médicament sur la base d'un dossier abrégé, ne peut aboutir que si la qualité de générique d'un médicament de référence est reconnue à ce médicament, puisque la procédure abrégée est réservée aux médicaments génériques par l'article 10 de la même directive. 206. En l'espèce, il est constant que les autorités allemandes ont, le 4 avril 2006, délivré des AMM aux spécialités Ratiopharm selon la procédure abrégée, en considérant qu'elles étaient des génériques des spécialités de Durogesic et que, sur la base de ces AMM, la société Ratiopharm a, le 6 juillet 2006, lancé une procédure de reconnaissance mutuelle, la France faisant partie des États membres concernés. 207. Il résulte du dossier que des points de désaccord sont apparus entre les États membres concernés, qui n'ont pu être réglés par le groupe de coordination, institué par l'article 27 de la directive 2001/83, modifiée par la directive 2004/27. Le désaccord portait notamment sur la question de savoir si la bioéquivalence des spécialités Ratiopharm avec les spécialités de Durogesic, médicaments de référence, était démontrée par des études appropriées de biodisponibilité, soit l'une des trois conditions exigées pour pouvoir qualifier un médicament de générique. 208. L'Agence européenne des médicaments ayant été saisie par l'Allemagne, le 20 décembre 2006, en application de l'article 29, paragraphe 4, de la directive 2001/83, le CHMP a rendu, le 19 juillet 2007, un avis favorable à la reconnaissance des AMM allemandes par les États membres concernés. 209. Le CHMP a notamment considéré que « la bioéquivalence entre les produits médicinaux de test et de référence a été suffisamment caractérisée au cours des 2 études (dose unique et dose multiple) réalisées avec une taille de timbre inférieure (7,5 cm²). Les légères différences observées ne sont pas considérées comme importantes d'un point de vue clinique et suggèrent que Fentanyl-Ratiopharm a un profil de libération prolongée légèrement plus prononcé, ce qui correspond aux attentes pour un timbre à matrice par rapport à un timbre réservoir ». Il a ajouté qu' « une étude de bioéquivalence avec la dose maximale n'est pas jugée nécessaire, de la même façon qu'une étude parallèle supplémentaire ». 210. Il résulte de cet avis, auquel la décision de la Commission s'est conformée, que le CHMP a examiné la question de savoir si les spécialités Ratiopharm pouvaient être qualifiées de génériques des spécialités de Durogesic et, à l'issue d'une analyse scientifique, a conclu par l'affirmative. À cet égard, étant donné la date de la saisine de l'Agence européenne des médicaments, postérieure à la fois au 30 avril 2004, date d'entrée en vigueur de la directive 2004/27, et au 30 octobre 2005, date d'expiration du délai de transposition de cette directive, il est certain que le CHMP s'est, dans son analyse, référé à la définition du médicament générique figurant à l'article 10, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27. En tant que de besoin, la cour souligne que le constat qui précède ne revient pas à appliquer aux requérantes des dispositions non encore transposées de la directive 2004/27. 211. Il ne saurait donc être déduit de l'absence, dans la décision de la Commission, du mot « générique » la preuve que les autorités de l'Union n'ont pas pris position sur la qualité de médicament générique des spécialités Ratiopharm. 212. Dès lors que les spécialités Ratiopharm se sont vu reconnaître, par la décision de la Commission, la qualité de médicament générique, au sens de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27, la qualité de spécialité générique, au sens des articles L. 5121-1 5° et L. 5121-10 du code de la santé publique, ne pouvait pas leur être déniée par les autorités nationales, et notamment l'AFSSAPS. 213. À cet égard, il est indifférent que la société Janssen-Cilag ait ou non disposé d'une voie de recours à l'encontre de la décision de la Commission pour contester les conditions d'attribution des AMM aux spécialités Ratiopharm. Aussi, même à le supposer fondé, le moyen pris de ce que l'Autorité aurait affirmé à tort qu'un tel recours était ouvert aux requérantes est inopérant, de sorte que la cour ne l'examinera pas. Sur les conséquences de la reconnaissance de la qualité de générique 214. À titre liminaire, la cour constate que, si l'Autorité a fait mention, dans la décision attaquée, de spécialités ayant le « statut de générique », il ressort sans équivoque de la lecture de cette décision qu'elle a employé ces termes dans le sens de médicament ayant la « qualité de générique », ainsi que l'a d'ailleurs fait à de nombreuses reprises la société Janssen-Cilag elle-même, dans des documents internes comme dans les courriers adressés à l'Autorité. 215. À supposer qu'il existe un véritable « statut de générique » en droit de l'Union, il se borne à la possibilité d'accorder une AMM suivant la procédure abrégée à un médicament reconnu comme le générique d'un médicament de référence, ou de reconnaître, dans le cadre d'une procédure de reconnaissance mutuelle, une AMM délivrée par un État membre suivant la procédure abrégée. 216. En effet, en droit de l'Union, la qualification de générique n'emporte aucune conséquence quant à la possibilité – ou à l'obligation – de substitution d'un générique au médicament de référence par les pharmaciens, seul le droit national de chaque État membre étant susceptible de prévoir un tel mécanisme de substitution et, le cas échéant, de le rendre facultatif ou obligatoire. 217. C'est ainsi que, dans l'arrêt du Tribunal de l'Union AstraZeneca/Commission, précité (point 160), sur question du Tribunal, la Commission a indiqué que, dans les États qui pratiquent un système dans lequel le prix des médicaments remboursables par la sécurité sociale est fixé selon un prix de référence établi, pour chaque groupe de produits ayant un effet thérapeutique similaire, sur la base du prix relativement faible de l'un ou de plusieurs produits de ce groupe, de sorte que le prix de référence constitue le niveau de remboursement maximal pour tous les produits, « ce systèmen'[est] normalement appliqué qu'aux produits pour lesquels une version générique exist[e] » et « peut également être accompagné d'un mécanisme de substitution, qui permet aux pharmacies de, ou les oblige à, remplacer le produit prescrit par le médecin par des équivalents génériques moins chers » (souligné par la cour). 218. Il s'ensuit que, si, compte tenu de la décision de la Commission, l'AFSSAPS avait une compétence liée en ce qui concerne l'octroi d'AMM aux spécialités Ratiopharm, la délivrance de ces AMM, par décision du 28 juillet 2008, a suffi pour qu'elle respecte, à son niveau, les obligations de la France à l'égard de l'Union européenne. 219. En revanche, l'éventuelle obligation d'inscrire ces spécialités dans le répertoire des groupes génériques ne pouvait découler que du droit national, et plus précisément de l'article L. 5121-10 alinéa 3 du code de la santé publique. 220. Il ressort de cette disposition qu'il faut et il suffit qu'un médicament réponde à la définition de spécialité générique figurant à l'article L. 5121-1 5° du même code pour pouvoir être inscrit dans le répertoire des groupes génériques. 221. En effet, aucune condition supplémentaire ne doit être satisfaite pour qu'un générique soit déclaré substituable au médicament de référence : c'est parce qu'un médicament a la même composition qualitative et quantitative en principe[s] actif[s], la même forme pharmaceutique et que sa bioéquivalence avec le médicament de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées, qu'il lui est substituable. En d'autres termes, la substituabilité à la spécialité de référence est, en droit français, consubstantielle à la qualité de spécialité générique. 222. Certes, dès lors que le principe et les modalités de substitution d'une spécialité générique à la spécialité de référence sont de la compétence exclusive des autorités nationales, il eût été loisible au législateur français d'exiger, pour que soit autorisée une telle substitution, des conditions plus strictes que celles requises pour pouvoir qualifier une spécialité de générique. Une telle option eût été d'autant plus envisageable que, ainsi que le démontre la présente espèce, le constat de la biodisponibilité entre deux spécialités n'épuise pas toutes les questions liées à la substituabilité de l'une par l'autre (à cet égard, voir l'audition des agents de l'ANSM, reproduite au paragraphe 178 présent arrêt). Mais force est de constater que tel n'a pas été le choix du législateur : aux termes de l'article L. 5121-10 du code de la santé publique, dans sa version résultant de la loi n° 2003-1199, restée inchangée pendant toute la période couverte par les faits de l'espèce, il suffit qu'ait été délivrée une « autorisation de mise sur le marché d'une spécialité générique » pour que le directeur général de l'AFSSAPS – désormais de l'ANSM – inscrive cette spécialité au répertoire des groupes génériques avec la spécialité de référence dont il a été constaté qu'elle était le générique. 223. C'est d'ailleurs en ce sens que le Conseil d'État a statué : dans son arrêt du 21 décembre 2007, Reckitt Benckiser, précité, il a jugé qu'il résulte des dispositions des articles L. 5121-1 5° et L. 5121-10 du code de la santé publique que l'identification d'un médicament comme générique d'une spécialité se fait à l'occasion de la délivrance de l'AMM à ce médicament, laquelle est subordonnée à la vérification que le médicament remplit les conditions pour être identifié comme générique ; que l'autorisation ainsi délivrée et qui est notifiée au titulaire de l'AMM de la spécialité de référence comporte la mention expresse de cette identification qui est reproduite dans l'avis publié au Journal officiel ; que l'inscription de ce médicament au répertoire des groupes génériques, si elle constitue une décision distincte de la délivrance de l'AMM et si elle produit des effets propres consistant à permettre au pharmacien de substituer un générique à la spécialité de référence, se borne néanmoins à tirer les conséquences de la délivrance de l'AMM en qualité de générique, après que le titulaire de l'AMM de la spécialité de référence a été mis à même de faire valoir, le cas échéant, ses droits, sans donner lieu à une nouvelle procédure d'instruction visant à vérifier si le médicament répond aux conditions fixées par le code de la santé publique pour être identifié comme générique ; que, dans ces conditions, lorsque la décision délivrant l'AMM d'un générique est devenue définitive, ne peuvent plus être invoqués à l'appui d'une contestation de la décision d'inscription au répertoire des groupes génériques de ce médicament des moyens tirés de ce que celle-ci serait illégale au motif que les conditions posées à cette identification ne seraient pas satisfaites, ces moyens remettant nécessairement en cause la légalité de la décision d'AMM. Il ressort notamment de cet arrêt que ce sont bien les mêmes conditions qui doivent être remplies par une spécialité pour à la fois obtenir la délivrance d'une AMM selon la procédure abrégée et son inscription au répertoire des groupes génériques. 224. Il importe peu que, comme en l'espèce, la décision de délivrance d'AMM soit prise par l'AFSSAPS en exécution d'une décision de reconnaissance mutuelle de la Commission. En effet, dans une telle hypothèse, le constat que la spécialité qui a bénéficié d'une AMM nationale suivant la procédure abrégée remplit les conditions pour être qualifiée de générique est effectué, sur la base de l'avis du CHMP, par la Commission, qui se voit attribuer la compétence pour procéder à un tel constat en lieu et place des autorités nationales de santé des États membres concernés par la demande de reconnaissance mutuelle. 225. En conséquence, dès lors que la qualité de spécialité générique, au sens des articles L. 5121-1 5° et L. 5121-10 du code de la santé publique, ne pouvait être déniée aux spécialités Ratiopharm par l'AFSSAPS, le directeur général de cette autorité était tenu, en vertu du dernier de ces articles, de les inscrire au répertoire des groupes génériques en tant que génériques de Durogesic. 226. Il résulte des considérations qui précèdent que l'Autorité, qui n'a pas fait application d'une directive non transposée, a exactement analysé le cadre juridique. 227. L'ensemble des moyens pris de l'interprétation juridiquement erronée du cadre juridique sont rejetés, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice d'un renvoi préjudiciel. (…) 2) Sur le moyen pris de la dénaturation du contenu, de la portée et des effets de l'intervention de la société Janssen-Cilag auprès L'AFSSAPS 228. Au paragraphe 432 de la décision attaquée, l'Autorité a dit que, dans le cadre de son intervention auprès de l'AFSSAPS, la société Janssen-Cilag « est revenu[e] sur les conditions de fond d'attribution d'une AMM pour les spécialités génériques de fentanyl transdermique (remise en causedela bioéquivalence, de la condition d'identité de quantité et qualité du principe actif et de la condition relative à la forme pharmaceutique), afin de remettre en cause la délivrance d'AMM et la reconnaissance du statut de générique à ces spécialités ». Elle a ajouté, au paragraphe 454, que cette société « a présenté à l'autorité française de santé des arguments dont l'objet était de remettre en cause l'octroi d'AMM pour les spécialités génériques de fentanyl » et, au paragraphe 469, qu'elle « a, en réalité, présenté un argumentaire remettant en cause l'octroi même de l'AMM pour les spécialités génériques de fentanyl transdermique ». (…) 235. Il est constant – et non contesté – que, dans le cadre de son intervention auprès de l'AFSSAPS, la société Janssen-Cilag a remis en cause la qualité de générique des spécialités Ratiopharm et s'est opposée à leur inscription dans le répertoire des groupes génériques, condition sine qua non pour pouvoir les substituer aux spécialités de Durogesic, spécialités de référence. 236. En revanche, ainsi que le font valoir les requérantes, cette intervention ne visait pas à remettre en cause la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm. 237. Il résulte sans équivoque des différents courriers de la société Janssen-Cilag à l'AFSSAPS (courriers des 25 mars, 14 avril, 19 mai et 22 octobre 2008) qu'à aucun moment elle n'a contesté le principe même de la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm. Il ressort au contraire du courrier du 25 mars 2008 que son auteur considère comme acquis que ces spécialités bénéficient d'une AMM : « Les autres spécialités en cours d'enregistrement ont, selon nos informations, obtenu leur AMM sur la base d'un dossier allégé faisant référence à notre spécialité DUROGESIC®. » (cote 380). 238. Il doit d'ailleurs être souligné que l'argumentaire développé par la requérante est resté inchangé dans son courrier du 22 octobre 2008, pourtant rédigé postérieurement à la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm, par décisions de l'AFSSAPS du 28 juillet 2008. 239. Dans ses courriers à l'AFSSAPS, la société Janssen-Cilag ne soutient pas que la mise sur le marché des spécialités Ratiopharm ferait courir un risque aux patients. Les préoccupations de santé publique qu'elle exprime portent exclusivement sur les conséquences susceptibles de découler de la substitution d'une de ces spécialités à ses propres dispositifs en cours de traitement. 240. Dès lors, la « crainte dans l'esprit de l'AFSSAPS » (décision attaquée, § 194) susceptible d'être générée par les arguments de la société Janssen-Cilag ne pouvait pas porter sur le principe même de la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm, mais uniquement sur les conséquences d'une telle substitution en cours de traitement, une fois ces spécialités mises sur le marché. 241. Cette analyse est confirmée par les procès-verbaux des réunions des groupes de travail de l'AFSSAPS qui ont eu à connaître du dossier. 242. Dans le procès-verbal de sa réunion du 19 juin 2008 (cote 312), le GTMG précise qu'il s'est réuni pour répondre aux deux questions suivantes : « Y a-t-il un obstacle à la substitution entre les dispositifs transdermiques de fentanyl ? Si non, faut-il accompagner la substitution de mesures particulières ? ». Il ajoute que la discussion « s'est appuyée sur la documentation versée par le Laboratoire Jannsen Cilag pour contester le caractère substituable des AMM génériques », formulation démontrant que, pour le GTMG, le principe de la mise sur le marché des spécialités Ratiopharm est acquis. Par ailleurs, si, dans le dernier paragraphe de sa conclusion, le GTMG « émet de fortes réserves sur l'interprétation juridique faite de la définition du générique afin de pouvoir y inclure les dispositifs transdermiques » – critique implicite de la décision de la Commission –, il n'en tire aucune conséquence s'agissant de la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm, dont à aucun moment il ne remet le principe en cause puisque, au contraire, sa seule conclusion opérante est en faveur de l'autorisation de la substitution – laquelle suppose la délivrance préalable des AMM – « à condition que celle-ci soit associée à des recommandations des prescripteurs et des pharmaciens à leurs patients lors du switch ». 243. Il ressort pareillement du procès-verbal de la réunion du GTNPA du 10 juillet 2008 (cote 318), que celui-ci est réuni pour répondre aux deux mêmes questions que le GTMG. Déclarant qu'il « soutient l'avis du GTMG, que les différences en composition quantitatives des différents patchs proposés pourraient potentiellement, pour ce produit dont la marge thérapeutique est étroite, poser des problèmes de sécurité en particulier chez les sujets âgés ou en cas d'hyperthermie dont on sait qu'elle peut augmenter le passage transcutané) », le GTNPA conclut qu'il y a un obstacle à la substitution entre les patchs de fentanyl. Là encore, la délivrance d'AMM à ces spécialités n'est pas mise en cause. 244. Par ailleurs, le fait que, lors de sa séance du 17 juillet 2008 (cotes 354 à 374), la commission d'AMM a renvoyé à une séance ultérieure la question de la substituabilité à Durogesic des spécialités Ratiopharm « pour poursuivre l'évaluation », n'a pas empêché que des AMM soient délivrées à ces spécialités par décisions du 28 juillet 2008 (cote 425), preuve qu'il n'y avait pas pour l'AFSSAPS corrélation entre la délivrance des AMM et la question de la substitution en pharmacie. 245. Ainsi, la requérante, qui ne pouvait ignorer que la décision de la Commission obligeait l'AFSSAPS à délivrer les AMM sollicitées par la société Ratiopharm, ne lui a pas demandé de refuser de les accorder, et l'AFSSAPS, qui n'ignorait pas qu'elle était tenue de les délivrer, n'a pas interprété en ce sens les démarches de la société Janssen-Cilag. 246. L'Autorité et le ministre font certes valoir à juste titre qu'il n'existe pas deux notions de « générique » en droit de l'Union et en droit français. Mais il s'ensuit seulement que la position de la société Janssen-Cilag, admettant, d'un côté, la délivrance d'AMM à des spécialités dont la qualité de générique de Durogesic avait été constatée dans le cadre de la procédure abrégée, tout en leur refusant, de l'autre, cette même qualité de générique au stade de la substitution, était juridiquement incohérente. 247. Le constat erroné que l'intervention de la société Janssen-Cilag tendait à empêcher la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm a nécessairement conduit l'Autorité à considérer le premier terme de l'infraction unique comme plus grave qu'il n'était, ce dont il sera tenu compte, le cas échéant, au stade de la détermination de la sanction. 248. En revanche, c'est à tort que les requérantes soutiennent que l'erreur commise par l'Autorité « anéantit complètement » la décision attaquée en ce qui concerne la première pratique constitutive de l'infraction unique. En effet, ladite erreur n'affecte pas le constat que la société Janssen-Cilag a ouvert devant l'AFSSAPS un débat juridiquement infondé quant à la qualité de générique des spécialités Ratiopharm. 1) ALORS QU'EN vertu de l'article 168, § 7 du TFUE, « l'action de l'Union est menée dans le respect des responsabilités des Etats membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l'organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux » et « les responsabilités des Etats membres incluent la "gestion de services de santé et de soins médicaux, ainsi que l'allocation des ressources qui leur sont affectées » ; que, par ailleurs, l'article 10 de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, dans sa version consolidée issue de la directive 2004/27/CE ne donne de la notion de « médicament générique », substituée à celle de « spécialité essentiellement similaire », une définition qui ne vaut qu' « aux fins du présent article », c'est-à-dire pour les seuls besoins de la détermination du contenu du dossier devant être remis aux autorités de santé en vue de l'obtention d'autorisations de mise sur le marché (AMM), l'article 4 §. 3 de la même directive précisant au surplus que les dispositions qu'elle renferme « n'affectent pas les compétences des autorités des Etats membres, ni en matière de fixation des prix des médicaments ni en ce qui concerne leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance maladie, sur la base de conditions sanitaires, économiques et sociales, notamment en matière de remboursement » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, d'une part, les Etats membres de l'Union européenne jouissent d'une compétence exclusive pour déterminer les conditions et les procédures par lesquelles un médicament peut se voir reconnaître la qualité de médicament générique au sens et pour l'application de leur législation interne de sécurité sociale autorisant la substitution par les pharmaciens de médicaments génériques aux médicaments de référence et que, d'autre part, la décision, même prise sur la base de la procédure abrégée réservée aux spécialités génériques au sens de l'article 10 de la directive susvisée, par laquelle la Commission enjoint, en vertu de l'article 34 §. 3 de cette directive, aux Etats membres concernés par une procédure de reconnaissance mutuelle d'AMM de délivrer des AMM n'a d'autorité de la chose décidée que dans les limites de son objet et ne saurait placer les autorités nationales de santé en situation de compétence liée pour trancher la question, distincte, de l'attribution pour la spécialité pharmaceutique concernée du statut de médicament générique conditionnant le droit de substitution du pharmacien prévu par leur législation interne ; qu'en affirmant néanmoins que, dès lors que les spécialités Ratiopharm s'étaient vu reconnaître par une décision de la Commission du 23 octobre 2007 la qualité de médicament générique, au sens de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27, le directeur général de l'AFSSAPS ne pouvait refuser de leur reconnaître la qualité de médicament générique au sens des articles L. 5121-1 5° et L. 5121-10 du code de la santé publique et de procéder à leur inscription au répertoire des groupes génériques ouvrant le droit de substitution des pharmaciens, la cour d'appel, qui a ainsi attribué à la décision de la Commission une autorité de chose décidée qui excédait son propre objet, en méconnaissance des règles de répartition des compétences entre les organes de l'Union et les Etats membres, a violé l'ensemble des dispositions susvisées. 2) ALORS, de deuxième part, QUE les articles L. 5121-10 alinéa 3 et R. 5121-5 du code de la santé publique ne confèrent qu'à l'AFSSAPS et à son directeur général la compétence pour identifier une spécialité pharmaceutique comme un médicament générique au sens de l'article L. 5121-1, 5° du même code et inscrire cette spécialité au répertoire des groupes génériques, sous la condition, s'il y a lieu, d'une mise en garde ; qu'aucune autre disposition légale ou réglementaire ne vient faire échec à cette compétence exclusive de l'AFSSAPS et au pouvoir qu'elle implique d'apprécier si le médicament en cause a bien la même composition qualitative et quantitative en substances actives que le médicament de référence, a la même forme pharmaceutique que le médicament de référence et fait la démonstration, par des études appropriées de biodisponibilité, de la bioéquivalence avec le médicament de référence ; qu'en relevant que l'article L. 5121-10 alinéa 3 du code de la santé publique n'avait pas subordonné l'inscription d'un médicament au répertoire des groupes génériques à d'autres conditions que la vérification de ce qu'il répond à la définition de la spécialité générique donnée à l'article L. 5121-1, 5° du même code et que ce dernier texte avait lui-même défini la spécialité générique en usant de critères similaires à ceux employés pour définir la notion de « générique » par l'article 10 de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, dans sa version issue de la directive 2004/27/CE, si bien qu'il serait « juridiquement incohérent », de la part du directeur général de l'AFSSAPS de dénier une qualification de médicament générique que la Commission européenne avait préalablement admise, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à fonder l'existence d'une compétence liée du directeur de l'AFSSAPS par l'effet d'une décision prise par la Commission européenne en vertu de l'article 34 §. 3 de la directive précitée, dont ce dernier texte restreint la portée à la seule délivrance de l'AMM ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé par fausse interprétation les articles L. 5121-10 alinéa 3 et R. 5121-5 du code de la santé publique, ensemble l'article L. 5121-1, 5° du même code. 3) ALORS, de troisième part, QUE l'article 10 de la directive 2001/83/CE instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, dans sa version modifiée par la directive 2004/27/CE, n'ayant donné de la notion de médicament générique, substituée à celle de spécialité essentiellement similaire, une définition fonctionnelle qui ne vaut qu' « aux fins du présent article », c'est-à-dire pour les seuls besoins de la détermination du contenu du dossier devant être remis aux autorités de santé en vue de l'obtention d'autorisations de mise sur le marché (AMM), il n'existe aucune « incohérence juridique » à ce que l'appréciation, par le directeur de l'AFSSAPS, de la démonstration, par des études appropriées de biodisponibilité, de la bioéquivalence du médicament en cause avec le médicament de référence soit exercée moyennant un standard d'exigence plus élevé, dès lors qu'il ne s'agit plus à ce stade de vérifier si ce médicament peut être mis sur le marché, ce qui est définitivement acquis, mais de déterminer s'il peut, sans danger et sans perte d'efficacité, être à tout moment substitué au médicament de référence pour des patients en cours de traitement ; qu'en énonçant qu'un médicament ne peut à la fois être qualifié de médicament générique, au sens du droit de l'Union et se voir dénier la qualité de spécialité générique, au sens du droit national, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu' « ainsi que le démontre la présente espèce, le constat de la biodisponibilité [lire : bioéquivalence] entre deux spécialités n'épuise pas toutes les questions liées à la substituabilité de l'une par l'autre », la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé derechef les articles L. 5121-10 alinéa 3 et L. 5121-1, 5° du code de la santé publique, ensemble l'article 10 de la directive 2001/83/CE instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, dans sa version modifiée par la directive 2004/27/CE. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION – subsidiairement, sur la qualification d'abus de position dominante de l'intervention « juridiquement infondée » du laboratoire Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS – Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les moyens d'annulation de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 17-D-25 du 20 décembre 2017 pris de l'absence de réunion des conditions requises pour qu'une intervention auprès d'une autorité publique constitue un abus de position dominante ainsi que de la légitimité de l'intervention de la société Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS et d'AVOIR, par voie de réformation de cette décision, infligé aux sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson une sanction pécuniaire d'un montant de 21 millions d'euros. AUX MOTIFS QUE : Sur les moyens pris de l'absence de réunion des conditions requises pour qu'une intervention auprès d'une autorité publique constitue un abus de position dominante : 268. En premier lieu, ainsi que la cour l'a relevé au paragraphe 96 du présent arrêt, dans les arrêts AstraZeneca/Commission, précités, les juridictions de l'Union n'ont pas défini de façon exhaustive toutes les hypothèses dans lesquelles l'intervention auprès d'une autorité publique est susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle. Dans ces arrêts, en effet, les juridictions de l'Union ont raisonné en référence aux seules circonstances de l'espèce. 269. Dans l'affaire ayant donné lieu à ces arrêts, une entreprise cherchait à obtenir d'une autorité publique une décision lui reconnaissant des droits exclusifs. Tant que cette décision n'était pas prise, aucun effet anticoncurrentiel n'était susceptible de se produire. C'est dans ce contexte que les juridictions de l'Union ont dit qu'il ne pouvait y avoir abus de position dominante que si les déclarations de l'entreprise étaient réellement de nature à conduire l'autorité publique sollicitée à lui accorder les droits exclusifs qu'elle demandait et ont, par conséquent, jugé que la marge d'appréciation limitée de l'autorité publique ou l'absence d'obligation lui incombant de vérifier l'exactitude ou la véracité des informations communiquées « peuvent constituer des éléments pertinents devant être pris en considération ». 270. Or la présente espèce est factuellement très différente de cette affaire. 271. L'intervention de la société Janssen-Cilag n'avait pas pour objet, et ne pouvait pas avoir pour effet, d'obtenir une décision positive en faveur de ses spécialités. En revanche, elle pouvait conduire le directeur général de l'AFSSAPS à refuser d'inscrire les spécialités de la société Ratiopharm, entreprise concurrente, au répertoire des groupes génériques, ou du moins à retarder leur inscription, repoussant d'autant la mise en oeuvre du droit de substitution, lequel constitue l'un des principaux vecteurs de conquête de parts de marché pour les fabricants de génériques. 272. Certes, ainsi que la cour l'a relevé aux paragraphes 212 et 225 du présent arrêt, l'AFSSAPS et son directeur général n'avaient aucune marge de manoeuvre quant à la reconnaissance de la qualité de générique des spécialités Ratiopharm et à leur inscription au répertoire des groupes génériques, de sorte que la contestation de cette qualité par la société Janssen-Cilag ne pouvait pas aboutir à un refus définitif de les inscrire à ce répertoire. 273. Il ne saurait toutefois en être déduit que l'intervention de la société Janssen-Cilag ne pouvait pas, en tant que telle, produire des effets anticoncurrentiels. En effet, ainsi que l'Autorité l'a justement fait valoir aux paragraphes 414 et 419 de la décision attaquée, il existe une aversion au risque des professionnels de santé, et notamment des personnes chargées d'élaborer les décisions de l'AFSSAPS, en raison notamment d'une certaine judiciarisation des questions de santé. S'agissant, en particulier, de l'AFSSAPS, l'importance de ses décisions sur la santé publique est considérable, et se traduit par une responsabilité non moins importante. Ceci a pour conséquence que toute contestation, fondée ou non, conduit quasi-inéluctablement à un ralentissement du processus décisionnel au sein de l'AFSSAPS, ce qu'aucun laboratoire pharmaceutique ne peut ignorer. 274. Ainsi, à la différence de l'affaire AstraZeneca, où les arguments avancés par l'entreprise ne pouvaient produire un effet anticoncurrentiel qu'à la condition que l'autorité les fasse siens et prenne la décision sollicitée, dans la présente espèce, c'est le fait même de soulever un débat juridiquement infondé qui était de nature à produire un effet anticoncurrentiel. 275. La cour relève encore que les requérantes reconnaissent qu'une controverse juridique peut être constitutive d'un abus de droit, au stade d'un éventuel recours, lorsqu'il apparaît que l'entreprise, qui ne peut plus ignorer que son analyse juridique ne peut plus être soutenue, exerce néanmoins un recours à seule fin de retarder un concurrent. Mais, d'une part, est susceptible de constituer un abus, à toute étape de la procédure, le fait pour une entreprise de soutenir une analyse juridique dont la fausseté ressort déjà de l'état du droit. D'autre part, tel est le cas dans la présente espèce. En effet, depuis l'arrêt du Conseil d'État du 21 décembre 2007, Reckitt Benckiser, précité, il est établi que les articles L. 5121-1 5° et L. 5121-10 du code de la santé publique doivent être interprétés en ce sens que, lorsque la décision délivrant l'AMM d'un générique est devenue définitive, ne peuvent plus être invoqués à l'appui d'une contestation de la décision d'inscription au répertoire des groupes génériques de ce médicament des moyens tirés de ce que celle-ci serait illégale au motif que les conditions posées à cette identification ne seraient pas satisfaites, ces moyens remettant nécessairement en cause la légalité de la décision d'AMM. Or, dès l'instant où les requérantes reconnaissaient que des AMM devaient être délivrées aux spécialités Ratiopharm à l'issue d'une procédure abrégée dans laquelle leur qualité de générique de Durogesic avait été constatée par la Commission, elles ne pouvaient pas soutenir, sans méconnaître ces mêmes articles, que lesdites spécialités ne devaient pas être inscrites au répertoire des groupes génériques. Elles ne pouvaient donc pas ignorer – et en tout cas n'aurait pas dû ignorer – que le débat qu'elles ouvraient devant l'AFSSAPS quant à la qualité de générique des spécialités Ratiopharm reposait sur une analyse juridique qui ne pouvait plus être soutenue. 276. En second lieu, c'est en vain que les requérantes soutiennent que qualifier de pratique anticoncurrentielle la présentation d'arguments juridiques ou scientifiques par une entreprise à l'autorité publique habilitée à en connaître viole le droit de cette entreprise à la liberté d'expression. 277. D'une part, la cour rappelle que, par la décision attaquée, l'Autorité n'a pas reproché à la société Janssen-Cilag d'avoir fait part à l'AFSSAPS de ses préoccupations de santé publique liées à la substitution de génériques à son médicament princeps en cours de traitement. Par cette décision, l'Autorité reproche seulement à cette société d'avoir remis en cause la reconnaissance de la qualité de générique de Durogesic des spécialités Ratiopharm, estimant, à juste titre, que cette question était déjà tranchée. 278. La liberté des requérantes de communiquer à l'AFSSAPS tous arguments scientifiques de leur choix n'est donc pas atteinte par la décision attaquée. 279. D'autre part, s'il est vrai que la constatation de l'existence d'une position dominante n'implique par elle-même aucun reproche envers l'entreprise concernée, le comportement d'une telle entreprise, du fait que la structure concurrentielle du marché est déjà affaiblie, peut donner lieu à une exploitation abusive de sa position dominante (CJUE, arrêt du 6 octobre 2015, Post Danmark, C-23/14, point 70). C'est pourquoi pèse sur l'entreprise qui détient une position dominante la responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur (CJUE, arrêts Post Danmark, précité, point 71, et du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C-413/14 P, point 135). 280. Une entreprise en position dominante a certes droit au respect de sa liberté d'expression et doit pouvoir proposer à l'autorité publique compétente une analyse juridique dans un contexte où l'interprétation des textes légaux et réglementaires est encore incertaine. Toutefois, ne relève pas de l'exercice légitime de cette liberté, le fait pour une telle entreprise d'intervenir dans le processus décisionnel d'une autorité publique en soulevant devant celle-ci une analyse juridique dont elle sait, ou doit savoir, qu'elle est contraire à l'interprétation constante des textes applicables, lorsqu'il s'avère que le débat ainsi ouvert devant ladite autorité est susceptible d'entraver le libre jeu de la concurrence sur le marché où elle détient une position dominante. 281. En l'espèce, ainsi que la cour l'a constaté, c'est l'ouverture d'un débat devant l'AFSSAPS quant à la qualité de générique des spécialités Ratiopharm qui était, en elle-même, de nature à retarder leur inscription au répertoire des groupes génériques et, par conséquent, à repousser la possibilité de les substituer au dispositif princeps, alors même que ce débat avait déjà été tranché par les autorités européennes de santé et que l'AFSSAPS n'avait pas compétence pour remettre en cause ladite qualité de générique. 282. Si la société Janssen-Cilag était libre de considérer que la qualité de générique de Durogesic n'aurait pas dû être reconnue aux spécialités Ratiopharm, et même d'exprimer ce regret devant l'AFSSAPS, elle ne pouvait pas, en revanche, soutenir de façon juridiquement erronée, et chercher à faire accroire à l'AFSSAPS, que cette question restait pendante et qu'il appartenait à cette dernière de la trancher, alors que cette prise de position était susceptible de retarder la mise en oeuvre du droit de substitution, dont la cour a souligné l'importance qu'il revêt pour la pénétration du marché par les génériques. 283. Enfin, il y a lieu de constater, à titre surabondant, que le cadre juridique et le contexte factuel n'étaient pas d'une complexité telle que la société Janssen-Cilag, appartenant à un groupe d'envergure mondiale, ait pu se méprendre sur les conséquences de la décision de la Commission et considérer de bonne foi que l'AFSSAPS devait encore se prononcer sur la qualité de générique des spécialités Ratiopharm, au sens du droit français. 284. Dès lors, l'Autorité, qui ne s'est pas fondée sur une interprétation subjective du cadre réglementaire, mais à la fois sur le constat objectif que la notion de générique est définie en termes strictement identiques à l'article 10, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/83, dans sa version résultant de la directive 2004/27, et à l'article L. 5121-1 5° du code de la santé publique et sur l'interprétation de l'article L. 5121-10 du code de la santé publique par la plus haute juridiction administrative, fait valoir à juste titre qu'elle n'a pas sanctionné l'expression d'une opinion, mais un comportement anticoncurrentiel. 285. Sont donc rejetés les moyens des requérantes pris de l'absence de réunion des conditions requises pour qu'une intervention auprès d'une autorité publique constitue un abus de position dominante. ET AUX MOTIFS QUE : 95. S'agissant (…) des arrêts du Tribunal de l'Union et de la Cour de justice AstraZeneca/Commission, précités, la cour constate que, dans ces arrêts, les juridictions de l'Union se sont bornées à préciser, en se plaçant dans le contexte factuel de l'affaire, quels sont les éléments qui doivent, ou peuvent, être pris en considération par les autorités de concurrence afin d'apprécier si l'intervention d'une entreprise en position dominante auprès d'une autorité publique est constitutive d'un abus de position dominante. La cour constate d'ailleurs que cette jurisprudence est également invoquée par les requérantes pour soutenir, sur le fond, que les conditions requises pour qu'une telle intervention soit qualifiée d'abus de position dominante ne sont pas réunies en l'espèce. Ladite jurisprudence est en revanche étrangère à la délimitation des compétences d'une autorité de concurrence pour apprécier le caractère anticoncurrentiel d'une intervention d'un opérateur économique auprès d'une autre autorité publique. 96. La cour ajoute, à titre surabondant, d'une part, que rien, dans les arrêts AstraZeneca/Commission, précités, ne permet de considérer que les juridictions de l'Union ont défini de façon exhaustive les hypothèses dans lesquelles l'intervention d'une entreprise en position dominante auprès d'une autorité publique constitue un abus de position dominante, de sorte que c'est à tort que les requérantes soutiennent qu'une telle intervention n'est susceptible d'être anticoncurrentielle que si l'entreprise en position dominante communique à l'autorité publique des données objectivement et factuellement fausses. D'autre part, si, dans son arrêt AstraZeneca/Commission, précité (point 357), le Tribunal de l'Union a jugé que « la marge d'appréciation limitée des autorités publiques ou l'absence d'obligation leur incombant de vérifier l'exactitude ou la véracité des informations communiquées peuvent constituer des éléments pertinents devant être pris en considération devant être pris en considération aux fins de déterminer si la pratique en cause est de nature à aboutir à l'élévation d'obstacles réglementaires à la concurrence » (souligné par la cour), l'emploi du verbe « pouvoir » suffit à démontrer que cette juridiction n'a pas fait de l'existence et de l'importance d'une telle marge d'appréciation une condition sine qua non pour pouvoir qualifier une intervention auprès de l'autorité publique de pratique anticoncurrentielle. ET ENCORE AUX MOTIFS QUE : - Sur le moyen pris de la légitimité de l'intervention de la société Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS : 323. A titre liminaire, la cour constate que la question de savoir si l'intervention de la société Janssen-Cilag était légitimée par des considérations de santé publique était au coeur du débat devant le collège de l'Autorité, eu égard aux arguments que soulevaient les requérantes. La cour doit donc examiner le moyen pris de l'existence d'une justification objective. 324. En premier lieu, la cour rappelle que l'Autorité, qui n'a pas mis en cause l'exactitude des informations scientifiques communiquées par la société Janssen-Cilag à l'AFSSAPS, n'a pas reproché à cette société d'avoir fait part à cette autorité de santé des préoccupations de santé publique que faisait naître la possibilité de substitution des génériques de Durogesic à son dispositif princeps. 325. Dans ces conditions, il est indifférent de savoir si la communication de ces préoccupations entrait ou non dans les obligations de pharmacovigilance de son pharmacien responsable. De même, le fait qu'une telle communication a joué un rôle dans la décision de l'AFSSAPS d'assortir l'inscription des spécialités Ratiopharm au répertoire des groupes génériques d'une mise en garde est inopérant. 326. En second lieu, il était parfaitement possible que la société Janssen-Cilag échangeât avec l'AFSSAPS sur les risques liés à la substitution qu'elle avait identifiés, sans remettre en cause la qualité de générique des spécialités Ratiopharm. 327. Aussi le fait que le pharmacien responsable de la société Janssen-Cilag était fondé à attirer l'attention de l'AFSSAPS sur les risques liés à la substitution n'est-il pas susceptible de légitimer l'ouverture devant cette autorité d'un débat juridiquement infondé quant à la qualité de générique des spécialités Ratiopharm. 328. A cet égard, la cour souligne que, si la possibilité d'accompagner la substitution en pharmacie par une mise en garde inscrite au répertoire des groupes génériques a été formellement introduite dans l'ordre juridique par la création de l'article R. 5121-5 du code de la santé publique par le décret du 6 mai 2008, l'AFSSAPS se reconnaissait déjà le pouvoir, avant cette date, d'encadrer la substitution au travers de messages à destination des professionnels de santé. En effet, il résulte des propres écritures des requérantes (observations récapitulatives, § 503 et 504) qu'une commission ad hoc de l'AFSSAPS, réunie le 22 novembre 2007, ainsi que son comité technique de pharmacovigilance, réuni en janvier 2008, ont recommandé l'encadrement de la substitution de génériques antiépileptiques d'ores et déjà inscrits au répertoire des groupes génériques. Même si, in fine, la commission nationale de l'AFSSAPS a jugé l'alerte infondée et refusé de limiter la substitution (pièce n° 25 des requérantes), cette affaire démontre que l'AFSSAPS considérait qu'elle pouvait encadrer la substitution d'un médicament princeps par son générique. 329. Ce constat est confirmé par les déclarations suivantes des agents de l'ANSM, lors de leur audition, le 22 septembre 2014, concernant cette même affaire : « Par ailleurs, lorsque les antiépileptiques (carbamazépine, acide valproïque, etc.) ont été inscrits au répertoire, il n'y avait pas de possibilité d'assortir cette inscription d'une mise en garde sur la substitution. C'est pourquoi l'Agence a, à l'époque, émis des recommandations directement auprès des professionnels de santé (pharmaciens et médecins). Ces lettres et communiqués de presse recommandaient d'éviter la substitution en cas de réticences ou a fortiori des craintes des patients. » (cote 34061). 330. Ainsi, dès avant l'entrée en vigueur du décret du 6 mai 2008, l'AFSSAPS n'était pas confrontée à une alternative entre reconnaître la qualité de générique et autoriser une substitution sans limite, ou dénier la qualité de générique et interdire toute substitution, mais pouvait choisir d'encadrer la substitution entre un médicament princeps et ses génériques. 331. Dès lors, force est de constater que les requérantes ne démontrent pas que ladite contestation portée devant l'AFSSAPS était légitime au regard des enjeux de santé publique liés à la substitution entre dispositifs transdermiques de fentanyl. 1) ALORS QUE le simple fait, de la part d'une entreprise en position dominante, de soumettre, dans des conditions exclusives de toute manipulation par fourniture d'informations factuelles trompeuses, une argumentation juridique contraire au droit positif existant ou supposé tel à une autorité administrative pleinement compétente pour en apprécier elle-même les mérites ne relève que de l'exercice normal de la liberté fondamentale d'expression qui doit gouverner le dialogue entre les entreprises et les administrations dont elles relèvent et ne saurait être regardé comme un abus au sens des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ; qu'en affirmant néanmoins que le fait pour une entreprise dominante de soutenir devant une autorité administrative une analyse juridique dont la fausseté ressort déjà de l'état du droit est susceptible de constituer un abus de position dominante et ne relève pas de l'exercice légitime des libertés fondamentales précitées, dès lors qu'il s'avère que le débat ainsi ouvert devant ladite autorité est susceptible d'entraver le libre jeu de la concurrence, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce, ensemble les articles 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 11 et 13 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 2) ALORS, en outre, QUE le simple fait, de la part d'une entreprise en position dominante, de « soulever » un débat juridiquement infondé devant une autorité administrative pleinement compétente pour se livrer à une appréciation indépendante de ses mérites ne saurait par lui-même produire un effet anticoncurrentiel ; qu'en effet, si l'autorité administrative ne fait pas droit à cette argumentation, l'effet anticoncurrentiel ne se produit pas et, dans le cas contraire, c'est la décision administrative qui en reconnaît le bien-fondé qui fait obstacle à la qualification d'abus de position dominante, car c'est d'elle seule que procède l'éventuel effet restrictif de concurrence sur le marché ; qu'en jugeant néanmoins que c'est le fait même pour la société Janssen-Cilag d'avoir « soulevé » un débat juridiquement infondé devant le directeur de l'AFSSAPS qui était de nature à produire un effet anticoncurrentiel, compte tenu de l'aversion au risque des personnes chargées d'élaborer les décisions de l'AFSSAPS et de la tendance au ralentissement du processus décisionnel qui pouvait s'ensuivre (arrêt, §§. 273-274), cependant qu'il ne relevait que de la responsabilité propre de cette autorité administrative de consacrer le temps et les moyens adéquats pour examiner les arguments soutenus, fussent-ils infondés, la Cour d'appel, qui n'a par ailleurs constaté aucune manoeuvre déloyale imputable à la société Janssen-Cilag dans le cadre de sa communication avec cette autorité administrative, a violé de plus fort les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. 3) ALORS, en toute hypothèse, QUE si l'exercice par une entreprise en position dominante de voies contentieuses ne peut, dans une société démocratique, être qualifié d'abus au sens des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce que « dans des circonstances tout-à-fait exceptionnelles » (TUE, 17 juillet 1998, T-111/96, ITT Promedia) et aux conditions cumulatives de caractériser l'absence « manifeste » de tout fondement juridique des prétentions soutenues et leur insertion dans un plan d'ensemble visant à éliminer la concurrence (TUE, 13 septembre 2012, T-119/09, Protégé International, §. 57), ces conditions ne sauraient a fortiori être moindres lorsqu'il s'agit de rechercher si l'intervention d'une entreprise dominante devant une autorité administrative a pu revêtir le caractère d'un abus ; qu'en énonçant que « ne relève pas de l'exercice légitime de [la] liberté [d'expression], le fait pour une entreprise [en position dominante] d'intervenir dans le processus décisionnel d'une autorité publique en soulevant devant celle-ci une analyse juridique dont elle sait, ou doit savoir, qu'elle est contraire à l'interprétation constante des textes applicables » et en se contentant de citer une seule décision du Conseil d'Etat, elle-même impropre à établir l'existence d'une « jurisprudence constante », pour en déduire que la société Janssen-Cilag ne pouvait pas soutenir de façon juridiquement erronée que l'AFSSAPS aurait eu le pouvoir d'apprécier si les spécialités Ratiopharm devaient être identifiées comme médicaments génériques aux fins d'exercice du droit de substitution, quand il lui appartenait de caractériser l'absence manifeste de tout fondement de cette position et son insertion dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer la concurrence, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. 4) ALORS QUE dans son arrêt Reckitt-Benkiser du 21 décembre 2007, le Conseil d'Etat avait jugé que lorsque le directeur général de l'AFSSAPS a pris une première décision par laquelle il a délivré une AMM à un médicament en l'identifiant comme un médicament générique et que cette décision est devenue définitive par l'expiration du délai de recours gracieux ou contentieux, les tiers ne sont plus fondés à contester cette qualification de médicament générique à l'appui d'un recours contentieux dirigé contre la décision subséquente d'inscription de ce médicament au répertoire des génériques ; que cet arrêt, rendu sur une configuration factuelle dans laquelle il n'apparaissait pas que la Commission fût intervenue de quelque manière dans la procédure d'AMM, ne permettait pas de fonder avec évidence la position consistant à affirmer qu'au cas d'espèce, la décision du 23 octobre 2007 par laquelle la Commission avait enjoint aux Etats membres concernés de délivrer des AMM aux spécialités Ratiopharm aurait placé l'AFSSAPS en situation de compétence liée pour trancher de la question, distincte, de l'attribution pour les spécialités pharmaceutiques concernées du statut de médicament générique conditionnant le droit de substitution du pharmacien prévu par la législation interne et ne pouvait en toute hypothèse caractériser l'existence d'une « jurisprudence constante » en ce sens ; qu'en se fondant néanmoins sur cette unique décision du Conseil d'Etat, la Cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser « l'interprétation » prétendument « constante des textes applicables » qui aurait, selon elle, établi l'évidence d'un défaut de pouvoir du Directeur général de l'AFSSAPS pour se prononcer sur la qualification de médicament générique des spécialités Ratiopharm, et a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. 5) ALORS QUE la circonstance que l'autorité administrative compétente a d'abord reconnu le bien-fondé de l'argumentation juridique qui lui était soumise en édictant une première décision dans le sens souhaité suffit par elle-même à exclure la qualification d'abus de position dominante, en tant qu'elle atteste de ce que l'absence de fondement de cette argumentation juridique n'était pas manifeste ; que l'arrêt attaqué a lui-même constaté que le directeur général de l'AFSSAPS avait édicté le 28 juillet une première décision par laquelle il avait délivré aux spécialités Ratiopharm les AMM demandées, mais refusé en l'état leur identification comme médicaments génériques en vue de leur inscription au répertoire des groupes génériques, compte tenu, était-il précisé, de l'absence de démonstration suffisante de l'identité de la quantité de substance active libérée dans l'organisme entre les spécialités Durogesic et celles de Ratiopharm ; qu'il s'évinçait ainsi des termes de cette décision que le directeur général de l'AFSSAPS avait nécessairement considéré qu'il disposait bien du pouvoir d'appréciation que la société Janssen-Cilag l'avait invité à exercer ; qu'en jugeant néanmoins, pour retenir l'existence d'un abus de position dominante, que dès l'instant où les requérantes reconnaissaient que des AMM devaient être délivrées aux spécialités Ratiopharm à l'issue d'une procédure abrégée dans laquelle leur qualité de générique de Durogesic avait été constatée par la Commission, elles ne pouvaient pas soutenir, sans méconnaître les articles L. 5121-1 5° et L. 5121-10 du code de la santé publique, que lesdites spécialités ne devaient pas être inscrites au répertoire des groupes génériques et ne pouvaient donc ignorer – et en tout cas n'aurait pas dû ignorer – que le débat qu'elles ouvraient devant l'AFSSAPS quant à la qualité de générique des spécialités Ratiopharm reposait sur une analyse juridique qui ne pouvait plus être soutenue, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. 6) ALORS, enfin, QUE l'infraction d'abus de position dominante doit, en toute hypothèse, être écartée lorsqu'un comportement d'éviction peut être considéré comme objectivement nécessaire pour des raisons touchant à la santé ou à la sécurité qui sont liées à la nature du produit considéré ; que cette condition de nécessité objective doit s'apprécier en se plaçant à la date des faits incriminés ; qu'en l'espèce, la société Janssen-Cilag faisait valoir que l'intervention de son pharmacien responsable auprès de l'AFSSAPS avait indéniablement servi la protection de la santé publique dès lors que les informations scientifiques qui avaient été communiquées à cette autorité avaient déterminé celle-ci à publier une mise en garde informant les professionnels de santé de l'impérieuse nécessité d'une surveillance médicale attentive des patients en cours de traitement en cas de changement de spécialité à base de fentanyl ; qu'après avoir elle-même relevé que l'Autorité de la concurrence ne contestait pas le droit, voire le devoir, qu'avait le pharmacien responsable de la société Janssen-Cilag de porter à la connaissance de l'AFSSAPS les préoccupations de santé publique que faisait naître, selon lui, la substitution de génériques aux spécialités de Durogesic (§. 83) et également constaté que l'intervention de cette société était légitime en tant qu'elle avait transmis à l'AFSSAPS ses préoccupations de santé publique liées à la substitution entre dispositifs transdermiques de fentanyl en cours de traitement (§. 517), la cour d'appel a néanmoins jugé que l'ouverture devant cette autorité de santé d'un débat quant à la qualité de générique des spécialités Ratiopharm n'était pas objectivement nécessaire et proportionnée à un objectif de protection de la santé publique, dès lors que l'AFSSAPS « considérait » elle-même « qu'elle pouvait encadrer la substitution d'un médicament princeps par son générique » et n'était donc pas confrontée à une alternative entre reconnaître la qualité de générique et autoriser une substitution sans limite, ou dénier la qualité de générique et interdire toute substitution ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant qu'elle relevait que le pouvoir de l'AFSSAPS d'assortir l'inscription d'un médicament au répertoire des groupes génériques d'une mise en garde n'avait été introduit dans l'ordre juridique qu'avec le décret du 6 mai 2008, lui-même postérieur à l'intervention du pharmacien responsable de Janssen-Cilag, et que ce pouvoir n'avait jamais été concrètement exercé auparavant même si l'AFSSAPS avait envisagé de se l'arroger, ce dont il résultait que l'état du droit demeurait à tout le moins incertain à l'époque des faits, la Cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION – sur la communication de Janssen-Cilag auprès des professionnels de santé – Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les moyens d'annulation de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 17-D-25 du 20 décembre 2017 contestant le caractère anticoncurrentiel de la communication de la société Janssen-Cilag auprès des professionnels de santé et d'AVOIR, par voie de réformation de cette décision, infligé aux sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson une sanction pécuniaire d'un montant de 21 millions d'euros. AUX MOTIFS QUE : 352. A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que toute pratique, y compris le dénigrement des concurrents actuels ou potentiels, est susceptible de constituer un abus prévu par les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce dès lors qu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence et, s'agissant du premier de ces textes, qu'elle est susceptible d'affecter le commerce entre États membres de l'Union européenne. 353. Il convient également de souligner, d'une part, que la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement, peu important qu'elle soit exacte (Com., 24 septembre 2013, pourvoi n° 12-19.790), d'autre part, que la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit est constitutive de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure (Com., 9 janvier 2019, pourvoi n° 17-18.350). 354. En l'espèce, c'est à juste titre que les requérantes font valoir que le seul fait que la société Janssen-Cilag ait cherché à riposter à l'arrivée sur le marché des génériques de Durogesic ne caractérise pas un abus de position dominante. L'Autorité ne le soutient d'ailleurs pas. 355. De même, communiquer sur la mise en garde prise par l'AFSSAPS afin d'encadrer la substitution entre dispositifs transdermiques de fentanyl n'est pas, à soi seul, constitutif d'un dénigrement, quand bien même le rappel du contenu de cette mise en garde est susceptible d'avoir un effet dissuasif auprès des professionnels de santé appelés à décider d'une telle substitution. Encore faut-il qu'une telle communication fasse une présentation exacte du sens et du contenu de cette mise en garde et que les propos qui l'accompagnent soient exprimés avec une certaine mesure. 356. La cour relève que la qualité principale d'un générique est de présenter les caractéristiques essentielles du médicament princeps et de lui être substituable. En effet, une spécialité qui ne remplit pas les conditions mentionnées au paragraphe 197 du présent arrêt ne peut prétendre à la qualité de générique. Par ailleurs, ainsi que la cour l'a déjà souligné, le droit de substitution, inhérent à la qualité de générique, constitue l'un des principaux vecteur de conquête de parts de marché pour les fabricants de génériques. 357. Il s'ensuit que toute communication du laboratoire princeps à destination des médecins et pharmaciens qui remet en cause le fait que le générique présente les mêmes caractéristiques essentielles que le princeps et lui est substituable, ou qui soutient que la substitution fait courir au patient un risque non identifié par les autorités de santé ayant autorisé la substitution ou, à tout le moins, supérieur à celui retenu par ces autorités, est de nature à jeter le discrédit sur ce produit et s'analyse comme un dénigrement du générique. 358. Il convient de vérifier si tel a été le cas en l'espèce, ainsi que l'Autorité et le ministre le soutiennent. – S'agissant des caractéristiques des génériques de Durogesic 359. Le document de support à la réunion des visiteurs médicaux du 28 novembre 2008 (cotes 15460 à 15469) avait pour objet de fournir à ces derniers un argumentaire à déployer dans leurs relations avec les professionnels de santé. Aussi n'y a-t-il aucun doute que les arguments y figurant sont ceux-là même qui ont été utilisés auprès des médecins et pharmaciens démarchés par les visiteurs médicaux de la société Janssen-Cilag. 360. Or ce document met en cause, au moins implicitement, la qualité de générique de Durogesic des autres patchs de fentanyl, et notamment des spécialités Ratiopharm, en contestant qu'ils remplissent pleinement les trois conditions requises pour se voir reconnaître cette qualité. 361. En effet, s'agissant de l'identité de composition qualitative et quantitative en substances actives du princeps et des génériques, le document précise que « [t]ous ces patchs de fentanyl [… n]'ont pas la même composition quantitative : pas la même quantité de fentanyl » (cote 15464). De même, s'agissant de l'identité de forme pharmaceutique, le document indique que « [t]ous ces patchs de fentanyl [… n]'ont pas les mêmes caractéristiques qualitatives : pas la même taille des patchs » (cote 15464). 362. Par ailleurs, dans le document intitulé « Réponses à objections » (cotes 15474 et 15475), remis aux visiteurs médicaux lors de la réunion du 28 novembre 2008, il est recommandé de répondre à la question « Y a-t-il des différences entre les patchs de fentanyl génériques et Durogesic® ? », que : « Les patchs de fentanyl génériques n'ont pas la même composition, ni la même quantité de fentanyl et taille, que le patch de Durogesic. Le dossier d'enregistrement des génériques est un dossier allégé contenant seulement des études de bioéquivalence. Ces études de bioéquivalence sont basées uniquement sur des paramètres pharmacocinétiques avec des concentrations plasmatiques variant - 20 à + 25 % par rapport à la spécialité de référence. » 363. Une telle communication, qui a diffusé auprès des médecins et pharmaciens l'idée que la reconnaissance par les autorités de santé de la qualité de générique des spécialités transdermiques de fentanyl concurrentes de Durogesic n'avait pas été faite avec la rigueur nécessaire, notamment s'agissant des études de bioéquivalence, et donc de la biodisponibilité de ces spécialités et du princeps, de sorte qu'elles n'étaient pas tout à fait des génériques, idée d'ailleurs clairement exprimée dans le document de support par l'indication que les patchs de fentanyl sont « [d]es génériques pas comme les autres » (cote 15464), jette le discrédit sur les qualités desdites spécialités. – S'agissant des risques associés à la substitution en cours de traitement 364. En premier lieu, il résulte du document de support de la réunion du 28 novembre 2008 que le discours que le laboratoire a demandé à ses visiteurs médicaux de tenir consistait à affirmer que toute substitution en cours de traitement peut entraîner des risques pour le patient, le « message-clé » étant : « Pour garantir l'efficacité et la sécurité des patients, veiller à l'absence de changement de marque de patch de fentanyl en cours de traitement : un patient initié sous Durogesic doit rester préférentiellement sous Durogesic » (cote 15466). 365. L'un des « arguments clés » au soutien de ce discours était notamment que « [t]out changement en cours de traitement de Spécialité à base de fentanyl peut entraîner un risque particulier pour les patients » (cote 15466). Sur la page même où se trouvaient les arguments clés, figurait la phrase suivante : « Les patients en officine sont des patients traités en ambulatoire, le pharmacien doit donc être conscient du risque encouru lors du passage d'un type de patch de fentanyl à l'autre chez un patient en cours de traitement » (cote 15466). 366. Par ailleurs, dans le document « Réponses à objections », il était recommandé aux visiteurs médicaux de répondre à la question « Puis-je changer de patch de fentanyl chez un patient qui ne répond pas aux trois populations des mises en garde ? », que : « Tout patient qui est traité par un patch de fentanyl est susceptible à un moment donné d'être sujet à des augmentations de températures corporelles et donc de rentrer dans le cadre des populations concernées par les mises en garde ». 367. De même, à la question, « Que signifie ‘adopter une surveillance attentive du patient en cours de traitement' ? », ce même document invitait les visiteurs médicaux à répondre : « Une absence d'encadrement médical approprié pourrait entraîner des conséquences cliniques préjudiciables pour le patient, en cas de changement de spécialité à base de fentanyl en cours de traitement notamment chez les personnes âgées, les enfants et les patients fébriles. Pour les patients traités en ambulatoire, aucune surveillance médicale continue permettant d'alerter sur les symptômes d'un surdosage ne pourra être garantie. » 368. Ainsi, alors même que l'AFSSAPS a considéré que, de façon générale, la substitution en cours de traitement ne fait pas courir de risques au patient, en réservant uniquement le cas des patients fébriles, des personnes âgées et des enfants, pour lesquels elle n'a d'ailleurs pas interdit la substitution, mais seulement recommandé qu'elle se fasse sous « une surveillance attentive », la communication de la société Janssen-Cilag insistait sur le fait que tous les patients, et pas seulement ceux visés dans la mise en garde, couraient un risque en cas de substitution en cours de traitement. Doit en particulier être souligné le caractère spécieux de l'argument selon lequel tout patient peut être sujet à une augmentation de sa température corporelle, alors qu'un patient peut ne pas traverser d'épisode fébrile au moment de la substitution. 369. Il doit encore être relevé que le discours à destination des pharmaciens était particulièrement anxiogène, insistant sur le fait que, s'agissant des patients traités en ambulatoire, c'est-à-dire précisément ceux qui s'approvisionnent directement auprès de leur pharmacien, « le pharmacien doit donc être conscient du risque encouru lors du passage d'un type de patch de fentanyl à l'autre chez un patient en cours de traitement ». Un tel message, encore renforcé par l'argument que, « [p]our les patients traités en ambulatoire, aucune surveillance médicale continue permettant d'alerter sur les symptômes d'un surdosage ne pourra être garantie », ne pouvait poursuivre d'autre finalité que de dissuader les pharmaciens de substituer un patch de fentanyl à un autre, et notamment un générique au princeps, pour tous les patients. 370. Plusieurs témoignages de pharmaciens d'officine confirment que les visiteurs médicaux ont véhiculé un message dont la teneur explicite était de ne pas substituer un générique à Durogesic en cours de traitement pour des raisons de sécurité, et qu'ils y ont accordé du crédit. La cour renvoie, à cet égard, aux paragraphes 326 à 338 de la décision attaquée. 371. Au demeurant, l'un de ces témoignages atteste que le message est allé jusqu'à critiquer les qualités intrinsèques des génériques, le visiteur médical lui ayant indiqué que « l'AFSSAPS reconnaissait que le générique était mauvais » (cotes 30766 à 30768). 372. En recommandant, pour des raisons d' « efficacité » et de « sécurité du patient », que tout patient ayant commencé à être traité avec Durogesic continue de l'employer, la société Janssen-Cilag est allée à l'encontre de la position de l'AFSSAPS selon laquelle, de façon générale, la substitution ne soulevait pas de problème de santé publique et ne méritait une surveillance que pour certains types de patients. Elle ne s'est donc pas bornée à relayer la mise en garde établie par l'AFSSAPS mais a diffusé, sans mesure, des informations de nature à jeter le discrédit sur les génériques arrivant sur le marché. 373. Il est indifférent que le document de support de la réunion des visiteurs médicaux du 28 novembre 2008 ait été établi à un moment où la version finale de la mise en garde n'était pas fixée, dans la mesure où il n'est pas contesté que cette version finale a été transmise à la société Janssen-Cilag le 3 novembre 2008, de sorte qu'il appartenait à cette dernière d'y adapter sa communication future. 374. De même, c'est en vain que les requérantes invoquent une déclaration qu'aurait faite la directrice générale adjointe de l'AFSSAPS à la presse, le 20 novembre 2008, recommandant de s'en tenir, dans la suite du traitement, à la gamme de la spécialité de référence ou à celle du générique avec laquelle le traitement a commencé. En effet, dans l'article de presse en faisant état (cotes 6640 à 6642), cette déclaration n'est citée qu'en style indirect, et il n'est rien dit du contexte dans lequel elle aurait été faite, de sorte qu'il est impossible d'apprécier l'exactitude de la citation. En tout état de cause, une déclaration non officielle à la presse de l'adjoint du directeur général ne saurait primer une mise en garde inscrite au répertoire groupes génériques, ce que la société Janssen-Cilag ne pouvait ignorer. 375. En deuxième lieu, le même constat que la politique de communication de la société Janssen-Cilag est allée au-delà de la mise en garde de l'AFSSAPS, peut également être tiré de la « lettre d'information médicale » de son pharmacien responsable, dans sa version initiale, datée du 27 novembre 2008 (cote 15110). Cette lettre était ainsi libellée : « Les laboratoires Janssen-Cilag [...] souhaitent porter à votre connaissance la décision de l'Afssaps de faire figurer dans le répertoire des génériques (à paraître) une mise en garde spécifique au changement de traitement qui pourrait intervenir lors de la prescription des systèmes transdermiques à base de fentanyl. En effet, en application du décret du 06/05/2008, modifiant l'article R-6221 5 du Code de la Santé Publique, le Directeur Général de [l'Afssaps] a décidé de préciser que tout changement en cours de traitement de systèmes transdermiques à base de fentanyl, et notamment, la substitution de la spécialité de référence Durogesic® par la spécialité générique, peut entraîner un risque particulier pour la santé de certains patients dans certaines conditions d'utilisation. Pour la première fois, figurera au répertoire des génériques (à paraître) le texte suivant : ‘Le fentanyl est un antalgique opioïde puissant à marge thérapeutique étroite. Comme indiqué à la rubrique ‘mises en garde spéciales et précautions d'emploi' dans le résumé des caractéristiques des produits (RCP), il est rappelé que : - des augmentations importantes de la température corporelle sont susceptibles d'accélérer l'absorption du fentanyl. C'est pourquoi, les patients fébriles doivent être surveillés, à la recherche d'éventuels effets indésirables des opioïdes ; - les patients âgés et les enfants (de 2 à 16 ans) risquent d'être plus sensibles à la substance active. Compte tenu des variations inter-individuelles qui pourraient survenir chez certains patients âgés ou certains enfants et afin de prévenir tout risque de surdosage ou de sous-dosage*, une surveillance attentive du patient en cours de traitement est particulièrement nécessaire en cas de changement de spécialité à base de fentanyl (spécialité de référence par spécialité générique, spécialité générique par spécialité de référence ou spécialité générique par spécialité générique).' Compte tenu de l'importance de cette mise en garde qui ne devrait figurer que dans le répertoire des génériques, Janssen Cilag, dans un souci d'information large du corps médical et de la protection des patients, a demandé que son autorisation de mise sur le marché soit modifiée afin d'intégrer cette mise en garde dans le RCP de ses spécialités Durogesic®. […] * Le risque de surdosage expose à la dépression respiratoire potentiellement fatale en l'absence de mesure d'assistance respiratoire chez les patients traités en ambulatoire et donc en dehors de structure de soin disposant de moyens de réanimation. » 376. La cour constate que l'AFSSAPS a jugé nécessaire d'adresser à la société Janssen-Cilag, sous la plume de son directeur général, le courrier suivant, en date du 12 février 2009 (cotes 580 et 581) : « Monsieur le Pharmacien Responsable, Par lettre en date du 1er décembre 2008, votre laboratoire a transmis à l'Agence le courrier qu'il allait adresser à l'ensemble du corps médical concerné en vue de lui apporter des informations relatives à la bonne utilisation des dispositifs transdermiques de Fentanyl, dans le contexte de l'inscription de plusieurs produits au répertoire des médicaments génériques. Certaines des formulations de cette lettre appellent de ma part des commentaires, dans la mesure ou elles ne reflètent pas exactement la teneur de la position que l'Afssaps a prise à l'issue d'une évaluation approfondie de ce sujet et qu'elle a d'ailleurs communiquée aux professionnels de santé par lettre en date du 10 décembre 2008. Le deuxième alinéa du courrier de votre laboratoire fait référence de manière générale a tout changement en cours de traitement avec deux systèmes transdermiques à base de Fentanyl, et met particulièrement en relief, par l'emploi du terme ‘notamment', le cas de la substitution de la spécialité de référence DUROGESIC par la spécialité générique. Je souligne à cet égard que si l'Agence a jugé nécessaire de rappeler dans le cadre d'une mise en garde la nécessité d'une surveillance attentive du patient en cas de spécialité à base de Fentanyl, elle a explicitement entendu couvrir l'ensemble des cas possibles de changement, sans aucune distinction ni hiérarchie (spécialité de référence par spécialité de générique, spécialité générique par spécialité de référence ou spécialité générique par spécialité générique). Par ailleurs, il importe de garder à l'esprit que les types de situation thérapeutique justifiant cette surveillance attentive faisaient déjà l'objet de mentions dans la rubrique ‘mises en garde spéciales et précautions d'emploi' du résumé des caractéristiques des produits de Fentanyl, même si bien entendu l'intégralité des termes de la mise en garde décidée récemment par l'Afssaps en application du nouvel article R-5121-5 du Code de la Santé Publique ne figurait pas dans le RCP. Enfin, s'il est vrai que, comme le relève le troisième alinéa du courrier de votre laboratoire, c'est la première fois qu'une mise en garde figurera au répertoire des génériques, il y a lieu de rappeler que la possibilité de prévoir une telle mise en garde est très récente, puisqu'elle a été introduite par l'article 5 du décret du 6 mai 2008 […]. Il m'a paru nécessaire de formuler auprès de vous ces commentaires, afin de dissiper toute ambiguïté quant à la portée de la décision de l'Agence, qui visait non pas à faire obstacle à toute substitution au moment même où l'inscription au répertoire était prononcée, mais à appeler l'attention des professionnels de santé concernés sur les précautions nécessaires en cas de changement de spécialité. » 377. L'AFSSAPS a ainsi constaté que les termes de cette lettre ne reflétaient pas exactement la teneur de la position qu'elle avait prise sur le sujet de la substitution entre dispositifs transdermiques de fentanyl, et alerté la société Janssen-Cilag sur l'ambiguïté de certaines des formulations employées par elle. 378. De fait, compte tenu de ce que la lettre d'information médicale a été publiée et très largement diffusée, fût-ce pendant un mois seulement, au moment où les visiteurs médicaux de la société Janssen-Cilag commençaient à véhiculer un message hostile à la substitution des génériques à Durogesic, le deuxième alinéa de cette lettre, en mettant en exergue le remplacement de Durogesic par un générique, était de nature à renforcer ce message. 379. Par ailleurs, l'indication que « c'est la première fois qu'une mise en garde figurera au répertoire des génériques » était de nature à accréditer l'idée du caractère exceptionnel d'un tel encadrement de la substitution et, de ce fait, à renforcer le sentiment que l'autorisation de substitution elle-même avait quelque chose d'anormal, alors même que, d'une part, la possibilité d'inscrire une mise en garde au répertoire venait à peine d'être introduite dans la réglementation, de sorte qu'il ne pouvait rien être déduit de ce qu'il s'agissait d'une « première fois » et, d'autre part, ainsi que la cour l'a relevé, aux paragraphes 328 et 329 du présent arrêt, un tel encadrement, certes rare, s'était néanmoins déjà produit sous l'empire de la réglementation antérieure au décret du 6 mai 2008. 380. En troisième lieu, s'agissant des formations à distance proposées par la société Janssen-Cilag (« edetailing »), la cour constate que le document de support de ces formations (cotes 14468 à 17473) ne se borne pas à reproduire fidèlement la mise en garde de l'AFSSAPS (cote 14470). La page suivante de ce document communique, sous le titre « Conséquences cliniques potentielles en cas d'un changement de traitement », les conséquences d'un surdosage ou d'un sous-dosage de fentanyl. Le choix de ce titre est contestable en ce sens qu'il laisse entendre que les risques de surdosage ou de sous-dosage sont spécifiques au changement de dispositif transdermique de fentanyl en cours de traitement, alors que, ainsi qu'il ressortait déjà du résumé des caractéristiques du produit (RCP) pour Durogesic, ces risques existent également lors de la première utilisation d'un tel dispositif par un patient, et peuvent même se produire, en dehors de tout changement en cours de traitement, en cas d'épisode fébrile. Ainsi, le message véhiculé par cette page, renforcé par sa place aussitôt après la reproduction de la mise en garde de l'AFSSAPS, était que seule la substitution, et non d'abord la nature même des dispositifs transdermiques de fentanyl, fait courir un risque au patient. 381. Intervenant dans le contexte du discours dénigrant et alarmiste propagé par les visiteurs médicaux, la formation à distance, dont les requérantes ne contestent pas qu'elle a été délivrée à 5 400 pharmacies sur une période allant du 14 décembre 2008 au 20 mars 2009 (décision attaquée, § 322 et 324), n'a pu qu'étayer ce discours et, par conséquent, en augmenter l'efficacité. 382. En troisième lieu, c'est à juste titre que, au paragraphe 595 de la décision attaquée, l'Autorité a considéré que, dans le contexte du discours véhiculé par la société Janssen-Cilag, les économiseurs d'écran installés dans les logiciels des professionnels de santé étaient de nature à renforcer la crainte des professionnels de la santé à substituer. 383. Certes, ces économiseurs d'écran reproduisaient fidèlement la mise en garde, et le fait que cette mise en garde ait été qualifiée, dans le titre de l'encart, de « spéciale », comme l'AFSSAPS l'avait fait elle-même sur son site internet, n'est pas critiquable. Néanmoins, compte tenu du message alarmiste parvenu aux professionnels de santé, ceux-ci ont nécessairement interprété les panneaux de signalisation triangulaire, qui évoquent l'existence d'un danger, non pas comme une simple référence aux risques ayant justifié la mise en garde de l'AFSSAPS, mais comme un rappel des dangers que la société Janssen-Cilag, par sa communication d'envergure, avait associé, dans l'esprit des médecins et pharmaciens, à toute substitution d'un générique au princeps. 384. Ce faisant, les économiseurs d'écran ont permis de rappeler, avec une grande fréquence et pendant plusieurs mois, le discours dénigrant de cette société et d'en prolonger les effets dans le temps. 385. En revanche et en dernier lieu, s'agissant des appels téléphoniques aux pharmaciens en vue d' « entretiens confraternels », la cour considère que c'est à tort que l'Autorité a retenu leur caractère dénigrant aux paragraphes 590 et 591 de la décision attaquée. 386. Ainsi que le font justement valoir les requérantes, rien, dans le script des entretiens confraternels (cotes 38374 et 38375) ne caractérise un discours dénigrant à l'égard des génériques de Durogesic. Ce script constitue une paraphrase fidèle de la mise en garde de l'AFSSAPS. N'est notamment pas mise en exergue la seule hypothèse de substitution d'un générique au princeps, puisque le script vise expressément tous « cas de changement de spécialité à base de fentanyl (spécialité de référence par générique, générique par générique, ainsi que pour générique par spécialité de référence) ». La seule circonstance que la conversation débute par la question, adressée à l'interlocuteur, médecin ou pharmacien, de savoir s'il a pu prendre connaissance de la lettre d'information médicale, ne saurait suffire à donner à ces entretiens confraternels un caractère dénigrant, alors que, ainsi que la cour l'a indiqué au paragraphe 355 du présent arrêt, la communication sur la mise en garde prise par l'AFSSAPS n'est pas, à elle seule, constitutive d'un dénigrement lorsqu'il est fait une présentation exacte du sens et du contenu de cette mise en garde et dans des termes exprimés avec une certaine mesure, peu important alors que le simple rappel de ladite mise en garde soit susceptible d'avoir un effet dissuasif auprès des professionnels de santé. 387. Certes, un pharmacien d'officine a témoigné que, dans le cadre d'un entretien confraternel, il avait reçu un appel le mettant en garde contre les génériques et insistant « lourdement » pour obtenir un rendez-vous pour une formation en ligne, démarche que ce pharmacien a trouvée « incorrecte et agressive » (cote 14060). Toutefois, le caractère unique de ce témoignage ne suffit pas à démontrer que ces entretiens confraternels ont été conçus et mis en oeuvre dans l'objectif de diffuser un message dénigrant sur les génériques de Durogesic. 388. En conclusion, il résulte de l'ensemble des constatations qui précèdent que le discours de la société Janssen-Cilag à destination des professionnels de santé a consisté, d'une part, à mettre en cause le bien-fondé de la reconnaissance de la qualité de générique de Durogesic aux patchs de fentanyl mis sur le marché par des laboratoires concurrents, d'autre part, à contester, pour des raisons d'efficacité et de sécurité, la substitution en cours de traitement de ces génériques à son médicament princeps, et ce pour l'ensemble des patients. 389. Un tel discours, à l'opposé des décisions de l'AFSSAPS et de son directeur général, s'analyse, dans le contexte particulier du marché des médicaments à usage humain, comme une remise en cause de ce qui constitue l'intérêt principal de la mise sur le marché d'un générique, à savoir le fait qu'il présente les mêmes caractéristiques essentielles que le médicament princeps et lui est substituable, et, par conséquent, comme un dénigrement de l'ensemble des génériques de Durogesic sur le marché à l'époque des faits. 390. En aucun cas, une telle pratique de dénigrement ne saurait être justifiée par le comportement des concurrents. Aussi, à supposer même que soit rapportée la preuve que les sociétés Ratiopharm et Nycomed se livraient à une communication trompeuse, cette circonstance serait inopérante. Elle ne saurait être davantage justifiée par les obligations de pharmacovigilance de la société Janssen-Cilag. 391. La seconde pratique constitutive de l'infraction unique reprochée aux requérantes est donc établie, la cour soulignant, en tant que de besoin, qu'à elles seules, les instructions données aux visiteurs médicaux caractérisent le dénigrement. 392. La cour souligne que les éléments de communications mis en oeuvre par la société Janssen-Cilag à partir du 28 novembre 2008 suffisent, à eux seuls, à caractériser la pratique de dénigrement pour toute la période retenue par l'Autorité (décision attaquée, § 628). Aussi, n'examinera-t-elle pas les critiques dirigées par les requérantes contre l'analyse que l'Autorité a faite des réunions « Team ANTI-générique Durogesic » du 29 mars 2005, « Plan produit pour 2007 » du 12 juin 2006 et « Point sur la situation des génériques » du 11 janvier 2007, ainsi que du courrier interne du 17 octobre 2007, de la présentation en support de la réunion « Anémie-douleur » du 18 mars 2008, du document « Pain Franchise Product plan » de juin 2008, des différentes versions du « Plan d'action Durogesic », ces critiques n'étant pas de nature à infirmer le constat qui précède. 1) ALORS QUE le dénigrement n'est pas constitué lorsque l'information véhiculée se rapporte à un sujet d'intérêt général, repose sur une base factuelle suffisante et a été exprimée avec mesure ; que le caractère dénigrant de la communication d'un laboratoire pharmaceutique auprès des professionnels de santé doit s'apprécier objectivement au regard du seul contenu des déclarations faites dans le cadre de cette communication et non de l'interprétation supposée qui pourrait en être faite par ses destinataires ; que, pour caractériser l'existence d'une pratique de dénigrement imputable au laboratoire Jenssen-Cilag, l'arrêt attaqué retient son discours à destination des pharmaciens était particulièrement « anxiogène », qui ne pouvait poursuivre d'autre finalité que de dissuader les pharmaciens de substituer un patch de fentanyl à un autre, et notamment un générique au princeps, pour tous les patients ; qu'il retient encore que, certes les économiseurs d'écran installés dans les logiciels des professionnels de santé reproduisaient fidèlement la mise en garde émise par l'AFSSAPS, mais que, compte tenu du message alarmiste parvenu aux professionnels de santé, « ceux-ci ont nécessairement interprété les panneaux de signalisation triangulaire, qui évoquent l'existence d'un danger, non pas comme une simple référence aux risques ayant justifié la mise en garde de l'AFSSAPS, mais comme un rappel des dangers que la société Janssen-Cilag, par sa communication d'envergure, avait associé, dans l'esprit des médecins et pharmaciens, à toute substitution d'un générique au princeps » ; qu'en s'attachant ainsi, non au contenu de l'information diffusée auprès des professionnels de santé, mais à la manière dont elle supposait que cette information pourrait être interprétée et aux sentiments qu'elle pourrait faire naître chez ses destinataires, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. 2) ALORS QU'UN laboratoire pharmaceutique, fût-il en position dominante, est légitimement fondé, dans le cadre de la responsabilité qui est la sienne de contribuer au bon usage des médicaments, à exposer aux professionnels de santé les conséquences pratiques qu'il est raisonnablement permis de tirer de la publication de la part de l'Autorité de santé d'une mise en garde destinée à encadrer la substitution de médicaments appartenant à un même groupe générique ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes de la cour d'appel que la mise en garde publiée par l'AFSSAPS exposait que « compte tenu des variations inter-individuelles qui pourraient survenir chez certains patients âgés ou certains enfants et afin de prévenir tout risque de surdosage ou de sous-dosage, une surveillance attentive du patient en cours de traitement est particulièrement nécessaire en cas de changement de spécialité à base de Fentanyl (spécialité de référence par spécialité générique, spécialité générique par spécialité de référence ou spécialité générique par spécialité générique) » ; qu'en considérant néanmoins qu'était constitutif d'un acte de dénigrement le fait pour le laboratoire Jannsen-Cilag d'avoir exposé dans sa communication aux professionnels de santé que, pour les patients traités en ambulatoire, aucune surveillance médicale continue, telle que celle exigée par l'AFSSAPS, permettant d'alerter sur les symptômes d'un surdosage, ne pourrait être garantie, sans préciser en quoi cette observation aurait excédé le cadre des conséquences pratiques qu'il était raisonnablement permis de déduire du contenu même de la mise en garde publiée par l'autorité administrative, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. 3) ALORS, ensuite, QU'IL résultait des termes mêmes de la lettre d'information médicale du pharmacien responsable de Janssen-Cilag, dans sa version initiale, datée du 27 novembre 2008, que le contenu de la mise en garde émise par le directeur général de l'AFSSAPS y avait été textuellement reproduit ; qu'en jugeant néanmoins que le fait pour le pharmacien responsable d'avoir ajouté en commentaire que serait concernée « notamment, la substitution de la spécialité de référence Durogesic par la spécialité générique » sans avoir précisé que seraient également concernés l'ensemble des cas possibles de changement, sans distinction, ni hiérarchie (spécialité de référence par spécialité de générique, spécialité générique par spécialité de référence ou spécialité générique par spécialité générique), caractérisait un dénigrement du médicament générique, cependant que le commentaire incriminé ne renfermait aucune inexactitude et que la citation fidèle du texte de la mise en garde suffisait en toute hypothèse à rendre l'information complète, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à caractériser un acte de dénigrement, privant sa décision de base légale au regard des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. 4) ALORS QU'EN réponse au reproche qui lui était fait d'avoir communiqué un message allant à l'encontre de la position de l'AFSSAPS en tant qu'il laissait entendre que la substitution de patchs de fentanyl imposait une surveillance pour tous types de patients cependant que la mise en garde de l'AFSSAPS ne visait que certaines catégories d'entre eux, la société Janssen-Cilag faisait valoir que la directrice générale adjointe de l'AFSSAPS avait elle-même déclaré sans réserve à un organe de presse médical le 20 novembre 2008 « [qu']il est conseillé de ne pas passer de l'un à l'autre », « de commencer avec la gamme de la spécialité de référence ou celle du générique mais de s'y tenir dans la suite du traitement » ; qu'en écartant ce moyen de défense, aux motifs inopérants que cette déclaration de presse n'était citée qu'en style indirect, de sorte qu'il était impossible d'en apprécier l'exactitude, et qu'une déclaration non officielle à la presse de l'adjoint du directeur général ne saurait primer une mise en garde inscrite au répertoire groupes génériques, cependant qu'il n'était pas soutenu que ces déclarations de presse eussent elles-mêmes fait l'objet d'une mise au point de la part de l'AFSSAPS, de sorte qu'elles pouvaient être tenues par les professionnels de santé pour l'expression de la position de cette institution, la Cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. 5) ALORS, enfin, QUE la responsabilité particulière qui pèse sur un laboratoire pharmaceutique en position dominante ne lui interdit pas de riposter de manière proportionnée aux déclarations trompeuses émanant du nouvel entrant affectant un sujet de santé publique ; qu'en l'espèce, la société Janssen-Cilag rappelait dans ses écritures que la société Ratiopharm avait communiqué de manière mensongère sur le thème de la supériorité supposée de son médicament générique sur la spécialité Durogesic et avait publiquement déclaré, en contradiction avec les termes de la mise en garde de l'AFSSAPS que « la substitution est possible, sans aucune restriction (pour tous les patients quels que soient leurs âges, à l'exception des enfants de moins de 12 ans) » et qu'il était possible de « substituer quel que soit l'état de santé du patient » ; qu'en tenant ces éléments pour inopérants, quand il lui appartenait de rechercher si la campagne « anxiogène » qu'elle reprochait à la société Janssen-Cilag d'avoir mise en oeuvre auprès des professionnels de santé n'était pas une riposte proportionnée aux déclarations mensongères précitées du laboratoire générique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. SIXIEME MOYEN DE CASSATION – sur la sanction – Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infligé aux sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson une sanction pécuniaire d'un montant de 21 millions d'euros. AUX MOTIFS QUE : Sur le principe de la sanction : 433. A titre liminaire, la cour souligne que le caractère inédit d'une pratique n'implique pas nécessairement que sa qualification d'abus de position dominante et sa sanction reposent sur une nouvelle interprétation rétroactive des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. 434. La cour constate que, dans la décision attaquée, l'Autorité ne s'est pas fondée sur une nouvelle interprétation rétroactive de ces dispositions. 435. S'agissant de la pratique d'intervention auprès de l'AFSSAPS, d'une part, il est constant, depuis la décision AstraZeneca du 15 juin 2005, que l'intervention d'une entreprise en position dominante dans le processus décisionnel d'une autorité publique est susceptible de constituer un abus de position dominante. Il doit être souligné qu'étant relative au secteur des médicaments, mettant en cause l'intervention d'un laboratoire pharmaceutique auprès d'une autorité publique de santé et adoptée par la Commission, cette décision était nécessairement connue de la société Janssen-Cilag à l'époque de la pratique incriminée. 435. La même conclusion peut être tirée, au plan national, de la décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-58 du 3 novembre 2005, précitée, également antérieure à la pratique incriminée, dans laquelle il a été reproché à un opérateur économique en position dominante, le Syndicat des eaux de l'Île-de-France (SEDIF), d'être intervenu auprès de la mairie de [Localité 6], autorité de tutelle de son concurrent, afin qu'elle refuse un projet de convention que ce concurrent négociait avec l'un de ses clients. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, dans cette décision, il n'était pas reproché au SEDIF d'avoir communiqué des informations objectivement erronées à la mairie de [Localité 6], mais seulement d'avoir exercé des pressions sur les autorités de tutelle de son concurrent. 436. Rien, dans ces décisions n'indique que l'intervention auprès d'une autorité publique n'est susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle que si l'opérateur économique communique à cette autorité des informations trompeuses. Au contraire, ainsi que la cour vient de le souligner, par la décision n° 05-D-58, précitée, le Conseil de la concurrence a sanctionné le SEDIF, bien qu'il ne lui soit pas reproché la communication d'informations erronées. 437. Aussi, depuis ces décisions, toute entreprise en position dominante est avertie que son intervention dans le processus décisionnel d'une autorité publique peut, en fonction des circonstances de l'espèce, être qualifiée d'abus de position dominante. 438. D'autre part, compte tenu de l'importance du droit de substitution pour la pénétration du marché par un nouveau générique, la qualification d'abus de position dominante du comportement d'un laboratoire princeps qui soulève devant une autorité de santé un débat juridiquement infondé sur la qualité de générique d'un médicament concurrent et dont la conséquence, à tout le moins potentielle, est de retarder la décision de cette autorité ouvrant la possibilité de substituer ce médicament au princeps, ne procède pas d'une nouvelle interprétation de la notion d'abus de position dominante, mais s'inscrit dans le fil d'une pratique décisionnelle et d'une jurisprudence constantes. 439. Aussi, même à supposer établi le caractère inédit de la présente affaire, la condamnation des requérantes n'est pas fondée sur une nouvelle interprétation des dispositions servant de fondement aux poursuites. 440. S'agissant de la pratique de dénigrement, il est de pratique décisionnelle et de jurisprudence constantes qu'un dénigrement des produits d'un concurrent par une entreprise en position dominante est susceptible d'être qualifié d'abus de position dominante. 441. Dès lors, la décision attaquée n'a violé ni le principe de légalité des délits et des peines ni le principe de sécurité juridique et le moyen des requérantes est rejeté. Sur la détermination du montant de base de la sanction (…) 465. S'agissant de l'intervention auprès de l'AFSSAPS, la cour rappelle que, pour les motifs déjà exposés aux paragraphes 324 à 327 du présent arrêt, il est indifférent que la société Janssen-Cilag ait été fondée à attirer l'attention de cette autorité de santé sur les risques liés à la substitution en cours de traitement, cette circonstance n'étant pas de nature à minimiser la gravité du seul comportement reproché à cette société, qui est d'avoir indûment contesté devant ladite autorité de santé la qualité de générique des spécialités Ratiopharm. 466. Par ailleurs, l'argument pris du caractère inédit de l'analyse menée en l'espèce par l'Autorité doit être écarté. 467. D'une part, ainsi que la cour l'a relevé aux paragraphes 444 à 446 du présent arrêt, à la date des faits, avaient déjà été sanctionnées l'intervention d'un laboratoire en position dominante auprès d'une autorité publique de santé, ainsi que, en dehors du secteur de la santé, l'intervention d'une entreprise en position dominante auprès d'une autorité publique dans le cadre de laquelle n'avaient pas été communiquées d'informations erronées. 468. D'autre part, au point 164 de son arrêt AstraZeneca/Commission, précité, la Cour de justice, après avoir constaté que les abus reprochés à la société AstraZeneca avaient pour objectif délibéré de tenir les concurrents à l'écart du marché, a jugé que, même si la Commission et les juridictions de l'Union n'avaient pas encore eu l'occasion de se prononcer spécifiquement sur un comportement comme celui ayant caractérisé ces abus, la société AstraZeneca était consciente de la nature fortement anticoncurrentielle de son comportement et aurait dû s'attendre à ce que celui-ci soit incompatible avec les règles de concurrence du droit de l'Union. 469. Or un laboratoire pharmaceutique détenteur d'un médicament princeps sur le marché duquel il occupe une position dominante, qui rouvre, devant une autorité incompétente pour en connaître, un débat définitivement clos quant à la qualité de générique de spécialités concurrentes, mais dont il sait qu'il va retarder la concurrence de son princeps par ces spécialités, est nécessairement conscient qu'il emploie des moyens étrangers à une concurrence par les mérites et qu'il commet donc un abus de position dominante. 470. Aussi la société Janssen-Cilag ne peut-elle prétendre qu'il lui était impossible d'anticiper que son comportement serait qualifié d'abus de position dominante, et ce alors qu'il pèse sur toute entreprise en position dominante une responsabilité particulière qui lui impose d'adapter son comportement afin d'éviter tout abus de cette position dominante. 471. S'agissant de la communication dénigrante à l'égard des génériques de Durogesic, la cour constate que l'argumentation des requérantes repose sur une analyse de la pratique contraire aux constatations que la cour a faites aux paragraphes 359 à 391du présent arrêt, la rendant inopérante. 472. L'ensemble des moyens par lesquels les requérantes contestent l'appréciation de la gravité des faits par l'Autorité sont rejetés. 473. Toutefois, ainsi que la cour l'a constaté aux paragraphes 235 à 247 du présent arrêt, c'est à tort que l'Autorité a considéré que l'intervention de la société Janssen-Cilag auprès de l'AFSSAPS visait également à empêcher la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm. Le refus de délivrance d'une AMM à un médicament interdisant toute concurrence, puisque celui-ci n'est alors pas commercialisable, tandis qu'un refus d'inscription au répertoire des groupes génériques permet une concurrence minimale, il doit être tenu compte du fait que l'objectif poursuivi par l'intervention incriminée présente un degré de gravité moindre que celui pris en compte dans la décision attaquée, nonobstant le fait que cette intervention reste une pratique particulièrement grave. 474. Cette circonstance justifie de revoir à la baisse le calcul du montant de base de la sanction (…) 516. À titre liminaire, la cour souligne, d'une part, que le constat, aux paragraphes 235 à 247 du présent arrêt, que la société Janssen-Cilag ne s'est pas opposée à la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm, ne tranche pas la question de savoir si le débat juridiquement infondé qu'elle a ouvert devant l'AFSSAPS relativement à la qualité de générique de ces spécialités a été de nature à entraîner un retard dans l'octroi des AMM. 517. D'autre part, aux fins d'apprécier si des retards dans la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm et dans l'inscription de ces dernières au répertoire des groupes génériques sont imputables à la société Janssen-Cilag, il y a lieu de tenir compte de ce que l'intervention de cette société était légitime en tant qu'elle a transmis à l'AFSSAPS ses préoccupations de santé publique liées à la substitution entre dispositifs transdermiques de fentanyl en cours de traitement. 518. Ainsi, le constat que le débat indûment ouvert devant l'AFSSAPS relativement à la qualité de générique des spécialités Ratiopharm a entraîné de tels retards suppose de pouvoir affirmer que les délais auraient été plus courts si la société Janssen-Cilag s'était limitée à attirer l'attention de l'AFSSAPS sur les conséquences de la substitution en cours de traitement sans remettre en cause la qualité de générique desdites spécialités. 519. S'agissant du point de savoir si la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm a été retardée par l'intervention de la société Janssen-Cilag, la cour rappelle que c'est seulement par deux avis des 24 janvier et 27 mars 2008 que la commission d'AMM s'est penchée sur la question de la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm et a conclu en faveur d'une telle délivrance. Le délai de trois mois qui s'est écoulé entre la décision de la Commission, le 23 octobre 2007, et le dernier de ces avis n'est en rien imputable à l'intervention de la société Janssen-Cilag, dont le premier courrier date du 25 mars 2008 et a été reçu le 27 mars 2008. 520. Il n'y a en revanche aucun doute que, sans cette intervention, la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm aurait suivi de quelques semaines tout au plus l'avis du 27 mars 2008. Il est par ailleurs constant que la saisie pour avis des GTMG et GTNPA est la conséquence directe de ladite intervention, ces groupes de travail ayant été sollicités aux fins d'examiner les arguments de la société Janssen-Cilag. 521. La preuve n'est toutefois pas rapportée que les AMM, finalement octroyées par décision du 28 juillet 2008, auraient été délivrées plus rapidement si la société Janssen-Cilag s'était bornée à arguer des risques pour la santé publique que la substitution en cours de traitement fait naître, sans contester la qualité de générique des spécialités Ratiopharm. En effet, d'abord, la seule invocation de tels risques aurait pareillement conduit l'AFSSAPS à consulter le GTMG et le GTNPA ; la cour relève d'ailleurs que les questions auxquelles il a été demandé à ces groupes de travail de répondre étaient : « Y a-t-il un obstacle à la substitution entre les dispositifs transdermiques de fentanyl ? Si non, faut-il accompagner la substitution de mesures particulières ? ». Ensuite, le GTMG, lors de sa réunion du 19 juin 2008, et le GTNPA, lors de sa réunion du 10 juillet 2008, ont examiné à la fois la question de la qualité de générique des patchs de fentanyl et celle des problèmes de sécurité que pourrait provoquer une substitution en cours de traitement, de sorte qu'il ne peut être affirmé que le délai dans lequel ces groupes de travail ont statué eût été plus court si la société Janssen-Cilag n'avait pas contesté aux spécialités Ratiopharm la qualité de générique. Enfin, la brièveté de l'intervalle de temps entre le dernier avis du 10 juillet 2008 et la séance de la commission d'AMM, le 17 juillet 2008, puis entre cette séance, et la décision de délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm, le 28 juillet 2008, permet d'exclure que cet intervalle aurait pu être plus court. 522. Dans ces conditions, la preuve d'un allongement du délai d'octroi des AMM imputable au comportement incriminé de la société Janssen-Cilag n'est pas établie. 523.. S'agissant du point de savoir si l'inscription des spécialités Ratiopharm au répertoire des groupes génériques a été retardée par l'intervention de la société Janssen-Cilag, la cour rappelle qu'aux termes de l'arrêt du Conseil d'État du 21 décembre 2007, Reckitt Benckiser, précité, l'identification d'un médicament comme générique d'une spécialité de référence se fait à l'occasion de la délivrance de l'AMM à ce médicament. Par ailleurs, conformément à l'article R. 5121-5 alinéa 3 du code de la santé publique, dans sa version antérieure au décret du 6 mai 2008, la notification de ladite identification au laboratoire princeps doit intervenir dans un délai maximum d'un mois, ce délai pouvant donc être plus court. Enfin, si, aux termes de cette même disposition, le directeur général de l'AFSSAPS doit laisser s'écouler un délai de soixante jours suivant cette information, avant de procéder à l'inscription de la spécialité générique au répertoire des groupes génériques, un tel délai vise seulement à permettre au laboratoire princeps de se préparer aux conséquences de la mise en oeuvre du droit de substitution, de sorte que rien ne justifie que le directeur général de l'AFSSAPS laisse s'écouler un délai plus long pour procéder à l'inscription effective. 524. Ainsi, même s'il est exact que l'article R. 5121-5 alinéa 3 du code de la santé publique ne fixe aucun délai impératif dans lequel l'inscription d'un générique au répertoire des groupes génériques doit intervenir, il résulte de l'économie de cette disposition que l'inscription intervient en principe dans un délai de trois mois à compter de la délivrance d'une AMM à ce générique. 525. En l'espèce, l'identification des spécialités Ratiopharm comme génériques de Durogesic découlait automatiquement de la décision de la Commission, qui datait du 23 octobre 2007, dispensant l'AFSSAPS de toute analyse sur cette question. Par ailleurs, le GTMG et le GTNPA se sont réunis respectivement le 19 juin et le 10 juillet 2008 pour se prononcer sur les questions soulevées par la société Janssen Cilag concernant la substitution entre les dispositifs transdermiques de fentanyl, ainsi que sur la nécessité éventuelle d'un encadrement. 526. Dans ces conditions, même en tenant compte des spécificités incontestables des dispositifs transdermiques de fentanyl, le délai de quatre mois et demi qui s'est écoulé entre la délivrance des AMM et l'inscription effective au répertoire des groupes génériques doit être qualifié de long. 527. L'analyse des éléments du dossier démontre qu'un tel délai s'explique par le fait que le débat concernant la qualité de générique des spécialités Ratiopharm, indûment soulevé par la société Janssen-Cilag, a parasité les travaux de l'AFSSAPS, l'empêchant de répondre d'emblée à la seule question pertinente de l'encadrement de la substitution. 528. C'est ainsi que, si le GTMG a recommandé un encadrement de la substitution, le GTNPA, dans son avis du 10 juillet 2008, s'est borné à s'opposer à la substitution, sur la base d'une mise en cause de la qualité de générique des dispositifs transdermiques de fentanyl. C'est encore ainsi que, par courrier du 29 juillet 2008, le directeur général de l'AFSSAPS a notifié à la société Ratiopharm un refus d'inscription de ses spécialités au répertoire des groupes génériques au motif que leur qualité de générique de Durogesic n'était pas établie en l'état du dossier. 529. Ceci explique pourquoi la prise de position de la commission d'AMM en faveur d'une inscription des spécialités Ratiopharm au répertoire des groupes génériques, qui aurait normalement dû intervenir lors de sa séance du 17 juillet 2008, a été repoussée à sa séance du 25 septembre 2008, après qu'a été sollicité un nouvel avis du GTNPA concernant l'encadrement de la substitution en cours de traitement (avis qui ne figure pas au dossier, mais dont l'existence et le contenu sont connus grâce au compte rendu de cette séance). 530. Il apparaît ainsi que, au lieu de se concentrer sur les modalités d'encadrement de la substitution en cours de traitement, l'AFSSAPS a consacré une partie de sa réflexion et de son temps à se demander si les spécialités Ratiopharm étaient des génériques de Durogesic, alors même que cette analyse avait été déjà faite par les autorités de l'Union, dont la décision s'imposait à elle. 531. Dans ces conditions, le délai qui s'est écoulé entre la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm, le 28 juillet 2008, et leur inscription effective dans le répertoire des groupes génériques, le 10 décembre 2008, a été inutilement prolongé par le débat juridiquement infondé soulevé par la société Janssen-Cilag, et aurait été plus court si ce débat n'avait pas été indûment ouvert et que l'AFSSAPS avait pu se limiter à apprécier la nécessité d'une mise en garde et à en élaborer le contenu. 532. La cour déduit de l'ensemble des éléments du dossier que l'augmentation du délai imputable au comportement incriminé de la société Janssen-Cilag est d'environ deux mois, correspondant au délai séparant les séances de la commission d'AMM des 17 juillet et 25 septembre 2008. 533. Eu égard aux volumes et aux sommes en jeu [en 2008, les ventes annuelles de dispositifs transdermiques de fentanyl se sont élevées à 8 millions d'unités sur le marché de la ville, pour un montant de 70 millions d'euros, et à 1,7 million d'unités sur le marché de l'hôpital, pour un montant de 11 millions d'euros (décision attaquée, § 103)], ce délai n'est pas négligeable. 534. En effet, si, ainsi que le font justement valoir les requérantes, les spécialités Ratiopharm étaient en mesure de concurrencer leurs spécialités princeps dès la délivrance des AMM, le 28 juillet 2008, les effets sur les prix n'ont pu se produire pleinement qu'une fois ces spécialités inscrites au registre des groupes génériques en tant que génériques de Durogesic. Au surplus, jusqu'à cette inscription, aucune substitution n'était possible, de sorte que la société Janssen-Cilag a bénéficié d'un monopole de fait à l'égard de l'ensemble des patients en cours de traitement à la date du 28 juillet 2008, et ce jusqu'au 10 décembre 2008, monopole de fait qui s'est trouvé artificiellement prolongé pour une durée d'environ deux mois. 535. Dès lors, le dommage causé à l'économie apparaît certain, même s'il est moindre que celui retenu par l'Autorité dans la décision attaquée. (…) 569. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le montant de base de la sanction doit être ramené à la somme de 12 756 817 euros (84 594 281 euros x 13 % x 1,16). Sur l'individualisation de la sanction 591. En premier lieu, le moyen pris du caractère inédit de l'infraction ou de ce que la qualification d'abus de position dominante était complexe et ambiguë à l'époque des faits doit être écarté. En effet, s'agissant de la pratique d'intervention auprès de l'AFSSAPS, la cour renvoie aux considérations figurant aux paragraphes 466 à 469 du présent arrêt. Quant à la pratique de dénigrement, la sanction d'un tel comportement n'est à l'évidence pas inédite, et sa qualification d'abus de position dominante ni complexe ni ambiguë. 592. En second lieu, aucun des autres éléments d'individualisation invoqués ne constitue une circonstance atténuante. 593. S'agissant, d'une part, du fait que la société Janssen-Cilag était à la fois tenue de et légitime à alerter l'AFSSAPS sur les risques liés à la substitution qu'elle avait identifiés sur la base d'éléments scientifiques tangibles, la cour rappelle, d'une part, qu'il est seulement reproché à cette société d'avoir soulevé devant l'AFSSAPS un débat infondé sur la qualité de générique des spécialités Ratiopharm, d'autre part, qu'au stade de l'appréciation des conséquences conjoncturelles et structurelles de ce comportement, la cour a tenu compte de ce que la procédure d'inscription de ces spécialités au répertoire des groupes génériques avait aussi été ralentie par la communication légitime relative aux risques liées à la substitution en cours de traitement. Elle a notamment pris cette circonstance en cause, avec d'autres éléments, pour réduire de 15 % à 12 % [lire 13 %] le pourcentage de la valeur des ventes retenu pour le calcul du montant de base de la sanction. Aussi rien ne justifie d'accorder, pour ce même motif, une réduction de la sanction à titre de circonstance atténuante. 594. S'agissant, d'autre part, du fait que la société Janssen-Cilag aurait mis fin de sa propre initiative, dès la fin décembre 2008, à la diffusion de la version contestée de la lettre d'information médicale, la cour rappelle que la pratique de dénigrement s'est poursuivie sous d'autres formes (visites médicales, formations à distance, économiseurs d'écran) jusqu'à la mi-août 2009, de sorte que, même à supposer ce fait établi, il ne justifie pas une réduction de la sanction. 1) ALORS QUE porte atteinte aux principe de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique l'infliction d'une sanction fondée sur l'application rétroactive d'une interprétation jurisprudentielle nouvelle des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce conduisant à regarder désormais comme un abus de position dominante un comportement dont la pratique décisionnelle de l'Autorité de concurrence de l'Union pouvait raisonnablement laisser supposer, à l'époque de sa commission, qu'il ne tombait pas sous le coup de la prohibition édictée par ces textes ; qu'à l'époque des faits litigieux, seule la décision AstraZeneca de la Commission en date du 15 juin 2005 s'était prononcée sur le point de savoir si les interventions d'un laboratoire pharmaceutiques auprès d'une autorité administrative nationale pouvaient tomber sous le coup de la prohibition des abus de position dominante et qu'au titre du premier abus relevé, la Commission s'était déterminée en considération de ce que le laboratoire pharmaceutique avait soumis à l'autorité administrative en charge des brevets des informations factuelles inexactes et trompeuses en vue d'obtenir des décisions indues d'extension de la durée de ses droits de propriété industrielle, tandis qu'au titre du second, la Commission avait sanctionné le comportement d'un laboratoire ayant consisté à soumettre à des autorités de santé, qui ne disposaient d'aucune marge de manoeuvre pour refuser d'y faire droit, des demandes de radiation de ses propres AMM dans l'unique dessein d'entraver l'arrivée sur le marché de médicaments génériques ; que dans sa décision, la Commission avait expressément relevé, pour condamner cette seconde pratique, qu' « il convient de rappeler que les demandes d'AZ aux autorités publiques de radier les autorisations de marché ne sont pas des demandes adressées dans le cadre d'un processus ouvertement politique ou une tentative d'influencer les décisions prises dans un domaine où ces autorités disposent d'une marge de manoeuvre, ou en général pour recevoir un examen indépendant du bien-fondé de la requête. En l'espèce, les autorités nationales concernées ont considéré, comme le souhaitait AZ, qu'elles n'avaient pas le pouvoir discrétionnaire de maintenir l'autorisation de mise sur le marché lorsque leur retrait était demandé. Dans ces conditions, l'effet anticoncurrentiel qui en résultera ne résultera pas d'un contrôle indépendant du bien-fondé de la requête, mais plutôt de l'effet automatique (ou quasi automatique) d'une demande privée, présentée sous la forme d'un exercice d'un droit spécifique » (Décision n° C(2005)1757 du 15 juin 2005, affaire COMP/A.37.507/F3, AstraZeneca) ; qu'en se fondant sur cette décision de la Commission, pour considérer que la société Janssen-Cilag s'en trouvait nécessairement avertie que ses interventions dans le processus décisionnel d'une autorité publique pourraient, en fonction des circonstances de l'espèce, être qualifiées d'abus de position dominante, dès lors qu'elles seraient susceptibles de retarder la concurrence exercée par des médicaments générique, cependant qu'il ressortait clairement des motifs de la décision de la Commission que, par contraste avec le comportement d'AstraZeneca, le simple fait pour un laboratoire pharmaceutique de soumettre, dans des conditions exclusives de toute manipulation par fourniture d'informations factuelles trompeuses, une demande ou une prétention à une autorité administrative pleinement compétente pour en apprécier elle-même le bien-fondé et exercer ainsi un contrôle indépendant ne pourrait se voir attribuer un effet anticoncurrentiel, la Cour d'appel a violé les principes de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique, ensemble les articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 2) ALORS, en outre, QU'EN affirmant que la sanction infligée à la société Janssen-Cilag n'était pas fondée sur une interprétation nouvelle des dispositions servant de fondement aux poursuites, cependant, d'une part, que les seules décisions des juridictions de l'Union ayant sanctionné l'émission d'une prétention juridiquement infondée par une entreprise en position dominante avaient été rendues dans le cadre de l'exercice abusif d'actions en justice et avaient subordonné la qualification d'abus de position dominante à la double condition de caractériser l'absence « manifeste » de tout fondement juridique des prétentions soutenues et leur insertion dans un plan d'ensemble visant à éliminer la concurrence (TUE, 17 juillet 1998, T-111/96, ITT Promedia ; TUE, 13 septembre 2012, T-119/09, Protégé International) et, d'autre part, que la Présidente de l'Autorité avait elle-même jugé bon de communiquer la décision de sanction prise à l'encontre de la société Janssen-Cilag au syndicat pharmaceutique Les Entreprises du Médicament (LEEM) en précisant, par un courrier du 20 février 2018, que « l'Autorité a, pour la première fois, sanctionné un laboratoire en raison de son intervention juridiquement infondée », la Cour d'appel a derechef violé les principes de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique, ensemble les articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 3) ALORS, en toute hypothèse, QU'EN matière d'infractions de concurrence, le principe de proportionnalité des peines commande de tenir compte du caractère plus ou moins évident de la règle violée afin d'adapter la sanction au degré de conscience que l'entreprise pouvait avoir d'agir en infraction avec les règles de concurrence (CE, 15 avril 2016, n° 375.658, Sté Copagef) ; qu'en rejetant la demande subsidiaire de la société Janssen-Cilag tendant à la réduction de la sanction prononcée à son encontre à raison de l'absence de précédent ayant sanctionné un laboratoire du fait de la présentation d'argument juridiquement infondés à une autorité administrative, au motif que cette société devait s'estimer suffisamment avertie par la décision AstraZeneca du 15 juin 2005 que ses interventions dans le processus décisionnel d'une autorité publique pourraient, en fonction des circonstances de l'espèce, être qualifiées d'abus de position dominante, cependant que rien dans cette décision ne pouvait laisser supposer que le fait pour un laboratoire pharmaceutique de soumettre, dans des conditions exclusives de toute manipulation par fourniture d'informations factuelles trompeuses, une demande ou une prétention à une autorité administrative pleinement compétente pour en apprécier elle-même le bien-fondé pourrait être qualifié d'abus de position dominante, la Cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce. 4) ALORS, enfin, QUE la société Janssen-Cilag faisait valoir que l'intervention de son pharmacien responsable auprès de l'AFSSAPS avait été, non seulement légitime, mais surtout directement utile à la collectivité en tant qu'elle avait permis de révéler à l'autorité de santé publique certains risques graves attachés à une substitution sans surveillance médicale suffisante des dispositifs transdermiques à base de fentanyl et avait mis celle-ci en mesure d'émettre une mise en garde à destination des professionnels de santé, de sorte qu'il devait à tout le moins en être tenu compte en tant que circonstance atténuante ; que, pour refuser de tenir compte de l'utilité de cette intervention du pharmacien responsable comme circonstance atténuante, la cour d'appel retient qu'en réduisant de 15 % à 13 % le pourcentage de la valeur des ventes permettant de calculer le montant de base de la sanction, elle a déjà tenu compte du fait qu'il est seulement reproché à cette société d'avoir soulevé devant l'AFSSAPS un débat infondé sur la qualité de générique des spécialités Ratiopharm et de ce que la procédure d'inscription de ces spécialités au répertoire des groupes génériques a aussi été ralentie par la communication légitime relative aux risques liées à la substitution en cours de traitement, de sorte que « rien ne justifie d'accorder, pour ce même motif, une réduction de la sanction à titre de circonstance atténuante » ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que la réformation de la décision à laquelle elle s'est livrée avait seulement pour but de tirer les conséquences du fait que l'Autorité s'était méprise sur le sens et la portée de l'intervention de la société Janssen-Cilag lorsqu'elle avait considéré que cette intervention avait pour objet de remettre en cause la délivrance d'AMM aux spécialités Ratiopharm (arrêt, §§. 235-247), ce qui l'avait conduite à surestimer la gravité des faits (§. 473) et le dommage causé à l'économie (§. 535), de sorte qu'elle ne pouvait faire double-emploi avec la demande qui lui était faite de prendre en compte l'utilité de l'intervention du pharmacien responsable pour la collectivité en tant que circonstance atténuante, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
L'Autorité de la concurrence, saisie de comportements pouvant être prohibés au regard des articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et L.420-2 du code de commerce, n'excède pas sa compétence en analysant la réglementation juridique afférente au secteur concerné par les pratiques qui lui sont dénoncées et qu'il lui revient de qualifier et, le cas échéant, de sanctionner, dès lors qu'elle ne se livre pas, pour procéder à cette analyse, à des appréciations scientifiques relevant d'une autorité sanitaire
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SOC. ZB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juin 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 666 FS-B Pourvoi n° G 20-17.360 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2022 M. [D] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-17.360 contre l'arrêt rendu le 5 février 2020 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Falconstor Software, société par actions simplifiée, dont le siège est, [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. [U], et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, M. Seguy, Mme Grandemange, conseillers, Mmes Prache, Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 février 2020) et les productions, M. [U] a été engagé, le 19 janvier 2011, par la société Falconstor Software en qualité d'ingénieur avant-vente. 2. En septembre et octobre 2013, l'employeur a soumis aux délégués du personnel un projet de licenciement collectif envisageant la réorganisation de l'entreprise et la suppression de douze postes. 3. Le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique, le 17 octobre 2013, au cours duquel il lui a été proposé un contrat de sécurisation professionnelle. Par lettre du 4 novembre 2013, la société lui a notifié les motifs économiques de la rupture envisagée en lui précisant qu'en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle, cette lettre constituerait la notification de son licenciement. 4. Le contrat de travail a été rompu, le 7 novembre 2013, à l'issue du délai de réflexion dont il disposait pour faire connaître sa réponse, après qu'il a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle. 5. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement pour motif économique est justifié et que son employeur a respecté ses obligations procédurales et de recherche de reclassement et, en conséquence, de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « que dans les entreprises de moins de cinquante salariés, la lettre de notification de licenciement ne peut être adressée avant l'expiration d'un délai de trente jours courant à compter de la notification du projet de licenciement à l'autorité administrative ; que lorsque ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ; qu'en considérant que l'employeur justifiait avoir notifié le licenciement le 4 novembre 2013, soit plus de trente jours après l'envoi du projet de licenciement à la Direccte, le 4 octobre 2013, cependant que le délai de trente jours expirant le dimanche 3 novembre 2013, il était prorogé au lundi 4 novembre 2013, de sorte que l'employeur ne pouvait notifier le licenciement avant le mardi 5 novembre suivant, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-39 et R. 1231-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 8. Selon l'article 5 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 19 juillet 2011, agréée par arrêté du 6 octobre 2011, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur le contrat de sécurisation professionnelle remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser, en application de ce texte, au salarié lorsque le délai dont ce dernier dispose pour faire connaître sa réponse à la proposition de contrat de sécurisation professionnelle expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail. Lorsque le salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle, la rupture du contrat de travail intervient à l'expiration du délai dont il dispose pour prendre parti. 9. La cour d'appel ayant constaté que le contrat de travail avait été rompu le 7 novembre 2013 par l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé, il en résulte que la lettre du 4 novembre 2013, adressée en application du texte conventionnel précité, dès lors que le délai de réflexion expirait après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par l'article L. 1233-39 du code du travail, n'avait d'autre but que de notifier à l'intéressé le motif économique du licenciement envisagé et de lui préciser qu'en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle, elle constituerait la notification de son licenciement, et n'a pas eu pour effet de rompre le contrat de travail. 10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié en ce qu'il déboute le salarié de sa demande indemnitaire pour violation de la procédure de licenciement. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de rappels d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé, alors : « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre en produisant ses propres éléments ; qu'en considérant que les éléments versés aux débats par le salarié ne permettaient pas d'étayer suffisamment sa demande d'heures supplémentaires, après avoir pourtant constaté, d'une part, que ce dernier produisait un décompte mentionnant la durée quotidienne des journées de travail et les temps de transport pour rejoindre les différents lieux de mission et pour retourner à son domicile ainsi que les justificatifs de transports et, d'autre part, qu'il récapitulait sous forme de tableaux, dans ses conclusions, sa durée hebdomadaire de travail, ce dont il résultait qu'il avait présenté des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 3171-4 du code du travail : 12. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire. 13. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. 14. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. 15. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que le salarié communique un décompte des heures supplémentaires qu'il prétend avoir accomplies, depuis son embauche en janvier 2011 et jusqu'au mois de juin 2013, mais que ce décompte ne déduit pas les temps de trajet habituels pour se rendre à son travail, ne fournit aucun élément sur ses heures d'arrivée et de départ sur les lieux de mission indiqués ou encore sur ses temps de pause. 16. L'arrêt retient encore que le calcul est réalisé à partir de l'estimation d'un temps de travail quotidien pour une journée type multipliée par le nombre de jours concernés par le déplacement considéré, que les chiffres figurant sur les décomptes ne correspondent pas toujours aux tableaux figurant dans ses conclusions et que ces décomptes reprennent systématiquement, pour chaque jour de mission, le même temps de transport, sans justifier de la réalité des déplacements, en dehors de ceux effectués en début et en fin de mission pour lesquels les titres de transport sont produits. 17. L'arrêt retient enfin que de tels relevés, établis unilatéralement par le salarié, sans aucun élément objectif permettant d'en contrôler la réalité, ne sont pas suffisamment précis pour que l'employeur puisse y répondre et ne permettent pas la reconstitution des horaires effectivement réalisés pour le compte de l'entreprise de sorte que la demande n'est pas autrement étayée que par les propres allégations du salarié. 18. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [U] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents et au titre d'une indemnité pour travail dissimulé, rejette la demande de remise sous astreinte de bulletins de salaire rectifiés et d'une attestation Pôle emploi modifiée, et en ce qu'il le condamne aux dépens et à payer à la société Falconstor Software la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 5 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la société Falconstor Software aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Falconstor Software à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [U] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [U] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR dit que son licenciement pour motif économique était justifié et que la société Falconstor sofware avait respecté ses obligations en termes de procédure et de recherche de reclassement et, en conséquence, de L'AVOIR débouté de l'ensemble ses demandes ; ALORS, 1°), QU'en relevant, pour en déduire que le licenciement du salarié était justifié, qu'il ressort des résultats financiers, de la note économique présentée aux délégués du personnel et des différents tableaux produits aux débats par l'employeur que l'activité du groupe était nettement déficitaire, sans s'expliquer sur le moyen du salarié tiré de la falsification des livres et registres comptables (pp. 18 à 20) sur la base desquels ces documents avaient été établis, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, 2°), QUE le licenciement motivé par des difficultés économiques est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque ces difficultés économiques sont imputables, au moins pour partie, à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur ; qu'en affirmant qu'il ne résulte d'aucun élément objectif que la déconfiture de la filiale française serait due à l'abus des prix de transfert ou à une renonciation volontaire de celle-ci d'encaisser des recettes et que les irrégularités financières et les sanctions prononcées aux Etats-Unis sont sans rapport avec la dégradation de la situation économique du groupe due à des pertes d'exploitation, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à exclure que les agissements fautifs reprochés à l'employeur avaient aggravé les difficultés économiques invoquées, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; ALORS, 3°), QUE dans les entreprises de moins de cinquante salariés, la lettre de notification de licenciement ne peut être adressée avant l'expiration d'un délai de trente jours courant à compter de la notification du projet de licenciement à l'autorité administrative ; que lorsque ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ; qu'en considérant que l'employeur justifiait avoir notifié le licenciement le 4 novembre 2013, soit plus de trente jours après l'envoi du projet de licenciement à la Direccte, le 4 octobre 2013, cependant que le délai de trente jours expirant le dimanche 3 novembre 2013, il était prorogé au lundi 4 novembre 2013, de sorte que l'employeur ne pouvait notifier le licenciement avant le mardi 5 novembre suivant, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-39 et R. 1231-1 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [U] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de L'AVOIR débouté de ses demandes en paiement de rappels d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé ; ALORS, 1°), QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre en produisant ses propres éléments ; qu'en considérant que les éléments versés aux débats par le salarié ne permettaient pas d'étayer suffisamment sa demande d'heures supplémentaires, après avoir pourtant constaté, d'une part, que ce dernier produisait un décompte mentionnant la durée quotidienne des journées de travail et les temps de transport pour rejoindre les différents lieux de mission et pour retourner à son domicile ainsi que les justificatifs de transports et, d'autre part, qu'il récapitulait sous forme de tableaux, dans ses conclusions, sa durée hebdomadaire de travail, ce dont il résultait qu'il avait présenté des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ; ALORS, 2°), QU'en se bornant à relever que l'employeur soutient que les tâches confiées au salarié pouvaient être accomplies dans la limite du temps de travail qui lui était rémunéré et qu'il ne lui a jamais été demandé d'effectuer des heures supplémentaires, sans vérifier cette allégation en analysant les pièces versées aux débats, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, 3°), QU'en se bornant à relever que l'employeur soutient que les tâches confiées au salarié pouvaient être accomplies dans la limite du temps de travail qui lui était rémunéré et qu'il ne lui a jamais été demandé d'effectuer des heures supplémentaires, sans s'expliquer sur le moyen de M. [U] (p. 37) selon lequel ses déplacements étaient validés par sa hiérarchie et ses titres de transport comportant les horaires étaient adressés à la direction pour remboursement, ce dont il déduisait que les heures supplémentaires étaient accomplies avec l'accord de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile
Selon l'article 5 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 19 juillet 2011, agréée par arrêté du 6 octobre 2011, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur le contrat de sécurisation professionnelle remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser, en application de ce texte, au salarié lorsque le délai dont ce dernier dispose pour faire connaître sa réponse à la proposition de contrat de sécurisation professionnelle expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail. Lorsque le salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle, la rupture du contrat de travail intervient à l'expiration du délai dont il dispose pour prendre parti. Il en résulte qu'un salarié qui a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, ne peut se prévaloir du non respect par l'employeur du délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par l'article L.1233-39 du code du travail, dès lors que la lettre qui lui a été adressée en application du texte conventionnel précité, n'avait d'autre but que de lui notifier le motif économique du licenciement envisagé et de lui préciser qu'en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle, elle constituerait la notification de son licenciement, et n'a pas eu pour effet de rompre le contrat de travail
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SOC. CA3 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juin 2022 Cassation M. CATHALA, président Arrêt n° 667 FS-B Pourvoi n° F 20-19.957 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2022 La société Children Worldwide Fashion, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 20-19.957 contre l'arrêt rendu le 25 juin 2020 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [D] [V], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Mme [D] [V] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Children Worldwide Fashion, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [V], et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mme Grandemange, conseillers, Mmes Prache, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 juin 2020) et les productions, Mme [V] a été engagée le 6 décembre 1982 en qualité d'ouvrière en confection par la société Albert, aux droits de laquelle vient la société Children Worldwide Fashion (la société CWF), entreprise qui emploie plus de trois cents salariés. Elle occupait en dernier lieu le poste d'assistante au développement produit. 2. Le 16 juin 2017, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique. Le contrat de travail a été rompu, le 14 juillet 2017, à l'issue du délai de réflexion dont elle disposait après son adhésion, le 2 juillet 2017, au contrat de sécurisation professionnelle, le motif économique de la rupture lui ayant été notifié par lettre du 5 juillet 2017. 3. Contestant le bien-fondé de cette rupture, la salariée a saisi la juridiction prud'homale. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident de la salariée, pris en sa première branche, qui est préalable Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de juger que le licenciement est fondé sur un motif économique réel et sérieux et de la débouter de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts, alors « que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisées notamment par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires ; qu'une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ; que pour dire les difficultés économiques avérées, la cour d'appel a retenu qu'il était justifié du recul de quatre trimestres consécutifs de chiffre d'affaires sur l'année 2016 par rapport à l'année 2015, la modeste augmentation de 0,50 % du chiffre d'affaires du premier trimestre 2017 par rapport à celui de 2016 n'étant alors pas suffisant pour signifier une amélioration tangible des indicateurs ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations qu'à la date du licenciement, notifié le 2 juillet 2017, la durée de la baisse du chiffre d'affaires de cette entreprise de plus de trois cents salariés n'égalait pas quatre trimestres consécutifs, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il développe une thèse contraire à celle exposée devant les juges du fond puisque, d'une part, la salariée prétendait se fonder sur une comparaison entre le chiffre d'affaires de l'exercice 2017 en entier et celui de l'exercice 2016 et, d'autre part, elle n'a jamais soutenu que devaient être consécutivement en baisse les quatre trimestres précédant immédiatement le licenciement. 6. Cependant le moyen tiré de la prise en considération des quatre trimestres consécutifs précédant le licenciement se trouvait inclus dans le débat, dès lors que la salariée mentionnait dans ses écritures les dispositions de pur droit de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, et que ce moyen se réfère à des considérations de fait résultant des énonciations des juges du fond. 7. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 8. Aux termes de ce texte, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à : a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ; b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ; c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ; d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus. 9. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le juge doit se placer à la date du licenciement pour apprécier le motif de celui-ci (Soc., 21 novembre 1990, pourvoi n° 87-44.940, Bull. 1990, V, n° 574 ; Soc., 26 février 1992, pourvoi n° 90-41.247, Bull. 1992, V, n° 130). 10. Il en résulte que la durée d'une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires, telle que définie par l'article L. 1233-3, 1°, a) à d), du code du travail, s'apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d'affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l'année précédente à la même période. 11. Pour dire le licenciement fondé sur un motif économique réel et sérieux, l'arrêt retient qu'il convient d'apprécier les difficultés économiques justifiant les mesures de réorganisations en fonction du nombre de salariés et à la date du déclenchement de la procédure, et rappelant que la procédure de licenciement économique collectif a été engagée au second trimestre 2017, l'appréciation des difficultés économiques doit se faire au regard de l'évolution d'un des indicateurs énumérés par l'article L. 1233-3 du code du travail connus à ce moment là. 12. Il ajoute que, reprenant les données comptables relatives au chiffre d'affaires de la société, il convient de se référer à l'exercice clos 2016, seul le premier trimestre 2017 étant alors connu. Il retient encore qu'il résulte de l'attestation du commissaire aux comptes de la société CWF que le chiffre d'affaires 2016 était, à la clôture de l'exercice, en recul de 22 835 millions d'euros par rapport à 2015 en raison notamment de l'arrêt de la commercialisation de la marque Burberry lié à la perte de la licence d'exploitation, et que le premier trimestre 2017 n'affichait qu'une légère hausse de 0,50 % par rapport au premier trimestre 2016 mais restait très en deçà du chiffre d'affaires du premier trimestre 2015. 13. Il conclut qu'il est ainsi justifié du recul de quatre trimestres consécutifs de chiffre d'affaires sur l'année 2016 par rapport à l'année 2015, la modeste augmentation de 0,50 % du chiffre d'affaires du premier trimestre 2017 par rapport à celui de 2016, n'étant alors pas suffisant pour signifier une amélioration tangible des indicateurs. 14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la durée de la baisse du chiffre d'affaires, en comparaison avec la même période de l'année précédente, n'égalait pas quatre trimestres consécutifs précédant la rupture du contrat de travail pour cette entreprise de plus de trois cents salariés, la cour d'appel, qui ce faisant n'a pas caractérisé les difficultés économiques, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 15. La cassation prononcée sur le moyen du pourvoi incident relatif au motif économique du licenciement entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif critiqué par le moyen du pourvoi principal portant sur la condamnation de l'employeur à payer à la salariée des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la perte injustifiée de son emploi au titre des critères d'ordre, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal et sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Children Worldwide Fashion La société Children Worldwide Fashion (CWF) fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à payer à Mme [V] la somme de 19 000 € à titre de dommages-etintérêts en réparation du préjudice causé par la perte injustifiée de son emploi, 1. alors que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, l'employeur indiquait, s'agissant de la salariée, qu'« il n'y avait pas de remplacement prévu, ni de critères d'ordre sur son poste, s'agissant d'un poste unique, contrairement à celui des collègues en concurrence » (p. 8, avant-dernier §), que le comité d'entreprise avait « parfaitement validé le projet soumis par l'entreprise, qui effectivement considérait qu'il n'y avait pas de critères d'ordre de licenciement pour sa catégorie professionnelle unique et isolée. Les débats ont porté uniquement sur des postes similaires, avec des fonctions de même nature et justifiant une formation professionnelle commune. À ce titre, le poste occupé par Mme [V] ne relevait pas de ces critères » (p. 24, § 8 à 10) et plus encore que « le poste de Mme [V] a été supprimé parce qu'il était unique et qu'il n'y avait pas de concurrence ou sélection à mettre en oeuvre entre les différents salariés du service et même de l'entreprise pour son poste » (p. 23, § 10) dès lors que « suite à son reclassement pour inaptitude physique en 2006, un poste avait été créé sur mesure pour elle » (p. 25, § 1) ; qu'en affirmant, pour allouer à la salariée des dommages et intérêts pour perte injustifiée de son emploi, que la société CWF exposait n'avoir pas appliqué les critères d'ordre concernant la suppression de poste de Mme [V] parce qu'elle était la seule de sa catégorie dans son service, que les critères d'ordres devaient être mis en oeuvre à l'égard de l'ensemble du personnel de l'entreprise et non pas à l'égard des seuls salariés du service concerné et que la société ne pouvait restreindre l'application des critères d'ordre au seul service de la salariée, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société CWF et violé le principe susvisé, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ; 2. alors que les critères d'ordre des licenciements pour motif économique doivent être mis en oeuvre, en l'absence d'accord collectif, au niveau de l'entreprise, à l'égard de l'ensemble du personnel appartenant à la même catégorie professionnelle et n'ont donc pas à s'appliquer si le salarié est le seul de sa catégorie professionnelle dans l'entreprise ; qu'appartiennent à une même catégorie professionnelle les salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait la spécificité du poste de Mme [V], créé sur mesure pour elle sur les recommandations du médecin du travail, produisait les documents médicaux retraçant l'évolution de la carrière de la salariée, et précisait qu'elle avait trois missions : le calcul des emplois matières, la gestion des essayages et l'achat des fournitures de bureau, qu'il n'existait pas de postes similaires, avec des fonctions de même nature et justifiant une formation professionnelle commune, ce qui expliquait que le comité d'entreprise ait validé l'existence d'une catégorie professionnelle composée exclusivement du poste occupé par Mme [V] (conclusions d'appel, p. 5-6, p. 23 à 25), cette dernière n'ayant au demeurant identifié aucun poste dans l'entreprise susceptible de relever de la même catégorie que le sien (cf. ses conclusions d'appel, p 10) ; qu'en allouant à la salariée Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils pour Mme [V], demanderesse au pourvoi incident éventuel. Mme [V] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement était fondé sur un motif économique réel et sérieux et l'a déboutée de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, et de dommages et intérêts. 1° ALORS QUE constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisées notamment par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires ; qu'une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ; que pour dire les difficultés économiques avérées, la cour d'appel a retenu qu'il était justifié du recul de quatre trimestres consécutifs de chiffre d'affaires sur l'année 2016 par rapport à l'année 2015, la modeste augmentation de 0,50% du chiffre d'affaires du premier trimestre 2017 par rapport à celui de 2016 n'étant alors pas suffisant pour signifier une amélioration tangible des indicateurs ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations qu'à la date du licenciement, notifié le 2 juillet 2017, la durée de la baisse du chiffre d'affaires de cette entreprise de plus de trois cent salariés n'égalait pas quatre trimestres consécutifs, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail. 2° ALORS QU'il appartient à l'employeur, débiteur de l'obligation de reclassement, de faire la preuve qu'il a satisfait à son obligation ; qu'il était en l'espèce constant et acquis aux débats que l'employeur s'était abstenu de proposer à la salariée des postes disponibles, en sorte qu'il lui appartenait de démontrer que ces postes n'étaient pas susceptibles d'être proposés à la salariée ; qu'en se bornant à constater « qu'effectivement les postes disponibles n'apparaissent pas en lien avec l'expérience professionnelle de Mme [V] », la cour d'appel qui a statué par de simples affirmations sans préciser les pièces dont elle entendait déduire qu'il était justifié que les postes disponibles étaient sans lien avec l'expérience professionnelle de la salariée, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. 3° ALORS QU'il appartient à l'employeur, débiteur de l'obligation de reclassement, de faire la preuve qu'il a satisfait à son obligation ; que pour dire que l'employeur justifie avoir satisfait à son obligation de recherche de reclassement, l'arrêt retient que la salariée n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'elle aurait un niveau de formation et des compétences en lien avec son expérience professionnelle lui permettant de prétendre aux postes disponibles qui ne lui ont pas été proposés ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il appartenait à l'employeur de démontrer que les postes disponibles qui n'avaient pas été proposés à la salariée n'étaient pas susceptibles de l'être, la cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge de la preuve de la méconnaissance de son obligation de reclassement par l'employeur en violation de l'article 1315 devenu 1353 du code civil.
La durée d'une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires, telle que définie à l'article L. 1233-3, 1°, a à d, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, de nature à caractériser des difficultés économiques, s'apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d'affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l'année précédente à la même période. Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui, pour dire bien fondé un licenciement pour motif économique, se fonde sur la baisse significative du chiffre d'affaires, alors qu'il résultait de ses constatations que, pour une entreprise de plus de trois cents salariés, la durée de cette baisse, en comparaison avec la même période de l'année précédente, n'égalait pas quatre trimestres consécutifs précédant la rupture du contrat de travail
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SOC. / ELECT CDS COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juin 2022 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 674 F-B Pourvoi n° M 20-22.860 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2022 La société Adrexo, dont le siège est [Adresse 78], a formé le pourvoi n° M 20-22.860 contre le jugement rendu le 4 décembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Fédération CFTC Média +, dont le siège est [Adresse 8], 2°/ à la Fédération SUD des activités postales et de télécommunications, dont le siège est [Adresse 31], 3°/ au syndicat Confédération française démocratique du travail (CFDT), dont le siège est [Adresse 44], 4°/ au syndicat CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 62], 5°/ à la Fédération des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication (FILPAC) CGT, dont le siège est [Adresse 32], 6°/ au Syndicat autonome des salariés de la distribution (SASD), dont le siège est [Adresse 13], 7°/ au syndicat UNSA-Postes, dont le siège est [Adresse 10], 8°/ au syndicat SUD, dont le siège est [Adresse 29], 9°/ au syndicat national Presse édition publicité FO, dont le siège est [Adresse 16], 10°/ au syndicat Presse édition publicité FO, section Adrexo, dont le siège est [Adresse 16], 11°/ à l'union autonome Confédération autonome du travail du personnel Adrexo (CAT), dont le siège est [Adresse 25], 12°/ à la Confédération autonome du travail (CAT), dont le siège est [Adresse 25], 13°/ à M. [YL] [FT], domicilié [Adresse 14], 14°/ à Mme [EU] [JR], domiciliée [Adresse 3], 15°/ à M. [UB] [DD], domicilié [Adresse 21], 16°/ à Mme [UJ] [D], domiciliée [Adresse 56], 17°/ à M. [NW] [V], domicilié [Adresse 26], 18°/ à Mme [WA] [EN], domiciliée [Adresse 68], 19°/ à M. [YY] [PI], domicilié [Adresse 4], 20°/ à Mme [SY] [ZK], domiciliée [Adresse 73], 21°/ à M. [WM] [LC], domicilié [Adresse 70], 22°/ à M. [WV] [EW], domicilié [Adresse 24], 23°/ à Mme [JZ] [DH], domiciliée [Adresse 58], 24°/ à M. [HF] [N], domicilié [Adresse 54], 25°/ à Mme [W] [N], domiciliée [Adresse 54], 26°/ à M. [IE] [SP], domicilié [Adresse 42], 27°/ à M. [K] [A], domicilié [Adresse 43], 28°/ à M. [TO] [Y], domicilié [Adresse 13], 29°/ à Mme [KD] [FC], domiciliée [Adresse 55], 30°/ à M. [DF] [PV], domicilié [Adresse 17], 31°/ à M. [DF] [WI], domicilié [Adresse 9], 32°/ à M. [IV] [XZ], domicilié [Adresse 12], 33°/ à Mme [T] [NF], domiciliée [Adresse 69], 34°/ à M. [VJ] [RD], domicilié [Adresse 35], 35°/ à Mme [UJ] [MT], domiciliée [Adresse 1], 36°/ à M. [RP] [PZ], domicilié [Adresse 45], 37°/ à Mme [HW] [YD], domiciliée [Adresse 36], 38°/ à M. [KP] [TG], domicilié [Adresse 15], 39°/ à M. [P] [JV], domicilié [Adresse 67], 40°/ à Mme [OA] [HB], domiciliée [Adresse 57], 41°/ à M. [IE] [MT], domicilié [Adresse 60], 42°/ à Mme [FX] [NS], domiciliée [Adresse 20], 43°/ à Mme [YP] [FG], domiciliée [Adresse 75], 44°/ à M. [VN] [DL], domicilié [Adresse 37], 45°/ à M. [EP] [C], domicilié [Adresse 50], 46°/ à Mme [ZC] [M], domiciliée [Adresse 39], 47°/ à Mme [L] [IR], domiciliée [Adresse 27], 48°/ à M. [TK] [EL], domicilié [Adresse 33], 49°/ à Mme [KU] [WE], domiciliée [Adresse 59], 50°/ à Mme [CX] [Z], domiciliée [Adresse 51], 51°/ à M. [NN] [PE], domicilié [Adresse 49], 52°/ à Mme [AU] [HN], domiciliée [Adresse 64], 53°/ à Mme [W] [KY], domiciliée [Adresse 38], 54°/ à Mme [O] [AR], domiciliée chez ensemble [Adresse 76], 55°/ à M. [GF] [WZ], domicilié [Adresse 40], 56°/ à Mme [W] [YU], domiciliée [Adresse 63], 57°/ à M. [RP] [MX], domicilié [Adresse 77], 58°/ à Mme [VW] [H], domiciliée [Adresse 66], 59°/ à M. [R] [HS], domicilié [Adresse 41], 60°/ à M. [NB] [WR], domicilié [Adresse 5], 61°/ à Mme [RL] [ZG], domiciliée [Adresse 46], 62°/ à M. [KH] [BG], domicilié [Adresse 18], 63°/ à Mme [KL] [VS], domiciliée [Adresse 19], 64°/ à Mme [OA] [IA], domiciliée [Adresse 28], 65°/ à M. [YL] [G], domicilié [Adresse 61], 66°/ à M. [RP] [II], domicilié [Adresse 52], 67°/ à M. [MK] [BV], domicilié [Adresse 74], 68°/ à Mme [HJ] [FO], domiciliée [Adresse 53], 69°/ à Mme [RH] [PM], domiciliée [Adresse 48], 70°/ à Mme [X] [NJ], domiciliée [Adresse 30], 71°/ à M. [SU] [TC], domicilié [Adresse 23], 72°/ à Mme [CC] [TT] [PA], domiciliée [Adresse 6], 73°/ à Mme [XV] [U], domiciliée [Adresse 11], 74°/ à M. [BY] [J], domicilié [Adresse 34], 75°/ à M. [TX] [YH], domicilié [Adresse 22], 76°/ à M. [I] [E], domicilié [Adresse 71], 77°/ à Mme [B] [UF], domiciliée [Adresse 72], 78°/ à M. [GB] [PR], domicilié [Adresse 65], 79°/ à M. [AK] [FK], domicilié [Adresse 7], 80°/ à Mme [IM] [MO], domiciliée [Adresse 2], 81°/ à Mme [F] [S], domiciliée [Adresse 47], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Adrexo, après débats en l'audience publique du 6 avril 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, 4 décembre 2020), par décision unilatérale du 18 décembre 2019, la société Adrexo (la société) a prévu l'élection par vote électronique des membres de la délégation du personnel au comité social et économique. Les deux tours du scrutin se sont déroulés du 19 au 26 février et du 11 au 18 mars 2020. Par requêtes des 5 et 11 mars 2020, invoquant diverses irrégularités dans le recours au vote électronique et son déroulement, la Fédération CFTC Média et la Fédération SUD PTT ont saisi le tribunal judiciaire en annulation des élections. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. La société fait grief au jugement d'annuler les élections au comité social et économique, membres titulaires et suppléants, alors : « 1°/ que le système de vote électronique retenu doit assurer la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l'adressage des moyens d'authentification, de l'émargement, de l'enregistrement et du dépouillement des votes ; qu'en l'espèce, la société Adrexo faisait valoir qu'il ne pouvait pas être admis que les salariés du collège « employé » puissent utiliser un matériel professionnel ne leur appartenant pas pour procéder au vote, dans la mesure où l'utilisation d'un ordinateur professionnel appartenant (pendant le temps de la relation de travail) aux cadres et agents de maîtrise ne peut ni être confié à des tiers pour les opérations de vote, encore moins être utilisé par les propriétaires du matériel pour voter au lieu et place d'autres salariés, pour des raisons évidentes de confidentialité et, partant, de sincérité du scrutin ; qu'en inférant pourtant des courriels des 4 et 14 février 2020 de Mme [LG], juriste pour le compte de la société, et du 18 février 2020 adressé par la direction des ressources humaines au personnel, que l'employeur aurait « estimé devoir interdire toute utilisation des ordinateurs de la société par les distributeurs ou d'un ordinateur personnel par ces derniers », et en en déduisant que l'employeur aurait porté atteinte à l'égalité des salariés face à l'exercice du droit de vote, sans rechercher, ainsi qu'il y était invité, si une telle prescription émise par l'employeur, garant de la sécurité et de la confidentialité du vote, n'était pas légitime et même indispensable pour garantir la sincérité du scrutin, le tribunal judiciaire a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2314-8, L. 2314-21 à L. 2314-24, L. 2324-11 et L. 2324-19 à L. 2324-22 du code du travail, ensemble l'article R. 2314-5 du même code ; 2°/ que le système de vote électronique retenu doit assurer la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l'adressage des moyens d'authentification, de l'émargement, de l'enregistrement et du dépouillement des votes ; qu'en l'espèce, la société Adrexo faisait valoir que les salariés du collège « employé » ne disposent pas de matériels informatiques professionnels, à l'inverse de ceux des autres collèges et que n'étant donc pas placés dans une situation identique, mais n'étant pour autant nullement empêchés de procéder aux opérations de vote, il ne pouvait y avoir d'inégalité de traitement, ni de mise à mal de la sincérité du scrutin ; qu'en jugeant que l'employeur aurait porté atteinte à l'égalité des salariés face à l'exercice du droit de vote, quand il résultait de ses propres constatations que les agents de maîtrise et les cadres disposaient d'un bureau et d'un poste de travail dans le cadre de leurs fonctions, de sorte qu'ils n'étaient pas dans une situation identique à celle des salariés employés ne disposant pas d'un ordinateur professionnel, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2314-8, L. 2314-21 à L. 2314-24, L. 2324-11 et L. 2324-19 à L 2324-22 du code du travail, ensemble l'article R. 2314-5 du même code ; 3°/ que l'élection des membres de la délégation du personnel du comité social et économique peut être réalisée par vote électronique, le cas échéant comme modalité unique de vote, sur le lieu de travail ou à distance ; que cette possibilité prévue par la loi repose sur le postulat que, dès lors que sont satisfaites les conditions relatives à la communication des données nécessaires à la réalisation du vote électronique et qu'un délai suffisant est laissé aux salariés pour voter par voie électronique à distance, tout salarié est réputé à même d'avoir accès aux moyens techniques élémentaires permettant l'expression du vote par voie électronique (connexion internet) ; qu'aux termes de la décision unilatérale de l'employeur relative à la mise en place du vote électronique : « Les électeurs ont la possibilité de voter à tout moment pendant la période d'ouverture du vote électronique à partir de n'importe quel terminal internet via un lien direct avec le site du prestataire, de leur lieu de travail, de leur domicile ou de tout autre lieu de leur choix en se connectant sur le site sécurisé propre aux élections » ; qu'il était par ailleurs constant que la durée du scrutin, tant au premier tour qu'on second tour, était de huit jours, soit un délai amplement suffisant pour que tout salarié puisse avoir accès par ses propres moyens à une connexion internet lui permettant de voter ; qu'en l'espèce, en annulant les élections du comité social et économique titulaires et suppléants au sein de la société Adrexo, au motif que l'employeur n'aurait pas pris « les précautions appropriées pour que ne soit écartée du scrutin aucune personne ne disposant pas du matériel nécessaire ou résidant dans une zone non desservie par internet » et ne justifiait pas « de ce qui l'empêchait de mettre en place des procédés permettant de pallier le défaut d'accès de ses distributeurs au matériel de vote, comme, par exemple, la mise en place dans ses établissements des terminaux dédiés au vote électronique avec un protocole garantissant la sécurité et la confidentialité des votes », de sorte qu'il aurait méconnu l'égalité des salariés face à l'exercice du droit de vote, le tribunal a violé les articles L. 2314-8, L. 2314-21 à L. 2314-24, L. 2324-11 et L. 2324-19 à L. 2324-22 du code du travail, ensemble l'article R. 2314-5 du même code ; 4°/ que l'élection des membres de la délégation du personnel du comité social et économique peut être réalisée par vote électronique, le cas échéant comme modalité unique de vote, sur le lieu de travail ou à distance ; que cette possibilité prévue par la loi repose sur le postulat que, dès lors que sont satisfaites les conditions relatives à la communication des données nécessaires à la réalisation du vote électronique et qu'un délai suffisant est laissé aux salariés pour voter par voie électronique à distance, tout salarié est réputé à même d'avoir accès aux moyens techniques élémentaires permettant l'expression du vote par voie électronique (connexion internet) ; qu'en l'espèce, pour annuler le scrutin, le tribunal a retenu, par des motifs généraux et abstraits, une prétendue rupture d'égalité entre les candidats résultant censément de ce que l'employeur n'aurait pas pris les précautions appropriées pour que ne soit écartée du scrutin aucune personne ne disposant pas du matériel nécessaire ou résidant dans une zone non desservie par internet ; qu'en se déterminant de la sorte, sans à aucun moment faire ressortir de manière précise ni concrète si des salariés avaient été effectivement empêchés de voter pour des raisons d'accessibilité à du matériel électronique, ni en quelle proportion, sans préciser aucun élément probant qui aurait démontré une telle difficulté d'accès au vote électronique et sans, enfin, caractériser une influence sur les résultats du scrutin, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2314-8, L. 2314-21 à L. 2314-24, L. 2324-11 et L. 2324-19 à L. 2324-22 du code du travail, ensemble l'article R. 2314-5 du même code ; 5°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société Adrexo faisait valoir que le simple constat d'une participation plus faible ne prouve pas une difficulté dans les opérations électorales occasionnée par la mise en place du vote électronique, mais bien une tendance générale et nationale constatée aussi bien dans le cadre des élections politiques que dans le cadre des élections professionnelles, avec pour ces dernières, au niveau national, un taux d'abstention largement supérieur au taux de participation ; que la société produisait à l'appui de son argumentation un communiqué de presse de la Direction générale du travail le démontrant ; que le tribunal judiciaire, pour annuler les élections professionnelles, a retenu qu' « en 2016, 6.675 employés avaient voté alors qu'ils n'ont été que 3.385 en 2020 sans que l'employeur ne fasse état d'une baisse importante des effectifs » ; qu'en se déterminant ainsi, sans prendre en compte ni analyser, même sommairement, ledit communiqué de presse, dont il s'évinçait qu'il ne pouvait être établi une corrélation entre le taux de participation plus faible et la mise en place du vote électronique, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6°/ que lorsque l'irrégularité relevée n'affecte qu'un seul collège, l'annulation ne doit viser que le collège concerné ; qu'en l'espèce, pour annuler le premier tour des élections professionnelles titulaires et suppléants au sein de la société Adrexo, le tribunal a retenu que les distributeurs constituent la très grande majorité du collège employés et que l'employeur n'aurait pas justifié de ce qui l'aurait empêché de mettre en place des procédés permettant de pallier le défaut d'accès de ses distributeurs au matériel de vote ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que les agents de maîtrise et cadres disposaient d'un bureau et d'un poste de travail dans les locaux de la société, de sorte que la supposée irrégularité retenue n'avait, en tout état de cause, pas affecté le vote dans les collèges dont ils relevaient, le tribunal a violé les articles L. 2314-8, L. 2314-21 à L. 2314-24, L. 2324-11 et L. 2324-19 à L. 2324-22 du code du travail. » Réponse de la Cour 3. Selon l'article L. 2314-26 du code du travail l'employeur peut décider de recourir au vote électronique à défaut d'accord d'entreprise, dans les conditions prévues par décret au Conseil d'Etat. L'article L. 2314-27 de ce code précise que, sauf accord contraire, l'élection a lieu pendant le temps de travail. Le recours au vote électronique ne permet pas de déroger aux principes généraux du droit électoral (Soc. 3 octobre 2018, n° 17-29.022, publié). 4. Selon l'article R. 2314-5 du code du travail, l'élection peut être réalisée par vote électronique sur le lieu de travail ou à distance, suivant un cahier des charges respectant les conditions prévues par les articles R. 2314-6 et suivants. Le second alinéa de l'article R. 2314-6 précise que le système retenu assure la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l'adressage des moyens d'authentification, de l'émargement, de l'enregistrement et du dépouillement des votes. 5. Ayant relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve, que la société, alertée sur les difficultés de certains salariés, parmi les distributeurs ne disposant d'aucun bureau ni poste de travail dans les locaux de la société, à se connecter sur la plate-forme de vote durant la période d'ouverture du vote, avait interdit, pour des raisons de confidentialité, toute utilisation des ordinateurs de la société par les distributeurs ou d'un ordinateur personnel par ces derniers au sein de l'entreprise, sans avoir l'assurance que l'ensemble de ses salariés pourraient avoir accès à un matériel permettant d'exercer leur droit de vote et sans justifier de ce qui l'empêchait de mettre en place des procédés permettant de pallier le défaut d'accès de ses distributeurs au matériel de vote, comme, par exemple, la mise en place dans ses établissements des terminaux dédiés au vote électronique avec un protocole garantissant la sécurité et la confidentialité des votes, le tribunal en a déduit que la société n'avait pas pris les précautions appropriées pour que ne soit écartée du scrutin aucune personne ne disposant pas du matériel nécessaire ou résidant dans une zone non desservie par internet, ce dont il résultait une atteinte au principe général d'égalité face à l'exercice du droit de vote, constituant à elle seule une cause d'annulation du scrutin, quelle que soit son incidence sur le résultat. Le tribunal a ainsi légalement justifié sa décision, sans être tenu de procéder aux recherches prétendument omises que ses constatations rendaient inopérantes. 6. Le moyen qui, pris en sa dernière branche, est nouveau et mélangé de fait et partant irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Adrexo ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Adrexo Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé les élections du comité social et économique, titulaires et suppléants ; AUX MOTIFS QUE sur l'accès au vote des électeurs ; dès lors que les conditions de l'article L. 2314-26 susvisés sont réunies, l'employeur peut choisir de recourir au vote électronique par internet comme seule modalité de vote aux élections professionnelles ; par décision unilatérale en date du 18 décembre 2019, l'employeur a décidé que le vote électronique serait le mode unique de vote pour l'ensemble des collèges et a écarté tout vote à bulletin secret sous enveloppe ; le collège cadre comportait 393 votants le collège TAM 268 votants et le collège employés 15.406 employés ; la catégorie employés comprend, aux dires de l'employeur, le personnel spécifiquement attaché aux dépôts (manutentionnaires, préparateurs, secrétariat) et les distributeurs ; l'employeur indique que les distributeurs se présentent aux dépôts une fois par semaine pour récupérer les feuilles de route et les documents à distribuer ; ces derniers, contrairement aux agents de maîtrise et aux cadres, ne disposent donc d'aucun bureau ni contrairement aux agents de maîtrise et aux cadres, ne disposent donc d'aucun bureau ni poste de travail dans les locaux de la société ; il est incontestable que les distributeurs constituent la très grande majorité des employés dont un certain nombre est retraité ; alerté sur les difficultés de distributeurs à se connecter sur la plateforme de vote durant la période d'ouverture du vote, l'employeur a estimé devoir interdire toute utilisation des ordinateurs de la société par les distributeurs ou d'un ordinateur personnel par ces derniers, ce qui résulte des éléments suivants : - un mail du 4 février 2020 émanant de Mme [CC] [LG], juriste, pour le compte de la société qui écrit, s'adressant aux organisations syndicales : « Suite à nos échanges lors du CE de mercredi et à vos inquiétudes, concernant une éventuelle mise à disposition d'un ordinateur du centre en cas de difficulté d'un distributeur à se connecter sur la plateforme de vote durant la période d'ouverture du vote, nous avons pris la décision de ne pas autoriser les managers à mettre à disposition les ordinateurs des centres pour permettre le vote. Cette information sera transmise à l'intégralité de managers afin que cette règle soit appliquée par tous » ; - un second mail émanant de Mme [CC] [LG] daté du 14 février 2020 est rédigée en ces termes : « (…) Je souhaite également préciser ma réponse concernant l'usage des ordinateurs au sein des centres Adrexo. Il m'a été demandé s'il était envisageable d'apporter un ordinateur personnel au sein du centre dans un lieu isolé. Cette pratique n'est pas autorisée par l'entreprise et ne doit pas être mise en place » ; - un mail du 18 février 2020 adressé par la direction des ressources humaines au personnel pour lui rappeler l'ouverture de lendemain de la plateforme de vote pour le 1er tour des élections, écrit : « Nous rappelons aux managers qu'il est interdit de mettre à disposition du personnel de distribution les ordinateurs des agences Adrexo pour procéder au vote. Il est également interdit de mettre à disposition dans les agences des ordinateurs personnels afin d'accéder à la plateforme de vote » ; Adrexo, pour soutenir que le recours au vote électronique n'a pas été de nature à exclure qui que ce soit dans le processus électorale invoque des statistiques de l'INSEE de 2018 et 2019 pour dire que la quasi-totalité de la population française dispose ou peut facilement disposer d'une connexion internet, que ce soit par le biais d'une connexion terrestre ou par le biais d'une connexion via un téléphone portable ; il ressort des statistiques produites par l'employeur qu'en 2018, 95,4 % de la population disposait d'un téléphone portable – et non d'un smartphone comme le soutient l'employeur, que cette proposition baisse avec l'âge et que 82,3 % disposait d'un ordinateur portable ; en 2020, 90 % des ménages ont accès à internet ; en produisant ces statistiques, Adrexo admet de facto qu'il n'avait pas l'assurance que l'ensemble de ses salariés pourraient avoir accès à un matériel permettant d'exercer son droit de vote ; Adrexo ne conteste d'ailleurs pas que la participation au vote des employés a notablement baissé entre les élections de 2016 et les élections de 2020 ; ainsi, il résulte des pièces versées aux débats qu'en 2016, 6.675 employés avaient voté alors qu'ils n'ont été que 3.385 en 2020 sans que l'employeur ne fasse état d'une baisse importante de ses effectifs ; Adrexo ne justifie cependant pas de ce qu'il l'empêchait de mettre en place des procédés permettant de pallier le défaut d'accès de ses distributeurs au matériel de vote, comme, par exemple, la mise en place dans ses établissements des terminaux dédiés au vote électronique avec un protocole garantissant la sécurité et la confidentialité des votes ; en ne prenant pas les précautions appropriées pour que ne soit écartée du scrutin aucune personne ne disposant du matériel nécessaire ou résidant dans une zone non desservie par internet, l'employeur a porté atteinte à l'égalité des salariés face à l'exercice du droit de vote ; ce manquement de l'employeur qui affecte directement un principe général du droit électoral constitue une cause d'annulation du scrutin, quelle que soit son incidence sur le résultat ; sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres griefs susceptibles d'avoir entaché l'élection au comité social et économique de la société Adrexo ; le 2nd tour est de fait invalide ; il n'apparaît en revanche pas nécessaire d'ordonner à l'employeur de procéder à de nouvelles élections et de négocier un protocole préélectoral dès lors qu'il s'agit d'obligations légales lui incombant et que l'employeur doit tirer toutes les conséquences de l'annulation des élections ; 1) ALORS QUE le système de vote électronique retenu doit assurer la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l'adressage des moyens d'authentification, de l'émargement, de l'enregistrement et du dépouillement des votes ; qu'en l'espèce, la société Adrexo faisait valoir qu'il ne pouvait pas être admis que les salariés du collège « employé » puissent utiliser un matériel professionnel ne leur appartenant pas pour procéder au vote, dans la mesure où l'utilisation d'un ordinateur professionnel appartenant (pendant le temps de la relation de travail) aux cadres et agents de maîtrise ne peut ni être confié à des tiers pour les opérations de vote, encore moins être utilisé par les propriétaires du matériel pour voter au lieu et place d'autres salariés, pour des raisons évidentes de confidentialité et, partant, de sincérité du scrutin ; qu'en inférant pourtant des courriels des 4 et 14 février 2020 de Mme [LG], juriste pour le compte de la société, et du 18 février 2020 adressé par la direction des ressources humaines au personnel, que l'employeur aurait « estimé devoir interdire toute utilisation des ordinateurs de la société par les distributeurs ou d'un ordinateur personnel par ces derniers », et en en déduisant que l'employeur aurait porté atteinte à l'égalité des salariés face à l'exercice du droit de vote, sans rechercher, ainsi qu'il y était invité, si une telle prescription émise par l'employeur, garant de la sécurité et de la confidentialité du vote, n'était pas légitime et même indispensable pour garantir la sincérité du scrutin, le tribunal judiciaire a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2314-8, L. 2314-21 à L. 2314-24, L. 2324-11 et L. 2324-19 à L. 2324-22 du code du travail, ensemble l'article R. 2314-5 du même code ; 2) ALORS QUE le système de vote électronique retenu doit assurer la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l'adressage des moyens d'authentification, de l'émargement, de l'enregistrement et du dépouillement des votes ; qu'en l'espèce, la société Adrexo faisait valoir que les salariés du collège « employé » ne disposent pas de matériels informatiques professionnels, à l'inverse de ceux des autres collèges et que n'étant donc pas placés dans une situation identique, mais n'étant pour autant nullement empêchés de procéder aux opérations de vote, il ne pouvait y avoir d'inégalité de traitement, ni de mise à mal de la sincérité du scrutin ; qu'en jugeant que l'employeur aurait porté atteinte à l'égalité des salariés face à l'exercice du droit de vote, quand il résultait de ses propres constatations que les agents de maîtrise et les cadres disposaient d'un bureau et d'un poste de travail dans le cadre de leurs fonctions, de sorte qu'ils n'étaient pas dans une situation identique à celle des salariés employés ne disposant pas d'un ordinateur professionnel, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2314-8, L. 2314-21 à L. 2314-24, L. 2324-11 et L. 2324-19 à L 2324-22 du code du travail, ensemble l'article R. 2314-5 du même code ; 3) ALORS QUE l'élection des membres de la délégation du personnel du comité social et économique peut être réalisée par vote électronique, le cas échéant comme modalité unique de vote, sur le lieu de travail ou à distance ; que cette possibilité prévue par la loi repose sur le postulat que, dès lors que sont satisfaites les conditions relatives à la communication des données nécessaires à la réalisation du vote électronique et qu'un délai suffisant est laissé aux salariés pour voter par voie électronique à distance, tout salarié est réputé à même d'avoir accès aux moyens techniques élémentaires permettant l'expression du vote par voie électronique (connexion internet) ; qu'aux termes de la décision unilatérale de l'employeur relative à la mise en place du vote électronique : « Les électeurs ont la possibilité de voter à tout moment pendant la période d'ouverture du vote électronique à partir de n'importe quel terminal internet via un lien direct avec le site du prestataire, de leur lieu de travail, de leur domicile ou de tout autre lieu de leur choix en se connectant sur le site sécurisé propre aux élections » ; qu'il était par ailleurs constant que la durée du scrutin, tant au premier tour qu'on second tour, était de huit jours, soit un délai amplement suffisant pour que tout salarié puisse avoir accès par ses propres moyens à une connexion internet lui permettant de voter ; qu'en l'espèce, en annulant les élections du comité social et économique titulaires et suppléants au sein de la société Adrexo, au motif que l'employeur n'aurait pas pris « les précautions appropriées pour que ne soit écartée du scrutin aucune personne ne disposant pas du matériel nécessaire ou résidant dans une zone non desservie par internet » et ne justifiait pas « de ce qui l'empêchait de mettre en place des procédés permettant de pallier le défaut d'accès de ses distributeurs au matériel de vote, comme, par exemple, la mise en place dans ses établissements des terminaux dédiés au vote électronique avec un protocole garantissant la sécurité et la confidentialité des votes », de sorte qu'il aurait méconnu l'égalité des salariés face à l'exercice du droit de vote, le tribunal a violé les articles L. 2314-8, L. 2314-21 à L. 2314-24, L. 2324-11 et L. 2324-19 à L. 2324-22 du code du travail, ensemble l'article R. 2314-5 du même code ; 4) ALORS QUE l'élection des membres de la délégation du personnel du comité social et économique peut être réalisée par vote électronique, le cas échéant comme modalité unique de vote, sur le lieu de travail ou à distance ; que cette possibilité prévue par la loi repose sur le postulat que, dès lors que sont satisfaites les conditions relatives à la communication des données nécessaires à la réalisation du vote électronique et qu'un délai suffisant est laissé aux salariés pour voter par voie électronique à distance, tout salarié est réputé à même d'avoir accès aux moyens techniques élémentaires permettant l'expression du vote par voie électronique (connexion internet) ; qu'en l'espèce, pour annuler le scrutin, le tribunal a retenu, par des motifs généraux et abstraits, une prétendue rupture d'égalité entre les candidats résultant censément de ce que l'employeur n'aurait pas pris les précautions appropriées pour que ne soit écartée du scrutin aucune personne ne disposant pas du matériel nécessaire ou résidant dans une zone non desservie par internet ; qu'en se déterminant de la sorte, sans à aucun moment faire ressortir de manière précise ni concrète si des salariés avaient été effectivement empêchés de voter pour des raisons d'accessibilité à du matériel électronique, ni en quelle proportion, sans préciser aucun élément probant qui aurait démontré une telle difficulté d'accès au vote électronique et sans, enfin, caractériser une influence sur les résultats du scrutin, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2314-8, L. 2314-21 à L. 2314-24, L. 2324-11 et L. 2324-19 à L. 2324-22 du code du travail, ensemble l'article R. 2314-5 du même code ; 5) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société Adrexo faisait valoir que le simple constat d'une participation plus faible ne prouve pas une difficulté dans les opérations électorales occasionnée par la mise en place du vote électronique, mais bien une tendance générale et nationale constatée aussi bien dans le cadre des élections politiques que dans le cadre des élections professionnelles, avec pour ces dernières, au niveau national, un taux d'abstention largement supérieur au taux de participation ; que la société produisait à l'appui de son argumentation un communiqué de presse de la Direction générale du travail le démontrant (pièce n° 54) ; que le tribunal judiciaire, pour annuler les élections professionnelles, a retenu qu' « en 2016, 6.675 employés avaient voté alors qu'ils n'ont été que 3.385 en 2020 sans que l'employeur ne fasse état d'une baisse importante des effectifs » ; qu'en se déterminant ainsi, sans prendre en compte ni analyser, même sommairement, ledit communiqué de presse, dont il s'évinçait qu'il ne pouvait être établi une corrélation entre le taux de participation plus faible et la mise en place du vote électronique, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6) et ALORS en tout état de cause QUE lorsque l'irrégularité relevée n'affecte qu'un seul collège, l'annulation ne doit viser que le collège concerné ; qu'en l'espèce, pour annuler le premier tour des élections professionnelles titulaires et suppléants au sein de la société Adrexo, le tribunal a retenu que les distributeurs constituent la très grande majorité du collège employés et que l'employeur n'aurait pas justifié de ce qui l'aurait empêché de mettre en place des procédés permettant de pallier le défaut d'accès de ses distributeurs au matériel de vote ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que les agents de maîtrise et cadres disposaient d'un bureau et d'un poste de travail dans les locaux de la société, de sorte que la supposée irrégularité retenue n'avait, en tout état de cause, pas affecté le vote dans les collèges dont ils relevaient, le tribunal a violé les articles L. 2314-8, L. 2314-21 à L. 2314-24, L. 2324-11 et L. 2324-19 à L. 2324-22 du code du travail.
Le recours au vote électronique ne permet pas de déroger aux principes généraux du droit électoral. Le principe d'égalité face à l'exercice du droit de vote est un principe général du droit électoral
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SOC. CA3 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juin 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 679 FS-B sur le premier moyen Pourvoi n° P 20-16.836 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2022 La société Feu vert, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-16.836 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [J] [C], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Feu vert, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 avril 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mme Ott, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 juin 2020), statuant en référé, M. [C] a été engagé le 9 avril 2002 par la société Feu vert en qualité de responsable accueil montage. Il est devenu conseiller vente en 2006. A compter de 2012, le salarié a été investi de mandats de délégué syndical, de représentant syndical au comité d'établissement, de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, de conseiller prud'homme et de défenseur syndical. Il exerçait ses fonctions représentatives à temps complet depuis le 1er janvier 2013. 2. Au cours de l'année 2018, la société Feu vert a demandé au salarié de reprendre une activité professionnelle effective au motif que la durée de ses mandats ne couvrait plus l'intégralité de son temps de travail contractuel. 3. Le 20 février 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant au paiement d'une provision à titre de rappel de salaire pour retenues sur salaire injustifiées opérées d'octobre 2018 à janvier 2019 et de dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme provisionnelle au titre des retenues sur salaire opérées pour la période d'octobre 2018 à janvier 2019 outre les congés payés afférents, alors : « 1°/ que le conseil de prud'hommes statuant en référé n'est compétent pour accorder une provision au créancier que lorsque l'existence de son obligation n'est pas sérieusement contestable ; que s'il appartient à l'employeur d'établir, devant les juges du fond, à l'appui de sa contestation, la non-conformité de l'utilisation des heures de délégation avec l'objet du mandat représentatif, de sorte que la demande du salarié en paiement, en référé, d'une provision n'excédant pas le crédit d'heures dont il bénéficiait à ce titre n'est pas sérieusement contestable, en revanche, se heurte à une contestation sérieuse qui excède la compétence du juge des référés, la demande de provision du salarié au titre d'heures de délégation qui est contestée par l'employeur non pas en raison d'un défaut de conformité d'utilisation de celles-ci, mais parce que les mandats représentatifs du salarié ne couvrent plus désormais l'intégralité de son temps de travail, le privant ainsi du droit à la rémunération afférente ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-7 du code du travail ; 2°/ que le conseil de prud'hommes statuant en référé n'est compétent pour accorder une provision au créancier, sur le fondement de l'article R. 1455-7 du code du travail, que lorsque l'existence de son obligation n'est sérieusement contestable ; qu'en décidant "qu'en vertu de l'article R. 1455-6 du code du travail", le conseil des prud'hommes de Chambéry s'est déclaré valablement compétent pour statuer en référé sur les rappels de salaires sollicités par le salarié à titre provisionnel, relatifs aux retenues concernant les heures de délégations, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 1455-6 du code du travail ; 3°/ en tout état de cause, que si en vertu de l'article R. 1455-6 du code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite, encore faut-il qu'elle constate la réunion des conditions d'application de ce texte ; qu'en statuant sans avoir ni constaté ni caractérisé l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-6 du code du travail. » Réponse de la Cour 5. Il résulte des dispositions de l'article L. 2143-17 du code du travail que les temps de délégation sont de plein droit considérés comme temps de travail et payés à l'échéance normale. 6. En application de l'article R. 1455-6 du même code, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite. 7. La cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait opéré des retenues sur le salaire mensuel du salarié au titre des heures de délégation, a ainsi caractérisé l'existence d'un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser par le remboursement des retenues ainsi opérées, peu important l'existence de la contestation sérieuse élevée par l'employeur selon lequel les mandats représentatifs du salarié ne couvraient plus l'intégralité de son temps de travail. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, alors « qu'en se bornant à retenir, que faute pour la société Feu vert de justifier du paiement intégral des salaires de M. [C] à compter de février 2019 dans l'attente du jugement au fond sur la contestation du quotas des heures de délégations syndicales par le conseil des prud'hommes compte tenu de la présomption de conformité, M. [C] avait subi un préjudice lié au défaut de paiement en intégralité de ses salaires qu'il convenait d'évaluer à la somme de 2 000 euros, sans avoir caractérisé ni la résistance abusive de l'employeur ni l'existence d'un préjudice subi par le salarié indépendant du retard de paiement et causé par la faute de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 et 1241 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1231-6 du code civil : 10. Selon ce texte, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l'intérêt moratoire. 11. Pour condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt retient qu'il est de principe qu'il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables, que le salaire dû afférent au travail effectué a été payé et que, faute pour l'employeur de justifier du paiement intégral des salaires à compter de février 2019 dans l'attente du jugement au fond sur la contestation du quota des heures de délégation syndicale par le conseil des prud'hommes compte tenu de la présomption de conformité, le salarié a subi un préjudice, lié au défaut de paiement en intégralité de ses salaires, qu'il convient d'évaluer à la somme de 2 000 euros. 12. En statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du retard de paiement, causé par la mauvaise foi de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, pris en sa première branche, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Feu vert à payer à M. [C] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 9 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Feu vert PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SAS Feu Vert à payer à M. [C], à titre provisionnel, la somme de 2 373,15 euros, outre les congés payés afférents, au titre des retenues sur salaire opérées par l'employeur pour la période d'octobre 2018 à janvier 2019 ; Aux motifs qu'il ressort de l'article L. 2143-17 du code du travail que les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale ; l'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire ; la demande de M. [C] devant la formation référé du conseil des prud'hommes de [Localité 3] concerne le paiement d'un montant de 2 373,15 euros outre 237,32 euros pour congés payés afférents, au titre des retenues sur salaire opérées par l'employeur d'octobre 2018 à janvier 2019 pour les heures de délégation liées à l'exercice du droit syndical ; les dites retenues non contestées par la SAS Feu vert posent le débat de la justification par le salarié de ses heures de délégation et de représentation syndicales (conseiller prud'homal et défenseur syndical) pendant cette période, les parties étant en désaccord sur le fait que les mandats représentatifs de M. [C] couvrent désormais l'intégralité de son temps de travail ; toutefois, l'employeur qui conteste l'utilisation conforme des heures de délégation par son salarié ne peut en refuser le paiement, compte tenu du principe de présomption d'utilisation conforme, et il lui appartient de saisir a posteriori la juridiction compétente ; ainsi il appartenait à la SAS Feu vert de régler les heures de délégation de M. [C] à échéance en considération de la périodicité de la paie et ensuite de saisir le juge du fond d'une contestation éventuelle ; par conséquent, il y a lieu de constater, qu'en vertu de l'article R. 1455-6 du code du travail susvisé, le conseil des prud'hommes de [Localité 3] s'est déclaré valablement compétent pour statuer en référé sur les rappels de salaires sollicités par le salarié à titre provisionnel relatives aux retenues concernant les heures de délégations et il convient de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la SAS Feu vert à régler à M. [C] à titre provisionnel la somme de 2 373,15 euros outre 237,32 euros pour congés payés afférents, au titre des retenues sur salaire opérées par l'employeur pour la période d'octobre 2018 à janvier 2019 ; Alors 1°) que le conseil de prud'hommes statuant en référé n'est compétent pour accorder une provision au créancier que lorsque l'existence de son obligation n'est pas sérieusement contestable ; que s'il appartient à l'employeur d'établir, devant les juges du fond, à l'appui de sa contestation, la non-conformité de l'utilisation des heures de délégation avec l'objet du mandat représentatif, de sorte que la demande du salarié en paiement, en référé, d'une provision n'excédant pas le crédit d'heures dont il bénéficiait à ce titre n'est pas sérieusement contestable, en revanche, se heurte à une contestation sérieuse qui excède la compétence du juge des référés, la demande de provision du salarié au titre d'heures de délégation qui est contestée par l'employeur non pas en raison d'un défaut de conformité d'utilisation de celles-ci, mais parce que les mandats représentatifs du salarié ne couvrent plus désormais l'intégralité de son temps de travail, le privant ainsi du droit à la rémunération afférente ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-7 du code du travail ; Alors 2°) que le conseil de prud'hommes statuant en référé n'est compétent pour accorder une provision au créancier, sur le fondement de l'article R. 1455-7 du code du travail, que lorsque l'existence de son obligation n'est sérieusement contestable ; qu'en décidant « qu'en vertu de l'article R. 1455-6 du code du travail », le conseil des prud'hommes de Chambéry s'est déclaré valablement compétent pour statuer en référé sur les rappels de salaires sollicités par le salarié à titre provisionnel, relatifs aux retenues concernant les heures de délégations, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 1455-6 du code du travail ; Alors 3°) et en tout état de cause, que si en vertu de l'article R. 1455-6 du code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite, encore faut-il qu'elle constate la réunion des conditions d'application de ce texte ; qu'en statuant sans avoir ni constaté ni caractérisé l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-6 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SAS Feu Vert à payer à M. [C] la somme de 2 000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive ; Aux motifs que sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables, que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé ; que faute pour la SAS Feu vert de justifier du paiement intégral des salaires de M. [C] à compter de février 2019 dans l'attente du jugement au fond sur la contestation du quotas des heures de délégations syndicales par le conseil des prud'hommes compte tenu de la présomption de conformité, il convient par voie de réformation de l'ordonnance de dire que M. [C] a subi un préjudice lié au défaut de paiement en intégralité de ses salaires qu'il convient d'évaluer à la somme de 2 000 € ; Alors 1°) que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du présent chef de dispositif ; Alors 2°) et en tout état de cause, qu'en se bornant à retenir, que faute pour la SAS Feu Vert de justifier du paiement intégral des salaires de M. [C] à compter de février 2019 dans l'attente du jugement au fond sur la contestation du quotas des heures de délégations syndicales par le conseil des prud'hommes compte tenu de la présomption de conformité, M. [C] avait subi un préjudice lié au défaut de paiement en intégralité de ses salaires qu'il convenait d'évaluer à la somme de 2 000 €, sans avoir caractérisé ni la résistance abusive de l'employeur ni l'existence d'un préjudice subi par le salarié indépendant du retard de paiement et causé par la faute de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 et 1241 du code civil.
Il résulte des dispositions de l'article L. 2143-17 du code du travail que les temps de délégation sont de plein droit considérés comme temps de travail et payés à l'échéance normale. En application de l'article R. 1455-6 du même code, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dès lors, ayant constaté que l'employeur avait opéré des retenues sur le salaire mensuel du salarié au titre des heures de délégation, une cour d'appel caractérise l'existence d'un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser par le remboursement des retenues ainsi opérées, peu important l'existence de la contestation sérieuse élevée par l'employeur selon lequel les mandats représentatifs du salarié ne couvraient plus l'intégralité de son temps de travail
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SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juin 2022 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 680 FS-B sur le second moyen Pourvoi n° U 20-16.404 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2022 Mme [F] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-16.404 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2020 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l'opposant à la société Alcatel Lucent International, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Huglo, conseiller doyen, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Alcatel Lucent International, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 avril 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Huglo, conseiller doyen rapporteur, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 avril 2020), Mme [I] a été engagée le 24 juin 1980 en qualité de technicienne filière électronique par la société Alcatel Lucent International qui relève de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne. Le 29 mars 2013, une convention de rupture d'un commun accord pour motif économique a été signée entre les parties à effet au 1er avril 2013. La salariée a été en congé de reclassement jusqu'au 31 décembre 2016. 2. Le 28 juillet 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale en sollicitant notamment un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement et une certaine somme au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail en faisant valoir que la société n'avait pas fait une application régulière de l'accord d'intéressement du 28 juin 2013 s'agissant de l'intéressement versé au titre de l'année 2015. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande au titre du solde de l'indemnité de licenciement, alors : « 1°/ que l'accord d'entreprise du 31 janvier 1991 dispose que pour leur indemnité de licenciement, les personnes d'échelon V2 et V3 âgés de plus de 55 ans bénéficieront des mêmes règles que celles prévues à l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres, tout en ajoutant, dans un paragraphe distinct et autonome, que l'indemnité de licenciement des personnes d'échelon V2 et V3 âgées de plus de 55 ans sera majorée de 30% ; qu'il en résulte que l'accord d'entreprise excluait l'application du plafond de 18 mois prévu dans la convention de branche ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-9 du code du travail dans sa version applicable aux faits, ensemble l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et le titre III de l'accord d'entreprise relatif à certaines mesures destinées à faciliter le développement de carrières des techniciens en date du 31 janvier 1991. 2°/ qu'il résulte de l'article L. 2251-1 du code du travail et du principe fondamental, en droit du travail, qu'en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salariés qui doit recevoir application ; que l'accord d'entreprise du 31 janvier 1991 dispose que l'indemnité de licenciement allouée aux personnes d'échelon V2 et V3 âgées de plus de 55 ans sera majorée de 30% ; que l'article 29 de la convention collective nationale dispose que les ingénieurs et cadres âgés d'au moins 55 ans et de moins de 60 ans et ayant 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise bénéficient d'une indemnité majorée de 30% avec un plancher minimal de 6 mois et un plafond de 18 mois ; qu'en s'abstenant de déterminer si l'accord d'entreprise n'était pas plus favorable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de faveur et des articles L. 2251-1 et L. 1234-9 du code du travail dans sa version applicable aux faits, ensemble de l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et du titre III de l'accord d'entreprise relatif à certaines mesures destinées à faciliter le développement de carrières des techniciens en date du 31 janvier 1991. 3°/ que l'accord d'entreprise du 31 janvier 1991 dispose que pour leur indemnité de licenciement, les personnes d'échelon V2 et V3 âgés de plus de 55 ans bénéficieront des mêmes règles que celles prévues à l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres, tout en ajoutant dans un paragraphe distinct et autonome que l'indemnité de licenciement des personnes d'échelon V2 et V3 âgées de plus de 55 ans sera majorée de 30% ; que l'exposante avait fait valoir que lors de la réunion des délégués du personnel du mois de mai 2016, la direction avait confirmé l'application sans condition ni plafonnement de la disposition litigieuse ; qu'en se dispensant d'examiner ce point, comme elle y était pourtant invitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-9 du code du travail dans sa version applicable aux faits, ensemble l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et le titre III de l'accord d'entreprise relatif à certaines mesures destinées à faciliter le développement de carrières des techniciens en date du 31 janvier 1991. » Réponse de la Cour 4. Ayant relevé que l'accord du 31 janvier 1991 prévoyait que les techniciens d'échelon V2 et V3 « bénéficieront des mêmes règles que celles prévues à l'article 29 », sans exclure aucune de ces règles ou poser aucune restriction et que cet accord renvoyait à l'article 29 de la convention collective de branche pour la détermination des modalités de calcul de l'indemnité de licenciement et pour les dispositions ne faisant pas l'objet de dispositions spéciales, la cour d'appel a exactement retenu, en l'absence de concours entre les accords collectifs également applicables, que le plafond de dix-huit mois de traitement prévu par la convention collective de branche s'appliquait à l'indemnité déterminée par l'accord d'entreprise. 5. Il s'ensuit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus. Sur le second moyen Enoncé du moyen 6. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter le montant des dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail à la somme de 200 euros, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la répartition de celui-ci ; qu'en jugeant que la salariée ne répondait pas aux conditions d'éligibilité à l'accord d'intéressement, sans vérifier son appartenance aux effectifs de l'entreprise durant le congé de reclassement, alors qu'il s'agissait de la seule condition d'éligibilité à l'accord d'intéressement, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 1233-72 et L. 3342-1 du code du travail, ensemble les articles 3 et 4 de l'accord d'intéressement en date du 28 juin 2013. 2°/ qu'il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la répartition de celui-ci ; qu'en jugeant que la salariée ne répondait pas aux conditions d'éligibilité à l'accord d'intéressement, au motif que les sommes versées au titre de l'intéressement ne devaient pas être prises en compte dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congé de reclassement, alors que ladite assiette est sans incidence sur les conditions d'éligibilité à l'accord d'intéressement, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation des articles L. 1233-72 et L. 3342-1 du code du travail, ensemble les articles 3 et 4 de l'accord d'intéressement en date du 28 juin 2013. 3°/ qu'il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la répartition de celui-ci ; qu'en jugeant que la salariée ne répondait pas aux conditions d'éligibilité à l'accord d'intéressement, au motif que le congé de reclassement ne fait pas partie des périodes assimilées par l'article L. 3141-5 du code du travail à du temps de travail effectif et qu'il n'était pas justifié d'une disposition conventionnelle assimilant le congé de reclassement à du temps de travail effectif, la cour d'appel a statué par des motifs tout aussi erronés qu'inopérants, en violation des articles L. 1233-72 et L. 3342-1 du code du travail, ensemble les articles 3 et 4 de l'accord d'intéressement en date du 28 juin 2013. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords de participation ou d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de la participation ou de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation. 8. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 3314-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, la répartition de l'intéressement entre les bénéficiaires peut être uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice ou proportionnelle aux salaires. L'accord peut également retenir conjointement ces différents critères. Ces critères peuvent varier selon les établissements et les unités de travail. A cet effet, l'accord peut renvoyer à des accords d'établissement. Sont assimilées à des périodes de présence : 1° Les périodes de congé de maternité prévu à l'article L. 1225-17 et de congé d'adoption prévu à l'article L. 1225-37 ; 2° Les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle en application de l'article L. 1226-7. 9. Aux termes de l'article 4 de l'accord d'intéressement du 28 juin 2013, le salaire servant de base à la répartition est égal au total des sommes perçues par chaque bénéficiaire au cours de l'exercice considéré et répondant aux règles fixées à l'article 231 du code général des impôts relatif à la taxe sur les salaires. 10. En application des articles L. 1233-72 et L. 5123-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause, l'allocation de reclassement qui excède la durée du préavis n'est pas soumise aux cotisations de sécurité sociale, ni à la taxe sur les salaires. 11. Il en résulte que l'allocation de reclassement qui excède la durée du préavis n'entre pas dans l'assiette de la répartition de l'intéressement prévue par l'accord d'intéressement du 28 juin 2013. 12. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 3314-3 du code du travail, lorsque la répartition de l'intéressement est proportionnelle aux salaires, les salaires à prendre en compte au titre des périodes de congés, de maternité et d'adoption ainsi que des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle sont ceux qu'aurait perçus le bénéficiaire s'il avait été présent. 13. Il en résulte que la période du congé de reclassement n'est pas légalement assimilée à une période de temps de travail effectif. 14. L'arrêt constate que l'accord d'intéressement du 28 juin 2013 prévoit une répartition de l'intéressement, à hauteur de 50 % en fonction de la durée de présence du salarié dans l'entreprise et à hauteur de 50 % en fonction de la rémunération brute annuelle perçue au cours de l'exercice de référence et que l'accord précise que les absences résultant des congés payés, des jours de récupération du temps de travail ou de repos supplémentaires, des congés d'ancienneté, des congés conventionnels, des congés de formation prévus au plan de formation, des congés de formation économique, sociale et syndicale, des heures de délégation, de la maternité, de l'accident du travail et du trajet et d'une façon générale des périodes légalement ou conventionnellement assimilées au travail effectif n'ont aucune incidence sur le droit à répartition. 15. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a jugé qu'il n'était pas justifié d'une disposition conventionnelle assimilant le congé de reclassement à du temps de travail effectif et que la simple prise en compte par l'employeur de la prime d'ancienneté pour calculer la répartition de l'intéressement à l'expiration de la période de préavis n'était pas contraire aux règles légales et conventionnelles applicables. 16. Par ce motif de pur droit, les parties en ayant été avisées en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve justifié. 17. Le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [I] PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande au titre du solde de l'indemnité de licenciement. AUX MOTIFS propres QUE l'accord d'entreprise du 31 janvier 1991 dispose, au titre du rapprochement des statuts V2, V3 et ingénieurs : « La proximité professionnelle des techniciens supérieurs et des ingénieurs au sein des équipes de travail est un fait intangible et maintenir à différence sensible, de statut actuelle apparaissait comme une non-reconnaissance de l'évolution des métiers, aussi nous sommes communs d'améliorer au bénéfice des techniciens les points suivants : - congés d‘ancienneté (...) ; indemnité de licenciement : pour le calcul des indemnités de licenciement, les personnes d'échelon V2 et V3 bénéficieront des mêmes règles prévues à l'article 29 de la convention collectives des ingénieurs et cadres ; - allocations de, fin de carrière : les personnes d'échelon V2 et V3 bénéficieront des mêmes règles que celles prévues et l'article 31 et 32 de la convention collective des ingénieurs et cadres ; les personnes d'échelon V2 et V3 âgés de plus de 55 ans bénéficieront d'un préavis de six mois et leur indemnité de licenciement majorée de 30 %, les autres dispositions des conventions collectives des personnels mensuels démentent applicables. » ; loin de déroger à la convention collective de branche, l'accord d'entreprise renvoie au contraire vers l'article 29 de cette dernière pour la détermination des modalités de calcul de l'indemnité de licenciement et pour les dispositions qui ne font pas l'objet de dispositions spéciales ; qu'or, l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, étendu, dispose : « Il est alloué à l'ingénieur ou cadre, licencié sans avoir commis une faute grave, une indemnité de licenciement distincte du préavis. Le taux de cette indemnité de licenciement est fixé comme suit, en fonction de la durée de l''ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise : - pour la tranche de 1 à 7 ans d'ancienneté : 1/5 de mois par année d'ancienneté ; - pour la franche au-delà de 7 ans : 3/5 de mois par année d'ancienneté ; pour le calcul de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté et, le cas échéant, les conditions d'âge de l''ingénieur ou cadre sont appréciées à la date de fin du préavis exécuté ou non. Toutefois, la première année d'ancienneté, qui ouvre le droit à l'indemnité de licenciement, est apprécié à la date d'envoi de la lettre de notification du licenciement. (…). En ce qui concerne l'ingénieur ou cadre âgé d'au moins 55 ans et de moins de 60 ans et ayant deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, l'indemnité de licenciement ne pourra être inférieure à 2 mois. S'il a cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise, le montant de l'indemnité de licenciement résultant du barème prévu au deuxième alinéa sera majoré de 30 % sans que le montant total de l'indemnité puisse être inférieure et 6 mois. L'indemnité de licenciement résultant des alinéas précédents ne peut dépasser la valeur de 18 mois de traitement » ; que dès lors le plafond de dix-huit mois de traitement prévue par la convention collective de branche s'applique à l'indemnité déterminée par l'accord d'entreprise ; que l'indemnité de licenciement a donc été calculée à juste titre en fonction de l'ancienneté de la salariée, qui avait la classification V 3, période de congé de reclassement déduite, puisque le contrat de travail est suspendu ; AUX MOTIFS à les supposer adoptés QUE Madame [F] [I] le 5 novembre 2012, se portait volontaire au départ dans le cadre du Projet Activité Senior ; que le 29 mars 2013, les parties convenaient de rompre d'un commun accord, pour motif économique, le contrat de travail de Madame [F] [I] ; que Madame [F] [I] responsable syndicale depuis 2005 ne pouvait ignorer l'accord du 31 janvier 1991 ; que Madame [F] [I] disposait d'un accès Intranet pour consulter les accords d'entreprise. 1° ALORS QUE l'accord d'entreprise du 31 janvier 1991 dispose que pour leur indemnité de licenciement, les personnes d'échelon V2 et V3 âgés de plus de 55 ans bénéficieront des mêmes règles que celles prévues à l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres, tout en ajoutant, dans un paragraphe distinct et autonome, que l'indemnité de licenciement des personnes d'échelon V2 et V3 âgées de plus de 55 ans sera majorée de 30% ; qu'il en résulte que l'accord d'entreprise excluait l'application du plafond de 18 mois prévu dans la convention de branche ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-9 du code du travail dans sa version applicable aux faits, ensemble l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et le titre III de l'accord d'entreprise relatif à certaines mesures destinées à faciliter le développement de carrières des techniciens en date du 31 janvier 1991. 2° ALORS QU'il résulte de l'article L. 2251-1 du code du travail et du principe fondamental, en droit du travail, qu'en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salariés qui doit recevoir application ; que l'accord d'entreprise du 31 janvier 1991 dispose que l'indemnité de licenciement allouée aux personnes d'échelon V2 et V3 âgées de plus de 55 ans sera majorée de 30% ; que l'article 29 de la convention collective nationale dispose que les ingénieurs et cadres âgés d'au moins 55 ans et de moins de 60 ans et ayant 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise bénéficient d'une indemnité majorée de 30% avec un plancher minimal de 6 mois et un plafond de 18 mois ; qu'en s'abstenant de déterminer si l'accord d'entreprise n'était pas plus favorable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de faveur et des articles L. 2251-1 et L. 1234-9 du code du travail dans sa version applicable aux faits, ensemble de l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et du titre III de l'accord d'entreprise relatif à certaines mesures destinées à faciliter le développement de carrières des techniciens en date du 31 janvier 1991. 3° ALORS QUE l'accord d'entreprise du 31 janvier 1991 dispose que pour leur indemnité de licenciement, les personnes d'échelon V2 et V3 âgés de plus de 55 ans bénéficieront des mêmes règles que celles prévues à l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres, tout en ajoutant dans un paragraphe distinct et autonome que l'indemnité de licenciement des personnes d'échelon V2 et V3 âgées de plus de 55 ans sera majorée de 30% ; que l'exposante avait fait valoir que lors de la réunion des délégués du personnel du mois de mai 2016, la direction avait confirmé l'application sans condition ni plafonnement de la disposition litigieuse ; qu'en se dispensant d'examiner ce point, comme elle y était pourtant invitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-9 du code du travail dans sa version applicable aux faits, ensemble l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et le titre III de l'accord d'entreprise relatif à certaines mesures destinées à faciliter le développement de carrières des techniciens en date du 31 janvier 1991 SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité le montant des dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail à la somme de 200 euros. AUX MOTIFS propres QUE conformément à l'article L. 3312-4 du code du travail, les sommes versées au titre de. l'intéressement, qui en application de l'article L. 3212-1 du même code a un caractère aléatoire, n'ont pas le caractère de salaire ; que dès lors, elles ne répondent à aucune périodicité de travail ou de rémunération et ne doivent pas être prises en compte dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congé de reclassement ; que l'accord d'intéressement du 28 juin 2013 prévoit une répartition de l'intéressement, à hauteur de 50 % en fonction de la durée de présence du salarié dans l'entreprise et à hauteur de 50 % en fonction de la rémunération brute annuelle perçue au cours de l'exercice de référence ; que l'accord précise que : « les absences résultant des congés payés, des jours de récupération du temps de travail ou de repos supplémentaires, des congés d'ancienneté, des congés conventionnels, des congés de formation prévus au plan de formation, des congés de formation économique, sociale et, syndicale, des heures de délégations, de la maternité, de l'accident du travail et du trajet et d'une façon générale des périodes légalement ou conventionnellement assimilées an travail effectif n'ont aucune incidence sur le droit à répartition » ; que le congé de reclassement ne fait pas partie des périodes assimilées par l'article L. 3141-5 du code du travail à du temps de travail effectif ; qu'il n'est pas justifié d'une disposition conventionnelle assimilant le congé de reclassement à du temps de travail effectif ; qu'il en découle que pendant cette période de congé reclassement, la salariée ne répondait pas aux conditions d'éligibilité â l'accord d'intéressement ; que le grief doit donc être écarté ; AUX MOTIFS à les supposer adoptés QUE la SAS ALCATEL LUCENT INTERNATIONAL a fait part à Madame [F] [I], par email du 8 juillet 2016, du fondement du calcul de l'intéressement lui revenant et les raisons pour lesquelles elle ne peut bénéficier d'un intéressement ; que, pour prétendre au versement de l'intéressement, il faut justifier d'une rémunération d'un travail effectif ou d'une rémunération d'une période considérée comme travail effectif. 1° ALORS QU'il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la répartition de celui-ci ; qu'en jugeant que la salariée ne répondait pas aux conditions d'éligibilité à l'accord d'intéressement, sans vérifier son appartenance aux effectifs de l'entreprise durant le congé de reclassement, alors qu'il s'agissait de la seule condition d'éligibilité à l'accord d'intéressement, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 1233-72 et L. 3342-1 du code du travail, ensemble les articles 3 et 4 de l'accord d'intéressement en date du 28 juin 2013. 2° ALORS QU'il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la répartition de celui-ci ; qu'en jugeant que la salariée ne répondait pas aux conditions d'éligibilité à l'accord d'intéressement, au motif que les sommes versées au titre de l'intéressement ne devaient pas être prises en compte dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congé de reclassement, alors que ladite assiette est sans incidence sur les conditions d'éligibilité à l'accord d'intéressement, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation des articles L. 1233-72 et L. 3342-1 du code du travail, ensemble les articles 3 et 4 de l'accord d'intéressement en date du 28 juin 2013. 3° ALORS QU'il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la répartition de celui-ci ; qu'en jugeant que la salariée ne répondait pas aux conditions d'éligibilité à l'accord d'intéressement, au motif que le congé de reclassement ne fait pas partie des périodes assimilées par l'article L. 3141-5 du code du travail à du temps de travail effectif et qu'il n'était pas justifié d'une disposition conventionnelle assimilant le congé de reclassement à du temps de travail effectif, la cour d'appel a statué par des motifs tout aussi erronés qu'inopérants, en violation des articles L. 1233-72 et L. 3342-1 du code du travail, ensemble les articles 3 et 4 de l'accord d'intéressement en date du 28 juin 2013.
Il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords de participation ou d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de la participation ou de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation. Selon le premier alinéa de l'article L. 3314-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, la répartition de l'intéressement entre les bénéficiaires peut être uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice ou proportionnelle aux salaires. Aux termes de l'article 4 de l'accord d'intéressement du 28 juin 2013, le salaire servant de base à la répartition est égal au total des sommes perçues par chaque bénéficiaire au cours de l'exercice considéré et répondant aux règles fixées à l'article 231 du code général des impôts relatif à la taxe sur les salaires. En application des articles L. 1233-72 et L. 5123-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause, l'allocation de reclassement qui excède la durée du préavis n'est pas soumise aux cotisations de sécurité sociale, ni à la taxe sur les salaires. Il en résulte que l'allocation de reclassement qui excède la durée du préavis n'entre pas dans l'assiette de la répartition de l'intéressement prévue par l'accord d'intéressement. Aux termes de l'article R. 3314-3 du code du travail, lorsque la répartition de l'intéressement est proportionnelle aux salaires, les salaires à prendre en compte au titre des périodes de congés, de maternité et d'adoption ainsi que des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle sont ceux qu'aurait perçus le bénéficiaire s'il avait été présent. Il en résulte que la période du congé de reclassement n'est pas légalement assimilée à une période de temps de travail effectif. Ayant constaté que l'accord d'intéressement du 28 juin 2013 prévoit une répartition de l'intéressement, à hauteur de 50 % en fonction de la durée de présence du salarié dans l'entreprise et à hauteur de 50 % en fonction de la rémunération brute annuelle perçue au cours de l'exercice de référence et que l'accord précise que les absences résultant des congés payés, des jours de récupération du temps de travail ou de repos supplémentaires, des congés d'ancienneté, des congés conventionnels, des congés de formation prévus au plan de formation, des congés de formation économique, sociale et syndicale, des heures de délégation, de la maternité, de l'accident du travail et du trajet et d'une façon générale des périodes légalement ou conventionnellement assimilées au travail effectif n'ont aucune incidence sur le droit à répartition, une cour d'appel juge à bon droit qu'il n'était pas justifié d'une disposition conventionnelle assimilant le congé de reclassement à du temps de travail effectif et que la simple prise en compte par l'employeur de la prime d'ancienneté pour calculer la répartition de l'intéressement à l'expiration de la période de préavis n'était pas contraire aux règles légales et conventionnelles applicables
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N° T 21-84.648 F-B N° 00664 ECF 1ER JUIN 2022 REJET M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER JUIN 2022 M. [O] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 22 juin 2021, qui a prononcé sur un aménagement de peine. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [O] [I], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Barbé, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt du 3 avril 2019, M. [O] [I], né le [Date naissance 1] 1993, a été condamné à six ans d'emprisonnement par la cour d'assises des mineurs du Var. 3. Par requête du 13 mai 2020, M. [I] a sollicité, d'une part, un crédit de réduction de peine et une réduction de peine supplémentaire et, d'autre part, l'aménagement de sa peine sous la forme d'une mesure de libération conditionnelle parentale ou, à défaut, d'une détention à domicile sous surveillance électronique probatoire à une libération conditionnelle. 4. Par jugement du 30 mars 2021, le tribunal de l'application des peines a rejeté la demande de libération conditionnelle parentale au motif que les faits ayant fait l'objet de la condamnation avaient été commis sur une victime mineure. Il a également déclaré irrecevable la demande de détention à domicile sous surveillance électronique et dit n'y avoir lieu à statuer sur le crédit de réduction de peine et la réduction de peine supplémentaire. 5. M. [I] a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de libération conditionnelle de M. [I] fondée sur l'article 729-3 du code de procédure pénale, alors : « 1°/ que la libération conditionnelle peut être accordée à toute personne condamnée à une peine inférieure ou égale ou dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à quatre ans, dès lors qu'elle exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle ; seules sont exclues du bénéfice de cette mesure les personnes condamnées pour un crime ou un délit commis sur un mineur ; que la minorité de la victime ne peut être retenue que lorsqu'elle est prévue par la loi comme élément constitutif ou circonstance aggravante de l'infraction objet de la condamnation ; qu'en rejetant la demande de libération conditionnelle parentale de M. [I] aux motifs qu'il a été condamné pour un crime commis sur une victime mineure bien que la juridiction de jugement ne pût retenir une telle circonstance faute d'être prévue par les textes réprimant le viol sur une personne de plus de quinze ans, la cour d'appel a violé l'article 729-3 du code de procédure pénale ; 2°/ que la libération conditionnelle peut être accordée à toute personne condamnée à une peine inférieure ou égale à quatre ans ou dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à quatre ans, dès lors qu'elle exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle ; seules sont exclues du bénéfice de cette mesure les personnes condamnées pour un crime ou un délit commis sur un mineur ; qu'en rejetant la demande de libération conditionnelle parentale de M. [I] aux motifs qu'il a été condamné pour un crime commis sur une victime mineure bien que la circonstance de minorité n'ait pas été retenue en l'espèce par la juridiction de jugement à l'encontre de M. [I], la cour d'appel a violé l'article 729-3 du code de procédure pénale et l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de condamnation du 3 avril 2019. » Réponse de la Cour 7. Pour confirmer le jugement et rejeter la demande de libération conditionnelle parentale, l'arrêt attaqué énonce que le demandeur a été condamné pour des faits de viol, commis la nuit du 29 au 30 décembre 2011, sur une victime née le [Date naissance 2] 1996, qui était alors âgée de 15 ans, et qui était donc mineure. La chambre de l'application des peines en déduit que le requérant ne peut bénéficier des dispositions de l'article 729-3 du code de procédure pénale. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte interprétation des dispositions de ce texte. 9. En effet, les dispositions de l'article 729-3 du code de procédure pénale, qui prévoient que la libération conditionnelle peut être accordée pour tout condamné à une peine privative de liberté inférieure ou égale à quatre ans, ou pour laquelle la durée de la peine restant à subir est inférieure ou égale à quatre ans, lorsque, notamment, ce condamné exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle, ne sont pas applicables aux personnes condamnées pour un crime ou pour un délit commis sur un mineur. 10. Il en résulte que la libération conditionnelle parentale ne peut être accordée au condamné qui a commis une infraction dont la victime était, au moment des faits, âgée de moins de dix-huit ans. 11. Ainsi, la cour d'appel, qui a relevé que la victime de l'infraction commise par le demandeur était âgée de moins de dix-huit ans à la date des faits, n'a pas encouru le grief allégué. 12. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. 13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier juin deux mille vingt-deux.
Les dispositions de l'article 729-3 du code de procédure pénale, qui prévoient que la libération conditionnelle peut être accordée pour tout condamné à une peine privative de liberté inférieure ou égale à quatre ans, ou pour laquelle la durée de la peine restant à subir est inférieure ou égale à quatre ans, lorsque, notamment, ce condamné exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle, ne sont pas applicables aux personnes condamnées pour un crime ou pour un délit commis sur un mineur. Il en résulte que la libération conditionnelle parentale ne peut être accordée au condamné qui a commis une infraction dont la victime était, au moment des faits, âgée de moins de dix-huit ans. N'encourt pas la cassation l'arrêt qui, après avoir relevé que la victime était mineure au moment des faits, a rejeté la demande de libération conditionnelle parentale
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N° X 22-81.459 F-B N° 00820 ODVS 31 MAI 2022 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 31 MAI 2022 M. [Y] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 27 janvier 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et sur les armes, association de malfaiteurs et blanchiment, en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Y] [Z], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [Y] [Z] a été mis en examen, le 30 avril 2021, des chefs susvisés. 3. Le débat contradictoire en vue du renouvellement de sa détention provisoire, fixé initialement au 14 décembre 2021, s'est tenu le 27 décembre suivant, en visioconférence. 4. Lors de la tenue dudit débat, l'avocat du demandeur a formulé une demande de renvoi en indiquant que M. [Z] souhaitait comparaître et remettre au juge une promesse d'embauche. 5. Après avoir entendu le ministère public et sans rendre la parole à la défense, le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de renvoi, indiquant que l'intéressé pourrait adresser la promesse d'embauche au greffe avant le 28 décembre 2021 à 12 heures. 6. Par ordonnance du 28 décembre 2021, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire de M. [Z]. 7. M. [Z] a interjeté appel de cette décision. Le ministère public a interjeté appel incident. Examen des moyens Sur le second moyen 8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens de nullité soulevés par M. [Z] et confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire, alors : « 1°/ que pour déterminer si la circonstance que, devant le juge des libertés et de la détention, le mis en examen n'ait pas eu la parole en dernier après les réquisitions du ministère public sur sa demande de renvoi lui a causé un grief, il appartient à la chambre de l'instruction de rechercher, en premier lieu, si dans son mémoire devant la chambre de l'instruction, la personne détenue a allégué qu'elle aurait été en mesure d'opposer au ministère public une argumentation opérante puis, en second lieu, si l'ordonnance du juge des libertés et de la détention répond à cette argumentation ; qu'au cas d'espèce, dans son mémoire devant la chambre de l'instruction, M. [Z] faisait valoir que s'il avait pu répliquer au ministère public qui avait requis le rejet de sa demande de renvoi sous la réserve qu'il puisse produire sa promesse d'embauche en délibéré, il aurait pu démontrer que cette solution n'était pas satisfaisante en ce qu'elle le mettait dans la dépendance de l'administration pénitentiaire pour l'envoi de cette pièce, ce qui n'était pas le cas dans le cas d'un renvoi ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande d'annulation du débat contradictoire résultant de ce que M. [Z] n'a pas eu la parole après le ministère public, qu' « il n'est pas justifié d'un grief qui aurait porté atteinte aux droits de Monsieur [Z] auquel il a été dit qu'il pouvait produire la pièce qu'il souhaitait remettre pendant le temps du délibéré », quand le grief, dûment formulé dans le mémoire devant la chambre de l'instruction et auquel le juge des libertés et de la détention n'a pas répondu, résultait du fait que M. [Z] n'avait pas été en mesure de démontrer que la solution proposée par le ministère public (le refus de renvoi avec autorisation de produire la promesse d'embauche en délibéré) l'exposait, à la différence d'un renvoi, au risque que cette promesse ne soit pas adressée à temps par l'administration pénitentiaire au juge des libertés et de la détention, risque qui devait se réaliser et conduire à la prolongation de sa détention provisoire, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 145, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en affirmant, pour dénier tout grief subi par M. [Z] du fait de l'impossibilité de prendre la parole pour répliquer aux réquisitions du ministère public, que « le simple argument selon lequel le conseil de l'intéressé n'a pas été mis en mesure de convaincre le juge alors qu'il s'était déjà largement expliqué sur sa demande de renvoi en la présentant éta[it] insuffisant à caractériser le grief qu'il invoque », quand le grief invoqué par M. [Z] ne tenait pas dans l'impossibilité de réitérer sa demande de renvoi, mais de répliquer aux réquisitions du ministère public tendant au rejet de la demande de renvoi avec possibilité de production de la promesse d'embauche en délibéré, pour montrer les inconvénients d'une telle solution au regard de la transmission effective de la promesse d'embauche, la chambre de l'instruction a violé les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 145, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 10. Il se déduit des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme que la personne qui comparait devant le juge des libertés et de la détention dans le cadre d'un débat contradictoire en matière de détention provisoire, ou son avocat, doivent avoir la parole les derniers. 11. Il en résulte que lorsque le ministère public est entendu, au cours du débat contradictoire, sur une demande de renvoi présentée par la personne mise en examen ou son avocat, ceux-ci doivent pouvoir prendre à nouveau la parole après les réquisitions sur cette demande. Lorsque tel n'est pas le cas, la nullité du débat contradictoire qui en résulte relève de l'article 802 du code de procédure pénale. 12. L'existence d'un grief est établie lorsque le fait que la personne mise en examen n'ait pas eu la parole en dernier sur sa demande de renvoi, après les réquisitions du ministère public, lui a occasionné un préjudice. Ce préjudice doit résulter de cette irrégularité elle-même. Il ne peut dès lors être caractérisé par le seul refus du juge des libertés et de la détention de faire droit à la demande de renvoi. 13. La Cour de cassation juge que l'existence d'un préjudice doit être exclue s'il résulte des pièces de la procédure qu'aucun renvoi n'était possible en raison de la date d'expiration du mandat de dépôt. Dans les autres hypothèses, il appartient à la chambre de l'instruction de rechercher, en premier lieu, si dans son mémoire devant la chambre de l'instruction, la personne détenue a allégué qu'elle aurait été en mesure d'opposer au ministère public une argumentation opérante puis, en second lieu, si l'ordonnance du juge des libertés et de la détention répond à cette argumentation (Crim., 8 mars 2022, pourvoi n° 21-87.213, publié au Bulletin). 14. Pour écarter l'exception de nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prise de ce qu'en ne donnant pas la parole en dernier à la personne mise en examen après la prise de parole du ministère public sur sa demande de renvoi, la décision du juge a causé un grief à M. [Z], l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte du procès-verbal de débat contradictoire qu'en violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 145 du code de procédure pénale, la parole n'a pas été donnée en dernier à la personne mise en examen. 15. Les juges ajoutent que, pour autant, il n'est pas justifié que cette irrégularité aurait porté atteinte aux droits de l'intéressé auquel il a été dit qu'il pouvait produire la pièce qu'il souhaitait remettre pendant le temps du délibéré, le simple argument selon lequel le conseil de M. [Z] n'a pas été mis en mesure de convaincre le juge alors qu'il s'était déjà largement expliqué sur sa demande de renvoi en la présentant, étant insuffisant à caractériser le grief qu'il invoque. 16. En prononçant ainsi, par des motifs dont il résulte qu'elle a retenu que l'argumentation que l'intéressé alléguait n'avoir pas pu développer n'était pas opérante, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 17. En effet, pour s'opposer au rejet de sa demande de renvoi, rejet requis par le ministère public au motif que la personne mise en examen pourrait faire parvenir au juge des libertés et de la détention, dans le temps du délibéré, la promesse d'embauche dont elle se prévalait, modalité que le juge a admise avant de procéder immédiatement au débat contradictoire, l'intéressé n'aurait pu utilement soutenir que l'administration pénitentiaire refuserait de transmettre ce document, alors qu'il résulte de l'article 40 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 que ne peuvent être ni contrôlées ni retenues les correspondances échangées entre les personnes détenues et les autorités judiciaires. 18. Le moyen ne peut qu'être écarté. 19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mai deux mille vingt-deux.
Il se déduit des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme que la personne qui comparaît devant le juge des libertés et de la détention dans le cadre d'un débat contradictoire en matière de détention provisoire, ou son avocat, doivent avoir la parole les derniers. Lorsque le ministère public est entendu, au cours du débat contradictoire, sur une demande de renvoi présentée par la personne mise en examen ou son avocat, ceux-ci doivent pouvoir prendre à nouveau la parole après les réquisitions sur cette demande. Lorsque tel n'est pas le cas, la nullité du débat contradictoire qui en résulte relève de l'article 802 du code de procédure pénale. L'existence d'un grief n'est établie que si la personne mise en examen, qui n'a pas eu la parole en dernier sur sa demande de renvoi, après les réquisitions du ministère public, a subi un préjudice, lequel doit résulter de l'irrégularité elle-même. Hormis le cas où, aucun renvoi n'étant possible en raison de la date d'expiration du mandat de dépôt, un tel préjudice est exclu, il appartient à la chambre de l'instruction de rechercher, en premier lieu, si, dans son mémoire devant la chambre de l'instruction, la personne détenue a allégué qu'elle aurait été en mesure d'opposer au ministère public une argumentation opérante puis, en second lieu, si l'ordonnance du juge des libertés et de la détention répond à cette argumentation. Doit être approuvé l'arrêt qui, pour écarter l'exception de nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prise de ce qu'en ne donnant pas la parole en dernier à la personne mise en examen après les réquisitions du ministère public sur sa demande de renvoi, la décision du juge lui a causé un grief, énonce que l'irrégularité constatée n'a pas porté atteinte aux droits de l'intéressé auquel il a été dit qu'il pouvait produire la pièce qu'il souhaitait remettre pendant le temps du délibéré. N'est en effet pas opérante l'argumentation selon laquelle la personne mise en examen aurait pu soutenir que l'administration pénitentiaire refuserait de transmettre ce document, dès lors que l'article 40 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dispose que ne peuvent être ni contrôlées ni retenues les correspondances échangées entre les personnes détenues et les autorités judiciaires
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juin 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 554 FS-B+R Pourvoi n° D 21-16.072 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUIN 2022 M. [P] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-16.072 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le Défenseur des droits a présenté des observations en application de l'article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations et plaidoiries de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [C], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mme Cassignard, M. Leblanc, conseillers, Mme Vigneras, M. Labaune, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Aubagna, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mars 2021), M. [C] (l'assuré), affilié à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (la Caisse), du 1er avril 1978 au 31 décembre 1995, a sollicité la liquidation de sa pension de vieillesse à effet au 1er juillet 2014. 2. La Caisse n'ayant pas pris en considération pour le calcul de la pension de retraite de base les points correspondant aux cotisations acquittées tardivement au titre des années 1982 à 1984, 1987 et 1990 à 1995, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors : « 1°/ que l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique, lorsqu'une personne est assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif, un rapport raisonnable de proportionnalité exprimant un juste équilibre entre les exigences de financement du régime de retraite considéré et les droits individuels à pension des cotisants ; que le droit individuel à pension constitue un intérêt patrimonial substantiel entrant dans le champ d'application de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le dispositif de l'article R. 643-10 du code de la sécurité sociale qui sanctionne le retard de paiement des cotisations au-delà d'un délai de cinq ans suivant leur date d'exigibilité par une absence totale d'attribution de points au titre desdites cotisations dans le régime de retraite de base constitue une ingérence dans le droit de propriété des assurés affiliés au régime, en ce qu'il porte une atteinte à la substance de leurs droits à pension, en les privant de pension de retraite s'ils ne justifient pas du paiement de leur cotisations dans le délai de cinq ans suivant leur date d'exigibilité et ce alors même qu'ils ont déjà réglé des majorations et pénalités de retard ; que cette ingérence contrevient aux principes qui régissent l'aménagement des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse, dont le régime d'assurance vieillesse des indépendants fait partie, et, notamment, au caractère contributif des régimes énoncé à l'article L. 111-2-1, II, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale ; que l'intérêt légitime attaché au recouvrement des contributions sociales comme l'équilibre financier des régimes concernés, ne justifient pas une atteinte disproportionnée aux droits des assurés, telle la privation totale d'une allocation de subsistance venant en contrepartie de cotisations effectivement versées, même avec plus de cinq ans de retard, durant des périodes d'activité ; qu'en statuant comme elle l'a fait et en considérant notamment que la réduction du montant de la pension de retraite au regard des cotisations versées au délai du délai de cinq ans à compter de leur date d'exigibilité instituée par l'article R. 643-10 du code de la sécurité sociale, qui ne parait pas d'une rigueur excessive à l'endroit du cotisant et lui permet de régulariser effectivement sa dette pour préserver ses droits futurs, n'était pas incompatible avec la protection du droit de propriété instituée par le droit européen, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne ; 2°/ qu'une réglementation ne peut porter atteinte à l'intérêt patrimonial protégé par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne qu'aux conditions d'être justifiée par un intérêt public ou général légitime, et d'être proportionnée au but poursuivi ; que le juste équilibre à préserver n'est pas respecté si l'atteinte portée à l'intérêt patrimonial que constitue une prestation de sécurité sociale, est excessive dès lors qu'il n'y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre le but poursuivi et les moyens employés ; qu'en prévoyant comme sanction que les cotisations de retraite payée au-delà du délai de cinq ans suivant leur exigibilité n'attribuent au cotisant aucun point pour le calcul du montant de la retraite de base manifestement disproportionnée au regard du montant des cotisations mises à sa charge au cours de la période de constitution des droits et effectivement réglées même avec plus de cinq ans de retard, la clause de l'article R. 643-10 du code de la sécurité sociale, si elle contribue à l'équilibre financier du régime de retraite concerné et à la solidarité entre génération, porte une atteinte excessive au droit fondamental garanti en considération du but qu'elle poursuit, et ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts en présence ; qu'en refusant dès lors d'écarter l'application de l'article R. 643-10 du code de la sécurité sociale susvisé, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne. » Réponse de la Cour Vu les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 643-1 et R. 643-10 du code de la sécurité sociale : 4. Aux termes du premier de ces textes, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. 5. Le droit individuel à pension d'une personne assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif constitue un intérêt patrimonial substantiel entrant dans le champ d'application de ces dispositions, qui impliquent un rapport raisonnable de proportionnalité, exprimant un juste équilibre entre ce droit individuel et les exigences de financement du régime de retraite considéré. 6. Aux termes du deuxième, le montant de la pension servie par le régime d'assurance vieillesse de base des professions libérales est obtenu par le produit du nombre total de points porté au compte de l'intéressé par la valeur de service du point. 7. Aux termes du dernier, lorsque les cotisations arriérées n'ont pas été acquittées dans le délai de cinq ans suivant la date de leur exigibilité, les périodes correspondantes ne sont pas prises en considération pour le calcul de la pension de retraite de base. 8. Ce dispositif, en tant qu'il exclut toute prise en considération, pour le calcul de la pension de retraite de base, des cotisations acquittées plus de cinq ans après leur date d'exigibilité, constitue une ingérence dans le droit de propriété des assurés affiliés à ce régime en portant atteinte à la substance de leurs droits à pension. 9. Cette ingérence, qui repose sur des dispositions légales et réglementaires de droit interne, accessibles, précises et prévisibles, poursuit un motif d'intérêt général dès lors qu'elle contribue à l'équilibre financier de ce régime de retraite par répartition et qu'elle est de nature à inciter les cotisants à la célérité dans le paiement de leurs cotisations obligatoires. 10. Toutefois, les points acquis en contrepartie du paiement des cotisations doivent être regardés comme l'étant au fur et à mesure de leur versement. Dès lors, le défaut de prise en compte des cotisations payées au-delà du délai de cinq ans suivant leur date d'exigibilité, mais avant la liquidation du droit à pension, porte une atteinte excessive au droit fondamental garanti en considération du but qu'elle poursuit et ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts en présence. Par suite, il y a lieu d'écarter l'application de l'article R. 643-10 du code de la sécurité sociale. 11. Pour débouter l'assuré de son recours, l'arrêt relève qu'il est de l'intérêt public, général et légitime que les cotisations soient versées à leur date d'exigibilité, ou régularisées dans un délai limité, afin que le système social de répartition puisse fonctionner au mieux. Il retient que le délai de cinq ans, bien supérieur au délai de grâce maximal que le juge civil peut accorder à un débiteur, ne paraît pas être d'une rigueur excessive à l'endroit du cotisant et lui permet de régulariser effectivement sa dette pour préserver ses droits futurs. L'arrêt ajoute que si le retard de paiement de cotisations peut, de manière générale en droit de la sécurité sociale, entraîner des majorations de retard et des pénalités, ce mécanisme n'exclut pas en matière de retraite l'existence d'une sanction plus lourde touchant à l'étendue des droits à pension acquis. Il en déduit que le versement de l'intégralité des cotisations est un préalable légal à l'ouverture des droits à la pension de retraite, et que la réduction du montant de cette pension de retraite au regard des cotisations versées au-delà de cinq années à compter de leur date d'exigibilité instituée par l'article R. 643-10 du code de la sécurité sociale n'est pas incompatible avec la protection du droit de propriété instituée par le droit européen. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 13. L'assuré fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de dommages-intérêts, alors « qu'aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en procédure orale, il ne peut être présumé qu'un moyen relevé d'office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu'une partie n'était pas présente à l'audience ; que pour déclarer l'assuré irrecevable en ses demandes de dommages-intérêts, la cour énonce que celles-ci sont formées pour la première fois en appel ; qu'en statuant ainsi, alors que l'assuré a été dispensé de comparaître et n'était donc pas présent à l'audience et qu'il ne ressort ni de la décision ni des pièces du dossier de procédure que la Caisse, partie présente ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur le moyen relevé d'office, pris de la nouveauté de la demande de dommages-intérêts en appel, la cour d'appel a violé le texte susvisé. » Réponse de la Cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 14. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. 15. En procédure orale, il ne peut être présumé qu'un moyen relevé d'office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu'une partie n'était pas présente à l'audience. 16. Pour déclarer irrecevable la demande tendant à la condamnation de la Caisse au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que cette demande a été formée pour la première fois en cause d'appel. 17. En statuant ainsi, alors que l'assuré, dispensé de comparaître, n'était pas présent à l'audience et qu'il ne ressort ni de la décision ni des pièces du dossier de procédure qu'il ait été, au préalable, invité à formuler ses observations sur le moyen relevé d'office, pris de l'irrecevabilité de sa demande, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. [C] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [P] [C] FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes 1°) ALORS QUE l'article 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique, lorsqu'une personne est assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif, un rapport raisonnable de proportionnalité exprimant un juste équilibre entre les exigences de financement du régime de retraite considéré et les droits individuels à pension des cotisants ; que le droit individuel à pension constitue un intérêt patrimonial substantiel entrant dans le champ d'application de l'article 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le dispositif de l'article R 643-10 du code de la sécurité sociale qui sanctionne le retard de paiement des cotisations au-delà d'un délai de cinq ans suivant leur date d'exigibilité par une absence totale d'attribution de points au titre desdites cotisations dans le régime de retraite de base constitue une ingérence dans le droit de propriété des assurés affiliés au régime, en ce qu'il porte une atteinte à la substance de leurs droits à pension, en les privant de pension de retraite s'ils ne justifient pas du paiement de leur cotisations dans le délai de cinq ans suivant leur date d'exigibilité et ce alors même qu'ils ont déjà réglé des majorations et pénalités de retard ; que cette ingérence contrevient aux principes qui régissent l'aménagement des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse, dont le régime d'assurance vieillesse des indépendants fait partie, et, notamment, au caractère contributif des régimes énoncé à l'article L. 111-2-1, II, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale ; que l'intérêt légitime attaché au recouvrement des contributions sociales comme l'équilibre financier des régimes concernés, ne justifient pas une atteinte disproportionnée aux droits des assurés, telle la privation totale d'une allocation de subsistance venant en contrepartie de cotisations effectivement versées, même avec plus de cinq ans de retard, durant des périodes d'activité ; qu'en statuant comme elle l'a fait et en considérant notamment que la réduction du montant de la pension de retraite au regard des cotisations versées au délai du délai de cinq ans à compter de leur date d'exigibilité instituée par l'article R 643-10 du code de la sécurité sociale, qui ne parait pas d'une rigueur excessive à l'endroit du cotisant et lui permet de régulariser effectivement sa dette pour préserver ses droits futurs, n'était pas incompatible avec la protection du droit de propriété instituée par le droit européen, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne ; 2°) ALORS QUE en tout état de cause, une règlementation ne peut porter atteinte à l'intérêt patrimonial protégé par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne qu'aux conditions d'être justifiée par un intérêt public ou général légitime, et d'être proportionnée au but poursuivi ; que le juste équilibre à préserver n'est pas respecté si l'atteinte portée à l'intérêt patrimonial que constitue une prestation de sécurité sociale, est excessive dès lors qu'il n'y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre le but poursuivi et les moyens employés ; qu'en prévoyant comme sanction que les cotisations de retraite payée au-delà du délai de cinq ans suivant leur exigibilité n'attribuent au cotisant aucun point pour le calcul du montant de la retraite de base manifestement disproportionnée au regard du montant des cotisations mises à sa charge au cours de la période de constitution des droits et effectivement réglées même avec plus de cinq ans de retard, la clause de l'article R643-10 du code de la sécurité sociale, si elle contribue à l'équilibre financier du régime de retraite concerné et à la solidarité entre génération, porte une atteinte excessive au droit fondamental garanti en considération du but qu'elle poursuit, et ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts en présence ; qu'en refusant dès lors d'écarter l'application de l'article R. 643-10 du code de la sécurité sociale susvisé, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [P] [C] FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué de l'avoir déclaré irrecevable en ses demandes de dommages-intérêts. 1°) ALORS QUE aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en procédure orale, il ne peut être présumé qu'un moyen relevé d'office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu'une partie n'était pas présente à l'audience ; que pour déclarer M. [C] irrecevable en ses demandes de dommages-intérêts, la cour énonce que celles-ci sont formées pour la première fois en appel ; qu'en statuant ainsi, alors que M. [C] a été dispensé de comparaitre et n'était donc pas présent à l'audience et qu'il ne ressort ni de la décision ni des pièces du dossier de procédure que la Cipav, partie présente ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur le moyen relevé d'office, pris de la nouveauté de la demande de dommages-intérêts en appel, la cour d'appel a violé le texte susvisé. 2°) ALORS QUE la cour d'appel est tenue d'examiner au regard de chacune des exceptions prévues aux articles 565 et 566 du code de procédure civile, si la demande est nouvelle ; qu'il résulte de l'article 565 du code de procédure civile que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent et de l'article 566 du code de procédure civile que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge ; que pour déclarer M. [C] irrecevable en ses demandes de dommages-intérêts, la cour énonce que celles-ci sont formées pour la première fois en appel ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, même d'office, si ces demandes ne tendaient pas aux mêmes fins ou ne constituaient pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles formées par M. [C] en première instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 565 et 566 du code de procédure civile.
L'article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique, lorsqu'une personne est assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif, un rapport raisonnable de proportionnalité exprimant un juste équilibre entre les exigences de financement du régime de retraite considéré et les droits individuels à pension des cotisants. L'article R. 643-10 du code de la sécurité sociale prévoit, s'agissant des professions libérales, que lorsque les cotisations arriérées n'ont pas été acquittées dans le délai de cinq ans suivant la date de leur exigibilité, les périodes correspondantes ne sont pas prises en considération pour le calcul de la pension de retraite de base. Les points acquis en contrepartie du paiement des cotisations devant être regardés comme l'étant au fur et à mesure de leur versement, le défaut de prise en compte des cotisations payées au-delà du délai de cinq ans suivant leur date d'exigibilité, mais avant la liquidation du droit à pension, porte une atteinte excessive au droit fondamental garanti en considération du but qu'il poursuit et ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts en présence
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juin 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 572 F-B Pourvoi n° X 20-21.881 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUIN 2022 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Île-de-France, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], a formé le pourvoi n° X 20-21.881 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à la société [5], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Île-de-France, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [5], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 septembre 2020), à l'issue d'un contrôle de l'application de la législation de la sécurité sociale portant sur les années 2011 et 2012, l'URSSAF d'Île-de-France (l'URSSAF) a notifié à la société [5] (la société) un redressement résultant de la réintégration dans l'assiette de la contribution au financement de la couverture maladie universelle complémentaire - CMU - C, devenue taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance (TSA), des primes d'assurances afférentes aux contrats « complémentaires frais de soins » des assurés travaillant à Monaco (chef de redressement n° 1), aux « contrats frais de santé » des assurés travaillant en Suisse (chef de redressement n° 2) et aux « contrats bénéficiant aux personnes non assujetties à un régime obligatoire » (chef de redressement n° 3). 2. Une mise en demeure lui ayant été notifiée le 26 décembre 2014, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 1, alors « que l'URSSAF ne recourt à la méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation que si, limitant la vérification détaillée à un échantillon représentatif de la population concernée, elle procède à la constitution d'une base de sondage, au tirage d'un échantillon, à la vérification exhaustive de l'échantillon puis à l'extrapolation à l'ensemble de la population ayant servi de base à l'échantillon ; que tel n'est pas le cas lorsque l'URSSAF, vérifiant l'assujettissement à la taxe de solidarité additionnelle des contrats de couverture complémentaire, ne procède à l'analyse que d'une partie seulement des contrats conclus par la société contrôlée, puis, ayant constaté que deux de ces contrats devaient être assujettis à la taxe, décide néanmoins d'assujettir l'ensemble des contrats conclus ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que l'inspecteur du recouvrement n'avait pas examiné de manière exhaustive l'ensemble des contrats conclus par la société avec ses assurés mais uniquement quelques-uns, que parmi ces contrats examinés, il avait trouvé deux contrats signés par des clients résidant en France, et donc assujettis à la taxe de solidarité additionnelle, et qu'il avait pourtant soumis à cotisations l'ensemble des primes encaissées au titre de l'ensemble des contrats ; qu'en considérant qu'en procédant de la sorte, l'URSSAF avait eu recours irrégulièrement à une méthode de contrôle par échantillonnage et extrapolation de sorte que le chef de redressement n° 1 devait être annulé, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007 applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale : 4. Selon ce texte, les inspecteurs du recouvrement peuvent proposer à l'employeur d'utiliser les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation, comportant la constitution d'une base de sondage, le tirage d'un échantillon, la vérification exhaustive de l'échantillon et l'extrapolation à la population ayant servi de base à l'échantillon. 5. Pour annuler le chef de redressement litigieux, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que rien n'autorisait l'organisme de contrôle, à partir de deux exceptions et sans autre vérification, à considérer que la totalité des contrats en cause concernaient des résidents en France et que la méthode ainsi employée s'apparente à un contrôle par échantillonnage et extrapolation. Il ajoute que s'il est possible de procéder par échantillonnage, encore cette procédure doit-elle obéir à des règles et être expliquée dans la lettre d'observations, ce qui n'est pas le cas. Il relève enfin qu'il ne peut qu'être constaté que les dispositions de l'article R. 243-59-2 précité n'ont pas été respectées dans la mesure où elles exigent de se conformer à différentes étapes au cours desquelles la procédure contradictoire est renforcée. 6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que l'inspecteur du recouvrement n'avait pas recouru à une méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation au sens du texte susvisé, la cour d'appel a violé ce dernier par fausse application. Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. La société fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 2, alors « que l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, qui institue une taxe de solidarité additionnelle assise sur les cotisations d'assurances afférentes aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé souscrites au bénéfice de personnes physiques résidentes en France, n'opère aucune distinction selon que les personnes résidentes en France sont ou non à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français ; que les cotisations d'assurance entrent dans l'assiette de la taxe dès lors qu'elles sont afférentes à une protection « complémentaire » c'est-à-dire qu'elles garantissant la prise en charge de dépense de santé en complément des prestations versées par un régime obligatoire de sécurité sociale, peu important que ce régime obligatoire de sécurité sociale ne soit pas français mais suisse ; qu'en jugeant que les cotisations des contrats de protection complémentaire « frais de santé » souscrits au bénéfice de résidents français travaillant en Suisse, et soumis de ce fait au régime de sécurité sociale suisse, étaient exclues de la taxe de solidarité additionnelle au prétexte que ces personnes n'étaient pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français, la cour d'appel qui a opéré une distinction non prévue par la loi, a violé l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2010-1657 du 29 décembre 2010 applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, applicable au litige : 8. Aux termes de ce texte, il est perçu une taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance maladie complémentaire versées pour les personnes physiques résidentes en France, à l'exclusion des réassurances. 9. Pour annuler le chef de redressement relatif aux primes afférentes aux contrats souscrits par des assurés résidant en France mais travaillant en Suisse, l'arrêt retient essentiellement que sont exclues de la taxe les sommes se rapportant à la couverture santé pour les personnes qui ne sont pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français et que les personnes qui travaillent en Suisse sont soumises, de ce seul fait, à la législation de sécurité sociale suisse. 10. En statuant ainsi alors que l'article L. 862-4 n'opère aucune distinction en fonction du lieu de travail de la personne signataire du contrat ou du régime d'assurance maladie obligatoire dont elle relève, qu'il soit français ou étranger, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 11. La société fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 3, alors « que ne sont exclues du champ d'application de la taxe additionnelle que les primes qui se rapportent à la couverture santé de personnes qui ne sont pas assujetties à un régime obligatoire d'assurance maladie, ce que la société cotisante doit démontrer et le juge constater ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que seulement « un des contrats » soumis par la société portait la mention « pour une personne non assujettie (illisible) régime obligatoire » et que les conditions générales du contrat « complémentaire frais de soins » mentionnait « non assujettis à un régime obligatoire » ; qu'en jugeant que les primes afférentes à tous ces contrats « complémentaire frais de soins » devaient être exonérées de la taxe additionnelle puis en annulant l'entier chef de redressement n° 3, sans avoir examiné tous les contrats litigieux ni constaté que les bénéficiaires de l'ensemble de ces contrats n'étaient pas assujettis à un régime obligatoire d'assurance maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, applicable au litige : 12. Selon ce texte, la taxe de solidarité additionnelle est assise sur les cotisations d'assurance maladie complémentaire. Il en résulte que les sommes se rapportant à la couverture santé des personnes non affiliées à un régime obligatoire d'assurance maladie sont exclues du champ d'application de cette taxe. 13. Pour annuler le redressement, l'arrêt relève que l'un des contrats soumis par la société porte la mention « pour personne non assujettie (illisible) à un régime obligatoire » et que le document présentant les conditions générales du contrat « Complémentaire frais de soins » porte, juste en dessous de ce titre, la mention « Non-assujettis à un régime obligatoire ». Il ajoute que la société n'est d'ailleurs en rien démentie lorsqu'elle indique que les garanties ne sont plus offertes dès lors que le signataire du contrat vient à relever du régime de base de la sécurité sociale française. 14. En se déterminant ainsi, sans vérifier si les bénéficiaires des contrats litigieux étaient effectivement des personnes non assujetties à un régime obligatoire d'assurance maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des procédures et déboute la société de sa demande en nullité de la décision du 26 décembre 2014, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties, dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la société [5] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [5] et la condamne à payer à l'URSSAF d'Île-de-France la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 28 mars 2018 en ce qu'il a annulé le chef de redressement n°1 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 (assujettissement des primes afférentes au contrat « complémentaire frais de soins – assurés travaillant à Monaco : redressement total de 202.554 euros) et d'AVOIR en conséquence condamné l'Urssaf d'Ile-de-France à rembourser à la société [5] la somme de 749.880 euros, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2015, décidé en principe que l'Urssaf d'Ile-de-France devra procéder, dans les meilleurs délais, à vérification des sommes effectivement réglées par la société [5] au regard des sommes que cette société devait régler pour les années 2011 et 2012 et renvoyé les parties à faire leurs comptes et décidé que les sommes dont seraient redevables l'Urssaf d'Ile-de-France à l'égard de la société [5] devraient porter intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2015. 1° - ALORS QUE l'Urssaf ne recourt à la méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation que si, limitant la vérification détaillée à un échantillon représentatif de la population concernée, elle procède à la constitution d'une base de sondage, au tirage d'un échantillon, à la vérification exhaustive de l'échantillon puis à l'extrapolation à l'ensemble de la population ayant servi de base à l'échantillon ; que tel n'est pas le cas lorsque l'Urssaf, vérifiant l'assujettissement à la taxe de solidarité additionnelle des contrats de couverture complémentaire, ne procède à l'analyse que d'une partie seulement des contrats conclus par la société contrôlée, puis, ayant constaté que deux de ces contrats devaient être assujettis à la taxe, décide néanmoins d'assujettir l'ensemble des contrats conclus; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que l'inspecteur du recouvrement n'avait pas examiné de manière exhaustive l'ensemble des contrats conclus par la société [5] avec ses assurés mais uniquement quelques-uns, que parmi ces contrats examinés, il avait trouvé deux contrats signés par des clients résidant en France, et donc assujettis à la taxe de solidarité additionnelle, et qu'il avait pourtant soumis à cotisations l'ensemble des primes encaissées au titre de l'ensemble des contrats ; qu'en considérant qu'en procédant de la sorte, l'Urssaf avait eu recours irrégulièrement à une méthode de contrôle par échantillonnage et extrapolation de sorte que le chef de redressement n°1 devait être annulé, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n°2007-546 du 11 avril 2007 applicable au litige. 2° - ALORS QU'il appartient au cotisant qui réclame le bénéfice d'une exonération de cotisation de prouver, autrement que par voie d'affirmation, qu'il en remplit les conditions ; que l'inspecteur de l'Urssaf peut donc régulièrement soumettre à la taxe de solidarité additionnelle l'ensemble des contrats de couverture complémentaire conclus par le cotisant lorsque ce dernier se borne à déclarer, de façon mensongère, que l'ensemble de ces contrats doit être exonéré de cotisations car les assurés résident tous à [Localité 6] ; que ce n'est pas à l'inspecteur de l'Urssaf de procéder à des vérifications complémentaires pour établir quels contrats peuvent être exonérés de cotisations ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que la société cotisante avait déclaré à l'inspecteur de l'Urssaf - de façon mensongère puisqu'au moins deux assurés résidaient en France - que l'ensemble des assurés visés par les contrats litigieux résidaient à Monaco ; qu'en jugeant que l'inspecteur de l'Urssaf, qui avait soumis la totalité des contrats litigieux à la taxe de solidarité additionnelle, aurait dû procéder à des vérifications complémentaires en examinant tous les contrats conclus, de sorte que son redressement serait irrégulier, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé le chef de redressement n°2 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 (assujettissement des primes au titre des contrat « frais de santé » bénéficiant aux personnes travaillant en Suisse pour un total de 1.069.303 euros) et d'AVOIR en conséquence condamné l'Urssaf d'Ile-de-France à rembourser à la société [5] la somme de 749.880 euros, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2015, décidé en principe que l'Urssaf d'Ile-de-France devra procéder, dans les meilleurs délais, à vérification des sommes effectivement réglées par la société [5] au regard des sommes que cette société devait régler pour les années 2011 et 2012 et renvoyé les parties à faire leurs comptes et décidé que les sommes dont seraient redevables l'Urssaf d'Ile-de-France à l'égard de la société [5] devraient porter intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2015. 1°- ALORS QUE l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, qui institue une taxe de solidarité additionnelle assise sur les cotisations d'assurances afférentes aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé souscrites au bénéfice de personnes physiques résidentes en France, n'opère aucune distinction selon que les personnes résidentes en France sont ou non à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français ; que les cotisations d'assurance entrent dans l'assiette de la taxe dès lors qu'elles sont afférentes à une protection « complémentaire » c'est-à-dire qu'elles garantissant la prise en charge de dépense de santé en complément des prestations versées par un régime obligatoire de sécurité sociale, peu important que ce régime obligatoire de sécurité sociale ne soit pas français mais suisse ; qu'en jugeant que les cotisations des contrats de protection complémentaire « frais de santé » souscrits au bénéfice de résidents français travaillant en suisse, et soumis de ce fait au régime de sécurité sociale suisse, étaient exclues de la taxe de solidarité additionnelle au prétexte que ces personnes n'étaient pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français, la cour d'appel qui a opéré une distinction non prévue par la loi, a violé l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2010-1657 du 29 décembre 2010 applicable au litige, 2° - ALORS QUE les juge ne peuvent dénaturer les conclusions des parties; que dans ses conclusions d'appel soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf contestait l'interprétation faite par la société [5] du point 2.2.2. de la circulaire du 8 avril 2011 stipulant que sont exclues du champ de la taxe « les sommes se rapportant à la couverture santé pour les personnes qui ne sont pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français (couverture au 1er euro) » ; qu'elle faisait valoir que cette catégorie d'exclusion concernait seulement les primes destinées au financement de contrats dans lequel l'organisme assureur intervenait au premier rang, soit dès le premier euro dépensé, sans coordination avec d'autres régimes de protection sociale, c'est-à-dire les contrats constituant un régime d'assurance maladie de base ; qu'elle en déduisait que le fait pour le souscripteur de relever d'un régime de base étranger ne permettait pas à la prime d'être exclue de l'assiette de la taxe ; qu'elle contredisait en conséquence l'argument de la société selon lequel les primes afférentes aux contrats de protection complémentaires souscrits par des résidents français travaillant en Suisse n'étaient pas assujetties à la taxe dès lors qu'ils n'étaient pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français mais relevaient d'une régime de sécurité sociale obligatoire suisse (cf. conclusions d'appel de l'Urssaf, p. 6, avant dernier § et p. 7, § 6 à 10) ; qu'en énonçant que l'Urssaf ne tirait aucune conclusion du point 2.2.2. de la circulaire du 8 avril 2011, qu'elle n'apportait aucune contradiction à l'argument de la société selon lequel aucun des bénéficiaires des contrats en cause n'était à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français ; qu'elle n'apportait aucun élément de nature à étayer le principe d'inclusion qu'elle revendiquait et qu'elle avait elle-même rappelé que ces sommes étaient exclues de la taxe pour les personnes qui ne sont pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'Urssaf et violé l'article 4 du code de procédure civile. 3° - ALORS subsidiairement QU'il appartient au cotisant qui réclame le bénéfice d'une exonération de cotisation de rapporter la preuve qu'il en remplit les conditions ; qu'à supposer même que les primes ou cotisations d'assurance afférentes aux garanties de protection complémentaires en matière de frais de soins de santé soient exonérées de la taxe de solidarité additionnelle pour les personnes bénéficiaires qui ne sont pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français, il appartenait à la société [5] qui invoquait cette exonération de prouver que les personnes signataires des contrats litigieux n'étaient pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français ; qu'en reprochant à l'Urssaf de ne soumettre aucune information relative à la protection dont bénéficierait l'une au moins des personnes ayant signé l'un de contrats en cause, de n'apporter aucune contradiction à « l'argument » de la société selon lequel aucun des bénéficiaires des contrats en cause ne serait à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie française, et de n'apporter aucun élément de nature à étayer le principe d'inclusion qu'elle revendiquait, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du code civil. 4° - ALORS en tout état de cause QUE le juge, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit applicable, ne peut fonder sa décision sur des circulaires dépourvues de toute portée normative ; qu'en se fondant exclusivement, pour annuler le chef de redressement n°2, sur les dispositions du point 2.2.2. de la circulaire n°DSS/5D/2011/133 du 8 avril 2011, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2010-1657 du 29 décembre 2010 applicable au litige, TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé le chef de redressement n°3 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 (assujettissement des primes afférentes au contrat bénéficiant aux personnes non assujetties à un régime obligatoire, pour un total de 59.824 euros) et d'AVOIR en conséquence condamné l'Urssaf d'Ile-de-France à rembourser à la société [5] la somme de 749.880 euros, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2015, décidé en principe que l'Urssaf d'Ile-de-France devra procéder, dans les meilleurs délais, à vérification des sommes effectivement réglées par la société [5] au regard des sommes que cette société devait régler pour les années 2011 et 2012 et renvoyé les parties à faire leurs comptes et décidé que les sommes dont seraient redevables l'Urssaf d'Ile-de-France à l'égard de la société [5] devraient porter intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2015. 1° - ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits versés aux débats ; que dans la lettre d'observations du 12 novembre 2014, l'inspecteur de l'Urssaf avait constaté que la société [5] proposait un contrat « complémentaire frais de soins » au bénéfice des « non assujettis à un régime obligatoire » , que cette société justifiait l'exclusion desdits contrats de l'assiette de la taxe en arguant « du non assujettissement à un régime obligatoire de ses clients » , que la société n'avait cependant pas fourni les contrats réclamés, l'archivage électronique n'existant pas pour ces contrats anciens et les documents papiers étant introuvables, et que le seul élément fourni était une contrat type non daté (cf. lettre d'observations, p. 9 et 10) ; qu'en énonçant que dans cette lettre d'observations, l'Urssaf ne procédait à aucun constat, qu'elle ne citait pas même un contrat qui aurait permis d'apprécier le contrôle effectué et qu'elle indiquait elle-même que le contrat en cause était « au bénéfice des non assujettis à un régime obligatoire », la cour d'appel a dénaturé cette lettre d'observations et méconnu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis. 2° - ALORS QU'il appartient au cotisant qui réclame le bénéfice d'une exonération de cotisation de prouver, autrement que par voie d'affirmation, qu'il en remplit les conditions ; qu'en l'espèce, il appartenait à la société [5] qui prétendait que les primes afférentes aux contrats « complémentaire frais de soins » qu'elle proposait étaient exonérées de la taxe additionnelle de prouver, autrement que par voie d'affirmation, que leurs bénéficiaires n'étaient pas assujettis à un régime obligatoire d'assurance maladie et que les garanties de ces contrats cessaient si lesdits bénéficiaient venaient à relever d'un régime obligatoire de sécurité sociale ; qu'en annulant ce chef redressement faute pour l'Urssaf d'avoir cité un contrat qui aurait permis d'apprécier le contrôle effectué et faute d'avoir démenti la société lorsqu'elle « indiquait » seulement que les garanties n'étaient plus offertes dès lors que les signataire du contrat venaient à relever du régime de base de la sécurité sociale française, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315, devenu l'article 1353 du code civil. 3° - ALORS QUE ne sont exclues du champs d'application de la taxe additionnelle que les primes qui se rapportent à la couverture santé de personnes qui ne sont pas assujetties à un régime obligatoire d'assurance maladie, ce que la société cotisante doit démontrer et le juge constater ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que seulement « un des contrats » soumis par la société (pièce 17, contrat 1275213) portait la mention « pour une personne non assujetties (illisible) régime obligatoire » et que les conditions générales du contrat « complémentaire frais de soins » mentionnait « non assujettis à un régime obligatoire » ; qu'en jugeant que les primes afférentes à tous ces contrats « complémentaire frais de soins » devaient être exonérées de la taxe additionnelle puis en annulant l'entier chef de redressement n°3, sans avoir examiné tous les contrats litigieux ni constaté que les bénéficiaires de l'ensemble de ces contrats n'étaient pas assujettis à un régime obligatoire d'assurance maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2010-1657 du 29 décembre 2010 applicable au litige. 4° - ALORS en tout état de cause QUE le juge, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit applicable, ne peut fonder sa décision sur des circulaires dépourvues de toute portée normative ; qu'en se fondant exclusivement, pour annuler le chef de redressement n°3, sur les dispositions du point 2.2.2. de la circulaire n°DSS/5D/2011/133 du 8 avril 2011, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2010-1657 du 29 décembre 2010 applicable au litige,
Selon l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, applicable au litige, la taxe de solidarité additionnelle est assise sur les cotisations d'assurance maladie complémentaire. Il en résulte que les sommes se rapportant à la couverture santé des personnes non affiliées à un régime obligatoire d'assurance maladie sont exclues du champ d'application de cette taxe. Prive de base légale sa décision, la cour d'appel qui, pour annuler un redressement opéré pour le recouvrement de cette taxe, se fonde sur les mentions figurant sur les "contrats complémentaires frais de soins", sans vérifier si les bénéficiaires de ces contrats étaient effectivement des personnes non assujetties à un régime obligatoire d'assurance maladie
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 2 juin 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 577 F-B Pourvoi n° V 20-17.440 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [I]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 26 avril 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUIN 2022 La caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-17.440 contre le jugement rendu le 10 mars 2020 par le tribunal judiciaire d'Orléans (pôle social), dans le litige l'opposant à Mme [S] [I], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [I], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Orléans, 10 mars 2020), rendu en dernier ressort, à la suite d'un contrôle ayant révélé une omission déclarative, la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret (la caisse) a notifié à Mme [I] (l'assurée), bénéficiaire de la couverture maladie universelle complémentaire, par lettre du 30 août 2018, un indu d'un montant de 228,38 euros correspondant aux années 2015 et 2016, et, par lettre du 31 août 2018, une pénalité. 2. L'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale aux fins d'annulation de la pénalité. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief au jugement d'annuler la pénalité, alors : « 1°/ que toute inobservation des règles du code de la sécurité sociale ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme de sécurité sociale peut donner lieu à l'infliction d'une pénalité ; qu'en retenant, pour annuler la pénalité, que la mauvaise foi de l'assurée n'était pas établie, les juges du fond, qui ont ajouté une condition à la loi, ont violé les articles L. 162-1-14 et L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions applicables à l'époque des faits ; 2°/ que toute inobservation des règles du code de la sécurité sociale ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme de sécurité sociale, sauf en cas de bonne foi de l'assuré, peut donner lieu à l'infliction d'une pénalité ; qu'il appartient à l'assuré de rapporter la preuve de sa bonne foi ; qu'en retenant, pour annuler la pénalité, que la mauvaise foi de l'assurée n'était pas établie, les juges du fond ont violé l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la date de la pénalité, ensemble l'article 1353 [1315 ancien] du code civil ; 3°/ que l'ensemble des ressources perçues par les membres du foyer, prises en compte pour la détermination du droit à la protection complémentaire en matière de santé, doit donner lieu à déclaration ; qu'en annulant la pénalité, quand ils constataient l'existence des versements sur le livret de caisse d'épargne de la fille de l'assurée, non déclarés par cette dernière, au motif inopérant que l'on ignorait l'origine et la destination des fonds, les juges du fond ont violé les articles L. 861-1 et R. 861-4 du code de la sécurité sociale ; 4°/ que dès lors qu'était établie l'existence des versements dont se prévalait la caisse pour justifier de la méconnaissance par l'assurée de ses obligations déclaratives, il appartenait à l'assuré de justifier de l'origine et de la destination des fonds ; qu'en annulant la pénalité, au motif que l'on ignorait l'origine et la destination des fonds, les juges du fond, qui ont fait peser la charge et le risque de la preuve sur la caisse, ont violé les articles L. 861-1 et R. 861-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1353 [1315 ancien] du code civil. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 114-17-1, II, 1°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, la pénalité mentionnée au I est due pour toute inobservation des règles de ce code, du code de la santé publique, du code rural et de la pêche maritime ou du code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme local d'assurance maladie, sauf en cas de bonne foi de la personne concernée. 5. Ces dispositions, en tant qu'elles introduisent l'exception de bonne foi, doivent être regardées comme une loi nouvelle plus douce, immédiatement applicable aux pénalités prononcées, après sa date d'entrée en vigueur, pour des faits commis avant cette date. 6. La bonne foi étant présumée, il appartient à l'organisme de sécurité sociale d'établir, en cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi de l'assuré. 7. C'est par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que le tribunal, par une décision motivée, a jugé que la mauvaise foi n'était pas établie. 8. Le moyen, inopérant en sa première branche, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret Le jugement attaqué encourt la censure ; EN CE QU' il a constaté qu'il n'est pas démontré l'existence d'une fraude commise par Mme [I] et annulé la pénalité financière notifiée à Mme [I] par courrier du 31 août 2018 ; AUX MOTIFS QU' « il convient de constater en premier lieu que Madame [I] est divorcée de son conjoint par jugement du tribunal de grande instance de Montargis en date du 23 septembre 2015 ; qu'il apparaît que les versements pris en compte, pendant la période du 1er septembre 2015 au 30 septembre 2016, par la caisse primaire d'assurance-maladie concernant le livret caisse d'épargne de [K], fille de Madame [I] ; que la lecture des relevés de mouvements fait apparaître une très grande régularité de versement avec des débits immédiats ; que rien ne permet de connaître l'origine des mouvements, soit le père, soit la mère, alors que s'agissant d'un enfant mineur les deux parents ont des droits équivalents sur ce livret au moins en utilisation ; que la simple existence de ces mouvements de fonds ne permet pas de démontrer l'origine des fonds et leur destination et bénéficiaire et qu'ainsi une faute commise par Madame [I] n'est pas établie ; qu'en conséquence, alors que la mauvaise foi de Madame [I] n'est pas établie, il convient de faire droit à la demande de Madame [I] et d'annuler la pénalité financière prononcée » ; ALORS QUE, premièrement, toute inobservation des règles du code de la sécurité sociale ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme de sécurité sociale peut donner lieu à l'infliction d'une pénalité ; qu'en retenant, pour annuler la pénalité, que la mauvaise foi de Mme [I] n'était pas établie, les juges du fond, qui ont ajouté une condition à la loi, ont violé les articles L. 162-1-14 et L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions applicables à l'époque des faits ; ALORS QUE, deuxièmement, et subsidiairement, toute inobser-vation des règles du code de la sécurité sociale ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme de sécurité sociale, sauf en cas de bonne foi de l'assuré, peut donner lieu à l'infliction d'une pénalité ; qu'il appartient à l'assuré de rapporter la preuve de sa bonne foi ; qu'en retenant, pour annuler la pénalité, que la mauvaise foi de Mme [I] n'était pas établie, les juges du fond ont violé l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la date de la pénalité, ensemble l'article 1353 [1315 ancien] du code civil ; ALORS QUE, troisièmement, l'ensemble des ressources perçues par les membres du foyer, prises en compte pour la détermination du droit à la protection complémentaire en matière de santé, doit donner lieu à déclaration ; qu'en annulant la pénalité, quand ils constataient l'existence des versements sur le livret de caisse d'épargne de la fille de Mme [I], non déclarés par cette dernière, au motif inopérant que l'on ignorait l'origine et la destination des fonds, les juges du fond ont violé les articles L. 861-1 et R. 861-4 du code de la sécurité sociale ; ALORS QUE, quatrièmement, et en tout état, dès lors qu'était établie l'existence des versements dont se prévalait la Caisse pour justifier de la méconnaissance par l'assurée de ses obligations déclaratives, il appartenait à l'assuré de justifier de l'origine et de la destination des fonds ; qu'en annulant la pénalité, au motif que l'on ignorait l'origine et la destination des fonds, les juges du fond, qui ont fait peser la charge et le risque de la preuve sur la Caisse, ont violé les articles L. 861-1 et R. 861-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1353 [1315 ancien] du code civil.
Aux termes de l'article L. 114-17-1, II, 1°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, la pénalité mentionnée au I est due pour toute inobservation des règles de ce code, du code de la santé publique, du code rural et de la pêche maritime ou du code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme local d'assurance maladie, sauf en cas de bonne foi de la personne concernée. Ces dispositions, en tant qu'elles introduisent l'exception de bonne foi, doivent être regardées comme une loi nouvelle plus douce, immédiatement applicable aux pénalités prononcées, après sa date d'entrée en vigueur, pour des faits commis avant cette date. La bonne foi étant présumée, il appartient à l'organisme de sécurité sociale d'établir, en cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi de l'assuré
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CIV. 2 / ELECT CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 3 juin 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 736 F-B Pourvoi n° P 22-60.130 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUIN 2022 Mme [H] [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-60.130 contre le jugement rendu le 14 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg (contentieux des élections politiques), la concernant. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué, rendu par un tribunal judiciaire statuant en dernier ressort (Strasbourg, 14 avril 2022), et les productions, par requête du 14 avril 2022, Mme [E] a sollicité, en application de l'article L. 20,II, du code électoral, sa réinscription sur les listes électorales de la commune de Strasbourg, dont elle soutenait avoir été radiée en méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 18 du même code. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 20, II, du code électoral et 14 du code de procédure civile : 3. Selon le second de ces textes, auquel le premier ne déroge pas, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. 4. Il ne résulte ni des mentions du jugement, ni des pièces de la procédure, qu'avant de rejeter la requête dont il avait été saisi le jour même, le tribunal ait tenu une audience dont la requérante aurait été avisée ou qu'il a été fait application des dispositions des articles L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire, 828 et 829 du code de procédure civile. 5. En statuant dans ces conditions, le tribunal a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 avril 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Strasbourg ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, autrement composé ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt-deux.
Selon l'article 14 du code de procédure civile, auquel l'article L. 20, II, du code électoral ne déroge pas, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. Dès lors, viole ces dispositions le tribunal qui rejette la requête d'un électeur dont il a été saisi le jour même, sans qu'il ne résulte, ni des mentions du jugement, ni des pièces de la procédure, qu'avant de statuer, il ait tenu une audience dont le requérant aurait été avisé ou qu'il a été fait application des dispositions des articles L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire, et 828 et 829 du code de procédure civile
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N° K 22-81.770 F-B N° 00825 ODVS 31 MAI 2022 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 31 MAI 2022 M. [F] [I] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 3 mars 2022, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention déclarant irrecevable sa requête portant sur les conditions de détention. Par ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la chambre criminelle a déclaré sans objet la requête sollicitant l'examen immédiat du pourvoi et ordonné la transmission des pièces de la procédure à la chambre criminelle, compétente pour statuer. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 2 avril 2020, M. [F] [I] a été mis en examen du chef de viol incestueux sur mineur de quinze ans et placé en détention provisoire, laquelle a fait l'objet d'une prolongation. 3. Par ordonnance du 1er octobre 2021, le juge d'instruction a ordonné le renvoi de l'intéressé devant le tribunal correctionnel du chef d'agression sexuelle incestueuse sur mineur de quinze ans et a, par ordonnance distincte, ordonné son maintien en détention. 4. Par arrêt du 3 décembre 2021, la chambre de l'instruction a déclaré irrecevables les appels relevés par l'intéressé de l'ordonnance en cause. 5. Sur pourvoi de celui-ci, la Cour de cassation a, par arrêt du 9 mars 2022, cassé et annulé cet arrêt et renvoyé la cause et les parties devant la chambre de l'instruction. 6. Entre-temps, par requête du 3 février 2022, M. [I], se disant victime de conditions de détention inhumaines et dégradantes à la maison d'arrêt d'[Localité 1], a, sur le fondement de l'article 803-8 du code de procédure pénale, saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de voir ordonner une vérification de ses conditions de détention. 7. Par ordonnance du 11 février 2022, le juge des libertés et de la détention a déclaré sa requête irrecevable. 8. M. [I] a relevé appel de cette décision. Examen de la recevabilité du pourvoi 9. Il y a lieu de considérer, qu'à défaut de texte législatif contraire, l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction statuant sur une requête portant sur les conditions de détention d'une personne placée en détention provisoire entre dans les prévisions de l'article 567 du code de procédure pénale. 10. Dès lors, le pourvoi formé contre une telle décision est recevable. Examen des moyens Sur le second moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée de mentionner que les réquisitions du procureur général ont été notifiées au requérant et à son avocat par télécopie du 24 février 2022, alors que M. [I] n'a jamais reçu notification de ces réquisitions et que son avocat, M. [L] [N], par télécopie du 18 janvier 2022, a fait connaître au procureur de la République qu'il n'assurait plus sa défense ; la présidente de la chambre de l'instruction, qui n'a pas mis le requérant en mesure d'apporter ses éléments de preuve, tout en constatant par les éléments de la procédure qu'il ne pouvait bénéficier en détention des soins dentaires appropriés à son état, ce qui était de nature à faire conclure à une détention contraire à la dignité de la personne, a méconnu les articles préliminaire et 593 du code de procédure pénale. Réponse de la Cour 12. Il résulte de l'examen des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que, dans le cadre de l'examen de l'appel du requérant devant la présidente de la chambre de l'instruction, les réquisitions du procureur général ont été adressées pour notification le 24 février 2022 à l'avocat de M. [I], désigné par déclaration au greffe de l'établissement pénitentiaire depuis le 25 novembre 2021. 13. En cet état, les réquisitions du procureur général n'avaient pas à être adressées à M. [I], dès lors qu'il était assisté par un avocat. 14. En conséquence, le moyen doit être écarté. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 15. Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir dit mal fondé l'appel de l'ordonnance ayant déclaré la requête tendant à l'examen des conditions de détention irrecevable, alors que la présidente de la chambre de l'instruction, qui a motivé sa décision notamment sur les éléments du rapport du chef d'établissement en date du 7 février 2022, devait constater que la requête avait été déclarée implicitement recevable par le juge des libertés et de la détention qui avait fait procéder à des investigations par le directeur de la maison d'arrêt, conformément aux dispositions de l'article 803-8, I, alinéa 4, du code de procédure pénale ; la présidente de la chambre de l'instruction, qui a en conséquence entaché sa décision d'une contradiction de motifs, a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale. Réponse de la Cour Vu l'article 803-8, I, alinéas 2 et 4, du code de procédure pénale : 16. Selon ce texte, le juge des libertés et de la détention déclare recevable la requête portant sur l'examen des conditions de détention si les allégations de conditions contraires à la dignité de la personne humaine y figurant sont circonstanciées, personnelles et actuelles, de sorte qu'elles constituent un commencement de preuve de ce que ces conditions de détention ne respectent pas la dignité de la personne. Cette disposition vise à permettre le recours effectif et préventif exigé par la Convention européenne des droits de l'homme tout en le réservant aux situations dont la description par le requérant convainc le juge de faire usage de ses pouvoirs de vérification. 17. Ce n'est que si le juge estime la requête recevable qu'il fait procéder aux vérifications nécessaires et recueille les observations de l'administration pénitentiaire. 18. Il en résulte que, pour apprécier la recevabilité de la requête, le juge ne peut se fonder sur des observations de l'administration pénitentiaire qui lui ont été transmises avec celle-ci et qui répondent aux allégations qu'elle contient. 19. Selon les éléments du dossier, la requête et les pièces de M. [I] ont été transmises au juge des libertés et de la détention avec un rapport du chef de l'établissement pénitentiaire répondant aux allégations de conditions indignes de détention de l'intéressé et joignant à l'appui documents et photographies. 20. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant déclaré irrecevable la requête de M. [I], l'ordonnance attaquée énonce que les allégations figurant dans cette requête sont contredites par les éléments de ce rapport, parfaitement étayés par les pièces qui y sont jointes. 21. En statuant ainsi, la présidente de la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé. 22. La cassation est dès lors encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 3 mars 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la juridiction du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mai deux mille vingt-deux.
Le pourvoi formé contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction statuant sur une requête portant sur les conditions de détention d'une personne placée en détention provisoire est recevable
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0CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 467 F-B Pourvoi n° R 20-21.277 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 M. [J] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-21.277 contre l'arrêt rendu le 1er septembre 2020 par la cour d'appel de Chambéry (3e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [N] [K], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Mme [K] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [M], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [K], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement du pourvoi incident 1. Il est donné acte à Mme [K] du désistement de son pourvoi. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 1er septembre 2020), un arrêt du 16 juillet 2013 a prononcé le divorce de M. [M] et Mme [K], mariés sous le régime de la séparation de biens. 3. Des difficultés sont survenues lors des opérations de comptes, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux. Examen des moyens Sur le troisième moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. M. [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de créance au titre du financement de l'appartement sis à [Localité 3], alors « que l'apport en capital provenant de deniers personnels effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l'acquisition d'un bien indivis affecté à l'usage familial ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ; qu'en jugeant que l'apport réalisé par l'exposant lors de l'acquisition du logement familial participait de l'exécution de son obligation de contribution aux charges du mariage, alors même qu'elle constatait qu'il s'agissait là de deniers personnels, la cour d'appel a violé l'article 214 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 6. Mme [K] conteste la recevabilité du moyen comme étant nouveau et mélangé de fait. 7. Cependant, M. [M] soutenait, dans ses écritures, d'une part, que ses avances financières personnelles au titre des investissements immobiliers ne pouvaient être constitutives d'une participation aux charges du mariage au sens de l'article 214 du code civil, d'autre part, que l'apport d'un capital pour financer un bien indivis n'est pas une contribution aux charges du mariage. 8. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 214 du code civil : 9. Il résulte de ce texte que, sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de l'autre lors de l'acquisition d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage. 10. Pour rejeter la demande de créance de M. [M] au titre de l'acquisition de l'appartement de [Localité 3], après avoir constaté que l'immeuble avait été financé pour partie au moyen d'un apport en capital provenant d'un compte courant d'associé de celui-ci, l'arrêt relève que le contrat de mariage des époux stipule que chacun sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux, que l'importante disparité de revenus entre eux devait conduire M. [M] à contribuer de façon plus importante aux charges du mariage, que Mme [K] alimentait aussi le compte commun par le versement de ses allocations chômage et familiales, que l'immeuble avait constitué le domicile conjugal et qu'ainsi les paiements effectués par M. [M] participaient de son obligation de contribuer aux charges du mariage, sans dépasser une contribution normale. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 12. M. [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de créance au titre de travaux d'édification de la maison sise à La Chambre, alors « que l'apport en capital provenant de deniers personnels effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l'édification d'un bien indivis affecté à l'usage familial ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ; qu'en jugeant que l'apport réalisé par l'exposant lors de la construction et de l'édification du logement familial participait de l'exécution de son obligation de contribution aux charges du mariage, alors même qu'elle constatait qu'il s'agissait là de deniers personnels, la cour d'appel a violé l'article 214 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 13. Mme [K] conteste la recevabilité du moyen comme étant nouveau et mélangé de fait. 14. Cependant, M. [M] soutenait, dans ses écritures, d'une part, que ses avances financières personnelles au titre des investissements immobiliers ne pouvaient être constitutives d'une participation aux charges du mariage au sens de l'article 214 du code civil, d'autre part, que l'apport d'un capital pour financer un bien indivis n'est pas une contribution aux charges du mariage. 15. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 214 du code civil : 16. Il résulte de ce texte que, sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer l'amélioration, par voie de construction, d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage. 17. Pour rejeter la demande de créance de M. [M] au titre du financement d'une partie des travaux de la maison sise à La Chambre, après avoir constaté que celui-ci justifiait sa demande par la production de la copie d'un chèque tiré sur son compte bancaire au bénéfice du promoteur, l'arrêt retient que les explications données à propos de l'appartement de [Localité 3] doivent encore recevoir application. 18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de créances formées par M. [M] au titre de l'acquisition de l'appartement sis à Saint-Jean de Maurienne et au titre des travaux de construction de la maison sise à La Chambre, l'arrêt rendu le 1er septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne Mme [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [K] et la condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Alain Bénabent , avocat aux Conseils, pour M. [M] PREMIER MOYEN DE CASSATION Monsieur [J] [M] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de créance au titre du financement de l'appartement sis à Saint Jean de Maurienne AUX MOTIFS QUE « Sur le financement de l'appartement de [Localité 3] Selon M. [M], le prix d'acquisition de 179 267 euros a été financé par son compte courant d'associé à hauteur de 73 000 euros. Le bien a été revendu pour un prix de 220 000 euros. Son apport serait donc de 73 000 / 179 267 x 220 000 = 85 589,07 euros, soit une créance revendiquée de 44 793,52 euros. Il justifie effectivement de l'origine de la somme de 73 000 euros par une attestation de l'expert-comptable de la société, comme provenant de son compte courant d'associé. M. [M] fait encore valoir que Mme [K], donc l'activité professionnelle a toujours été épisodique, ne participait que très modestement aux dettes ménagères, alors qu'il alimentait régulièrement le compte commun par des apports pour financer le logement, et qu'en outre, il versait tous les mois 1 800 euros à titre de contribution aux charges du mariage. Cependant, aux termes du contrat de mariage, les époux contribueront aux charges du ménage en proportion de leurs revenus et gains respectifs (…) Chacun d'eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux (…). D'une part, M. [M] admet une importante disparité de revenus entre les époux, ce qui devait le conduire à contribuer de façon plus importante aux charges du mariage. D'autre part, il admet encore que Mme [K] alimentait aussi le compte commun par le versement de ses allocations chômage et des allocations familiales. Enfin, l'immeuble constituait le domicile conjugal et, ainsi, les paiements effectués par le mari participaient de son obligation de contribuer aux charges du mariage, En dernier lieu, il faut considérer que les versements mensuels de 1 800 euros par M. [M] pour faire vivre une famille qui comptait deux, puis trois enfants, ne dépassaient pas une contribution normale aux charges du mariage, même s'ils s'ajoutaient aux sommes investies pour acheter le logement. Il convient donc de confirmer les dispositions du jugement qui ont débouté M. [M] de sa demande de prise en compte d'une créance de 44 793,52 euros. » ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « En ce qui concerne le financement du bien immobilier sis à [Localité 3] : Il sera tout d'abord relevé que si Monsieur [J] [M] expose que le bien immobilier a été financé en partie, à hauteur de 73 000 euros, à partir de fonds propres, il produit pour en justifier deux chèques de 53 400 euros et 11 000 euros émanent de l'EURL [J] [M] (pièce 30 – demandeur). Or, des fonds provenant d'une société dotée de sa propre personnalité juridique et de son propre patrimoine ne sauraient nécessairement s'analyser en des fonds propres en l'absence de toute précision sur les motifs de tels versements. Par ailleurs, il y a lieu de considérer en l'absence d'élément contraire que l'appartement sis à [Localité 3] constituait le logement familial des anciens époux. Dans ces conditions, les fonds apportés par Monsieur [J] [M] pour le financement de cette acquisition doivent s'analyser en une contribution de ce dernier aux charges du mariage compte-tenu de leur situation respective et de leurs revenus propres, contribution présumée aux thermes du contrat de mariage proportionnelle à leurs facultés respectives. La créance de 44 793,52 euros sollicitée à ce titre par Monsieur [J] [M] ne sera donc pas retenue. » ALORS QUE l'apport en capital provenant de deniers personnels effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l'acquisition d'un bien indivis affecté à l'usage familial ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ; qu'en jugeant que l'apport réalisé par l'exposant lors de l'acquisition du logement familial participait de l'exécution de son obligation de contribution aux charges du mariage, alors même qu'elle constatait qu'il s'agissait là de deniers personnels, la cour d'appel a violé l'article 214 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Monsieur [J] [M] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de créance au titre de travaux d'édification de la maison sise à La Chambre AUX MOTIFS QUE « Sur l'attribution de la maison de la Chambre à M. [M], Les parties s'accordent sur l'attribution de la maison à M. [M], mais Mme [K] voudrait percevoir une soulte représentant la moitié de sa valeur, soit 118 000 euros. Elle admet en effet la valeur de 236 000 euros proposée par M. [M]. Celui-ci revendique une créance de 21 161 euros pour un financement à hauteur de 40 322 euros. Comme justificatif de sa demande, il produit la copie d'un chèque de ce montant tiré sur son compte bancaire au bénéfice du promoteur (pièce n°12). Il expose que ce versement avait pour but de permettre le déblocage des fonds (page 18 des conclusions). Les explications données à propos de l'appartement de [Localité 3] doivent encore recevoir application en l'espèce et conduire à confirmer les dispositions du jugement qui ont débouté M. [M] de sa demande relative à la somme de 21 161 euros. Il est exact que le jugement déféré n'a pas statué sur l'attribution de la maison ni sur la demande de Mme [K] visant à voir fixer la soulte devant lui revenir à 118 000 euros. Il convient de réparer l'omission de statuer et de faire droit à la demande en ce sens. » ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « En ce qui concerne le financement des travaux de la maison sise à LA CHAMBRE : Monsieur [J] [M] justifie avoir financé une partie des travaux de la maison sise à LA CHAMBRE, et ce à hauteur de 40 332 euros (pièce 12 – demandeur). Pour autant, dans la mesure où les travaux sont relatifs au domicile familial, pour les mêmes motifs que sus exposés, la somme ainsi apportée doit s'analyser en une contribution de ce dernier aux charges du mariage compte-tenu de leur situation respective et de leurs revenus propres. La créance de 20 161 euros sollicitée à ce titre par Monsieur [J] [M] ne sera pas davantage retenue. » ALORS QUE l'apport en capital provenant de deniers personnels effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l'édification d'un bien indivis affecté à l'usage familial ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ; qu'en jugeant que l'apport réalisé par l'exposant lors de la construction et de l'édification du logement familial participait de l'exécution de son obligation de contribution aux charges du mariage, alors même qu'elle constatait qu'il s'agissait là de deniers personnels, la cour d'appel a violé l'article 214 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Monsieur [J] [M] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il disposait d'une créance contre Madame [K] de 1 000 euros au titre de la vente du véhicule AUX MOTIFS QUE « Sur le véhicule Renault Scenic M. [M] expose qu'il avait acheté ce véhicule pour son usage personne et que Mme [K] se l'est approprié, et même, qu'elle l'a revendu sans lui restituer le prix. Mme [K] fait valoir que le certificat d'immatriculation était à son nom, que M. [M] ne justifierait pas que ce véhicule était sa propriété, alors qu'il a servi à un usage familial, qu'il a été acheté en 2008, soit pendant le mariage, et qu'en toute hypothèse, sa valeur serait symbolique à la date de jouissance divise. Il faut considérer que le véhicule appartenait en indivision aux deux époux, car il était destiné à l'usage de la famille. L'ordonnance de non-conciliation avait attribué la jouissance de cette voiture à Mme [K] selon l'accord des parties. Ce droit lui était concédé à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, convenu comme tel entre les époux. Cependant, Mme [K] ne donne aucune explication sur le sort du véhicule, de sorte que celle de M. [M], selon laquelle elle l'a revendu à une date et à un prix inconnus, sera retenue. Il en résulte donc que Mme [K] doit restituer à l'indivision la valeur de revente qui doit être arbitrée à 2 000 euros, valeur minimum d'une voiture d'occasion de ce modèle. » ALORS QU'un époux séparé de bien peut prouver par tous moyens qu'il a la propriété exclusive d'un bien ; que ce n'est qu'à défaut d'une telle preuve que la présomption de propriété indivise par moitié doit être appliquée ; que, pour qualifier le bien litigieux d'indivis, la cour d'appel, qui a retenu l'usage familial du véhicule, s'est prononcée par des moyens inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1538 du code civil.
Il résulte de l'article 214 du code civil que, sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer l'amélioration, par voie de construction, d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 468 F-B Pourvoi n° E 19-24.368 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 Mme [R] [G] [U], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 19-24.368 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à M. [Z] [P], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat de Mme [U], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 novembre 2019), le 14 mai 2009, M. [P] et Mme [U] ont conclu un pacte civil de solidarité, enregistré le 19 juin suivant. Le 7 septembre 2009, ils ont acquis en indivision un bien immobilier. 2. Le 6 décembre 2013, M. [P] a signifié à Mme [U] sa décision unilatérale de dissolution du pacte civil de solidarité, qui a été enregistrée le 31 décembre suivant. 3. Le 5 décembre 2014, il a assigné Mme [U] devant le juge aux affaires familiales en vue du règlement de leurs intérêts patrimoniaux. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, excepté en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les parties sont irrecevables en toutes leurs demandes relatives à l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant mineur né de leurs relations, en ce compris celles qui ont trait aux modalités de la contribution à son entretien et à son éducation La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, sur l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats à l'audience publique du 10 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Martinel, conseiller doyen, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Thomas, greffier de chambre. Enoncé du moyen 4. Mme [U] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande visant à ce qu'il soit jugé qu'il ne peut être mis à sa charge la somme de 172 289,61 euros correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P], de déclarer irrecevable la demande visant à voir juger qu'elle dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, de déclarer irrecevable sa demande relative à l'estimation immobilière de M. [S] et de rejeter sa demande d'attribution préférentielle, d'ordonner, préalablement la licitation à la barre des droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3], de fixer l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance de la partie réservée à usage d'habitation de ce bien immobilier indivis à compter du mois d'août 2012 et jusqu'à ce qu'intervienne le partage ou la libération effective des lieux à la somme de 2 100 euros par mois, de fixer le montant mensuel de l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance exclusive du local à usage professionnel à 640 euros par mois, de dire que la somme dont elle est redevable envers l'indivision au titre de ces indemnités d'occupation doit être inscrite à l'actif de l'indivision à partager et au passif du compte d'indivision de l'ex-partenaire, et de dire que M. [P] dispose d'une créance contre l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien immobilier indivis qu'il a exposés pour une somme d'un montant de 636 329,08 euros qui devra être évaluée conformément aux dispositions de l'article 815-13 du code civil, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les premières conclusions d'appel doivent présenter l'ensemble des prétentions sur le fond, à peine d'irrecevabilité ; que le fait de demander, dans le dispositif de ses premières conclusions d'appel, la confirmation du jugement sur certains chefs de dispositif, « l'infirmation du jugement sur le surplus », et le débouté de la partie adverse de l'ensemble de ses demandes ne restreint pas la saisine initiale formulée dans la déclaration d'appel qui énumère expressément chaque chef du jugement critiqué ; qu'en déclarant pourtant irrecevables les demandes visant à ce qu'il soit jugé qu'il ne peut être mis à la charge de Mme [U] la somme de 172 289,61 euros, correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P], visant à ce qu'il soit jugé que Mme [U] dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, la demande relative à l'estimation immobilière de M. [S] et les demandes relatives aux indemnités d'occupation, aux motifs que « le dispositif de ses premières conclusions ne comporte aucune demande relative à la créance de M. [P] telle qu'elle a été fixée en première instance. Il ne comporte pas non plus de demande concernant la sur-contribution aux dépenses de la vie commune invoquée par Mme [U]. Il s'ensuit que, par ses premières conclusions, Mme [U] a restreint la saisine de la cour à ce qui est expressément demandé dans le dispositif de celles-ci » et au motif que « Mme [U] n'a formulé, dans le dispositif de ses conclusions aucune demande relative à l'indemnité d'occupation mise à sa charge par le jugement déféré », la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant les articles 4, 910-4 et 954 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de la combinaison des articles 4, 562 et 954 du code de procédure civile que, si l'étendue de l'effet dévolutif est fixée par la déclaration d'appel, la portée d'un appel est déterminée par les conclusions des parties, par lesquelles elles peuvent restreindre les prétentions qu'elles soumettent à la cour d'appel. 6. Ces prétentions sont, en application de cet article 954, alinéa 3, fixées par le dispositif des conclusions des parties et il résulte de l'article 910-4, alinéa 1er, du même code que, sous les réserves prévues à l'alinéa 2 de ce texte, sont irrecevables les prétentions qui ne sont pas présentées par les parties dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code. 7. La cour d'appel ayant relevé que ne figuraient pas dans le dispositif des premières conclusions de Mme [U] les demandes visant à ce qu'il soit jugé qu'il ne pouvait être mis à sa charge une certaine somme correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P], qu'elle disposait d'une créance à l'encontre de ce dernier au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, ainsi qu'une demande relative à une estimation immobilière de M. [S], et que ne figurait pas non plus dans le dispositif des dernières conclusions de l'appelante de demande relative à des indemnités d'occupation, c'est sans encourir les critiques du moyen qu'elle a déclaré irrecevables les trois premières demandes et qu'elle a confirmé le jugement ayant statué sur la quatrième demande. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les parties sont irrecevables en toutes leurs demandes relatives à l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant mineur né de leurs relations, en ce compris celles qui ont trait aux modalités de la contribution à son entretien et à son éducation Enoncé du moyen 9. Mme [U] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes relatives à l'exercice de l'autorité parentale, en ce compris celles qui ont trait à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun, et, par conséquent, de rejeter sa demande d'attribution préférentielle, alors : « 2°/ que le juge aux affaires familiales connaît du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et concubins ; qu'il connaît également des actions liées à la fixation de l'obligation alimentaire, de la contribution aux charges du mariage ou du pacte civil de solidarité et de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ; que le juge aux affaires familiales, saisi d'une demande de partage entre personnes anciennement liées par un pacte civil de solidarité et d'une demande d'indemnité d'occupation au titre d'un bien immobilier occupé par un ex-partenaire d'un pacte civil de solidarité et de l'enfant commun doit se prononcer, dès lors qu'il y est invité, sur la question de l'occupation gratuite de ce bien comme constituant une modalité d'exécution, par l'autre parent, de son obligation de contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun, peu importe que les demandes relatives au partage et que les demandes relatives à la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant obéissent à un régime procédural distinct ; qu'en l'espèce, Mme [U] demandait à ce qu'il soit statué sur la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant [I] et qu'il soit statué sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; que Mme [U] demandait à ce que la contribution de M. [P] à l'entretien et à l'éducation de leur enfant soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation qui était de nature à diminuer la créance de M. [P] à l'encontre de Mme [U], de sorte que cette dernière était en mesure de payer la soulte qui serait due à M. [P] en cas d'attribution préférentielle du logement ; que pour refuser de trancher cette question et déclarer ces demandes irrecevables, la cour d'appel a estimé que le fait que le juge aux affaires familiales soit matériellement compétent pour statuer sur ces demandes n'empêchait pas ces dernières d'être irrecevables dès lors qu'elles étaient soumises à un régime procédure distinct de celles relatives à la demande de partage des intérêts patrimoniaux des ex-partenaires ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter sa compétence, la cour d'appel a violé l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction applicable au litige ; 3°/ que les demandes reconventionnelles ou additionnelles sont recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre ; que cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d'une prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant ; qu'elle peut être en tout ou partie servie sous forme d'un droit d'usage et d'habitation qui peut, dès lors, venir diminuer ou supprimer une indemnité d'occupation ; qu'en l'espèce, Mme [U] demandait à ce qu'il soit statué sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant [I] et sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; que Mme [U] demandait à ce que la contribution de M. [P] à l'entretien et l'éducation de l'enfant soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation qui était de nature à diminuer la créance de M. [P] à l'encontre de Mme [U], de sorte que cette dernière était en mesure de payer la soulte qui serait due à M. [P] en cas d'attribution préférentielle du logement ; que la demande de Mme [U] relative à la contribution à l'entretien et l'éducation de [I] se rattachait à la demande principale en partage de l'indivision liant les ex-partenaires relativement au bien immobilier situé à Boulogne, par un lien suffisant ; qu'en jugeant le contraire pour déclarer la demande de Mme [U] irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 373-2-2 du code civil, dans sa rédaction application au litige, l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction applicable au litige et l'article 70 du code de procédure civile ; 4°/ que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; que toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout ; qu'en l'espèce, Mme [U] demandait à ce qu'il soit statué sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant [I] et sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; que Mme [U] demandait à ce que la contribution de M. [P] à l'entretien et à l'éducation de l'enfant soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation qui était de nature à diminuer la créance de M. [P] à l'encontre de Mme [U], de sorte que cette dernière était en mesure de payer la soulte qui serait due à M. [P] en cas d'attribution préférentielle du logement ; que la demande de Mme [U] relative à la contribution à l'entretien et l'éducation de [I] visait donc à compenser la créance pouvant être mise à sa charge au titre de l'indemnité d'occupation ; qu'en jugeant pourtant cette demande irrecevable sans rechercher si la demande de Mme [U] ne visait pas à opposer la compensation aux créances réclamées par M. [P] au titre de l'indemnité d'occupation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 70 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 10. Contrairement aux énonciations du moyen, Mme [U] ne demandait pas, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, que la contribution de M. [P] à l'entretien et l'éducation de l'enfant commun soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation de l'immeuble indivis, ni ne réclamait une compensation, mais sollicitait qu'il soit dit que celui-ci devra abandonner partie de sa soulte sur la maison à une certaine hauteur sauf à parfaire, en usufruit pour l'entretien et l'éducation de leur enfant. 11. Le moyen manque donc en fait. Mais sur le moyen relevé d'office La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, dans les conditions précédemment exposées. 12. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article 910-4 du code de procédure civile : 13. En application de l'alinéa 2 de ce texte, l'irrecevabilité prévue par son alinéa 1er ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses. 14. Tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse. 15. Pour déclarer irrecevables la demande de Mme [U] visant à ce qu'il soit dit et jugé qu'il ne peut être mis à sa charge une somme correspondant au surcoût de travaux dirigés par M. [P], sa demande relative à une estimation immobilière de M. [S] et sa demande visant à voir dire et juger qu'elle dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, l'arrêt, après avoir rappelé les termes des articles 910-4, alinéa 1er, et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, relève que, par ses premières conclusions, Mme [U] demandait à voir débouter M. [P] de l'ensemble de ses moyens, demandes et fins, de rejeter des débats une pièce communiquée par ce dernier, de lui attribuer un immeuble indivis moyennant le versement d'une soulte à déterminer en fonction de sa valorisation et des droits respectifs, de fixer une contribution mensuelle de M. [P] à l'entretien et à l'éducation de leur enfant, de dire que M. [P] devrait abandonner une partie de sa soulte sur l'immeuble en usufruit pour l'entretien et l'éducation de leur enfant et de le condamner au paiement de dommages-intérêts et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'arrêt précise que Mme [U] sollicitait enfin la confirmation du jugement déféré pour le surplus. 16. L'arrêt en déduit que le dispositif de ces conclusions ne comportait ni demande relative à la créance de M. [P] telle qu'elle avait été fixée en première instance, ni demande relative à l'estimation immobilière de M. [S], de sorte que, par ces conclusions, Mme [U] avait restreint la saisine de la cour d'appel à ce qui était expressément demandé dans le dispositif de celles-ci et qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ces demandes, qui ne constituaient pas davantage une défense à une prétention adverse. 17. En statuant ainsi, alors que les dernières conclusions d'appel de Mme [U] comportaient, selon les constatations de la cour d'appel, ces trois prétentions, lesquelles avaient trait au partage de l'indivision liant les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 18. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déclarant irrecevables les trois demandes formulées par Mme [U] dans ses dernières conclusions entraîne la cassation des chefs de dispositif, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire, rejetant la demande d'attribution préférentielle formée par Mme [U], ordonnant, préalablement et pour parvenir au partage, la licitation des droits et biens immobiliers dépendant de l'ensemble immobilier sis à [Adresse 3], fixant l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance de la partie réservée à usage d'habitation du bien immobilier, fixant le montant mensuel de l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance exclusive du local à usage professionnel, décidant que la somme dont Mme [U] est redevable envers l'indivision au titre de ces indemnités d'occupation doit être inscrite à l'actif de l'indivision à partager et au passif du compte d'indivision de l'ex-partenaire et que M. [P] dispose d'une créance contre l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien immobilier indivis qu'il a exposés pour une somme d'un montant de 636 329,08 euros. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens, la Cour : CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 5 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles, mais seulement en ce qu'il : - déclare irrecevable la demande visant à voir dire et juger que Mme [U] dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, - déclare irrecevable la demande visant à ce qu'il soit dit et jugé qu'il ne peut être mis à la charge de Mme [U] la somme de 172 289,61 euros correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P], - déclare irrecevable la demande relative à l'estimation immobilière de M. [S], - rejette la demande d'attribution préférentielle formée par Mme [U], - ordonne, préalablement et pour parvenir au partage, sur les poursuites et diligences de M. [Z] [P] et en présence de l'autre indivisaire, ou celui-ci dûment appelé, la licitation à la barre des droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3] sur la commune de [Localité 5] (92), cadastré section 0 n°[Cadastre 1] lieu-dit [Adresse 4] pour une contenance de 00 ha 1 a 54 ca constitué d'une maison à usage d'habitation, de deux studios ainsi que d'un local indépendant situé au rez-de-chaussée à un usage professionnel ou d'habitation, - fixe l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance de la partie réservée à usage d'habitation du bien immobilier indivis sis, [Adresse 3] (92) à compter du mois d'août 2012 et jusqu'à ce qu'intervienne le partage ou la libération effective des lieux à la somme de 2 100 euros par mois, - fixe le montant mensuel de l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance exclusive du local à usage professionnel à 640 euros par mois, - décide que la somme dont Mme [U] est redevable envers l'indivision au titre de ces indemnités d'occupation doit être inscrite à l'actif de l'indivision à partager et au passif du compte d'indivision de l'ex-partenaire, à charge pour le notaire de la parfaire au jour où interviendra le partage ou la libération effective des lieux, - décide que M. [P] dispose d'une créance contre l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien immobilier indivis qu'il a exposée pour une somme d'un montant de 636 329,08 euros qui devrait être évaluée conformément aux dispositions de l'article 815-13 du code civil ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat aux Conseils, pour Mme [U]. PREMIER MOYEN DE CASSATION : IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande visant à ce qu'il soit dit et jugé qu'il ne peut être mis à la charge de Mme [U] la somme de 172 289,61 euros correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P], d'avoir déclaré irrecevable la demande visant à voir dire et jugé que Mme [U] dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, d'avoir déclaré irrecevable la demande relative à l'estimation immobilière de M. [S], d'avoir confirmé le jugement du 17 novembre 2017 en ce qu'il a dit que les parties étaient irrecevables en toutes leurs demandes relatives à l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant mineur né de leurs relations, en ce compris celles qui ont trait aux modalités de la contribution à son entretien et à son éducation et, en conséquence, par confirmation du jugement rendu le 17 novembre 2017 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre, d'avoir débouté Mme [U] de sa demande d'attribution préférentielle, préalablement et pour parvenir au partage, d'avoir ordonné sur les poursuites et diligences de M. [Z] [P] et en présence de l'autre indivisaire, ou celui-ci dûment appelé, la licitation à la barre des droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3] sur la commune de Boulogne-Billancourt (92), cadastré section 0 n°[Cadastre 1] lieudit [Adresse 4] pour une contenance de 00 ha 1 a 54 ca constitué d'une maison à usage d'habitation, de deux studios ainsi que d'un local indépendant situé au rez-de-chaussée à un usage professionnel ou d'habitation, d'avoir fixé l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance de la partie réservée à usage d'habitation du bien immobilier indivis sis, [Adresse 3] (92) à compter du mois d'août 2012 et jusqu'à ce qu'intervienne le partage ou la libération effective des lieux à la somme de 2 100 euros par mois, d'avoir fixé le montant mensuel de l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance exclusive du local à usage professionnel à 640 € par mois, d'avoir dit que la somme dont Mme [R] [U] est redevable envers l'indivision au titre de ces indemnités d'occupation doit être inscrite à l'actif de l'indivision à partager et au passif du compte d'indivision de l'ex-partenaire, à charge pour le notaire de la parfaire au jour où interviendra le partage ou la libération effective des lieux, et d'avoir dit que M. [Z] [P] dispose d'une créance contre l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien immobilier indivis qu'il a exposé pour une somme d'un montant de 636 329,08 € qui devra être évaluée conformément aux dispositions de l'article 815-13 du code civil ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande visant à ce qu'ils soit dit et jugé qu'il ne peut être mis à la charge de Mme [U] la somme de 172 289,61 euros correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P], sur la sur contribution de Mme [U] aux dépenses de la vie commune et sur la demande relative à l'estimation immobilière de M. [S] ; […] que ceci exposé et en premier lieu que les demandes de « voir dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile ; qu'en fait, cette demande tend à remettre en cause la créance de M. [P] sur l'indivision au titre des travaux sur le bien indivis qu'il a financés telle qu'elle a été fixée par le premier juge ; considérant en tout état de cause que l'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; que l'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures ; que de plus, par application de l'article 954 du même code, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; considérant par conséquent que si la déclaration d'appel de Mme [U] vise en particulier à l'infirmation de la disposition du jugement fixant la créance de M. [P] contre l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien immobilier indivis à la somme de 636 329,08 euros, par ses premières conclusions notifiées le 24 avril 2018, Mme [U] demande à la cour de : « débouter M. [Z] [P] de l'ensemble de ses moyens, demandes et fins ; rejeter des débats la pièce communiquée par M. [P] sous le n°54 qui ne répond pas aux exigences des articles 200 et suivants du CPC ;attribuer à Mme [U] la maison sise [Adresse 3] moyennant le versement à M. [P] de la soulte qui sera déterminée par Maître [W] en fonction de valorisation du bien commun et de leurs droits respectifs ; fixer la contribution mensuelle de M. [P] à l'entretien et à l'éducation de leur enfant à 400 euros qui variera de plein droit le 1er janvier de chaque année et pour la première fois le 1er janvier 2019 en fonction de la variation de l'indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains de la région parisienne ; dire cependant qu'en raison de la consistance de son patrimoine M. [Z] [P] devra abandonner partie de sa soulte sur la maison à hauteur de 100 000 euros sauf à parfaire, en usufruit pour l'entretien et l'éducation de leur enfant ; condamner M. [P] au paiement de la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il a causé à Mme [R] [U] du fait des circonstances brutales et humiliantes de la rupture, condamner M. [Z] [P] au paiement de 2 500 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Mme Maître France Lafin, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et de confirmer le jugement déféré pour le surplus ; que le disposition de ses premières conclusions ne comporte donc aucune demande relative à la créance de M. [P] telle qu'elle a été fixée en première instance ; qu'il ne comporte pas plus de demande concernant la sur-contribution aux dépenses de la vie commune invoquée par Mme [U] ; qu'il s'ensuit que, par ses premières conclusions, Mme [U] a restreint la saisine de la cour à ce qui est expressément demandé dans le disposition de celles-ci ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur ces demandes dont la cour n'a pas été saisie par les premières conclusions de l'appelante, étant rappelé que celles-ci ne constituent pas davantage une défense à une prétention adverse ; que le dispositif des premières conclusions de Mme [U] ne comporte pas non plus demande relative à l'estimation immobilière de M. [S] ; que cette demande est donc régalement irrecevable par application de l'article 910-4 du code de procédure civile ; […] sur la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant, considérant qu'au soutien de son appel sur ce point, Mme [U] fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, cette demande se rattache bien de manière suffisante à la demande principale de partage, d'autant que le premier juge a mis aussi à sa charge des indemnités d'occupation de la pièce de 15 m2 affectée à son activité professionnelle accessoire ; que M. [P] a refusé de remettre des capitaux qui auraient permis à la mère de recevoir pour [I] une rente mensuelle indexée alors que son patrimoine est très important et qu'il n'assure que des dépenses de loisirs ; qu'elle revendique en conséquence que la contribution du père à l'entretien et à l'éducation de l'enfant soit fixée sou forme d'abandon d'une partie de ses droits en usufruit sur la maison indivise et soit fixée à 100 000 euros jusqu'à la fin des études de l'enfant à l'âge de 25 ans ; considérant que M. [P] sollicite la confirmation du jugement, qu'il juge particulièrement motivé sur ce point en ce qu'il a débouté Mme [U] de cette demande ; qu'il ajoute que l'enfant est en résidence alternée chez chacun de ses parents de sorte que la demande de contribution ne peut être valablement formulée qu'à la condition que le parent requérant rapporte la preuve d'une différence de revenus notable alors que les revenus de Mme [U] sont bien supérieurs aux siens ; qu'il estime que cette demande a seulement pour but d'augmenter de façon artificielle l'actif de Mme [U] et de pouvoir vainement justifier de sa demande d'attribution préférentielle ; qu'il fait enfin valoir qu'en vertu de la règle jurisprudentielle « aliments ne s'arréragent pas », Mme [U] ne peut demander pour le passé une contribution pour l'entretien de [I] ; considérant ceci exposé que c'est aux termes de motifs particulièrement précis et circonstanciés, que la cour adopte, que le premier juge a déclaré cette demande irrecevable ; qu'il suffit d'ajouter que la seule circonstance que le juge aux affaires familiales soit matériellement compétent aussi bien pour connaître du partage des intérêts patrimoniaux des ex partenaires que de la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant et alors que ces demandes obéissent à un régime procédural distinct ne saurait rendre cette demande recevable dans le cadre du présent litige ; qu'en effet, aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles a été saisi par M. [P] aux fins de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des ex-partenaires ; que l'objet du litige est donc sans lien avec les modalités de la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant qui relèvent du devoir des père et mère vis-à-vis de l'enfant ; qu'en outre, si dans le dispositif de ses conclusions, Mme [U] demande en premier lieu de fixer la contribution du père à l'entretien et l'éducation de l'enfant à la somme de 400 euros par mois, elle demande ensuite de : « dire cependant qu'en raison de la consistance de son patrimoine M. [Z] [P] devra abandonner partie de sa soulte sur la maison à hauteur de 100 000 euros, sauf à parfaire, en usufruit pour l'entretien et l'éducation de leur enfant » ; qu'ainsi, la seule circonstance que Mme [U] entende en fait, vu les modalités revendiquées, limiter le montant de la soulte due à M. [P] au titre du règlement des intérêts pécuniaires des ex partenaires ne saurait rendre cette demande recevable ; qu'au surplus, la cour relève que le juge aux affaires familiales n'a, avant l'introduction de la présente instance, jamais été saisi par Mme [U] d'une demande de contribution du père à l'entretien et l'éducation de l'enfant qui réside de manière alternée chez l'un et chez l'autre ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ; qu'il appartiendra, ainsi que l'y a invité le premier juge, à Mme [U] de saisir le juge aux affaires familiales en tant que de besoin d'une requête en ce sens ; que sur l'indemnité d'occupation, considérant, ainsi que déjà dit, qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en l'espèce, Mme [U] n'a formulé dans le dispositif de ses conclusions aucune demande relative à l'indemnité d'occupation mise à sa charge par le jugement déféré ; que la cour n'étant dès lors saisie d'aucune demande à ce titre, ses développements sur ce point sont dépourvus de tout objet ;[…] que sur la demande d'attribution préférentielle du bien indivis, […] ; considérant ceci exposé qu'ainsi que l'a exactement rappelé le premier juge, l'attribution préférentielle entre ex-partenaires de PACS est permise par la loi, étant relevé que le bien immobilier indivis constitue depuis la séparation du couple la résidence principale de Mme [U] qui l'occupe effectivement avec l'enfant commun ;que néanmoins, cette attribution préférentielle n'est pas de droit de sorte qu'il appartient à la cour, à la suite du tribunal, de s'assurer qu'elle n'est pas contraire aux intérêts du coïndivisaire ; considérant en premier lieu que Mme [U] fait en substance valoir que le bien indivis peut lui être attribué à titre préférentiel au motif en particulier que la soulte à reverser à M. [P] doit être minorée compte tenu en particulier de ce que l'indemnité d'occupation n'est pas justifiée, la contribution du père à l'entretien et l'éducation de l'enfant pouvant prendre la forme de l'occupation du bien par la mère et l'enfant commun ainsi que de l'abandon d'une partie de la soulte sur la maison ; considérant que la cour rappelle toutefois que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des ex partenaires ; qu'un notaire a été commis à cet effet ; qu'il n'appartient dès lors pas à la cour, à ce stade, de se prononcer sur le montant de la soulte susceptible d'être due à M. [P] ; qu'il appartiendra au notaire commis, en cas de difficultés, de saisir le juge commis à la surveillance des opérations de partage ; considérant que d'après les seules estimations fournies par Mme [U], la valeur du bien indivis serait de 1 785 000 euros ; que cette valeur est donc même supérieure à celle que Mme [U] proposait en première instance, soit 1 400 000 euros ; que ses droits sur le bien indivis sont de 60 % ; qu'elle justifie avoir soldé le prêt immobilier contracté pour l'acquisition du bien indivis ; qu'elle justifie d'un accord de principe pour un prêt de 700 000 euros remboursable en 300 mois, ce, moyennant hypothèque et accord de l'assurance HSBC ; que cet accord est donc conditionnel ; qu'elle justifie d'une économie de 44 941,04 euros ; que néanmoins aux termes de dispositions définitives du jugement déféré, l'indivision est redevable à M. [P] d'une créance d'un montant de 636 329,08 euros ; que Mme [U] est également redevable à l'indivision, d'une indemnité mensuelle d'occupation de 2100 euros pour la maison dépendant du bien immobilier indivis et d'une indemnité mensuelle d'occupation de 640 euros au titre du local à usage professionnel dépendant de ce même bien ; que ces montants tiennent compte d'un abattement pour occupation précaire ; que, peu importe la date d'enregistrement de la dissolution du PACS ; que l'indemnité est due à partir du moment où Mme [U] a joui privativement du bien, soit à compter de la séparation des ex partenaires en août 2012 ; qu'ainsi, au titre des sept années écoulées depuis la séparation, Mme [U] est déjà redevable d'une indemnité d'occupation de 176 400 euros sauf à parfaire pour la seule partie habitation du bien indivis ; considérant en définitive que Mme [U] ne démontre pas plus devant la cour qu'en première instance qu'elle dispose de ressources suffisantes afin de lui permettre de faire face au règlement de la soulte due à M. [P] ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande d'attribution préférentielle ; que sur la licitation et la mise à prix, considérant que Mme [U] est déboutée de sa demande d'attribution préférentielle ; que la cour adopte les motifs du jugement déféré par lesquels le jugement déféré a ordonné la licitation ; qu'il convient de rappeler que cette décision ne s'oppose pas à ce que les parties vendent le bien de gré à gré ou même trouvent un accord permettant à Mme [U] de racheter la part de M. [P] ; considérant néanmoins qu'au vu des estimations produites en cause d'appel, la mise à prix doit être fixée à 1 500 000 euros ; que le jugement déféré sera infirmé en ce sens ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la demande d'attribution préférentielle, il peut être rappelé en premier lieu que l'attribution préférentielle entre ex-partenaires de PACS est permis, étant relevé que le bien immobilier indivis constitue depuis la séparation du couple et jusqu'au présent jugement, la résidence principale de la défenderesse qui l'occupe effectivement avec l'enfant né des relations des parties ; que cette attribution préférentielle n'est pas de droit, de sorte qu'il appartient à la juridiction de s'assurer qu'elle n'est pas contraire aux intérêts de son co-indivisiaire, étant souligné que Mme [R] [U] ne conteste pas qu'elle sera redevable d'une soulte à l'égard de son ex-concubin s'il est fait droit à cette demande ; que cependant, elle argue en premier lieu que M. [Z] [P] doit abandonner, au regard de la consistance de son patrimoine, une partie de la soulte qui lui serait due à concurrence de la somme de 100 000 €, en usufruit à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun, se référant aux dispositions de l'article 373-2-2 du code civil ; qu'il convient cependant de constater que la présente instance a pour objet la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des ex-partenaires ; que quand bien même elle relève de la compétence du juge aux affaires familiales en application de l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, elle n'a pas pour objet de déterminer les modalités d'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant issu des relations de M. [Z] [P] et de Mme [R] [U], en ce compris les modalités de la contribution à son entretien et à son éducation à la charge de l'un ou l'autre des parents ; que de telles demandes doivent être formulées dans le cadre d'une instance distincte devant le juge aux affaires familiales, qui est régie par des règles procédures qui ne sont pas identiques ; que de telles prétentions ne se rattachent pas en tout état de cause par un lien suffisant à la demande principale qui a trait au partage judiciaire de l'indivision qui lie les parties relativement au bien immobilier indivis qu'elles ont acquis au cours de leur vie commune ; que dès lors, la demande de compensation formulée par Mme [R] [U] entre la soulte due à son ex-partenaire et la somme dont elle se prétend créancière à ce titre est irrecevable ; qu'en tout état de cause et au surplus, l'article 373-2-2 du code civil ne permet pas de démembrer la propriété d'un bien qui appartient au parent qui n'assume pas à titre principal la charge de l'enfant aux fins de donner à l'autre parent l'usufruit de ce bien, le texte n'évoquant que l'octroi d'un simple droit d'usage et d'habitation ; que ces dispositions ne permettent pas davantage de contraindre un des parents en cas de propriété indivise à abandonner tout ou partie de ses droits au profit de l'autre ; qu'enfin, il s'agit de fixer sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant mineur pour l'avenir ; qu'en second lieu, la présence juridiction relève que nonobstant le désaccord qui oppose les parties quant à la valeur vénale actuelle du bien immobilier indivis et même à retenir une fourchette de prix basse d'un montant de 1 400 000 € telle que proposée par Mme [R] [U] dans ses dernières écritures, qui se réfèrent notamment à la vente d'un bien situé à proximité immédiate du bien immobilier indivis en litige, il convient d'apprécier la demande d'attribution préférentielle qu'elle formule eu égard à leurs quotités indivises respectives mais aussi au regard des créances dont dispose M. [Z] [P] à l'encontre de l'indivision notamment au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien, ainsi que de la créance dont elle est elle-même débitrice à l'égard de l'indivision au titre des indemnités d'occupation précitées ; qu'ainsi, malgré les diligences qu'elle a entreprises afin de disposer de certaines garanties, étant souligné qu'elle justifie à présenter disposer d'un accord de principe de la part de l'établissement bancaire HSBC pour un prêt d'un montant de 630 000 €, émis néanmoins sous réserves, notamment celle de l'obtention de donations familiales, il n'est pas démontré qu'elle dispose de ressources suffisantes afin de lui permettre de faire face au règlement de la soulte due à M. [Z] [P] ; que dans ces circonstances, la demande d'attribution préférentielle du bien immobilier indivis que formule Mme [R] [U] doit être rejetée ; que sur la licitation, selon l'article 1686 du code civil, si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ou si, dans un partage fait de gré à gré de biens communs, il s'en trouve quelques-uns qu'aucun des copartageants ne puisse ou ne veuille prendre, la vente s'en fait aux enchères, et le prix en est partagé entre les copropriétaires ; que c'est bien au regard de ces seuls dispositions que la demande que formule l'ex-concubin doit être examinée et non en considération des dispositions de l'article 815-5-1 du code civil, peu important que M. [Z] [P] dispose ou non des deux tiers des droits indivis dès lors qu'il ne s'agit pas de passer outre le refus de vendre de Mme [R] [U] puisque la présente instance a pour objet de mettre un terme à l'indivision et de parvenir au partage ; qu'en l'espèce, compte tenu de ce qui précède et dès lors que M. [Z] [P] n'entend pas se porter attributaire du bien indivis, il convient de constater qu'aux fins de parvenir au partage et de faire cesser l'indivision, il ne peut qu'être ordonné qu'il soit procédé à sa licitation ; qu'au vu des éléments produits de part et d'autre relatifs à la valeur vénale du bien immobilier en litige, il y a lieu de fixer la mise à prix à la somme de 1 250 000 € avec faculté de baisse du prix, ainsi qu'il sera dit au dispositif du jugement, en cas de désertion d'enchères ; (…) que sur les demandes relatives aux modalités d'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant mineur, ainsi qu'il a été dit plus avant, nonobstant les demandes formulées en ce sens de part et d'autre, il ne peut qu'être constaté que ces prétentions, si elles relèvent bien de la compétence matérielle du juge aux affaires familiales, ne se rattachent pas de manière suffisante à la demande principale en partage de l'indivision qui lie les ex-partenaires relativement au bien immobilier qu'ils ont acquis au cours de leur pacs et sis à [Localité 5] (92), objet de la présente instance ; qu'elles sont donc irrecevables, les parents ne pouvant qu'être invités à saisir le juge aux affaires familiales par simple requête ou assignation délivrée en la forme des référés, étant rappelé que s'agissant des demandes relatives à l'exercice de l'autorité parentale, la procédure suivie devant le juge aux affaires familiales n'est pas celle relative à la procédure contentieuse devant le tribunal de grande instance, de sorte qu'il s'agit bien d'une procédure distincte de celle dont la juridiction est saisie ; 1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les premières conclusions d'appel doivent présenter l'ensemble des prétentions sur le fond, à peine d'irrecevabilité ; que le fait de demander, dans le dispositif de ses premières conclusions d'appel, la confirmation du jugement sur certains chefs de dispositif, « l'infirmation du jugement sur le surplus », et le débouté de la partie adverse de l'ensemble de ses demandes ne restreint pas la saisine initiale formulée dans la déclaration d'appel qui énumère expressément chaque chef du jugement critiqué ; qu'en déclarant pourtant irrecevables les demandes visant à ce qu'il soit jugé qu'il ne peut être mis à la charge de Mme [U] la somme de 172 289,61 euros, correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P], visant à ce qu'il soit jugé que Mme [U] dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, la demande relative à l'estimation immobilière de M. [S] et les demandes relatives aux indemnités d'occupation, aux motifs que « le dispositif de ses premières conclusions ne comporte aucune demande relative à la créance de M. [P] telle qu'elle a été fixée en première instance. Il ne comporte pas non plus de demande concernant la su-contribution aux dépenses de la vie commune invoquée par Mme [U]. Il s'ensuit que, par ses premières conclusions, Mme [U] a restreint la saisine de la cour à ce qui est expressément demandé dans le dispositif de celles-ci » (arrêt, p. 8 § 3) et au motif que « Mme [U] n'a formulé, dans le dispositif de ses conclusions aucune demande relative à l'indemnité d'occupation mise à sa charge par le jugement déféré » (arrêt, p. 9 § 3), la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant les articles 4,910-4 et 954 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le juge aux affaires familiales connaît du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et concubins ; qu'il connaît également des actions liées à la fixation de l'obligation alimentaire, de la contribution aux charges du mariage ou du pacte civil de solidarité et de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ; que le juge aux affaires familiales, saisi d'une demande de partage entre personnes anciennement liées par un pacte civil de solidarité et d'une demande d'indemnité d'occupation au titre d'un bien immobilier occupé par un ex-partenaire d'un pacte civil de solidarité et de l'enfant commun doit se prononcer, dès lors qu'il y est invité, sur la question de l'occupation gratuite de ce bien comme constituant une modalité d'exécution, par l'autre parent, de son obligation de contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun, peu importe que les demandes relatives au partage et que les demandes relatives à la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant obéissent à un régime procédural distinct ; qu'en l'espèce, Mme [U] demandait à ce qu'il soit statué sur la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant [I] et qu'il soit statué sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; que Mme [U] demandait à ce que la contribution de M. [P] à l'entretien et à l'éducation de leur enfant soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation qui était de nature à diminuer la créance de M. [P] à l'encontre de Mme [U], de sorte que cette dernière était en mesure de payer la soulte qui serait due à M. [P] en cas d'attribution préférentielle du logement ; que pour refuser de trancher cette question et déclarer ces demandes irrecevables, la cour d'appel a estimé que le fait que le juge aux affaires familiales soit matériellement compétent pour statuer sur ces demandes n'empêchait pas ces dernières d'être irrecevables dès lors qu'elles étaient soumises à un régime procédure distinct de celles relatives à la demande de partage des intérêts patrimoniaux des ex-partenaires (arrêt, p. 8 et jugement, p. 11) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter sa compétence, la cour d'appel a violé l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction applicable au litige ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, les demandes reconventionnelles ou additionnelles sont recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre ; que cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d'une prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant ; qu'elle peut être en tout ou partie servie sous forme d'un droit d'usage et d'habitation qui peut, dès lors, venir diminuer ou supprimer une indemnité d'occupation ; qu'en l'espèce, Mme [U] demandait à ce qu'il soit statué sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant [I] et sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; que Mme [U] demandait à ce que la contribution de M. [P] à l'entretien et l'éducation de l'enfant soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation qui était de nature à diminuer la créance de M. [P] à l'encontre de Mme [U], de sorte que cette dernière était en mesure de payer la soulte qui serait due à M. [P] en cas d'attribution préférentielle du logement ; que la demande de Mme [U] relative à la contribution à l'entretien et l'éducation de [I] se rattachait à la demande principale en partage de l'indivision liant les ex-partenaires relativement au bien immobilier situé à Boulogne, par un lien suffisant ; qu'en jugeant le contraire pour déclarer la demande de Mme [U] irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 373-2-2 du code civil, dans sa rédaction application au litige, l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction applicable au litige et l'article 70 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; que toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout ; qu'en l'espèce, Mme [U] demandait à ce qu'il soit statué sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant [I] et sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; que Mme [U] demandait à ce que la contribution de M. [P] à l'entretien et à l'éducation de l'enfant soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation qui était de nature à diminuer la créance de M. [P] à l'encontre de Mme [U], de sorte que cette dernière était en mesure de payer la soulte qui serait due à M. [P] en cas d'attribution préférentielle du logement ; que la demande de Mme [U] relative à la contribution à l'entretien et l'éducation de [I] visait donc à compenser la créance pouvant être mise à sa charge au titre de l'indemnité d'occupation ; qu'en jugeant pourtant cette demande irrecevable sans rechercher si la demande de Mme [U] ne visait pas à opposer la compensation aux créances réclamées par M. [P] au titre de l'indemnité d'occupation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 70 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire) IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [U] de sa demande d'attribution préférentielle et préalablement et pour parvenir au partage, d'avoir ordonné sur les poursuites et diligences de M. [Z] [P] et en présence de l'autre indivisaire, ou celui-ci dûment appelé, la licitation à la barre de ce tribunal des droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3] sur la commune de Boulogne-Billancourt (92), cadastré section O n°[Cadastre 1] lieudit [Adresse 4] pour une contenance de 00 ha 1 a 54 ca constitué d'une maison à usage d'habitation, de deux studios ainsi que d'un local indépendant situé au rez-de-chaussée à un usage professionnel ou d'habitation, d'avoir rappelé qu'il entre dans la mission du notaire commis de dresser, dans le délai d'un an à compter de sa désignation, un état liquidatif qui établira la massage partageable, les comptes entre les copartageants, les droits des parties ainsi que la composition des lots à répartir, chaque copartageant devant recevoir des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans chaque indivision, qu'il appartient au notaire de se faire remettre tout document utile à l'accomplissement de sa mission, notamment les comptes de l'indivision, d'examiner les sommes éventuellement dépensées pour le compte de celle-ci ou perçues pour son compte, de déterminer, le cas échéant, les pertes ou avantages financiers résultant de l'occupation gratuite de certains biens dépendant de l'indivision et, par suite, les sommes susceptibles de revenir à chacun des copartageants, d'avoir rappelé qu'il appartient aux parties de concourir aux opérations de compte, liquidation et partage en fournissant au notaire tout élément utile afin de lui permettre de mener à bien sa mission, notamment s'agissant des créances dont elles entendant se prévaloir à l'encontre de l'indivision ou à l'encontre de son ex-partenaire à charge pour elles d'établir qu'elles les ont effectivement réglées au moyen de deniers personnels, d'avoir dit qu'il en est de même s'agissant des créances entre ex-partenaires dont les parties entendent l'une et l'autre se prévaloir, d'avoir fixé l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance de la partie réservée à usage d'habitation du bien immobilier indivis sis, [Adresse 3] (92) à compter du mois d'août 2012 et jusqu'à ce qu'intervienne le partage ou la libération effective des lieux à la somme de 2 100 euros par mois, d'avoir fixé le montant mensuel de l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance exclusive du local à usage professionnel à 640 € par mois, d'avoir dit que la somme dont Mme [R] [U] est redevable envers l'indivision au titre de ces indemnités d'occupation doit être inscrite à l'actif de l'indivision à partager et au passif du compte d'indivision de l'ex-partenaire, à charge pour le notaire de la parfaire au jour où interviendra le partage ou la libération effective des lieux et d'avoir dit que M. [Z] [P] dispose d'une créance contre l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien immobilier indivis qu'il a exposé pour une somme d'un montant de 636 329,08 € qui devra être évaluée conformément aux dispositions de l'article 815-13 du code civil ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande d'attribution préférentielle du bien indivis, considérant que Mme [U] reproche au tribunal d'avoir ordonné la licitation du bien indivis qui ne pouvait être envisagée d'après elle qu'après examen des conditions de sa demande d'attribution préférentielle et notamment du remboursement du solde du prêt de 350 000 euros le 31 décembre 2016 ; qu'elle rappelle que la convention de PACS du 14 mai 2009 vise les dispositions du code civil relatives à l'attribution préférentielle ; qu'elle fait valoir que sa demande est motivée par le fait que ce bien constitue depuis la séparation du couple sa résidence principale ainsi que celle de l'enfant mineur commun mais également son lieu d'exercice professionnel ; qu'elle reproche au jugement déféré d'avoir considéré qu'elle ne pourrait régler la soulte alors que la valeur de la soulte n'a pas été établie, qu'il y a un désaccord important sur la valeur vénale du bien et sur le pourcentage qui reviendrait à chacun du profit subsistant ; considérant que Mme [U] fait également valoir en substance que pour apprécier sa demande d'attribution préférentielle, il y a lieu de tenir compte de la valeur du bien indivis et de la soulte à régler à ce titre à M. [P] ; que le montant de cette soulte doit être minoré de sa sur contribution aux dépenses de la vie commune que M. [P] pêche à critiquer alors qu'il ressort de sa pièce n° 44 qu'elle a sur contribué à ces dépenses à hauteur de 48 600 euros ; qu'elle estime également contestables les frais de la vie courante que celui-ci indique avoir assumés de son côté ; qu'elle juge tout aussi contestables les dépenses de travaux réalisées sur le bien immobilier, lesquelles sont d'après elle contraires aux intérêts de l'indivision ; qu'elle soutient que le sapiteur immobilier à qui le notaire chargé des opérations de partage a fait appel a surévalué le bien comme le montre l'expert à qui elle a elle-même fait appel ; qu'elle en déduit que le sapiteur a estimé la maison à un prix sans rapport avec ceux pratiqués dans le secteur où se situe le bien ; qu'elle prétend que la surface Carrez habitable est de 180 m² très loin des 274 m² habitables annoncés par M. [P] dont elle conteste par ailleurs les estimations qu'il produit lui-même aux débats ; qu'elle ajoute que la valeur estimée par son propre expert, M. [T], vient d'être confirmée par une vente intervenue dans la même rue en décembre 2018 ; considérant que M. [P] s'oppose à la demande d'attribution préférentielle du bien indivis à Mme [U] ; qu'à l'appui, il invoque des estimations du bien donnant une valeur comprise entre 1 950 000 euros et 2 200 000 euros et trois transactions récentes suivant lesquelles la valeur moyenne s'élève à 12 250 euros le m² ; qu'en outre, il conteste les estimations communiquées par Mme [U] de son côté et sa capacité financière à racheter sa part ; qu'il relève à cet égard que l'accord de principe pour un prêt de 680 000 euros a été émis pour une durée limitée ; qu'en outre, il rappelle que le jugement déféré a fixé de manière définitive à 636 329,08 euros sa créance devant être évaluée selon le profit subsistant ; qu'il remarque que Mme [U] est de plus tenue d'une indemnité d'occupation dont le montant total augmente chaque mois alors qu'elle n'a encore remboursé aucune somme à l'indivision ; qu'il ajoute que si Mme [U] contredit la valeur de 2 400 000 euros retenue par le sapiteur immobilier, M. [S], elle justifie pourtant d'une attestation d'une voisine qui a vendu sa maison du [Adresse 4] pour un montant de 2 350 000 euros ; qu'il en déduit que la valeur estimée par M. [S] doit être retenue ; qu'en outre, il ajoute au demeurant que Mme [U] lui a indiqué récemment qu'elle serait bientôt nommée professeur et par conséquent amenée à déménager ; qu'il considère donc qu'elle a l'intention de l'amener à lui céder le bien à moindre prix pour ensuite faire une plus-value conséquente en le vendant seule ; qu'enfin, il observe que les droits de Mme [U] dans l'indivision lui permettront de se reloger aisément, dans des conditions extrêmement confortables ; qu'en définitive, il estime que l'attribution du bien à l'un ou l'autre des ex-partenaires ne paraît pas envisageable compte tenu du montant de la soulte qui dépasse les capacités financières de chacun ; considérant ceci exposé qu'ainsi que l'a exactement rappelé le premier juge, l'attribution préférentielle entre ex-partenaires de PACS est permise par la loi, étant relevé que le bien immobilier indivis constitue depuis la séparation du couple la résidence principale de Mme [U] qui l'occupe effectivement avec l'enfant commun ;que néanmoins, cette attribution préférentielle n'est pas de droit de sorte qu'il appartient à la cour, à la suite du tribunal, de s'assurer qu'elle n'est pas contraire aux intérêts du coïndivisaire ; considérant en premier lieu que Mme [U] fait en substance valoir que le bien indivis peut lui être attribué à titre préférentiel au motif en particulier que la soulte à reverser à M. [P] doit être minorée compte tenu en particulier de ce que l'indemnité d'occupation n'est pas justifiée, la contribution du père à l'entretien et l'éducation de l'enfant pouvant prendre la forme de l'occupation du bien par la mère et l'enfant commun ainsi que de l'abandon d'une partie de la soulte sur la maison ; considérant que la cour rappelle toutefois que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des ex partenaires ; qu'un notaire a été commis à cet effet ; qu'il n'appartient dès lors pas à la cour, à ce stade, de se prononcer sur le montant de la soulte susceptible d'être due à M. [P] ; qu'il appartiendra au notaire commis, en cas de difficultés, de saisir le juge commis à la surveillance des opérations de partage ; considérant que d'après les seules estimations fournies par Mme [U], la valeur du bien indivis serait de 1 785 000 euros ; que cette valeur est donc même supérieure à celle que Mme [U] proposait en première instance, soit 1 400 000 euros ; que ses droits sur le bien indivis sont de 60 % ; qu'elle justifie avoir soldé le prêt immobilier contracté pour l'acquisition du bien indivis ; qu'elle justifie d'un accord de principe pour un prêt de 700 000 euros remboursable en 300 mois, ce, moyennant hypothèque et accord de l'assurance HSBC ; que cet accord est donc conditionnel ; qu'elle justifie d'une économie de 44 941,04 euros ; que néanmoins aux termes de dispositions définitives du jugement déféré, l'indivision est redevable à M. [P] d'une créance d'un montant de 636 329,08 euros ; que Mme [U] est également redevable à l'indivision, d'une indemnité mensuelle d'occupation de 2100 euros pour la maison dépendant du bien immobilier indivis et d'une indemnité mensuelle d'occupation de 640 euros au titre du local à usage professionnel dépendant de ce même bien ; que ces montants tiennent compte d'un abattement pour occupation précaire ; que, peu importe la date d'enregistrement de la dissolution du PACS ; que l'indemnité est due à partir du moment où Mme [U] a joui privativement du bien, soit à compter de la séparation des ex partenaires en août 2012 ; qu'ainsi, au titre des sept années écoulées depuis la séparation, Mme [U] est déjà redevable d'une indemnité d'occupation de 176 400 euros sauf à parfaire pour la seule partie habitation du bien indivis ; considérant en définitive que Mme [U] ne démontre pas plus devant la cour qu'en première instance qu'elle dispose de ressources suffisantes afin de lui permettre de faire face au règlement de la soulte due à M. [P] ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande d'attribution préférentielle ; que sur la licitation et la mise à prix, considérant que Mme [U] est déboutée de sa demande d'attribution préférentielle ; que la cour adopte les motifs du jugement déféré par lesquels le jugement déféré a ordonné la licitation ; qu'il convient de rappeler que cette décision ne s'oppose pas à ce que les parties vendent le bien de gré à gré ou même trouvent un accord permettant à Mme [U] de racheter la part de M. [P] ; considérant néanmoins qu'au vu des estimations produites en cause d'appel, la mise à prix doit être fixée à 1 500 000 euros ; que le jugement déféré sera infirmé en ce sens ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur les comptes d'indivision, sur les travaux afférents au bien immobilier indivis, les pièces versées aux débats par Monsieur [Z] [P] permettent de vérifier que les dépenses qu'il indique avoir seul supportées pour le compte de l'indivision relativement au bien immobilier indivis constituent des dépenses nécessaires ou d'amélioration, étant observé qu'après l'avoir acquis, les ex partenaires ont réalisé des travaux importants visant à démolir la quasi-totalité du bâti existant afin d'édifier sur le terrain une maison qu'ils ont entièrement aménagée ; que ce choix a été fait d'un commun accord entre les partenaires, Madame [R] [U] n'établissant notamment pas que son ex-concubin ait seul choisi de réaliser les travaux d'aménagement intérieur de l'immeuble, qu'il s'agisse de la pose d'un revêtement au sol en parquet de chêne ou de la cuisine équipée ; qu'il ne peut consécutivement être raisonnablement soutenu par la défenderesse qu'il ne s'agit pas d'une dépense d'amélioration exposée dans l'intérêt de l'indivision, dès lors que ces travaux s'inscrivent manifestement dans le projet qu'avaient les parties d'investir et de construire un bien répondant à certains critères et standards ; que les justificatifs produits par Monsieur [Z] [P] permettent à cet égard de s'assurer qu'il effectivement exposées seul les dépenses dont il allègue et qu'elles ont bien trait au bien immobilier indivis, à l'exception des dépenses suivantes : - les notes d'honoraires de l'architecte d'intérieur, dès lors qu'elles ont été réglées au moyen de fonds prélevés sur le compte joint dont disposaient les partenaires dont il n'est pas démontré qu'il était exclusivement alimenté par l'ex-concubin, étant rappelé qu'une fois inscrites en compte, les sommes sont fongibles ; - le constat d'huissier réalisés courant 2012 par la SCP Louvion & associés, dont l'objet n'est pas précisé, de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier s'il s'agit bien d'une dépense exposée dans l'intérêt de l'indivision ; - le sondage du sol, dans la mesure où Monsieur [Z] [P] ne rapporte pas la preuve qu'il a effectivement supporté seul le règlement de cette facture, aucun justificatif n'étant produit s'agissant du paiement ; qu'il peut en conséquence être retenu que M. [Z] [P] a supporté dans l'intérêt de l'indivision des dépenses d'un montant total de 636 329,08 € dont il doit lui être tenu compte ; qu'il appartient au notaire liquidateur désigné de chiffrer en conséquence la créance à l'encontre de l'indivision dont il dispose à ce titre, étant rappelé que celle-ci doit être évaluée selon les règles fixées à l'article 815-13 du code civil, les parties s'opposant quant à la valeur vénale actuelle du bien immobilier indivis qu'il lui appartiendra de rechercher le cas échéant en faisant application des dispositions de l'article 1365 du code de procédure civile ; qu'il en sera de même s'agissant des dépenses que Madame [R] [U] a supportées pour le compte de l'indivision au titre de ces travaux de construction et d'amélioration du bien immobilier indivis, étant relevé à cet égard que Monsieur [Z] [P] reconnaît qu'elle a réglé à ce titre une somme de 195 918,52 €, à parfaire le cas échéant en considération des pièces justificatives qui seront produites par la défenderesse ; que sur les impôts, charges et frais afférents au bien immobilier indivis, Madame [R] [U] prétend avoir seule supportée l'ensemble des impôts, charges et frais afférents au bien immobilier indivis en suite de la séparation des parties, ce que ne conteste pas dans ses dernières écritures Monsieur [Z] [P] ; qu'il y a lieu en conséquence à ce titre de dresser un compte d'indivision entre elles, étant rappelé qu'il appartient à la défenderesse de justifier auprès du notaire liquidateur désigné les dépenses dont elle se prévaut et de rapporter la preuve qu'elle les a effectivement supportées sur des deniers qui lui sont personnels ; que s'agissant des frais afférents à l'immeuble indivis, il doit néanmoins être souligné que Madame [R] [U] ne peut se prévaloir d'une créance à l'encontre de l'indivision s'agissant du règlement des charges courantes qui lui incombe personnellement et à titre définitif, dès lors qu'elle n'en a pas fait l'avance pour le compte de l'indivision puisqu'elle dispose de la jouissance exclusive du bien immobilier indivis, dont elles ne sont que la contrepartie ; qu'il en est de même s'agissant de la taxe d'habitation qui ne peut donner lieu à créance contre l'indivision puisqu'elle jouit seule du bien immobilier indivis, à la différence du règlement des taxes foncières et de l'assurance habitation pour la quote-part incombant au propriétaire non occupant, dès lors qu'il s'agit de dépenses nécessaires, en ce sens qu'elles permettent d'assurer la conservation du bien ; qu'il appartient donc au notaire liquidateur de faire les comptes entre les ex-partenaires également à ce titre, la créance détenue par Madame [R] [U] devant pareillement être évaluée suivant les règles fixées à l'article 815-13 du code civil ; que sur les loyers des studios, M. [Z] [P] soutient qu'il dispose d'une créance à l'encontre de son ex-compagne au titre des loyers sur les deux studios qui composent le bien immobilier de [Localité 5] (92) et qui sont donnés à bail, qu'elle encaisserait seule depuis le mois d'août 2012 ; que Madame [R] [U] s'oppose à cette demande, arguant que les loyers encaissés lui permettent, en partie seulement, de faire face aux charges qui grèvent ces deux studios ; que cependant, il convient de rappeler que les loyers des studios qui sont donnés à bail et qui sont la propriété indivise des parties constituent des fruits qui accroissent à l'indivision ; qu'il résulte néanmoins des pièces produites que les sommes sont versées sur un compte joint ouvert au nom des deux ex-partenaires ; que Mme [R] [U] ne conteste pas qu'elle dispose néanmoins seule de ces fonds, sans démontrer pour autant qu'ils sont employés exclusivement au paiement des charges qui grèvent ces biens donnés à bail qui dépendent plus largement de l'immeuble indivis qu'elle occupe, invoquant également le règlement de dépenses relatives à l'entretien et à l'éducation de leur enfant mineur ; qu'ainsi, il y a lieu en conséquence de dire qu'elle devra justifier des sommes qu'elle a encaissées à ce titre pour le compte de l'indivision, en rendant compte de la gestion de ces biens qu'elle opère depuis la séparation du couple, de même qu'il lui appartiendra de justifier des dépenses qu'elle a réglées au moyen des loyers perçus pour le compte de l'indivision et celles qu'elle a seule supportées pour le compte de l'indivision, qui sont susceptible d'ouvrir droit à créance, conformément aux dispositions de l'article 815-13 précité ; que dans le cadre des opérations de liquidation et de compte qui seront menées par le notaire désigné, il lui appartiendra d'en justifier au moyen de pièces probantes et non seulement par la production d'un état récapitulatif tel que celui qu'elle produit aux débats ; qu'elle devra notamment à cette fin communiquer au notaire la copie des baux ainsi que justifier par tout moyen des sommes encaissées pour le compte de l'indivision. Il n'y a donc pas lieu de lui faire injonction de produire ces pièces, étant rappelé qu'en cas de difficultés il en sera référé au juge commis ; qu'enfin, il n'y a pas lieu dès à présenter de la condamner à régler à M. [Z] [P] une quelconque somme au titre des loyers qui ont été perçus dans l'intérêt de l'indivision par Madame [R] [U] dès lors que seul le président du tribunal de grande instance peut connaître d'une telle demande que l'ex-concubin formule tendant à obtenir une répartition provisionnelle annuelle des bénéfices, qui ressort de l'article 815-11 du code civil et de la seule compétence du président du tribunal de grande instance ; (…) que sur les dépenses à caractère personnel, au regard de la pièce n°11 que la défenderesse produit, elle se prévaut manifestement également de créances dont elle disposerait à l'encontre du demandeur, s'agissant de dépenses ayant un caractère personnel qu'elle supporterait en ses lieu et place depuis le mois d'août 2012 ; qu'elle y mentionne notamment les échéances d'une assurance qui a trait au véhicule dont il est propriétaire ainsi qu'au bien immobilier qui lui est propre et qu'il occupe, sis à [Localité 6] (92) ainsi que des frais de mutuelle qui ont été directement prélevés sur son salaire jusqu'en 2014, protection sociale complémentaire dont il a continué à bénéficier en suite de leur rupture outre le règlement des sommes dues au titre de l'impôt sur le revenu ; qu'il appartient à Madame [R] [U], sauf à ce que ces sommes ne soient pas discutées entre les parties, de justifier du caractère personnel de la dépenses qu'elle a assumée en lieu et place de Monsieur [Z] [P] afin que puisse être retenue la créance dont elle se prévaut, ainsi que de rapporter la preuve du paiement de ces sommes au moyen de deniers personnels ; que les parties seront donc renvoyées devant le notaire aux fins de permettre à Mme [R] [U] d'en justifier ; que sur le sort du bien immobilier indivis, sur la demande d'attribution préférentielle, il peut être rappelé en premier lieu que l'attribution préférentielle entre ex-partenaires de PACS est permis, étant relevé que le bien immobilier indivis constitue depuis la séparation du couple et jusqu'au présent jugement, la résidence principale de la défenderesse qui l'occupe effectivement avec l'enfant né des relations des parties ; que cette attribution préférentielle n'est pas de droit, de sorte qu'il appartient à la juridiction de s'assurer qu'elle n'est pas contraire aux intérêts de son co-indivisiaire, étant souligné que Mme [R] [U] ne conteste pas qu'elle sera redevable d'une soulte à l'égard de son ex-concubin s'il est fait droit à cette demande ; que cependant, elle argue en premier lieu que M. [Z] [P] doit abandonner, au regard de la consistance de son patrimoine, une partie de la soulte qui lui serait due à concurrence de la somme de 100 000 €, en usufruit à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun, se référant aux dispositions de l'article 373-2-2 du code civil ; qu'il convient cependant de constater que la présente instance a pour objet la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des ex-partenaires ; que quand bien même elle relève de la compétence du juge aux affaires familiales en application de l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, elle n'a pas pour objet de déterminer les modalités d'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant issu des relations de M. [Z] [P] et de Mme [R] [U], en ce compris les modalités de la contribution à son entretien et à son éducation à la charge de l'un ou l'autre des parents ; que de telles demandes doivent être formulées dans le cadre d'une instance distincte devant le juge aux affaires familiales, qui est régie par des règles procédures qui ne sont pas identiques ; que de telles prétentions ne se rattachent pas en tout état de cause par un lien suffisant à la demande principale qui a trait au partage judiciaire de l'indivision qui lie les parties relativement au bien immobilier indivis qu'elles ont acquis au cours de leur vie commune ; que dès lors, la demande de compensation formulée par Mme [R] [U] entre la soulte due à son ex-partenaire et la somme dont elle se prétend créancière à ce titre est irrecevable ; qu'en tout état de cause et au surplus, l'article 373-2-2 du code civil ne permet pas de démembrer la propriété d'un bien qui appartient au parent qui n'assume pas à titre principal la charge de l'enfant aux fins de donner à l'autre parent l'usufruit de ce bien, le texte n'évoquant que l'octroi d'un simple droit d'usage et d'habitation ; que ces dispositions ne permettent pas davantage de contraindre un des parents en cas de propriété indivise à abandonner tout ou partie de ses droits au profit de l'autre ; qu'enfin, il s'agit de fixer sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant mineur pour l'avenir ; qu'en second lieu, la présence juridiction relève que nonobstant le désaccord qui oppose les parties quant à la valeur vénale actuelle du bien immobilier indivis et même à retenir une fourchette de prix basse d'un montant de 1 400 000 € telle que proposée par Mme [R] [U] dans ses dernières écritures, qui se réfèrent notamment à la vente d'un bien situé à proximité immédiate du bien immobilier indivis en litige, il convient d'apprécier la demande d'attribution préférentielle qu'elle formule eu égard à leurs quotités indivises respectives mais aussi au regard des créances dont dispose M. [Z] [P] à l'encontre de l'indivision notamment au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien, ainsi que de la créance dont elle est elle-même débitrice à l'égard de l'indivision au titre des indemnités d'occupation précitées ; qu'ainsi, malgré les diligences qu'elle a entreprises afin de disposer de certaines garanties, étant souligné qu'elle justifie à présenter disposer d'un accord de principe de la part de l'établissement bancaire HSBC pour un prêt d'un montant de 630 000 €, émis néanmoins sous réserves, notamment celle de l'obtention de donations familiales, il n'est pas démontré qu'elle dispose de ressources suffisantes afin de lui permettre de faire face au règlement de la soulte due à M. [Z] [P] ; que dans ces circonstances, la demande d'attribution préférentielle du bien immobilier indivis que formule Mme [R] [U] doit être rejetée ; que sur la licitation, selon l'article 1686 du code civil, si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ou si, dans un partage fait de gré à gré de biens communs, il s'en trouve quelques-uns qu'aucun des copartageants ne puisse ou ne veuille prendre, la vente s'en fait aux enchères, et le prix en est partagé entre les copropriétaires ; que c'est bien au regard de ces seuls dispositions que la demande que formule l'ex-concubin doit être examinée et non en considération des dispositions de l'article 815-5-1 du code civil, peu important que M. [Z] [P] dispose ou non des deux tiers des droits indivis dès lors qu'il ne s'agit pas de passer outre le refus de vendre de Mme [R] [U] puisque la présente instance a pour objet de mettre un terme à l'indivision et de parvenir au partage ; qu'en l'espèce, compte tenu de ce qui précède et dès lors que M. [Z] [P] n'entend pas se porter attributaire du bien indivis, il convient de constater qu'aux fins de parvenir au partage et de faire cesser l'indivision, il ne peut qu'être ordonné qu'il soit procédé à sa licitation ; qu'au vu des éléments produits de part et d'autre relatifs à la valeur vénale du bien immobilier en litige, il y a lieu de fixer la mise à prix à la somme de 1 250 000 € avec faculté de baisse du prix, ainsi qu'il sera dit au dispositif du jugement, en cas de désertion d'enchères ; 1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que le chef de dispositif du jugement du 17 novembre 2017 indiquait que « M. [Z] [P] dispose d'une créance contre l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien immobilier indivis qu'il a exposé pour une somme d'un montant de 636 329,08 € qui devra être évaluée conformément aux dispositions de l'article 815-13 du code civil » (jugement, p. 13) ; qu'il ressortait de ce chef de dispositif que la créance de M. [P] restait à évaluer ; qu'en énonçant pourtant, pour considérer que Mme [U] ne disposait pas des ressources financières pour payer la soulte qui serait due à M. [P] dans le cas où le bien immobilier lui serait attribué à titre préférentiel, et la débouter de cette demande, que « néanmoins aux termes de dispositions définitives du jugement déféré, l'indivision est redevable à M. [P] d'une créance d'un montant de 636 329,08 € », tandis que le jugement n'avait pas évalué la créance de M. [P] à l'égard de l'indivision à la somme de 636 329,08 € mais avait précisé qu'il avait dépensé une telle somme pour des travaux mais que la créance devrait être « évaluée conformément aux dispositions de l'article 815-23 du code civil », la cour d'appel a dénaturé le jugement du 17 novembre 2017, violant le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; 2°) ALORS QUE le juge ne peut, sans méconnaître son office, déléguer ses pouvoirs au notaire chargé des opérations de compte, liquidation et partage ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [U] de sa demande d'attribution préférentielle du logement et en ordonner la licitation, la cour d'appel a énoncé que « le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des ex partenaires ; qu'un notaire a été commis à cet effet ; qu'il n'appartient dès lors pas à la cour, à ce stade, de se prononcer sur le montant de la soulte susceptible d'être due à M. [P] ; qu'il appartiendra au notaire commis, en cas de difficulté, de saisir le juge commis à la surveillance des opérations de partage » (arrêt, p. 10) ; que les parties invoquaient pourtant l'existence de créances entre elles et à l'égard de l'indivision susceptibles de se compenser et, dès lors, de venir diminuer le montant de la soulte qui serait due à M. [P] ; que le juge n'a pas statué sur ce point et a, sur la question des dépenses à caractère personnel, renvoyé les parties « devant le notaire aux fins de permettre à Mme [R] [U] d'en justifier » (jugement, p. 7) ; que le juge a encore énoncé « qu'il appartient au notaire désigné de chiffrer en conséquence la créance à l'encontre de l'indivision » dont disposait M. [P] et « qu'il en sera de même s'agissant des dépenses que Mme [R] [U] a supportées pour le compte de l'indivision au titre de ces travaux de construction et d'amélioration » (jugement, p. 5) ; que les juges ont encore renvoyé au notaire pour la détermination des créances relatives aux impôts, charges, et frais afférents à l'immeuble (jugement, p. 5 et 6) ; qu'en se dessaisissant et en déléguant ses pouvoirs au notaire liquidateur, tandis qu'il lui incombait de trancher elle-même les contestations dont elle était saisie relatives au montant des créances entre ex-partenaires, et au titre de l'indivision, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 4 du code civil ; 3°) ALORS QU'en tout état de cause, les juges ne peuvent statuer par des motifs contradictoires ; qu'en l'espèce, sur la question de l'attribution préférentielle du bien immobilier, pour considérer que Mme [U] n'avait pas les moyens financiers de payer à M. [P] la soulte qui serait due, et donc la débouter de sa demande et ordonner la licitation du bien, la cour d'appel a énoncé que « Mme [U] ne démontre pas plus devant la cour qu'en première instance qu'elle dispose de ressources suffisantes afin de lui permettre de faire face au règlement de la soulte due à M. [P] » (arrêt, p. 11) ; que la cour d'appel a néanmoins énoncé, sur la question du montant de la soulte, que « le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des ex partenaires ; qu'un notaire a été commis à cet effet ; qu'il n'appartient dès lors pas à la cour, à ce stade, de se prononcer sur le montant de la soulte susceptible d'être due à M. [P] ; qu'il appartiendra au notaire commis, en cas de difficulté, de saisir le juge commis à la surveillance des opérations de partage » (arrêt, p. 10) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires quant à la détermination du montant de la soulte due à M. [P], tandis que cette question revêtait un caractère déterminant pour apprécier si Mme [U] avait les capacités financières de payer à M. [P] le montant de la soulte et, dès lors, pouvait se voir attribuer le bien immobilier à titre préférentiel ; qu'en statuant par les motifs la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QU'en tout état de cause, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [U] occupait le bien commun avec l'enfant commun du couple, par ailleurs mineur ; que Mme [U] faisait valoir dans ses écritures que M. [P], lui-même par ailleurs propriétaire d'une grande maison à [Localité 6], n'aurait pas à souffrir d'une vente sur licitation (concl, p. 7 et 8) ; qu'elle souhaitait maintenir pour son fils son cadre de vie (concl, p. 20) ; que notamment, Mme [U] faisait valoir, avec offres de preuves, que le rythme scolaire et les modalités élargies de la garde de [I] étaient bien adaptés, avec des repères fixes établis dans le temps et qui lui convenaient, que [I] avait une vie de quartier proche de son collège avec la possibilité de relations amicales à [Localité 5], où se trouvait son collège et où il effectuait ses activités périscolaires et sportives (concl, p. 23) ; que pour débouter Mme [U] de sa demande d'attribution préférentielle, la cour d'appel a énoncé que « cette attribution préférentielle n'est pas de droit de sorte qu'il appartient à la cour, à la suite du tribunal, de s'assurer qu'elle n'est pas contraire aux intérêts du co-indivisaire » (arrêt, p. 10) ; qu'en statuant ainsi, sans prendre en considération l'ensemble des intérêts en présence et notamment celui de [I], l'enfant mineur du couple, ni vérifier que l'absence d'attribution préférentielle du bien et la vente par licitation de l'immeuble n'étaient pas contraires à l'intérêt supérieur de l'enfant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 832-3 du code civil et 3 § 1 de la Convention de New York du 20 novembre 1989. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire) IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné sur les poursuites et diligences de M. [Z] [P] et en présence de l'autre indivisaire, ou celui-ci dûment appelé, la licitation à la barre des droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3] sur la commune de Boulogne-Billancourt (92), cadastré section O n° [Cadastre 1] lieudit [Adresse 4] pour une contenance de 00 ha 1 a 54 ca constitué d'une maison à usage d'habitation, de deux studios ainsi que d'un local indépendant situé au rez-de-chaussée à un usage professionnel ou d'habitation ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la licitation et la mise à prix, considérant que Mme [U] est déboutée de sa demande d'attribution préférentielle ; que la cour adopte les motifs du jugement déféré par lesquels le jugement déféré a ordonné la licitation ; qu'il convient de rappeler que cette décision ne s'oppose pas à ce que les parties vendent le bien de gré à gré ou même trouvent un accord permettant à Mme [U] de racheter la part de M. [P] ; considérant néanmoins qu'au vu des estimations produites en cause d'appel, la mise à prix doit être fixée à 1 500 000 euros ; que le jugement déféré sera infirmé en ce sens ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la licitation, selon l'article 1686 du code civil, si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ou si, dans un partage fait de gré à gré de biens communs, il s'en trouve quelques-uns qu'aucun des copartageants ne puisse ou ne veuille prendre, la vente s'en fait aux enchères, et le prix en est partagé entre les copropriétaires ; que c'est bien au regard de ces seules dispositions que la demande que formule l'ex-concubin doit être examinée et non en considération des dispositions de l'article 815-5-1 du code civil, peu important que M. [Z] [P] dispose ou non des deux tiers des droits indivis dès lors qu'il ne s'agit pas de passer outre le refus de vendre de Mme [R] [U] puisque la présente instance a pour objet de mettre un terme à l'indivision et de parvenir au partage ; qu'en l'espèce, compte tenu de ce qui précède et dès lors que M. [Z] [P] n'entend pas se porter attributaire du bien indivis, il convient de constater qu'aux fins de parvenir au partage et de faire cesser l'indivision, il ne peut qu'être ordonné qu'il soit procédé à sa licitation ; qu'au vu des éléments produits de part et d'autre relatifs à la valeur vénale du bien immobilier en litige, il y a lieu de fixer la mise à prix à la somme de 1 250 000 € avec faculté de baisse du prix, ainsi qu'il sera dit au dispositif du jugement, en cas de désertion d'enchères ; ALORS QUE le partage en nature est la règle, la licitation ne devant être ordonnée que si les immeubles ne peuvent être commodément partagés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le bien immobilier litigieux était « constitué d'une maison à usage d'habitation, de deux studios ainsi que d'un local indépendant situé au rez-de-chaussée à usage professionnel ou d'habitation » (jugement, p. 12) ; qu'il ressortait de ces constatations qu'en réalité, le bien immobilier était d'ores et déjà divisé en quatre : la maison à usage d'habitation, deux studios indépendants, par ailleurs loués, et le local professionnel ; que le bien était donc commodément partageable ; que pourtant, pour ordonner la licitation, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « compte tenu de ce qui précède et dès lors que M. [Z] [P] n'entend pas se porter attributaire du bien indivis, il convient de constater qu'aux fins de parvenir au partage et de faire cesser l'indivision, il ne peut qu'être ordonné qu'il soit procédé à sa licitation » (jugement, p. 10 et arrêt, p. 11) ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser en quoi le bien immobilier litigieux n'était pas commodément partageable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1686 du code civil.
Aux termes de l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. En application du l'alinéa 2 de ce texte, l'irrecevabilité prévue par l'alinéa 1 ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses. Tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 471 FS-B Pourvoi n° P 20-22.793 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 Mme [M] [G], épouse [N], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-22.793 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (2e chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à M. [F] [N], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [G], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [N], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, conseillers, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 novembre 2020), un jugement du 6 septembre 2019 a prononcé le divorce de Mme [G] et de M. [N]. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses deuxième à sixième branches, les troisième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Mme [G] fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'y a pas lieu à prestation compensatoire à son profit, alors « que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge doit se placer à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée ; que, lorsque l'appel est expressément limité aux conséquences du divorce et en l'absence d'appel incident portant sur le prononcé du divorce, celui-ci devient irrévocable à la date de dépôt des dernières conclusions de l'intimé ; qu'en retenant que le divorce était devenu définitif à la date des premières conclusions de l'intimé, la cour d'appel a violé les articles 260 et 270 du code civil et 550 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Il résulte des articles 260 et 270 du code civil que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce acquiert force de chose jugée. 5. Selon l'article 909 du même code, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident. 6. Il s'en déduit que, lorsque ni l'appel principal ni, le cas échéant, l'appel incident ne portent sur le prononcé du divorce, celui-ci acquiert force de chose jugée à la date du dépôt des conclusions de l'intimé mentionnées à l'article 909 du code de procédure civile. 7. Ayant constaté que Mme [G] n'avait pas relevé appel du prononcé du divorce et que les conclusions déposées par M. [N], intimé, dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile n'avaient pas étendu sa saisine, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le chef du jugement prononçant le divorce avait acquis force de chose jugée à la date de ces conclusions et que c'est à cette date que devait être appréciée la demande de prestation compensatoire. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [G] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [G] et la condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour Mme [G] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [G] fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter sa demande tendant à être autorisée à porter le nom de son mari après divorce, alors : 1°) que l'un des époux peut, à la suite du divorce, conserver le nom de l'autre s'il justifie d'un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants ; que Mme [G] soutenait qu'à la suite de son mariage, elle avait abandonné l'usage de son nom de jeune fille et quitté la Russie pour vivre en France où elle était connue sous le nom de son mari dans la vie courante et dans son milieu professionnel et que leur enfant [L] portait seulement le nom du père ; qu'en considérant que Mme [G] ne justifiait pas d'un intérêt particulier à conserver le nom de son ex-époux au motif que l'absence de correspondance entre le nom d'un enfant et l'un de ses parents est aujourd'hui courante et nullement stigmatisante, sans examiner si, concrètement, Mme [G] ne justifiait pas d'un intérêt particulier à conserver le même nom que son fils, la cour d'appel a statué par des considérations générales, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. 2°) qu'en retenant, pour considérer que Mme [G] utilisait encore son nom de jeune fille dans la vie courante, qu'une boîte aux lettres portait la mention du double nom « [N] [[G] », la cour d'appel qui s'est fondée sur un seul fait ponctuel, en cet état inopérant, a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mme [G] fait grief à l'arrêt attaqué de dire qu'il n'y a pas lieu à prestation compensatoire à son profit, alors : 1°) que pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge doit se placer à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée ; que lorsque l'appel est expressément limité aux conséquences du divorce et en l'absence d'appel incident portant sur le prononcé du divorce, celui-ci devient irrévocable à la date de dépôt des dernières conclusions de l'intimé ; qu'en retenant que le divorce était devenu définitif à la date des premières conclusions de l'intimé, la cour d'appel a violé les articles 260 et 270 du code civil et 550 du code de procédure civile ; 2°) qu'en considérant que le versement de dividendes trimestriels sur le compte américain de M. [N] ouvert par la société Cisco n'était pas justifié par Mme [G], sans analyser même sommairement, les relevés de compte américains faisant état des dividendes perçus, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) qu'en se bornant à analyser la déclaration sur l'honneur de M. [N] pour évaluer son patrimoine mobilier et immobilier, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions, p.9), si son patrimoine n'était pas plus important compte tenu de l'héritage qu'il avait perçu à la suite du décès de ses grands-parents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ; 4°) qu'en retenant que les droits à la retraite de Mme [G] ne sont pas justifiés et ont vocation à nettement s'améliorer dans les années à venir dès lors que Mme [G] n'était âgée que de 38 ans au jour du divorce sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions, p.7) si son arrivée tardive en France n'avait pas retardé le - 8 – commencement de ses cotisations retraite et en conséquence ne lui avait pas fait perdre des trimestres de cotisation pour partir à la retraite à l'âge légal à un taux plein, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ; 5°) qu'en retenant que Mme [G] disposait d'un patrimoine immobilier, sans tenir compte du fait que ce patrimoine était en cours de financement par Mme [G] de sorte qu'il constituait une charge pour elle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ; 6°) qu'en retenant que Mme [G] entretenait une opacité sur ses conditions de vie, ses charges et son patrimoine immobilier sans l'inviter à fournir les éléments complémentaires dont elle estimait avoir besoin, la cour d'appel a violé les articles 8 et 10 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La demanderesse fait grief à l'arrêt attaqué de débouter Mme [N] de sa demande d'exercice exclusif de l'autorité parentale s'agissant des questions relatives à la scolarité de [L], alors : que le désaccord persistant, même ponctuel, entre les parents sur le choix de l'établissement scolaire d'un enfant conduisant à une situation de blocage peut justifier que l'exercice de l'autorité parentale soit confié exclusivement à l'un d'eux sur cette question ; que, pour débouter Mme [G] de sa demande d'exercice exclusif de l'autorité parentale, la cour d'appel retient que le désaccord ponctuel des parents sur la question du lieu futur de scolarisation de [L] au collège ne commandait pas la modification des modalités d'exercice conjoint de l'autorité parentale ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ce désaccord persistant ne conduisait pas à une situation de blocage justifiant que ce choix soit laissé à un seul parent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 373-2-1 du code civil. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION La demanderesse fait grief à l'arrêt attaqué de décider que le passeport de [L] sera donné au parent qui l'accueille pendant les vacances scolaires, alors : qu'en décidant que le passeport de [L] sera donné au parent qui l'accueille pendant les vacances scolaires, sans tenir compte des délais d'obtention d'un visa pour se rendre en Russie, où résidaient ses grands-parents, nécessitant que le passeport soit transmis plusieurs semaines avant le départ en vacances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 373-2-9 du code civil. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION La demanderesse fait grief à l'arrêt attaqué de supprimer, à compter de l'arrêt, la pension alimentaire mise à la charge de M. [N] pour l'entretien et l'éducation de l'enfant [L], alors : que dans ses écritures, M. [N] demandait, dans l'éventualité où il ne serait pas fait droit à sa demande de voir fixer la résidence de [L] à son domicile, de fixer la contribution à l'entretien et à l'éducation due par le père à la somme de 200 € par mois ; qu'après l'avoir débouté de sa demande de voir fixer la résidence de [L] à son domicile, la cour d'appel a supprimé le paiement de la contribution à l'entretien et à l'éducation de [L] ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 260 et 270 du code civil que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce acquiert force de chose jugée. Selon l'article 909 du même code, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident. Il s'en déduit que, lorsque ni l'appel principal ni, le cas échéant, l'appel incident ne portent sur le prononcé du divorce, celui-ci acquiert force de chose jugée à la date du dépôt des conclusions de l'intimé mentionnées à l'article 909 du code de procédure civile
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 473 FS-B Pourvoi n° A 20-20.688 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 Mme [P] [D], épouse [L], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-20.688 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2020 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [K] [D], domicilié [Adresse 3], 2°/ à Mme [T] [D], domiciliée [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [P] [D], de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [K] [D] et de Mme [T] [D], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, M. Fulchiron, Mmes Dard et Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 mai 2020), [G] [J] et [K] [D] sont décédés respectivement les 2 juin 2014 et 6 juin 2016, en laissant pour leur succéder leurs trois enfants, [K], [P] et [T]. 2. Des difficultés se sont élevées au cours des opérations de comptes, liquidation et partage des successions. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 4. Mme [P] [L] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les prétentions formées dans les conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019, alors « que sont en tout état de cause recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions ou pièces adverses ; qu'en ne recherchant pas si l'augmentation du quantum des demandes de rapport ne constituait pas une réplique aux pièces et conclusions adverses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable. » Réponse de la Cour Vu l'article 910-4 du code de procédure civile : 5. En application de l'alinéa 2 de ce texte, l'irrecevabilité prévue par son alinéa 1er ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses. 6. Tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse. 7. Pour déclarer irrecevables les prétentions nouvelles formées par Mme [L] au titre des rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] dans ses conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019, l'arrêt retient qu'en l'absence de survenance ou de révélation d'un fait postérieur à leurs écritures déposées dans les délais des articles 908, 909 et 910 du code de procédure civile, ne sont recevables que les prétentions formées par Mme [L] dans ses conclusions du 26 novembre 2018 formant appel incident et que les prétentions contenues dans les conclusions postérieures se heurtent à l'irrecevabilité édictée par l'article 910-4 du même code. 8. En statuant ainsi, alors que les prétentions formées par Mme [L] dans ses dernières conclusions portaient sur de nouvelles demandes de rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] et avaient donc trait au partage de l'indivision successorale, de sorte qu'elles devaient s'analyser en une défense aux prétentions adverses, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les prétentions nouvelles formées par Mme [L] au titre des rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] dans les conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019,prétentions nouvelles formées par de Mme [L], l'arrêt rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne M. [K] [D] et Mme [T] [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme [P] [D]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [P] [L] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les prétentions formées dans les conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019, 1) ALORS QU'à peine d'irrecevabilité les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; que cette exigences ne fait pas obstacle à ce qu'une partie actualise ses demandes, en en modifiant le quantum; que dans ses conclusions du 26 novembre 2018, Mme [P] [L] formait des demandes de rapport contre Mme [T] [D] et M. [K] [D] ; qu'en retenant, pour les déclarer irrecevables, que les augmentations du quantum des demandes constituaient des prétentions ultérieures au sens de l'article 910-4 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé cette disposition, dans sa rédaction applicable à l'espèce ; 2) ALORS QUE sont en tout état de cause recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions ou pièces adverses ; qu'en ne recherchant pas si l'augmentation du quantum des demandes de rapport ne constituait pas une réplique aux pièces et conclusions adverses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mme [P] [L] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. [K] [D] à rapporter à la succession de chacun de ses parents la seule somme de 5.000 €, ALORS QUE tout héritier doit rapporter à ses cohéritiers ce qu'il a reçu du défunt par donation ; que la cour d'appel a constaté que M. [K] [D] avait reçu de son père, le 5 octobre 2005, un don manuel de 45.734 € ; qu'en énonçant, pour dire que cette somme n'avait pas à être rapportée, que M. [K] [D] l'avait ensuite lui-même donnée à ses enfants, la cour d'appel, qui s'est déterminée au regard de l'utilisation faite par le donataire des sommes reçues, s'est prononcée par des motifs inopérants et n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles 843 et suivants du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Mme [P] [L] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté ses demandes de tendant au rapport par Mme [T] [D] de divers biens et oeuvres figurant au procès-verbal de constat du 21 juillet 2017 et dans l'inventaire du 2 mai 2009, 1) ALORS QUE les présents d'usage sont dispensés de rapport ; que constitue un présent d'usage, la libéralité faite à l'occasion d'un évènement particulier qu'il est d'usage de célébrer et d'une valeur modeste au cours de l'état de fortune du donateur ; que pour dispenser Mme [T] [D] du rapport d'un certain nombre d'objets, la cour d'appel a retenu qu'elle les avait reçus de ses parents à titre de présents d'usage ; qu'en ne précisant pas à quelles occasions correspondaient ces présents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 852 du code civil ; 2) ALORS QUE pour dire que Mme [T] [D] avait bénéficié de présents d'usage de la part de ses parents, la cour d'appel a seulement énoncé que celle-ci et ses enfants avaient « nécessairement » reçu des objets décoratifs ; que la cour d'appel qui a ainsi statué par un motif d'ordre général n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Mme [P] [L] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté ses demandes aux fins de condamnation de M. [K] [D] et de Mme [T] [D] aux peines du recel successoral, 1) ALORS QUE le recel vise toutes les fraudes au moyen desquelles un héritiers cherche, au détriment de ses cohéritiers, à rompre l'égalité du partage ; que la fraude s'apprécie en la personne accusée de recel ; que pour écarter le recel invoqué par Mme [P] [L] à l'encontre de ses cohéritiers, la cour d'appel a énoncé qu'elle disposait, en qualité de tutrice, de l'ensemble des pièces bancaires du défunt et n'ignorait pas sa pratique de dons ; qu'en se prononçant en référence à la personne de Mme [P] [L], sans rechercher si M. [K] [D] et Mme [T] [D], contre lesquels le recel était invoqué, n'avaient pas dissimulé des donations rapportables à la succession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 792 du code civil devenu 778 du code civil ; 2) ALORS QUE, pour écarter le recel, la cour d'appel a retenu que Mme [P] [L] avait, en qualité de tutrice du défunt, accès à tous les comptes bancaires ; qu'en se prononçant pas un motif inopérant au regard du recel des objets d'art, sur lequel portait la demande, la cour d'appel a violé l'article 792 devenu 778 du code civil ; 3) ALORS QUE la cassation à intervenir sur les demandes de rapport entrainera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt sur la question du recel, par application de l'article 624 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. En application de l'alinéa 2 de ce texte, l'irrecevabilité prévue par l'alinéa 1 ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses. Tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 587 FS-B Pourvoi n° S 20-15.827 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 La société Groupe WS, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 20-15.827 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 8) et contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2018 par la même cour (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 3], représenté par son syndic la société NGBI, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la SCI du [Adresse 3], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5], défendeurs à la cassation. La SCI de l'immeuble du [Adresse 3] a formé un pourvoi incident contre les mêmes arrêts. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Groupe WS, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 3], représenté par son syndic la société NGBI, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la SCI du [Adresse 3], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, M. Delbano, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille et Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 13 décembre 2018 et 25 octobre 2019) la SCI du [Adresse 3] (la SCI) a donné à bail commercial le lot n° 23 d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, à la société Groupe WS ( la société) ayant pour objet social la location meublée avec prestations de service para-hôtelière en loueur meublé. 2. Pour exercer cette activité, la société a procédé à des transformations de locaux comprenant une dizaine de bureaux mitoyens en onze appartements-bureaux, tous équipés de salles d'eau et de toilettes. 3. Se prévalant de l'existence d'un trouble manifestement illicite, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] (le syndicat) a, en référé, assigné la société et la SCI aux fins de voir cesser l'activité dans le lot n° 23 et leur condamnation à le remettre dans son état d'origine. 4. Une ordonnance du 29 janvier 2018 du juge des référés a notamment ordonné à la société de cesser son activité de location de chambres meublées et l'a condamnée in solidum avec la SCI à procéder, sous astreinte, aux travaux de remise en état. 5. La société ayant fait appel de l'ordonnance, un avis de fixation de l'affaire a été transmis aux parties le 17 mai 2018. A cette même date, la société a notifié ses conclusions et le 14 juin 2018, la SCI a notifié les siennes, formant un appel incident. Le syndicat a notifié ses conclusions le 13 juillet 2018. 6. La société et la SCI ayant soulevé l'irrecevabilité des conclusions du syndicat à leur égard, sur le fondement de l'article 905-2 du code de procédure civile, le magistrat désigné par le premier président a rejeté cette fin de non-recevoir, par une ordonnance du 25 octobre 2018 déférée à la cour d'appel. Examen des moyens Sur le premier moyen des deux pourvois, pris en sa première branche, rédigé en termes identiques, dirigés contre l'arrêt du 13 décembre 2018, réunis Enoncé du moyen 7. La société et la SCI font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ce que soient déclarées irrecevables les conclusions du syndicat ainsi que la communication de pièces, alors « que dans l'hypothèse où l'intimé ne conclut pas dans le délai requis à compter de la notification des conclusions d'appel principal, il ne peut valablement conclure, dans le cadre d'un appel incident ultérieurement formé par une autre partie, qu'à l'égard de cette dernière et non à l'égard de l'auteur de l'appel principal ; qu'en retenant néanmoins que, dès lors que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] avait conclu dans le mois de l'appel incident formé par la SCI du [Adresse 3], ses conclusions était recevables, y compris à l'égard de la société Groupe WS, quand elle constatait qu'elles avaient été notifiées plus d'un mois après la notification des conclusions d'appelant principal de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 905-2 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 905-2 du code de procédure civile : 8. Selon l'alinéa 2 de ce texte, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. 9. Aux termes de l'alinéa 3, l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe. 10. Il en résulte que lorsque l'intimé ne conclut pas dans le délai requis à compter de la notification des conclusions d'appel principal, il ne peut valablement conclure, à l'occasion d'un appel incident ultérieurement formé par une autre partie, qu'à l'égard de cette dernière et non à l'égard de l'auteur de l'appel principal. 11. Pour rejeter la fin de non-recevoir prise de la tardiveté des conclusions du syndicat, l'arrêt retient qu'elles visent à titre principal à l'infirmation de l'ordonnance en ce que celle-ci a ordonné sous astreinte à la société de cesser son activité de location dans le local pris à bail et l'a condamnée in solidum avec la SCI à procéder sous astreinte aux travaux de remise en état de ce local, que ces conclusions constituent un appel incident dirigé contre le syndicat qui a obtenu gain de cause en première instance, lequel a conclu dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet appel incident, imparti à l'article 905-2, alinéa 3 du code de procédure civile. 12. En statuant ainsi, alors que la circonstance que le syndicat a conclu dans le mois de l'appel incident formé par la SCI n'avait pas pour effet de rendre recevables, à l'égard de l'appelant principal, ses conclusions notifiées à ce dernier par le syndicat, passé le délai prévu à l'article 905-2, alinéa 2, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Sur le même moyen des deux pourvois, pris en sa deuxième branche, rédigé en termes identiques, dirigés contre l'arrêt du 13 décembre 2018, réunis Enoncé du moyen 13. La société et la SCI font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ce que soient déclarées irrecevables les conclusions du syndicat ainsi que la communication de pièces, alors « que l'indivisibilité procédurale suppose une impossibilité d'exécuter simultanément les dispositions d'une ou plusieurs décisions se rapportant au même litige ; qu'en retenant qu'il existait une indivisibilité procédurale relativement à la situation susceptible d'être créée par un arrêt confirmant l'ordonnance en ses dispositions relatives à la société Groupe WS et un arrêt l'infirmant en ses dispositions relatives à la SCI du [Adresse 3], quand la condamnation de la seule SCI du [Adresse 3] à remettre en état les lieux pouvait être exécutée sans que l'absence de condamnation de la société Groupe WS à cesser son activité de sous-location et à procéder elle-même à une telle remise en état des lieux, soit susceptible d'y faire échec, la cour d'appel a violé l'article 905-2 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 529 et 905-2, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile : 14. L'indivisibilité du litige nécessite l' impossibilité d'exécuter simultanément plusieurs chefs de dispositifs de jugements dans un même litige. 15. Pour rejeter la fin de non-recevoir prise de la tardiveté des conclusions du syndicat, l'arrêt énonce que l'ordonnance entreprise crée une situation indivisible entre la SCI et sa locataire, tant il est vrai qu'il y aurait incompatibilité entre des décisions qui, l'une, confirmerait l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné à la société de cesser son activité de sous-location dans le local pris à bail et, l'autre, l'infirmerait de ce chef, et qu'il s'en déduit que les conclusions du syndicat doivent être déclarées recevables tant à l'encontre de la SCI que de la société. 16. En se déterminant ainsi, sans caractériser l'impossibilité d'exécuter simultanément plusieurs chefs de dispositifs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation 17. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation partielle de l'arrêt du 13 décembre 2018 entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 25 octobre 2019 qui en est la suite. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande formée par la société Groupe WS tendant à ce que soient déclarées irrecevables, à son égard, les conclusions du syndicat des copropriétaires signifiées le 13 juillet 2018, l'arrêt rendu le 13 décembre 2018 entre les parties, par la cour d'appel de Paris. CONSTATE l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt rendu le 25 octobre 2019 entre les parties, par la cour d'appel de Paris. Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] et de la SCI du [Adresse 3] et condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à payer à la société Groupe WS la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société Groupe WS PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 13 décembre 2018, n° RG 1823745), D'AVOIR rejeté la demande formulée par la société Groupe WS et reprise par la SCI du [Adresse 3] tendant à ce que soient déclarées irrecevables les conclusions du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic la société N.G.B.I., signifiées le 13 juillet 2017, ainsi que la communication de pièces ; AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 905-2 du code de procédure civile prévoit ce qui suit à ses alinéas 2 et 3 : « L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. L'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe. » ; que dans l'affaire examinée, les conclusions communiquées le 14 juin 2018 par la SCI du 22 bd Saint Michel visent à titre principal à obtenir l'infirmation de l'ordonnance du 29 janvier 2018 en ce que celle-ci a ordonné sous astreinte à la société Groupe WS de cesser son activité de location dans le local pris à bail et l'a condamnée in solidum avec la société Groupe WS à procéder sous astreinte aux travaux de remise en état de ce local, notamment la suppression des salles d'eaux, installations sanitaires et WC, ainsi que de tous les raccordements aux parties communes ; que comme le magistrat désigné par le président de la chambre 1.8 l'a exposé dans son ordonnance déférée et ainsi qu'il est admis par les parties, ces conclusions constituent un appel incident à l'encontre de l'ordonnance du 29 janvier 2018 et cet appel incident est dirigé contre le syndicat des copropriétaires, qui a obtenu gain de cause en première instance ; qu'il est constant que le syndicat des copropriétaires a conclu dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet appel incident, imparti à l'article 905-2, alinéa 3, précité ; qu'en outre, l'ordonnance du 29 janvier 2018, comme la SCI du 22 bd Saint Michel l'a fait valoir, crée une situation indivisible entre elle-même et sa locataire la société Groupe WS, tant il est vrai qu'il y aurait incompatibilité entre des décisions qui, l'une, confirmerait l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné à la société Groupe WS de cesser son activité de sous location dans le local pris à bail et, l'autre, l'infirmerait de ce chef ; qu'il s'en déduit que les conclusions du syndicat des copropriétaires doivent être déclarées recevables tant à l'encontre de la SCI du 22 bd Saint Michel qu'à l'encontre de la société Groupe WS ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application de l'article 905-2, alinéa 2, du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué ; que l'alinéa suivant dispose que l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe ; qu'en l'espèce, à l'exception de la demande indiquée comme étant formulée " à titre infiniment subsidiaire " et par laquelle elle demande à être garantie par la société Groupe WS de toute condamnation prononcée à son encontre, les demandes formulées par la SCI, intimée, dans ses conclusions remises le 14 juin 2018 visent son co-intimé, à savoir le syndicat des copropriétaires, et non pas l'appelant principal qu'est la société Groupe WS ; qu'il en résulte que le syndicat des copropriétaires est bien intimé à l'appel incident formé à son encontre par la SCI dans ses conclusions remises le 14 juin 2018 ; qu'en conséquence, par application de l'article 905-2, 3ème alinéa, du code de procédure civile, le syndicat des copropriétaires disposait d'un délai d'un mois pour conclure à compter du 14 juin 2018 ; qu'ayant conclu au fond le 13 juillet 2018, le syndicat des copropriétaires a donc respecté le délai qui lui était imparti ; qu'aussi convient-il de rejeter la demande formulée par la société Groupe WS et reprise par la SCI tendant à ce que soient déclarées irrecevables les conclusions du syndicat des copropriétaires signifiées le 13 juillet 2017 ainsi que la communication de pièces ; 1°) ALORS QUE dans l'hypothèse où l'intimé ne conclut pas dans le délai requis à compter de la notification des conclusions d'appel principal, il ne peut valablement conclure, dans le cadre d'un appel incident ultérieurement formé par une autre partie, qu'à l'égard de cette dernière et non à l'égard de l'auteur de l'appel principal ; qu'en retenant néanmoins que, dès lors que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] avait conclu dans le mois de l'appel incident formé par la SCI du [Adresse 3], ses conclusions était recevables, y compris à l'égard de la société Groupe WS, quand elle constatait qu'elles avaient été notifiées plus d'un mois après la notification des conclusions d'appelant principal de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 905-2 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'indivisibilité procédurale suppose une impossibilité d'exécuter simultanément les dispositions d'une ou plusieurs décisions se rapportant au même litige ; qu'en retenant qu'il existait une indivisibilité procédurale relativement à la situation susceptible d'être créée par un arrêt confirmant l'ordonnance en ses dispositions relatives à la société Groupe WS et un arrêt l'infirmant en ses dispositions relatives à la SCI du [Adresse 3], quand la condamnation de la seule SCI du [Adresse 3] à remettre en état les lieux pouvait être exécutée sans que l'absence de condamnation de la société Groupe WS à cesser son activité de sous-location et à procéder elle-même à une telle remise en état des lieux, soit susceptible d'y faire échec, la cour d'appel a violé l'article 905-2 du code de procédure civile ; 3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'une indivisibilité procédurale entre l'auteur d'un appel principal et l'auteur d'un appel incident ne peut avoir pour effet de rendre recevables, à l'égard du premier, des conclusions qui ont été notifiées par un intimé au-delà du délai d'un mois à compter de la notification de ses conclusions d'appelant principal, quand bien même elles l'ont été dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ; qu'en retenant que les conclusions du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] étaient recevables à l'égard de la société Groupe WS, quand bien même elles avaient été notifiées au-delà du délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de cette dernière, dès lors qu'elles avaient été notifiées dans le délai d'un mois faisant suite à la notification de l'appel incident de la SCI du [Adresse 3] et qu'il existait une indivisibilité procédurale entre cette dernière et la société Groupe WS, la cour d'appel a violé l'article 905-2 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 25 octobre 2019, n° RG 18/04221), D'AVOIR ordonné à la société Groupe WS de cesser son activité de location en chambres meublées dans le lot n° 23 de l'immeuble du [Adresse 3], sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier de justice, passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision, pour activité non conforme au règlement de copropriété ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, à titre liminaire, il sera rappelé que la question de la recevabilité des conclusions du Syndicat des copropriétaires contestée par l'appelant a été tranchée par une ordonnance du magistrat désigné par le premier président qui les a déclaré recevables au regard des dispositions de l'article 905-2 du code de procédure civile, décision déférée à la cour qui a confirmé la décision constatant la recevabilité des conclusions du syndicat des copropriétaires ; que l'article 809 du code de procédure civile prévoit que le président peut toujours même en cas de contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le dommage imminent s'entend du " dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer " et le trouble manifestement illicite résulte de " toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit " ; qu'il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines ; qu'un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés ; que la constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets ; que le trouble manifestement illicite résultant de la violation des articles 5 et 6 du règlement de copropriété ; que le principe est que le droit d'usage de chaque copropriétaire de son lot est un droit d'usage exclusif ; que les dispositions de l'article 2 alinéa 2 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 rappelant que les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire sont complétées par celles de l'article 9 de la même loi selon lesquelles " chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il [en] use et jouit librement ['] sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l'immeuble " ; que la liberté d'usage et de jouissance des parties privatives est ainsi tempérée par le droit concurrent des autres copropriétaires et par l'intérêt supérieur de l'immeuble qui résulte de sa destination ; qu'il résulte encore de l'article 8 de la loi de 1965 que " un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l'administration des parties communes " ; qu'enfin, l'article 26 alinéa 2 de cette même loi précise que l'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance telles qu'elles résultent du règlement de copropriété ; que la liberté d'usage et de jouissance peut ainsi également être précisée ou encadrée, le cas échéant, par le règlement de copropriété lequel ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ; que c'est donc le règlement de copropriété qui détermine la destination des parties privatives et les conditions de leur jouissance (L. 10 juill. 1965, art. 8) et la destination de l'immeuble peut justifier les restrictions apportées aux droits des copropriétaires mais aussi leur permettre de prendre certaines initiatives ; qu'en l'espèce, le règlement de copropriété de l'immeuble sis [...] établi le 30 octobre 1975 devant notaire, précise en son Titre 2 intitulé " Droits et Obligations des copropriétaires ", dans un chapitre 1 " Généralités " : " que l'immeuble est destiné essentiellement sous les conditions énoncées au chapitre Trois ci-après, à l'usage d'habitation ou professionnel. Toutefois, les locaux des sous-sols, du rez-de-chaussée et du premier étage seront, ou pourront être utilisés pour l'exploitation des commerces. L'immeuble sera soumis pour l'usage des " parties communes " et des parties privatives aux règles de jouissance ci-après énoncées ; chaque copropriétaire sera responsable, à l'égard des autres copropriétaires de l'immeuble, des troubles de jouissance, des fautes, des négligences et infractions aux dispositions du présent titre, dont lui-même, ses invités, ses préposés, ses locataires ou occupants quelconques de ses locaux seraient directement ou indirectement les auteurs. Tout copropriétaire devra donc imposer le respect de ces prescriptions aux locataires ou occupants quelconques de ses locaux sans pour autant que soit dégagée sa propre responsabilité " ; qu'en outre, le règlement de copropriété précise au sein de son Titre 2, et dans un chapitre 3 intitulé " Stipulations relatives aux parties privatives " les éléments suivants : - article premier : " Chaque copropriétaire aura, en ce qui concerne son lot, le droit d'en jouir, faire et disposer comme de chose lui appartenant en toute propriété, à la condition de ne pas nuire aux droits des autres propriétaires de l'immeuble, et de ne rien faire qui puisse compromettre la solidité de l'immeuble et sous les réserves qui vont suivre " ; - article 5 : " Les locaux composant l'immeuble ne pourront être utilisés qu'à usage d'habitation bourgeoise ou pour l'exercice d'une profession libérale, sous réserve des restrictions édictées par la loi. Seuls les locaux des sous-sols, du rez-de-chaussée et du premier étage pourront être destinés à un usage commercial, toujours sous la même réserve de l'obtention des autorisations administratives s'il y a lieu, et à condition qu'il n'y ait pas introduction de marchandises lourdes ou sales et que les machines utilisées ne causent aucun trouble de jouissance aux copropriétaires et au voisinage de l'immeuble par leur bruit, leurs trépidations, ou de toute autre manière. L'activité exercée ne devra pas nuire au bon aspect et à la tranquillité de l'immeuble, ni gêner les autres occupants. En ce qui concerne les locaux ayant accès direct à la rue, l'entrée et la sortie des fournisseurs et des marchandises devront avoir lieu exclusivement par la porte constituant cet accès. Sont interdites : l'exploitation d'une pension de famille, d'un hôtel meublé, l'installation de sièges de partis politiques ou de syndicats, ainsi que tous commerces, professions, ou industries considérées comme dangereux ou insalubres, ou de nature par le bruit ou les odeurs à incommoder les personnes habitant l'immeuble. Les occupants devront faire en sorte que la tranquillité de l'immeuble ne soit à aucun moment troublée " ; - article 6 : " Le propriétaire d'un lot ne pourra le louer nu ni l'aliéner qu'en totalité. La transformation en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes est interdite ; mais la location meublée d'un lot entier, comme aussi la location meublée d'une seule pièce, est autorisée. " ; qu'il est constant que suivant un bail commercial du 17 mars 2017, la SCI [...] a donné en location à la société Groupe WS des locaux dont elle est propriétaire depuis le 4 juin 1998 constituant le lot n°23 de la copropriété, d'une surface d'environ 250 m² et décrits en page 14 du règlement de copropriété comme " un local situé au 1er étage de l'immeuble desservi par le grand escalier comprenant un hall d'entrée, quinze bureaux, débarras, dégagements, 2 water-closets, couloirs " ; que comme cela est parfaitement admis par le règlement de copropriété et rappelé dans le titre de propriété de la SCI et dans le bail conclu avec la société Groupe WS, ces locaux sont des locaux à usage commercial ; que pour autant, cette activité commerciale autorisée est encadrée par le règlement de copropriété au regard notamment de la destination mixte de l'immeuble et de la nécessité d'assurer la tranquillité des habitants de l'immeuble ; qu'en l'espèce, il est acquis que la société Groupe WS a entrepris, dès la prise de possession des lieux, des travaux de transformation du lot loué afin d'exercer son activité de " location meublée avec prestations de service para hôtelier en louer meublé " (cf. extrait K-Bis) ; que ces travaux ont constitué en une transformation des 15 bureaux existants en 11 appartements comportant chacun une salle d'eau et des WC comme cela résulte du plan intitulé " division en lots d'un appartement " communiqué au Syndicat des copropriétaires (la pièce n°13 de ce dernier) ; que nonobstant un courrier du Syndicat des copropriétaires en date du 5 juillet 2017 lui indiquant que l'activité envisagée de location meublée de courte durée était contraire aux dispositions des articles 5 et 6 du règlement de copropriété, il est acquis que les travaux se sont poursuivis ; que la consultation du site du groupe WS ou du site de réservation Booking, démontrent que, dès le mois d'octobre 2017, les " appartements " ou " studios ", tels qu'ils sont ainsi explicitement dénommés par ces sites, étaient proposés à la location de courte durée, le minimum étant une nuit ; que la lecture de ces offres de location sur internet confirme que la clientèle recherchée est une clientèle de touristes puisqu'il est indiqué que le quartier Latin dans lequel se trouve les locations est " un choix idéal pour les voyageurs intéressés par la nourriture, la culture et l'art ", qu'il s'agit du quartier préféré des " voyageurs visitant Paris " ; que les attestations de copropriétaires et du gardien, produites par le Syndicat, confortées par de très nombreuses photographies, confirment que depuis l'ouverture de l'exploitation en décembre 2017, les allées et venues de touristes étrangers, avec leurs valises, à la recherche de la porte d'entrée du bâtiment menant aux appartements ou de la réception de 'l'hôtel' sont incessantes, le jour ou la nuit et génèrent des nuisances par l'afflux de voyageurs qui stationnent et font du bruit dans la cour ; que ces éléments démontrent encore, sans contestation sérieuse, que ces " voyageurs " ne sont nullement des travailleurs cherchant un bureau où dormir comme soutenu par l'appelante, mais des touristes cherchant un hébergement ; que comme l'a justement indiqué le premier juge, les dispositions de l'article 6 prohibent " la transformation en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes " alors que la " location meublée d'un lot entier comme d'une seule pièce est autorisée " ; que contrairement à ce qui est affirmé par les appelants, cet article fait partie d'un chapitre 3 relatif aux parties privatives et qui s'intitule " Location " ; qu'il a donc vocation, à l'évidence, et en l'absence de toute restriction expresse à s'appliquer à la fois aux lots d'habitation bourgeoise situés dans les étages supérieurs et aux lots commerciaux situés au rez-dechaussée et 1er étage ; que la licéité de cette clause, au regard du droit de chaque copropriétaire de jouir et de disposer de son lot, comme rappelé par l'article 9 de la loi de 1965, n'est pas en cause dès lors que l'objectif de la restriction édictée n'est pas de s'opposer à l'exploitation commerciale ou à une location meublée de l'entier lot, dont il vient d'être rappelé qu'elles sont autorisées, mais de les organiser de façon à ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires de l'immeuble dont quatre niveaux sur 6 sont attribués à l'habitation bourgeoise ou à usage professionnel non commercial ; qu'il ne peut donc être sérieusement soutenu que sa lecture est soumise à interprétation, ni que sa stipulation est illicite ; qu'or, en l'espèce, il a été indiqué qu'avec l'évidence requise en référé, quelle que soit la dénomination qu'on leur donne, ces " chambres, appartements, studios ou appartements-bureaux meublés " composant le lot n°23 sont bien issues de transformations interdites et sont loués à des personnes distinctes, deux situations prohibées par le règlement de copropriété en son article 6 ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que l'activité exercée par la société Groupe WS contrevenait aux dispositions de l'article 6 du règlement de copropriété et constituait un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ; qu'il ressort ainsi de l'ensemble de ce qui précède que la décision du premier juge ayant ordonné la cessation de l'activité sera confirmée ; qu'au surplus, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si l'activité de la société WS doit être qualifiée d'hôtel meublé, il suffit de constater que l'immeuble est défini dans le chapitre 1 du titre 2 du règlement de copropriété comme un immeuble " destiné essentiellement (...) à l'usage d'habitation ou professionnel " et que la destination des locaux du sous-sol, du rez-de-chaussée et du 1er étage à vocation commerciale constitue une exception ; que, de même, l'article 5 du règlement indique que " les locaux composant l'immeuble ne pourront être utilisés qu'à usage d'habitation bourgeoise ou pour l'exercice d'une profession libérale " et introduit la même exception en précisant la réserve de nuisance au bon aspect et à la tranquillité de l'immeuble ou de gêner les autres occupants ; qu'il se déduit de cette simple lecture, sans qu'il soit nécessaire d'interpréter les articles cités, que les copropriétaires ont entendu faire prioritairement de leur immeuble un bâtiment à usage d'habitation bourgeoise en insistant sur la notion de tranquillité des occupants ; qu'or, il a été décrit plus avant les conditions dans lesquelles ces locaux sont loués, qui génèrent de nombreuses allées et venues, de jour comme de nuit, qui troublent la tranquillité des résidents de l'immeuble ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le trouble manifestement illicite résulte, quant à lui, de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit ; qu'il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté à la date à laquelle le juge statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, la méconnaissance d'un droit sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines ; que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 3] sollicite la cessation de l'activité de location de chambres meublées, et ce sous astreinte, en l'absence de conformité de cette activité au règlement de copropriété ; qu'il verse notamment aux débats pour justifier de sa demande : -le règlement de copropriété de l'immeuble ; -la mise en demeure du 5 juillet 2017 ; - le bail commercial conclu le 17 mars 2017 entre la société Groupe WS et la SCI du [Adresse 3] ; -la mise en demeure du 4 octobre 2017 ; - la publication des appartements en location sur le site Booking.com ; - l'extrait Kbis de la société Groupe WS ; -des attestations des copropriétaires ou occupants de l'immeuble du [Adresse 3] datées de novembre 2017 et janvier 2018 ; qu'il résulte des pièces produites qu'en application du bail commercial conclu avec la SCI du [Adresse 3] le 17 mars 2017, la société Groupe WS exerce une " activité para-hôtelière de location meublée à destination d'une clientèle d'affaires et de tourisme avec prestations de services " dans les locaux commerciaux lot n°23 situés au 1er étage de l'immeuble du [Adresse 3] ; que, sur la non-conformité au règlement de copropriété, le lot n°23 est décrit à la foi par le règlement de copropriété de l'immeuble (page 14), et par le bail commercial du 17 mars 2017, comme : " un local desservi par le grand escalier comprenant hall d'entrée, 15 bureaux, débarras, dégagements, 2 WC couloirs " ; que le règlement de copropriété de l'immeuble du [Adresse 3] indique par ailleurs en page 34 (article 5) que " seuls les locaux des sous-sols, du rez-de-chaussée et du premier étage pourront être destinés à un usage commercial (...). Sont interdites: l'exploitation d'une pension de famille, d'un hôtel meublé... " ; que seule une clause du règlement de copropriété conforme à la destination de l'immeuble et interdisant très précisément l'activité commerciale exercée peut être de nature à justifier l'interdiction de cette activité ; que l'article 6 du règlement de copropriété indique que " le propriétaire d'un lot ne pourra le louer ni l'aliéner qu'en totalité ; que la transformation en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes est interdite ; mais la location meublée d'un lot entier, comme aussi la location meublée d'une seule pièce, est autorisée " ; qu'il résulte donc des dispositions du règlement de copropriété que l'immeuble du [Adresse 3] est à destination mixte, mais que des restrictions sont prévues dans les activités des lots, notamment quant aux activités de location meublée ; que l'article 6 du règlement de copropriété s'applique indifféremment à tous les lots de l'immeuble, aucune restriction n'étant apportée par l'article n°6 intitulé " location ", et interdit la transformation en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes ; qu'or, la société Groupe WS dans le lot n°23 a justement transformé les 15 bureaux de ce lot en 11 chambres meublées, destinées à des locations touristiques, ainsi qu'il résulte du plan (pièce n°7) versé aux débats par la société locataire elle-même ; que, par ailleurs, ces 11 chambres meublées sont louées à des personnes différentes, pour quelques nuits, ainsi qu'il résulte des propres déclarations de la société Groupe WS, et de la description des locations sur le site Booking.com ; qu'ainsi, il résulte de ces éléments que la transformation du lot n°23 à usage de bureaux, en 11 chambres meublées destinées à la location touristique, est contraire à l'article 6 du règlement de copropriété de l'immeuble du [Adresse 3], nonobstant même l'interprétation des termes " hôtel meublé " dans l'article 5 du même règlement de copropriété, interprétation qui relève du juge du fond ; que le trouble illicite constitué par la violation de l'article 6 du règlement de copropriété est donc démontré par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], et justifie d'ordonner à la société Groupe WS de cesser son activité de location en chambres meublées, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier de justice, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision ; 1°) ALORS QUE le règlement de copropriété a force obligatoire à l'égard des copropriétaires et de leurs locataires ; qu'en l'espèce, l'article 6 du règlement de copropriété prévoyait qu'était interdite la transformation d'un lot en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes ; qu'en retenant que la transformation du lot n° 23 en logements par la société Groupe WS, suivi de leur mise en location, était prohibée par le règlement de copropriété, ce quelle que soit la qualification donnée à ces logements, la cour d'appel, qui n'a ce faisant nullement constaté qu'il s'agissait de chambres meublées, a violé l'article 8, I, de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires ou de leurs locataires qui ne seraient pas justifiée par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ; qu'en retenant que l'article 6 du règlement de copropriété n'était pas illicite en ce qu'il prévoyait que la transformation d'un lot en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes était interdite, quand il résultait de ses propres constatations que le sous-sol, le rez-de-chaussée et le premier étage de l'immeuble étaient dévolus à un usage commercial, ce dont il s'inférait que la destination d'habitation bourgeoise de l'immeuble avait été conçue pour coexister avec une activité commerciale, et que la destination commerciale des lieux ne faisait nullement figure d'exception, la cour d'appel a violé les articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 809 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 25 octobre 2019, n° RG 18/04221), D'AVOIR condamné in solidum la société Groupe WS et la SCI du [Adresse 3] à procéder aux travaux de remise en état du lot n° 23 de l'immeuble du [Adresse 3], notamment à la suppression des salles d'eaux, installations sanitaires et WC, ainsi que tous les raccordements aux parties communes, et ce dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, dans la limite de 90 jours ; AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 dispose que " ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions les concernant (...) l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci " ; qu'il résulte de la description du lot n° 23 telle qu'elle résulte du règlement de copropriété qu'à l'origine, ce dernier était équipé de 2 WC ; que par ailleurs, il résulte des pièces produites et notamment des plans remis à la copropriété que les travaux ont consisté dans la création de 11 chambres dotées chacune d'une salle d'eau, d'un WC et d'un coin kitchenette ; que le règlement de copropriété prévoit en sa page 4 que " les gouttières, les tuyaux de chute et d'écoulement des eaux pluviales et ménagères et des matières usées, les conduites de descente des WC (...) et les canalisations et colonne montante d'eau, de gaz, d'électricité et en général les appareils, gaines, canalisations et installations de toute nature d'utilité commune ainsi que leurs emplacements sont des parties communes " ; que la société Groupe WS soutient que les travaux réalisés n'ont pas nécessité d'intervention sur les parties communes du fait de l'installation existante ; qu'elle produit une attestation du bureau d'étude Thermique fluide [E] en date du 22 février 2018 dont il résulte d'abord que " les travaux réalisés n'ont pas nécessité la création d'un raccordement " et qu'ensuite s'agissant de l'intégration dans les parties communes, " les travaux réalisés se situent dans le dernier lot avant branchement aux égouts ce qui nous permet de réaliser un collecteur correctement dimensionné selon le DTU Plomberie pour évacuer l'ensemble des eaux usées et eaux vannes en respectant le dimensionnement existant de l'installation " (pièce n°15 de la société Groupe WS) ; que comme l'a rappelé le premier juge en se référant à une attestation de ce même bureau d'études en date du 12 janvier 2018, les travaux d'installation de sanitaires et de WC sont raccordés sur les culottes existantes des descentes ; qu'il résulte encore d'une attestation de travaux établie le 29 novembre 2017 par le même bureau d'études que les sanitaires installés " sont raccordés sur les eaux vannes de l'immeuble et que le raccordement est conforme au DTU 60.11 et respecte les règles de l'art " (pièce n° 10 SCI) ; qu'il se déduit de ce qui précède que l'installation existante a permis le raccordement des 11 salles d'eau et WC nouvellement créés, en lieu et place de 2 WC existants antérieurement au sein du lot n° 23 sans création d'un nouveau raccordement ; que néanmoins, force est de constater avec l'évidence requise en référé, que malgré la pose d'un collecteur des eaux vannes et des eaux usées avant raccordement à l'installation commune, le nombre d'installations nouvelles l'affecte dans sa consistance matérielle et dans les modalités de son usage de sorte qu'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires était nécessaire au regard des textes sus visés ; que la circonstance que l'installation est le dernier branchement avant les égouts et qu'elle se situe en dessous des autres copropriétaires n'est pas de nature à justifier qu'il soit passé outre à l'autorisation préalable de la copropriété ; que de même, l'existence d'un préjudice résultant directement de la réalisation de ces travaux n'est pas une condition nécessaire à la mise en œuvre de la responsabilité du copropriétaire et du locataire qui a fait réaliser ces travaux sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ; qu'en outre, il peut être également constaté avec la même évidence que la société Groupe WS a réalisé des travaux contraires à la destination de l'immeuble en ce qu'ils permettent la location 'd'appartements ou studios meublés' au sein d'un même lot dans les conditions rappelées plus avant ; que la décision qui a constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation du règlement de copropriété sera confirmée ; que l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile donne pouvoir au juge des référés ayant constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite de prescrire " les mesures conservatoires ou de remise en état " ; que les mesures qui ont pour objet la suppression des salles d'eau, installations sanitaires et WC sont les seules de nature à faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de la violation du règlement de copropriété, peu important que ceux-ci n'aient pas causé un préjudice direct à la copropriété, laquelle subi tout de même les nuisances qui en découlent ; que la décision sera ainsi confirmée y compris en ce qu'elle prévoit une astreinte dont le juge s'est réservé la liquidation afin de s'assurer l'effectivité des mesures prises ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en droit, l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 dispose que ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant : " (…) b) L'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci " ; que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] sollicite la remise en état sous astreinte des travaux litigieux, en indiquant que le raccordement d'une dizaine de WC et de sanitaires aux canalisations communes, sans autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, portent atteinte aux parties communes ; que les travaux litigieux, dont il n'est pas contesté qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, consistent en des travaux d'installation de sanitaires et de WC, raccordés sur les culottes existantes des descentes, ainsi qu'il résulte d'une attestation de la société [E], BET fluides, du 12 janvier 2018 ; qu'il est de principe que la création d'un raccordement aux canalisations communes constituent des travaux nécessitant l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ; qu'en l'espèce, il apparaît qu'initialement le lot n°23 était doté de deux WC, à l'exclusion de tout autre sanitaire, au vu de la description du lot dans le règlement de copropriété et le bail commercial, et que les travaux litigieux ont entraîné la création de 11 toilettes et de salles de bains ; qu'iI n'est pas contesté que les travaux ont consisté à modifier l'aménagement du lot pour créer onze chambres chacune dotée d'une salle de bains, d'un WC et d'une kitchenette ; que ces travaux impliquent une augmentation de la capacité d'extraction des eaux sur le raccordement existant, en ce que désormais non pas deux WC, mais 11 WC et autant de sanitaires sont raccordés sur les canalisations communes d'évacuation ; qu'iI ressort de l'ensemble de ces éléments que les travaux d'installation sanitaires par la création de toilettes et sanitaires supplémentaires raccordés sur les canalisations communes auraient dû être autorisés par l'assemblée générale des copropriétaires ; qu'ainsi, le syndicat des copropriétaires justifie d'un trouble manifestement illicite, les travaux non autorisés listés ci-dessus affectant les parties communes, et ayant été réalisés en violation de l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 ; que le syndicat des copropriétaires formule ses demandes de remise en état à l'encontre de la SCI du [Adresse 3], es qualité de copropriétaire, et à l'encontre de la société Groupe WS en sa qualité de locataire occupant les lieux ; que s'agissant d'une infraction au règlement de copropriété commise par le locataire dont répond le copropriétaire bailleur, il est indifférent dans les rapports entre ce copropriétaire et le syndicat qu'il ne fut pas l'auteur des travaux dont s'agit et qu'il n'eût pas autorisé son locataire à les réaliser ; qu'à l'égard du syndicat des copropriétaires, le copropriétaire bailleur répond de plein droit des infractions au règlement de copropriété commises par le locataire ; qu'ainsi est-il personnellement responsable des dégradations faites aux parties commîmes imputables à son locataire et doit supporter le coût de reprise et réparer le préjudice de jouissance subi par la copropriété ; qu'en effet, le bailleur doit répondre envers le syndicat des copropriétaires du comportement de son locataire, il est responsable de plein droit envers le syndicat des travaux affectant les parties communes et ce même s'il a mis son locataire en demeure de respecter le règlement de copropriété ou si les travaux ont été réalisés à son insu ; que la SCI du [Adresse 3] ne justifie d'aucune démarche justifiant de l'exonérer de ses obligations de copropriétaire, tenue au respect du règlement de copropriété, et la bailleresse ne justifie pas, à défaut d'obtention de l'autorisation requise auprès de l'assemblée générale, avoir pris toutes les mesures nécessaires pour que son locataire remette en état les travaux litigieux ; qu'il y a donc lieu d'ordonner in solidum à la société Groupe WS et à la SCI du [Adresse 3] de procéder aux travaux de remise en état du lot n°23 par la suppression des installations sanitaires, et des WC installés sans autorisation, et ce dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la présente décision, et passé ce délai, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; ALORS QU'un copropriétaire peut effectuer librement des travaux à l'intérieur de son lot, dès lors qu'ils ne portent pas atteinte aux droits des autres copropriétaires et à la destination de l'immeuble et qu'ils n'affectant pas les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble ; qu'en l'espèce, en retenant que les travaux ayant permis l'installation de onze sanitaires au sein du lot n° 23 auraient dû être autorisés par l'assemblée générale des copropriétaires dès lors qu'ils étaient contraires à la destination de l'immeuble en ce que, d'une part, ils avaient rendu possible la location de logements prohibée par l'article 6 du règlement de copropriété, et en ce que, d'autre part, en raison du nombre de ces installations, ces travaux affectaient l'immeuble dans sa consistance matérielle et dans les modalités de son usage, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une cause s'opposant à leur libre réalisation par la société Groupe WS, a violé les articles 9 et 25 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 809 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la SCI du [Adresse 3] PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 13 décembre 2018, n° RG 1823745) D'AVOIR rejeté la demande formulée par la société Groupe WS et reprise par la SCI du [Adresse 3] tendant à ce que soient déclarées irrecevables les conclusions du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic la société NGBI, signifiées le 13 juillet 2017, ainsi que la communication de pièces, AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 905-2 du code de procédure civile prévoit ce qui suit à ses alinéas 2 et 3 : « L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. L'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe » ; que dans l'affaire examinée, les conclusions communiquées le 14 juin 2018 par la SCI du [Adresse 3] visent à titre principal à obtenir l'infirmation de l'ordonnance du 29 janvier 2018 en ce que celle-ci a ordonné sous astreinte à la société Groupe WS de cesser son activité de location dans le local pris à bail et l'a condamnée in solidum avec la société Groupe WS à procéder sous astreinte aux travaux de remise en état de ce local, notamment la suppression des salles d'eaux, installations sanitaires et WC, ainsi que de tous les raccordements aux parties communes ; que comme le magistrat désigné par le président de la chambre 1.8 l'a exposé dans son ordonnance déférée et ainsi qu'il est admis par les parties, ces conclusions constituent un appel incident à l'encontre de l'ordonnance du 29 janvier 2018 et cet appel incident est dirigé contre le syndicat des copropriétaires, qui a obtenu gain de cause en première instance ; qu'il est constant que le syndicat des copropriétaires a conclu dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet appel incident, imparti à l'article 905-2, alinéa 3, précité ; qu'en outre, l'ordonnance du 29 janvier 2018, comme la SCI du [Adresse 3] l'a fait valoir, crée une situation indivisible entre elle-même et sa SCP Waquet, Farge, Hazan Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation [Adresse 4] locataire la société Groupe WS, tant il est vrai qu'il y aurait incompatibilité entre des décisions qui, l'une, confirmerait l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné à la société Groupe WS de cesser son activité de sous-location dans le local pris à bail et, l'autre, l'infirmerait de ce chef ; qu'il s'en déduit que les conclusions du syndicat des copropriétaires doivent être déclarées recevables tant à l'encontre de la SCI du [Adresse 3] qu'à l'encontre de la société Groupe WS ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application de l'article 905-2, alinéa 2, du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué ; que l'alinéa suivant dispose que l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe ; qu'en l'espèce, à l'exception de la demande indiquée comme étant formulée « à titre infiniment subsidiaire » et par laquelle elle demande à être garantie par la société Groupe WS de toute condamnation prononcée à son encontre, les demandes formulées par la SCI, intimée, dans ses conclusions remises le 14 juin 2018 visent son co-intimé, à savoir le syndicat des copropriétaires, et non pas l'appelant principal qu'est la société Groupe WS ; qu'il en résulte que le syndicat des copropriétaires est bien intimé à l'appel incident formé à son encontre par la SCI dans ses conclusions remises le 14 juin 2018 ; qu'en conséquence, par application de l'article 905-2, 3ème alinéa, du code de procédure civile, le syndicat des copropriétaires disposait d'un délai d'un mois pour conclure à compter du 14 juin 2018 ; qu'ayant conclu au fond le 13 juillet 2018, le syndicat des copropriétaires a donc respecté le délai qui lui était imparti ; qu'aussi convient-il de rejeter la demande formulée par la société Groupe WS et reprise par la SCI tendant à ce que soient déclarées irrecevables les conclusions du syndicat des copropriétaires signifiées le 13 juillet 2017 ainsi que la communication de pièces ; 1°) ALORS QUE dans l'hypothèse où l'intimé ne conclut pas dans le délai requis à compter de la notification des conclusions d'appel principal, il ne peut valablement conclure, dans le cadre d'un appel incident ultérieurement formé par une autre partie, qu'à l'égard de cette dernière et non à l'égard de l'auteur de l'appel principal ; qu'en retenant néanmoins que, dès lors que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] avait conclu dans le mois de l'appel incident formé par la SCI du [Adresse 3], ses conclusions était recevables, y compris à l'égard de la société Groupe WS, quand elle constatait qu'elles avaient été notifiées plus d'un mois après la notification des conclusions d'appelant principal de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 905-2 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'indivisibilité procédurale suppose une impossibilité d'exécuter simultanément les dispositions d'une ou plusieurs décisions se rapportant au même litige ; qu'en retenant qu'il existait une indivisibilité procédurale relativement à la situation susceptible d'être créée par un arrêt confirmant l'ordonnance en ses dispositions relatives à la société Groupe WS et un arrêt l'infirmant en ses dispositions relatives à la SCI du [Adresse 3], quand la condamnation de la seule SCI du [Adresse 3] à remettre en état les lieux pouvait être exécutée sans que l'absence de condamnation de la société Groupe WS à cesser son activité de sous-location et à procéder elle-même à une telle remise en état des lieux, soit susceptible d'y faire échec, la cour d'appel a violé l'article 905-2 du code de procédure civile ; 3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'une indivisibilité procédurale entre l'auteur d'un appel principal et l'auteur d'un appel incident ne peut avoir pour effet de rendre recevables, à l'égard du premier, des conclusions qui ont été notifiées par un intimé au-delà du délai d'un mois à compter de la notification de ses conclusions d'appelant principal, quand bien même elles l'ont été dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ; qu'en retenant que les conclusions du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] étaient recevables à l'égard de la société Groupe WS, quand bien même elles avaient été notifiées au-delà du délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de cette dernière, dès lors qu'elles avaient été notifiées dans le délai d'un mois faisant suite à la notification de l'appel incident de la SCI du [Adresse 3] et qu'il existait une indivisibilité procédurale entre cette dernière et la société Groupe WS, la cour d'appel a violé l'article 905-2 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 25 octobre 2019, n° RG 18/04221), D'AVOIR ordonné à la société Groupe WS de cesser son activité de location en chambres meublées dans le lot n° 23 de l'immeuble du [Adresse 3], sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée par huissier de justice, passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision, pour activité non conforme au règlement de copropriété, AUX MOTIFS PROPRES QUE, à titre liminaire, il sera rappelé que la question de la recevabilité des conclusions du Syndicat des copropriétaires contestée par l'appelant a été tranchée par une ordonnance du magistrat désigné par le premier président qui les a déclaré recevables au regard des dispositions de l'article 905-2 du code de procédure civile, décision déférée à la cour qui a confirmé la décision constatant la recevabilité des conclusions du syndicat des copropriétaires ; que l'article 809 du code de procédure civile prévoit que le président peut toujours même en cas de contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le dommage imminent s'entend du « dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » et le trouble manifestement illicite résulte de « toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit » ; qu'il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines ; qu'un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés ; que la constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets ; que le trouble manifestement illicite résultant de la violation des articles 5 et 6 du règlement de copropriété ; que le principe est que le droit d'usage de chaque copropriétaire de son lot est un droit d'usage exclusif ; que les dispositions de l'article 2 alinéa 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 rappelant que les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire sont complétées par celles de l'article 9 de la même loi selon lesquelles « chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il [en] use et jouit librement [‘] sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l'immeuble » ; que la liberté d'usage et de jouissance des parties privatives est ainsi tempérée par le droit concurrent des autres copropriétaires et par l'intérêt supérieur de l'immeuble qui résulte de sa destination ; qu'il résulte encore de l'article 8 de la loi de 1965 que « un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l'administration des parties communes » ; qu'enfin, l'article 26 alinéa 2 de cette même loi précise que l'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance telles qu'elles résultent du règlement de copropriété ; que la liberté d'usage et de jouissance peut ainsi également être précisée ou encadrée, le cas échéant, par le règlement de copropriété lequel ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ; que c'est donc le règlement de copropriété qui détermine la destination des parties privatives et les conditions de leur jouissance (L. 10 juill. 1965, art. 8) et la destination de l'immeuble peut justifier les restrictions apportées aux droits des copropriétaires mais aussi leur permettre de prendre certaines initiatives ; qu'en l'espèce, le règlement de copropriété de l'immeuble sis [...] établi le 30 octobre 1975 devant notaire, précise en son Titre 2 intitulé « Droits et Obligations des copropriétaires », dans un chapitre 1 « Généralités » : « que l'immeuble est destiné essentiellement sous les conditions énoncées au chapitre Trois ci-après, à l'usage d'habitation ou professionnel. Toutefois, les locaux des sous-sols, du rez-de-chaussée et du premier étage seront, ou pourront être utilisés pour l'exploitation des commerces. L'immeuble sera soumis pour l'usage des "parties communes" et des parties privatives aux règles de jouissance ci-après énoncées ; chaque copropriétaire sera responsable, à l'égard des autres copropriétaires de l'immeuble, des troubles de jouissance, des fautes, des négligences et infractions aux dispositions du présent titre, dont lui-même, ses invités, ses préposés, ses locataires ou occupants quelconques de ses locaux seraient directement ou indirectement les auteurs. Tout copropriétaire devra donc imposer le respect de ces prescriptions aux locataires ou occupants quelconques de ses locaux sans pour autant que soit dégagée sa propre responsabilité » ; qu'en outre, le règlement de copropriété précise au sein de son Titre 2, et dans un chapitre 3 intitulé « Stipulations relatives aux parties privatives » les éléments suivants : - article premier : « Chaque copropriétaire aura, en ce qui concerne son lot, le droit d'en jouir, faire et disposer comme de chose lui appartenant en toute propriété, à la condition de ne pas nuire aux droits des autres propriétaires de l'immeuble, et de ne rien faire qui puisse compromettre la solidité de l'immeuble et sous les réserves qui vont suivre » ; - article 5 : « Les locaux composant l'immeuble ne pourront être utilisés qu'à usage d'habitation bourgeoise ou pour l'exercice d'une profession libérale, sous réserve des restrictions édictées par la loi. Seuls les locaux des sous-sols, du rez-de-chaussée et du premier étage pourront être destinés à un usage commercial, toujours sous la même réserve de l'obtention des autorisations administratives s'il y a lieu, et à condition qu'il n'y ait pas introduction de marchandises lourdes ou sales et que les machines utilisées ne causent aucun trouble de jouissance aux copropriétaires et au voisinage de l'immeuble par leur bruit, leurs trépidations, ou de toute autre manière. L'activité exercée ne devra pas nuire au bon aspect et à la tranquillité de l'immeuble, ni gêner les autres occupants. En ce qui concerne les locaux ayant accès direct à la rue, l'entrée et la sortie des fournisseurs et des marchandises devront avoir lieu exclusivement par la porte constituant cet accès. Sont interdites : l'exploitation d'une pension de famille, d'un hôtel meublé, l'installation de sièges de partis politiques ou de syndicats, ainsi que tous commerces, professions, ou industries considérées comme dangereux ou insalubres, ou de nature par le bruit ou les odeurs à incommoder les personnes habitant l'immeuble. Les occupants devront faire en sorte que la tranquillité de l'immeuble ne soit à aucun moment troublée » ; - article 6 : « Le propriétaire d'un lot ne pourra le louer nu ni l'aliéner qu'en totalité. La transformation en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes est interdite ; mais la location meublée d'un lot entier, comme aussi la location meublée d'une seule pièce, est autorisée » ; qu'il est constant que suivant un bail commercial du 17 mars 2017, la SCI [...] a donné en location à la société Groupe WS des locaux dont elle est propriétaire depuis le 4 juin 1998 constituant le lot n°23 de la copropriété, d'une surface d'environ 250 m2 et décrits en page 14 du règlement de copropriété comme « un local situé au 1er étage de l'immeuble desservi par le grand escalier comprenant un hall d'entrée, quinze bureaux, débarras, dégagements, 2 water-closets, couloirs » ; que comme cela est parfaitement admis par le règlement de copropriété et rappelé dans le titre de propriété de la SCI et dans le bail conclu avec la société Groupe WS, ces locaux sont des locaux à usage commercial ; que pour autant, cette activité commerciale autorisée est encadrée par le règlement de copropriété au regard notamment de la destination mixte de l'immeuble et de la nécessité d'assurer la tranquillité des habitants de l'immeuble ; qu'en l'espèce, il est acquis que la société Groupe WS a entrepris, dès la prise de possession des lieux, des travaux de transformation du lot loué afin d'exercer son activité de « location meublée avec prestations de service para hôtelier en louer meublé » (cf. extrait K-Bis) ; que ces travaux ont constitué en une transformation des 15 bureaux existants en 11 appartements comportant chacun une salle d'eau et des WC comme cela résulte du plan intitulé « division en lots d'un appartement » communiqué au Syndicat des copropriétaires (la pièce n°13 de ce dernier) ; que nonobstant un courrier du Syndicat des copropriétaires en date du 5 juillet 2017 lui indiquant que l'activité envisagée de location meublée de courte durée était contraire aux dispositions des articles 5 et 6 du règlement de copropriété, il est acquis que les travaux se sont poursuivis ; que la consultation du site du groupe WS ou du site de réservation Booking, démontrent que, dès le mois d'octobre 2017, les « appartements » ou « studios », tels qu'ils sont ainsi explicitement dénommés par ces sites, étaient proposés à la location de courte durée, le minimum étant une nuit ; que la lecture de ces offres de location sur internet confirme que la clientèle recherchée est une clientèle de touristes puisqu'il est indiqué que le quartier Latin dans lequel se trouve les locations est « un choix idéal pour les voyageurs intéressés par la nourriture, la culture et l'art », qu'il s'agit du quartier préféré des « voyageurs visitant Paris » ; que les attestations de copropriétaires et du gardien, produites par le Syndicat, confortées par de très nombreuses photographies, confirment que depuis l'ouverture de l'exploitation en décembre 2017, les allées et venues de touristes étrangers, avec leurs valises, à la recherche de la porte d'entrée du bâtiment menant aux appartements ou de la réception de « l'hôtel » sont incessantes, le jour ou la nuit et génèrent des nuisances par l'afflux de voyageurs qui stationnent et font du bruit dans la cour que ces éléments démontrent encore, sans contestation sérieuse, que ces « voyageurs » ne sont nullement des travailleurs cherchant un bureau où dormir comme soutenu par l'appelante, mais des touristes cherchant un hébergement ; que comme l'a justement indiqué le premier juge, les dispositions de l'article 6 prohibent « la transformation en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes » alors que la « location meublée d'un lot entier comme d'une seule pièce est autorisée » ; que contrairement à ce qui est affirmé par les appelants, cet article fait partie d'un chapitre 3 relatif aux parties privatives et qui s'intitule « Location » ; qu'il a donc vocation, à l'évidence, et en l'absence de toute restriction expresse à s'appliquer à la fois aux lots d'habitation bourgeoise situés dans les étages supérieurs et aux lots commerciaux situés au rez-de-chaussée et 1er étage ; que la licéité de cette clause, au regard du droit de chaque copropriétaire de jouir et de disposer de son lot, comme rappelé par l'article 9 de la loi de 1965, n'est pas en cause dès lors que l'objectif de la restriction édictée n'est pas de s'opposer à l'exploitation commerciale ou à une location meublée de l'entier lot, dont il vient d'être rappelé qu'elles sont autorisées, mais de les organiser de façon à ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires de l'Immeuble dont quatre niveaux sur 6 sont attribués à l'habitation bourgeoise ou à usage professionnel non commercial ; qu'il ne peut donc être sérieusement soutenu que sa lecture est soumise à interprétation, ni que sa stipulation est illicite ; qu'or, en l'espèce, il a été indiqué qu'avec l'évidence requise en référé, quelle que soit la dénomination qu'on leur donne, ces « chambres, appartements, studios ou appartements-bureaux meublés » composant le lot n°23 sont bien issues de transformations interdites et sont loués à des personnes distinctes, deux situations prohibées par le règlement de copropriété en son article 6 ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que l'activité exercée par la société Groupe WS contrevenait aux dispositions de l'article 6 du règlement de copropriété et constituait un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ; qu'il ressort ainsi de l'ensemble de ce qui précède que la décision du premier juge ayant ordonné la cessation de l'activité sera confirmée ; qu'au surplus, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si l'activité de la société WS doit être qualifiée d'hôtel meublé, il suffit de constater que l'immeuble est défini dans le chapitre 1 du titre 2 du règlement de copropriété comme un immeuble « destiné essentiellement (...) à l'usage d'habitation ou professionnel » et que la destination des locaux du sous-sol, du rez-de-chaussée et du 1er étage à vocation commerciale constitue une exception ; que, de même, l'article 5 du règlement indique que « les locaux composant l'immeuble ne pourront être utilisés qu'à usage d'habitation bourgeoise ou pour l'exercice d'une profession libérale » et introduit la même exception en précisant la réserve de nuisance au bon aspect et à la tranquillité de l'immeuble ou de gêner les autres occupants ; qu'il se déduit de cette simple lecture, sans qu'il soit nécessaire d'interpréter les articles cités, que les copropriétaires ont entendu faire prioritairement de leur immeuble un bâtiment à usage d'habitation bourgeoise en insistant sur la notion de tranquillité des occupants ; qu'or, il a été décrit plus avant les conditions dans lesquelles ces locaux sont loués, qui génèrent de nombreuses allées et venues, de jour comme de nuit, qui troublent la tranquillité des résidents de l'immeuble ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le trouble manifestement illicite résulte, quant à lui, de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit ; qu'il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté à la date à laquelle le juge statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, la méconnaissance d'un droit sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines ; que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 3] sollicite la cessation de l'activité de location de chambres meublées, et ce sous astreinte, en l'absence de conformité de cette activité au règlement de copropriété ; qu'il verse notamment aux débats pour justifier de sa demande : - le règlement de copropriété de l'immeuble ; - la mise en demeure du 5 juillet 2017 ; - le bail commercial conclu le 17 mars 2017 entre la société Groupe WS et la SCI du [Adresse 3] ; - la mise en demeure du 4 octobre 2017 ; - la publication des appartements en location sur le site Booking.com ; - l'extrait Kbis de la société Groupe WS ; - des attestations des copropriétaires ou occupants de l'immeuble du [Adresse 3] datées de novembre 2017 et janvier 2018 ; qu'il résulte des pièces produites qu'en application du bail commercial conclu avec la SCI du [Adresse 3] le 17 mars 2017, la société Groupe WS exerce une « activité para-hôtelière de location meublée à destination d'une clientèle d'affaires et de tourisme avec prestations de services » dans les locaux commerciaux lot n°23 situés au 1er étage de l'immeuble du [Adresse 3] ; que, sur la non-conformité au règlement de copropriété, le lot n°23 est décrit à la foi par le règlement de copropriété de l'immeuble (page 14), et par le bail commercial du 17 mars 2017, comme : « un local desservi par le grand escalier comprenant hall d'entrée, 15 bureaux, débarras, dégagements, 2 WC couloirs » ; que le règlement de copropriété de l'immeuble du [Adresse 3] indique par ailleurs en page 34 (article 5) que « seuls les locaux des sous-sols, du rez-de-chaussée et du premier étage pourront être destinés à un usage commercial (...). Sont interdites: l'exploitation d'une pension de famille, d'un hôtel meublé... » ; que seule une clause du règlement de copropriété conforme à la destination de l'immeuble et interdisant très précisément l'activité commerciale exercée peut être de nature à justifier l'interdiction de cette activité ; que l'article 6 du règlement de copropriété indique que « le propriétaire d'un lot ne pourra le louer ni l'aliéner qu'en totalité ; que la transformation en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes est interdite ; mais la location meublée d'un lot entier, comme aussi la location meublée d'une seule pièce, est autorisée » ; qu'il résulte donc des dispositions du règlement de copropriété que l'immeuble du [Adresse 3] est à destination mixte, mais que des restrictions sont prévues dans les activités des lots, notamment quant aux activités de location meublée ; que l'article 6 du règlement de copropriété s'applique indifféremment à tous les lots de l'immeuble, aucune restriction n'étant apportée par l'article n°6 intitulé « location », et interdit la transformation en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes ; qu'or, la société Groupe WS dans le lot n°23 a justement transformé les 15 bureaux de ce lot en 11 chambres meublées, destinées à des locations touristiques, ainsi qu'il résulte du plan (pièce n°7) versé aux débats par la société locataire elle-même ; que, par ailleurs, ces 11 chambres meublées sont louées à des personnes différentes, pour quelques nuits, ainsi qu'il résulte des propres déclarations de la société Groupe WS, et de la description des locations sur le site Booking.com ; qu'ainsi, il résulte de ces éléments que la transformation du lot n°23 à usage de bureaux, en 11 chambres meublées destinées à la location touristique, est contraire à l'article 6 du règlement de copropriété de l'immeuble du [Adresse 3], nonobstant même l'interprétation des termes « hôtel meublé » dans l'article 5 du même règlement de copropriété, interprétation qui relève du juge du fond ; que le trouble illicite constitué par la violation de l'article 6 du règlement de copropriété est donc démontré par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], et justifie d'ordonner à la société Groupe WS de cesser son activité de location en chambres meublées, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée par huissier de justice, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision ; 1°) ALORS QUE le règlement de copropriété a force obligatoire à l'égard des copropriétaires et de leurs locataires ; qu'en l'espèce, l'article 6 du règlement de copropriété prévoyait qu'était interdite la transformation d'un lot en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes ; qu'en retenant que la transformation du lot n° 23 en logements par la société Groupe WS, suivi de leur mise en location, était prohibée par le règlement de copropriété, ce quelle que soit la qualification donnée à ces logements, la cour d'appel, qui n'a ce faisant nullement constaté qu'il s'agissait de chambres meublées, a violé l'article 8, I, de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires ou de leurs locataires qui ne seraient pas justifiée par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ; qu'en retenant que l'article 6 du règlement de copropriété n'était pas illicite en ce qu'il prévoyait que la transformation d'un lot en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes était interdite, quand il résultait de ses propres constatations que le sous-sol, le rez-de-chaussée et le premier étage de l'immeuble étaient dévolus à un usage commercial, ce dont il s'inférait que la destination d'habitation bourgeoise de l'immeuble avait été conçue pour coexister avec une activité commerciale, et que la destination commerciale des lieux ne faisait nullement figure d'exception, la cour d'appel a violé les articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 809 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 25 octobre 2019, n° RG 18/04221), D'AVOIR condamné in solidum la société Groupe WS et la SCI du [Adresse 3] à procéder aux travaux de remise en état du lot n° 23 de l'immeuble du [Adresse 3], notamment à la suppression des salles d'eaux, installations sanitaires et WC, ainsi que tous les raccordements aux parties communes, et ce dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, dans la limite de 90 jours ; AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions les concernant (...) l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci » ; qu'il résulte de la description du lot n° 23 telle qu'elle résulte du règlement de copropriété qu'à l'origine, ce dernier était équipé de 2 WC ; que par ailleurs, il résulte des pièces produites et notamment des plans remis à la copropriété que les travaux ont consisté dans la création de 11 chambres dotées chacune d'une salle d'eau, d'un WC et d'un coin kitchenette ; que le règlement de copropriété prévoit en sa page 4 que « les gouttières, les tuyaux de chute et d'écoulement des eaux pluviales et ménagères et des matières usées, les conduites de descente des WC (...) et les canalisations et colonne montante d'eau, de gaz, d'électricité et en général les appareils, gaines, canalisations et installations de toute nature d'utilité commune ainsi que leurs emplacements sont des parties communes » ; que, la société Groupe WS soutient que les travaux réalisés n'ont pas nécessité d'intervention sur les parties communes du fait de l'installation existante ; qu'elle produit une attestation du bureau d'étude Thermique fluide [E] en date du 22 février 2018 dont il résulte d'abord que « les travaux réalisés n'ont pas nécessité la création d'un raccordement » et qu'ensuite s'agissant de l'intégration dans les parties communes, « les travaux réalisés se situent dans le dernier lot avant branchement aux égouts ce qui nous permet de réaliser un collecteur correctement dimensionné selon le DTU Plomberie pour évacuer l'ensemble des eaux usées et eaux vannes en respectant le dimensionnement existant de l'installation » (pièce n°15 de la société Groupe WS) ; que comme l'a rappelé le premier juge en se référant à une attestation de ce même bureau d'études en date du 12 janvier 2018, les travaux d'installation de sanitaires et de WC sont raccordés sur les culottes existantes des descentes ; qu'il résulte encore d'une attestation de travaux établie le 29 novembre 2017 par le même bureau d'études que les sanitaires installés « sont raccordés sur les eaux vannes de l'immeuble et que le raccordement est conforme au DTU 60.11 et respecte les règles de l'art » (pièce n° 10 SCI) ; qu'il se déduit de ce qui précède que l'installation existante a permis le raccordement des 11 salles d'eau et WC nouvellement créés, en lieu et place de 2 WC existants antérieurement au sein du lot n° 23 sans création d'un nouveau raccordement ; que néanmoins, force est de constater avec l'évidence requise en référé, que malgré la pose d'un collecteur des eaux vannes et des eaux usées avant raccordement à l'installation commune, le nombre d'installations nouvelles l'affecte dans sa consistance matérielle et dans les modalités de son usage de sorte qu'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires était nécessaire au regard des textes sus visés ; que la circonstance que l'installation est le dernier branchement avant les égouts et qu'elle se situe en dessous des autres copropriétaires n'est pas de nature à justifier qu'il soit passé outre à l'autorisation préalable de la copropriété ; que de même, l'existence d'un préjudice résultant directement de la réalisation de ces travaux n'est pas une condition nécessaire à la mise en oeuvre de la responsabilité du copropriétaire et du locataire qui a fait réaliser ces travaux sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ; qu'en outre, il peut être également constaté avec la même évidence que la société Groupe WS a réalisé des travaux contraires à la destination de l'immeuble en ce qu'ils permettent la location « d'appartements ou studios meublés » au sein d'un même lot dans les conditions rappelées plus avant ; que la décision qui a constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation du règlement de copropriété sera confirmée ; que l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile donne pouvoir au juge des référés ayant constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite de prescrire « les mesures conservatoires ou de remise en état » ; que les mesures qui ont pour objet la suppression des salles d'eau, installations sanitaires et WC sont les seules de nature à faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de la violation du règlement de copropriété, peu important que ceux-ci n'aient pas causé un préjudice direct à la copropriété, laquelle subi tout de même les nuisances qui en découlent ; que la décision sera ainsi confirmée y compris en ce qu'elle prévoit une astreinte dont le juge s'est réservé la liquidation afin de s'assurer l'effectivité des mesures prises ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en droit, l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 dispose que ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant : « (...) b) L'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci » ; que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] sollicite la remise en état sous astreinte des travaux litigieux, en indiquant que le raccordement d'une dizaine de WC et de sanitaires aux canalisations communes, sans autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, portent atteinte aux parties communes ; que les travaux litigieux, dont il n'est pas contesté qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, consistent en des travaux d'installation de sanitaires et de WC, raccordés sur les culottes existantes des descentes, ainsi qu'il résulte d'une attestation de la société [E], BET fluides, du 12 janvier 2018 ; qu'il est de principe que la création d'un raccordement aux canalisations communes constituent des travaux nécessitant l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ; qu'en l'espèce, il apparaît qu'initialement le lot n°23 était doté de deux WC, à l'exclusion de tout autre sanitaire, au vu de la description du lot dans le règlement de copropriété et le bail commercial, et que les travaux litigieux ont entraîné la création de 11 toilettes et de salles de bains ; qu'il n'est pas contesté que les travaux ont consisté à modifier l'aménagement du lot pour créer onze chambres chacune dotée d'une salle de bains, d'un WC et d'une kitchenette ; que ces travaux impliquent une augmentation de la capacité d'extraction des eaux sur le raccordement existant, en ce que désormais non pas deux WC, mais 11 WC et autant de sanitaires sont raccordés sur les canalisations communes d'évacuation ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que les travaux d'installation sanitaires par la création de toilettes et sanitaires supplémentaires raccordés sur les canalisations communes auraient dû être autorisés par l'assemblée générale des copropriétaires ; qu'ainsi, le syndicat des copropriétaires justifie d'un trouble manifestement illicite, les travaux non autorisés listés ci-dessus affectant les parties communes, et ayant été réalisés en violation de l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 ; que le syndicat des copropriétaires formule ses demandes de remise en état à l'encontre de la SCI du [Adresse 3], es qualité de copropriétaire, et à l'encontre de la société Groupe WS en sa qualité de locataire occupant les lieux ; que s'agissant d'une infraction au règlement de copropriété commise par le locataire dont répond le copropriétaire bailleur, il est indifférent dans les rapports entre ce copropriétaire et le syndicat qu'il ne fut pas l'auteur des travaux dont s'agit et qu'il n'eût pas autorisé son locataire à les réaliser ; qu'à l'égard du syndicat des copropriétaires, le copropriétaire bailleur répond de plein droit des infractions au règlement de copropriété commises par le locataire ; qu'ainsi est-il personnellement responsable des dégradations faites aux parties commîmes imputables à son locataire et doit supporter le coût de reprise et réparer le préjudice de jouissance subi par la copropriété ; qu'en effet, le bailleur doit répondre envers le syndicat des copropriétaires du comportement de son locataire, il est responsable de plein droit envers le syndicat des travaux affectant les parties communes et ce même s'il a mis son locataire en demeure de respecter le règlement de copropriété ou si les travaux ont été réalisés à son insu ; que la SCI du [Adresse 3] ne justifie d'aucune démarche justifiant de l'exonérer de ses obligations de copropriétaire, tenue au respect du règlement de copropriété, et la bailleresse ne justifie pas, à défaut d'obtention de l'autorisation requise auprès de l'assemblée générale, avoir pris toutes les mesures nécessaires pour que son locataire remette en état les travaux litigieux ; qu'il y a donc lieu d'ordonner in solidum à la société Groupe WS et à la SCI du [Adresse 3] de procéder aux travaux de remise en état du lot n°23 par la suppression des installations sanitaires, et des WC installés sans autorisation, et ce dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la présente décision, et passé ce délai, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ; ALORS QU'un copropriétaire peut effectuer librement des travaux à l'intérieur de son lot, dès lors qu'ils ne portent pas atteinte aux droits des autres copropriétaires et à la destination de l'immeuble et qu'ils n'affectant pas les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble ; qu'en l'espèce, en retenant que les travaux ayant permis l'installation de onze sanitaires au sein du lot n° 23 auraient dû être autorisés par l'assemblée générale des copropriétaires dès lors qu'ils étaient contraires à la destination de l'immeuble en ce que, d'une part, ils avaient rendu possible la location de logements prohibée par l'article 6 du règlement de copropriété, et en ce que, d'autre part, en raison du nombre de ces installations, ces travaux affectaient l'immeuble dans sa consistance matérielle et dans les modalités de son usage, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une cause s'opposant à leur libre réalisation par la société Groupe WS, a violé les articles 9 et 25 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 809 du code de procédure civile.
Selon l'alinéa 2 de l'article 905-2 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. Aux termes de l'alinéa 3, l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué, à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation, pour remettre ses conclusions au greffe. Il en résulte que lorsque l'intimé ne conclut pas dans le délai requis à compter de la notification des conclusions d'appel principal, il ne peut valablement conclure, à l'occasion d'un appel incident ultérieurement formé par une autre partie, qu'à l'égard de cette dernière et non à l'égard de l'auteur de l'appel principal
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 589 FS-B Pourvoi n° B 21-11.401 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 Mme [T] [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 21-11.401 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2020 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [G] [W], épouse [B], 2°/ à M. [Z] [B], domiciliés tous deux [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [P], de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. et Mme [B], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, M. Delbano, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 novembre 2020), Mme [P] a relevé appel, le 6 février 2019, d'un jugement du 17 décembre 2018 rendu par un tribunal d'instance l'ayant condamnée à se séparer de deux coqs sous astreinte et à payer à M. [B] et à Mme [W] une certaine somme à titre de dommages-intérêts. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Mme [P] fait grief à l'arrêt de dire que n'étaient pas déférés à sa connaissance les chefs du jugement frappé d'appel, alors « que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; que les deux chefs de dispositif du jugement ayant condamné un propriétaire à se séparer de ses coqs sous astreinte pour anormalité du trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage et à verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, sont unis de manière indivisible par un lien de dépendance et de subordination ; que dès lors en énonçant, pour dire que l'objet du litige ne pouvait être qualifié d'indivisible et, par suite, en déduire que l'effet dévolutif de l'acte d'appel, « limité aux chefs de jugement expressément critiqués », ne s'était pas opéré, que le recours de Mme [P] pouvait porter sur l'une de ses condamnations, plusieurs d'entre elles, et ou non le rejet de sa demande pour procédure abusive, la cour d'appel a violé l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l'article 901-4° du même code. » Réponse de la Cour 3. Selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 4. Aux termes de l'article 901-4° du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2022-245 du 25 février 2022, la déclaration d'appel est faite par un acte contenant notamment les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 5. Si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans la déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il n'en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité. 6. Ayant constaté que la déclaration d'appel de Mme [P] mentionne que l'appel est « limité aux chefs de jugement expressément critiqués », sans les détailler, la cour d'appel, en l'absence de référence à l'indivisibilité de l'objet du litige dans la déclaration d'appel, en a exactement déduit que l'effet dévolutif n'avait pas opéré. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [P] et la condamne à payer à M. [B] et à Mme [W] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour Mme [P] Mme [P] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que n'étaient pas déférés à sa connaissance les chefs du jugement frappé d'appel, ALORS QUE la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; que les deux chefs de dispositif du jugement ayant condamné un propriétaire à se séparer de ses coqs sous astreinte pour anormalité du trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage et à verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, sont unis de manière indivisible par un lien de dépendance et de subordination ; que dès lors en énonçant, pour dire que l'objet du litige ne pouvait être qualifié d'indivisible et, par suite, en déduire que l'effet dévolutif de l'acte d'appel, « limité aux chefs de jugement expressément critiqués », ne s'était pas opéré, que le recours de Mme [P] pouvait porter sur l'une de ses condamnations, plusieurs d'entre elles, et ou non le rejet de sa demande pour procédure abusive, la cour d'appel a violé l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l'article 901-4° du même code.
Si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans la déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique, lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il n'en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité. La cour d'appel, qui constate que la déclaration d'appel est « limité aux chefs de jugement expressément critiqués » sans les détailler, en a exactement déduit qu'en l'absence de référence à l'indivisibilité de l'objet du litige dans la déclaration d'appel, l'effet dévolutif n'avait pas opéré
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 590 FS-B Pourvoi n° V 20-20.936 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 M. [I] [F], domicilié [Adresse 1], [Localité 2], a formé le pourvoi n° V 20-20.936 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [E] [D], 2°/ à Mme [V] [D], domiciliés tous deux [Adresse 3], [Localité 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [F], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Durin-Karsenty, M. Delbano, conseillers, Mme Jollec, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 9 juillet 2020), M. [F], se plaignant de problèmes d'infiltration d'eau sur sa propriété, a assigné M. et Mme [D], propriétaires de la parcelle voisine, afin de voir constater son préjudice et d'ordonner une expertise. 2. Un tribunal d'instance a déclaré irrecevables ses demandes en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt d'une cour d'appel. 3. M. [F] ayant interjeté appel de cette décision, M. et Mme [D] ont soutenu que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande, faute pour l'appelant d'avoir indiqué dans la déclaration d'appel les chefs du jugement critiqués. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 4. M. [F] fait grief à l'arrêt de constater que sa déclaration d'appel du 15 janvier 2019 ne dévolue à la cour aucun chef du jugement critiqué du tribunal d'instance de Boulogne-sur-Mer du 19 novembre 2018 et qu'elle n'a été ainsi saisie par l'appelant d'aucune demande régulière d'infirmation de ce jugement, alors : « 1°/ qu'il résulte des articles 771 devenu 789 et 907 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure survenues jusqu'à son dessaisissement ; qu'en l'espèce, saisi d'une demande de nullité de la déclaration d'appel pour défaut de mention des chefs du jugement critiqués, par ordonnance en date du 19 décembre 2019, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident formé par les époux [D] à l'encontre de la déclaration d'appel de M. [F] en date du 15 janvier 2019 à l'encontre du jugement du tribunal d'instance de Boulogne-sur-Mer en date du 19 novembre 2018 ; que cette ordonnance n'a pas fait l'objet d'un déféré ; qu'au fond, la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de mention dans la déclaration d'appel des chefs attaqués du jugement attaqué, elle n'était saisie d'aucune demande ; qu'en examinant ainsi une seconde fois la régularité de la déclaration d'appel, quand l'irrégularité de la déclaration d'appel au regard des mentions des chefs attaqués du jugement, avait été invoquée devant le conseiller de la mise en état, seul compétent pour en connaître, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ qu'il résulte des articles 775 devenu 794 et 907 du code de procédure civile que les ordonnances du conseiller de la mise en état ont, au principal, l'autorité de la chose jugée lorsqu'elles statuent sur les exceptions de procédure ; qu'en retenant qu'en l'absence de mention dans la déclaration d'appel des chefs de jugement attaqué, elle n'était saisie d'aucune demande, la cour d'appel, qui a statué une seconde fois sur la régularité de la déclaration d'appel au regard de la mention des chefs attaqués du jugement, a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance sur incident en date du 19 décembre 2019 et a ainsi violé les textes susvisés, l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 6. En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. 7. Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel fondée sur ce même grief aurait été rejetée. 8. En application des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, a le pouvoir de statuer sur cette absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile. 9. Dès lors, la cour d'appel, ayant constaté que la déclaration d'appel se bornait à mentionner en objet que l'appel était « total » et qu'elle n'avait jamais été régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, en a exactement déduit, sans méconnaître ni les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant statué sur la nullité de la déclaration d'appel, qu'elle n'était saisie d'aucun chef de dispositif du jugement. 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 11. M. [F] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; que dans l'hypothèse où le jugement dont appel ne contient que des chefs de dispositifs faisant griefs indivisibles, la déclaration d'appel qui mentionne « appel total » répond aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile et opère l'effet dévolutif pour tous les chefs de dispositifs défavorables ; qu'en retenant qu'« en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement ; qu'il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; que par ailleurs, l'obligation prévue par l'article 901 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d'appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d'ambiguïté, encadre les conditions d'exercice du droit d'appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel », pour en déduire que « la déclaration d'appel de M. [I] [F] se bornait à mentionner en objet que l'appel était "total" et n'a jamais été rectifié par une nouvelle déclaration d'appel, et qu'en conséquence, il convient de conclure que la cour n'a été saisie d'une demande d'infirmation de ce jugement », quand le jugement dont appel ne contenait que deux chefs de dispositif défavorables indivisibles, à savoir une déclaration d'irrecevabilité des demandes de M. [F] en raison de l'autorité de la chose jugée et une condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et qu'en conséquence la déclaration d'appel mentionnant « appel total » était régulière et entraînait l'effet dévolutif pour tous les chefs de dispositif défavorables, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 4° du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 12. Selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 13. Aux termes de l'article 901-4° du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2022-245 du 25 février 2022, la déclaration d'appel est faite par un acte contenant notamment les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 14. Si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans la déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il n'en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité. 15. Ayant relevé que la déclaration d'appel de M. [F] se bornait à mentionner en objet que l'appel était total et n'avait jamais été rectifiée par une nouvelle déclaration d'appel, la cour d'appel, en l'absence, dans cette déclaration, de référence à l'indivisibilité de l'objet du litige, en a exactement déduit, sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle n'était saisie d'aucun chef de dispositif du jugement. 16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [F] M. [I] [F] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que sa déclaration d'appel en date du 15 janvier 2019 ne dévolue à la cour aucun chef du jugement critiqué du tribunal d'instance de Boulogne-sur-Mer en date du 19 novembre 2018 et qu'elle n'a été ainsi saisie par l'appelant d'aucune demande régulière d'infirmation de ce jugement ; Alors 1°) qu'il résulte des articles 771 devenu 789 et 907 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure survenues jusqu'à son dessaisissement ; qu'en l'espèce, saisi d'une demande de nullité de la déclaration d'appel pour défaut de mention des chefs du jugement critiqués, par ordonnance en date du 19 décembre 2019, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident formé par les époux [D] à l'encontre de la déclaration d'appel de M. [F] en date du 15 janvier 2019 à l'encontre du jugement du tribunal d'instance de Boulogne-sur-Mer en date du 19 novembre 2018 ; que cette ordonnance n'a pas fait l'objet d'un déféré ; qu'au fond, la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de mention dans la déclaration d'appel des chefs attaqués du jugement attaqué, elle n'était saisie d'aucune demande ; qu'en examinant ainsi une seconde fois la régularité de la déclaration d'appel, quand l'irrégularité de la déclaration d'appel au regard des mentions des chefs attaqués du jugement, avait été invoquée devant le conseiller de la mise en état, seul compétent pour en connaître, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Alors 2°) en outre qu'il résulte des articles 775 devenu 794 et 907 du code de procédure civile que les ordonnances du conseiller de la mise en état ont, au principal, l'autorité de la chose jugée lorsqu'elles statuent sur les exceptions de procédure ; qu'en retenant qu'en l'absence de mention dans la déclaration d'appel des chefs de jugement attaqué, elle n'était saisie d'aucune demande, la cour d'appel, qui a statué une seconde fois sur la régularité de la déclaration d'appel au regard de la mention des chefs attaqués du jugement, a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance sur incident en date du 19 décembre 2019 et a ainsi violé les textes susvisés, l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Alors 3°) encore plus subsidiairement que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; que dans l'hypothèse où le jugement dont appel ne contient que des chefs de dispositifs faisant griefs indivisibles, la déclaration d'appel qui mentionne « appel total » répond aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile et opère l'effet dévolutif pour tous les chefs de dispositifs défavorables ; qu'en retenant qu'« en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement ; qu'il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; que par ailleurs, l'obligation prévue par l'article 901 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d'appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d'ambiguïté, encadre les conditions d'exercice du droit d'appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel » (arrêt attaqué, p. 4, § 1-3), pour en déduire que « la déclaration d'appel de M. [I] [F] se bornait à mentionner en objet que l'appel était "total" et n'a jamais été rectifié par une nouvelle déclaration d'appel, et qu'en conséquence, il convient de conclure que la cour n'a été saisie d'une demande d'information de ce jugement » (p. 4, § 5), quand le jugement dont appel ne contenait que deux chefs de dispositif défavorables indivisibles, à savoir une déclaration d'irrecevabilité des demandes de M. [F] en raison de l'autorité de la chose jugée et une condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et qu'en conséquence la déclaration d'appel mentionnant « appel total » était régulière et entrainait l'effet dévolutif pour tous les chefs de dispositif défavorables, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 4° du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans la déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il n'en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité. La cour d'appel, qui relève que la déclaration d'appel se borne à mentionner en objet que l'appel est total, sans référence à l'indivisibilité de l'objet du litige, en déduit donc exactement qu'elle n'est saisie d'aucun chef de dispositif du jugement
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Annulation sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 591 FS-B Pourvoi n° R 20-22.588 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 Mme [J] [L], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-22.588 contre l'arrêt rendu le 7 octobre 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des déférés), dans le litige l'opposant à la société Taxis Mario, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [L], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Taxis Mario, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Durin-Karsenty, M. Delbano, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 7 octobre 2020), Mme [L] a relevé appel, le 28 juillet 2017, d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à la société Taxis Mario. 2. La société Taxis Mario a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant rejeté l'incident de caducité qu'elle avait soulevé, tiré de ce que le dispositif des premières conclusions de l'appelante ne contenait aucune demande d'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes, de sorte qu'elles ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article 908 du code de procédure civile. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 3. Mme [L] fait grief à l'arrêt de déclarer caduc l'appel du 28 juillet 2017, alors « qu'aux termes de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle » ; qu'il résulte d'un arrêt du 17 septembre 2020 de la Cour de cassation que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ; que cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date du présent arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ; que dès lors, ne saurait être prononcée la caducité d'une déclaration d'appel antérieure au 17 septembre 2020, au motif que l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, dès lors que la caducité de l'instance, qui prive le justiciable de tout recours, y compris en cassation, prive a fortiori l'appelante du droit à un procès équitable ; qu'il en résulte que la cour d'appel, en décidant que l'appel était caduc dès lors que les conclusions d'appelant ne comportait aucune formule indiquant qu'elle sollicitait l'infirmation ou la réformation de la décision critiquée, a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. » Réponse de la Cour Vu les articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 4. L'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954. 5. Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel. 6. À défaut, en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque ou, conformément à l'article 954, alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement. 7. Ainsi, l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 20-15-766, publié). 8. Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable. 9. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt retient que le dispositif des conclusions, déposées dans le délai de trois mois suivant la déclaration d'appel par Mme [L], énonce diverses demandes mais ne comporte aucune formule indiquant qu'elle sollicite l'infirmation ou la réformation de la décision critiquée. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 28 juillet 2017, l'application de cette règle de procédure, qui instaure une charge procédurale nouvelle dans l'instance en cours, aboutissant à priver Mme [L] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Portée et conséquences de l'annulation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie en effet que la Cour de cassation statue au fond. 13. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe n° 10 qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société Taxis Mario de son incident de caducité de la déclaration d'appel et débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société Taxis Mario de son incident de caducité de la déclaration d'appel et débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ; DIT que l'affaire se poursuivra devant la cour d'appel d'Orléans ; Condamne la société Taxis Mario aux dépens en ceux compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Orléans au titre de la procédure d'incident ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [L] Madame [J] [L] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré caduc l'appel interjeté le 28 juillet 2017, Alors, d'une part, qu'ayant constaté que l'appelante avait relevé appel en précisant que cet appel portait sur la totalité du jugement, et que ses conclusions déposées le 20 octobre 2017 mentionnaient expressément qu'elle entendait voir juger de nouveau son affaire notamment quant au caractère réel et sérieux du motif du licenciement, il s'en déduisait nécessairement qu'était sollicitée devant la Cour d'appel l'infirmation totale du jugement, toutes les demandes de première instance étant reprises devant elle, ce qui était en outre confirmé par le dispositif des conclusions postérieures de l'appelante déposées le 26 novembre 2019 ; qu'en se bornant à énoncer « que le dispositif des conclusions, déposées dans le délai de trois mois suivant la déclaration d'appel par [J] [L], énonce diverses demandes mais ne comporte aucune formule indiquant qu'elle sollicite l'infirmation ou la réformation de la décision critiquée », pour décider que l'appel formé par Madame [L] était caduc, alors qu'il se déduisait de ses propres constatations que Madame [L] sollicitait l'infirmation du jugement critiqué, la Cour d'appel a violé les articles 542 et 954 du Code de procédure civile ; Alors, d'autre part, en tout état de cause, qu'il n'est pas contesté que le dispositif des conclusions postérieures de l'appelante, déposées le 26 novembre 2019, demandait à la Cour d'appel en premier lieu d'infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes, et en second lieu, statuant à nouveau, de dire le licenciement nul, sans cause réelle et sérieuse, et de condamner l'EURL TAXIS MARIO à lui payer diverses sommes ; qu'en énonçant que l'appel était déjà caduc lorsque de nouvelles conclusions avaient été déposées dans l'intérêt de l'appelante pour tenter de régulariser la situation, sans rechercher si, par ces écritures, la situation n'avait pas été nécessairement régularisée, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 542 et 954 du Code de procédure civile ; Alors, subsidiairement, qu'aux termes de l'article 542 du Code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la Cour d'appel ; que l'obligation de mentionner dans le dispositif des conclusions d'appel, la formule indiquant que l'appelant sollicite l'infirmation ou le réformation de la décision critiquée, figurant à l'article 954 du même code n'est pas prescrite à peine de caducité de cette voie de recours ; que dès lors, en prononçant la caducité de l'appel au motif que le dispositif des conclusions, déposées dans le délai de trois mois suivant la déclaration d'appel par Madame [L], énonce diverses demandes mais ne comporte aucune formule indiquant qu'elle sollicite l'infirmation ou la réformation de la décision attaquée, la Cour d'appel a violé les articles 542 et 954 du Code de procédure civile ; Alors, en outre, qu'aux termes de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle » ; qu'il en ressort l'obligation pour les Etats signataires de garantir un droit d'accès effectif au juge, en s'abstenant de porter atteinte à ce droit par des contraintes de procédure excessives et des sanctions disproportionnées ayant pour conséquence de priver le justiciable du droit d'accès au juge ; que partant, en décidant que la seule omission de la mention « infirme le jugement » au sein du dispositif des premières écritures privait l'appelante de tout accès au juge d'appel, en dépit du contenu explicite tant de la déclaration d'appel et du dispositif des premières conclusions signifiées dans le délai légal que des conclusions postérieures mentionnant expressément la mention omise, la Cour d'appel a violé l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ; Alors, enfin, qu'aux termes de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle » ; qu'il résulte d'un arrêt du 17 septembre 2020 de la Cour de cassation que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la Cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ; que cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date du présent arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ; que dès lors, ne saurait être prononcée la caducité d'une déclaration d'appel antérieure au 17 septembre 2020, au motif que l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, dès lors que la caducité de l'instance, qui prive le justiciable de tout recours, y compris en cassation, prive a fortiori l'appelante du droit à un procès équitable ; qu'il en résulte que la Cour d'appel, en décidant que l'appel était caduc dès lors que les conclusions d'appelant ne comportait aucune formule indiquant qu'elle sollicitait l'infirmation ou la réformation de la décision critiquée, a violé les articles 542 et 954 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.
Il résulte des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies. Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull.), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable. Il s'ensuit que l'arrêt, par lequel une cour d'appel, statuant sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état, qui avait rejeté l'incident de caducité dont il était saisi, déclare caduque la déclaration d'appel au motif que les premières conclusions de l'appelante ne comportait aucune formule indiquant qu'elle sollicitait l'infirmation ou la réformation de la décision critiquée, fait une exacte application de la règle de droit. Mais la déclaration d'appel étant antérieure au 17 septembre 2020, l'arrêt doit être annulé dès lors que la portée donnée aux articles 542, 908 et 954, instaurant la nouvelle charge procédurale, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, de sorte que l'appelante se trouve privée d'un procès équitable au sens de l'article 6,§ 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 592 FS-B Pourvoi n° M 19-21.798 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 La société Auto escape, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 19-21.798 contre le jugement rendu le 26 juin 2019 par le tribunal d'instance de Marseille, dans le litige l'opposant à M. [O] [R], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Auto escape, de Me [R], avocat de M. [R], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Durin-Karsenty, M. Delbano, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (tribunal d'instance de Marseille, 26 juin 2019), M. [R], se plaignant de la mauvaise exécution d'un contrat de location de véhicule conclu avec la société Auto escape, l'a assignée devant un tribunal d'instance à fin d'être indemnisé de ses préjudices matériel et moral, après l'échec d'une médiation. 2. Au soutien de son assignation, M. [R] a produit une déclaration au greffe exposant ses demandes et moyens, ainsi que différentes pièces relatives à la procédure de médiation. 3. Devant le tribunal, la société Auto escape, se fondant sur l'inobservation d'une formalité d'ordre public tirée du non respect du principe de la confidentialité de la médiation, a soulevé, à titre principal, la nullité de la déclaration au greffe et de l'assignation, et, à titre subsidiaire, a demandé que soient écartées des débats les pièces n° 1 à n° 6 produites par le demandeur, couvertes par la confidentialité, et que M. [R] soit condamné à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation du principe de confidentialité. Sur le moyen relevé d'office 4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, L. 612-3 du code de la consommation et 9 du code de procédure civile : 5. Aux termes du premier de ces textes, auquel renvoie le deuxième, sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. 6. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance judiciaire ou arbitrale sans l'accord des parties. Il est fait exception aux alinéas précédents dans les deux cas suivants : a) En présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique de la personne ; b) Lorsque la révélation de l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution. 7. Lorsque le médiateur est désigné par un juge, il informe ce dernier de ce que les parties sont ou non parvenues à un accord. 8. Aux termes du troisième de ces textes, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. 9. Il en résulte qu'en dehors des cas dérogatoires prévus par la loi, l'atteinte à l'obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l'accord de la partie adverse, soient, au besoin d'office, écartées des débats par le juge. 10. Pour rejeter la demande de nullité formée par la société Auto escape et la condamner à payer à M. [R] certaines sommes, le tribunal a statué au vu des pièces versées aux débats. 11. En statuant ainsi, le tribunal, qui aurait dû, au besoin d'office, écarter des débats celles des pièces produites par M. [R], issues de la procédure de médiation, qui étaient couvertes par l'obligation de confidentialité, en l'absence d'accord de la société Auto escape, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 juin 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Marseille ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Marseille ; Condamne M. [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] et le condamne à payer à la société Auto escape la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société Auto escape PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Autoescape fait grief au jugement attaqué D'AVOIR rejeté sa demande de nullité de l'acte introductif d'instance et DE L'AVOIR condamnée à payer à M. [R] la somme de 664 € à titre principal et celle de 1 000 € à titre de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QU'« en l'espèce, l'avis du Médiateur Tourisme et Voyage du 7 décembre 2018, versé aux débats par le requérant, est extrêmement succinct, se borne à citer un bref extrait des conditions générales du contrat litigieux, dont les termes ne sont ni contestables, ni contestés, et à indiquer que ce texte « porte à confusion » sans compléter cette opinion, toujours à propos du contrat litigieux, par un développement argumenté la justifiant ; qu'ainsi la société Autoescape n'établit pas que la production de cet avis, qui ne fait en réalité qu'énoncer l'objet du litige, est de nature à lui faire grief ou à conforter la position de M. [R] » ; ALORS QUE l'irrégularité qui entache l'acte introductif d'instance, en ce qu'il méconnaît le principe de la confidentialité des constatations du médiateur ou les déclarations recueillies au cours de la médiation, cause nécessairement un grief au défendeur ; qu'en retenant que la société Autoescape ne rapporte pas la preuve du grief qui lui serait causé par la référence explicite à l'avis du Médiateur Tourisme et Voyage qui reconnaît que les conditions générales du contrat litigieux portent à confusion, quand un tel grief résultait nécessairement de cette divulgation, le tribunal a violé les articles 114 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 612-3 du code de la consommation. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société Autoescape fait grief au jugement attaqué DE L'AVOIR condamnée à payer à M. [R] la somme de 664 € à titre principal et celle de 1 000 € à titre de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QUE « le caractère particulièrement exceptionnel de l'obligation, pour effectuer un paiement, de recourir à une carte bancaire CREDIT dont la différence avec une carte bancaire DEBIT est très généralement ignorée d'un public résidant en France, impose au professionnel qui, par hypothèse, doit savoir qu'un usager avec qui il a conclu un contrat peut, le plus souvent à l'étranger, se trouver confronté à une difficulté de paiement liée à cette différence de paiement liée à cette différence de prendre toutes les précautions pour qu'une information spécifique apparaisse clairement et lisiblement dans sa documentation contractuelle ; qu'il ressort des explications des parties, des éléments du dossier et des pièces versées aux débats visées dans leurs écritures que ce n'est à l'évidence pas le cas, ce qui constitue une faute de la part de la société Autoescape » ; 1°) ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusions de la société Autoescape faisant valoir que les pièces n° 1 à 6 devaient être écartées des débats en ce que leur production violait le principe de confidentialité de la médiation, le tribunal a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'après avoir énoncé qu'il incombe au professionnel qui impose l'usage d'une carte bancaire de type crédit de prendre toutes les précautions pour qu'une information spécifique apparaisse clairement et lisiblement dans sa documentation contractuelle, le tribunal ne pouvait, sauf à violer l'article 455 du code de procédure civile, se borner à affirmer qu'il ressort des explications des parties, des éléments du dossier et des pièces versées aux débats que ce n'est à l'évidence pas le cas, sans analyser, fut-ce sommairement, les éléments de preuve sur lesquels il s'est fondé ; 3°) ALORS, en toute hypothèse, QU'en s'abstenant de expliquer, comme il le lui incombait, en quoi les documents contractuels n'étaient pas de nature à éclairer un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé sur l'obligation de recourir à une carte bancaire de crédit, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 du code de la consommation et 1231-1 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société Autoescape fait grief au jugement attaqué DE L'AVOIR condamnée à payer à M. [R] la somme de 664 € à titre principal ; AUX MOTIFS QUE « la demande de M. [R] est justifiée ; qu'il y a lieu d'y faire droit et de condamner cette société à lui payer la somme de 664 € à titre principal et celle de 1 750 € de dommages et intérêts et frais irrépétibles » ; 1°) ALORS QU'en se bornant à affirmer que la demande de M. [R] est justifiée, le tribunal n'a pas donné à sa décision une réelle motivation, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; Et subsidiairement, 2°) ALORS QUE lorsqu'une prestation promise n'est pas exécutée et que le cocontractant est contraint de réserver une prestation de remplacement, il ne peut solliciter que le remboursement de la prestation initiale et l'indemnisation de la différence de prix, si la prestation de remplacement s'avère plus onéreuse ; qu'en condamnant la société Autoescape au paiement de la somme de 664 € à titre de dommages et intérêts à M. [R] en réparation de son préjudice financier, ce qui revient à le faire bénéficier d'une prestation totalement gratuite, le tribunal, qui a réparé plus que le préjudice subi, a violé le principe de la réparation intégrale ; 3°) ALORS QU'en faisant droit à l'intégralité de la demande de M. [R], sans rechercher, comme il y était invité, si le paiement de la somme de 318,15 € par M. [R], correspondant à une option qu'il n'avait pas souscrite dans sa réservation initiale, avait effectivement été causé par l'annulation de la réservation initiale, de sorte qu'à défaut il ne pouvait être indemnisé, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION La société Autoescape fait grief au jugement attaqué DE l'AVOIR condamnée au paiement de la somme de 1 000 € à M. [R] à titre de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QUE « la demande de M. [R] est justifiée ; qu'il y a lieu d'y faire droit et de condamner cette société à lui payer la somme de 664 € à titre principal et celle de 1 750 € de dommages et intérêts et frais irrépétibles » ; 1°) ALORS QU'en se bornant à affirmer que la demande de M. [R] est justifiée, le tribunal n'a pas donné à sa décision une réelle motivation, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; Et subsidiairement, 2°) ALORS QU'en condamnant la société Autoescape à verser à M. [R] la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts sans préciser la consistance et la nature du préjudice qu'il entendait ainsi indemniser, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil ; 3°) ALORS QUE pour être réparable, le dommage doit être certain ; qu'en ne vérifiant pas, malgré l'invitation qui lui était faite, si le préjudice moral allégué par M. [R] et résultant du seul retard de deux heures pour bénéficier d'une voiture de location présentait un caractère certain, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil.
Il résulte des articles 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, L. 612-3 du code de la consommation et 9 du code de procédure civile, qu'en dehors des cas dérogatoires prévus par la loi, l'atteinte à l'obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l'accord de la partie adverse soient, au besoin d'office, écartées des débats par le juge. Viole ces textes, le juge qui, dans un litige ayant été soumis à une procédure préalable de médiation, statue au vu des pièces versées aux débats sans écarter, au besoin d'office, celles couvertes par l'obligation de confidentialité qui étaient produites par le demandeur sans l'accord de l'adversaire
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 597 F-B Pourvoi n° P 20-12.190 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 Mme [N] [B], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-12.190 contre l'ordonnance rendue le 3 décembre 2019 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 6), dans le litige l'opposant à Mme [H] [I], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Talabardon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [B], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [I], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Talabardon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 3 décembre 2019), Mme [I] (l'avocat) a saisi le bâtonnier de son ordre à fin de fixation des frais et honoraires que restait lui devoir Mme [B], qu'elle avait assistée dans une procédure de divorce. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 2. Mme [B] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires de l'avocat à la somme de 5 580 euros HT, soit 6 696 euros TTC, dont à déduire la somme déjà versée de 3 000 euros, et de la condamner à payer à l'avocat la somme de 3 696 euros au titre du solde de ses honoraires, alors « que le juge doit inviter les parties à s'expliquer, le cas échéant, sur l'absence au dossier des pièces mentionnées dans les conclusions et figurant parmi les pièces annexées, et dont la communication n'est pas contestée ; qu'en relevant, d'office, l'absence de production de la copie du chèque de 4 701,28 euros tiré sur la BRED et du relevé bancaire justifiant du débit cependant que cette production n'avait donné lieu à aucune contestation de la part de Mme [I], le premier président de la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 3. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. 4. Après avoir fixé à 6 696 euros TTC le montant des honoraires dus à l'avocat, l'ordonnance retient que si, à titre d'acomptes, il est justifié du règlement par deux chèques d'une somme globale de 3 000 euros, le paiement allégué d'une somme supplémentaire de 4 701,28 euros n'est pas établi, dès lors que, contrairement aux affirmations de Mme [B] dans ses écritures, ni la copie du chèque évoqué de la Bred n° 9144076, ni le relevé bancaire justifiant du débit ne sont versés aux débats. 5. En statuant ainsi, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des pièces invoquées, dont la communication était mentionnée dans l'en-tête des observations écrites, soutenues oralement à l'audience par Mme [B], et n'était pas contestée par la partie adverse, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 6. Mme [B] formule le même grief, alors « que méconnaît les termes du litige la cour d'appel qui tient pour inexistante une pièce visée et annexée aux conclusions d'appel et dont la production n'est pas contestée par l'adversaire ; qu'en énonçant, pour fixer les honoraires restant dus par Mme [B], que contrairement à ses affirmations dans ses écritures, la copie du chèque et le relevé bancaire justifiant de son débit n'étaient pas versés aux débats, cependant qu'ils étaient annexés aux écritures de Mme [B] et que Mme [I] ne contestait pas, dans ses conclusions, l'existence de cette production, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 7. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 8. Pour écarter l'argumentation par laquelle Mme [B] soutenait avoir versé à l'avocat, outre la somme globale de 3 000 euros à titre d'acomptes, une somme supplémentaire de 4 701,28 euros, l'ordonnance retient que ni la copie du chèque évoqué à cet effet, ni le relevé bancaire justifiant du débit, n'ont été versés aux débats. 9. En statuant ainsi, alors que, dans ses observations écrites soutenues oralement à l'audience, Mme [B] invoquait le versement aux débats d'une copie du chèque et du relevé de compte en question et qu'il ressort du dossier de la procédure suivie devant lui que, d'une part, cette copie était annexée aux écritures produites par l'intéressée, d'autre part, selon le procès-verbal d'audience, le représentant de l'avocat indiquait ne pas contester l'encaissement, le 18 décembre 2013, du chèque litigieux de 4 701,28 euros, le premier président, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle fixe le solde des honoraires dus par Mme [B] à Mme [I], après déduction d'une somme de 3 000 euros déjà versée, à la somme de 3 696 euros TTC, condamne Mme [B] à payer cette somme à Mme [I] ainsi qu'aux dépens, et rejette la demande de Mme [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'ordonnance rendue le 3 décembre 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne Mme [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [I] et la condamne à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme [B] Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé les honoraires de Mme [I] à la somme de 5 580 euros HT, soit 6 696 euros TTC, dont à déduire la somme déjà versée par Mme [B], de 3 000 euros et d'avoir condamné Mme [B] à payer la somme de 3 696 euros au titre du solde de ses honoraires ; Aux motifs qu'aucune convention d'honoraires n'avait été signée entre les parties ; qu'il convenait de fixer l'honoraire dû en fonction des dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ; que Mme [I] sollicitait un solde d'honoraires de 5 262,48 euros HT, outre 1 046,80 euros de TVA, soit une somme de 6 309,28 euros TTC, ainsi que 100 euros de frais ; qu'à l'appui de sa demande, elle produisait des conclusions d'appelante n°2 établies pour l'audience du 9 janvier 2014 portant la mention « lu et approuvé » et le paraphe de Mme [B] sur chaque page, l'assignation portant les mêmes mentions manuscrites, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 16 juillet 2014 portant mention de conclusions datées du 5 juin 2014, la facture du 29 juillet 2013 portant sur un principal de 4 701,28 euros dont 3 680 euros HT d'honoraires et 300 euros de frais, la facture du 19 mai 2014 d'un montant de 1 950 euros dont 1 500 euros d'honoraires et 150 euros de frais, la facture du 19 mai 2014 portant sur un principal de 4 708 euros dont 3 840 euros HT d'honoraires et 100 euros de frais, le récapitulatif faisant état des deux seules factures n°13 047 et 14 601 et des deux règlements de 1 500 euros chacun effectués par Mme [B] ; qu'était donc réclamé le paiement des deux factures, soit un total de 7 520 euros HT d'honoraires outre 1 489,28 euros de TVA et 400 euros de frais, soit un total de 9 409,28 euros TTC ; que les frais facturés n'étaient justifiés par aucune pièce ; qu'il ne serait donc pas fait droit à une demande à ce titre ; que s'agissant des diligences, Me [I] justifiait de la rédaction d'au moins trois jeux de conclusions en appel, de 23 pages et d'une assignation en divorce de onze pages ; que la lecture des pièces démontrait que le divorce des époux était conflictuel, avec des enjeux financiers importants ; qu'outre l'audience de deux heures à la cour d'appel, seraient comptabilisées seize heures de travail pour l'ensemble des diligences accomplies, dont l'étude du dossier et des pièces adverses et la préparation du dossier de plaidoirie, soit un total de 18 heures ; que le taux horaire pratiqué était de 300 à 320 euros, ainsi qu'il ressortait des factures ; qu'il serait donc retenu un taux horaire de 310 euros ; que compte tenu de l'ancienneté de l'avocat, de la complexité du dossier et des pratiques du barreau de Paris, ce taux horaire était justifié ; que la somme due était donc de 5 580 euros HT, soit 6 696 euros TTC ; qu'il était justifié du versement par Mme [B] d'une somme de 3 000 euros ; que le paiement par la cliente d'une somme supplémentaire de 4 701,28 euros n'était pas justifié ; qu'en effet, contrairement aux affirmations de Mme [B] dans ses écritures, la copie du chèque évoqué de la BRED n°9144076 ainsi que le relevé bancaire justifiant du débit n'étaient pas versés aux débats ; qu'en conséquence, la somme restant due au titre des honoraires était de 3 696 euros TTC ; que la décision serait donc infirmée en ce qu'elle avait débouté Mme [I] de sa demande en paiement du solde de ses honoraires et ces honoraires seraient fixés à 5 580 euros HT, soit 6 696 euros TTC, dont à déduire la somme de 3 000 euros, soit un solde restant dû de 3 696 euros TTC ; Alors 1°) que dénature les conclusions d'une partie la cour d'appel qui tient pour inexistante une pièce visée par ces écritures et qui y est annexée ; qu'en énonçant, pour fixer les honoraires restant dus par Mme [B], que la copie du chèque évoqué de la BRED de 4 701,28 euros et le relevé bancaire justifiant du débit n'étaient pas versés aux débats cependant qu'ils étaient visés dans les écritures de Mme [B] et annexés à ces écritures, le premier président a méconnu son obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; Alors 2°) que méconnaît les termes du litige la cour d'appel qui tient pour inexistante une pièce visée et annexée aux conclusions d'appel et dont la production n'est pas contestée par l'adversaire ; qu'en énonçant, pour fixer les honoraires restant dus par Mme [B], que contrairement à ses affirmations dans ses écritures, la copie du chèque et le relevé bancaire justifiant de son débit n'étaient pas versés aux débats, cependant qu'ils étaient annexés aux écritures de Mme [B] et que Mme [I] ne contestait pas, dans ses conclusions, l'existence de cette production, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; Alors 3°) que le juge doit inviter les parties à s'expliquer, le cas échéant, sur l'absence au dossier des pièces mentionnées dans les conclusions et figurant parmi les pièces annexées, et dont la communication n'est pas contestée ; qu'en relevant, d'office, l'absence de production de la copie du chèque de 4 701,28 euros tiré sur la BRED et du relevé bancaire justifiant du débit cependant que cette production n'avait donné lieu à aucune contestation de la part de Mme [I], le premier président de la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
En procédure orale sans représentation obligatoire, le juge, qui est garant du respect du principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur l'absence au dossier d'une pièce invoquée par une partie, dont le versement aux débats était mentionné dans des conclusions écrites soutenues oralement à l'audience et dont la communication n'avait pas été contestée, sans inviter les parties à s'en expliquer
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 600 F-B Pourvoi n° A 19-20.592 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 Mme [B] [X], épouse [V], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 19-20.592 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant à la société Grandes Études européennes de santé (GEDS), société de droit portugais, dont le siège est [Adresse 2]), défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [X] épouse [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Grandes Études européennes de santé (GEDS), et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 juillet 2019), Mme [X] est titulaire des marques françaises « GEDS » n° 4 422 912, « Grandes Études européennes de santé » n° 4 422 914, « Grandes Études européennes de santé », n° 4 422 915, « Grands Établissements européens de santé » n° 4 422 917, « Grandes Écoles portugaises de santé GEPS » n° 4 422 934 et « Grandes Écoles portugaises de santé GEPS » n° 4 422 955. 2. La société de droit portugais Grandes Études européennes de santé (GEDS) (la société GEDS) a assigné Mme [X] devant le tribunal de grande instance de Marseille en revendication ou annulation de ces marques. Examen des moyens Sur le premier moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 4. Mme [X] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'exception de nullité de l'assignation, alors « que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure, tel le défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale, peuvent être proposées en tout état de cause ; que dès lors, en déclarant irrecevable comme soulevée tardivement, l'exception de nullité opposée par Mme [V] fondée sur le défaut de pouvoir de M. [H] pour représenter la prétendue société de droit portugais GEDS, la Cour d'appel a méconnu son office en refusant de trancher le litige par une fausse application des dispositions des articles 117 et suivants du Code de procédure civile, excédant ainsi ses pouvoirs. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. La société GEDS conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que les articles 607-1 et 608 du code de procédure civile doivent conduire à distinguer entre les chefs de dispositif, en cas de décision mixte, et que, dès lors, en application du dernier de ces textes, le second moyen est irrecevable en l'absence d'excès de pouvoir. 6. Cependant, le pourvoi qui attaque une décision ayant notamment prononcé sur la compétence, sans statuer sur le fond du litige, et critique le chef de dispositif ayant prononcé sur la compétence ainsi que d'autres chefs de l'arrêt, entre dans les prévisions de l'article 607-1 du code de procédure civile. 7. Il en résulte que, comme le moyen qui critique le chef de dispositif relatif à la compétence de la juridiction, le moyen relatif au chef de dispositif de l'arrêt statuant sur une exception de nullité est recevable quand bien même aucun excès de pouvoir ne serait caractérisé. 8. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien fondé du moyen Vu les articles 117 et 118 du code de procédure civile : 9. Les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause. 10. Pour déclarer irrecevable cette exception, l'arrêt retient qu'il résulte de l'articulation des articles 118 et 74 du code de procédure civile que toutes les exceptions de nullité de fond, fussent-elles d'ordre public, doivent être présentées simultanément, c'est à dire dans les mêmes conclusions dès lors que la procédure est écrite. 11. Il relève que Mme [X] a déposé le 7 septembre 2018 devant le juge de la mise en état des conclusions soulevant une exception d'incompétence territoriale et que ce n'est que par conclusions déposées le 26 septembre 2018 qu'elle a soulevé une exception tendant à faire déclarer nul l'acte introductif d'instance. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception de nullité, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne la société Grandes Études européennes de santé (GEDS) aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Grandes Études européennes de santé (GEDS) et la condamne à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [X] épouse [V] PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Mme [X] épouse [V] ; AUX MOTIFS QUE « Les dispositions combinées de l'article L716-3 du Code de la propriété intellectuelle et D 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire donne compétence exclusive au tribunal de grande instance de MARSEILLE pour connaître des actions civiles et des demandes relatives aux marques dans le ressort des cours d'appel d'AIX EN PROVENCE, BASTIA, MONTPELLIER et NIMES. La lecture de l'assignation délivrée par la société GEDS le 25 mai 2018 permet de constater que son action s'analyse en une demande en annulation de l'enregistrement de marques françaises et en revendication de celles-ci sur le fondement de l'article L 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ; cette action a donc pour objet manifeste une demande relative à des marques, et la défenderesse habitant [Localité 3], elle dépend de la compétence exclusive du tribunal de grande instance de MARSEILLE ; à bon droit, le juge de la mise en état a rejeté en conséquence l'exception d'incompétence territoriale. » ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « En application de l'article L 716-3 du code de la propriété intellectuelle, les actions civiles et les demandes relatives aux marques, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire. L'article D. 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire désigne le tribunal de grande instance de Marseille pour connaître des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d'indications géographiques des ressorts des cours d'appel d'Aix en Provence, Bastia, Montpellier et Nîmes. En l'espèce, l'action tend, d'une part au transfert de la propriété de marques françaises, d'autre part à l'annulation de marques françaises. Il importe peu que la société demanderesse soit une société de droit portugais et qu'elle ne soit titulaire d'aucune marque GRANDES ECOLES EUROPÉENNE DE SANTE, si on considère que les demandes sont sous tendues par une allégation de fraude en regard de l'existence de droits antérieurs. Il appartiendra au tribunal d'apprécier la pertinence des demandes, notamment si la société demanderesse est fondée à se prévaloir, sur le territoire français, de droits antérieurs, mais ces moyens affectant le fond du droit, il ne peut être utilement soutenu que, dès lors que la société demanderesse n'est pas elle-même titulaire d'une marque, sa demande ne relève pas des juridictions françaises. » ALORS QUE seule l'existence d'une marque, soit d'un signe distinctif et original, justifie de la compétence des juridictions spécialisées désignées par les articles L.711-3 du Code de la propriété intellectuelle et D. 211-6-1 du Code de l'organisation judiciaire ; que dès lors, l'arrêt attaqué ne pouvait retenir la compétence de la juridiction spécialisée, soit du Tribunal de grande instance de Marseille, sans avoir préalablement tranché la question de savoir si le sigle litigieux pouvait avoir le caractère d'une marque ; qu'elle a ainsi violé les dispositions des articles L.711-1, L.716-3 du Code de la propriété intellectuelle et D. 211-6-1 du Code de l'organisation judiciaire. SECOND MOYEN DE CASSATION Observations préalables sur la recevabilité immédiate du second moyen : 1. Depuis le décret n° 2014-1338 du 6 novembre 2014 relatif à la procédure civile de la Cour de cassation, l'article 607-1 du Code de procédure civile précise que « peut également être frappé de pourvoi en cassation l'arrêt par lequel la cour d'appel se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond du litige ». Le texte ne faisant aucune restriction, il faut en déduire que lorsque la Cour d'appel se prononce par un même arrêt, distinct de celui se prononçant au fond, sur la compétence et sur l'exception de procédure, le pourvoi formé contre cet arrêt est recevable pour le tout. Ainsi la Cour de cassation a récemment déduit de ce texte qu'est immédiatement recevable le pourvoi contre un arrêt par lequel une cour d'appel se borne à statuer sur une exception de connexité (Civ. 2e., 1er mars 2018, N°16-22.987, Bull. n°39). En conséquence, l'exposante est recevable à formuler un moyen contre le chef de l'arrêt qui a rejeté l'exception de nullité. Et à supposer que l'on puisse considérer que ce chef de l'arrêt ne pourrait être critiqué qu'en même temps qu'un éventuel pourvoi formé contre l'arrêt au fond, l'exposante se réserve de refaire avec un éventuel pourvoi contre l'arrêt au fond, un pourvoi contre l'arrêt attaqué, qui sera alors limité au chef qui a statué sur l'exception de procédure. 2. En tout état de cause, la demanderesse au pourvoi invoque à l'appui de sa demande de cassation un moyen d'excès de pouvoir, lequel est immédiatement recevable en vertu des dispositions des articles 607 et 608 du Code de procédure civile, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir (Soc., 4 février 2014, N°12-27.113, Bull. n°43 ; Com., 3 février 2015, N°13-26.277). En l'espèce, en refusant de trancher une partie du litige, à savoir l'exception de nullité soulevée par l'exposante, pour des motifs totalement erronés, la Cour a méconnu son office et commis un excès de pouvoir. IL EST FAIT GRIEF l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation ; AUX MOTIFS QUE « Si l'article 118 du Code de procédure civile dispose que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond peuvent être proposées en tout état de cause, il ajoute cependant qu'il n'en est ainsi qu'à moins qu'il en soit disposé autrement ; l'article 74 du même code impose que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond, et ce alors même qu'elles seraient régies par des règles d'ordre public ; il résulte de l'articulation de ces deux textes que toutes les exceptions de nullité de fond, fussent-elles d'ordre public, doivent être présentées simultanément, c'est à dire dans les mêmes conclusions dès lors que la procédure est écrite. En l'espèce, madame [V] a déposé le 7 septembre 2018 devant le juge de la mise en état des conclusions soulevant une exception d'incompétence territoriale au profit du tribunal de grande instance de TOULON ; ce n'est que dans un second temps, par conclusions déposées le 26 septembre 2018 qu'elle a soulevé une exception tendant à faire déclarer nul l'acte introductif d'instance ; c'est dès lors en faisant une exacte application de l'article 74 du code de procédure civile que le juge de la mise en état, après avoir constaté que l'exception de nullité n'avait pas été soulevée simultanément avec l'exception d'incompétence, l'a déclarée irrecevable, sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir soulevé d'office l'éventuelle irrégularité de l'acte. » ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur l'exception de nullité En application de l'article 74 du Code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public. Il résulte de ce texte que l'exception de nullité d'une assignation qui n'a pas été soulevée, conformément à l'art. 74, simultanément avec l'exception d'incompétence, est irrecevable. En l'espèce, par conclusions en date du 7 septembre 2018, [B] [X] épouse [V] a soulevé une exception d'incompétence du tribunal et ce n'est que le 26 septembre 2018, par des conclusions d'incident en réponse, qu'elle a excipé de la nullité de l'assignation. Conformément à la règle posée par l'article 74 du code de procédure civile, cette exception de nullité aurait dû être soulevée simultanément avec l'exception d'incompétence. A défaut, elle est irrecevable et il n'y a pas lieu de l'examiner. » ALORS QUE les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure, tel le défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale, peuvent être proposées en tout état de cause ; que dès lors, en déclarant irrecevable comme soulevée tardivement, l'exception de nullité opposée par Mme [V] fondée sur le défaut de pouvoir de M. [H] pour représenter la prétendue société de droit portugais GEDS, la Cour d'appel a méconnu son office en refusant de trancher le litige par une fausse application des dispositions des articles 117 et suivants du Code de procédure civile, excédant ainsi ses pouvoirs.
Le pourvoi qui attaque une décision ayant notamment prononcé sur la compétence, sans statuer sur le fond du litige, et critique le chef de dispositif ayant prononcé sur la compétence ainsi que d'autres chefs de l'arrêt, entre dans les prévisions de l'article 607-1 du code de procédure civile. Il en résulte que, comme le moyen qui critique le chef de dispositif relatif à la compétence de la juridiction, le moyen relatif au chef de dispositif de l'arrêt statuant sur une exception de nullité est recevable
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 605 F-B Pourvoi n° E 21-12.738 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 La société Heinrich éclairage, dont le siège est [Adresse 8], a formé le pourvoi n° E 21-12.738 contre l'arrêt rendu le 30 décembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Axa France Iard, dont le siège est [Adresse 6], 2°/ à la société Bertrandt, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], 3°/ à la société Allianz Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 4°/ à la société SP Trading, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], représentée par la société Koch et associés, domiciliée [Adresse 4], prise en qualité de mandataire liquidateur, venant aux droits de la société Sarplast, 5°/ à la société Groupama Centre Manche, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée société Groupama assurances, 6°/ à la société MJ Synergie, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orphel, représentée par MM. [X] [G] et [C] [U], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Heinrich éclairage, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz Iard, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Axa France Iard, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Bertrandt, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Groupama Centre Manche, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 décembre 2020) et les productions, la société Victor Heinrich a commandé à la société Dam, assurée auprès de la société Groupama assurances (la société Groupama), l'étude et la réalisation d'un moule permettant la fabrication en série de lampadaires avec réflecteurs aluminisés. 2. La société Bertrandt, assurée auprès de la société Axa France Iard (la société Axa), a été désignée comme sous-traitant concepteur du produit, tandis que l'aluminisation des réflecteurs a été réalisée par la société Orphel, postérieurement en liquidation judiciaire et représentée par la société MJ Synergie en qualité de mandataire liquidateur. La fabrication des réflecteurs de pré-série a été confiée à la société Sarplast, aux droits de laquelle est venue la société SP Trading, assurée auprès de la société Allianz Iard (la société Allianz). 3. La production de pièces conformes à la commande n'a pas été possible et la société Victor Heinrich n'a pas été en mesure d'honorer ses commandes. 4. Des expertises judiciaires ont été ordonnées, la société Heinrich éclairage étant intervenue volontairement à l'instance. 5. Par assignations des 1er, 2, 5 décembre 2016, 4 et 11 janvier 2017, la société Victor Heinrich éclairage a recherché la responsabilité des sociétés Dam, Bertrandt, Sarplast et de leurs assureurs respectifs, ainsi que celle de la société MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orphel, devant un tribunal de grande instance. 6. Le juge de la mise en état de ce tribunal a, par ordonnance du 6 août 2019, notamment rejeté les exceptions de nullité de l'assignation du 11 janvier 2017 et déclaré valable cette assignation délivrée par la société Heinrich éclairage dénommée à tort Victor Heinrich éclairage. 7. La société Axa a interjeté appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable. Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 9. La société Heinrich éclairage fait grief à l'arrêt de déclarer nulles les assignations délivrées les 1er, 2 et 5 décembre 2016, 4 et 11 janvier 2017 par la société Victor Heinrich éclairage, alors : « 1°/ que les conditions de validité de fond d'une assignation non susceptibles de régularisation, telles que l'existence légale de son auteur et partant, sa capacité d'ester en justice, doivent être appréciées au jour de sa délivrance, et non au vu des écritures ultérieures des parties ; qu'en se fondant, pour juger que les assignations délivrées au nom d'une société dénommée « Victor Heinrich Eclairage » n'étaient pas affectées d'un vice de forme mais d'un vice de fond, insusceptible de régularisation, à raison de l'inexistence légale de la société Victor Heinrich Eclairage, et de son incapacité d'ester en justice, sur les conclusions des sociétés Victor Heinrich et Victor Heinrich Eclairage en date du 19 décembre 2017, la cour d'appel a violé les articles 117 et 121 du code de procédure civile ; 2°/ que la cour d'appel statue exclusivement au vu des prétentions et des moyens, fussent-ils nouveaux, énoncés dans les dernières conclusions d'appel des parties, de sorte qu'elle ne peut se fonder sur les moyens soulevés par celles-ci dans leurs conclusions de première instance ; qu'en retenant, pour juger que les assignations délivrées au nom d'une société dénommée « Victor Heinrich Eclairage » n'étaient pas affectées d'un vice de forme mais d'un vice de fond, que les conclusions de première instance des sociétés Victor Heinrich et Victor Heinrich Eclairage en date du 19 décembre 2017 ne faisaient aucune mention de l'erreur matérielle invoquée à hauteur de cour selon laquelle la société Heinrich Eclairage aurait été à l'origine de l'assignation, de sorte que seul l'ajout du terme « Victor » à sa raison sociale aurait constitué une irrégularité, la cour d'appel qui s'est fondée sur les conclusions de première instance de l'intimée pour statuer sur l'exception de nullité qui lui était soumise a violé les articles 563 et 954 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 10. Si la nullité d'un acte de procédure doit être appréciée à la date de ce dernier, cette appréciation peut se fonder sur des éléments de preuve extérieurs à cet acte. 11. L'arrêt retient que l'assignation initiale, délivrée au nom de la société Victor Heinrich éclairage, l'a été au nom d'une société n'existant pas sous cette raison sociale précise. Il ajoute que, comme le soutiennent les défenderesses, les conclusions de première instance remises par la demanderesse le 19 décembre 2017 établissent que cette assignation n'est pas seulement affectée d'un seul vice de forme, le fait que la société Victor Heinrich y soit présentée comme demanderesse principale, comme si elle était venue aux droits de la société Victor Heinrich éclairage, au nom de laquelle l'assignation a été prise, et que la société Heinrich éclairage soit intervenue volontairement, alléguant explicitement agir distinctement de la société Victor Heinrich éclairage, établissant que l'assignation, selon la propre présentation des intéressées, a été délivrée au nom d'une société distincte. 12. La cour d'appel, qui s'est déterminée au vu des dernières conclusions remises par la société Heinrich éclairage, lesquelles reprenaient en partie le contenu et les arguments développés devant le premier juge, a exactement déduit que les assignations étaient nulles. 13. Le moyen, qui pour partie manque en fait et n'est pas fondé pour le surplus, ne peut, dès lors, pas être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Groupama Centre Manche et la société Heinrich éclairage aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Groupama Centre Manche et la société Heinrich éclairage et condamne la société Heinrich éclairage à payer à la société Axa France Iard la somme de 3 000 euros, à la société Bertrandt la somme de 3 000 euros et à la société Allianz Iard la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Heinrich éclairage La société Heinrich Eclairage fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nulles les assignations délivrées les 1er, 2 et 5 décembre 2016, 4 et 11 janvier 2017 par la société Victor Heinrich Eclairage ; 1°) ALORS QUE les conditions de validité de fond d'une assignation non susceptibles de régularisation, telles que l'existence légale de son auteur et partant, sa capacité d'ester en justice, doivent être appréciées au jour de sa délivrance, et non au vu des écritures ultérieures des parties ; qu'en se fondant, pour juger que les assignations délivrées au nom d'une société dénommée « Victor Heinrich Eclairage » n'étaient pas affectées d'un vice de forme mais d'un vice de fond, insusceptible de régularisation, à raison de l'inexistence légale de la société Victor Heinrich Eclairage, et de son incapacité d'ester en justice, sur les conclusions des sociétés Victor Heinrich et Victor Heinrich Eclairage en date du 19 décembre 2017, la cour d'appel a violé les articles 117 et 121 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE la cour d'appel statue exclusivement au vu des prétentions et des moyens, fussent-ils nouveaux, énoncés dans les dernières conclusions d'appel des parties, de sorte qu'elle ne peut se fonder sur les moyens soulevés par celles-ci dans leurs conclusions de première instance ; qu'en retenant, pour juger que les assignations délivrées au nom d'une société dénommée « Victor Heinrich Eclairage » n'étaient pas affectées d'un vice de forme mais d'un vice de fond, que les conclusions de première instance des sociétés Victor Heinrich et Victor Heinrich Eclairage en date du 19 décembre 2017 ne faisaient aucune mention de l'erreur matérielle invoquée à hauteur de cour selon laquelle la société Heinrich Eclairage aurait été à l'origine de l'assignation, de sorte que seul l'ajout du terme « Victor » à sa raison sociale aurait constitué une irrégularité, la cour d'appel qui s'est fondée sur les conclusions de première instance de l'intimée pour statuer sur l'exception de nullité qui lui était soumise a violé les articles 563 et 954 du code de procédure civile ; 3°) ALORS subsidiairement QUE dans un acte de procédure, l'erreur relative à la dénomination d'une partie n'affecte pas la capacité à ester en justice qui est attachée à la personne, quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu'un vice de forme, lequel ne peut entraîner la nullité de l'acte que sur justification d'un grief ; qu'en retenant, pour juger que les assignations délivrées au nom d'une société dénommée « Victor Heinrich Eclairage » n'étaient pas affectées d'un vice de forme mais d'un vice de fond, après avoir pourtant relevé que dans les conclusions en date du 19 décembre 2017, la société Victor Heinrich était présentée comme demanderesse principale, comme si elle était venue aux droits de la société Victor Heinrich Eclairage, au nom de laquelle l'assignation avait été prise et que l'assignation litigieuse sollicitait, dans son dispositif, l'attribution d'une somme de 3 406 972,57 euros à la société « VHM », qui était, comme l'indiquait la société Heinrich Eclairage, le nom commercial de la société Victor Heinrich, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que l'assignation avait été délivrée au nom la société Victor Heinrich, désignée à tort, Victor Heinrich Eclairage, et a ainsi violé, par refus d'application, l'article 114 du code de procédure civile, et par fausse application, l'article 117 du même code.
Si la nullité d'un acte de procédure doit être appréciée à la date de ce dernier, cette appréciation peut se fonder sur des éléments de preuve extérieurs à cet acte
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 608 F-B Pourvoi n° A 21-12.941 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 La société Chai 34, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 21-12.941 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société La Grande Brasserie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Chai 34, de la SCP Richard, avocat de la société La Grande Brasserie, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 7 janvier 2021), par arrêt du 28 juin 2016, devenu irrévocable, la société La Grande Brasserie a été condamnée à payer une certaine somme à la société Chai 34, à laquelle une société Agence CB, cessionnaire de la créance, avait rétrocédé cette créance. 2. Le 20 décembre 2016, la société La Grande Brasserie a initié une procédure de retrait litigieux, laquelle a été refusée par la société Chai 34. 3. En exécution de l'arrêt du 28 juin 2016, la société Chai 34 a fait procéder, le 22 février 2018, à une saisie-attribution sur les comptes bancaires de la société La Grande Brasserie. 4. Cette dernière a contesté la créance et saisi un juge de l'exécution en mainlevée de la mesure. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 6. La société Chai 34 fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 22 février 2018 initiée à l'encontre de la société La Grande Brasserie, alors « que le juge de l'exécution ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution ; que le juge de l'exécution n'a donc pas compétence pour connaître des demandes tendant à remettre en cause le titre dans son principe ou la validité des droits et obligations qu'il constate ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Montpellier, dans son arrêt irrévocable du 28 juin 2016, a condamné la société La Grande Brasserie à payer à la société Chai 34 la somme principale de 170 000 euros, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 5 octobre 2012, après avoir relevé, concernant les cessions de créances des 15 février 2013 et 5 novembre 2015, signifiées à la société La Grande Brasserie les 21 mars 2013 et 2 décembre 2015, d'une part que « l'efficacité et l'opposabilité de ces actes de cession signifiés au débiteur ne peut être contestée par la société La Grande Brasserie, qui a encaissé le chèque de 170 000 euros le 15 juin 2011 et ne justifie pas, par les pièces versées aux débats, avoir remboursé cette somme à qui que ce soit, avant le 2 décembre 2015 », d'autre part que « la Sarl La Grande Brasserie, qui ne détenait aucune créance sur les diverses parties à la promesse de cession des parts sociales (…) n'a donc reçu la somme de 170 000 euros de la part de la Sarl Chai 34 que par erreur et sans dette », de sorte qu'« en application des dispositions de l'article 1235 du code civil, invoquées à titre subsidiaire par la Sarl La Grande Brasserie doit restituer ce paiement indu » ; qu'en retenant, pour décider que le retrait opéré par la société La Grande Brasserie était parfaitement régulier, et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 22 février 2018, que « l'objet de la présente instance n'est pas de rejuger ce qui l'a été dans le cadre de la procédure au fond, mais exclusivement de constater que la créance reconnue par l'arrêt du 28 juin 2016 était désormais éteinte par l'effet du retrait litigieux, privant ainsi la décision de condamnation à paiement de toute force exécutoire, procédé qui relève incontestablement des pouvoirs dévolus à cette juridiction », la cour d'appel a violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, et R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour 7. Selon l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée. 8. L'article R. 121-1, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution dispose que le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. 9. Aux termes de l'article 1699 du code civil, celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite. 10. L'arrêt relève que l'objet de l'instance relatif à la contestation d'une saisie-attribution n'était pas de juger à nouveau ce qui l'avait été dans le cadre de la procédure au fond, mais exclusivement de constater que la créance, reconnue par l'arrêt irrévocable du 28 juin 2016, était désormais éteinte par l'effet du retrait litigieux. 11. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit qu'il entrait dans les pouvoirs du juge de l'exécution de statuer sur le retrait litigieux et son incidence sur la créance. 12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Chai 34 aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Chai 34 et la condamne à payer à la société La Grande Brasserie la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Chai 34 PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 22 février 2018 initiée par la Sarl Chai 34 à l'encontre de la Sarl La Grande Brasserie ; AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de la contestation de la saisie-attribution : L'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à une saisie-attribution doivent être dénoncées le jour même (ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant), où elles sont formées, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à l'huissier de justice instrumentaire ; que le constat ayant été fait qu'aucune trace du respect de cette formalité ne figurait au dossier, le conseil de la Sarl La Grande Brasserie a été invité, lors de l'audience de plaidoirie où l'affaire avait tout de même été tenue, à simplement en justifier dans le cadre d'une note en délibéré communiquée contradictoirement ; qu'il n'y a pas été donné suite et une réouverture des débats a été ordonnée ; qu'en réponse à la sollicitation de la cour avant dire droit, le conseil de la Sarl La Grande Brasserie a produit le justificatif de l'envoi à l'huissier instrumentaire de la dénonce le 12 mars 2018 d'une seconde assignation devant le juge de l'exécution signifiée suivant procès-verbal de recherches infructueuses daté du même jour, justifiant ainsi du respect des prescriptions de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles et, partant, de la régularité de son recours ; 1) ALORS QUE le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées ; que dans le dispositif de ses dernières conclusions notifiées le 18 mars 2020, la société Chai 34 demandait de voir : « Sur la réouverture des débats (…) : En premier lieu : - juger que la dénonce de la contestation faite à l'huissier instrumentaire ainsi que l'information faite au tiers sont tardives, que dès lors la contestation de la saisie-attribution en date du 27 février 2018 est irrecevable ; En second lieu : - juger que la Sarl La Grande Brasserie ne rapporte pas la preuve d'avoir communiqué au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience les pièces justificatives répondant aux exigences fixées par l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, que dès lors la contestation formée contre la saisie-attribution en date du 27 février 2018 est irrecevable ; Sur le fond : - réformer le jugement en date du 3 décembre 2018 rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Montpellier dans son intégralité ; En tout état de cause : Condamner la Sarl La Grande Brasserie à verser à la Sarl Chai 34 la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens » (cf. p. 11) ; Qu'à l'appui de ces écritures, elle produisait de nouvelles pièces n° 18 à 21 ; que dans le rappel des prétentions des parties (arrêt, p. 4), la cour d'appel a indiqué : « La Sarl Chai 34, qui conclut à l'infirmation du jugement déféré, sollicite : - le rejet de la demande de mainlevée de la saisie-attribution, - la condamnation de la société intimée à lui verser une somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - la condamnation de la société intimée aux entiers dépens » (cf. arrêt, p. 4) ; qu'en omettant de prendre en considération les dernières conclusions de la société Chai 34, en date du 18 mars 2020, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel notifiées le 18 mars 2020, la société Chai 34 faisait valoir que « la Sarl La Grande Brasserie n'a pas apporté la preuve de l'accomplissement des formalités requises par l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, à savoir : la preuve de l'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception qu'elle a pu adresser à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie-attribution, ainsi que la preuve de la copie de la lettre d'information qu'elle a pu adresser au tiers saisi, la Banque Cic Ouest, par lettre simple et dont elle aurait remis copie au greffe du juge de l'exécution. La Sarl La Grande Brasserie a exclusivement fondé son assignation en date du 9 mars 2018 sur le procès-verbal de saisie attribution pratiquée par la Sarl Chai 34 le 22 février 2018, et la dénonce de saisie-attribution en date du 27 février 2018. Le bordereau de pièces annexées démontre l'absence de production des preuves de l'accomplissement des formalités requises par l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution » (cf. p. 7-8) ; qu'elle ajoutait qu' « enfin, de manière parfaitement confuse, aux termes de ses écritures ensuite de la demande faite par la cour de céans, la Sarl La Grande Brasserie produit 3 pièces non numérotées, qu'elle prétend avoir remis au juge de l'exécution (…). La signification a été délivrée le vendredi 9 mars 2018. La dénonce a été adressée le lundi 12 mars notifiée le 13, alors que le premier jour ouvrable après le vendredi 9 mars était le samedi 10 mars 2018. Il en va de même pour la lettre d'information en date du lundi 12 mars », et demandait par conséquent à la cour d'appel « de juger que la dénonce de la contestation faite à l'huissier instrumentaire ainsi que l'information faite au tiers sont tardives, que dès lors la contestation de la saisie-attribution en date du 27 février 2018 est irrecevable » ; qu'en ordonnant la mainlevée de la saisie-attribution du 22 février 2018, sans répondre à ce moyen pourtant péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 22 février 2018 initiée par la Sarl Chai 34 à l'encontre de la Sarl La Grande Brasserie ; AUX MOTIFS QUE sur la contestation du jugement déféré : L'article 1699 du code civil dispose que « celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire en lui remboursant le prix réel de cession avec les frais et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite » ; qu'en considération de ce texte et des éléments factuels du dossier, le premier juge a estimé que le retrait litigieux opéré par la Sarl La Grande Brasserie s'avérait parfaitement régulier et avait eu pour effet d'éteindre la créance fondant la poursuite litigieuse ; qu'en cause d'appel, la Sarl Chai 34 sollicite l'infirmation du jugement déféré au motif, tout d'abord, que le juge de l'exécution a excédé sa « compétence » en statuant à nouveau sur le fond en totale contradiction avec la décision de condamnation contenue dans l'arrêt rendu le 28 juin 2016, par la cour d'appel de Montpellier, et devenu définitif ; qu'à quoi, la Sarl La Grande Brasserie répond avec pertinence que l'objet de la présente instance n'est pas de rejuger ce qui l'a été dans le cadre de la procédure au fond, mais exclusivement de constater que la créance reconnue par l'arrêt du 28 juin 2016 était désormais éteinte par l'effet du retrait litigieux, privant ainsi la décision de condamnation à paiement de toute force exécutoire, procédé qui relève incontestablement des pouvoirs dévolus à cette juridiction (…) ; ALORS QUE le juge de l'exécution ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution ; que le juge de l'exécution n'a donc pas compétence pour connaître des demandes tendant à remettre en cause le titre dans son principe ou la validité des droits et obligations qu'il constate ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Montpellier, dans son arrêt irrévocable du 28 juin 2016, a condamné la Sarl La Grande Brasserie à payer à la Sarl Chai 34 la somme principale de 170.000 euros, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 5 octobre 2012, après avoir relevé, concernant les cessions de créances des 15 février 2013 et 5 novembre 2015, signifiées à la société La Grande Brasserie les 21 mars 2013 et 2 décembre 2015, d'une part que « l'efficacité et l'opposabilité de ces actes de cession signifiés au débiteur ne peut être contestée par la Sarl La Grande Brasserie, qui a encaissé le chèque de 170 000 € le 15 juin 2011 et ne justifie pas, par les pièces versées aux débats, avoir remboursé cette somme à qui que ce soit, avant le 2 décembre 2015 » (cf. arrêt du 28 juin 2016, p. 6), d'autre part que « la Sarl La Grande Brasserie, qui ne détenait aucune créance sur les diverses parties à la promesse de cession des parts sociales (…) n'a donc reçu la somme de 170 000 € de la part de la Sarl Chai 34 que par erreur et sans dette », de sorte qu' « en application des dispositions de l'article 1235 du code civil, invoquées à titre subsidiaire par la Sarl La Grande Brasserie doit restituer ce paiement indu » (cf. arrêt du 28 juin 2016, p. 10-11) ; qu'en retenant, pour décider que le retrait opéré par la société La Grande Brasserie était parfaitement régulier, et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 22 février 2018, que « l'objet de la présente instance n'est pas de rejuger ce qui l'a été dans le cadre de la procédure au fond, mais exclusivement de constater que la créance reconnue par l'arrêt du 28 juin 2016 était désormais éteinte par l'effet du retrait litigieux, privant ainsi la décision de condamnation à paiement de toute force exécutoire, procédé qui relève incontestablement des pouvoirs dévolus à cette juridiction » (cf. arrêt, p. 6), la cour d'appel a violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, et R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Il résulte de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire qu'il entre dans les pouvoirs du juge de l'exécution, saisi à l'occasion d'une demande en mainlevée d'une saisie-attribution, de statuer sur un retrait litigieux et son incidence sur la créance
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 611 F-B Pourvoi n° M 21-12.974 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 M. [I] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 21-12.974 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2020 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Caisse nationale des barreaux français, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société SCP [Z] [L] - [U] [V], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [R], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. [R] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Caisse nationale des barreaux français. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 avril 2020) et les productions, la Caisse nationale des barreaux français a interjeté appel, le 22 août 2019, des chefs du jugement ayant ordonné la mainlevée de la saisie attribution effectuée le 5 décembre 2018, par la société d'huissiers de justice [L]-[V]-Bedes (la société [H]) devenue la SCP [Z] [L] - [U] [V], sur les comptes ouverts au nom de M. [R] et l'ayant condamnée à payer à ce dernier diverses sommes. 3. La Caisse nationale des barreaux français a signifié ses conclusions aux intimés le 15 octobre 2019. M. [R], constitué le 17 octobre 2019, a formé appel incident par conclusions remises au greffe le 14 novembre 2019 et signifiées à la société [H] le 18 novembre 2019. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. [R] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel incident formé contre le chef du jugement qui l'avait débouté de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la société [H], alors « que les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; qu'il résulte des productions et des constatations de l'arrêt qu'après avoir remis au greffe ses conclusions comportant appel incident, M. [R], intimé, les a signifiées à la société [H] qui, régulièrement intimée par la Caisse nationale des barreaux français, appelante principale, n'avait pas constitué avocat ; qu'en retenant que l'appel incident formé par M. [R], dirigé contre la société [H], devait être déclaré irrecevable dès lors que les articles 68 et 551 du code de procédure civile prévoient que l'appel incident ou provoqué doit être formé par voie d'assignation lorsqu'il est dirigé contre une partie défaillante, la cour d'appel a violé ces textes, par fausse application, et l'article 911, alinéa 1er, du code de procédure civile, par refus d'application. » Réponse de la Cour Vu les articles 909 et 911 du code de procédure civile : 5. Selon le premier de ces textes, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour former le cas échéant appel incident. Aux termes du second, les conclusions sont signifiées, au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus aux articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, aux parties qui n'ont pas constitué avocat. Cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à avocat. 6. Il en résulte que l'appel incident formé par un intimé contre un co-intimé défaillant est valablement formé par la signification de conclusions et n'a pas à revêtir la forme d'une assignation. 7. Pour déclarer irrecevable l'appel incident formé par M. [R] contre le chef du jugement l'ayant débouté de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la société [H], l'arrêt retient que les articles 68 et 551 du code de procédure civile prévoient, à peine d'irrecevabilité, que l'appel incident ou provoqué doit être formé par voie d'assignation lorsqu'il est dirigé contre une partie défaillante, que la société [H], partie intimée dans l'acte d'appel principal, a constitué avocat le 9 décembre 2019 et que l'appel incident dirigé contre elle, partie défaillante à l'appel incident, et formé par conclusions remises au greffe le 14 novembre 2019, doit être déclaré irrecevable. 8. En statuant ainsi, alors que la société [H] avait été régulièrement intimée par l'appelant, et que M. [R], qui formait un appel incident contre elle, n'était donc tenu que de lui signifier ses conclusions d'appel incident dans les délais requis et non de l'assigner à comparaître, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel incident formé par M. [I] [R] contre le chef du jugement critiqué l'ayant débouté de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la SCP [L]-[V]-Bedes et condamné M. [I] [R] à verser à la SCP [L]-[V]-Bedes huissiers de justice la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ; Condamne la SCP [Z] [L] - [U] [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCP [Z] [L] - [U] [V] à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [R] M. [R] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable son appel incident formé contre le chef du jugement qui l'avait débouté de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre la société [L] – [V] – Bedes ([H]) ; 1°) ALORS QUE les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; qu'il résulte des productions et des constatations de l'arrêt qu'après avoir remis au greffe ses conclusions comportant appel incident, M. [R], intimé, les a signifiées à la société [H] qui, régulièrement intimée par la Caisse nationale des barreaux français, appelante principale, n'avait pas constitué avocat ; qu'en retenant que l'appel incident formé par M. [R], dirigé contre la société [H], devait être déclaré irrecevable dès lors que les articles 68 et 551 du code de procédure civile prévoient que l'appel incident ou provoqué doit être formé par voie d'assignation lorsqu'il est dirigé contre une partie défaillante, la cour d'appel a violé ces textes, par fausse application, et l'article 911, alinéa 1er, du code de procédure civile, par refus d'application ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; que, pour déclarer irrecevable l'appel incident formé par M. [R], la cour d'appel s'est bornée à retenir que les articles 68 et 551 du code de procédure civile prévoient, à peine d'irrecevabilité, que l'appel incident ou provoqué doit être formé par voie d'assignation lorsqu'il est dirigé contre une partie défaillante, que la société [H], partie intimée dans l'acte d'appel principal, avait constitué avocat le 9 décembre 2019, et que « l'appel incident dirigé contre la SCP [H] partie défaillante à l'appel incident formé par conclusions remises au greffe par M. [I] [R] le 14 novembre 2019 » devait être déclaré irrecevable ; qu'en statuant de la sorte, sans constater que ces conclusions n'avaient pas été signifiées à la société [H] avant qu'elle ne constitue avocat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 911, alinéa 1er, du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en tout état de cause, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que la société [H] ne soutenait pas que l'appel incident de M. [R] était irrecevable pour avoir été formé par conclusions remises au greffe le 14 novembre 2019, mais, uniquement, qu'il aurait été irrecevable dès lors que M. [R] avait relevé appel incident à son égard par voie de conclusions signifiées le 18 novembre 2019 quand, selon elle, il aurait dû procéder par voie d'assignation ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que l'appel incident à l'égard de la société [H], partie défaillante, aurait été irrecevable pour avoir été formé par conclusions remises au greffe le 14 novembre 2019, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 909 et 911 du code de procédure civile que l'appel incident formé par un intimé contre un co-intimé défaillant est valablement formé par la signification de conclusions et n'a pas à revêtir la forme d'une assignation
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 615 F-B Pourvoi n° M 20-23.688 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 La société GBTP développement, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 2], a formé le pourvoi n° M 20-23.688 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2019 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile - section instance), dans le litige l'opposant au comptable, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de l'Aube, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de l'Aube et du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 4], [Localité 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de la société GBTP développement, de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de l'Aube, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de l'Aube et du directeur général des finances publiques, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 26 avril 2019) et les productions, le comptable des finances publiques responsable du pôle de recouvrement spécialisé de l'Aube (le comptable public) a notifié à la société GBTP développement (la société), dont le gérant est M. [F], deux avis à tiers détenteur à fin de recouvrer les sommes dues par ce dernier puis l'a assignée en paiement, devant un juge de l'exécution, sur le fondement des articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales, L. 123-1, L. 211-2 et R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution. 2. Par jugement du 5 septembre 2017, le juge de l'exécution, d'une part, s'est déclaré incompétent, au profit d'un tribunal d'instance, pour connaître de la demande tendant à la condamnation de la société, en sa qualité de tiers saisi défaillant pris en sa qualité d'employeur de M. [F], à lui verser les sommes dues au titre de ses rémunérations, d'autre part, a condamné la société à payer au comptable public une certaine somme au titre des avis à tiers détenteurs. 3. Par jugement du 16 avril 2018, le juge du tribunal d'instance a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société, rejeté la contestation élevée par cette dernière, constaté que la créance du comptable public s'élève à la somme de 1 026 846 euros, ordonné la saisie des rémunérations de M. [F] à concurrence de cette somme, dit que la créance cause de la saisie produirait à compter de l'autorisation de la saisie des intérêts au taux légal sans majoration, dit que la somme retenue sur les rémunérations de M. [F] s'imputera en priorité sur le capital et dit que, conformément aux dispositions des articles R. 3252-21 et R. 3252-23 du code de travail, l'acte de saisie serait dressé par les soins du greffe dans les huit jours suivant l'expiration des délais de recours contre le jugement. Sur le moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen relevé d'office 5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 262, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, du livre des procédures fiscales, L. 263, alors applicable, du même code, R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution : 6. Il résulte des deux premiers de ces textes que si la procédure d'avis à tiers détenteur peut porter sur les rémunérations du débiteur, elle demeure distincte de la procédure de saisie des rémunérations prévue par le code du travail. 7. Il résulte du troisième de ces textes que l'administration peut, en cas de refus de paiement par le tiers saisi auquel un avis à tiers détenteur a été notifié, solliciter la délivrance d'un titre exécutoire à son encontre, dans la limite de son obligation envers le débiteur, procédure elle-même distincte de celle prévue par les articles L. 3252-9, L. 3252-10, alinéa 2, et R. 3252-28 du code du travail lorsque l'employeur s'abstient de faire une déclaration ou omet d'effectuer les versements en exécution de la saisie des rémunérations. 8. L'arrêt confirme le jugement ayant ordonné la saisie des rémunérations de M. [F]. 9. En statuant ainsi, alors que le comptable public avait engagé, à l'encontre de la société, une action en paiement sur le fondement de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution, et non une procédure tendant à la saisie des rémunérations de son gérant, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société GBTP développement, l'arrêt rendu le 26 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour la société GBTP développement La société GBTP Développement fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par substitution de motifs, confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris rendu le 16 avril 2018 par le tribunal d'instance de Troyes qui a notamment déclaré irrecevable sa fin de non-recevoir, rejeté sa contestation et ordonné la saisie des rémunérations de M. [F] entre ses mains par le comptable des finances publiques de l'Aube à concurrence de la somme totale de 1 026 846 euros ; 1°) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que dans ses conclusions d'appel, la société GBTP Développement a contesté la compétence du tribunal d'instance pour statuer sur la saisie entre ses mains des sommes qu'elle pourrait devoir à M. [F], son gérant majoritaire et que dans les siennes, l'agent comptable des finances publiques du pôle recouvrement spécialisé de l'Aube n'a pas invoqué ni même évoqué l'autorité de la chose jugée dont aurait été revêtu le jugement prononcé le 5 septembre 2017 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Troyes s'agissant de la question de fond de la nature des rémunérations versées par la société GBTP Développement à son gérant majoritaire ; qu'en relevant dès lors d'office cette fin de non-recevoir sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE c'est seulement lorsque le juge, en se prononçant sur la compétence, a tranché par un chef de dispositif distinct la question de fond dont dépend cette compétence que sa décision a autorité de la chose jugée sur la question de fond ; que dans le dispositif de sa décision, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Troyes s'est dans un seul chef « déclaré incompétent pour connaître de la demande du comptable des finances publiques … tendant à la condamnation de la société GBTP Développement, en sa qualité de tiers saisi défaillant prise en sa qualité d'employeur de M. [E] [F], à lui verser les sommes dues au titre de ses rémunérations » ; qu'en décidant que ce jugement qui n'avait pas tranché dans son dispositif la question de fond dont dépendait la compétence, par des dispositions distinctes, était revêtu de l'autorité de la chose jugée sur cette question de fond, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil (ancien 1351 du code civil), ensemble l'article 79 du code de procédure civile (anciennement les articles 77 et 95 du même code) ; 3°) ALORS QUE les dispositions spécifiques relatives à la saisie des rémunérations ne sont applicables qu'aux sommes dues à titre de rémunération à toute personne salariée … ou travaillant pour un ou plusieurs employeurs ; que la société GBTP Développement versait à M. [F] des rémunérations soumises au régime social TNS en sa qualité de gérant majoritaire de ladite société ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher la qualification de la rémunération versée à ce mandataire social non salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3252-1, R. 3252-1 et R. 3252-7 et R. 3252-8 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige.
Il résulte des articles L. 262, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, et L. 263, alors applicable, du livre des procédures fiscales que si la procédure d'avis à tiers détenteur peut porter sur les rémunérations du débiteur, elle demeure distincte de la procédure de saisie des rémunérations prévue par le code du travail. Il résulte de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution que l'administration peut, en cas de refus de paiement par le tiers saisi auquel un avis à tiers détenteur a été notifié, solliciter la délivrance d'un titre exécutoire à son encontre, dans la limite de son obligation envers le débiteur, procédure elle-même distincte de celle prévue par les articles L. 3252-9, L. 3252-10, alinéa 2, et R. 3252-28 du code du travail lorsque l'employeur s'abstient de faire une déclaration ou omet d'effectuer les versements en exécution de la saisie des rémunérations. Viole ces dispositions et excède ses pouvoirs la cour d'appel qui ordonne la saisie des rémunérations du gérant d'une société, alors que le comptable public avait engagé, à l'encontre de la société, une action en paiement sur le fondement de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution, et non une procédure tendant à la saisie des rémunérations de son gérant
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 616 F-B Pourvoi n° D 19-26.230 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 1°/ M. [M] [O] [Z], 2°/ Mme [E] [B] [G] [N], épouse [Z], domiciliés tous deux [Adresse 9], ont formé le pourvoi n° D 19-26.230 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [C] [J] [I], domicilié [Adresse 1], 2°/ à M. [C] [D] [I], domicilié [Adresse 18], 3°/ à Mme [P] [A] [I], veuve [R], domiciliée [Adresse 2] (Etats-Unis), 4°/ à M. [C] [F] [I], domicilié [Adresse 6] (Etats-Unis), 5°/ à Mme [V] [A] [I], domiciliée [Adresse 22] (Suisse), 6°/ à Mme [H] [A] [I], veuve [K], domiciliée [Adresse 8], 7°/ à la trésorerie de [Localité 15], dont le siège est [Adresse 7], 8°/ à la trésorerie de [Localité 19], dont le siège est [Adresse 4], 9°/ à la société [11], dont le siège est [Adresse 25], 10°/ à la société [12], dont le siège est [Adresse 17], 11°/ à la société [13], dont le siège est [Adresse 5], 12°/ à la société [16], dont le siège est [Adresse 14], 13°/ à la société [20], dont le siège est [Adresse 10], 14°/ à la société [23], dont le siège est [Adresse 24], 15°/ à la direction générale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. et Mme [Z], de la SARL Corlay, avocat de M. [C] [J] [I], M. [C] [D] [I], Mme [P] [A] [I] veuve [R], M. [C] [F] [I], Mme [V] [A] [I] et Mme [H] [A] [I] veuve [K], de la SCP Richard, avocat de la société [20], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 29 octobre 2019), le 6 juin 2017, M. et Mme [Z], ont déposé un dossier de surendettement. La commission a déclaré leur demande recevable le 14 juillet 2017 et, le 6 avril 2018, a élaboré des mesures imposées. 2. Le 10 mai 2018, M. [Z] a contesté ces mesures. 3. Par jugement du 26 mars 2019, un tribunal d'instance a déclaré irrecevable sa contestation, jugement dont les débiteurs ont relevé appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses trois dernières branches Enoncé du moyen 5. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à l'effacement partiel de leurs dettes et de rééchelonner tout ou partie des créances sur une durée de 24 mois et de dire que, dans ce délai, ils devront vendre à l'amiable le bien immeuble situé [Adresse 9], alors : « 2°/ que le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 733-10 du code de la consommation prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7, parmi lesquelles ne figure pas l'injonction adressée aux débiteurs de vendre amiablement leur bien immobilier ; qu'en disant que dans le délai de 24 mois, les époux [Z] devront vendre le bien immobilier situé au [Adresse 9], la cour d'appel a violé l'article L. 733-13 du code de la consommation ; 3°/ en toute hypothèse, que chacun a droit au respect de ses biens ; qu'en imposant aux époux [Z] de vendre amiablement leur bien immobilier dans un délai de 24 mois, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ; 4°/ en tout état de cause, que l'injonction d'avoir à vendre amiablement le bien immobilier constituant le domicile familial constitue une ingérence dans l'exercice du droit des intéressés au respect de leur domicile, laquelle ne peut être envisagée que pour autant qu'elle est prévue par la loi, qu'elle poursuit un but légitime et qu'elle est proportionnée avec l'objectif recherché ; qu'en imposant aux époux [Z] de vendre amiablement leur bien immobilier dans un délai de 24 mois, sans procéder, au besoin d'office, à un examen de la proportionnalité de cette mesure, la cour d'appel a méconnu l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 6. D'une part, selon l'article L. 733-7 du code de la consommation, par renvoi de l'article L. 733-13 du même code, le juge, saisi d'une contestation des mesures imposées, peut imposer que les mesures prévues aux articles L. 733-1 et L. 733-4 soient subordonnées à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. 7. Il en résulte que la commission, comme le juge, peuvent subordonner les mesures de redressement à la vente par le débiteur surendetté de son immeuble. 8. Le moyen, pris en sa deuxième branche, manque, dès lors, en droit. 9. D'autre part, après avoir relevé que le bien immobilier de M. [Z] situé à [Localité 21] est évalué à 250 000 euros et que l'endettement total des époux [Z] s'élève à 135 129 euros dont 76 584 euros dus à la succession de Mme [I], et que M. et Mme [Z] disposent à leurs dires d'une capacité de remboursement de 1 126 euros voire de 1 608 euros, c'est sans méconnaître l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et en procédant à la recherche prétendument omise, que, dans l'exercice de son pouvoir souverain, l'arrêt retient que les époux [Z], qui contestent la capacité de remboursement de 1 929,79 euros retenue par la commission de surendettement des particuliers, ne sont pas fondés à refuser la vente de ce bien dont le prix permettra de rembourser rapidement l'intégralité de leurs créanciers et que compte tenu de la valeur élevée du bien et du montant des créances, il subsistera un solde revenant aux débiteurs qui leur permettra de se reloger, qu'aucun motif ne justifie par ailleurs un effacement même partiel des créances dès lors que les débiteurs ne se trouvent pas dans une situation irrémédiablement compromise et que la vente du bien immobilier est la seule mesure propre à faciliter leur désendettement et le désintéressement des créanciers. 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [Z] et les condamne à payer, d'une part, in solidum à M. [C] [J] [I], M. [C] [D] [I], Mme [P] [A] [I], M. [C] [F] [I], Mme [V] [A] [I] et Mme [H] [A] [I] la somme de 2 000 euros, et d'autre part in solidum à la société [20] la somme de 2 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [Z] M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté leur demande tendant à l'effacement partiel de leurs dettes et D'AVOIR rééchelonné tout ou partie des créances sur une durée de 24 mois et dit que dans ce délai, ils devront vendre à l'amiable le bien immeuble situé [Adresse 9] ; 1°) ALORS QUE faute d'avoir répondu au moyen pris de ce que Mme [Z] n'était concernée ni par la créance de la succession de [L] [A] [I], ni par celle de la société [20] (concl., p. 7), la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, à tout le moins, QUE le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 733-10 du code de la consommation prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7, parmi lesquelles ne figure pas l'injonction adressée aux débiteurs de vendre amiablement leur bien immobilier ; qu'en disant que dans le délai de 24 mois, les époux [Z] devront vendre le bien immobilier situé au [Adresse 9] , la cour d'appel a violé l'article L. 733-13 du code de la consommation ; 3°) ALORS, en toute hypothèse, QUE chacun a droit au respect de ses biens ; qu'en imposant aux époux [Z] de vendre amiablement leur bien immobilier dans un délai de 24 mois, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ; 4°) ALORS, en tout état de cause, QUE l'injonction d'avoir à vendre amiablement le bien immobilier constituant le domicile familial constitue une ingérence dans l'exercice du droit des intéressés au respect de leur domicile, laquelle ne peut être envisagée que pour autant qu'elle est prévue par la loi, qu'elle poursuit un but légitime et qu'elle est proportionnée avec l'objectif recherché ; qu'en imposant aux époux [Z] de vendre amiablement leur bien immobilier dans un délai de 24 mois, sans procéder, au besoin d'office, à un examen de la proportionnalité de cette mesure, la cour d'appel a méconnu l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Il résulte des articles L. 733-7 et L. 733-13 du code de la consommation.que la commission de surendettement des particuliers, comme le juge, peuvent subordonner les mesures de redressement à la vente par le débiteur surendetté de son immeuble
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 617 F-B Pourvoi n° X 20-21.352 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 1°/ la société SCI JB, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 5], 2°/ la société DG Investissements, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 6], ont formé le pourvoi n° X 20-21.352 contre le jugement d'adjudication rendu le 1er septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Béziers (saisies immobilières), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Eurotitrisation, société anonyme, dont le siège est [Adresse 10], [Localité 8], prise en qualité de représentante du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, venant aux droits du Crédit immobilier de France développement (CIFD) en vertu d'un contrat de cession de créances en date du 28 décembre 2018, 2°/ à M. [L] [C], 3°/ à Mme [I] [W], épouse [C], domiciliés tous deux [Adresse 4]. [Localité 9] (Irlande), 4°/ à la société Immobilière Suffren, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 7], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société SCI JB, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Eurotitrisation, prise en qualité de représentante du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, venant aux droits du Crédit immobilier de France développement (CIFD), et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société DG Investissements du désistement de son pourvoi. Faits et procédure 2. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Béziers, 1er septembre 2020), sur des poursuites de saisie immobilière engagée à l'encontre de M. et Mme [C] par le Crédit immobilier de France développement, aux droits duquel est venue la société Eurotitrisation, en qualité de représentante du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, les biens ont été adjugés à la société SCI JB. 3. Le 3 juillet 2018, la société SCI JB a, sur surenchère, à nouveau été déclarée adjudicataire. 4. La société SCI JB a réglé le montant des frais, mais n'a pas consigné le prix de vente. 5. Le greffe du juge de l'exécution a délivré un certificat attestant de la non-justification par l'adjudicataire de la consignation du prix le 19 juillet 2019, qui a été signifié à M. et Mme [C] et à la société SCI JB. 6. Par requête du 30 octobre 2019, la société Eurotitrisation, ès qualités, a sollicité la réitération des enchères. Par ordonnance du 15 novembre 2019, le juge a fixé la date de l'audience d'adjudication au 21 janvier 2020, date reportée par plusieurs jugements successifs au 1er septembre 2020. Recevabilité du pourvoi contestée par la défense Vu les articles 605, 609 et 611 du code de procédure civile, et R. 322-60 du code des procédures civiles d'exécution : 7. En application des deuxième et troisième de ces textes, nul ne peut se pourvoir en cassation contre une décision à laquelle il n'a pas été partie, à moins qu'elle n'ait prononcé une condamnation à son encontre. 8. En application du premier et du dernier de ces textes, le jugement d'adjudication ne statuant sur aucune contestation, n'est susceptible d'aucun recours, sauf excès de pouvoir. 9. Si le jugement ne mentionne pas la société SCI JB comme partie, le moyen attaque cette décision pour ne l'avoir pas considérée comme telle, de sorte qu'il y a lieu d'examiner le moyen afin de déterminer si ladite société était bien partie à cette instance. 10. Le pourvoi, dirigé contre un jugement d'adjudication, n'est par ailleurs, pas recevable, sauf si un excès de pouvoir se trouve caractérisé. Examen du moyen Enoncé du moyen 11. La société SCI JB fait grief au jugement d'adjuger à M. [M], avocat au barreau de Bézier, agissant pour le compte de la société Immobilière Suffren : le lot n° 1 moyennant le prix de 17 000 euros, le lot n° 2 moyennant le prix de 16 000 euros, le lot n° 3 moyennant le prix de 16 000 euros, le lot n° 4 moyennant le prix de 20 000 euros, alors « que constitue un excès de pouvoir le fait pour un juge de statuer sur la réitération des enchères sans que l'adjudicataire défaillant ait été dûment appelé à l'audience d'adjudication ; qu'en statuant, par jugement d'adjudication du 1er septembre 2020, sur la réitération des enchères pour la vente des quatre lots dont la SCI JB avait été déclarée adjudicataire, sans que la SCI JB ou son avocat, Me [P], ait été, en sa qualité d'adjudicataire défaillant, convoquée à la nouvelle audience adjudication sur réitération des enchères, le juge des saisies immobilières a excédé ses pouvoirs, en violation des articles 14 du code de procédure civile et R. 322-69, alinéa 4, du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 322-69, alinéa 4, du code des procédures civiles d'exécution : 12. Selon ce texte, en cas de réitération des enchères, le débiteur saisi, le créancier poursuivant, les créanciers inscrits et l'adjudicataire défaillant sont avisés par le greffe de la date de l'audience par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. 13. En effet, si, en application de l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution, la vente par adjudication est résolue de plein droit à défaut de versement du prix ou de sa consignation et de paiement des frais, elle ne peut être constatée qu'en l'absence de consignation ou de versement du prix et de paiement des frais à la date où le juge statue, y compris à l'occasion de la procédure de réitération des enchères. 14. Par ailleurs, selon ce même article, l'adjudicataire défaillant est tenu au paiement de la différence entre son enchère et le prix de la revente, si celui-ci est moindre et ne peut prétendre à la répétition des sommes qu'il a acquittées. 15. Il en résulte que l'adjudicataire défaillant, propriétaire du bien adjugé tant que la résolution de la vente n'a pas été constatée, doit être appelé à l'audience d'adjudication sur réitération des enchères, à laquelle il est partie. 16. Or, constitue un excès de pouvoir le fait pour un juge de statuer sans qu'une partie ait été entendue ou dûment appelée. 17. Dès lors qu'il ne ressort ni de la décision, ni des productions, que la société SCI JB ait été avisée de la date d'adjudication, le juge de l'exécution, en adjugeant le bien à la société Immobilière Suffren, a excédé ses pouvoirs. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT que le pourvoi est recevable ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 1er septembre 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Béziers ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Béziers autrement composé ; Condamne la société Eurotitrisation, en qualité de représentante du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2 aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour les sociétés SCI JB et DG Investissements La SCI JB fait grief au jugement attaqué d'AVOIR adjugé à Me [M], avocat au barreau de Bézier, agissant pour le compte de la société Immobilière Suffren : le lot n°1 moyennant le prix de 17 000 euros, le lot n°2 moyennant le prix de 16 000 euros, le lot n°3 moyennant le prix de 16 000 euros, le lot n°4 moyennant le prix de 20 000 euros ; ALORS QUE constitue un excès de pouvoir le fait pour un juge de statuer sur la réitération des enchères sans que l'adjudicataire défaillant ait été dûment appelé à l'audience d'adjudication ; qu'en statuant, par jugement d'adjudication du 1er septembre 2020, sur la réitération des enchères pour la vente des quatre lots dont la SCI JB avait été déclarée adjudicataire, sans que la SCI JB ou son avocat, Me [P], ait été, en sa qualité d'adjudicataire défaillant, convoquée à la nouvelle audience adjudication sur réitération des enchères, le juge des saisies immobilières a excédé ses pouvoirs, en violation des articles 14 du code de procédure civile et R. 322-69, alinéa 4, du code des procédures civiles d'exécution.
Il résulte des articles L. 322-12 et R. 322-69, alinéa 4, du code des procédures civiles d'exécution, que l'adjudicataire défaillant, propriétaire du bien adjugé tant que la résolution de la vente n'a pas été constatée, doit être appelé à l'audience d'adjudication sur réitération des enchères, à laquelle il est partie
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 618 F-B Pourvoi n° R 20-23.623 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 1°/ Mme [C] [L], 2°/ M. [G] [R], domiciliés tous deux [Adresse 4], ont formé le pourvoi n° R 20-23.623 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Ardifi, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à l'établissement public Eau de Paris, dont le siège est [Adresse 2], 3°/ au Trésor public, service des impôts des particuliers de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Mme [L], demanderesse au pourvoi, invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. M. [R], demandeur au pourvoi, invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [L], de Me Bouthors, avocat de M. [R], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Ardifi, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2020), sur le fondement de 14 décisions, la société Ardifi a signifié à M. [R] un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur plusieurs biens lui appartenant en propre. L'un d'eux constituant le domicile familial, le commandement a été dénoncé à Mme [L], son épouse. 2. Le 12 février 2019, la société Ardifi a assigné M. [R] à l'audience d'orientation à laquelle Mme [L] est intervenue volontairement. Examen des moyens Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi de M. [R], et sur le deuxième moyen du pourvoi de Mme [L], ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi de Mme [L] Enoncé du moyen 4. Mme [L] fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à contester le montant de la créance du poursuivant, à invoquer la prescription de cette créance et le droit au retrait litigieux, et en conséquence, de confirmer le jugement du 14 novembre 2019, alors « que lorsque le bien immobilier saisi constitue la résidence des époux ou le logement familial, l'épouse du saisi a un intérêt à contester la procédure de saisie diligentée par le créancier devant aboutir à son expulsion ; qu'en déclarant Mme [L] irrecevable en ses demandes au motif qu'elle n'était pas débitrice ni propriétaire du bien saisi, après avoir constaté que ce bien constituait la résidence de la famille, la cour d'appel a violé les articles R. 321-1 du code des procédures civiles d'exécution et 2463 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Après avoir relevé que l'épouse de M. [R], qui n'est pas débitrice dans le cadre de la saisie ni propriétaire du bien objet des poursuites, et retenu que l'objectif de la dénonciation du commandement valant saisie immobilière, prévue à l'article R. 321-1, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution, était uniquement d'informer le conjoint non propriétaire de la saisie visant la résidence de la famille, la cour d'appel en a exactement déduit que Mme [L] n'avait pas qualité à contester le montant de la créance du poursuivant, la prescription de cette créance ainsi qu'à invoquer à son profit le droit au retrait litigieux. 6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [R] et Mme [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par eux et les condamne chacun à payer à la société Ardifi la somme de 1 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme [L] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [L] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée irrecevable à contester le montant de la créance du poursuivant, à invoquer la prescription de cette créance et le droit au retrait litigieux et d'avoir, en conséquence, confirmé le jugement du 14 novembre 2019 ; Alors que lorsque le bien immobilier saisi constitue la résidence des époux ou le logement familial, l'épouse du saisi a un intérêt à contester la procédure de saisie diligentée par le créancier devant aboutir à son expulsion ; qu'en déclarant Mme [L] irrecevable en ses demandes au motif qu'elle n'était pas débitrice ni propriétaire du bien saisi, après avoir constaté que ce bien constituait la résidence de la famille, la cour d'appel a violé les articles R 321-1 du code des procédures civiles d'exécution et 2463 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Mme [L] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la vente forcée des biens immobiliers visés au commandement de payer ; Alors que le juge qui autorise la vente amiable doit uniquement s'assurer qu'elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences « éventuelles » du débiteur ; que ces diligences ne sont donc pas une condition obligatoire à la vente amiable ; qu'en déboutant Mme [L] de sa demande de vente amiable au motif qu'elle avait produit une promesse de vente dont la validité avait expiré le 29 décembre 2019 sans rechercher si la situation du bien et les conditions économiques du marché n'étaient pas favorables à la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution. Moyens produits par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. [R] Premier moyen de cassation Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'annuler le jugement entrepris, d'avoir validé la poursuite de la saisie immobilière et prononcé l'adjudication du bien saisi ; alors qu'en vertu de l'article R.322-15 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution doit d'office vérifier si le commandement de payer s'autorise d'un titre exécutoire ; qu'en justifiant la poursuite sur le fondement du commandement du 25 octobre 2018 qui ne visait pas l'acte notarié de prêt et se bornait à se référer à un arrêt de la cour de Paris du 8 novembre 2012 fixant le montant de la créance principale sans formuler de condamnation de nature à lui donner la valeur d'un titre exécutoire, la cour a méconnu son office en violation du texte susvisé, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Deuxième moyen de cassation Le moyen reproche à l'arrêt d'avoir refusé de faire droit à la demande de retrait litigieux ; alors que le retrait litigieux prévu à l'article 1699 du code civil constitue un moyen de défense recevable même pour la première fois en cause d'appel ; qu'en déclarant le contraire, motif inopérant pris des dispositions de l'article R.311-5 du code des procédures civiles d'exécution, la cour a violé l'article 1699 du code civil, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Troisième moyen de cassation Le requérant reproche à l'arrêt d'avoir ordonné la vente forcée des biens immobiliers visés au commandement de payer et d'avoir ainsi refusé d'autoriser les parties à vendre amiablement tout ou partie des lots visés au commandement ; 1°) alors, d'une part, qu'aux termes de l'article R.322-15 du code de procédure civile d'exécution, le juge, lorsqu'il autorise la vente amiable, s'assure qu'elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur ; qu'en refusant d'ordonner la vente amiable motif exclusivement pris de l'absence de justification utile des diligences du débiteur, lesquelles ne sont pas cependant une condition d'acceptation ou de refus d'ordonner une vente amiable, la cour a violé le texte susvisé ; 2°) alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article R.322-15 du code de procédure civile d'exécution, le juge, lorsqu'il autorise la vente amiable, s'assure qu'elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur ; qu'en refusant d'ordonner la vente amiable sans autre examen des critères susvisés, pourtant invoqués par le requérant ayant fait valoir que la valeur de l'ensemble des lots était bien supérieure à la créance du poursuivant et que la vente d'un nombre limité de lots pouvait être satisfactoire, la cour a privé son arrêt de toute base légale au regard du texte susvisé, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
L'objectif de la dénonciation du commandement valant saisie immobilière, prévue à l'article R. 321-1, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution, étant uniquement d'informer le conjoint non propriétaire de la saisie visant la résidence de la famille et celui-ci n'étant pas débiteur dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, il n'a pas qualité pour contester le montant de la créance du poursuivant, la prescription de cette créance ni pour invoquer à son profit le droit au retrait litigieux
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 627 F-B Pourvoi n° D 19-11.671 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 1°/ la société Pronal, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ la société Strucflex, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3] (Tunisie), ont formé le pourvoi n° D 19-11.671 contre l'arrêt rendu le 27 février 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant à la société Simtech, société à responsabilité limitée de droit belge, dont le siège est [Adresse 1] (Belgique), agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, M. [D] [O], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat des sociétés Pronal et Strucflex, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Simtech, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2018), la société Simtech, domiciliée en Belgique, a interjeté appel le 25 février 2015 à l'encontre d'un jugement rendu dans un litige l'opposant aux sociétés Pronal et Strucflex. 2. La société Simtech a déposé et notifié à la société Pronal ses premières conclusions d'appel le 17 juillet 2015. 3. L'affaire a été radiée le 17 juillet 2015 en raison de l'inexécution du jugement par l'appelante. 4. La société Strucflex a constitué avocat le 10 août 2015. 5. L'affaire ayant été rétablie au rôle le 19 avril 2017, la société Simtech a notifié ses conclusions d'appel à la société Pronal et à la société Strucflex le 21 avril 2017. 6. Les sociétés intimées ont déféré devant la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant rejeté leur incident de caducité de la déclaration d'appel fondé sur l'article 908 du code de procédure civile, tant à l'égard de la société Pronal que de la société Strucflex. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. Les sociétés Pronal et Strucflex font grief à l'arrêt de rejeter le déféré et de dire que l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 septembre 2017 sortira son plein et entier effet, alors « que la radiation prononcée sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile n'emporte ni suspension ni interruption du délai imparti à l'appelant par les articles 908 et 911-2 du code de procédure civile ; qu'en jugeant que la radiation prononcée le 17 juillet 2015 avait eu pour effet d'interrompre ce délai, la cour d'appel a violé ces dispositions. » Réponse de la Cour Vu les articles 377, 526, 908 et 911-2 du code de procédure civile, ces trois derniers textes dans leur rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 : 8. Il résulte de ces textes que la radiation de l'instance d'appel, fût-ce pour inexécution du jugement frappé d'appel, n'entraîne pas la suspension du délai imparti à l'appelant pour conclure. 9. Pour rejeter l'incident de caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient qu'en l'état du droit antérieur à l'entrée en vigueur, le 1er septembre 2017, du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la radiation de l'affaire pour inexécution du jugement, en application de l'article 377 du code de procédure civile et en l'absence de texte contraire, a entraîné la suspension de l'instance et des délais prévus aux articles 908 et 911-2 du code de procédure civile, de sorte que l'instance, suspendue le 17 juillet 2015 du fait de la radiation prononcée sur le fondement de l'article 526 du même code, a repris son cours le 19 avril 2017. 10. L'arrêt en déduit que la notification de ses conclusions par la société Simtech aux sociétés Pronal et Strucflex le 21 avril 2017 est intervenue avant l'expiration du délai de cinq mois résultant des articles 908 et 911-2, qui avait couru du 25 février 2015 au 17 juillet 2015, et qui a recommencé à courir à compter du 19 avril 2017. 11. En statuant ainsi, alors que la radiation de l'instance d'appel prononcée le 17 juillet 2015 n'avait pas pour effet de suspendre le délai pour conclure imparti à la société Simtech, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 14. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 8 et 11 que le délai pour conclure imparti à la société Simtech, non suspendu par la radiation de l'instance, qui courait à compter du 25 février 2015, expirait, à l'égard de la société Pronal, le 25 juillet 2015, et, à l'égard de la société Strucflex, alors non constituée, le 25 août 2015. Les conclusions ont, par conséquent, été déposées et notifiées dans le délai requis, le 17 juillet 2015, à l'égard de la société Pronal, tandis qu'à l'égard de la société Strucflex, qui a reçu notification des conclusions de l'appelante postérieurement au 25 août 2015, la caducité de la déclaration d'appel était encourue. 15. En l'absence d'indivisibilité des condamnations au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive prononcées à l'encontre de la société Pronal, d'une part, et de la société Strucflex, d'autre part, la caducité de la déclaration d'appel, en tant que formée contre la société Strucflex, n'atteint pas la déclaration d'appel en tant que formée contre la société Pronal. 16. Il y a, dès lors, lieu de prononcer la caducité de la déclaration d'appel du 25 février 2015, en tant seulement qu'elle est dirigée contre la société Strucflex. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'incident de caducité de la déclaration d'appel en tant que dirigée contre la société Strucflex, l'arrêt rendu le 27 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; INFIRME partiellement l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 septembre 2017 en ce qu'elle a rejeté l'incident de caducité de la déclaration d'appel de la société Strucflex ; Statuant à nouveau : PRONONCE la caducité de la déclaration d'appel du 25 février 2015 en tant que dirigée contre la société Strucflex ; Condamne la société Simtech aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes au titre de la procédure devant la cour d'appel de Paris, et rejette la demande formée par la société Simtech et la condamne à payer à la société Pronal et à la société Strucflex la somme globale de 3 000 euros, au titre de la procédure suivie devant la Cour de cassation ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour les sociétés Pronal et Strucflex Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le déféré et dit que l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 septembre 2017 sortira son plein et entier effet ; Aux motifs propres que « Considérant que selon l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure ; qu'en application de l'article 911-2 du même code, ce délai est augmenté de deux mois si l'appelant demeure à l'étranger ; Qu'en l'espèce, la société SIMTECH ayant interjeté appel du jugement le 25 février 2015, elle avait l'obligation de conclure au plus tard le 25 juillet 2015 ; Que le 17 juillet 2015, le magistrat agissant par délégation du premier président de cette cour a ordonné la radiation de l'affaire du rôle de la cour sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile, motif pris de la non-exécution du jugement par la société appelante SIMTECH ; Considérant, ainsi que l'a retenu le conseiller de la mise en état, qu'en l'état du droit positif avant l'entrée en vigueur, le 1er septembre 2017, du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile, cette décision de radiation, en application de l'article 377 du code de procédure civile ("En dehors des cas où la loi le prévoit, l'instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer, radie l'affaire ou ordonne son retrait du rôle") et en l'absence de texte contraire, a entraîné la suspension de l'instance et des délais prévus aux articles 908 et 911-2 précités ; Que les sociétés PRONAL et STRUCFLEX ne peuvent être suivies quand elles arguent de la spécificité et de l'autonomie des dispositions de l'article 526 par rapport aux autres causes de radiation en invoquant les dispositions de l'article 1009-1 alinéa 4 du code de procédure civile ("La décision de radiation n'emporte pas suspension des délais impartis au demandeur au pourvoi par les articles 978 et 989") qui ne s'appliquent qu'à la procédure suivie devant la Cour de cassation, ou encore la circulaire du 4 août 2017 de présentation du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 réformant la procédure d'appel, non applicable à l'espèce ; Que la doctrine s'oppose sur la question présentement soumise à l'appréciation de la cour ; Que la qualification de délai préfix ou de forclusion donnée par les sociétés PRONAL et STRUCFLEX au délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile, et qui est contestée par la société SIMTECH, est sans emport dès lors qu'un délai de forclusion peut faire l'objet de suspension ou d'interruption ; Considérant que la société SIMTECH, ayant procédé au règlement de sommes mises à sa charge par le jugement, a demandé, le 24 février 2017, le rétablissement de l'affaire au rôle de la cour ; que par avis du greffe du 19 avril 2017, son conseil a été informé de ce que l'affaire avait été réinscrite au rôle de la cour ; qu'un bulletin d'avis de fixation a ensuite été adressé aux parties le 18 mai 2017 leur communiquant le calendrier de la procédure (clôture, plaidoiries) ; Qu'il sera retenu, par conséquent, que l'instance suspendue le 17 juillet 2015 du fait de la radiation prononcée sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile a repris son cours le 19 avril 2017 ; Qu'il suit que la notification par la société SIMTECH de ses conclusions aux sociétés PRONAL et STRUCFLEX le 21 avril 2017 est intervenue avant l'expiration du délai de 5 mois résultant des articles 908 et 911-2 du code de procédure civile, qui avait couru du 25 février 2015 (appel de SIMTECH) au 17 juillet 2015 (radiation de l'affaire entraînant suspension de l'instance et des délais des articles 908 et 911-2) et qui a recommencé à courir à compter du 19 avril 2017 ; Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, pour ces motifs, sans qu'il soit besoin d'examiner le surplus de l'argumentation des parties, de rejeter le déféré et de dire que l'ordonnance entreprise sortira son plein et entier effet ; Considérant que les sociétés PRONAL et STRUCFLEX qui succombent supporteront les dépens et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés à l'occasion du présent déféré ; Que la somme qui doit être mise à la charge des sociétés PRONAL et STRUCFLEX au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société SIMTECH peut être équitablement fixée à 3 000 € » ; Et aux motifs éventuellement adoptés que « Considérant qu'en application des articles 908 et 911-2 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois, porté à cinq mois lorsqu'il demeure à l'étranger, à compter de la déclaration d'appel pour conclure ; Considérant que la société SIMTECH, qui demeure en Belgique, et qui a procédé à une déclaration d'appel le 25 février 2015, a notifié des conclusions d'appelant par le RPVA à la société PRONAL le 17 juillet 2015 puis le 21 juillet 2015, puis, après que le 10 août 2015 la société STRUCFLEX avait constitué avocat, aux deux sociétés intimées le 21 avril 2017 ; Considérant que pour demander que la caducité soit prononcée, la société PRONAL et la société STRUCFLEX, qui observent que les conclusions d'appel devaient être notifiées avant le 26 juillet 2015, font valoir, en premier lieu, que les conclusions notifiées par le RPVA les 17 juillet 2015 et 21 juillet 2015 à la société PRONAL seraient irrecevables comme postérieures à l'ordonnance de radiation rendue le 17 juillet 2015 par le délégué du premier président ; qu'en second lieu, et en tout état de cause, elles n'ont pas été signifiées à la société STRUCFLEX dans les délais prescrits ; Considérant que la société SIMTECH s'oppose en faisant valoir, de première part, que la radiation prononcée le 17 juillet 2015 a suspendu l'instance et les délais pour conclure ; de deuxième part, qu'elle n'a pas eu pour effet de rendre irrecevables la signification des conclusions ; de troisième part, que les conclusions du 21 avril 2017 ont été signifiées dès que l'affaire a été réinscrite au rôle ; Considérant, ceci étant exposé, que la société SIMTECH, qui avait procédé à une déclaration d'appel le 25 février 2015, avait l'obligation de conclure avant le 26 juillet 2015 ; Qu'alors qu'elle n'avait pas justifié avoir exécuté la décision frappée d'appel, le délégué du premier président, par ordonnance du 17 juillet 2015, a ordonné la radiation de l'affaire du rôle de la cour sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile ; Qu'en l'état du droit positif jusqu'à l'entrée en vigueur le 1er septembre 2017 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, cette mesure de radiation, par application de l'article 377 du code de procédure civile, et en l'absence d'autre texte contraire, a entraîné la suspension de l'instance et donc des délais pour conclure de l'article 908 du code de procédure civile ; que cette instance n'a repris et les délais n'ont recommencé à courir qu'avec le rétablissement de l'affaire sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné le prononcé de la radiation ; qu'en l'espèce, alors que la société SIMTECH a procédé le 23 février 2017 au règlement des condamnations assorties de l'exécution provisoire, c'est par le bulletin d'avis de fixation du 18 mai 2017 que les parties ont été avisées du rétablissement de l'affaire ; Qu'en définitive, il ressort de ce qui précède, de première part, que le délai pour conclure a été suspendu le 17 juillet 2015, soit antérieurement à l'échéance du 26 juillet 2015 ; de deuxième part, que la société SIMTECH a signifié des conclusions aux deux sociétés intimées le 21 avril 2017, soit postérieurement au règlement des condamnations mais avant que les délais aient recommencé à courir ; qu'alors qu'en l'état du droit positif, la suspension de l'instance ne rend pas irréguliers ou irrecevables les actes accomplis pendant cette période, sauf à ne les prendre en considération qu'après le rétablissement de l'affaire, il convient d'en déduire que compte tenu de la suspension découlant du prononcé de la radiation de l'affaire, la société SIMTECH a conclu à l'égard des deux sociétés intimées dans les délais de l'article 908 du code de procédure civile et qu'il n'y a pas lieu de prononcer la caducité de la déclaration d'appel » ; 1°) Alors que, d'une part, la radiation prononcée sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile n'emporte ni suspension ni interruption du délai imparti à l'appelant par les articles 908 et 911-2 du code de procédure civile ; qu'en jugeant que la radiation prononcée le 17 juillet 2015 avait eu pour effet d'interrompre ce délai, la cour d'appel a violé ces dispositions ; 2°) Alors que, d'autre part, les délais de forclusion ne sont pas susceptibles d'être suspendus ou interrompus ; que, sanctionné par la caducité de la déclaration d'appel, le délai prévu par les articles 908 et 911-2 du code de procédure civile est un délai de forclusion ; qu'en jugeant que ce délai pouvait faire l'objet d'une interruption, de sorte qu'il avait pu recommencer à courir le 19 avril 2017, la cour d'appel a violé ces dispositions.
Il résulte des articles 377, 526, 908 et 911-2 du code de procédure civile, ces trois derniers textes dans leur rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que la radiation de l'instance d'appel, fût-ce pour inexécution du jugement frappé d'appel, n'entraîne pas la suspension du délai imparti à l'appelant pour conclure
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 362 F-B Pourvoi n° Q 21-10.309 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUIN 2022 La société Jill, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 21-10.309 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Les Pitchounes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Ekip', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée société François Legrand, prise en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Les Pitchounes, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Jill, de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Ekip', ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 5 novembre 2020), la société Les Pitchounes a conclu avec la société Jill un contrat d'affiliation pour la distribution de vêtements d'enfants, selon lequel elle avait le droit d'utiliser la marque, propriété de la société Jill (Marèse) à titre d'enseigne et de disposer d'un stock de marchandises laissées en dépôt jusqu'à ce qu'elles soient vendues et payées par les clients, la société Les Pitchounes devant alors en régler le prix à la société Jill sous déduction d'une commission. La société Jill avait également donné en dépôt du matériel et du mobilier. Constatant le non-paiement de factures, la société Jill a, le 17 novembre 2016, assigné la société Les Pitchounes en paiement et en restitution des marchandises, du matériel et du mobilier. 2. La société Les Pitchounes a été mise en liquidation judiciaire le 17 janvier 2017, la société François Legrand, devenue la société Ekip', étant désignée en qualité de liquidateur. Après la déclaration de sa créance par la société Jill, le liquidateur est intervenu à l'instance. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. La société Jill fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de restitution, alors « que la demande en restitution de biens meubles présentée avant la mise en liquidation judiciaire de leur détenteur par le propriétaire mobilier non titulaire d'un contrat publié n'est pas soumise aux dispositions des articles L. 624-9 et L. 624-10 du code de commerce et se poursuit selon les dispositions de l'article L. 622-23 du même code ; qu'en retenant que la société Jill ne pouvait "valablement soutenir qu'elle était dispensée de l'action en revendication en raison d'une instance en cours au moment du placement en liquidation judiciaire", aux motifs que "seul l'article L. 624-10 prévoit l'absence de nécessité d'une revendication lorsque le contrat porte sur un bien ayant fait l'objet d'une publicité avant le jugement d'ouverture" et qu'il était constant que le contrat d'affiliation n'avait "pas fait l'objet d'une publicité", quand l'action en restitution introduite par la société Jill l'avait été avant la mise en liquidation du dépositaire, et que les articles L. 624-9 et L. 624-10 du code de commerce ne lui étaient dès lors pas applicables, la cour d'appel les a violé par fausse application. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 624-9 et L. 622-23 du code de commerce : 4. Il résulte de la combinaison de ces textes que la demande de restitution de meubles présentée avant l'ouverture de la procédure collective de leur détenteur précaire n'est pas soumise aux dispositions du premier et se poursuit selon celles du second. 5. Pour rejeter la demande de restitution de la société Jill, l'arrêt retient qu'en l'absence de dispositions légales à cet égard, celle-ci ne peut valablement soutenir qu'elle est dispensée de l'action en revendication alors que seul l'article L. 624-10 du code de commerce prévoit l'absence de nécessité d'une revendication lorsque le contrat porte sur un bien ayant fait l'objet d'une publicité avant le jugement d'ouverture, ce qui n'est pas le cas du contrat d'affiliation. 6. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'assignation en paiement des factures et restitution des biens mis en dépôt était antérieure à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Les Pitchounes, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par fausse application, le second par refus d'application. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne la société Ekip', en qualité de liquidateur de la société Les Pitchounes, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Jill. La société Jill fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en revendication des marchandises, du matériel et de l'enseigne ainsi que du surplus de ses demandes ; Alors, d'une part, que le déposant qui entend obtenir la condamnation du dépositaire à restituer la chose en dépôt n'exerçant pas une action réelle, mais une action personnelle fondée sur l'obligation de restitution née du contrat de dépôt, cette action n'est pas soumise à l'article L. 624-9 du code de commerce, dont les dispositions ne s'appliquent qu'à l'action réelle en revendication ; qu'en retenant, pour la débouter de sa demande tendant à la restitution des stocks mis en dépôt auprès de la société Les Pitchounes, que " les dispositions de l'article L. 624-16 du code de commerce s'appliquent y compris pour le dépôt, qui constitue une détention précaire " et " qu'ainsi, en cas de dépôt sans transfert de propriété, le déposant doit revendiquer les meubles et objets du contrat à la procédure collective du débiteur resté en possession de ses biens " (arrêt p. 6, § 6), cependant qu'une telle demande, qui ne constituait pas une action réelle en revendication, mais une action personnelle en restitution, n'avait pas à être formée dans le délai de 3 mois courant à compter de la publication du jugement prononçant la liquidation du dépositaire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 624-9 du code de commerce ; Alors, d'autre part, et en tout état de cause, que la demande en restitution de biens meubles présentée avant la mise en liquidation de leur détenteur par le propriétaire mobilier non titulaire d'un contrat publié n'est pas soumise aux dispositions des articles L. 624-9 et L. 624-10 du code de commerce et se poursuit selon les dispositions de l'article L. 622-23 du même code ; qu'en retenant que la société Jill ne pouvait " valablement soutenir qu'elle était dispensée de l'action en revendication en raison d'une instance en cours au moment du placement en liquidation judiciaire ", aux motifs que " seul l'article L. 624-10 prévoit l'absence de nécessité d'une revendication lorsque le contrat porte sur un bien ayant fait l'objet d'une publicité avant le jugement d'ouverture " et qu'il était constant que le contrat d'affiliation n'avait " pas fait l'objet d'une publicité ", quand l'action en restitution introduite par la société Jill l'avait été avant la mise en liquidation du dépositaire et que les articles L. 624-9 et L. 624-10 ne lui étaient dès lors pas applicables, la cour d'appel les a violés par fausse application.
Il résulte de la combinaison des articles L. 624-9 et L. 622-23 du code de commerce que la demande de restitution de meubles présentée avant l'ouverture de la procédure collective de leur détenteur précaire n'est pas soumise aux dispositions du premier relatives à la revendication et se poursuit selon celles du second relatives aux instances qui ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 364 F-B Pourvoi n° G 20-22.650 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUIN 2022 La société Caisse de crédit mutuel de Blain, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-22.650 contre l'arrêt n° RG 18/06217 rendu le 20 octobre 2020 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Les Oeufs Nature, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la société Philippe Delaere, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de la société Les Oeufs Nature, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Caisse de crédit mutuel de Blain, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, Mme Vallansan, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 20 octobre 2020, RG n° 18/06217), la société Les Oeufs Nature a été mise en redressement judiciaire le 15 janvier 2014, la société Philippe Delaere étant désignée mandataire judiciaire. Le 24 février 2014, le Crédit mutuel de Blain (la banque) a déclaré des créances au titre de prêts consentis les 10 novembre 2003 et 22 avril 2010. Ces créances ont été contestées par la débitrice. 2. Par une ordonnance du 28 septembre 2015, le juge-commissaire s'est déclaré incompétent pour connaître des contestations formées par la société débitrice, relatives notamment au taux effectif global des prêts, a ordonné le sursis à statuer et invité la banque à saisir le tribunal de commerce de Saint-Nazaire dans les conditions de l'article R. 624-5 du code de commerce. La banque a assigné la société débitrice et le mandataire judiciaire devant ce tribunal qui, par un jugement du 27 juin 2018, a dit la société Les Oeufs Nature et la société Philippe Delaere, ès qualités, irrecevables et mal fondées en leurs contestations relatives à l'admission des créances du CIC, a ordonné l'admission de ces créances au passif du redressement judiciaire et a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société débitrice contre la banque. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 3. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler le jugement, de décider que la cour d'appel n'a pas le pouvoir d'examiner une demande d'admission d'une créance au passif de la procédure collective, ni les demandes indivisibles de cette prétention, alors « que l'indivisibilité entre plusieurs chefs de demandes, qui a pour conséquence, en cas d'annulation de la décision sur un chef de demande, l'annulation consécutive de la décision ayant statué sur les chefs de demandes indivisibles, suppose que les demandes en cause ne puissent faire l'objet d'un traitement ou d'une exécution séparée ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que le tribunal saisi d'une contestation portant sur la créance de la banque Crédit Mutuel à l'égard de la société Les Oeufs Nature n'avait pas le pouvoir d'ordonner, une fois la contestation tranchée, l'admission de la créance au passif de la société, ce pouvoir n'appartenant qu'au juge-commissaire ; que ce faisant, la cour d'appel a caractérisé la divisibilité entre la demande portant sur la contestation de la créance et celle sur l'admission de cette créance au passif de la société ; qu'en décidant cependant l'annulation du jugement en ce qu'il a ordonné l'admission des créances de la banque au passif de la société Les Oeufs Nature et l'annulation des chefs de dispositif sur les autres demandes, plus particulièrement celle afférente à la contestation de la créance de la banque sur la société Les Oeufs Nature, au motif que ces demandes étaient indivisibles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 562 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014, R. 624-5 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014, et l'article 562 du code de procédure civile : 4. Il résulte de ces textes que sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances déclarées et qu'après une décision d'incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l'examen de cette contestation. 5. Pour annuler l'ensemble des dispositions du jugement du tribunal désigné compétent par le juge-commissaire pour statuer sur les contestations de la société débitrice, l'arrêt, après avoir exactement énoncé que le tribunal a excédé ses pouvoirs en statuant sur l'admission des créances déclarées, de sorte que les dispositions du jugement relatives à ces admissions encourent l'annulation, retient que les demandes portant sur l'admission sont indivisibles des autres demandes présentées au tribunal. 6. En statuant ainsi, alors que les contestations de la débitrice relatives au taux effectif global des prêts sur lesquelles le juge-commissaire s'était déclaré incompétent au profit du juge du fond n'étaient pas indivisibles des demandes d'admission, mais constituaient l'objet même de la saisine du tribunal à la suite de l'ordonnance du juge-commissaire et devaient faire l'objet par le juge du fond d'un examen préalable à la décision finale du juge-commissaire sur l'admission, de sorte que les dispositions du jugement relatives à ces contestations n'encouraient aucune nullité, la cour d'appel, saisie de leur connaissance par l'effet dévolutif, qui ne pouvait refuser de statuer sur leur recevabilité et, le cas échéant, leur bien fondé, a méconnu ses pouvoirs et violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° RG 18/06217 rendu le 20 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ; Condamne la société Les Oeufs Nature aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour la société Caisse de crédit mutuel de Blain. Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir annulé le jugement du tribunal de commerce de Saint Nazaire du 27 juin 2018 et décidé que la cour n'avait pas le pouvoir d'examiner une demande d'admission d'une créance au passif de la procédure collective ouverte au profit de la société Les Oeufs Nature, ni les demandes indivisibles de cette demande, 1) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, de sorte qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, en relevant d'office le fait que les demandes tendant à ordonner l'admission d'une créance étaient indivisibles des demandes tendant au rejet des contestations du débiteur quant à l'admission des créances au passif, sans solliciter les explications des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE l'indivisibilité entre plusieurs chefs de demandes, qui a pour conséquence, en cas d'annulation de la décision sur un chef de demande, l'annulation consécutive de la décision ayant statué sur les chefs de demandes indivisibles, suppose que les demandes en cause ne puissent faire l'objet d'un traitement ou d'une exécution séparée ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que le tribunal saisi d'une contestation portant sur la créance de la banque Crédit Mutuel à l'égard de la société Les Oeufs Nature n'avait pas le pouvoir d'ordonner, une fois la contestation tranchée, l'admission de la créance au passif de la société, ce pouvoir n'appartenant qu'au juge-commissaire ; que ce faisant, la cour d'appel a caractérisé la divisibilité entre la demande portant sur la contestation de la créance et celle sur l'admission de cette créance au passif de la société ; qu'en décidant cependant l'annulation du jugement en ce qu'il a ordonné l'admission des créances de la banque Crédit Mutuel au passif de la société Les Oeufs Nature et l'annulation des chefs de dispositif sur les autres demandes, plus particulièrement celle afférente à la contestation de la créance de la banque sur la société Les Oeufs Nature, au motif que ces demandes étaient indivisibles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 562 du code de procédure civile ; 3) ALORS QUE, en tout état de cause, la cour d'appel, saisie sur recours du jugement ayant statué sur la contestation d'une créance, ayant rejeté la contestation et ayant ordonné l'admission de la créance au passif de la société, qui prononce l'annulation du jugement doit, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, statuer sur les demandes relevant de sa compétence ; qu'en l'espèce il appartenait à la cour d'appel de statuer sur la contestation élevée par la société Les Oeufs Nature à l'encontre de la créance de la banque Crédit Mutuel et, ensuite, le cas échéant, inviter les parties à saisir le juge-commissaire pour qu'il se prononce sur l'admission de la créance au passif de la société ; qu'en annulant le jugement dans toutes ses dispositions et en s'estimant incompétente pour statuer sur la contestation de la créance de la banque Crédit Mutuel, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs et violé l'article L. 624-2 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014, ensemble l'article 562 du code de procédure civile.
Lorsqu'une cour d'appel retient exactement que le tribunal, désigné compétent par le juge-commissaire pour statuer sur des contestations opposées à une déclaration de créance , a excédé ses pouvoirs en prononçant l'admission de cette créance et annule le jugement de ce chef, elle se trouve saisie, par l'effet dévolutif, de la connaissance des contestations soulevées et ne peut refuser de statuer sur la recevabilité et, le cas échéant, le bien-fondé de ces dernières, qui sont l'objet même sa saisine, à la suite de l'ordonnance du juge-commissaire et ne présentent aucune indivisibilité avec la demande d'admission, de sorte qu'elles doivent faire l'objet par le juge du fond d'un examen préalable à la décision finale du juge-commissaire sur l'admission
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Rejet M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 374 F-B Pourvoi n° M 20-18.490 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [D]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 17 juin 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUIN 2022 Mme [S] [D], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-18.490 contre le jugement rendu le 14 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Rennes, dans le litige l'opposant à la société Grenke location, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de Mme [D], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Grenke location, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal de commerce de Rennes, 14 novembre 2019), rendu en dernier ressort, le 12 avril 2017, Mme [D] a souscrit auprès de la société Leasis un contrat de location financière d'une durée de douze mois, moyennant un loyer mensuel de 202,80 euros TTC. 2. Le même jour, la société Leasis a cédé le contrat à la société Grenke location (la société Grenke). 3. A compter du mois de mai 2017, Mme [D] a cessé de payer les loyers. 4. Le 13 juillet 2017, la société Grenke l'a mise en demeure de s'acquitter des loyers impayés. 5. Mme [D] n'ayant payé que le loyer du mois de juillet 2017, la société Grenke a résilié le contrat, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 septembre 2017. 6. Le 19 avril 2018, la société Grenke a mis en demeure Mme [D] de lui payer les échéances impayées et l'indemnité de résiliation contractuelle, avant de l'assigner en paiement. 7. Mme [D] a soulevé le défaut de qualité à agir de la société Grenke, au motif que n'était pas établie l'existence d'une cession de contrat intervenue entre cette société et la société Leasis. Examen du moyen Enoncé du moyen 8. Mme [D] fait grief au jugement de rejeter sa fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Grenke et, en conséquence, de la condamner au paiement de diverses sommes au profit de cette dernière, alors « que lorsque l'accord à la cession d'un contrat à un tiers est donné par avance par le contractant cédé, la cession ne produit effet à l'égard du cédé que lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié, ou lorsqu'il en prend acte ; qu'en se bornant, pour dire que la société Grenke location, se prétendant cessionnaire du contrat de location conclu le 12 avril 2017 entre Mme [D] auprès de la société Leasis, avait qualité à agir à l'encontre de Mme [D] en paiement des sommes dues en exécution dudit contrat, à relever la société Leasis avait cédé ce contrat conformément aux conditions générales du contrat de location, sans constater que cette cession ait été notifiée à Mme [D] ou qu'elle en ait pris acte, le tribunal a violé les dispositions de l'article 1216 du code civil. » Réponse de la Cour 9. Il résulte de l'article 1216, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que lorsqu'un contractant, le cédant, cède sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, et que son cocontractant, le cédé, a donné son accord à cette cession par avance, la cession ne produit effet à l'égard du cédé que si le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu'il en prend acte. 10. Après avoir constaté que le contrat de location avait été conclu entre la société Leasis et Mme [D], le jugement relève qu'à la suite de la mise en demeure de payer les loyers impayés depuis le mois de mai 2017 que la société Grenke lui avait adressée le 13 juillet 2017, Mme [D] ne s'est acquittée que du loyer du mois de juillet 2017, laissant impayés ceux des mois de mai et juin 2017. Par ces seuls motifs, desquels il ressort que, en payant un loyer entre les mains du cessionnaire, Mme [D] avait pris acte de la cession intervenue entre les sociétés Leasis et Grenke, le tribunal en a exactement déduit que cette dernière avait qualité à agir contre Mme [D] au titre du contrat en cause. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour Mme [D]. Mme [D] fait grief au jugement attaqué de l'avoir déboutée de sa demande portant sur le défaut d'agir de la société Grenke Location, et de l'avoir en conséquence condamnée à payer différentes sommes à cette société, Alors que lorsque l'accord à la cession d'un contrat à un tiers est donné par avance par le contractant cédé, la cession ne produit effet à l'égard du cédé que lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié, ou lorsqu'il en prend acte ; qu'en se bornant, pour dire que la société Grenke Location, se prétendant cessionnaire du contrat de location conclu le 12 avril 2017 entre Mme [D] auprès de société Leasis, avait qualité à agir à l'encontre de Mme [D] en paiement des sommes dues en exécution dudit contrat, à relever la société Leasis avait cédé ce contrat conformément aux conditions générales du contrat de location, sans constater que cette cession ait été notifiée à Mme [D] ou qu'elle en ait pris acte, le tribunal a violé les dispositions de l'article 1216 du code civil.
Il résulte de l'article 1216, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que lorsqu'un contractant, le cédant, cède sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, et que son cocontractant, le cédé, a donné son accord à cette cession par avance, la cession ne produit effet à l'égard du cédé que si le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu'il en prend acte. C'est exactement qu'une cour d'appel retient qu'une société, cessionnaire d'un contrat de location, a qualité à agir contre le locataire, cocontractant cédé, dès lors que les juges d'appel ont relevé que, après avoir été mis en demeure de payer par la société cessionnaire, le locataire a payé un loyer directement entre ses mains, de tels motifs faisant ressortir que le cédé a pris acte de la cession de contrat intervenue entre son bailleur d'origine, cédant, et la société cessionnaire
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SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 juin 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 691 FS-B Pourvoi n° Q 20-22.564 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUIN 2022 M. [Z] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-22.564 contre l'arrêt rendu le 7 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la Régie autonome des transports parisiens, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [L], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 2020), M. [L], engagé en qualité d'agent de sécurité à compter du 1er août 2005 par la Régie autonome des transports parisiens (RATP), a été en arrêt de travail à compter du 14 mars 2015 à la suite d'un accident du travail. 2. Selon avis du médecin du travail du 16 mars 2016, il a été déclaré inapte à son emploi statutaire. 3. L'agent a demandé le 16 mars 2016 sa réforme médicale en application de l'article 50 du statut du personnel et après avis favorable de la commission médicale du 12 mai 2016, la RATP lui a notifié sa mise à la retraite par réforme à compter de cette date. 4. Il a saisi la juridiction prud'homale pour voir déclarer nulle la rupture de son contrat de travail par mise à la retraite par réforme médicale à titre principal et s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, et aux fins d'obtenir paiement de diverses sommes à ce titre. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. M. [L] fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes hormis celle d'annulation de la sanction disciplinaire du 18 novembre 2009, alors « que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié, agent de la RATP, se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, la rupture du contrat de travail par la réforme de l'agent ; que les dispositions de l'article 99 du statut de la RATP, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un tel reclassement, mais ne le dispensent pas d'inviter l'intéressé à formuler une telle demande ; que l'exposant avait fait valoir que le 16 mars 2016, il avait été déclaré inapte définitif à l'emploi statutaire (au poste d'agent de sécurité) par le médecin du travail et que le 30 mai 2016, la RATP lui avait notifié sa mise à la retraite par réforme à compter de cette date, sans qu'aucune recherche ni proposition de reclassement n'ait été préalablement effectuée par la RATP ; qu'en retenant pour débouter l'exposant de toutes ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail, que M. [L] a expressément demandé une réforme médicale en application de l'article 50 du statut de la SNCF, que l'employeur explique qu'il s'agit d'un mode de rupture spécifique aux agents RATP qui entraîne la liquidation d'une pension immédiate quelle que soit la durée de services accomplis par l'intéressé au moment de la cessation de ses fonctions à la régie, que l'employeur rappelle qu'en application de l'article 98 du statut « l'inaptitude à tout emploi à la Régie relève de la seule compétence de la Commission médicale et entraîne obligatoirement la réforme de l'agent concerné » et en ajoutant que « ce mode de cessation des fonctions ne relève pas d'une décision de rompre le contrat de travail suite à une impossibilité de reclassement », la cour d'appel qui a ainsi, à tort, écarté toute obligation de reclassement à la charge de la RATP, employeur préalablement à la mise à la retraite par réforme de l'agent atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi médicalement constatée a violé les articles L. 1211-1, L. 1226-10 du code du travail et 50 du chapitre IV et 97, 98 et 99 du chapitre VII du statut du personnel de la RATP prévu par l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1211-1, L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, 97, 98 et 99 du chapitre VII du statut du personnel de la RATP prévu par l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948 : 7. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, la rupture du contrat de travail. Les dispositions de l'article 99 du statut de la RATP, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé, ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un tel reclassement, mais ne le dispensent pas d'inviter l'intéressé à formuler une telle demande, lorsque le médecin du travail l'a déclaré définitivement inapte à son emploi statutaire, en application de l'article 97 du même statut, et ce avant que la commission médicale ne se prononce, en application des articles 94 et 98, sur l'inaptitude à tout emploi dans la RATP. 8. Pour débouter l'agent de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient qu'aucune des dispositions légales ou statutaires applicables ne prévoit la mention de la procédure de reclassement et des voies de recours dans la lettre de réforme, que l'agent a expressément demandé une réforme médicale en application de l'article 50 du statut de la RATP et que ce mode de cessation des fonctions ne relève pas d'une décision de rompre le contrat de travail suite à une impossibilité de reclassement. 9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'agent n'avait pas été invité à présenter une demande de reclassement avant que soit mise en oeuvre la procédure de réforme, ce dont il résultait que la décision de réforme n'avait pas été régulièrement prise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. Portée et conséquence de la cassation 10. Le second moyen ne formulant que des critiques contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de débouter M. [L] de ses demandes d'indemnité pour nullité de la rupture du contrat de travail à titre principal et licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, à titre d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, la cassation sera limitée à ces dispositions et ne peut s'étendre aux autres dispositions de l'arrêt qui ne sont pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [L] de ses demandes d'indemnité pour nullité de la rupture du contrat de travail à titre principal et licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, à titre d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, l'arrêt rendu le 7 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la Régie autonome des transports parisiens aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Régie autonome des transports parisiens et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. [L] PREMIER MOYEN DE CASSATION LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR, débouté l'exposant de toutes ses demandes hormis celle d'annulation de la sanction disciplinaire du 18 novembre 2009 ; 1°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au soutien de la reconnaissance du harcèlement moral dont il avait été victime, l'exposant avait invoqué un très grand nombre de faits et agissements dont il avait été victime et qui avaient eu pour effet d'entraîner une dégradation de ses conditions de travail, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale et de compromettre son avenir professionnel, ainsi que cela ressortait encore des nombreux éléments médicaux qu'il produisait ; qu'en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par l'exposant y compris ceux qu'elle avait retenu comme matériellement établis, ainsi que des éléments médicaux produits, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les certificats médicaux, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L 1152-1 du code du travail et L 1154-1 dudit code ; 2°) ALORS QUE la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de l'exposant tendant à voir reconnaître le harcèlement moral dont il avait été victime entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile sa censure en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de nullité de la rupture de son contrat de travail et de ses demandes subséquentes, ces chefs de dispositif de l'arrêt étant dans un lien de dépendance nécessaire ; SECOND MOYEN DE CASSATION LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR, débouté l'exposant de toutes ses demandes hormis celle d'annulation de la sanction disciplinaire du 18 novembre 2009 ; 1°) ALORS QUE lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié, agent de la RATP, se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, la rupture du contrat de travail par la réforme de l'agent; que les dispositions de l'article 99 du statut de la RATP, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un tel reclassement, mais ne le dispensent pas d'inviter l'intéressé à formuler une telle demande ; que l'exposant avait fait valoir que le 16 mars 2016, il avait été déclaré inapte définitif à l'emploi statutaire (au poste d'agent de sécurité) par le médecin du travail et que le 30 mai 2016, la RATP lui avait notifié sa mise à la retraite par réforme à compter de cette date, sans qu'aucune recherche ni proposition de reclassement n'ait été préalablement effectuée par la RATP ; qu'en retenant pour débouter l'exposant de toutes ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail, que M. [L] a expressément demandé une réforme médicale en application de l'article 50 du statut de la SNCF, que l'employeur explique qu'il s'agit d'un mode de rupture spécifique aux agents RATP qui entraîne la liquidation d'une pension immédiate quelle que soit la durée de services accomplis par l'intéressé au moment de la cessation de ses fonctions à la régie, que l'employeur rappelle qu'en application de l'article 98 du statut « l'inaptitude à tout emploi à la Régie relève de la seule compétence de la Commission médicale et entraîne obligatoirement la réforme de l'agent concerné » et en ajoutant que « ce mode de cessation des fonctions ne relève pas d'une décision de rompre le contrat de travail suite à une impossibilité de reclassement », la cour d'appel qui a ainsi, à tort, écarté toute obligation de reclassement à la charge de la RATP, employeur préalablement à la mise à la retraite par réforme de l'agent atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi médicalement constatée a violé les articles L. 1211-1, L. 1226-10 du code du travail et 50 du chapitre IV et 97, 98 et 99 du chapitre VII du statut du personnel de la RATP prévu par l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948 ; 2°) ALORS QU'en cas d'inaptitude définitive d'un agent RATP à occuper son emploi, médicalement constatée et consécutive à un accident du travail, la rupture du contrat de l'agent par sa mise à la retraite par réforme en application du statut des agents de la RATP ne peut être prononcée que dans le respect des dispositions de l'article L 1226-10 du code du travail et notamment après consultation préalable des délégués du personnel sur les propositions de reclassement ; qu'en retenant pour débouter l'exposant de toutes ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail que M. [L] a expressément demandé une réforme médicale en application de l'article 50 du statut de la SNCF, que l'employeur explique qu'il s'agit d'un mode de rupture spécifique aux agents RATP qui entraîne la liquidation d'une pension immédiate quelle que soit la durée de services accomplis par l'intéressé au moment de la cessation de ses fonctions à la régie et en ajoutant que « ce mode de cessation des fonctions ne relève pas d'une décision de rompre le contrat de travail suite à une impossibilité de reclassement et la consultation des délégués du personnel n'est pas prévue dans cette hypothèse par le statut du personnel de la RATP, acte administratif réglementaire pris en vertu d'une loi spéciale », la cour d'appel a violé les articles L. 1211-1, L. 1226-10 du code du travail et 50 du chapitre IV et 97, 98 et 99 du chapitre VII du statut du personnel de la RATP prévu par l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948 ;
Il résulte de la combinaison des articles L. 1211-1, L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, 97 à 99 du chapitre VII du statut du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) prévu par l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948 que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, la rupture du contrat de travail. Les dispositions de l'article 99 du statut de la RATP, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé, ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un tel reclassement, mais ne le dispensent pas d'inviter l'intéressé à formuler une telle demande, lorsque le médecin du travail l'a déclaré définitivement inapte à son emploi statutaire, en application de l'article 97 du même statut, et ce avant que la commission médicale ne se prononce, en application des articles 94 et 98, sur l'inaptitude à tout emploi dans la RATP
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SOC. CA3 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 juin 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 692 FS-B sur deuxième moyen Pourvoi n° V 20-22.500 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUIN 2022 La société Finder composants, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-22.500 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [M], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Finder composants, de Me Balat, avocat de Mme [M], et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Valéry, Laplume, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 octobre 2020), Mme [M] a été engagée le 25 avril 1994 en qualité d'opératrice par la société Finder. 2. Le 6 novembre 2017, la salariée a été, à la suite d'un accident du travail, déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, dont l'avis mentionnait « L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». 3. Le 30 novembre 2017, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une somme pour irrégularité tenant au défaut de consultation des délégués du personnel, alors : « 1°/ que, par application des dispositions des articles L. 1226-10 et 1226-12 du code du travail, lorsque le médecin du travail précise expressément dans l'avis d'inaptitude que l'état du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur, qui est alors dispensé légalement de toute recherche de reclassement, n'est pas tenu de consulter les représentants du personnel pour recueillir leur avis sur un reclassement qu'il n'est pas tenu d'effectuer ; qu'en affirmant que la Société Finder composants était tenue de consulter les représentants du personnel après avoir pourtant relevé que dans son avis d'inaptitude en date du 6 novembre 2017, le Médecin du travail avait conclu à l'inaptitude de la salariée en précisant expressément que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ; 2°/ qu'en affirmant, pour faire droit à la demande de la salariée au titre de l'absence de consultation des représentants du personnel, que cette obligation s'imposait même en l'absence de possibilité de reclassement, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef violé les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 6. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, et que cette proposition doit prendre en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. 7. Selon le second de ces textes, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. 8. Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel. 9. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts en raison du défaut de consultation des délégués du personnel, l'arrêt retient que, quelle que soit l'origine de l'inaptitude, l'employeur a l'obligation de solliciter l'avis du comité économique et social, anciennement délégués du personnel, en application des article L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que la consultation doit être faite même en l'absence de possibilité de reclassement et que le défaut de consultation des délégués du personnel est sanctionné à l'article L. 1226-15 du code du travail. 10. En statuant ainsi, par un motif inopérant, alors qu'elle avait constaté que l'avis du médecin du travail mentionnait que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel a violé les textes sus-visés. Et sur le troisième moyen Enoncé du moyen 11. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, alors « que l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et ne peut donner lieu au versement de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ; qu'en condamnant l'employeur à verser à la salariée, qui se prévalait d'un licenciement prononcé dans le cadre d'une inaptitude d'origine professionnelle, la somme de 5 167,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice, outre la somme de 516,78 euros au titre des congés payés afférents, la cour d'appel a violé le texte susvisé. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1226-14 du code du travail : 12. Selon ce texte, l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés. 13. La cour d'appel a alloué au salarié une somme correspondant à l'indemnité de préavis et une somme au titre des congés payés afférents. 14. En statuant ainsi, elle a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 15. La cassation prononcée sur les deuxième et troisième moyens n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Finder composants à payer à Mme [M] la somme de 10 335,60 euros pour irrégularité tenant au défaut de consultation des délégués du personnel et celle de 516,78 euros au titre des congés payés afférent à l'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne Mme [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Finder composants PREMIER MOYEN DE CASSATION La Société FINDER COMPOSANTS fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'inaptitude de Mme [Y] [M] était d'origine professionnelle et en conséquence, de l'AVOIR condamnée à lui verser les sommes de 5 167,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice, de 516,78 euros au titre des congés payés afférents, 12 201,75 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, et de 938,78 euros au titre de l'indemnité temporaire d'inaptitude qu'aurait dû percevoir Mme [M] ; 1) ALORS QUE, les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'en l'espèce, pour dire que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude de Mme [M], la cour d'appel a relevé que l'employeur ne pouvait ignorer l'origine professionnelle de l'inaptitude de sa salariée compte tenu des très fréquentes crises d'asthme sur son lieu de travail; qu'en se déterminant ainsi, après avoir pourtant constaté que suite à l'avis d'inaptitude en date du 6 novembre 2017 et juste avant l'engagement de la procédure de licenciement, le médecin du travail avait indiqué à l'employeur que l'inaptitude était d'origine non professionnelle, ce dont il résultait qu'à la date du licenciement, l'employeur n'avait pas connaissance de l'origine prétendue professionnelle de l'inaptitude, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1226-10 du code du travail ; 2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que dans ses écritures, l'employeur avait soutenu et démontré, qu'au moment du licenciement et suite à sa demande de précisions, le Médecin du travail lui avait indiqué que l'inaptitude était d'origine non professionnelle, ce dont il résultait qu'au jour du licenciement, l'employeur ignorait le caractère prétendument professionnel de l'inaptitude de Mme [M] ; qu'en se bornant à relever que l'employeur ne pouvait ignorer l'origine professionnelle de l'inaptitude au vu des très nombreuses crises d'asthme de sa salariée sur le lieu de travail, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si l'employeur avait effectivement connaissance de cette origine professionnelle au jour du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail ; 3) ALORS EN OUTRE QUE, en retenant que l'inaptitude de Mme [M] était d'origine professionnelle après avoir pourtant relevé que le médecin du travail avait confirmé que la procédure d'inaptitude ne relevait pas de sa pathologie professionnelle, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article L. 1226-10 du code du travail ; 4) ALORS AU SURPLUS QUE, en se fondant, pour dire que l'inaptitude était d'origine professionnelle, sur les déclarations des médecins traitants de Mme [M] lesquelles étaient pourtant contredites par l'avis du médecin du travail, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a derechef violé l'article L. 1226-10 du code du travail. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION La Société FINDER COMPOSANTS fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à Madame [Y] [M] la somme de 10 335,60 euros pour irrégularité tenant au défaut de consultation des délégués du personnel ; 1) ALORS QUE, par application des dispositions des articles L. 1226-10 et 1226-12 du code du travail, lorsque le médecin du travail précise expressément dans l'avis d'inaptitude que l'état du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur, qui est alors dispensé légalement de toute recherche de reclassement, n'est pas tenu de consulter les représentants du personnel pour recueillir leur avis sur un reclassement qu'il n'est pas tenu d'effectuer ; qu'en affirmant que la Société FINDER COMPOSANTS était tenu de consulter les représentants du personnel après avoir pourtant relevé que dans son avis d'inaptitude en date du 6 novembre 2017, le Médecin du travail avait conclu à l'inaptitude de Mme [M] en précisant expressément que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ; 2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en affirmant, pour faire droit à la demande de Mme [M] au titre de l'absence de consultation des représentants du personnel, que cette obligation s'imposait même en l'absence de possibilité de reclassement, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef violé les articles L. 1226-10 et 1226-12 du code du travail. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire au premier) La Société FINDER COMPOSANTS fait grief à l'arrêt de l'AVOIR condamnée à verser à Mme [Y] [M] la somme de 516,78 euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis ; ALORS QUE l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et ne peut donner lieu au versement de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ; qu'en condamnant la Société FINDER COMPOSANTS à verser à Mme [M], qui se prévalait d'un licenciement prononcé dans le cadre d'une inaptitude d'origine professionnelle, la somme de 5 167,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice, outre la somme de 516,78 euros au titre des congés payés afférents, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Selon l'article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel
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SOC. CA3 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 juin 2022 Cassation M. CATHALA, président Arrêt n° 693 FS-B Pourvoi n° M 20-20.100 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUIN 2022 La fondation Anaïs, venant aux droits de l'association Anaïs, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 20-20.100 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à Mme [Z] [K], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la fondation Anaïs, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Lacquemant, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 9 juillet 2020), Mme [K] a été engagée à compter du 6 janvier 1988 par l'association Marie Ange Mottier, soumise à la convention collective des établissements privés d'hospitalisation du 31 octobre 1951. Elle a occupé, à compter du 1er janvier 2014, un emploi d'éducatrice coordinatrice. 2. Son contrat de travail a été transféré à compter du 1er janvier 2015 à l'association Anaïs, aux droits de laquelle vient la fondation Anaïs, soumise à la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, et la salariée a été, à l'issue de la période prévue par l'article L. 2261-14 du code du travail, reclassée dans l'emploi d'animateur de première catégorie, coefficient 679. 3. Revendiquant le bénéfice du coefficient 762, la salariée a saisi la juridiction prud'homale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de rappel de salaire pour la période arrêtée au 28 février 2018, et de dire que la salariée était fondée à se voir appliquer le coefficient 762 à compter de cette date, alors « que le reclassement d'un salarié au sein d'une grille de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 est prononcé à la majoration d'ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont bénéficiait l'intéressé dans son précédent classement ; qu'en déterminant le coefficient de salaire de Mme [K] par rapport à son ancienneté depuis son engagement dans l'association Marie-Ange Mottier le 6 janvier 1988, pour en déduire un coefficient de 762, cependant que la salariée, par l'effet de la cession de la maison d'accueil spécialisée "La Forêt" et de la mise en cause de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, avait été reclassée dans la grille "animateur 1ère catégorie", de sorte que son nouveau coefficient devait être déterminé en fonction du salaire perçu jusqu'à l'application de la convention de 1966, et non en fonction de son ancienneté, la cour d'appel a violé l'article L. 2261-14 du code du travail, ensemble l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966. » Réponse de la Cour Vu la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 : 5. Aux termes de l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, l'embauchage à chacun des emplois définis en annexes à la présente convention est prononcé, en principe, sur la base du salaire de début. Quand il résultera d'une mesure d'avancement, il sera tenu compte obligatoirement de la majoration d'ancienneté acquise par le salarié, conformément aux dispositions de l'article 39 ci-après. Le classement dans le nouvel emploi sera alors prononcé à la majoration d'ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont l'intéressé bénéficiait dans son précédent emploi. En outre, lorsque cet avancement ne lui procurera pas une augmentation supérieure à celle résultant de l'avancement normal dans l'ancien emploi, l'intéressé conservera dans son nouvel échelon de majoration d'ancienneté l'ancienneté qu'il avait acquise dans l'échelon de son ancien emploi, à concurrence de la durée moyenne exigée. 6. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte. 7. Il résulte des dispositions précitées, et de l'article L. 1224-1 du code du travail, que le reclassement du salarié dont le contrat de travail a été transféré doit se faire à la majoration d'ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont l'intéressé bénéficiait dans son précédent emploi. 8. Pour dire que la salariée était fondée à se voir appliquer le coefficient 762 à compter du 28 février 2018, et condamner l'employeur à lui payer un rappel de salaire à ce titre, l'arrêt retient qu'il résulte de la grille de déroulement de carrière de la convention de 1966, qui reçoit application à partir de 2016, qu'au bout de 28 ans d'ancienneté, le coefficient est de 762. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte sus-visé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 09 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ; Condamne Mme [K] aux dépens ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la fondation Anaïs La fondation ANAIS fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [K] la somme de 6 878,38 euros à titre de rappel de salaire pour la période arrêtée au 28 février 2018 et dit que Mme [K] était fondée à se voir appliquer le coefficient 762 à compter de cette date ; 1° ALORS QUE le reclassement d'un salarié au sein d'une grille de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 est prononcé à la majoration d'ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont bénéficiait l'intéressé dans son précédent classement ; qu'en déterminant le coefficient de salaire de Mme [K] par rapport à son ancienneté depuis son engagement dans l'association Marie-Ange Mottier le 6 janvier 1988, pour en déduire un coefficient de 762, cependant que la salariée, par l'effet de la cession de la maison d'accueil spécialisée « La Forêt » et de la mise en cause de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, avait été reclassée dans la grille « animateur 1ère catégorie », de sorte que son nouveau coefficient devait être déterminé en fonction du salaire perçu jusqu'à l'application de la convention de 1966, et non en fonction de son ancienneté, la cour d'appel a violé l'article L. 2261-14 du code du travail, ensemble l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 ; 2° ALORS QUE, subsidiairement, en tant que promotion professionnelle, les personnels éducatifs en fonction qui obtiennent un titre de qualification d'emploi conventionnel sont reclassés, à compter de cette obtention, dans leur nouvel emploi conventionnel à un échelon de « majoration pour ancienneté » donnant salaire égal ou à défaut immédiatement supérieur à celui perçu dans leur emploi conventionnel précédent ; qu'en déterminant le coefficient de salaire de Mme [K] par rapport à son ancienneté depuis son engagement dans l'association Marie-Ange Mottier le 6 janvier 1988, pour en déduire un coefficient de 762, quand la salariée avait obtenu le diplôme d'éducateur spécialisé le 30 novembre 2017, et avait été reclassée dans la grille « éducateur spécialisé » de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 à compter de cette date, de sorte que son nouveau coefficient devait être déterminé en fonction du salaire perçu dans l'emploi conventionnel précédent, et non en fonction de son ancienneté, la cour d'appel a violé l'article L. 2261-14 du code du travail, ensemble l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 et l'article 8 de l'annexe 3 de cette convention collective.
Il résulte de l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 et de l'article L. 1224-1 du code du travail que le reclassement du salarié dont le contrat de travail a été transféré doit se faire à la majoration d'ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont l'intéressé bénéficiait dans son précédent emploi
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N° N 21-82.780 FS-B N° 00607 SL2 9 JUIN 2022 CASSATION Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUIN 2022 M. [X] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 4 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 13 avril 2021, qui a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge d'instruction ayant ordonné une saisie pénale en exécution d'une demande d'entraide émanant des autorités de la Fédération de Russie. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [X] [Z], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 avril 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme Planchon, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mmes Pichon, Fouquet, Chafaï, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre d'une procédure pénale diligentée à l'encontre de M. [X] [Z] et Mme [M] [E] [O] des chefs d'abus de confiance, escroquerie et blanchiment, les autorités de la Fédération de Russie ont adressé à l'autorité judiciaire française une demande d'entraide judiciaire internationale en date du 7 décembre 2017, suivie d'une demande complémentaire du 16 janvier 2018, aux fins de saisie des biens des personnes mises en cause situés sur le territoire français. 3. Par ordonnance du 20 décembre 2018, le juge d'instruction a ordonné, sur le fondement notamment des articles 706-141-1 et 706-150 du code de procédure pénale, la saisie en valeur d'un immeuble appartenant à la société civile immobilière (SCI) [1] deux, dont les titulaires de parts sont M. [N] [F] et la société de droit luxembourgeois Mandrinvest Finance, ayant M. [Z] pour bénéficiaire économique. 4. M. [Z], notamment, a interjeté appel de la décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel interjeté par M. [Z] à l'encontre de l'ordonnance du juge d'instruction prescrivant la saisie d'un bien immobilier appartenant à la SCI [1] deux en exécution de deux demandes d'entraide pénale internationale émises par les autorités judiciaires russes, alors : « 1°/ que l'ordonnance de saisie immobilière est notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision ; qu'en déclarant irrecevable pour défaut de qualité à agir l'appel formé par M. [Z] à l'encontre de la décision du juge d'instruction ayant ordonné, en exécution de deux demandes d'entraide pénale internationale, la saisie en valeur d'une villa appartenant à la SCI [1] deux, lorsque M. [Z] avait reçu notification de cette décision qui retenait qu'il avait la libre disposition du bien saisi, la chambre de l'instruction a violé l'article 706-150 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en tout état de cause, le droit au recours effectif implique que la personne mise en examen dans le cadre de la procédure pénale étrangère à l'occasion de laquelle une demande d'entraide pénale internationale a été délivrée aux autorités judiciaires françaises en vue de la saisie de biens qui paraissent être le produit de l'infraction reprochée ou qui en représentent la valeur puisse exercer un recours à l'encontre de l'ordonnance de saisie immobilière prise en exécution de cette demande d'entraide, quand bien même elle ne disposerait d'aucun droit sur le bien saisi, afin de faire contrôler, par la chambre de l'instruction, la régularité de la mise à exécution de cette demande d'entraide au regard des règles conventionnelles applicables et des dispositions des articles 694-10 à 694-13, 713-37 et 706-150 du code de procédure pénale, et de faire ainsi vérifier que la demande d'entraide ne se heurte à aucun motif de refus d'exécution destinés à protéger ses droits et libertés ; que, dès lors, en déclarant irrecevable l'appel de M. [Z] pour défaut de qualité à agir, lorsque celui-ci faisait valoir que les demandes d'entraide pénale émises par les autorités russes devait être rejetées en application des articles 694-11 et 713-37 du code de procédure pénale en ce que la décision étrangère de saisie fondant ces demandes avait été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense et que les poursuites pénales exercées à son encontre revêtaient un caractère politique, la chambre de l'instruction a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 694-3, 694-4, 694-10 à 694-13, 706-150, 713-37 du code de procédure pénale, 2, 3 de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, 5, 12, 18 et 22 de la Convention européenne relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime du 8 novembre 1990. » Réponse de la Cour Vu les articles 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 694-10, 694-11, 694-12 et 706-150 du code de procédure pénale : 6. Il résulte des deuxième et quatrième de ces textes que l'exécution sur le territoire français des demandes d'entraide émanant des autorités étrangères, tendant à la saisie, en vue de leur confiscation ultérieure, des biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, ayant servi ou qui étaient destinés à commettre l'infraction ou qui paraissent être le produit direct ou indirect de l'infraction ainsi que de tout bien dont la valeur correspond au produit de cette infraction, est ordonnée selon les modalités du code de procédure pénale par le juge d'instruction sur requête ou après avis du procureur de la République. 7. Selon le troisième, la demande d'entraide présentée par les autorités étrangères est rejetée si l'un des motifs de refus mentionnés à l'article 713-37 du code de procédure pénale apparaît d'ores et déjà constitué. 8. Certains des motifs précités concernent la personne visée par la demande d'entraide judiciaire internationale. 9. Il s'en déduit que, lorsque l'exécution de la demande d'entraide est ordonnée par le juge d'instruction selon les modalités des articles 706-141 à 706-158 du code de procédure pénale, la personne à l'encontre de laquelle la demande a été émise est recevable à interjeter appel de l'ordonnance de saisie spéciale et par voie de conséquence contester la régularité de l'exécution de la demande d'entraide au regard des formes prévues par la loi nationale. 10. Pour déclarer irrecevable l'appel de M. [Z], l'arrêt retient que les associés et titulaires de parts d'une société civile immobilière, seule propriétaire du bien saisi, ne sont pas des tiers ayant des droits sur ce bien au sens de l'article 706-150 du code de procédure pénale et n'ont pas qualité pour exercer un recours contre l'ordonnance de saisie immobilière. 11. Les juges en déduisent que, dans ces conditions, M. [Z], qui au demeurant n'apparaît pas comme associé de la SCI [1] deux et ne dispose que de la jouissance du bien, ne justifie pas à la date de l'appel d'un droit quelconque, au sens de l'article 706-150 du code de procédure pénale, sur le bien objet de la saisie immobilière précitée, en sorte que, faute de qualité pour agir, son appel est irrecevable. 12. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la demande d'entraide judiciaire avait été émise par les autorités de la Fédération de Russie notamment à l'encontre de M. [Z], la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 13. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 13 avril 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf juin deux mille vingt-deux.
Lorsque l'exécution d'une demande d'entraide aux fins de saisie des produits d'une infraction en vue de leur confiscation ultérieure est ordonnée par le juge d'instruction selon les modalités des articles 706-141 à 706-158 du code de procédure pénale, la personne à l'encontre de laquelle la demande a été émise est recevable à interjeter appel de l'ordonnance de saisie spéciale et par voie de conséquence contester la régularité de l'exécution de la demande d'entraide au regard des formes prévues par la loi nationale. Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui, alors qu'elle avait relevé que la demande d'entraide avait été émise à l'encontre de l'appelant, déclare irrecevable son appel de l'ordonnance de saisie immobilière rendue par le juge d'instruction
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N° D 21-86.360 FS-B N° 00608 SL2 9 JUIN 2022 CASSATION Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUIN 2022 M. [B] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 6 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 21 octobre 2021, qui, dans la procédure suivie, notamment, contre lui du chef de blanchiment, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant ordonné une saisie pénale. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [B] [V], et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 avril 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Planchon, conseiller rapporteur, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, M. Ascensi, Mmes Fouquet, Chafaï, conseillers référendaires, Mme Zientara-Logeay, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Une enquête a été diligentée en France du chef de blanchiment de fonds issus de la corruption et de détournement de fonds public commis au Yémen, à l'encontre, notamment, du fils de l'ancien président de ce pays, M. [B] [S] [H] [V], dit [B] [V], et les investigations ont révélé qu'il était titulaire d'un compte bancaire français ouvert sous ce nom auprès de l'établissement [2] alimenté par un compte yéménite, grâce auquel il a acquis plusieurs biens immobiliers, notamment en France, via des sociétés titulaires de comptes bancaires dans le même établissement alimentés par des transferts de fonds en provenance du compte français du demandeur. 3. Parmi ces biens figurent deux appartements et leurs dépendances situés [Adresse 1], acquis les 30 juin 1982, 3 février 1984 et 29 juillet 2010 pour une somme de 6 500 000 euros et dont est propriétaire la société [3], dont M. [V] est gérant et associé unique. 4. Le 9 juillet 2020, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie de cet ensemble de biens par une ordonnance à l'encontre de laquelle le demandeur a interjeté appel. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré l'appel de M. [V] irrecevable pour défaut de qualité à agir, alors : « 1°/ que l'ordonnance de saisie immobilière est notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision ; qu'en déclarant irrecevable pour défaut de qualité à agir l'appel formé par M. [V] à l'encontre de la décision du juge des libertés et de la détention ayant ordonné la saisie de biens immobiliers appartenant à la société [3], lorsque M. [V] avait reçu notification de cette décision qui retenait qu'il avait la libre disposition des biens saisis, la chambre de l'instruction a violé l'article 706-150 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'ordonnance de saisie avait elle-même retenu que M. [V], gérant et associé de la société [3], avait la libre disposition des biens immobiliers saisis et avait (prétendument) utilisé la personnalité morale de cette société comme un écran afin d'acquérir en réalité lui-même ces biens au moyen de fonds provenant intégralement de ses comptes bancaires personnels ; qu'il s'en déduisait que M. [V] était un tiers ayant des droits sur les biens saisis et, partant, avait qualité à faire appel contre l'ordonnance de saisie devant la chambre de l'instruction ; qu'en jugeant le contraire, la chambre de l'instruction a violé l'article 706-150 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche 6. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par le demandeur à l'encontre de l'ordonnance de saisie, l'arrêt attaqué relève, notamment, que si la notification d'une décision de saisie pénale immobilière à une personne fait courir les délais d'appel à son encontre, elle n'a pas, à elle seule, pour effet de lui conférer qualité pour agir en appel. 7. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 8. Le grief ne peut donc qu'être écarté. Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche Vu les articles 131-21 du code pénal et 706-150 du code de procédure pénale : 9. Selon le second de ces textes, la décision de saisie immobilière rendue par le juge d'instruction est notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision. 10. La Cour de cassation juge que les associés et titulaires de parts d'une société civile immobilière, seule propriétaire de l'immeuble saisi, ne sont pas des tiers ayant des droits sur ce bien au sens de l'article 706-150 du code de procédure pénale et n'ont donc pas qualité pour exercer un recours contre l'ordonnance de saisie ni pour se pourvoir en cassation (Crim., 3 mai 2018, pourvoi n° 16-87.534, Bull. crim. 2018, n° 82). 11. Cette jurisprudence s'étend a fortiori au bénéficiaire économique de la société porteuse de parts d'une telle société civile immobilière. 12. La question se pose cependant de savoir si l'appel est irrecevable, y compris lorsque la saisie est fondée sur la circonstance que le bien est à la libre disposition de l'appelant. 13. En matière de confiscation, la Cour de cassation a retenu que le propriétaire économique réel de l'immeuble confisqué sous la fausse apparence de la propriété d'un tiers en a la libre disposition (Crim., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-86.979). 14. Il s'en déduit que lorsque l'ordonnance de saisie est fondée sur la circonstance que le bien concerné est à la libre disposition de la personne mise en cause ou mise en examen, cette dernière, qui peut être assimilée au propriétaire du bien saisi ou à un tiers ayant des droits sur ce bien, est recevable à interjeter appel de l'ordonnance de saisie. 15. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. [V] à l'encontre de la décision du juge des libertés et de la détention ordonnant la saisie pénale de biens immobiliers, l'arrêt attaqué relève qu'il découle des dispositions du deuxième alinéa de l'article 706-150 du code de procédure pénale que seuls le titulaire du bien saisi et les tiers ayant des droits sur ce bien ont la faculté d'interjeter appel contre une ordonnance de saisie pénale immobilière et qu'il est constant qu'en l'espèce M. [V] n'est pas propriétaire des biens objet de la saisie qui appartiennent à la société [3] 16. Les juges ajoutent qu'il ressort de la déclaration d'appel que M. [V] a interjeté appel en son nom personnel et non en qualité de représentant légal de la société propriétaire des biens qui font l'objet de la saisie, que ni le gérant de la société agissant en son nom personnel, ni un associé de la personne morale agissant en son nom personnel n'a qualité pour agir au sens des dispositions susvisées, sauf à justifier par ailleurs être « tiers ayant des droits sur ce bien » au sens de ce texte, et que si les indivisaires, les titulaires de démembrements du droit de propriété ou encore les créanciers titulaires de sûretés réelles ayant le bien saisi pour assiette, sont des tiers ayant des droits sur le bien au sens des dispositions de l'article 706-150, alinéa 2, du code de procédure pénale, il n'est ni justifié ni même prétendu que M. [V] peut se prévaloir de l'une au moins de ces qualités. 17. Ils énoncent que la circonstance que la motivation du juge des libertés et de la détention, suivant en cela le raisonnement du procureur de la République financier, aurait retenu que M. [V] a la libre disposition des biens considérés au sens des dispositions de l'article 131-21 du code pénal, et de manière plus générale semblerait considérer que la personne morale propriétaire des biens objet de la saisie pénale n'est qu'un écran, ne saurait conduire à conférer au demandeur la qualité de « tiers ayant des droits sur le bien » au sens des dispositions de l'article 706-150, alinéa 2, susvisé. 18. En prononçant ainsi alors qu'il résulte des motifs de l'ordonnance de saisie attaquée qu'elle est fondée sur la circonstance que le demandeur a la libre disposition des biens saisis, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 19. La cassation est encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 21 octobre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf juin deux mille vingt-deux.
Lorsque l'ordonnance de saisie est fondée sur la circonstance que le bien concerné est à la libre disposition de la personne mise en cause ou mise en examen, cette dernière, qui peut être assimilée au propriétaire du bien saisi ou à un tiers ayant des droits sur ce bien, est recevable à interjeter appel de l'ordonnance de saisie. Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui déclare irrecevable l'appel formé contre une ordonnance de saisie par une personne mise en cause dont il est établi par les motifs de l'ordonnance attaquée qu'elle a la libre disposition du bien saisi
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N° Y 21-80.237 FS-B N° 00610 SL2 9 JUIN 2022 REJET Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUIN 2022 Mme [C] [U] [R] et MM. [Y] [L] [I] et [D] [S] [I] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 2020, qui, a condamné la première, pour tentative de transfert de capitaux sans déclaration, blanchiment aggravé et association de malfaiteurs, le deuxième et le troisième, pour transfert de capitaux sans déclaration, blanchiment aggravé et association de malfaiteurs, à quatre ans d'emprisonnement, une amende douanière et a ordonné une mesure de confiscation. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire, commun aux demandeurs, et un mémoire en défense ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [C] [U] [R], MM. [D] [S] [I] et [Y] [L] [I], les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction interrégionale des douanes et droits indirects d'Aquitaine et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 avril 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme Planchon, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, M. Ascensi, Mme Chafaï, conseillers référendaires, Mme Zientara-Logeay, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Les liens identifiés entre différentes procédures diligentées à la suite de contrôles douaniers ayant permis la découverte d'importantes sommes transportées en espèces dans des caches aménagées à l'intérieur de véhicules automobiles, ont conduit à l'ouverture d'une information judiciaire portant notamment sur les activités de MM. [Y] [L] [I] et [D] [S] [I] et de Mme [C] [U] [R], soupçonnés d'appartenir à un réseau organisé de transports illicites de fonds. 3. A l'issue, ils ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir notamment participé à une association de malfaiteurs en vue de la préparation du délit de blanchiment aggravé et à des opérations de blanchiment en bande organisée. 4. Par un jugement rendu le 24 octobre 2019, le tribunal, après avoir requalifié les faits de blanchiment aggravé en blanchiment présumé en bande organisée, a condamné les trois prévenus pour les faits qui leur étaient reprochés. 5. Les trois prévenus et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens 6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la déclaration de culpabilité de Mme [R], de MM. [D] [S] [I] et [Y] [L] [I] des chefs d'association de malfaiteurs et de blanchiment présumé commis en bande organisée, alors « que l'action unique reprochée à un prévenu ne peut donner lieu à une double déclaration de culpabilité ; qu'en effet, les règles relatives au concours idéal impose l'unicité de qualification ; qu'en confirmant la déclaration de culpabilité de Mme [R], de MM. [D] [S] [I] et de M. [Y] [L] [I] des chefs d'association de malfaiteurs et de blanchiment présumé commis en bande organisée tandis que ces deux infractions procédaient d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable et que la première avait pour unique objet de préparer la seconde, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du Protocole n° 7 annexé à cette Convention,132-71, 450-1, 324-1, 324-2 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale et le principe ne bis idem. » Réponse de la Cour 8. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le principe ne bis in idem interdit le cumul du délit d'association de malfaiteurs et d'une infraction aggravée par la circonstance qu'elle a été commise en bande organisée lorsque les mêmes faits ou des faits indissociables ont été retenus pour caractériser l'association de malfaiteurs et la bande organisée (Crim., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-82.800, Bull. crim. 2019, n° 89 ; Crim., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-81.151, Bull. crim. 2018, n° 94). 9. Elle considère cependant que le principe ne bis in idem n'est pas méconnu lorsqu'est retenue au titre de l'association de malfaiteurs la préparation d'infractions distinctes de celles poursuivies en bande organisée (Crim., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-82.885, Bull. crim. 2019, n° 90), y compris lorsque les faits retenus pour caractériser l'association de malfaiteurs et la bande organisée sont identiques (Crim., 22 avril 2020, pourvoi n° 19-84.464, publié au Bulletin). 10. La Cour de cassation, infléchissant son interprétation antérieure, a jugé qu'un ou des faits identiques ne peuvent donner lieu à plusieurs déclarations de culpabilité concomitantes contre une même personne, outre le cas où la caractérisation des éléments constitutifs d'une infraction exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs d'une autre, lorsque l'on se trouve dans l'une des deux hypothèses suivantes : dans la première, l'une des qualifications, telle qu'elle résulte des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, qui seule doit alors être retenue ; dans la seconde, l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi n° 21-81.864, publié au Bulletin). 11. L'interdiction du cumul de qualifications implique ainsi désormais que soient remplies deux conditions cumulatives, l'une tenant à l'identité des faits matériels caractérisant les infractions en concours, l'autre à leur définition légale. Le cumul est autorisé lorsqu'une seule de ces conditions n'est pas remplie. 12. Dès lors, se pose la question de savoir si ledit infléchissement de jurisprudence est de nature à modifier les solutions décrites aux paragraphes 8 et 9. 13. Aux termes de l'article 450-1 du code pénal, le délit d'association de malfaiteurs réprime la participation à un groupement ou à une entente établie en vue de la commission de crimes ou de délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. 14. Il résulte de l'article 132-71 du code pénal, tel qu'interprété par la jurisprudence, que la bande organisée, caractérisée par l'existence d'un groupement ou d'une entente établie en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels d'une ou plusieurs infractions, suppose la préméditation des infractions et, à la différence de l'association de malfaiteurs, une organisation structurée entre ses membres (Crim., 8 juillet 2015, pourvoi n° 14-88.329, Bull. crim. 2015, n° 172). 15. La Cour de cassation juge que la bande organisée est une circonstance aggravante réelle, qui a trait aux conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ou préparée et n'implique pas que l'auteur de l'infraction aggravée y ait lui-même participé (Crim., 15 septembre 2004, pourvoi n° 04-84.143, Bull. crim. 2004, n° 213). 16. Il s'en déduit qu'au regard des textes d'incriminations le délit d'association de malfaiteurs, qui implique un acte de participation à un groupement établi en vue de la commission d'infractions, ne correspond pas à la circonstance de bande organisée, qui aggrave l'infraction dès lors qu'elle a été commise ou préparée par un groupement structuré, sans exiger que son auteur y ait participé. 17. Par ailleurs, les éléments constitutifs du délit d'association de malfaiteurs et de l'infraction consommée poursuivie en bande organisée ne sont pas susceptibles d'être incompatibles et aucune de ces qualifications n'incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction. 18. En conséquence, l'infléchissement de la jurisprudence relative à l'interprétation du principe ne bis in idem en cas de poursuites concomitantes doit conduire à considérer que ce principe ne s'oppose pas à ce qu'une même personne soit déclarée concomitamment coupable des chefs d'association de malfaiteurs et d'une infraction commise en bande organisée, y compris lorsque des faits identiques sont retenus pour caractériser l'association de malfaiteurs et la bande organisée et peu important que l'association de malfaiteurs ait visé la préparation de la seule infraction poursuivie en bande organisée. 19. En l'espèce, les demandeurs ne sauraient donc se faire un grief de ce que les juges les ont déclarés coupables concomitamment des chefs d'association de malfaiteurs et de blanchiment aggravé par la circonstance de bande organisée. 20. Ainsi, le moyen doit être écarté. 21. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf juin deux mille vingt-deux.
Au regard des textes d'incriminations, le délit d'association de malfaiteurs, qui implique un acte de participation à un groupement établi en vue de la commission d'infractions, ne correspond pas à la circonstance de bande organisée, qui aggrave l'infraction dès lors qu'elle a été commise ou préparée par un groupement structuré, sans exiger que son auteur y ait participé. Par ailleurs, les éléments constitutifs du délit d'association de malfaiteurs, et de l'infraction consommée poursuivie en bande organisée ne sont pas susceptibles d'être incompatibles et aucune de ces qualifications n'incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction. Ne méconnaît pas le principe ne bis in idem la cour d'appel qui déclare le prévenu coupable des délits de participation à une association de malfaiteurs et de blanchiment en bande organisée, y compris lorsque les faits retenus pour établir l'association de malfaiteurs sont identiques à ceux caractérisant la bande organisée
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N° B 21-84.748 F-B N° 00718 MAS2 9 JUIN 2022 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 JUIN 2022 M. [N] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 25 janvier 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 25 septembre 2019, n° 18-80.817), pour infractions à la législation sur les armes, importation de marchandises prohibées, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire, trois ans d'interdiction professionnelle, et a ordonné une mesure de confiscation. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [N] [Y], les observations de la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la l'administration des douanes et des droits indirects, et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement en date du 11 juillet 2016, le tribunal correctionnel a déclaré M. [N] [Y] coupable d'infractions à la législation sur les armes ainsi que des délits douaniers de détention et transport de marchandises dangereuses pour la sécurité publique, faits réputés importation ou contrebande de marchandises prohibées, et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, 50 000 euros d'amende, a ordonné la confiscation des armes, a prononcé une interdiction professionnelle ainsi qu'une amende douanière de 20 000 euros. 3. L'administration des douanes et des droits indirects, M. [Y] et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision. 4. Le 19 décembre 2017, la cour d'appel a confirmé le jugement, sauf en ce qui concerne l'amende de droit commun qui a été supprimée et l'amende douanière qui a été portée à 1 506 000 euros. 5. Sur pourvoi de M. [Y], par arrêt en date du 25 septembre 2019, la Cour de cassation a cassé cette décision, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues et l'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel de Nancy autrement composée. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation, en ce qu'il a énoncé que les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 19 décembre 2017 relatives à l'amende douanière étaient définitives, alors : « 1°/ que lorsque la chambre criminelle casse un arrêt sans réserve en ce qui concerne les peines, la cour de renvoi doit statuer en considération de l'ensemble des peines prononcées, quelle qu'ait été la portée du moyen qui a servi de base à la cassation ; qu'en l'espèce où la chambre criminelle a cassé sans réserve les dispositions relatives aux peines de la décision qui avait condamné M. [Y] à trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, à cinq ans d'interdiction de vendre des armes de catégorie A, B, C et D et à une amende douanière, la cour de renvoi, en retenant, pour dire que les dispositions de cette décision relatives à l'amende douanière étaient définitives, que la Cour de cassation avait refusé d'admettre les griefs contenus dans les troisième, quatrième et cinquième branches du moyen qui portaient exclusivement sur l'amende douanière, a méconnu les articles 609, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que lorsqu'une décision ayant condamné le prévenu à plusieurs peines, dont une amende douanière, est cassée sans réserve en ce qui concerne les peines, la cour de renvoi doit statuer sur l'ensemble des peines prononcées, y compris sur l'amende douanière quand bien même cette amende serait-elle soumise aux dispositions spécifiques de l'article 369 du code des douanes ; qu'en se fondant encore, pour dire que les dispositions de la décision cassée relatives à l'amende douanière étaient définitives, sur la circonstance, inopérante, selon laquelle cette amende avait été prononcée en application de l'article 369 du code douanes et échappait en conséquence aux prescriptions des articles 132-1 à 132-20 du code pénal relatives à l'individualisation des peines correctionnelles, elle a de nouveau méconnu les articles, 132-1 à 132-20 du code pénal, 369 du code des douanes, 609, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. Pour dire que les dispositions de l'arrêt du 19 décembre 2017 relatives à l'amende douanière sont définitives, l'arrêt attaqué relève que la Cour de cassation, qui a refusé d'admettre les griefs portant exclusivement sur l'amende douanière présentés par M. [Y], a accueilli les moyens exposés dans les première, deuxième et septième branches visant expressément les articles 132-1 et 132-19 du code pénal. 8. Les juges ajoutent que l'amende douanière contestée par le prévenu a été prononcée en application de l'article 369 du code des douanes et échappe aux prescriptions des articles 132-1 à 132-20 relatives à l'individualisation des peines correctionnelles. 9. Ils en déduisent que la sanction douanière prononcée par la cour d'appel le 19 décembre 2017 est définitive et ne peut être remise en cause. 10. C'est à tort que les juges se sont fondés sur la portée du moyen ayant servi de base à la cassation pour considérer que celle-ci ne devait pas s'étendre aux dispositions relatives à l'amende douanière. 11. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que les sanctions pénales et douanières prononcées ne formant pas un tout indivisible, la cassation des dispositions relatives aux peines, même sans réserve, ne s'étend pas à l'amende douanière. 12. Ainsi, le moyen doit être écarté. 13. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf juin deux mille vingt-deux.
Les sanctions pénales et douanières ne formant pas un tout indivisible, la cassation des dispositions relatives aux peines, même sans réserve, ne s'étend pas à l'amende douanière. N'encourt pas la censure, l'arrêt qui, statuant sur renvoi après cassation, bien que s'étant fondé à tort sur la portée du moyen ayant servi de base à la cassation des dispositions relatives aux peines pour considérer que celle-ci ne devait pas s'étendre aux dispositions relatives à l'amende douanière, a considéré que ces dernières étaient définitives
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WCIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 588 FS-B Pourvoi n° Q 20-16.239 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 M. [L] [X], domicilié [Adresse 10], [Localité 4], a formé le pourvoi n° Q 20-16.239 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2020 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 4], dont le siège est [Adresse 8], [Localité 4], représenté par son syndic la société IGC, sis [Adresse 9], [Localité 4], 2°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4], dont le siège est [Adresse 5], [Localité 4], représenté par son syndic M. [Z] [H], domicilié [Adresse 3], [Localité 4], 3°/ à la société Allianz, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 4°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 6] (adresse postale [Adresse 11], [Localité 4]), anciennement dénommée RSI de Franche-Comté, 5°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, prise en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 4], 6°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, prise en qualité d'assureur de la société Kiloutou, toutes deux ayant leur siège [Adresse 7], 7°/ à la société Kiloutou, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [X], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4] et de la société Allianz, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, prise en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 4], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, prise en qualité d'assureur de la société Kiloutou et de la société Kiloutou, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, M. Delbano, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général referendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 10 mars 2020), mandaté par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] à [Localité 4] pour effectuer certains travaux, M. [X], gérant de la Sarl TP Est, a été blessé à la suite d'une chute survenue depuis une nacelle, prise en location auprès de la société Most Location devenue MBBC, qui s'est déséquilibrée au moment de son intervention sur le parking d'un membre de la copropriété du [Adresse 8] à [Localité 4]. 2. M. [X] a assigné devant un tribunal de grande instance les deux syndicats des copropriétaires et la société Allianz, assureur du syndicat de la copropriété du [Adresse 5], aux fins de les condamner, sur le fondement de leur responsabilité civile, à réparer les préjudices subis. La société Axa IARD, assureur du second syndicat des copropriétaires, est intervenue volontairement à l'instance. 3. Par jugement du 16 juillet 2019, le tribunal a notamment dit que la demande de M. [X] est recevable et fondée, mais sur les articles 1 et suivants de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, mis hors de cause les sociétés d'assurance, Axa France IARD et Allianz, fixé l'assiette des préjudices, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et ordonné la réouverture des débats en invitant M. [X] à justifier de tous éléments sur l'indemnisation éventuellement perçue par l'assureur de la nacelle ou des actions entreprises à son encontre. 4. Par déclaration du 28 août 2019, M. [X] a formé un appel puis, par acte du 22 octobre 2019, a assigné en intervention forcée la société Kiloutou, venant aux droits de la société MBBC, et son assureur, la société Axa France IARD. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 6. M. [X] fait grief à l'arrêt de le dire irrecevable en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige et les modalités de fixation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux et, en conséquence, de confirmer le jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon, en ce qu'il a mis hors de cause la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur de responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 8] à [Localité 4] et mis hors de cause la société Allianz en sa qualité d'assureur de responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 5] à [Localité 4], alors « que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, l'acte d'appel limité de M. [X] a critiqué le dispositif du jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés Axa France et Allianz en leurs qualités respectives d'assureurs des syndicats de copropriétaires des [Adresse 8] et [Adresse 5], à [Localité 4] ; que cette critique, comme l'a soutenu M. [X], impliquait nécessairement celle du chef de dispositif du jugement qui a dit sa demande recevable exclusivement sur le fondement des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; qu'en effet, la mise hors de cause des assureurs n'a résulté que du choix de ce fondement, la garantie qu'ils apportaient aux syndicats ayant pour objet de couvrir, non des sinistres résultant d'un accident de la circulation, mais des accidents résultant de la « responsabilité civile immeuble et propriétaires d'immeuble » ; qu'en jugeant dès lors que la demande de M. [X] tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige était irrecevable, au seul motif que le chef du dispositif du jugement ayant retenu l'application de la loi du 5 juillet 1985 n'était pas visé par son acte d'appel, sans rechercher, comme elle y était invitée, et comme la loi le lui imposait, s'il n'existait pas un lien de « dépendance » nécessaire entre le chef du jugement portant sur la mise hors de cause des assureurs, dont il était fait appel, et le chef du jugement ayant décidé que l'indemnisation de M. [X] reposait sur la seule loi susvisée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 562 alinéa 1 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 562, alinéa 1er du code de procédure civile : 7. Selon ce texte, l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués. 8. Pour dire irrecevable M. [X] en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige, l'arrêt constate qu'il a expressément limité son appel à la mise hors de cause des sociétés Allianz et Axa France IARD en qualité d'assureurs des syndicats des copropriétaires. 9. L'arrêt relève que M. [X] invoque à son bénéfice l'alinéa 1er de l'article 562 et prétend qu'en critiquant la seule mise hors de cause des assureurs, il a nécessairement critiqué l'application de la loi du 5 juillet 1985. 10. Il retient que cet argument est inopérant puisque l'appelant s'est abstenu de critiquer la disposition du jugement déféré disant que la demande de M. [X] est recevable et fondée mais sur les articles 1 et suivant de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. 11. En se déterminant ainsi, sans rechercher s'il existait un lien de dépendance entre les chefs de jugement portant sur la mise hors de cause des assureurs et le chef de jugement ayant tranché le régime de responsabilité applicable, la cour d'appel qui, au surplus, ne pourrait que constater l'absence d'effet dévolutif sur ce point, n'a pas donné de base légale à sa décision. Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 12. M. [X] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes formées à l'encontre de la société Kiloutou et de la société Axa France IARD, intervenante forcée, prise « en sa qualité présumée » d'assureur de la société Kiloutou, alors « que les juges du fond doivent inviter les parties à présenter leurs observations dès lors qu'ils relèvent d'office un moyen, quel qu'il soit ; qu'en l'espèce, la cour, après avoir constaté qu'aucun transfert de garde de l'engin loué n'était intervenu en sa faveur et qu'il n'avait commis aucune faute inexcusable dans son usage, a néanmoins débouté M. [X] de ses demandes d'indemnisation dirigées contre la société Kiloutou et son assureur, la société Axa France, au motif qu'il ne versait pas aux débats de contrat de location avec la société Kiloutou, qu'il n'établissait pas qu'elle fût venue aux droits du loueur d'origine, et qu'il ne démontrait pas que la société Axa France fût l'assureur de l'engin ; qu'en fondant sa décision sur un tel moyen qu'aucune des parties n'avait invoqué, pas même d'ailleurs la société Kiloutou dans ses écritures jugées irrecevables, sans les inviter préalablement à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 16, alinéa 3, du code de procédure civile : 13. Il résulte de ce texte que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations. 14. Pour débouter M. [X] de ses demandes, l'arrêt retient qu'il ne verse pas aux débats de contrat de location avec la société Kiloutou, qu'il n'établit pas qu'elle soit venue aux droits du loueur d'origine, et qu'il ne démontre pas que la société Axa France IARD soit l'assureur de l'engin. 15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fondé sa décision sur un moyen relevé d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, a violé le texte susvisé. Mise hors de cause 16. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur du syndicat de copropriété du [Adresse 8] à [Localité 4], la société Allianz, en sa qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4], et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4] dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit M. [X] irrecevable en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige et les modalités de fixation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, en ce qu'il confirme le jugement ayant mis hors de cause les sociétés Axa France IARD et Allianz en leurs qualités d'assureurs des syndicats de copropriétaires du [Adresse 8] et [Adresse 5] à [Localité 4], et en ce qu'il déboute M. [X] de ses demandes formées à l'encontre de la société Kiloutou et de la société Axa France IARD, intervenante forcée, prise « en sa qualité présumée » d'assureur de la société Kiloutou, l'arrêt rendu le 10 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon, ainsi que les chefs de dispositif relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ; DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Axa France IARD, en qualité d'assureur du syndicat de copropriété du [Adresse 8] à [Localité 4], la société Allianz, en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4], et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4] ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 4], le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4], la société Allianz, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Franche-Comté anciennement dénommée RSI de Franche-Comté, la société Axa France IARD prise en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 4], la société Axa France IARD prise en qualité d'assureur de la société Kiloutou et la société Kiloutou aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Axa France IARD, prise en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 4], de la société Allianz et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] à [Localité 4], de la société Kiloutou et de la société Axa France IARD, prise en qualité d'assureur de la société Kiloutou, et les condamne à payer à M. [X] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour M. [X] PREMIER MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit M. [L] [X] irrecevable en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige et les modalités de fixation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux et, en conséquence, confirmé le jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon, en ce qu'il avait mis hors de cause la société Axa France, en sa qualité d'assureur de responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 8] à [Localité 4] et mis hors de cause la société Allianz IARD en sa qualité d'assureur de responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 5] à [Localité 4], AUX MOTIFS QUE la déclaration d'appel formalisée par le conseil de M. [X] est ainsi libellée : « Objet/Portée de l'appel : appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Il est fait grief au tribunal de grande instance de Besançon d'avoir : - mis hors de cause la compagnie Axa France Iard en sa qualité de compagnie d'assurance responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 8] à [Localité 4] - mis hors de cause la société Allianz Iard en sa qualité de compagnie d'assurance responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 4] » ; qu'en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en l'espèce, aucune des parties et notamment rappelant ne se prévaut, à juste titre, de l'indivisibilité du litige et il n'est pas sollicité l'annulation du jugement querellé mais son infirmation partielle ; que M. [X] qui invoque à son bénéfice l'alinéa 1er du texte susvisé prétend qu'en critiquant la seule mise hors de cause des assureurs des deux syndicats de copropriétaires il a nécessairement critiqué l'application de la loi du 5 juillet 1985, de sorte que la cour est saisie de l'appréciation de l'existence d'une faute et du préjudice qui en résulte ; que, cependant, cet argument est inopérant puisqu'il s'est abstenu de critiquer la disposition du jugement déféré figurant à son dispositif ainsi libellée : « dit que. la demande de M. [X] est recevable et fondée mais sur les articles 1 et suivant de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 » ; que la cour relève en outre qu'il s'est également abstenu de critiquer dans sa déclaration d'appel le chef du jugement déboutant les parties de leurs demandes plus amples et contraires et celui fixant assiette de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux en en énumérant les différents quantum ; qu'il s'ensuit qu'au regard de sa déclaration d'appel il n'a critiqué que la mise hors de cause du litige des assureurs des deux syndicats de copropriétaires et donc la mise en oeuvre de leur garantie ; qu'il convient par conséquent, comme le sollicitent le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] et son assureur la SA Allianz et la SA Axa, en sa qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 8], de déclarer irrecevables les demandes de M. [X] tendant à la mise en cause de la responsabilité civile des deux syndicats de copropriétaires et au réexamen à la hausse de ses demandes d'indemnisation de ses divers préjudices ; que M. [X] est irrecevable à remettre en cause devant la cour l'application au présent litige du régime découlant de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, dont la question a été définitivement tranchée par le jugement partiellement frappé d'appel, de même que la question de l'absence de responsabilité des syndicats de copropriétaires et les modalités de fixation de l'indemnisation de ses préjudices, seule la critique de la mise hors de cause par les premiers juges des deux assureurs desdits syndicats pouvant être examinés à hauteur d'appel ; 1° ALORS QUE l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, l'acte d'appel limité de M. [X] a critiqué le dispositif du jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon en ce qu'il avait mis hors de cause les sociétés Axa France et Allianz en leurs qualités respectives d'assureurs des syndicats de copropriétaires des [Adresse 8] et [Adresse 5], à [Localité 4] ; que M. [X] a néanmoins soutenu que cette critique impliquait nécessairement celle du chef de dispositif du jugement qui a dit que sa demande était recevable et fondée seulement sur les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, puisque la mise hors de cause contestée n'a reposé que sur l'application exclusive de ce texte ; que, pour écarter ce moyen, la cour a retenu que « cet argument est inopérant puisque [M. [X]] s'est abstenu de critiquer la disposition du jugement déféré figurant à son dispositif » qui a retenu la recevabilité de sa demande sur le fondement de cette loi ; que, cependant, si « l'argument » [en réalité : le moyen] de M. [X] pouvait être vrai ou faux, il ne pouvait pas être «inopérant » dès lors qu'il entrait dans les prévisions de la loi et soulevait, selon ses prévisions, la question de la dépendance de deux chefs de dispositif du jugement ; qu'en se déterminant ainsi, la cour a violé l'article 562 alinéa 1 du code de procédure civile, par refus d'application ; 2° ALORS QUE l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, l'acte d'appel limité de M. [X] a critiqué le dispositif du jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés Axa France et Allianz en leurs qualités respectives d'assureurs des syndicats de copropriétaires des [Adresse 8] et [Adresse 5], à [Localité 4] ; que cette critique, comme l'a soutenu M. [X], impliquait nécessairement celle du chef de dispositif du jugement qui a dit sa demande recevable exclusivement sur le fondement des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; qu'en effet, la mise hors de cause des assureurs n'a résulté que du choix de ce fondement, la garantie qu'ils apportaient aux syndicats ayant pour objet de couvrir, non des sinistres résultant d'un accident de la circulation, mais des accidents résultant de la « responsabilité civile immeuble et propriétaires d'immeuble » ; qu'en jugeant dès lors que la demande de M. [X] tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige était irrecevable, au seul motif que le chef du dispositif du jugement ayant retenu l'application de la loi du 5 juillet 1985 n'était pas visé par son acte d'appel, sans rechercher, comme elle y était invitée, et comme la loi le lui imposait, s'il n'existait pas un lien de « dépendance » nécessaire entre le chef du jugement portant sur la mise hors de cause des assureurs, dont il était fait appel, et le chef du jugement ayant décidé que l'indemnisation de M. [X] reposait sur la seule loi susvisée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 562 alinéa 1 du code de procédure civile ; 3° ALORS QUE l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, ayant relevé que l'acte d'appel de M. [X] ne visait que le dispositif du jugement rendu le 16 juillet 2019 qui a mis hors de cause les assureurs des syndicats, et non le chef du jugement déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, en a conclu que la demande de M. [X] tendant à la remise en cause de la responsabilité civile des deux syndicats de copropriétaires était irrecevable ; que, cependant, M. [X] avait soutenu dans ses écritures que l'application par le tribunal de la seule loi du 5 juillet 1985 pour trancher le litige avait déterminé tout autant la mise hors de cause des assureurs que celle des syndicats de copropriétaires (concl. p. 9, § 2), soulignant la dépendance nécessaire des chefs du jugement ayant mis hors de cause les assureurs, retenu la loi de 1985 et débouté M. [X] de ses demandes dirigées contre les syndicats de copropriétaires ; qu'en jugeant dès lors irrecevables ses demandes tendant à mettre en cause la responsabilité civile des deux syndicats de copropriétaires, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il n'existait pas une dépendance nécessaire entre le chef du dispositif du jugement qui a mis hors de cause les assureurs sur le fondement de la loi de 1985 et celui qui a rejeté les demandes de M. [X] formulées contre les syndicats de copropriétaires sur le fondement de la responsabilité civile, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 562 alinéa 1 du code de procédure civile ; 4° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, M. [X], qui se référait à l'article 562 du code de procédure civile tout entier, et donc en particulier à son alinéa 2, en vertu duquel la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'objet du litige est indivisible, avait soutenu que la décision prise par le tribunal de trancher le litige sur le seul fondement de la loi du 5 juillet 1985, avait conduit tout autant à mettre hors de cause les assureurs que les syndicats de copropriétaires assurés, de sorte que l'appel interjeté de ce jugement relatif à cette mise hors de cause, avait pour effet de saisir la cour « de l'ensemble du litige à savoir l'existence d'une faute et, dans l'affirmative, le préjudice en résultant » (concl. p. 9, § 7) ; qu'ainsi, M. [X] soutenait nécessairement que l'objet était indivisible, s'étendant de la mise hors de cause des assureurs à l'étendue du préjudice subi ; qu'en suggérant dès lors, pour dire irrecevables ses demandes relatives au réexamen à la hausse de ses demandes d'indemnisation, que M. [X] ne visait que les dispositions de l'alinéa 1er du texte susvisé et en jugeant qu'il ne se prévalait pas de l'indivisibilité du litige, la cour a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. SECOND MOYEN, SUBSIDIAIRE, DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué » D'AVOIR débouté M. [L] [X] de ses demandes formées à l'encontre de la société Kiloutou et de la société Axa France, intervenante forcée, prise « en sa qualité présumée » d'assureur de la société Kiloutou, AUX MOTIFS QUE M. [X] fait valoir à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'application de la loi du 5 juillet 1985 serait confirmée, que n'ayant pas la qualité de conducteur de l'engin qui n'était pas en mouvement et n'ayant commis aucune faute inexcusable seule est mobilisable la responsabilité de la société Kiloutou qui doit ainsi avec son assureur l'indemniser de son entier préjudice ; que si la société Kiloutou, intervenante forcée à hauteur d'appel a constitué avocat devant la cour, ses conclusions sont irrecevables ; que la société Axa, désignée comme étant l'assureur de celle-ci et également assignée en intervention forcée à hauteur d'appel n'a pas constitué avocat devant la cour ; que la cour ne trouve en la matière aucun moyen à relever d'office ; que la décision déférée a définitivement statué sur l'application du régime de responsabilité et d'indemnisation de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 ; que les premiers juges ont retenu que ce régime de responsabilité était applicable au motif que l'accident était consécutif an mouvement d'un élément de la fonction de déplacement du camion-nacelle, véhicule terrestre à moteur en l'occurrence la roue, qui, en s'affaissant avait provoqué l'éjection de M. [X] de sa nacelle ; que M. [X] n'avait pas qualité de conducteur au moment de l'accident dès lors qu'il se trouvait dans la nacelle de sorte que son indemnisation ne peut être écartée que si sa faute inexcusable était la cause exclusive du dommage ; que le propriétaire du véhicule en est présumé le gardien sauf pour lui à démontrer un transfert de la garde au locataire de ce véhicule ; qu'en l'espèce, la société Kiloutou n'ayant pas conclu dans les délais impartis et la société Axa n'ayant pas constitué avocat devant la cour, la preuve d'un transfert de la garde n'est pas administrée pas plus que celle d'une faute inexcusable imputable à la victime, au demeurant écartée par les premiers juges ; que M. [X] ne verse pas aux débats le contrat de location propre à justifier de la qualité de propriétaire du véhicule/engin de la société Kiloutou, ou à tout le moins que celle-ci vient aux droits du loueur d'origine, pas plus qu'il ne démontre que la société Axa est bien l'assureur du véhicule/engin à l'origine de l'accident ; qu'il en résulte que M. [X] ne peut en l'état qu'être débouté de ses demandes tant à l'encontre de la société Kiloutou que de la société Axa ; 1° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la cour, ayant constaté que M. [X] n'était pas été conducteur de l'engin loué impliqué dans l'accident, que la garde ne lui avait pas été transférée et qu'il n'avait commis aucune faute inexcusable à l'origine de son dommage, l'a néanmoins débouté de ses demandes d'indemnisation dirigées contre la société Kiloutou et son assureur la société Axa France, au motif qu'il ne versait aux débats aucun contrat de location justifiant la qualité de propriétaire de l'engin de la société Kiloutou, ou à tout le moins qu'elle venait aux droits du loueur d'origine, ni que la société Axa France en était l'assureur ; qu'en se déterminant ainsi, quand toutes les parties admettaient que la société Kiloutou, venant aux droits de la société Most Location, était bien propriétaire de l'engin litigieux et qu'aucune ne contestait que la société Axa France en fût l'assureur, la cour méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2° ALORS QUE les juges du fond doivent inviter les parties à présenter leurs observations dès lors qu'ils relèvent d'office un moyen, quel qu'il soit ; qu'en l'espèce, la cour, après avoir constaté qu'aucun transfert de garde de l'engin loué n'était intervenu en sa faveur et qu'il n'avait commis aucune faute inexcusable dans son usage, a néanmoins débouté M. [X] de ses demandes d'indemnisation dirigées contre la société Kiloutou et son assureur, la société Axa France, au motif qu'il ne versait pas aux débats de contrat de location avec la société Kiloutou, qu'il n'établissait pas qu'elle fût venue aux droits du loueur d'origine, et qu'il ne démontrait pas que la société Axa France fût l'assureur de l'engin ; qu'en fondant sa décision sur un tel moyen qu'aucune des parties n'avait invoqué, pas même d'ailleurs la société Kiloutou dans ses écritures jugées irrecevables, sans les inviter préalablement à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16 du code de procédure civile.
Selon l'article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués. Il appartient à la cour d'appel de rechercher s'il existe un lien de dépendance entre les chefs de jugement et dont l'appelant invoque l'existence. Dès lors, encourt la cassation un arrêt qui retient que ce moyen est inopérant, dès lors que l'appelant s'est abstenu de critiquer la disposition du jugement déféré
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 602 F-B Pourvoi n° R 21-10.724 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022 La société C2JM, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 11], a formé le pourvoi n° R 21-10.724 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2020 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [M] [O], veuve [L], domiciliée [Adresse 10], 2°/ à Mme [P] [L], épouse [W], domiciliée [Adresse 6], 3°/ à Mme [J] [L], domiciliée [Adresse 8], 4°/ à M. [H] [L], domicilié [Adresse 7], 5°/ à M. [N] [L], 6°/ à M. [X] [L], tous deux domiciliés [Adresse 10], 7°/ à M. [U] [C] [L], domicilié [Adresse 5], 8°/ à Mme [F] [L], épouse [A], domiciliée [Adresse 4], 9°/ à Mme [R] [L], épouse [S], domiciliée [Adresse 1], 10°/ à Mme [Y] [L], domiciliée [Adresse 3], 11°/ à la société E Lebrère-Montalban et L Montalban, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société C2JM, de la SARL Corlay, avocat de Mme [M] [O] veuve [L], Mme [P] [L] épouse [W], Mme [J] [L], M. [H] [L], M. [N] [L], M. [X] [L], M. [U] [C] [L], Mme [F] [L] épouse [A], Mme [R] [L] épouse [S], et Mme [Y] [L], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 14 septembre 2020), par acte du 23 mai 2007, [N] [L] et Mme [M] [O] ont cédé une parcelle située au [Adresse 9] à M. [K] [T] [E], aux droits duquel est venue la SCI C2JM (la SCI). La SCI a assigné les consorts [L], ayants droit de [N] [L], décédé, pour les voir condamner notamment au paiement de diverses sommes du fait d'une servitude sur le fonds tandis que les consorts [L] ont soutenu que l'acte de vente était un faux et conclu à la nullité de la vente. La société E Lebrère-Montalban et L Montalban (la SCP), notaire instrumentaire, est intervenue volontairement à l'instance aux fins de juger notamment que l'acte de vente ne constitue pas un faux. 2. Par jugement du 11 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a dit que l'acte authentique n'était pas un faux, prononcé la nullité pour dol de la vente consentie le 23 mai 2007 et débouté les parties du surplus de leurs demandes. 3. La SCI a relevé appel de ce jugement par déclaration du 26 avril 2018 en intimant neuf des consorts [L] ainsi que la SCP. Une seconde déclaration d'appel du 30 avril 2018 a intimé M. [U] [C] [L], omis de la première déclaration ; les deux déclarations ont été jointes le 14 mai 2018. 4. Le 14 septembre 2018, les consorts [L] ont saisi le conseiller de la mise en état d'un incident de caducité de la déclaration d'appel et ont déféré à la cour d'appel son ordonnance du 25 mars 2019 ayant rejeté leur demande. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 6. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer caduque la déclaration d'appel remise au greffe le 28 [en réalité 26] avril 2018 en ce qu'elle est dirigée contre la SCP Lebrère-Montalban, ainsi que la déclaration d'appel remise au greffe le 30 avril 2018, enrôlées après jonction sous le numéro 18/562 et de dire que sa décision mettait fin à l'instance numéro 18/562, alors « que la cour d'appel, statuant sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état, ne peut connaître de prétentions ou soulever d'office des incidents qui n'ont pas été soumis au conseiller de la mise en état ; qu'en l'espèce, la cour d'appel était saisie d'un déféré à l'encontre d'une ordonnance du conseiller de la mise en état se bornant à statuer sur un incident soulevé par les seuls consorts [L], intimés, tiré de la caducité de la déclaration d'appel du 28 avril 2018 ; qu'en retenant que la déclaration d'appel du 28 avril 2018 était caduque à l'égard de la SCP Lebrère-Montalban, qui n'avait pas soumis un tel incident au conseiller de la mise en état, et que la déclaration d'appel du 30 avril 2018 était également caduque, la cour d'appel, qui a statué sur des incidents non soumis au conseiller de la mise en état, a violé les articles 914 et 916 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 914 et 916 du code de procédure civile : 7. Il résulte du premier de ces textes que les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant notamment à prononcer la caducité de l'appel. 8. Selon le second, les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond. Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction ou lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps. Elles peuvent être déférées dans les mêmes conditions lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, sur un incident mettant fin à l'instance, sur une fin de non-recevoir ou sur la caducité de l'appel. 9. Il en découle que la cour d'appel, saisie sur déféré, ne peut statuer que dans le champ de compétence d'attribution du conseiller de la mise en état et ne peut connaître de prétentions ou d'incidents qui ne lui ont pas été soumis. 10. Pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel du 26 avril 2018 en ce qu'elle est dirigée notamment contre la SCP Lebrère-Montalban et celle du 30 avril 2018 dirigée contre M. [U] [C] [L], la cour d'appel, saisie du déféré formé contre une ordonnance d'un conseiller de la mise en état ayant rejeté un incident de caducité de l'appel soulevé par un seul des intimés, relève d'office que le litige est indivisible à l'égard de l'ensemble des intimés. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est prononcée sur des incidents qui n'avaient pas été soumis au conseiller de la mise en état, a violé les textes susvisés. Mise hors de cause 12. Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause les consorts [L] dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : REJETTE la demande de mise hors de cause de Mme [M] [O] veuve [L], Mme [P] [L] épouse [W], Mme [J] [L], M. [H] [L], M. [N] [L], M. [X] [L], M. [U] [C] [L], Mme [F] [L] épouse [A], Mme [R] [L] épouse [S], Mme [Y] [L] ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré caduque la déclaration d'appel du 26 avril 2018 à l'égard de la société E Lebrère-Montalban et L Montalban et en ce qu'il a déclaré caduque la déclaration d'appel du 30 avril 2018 à l'égard de M. [U] [C] [L], l'arrêt rendu le 14 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ; Condamne Mme [M] [O] veuve [L], Mme [P] [L] épouse [W], Mme [J] [L], M. [H] [L], M. [N] [L], M. [X] [L], M. [U] [C] [L], Mme [F] [L] épouse [A], Mme [R] [L] épouse [S], Mme [Y] [L], la société E Lebrère-Montalban et L Montalban aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société civile immobilière (SCI) C2JM PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré caduques les déclarations d'appel remises au greffe de la cour d'appel par la SCI C2 JM le 26 avril 2018 et le 30 avril 2018 à l'égard de l'ensemble des intimés, enrôlées après jonction sous le numéro 18/562 et d'AVOIR dit que sa décision mettait fin à l'instance numéro 18/562 ; AUX MOTIFS QUE l'article 908 du code de procédure civile dispose qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe ; l'article 911 précise que sous les sanctions prévues notamment à l'article 908, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour ; sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à cet article aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; le point de départ du délai de remise des conclusions au greffe et de signification aux intimés non constitués est fixé à la date de la déclaration d'appel, à l'exception de toute autre date, et aucun texte ne prévoit un report de ce point de départ à la date à laquelle l'avocat de l'appelant aurait reçu l'avis du greffe l'invitant à signifier sa déclaration d'appel en l'absence de constitution des intimés, prévu par l'article 902 ; en effet, l'envoi de cet avis ne fait courir que le délai pour signifier la déclaration d'appel aux intimés non constitués, formalité qui n'a pas à être nécessairement accomplie avant l'expiration des délais pour remettre les conclusions d'appelant au greffe et pour les signifier aux intimés non constitués qui, eux, ont commencé à courir à la date de la déclaration d'appel ; par ailleurs, il est indifférent que l'avocat de l'appelant dispose ou non d'un accès au RPVA dès lors que l'article 903 du code de procédure civile précise qu'il appartient à l'avocat de l'intimé, dès qu'il s'est constitué, d'en informer celui de l'appelant et de remettre une copie de son acte de constitution au greffe ; tant que l'avocat de l'appelant n'a pas été destinataire de cet avis, émanant de son confrère et non du greffe, il est fondé à considérer que l'intimé n'a pas constitué et doit lui signifier directement ses conclusions dans le délai prévu par l'article 911 du code de procédure civile ; en l'espèce, la SCI C2 JM a formalisé deux déclarations d'appel, le 26 avril 2018 puis le 30 avril 2018 ; il lui appartenait de conclure et de remettre au greffe ses conclusions avant le 26 juillet 2018 et avant le 30 juillet 2018 s'agissant de M. [U] [C] [L], ce qu'elle a fait le 27 juin 2018 ; à cette date, les consorts [L] n'avaient pas régularisé leur constitution d'intimés et aucun avocat ne s'était constitué pour eux ; le fait pour l'appelant d'avoir signifié ses conclusions à l'avocat des consorts [L] qui les assistait en première instance ne saurait valablement suppléer l'absence de signification par acte d'huissier à chacun des intimés avant le 26 août ou le 30 août, suivant les intimés, ces derniers n'ayant régularisé leurs constitutions d'intimés respectives que postérieurement à ces dates ; il est également indifférent que l'avocat auquel ont été signifiées les conclusions les aient reçues sans dire qu'il ne représentait pas les consorts [L] en appel puisque l'avocat de l'appelante devait les leur faire signifier directement par voie d'huissier, faute d'avoir été informé préalablement à la remise de ses conclusions au greffe de la constitution de l'avocat auquel il a choisi de remettre l'acte ; enfin, il convient de relever que la caducité doit être ordonnée sans que l'intimé auquel n'ont pas été signifiées les conclusions de l'appelant dans le délai des articles 908 et 911 ait à justifier d'un grief, la jurisprudence visée à ce titre par la SCI C2JM ne se référant qu'au cas où l'absence de notification découlerait d'une annulation de cette notification, qui ne peut être prononcée qu'en présence d'un grief, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; en conséquence, l'ordonnance déférée devra être réformée et la cour prononcera la caducité tant de la déclaration d'appel du 26 avril 2018 à l'égard des consorts [L] que de celle du 30 avril 2018 à l'égard de M. [U] [C] [L] ; ALORS QUE l'interprétation des règles de forme auxquelles est subordonné l'exercice d'une voie de recours ou le droit d'accès à un tribunal doivent poursuivre un but légitime et être proportionnées au but recherché ; qu'il ne peut, par un formalisme excessif, être porté une atteinte disproportionnée au droit effectif au recours ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que le conseil de la SCI C2 JM a, les 28 avril et 30 mai 2018, remis au greffe de la cour d'appel de Basse-Terre, deux déclarations d'appel au format papier en informant leurs destinataires qu'il ne disposait pas de clé RPVA pour des raisons de difficultés administratives indépendantes de sa volonté ; que dans les délais impartis à peine de caducité, la SCI C2 JM a remis ses conclusions au greffe au format papier et, n'ayant pas été informée par le greffe de l'absence de constitution de certains des intimés et de la nécessité de leur signifier la déclaration d'appel, a fait signifier ses conclusions aux avocats en première instance des intimés, les consorts [L] d'une part, et la SCP Lebrère-Montalban d'autre part ; que lesdits avocats ont accepté cette signification, dans le délai imparti à peine de caducité ; qu'en retenant néanmoins, dans ces circonstances particulières, que la déclaration d'appel du 28 avril 2018 était caduque faute de signification des conclusions d'appelant à chacun des consorts [L] n'ayant pas constitué avocat au jour de la signification à leur conseil dans le délai de quatre mois de la déclaration d'appel, la cour d'appel qui a apporté, au droit d'accès au tribunal de la SCI C2 JM, une restriction excessive et exagérément formaliste, a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré caduque la déclaration d'appel remise au greffe le 28 avril 2018 en ce qu'elle est dirigée contre la Scp Lebrère-Montalban, ainsi que la déclaration d'appel remise au greffe le 30 avril 2018, enrôlées après jonction sous le numéro 18/562 et d'AVOIR dit que sa décision mettait fin à l'instance numéro 18/562 ; AUX MOTIFS QUE l'ordonnance déféré devra être réformée et la cour prononcera la caducité tant de la déclaration d'appel du 26 avril 2018 à l'égard des consorts [L] que de celle du 30 avril 2018 à l'égard de M. [U] [C] [L] ; dans le cadre de la déclaration d'appel du 26 avril 2018, la SCI C2 JM a également intimé la SCP Lebrere Montalban, qui a régulièrement constitué avocat auquel les conclusions de l'appelante ont été notifiées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, seul le constat de l'indivisibilité du litige peut donc conduire à retenir la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de l'ensemble des intimés visés dans cette déclaration ; il ressort des pièces produites que l'appel formé par la SCI C2 JM tend à contester la nullité pour dol de la vente immobilière consentie le 23 mai 2007 par M. [N] [H] [B] [L] et Mme [M] [O] à M. [K] [T] [E], aux droits duquel est venue la SCI C2 JM, qui été retenu par le tribunal en première instance ; dans la mesure où aucune condamnation distincte n'a été prononcée à l'encontre de la SCP Lebrere-Montalban, à l'exception de l'article 700 du code de procédure civile, il est établi que ce litige est indivisible à l'égard de l'ensemble des parties ; en conséquence, la déclaration d'appel du 26 avril 2018 sera également déclarée caduque à l'égard de la SCP Lebrere-Montalban ; ALORS QUE la cour d'appel, statuant sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état, ne peut connaître de prétentions ou soulever d'office des incidents qui n'ont pas été soumis au conseiller de la mise en état ; qu'en l'espèce, la cour d'appel était saisie d'un déféré à l'encontre d'une ordonnance du conseiller de la mise en état se bornant à statuer sur un incident soulevé par les seuls consorts [L], intimés, tiré de la caducité de la déclaration d'appel du 28 avril 2018 ; qu'en retenant que la déclaration d'appel du 28 avril 2018 était caduque à l'égard de la Scp Lebrère-Montalban, qui n'avait pas soumis un tel incident au conseiller de la mise en état, et que la déclaration d'appel du 30 avril 2018 était également caduque, la cour d'appel, qui a statué sur des incidents non soumis au conseiller de la mise en état, a violé les articles 914 et 916 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré caduques les déclarations d'appel remises au greffe le 28 avril 2018 et le 30 avril 2018 à l'égard de l'ensemble des intimés et d'AVOIR dit que sa décision mettait fin à l'instance numéro 18/562 ; AUX MOTIFS QUE l'ordonnance déféré devra être réformée et la cour prononcera la caducité tant de la déclaration d'appel du 26 avril 2018 à l'égard des consorts [L] que de celle du 30 avril 2018 à l'égard de M. [U] [C] [L] ; dans le cadre de la déclaration d'appel du 26 avril 2018, la SCI C2 JM a également intimé la SCP Lebrere Montalban, qui a régulièrement constitué avocat auquel les conclusions de l'appelante ont été notifiées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, seul le constat de l'indivisibilité du litige peut donc conduire à retenir la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de l'ensemble des intimés visés dans cette déclaration ; il ressort des pièces produites que l'appel formé par la SCI C2 JM tend à contester la nullité pour dol de la vente immobilière consentie le 23 mai 2007 par M. [N] [H] [B] [L] et Mme [M] [O] à M. [K] [T] [E], aux droits duquel est venue la SCI C2 JM, qui été retenu par le tribunal en première instance ; dans la mesure où aucune condamnation distincte n'a été prononcée à l'encontre de la SCP Lebrere-Montalban, à l'exception de l'article 700 du code de procédure civile, il est établi que ce litige est indivisible à l'égard de l'ensemble des parties ; en conséquence, la déclaration d'appel du 26 avril 2018 sera également déclarée caduque à l'égard de la SCP Lebrere-Montalban ; 1) ALORS QU'en cas de pluralité d'intimés, le non-respect à l'égard de l'un d'entre eux des prescriptions relatives à la signification des conclusions ne peut être invoqué par les autres intimés et la caducité de la déclaration d'appel n'aura pas d'effet à l'égard de ces derniers, sauf en cas d'indivisibilité du litige ; qu'il n'existe une indivisibilité du litige qu'en cas impossibilité absolue d'exécuter simultanément à l'égard des diverses parties, deux décisions en sens contraire ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir, pour en déduire que la déclaration d'appel, caduque à l'égard des consorts [L], l'était également à l'égard d'un autre intimé, la Scp Lebrère-Montalban, même si les conclusions d'appelant avaient été régulièrement remises au greffe et notifiées à son représentant en appel, qu'il existait une indivisibilité du litige dès lors qu'aucune condamnation distincte n'avait été prononcée en première instance à l'encontre de la Scp Lebrère-Montalban, la cour d'appel, qui a statué par un motif à caractériser une indivisibilité du litige entre les parties à l'acte de vente annulé en première instance et le notaire rédacteur dudit acte, a violé l'article 323 du code de procédure civile, ensemble les 908 et 911 du même code ; 2) ALORS, subsidiairement, QUE, en cas d'invisibilité du litige, la caducité de l'appel à l'égard de certains des intimés entraîne l'irrecevabilité de l'appel dans son ensemble ; qu'en retenant, qu'en raison de l'indivisibilité du litige, la caducité de l'appel à l'égard de seulement certains des intimés, entraînait la caducité des deux déclarations d'appel à l'égard de l'ensemble des intimés, la cour d'appel a violé l'article 323 du code de procédure civile, ensemble les articles 908 et 911 du même code.
Il résulte de l'article 914 du code de procédure civile que les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant notamment à prononcer la caducité de l'appel. Selon l'article 916, les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond. Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction ou lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps. Elles peuvent être déférées dans les mêmes conditions lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, sur un incident mettant fin à l'instance, sur une fin de non-recevoir ou sur la caducité de l'appel. Il en découle que la cour d'appel, saisie sur déféré, ne peut statuer que dans le champ de compétence d'attribution du conseiller de la mise en état et ne peut connaître de prétentions ou d'incidents qui ne lui ont pas été soumis
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SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 juin 2022 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 711 FS-B Pourvoi n° G 20-16.992 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2022 La société Suez Organique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Anna Compost, a formé le pourvoi n° G 20-16.992 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [Z] [R], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. M. [R] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal et le demandeur au pourvoi incident invoquent, chacun, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Suez Organique, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 avril 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 avril 2020), M. [R] a été engagé, à compter du 10 mars 2001, par la société Anna Compost, aux droits de laquelle est venue la société Suez Organique, en qualité d'ouvrier hautement qualifié, à raison de huit heures par semaine, suivant un contrat de travail à durée déterminée, qui a été renouvelé le 8 mars 2002. Le contrat de travail s'est poursuivi, à compter du 7 septembre 2002, en un contrat de travail à durée indéterminée. En dernier lieu, le salarié occupait le poste de conducteur d'engin. 2. Il a été licencié le 16 octobre 2015. 3. Il a saisi la juridiction prud'homale, le 12 décembre 2016, afin de solliciter la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein et d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident du salarié, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi principal de l'employeur Enoncé du moyen 5.L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaires de novembre 2013 au 16 décembre 2015, outre les congés payés afférents, alors : « 1°/ que l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire qui se prescrit, selon l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, la requalification est fondée sur l'article L. 3123-17 du code du travail, selon lequel lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d'un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein, et sur le fait que M. [R] a travaillé 182 heures en août 2013, au-delà de la durée légale, afin d'obtenir la requalification en contrat à temps complet à compter de septembre 2013 ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que l'action en requalification et en paiement des salaires était prescrite lors de la saisine de la juridiction prud'homale le 12 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail ; 2°/ que le point de départ de l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet court à compter du moment où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il incombe dans un premier temps au juge de vérifier si l'action en requalification est recevable et fondée pour, dans un second temps, déterminer si le salarié est recevable et fondé à présenter une demande de rappel de salaires sur la base d'un temps complet ; qu'en l'espèce, en retenant, dans un premier temps, que ‘‘n'étaient pas prescrits les rappels de salaires échus à compter de novembre 2013'' moins de trois ans avant la rupture du contrat de travail, dont M. [R] demandait paiement, et ‘‘par suite, l'action en requalification du contrat de travail'', cependant qu'il incombait à la cour d'appel de vérifier la prescription l'action en requalification en retenant comme point de départ le moment où celui qui l'exerçait avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, pour éventuellement ensuite, si l'action n'était pas prescrite, lui accorder un rappel de salaire, la cour d'appel a violé de plus fort l'article L. 3245-1 du code du travail, ensemble l'article L. 3123-17 du même code. » Réponse de la Cour 6. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail. 7. Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. 8. Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré. 9. Ayant, d'abord, constaté que le salarié soutenait avoir atteint la durée légale du travail en septembre 2013, la cour d'appel a exactement retenu que le point de départ du délai de prescription n'était pas l'irrégularité invoquée par le salarié, mais la date d'exigibilité des rappels de salaire dus en conséquence de la requalification. Elle en a exactement déduit que la prescription triennale avait été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 12 décembre 2016. 10. La cour d'appel, qui a, ensuite, retenu que les rappels de salaires échus à compter du mois de novembre 2013, soit moins de trois ans avant la rupture du contrat de travail, n'étaient pas prescrits, en a exactement déduit que le salarié était fondé à tirer les conséquences, dans cette limite, du dépassement, au mois de septembre 2013, de la durée légale du travail, pour prétendre au paiement d'une rémunération sur la base d'un temps plein. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois principal et incident ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Suez Organique, demanderesse au pourvoi principal Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, et d'avoir requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et condamné la société Suez Organique à payer à M. [R] la somme de 46 976,55 euros bruts au titre du rappel de salaires de novembre 2013 au 16 décembre 2015, outre les congés payés y afférents ; AUX MOTIFS QUE sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en temps plein, invoquant le fait d'avoir travaillé au-delà de la durée légale de travail en septembre 2013, mais aussi d'autres mois, comme octobre 2013 et janvier 2014, M. [R] conclut à la requalification de son contrat de travail à temps plein à compter de septembre 2013 ; sur la fin de non-recevoir, soutenant qu'il n'a atteint la durée légale du travail qu'en septembre 2013, ce dont il a eu connaissance à réception de son bulletin de paie, la société oppose une fin de non-recevoir tirée de la prescription au salarié ; comme le soutient la société, l'action en requalification du contrat de travail en contrat à temps plein est une action en paiement du salaire soumise au délai de prescription triennal prévu par l'article L. 3245-1 du code du travail ; il en résulte que le point de départ du délai de prescription n'est pas l'irrégularité invoquée par le salarié au soutien de sa demande de requalification, mais la date d'exigibilité des rappels de salaire dus en conséquence de cette requalification en contrat de travail à temps complet ; en application de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; en l'espèce, le délai de prescription a été interrompu par la saisine de la juridiction prud'homale le 12 décembre 2016, étant précisé que M. [R] a été licencié par lettre du 16 octobre 2015 ; il en résulte que n'étaient pas prescrits les rappels de salaires échus à compter de novembre 2013, soit moins de trois ans avant la rupture du contrat de travail, dont M. [R] demande paiement, et par suite, l'action en requalification du contrat de travail ; la fin de non-recevoir tirée de la prescription sera rejetée, le jugement étant infirmé de ce chef ; sur le fond, M. [R] justifie, par la production du bulletin de paie du mois de septembre 2013, avoir travaillé 182 heures au mois d'août 2013, ce que la société reconnaît, soit au-delà de la durée légale du travail ; en application de l'article L. 3123-17 du code du travail, lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d'un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein ; dès lors, même si un tel dépassement n'a existé que pour une période limitée à un mois, le contrat de travail doit être requalifié de travail à temps complet et ce à compter du mois de septembre 2013, le jugement étant infirmé de ce chef ; ALORS DE PREMIÈRE PART QUE l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire qui se prescrit, selon l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013- 504 du 14 juin 2013, par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, la requalification est fondée sur l'article L. 3123-17 du code du travail, selon lequel lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d'un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein, et sur le fait que M. [R] a travaillé 182 heures en août 2013, au-delà de la durée légale, afin d'obtenir la requalification en contrat à temps complet à compter de septembre 2013 ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que l'action en requalification et en paiement des salaires était prescrite lors de la saisine de la juridiction prud'homale le 12 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail ; ALORS DE DEUXIÈME PART QUE le point de départ de l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet court à compter du moment où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il incombe dans un premier temps au juge de vérifier si l'action en requalification est recevable et fondée pour, dans un second temps, déterminer si le salarié est recevable et fondé à présenter une demande de rappel de salaires sur la base d'un temps complet ; qu'en l'espèce, en retenant, dans un premier temps, que « n'étaient pas prescrits les rappels de salaires échus à compter de novembre 2013 », moins de trois ans avant la rupture du contrat de travail, dont M. [R] demandait paiement, et « par suite, l'action en requalification du contrat de travail », cependant qu'il incombait à la cour d'appel de vérifier la prescription l'action en requalification en retenant comme point de départ le moment où celui qui l'exerçait avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, pour éventuellement ensuite, si l'action n'était pas prescrite, lui accorder un rappel de salaire, la cour d'appel a violé de plus fort l'article L. 3245-1 du code du travail, ensemble l'article L. 3123-17 du même code. Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [R], demandeur au pourvoi incident M. [R] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes relatives aux indemnités kilométriques fondées sur le principe d'égalité de traitement. 1° ALORS QUE le principe d'égalité de traitement oblige l'employeur à traiter de manière identique les salariés se trouvant dans une situation identique ; qu'en jugeant l'employeur autorisé à allouer volontairement à certains salariés un avantage dont les autres salariés dans la même situation étaient privés, la cour d'appel a violé l'article L. 3221-2 du code du travail, ensemble le principe à travail égal salaire égal. 2° ALORS QU'une différence de traitement ne peut être justifiée que par des éléments objectifs dont le juge doit vérifier la réalité et la pertinence au regard de l'avantage en cause ; qu'en jugeant la différence de traitement constatée justifiée par une ancienneté plus grande des salariés seuls bénéficiaires de l'avantage quand cette considération était dénué de toute pertinence au regard de l'avantage de remboursement des frais kilométriques, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 3221-2 du code du travail, ensemble le principe à travail égal salaire égal. 3° ALORS QU'en jugeant la différence de traitement constatée justifiée par une ancienneté plus grande des salariés seuls bénéficiaires de l'avantage quand aucune des parties ne se prévalait de la prise en considération de l'ancienneté pour l'octroi de l'avantage litigieux, la cour d'appel a méconnu les limites du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. 4° ALORS QU'en jugeant la différence de traitement constatée justifiée par une ancienneté plus grande des salariés seuls bénéficiaires de l'avantage litigieux quand aucune des parties ne se prévalait de la prise en considération de l'ancienneté pour l'octroi de l'avantage litigieux, la cour d'appel qui n'a pas invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle a relevé d'office a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du code de procédure civile.
La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail. Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré
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N° C 21-86.635 FS-B N° 00641 RB5 14 JUIN 2022 REJET M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 JUIN 2022 M. [F] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 28 octobre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui notamment du chef d'escroqueries en bande organisée, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure. Par ordonnance en date du 10 janvier 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [F] [R], et les conclusions de Mme Philippe, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Maziau, Mme Labrousse, MM. Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Michon, conseiller référendaire, Mme Philippe, avocat général référendaire, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre d'une information judiciaire ouverte des chefs d'escroqueries en bande organisée, tentative, complicité et recel de ce délit, le juge d'instruction a délivré un mandat d'arrêt contre M. [F] [R], qui a été interpellé en Israël le 10 novembre 2020. 3. L'avocat de M. [R] a déposé une requête en annulation par déclaration au greffe en date du 13 janvier 2021. 4. Après avoir été extradé vers la France, M. [R] a été mis en examen le 15 septembre 2021, des chefs d'escroqueries en bande organisée et recel, menaces avec ordre de remplir une condition et extorsions. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure jusqu'à la cote D 991, alors : « 1°/ qu'il appartient à la chambre de l'instruction, avant de valider un mandat d'arrêt décerné par un juge d'instruction à l'encontre d'une personne résidant hors du territoire de la République, qui n'est pas en fuite, d'apprécier le caractère nécessaire de cette mesure en fonction des circonstances de l'espèce ; qu'en se bornant à relever le caractère proportionné du mandat d'arrêt sans apprécier le caractère nécessaire de cette mesure et sans rechercher, à ce titre, comme il lui était demandé, si le juge d'instruction avait effectué les démarches requises pour entendre le mis en examen cependant qu'elle relevait que ce dernier disposait d'une adresse en Israël à laquelle il aurait pu être convoqué, la chambre de l'instruction a violé les articles 131 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en retenant qu'il existait un risque de disparition des preuves ou de dissipation des fonds provenant de l'infraction, la chambre de l'instruction s'est prononcée par un motif impropre à caractériser un risque de fuite à même de justifier l'émission d'un mandat d'arrêt sans que le juge d'instruction ait réalisé les démarches requises pour entendre la personne concernée, et a violé les articles 131 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article 131 du code de procédure pénale que le juge d'instruction peut décerner un mandat d'arrêt à l'encontre d'une personne résidant hors du territoire de la République, même si elle n'est pas en fuite. 7. Aux fins du prononcé de cette mesure de contrainte, et en application de l'article préliminaire, III, quatrième alinéa, du code précité, le juge d'instruction n'a d'autre obligation que de s'assurer, en fonction des circonstances de l'espèce, qu'elle est strictement limitée aux nécessités de la procédure et proportionnée à la gravité de l'infraction reprochée. 8. En l'espèce, pour écarter le moyen de nullité du mandat d'arrêt, l'arrêt attaqué énonce que M. [R], qui n'a pas d'adresse sur le territoire français, est mis en cause dans une procédure d'escroqueries commises en bande organisée à très grande échelle, dont le processus, très rôdé, comprend des usurpations d'identité et a causé de très nombreuses victimes dans plusieurs pays. 9. Les juges ajoutent que le fait que M. [R] dispose d'une adresse en Israël à laquelle il aurait pu être convoqué n'est pas pertinent au regard du risque majeur de disparition des preuves, d'une part, et de dissimulation ou dissipation des fonds escroqués, d'autre part, étant précisé que l'intéressé est extrêmement compétent dans l'usage des technologies numériques actuelles. 10. Ils en déduisent que la délivrance d'un mandat d'arrêt, au regard de la peine très importante encourue, était nécessaire et proportionnée. 11. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent. 12. D'une part, elle n'avait pas à rechercher si le juge d'instruction avait effectué des démarches pour entendre l'intéressé avant de décerner un mandat d'arrêt. 13. D'autre part, elle a caractérisé sans insuffisance la nécessité et la proportionnalité du recours à cette mesure de contrainte. 14. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le second moyen Enoncé du moyen 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D 991, alors « que le droit au procès équitable et le respect des droits de la défense imposent que la procédure fasse apparaître quels sont les actes par lesquels les autorités étrangères, sollicitées dans le cadre de demandes d'entraide internationale, ont recueilli l'information ayant permis l'identification dela personne mise en examen et qui a, à ce titre, constitué le support des actes de la procédure visant cette dernière ; que, devant la chambre de l'instruction, le mis en examen faisait valoir que les éléments aux termes desquels il avait été désigné comme ayant participé aux infractions reposaient sur une enquête réalisée en Israël, qui allait au-delà des missions confiées par le magistrat français aux autorités israéliennes dans le cadre des commissions rogatoires internationales, et dont les actes, qui n'apparaissaient pas au dossier, demeuraient clandestins ; que, pour écarter ce moyen, la chambre de l'instruction énonce que « l'existence de cette enquête miroir reste à l'état d'allégation » ; qu'en se prononçant par ce motif, quand deux comptes rendus d'enquête indiquaient informer le juge d'instruction « suite aux informations transmises par les autorités israéliennes dans le cadre de leur enquête miroir […] » (D 596/157) et qu'il résultait ainsi des termes clairs et précis de ces pièces qu'une telle « enquête miroir » existait, la chambre del'instruction a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 16. C'est à tort que, pour écarter le moyen de nullité pris du défaut de versement des actes issus de l'enquête israélienne ayant conduit à l'identification de M. [R], les juges ont énoncé que l'existence d'une « enquête miroir » diligentée par les autorités israéliennes reste à l'état d'allégation, alors que des pièces de procédure cotées D. 596/154 et D. 596/157 s'y réfèrent expressément. 17. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure. 18. En effet, le demandeur n'est pas fondé à critiquer, par une requête en annulation, l'absence, au dossier d'information judiciaire, de pièces dont l'existence est établie en procédure, dès lors qu'en sa qualité de personne mise en examen, il dispose, en application de l'article 82-1 du code de procédure pénale, du droit de présenter une demande auprès du juge d'instruction aux fins de versement desdites pièces au dossier et d'interjeter appel de l'ordonnance de refus qui pourrait lui être opposée. 19. Dès lors, le moyen doit être écarté. 20. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze juin deux mille vingt-deux.
Il résulte de l'article 131 du code de procédure pénale que le juge d'instruction peut décerner un mandat d'arrêt à l'encontre d'une personne résidant hors du territoire de la République, même si elle n'est pas en fuite. Aux fins du prononcé de cette mesure de contrainte et en application de l'article préliminaire, III, quatrième alinéa, du code précité, le juge d'instruction n'a d'autre obligation que de s'assurer, en fonction des circonstances de l'espèce, qu'elle est strictement limitée aux nécessités de la procédure et proportionnée à la gravité de l'infraction reprochée. Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui énonce que la délivrance d'un mandat d'arrêt contre une personne qui n'a pas d'adresse sur le territoire français et est mise en cause dans une procédure d'escroqueries commises en bande organisée à très grande échelle, ayant causé de très nombreuses victimes dans plusieurs pays, était nécessaire et proportionnée, au regard de la peine encourue et du risque majeur de disparition des preuves et de dissimulation ou dissipation des fonds escroqués, sans avoir recherché si le juge d'instruction avait effectué des démarches pour entendre l'intéressé avant de décerner un tel mandat
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N° X 21-84.537 F-B N° 00727 RB5 14 JUIN 2022 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 JUIN 2022 La société [1] ([2]) et M. [T] [I], parties civiles, ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 3 juin 2021, qui, dans la procédure suivie contre M. [Y] [G] du chef de diffamation publique envers des particuliers, a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [1] et de M. [T] [I], les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. [Y] [G], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. La société [2] et M. [T] [I], biologiste co-gérant de cette société et président de la société française d'informatique de laboratoire, ont porté plainte et se sont constitués partie civile du chef de diffamation publique envers des particuliers, à la suite d'un courriel les mettant en cause, adressé par M. [Y] [G] à neuf personnes concernées par les logiciels informatiques de laboratoire de biologie médicale, à savoir le directeur général d'une entreprise spécialisée dans l'informatique et la commercialisation de logiciels de gestion de laboratoire de biologie médicale et vice-président de la société française d'informatique de laboratoire, deux médecins biologistes, cinq pharmaciens biologistes et un médecin anatomopathologiste. 3. Les juges du premier degré ont relaxé M. [G] et débouté les parties civiles de leur demande. 4. Ces dernières ont relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé que M. [G] n'avait pas commis de faute civile, alors : « 1°/ que l'existence d'une communauté d'intérêts, exclusive de la commission du délit de diffamation publique, doit être appréciée concrètement au regard de l'existence d'objectifs communs poursuivis par l'ensemble des destinataires des propos en cause ; que la simple appartenance à la même profession ou à la même sphère d'activité économique ne caractérise pas, à elle seule, une telle communauté d'intérêts ; qu'en se bornant, pour exclure tout caractère public du courriel adressé par M. [G], à relever que les destinataires de ce courriel « exercent tous, à divers titres (…), une activité dans le domaine de la biologie médicale », en se fondant ainsi sur la seule profession de ces destinataires, sans se prononcer concrètement sur l'existence d'intérêts communs partagés par ces derniers de nature à justifier la confidentialité d'un message dénonçant des faits susceptibles de poursuites disciplinaires et pénales, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 23 et 29 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'existence d'une communauté d'intérêts entre les destinataires de propos de nature diffamatoire portant sur le président d'une personne morale ne saurait être déduite de la seule proximité entre ces destinataires et cette personne morale, faute pour ceux-ci d'entretenir tous un lien juridique avec celle-ci ; qu'en se bornant à relever que les propos incriminés visaient le président d'une association de professionnels du domaine de la santé et de l'informatique et que les destinataires qui exerçaient une activité professionnelle dans ce domaine « [étaient] donc tous concernés par l'objet de cette association et les propos litigieux [étaient] directement liés au fonctionnement de cette association puisqu'ils [étaient] relatifs à la probité et à la légitimé d'[T] [I] en qualité de président à la tête de cette association », pour en déduire que ces derniers étaient liés par une communauté d'intérêts, sans constater que ces destinataires étaient membres ou adhérents de cette association, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 23 et 29 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. Pour écarter toute faute civile à la charge de M. [G], l'arrêt attaqué énonce que les destinataires du courriel en cause sont liés par une communauté d'intérêts dès lors qu'ils sont tous concernés par l'objet de la société française d'informatique de laboratoire, s'agissant de propos relatifs à la probité et à la légitimité de M. [I] en qualité de président de ladite association. 7. Les juges ajoutent que le courriel revêt le caractère d'une correspondance personnelle et privée et n'a perdu son caractère confidentiel que par le fait de l'un de ses destinataires. 8. Ils en déduisent qu'aucune faute civile ne peut être retenue à l'encontre de M. [G]. 9. En se déterminant ainsi, et abstraction faite du motif erroné, mais surabondant, relatif à l'existence d'une communauté d'intérêts entre l'expéditeur et les destinataires du courriel, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 10. En effet, lorsque le courriel a été adressé à des tiers par rapport à la personne visée, il convient d'apprécier, avant toute autre chose, si ledit courriel a été envoyé aux destinataires dans des conditions exclusives de toute confidentialité et ce n'est que si ce courriel a été adressé de manière non confidentielle qu'il convient alors de déterminer s'il a été envoyé à des destinataires liés par une communauté d'intérêts. 11. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. 12. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme globale que la société [1] et M. [T] [I] devront payer à M. [Y] [G] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze juin deux mille vingt-deux.
Lorsqu'un courriel susceptible de contenir des propos diffamatoires à l'égard d'une personne a été adressé à des tiers, il convient d'apprécier, avant toute autre chose, si ledit courriel a été envoyé à ses destinataires dans des conditions exclusives de toute confidentialité. Ce n'est que si ce courriel a été adressé de manière non confidentielle qu'il convient alors de déterminer, pour apprécier si la diffamation présente ou non un caractère public, s'il a été envoyé à des destinataires liés ou non entre eux par une communauté d'intérêts
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation partielle sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 475 FS-B Pourvoi n° G 18-24.850 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 La société Gtflix Tv, dont le siège est [Adresse 4] (République Tchèque), a formé le pourvoi n° G 18-24.850 contre l'arrêt rendu le 24 juillet 2018 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l'opposant à M. [L] [X], domicilié [Adresse 2]), défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Gtflix Tv, et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, M. Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 juillet 2018), la société tchèque Gtflix Tv, qui a pour activité la production et la diffusion de contenus pour adultes, notamment via son site internet, faisant grief à M. [X], réalisateur, producteur et distributeur de films pornographiques commercialisés sur ses sites internet hébergés en Hongrie où il exerce son activité et où il est domicilié, de tenir des propos dénigrants diffusés sur plusieurs sites et forums, l'a assigné en référé devant le président du tribunal de grande instance de Lyon pour, d'une part, le voir condamner sous astreinte à cesser tout acte de dénigrement à son encontre et à l'encontre du site « legalporno » et à publier un communiqué en français et en anglais sur chacun des forums concernés, d'autre part, être elle-même autorisée à poster un commentaire sur les forums en cause, enfin, obtenir l'indemnisation de ses préjudices économique et moral. 2. M. [X] a soulevé l'incompétence de la juridiction française. 3. Par un arrêt du 13 mai 2020 (n° 275), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en ce qu'il était dirigé contre le chef de l'arrêt qui a dit la juridiction française incompétente pour connaître de la demande tendant à la suppression des commentaires dénigrants et à la rectification des données par la publication d'un communiqué et a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation de l'article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dit Bruxelles I bis. 4. Par un arrêt du 21 décembre 2021 (C-251/20), la CJUE (Grande chambre) a répondu à la question préjudicielle. Examen du moyen Sur le moyen pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La société Gtflix Tv fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction française incompétente au profit des juridictions tchèques, alors « que les juridictions d'un Etat membre sont compétentes pour connaître du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre par un contenu mis en ligne sur internet dès lors que ce contenu y est accessible ; qu'en jugeant pour écarter la compétence des juridictions françaises, qu'il ne suffit pas que les propos jugés dénigrants et postés sur internet soient accessibles dans le ressort de la juridiction saisie mais qu'il faut également qu'ils puissent présenter un intérêt quelconque pour les internautes résidant dans ce ressort et soient susceptibles d'y générer un préjudice, la cour d'appel a violé l'article 7 point 2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012. » Réponse de la Cour Vu l'article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 : 6. Ce texte dispose : « Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : [...] 2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire. » 7. Répondant à la question préjudicielle précitée, la CJUE a dit pour droit : « L'article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu'une personne qui, estimant qu'une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants à son égard sur Internet, agit simultanément aux fins, d'une part, de rectification et de suppression des contenus mis en ligne la concernant et, d'autre part, de réparation du préjudice qui aurait résulté de cette mise en ligne peut demander, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel ces propos sont ou étaient accessibles, la réparation du préjudice qui lui aurait été causé dans l'État membre de la juridiction saisie, bien que ces juridictions ne soient pas compétentes pour connaître de la demande de rectification et de suppression. » 8. Pour accueillir l'exception d'incompétence internationale, l'arrêt retient qu'il ne suffit pas, pour que les juridictions françaises soient compétentes, que les propos dénigrants postés sur internet soient accessibles en France, mais qu'il faut encore qu'ils soient destinés à un public français. 9. En statuant ainsi, alors que, l'action tendant à la fois à la cessation de la mise en ligne des propos dénigrants, à la publication d'un rectificatif et à l'allocation de dommages-intérêts pour les préjudices subis en France, la dernière demande pouvait être portée devant la juridiction française dès lors qu'elle tendait à la réparation du seul préjudice causé sur le territoire de cet État membre et que le contenu attentatoire était accessible ou l'avait été sur ce territoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 12. La cour d'appel ayant constaté que les messages litigieux étaient accessibles en France, il en résulte que les juridictions françaises étaient compétentes pour connaître des demandes d'indemnisation des préjudices causés en France. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare les juridictions françaises incompétentes à l'égard de la demande de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis en France, l'arrêt rendu le 24 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Infirme l'ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Lyon du 10 avril 2017 en ce qu'il déclare les juridictions françaises incompétentes à l'égard de la demande de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis en France ; Dit que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître de cette demande ; Condamne la société Gtflix Tv aux dépens, en ce compris ceux qui ont été exposés devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Gtflix Tv Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance de référé querellée en ce qu'elle a déclaré le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon incompétent pour connaître de la présente instance au profit des juridictions tchèques et renvoyé la société GTFLIX TV à mieux se pourvoir ; Aux motifs propres que « Attendu que l'article 4 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 prévoit que sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelque soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre ; Que l'article 7 du même règlement ajoute qu'en matière délictuelle, la personne domiciliée dans un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ; Que dans le cas, comme en l'espèce, de propos jugés dénigrants et postés sur internet, il ne suffit pas que ces propos soient accessibles dans le ressort de la juridiction saisie pour fonder la compétence territoriale de cette juridiction mais il faut encore qu'ils puissent présenter un intérêt quelconque pour les internautes résidant dans le ressort et soient susceptibles d'y générer un préjudice ; Attendu qu'il est constant que M. [X] réside et exerce son activité à [Localité 3], en Hongrie, de sorte qu'il n'existe aucun lien de rattachement domiciliaire du défendeur initial avec les juridictions françaises ; Attendu, par ailleurs, qu'il ne résulte pas des pièces versées aux débats que les messages incriminés qui ont été mis en ligne sur internet en langue essentiellement anglaise et secondairement française soient destinés à un public français, la société GTFLIX TV ne démontrant pas que les internautes français seraient les plus nombreux à visiter les sites et les forums de M. [X] ; Qu'il y a lieu également de constater que si la société GTFLIX TE, par le fait des propos dénoncés, a pu subir un préjudice en République Tchèque où se trouve le centre de ses activités, elle n'établit pas la réalité de conséquences dommageables dans le ressort de la juridiction saisie ; Attendu qu'au vu de ces éléments et en application des dispositions communautaires précitées, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a décidé à bon droit qu'il était territorialement incompétent pour connaître du litige qui relevait des juridictions tchèques ; Et aux motifs éventuellement adoptés que « Attendu qu'il résulte des éléments figurant au dossier, et notamment de la délivrance de l'assignation sur le fondement de l'article 659 du Code de Procédure civile, que l'huissier a mentionné que le gardien de l'immeuble du [Adresse 1], lui avait déclaré que monsieur [L] [X] n'habitait plus dans les lieux depuis dix ans et était parti sans laisser d'adresse ; que monsieur [X] qu'il a contacté téléphoniquement a déclaré n'avoir plus de domicile en France et communiqué l'adresse de son avocat parisien ; que monsieur [X] a déclaré le 21 février 2017 à un juge d'instruction son adresse en Hongrie à [Localité 3], adresse qu'il revendique encore aujourd'hui ; qu'il s'avère donc qu'il n'est pas domicilié sur le territoire français ; Attendu qu'il résulte de l'article 4 du Règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012 que « sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre », et que l'article 7 dispose que « une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire » ; que le fait dommageable en l'espèce s'est produit essentiellement en République Tchèque où la société GTFLIX est domiciliée et où elle a donc le centre de ses intérêts et en Hongrie siège de l'émission des messages incriminés, mais qu'il ne résulte d'aucune pièce que les messages, mis en ligne sur internet, en langue essentiellement anglaise et secondairement française, aient été destinés à un public français et aient concerné un public français ; que la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne précise que les juridictions de chaque Etat membre sont compétentes en matière de contenu d'un site internet pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l'Etat membre de la juridiction saisie ; qu'il ne suffit pas que les messages soient accessibles sur internet pour considérer qu'un préjudice y est subi, mais il faut encore que les messages puissent présenter un intérêt quelconque pour les internautes de l'Etat considéré et qu'il y ait eu une répercussion, ce qui en l'espèce n'est pas établi, les messages incriminés étant relatifs aux conditions de recrutement des actrices de vidéos pornographiques par Legal Porno à Prague, aux soins médicaux dont elles bénéficient ou non, à leur toxicomanie et aux bénéfices considérables générés par cette activité pour cette entreprise ; » 1°) Alors que, les juridictions d'un Etat membre sont compétentes pour connaître du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre par un contenu mis en ligne sur internet dès lors que ce contenu y est accessible ; qu'en jugeant, pour écarter la compétence des juridictions françaises, qu'il ne suffit pas que les propos jugés dénigrants et postés sur internet soient accessibles dans le ressort de la juridiction saisie mais qu'il faut également qu'ils puissent présenter un intérêt quelconque pour les internautes résidant dans ce ressort et soient susceptibles d'y générer un préjudice, la cour d'appel a violé l'article 7 point 2 du règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012 ; 2°) Alors que, un préjudice, fut-il moral, s'infère nécessairement de tout acte de dénigrement portant atteinte à la réputation de celui qui en est victime ; qu'il s'en déduit qu'un tel préjudice se matérialise au lieu auquel les propos constitutifs du dénigrement sont diffusés ; qu'en jugeant, pour écarter la compétence des juridictions françaises, que la société GTFLIX n'établissait pas la réalité des conséquences dommageables en France des propos qu'elle dénonçait, cependant que l'existence d'un préjudice subi en France s'inférait nécessairement de la diffusion dans cet Etat membre des propos dénigrants mis en ligne par M. [X], la cour d'appel a violé l'article 7 point 2 du règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012 ; 3°) Alors que, les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'à l'appui de son appel, la société GTFLIX produisait une nouvelle pièce (n°7) constituée par un document présentant les statistiques de fréquentation du site woodmanforum, tenu par M. [X], afin de démontrer que le public français était le premier public fréquentant ce site (conclusions GETFLIX p.6) ; qu'en jugeant que la société GTFLIX ne démontrait pas que les internautes français seraient les plus nombreux à visiter les sites et forums de M. [X] sans examiner ni viser, même sommairement, cette nouvelle pièce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) Alors que, les juridictions d'un Etat membre sont compétentes pour connaître du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre par un contenu mis en ligne sur internet lorsque ce contenu est destiné au public de cet Etat membre, public pour lequel il est susceptible de présenter un intérêt quelconque ; qu'il n'est pas nécessaire, pour que cette condition soit remplie, que les internautes résidant dans cet Etat membre soient les plus nombreux à visiter le site internet mis en cause ; que pour écarter la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel s'est bornée à retenir qu'il n'était pas établi que les sites mis en cause étaient destinés à un public français, la société GTFLIX ne démontrant pas que les internautes français seraient les plus nombreux à visiter les sites et les forums de M. [X], sans rechercher, comme elle y était invitée, si le contenu mis en cause, qui portait sur les relations de la société GTFLIX avec ses acteurs et actrices françaises, n'était pas susceptible de présenter, à ce titre, un intérêt pour le public français ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légal au regard de l'article 7 point 2 du règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012 ; 5°) Alors que, des actes de dénigrement sont susceptibles de causer un préjudice dans un Etat membre lorsque les propos dénigrants ont trait aux activités commerciales que la personne dénigrée opère dans ce même Etat membre ; qu'en jugeant, pour écarter la compétence des juridictions françaises, que la société GTFLIX n'établissait pas la réalité des conséquences dommageables en France des propos qu'elle dénonçait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les propos dénigrants ne concernaient pas l'activité de la société GTFLIX en France, notamment ses relations avec les acteurs, actrices et agents du milieu établis en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 point 2 du règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012.
Par l'arrêt CJUE, arrêt du 21 décembre 2021, Gtflix Tv, C-251/20, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doit être interprété en ce sens qu'une personne qui, estimant qu'une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants à son égard sur internet, agit simultanément aux fins, d'une part, de rectification et de suppression des contenus mis en ligne la concernant, d'autre part, de réparation du préjudice qui aurait résulté de cette mise en ligne peut demander, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel ces propos sont ou étaient accessibles, la réparation du préjudice qui lui aurait été causé dans l'État membre de la juridiction saisie, bien que ces juridictions ne soient pas compétentes pour connaître de la demande de rectification et de suppression. Il en résulte qu'une cour d'appel saisie d'une action tendant à la fois à la cessation de la mise en ligne des propos dénigrants, à la publication d'un rectificatif et à l'allocation de dommages-intérêts pour les préjudices subis en France, est compétente pour statuer sur ce dernier chef de demande, dès lors qu'il tend à la réparation du seul préjudice causé sur le territoire français et que le contenu attentatoire était accessible ou l'avait été sur ce territoire
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CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 476 FS-B Pourvoi n° G 21-16.513 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 M. [U] [E], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° G 21-16.513 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Douai (1re chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la chambre régionale de discipline des huissiers de justice du ressort de la cour, dont le siège est [Adresse 3], représentée par son président M. [R] [L], 2°/ à M. [F] [V], domicilié [Adresse 1], huissier de justice pris en qualité d'administrateur pour remplacer M. [U] [E] dans ses fonctions, désigné par l'ordonnance de référé en date du 28 juillet 2020 du tribunal judiciaire de Lille, 3°/ à M. [O] [I], domicilié [Adresse 2], huissier de justice associée au sein de la société Cuvillon Devernay [I] Trocme Vicongne en qualité d'administrateur pour remplacer M. [U] [E] dans ses fonctions, désignée par l'ordonnance de référé en date du 28 juillet 2020 du TJ de Lille, 4°/ au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lille, domicilié en son parquet, 13 avenue du Peuple Belge, 59000 Lille, défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [E], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la chambre régionale de discipline des huissiers de justice du ressort de la cour, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Avel, Bruyére, Hascher, Mme Guihal, conseillers, M. Vitse, Mmes Champ et Robin-Raschel, conseillers référendaires, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 mars 2021), le 20 juillet 2020, la chambre régionale de discipline des huissiers de justice du ressort de la cour d'appel de Douai a assigné en référé M. [E], huissier de justice, devant le président du tribunal judiciaire afin que soit prononcée sa suspension provisoire en application de l'article 32 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. M. [E] fait grief à l'arrêt de prononcer sa suspension provisoire et de commettre MM. [I] et [V] en qualité d'administrateurs pour le remplacer dans ses fonctions, alors « que l'exigence d'un procès équitable commande que l'officier public dont la suspension provisoire est sollicitée, ou son avocat, soit entendu à l'audience et puisse avoir la parole en dernier ; qu'en ce qu'il ne constate pas que l'avocat de M. [E], huissier de justice, a pu avoir la parole en dernier, l'arrêt ne met pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, de sorte qu'il est dépourvu de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 4. L'article 32 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels dispose : « Tout officier public ou ministériel qui fait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire peut se voir suspendre provisoirement l'exercice de ses fonctions. En cas d'urgence, la suspension provisoire peut être prononcée, même avant l'exercice des poursuites pénales ou disciplinaires, si des inscriptions ou vérifications ont laissé apparaître des risques pour les fonds, effets ou valeurs qui sont confiés à l'officier public ou ministériel à raison de ses fonctions. » 5. Selon l'article 35 de l'ordonnance précitée, le tribunal judiciaire peut, à tout moment, à la requête soit du procureur de la République, soit de l'officier public ou ministériel, mettre fin à la suspension provisoire. Celle-ci cesse de plein droit dès que les actions pénale et disciplinaire sont éteintes et, dans le cas prévu au dernier alinéa de l'article 32 précité, si, à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de son prononcé, aucune poursuite pénale ou disciplinaire n'a été engagée. 6. Il ressort de ces textes que cette suspension provisoire n'est pas une sanction, mais une mesure de sûreté conservatoire, d'une durée limitée à celle des actions pénale ou disciplinaire engagées. 7. Il s'en déduit que l'exigence d'un procès équitable, issue de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'implique pas le droit pour la personne contre qui il est demandé le prononcé d'une telle mesure, ou son avocat, d'avoir la parole le dernier avant la clôture des débats. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [E] et le condamne à payer à la chambre régionale de discipline des huissiers de justice du ressort de la cour d'appel de Douai la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. [E] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [E] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR prononcé sa suspension provisoire de ses fonctions d'huissier de justice et commis Me [I] et Me [V] en qualité d'administrateurs pour le remplacer dans ses fonctions ; ALORS QUE l'exigence d'un procès équitable commande que l'officier public dont la suspension provisoire est sollicitée, ou son avocat, soit entendu à l'audience et puisse avoir la parole en dernier ; qu'en ce qu'il ne constate pas que l'avocat de M. [E], huissier de justice, a pu avoir la parole en dernier, l'arrêt ne met pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, de sorte qu'il est dépourvu de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [E] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR prononcé sa suspension provisoire de ses fonctions d'huissier de justice et commis Me [I] et Me [V] en qualité d'administrateurs pour le remplacer dans ses fonctions ; 1°) ALORS QUE la suspension provisoire de l'huissier de justice ne peut être ordonnée en référé que si, et dans la mesure où, il existe un risque caractérisé pour les fonds, effets ou valeurs qui sont confiés à l'officier public à raison de ses fonctions, à l'exclusion de toute autre irrégularité ou manquement déontologique ; qu'en retenant que la société a perçu des fonds sur un compte de gestion et non sur un compte affecté, qu'elle a placé temporairement des fonds sur un compte à terme, qu'elle s'est abstenue de reverser au débiteur le solde des fonds récupérés, qu'elle a procédé à une surfacturation d'honoraires et à une facturation de frais à la charge du débiteur et qu'elle a passé en comptabilité des actifs fictifs, la cour d'appel, qui a statué par des motifs tenant à l'existence de manquements déontologiques sans lien avec la représentation des fonds confiés, a violé les articles 32 et 33 de l'ordonnance du 28 juin 1945 ; 2°) ALORS QU'après avoir constaté que le rapport d'inspection révélait que, comptablement, le solde des comptes litigieux correspondait aux soldes des comptes affectés à la représentation des fonds clients et que la situation financière de la société était florissante, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de rechercher si la société ne disposait pas d'une trésorerie suffisante pour assurer la représentation des fonds détenus, ce qui était de nature à exclure tout risque de non-représentation des fonds qui lui avaient été confiés ; qu'en ne procédant pas à cette recherche déterminante, elle n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 32 et 33 de l'ordonnance du 28 juin 1945 ; 3°) ALORS QUE la suspension provisoire ne peut être prononcée en référé qu'en cas d'urgence ; qu'en se bornant à retenir que la nature et l'importance des irrégularités relevées justifient l'intervention du juge des référés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'urgence à suspendre l'huissier de justice de ses fonctions, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 32 et 33 de l'ordonnance du 28 juin 1945.
L'exigence d'un procès équitable, issue de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'implique pas le droit pour la personne contre qui il est demandé le prononcé d'une suspension provisoire en application de l'article 32 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels, ou son avocat, d'avoir la parole le dernier avant la clôture des débats
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 479 F-B Pourvoi n° R 18-16.968 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 1°/ la société AISH, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée la société Ambition Isère Savoie, 2°/ la société ARIA, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée la société Ambition Loire Ain lyonnais, ont formé le pourvoi n° R 18-16.968 contre l'arrêt rendu le 24 avril 2018 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige les opposant à l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels (AAMOI), dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation. Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat des sociétés AISH et ARIA, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Avel, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 avril 2018), le 11 mars 2013, soutenant que les contrats qu'elles proposaient aux consommateurs contenaient des clauses abusives ou illicites, l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels (l'AAMOI) a assigné la société Ambition Isère Savoie, devenue l'AISH, et la société Ambition Loire Ain lyonnais, devenue l'ARIA, en suppression de ces clauses et en indemnisation. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 3. Les sociétés AISH et ARIA font grief à l'arrêt de rejeter leurs fins de non-recevoir, alors « qu'une association locale, départementale ou régionale ne peut agir en justice qu'aux fins d'assurer la défense des consommateurs situés dans le ressort géographique pour lequel elle a été agréée ; que les sociétés AISH et ARIA, qui ont respectivement leur siège social et leur activité dans les départements de l'Isère et du Rhône, faisaient valoir que l'AAMOI avait été agréée par arrêté du préfet de l'Essonne en qualité d'association locale, départementale ou régionale, n'avait dès lors pas qualité à agir à l'encontre des contrats qu'elles proposaient à leurs clients, sans les départements de l'Isère et du Rhône ; qu'en écartant cette fin de non-recevoir au motif que l'objet de l'association n'est pas limité à l'Essonne et que l'agrément qui lui a été délivré par le préfet de l'Essonne n'est pas limité à ce seul département, la cour d'appel a violé les articles L. 421-2, L. 421-6, R. 411-1 et R. 411-2, devenu L. 621-2, L. 621-7, R. 811-1 et R. 811-2, du code de la consommation, ensemble l'article 31 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Les associations régulièrement habilitées et déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs, si elles ont été agréées à cette fin, même par arrêté préfectoral, justifient d'une qualité et d'un intérêt à agir, qui n'est pas strictement local, pour faire cesser des agissements illicites ou supprimer des clauses illicites dans les contrats ou les types de contrat proposés aux consommateurs. 5. Après avoir relevé que l'AAMOI était régulièrement agréée, par arrêté du préfet de l'Essonne, pour exercer l'action civile, qu'elle avait pour objet statutaire d'assurer la défense et la représentation des intérêts généraux de toutes les familles, en particulier en leurs qualités de consommatrices, en tant que maîtres d'ouvrage, vis-à-vis des constructeurs de maisons individuelles avec fourniture du plan, que son objet n'était pas limité au territoire du département dans lequel elle avait reçu son agrément et que celui-ci n'avait pas été délivré pour la seule compétence de ce département, la cour d'appel a exactement retenu que l'AAMOI justifiait d'un intérêt et d'une qualité à agir. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 7. Les sociétés AISH et ARIA font le même grief à l'arrêt, alors « que la loi ne vaut que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif ; que la faculté pour les associations de défense des intérêts des consommateurs de demander à ce que soient réputées non écrites des clauses figurant même dans des contrats qui ne sont plus proposés aux consommateurs a été introduite aux articles L. 421-1 et L. 421-6 du code de la consommation par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 19 mars 2014 et n'ont pas été déclarées immédiatement applicables aux instances en cours ; qu'en déclarant recevables les demandes de l'AAMOI portant sur des clauses contractuelles que les sociétés AISH et ARIA justifiaient avoir supprimé des contrats qu'elle proposait aux consommateurs, sur le fondement de cette faculté nouvelle, la cour d'appel a méconnu les règles d'application de la loi dans le temps et a violé les articles L. 421-1 et L. 421-6 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, et l'article 2 du code civil. » Réponse de la Cour 8. Il résulte de l'article L. 421-6 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, alors applicable, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lu en combinaison avec l'article 7, § 1 et 2, de cette directive, ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 26 avril 2012, C-472/10), que les clauses des conditions générales d'un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel qui sont déclarées abusives, à la suite de l'action prévue par l'article L. 421-6, ne lient ni les consommateurs qui sont parties à la procédure ni ceux qui ont conclu avec ce professionnel un contrat auquel s'appliquent les mêmes conditions générales. 9. La cour d'appel a relevé que l'AAMOI contestait des clauses figurant dans des contrats proposés à l'heure actuelle et également dans des contrats proposés dans le passé mais concernant encore des consommateurs. 10. Il en résulte que les demandes de l'AAMOI étaient recevables. 11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée. Sur le quatrième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 12. Les sociétés AISH et ARIA font grief à l'arrêt de déclarer abusifs et non écrits les articles 6, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 17, 18, 21, 22, 23, 26, 27, 29, 31 et 33 dans leurs différentes versions, du contrat de construction de maison individuelle proposé par les sociétés AISH et ARIA, d'ordonner la suppression de ces clauses dans les contrats proposés par celles-ci et de les condamner à informer leurs clients par tous moyens des clauses déclarées abusives et à payer à l'AAMOI une somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors : 1°/ que, pour être déclarée abusive une clause doit avoir pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'en se bornant à affirmer que les articles 6, 11, 12, 14, 17, 22, 26, 27 et 29 du contrat de construction de maison individuelle établi par les sociétés AISH et ARIA présentaient un caractère abusif, sans constater que ces clauses créaient un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation ; 2°/ que l'article 6 du modèle de contrat de construction d'une maison individuelle proposé actuellement par les sociétés AISH et ARIA à leurs clients énonce que « Les parties conviennent que les conditions suspensives seront réalisées dans un délai de 12 mois suivant la date du dépôt du permis de construire. La demande de permis de construire sera déposée dans un délai de 6 semaines suivant la date de signature du contrat de construction. Les travaux commenceront dans un délai de 2 mois à compter de la réalisation des conditions suspensives. La durée d'exécution des travaux sera de … à compter du démarrage effectif des travaux. » (prod. 8) ; que la mention de la durée d'exécution des travaux, qui varie d'une construction à l'autre, est précisée lors de la signature du contrat (prod. n° 9 et 10) ; qu'il résulte de ces dispositions que le constructeur est contractuellement tenu de commencer les travaux dans un certain délai, qui est au maximum de quatorze mois et six semaines suivant la conclusion du contrat, et qu'il doit respecter un délai de livraison, variable d'un dossier à un autre, qui est fixé dès la signature du contrat ; qu'en affirmant, pour en déduire leur caractère abusif, que ces stipulations permettraient au constructeur de décider de ne pas démarrer les travaux et ainsi de ne pas faire courir le délai de livraison, la cour d'appel les a dénaturées et a violé l'article 1192 du code civil ; 3°/ que, dans un contrat de construction de maison individuelle conclu sous diverses conditions suspensives, il doit seulement être précisé le délai maximum de réalisation de ces conditions ainsi que la date d'ouverture du chantier, déterminée à partir de l'expiration de ce délai, ainsi que le délai d'exécution des travaux qui commence à courir à compter de cette date ; que pour déclarer abusif l'article 6 du contrat de construction de maison individuelle proposé par les sociétés AISH et ARIA, dans sa rédaction actuelle, la cour d'appel a retenu que cet article prévoyait un délai de six semaines pour le dépôt de la demande de permis de construire, prétendument excessif, et que la clause fixe le point de départ du délai de livraison au jour du démarrage des travaux, ce qu'elle juge anormal ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres tant à établir une irrégularité du contrat au regard des articles L. 231-2 et L. 231-4 du code de la construction qu'à caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au détriment des clients des sociétés AISH et ARIA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susivisées, ensemble l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation ; 4°/ que, pour être déclarée abusive une clause doit avoir pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que la cour d'appel a déclaré abusif l'article 10 au motif qu'il n'informe pas suffisamment l'acquéreur quant aux coûts susceptibles d'être engagés par lui pour la réalisation des travaux de viabilisation du terrain, l'article 11 au motif qu'il ne précise pas à l'acquéreur les « contraintes du terrain », l'article 22 au motif qu'il vise l'article L. 231-4 du code de la construction sans en préciser la teneur et n'informe pas suffisamment l‘acquéreur sur les conditions dans lesquelles la consignation est faite, et l'article 26, en ce qu'il fait référence à l'assurance que le maître de l'ouvrage doit souscrire en vertu de l'article L. 241-1 du code des assurances plutôt qu'à « l'assurance de responsabilité décennale », et a ordonné leur suppression ; qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi cette insuffisance dans l'information de l'acquéreur était, à elle seule, de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment de l'acquéreur, et en quoi la suppression de ces clauses pouvait rétablir l'équilibre, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation ; 5°/ que, pour être déclarée abusive une clause doit avoir pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que pour déclarer abusif l'article 22, qui énonce qu' « à défaut de justification de la garantie de remboursement, un dépôt de garantie au plus égal à 3 % du prix convenu pourra être sollicité à la signature des présentes (dans les conditions prévues par l'article L. 231-4 du CCH) », la cour d'appel a relevé que cette clause ne précise pas le contenu de l'article L. 231-4 et ne précise quelles sont les conditions, prévues par cet article, pour le versement du dépôt de garantie ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 132-2 devenu L. 212-1 du code de la consommation ; 6°/ que, pour être déclarée abusive une clause doit avoir pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que pour déclarer abusif l'article 26, qui énonce que le constructeur justifiera à l'ouverture du chantier de « l'assurance qu'il est légalement tenu de souscrire en vertu de l'article L. 241-1 du Code des Assurances », la cour d'appel retient que cette clause ne précise pas qu'il s'agit de l'assurance de responsabilité décennale et que le renvoi à l'article L. 241-1 qui n'est pas reproduit apparaît obscur pour le cocontractant ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 132-2 devenu L. 212-1 du code de la consommation ; 7°/ que les sociétés ARIA et AISH faisaient valoir que l'article 10 du contrat excluait du coût de la construction les travaux d'extension des réseaux publics en vue de la desserte du terrain, qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne leur imposait d'évaluer le coût de tels travaux, s'agissant de travaux financés par les autorités publiques et non par le maître de l'ouvrage, et qu'elles étaient tout bonnement dans l'impossibilité de procéder à une telle évaluation, celle-ci ne pouvant être réalisée que par les personnes publiques compétentes ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, » 8°/ que, si, dans un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans, le prix est fixé forfaitairement pour la réalisation de la construction telle que définie au contrat et dans la notice descriptive, aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit aux parties de modifier, par avenant, le montant du forfait en cas de modification de la construction initialement convenue ; qu'en déclarant abusif comme portant atteinte au caractère forfaitaire du prix l'article 12 du contrat, prévoyant qu'un avenant pourrait être conclu en cas de modification de la construction et du prix en raison d'une prescription imposée par l'administration, la cour d'appel a violé l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation et l'article L. 132-2 devenu L. 212-1 du code de la consommation. » Réponse de la Cour 13. Après avoir relevé que l'article 12 des conditions générales stipulait que « le constructeur constitue en autant d'exemplaires qu'il est besoin le dossier de permis de construire et le dépose dès sa signature par le maître de l'ouvrage auprès de l'autorité compétente », la cour d'appel a retenu que ce texte donnait mandat aux constructeurs pour l'accomplissement des démarches nécessaires à l'obtention du permis de construire sans prévoir de délai pour le dépôt du permis de construire, de sorte qu'elle laissait ceux-ci seuls à même de faire avancer ou non l'étude du permis de construire sans recours pour les maîtres d'ouvrage. 14. En retenant que, combiné à ce texte, l'article 6, qui stipulait que « la durée d'exécution des travaux sera de ... à compter du démarrage des travaux », permettait aux constructeurs, dans l'hypothèse où ils décidaient de ne pas démarrer les travaux, de ne pas faire courir le délai dans lequel ils étaient tenus de livrer l'ouvrage, la cour d'appel a, sans dénaturation et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche du moyen, caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des consommateurs, de sorte qu'elle a déclaré à bon droit cette clause abusive. 15. Ayant relevé que l'article R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation prévoyait que devait être annexée au contrat une notice descriptive conforme à un modèle type indiquant le coût des éléments non compris dans le prix, mentionnant les raccordements de l'immeuble à l'égout et aux distributions assurées par les services publics, en distinguant ceux qui étaient inclus dans les prix et ceux dont le coût restait à la charge du maître de l'ouvrage, qui devait porter, de la main de celui-ci, une mention signée par laquelle il précisait et acceptait le coût des travaux à sa charge non compris dans le prix convenu, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, en retenant que la clause figurant à l'article 10 des conditions générales du contrat proposé avant, mais également après 2014, qui prévoyait, en termes similaires, que le maître de l'ouvrage se chargeait personnellement des démarches nécessaires auprès des services compétents pour la réalisation des travaux de viabilité du terrain (eau, gaz, électricité, téléphone, assainissement) et que ces dépenses seraient payées directement par lui aux services concernés, dès lors qu'elle ne permettait pas au consommateur de connaître suffisamment le coût total de l'extension du réseau et de distinguer clairement les coûts restant à sa charge, alors qu'il appartenait aux constructeurs de s'adresser aux concessionnaires désignés pour les consulter et permettre d'indiquer au consommateur le coût qu'il aurait à supporter à ce titre, a caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment des consommateurs et en a déduit, à bon droit, que celle-ci était abusive. 16. En retenant que l'article 11 du contrat stipulant que le maître de l'ouvrage fournissait, sous son entière responsabilité, tous renseignements concernant le terrain, notamment le certificat d'urbanisme, le cahier des charges et le règlement du lotissement, le plan de masse, les servitudes, les mitoyennetés et tous éléments constitutifs d'une étude de sol, était illicite dès lors qu'il méconnaissait les exigences des dispositions combinées des l'articles L. 231-2 et R. 231-5 du code de la construction et de l'habitation selon lesquelles le prix doit comprendre le coût du plan et, s'il y a lieu, les frais d'études du terrain pour l'implantation du bâtiment, la cour d'appel a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment des consommateurs. 17. Ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que l'article 12 du contrat, qui stipule que toute prescription imposée par l'administration fera l'objet d'un avenant à la charge financière du maître d'ouvrage, avait pour effet de mettre à la charge de celui-ci les modifications exigées par l'administration pour une mise en conformité des travaux à prévoir avec les règles de l'urbanisme, alors que le constructeur, en sa qualité de professionnel, était la seule partie à avoir la main sur l'élaboration du permis de construire et qu'il lui appartenait de l'établir au regard des critères exigés, la cour d'appel, qui en a justement déduit que ces dispositions portaient atteinte au caractère forfaitaire et définitif du prix du contrat dont le principe était de protéger le cocontractant des coûts imprévisibles, a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment des consommateurs et a décidé à bon droit qu'elle constituait une clause abusive. 18. Après avoir retenu que la clause 17, qui stipule que « d'un commun accord et de manière ferme et définitive, les parties conviennent que toutes les consignations devant avoir lieu à l'issue de la réception conformément à l'article 22 seront effectuées sur le compte signataire mentionné à l'article 4 des conditions particulières », lequel compte étant choisi par le constructeur alors que les dispositions de l'article R. 231-7 du code de la construction et de l'habitation prévoient qu'en cas de désaccord le consignataire doit être désigné par le président du tribunal de grande instance, sans que les conditions relatives à la conservation et à la libération des fonds soient portées à la connaissance du maître d'ouvrage, la cour d'appel en a déduit que cette clause, qui ne mentionnait pas l'existence du recours possible en cas de désaccord au président du tribunal de grande instance, était de nature à porter atteinte au libre recours au juge et a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateurs. 19. Ayant retenu que l'article 22, en ne précisant pas que le dépôt de garantie ne devait pas être remis au constructeur mais devait être effectué sur un compte spécial ouvert au nom du maître de l'ouvrage lui-même et ce, en contrariété avec les dispositions de l'article L. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, de sorte qu'elle ne permettait pas une information suffisante du maître de l'ouvrage, lequel risquait d'être induit en erreur sur la destination de ces fonds, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment des consommateurs, en a justement déduit que cette clause était abusive. 20. Ayant retenu qu'en ne faisant pas mention du régime de l'assurance de responsabilité décennale que le constructeur était tenu de souscrire, alors que les autres types d'assurance, tels que la garantie d'achèvement, étaient visés par leur nom, la clause 26 ne permettait pas une information suffisante du consommateur sur l'étendue de ses droits, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des consommateurs, a retenu, à bon droit, que cette clause était abusive. 21. Aprés avoir relevé que la clause 27 stipulait que « le maître de l'ouvrage déclare ne pas bénéficier actuellement d'emprunts susceptibles de remettre en cause l'endettement maximum accepté par l'organisme de crédit permettant l'obtention du ou des prêts indispensables à la réalisation de l'opération », la cour d'appel, en retenant que la notion d'« endettement maximum accepté par l'organisme de crédit » n'était pas précisément déterminable par le maître d'ouvrage et obligeait celui-ci à donner des informations au constructeur sur sa situation financière alors que celui-ci ne s'engageait pas en contrepartie à informer son cocontractant de sa solvabilité, a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment du consommateur. 22. En retenant que la clause 29 permettait au constructeur, en toute hypothèse, de réclamer, à titre de clause pénale, une indemnité égale à 15 % du montant du contrat si le maître d'ouvrage utilisait sans l'accord du constructeur les plans, études et avants-projets, alors qu'en cas d'annulation du contrat, l'anéantissement du contrat entraîne celui de cette clause pénale, la cour d'appel a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment du consommateur. 23. Contrairement a ce que soutient le moyen, la cour d'appel n'a pas déclaré abusive la clause n° 14. 24. Le moyen ne contient aucune critique de l'arrêt en ce qu'il a déclaré abusives les clauses n° 31 et 33 et accueilli les demandes indemnitaires de l'AAMOI. 25. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le premier moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 26. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir juger abusive et non écrite l'article 14 du contrat en sa version 2014 et 2016, alors « que la clause qui se réfère à un texte de loi sans le citer est abusive en ce qu'elle ne permet pas au consommateur de connaître ses droits et obligations et en ce qu'elle est susceptible, dès lors, de l'induire en erreur ; qu'en retenant, pour écarter le caractère abusif de la nouvelle version de l'article 14 selon laquelle « le délai de construction, et la date de fin du délai contractuel de construction, sont prorogés de plein droit dans les conditions prévues aux articles L. 231-1 et R. 231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation », que le renvoi aux dispositions légales et réglementaires apparaît conforme aux dispositions de l'article L. 133-2 du code de la consommation qui imposent la rédaction du contrat en termes rigoureux et compréhensibles, cependant que la simple mention d'un texte de loi ne permet pas l'information du consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1. » Réponse de la Cour 27. Ayant relevé que la clause n° 14, stipulant que le délai de construction et la date de fin du délai contractuel de construction seront prorogés de plein droit dans les conditions prévues aux articles L. 231-1 et R. 231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, prévoyait une information suffisante du consommateur et n'était pas contraire à l'article L. 133-2 du code de la consommation qui impose la rédaction du contrat en termes rigoureux et compréhensibles, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que, bien que ne reproduisant pas le texte de ces articles, cette clause n'était pas abusive. 28. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne les sociétés AISH et ARIA aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour les sociétés AISH et ARIA, demanderesses au pourvoi principal. PREMIER MOYEN DE CASSATION : Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés AISH et ARIA, d'avoir déclaré illicites la signature prématurée du contrat de construction de maison, le fait de faire signer une promesse d'achat aux sociétés du groupe Teber Avenir sans avoir de droit sur le terrain, le fait pour les sociétés Aish et Aria de se faire remettre un dépôt de garantie libellé à leur ordre, le fait d'exiger la rétractation de tous les cocontractants pour anéantir le contrat de construction, et le fait de ne pas notifier le contrat de façon claire et non ambiguë, et d'avoir déclaré abusifs les articles 6, 10, 11, 12, 14, 16, 17, 18, 19, 21, 22, 23, 26, 28, 31 et 33 du contrat de construction de maison individuelle et l'article 1.2.3 de la notice descriptive, AUX MOTIFS QU‘il ressort des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la consommation que les conditions dans lesquelles sont agréées les associations de défense des consommateurs sont fixées par décret, après avis du ministère public, compte-tenu de leur représentativité sur le plan national ou local ; que les conditions de retrait de cet agrément sont également fixées par décret ; qu'en l'espèce, l'AAMOI a reçu renouvellement de son agrément par arrêté du préfet de l'Essonne du 07 décembre 2000, pour exercer l'action civile, pour une durée de cinq années ; qu'aux termes des dispositions de l'article 2 de ses statuts, elle a pour objet d'assurer « la défense et la représentation des intérêts généraux de toutes les familles quelles que soient leur situation... en particulier en leurs qualités de consommatrices en tant que maîtres d'ouvrage, vis-à-vis des constructeurs de maisons individuelles avec fourniture de plan » ; que son objet n'est pas limité au territoire du département dans lequel elle a reçu son agrément ; que contrairement à ce que soutiennent les appelantes, cet agrément même s'il est délivré par arrêté préfectoral, ne l'est pas pour la seule compétence du département de l'Essonne ; que dans la mesure où la demande concerne deux constructeurs et porte sur la réparation du préjudice qu'elle soutient avoir subi du fait de pratiques et de clauses figurant à leurs contrats qu'elle estime illicites et abusives, elle justifie bien d'un intérêt à agir et d'une qualité à agir à la date de délivrance de l'assignation soit le 11 mars 2013 ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté ces fins de non-recevoir ; qu'il ressort des dispositions combinées des articles L. 421-2 du code de la consommation et de l'article L. 421-6 du code de la construction et de l'habitation dans leurs versions applicables aux faits de l'espèce, que les associations de consommateurs habilitées peuvent demander au juge que des clauses soient réputées non écrites dans tous les contrats identiques conclus par le défendeur avec des consommateurs, y compris les contrats qui ne sont plus proposés, et de lui ordonner d'en informer les consommateurs concernés par tous moyens appropriés à ses frais ; qu'en l'espèce, l'AAMOI conteste un certain nombre de pratiques et de clauses figurant dans des contrats actuellement proposés et dans des contrats proposés dans le passé mais qui concernent encore des consommateurs ; qu'elle justifie donc bien d'un grief permettant à la cour d'écarter cette fin de non-recevoir, à l'instar des premiers juges ; ET AUX MOTIFS QU'aux termes des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action en justice est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès d'une prétention et est irrecevable toute prétention émise par une personne dépourvue du droit d'agir ; qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de la consommation, les conditions dans lesquelles les associations de défense des consommateurs peuvent être agréées, après avis du ministère public, compte tenu de leur représentativité sur le plan national ou local ainsi que les conditions de retrait de cet agrément sont fixées par décret ; qu'il ressort des éléments de la cause que par arrêté du 7 décembre 2010 l'AAMOI obtenait de nouveau un agrément pour exercer l'action civile et que le renouvellement de l'agrément était émis par le préfet de l'Essonne ; que la SAS Ambition Loire Ain Lyonnais et la SAS Ambition Isère Savoie soutiennent que cet agrément délivré par arrêté du préfet du département de l'Essonne est corrélé à une restriction de compétence territoriale de la requérante sur le seul département de l'Essonne et ne peut lui permettre d'introduire une action à leur encontre alors qu'elles n'y officient nullement ; qu'en l'espèce, les statuts de l'AAMOI portent notamment en leur article 2 que cette association a pour objet "d'assurer […] la défense et la représentation des intérêts généraux de toutes les familles quelle que soit leur situation [...] en particulier en leurs qualités de consommateurs en tant que maîtres d'ouvrage, vis à vis des constructeurs de maisons individuelles avec fourniture de plan." ; qu'à l'évidence, les statuts de l'AAMOI ne comportent pas de restriction territoriale quant à sa capacité à ester en justice, pas plus que l'agrément délivré n'inclut de limitation à sa compétence territoriale ; que l'AAMOI assignait la SAS Ambition Loire Ain Lyonnais et la SAS. Ambition Isère Savoie, toutes deux constructeurs, de telle sorte que la requérante justifie d'un intérêt à agir en réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait des pratiques et de clauses figurant à leurs contrats qu'elle estime respectivement illicites et abusives ; que cette exception de fin de non-recevoir est rejetée ; que sur la fin de non-recevoir tirée de la modification des clauses figurant aux contrats de construction de maison individuelle, l'article L. 421-2 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur applicable aux faits de l'espèce, dispose que « les associations de consommateurs [...] peuvent également demander, selon le cas, à la juridiction civile ou à la juridiction répressive de déclarer que cette clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le défendeur ou le prévenu avec des consommateurs, y compris les contrats qui ne sont plus proposés, et de lui ordonner d'en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés » ; que l'article 81 de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, applicable ainsi aux faits de l'espèce, a de même modifié l'article L 421-6 du code de la construction et de l'habitation en prescrivant que l'article précité est complété par un alinéa ainsi rédigé : « les associations et les organismes mentionnés au premier alinéa peuvent également demander au juge de déclarer que cette clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs, y compris les contrats qui ne sont plus proposés, et de lui ordonner d'en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés » ; que la SAS Ambition Loire Ain Lyonnais et la SAS Ambition Isère Savoie prétendent que l'ensemble des clauses et pratiques dénoncées ont été supprimées unilatéralement de telle sorte qu'elles n'ont plus cours dans leurs contrats désormais modifiés ; que toutefois un certain nombre de clauses subsistent au sein de leur contrat ; que la requérante considère qu'ils font grief ; qu'il en est ainsi des mentions aux articles des textes de loi qui ne sont pas accompagnés de leur contenu ; qu'enfin, sur le fondement des dispositions légales ci-dessus rappelées, l'AAMOI qui met en oeuvre l'action civile à l'encontre de clauses irrégulières figurant à des contrats qui ne seraient plus proposés n'en justifie pas moins d'un grief ; que dans ces conditions, les fin de non-recevoir étant rejetées l'action est jugée recevable ; 1° ALORS QU'une association locale, départementale ou régionale ne peut agir en justice qu'aux fins d'assurer la défense des consommateurs situés dans le ressort géographique pour lequel elle a été agréée ; ; que les sociétés AISH et ARIA, qui ont respectivement leur siège social et leur activité dans les départements de l'Isère et du Rhône, faisaient valoir que l'AAMOI avait été agréée par arrêté du préfet de l'Essonne en qualité d'association locale, départementale ou régionale, n'avait dès lors pas qualité à agir à l'encontre des contrats qu'elles proposaient à leurs clients, sans les départements de l'Isère et du Rhône ; qu'en écartant cette fin de non-recevoir au motif que l'objet de l'association n'est pas limité à l'Essonne et que l'agrément qui lui a été délivré par le préfet de l'Essonne n'est pas limité à ce seul département, la cour d'appel a violé les articles L. 421-2, L. 421-6, R. 411-1 et R. 411-2, devenu L. 621-2, L. 621-7, R. 811-1 et R. 811-2, du code de la consommation, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ; 2° ALORS, subsidiairement, QUE la loi ne vaut que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif ; que la faculté pour les associations de défense des intérêts des consommateurs de demander à ce que soient réputées non écrites des clauses figurant même dans des contrats qui ne sont plus proposés aux consommateurs a été introduite aux articles L. 421-1 et L. 421-6 du code de la consommation par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 19 mars 2014 et n'ont pas été déclarées immédiatement applicables aux instances en cours ; qu'en déclarant recevables les demandes de l'AAMOI portant sur des clauses contractuelles que les sociétés AISH et ARIA justifiaient avoir supprimé des contrats qu'elle proposait aux consommateurs, sur le fondement de cette faculté nouvelle, la cour d'appel a méconnu les règles d'application de la loi dans le temps et a violé les articles L. 421-1 et L. 421-6 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, et l'article 2 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION : Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré illicites la signature prématurée du contrat de construction de maison, le fait de faire signer une promesse d'achat aux sociétés du groupe Teber Avenir sans avoir de droit sur le terrain, le fait pour les sociétés Aish et Aria de se faire remettre un dépôt de garantie libellé à leur ordre, le fait d'exiger la rétractation de tous les cocontractants pour anéantir le contrat de construction, et le fait de ne pas notifier le contrat de façon claire et non ambiguë, AUX SEULS MOTIFS ADOPTES QUE sur les pratiques illicites invoquées, sur la signature prématurée du CCMI et sur la révision du prix, selon l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation « Le contrat visé à l'article L. 231-1 doit comporter les énonciations suivantes : a) La désignation du terrain destiné à l'implantation de la construction et la mention du titre de propriété du maître de l'ouvrage ou des droits réels lui permettant de construire ; [...] » ; qu'aux termes de l'article R. 231-2 du même code, "Il est satisfait aux obligations prévues au a) de l'article L. 231-2 par les énonciations suivantes portées au contrat : 1. En ce qui concerne la désignation du terrain : sa situation avec l'indication de son adresse ou lieu-dit ainsi que sa surface et sa désignation cadastrale ; 2. En ce qui concerne le titre de propriété ou les droits réels permettant de construire : la nature des droits, la nature du titre, sa date, l'indication des nom et adresse du rédacteur de l'acte." ; que selon l'AAMOI, il ressort de l'article 2 "terrain" des conditions particulières du contrat proposé par les deux sociétés que le maître de l'ouvrage ne dispose que d'une promesse d'achat sur le terrain où doit être édifie l'ouvrage ; que l'AAMOI entend tirer argument des articles L. 231-2 et R. 231-2 du code de la construction et de l'habitation pour les interpréter et réduire leur domaine d'application aux seules promesses de vente, une promesse d'achat ne conférant aucun droit au maître de l'ouvrage. » ; que les deux sociétés e ne contestent pas le fait que les particuliers ne disposent que d'une promesse d'achat mais critiquent l'argument, faisant valoir le texte de l'article L. 231-4 du code civil qui dispose que le contrat défini à l'article L. 231-1 peut être conclu sous une série de cinq conditions suspensives dont l'acquisition du terrain ou des droits réels permettant de construire quand le maître de l'ouvrage bénéficie d'une promesse de vente ; que sur ce point il convient finalement d'observer le rapprochement des conclusions des parties ; que la seule promesse unilatérale d'achat n'engage en effet que les particuliers, maîtres de l'ouvrage, et n'offre pas de garantie suffisante ni sur l'acquisition d'un terrain dont la consistance n'est pas clairement définie ni sur sa date d'acquisition : dès lors le modèle de contrat produit aux débats ne peut être régularisé sans contrevenir aux dispositions susvisées de l'article L. 231-2 et R. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ; que par ailleurs s'agissant de la révision des prix autorisée après signature du contrat, révision visée notamment aux articles L. 231-12 et R. 231-6 du code de la construction et de l'habitation, la signature anticipée, ou très anticipée ainsi que le démontre l'AAMOI, du contrat de construction a pour effet d'appliquer mécaniquement la révision des prix sur une durée plus longue et ainsi de priver le maître de l'ouvrage du bénéfice de l'engagement de modération des prix ; que qui plus est l'engagement de modération des prix, dont le délai de validité peut être expiré au moment de l'acquisition du terrain, entraîne un surcoût à la charge des maîtres de l'ouvrage, et ce nonobstant un engagement de modération des prix au contrat type d'une durée de 24 mois (pièce 11 de la requérante), car il peut être corrélé à des délais maximum plus courts de 4 à 6 mois (pièce 15, la mention de délai de 4 mois figurant clairement en dépit de son biffage, et pièce 16) ; qu'il convient de déclarer illicite la pratique par les deux sociétés de la signature prématurée du contrat de construction de maison individuelle tel qu'établi par elles ; que sur l'illégalité des contrats signés sur des promesses d'achat présentées par les sociétés du groupe Teber Avenir, l'article 1.261-10 du code de la construction et de l'habitation dispose que "tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel [...] doit, à peine de nullité, être conforme aux dispositions des articles L. 261-11 à L. 261-14 [...]" du code de la construction et de l'habitation ; que l'AAMOI affirme que pour échapper aux dispositions d'ordre public de l'article L 261-40 du code de la construction et de l'habitation, les deux sociétés ont élaboré un montage qui, seulement en apparence, scinde d'une part les activités de constructions d'avec celles de fourniture et vente de terrains, mais qu'en réalité il s'agit d'un ensemble cohérent et homogène ; que les défenderesses contestent ces arguments et insistent sur le fait qu'elles ne fournissent qu'indirectement les terrains à bâtir, qu'en conséquence elles bénéficient de la dispense prévue à l'article L. 231-5 du code de la construction et de l'habitation ; qu'or, les deux sociétés ne démentent pas que leur contrat porte sur des constructions édifiées systématiquement sur des terrains appartenant au seul groupe Teber Avenir : à proprement parler il ne s'agit plus "qu'indirectement" fournir les terrains à bâtir ; que les différentes pièces produites aux débats démontrent que les défenderesses font signer une promesse d'achat à leur profit sur un terrain du groupe Teber Avenir, dont elles disent valablement en page 21 de leurs conclusions que « ce n'est pas parce que les sociétés font parties d'un même groupe qu'elles ne sont pas juridiquement indépendantes » mais sans toutefois démontrer qu'elles ne sont pas interdépendantes économiquement ; qu'il est bien dans le seul intérêt des sociétés du groupe que les travaux soient exécutés par les deux sociétés : l'intérêt des particuliers est de pouvoir faire jouer la concurrence entre constructeurs et d'avoir recours à des entrepreneurs plus diligents ou meilleur marché ; que toutefois aucune mention ne figure d'ailleurs aux contrats versés à la procédure que les particuliers sont en droit de passer par d'autres constructeurs que les défenderesses, une fois l'achat du terrain opéré ; que dès lors, les procédés commerciaux mis en place par les deux sociétés s'apparentent à une fourniture directe des terrains, quand bien même ces derniers sont la propriété du groupe Teber Avenir ou de l'enseigne "Demeure drômoise" ; qu'ainsi leur contrat proposé est un contrat de construction à proprement parler qui relève des obligations prévues à l'article L. 261-10 du code de la construction et de l'habitation ; qu'il convient de déclarer illicite la pratique qui consiste à faire signer une promesse d'achat aux sociétés du groupe Teber avertir alors qu'elles n'ont aucun droit sur ledit terrain ; que sur le versement d'un dépôt de garantie, l'article L. 231-4 II et III du code de la construction et de l'habitation dispose qu'aucun versement, aucun dépôt, aucune souscription ou acceptation d'effets de commerce ne peuvent être exigés ou acceptés avant la signature du contrat défini à l'article L. 231-1 ni avant la date à laquelle la créance est exigible ; que le contrat peut stipuler qu'un dépôt de garantie sera effectué à un compte spécial ouvert au nom du maître de l'ouvrage par un organisme habilité ; que le montant de ce dépôt ne peut excéder 3 % du prix de la construction projetée tel qu'il est énoncé au contrat ; que les fonds ainsi déposés sont indisponibles, incessibles et insaisissables jusqu'à la réalisation de toutes les conditions ; que dans ce cas, ces sommes viennent s'imputer sur les premiers paiements prévus par le contrat ; que les fonds déposés en garantie sont immédiatement restitués au maître de l'ouvrage, sans retenue ni pénalité, si toutes les conditions suspensives ne sont pas réalisées dans le délai prévu au contrat ou si le maître de l'ouvrage exerce la faculté de rétractation prévue à l'article L. 271-1 ; que l'AAMO prétend que les défenderesses exigeaient le versement d'un dépôt de garantie à la signature du contrat, que toutefois en réaction à ses interventions, lesdites sociétés ont changé la clause en introduisant toutefois une nouvelle clause illicite dénoncée à la recommandation n° 93-01 de la commission des clauses abusives : la consignation des fonds étant imposée auprès d'un établissement financier agréé par le constructeur ; que les deux sociétés contredisent cette analyse en affirmant que dans la mesure où le choix de la banque où s'opère la consignation est contractuellement prévu, cet élément ôte tout caractère abusif à la version actuelle des conditions particulières afférentes au dépôt de garantie ; qu'or à l'évidence et en substance, l'interdiction faite à toute personne visée au premier alinéa de l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation, d'exiger du maître de l'ouvrage aucun versement, aucun dépôt, aucune souscription ou acceptation d'effet de commerce avant la signature du contrat ne comporte aucune exception ; que par ailleurs les dispositions de l'article L. 231-4 du code de la construction et de l'habitation ne mentionne aucunement la possibilité pour le constructeur d'imposer l'établissement bancaire de son choix ; que les modifications apportées sur ce point précis relèvent d'une pratique abusive ; qu'il convient dès lors de déclarer illicite la pratique qui consiste à se faire remettre un dépôt de garantie libellé à son ordre ; que sur le refus de la rétractation d'un seul des deux cocontractants et sur la notification insuffisante relative au droit de rétractation ; que dans sa version du 16 juillet 2006 au 8 août 2015, applicable aux faits, l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation prescrit que pour tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, [..], l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de sept jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte ; que l'AAMOI reproche aux défenderesses que la rétractation de l'un des maîtres de l'ouvrage n'entraîne pas l'anéantissement du contrat pour toutes les parties, faute de consentement de chacun des maîtres de l'ouvrage ; que les deux sociétés mettent en avant une stricte application de la jurisprudence de la cour de cassation qui implique selon elles un traitement individuel de chacun des acquéreurs, et ce notamment dans les cas des couples ni mariés ni pacsés, la solidarité ne se présumant point ; qu'en l'espèce, et bien que l'AAMOI ne rapporte pas la preuve de l'abus de position dominante de la société Ambition Loire Ain Lyonnais dans le dossier Lagier/Cluze qui aurait au détriment de ces deux particuliers obtenu un protocole d'accord "particulièrement honteux", la rédaction volontairement protectrice des Intérêts des particuliers de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation qui dispose que, pour tout acte sous seing privé ayant pour objet l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter, (et le délai dans cette optique de protection étant passé de sept jours à 10 jours) dans le cadre d'un couple, ni marié ni pacsé, la rétractation de l'un doit entraîner l'anéantissement du contrat passé ; que par ailleurs l'AAMOI impute aux défenderesses une absence de notification claire non ambiguë aux particuliers du contrat de construction et un défaut d'information du caractère spécifique du courrier leur notifiant cet acte, alors qu'ils disposent d'un droit de rétractation ; que les deux sociétés répliquent qu'aucune disposition de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation n'impose de mentionner expressément que la réception de la notification par courrier RAR du contrat fait courir 1€ délai de rétractation prévu ; qu'en l'espèce alors il doit être observé que si à l'article 30 des conditions générales du contrat il est rappelé l'ancienne version des dispositions légales prévues à l'article précité, le courrier type par LRAR accompagnant l'envoi du contrat -pièce 27- ne porte mention ni d'une quelconque notification ni ne fait état du délai de rétractation : de cette sorte, le maître de l'ouvrage, profane en la matière, ne peut envisager qu'il s'agit de l'opportunité qui lui offerte de se réfracter dans le délai exigé ; que cette pratique, insuffisamment protectrice des intérêts des particuliers, qui consiste à ne pas notifier le contrat de façon claire et compréhensible est illicite ; ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à confirmer le jugement en ce qu'il avait déclaré illicites les pratiques des sociétés AISH et ARIA tendant à faire signer prématurément le contrat de construction de maison individuelle, à faire signer une promesse d'achat aux sociétés du groupe Teber Avenir sans avoir de droit sur le terrain, à se faire remettre un dépôt de garantie libellé à leur ordre, à exiger la rétractation de tous les cocontractants pour anéantir le contrat de construction, et à ne pas notifier le contrat de façon claire et non ambiguë, sans donner aucun motif propre à sa décision et sans répondre aux conclusions des sociétés AISH et ARIA qui demandaient l'infirmation du jugement sur ces points et en contestaient la motivation (conclusions n° 2, pages 25 à 33), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; TROISIEME MOYEN DE CASSATION : Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré abusifs et non écrits les articles 6, 10, 12, 14, 16, 17, 18, 19, 21, 22, 23, 26, 28, 31 et 33 du contrat de construction de maison individuelle et l'article 1.2.3 de la notice descriptive, dans leurs rédactions antérieures, d'avoir ordonné la suppression de ces clauses dans les contrats proposés par celles-ci, et d'avoir condamné les sociétés AISH et ARIA à informer leurs clients par tous moyens des clauses déclarées abusives et à payer à l'AAMOI une somme de 120.000 € à titre de dommages et intérêts, AUX MOTIFS QUE sur la clause 6 dans toutes les versions en ce qu'elle fixe la date d'ouverture du chantier au début effectif des travaux, si le premier juge a considéré qu'il convenait d'imposer aux intimées une rédaction conforme aux dispositions de l'article L. 231-2 g) du code précité qui imposent l'indication de l'obtention du permis de construire et des autres autorisations administratives et une rédaction conforme aux dispositions de l'article L. 213-4 du code de la construction et de l'habitation, faisant mention exclusivement de la date d'ouverture de chantier, il a omis de reprendre ces condamnations dans son dispositif ; que l'article L. 231-4 du code de la construction et de l'habitation dispose que le contrat de construction de maison individuelle « peut être conclu sous les conditions suspensives suivantes : a) L'acquisition du terrain ou des droits réels permettant de construire si le maître de l'ouvrage bénéficie d'une promesse de vente ; b) L'obtention du permis de construire et des autres autorisations administratives, le maître de l'ouvrage étant tenu de préciser la date limite de dépôt de la demande ; c) L'obtention des prêts demandés pour le financement de la construction ; d) L'obtention de l'assurance de dommages ; e) L'obtention de la garantie de livraison. Le délai maximum de réalisation des conditions suspensives ainsi que la date d'ouverture du chantier, déterminée à partir de ce délai, sont précisés par le contrat » ; qu'il est précisé par l'article L. 231-2 i) du même code que le contrat doit également comporter la date d'ouverture du chantier, le délai d'exécution des travaux et les pénalités prévues en cas de retard de livraison ; que l'article 6 des conditions particulières des contrats proposés par les intimées prévoit que « la durée d'exécution des travaux sera de ... à compter du démarrage des travaux » ; que l'article 12 des conditions générales mentionnant que « le constructeur constitue en autant d'exemplaires qu'il est besoin le dossier de permis de construire, et le dépose dès sa signature par le maître de l'ouvrage auprès de l'autorité compétente » ; que l'appelante reproche à ces dispositions contractuelles de laisser le démarrage des travaux et le délai de livraison de la construction au bon vouloir du constructeur, et de laisser le maître d'ouvrage dans l'ignorance du délai du dépôt du permis de construire ; que les intimées font valoir qu'aux termes du contrat et notamment de l'article 12 des conditions générales, elles sont tenues dès la signature du maître d'ouvrage de déposer immédiatement le dossier auprès de l'autorité compétente, ce qui ne leur laisse aucune marge de manoeuvre ; qu'elles observent que le mandat qui les lie au maître d'ouvrage peut être révoqué à tout moment et expliquent avoir modifié leur convention en prévoyant désormais un délai de six semaines ; qu'elles considèrent que se référer à la date de dépôt de la déclaration d'ouverture de chantier ne présenterait pas plus de sécurité ; qu'il convient de relever que ce même article fait donner mandat par le maître d'ouvrage aux constructeurs pour l'accomplissement des démarches nécessaires à l'obtention du permis de construire ; que dès lors, l'absence de mention de délai pour le dépôt du permis de construire est abusive notamment en ce que cela laisse les intimées seules à même de faire avancer ou non l'étude du permis de construire sans recours pour les maîtres d'ouvrage ; que l'argumentaire des intimées sur le point de départ des conditions suspensives lorsque le permis de construire aurait été obtenu avant la signature du contrat est inopérant puisqu'alors il s'agirait d'un contrat sans fourniture de plan qui fait l'objet d'autres dispositions ; qu'enfin, la rédaction de l'alinéa 3 de cet article 6 permet dans l'hypothèse où les intimées décident de ne pas démarrer les travaux à ce que le délai de livraison ne court pas ; qu'il y a donc lieu de déclarer ces clauses abusives et de condamner les intimées à en informer leurs cocontractants dans les contrats qui sont en cours d'exécution par lettre recommandée ; que sur la clause 10 du contrat de 2014, aux termes des dispositions de l'article R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation: « I.- Est aussi annexée au contrat visé à l'article L. 231-2 une notice descriptive conforme à un modèle type agréé par arrêté du ministre chargé de la construction et de l'habitation indiquant les caractéristiques techniques tant de l'immeuble lui-même que des travaux d'équipement intérieur ou extérieur qui sont indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble ; Il.- Cette notice fait la distinction prévue à l'article L. 231-2 f d) entre ces éléments selon que ceux-ci sont ou non compris dans le prix convenu. Elle indique le coût de ceux desdits éléments dont le coût n'est pas compris dans le prix. La notice mentionne les raccordements de l'immeuble à l'égout et aux distributions assurées par les services publics, notamment aux distributions d'eau, de gaz, d'électricité ou de chauffage, en distinguant ceux qui sont inclus dans le prix et, s'il y a lieu, ceux dont le coût reste à la charge du maître de l'ouvrage. La notice doit porter, de la main du maître de l'ouvrage, une mention signée par laquelle celui-ci précise et accepte le coût des travaux à sa charge qui ne sont pas compris dans le prix convenu. » ; que l'article 10 des conditions générales du contrat proposé avant 2014 prévoyait que le maître de l'ouvrage se charge personnellement des démarches nécessaires auprès des services compétents pour la réalisation des travaux de viabilité du terrain (eau, gaz, électricité, téléphone, assainissement) et que ces dépenses sont payées directement par le maître d'ouvrage aux services concernés, les prix des branchements mentionnés aux présentes et notamment sur la notice descriptive concernant uniquement les travaux à effectuer à l'intérieur de la propriété du client par le constructeur ; que cette clause ne permet pas au consommateur de connaître le coût total de l'extension du réseau et est donc contraire aux dispositions de l'article précité qui veillent à protéger le consommateur qui pourrait s'endetter en méconnaissance du coût réel des travaux nécessaires restés à sa charge dans le cadre du projet envisagé ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré abusive cette clause et complété en déclarant également abusive la version de 2014 ; que sur la clause 12 dans sa version 2014, nonobstant la suppression de cette clause dans leurs contrats, les intimées continuent à soutenir cependant que cette clause n'est pas abusive ; que si les dispositions de l'article L. 231-4 du code précité prévoient que le maître d'ouvrage est tenu de préciser la date limite de dépôt de la demande, force est de constater que les contrats proposés par les intimés font tous donner mandat par le maître d'ouvrage aux intimées pour déposer ce permis ; que c'est donc à bon droit que le premier juge l'a déclarée abusive dans sa rédaction ancienne ; que dès lors, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu le caractère abusif de cette clause ; que sur la clause 14 dans sa version 2014, il n'est pas contesté que l'ancienne rédaction de la clause 14 était illicite ; que si la clause 15, le tribunal a sanctionné la rédaction de cette clause en ce qu'elle imposait au maître d'ouvrage de fournir une étude de sol et en en faisant une condition d'ouverture du chantier ; que les intimées ne le contestent plus ; qu'elles justifient par la production de leur dernier modèle de contrat type (28 septembre 2016) que cette clause ne figure plus dans leurs contrats ; que sur la clause 16 dans sa version 2012 et 2014, les intimées ne contestent plus le caractère abusif de la clause 16 en ce qu'elle interdisait les visites du maître de l'ouvrage et le fait que le contrat rejetait sur le maître d'ouvrage la charge des travaux d'adaptation supplémentaires vis-à-vis des supports commerciaux ; que reste en discussion la prohibition de l'assistance du maître d'ouvrage par un conseil ou un huissier de justice tout au long du chantier, laquelle a été considérée comme licite par le premier juge ; que la dernière version du contrat est ainsi rédigée : « d'interdire l'accès au chantier à toute personne étrangère à son personnel ou à celui des réalisateurs désignés par lui » ; que le fait d'interdire au maître d'ouvrage d'être assisté d'un conseil ou d'un huissier de justice alors que rien en ce sens n'est prévu pour le constructeur qui peut se faire assister de toute personne de son choix est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les parties et prive le maître d'ouvrage de rapporter la preuve de certains désordres ou non-conformités ; que si la version du contrat communiquée en pièce 17 prévoit la possibilité pour le maître d'ouvrage de se faire accompagner par tout conseil de son choix, il n'en est pas de même de la version du 28 septembre 2016 laquelle doit donc être déclarée abusive ; que le jugement sera infirmé sur ce point ; que sur la clause 17 dans sa version 2014, au titre de cet article, n'est plus en discussion que la version 2014 du contrat qui prévoit « D'un commun accord et de manière ferme et définitive, les parties conviennent que toutes les consignations devant avoir lieu à l'issue de la réception conformément à l'article 22 seront effectuées sur le compte signataire mentionné à l'article 4 des conditions particulières », lequel est un compte ouvert au nom des maîtres d'ouvrage auprès de la BANQUE POPULAIRE DES ALPES ; que la banque ainsi désignée l'est par le constructeur alors que les dispositions de l'article R. 231-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit qu'en cas de désaccord le consignataire doit être désigné par le président du tribunal de grande instance, et ce, sans que les conditions relatives à la conservation et à la libération des fonds soient portées à la connaissance du maître d'ouvrage ; que le fait de ne pas mentionner le recours possible en cas de désaccord au président du tribunal de grande instance est de nature à porter atteinte au libre recours au juge et doit être considérée comme abusif au sens de l'article L. 212-2 du code de la consommation ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de l'appelante et de condamner en conséquence les intimées à en informer leurs clients concernés par tous moyens appropriés ; que sur les articles 18 et 21, la cour n'est saisie d'aucune demande à ce titre dans le dispositif des conclusions des appelantes si ce n'est d'une demande générale de condamnation des intimées à porter à la connaissance de leurs clients concernés les condamnations, demande à laquelle il convient de faire droit en application de l'article L. 621-2 du code de la consommation ; que sur la clause 22 en ce qu'elle fait seulement référence aux dispositions du code de la construction et de l'habitation qui ne sont pas reproduites et ne prévoit pas clairement la consignation sur un compte au nom du maître de l'ouvrage, les intimées soutiennent que dans la mesure où elles ont supprimé les clauses, le tribunal aurait dû prononcer un non lieu à statuer tandis que l'appelante reproche au premier juge de ne pas avoir sanctionné le 21 paragraphe du chapitre 1 de cette clause lequel dispose « A défaut de justification de la garantie de remboursement, un dépôt de garantie au plus égal à 3% du prix convenu pourra être sollicité à la signature des présentes (dans les conditions prévues par l'article L. 231-4 du CCH), les paiements s'effectuant comme indiqué au Il et III des présentes » ; que cette clause ne précise pas contrairement aux dispositions de l'article L. 231-4 du code précité que le dépôt de garantie doit être effectué sur un compte spécial ouvert au nom du maître de l'ouvrage par un organisme habilité et peut laisser croire que ces fonds peuvent être remis au constructeur ; que la simple référence ici à l'article en cause apparaît insuffisante à assurer la bonne information du maître de l'ouvrage sur ce point ; que dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré abusive cette clause et infirmé en ce qu'il ne pas l'a pas déclarée abusive dans sa version 2014, avec au surplus information aux clients concernés ; que sur la clause 23 dans sa version 2012 et les dispositions du contrat prévoyant le règlement d'un appel de fonds avant une visite du chantier sollicitée par le maître de l'ouvrage, les parties ne contestent plus que la clause 23 dans son ancienne rédaction est abusive en ce qu'elle fixait un délai de règlement des appels de fonds à moins de 15 jours ; qu'elles sont en désaccord sur le fait que le premier juge a considéré que la nouvelle rédaction était aussi abusive en ce que le délai de règlement débute à la date d'émission de l'appel de fonds, en ce que les pénalités débutent à la première présentation du courrier recommandé et non à sa réception et en ce qu'il ne prévoit pas des sanctions symétriques en cas d'appel de fonds anticipé ; que la nouvelle version de cet article ainsi rédigée « le maître d'ouvrage dispose, pour régler les appels de fonds qui lui sont présentés, d'un délai de 15 jours commençant à courir à compter de l'émission de l'appel de fonds ou, si le maître d'ouvrage en fait la demande expresse, à compter de la visite de chantier effectuée pour constater l'état d'avancement du chantier » ; que si le délai varie selon que le maître d'ouvrage demande ou non une visite du chantier, il n'en demeure pas moins que le fait de faire courir le délai en l'absence de demande de visite à l'émission de l'appel de fonds et non à la réception de la demande constitue un déséquilibre significatif entre les parties dans cette hypothèse ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré abusive cette nouvelle rédaction ; que l'appelante demande en outre que les intimées en informe leurs clients concernés par tout moyen approprié pour les contrats en cours ; que cette demande est conforme aux dispositions de l'article L. 621-2 du code de la consommation qui permettent aux associations de consommateurs de demander que le défendeur soit condamné à en informer le consommateur à ses frais par tous moyens appropriés ; qu'il sera donc fait droit à ce chef de demande ; que sur l'article 26 dans sa version 2012 en ce qu'il accorde au constructeur le pouvoir discrétionnaire de reconnaître le bien fondé des désordres émis par le consommateur, en ce qu'il prévoit un paiement des interventions du constructeur sans le moindre devis, ni barème, ni prix de ses déplacements, en ce qu'il n'organise pas la garantie de bon fonctionnement, si le premier juge a reconnu le caractère abusif de cette clause dans sa rédaction antérieure à 2014, il a omis de reprendre cette condamnation dans son dispositif ; que les intimées ne le contestent pas ; qu'il convient de faire figurer cette condamnation dans le dispositif de l'arrêt ; que sur l'article 31, les intimées considèrent que dans la mesure où elles ont modifié cette clause, le tribunal aurait dû prononcer un non-lieu à statuer sur cette demande ; que dans la mesure où la version antérieure était abusive et que des contrats sont susceptibles d'être encore en cours, c'est à bon droit que le premier juge a constaté le caractère abusif de cette clause ; que sur la clause 33 du contrat dans sa version antérieure à 2014 en ce qu'elle organise une hiérarchie dans les documents contractuels, si le premier juge a reconnu le caractère abusif de cette clause dans sa rédaction antérieure à 2014, il a omis de reprendre cette condamnation dans son dispositif ; que les intimées ne le contestent pas ; qu'il convient de faire figurer cette condamnation dans le dispositif de l'arrêt ; que de même, dans la mesure où la version antérieure était abusive et que des contrats sont susceptibles d'être encore en cours, l'appelante apparaît bien fondée à en demander la suppression dans les contrats en cours d'exécution avec information par les intimées à leurs frais par tous moyens aux consommateurs ; que sur la clause « IMPLANTATION » de la notice descriptive, l'appelante demande la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté le caractère illicite de la clause 1 .2.3 de la notice descriptive dans sa rédaction antérieure en ce qu'elle violait le caractère forfaitaire du prix du contrat et son infirmation en ce qu'elle l'a déboutée sur les multiples clauses insuffisantes de la notice descriptive et notamment en ce que les clauses qui se réfèrent aux règles de l'art ou au zone sismique sont insuffisantes pour éclairer le consommateur et lui permettre de comparer les prestations comprises dans le prix convenu avec celles d'autres prestataires ; que les intimées ne contestent pas le caractère illicite de la clause 1.2.3 de la notice descriptive dans sa rédaction antérieure mais soutiennent que cette clause ne figure plus dans la version actuelle du modèle de notice descriptive ; que l'appelante ne justifie pas de la version qu'elle critique ; qu'l y a donc lieu de s'en tenir au jugement pour la clause 1.2.3. ; ET AUX MOTIFS QUE sur l'article 6-Délais, en l'espèce, s'agissant du dépôt du permis de construire, aux termes de l'article 12 de la convention, les maîtres de l'ouvrage donnent mandat pour l'accomplissement des démarches nécessaires à son obtention ; qu'en la matière, les défenderesses disposent de tous les leviers, hormis la signature du maître de l'ouvrage, et ce dernier finalement d'aucun moyen d'action pour faire progresser l'élaboration du permis de construire qui constitue également un point essentiel de la réalisation des conditions suspensives permettant le démarrage des travaux ; qu'or, les parties signent le contrat une fois d'accord sur le prix et la chose, soit les plans descriptifs de l'ouvrage à bâtir ; que la fourniture des plans simples du bâtiment étant acquise dès la signature du contrat de construction, les arguments de 1'AAMOI sont justes lorsqu'elle explique que d'une part une absence de mention de délai pour le dépôt du permis de construire est une clause abusive notamment en ce que les défenderesses disposent finalement de tous les moyens pour faire avancer l'étude du permis de construire et les particuliers d'aucun levier possible ; qu'il y a lieu de rappeler de surcroît aux deux sociétés la nécessité de rendre conforme 1cm contrat aux dispositions de l'article L. 231-2 g) qui imposent l'indication de l'obtention du permis de construire et des autres autorisations administratives, dont une copie est annexée au contrat ; que s'agissant enfin des délais de livraison, soit la durée d'exécution des travaux, l'article 6 alinéa 3 du contrat de construction stipule que "la durée d'exécution des travaux sera de… à compter du démarrage des travaux." ; qu'en l'espèce, cette formulation revient, si en théorie les deux sociétés décident de ne pas démarrer effectivement leurs travaux, à ce que le délai de livraison ne court jamais ; qu'il convient ainsi d'imposer aux deux sociétés une rédaction conforme aux dispositions de l'article L. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, faisant mention exclusivement de la date d'ouverture de chantier ; que sur l'article 10- travaux de viabilité, l'AAMOI critique l'article 10 du contrat des défenderesses en ce qu'il n'informe pas les particuliers du coût réel de tous les travaux de raccordement tels que pris en compte par les dispositions précitées de l'article R. 2314 du code de la construction et de l'habitation ; que les deux sociétés assurent que la clause critiquée ne revient pas à mettre à la charge du maître de l'ouvrage les coûts de fourniture d'eau pour les besoins du chantier ni celui du combustible pour le préchauffage et qu'elles n'ont pas à chiffrer le coût du raccordement sur le domaine public ; qu'en l'espèce, selon l'article 10 des conditions générales "Le maître de l'ouvrage se charge personnellement des démarches nécessaires auprès des services compétents pour la réalisation des travaux de viabilité du terrain (eau, gaz, électricité, téléphone, assainissement). Ces dépenses (réalisation et consommation) sont payées directement par le Maître d'ouvrage aux services concernés. Les prix des branchements, mentionnés aux présentes, et notamment sur la notice descriptive, concernent uniquement les travaux à effectuer à l'intérieur de la propriété du client par le Constructeur » ; qu'or l'article R. 2314 du code de la construction et de l'habitation veille à protéger le particulier qui pourrait s'endetter en méconnaissance du coût réel des travaux nécessaires restés à sa charge dans le cadre du chantier envisagé, l'acheteur devant être particulièrement informé des frais dont il assumera effectivement la charge ; que la clause 10 induit effectivement un déséquilibre significatif au visa de L. 132-1 du code de la consommation et doit être en conséquence déclarée abusive, en ce qu'elle ne permet pas d'informer le consommateur du coût total de l'extension du réseau ; que sur l'article 11 description du terrain et es clauses connexes selon l'article 11 du contrat « Le Maître d'ouvrage doit fournir au constructeur sous son entière responsabilité tous renseignements concernant le terrain notamment : le certificat d'urbanisme, le cahier des charges et le règlement du lotissement, deux documents photographiques au moins permettant d'apprécier le terrain dans son paysage proche et lointain, plan de masse, de situation et de bornage, les servitudes, l'emplacement des viabilités ainsi que les courbes de niveau, mitoyenneté ou limites séparatives déterminées par un géomètre expert, tous éléments constitutifs d'une étude de sol, plans des bâtiments existants, permis de démolir (…). En l'absence de ces pièces, le terrain sera considéré comme conforme au descriptif de base. Le prix de base mentionné s'entend pour un pavillon édifié sur un terrain plat (+ ou —2.5%), débroussaillé, mis à niveau de la plate-forme du pavillon, libéré de tout obstacle et accessible aux camions semi-remorques jusqu'à une ligne de façade du pavillon il est calculé pour des fondations normales, basées sur un taux minimum de travail au sol de 2 kg/c. Le sol sera considéré filtrant et le niveau NGF des plus hautes eaux inférieur de 50 cm au niveau du sous-sol ou de 100 cm au niveau sol rez-de-chaussée pour pavillon sur vide sanitaire. Si la hauteur du fil d'eau de l'égout ne permet pas de raccorder la maison, la pompe de relevage reste à la charge du Maître d'ouvrage. » ; que le deuxième alinéa de l'article 12 du contrat mentionne de surcroît que "le maître de l'ouvrage lui communiquera les documents visés à l'article 11." ; que ces clauses sont illicites en ce qu'elles violent les fondements textuels ci-dessus rappelés ; que les défenderesses concluent que les dites clauses ont été supprimées de leur contrat ; qu'il est de la sorte fait droit à la demande de l'AAMOI visant à ce que les deux sociétés soient condamnées à retirer des articles 11 et 12 des conditions générales toute mention faisant obligation au maître de l'ouvrage de fournir des renseignements sur le terrain, nécessaires à l'élaboration du projet et au dépôt du permis de construire, et à retirer la mention manuscrite où le maitre d'ouvrage reconnaît avoir été informé des contraintes du terrain, sans préciser ces contraintes ; que sur l'article 12-demande de permis de construire l'AAMOI rappelle que le maître de l'ouvrage donne mandat au constructeur aux fins d'obtenir le permis de construire et que l'obligation d'indiquer la date limite du dépôt du permis de construire est à sa charge mais qu'en l'espèce aucune clause du contrat ne porte cette précision essentielle ; que les défenderesses répondent que la critique est vide de sens dans la mesure où elles ont modifié leur contrat pour y préciser un délai de six semaines pour le dépôt du permis de construire ; que l'absence de la mention du délai constituait bien une clause abusive ; que l'AAMOI poursuit en relevant le principe d'ordre public du caractère forfaitaire du prix convenu et que la mention portée au contrat « toute prescription imposée par l'administration fera l'objet d'un avenant à la charge financière du Maître d'ouvrage » est par conséquent abusive, dans la mesure où elle met à la charge du maître de l'ouvrage les modifications exigées par l'administration pour une mise en conformité des travaux à prévoir avec les règles de l'urbanisme, alors que le constructeur, en sa qualité de professionnel, est la seule partie à avoir la main sur l'élaboration du permis de construire ; qu'il lui appartient de l'établir au regard des critères exigés ; que sur ce point également les deux sociétés ont modifié leur modèle de contrat ; qu'il sera fait droit à la demande de l'AAMOI visant à ce que la clause 12 telle que rédigée est une clause abusive en ce qu'elle remet en question le principe forfaitaire du prix convenu ; que sur l'article 14 Délais l'AAMOI soutient que la clause est abusive car contraire aux dispositions de l'article L. 231-3 d) du code de la construction et de l'habitation et les conclusions des défenderesses la rejoignent sur ce point : les deux sociétés ont ainsi modifié l'article 24 de leur contrat qui prévoit désormais que le délai de construction et la date de fin de délai de construction sont prorogés dans les conditions prévues aux articles U31-1 et suivants et R. 2314 et suivants du code de la construction et de l'habitation ; qu'il convient toutefois de déclarer illicite l'article 14 dans sa rédaction antérieure ; que sur l'article 16—réalisation l'article L. 231-3 du code de la construction et de l'habitation dispose que « sont réputées non écrites les clauses ayant pour objet ou pour effet (...) d'interdire au maître de l'ouvrage la possibilité de visiter le chantier, préalablement à chaque échéance des paiements et à la réception des travaux ; que l'AAMOI prétend que l'article 16 du contrat est abusif en ce qu'il interdit toute visite du chantier au maître de l'ouvrage ; qu'elle invoque sur ce point la recommandation n°81-02 de la commission des clauses abusives ; que les deux sociétés y adhèrent désormais, ayant modifié la clause et la version actuelle du contrat prévoyant que "le maître d'ouvrage pourra demander au constructeur une visite de chantier préalablement à chaque échéance des paiements et à la réception des travaux" ; que s'agissant des 4ème et 5ème paragraphes de la clause - rédigés en ces termes "Le constructeur ne pourra être tenu pour responsable si la configuration du terrain ne permet pas l'implantation de la construction telle que présentée sur les supports commerciaux. La nouvelle implantation sera soumise au Maître de l'ouvrage qui devra valider les modifications induites par ce changement d'implantation. Le constructeur n'assumera ni la charge ni la responsabilité des travaux complémentaires si le terrain est affecté de vices apparents ou d'obstacles nécessitant la réalisation préparatoires et/ou supplémentaires indispensables pour permettre la construction de la maison (surélévation de lignes électriques, téléphoniques, détournement de canalisation souterraines et autres" ; que l'AAMOI rappelle qu'au visa des articles L. 231-2 c) et d), R. 231-3 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, ces deux paragraphes constituent une clause abusive ; que les deux sociétés en conviennent dont les conclusions portent mention que dans leur contrat actuel ces deux paragraphes ont été supprimés ; qu'il est donc fait droit à la demande de I'AAMOI mais en déclarant abusif l'article 16 dans son ancienne rédaction en ce qu'il réserve au seul constructeur l'initiative de l'organisation des visites de l'ouvrage sans prévoir de fréquence raisonnable et minimum à laquelle le consommateur pourra en solliciter et en ce qu'il organise la violation du caractère forfaitaire du contrat en rejetant sur le maître de l'ouvrage la charge de travaux supplémentaires d'adaptation au terrain vis-à-vis des supports commerciaux ; que sur l'article 17—réception, l'AAMOI soutient qu'une clause prévoyant une consignation d'une somme auprès d'un établissement financier agréé par le constructeur sur un compte dont il est titulaire est une clause abusive ; qu'elle reproche à la clause considérée d'être rédigée en ces termes : "d'un commun accord et de manière ferme et définitive, les parties conviennent que toutes les consignations devant avoir lieu à l'issue de la réception conformément à l'article 22 seront effectuées auprès de la banque populaire des Alpes sur le compte consignataire n°320 416 78598 ouvert au nom d'Ambition Loire Ain Lyonnais." ; que les deux sociétés indiquent derechef avoir retiré la clause litigieuse du contrat ; que cette stipulation constitue de fait une clause abusive en ce que les fonds du maître d'ouvrage sont directement à la disposition du constructeur et qu'elle contrarie le recours au dernier alinéa de l'article R. 231-7 du code de la construction et de l'habitation qui prescrit qu'en cas de désaccord le consignataire doit être désigné par le président du tribunal de grande instance ; que la requérante dénonce également que le dernier paragraphe qui stipule "si la réception de l'ouvrage ne peut intervenir à l'amiable j...] et doit intervenir judiciairement, tous les frais afférents, sans exception seront supportés par le maître de l'ouvrage." ; que cette stipulation constitue une clause abusive en ce qu'elle tend à réprimer et donc restreindre l'accès du maître d'ouvrage à son juge ; que certes, la S.A.S. Ambition Loire Mn Lyonnais et la S.AS. Ambition Isère Savoie font valoir la contractualisation du choix de l'établissement bancaire, que le compte consignataire n'est plus ouvert à leur nom mais à celui du maître d'ouvrage et que le dernier paragraphe critiqué était supprimé de leur contrat an cours, toutefois, l'AAMOI réclamant qu'il soit jugé que constitue une clause abusive l'article 17 en ce qu'il prévoit dès la signature du contrat que la consignation se fera uniquement sur un compte ouvert au nom du constructeur, et dans son ancienne rédaction, en ce que se substituant au juge il prévoit que les frais judiciaires seront supportés par le maître de l'ouvrage, sa demande est accueillie ; que sur l'article 18 - prise de possession l'article 1792-6 du code civil dispose que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; que l'AAMOI soutient le caractère abusif du 2ème paragraphe de l'article 18 aux termes duquel "Toute prise de possession ou emménagement avant la signature du procès-verbal de réception par le Maître d'Ouvrage, entraîne de fait ta réception de la maison sans réserve et l'exigibilité de l'intégralité des sommes restantes dues, sans contestation possible." ; que les deux sociétés indiquent avoir retiré la clause litigieuse du contrat ; que conformément à la jurisprudence constante aux termes de laquelle la réception ne peut être que volontaire ou judiciaire en application de l'article 1792-6 du code civil et que dès lors la prise de possession ne caractérise pas la volonté du maître d'ouvrage de recevoir l'ouvrage, il convient de retenir le caractère abusif de cette clause et il est fait droit à la demande de l'AÀMOI ; que sur l'article 19- le prix l'article considéré prévoit que « le prix tient compte des déductions de toutes primes de toutes natures, ces dernières restant acquises au Constructeur » ; que cette clause au sens de l'article L. 231-1 du code de la consommation est abusive en raison du déséquilibre significatif induit, la construction de maison individuelle pouvant faire l'objet de diverses primes au seul bénéfice du maître de l'ouvrage, ce qui interdit son détournement par le constructeur ; qu'il est fait droit à la demande de l'AAMOI tendant à déclarer abusif l'article 19 dans sa rédaction antérieure en ce qu'il prévoit que les primes de toutes natures seraient acquises au constructeur ; que sur l'article 21—modalités de paiement l'AAMOI affirme que le premier paragraphe de l'article incriminé, ainsi rédigé, "Les sommes dont le maître de l'ouvrage dispose au titre de son apport personnel doivent être versées avant celles qui constituent le montant du ou des prêts à la construction qui lui sont consentis." ; que constitue une clause abusive en ce que cette stipulation restreint le droit du maître de l'ouvrage de faire appel aux fonds qu'il souhaite investir en priorité dans la construction et donne un droit de regard du constructeur sur lesdits fonds ; que les deux sociétés s'opposent à cette analyse ; que la requérante n'articule aucun moyen de droit et de fait valable au soutien de sa prétention ; que sa demande visant à déclarer abusif l'article 21 en ce qu'il donne un droit de regard sur l'utilisation des fonds du maître de l'ouvrage rejetée ; que l'AÀMOI ajoute que le dernier paragraphe de l'article, ainsi stipulé, "Si des travaux supplémentaires à la charge du maître de l'ouvrage doivent être effectués par le Constructeur, un avenant le constatera. Le paiement sera effectué à la signature de l'avenant," constitue une clause abusive ; qu'à raison les deux sociétés indiquent avoir retiré la clause litigieuse du contrat de fait un avenant qui modifie le contrat initial n'a pas être disjoint du prix de base de sorte que son incidence financière doit être pris en compte dans le prix de la construction et ne peut recevoir de traitement sépare du prix convenu ; que dès lors il convient de faire droit à la demande de l'AAMOI tendant à juger l'article 21 dans son ancienne rédaction, en ce qu'i1 prévoit le paiement des avenants à la signature de ces derniers les exonérant de la grille légale limitant les appels de fonds selon les stades et sans prévoir le remboursement Immédiat des avenants en moins-value ; que sur l'article 22 -échelonnement des paiements l'article L. 2314 du code de la construction et de l'habitation prévoit que "le contrat peut stipuler qu'un dépôt de garantie sera effectué à un compte spécial ouvert au nom du maître de l'ouvrage par un organisme habilité. Le montant de ce dépôt ne peut excéder 3% du prix de la construction projetée tel qu'il est énoncé au contrat. Les fonds ainsi déposés sont indisponibles, incessibles et insaisissables jusqu'à la réalisation de toutes les conditions ; dans ce cas, ces sommes viennent s'imputer sur les premiers paiements prévus par le contrat." ; que selon l'article 22 des conditions générales du contrat « A défaut de justification de la garantie de remboursement, un dépôt de garantie au plus égal à 3% du prix convenu pourra être sollicité à la signature des présentes, les paiements s'effectuant comme indiqué au II et III des présentes » ; que les deux sociétés ont modifié cette clause en y apportant la précision suivante que le dépôt de garantie pourra être sollicité "dans les conditions prévues par l'article L. 231-4 du code de la construction et de l'habitation" ; que l'article R. 231-7 (II) du code de la construction et de l'habitation impose également que "dans les cas où les réserves sont formulées, une somme au plus égale à 5 % du prix convenu est, jusqu'à la levée des réserves, consignée entre les mains d'un consignataire accepté par les deux parties ou, à défaut, désigné par le président du tribunal de grande instance" ; qu'or la clause 22 stipule que "Dans les cas où des réserves sont formulées à l'occasion de la réception, une somme proportionnée à l'importance de ces réserves et au plus égale à 5 % du prix convenu devra être consignée sur un compte séquestre jusqu'à la levée des réserves, le solde étant versé au Constructeur (…) » ; que les dispositions de l'article R. 231-7 (U) du code de la construction et de l'habitation ne prescrit aucune proportionnalité et n'autorise aucune appréciation, les 5 % prévus du prix étant exactement inchangé quel que soit le nombre de réserves émises ; qu'il convient de retenir le caractère abusif de cette clause, étant relevé que les défenderesses, au terme d'un surprenant raisonnement, ont modifié leur contrat dans le respect de l'article R. 231-7 (II) ; que selon ce même article "Le déblocage des fonds séquestrés sera réalisé au fur et à mesure de la levées des réserves telles qu'évaluées contradictoirement sur le FV de réception" ; que les deux sociétés font valoir qu'elles ont finalement supprimé la clause litigieuse, l'article ne prévoyant qu'un versement du solde qu'à la levée de la dernière réserve ; que toutefois le caractère abusif de l'ancienne rédaction doit être retenu au visa des dispositions de l'article R. 231-7 (U) du code de la construction et de l'habitation ; que "Lorsque le Maître d'Ouvrage ne se fait pas assister par un professionnel pour la réception, le solde sera immédiatement consigné sur un compte séquestre que des réserves aient été formulées ou non. A cette fin, un PV de consignation sera régularisé et le Maître d'Ouvrage remettra au Constructeur, le jour de la réception un chèque correspondant au solde, à charge pour le Constructeur de procéder à sa consignation » ; que la remise d'un chèque le jour de la réception constitue également une clause abusive au visa également des articles R. 231-7 (II) et 12314 du code de la construction et de l'habitation ; que "La déconsignation du solde aura lieu dans les conditions suivantes: 1ère hypothèse: si des réserves ont été formulées à la réception,, les sommes consignées seront débloquées au profit du Constructeur au fur et à mesure de la levée des réserves telles qu'évaluées contradictoirement sur le PV de réception, l'éventuelle différence entre le montant du solde et le montant total des réserves émises à la réception étant débloquée au profit du Constructeur à l'expiration du délai de 8 jours suivants la réception si aucune réserve supplémentaire n'est formulée dans ledit délai parle Maître d'Ouvrage.": il est de principe intangible que le solde du prix n'est exigible qu'à la levée des réserves, la retenue opérée étant incitative pour le constructeur à procéder aux reprises nécessaires et ainsi obtenir la levée des réserves, dès lors il convient de retenir le caractère abusif de cette danse ; que "2ème hypothèse: si des réserves sont formulées après la réception et avant l'expiration du délai de 8 jours, les parties procéderont contradictoirement à la vérification de leur bien fondé et le cas échéant, à leur évaluation. L'état des réserves ainsi réalisé par les parties sera transmis au séquestre par le Constructeur et le déblocage des sommes sera réalisé au fur et à mesure de la levée des réserves, conformément à leur évaluation contradictoire. L'éventuelle différence entre le montant du solde et le montant total des réserves (réserves émises à la réception + réserves émises dans les 8 jours) sera débloquée au profit du Constructeur dès l'expiration du délai de 8 jours suivants la réception." ; que l'AAMOI réprouve les termes de cette clause car en stipulant « le cas échéant » le constructeur s'arroge le pouvoir de contester le bien-fondé des réserves émises par le maître de l'ouvrage dans les 8 jours suivant la réception et de provoquer la libération du solde à l'issue des 8 jours selon la première hypothèse visée à l'article ; que pour ces mêmes motifs cette clause doit être effectivement déclarée abusive, le paiement du solde n'étant dû qu'à la levée de l'intégralité des réserves ; qu'il doit être observé à ce stade que les deux sociétés assurent encore avoir procédé à une complète refonte de leur contrat qui ne souffre plus aucun des griefs soulevés quant aux conditions de paiement du solde ; que sur la clause 23 - retard dans les paiements selon la clause" Le Maître d'ouvrage dispose d'un délai de 8 jours pour régler les appels de fond qui lui sont présentés. En cas de non-paiement le Constructeur peut mettre en demeure le Maître d'ouvrage de respecter son obligation de paiement des sommes dues. Les sommes non payées 8 jours après la première présentation de ce courrier produisent des intérêts à compter de leur exigibilité et au profit du constructeur, au taux de 1% par mois. Si, après mise en demeure, ces sommes (intérêts de retard compris) ne sont pas réglées, le Constructeur est en droit d'interrompre les travaux. Tout retard de paiement supérieur un mois sera considéré comme refus de paiement autorisant te constructeur à résilier le contrat aux torts exclusifs du maître de l'ouvrage." ; que l'AAMOI reproche à la clause de porter à 8 jours le délai de règlement de l'appel de fonds alors que la commission des clauses abusives a déjà rappelé dans sa recommandation 81- 02 qu'un délai inférieur à quinze jours à dater de la présentation des situations n'était pas acceptable ; qu'elle ajoute que les modifications apportées par les défenderesses impliquent que le délai de paiement débute à la date d'émission de l'appel de fonds, sans prise en compte des délais d'acheminement du courrier, et qu'il ne peut pas être par ailleurs stipulé de délai de paiement qu'à compter de la réception de la situation, alors que le maître d'ouvrage pourrait avoir des motifs légitimes d'absence et alors que de surcroît le contrat ne prévoit aucune visite de chantier préalable à cette demande de paiement ; que les deux sociétés répondent que plus aucun des griefs ne subsiste, la version actuelle du contrat prévoyant désormais la visite du chantier par le maître d'ouvrage avant tout règlement de situation et le délai de 15 jours ne démarrant qu'à compter de la visite de chantier, si le maître d'ouvrage en a fait la demande ; que l'AAMOI reproche enfin à l'article 23 de comporter des sanctions détaillées s'il s'agit d'un retard de paiement du maître de l'ouvrage alors qu'elles ne sont qu'évoquées à l'encontre du constructeur qui émettrait un appel de fonds anticipé ; qu'en cas de retard de paiement supérieur à un mois, une résiliation unilatérale du contrat est stipulée au détriment du particulier sans une clause symétrique en cas d'arrêt injustifié du chantier par le constructeur ; que conformément à l'article L. 231-1 du code de la consommation en raison du déséquilibre significatif entre les parties, tel que l'a décrit l'AAMOI, les clauses dans leur rédaction antérieure de l'article 23 qu'elle dénonce doivent être jugées abusives en ce que le délai de règlement des appels de fonds est fixé à moins de 15 jours et dans la rédaction actuelle en ce que le délai de règlement débute à la date d'émission de l'appel de fonds, en ce que les pénalités débutent à la première présentation du courrier recommandé plutôt qu'à sa réception, en ce qu'il ne prévoit pas les sanctions symétriques en cas d'appel de fonds anticipé ; que sur la clause 26 -responsabilités et assurance conformément aux dispositions de l'article 1792-6 du code civil, la garantie de parfait achèvement f...] s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le martre de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception ; que l'article R. 132-1 du code de la consommation dispose que "Dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions du premier et du troisième alinéa de l'article L. 132-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : 1° Constater l'adhésion du non-professionnel ou du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l'écrit qu'il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n'est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n'a pas eu connaissance avant sa conclusion ; 2° Restreindre l'obligation pour le professionnel de respecter les engagements pris par ses préposés ou ses mandataires; […] 4° Accorder au seul professionnel le droit de déterminer si la chose livrée ou les services fournis sont conformes ou non aux stipulations du contrat ou lui conférer le droit exclusif d'interpréter une quelconque clause du contrat ; 6° Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le non-professionnel ou le consommateur en cas de manquement parle professionnel à l'une quelconque de ses obligations " ; que selon l'article 26 du contrat litigieux "Le constructeur s'engage à respecter la garantie de parfait achèvement d'un an à compter de la réception. Cette garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale, d'un mauvais entretien, d'un usage abusif ou aux réserves et désordres signalé unilatéralement par le maître de l'ouvrage et dont le constructeur n'aura pas reconnu le bien fondé. Tout déplacement demandé par le maître de l'ouvrage pour remédier à un désordre hors garantie ou dû à une mauvaise utilisation donnera lieu à la facturation des frais de main d'oeuvre et de transport correspondant." ; que l'AAMOI considère cette clause abusive en ce que les défenderesses s'arrogeaient à la fois le pouvoir de sélectionner selon leur libre appréciation les désordres signalés à reprendre et de rejeter la garantie sur le désordre ou la réserve, alors qu'elles n'ont pas à présumer du caractère fondé ou non d'une réserve, outre le fait qu'il occultait les dispositions issues de l'article 1792-3 du code civil ; qu'elle critique également le fait ce que le contrat prévoit qu'il sera dû un paiement en cas de déplacement hors garantie ; qu'elle ajoute que la plus récente des formulations de l'article visé crée également un déséquilibre significatif en ce que il se réfère à des articles du code civil et à l'article L. 241-1 du code des assurances ; que les deux sociétés ont certes retiré les clauses incriminées mais maintiennent au sein du contrat les références textuelles légales nécessaires ; que les griefs soulevés par l'AAMOI sont fondés et exacts sauf en ce qu'elle reproche la nécessité pour les consommateurs, aux fins d'être informés du contenu précis des dispositions légales, d'acquérir différentes éditions papier des codes civil, de la construction et de l'habitation exact ou des assurances une consultation sur le site Internet Legifrance y pourvoit aisément ; qu'il est fait dès lors droit à la demande de l'AAMOI tendant à déclarer abusive l'article 26 du contrat, dans la rédaction antérieure, en ce qu'il accorde au constructeur le pouvoir discrétionnaire de reconnaître le bien fondé des désordres émis par le consommateur, en ce qu'il prévoit un paiement des interventions du constructeur sans le moindre devis, ni barème, ni prix de ces déplacements, en ce qu'il n'organise pas la garantie de bon fonctionnement ; que sur l'article 28- conditions résolutoires l'AAMOI retrace l'absence de parallélisme des sanctions entre le maître d'ouvrage et le constructeur de l'ancienne formulation de l'article précité, dans le cas où les conditions suspensives qui incombaient au constructeur ne se réalisaient pas de son fait ; que les deux sociétés s'en tiennent au fondement des dispositions de l'article 1178 du code civil mais font valoir que le modèle de contrat était désormais modifié et le paragraphe incriminé supprimé ; que le grief soulevé par la requérante est fondé, il sera ainsi fait droit à sa demande tendant à déclarer abusif l'article 28 dans sa rédaction antérieure en ce qu'il ne prévoyait pas de sanction symétrique à celles du consommateur ; que sur l'article 31 - Faculté de résiliation unilatérale du constructeur la clause est désormais supprimée du contrat par les défenderesses mais il est fait droit à la demande fondée de l'AAMOI visant à juger abusive l'article 31 dans sa rédaction antérieure en ce qu'il violait le caractère forfaitaire d'ordre public d'un contrat de construction de maison individuelle et qu'il octroyait au constructeur un droit discrétionnaire et unilatéral de rompre la convention ; que sur la clause « implantation » de la notice descriptive conformément aux articles L. 231-2 d) et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, dans le cas où le maître de l'ouvrage se réserve des travaux ceux-ci doivent être décrits et chiffrés dans la colonne correspondante de la notice descriptive ; que l'AÀMOI reproche à la clause préliminaire d'implantation qu'elle fait état de nombreux travaux que doit réaliser le maître de l'ouvrage, sans précision de leur coût ; que si les deux sociétés s'opposent à cette analyse, il doit alors être rappelé qu'en qualité de sociétés du groupe Téber elles fournissent systématiquement le terrain à bâtir ; qu'aussi il sera fait droit à la demande de l'AAMOI car aucune précision de prix n'est donnée quant aux opérations de bornage du terrain qu'elles proposent, quant aux opérations de débroussaillage, arrachage des haies, abattage d'arbres, telles que visés à la clause litigieuse ; que sur la clause 2.2.3 de la notice descriptive l'AAMOI rappelle encore que le contrat de construction de maison Individuelle est un marché à forfait conformément à l'article L. 231-2 d. du code de la construction et de l'habitation et qu'il doit comporter à sa signature tous les travaux indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble ainsi que les adaptations au terrain ; qu'or la clause 1.2.3 de la notice méconnaissait ces dispositions ; que les deux sociétés répliquent en indiquant que le grief n'est plus encouru, cette clause ayant été supprimée ; qu'il est fait droit à la demande tendant de juger que la clause 1.2.3 de la notice dans sa rédaction antérieure viole le caractère forfaitaire du prix du contrat ; 1° ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que les sociétés AISH et ARIA sollicitaient l'infirmation du jugement en ce qu'il avait déclaré abusives et non écrites les articles 19 et 28, dans leur rédaction antérieure, et en ce qu'il avait dit que l'article 1.2.3 de la notice dans sa rédaction antérieure violerait le caractère forfaitaire du prix du contrat, et en contestaient la motivation (pages 74, 82 à 84 et 88) ; qu'en confirmant le jugement de ces chefs, sans donner aucun motif à sa décision et sans répondre aux conclusions des sociétés AISH et ARIA, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2° ALORS QUE le juge doit répondre aux conclusions des parties ; que les sociétés AISH et ARIA sollicitaient l'infirmation du jugement en ce qu'il avait déclaré abusives et non écrites les dispositions des articles 6, 10, 12, 14, 16, 17, 18, 19, 21, 22, 23, 26, 28 et 31 du contrat de construction de maison individuelle et de l'article 1.2.3 de la notice descriptive dans leur rédaction antérieure à celle actuellement utilisée par les sociétés AISH et ARIA, faisant valoir que ces stipulations avaient été modifiées ou supprimées de sorte qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur leur caractère abusif ; qu'en confirmant le jugement entrepris sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION : Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré abusifs et non écrits les articles 6, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 17, 18, 21, 22, 23,26, 27, 29, 31 et 33 dans leurs différentes versions, du contrat de construction de maison individuelle proposé par les sociétés AISH et ARIA, d'avoir ordonné la suppression de ces clauses dans les contrats proposés par celles-ci, et d'avoir condamné les sociétés AISH et ARIA à informer leurs clients par tous moyens des clauses déclarées abusives et à payer à l'AAMOI une somme de 120.000 € à titre de dommages et intérêts, AUX MOTIFS QUE sur la clause 6 dans toutes les versions en ce qu'elle fixe la date d'ouverture du chantier au début effectif des travaux, si le premier juge a considéré qu'il convenait d'imposer aux intimées une rédaction conforme aux dispositions de l'article L. 231-2 g) du code précité qui imposent l'indication de l'obtention du permis de construire et des autres autorisations administratives et une rédaction conforme aux dispositions de l'article L. 213-4 du code de la construction et de l'habitation, faisant mention exclusivement de la date d'ouverture de chantier, il a omis de reprendre ces condamnations dans son dispositif ; que l'article L. 231-4 du code de la construction et de l'habitation dispose que le contrat de construction de maison individuelle « peut être conclu sous les conditions suspensives suivantes : a) L'acquisition du terrain ou des droits réels permettant de construire si le maître de l'ouvrage bénéficie d'une promesse de vente ; b) L'obtention du permis de construire et des autres autorisations administratives, le maître de l'ouvrage étant tenu de préciser la date limite de dépôt de la demande ; c) L'obtention des prêts demandés pour le financement de la construction ; d) L'obtention de l'assurance de dommages ; e) L'obtention de la garantie de livraison. Le délai maximum de réalisation des conditions suspensives ainsi que la date d'ouverture du chantier, déterminée à partir de ce délai, sont précisés par le contrat » ; qu'il est précisé par l'article L. 231-2 i) du même code que le contrat doit également comporter la date d'ouverture du chantier, le délai d'exécution des travaux et les pénalités prévues en cas de retard de livraison ; que l'article 6 des conditions particulières des contrats proposés par les intimées prévoit que « la durée d'exécution des travaux sera de ... à compter du démarrage des travaux » ; que l'article 12 des conditions générales mentionnant que « le constructeur constitue en autant d'exemplaires qu'il est besoin le dossier de permis de construire, et le dépose dès sa signature par le maître de l'ouvrage auprès de l'autorité compétente » ; que l'appelante reproche à ces dispositions contractuelles de laisser le démarrage des travaux et le délai de livraison de la construction au bon vouloir du constructeur, et de laisser le maître d'ouvrage dans l'ignorance du délai du dépôt du permis de construire ; que les intimées font valoir qu'aux termes du contrat et notamment de l'article 12 des conditions générales, elles sont tenues dès la signature du maître d'ouvrage de déposer immédiatement le dossier auprès de l'autorité compétente, ce qui ne leur laisse aucune marge de manoeuvre ; qu'elles observent que le mandat qui les lie au maître d'ouvrage peut être révoqué à tout moment et expliquent avoir modifié leur convention en prévoyant désormais un délai de six semaines ; qu'elles considèrent que se référer à la date de dépôt de la déclaration d'ouverture de chantier ne présenterait pas plus de sécurité ; qu'il convient de relever que ce même article fait donner mandat par le maître d'ouvrage aux constructeurs pour l'accomplissement des démarches nécessaires à l'obtention du permis de construire ; que dès lors, l'absence de mention de délai pour le dépôt du permis de construire est abusive notamment en ce que cela laisse les intimées seules à même de faire avancer ou non l'étude du permis de construire sans recours pour les maîtres d'ouvrage ; que de même, le délai de six semaines proposé par les intimées est trop long dans la mesure où les plans sont déjà établis à la date de signature du contrat, un délai de quinze jours apparaissant suffisant pour ce faire ; que l'argumentaire des intimées sur le point de départ des conditions suspensives lorsque le permis de construire aurait été obtenu avant la signature du contrat est inopérant puisqu'alors il s'agirait d'un contrat sans fourniture de plan qui fait l'objet d'autres dispositions ; qu'enfin, la rédaction de l'alinéa 3 de cet article 6 permet dans l'hypothèse où les intimées décident de ne pas démarrer les travaux à ce que le délai de livraison ne court pas ; qu'il y a donc lieu de déclarer ces clauses abusives et de condamner les intimées à en informer leurs cocontractants dans les contrats qui sont en cours d'exécution par lettre recommandée ; que sur la clause 10 du contrat de 2014 et 2016 dans sa nouvelle rédaction en ce qu'elle ne prend pas en compte le coût total de l'extension du réseau et limite le chiffrage aux raccordements « au droit du terrain », aux termes des dispositions de l'article R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation: « I.- Est aussi annexée au contrat visé à l'article L. 231-2 une notice descriptive conforme à un modèle type agréé par arrêté du ministre chargé de la construction et de l'habitation indiquant les caractéristiques techniques tant de l'immeuble lui-même que des travaux d'équipement intérieur ou extérieur qui sont indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble ; Il.- Cette notice fait la distinction prévue à l'article L. 231-2 f d) entre ces éléments selon que ceux-ci sont ou non compris dans le prix convenu. Elle indique le coût de ceux desdits éléments dont le coût n'est pas compris dans le prix. La notice mentionne les raccordements de l'immeuble à l'égout et aux distributions assurées par les services publics, notamment aux distributions d'eau, de gaz, d'électricité ou de chauffage, en distinguant ceux qui sont inclus dans le prix et, s'il y a lieu, ceux dont le coût reste à la charge du maître de l'ouvrage. La notice doit porter, de la main du maître de l'ouvrage, une mention signée par laquelle celui-ci précise et accepte le coût des travaux à sa charge qui ne sont pas compris dans le prix convenu. » ; que l'article 10 des conditions générales du contrat proposé avant 2014 prévoyait que le maître de l'ouvrage se charge personnellement des démarches nécessaires auprès des services compétents pour la réalisation des travaux de viabilité du terrain (eau, gaz, électricité, téléphone, assainissement) et que ces dépenses sont payées directement par le maître d'ouvrage aux services concernés, les prix des branchements mentionnés aux présentes et notamment sur la notice descriptive concernant uniquement les travaux à effectuer à l'intérieur de la propriété du client par le constructeur ; que cette clause ne permet pas au consommateur de connaître le coût total de l'extension du réseau et est donc contraire aux dispositions de l'article précité qui veillent à protéger le consommateur qui pourrait s'endetter en méconnaissance du coût réel des travaux nécessaires restés à sa charge dans le cadre du projet envisagé ; qu'il en est de même de la nouvelle clause qui est ainsi rédigée « le maître de l'ouvrage se charge personnellement des démarches nécessaires auprès des services compétents pour ta réalisation des travaux de viabilité du terrain (eau, gaz, électricité, téléphone, assainissement). Ces dépenses (réalisation et consommation) sont payées directement par le maître d'ouvrage aux services concernés. Les prix des branchements, mentionnés aux présentes, et notamment sur la notice descriptive, concernent uniquement les travaux à effectuer entre la construction et les réseaux publics se situant au droit du terrain. La fourniture des fluides nécessaires à la réalisation du chantier n'est pas régie par la présente disposition. » ; qu'en effet, la commission des clauses abusives a rappelé dans sa recommandation n°91-03 que doivent être éliminées des contrats de construction les clauses ayant pour objet ou pour effet de prévoir que le client supportera le coût de la fourniture d'eau pour les besoins du chantier et les dépenses relatives au préchauffage ; que cette clause ne permet pas non plus de distinguer clairement les coûts compris dans le prix de la construction et ceux dont le coût reste à la charge du maître de l'ouvrage ; que la clause se réfère aux raccordements au « droit du terrain » alors que cette limite ne résulte pas des dispositions légales et n'envisage pas les situations où le point de raccordement du terrain est plus éloigné et nécessite une extension pour le prolonger au droit du terrain ; qu'il appartient aux constructeurs de s'adresser aux concessionnaires désignés pour les consulter et permettre d'indiquer au consommateur le coût qu'il aura à supporter à ce titre ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré abusive cette clause et complété en déclarant également abusive la version de 2014 ; que sur la clause 11 faisant obligation au maître de l'ouvrage de fournir les renseignements sur le terrain, nécessaires à l'élaboration du projet et au dépôt du permis de construire, et à retirer la mention manuscrite où le maître d'ouvrage reconnaît avoir été informé des contraintes du terrain, sans préciser ces contraintes, l'article 11 du contrat prévoyait la fourniture par le maître d'ouvrage sous son entière responsabilité de tous renseignements concernant le terrain notamment le certificat d'urbanisme, le cahier des charges et le règlement du lotissement, le plan de masse, les servitudes, les mitoyennetés, tous éléments constitutifs d'une étude de sol alors qu'il résulte des dispositions combinées de l'article L. 231-2 et R. 231-5 du code de la construction et de l'habitation que le prix comprend le coût du plan et s'il y a lieu les frais d'études du terrain pour l'implantation du bâtiment ; que l'article 12 des mêmes conditions prévoit lui la communication par le maître de l'ouvrage de ces documents, toujours en violation des dispositions légales ; que c'est donc à bon droit que le premier juge l'a déclarée illicite après avoir constaté que les intimées avaient indiqué avoir retiré ces clauses de leur contrat ; que la condamnation omise dans le dispositif du jugement doit être prononcée par la cour ; que conformément aux dispositions de l'article L. 621-2 du code de la consommation, il y a lieu de condamner les intimées à supprimer les clauses 11 et 12 dans le contrat ou type de contrat proposé au consommateur et dans tout contrat en cours d'exécution et d'en informer les clients concernés par tous moyen approprié ; que sur la clause 12 dans sa version 2014 et 2016 en ce qu'elle demande de fournir des documents que les sociétés ARIA et AISH sont réputées détenir, et en ce qu'elle prévoit que le maître d'ouvrage aura à supporter les prescriptions imposées par l'administration, nonobstant la suppression de cette clause dans leurs contrats, les intimées continuent à soutenir cependant que cette clause n'est pas abusive ; que si les dispositions de l'article L 231-4 du code précité prévoient que le maître d'ouvrage est tenu de préciser la date limite de dépôt de la demande, force est de constater que les contrats proposés par les intimés font tous donner mandat par le maître d'ouvrage aux intimées pour déposer ce permis ; que c'est donc à bon droit que le premier juge l'a déclarée abusive dans sa rédaction ancienne ; que la nouvelle rédaction est la suivante « toute prescription imposée par l'administration que le constructeur ne pouvait prévoir au regard des règles d'urbanisme qui lui étaient opposables à la date de dépôt de la demande du permis de construire fera l'objet d'un avenant à la charge financière du maître d'ouvrage » ; que la mise à la charge du maître d'ouvrage des modifications exigées par l'administration porte atteinte au caractère forfaitaire et définitif du prix du contrat dont le principe est de protéger le co-contractant des coûts imprévisibles ; que dès lors, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu le caractère abusif de cette clause ; que sur la clause 14 dans sa version 2014 et 2016 en ce qu'elle renvoie à des textes légaux qui ne sont pas reproduits dans l'acte et dont le maître de l'ouvrage n'a pas eu connaissance avant la conclusion du contrat, et en ce qu'elle prévoit une cause légitime de prolongation interdite par l'article L. 231-3 du code de la construction et de l'habitation, il n'est pas contesté que l'ancienne rédaction de la clause 14 était illicite ; que sur la clause 16 dans sa version 2012, 2014 et 2016 en ce qu'elle permet d'interdire la présence d'un conseil du maître de l'ouvrage ou l'intervention d'un huissier de justice tout au long du chantier de construction, les intimées ne contestent plus le caractère abusif de la clause 16 en ce qu'elle interdisait les visites du maître de l'ouvrage et le fait que le contrat rejetait sur le maître d'ouvrage la charge des travaux d'adaptation supplémentaires vis-à-vis des supports commerciaux ; que reste en discussion la prohibition de l'assistance du maître d'ouvrage par un conseil ou un huissier de justice tout au long du chantier, laquelle a été considérée comme licite par le premier juge ; que la dernière version du contrat est ainsi rédigée : « d'interdire l'accès au chantier à toute personne étrangère à son personnel ou à celui des réalisateurs désignés par lui » ; que le fait d'interdire au maître d'ouvrage d'être assisté d'un conseil ou d'un huissier de justice alors que rien en ce sens n'est prévu pour le constructeur qui peut se faire assister de toute personne de son choix est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les parties et prive le maître d'ouvrage de rapporter la preuve de certains désordres ou non-conformités ; que si la version du contrat communiquée en pièce 17 prévoit la possibilité pour le maître d'ouvrage de se faire accompagner par tout conseil de son choix, il n'en est pas de même de la version du 28 septembre 2016 laquelle doit donc être déclarée abusive ; que le jugement sera infirmé sur ce point ; que sur la clause 17 dans sa version 2014 et 2016 en ce qu'elle renvoie à l'article 4 et organise ainsi la consignation de la retenue de garantie dans un établissement financier imposé par le constructeur, au titre de cet article, n'est plus en discussion que la version 2014 du contrat qui prévoit « D'un commun accord et de manière ferme et définitive, les parties conviennent que toutes les consignations devant avoir lieu à l'issue de la réception conformément à l'article 22 seront effectuées sur le compte signataire mentionné à l'article 4 des conditions particulières », lequel est un compte ouvert au nom des maîtres d'ouvrage auprès de la BANQUE POPULAIRE DES ALPES ; que la banque ainsi désignée l'est par le constructeur alors que les dispositions de l'article R. 231-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit qu'en cas de désaccord le consignataire doit être désigné par le président du tribunal de grande instance, et ce, sans que les conditions relatives à la conservation et à la libération des fonds soient portées à la connaissance du maître d'ouvrage ; que le fait de ne pas mentionner le recours possible en cas de désaccord au président du tribunal de grande instance est de nature à porter atteinte au libre recours au juge et doit être considérée comme abusif au sens de l'article L. 212-2 du code de la consommation ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de l'appelante et de condamner en conséquence les intimées à en informer leurs clients concernés par tous moyens appropriés ; que sur les articles 18 et 21, la cour n'est saisie d'aucune demande à ce titre dans le dispositif des conclusions des appelantes si ce n'est d'une demande générale de condamnation des intimées à porter à la connaissance de leurs clients concernés les condamnations, demande à laquelle il convient de faire droit en application de l'article L. 621-2 du code de la consommation ; que sur la clause 22 en ce qu'elle fait seulement référence aux dispositions du code de la construction et de l'habitation qui ne sont pas reproduites et ne prévoit pas clairement la consignation sur un compte au nom du maître de l'ouvrage, les intimées soutiennent que dans la mesure où elles ont supprimé les clauses, le tribunal aurait dû prononcer un non lieu à statuer tandis que l'appelante reproche au premier juge de ne pas avoir sanctionné le 21 paragraphe du chapitre 1 de cette clause lequel dispose « A défaut de justification de la garantie de remboursement, un dépôt de garantie au plus égal à 3% du prix convenu pourra être sollicité à la signature des présentes (dans les conditions prévues par l'article L. 231-4 du CCH), les paiements s'effectuant comme indiqué au Il et III des présentes » ; que cette clause ne précise pas contrairement aux dispositions de l'article L. 231-4 du code précité que le dépôt de garantie doit être effectué sur un compte spécial ouvert au nom du maître de l'ouvrage par un organisme habilité et peut laisser croire que ces fonds peuvent être remis au constructeur ; que la simple référence ici à l'article en cause apparaît insuffisante à assurer la bonne information du maître de l'ouvrage sur ce point ; que dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré abusive cette clause et infirmé en ce qu'il ne pas l'a pas déclarée abusive dans sa version 2014, avec au surplus information aux clients concernés ; que sur la clause 23 dans sa version 2012 et les dispositions du contrat prévoyant le règlement d'un appel de fonds avant une visite du chantier sollicitée par le maître de l'ouvrage, les parties ne contestent plus que la clause 23 dans son ancienne rédaction est abusive en ce qu'elle fixait un délai de règlement des appels de fonds à moins de 15 jours ; qu'elles sont en désaccord sur le fait que le premier juge a considéré que la nouvelle rédaction était aussi abusive en ce que le délai de règlement débute à la date d'émission de l'appel de fonds, en ce que les pénalités débutent à la première présentation du courrier recommandé et non à sa réception et en ce qu'il ne prévoit pas des sanctions symétriques en cas d'appel de fonds anticipé ; que la nouvelle version de cet article ainsi rédigée « le maître d'ouvrage dispose, pour régler les appels de fonds qui lui sont présentés, d'un délai de 15 jours commençant à courir à compter de l'émission de l'appel de fonds ou, si le maître d'ouvrage en fait la demande expresse, à compter de la visite de chantier effectuée pour constater l'état d'avancement du chantier » ; que si le délai varie selon que le maître d'ouvrage demande ou non une visite du chantier, il n'en demeure pas moins que le fait de faire courir le délai en l'absence de demande de visite à l'émission de l'appel de fonds et non à la réception de la demande constitue un déséquilibre significatif entre les parties dans cette hypothèse ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré abusive cette nouvelle rédaction ; que l'appelante demande en outre que les intimées en informe leurs clients concernés par tout moyen approprié pour les contrats en cours ; que cette demande est conforme aux dispositions de l'article L. 621-2 du code de la consommation qui permettent aux associations de consommateurs de demander que le défendeur soit condamné à en informer le consommateur à ses frais par tous moyens appropriés ; qu'il sera donc fait droit à ce chef de demande ; que sur la clause 26 en ce qu'elle fait parfois référence seulement aux textes législatifs qui ne sont pas reproduits dans l'acte et dont le consommateur n'a pas eu connaissance avant la signature du contrat, l'appelante reproche au premier juge de ne pas avoir retenu le caractère abusif de ce renvoi sans reproduction du texte, en considérant que le consommateur pouvait rechercher ces textes gratuitement sur Internet, en indiquant que les intimées pourraient remplacer la mention de « l'assurance qu'il est légalement tenu de souscrire en vertu de l'article L. 241-1 du code des assurances » par la mention « l'assurance de responsabilité décennale qu'il est légalement tenu de souscrire », de façon à permettre au maître d'ouvrage de comprendre immédiatement de quelle assurance il s'agit ; que les intimées font valoir que la reproduction de toutes les dispositions légales est contre-productive en matière d'information du consommateur ; que dans la mesure où les autres types d'assurance sont visés par leur nom (garantie d'achèvement), le fait de ne pas préciser qu'il s'agit de l'assurance de responsabilité décennale n'apparaît pas de nature à donner au consommateur l'information qu'il doit recevoir, le renvoi à l'article L. 241-1 du code des assurances qui n'est pas reproduit apparaît obscur pour le cocontractant ; que cette clause doit donc être déclarée abusive et les appelantes condamnées à en informer leurs cocontractants dans les contrats en cours d'exécution comme le prévoit l'article L. 621-2 code de la consommation ; que sur la clause 27 du contrat alors qu'elle peut rendre responsable le maître de l'ouvrage d'un échec sur la non réalisation de la condition suspensive d'obtention du prêt et l'expose à une sanction alors qu'il n'est pas maître de la décision du prêteur, l'appelante reproche au premier juge de ne pas avoir sanctionné le dernier paragraphe de la clause 27 ainsi rédigée « Le maître de l'ouvrage déclare ne pas bénéficier actuellement d'emprunts susceptibles de remettre en cause l'endettement maximum accepté par l'organisme de crédit permettant l'obtention du ou des prêts indispensables à la réalisation de l'opération » ; qu'elle considère comme abusive cette clause dans la mesure où le constructeur n'a pas à se faire juge de la solvabilité de son client et que le maître d'ouvrage n'est pas en mesure de connaître l'endettement maximum accepté par l'organisme de crédit ; qu'elle considère que cette clause vise à lui faire supporter une responsabilité en cas de défaillance de la condition suspensive lorsqu'il n'a pas une capacité d'endettement suffisante pour obtenir un prêt finançant la construction ; que les intimées concluent quant à elles à la confirmation du jugement s'agissant d'une clause de bon sens qui n'oblige pas le maître d'ouvrage à révéler les motifs de ses précédents emprunts et qui ne met nullement à sa charge une pénalité, contrairement à ce que soutient l'appelante ; que dans la mesure où la notion d' « endettement maximum accepté par l'organisme de crédit » n'est pas précisément déterminable par le maître d'ouvrage et l'oblige à donner des informations au constructeur sur sa situation financière alors que celui-ci ne s'engage pas en contrepartie à informer son cocontractant de sa solvabilité, celle clause doit être déclarée abusive ; que le jugement sera donc infirmé de ce chef ; que sur l'article 31, les intimées considèrent que dans la mesure où elles ont modifié cette clause, le tribunal aurait dû prononcer un non-lieu à statuer sur cette demande ; que dans la mesure où la version antérieure était abusive et que des contrats sont susceptibles d'être encore en cours, c'est à bon droit que le premier juge a constaté le caractère abusif de cette clause ; que sur la clause 33 du contrat dans sa version antérieure à 2014 en ce qu'elle organise une hiérarchie dans les documents contractuels, si le premier jugea reconnu le caractère abusif de cette clause dans sa rédaction antérieure à 2014, il a omis de reprendre cette condamnation dans son dispositif ; que les intimées ne le contestent pas ; qu'il convient de faire figurer cette condamnation dans le dispositif de l'arrêt ; que de même, dans la mesure où la version antérieure était abusive et que des contrats sont susceptibles d'être encore en cours, l'appelante apparaît bien fondée à en demander la suppression dans les contrats en cours d'exécution avec information par les intimées à leurs frais par tous moyens aux consommateurs ; que sur la clause « IMPLANTATION » de la notice descriptive, l'appelante demande la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté le caractère illicite de la clause 1 .2.3 de la notice descriptive dans sa rédaction antérieure en ce qu'elle violait le caractère forfaitaire du prix du contrat et son infirmation en ce qu'elle l'a déboutée sur les multiples clauses insuffisantes de la notice descriptive et notamment en ce que les clauses qui se réfèrent aux règles de l'art ou au zone sismique sont insuffisantes pour éclairer le consommateur et lui permettre de comparer les prestations comprises dans le prix convenu avec celles d'autres prestataires ; que les intimées ne contestent pas le caractère illicite de la clause 1.2.3 de la notice descriptive dans sa rédaction antérieure mais soutiennent que cette clause ne figure plus dans la version actuelle du modèle de notice descriptive ; que l'appelante ne justifie pas de la version qu'elle critique ; qu'l y a donc lieu de s'en tenir au jugement pour la clause 1.2.3. ; que sur la clause 29 du contrat dans sa version 2016 en ce qu'elle maintient la validité de la clause pénale fondée sur le prix convenu en cas de nullité du contrat, cette clause permet au constructeur, en toutes hypothèses, de réclamer à titre d'indemnité une somme équivalent à 15% du montant du contrat à titre de clause pénale, si le maître d'ouvrage utilise les plans, études et avants projets sans son accord ; que l'appelante considère à juste titre que cette clause inclut de façon abusive l'annulation du contrat puisque dans un tel cas, la clause pénale doit disparaître avec le contrat ; qu'elle sera donc déclarée abusive ; ET AUX MOTIFS QUE selon l'article 6 en page 3 des conditions particulières du contrat proposé par les deux sociétés il apparaît notamment que" [...] La durée d'exécution des travaux sera de…. A compter du démarrage effectif des travaux." et selon l'article 12 des conditions générales, "le constructeur constitue en autant d'exemplaires qu'il est besoin le dossier de permis de construire, et le dépose dès sa signature par le maître de l'ouvrage auprès de l'autorité compétente" ; que l'AAMOI soutient qu'il n'est pas possible aux maîtres de l'ouvrage d'être informés du délai du dépôt du permis de construire, procédure pour laquelle les défenderesses sont les seules en capacité de faire avancer les éléments, que le dernier délai de six semaines annoncé est bien trop long ; qu'il reproche enfin que le démarrage des travaux et le délai de livraison de la construction dépendent uniquement de la bonne volonté du constructeur ; que les deux sociétés considèrent que contrairement à ce que prétend l'AAMOI, elles sont tenues, sitôt la signature du maître de l'ouvrage, de déposer immédiatement le dossier auprès de l'autorité compétente, qu'elles ne disposent d'aucune marge de manoeuvre, que le mandat qui les lie aux maîtres de l'ouvrage peut être révoqué à tout moment, et surtout soulignent qu'elles ont qu'elles ont modifié leur convention en prévoyant un délai de six semaines ; qu'elles affirment enfin que se référer à la date de dépôt de la déclaration d'ouverture de chantier ne présenterait pas plus de sécurité ; qu'en l'espèce, s'agissant du dépôt du permis de construire, aux termes de l'article 12 de la convention, les maîtres de l'ouvrage donnent mandat pour l'accomplissement des démarches nécessaires à son obtention : en la matière, les défenderesses disposent de tous les leviers, hormis la signature du maître de l'ouvrage, et ce dernier finalement d'aucun moyen d'action pour faire progresser l'élaboration du permis de construire qui constitue également un point essentiel de la réalisation des conditions suspensives permettant le démarrage des travaux ; qu'or, les parties signent le contrat une fois d'accord sur le prix et la chose, soit les plans descriptifs de l'ouvrage à bâtir ; que la fourniture des plans simples du bâtiment étant acquise dès la signature du contrat de construction, les arguments de 1'AÀMOI sont justes lorsqu'elle explique que d'une part une absence de mention de délai pour le dépôt du permis de construire est une clause abusive notamment en ce que les défenderesses disposent finalement de tous les moyens pour faire avancer l'étude du permis de construire et les particuliers d'aucun levier possible ; que d'autre part le délai indicatif de six semaines est également trop long, quinze jours étant largement suffisant, les plans étant déjà établis à la signature du contrat ; qu'au regard de ce qui précède, il n'y a pas lieu de donner acte aux deux sociétés que leur nouveau modèle de convention prévoit en leur article 6 un délai de six semaines pour déposer un dossier de permis de construire à compter de la signature du contrat de construction, ce délai étant exagéré ; qu'il y a lieu de rappeler de surcroît aux deux sociétés la nécessité de rendre conforme 1cm contrat aux dispositions de l'article L 231-2 g) qui imposent l'indication de l'obtention du permis de construire et des autres autorisations administratives, dont une copie est annexée au contrat ; que s'agissant enfin des délais de livraison, soit la durée d'exécution des travaux, l'article 6 alinéa 3 du contrat de construction stipule que "la durée d'exécution des travaux sera de.. à compter du démarrage des travaux." ; qu'en l'espèce, cette formulation revient, si en théorie les deux sociétés décident de ne pas démarrer effectivement leurs travaux, à ce que le délai de livraison ne court jamais ; qu'il convient ainsi d'imposer aux deux sociétés une rédaction conforme aux dispositions de l'article L 231-4 du code de la construction et de l'habitation, faisant mention exclusivement de la date d'ouverture de chantier ; 1° ALORS QUE pour être déclarée abusive une clause doit avoir pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'en se bornant à affirmer que les articles 6, 11, 12, 14, 17, 22, 26, 27 et 29 du contrat de construction de maison individuelle établi par les sociétés AISH et ARIA présentaient un caractère abusif, sans constater que ces clauses créaient un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation ; 2° ALORS QUE l'article 6 du modèle de contrat de construction d'une maison individuelle proposé actuellement par les sociétés AISH et ARIA à leurs clients énonce que « Les parties conviennent que les conditions suspensives seront réalisées dans un délai de 12 mois suivant la date du dépôt du permis de construire. La demande de permis de construire sera déposée dans un délai de 6 semaines suivant la date de signature du contrat de construction. Les travaux commenceront dans un délai de 2 mois à compter de la réalisation des conditions suspensives. La durée d'exécution des travaux sera de … à compter du démarrage effectif des travaux. » (prod. 8) ; que la mention de la durée d'exécution des travaux, qui varie d'une construction à l'autre, est précisée lors de la signature du contrat (prod. n° 9 et 10) ; qu'il résulte de ces dispositions que le constructeur est contractuellement tenu de commencer les travaux dans un certain délai, qui est au maximum de quatorze mois et six semaines suivant la conclusion du contrat, et qu'il doit respecter un délai de livraison, variable d'un dossier à un autre, qui est fixé dès la signature du contrat ; qu'en affirmant, pour en déduire leur caractère abusif, que ces stipulations permettraient au constructeur de décider de ne pas démarrer les travaux et ainsi de ne pas faire courir le délai de livraison, la cour d'appel les a dénaturées et a violé l'article 1192 du code civil ; 3° ALORS QUE dans un contrat de construction de maison individuelle conclu sous diverses conditions suspensives, il doit seulement être précisé le délai maximum de réalisation de ces conditions ainsi que la date d'ouverture du chantier, déterminée à partir de l'expiration de ce délai, ainsi que le délai d'exécution des travaux qui commence à courir à compter de cette date ; que pour déclarer abusif l'article 6 du contrat de construction de maison individuelle proposé par les sociétés AISH et ARIA, dans sa rédaction actuelle, la cour d'appel a retenu que cet article prévoyait un délai de six semaines pour le dépôt de la demande de permis de construire, prétendument excessif, et que la clause fixe le point de départ du délai de livraison au jour du démarrage des travaux, ce qu'elle juge anormal ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres tant à établir une irrégularité du contrat au regard des articles L. 231-2 et L. 231-4 du code de la construction qu'à caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au détriment des clients des sociétés AISH et ARIA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susivisées, ensemble l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation ; 4° ALORS QUE pour être déclarée abusive une clause doit avoir pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que la cour d'appel a déclaré abusif l'article 10 au motif qu'il n'informe pas suffisamment l'acquéreur quant aux coûts susceptibles d'être engagés par lui pour la réalisation des travaux de viabilisation du terrain, l'article 11 au motif qu'il ne précise pas à l'acquéreur les « contraintes du terrain », l'article 22 au motif qu'il vise l'article L. 231-4 du code de la construction sans en préciser la teneur et n'informe pas suffisamment l‘acquéreur sur les conditions dans lesquelles la consignation est faite, et l'article 26, en ce qu'il fait référence à l'assurance que le maître de l'ouvrage doit souscrire en vertu de l'article L. 241-1 du code des assurances plutôt qu'à « l'assurance de responsabilité décennale », et a ordonné leur suppression ; qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi cette insuffisance dans l'information de l'acquéreur était, à elle seule, de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment de l'acquéreur, et en quoi la suppression de ces clauses pouvait rétablir l'équilibre, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation ; 5° ALORS QUE pour être déclarée abusive une clause doit avoir pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que pour déclarer abusif l'article 22, qui énonce qu' « à défaut de justification de la garantie de remboursement, un dépôt de garantie au plus égal à 3 % du prix convenu pourra être sollicité à la signature des présentes (dans les conditions prévues par l'article L. 231-4 du CCH) », la cour d'appel a relevé que cette clause ne précise pas le contenu de l'article L. 231-4 et ne précise quelles sont les conditions, prévues par cet article, pour le versement du dépôt de garantie ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 132-2 devenu L. 212-1 du code de la consommation ; 6° ALORS QUE pour être déclarée abusive une clause doit avoir pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que pour déclarer abusif l'article 26, qui énonce que le constructeur justifiera à l'ouverture du chantier de « l'assurance qu'il est légalement tenu de souscrire en vertu de l'article L. 241-1 du Code des Assurances », la cour d'appel retient que cette clause ne précise pas qu'il s'agit de l'assurance de responsabilité décennale et que le renvoi à l'article L. 241-1 qui n'est pas reproduit apparaît obscur pour le cocontractant ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 132-2 devenu L. 212-1 du code de la consommation ; 7° ALORS QUE les sociétés ARIA et AISH faisaient valoir que l'article 10 du contrat excluait du coût de la construction les travaux d'extension des réseaux publics en vue de la desserte du terrain, qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne leur imposait d'évaluer le coût de tels travaux, s'agissant de travaux financés par les autorités publiques et non par le maître de l'ouvrage, et qu'elles étaient tout bonnement dans l'impossibilité de procéder à une telle évaluation, celle-ci ne pouvant être réalisée que par les personnes publiques compétentes (conclusions, pages 54-55) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 8° ALORS QUE si, dans un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans, le prix est fixé forfaitairement pour la réalisation de la construction telle que définie au contrat et dans la notice descriptive, aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit aux parties de modifier, par avenant, le montant du forfait en cas de modification de la construction initialement convenue ; qu'en déclarant abusif comme portant atteinte au caractère forfaitaire du prix l'article 12 du contrat, prévoyant qu'un avenant pourrait être conclu en cas de modification de la construction et du prix en raison d'une prescription imposée par l'administration, la cour d'appel a violé l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation et l'article L. 132-2 devenu L. 212-1 du code de la consommation. Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels, demanderesse au pourvoi incident. PREMIER MOYEN IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté l'AAMOI de sa demande tendant à voir juger abusive et non écrite l'article 14 du contrat en sa version 2014 et 2016 ; ALORS QUE la clause qui se réfère à un texte de loi sans le citer est abusive en ce qu'elle ne permet pas au consommateur de connaître ses droits et obligations et en ce qu'elle est susceptible, dès lors, de l'induire en erreur ; qu'en retenant, pour écarter le caractère abusif de la nouvelle version de l'article 14 selon laquelle « le délai de construction, et la date de fin du délai contractuel de construction, sont prorogés de plein droit dans les conditions prévues aux articles L. 231-1 et R. 231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation », que le renvoi aux dispositions légales et réglementaires apparaît conforme aux dispositions de l'article L. 133-2 du code de la consommation qui imposent la rédaction du contrat en termes rigoureux et compréhensibles, cependant que la simple mention d'un texte de loi ne permet pas l'information du consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1. SECOND MOYEN IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté l'AAMOI de sa demande tendant à voir juger la notice descriptive illicite en ce qu'elle se contente de renvoyer à des études et à des normes qui ne sont pas communiquées aux consommateurs avant la conclusion du contrat ; ALORS QUE la clause de description des travaux qui se réfère aux règles de l'art ne peut suffire à informer le consommateur ; qu'en retenant, pour écarter le moyen tiré du caractère illicite des clauses de la notice descriptive se référant uniquement aux règles de l'art et à la prévention du risque sismique, que « ces références étaient suffisamment claires et précises, sans qu'il y ait lieu à annexer les normes contenues dans le DTU » (arrêt, p. 17, in fine), la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1.
En retenant que la clause d'un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur est illicite, une cour d'appel caractérise l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment du consommateur, ce dont elle déduit à bon droit qu'elle est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 482 F-B Pourvoi n° K 21-10.742 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 La société Immobilière 3F, société anonyme d'habitations à loyer modéré, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-10.742 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Banco comercial portugues, dont le siège est [Adresse 4]), société anonyme de droit portugais, 2°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Immobilière 3F, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Banco comercial portugues, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2020), la société française Immobilière 3F a ordonné plusieurs virements, depuis son compte ouvert à Paris auprès de la Société générale, vers un compte ouvert au Portugal dans les livres de la société Banco commercial portugues, dont les coordonnées lui avaient été transmises par une personne se faisant passer pour le chef comptable d'une société française avec laquelle elle était en relation d'affaires. 2. Invoquant des manquements des deux banques à leurs obligations professionnelles, elle les a assignées aux fins de condamnation in solidum à lui payer une indemnité égale au montant détourné. 3. La banque portugaise a contesté la compétence des juridictions françaises. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. La société Immobilière 3F fait grief à l'arrêt de dire les juridictions françaises incompétentes pour connaître des demandes formées à l'encontre de la société portugaise Banco comercial portugues, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article 7.2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 (Bruxelles I bis) qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut en matière délictuelle être attraite devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ; que le lieu du fait dommageable s'entend notamment du lieu où le dommage se réalise ; que pour décliner la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a retenu que le dommage consistait en l'appropriation indue des fonds allégués par la victime et qu'elle s'est produite au Portugal dès lors qu'elle est résulté du débit du compte ouvert dans les livres de la société Banco comercial portugues ; qu'en statuant ainsi, quand elle relevait que l'action engagée par la société Immobilière 3F était fondée sur une fraude au changement de RIB l'ayant conduite à effectuer des virements vers un compte ouvert au Portugal dans les comptes de la Banco comercial portugues dont les coordonnées lui avaient été transmises par un escroc, de sorte que la demanderesse a été dépossédée de ses fonds dès le débit de son compte ouvert en France au profit du compte de l'auteur de la fraude au Portugal, et non au moment du débit de ce dernier compte, la cour d'appel a violé l'article 7.2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ; 2°/ qu'il résulte des principes énoncés par la Cour de justice de l'union européenne (CJUE, 12 septembre 2018, Löber, C-304/17) que l'article 7.2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 (Bruxelles I bis) doit être interprété en ce sens que, dans une situation dans laquelle une partie introduit une action en responsabilité délictuelle dirigée contre une banque ayant procédé à un virement, les juridictions du domicile de cette partie sont, en tant que juridictions du lieu où le fait dommageable s'est produit au sens de cette disposition, compétentes pour connaître de cette action lorsque le dommage allégué consiste en un préjudice financier se réalisant directement sur le compte bancaire de cette partie auprès d'une banque établie dans le ressort de ces juridictions et que les autres circonstances particulières de cette situation concourent également à attribuer compétence auxdites juridictions ; pour décliner la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a retenu que le lieu où le dommage s'est produit ne vise pas celui du siège de la société Immobilière 3F au seul motif qu'elle y aurait subi un préjudice financier résultant d'une perte patrimoniale qui est intervenue au Portugal ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si l'ensemble des circonstances invoquées par la société Immobilière 3F, à savoir que c'est à Paris, lieu où est tenu le compte de la victime, qu'est apparu le dommage directement causé par l'agissement imputé à la banque portugaise, que les ordres de virements ont été donnés à Paris, à une banque localisée en France, et à partir d'éléments eux-mêmes transmis ou apparemment transmis par une entité ayant son siège en France, ne devait pas conduire à situer en France le lieu de réalisation du dommage, la cour d'appel a privé à décision de base légale au regard de l'article 7.2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012. » Réponse de la Cour Vu l'article 7 § 2 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I bis) : 5. Aux termes de ce texte, une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire. 6. Selon la Cour de justice de l'union européenne (CJUE, 28 janv. 2015, aff. C-375/13), les juridictions du domicile du demandeur sont compétentes, au titre de la matérialisation du dommage, pour connaître d'une telle action, notamment lorsque ledit dommage se réalise directement sur un compte bancaire de ce demandeur auprès d'une banque établie dans le ressort de ces juridictions. Toutefois, ce critère ne saurait être, à lui seul, qualifié de « point de rattachement pertinent ». C'est uniquement dans la situation où les autres circonstances particulières de l'affaire concourent également à attribuer la compétence à la juridiction du lieu de matérialisation d'un préjudice purement financier qu'un tel préjudice pourrait, d'une manière justifiée, permettre au demandeur d'introduire l'action devant cette juridiction (CJUE, 16 juin 2016, aff. C-12/15 ; CJUE, 12 septembre 2018, aff. C-304/17). 7. Pour déclarer les juridictions françaises incompétentes à l'égard de l'action dirigée contre la société Banco comercial portugues, l'arrêt retient que le lieu où le dommage est survenu n'est pas celui à partir duquel les virements ont été opérés par la société Immobilière 3F, c'est-à-dire depuis son siège social situé à [Localité 3] sur son compte bancaire ouvert dans une agence parisienne de la Société générale, mais celui où a eu lieu l'appropriation indue des fonds par le débit du compte destinataire du virement, ouvert et géré au Portugal. 8. En se déterminant ainsi, alors que le préjudice purement financier s'était réalisé directement sur un compte bancaire de la société Immobilière 3F ouvert en France, à la suite d'un virement ordonné pour le paiement d'un cocontractant français dont il était allégué qu'un tiers avait usurpé la qualité, de sorte qu'il lui appartenait, pour exclure la compétence des juridictions françaises, de rechercher si les autres circonstances particulières de l'affaire ne concouraient pas à attribuer la compétence à une autre juridiction que celle du lieu de matérialisation de ce préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Banco comercial portugues aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Banco comercial portugues et la condamne à payer à la société Immobilière 3F la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Immobilière 3F. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par la société IMMOBILIERE 3F, encourt la censure ; EN CE QUE, infirmant le jugement, il a dit les juridictions françaises incompétentes pour connaître des demandes formées à l'encontre de la société de droit portugais BANCO COMERCIAL PORTUGUES par la société IMMOBILIERE 3F ; ALORS QUE, premièrement, il résulte de l'article 7.2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 (Bruxelles I bis) qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut en matière délictuelle être attraite devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ; que le lieu du fait dommageable s'entend notamment du lieu où le dommage se réalise ; que pour décliner la compétence des juridictions françaises, la Cour d'appel a retenu que le dommage consistait en l'appropriation indue des fonds allégués par la victime et qu'elle s'est produite au Portugal dès lors qu'elle est résulté du débit du compte ouvert dans les livres de la société BANCO COMERCIAL PORTUGUES ; qu'en statuant ainsi, quand elle relevait que l'action engagée par la société IMMOBILIERE 3F était fondée sur une fraude au changement de RIB l'ayant conduite à effectuer des virements vers un compte ouvert au Portugal dans les comptes de la BANCO COMERCIAL PORTUGUES dont les coordonnées lui avaient été transmises par un escroc (arrêt p. 2 § 4), de sorte que la demanderesse a été dépossédée de ses fonds dès le débit de son compte ouvert en France au profit du compte de l'auteur de la fraude au Portugal, et non au moment du débit de ce dernier compte, la cour d'appel a violé l'article 7.2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ; ALORS QUE, deuxièmement, et à tout le moins, il résulte des principes énoncés par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 12 septembre 2018, Löber, C-304/17) que l'article 7.2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 (Bruxelles I bis) doit être interprété en ce sens que, dans une situation dans laquelle une partie introduit une action en responsabilité délictuelle dirigée contre une banque ayant procédé à un virement, les juridictions du domicile de cette partie sont, en tant que juridictions du lieu où le fait dommageable s'est produit au sens de cette disposition, compétentes pour connaître de cette action lorsque le dommage allégué consiste en un préjudice financier se réalisant directement sur le compte bancaire de cette partie auprès d'une banque établie dans le ressort de ces juridictions et que les autres circonstances particulières de cette situation concourent également à attribuer compétence auxdites juridictions ; pour décliner la compétence des juridictions françaises, la Cour d'appel a retenu que le lieu où le dommage s'est produit ne vise pas celui du siège de la société Immobilière 3F au seul motif qu'elle y aurait subi un préjudice financier résultant d'une perte patrimoniale qui est intervenue au Portugal ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si l'ensemble des circonstances invoquées par la société IMMOBILIERE 3F, à savoir que c'est à PARIS, lieu où est tenu le compte de la victime, qu'est apparu le dommage directement causé par l'agissement imputé à la banque portugaise, que les ordres de virements ont été donnés à PARIS, à une banque localisée en France, et à partir d'éléments eux-mêmes transmis ou apparemment transmis par une entité ayant son siège en France, ne devait pas conduire à situer en France le lieu de réalisation du dommage, la cour d'appel a privé à décision de base légale au regard de l'article 7.2 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) L'arrêt attaqué, critiqué par la société IMMOBILIERE 3F, encourt la censure ; EN CE QUE, infirmant le jugement, il a dit les juridictions françaises incompétentes pour connaître des demandes formées à l'encontre de la société de droit portugais BANCO COMERCIAL PORTUGUES par la société IMMOBILIERE 3F ; ALORS QU'en application de l'article 8.1 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; que le fait que des demandes s'inscrivent dans une même situation de fait et de droit suffit à caractériser un risque de solutions inconciliables si elles étaient jugées séparément ; qu'en excluant le risque de décisions inconciliables quand elle relevait que la société IMMOBILIERE 3F sollicitait la condamnation in solidum des banques SOCIETE GENERALE et BANCO COMERCIAL PORTUGUES en raison de leurs manquements professionnels ayant permis que la société IMMOBILIERE 3F soit victime d'une seule et même escroquerie dite « fraude au changement de RIB » (arrêt p. 2 § 4), que les manquements allégués étaient des manquements aux mêmes obligations de vigilance, de contrôle et de diligence (arrêt p. 6 § 5), et qu'ils auraient concourus à la réalisation du même dommage, soit la perte des fonds à raison des virements effectués sur le compte d'un escroc (arrêt p. 6 § 6), ce dont il résultait que les demandes se rapportent aux mêmes faits et tendent à des fins identiques, posent des questions communes qui appellent des réponses coordonnées, notamment sur la matérialité et l'étendue du préjudice, l'analyse des causes du dommage et la part de responsabilité éventuelle de chaque banque, la Cour d'appel a violé l'article 8.1 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012.
Il résulte de de l'article 7, § 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I bis), tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 28 janv. 2015, C-375/13 ; CJUE, arrêt du 16 juin 2016, C-12/15 ; CJUE, arrêt du 12 septembre 2018, C-304/17), que, lorsque le préjudice purement financier invoqué par le demandeur à une action en responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle s'est réalisé directement sur un compte bancaire ouvert à son nom en France, à la suite d'un virement ordonné pour le paiement d'un cocontractant français dont il est allégué qu'un tiers a usurpé la qualité, une cour d'appel ne peut exclure la compétence des juridictions françaises qu'après avoir recherché si les autres circonstances particulières de l'affaire ne concouraient pas à attribuer la compétence à une autre juridiction que celle du lieu de matérialisation de ce préjudice
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 483 F-B Pourvoi n° X 21-13.306 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-13.306 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [V] [H], épouse [W], 2°/ à M. [C] [W], domiciliés tous deux [Adresse 4], 3°/ à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône, dont le siège est [Adresse 3], ayant pour mandataire la caisse primaire d'assurance maladie de Haute Marne dont le siège est sis [Adresse 5], 4°/ à la mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Richard, avocat de M. et Mme [W], et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, M. Lavigne, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 octobre 2020), le 20 juillet 2014, à Tunis (Tunisie), le véhicule de M. [W], immatriculé en France, ayant été percuté par un camion immatriculé en Tunisie, a heurté et blessé Mme [H], épouse [W], qui s'apprêtait à monter à son bord. 2. Mme [H] a assigné la société Axa France IARD (la société Axa), assureur de responsabilité du véhicule, en indemnisation de son préjudice sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985. Examen des moyens Sur les premier et second moyens, réunis Enoncé des moyens 3. Par son premier moyen, la société Axa fait grief à l'arrêt de dire que le litige est soumis à la loi française, de dire qu'elle doit garantir Mme [H] des conséquences dommageables de l'accident du 20 juillet 2014 et de liquider le montant des dommages-intérêts, alors « que la convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière détermine tant la loi applicable à la responsabilité que celle applicable à l'existence et la nature des dommages susceptibles de réparation, aux modalités et étendue de la réparation, quel qu'en soit le fondement, à la condition qu'il soit extra contractuel ; qu'en retenant que la convention de La Haye n'a pas vocation à régir la loi applicable au contrat d'assurance conclu sous l'empire de la loi française et que la convention ne saurait avoir pour effet de réduire le champ de garantie prévue au contrat liant [C] [W] et la société Axa pour faire droit aux demandes indemnitaires de Mme [W], après avoir constaté que celle-ci, victime, ressortissante française, demandait la réparation de dommages trouvant leur origine dans un accident de la circulation survenu à Tunis impliquant deux véhicules immatriculés dans des Etats différents, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 3, 4 et 8 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 par refus d'application et la loi française du 5 juillet 1985, ensemble l'article 1134 du code civil, par fausse application. » 4. Par son second moyen, la société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la CPAM des Bouches-du-Rhône, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, la somme de 55 836,27 euros en remboursement des prestations versées à la victime, les frais futurs au fur et à mesure de leur exposition sur justificatifs des débours réglés dans la limite du capital représentatif de 281 992,15 euros et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 346-1 du code de la sécurité sociale, alors « que lorsque la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun ; que selon les articles 3, 4 et 8 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971, la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière qui détermine les conditions et l'étendue de la responsabilité est la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu lorsque celui-ci implique plusieurs véhicules immatriculés dans des Etats différents ; qu'en retenant que la société Axa, assureur de M. [W] dont le véhicule était impliqué dans l'accident, était tenue de réparer sur le fondement de la garantie contractuelle les conséquences dommageables de l'accident du 20 juillet 2014 et devait à ce titre garantir la CPAM des prestations réglées pour le compte de la victime, après avoir cependant constaté que Mme [W], victime, ressortissante française, demandait la réparation de dommages trouvant leur origine dans un accident de la circulation survenu à Tunis impliquant deux véhicules immatriculés dans des Etats différents, ce dont il résultait que le recours de la CPAM des Bouches-du-Rhône ne pouvait s'exercer que contre l'auteur de l'accident et/ou son assureur désigné par la loi tunisienne, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 3, 4 et 8 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 et les articles L. 371-1 du code de la sécurité sociale et 1134 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles 1er, 3, 4 et 8 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière et l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 : 5. Selon le premier de ces textes, cette Convention a pour objet de déterminer la loi applicable à la responsabilité civile extracontractuelle découlant d'un accident de la circulation routière, quelle que soit la nature de la juridiction appelée à en connaître. 6. Il résulte du deuxième et du troisième que, lorsque les véhicules impliqués sont immatriculés dans des Etats différents, la loi applicable est la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu. 7. Le quatrième dispose : « La loi applicable détermine notamment : 1. les conditions et l'étendue de la responsabilité ; 2. les causes d'exonération, ainsi que toute limitation et tout partage de responsabilité ; [...] 8. les prescriptions et les déchéances fondées sur l'expiration d'un délai, y compris le point de départ, l'interruption et la suspension des délais. » 8. Pour condamner la société Axa à indemniser Mme [H] de ses préjudices et payer à la CPAM des Bouches-du-Rhône le montant des prestations versées, l'arrêt retient que, si, en vertu de l'article 3 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971, la loi tunisienne est applicable à la mise en oeuvre de la responsabilité civile délictuelle, il n'en demeure pas moins que, le lieu de survenance de l'accident ne pouvant modifier l'étendue de la garantie contractuellement prévue, sauf stipulation contraire, et le contrat prévoyant l'indemnisation du tiers lésé par référence au seul droit français, la Convention de La Haye n'a pas vocation à régir la loi applicable au contrat d'assurance et qu'aux termes de l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 5 juillet 1985, les victimes n'ayant pas la qualité de conducteur d'un véhicule terrestre à moteur sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis. 9. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'une action dirigée contre l'assureur de responsabilité de l'un des deux véhicules, immatriculés dans des pays différents et impliqués dans un accident de la circulation survenu en Tunisie, la cour d'appel, qui n'a pas appliqué la loi tunisienne à la prescription de l'action en responsabilité délictuelle et à la détermination des conditions de cette responsabilité, a violé les textes susvisés, les quatre premiers par refus d'application, le cinquième par fausse application. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ; Condamne Mme [H] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a : - dit que le présent litige est soumis à la loi française, - dit que la société Axa France Iard doit garantir Mme [V] [H] épouse [W] des conséquences dommageables de l'accident du 20 juillet 2014, Et d'AVOIR, statuant à nouveau sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant : - dit que le préjudice corporel global subi par Mme [W] s'établit à la somme de 849.402, 16 € (huit cent quarante-neuf mille quatre cent deux euros et seize cents), soit, après imputation des débours de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône, une somme de 511.573,74 € (cinq cent onze mille cinq cent soixante-treize euros et soixante-quatorze cents) lui revenant, réduite à 401.573,74 € (quatre cent un mille cinq cent soixante-treize euros et soixante-quatorze cents) après retranchement des 110.000 € perçus à titre provisionnel. - dit que cette somme de 401.573,74 € (quatre cent un mille cinq cent soixante-treize euros et soixante-quatorze cents) portera intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2019 à hauteur de 329.839,76 € (trois cent vingt-neuf mille huit entrepris trente-neuf euros et soixante-seize cents) et du prononcé du présent arrêt soit le 22 octobre 2020 pour le surplus des sommes dues. - dit que cette somme de 401.573,74 € (quatre cent un mille cinq cent soixante- treize euros et soixante-quatorze cents) sera réglée : - à hauteur de 136.490,70 € (cent trente-six mille quatre cent quatre-vingt-dix euros et soixante-dix cents), sous forme d'un capital, et - à hauteur de 265.083,04 € (deux cent soixante-cinq mille quatre-vingt-trois euros et quatre cents), sous forme d'une rente viagère annuelle de 10.822,65 € (dix mille huit cent vingt-deux euros et soixante-cinq cents), payable par trimestrialités de 2520,66 € (deux mille cinq cent vingt euros et soixante- six cents) le 1 er jour ouvrable de chaque trimestre - étant précisé que cette rente sera suspendue en cas d'hospitalisation de plus de trente jours consécutifs ; ALORS QUE la convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière détermine tant la loi applicable à la responsabilité que celle applicable à l'existence et la nature des dommages susceptibles de réparation, aux modalités et étendue de la réparation, quel qu'en soit le fondement, à la condition qu'il soit extra contractuel ; qu'en retenant que la convention de La Haye n'a pas vocation à régir la loi applicable au contrat d'assurance conclu sous l'empire de la loi française (arrêt, p. 4, al. 3) et que la convention ne saurait avoir pour effet de réduire le champ de garantie prévue au contrat liant [C] [W] et la société Axa France Iard (jugement, p. 5, pénultième alinéa) pour faire droit aux demandes indemnitaires de Mme [W], après avoir constaté que celle-ci, victime, ressortissante française, demandait la réparation de dommages trouvant leur origine dans un accident de la circulation survenu à Tunis impliquant deux véhicules immatriculés dans des Etats différents (arrêt, p. 13, al. 2), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 3, 4 et 8 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 par refus d'application et la loi française du 5 juillet 1985, ensemble l'article 1134 du code civil, par fausse application. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à payer à la CPAM des Bouches-du-Rhône, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, la somme de 55.836,27 € en remboursement des prestations versées à la victime, les frais futurs au fur et à mesure de leur exposition sur justificatifs des débours réglés dans la limite du capital représentatif de 281.992,15 € et la somme de 1.080 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 346-1 du code de la sécurité sociale ; ALORS QUE lorsque la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun ; que selon les articles 3, 4 et 8 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971, la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière qui détermine les conditions et l'étendue de la responsabilité est la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu lorsque celui-ci implique plusieurs véhicules immatriculés dans des Etats différents ; qu'en retenant que la société Axa France Iard, assureur de M. [W] dont le véhicule était impliqué dans l'accident, était tenue de réparer sur le fondement de la garantie contractuelle les conséquences dommageables de l'accident du 20 juillet 2014 (jugement, p. 14, al. 3) et devait à ce titre garantir la CPAM des prestations réglées pour le compte de la victime, après avoir cependant constaté que Mme [W], victime, ressortissante française, demandait la réparation de dommages trouvant leur origine dans un accident de la circulation survenu à Tunis impliquant deux véhicules immatriculés dans des Etats différents (arrêt, p. 13, al. 2), ce dont il résultait que le recours de la CPAM des Bouches-du-Rhône ne pouvait s'exercer que contre l'auteur de l'accident et/ou son assureur désigné par la loi tunisienne, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 3, 4 et 8 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 et les articles L. 371-1 du code de la sécurité sociale et 1134 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
Statuant sur la loi applicable à la responsabilité civile extracontractuelle encourue à la suite d'un accident de la circulation routière, viole, par refus d'application, les articles 1, 3, 4 et 8 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière et, par fausse application, l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 la cour d'appel qui applique ce dernier texte, et non la loi tunisienne, à la prescription de l'action en responsabilité délictuelle et à la détermination des conditions de la responsabilité, alors qu'elle était saisie d'une action dirigée contre l'assureur de responsabilité de l'un des deux véhicules concernés, immatriculés dans des pays différents et impliqués dans un accident de la circulation survenu en Tunisie