Unnamed: 0
int64
0
8.66k
arret
stringlengths
883
648k
sommaire
stringlengths
25
4.99k
7,900
CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 489 F-B Pourvoi n° C 21-11.747 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 La société Groupe Eco habitat, [Adresse 5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-11.747 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [S] [E], 2°/ à Mme [F] [K], épouse [E], domiciliés tous deux [Adresse 3], 3°/ à la société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La société Cofidis a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Groupe Eco habitat, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. et Mme [E], et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 8 décembre 2020), le 7 septembre 2016, M. [E], à la suite d'un démarchage à domicile, a conclu avec la société Groupe éco habitat (le vendeur) un contrat de fourniture et d'installation de panneaux photovoltaïques et d'un chauffe-eau thermodynamique financé par un crédit souscrit la veille avec Mme [E], son épouse (les acquéreurs), auprès de la société Sofemo, aux droits de laquelle vient la société Cofidis (la banque). 2. Invoquant diverses irrégularités du bon de commande, les acquéreurs ont assigné le vendeur et la banque en annulation des contrats de vente et de crédit. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis Enoncé du moyen 3. Le vendeur et la banque font grief à l'arrêt de prononcer l'annulation du contrat de vente, de constater en conséquence l'annulation du contrat de crédit et de condamner le vendeur à restituer le prix de vente, à déposer les matériels et à remettre en état la toiture, alors « que l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, prévoit, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, que le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; que, pour prononcer la nullité de la vente litigieuse, la cour d'appel, après avoir relevé qu'« au verso du bon de commande figure la mention pré-imprimée suivante : La livraison du ou des matériaux et la pose auront lieu dans un délai maximum de 120 jours », a énoncé que « cette indication est trop vague pour être conforme aux dispositions […] de l'article L. 111-1-3° du code de la consommation, puisqu'elle ne distinguait pas entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif, et que le délai global de 4 mois ne permettait pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations » et que « le point de départ de ce délai n'était pas indiqué, alors qu'il pouvait s'agir soit de la date de signature du bon de commande, soit de l'expiration du délai de rétractation » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la disposition susvisée, qui exige seulement l'indication par le professionnel du délai auquel il s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, indication dont elle a elle-même relevé la présence au verso du bon de commande, a violé ladite disposition. » Réponse de la Cour 4. Ayant relevé qu'au verso du bon de commande figurait la mention pré-imprimée selon laquelle la livraison du ou des matériaux et la pose auraient lieu dans un délai maximum de 120 jours, la cour d'appel a exactement retenu que cette indication était insuffisante pour répondre aux exigences de l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dès lors qu'il n'était pas distingué entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif et qu'un tel délai global ne permettait pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations. 5. Elle n'a pu qu'en déduire que la nullité du contrat principal était encourue. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis Enoncé du moyen 7. Le vendeur fait les mêmes griefs à l'égard de l'arrêt, alors : « 1°/ que l'acquéreur qui exécute en connaissance de cause le contrat conclu avec un professionnel renonce à se prévaloir de l'irrégularité entachant le bon de commande relativement à l'insuffisance de l'information donnée quant à la date ou au délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; que la cour d'appel a elle-même constaté que, le 29 septembre 2016, les acquéreurs ont signé une attestation de livraison et d'installation avec demande de financement, que le 29 novembre 2016, la banque a versé le montant du capital entre les mains du vendeur et que, le 13 septembre 2017, les acquéreurs ont conclu avec la société Seolis un contrat d'achat d'énergie électrique avec effet au 28 novembre 2016, date de raccordement de l'installation au réseau public, ce dont il se déduisait qu'ils avaient exécuté le contrat argué de nullité, et, en l'absence de toute réserve, nécessairement renoncé à se prévaloir de l'irrégularité retenue par l'arrêt quant à l'indication du délai d'exécution de ses obligations par la venderesse ; qu'en énonçant cependant, pour refuser d'admettre la confirmation de l'acte irrégulier, que la preuve n'était pas rapportée que les acquéreurs avaient eu connaissance du vice affectant l'obligation et qu'ils avaient eu l'intention de le réparer, étant ajouté que leur volonté de confirmer l'acte nul ne saurait résulter de la simple exécution de ses obligations contractuelles par la société venderesse et qu'il ne pouvait être tiré aucune conclusion de la signature de documents concomitants à la commande, ni d'actes ne révélant de la part des consommateurs aucune volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé l'article 1338, devenu 1182, du code civil ; 2°/ que l'acquéreur qui exécute en connaissance de cause le contrat conclu avec un professionnel renonce à se prévaloir de l'irrégularité entachant le bon de commande relativement à l'insuffisance de l'information donnée quant à la date ou au délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Groupe Eco habitat a fait valoir que les acquéreurs avaient, notamment, accepté l'installation et signé un procès-verbal de réception de travaux ne mentionnant aucune réserve, signé une enquête de satisfaction de l'installation jugée en tous points satisfaisante, signé une attestation de livraison et d'installation et de demande de financement, non équivoque, n'avaient formulé aucune réclamation après l'installation et avaient réglé les premières mensualités du crédit affecté, étant précisé qu'ils avaient pu prendre connaissance des exigences prévues au code de la consommation rappelées dans leur intégralité dans les conditions générales figurant au verso du bon de commande, et ainsi se convaincre de l'existence d'éventuelles causes de nullité lors de la conclusion du contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en énonçant, notamment, que la preuve n'était pas rapportée que « les acquéreurs avaient eu connaissance du vice affectant l'obligation et qu'ils avaient eu l'intention de le réparer », sans s'expliquer sur ces chefs de conclusions, faisant valoir, outre l'exécution sans réserve du contrat, que le rappel des dispositions applicables du code de la consommation au verso du bon de commande établissait la connaissance que les acquéreurs avaient de l'irrégularité affectant le bon de commande quant au délai de livraison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1338, devenu 1182, du code civil. » Réponse de la Cour 8. Ayant souverainement estimé, par motifs adoptés, que le vendeur et la banque ne rapportaient pas la preuve de ce que les acquéreurs avaient eu connaissance du vice affectant l'obligation critiquée et avaient eu l'intention de le réparer et, par motifs propres, que leur volonté de confirmer l'acte nul ne pouvait résulter de la signature de documents concomittants à la commande, aucun acte ultérieur ne révélant, leur volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, n'a pu qu'en déduire que le contrat de vente devait être annulé. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Groupe Eco habitat et la société Cofidis aux dépens, partagés par moitié ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Groupe Eco habitat et par la société Cofidis et condamne celle-ci à payer à M. et Mme [E] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Eco habitat, demanderesse au pourvoi pricipal. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Groupe Eco habitat reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR prononcé l'annulation du contrat de vente conclu entre M. et Mme [E] et la société Groupe Eco habitat en date du 7 septembre 2016, D'AVOIR constaté en conséquence l'annulation du contrat de crédit affecté en date du 6 septembre 2016 conclu entre la société Cofidis et les époux [E] et, en conséquence, de L'AVOIR condamnée à payer M. et Mme [E] la somme de 29 900 euros, au titre de la restitution du prix de vente, avec intérêt au taux légal à compter de la date du jugement, et de L'AVOIR condamnée à la dépose du GSE Air system, comprenant les panneaux photovoltaïques, et celle du chauffe-eau thermodynamique installé au domicile de M. et Mme [E], lieudit [Adresse 4] et à la remise de la toiture en son état initial, dans un délai de quatre mois à compter de la signification du jugement, et dit qu'il lui appartiendra d'informer M. et Mme [E], préalablement à son intervention, par envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception au moins trois semaines avant la date d'intervention prévue ; ALORS QU'aux termes de l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, prévoit, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; que, pour prononcer la nullité de la vente litigieuse, la cour d'appel, après avoir relevé qu'« au verso du bon de commande figure la mention pré-imprimée suivante : La livraison du ou des matériaux et la pose auront lieu dans un délai maximum de 120 jours », a énoncé que « cette indication est trop vague pour être conforme aux dispositions […] de l'article L. 111-1-3° du code de la consommation, puisqu'elle ne distinguait pas entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif, et que le délai global de 4 mois ne permettait pas à M. et Mme [E] de déterminer de manière suffisamment précise quand la société Groupe Eco Habitat aurait exécuté ses différentes obligations » et que « le point de départ de ce délai n'était pas indiqué, alors qu'il pouvait s'agir soit de la date de signature du bon de commande, soit de l'expiration du délai de rétractation » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la disposition susvisée, qui exige seulement l'indication par le professionnel du délai auquel il s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, indication dont elle a elle-même relevé la présence au verso du bon de commande, a violé ladite disposition. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) La société Groupe Eco habitat reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR prononcé l'annulation du contrat de vente conclu entre M. et Mme [E] et la société Groupe Eco habitat en date du 7 septembre 2016, D'AVOIR constaté en conséquence l'annulation du contrat de crédit affecté en date du 6 septembre 2016 conclu entre la société Cofidis et les époux [E] et, en conséquence, de L'AVOIR condamnée à payer M. et Mme [E] la somme de 29 900 euros, au titre de la restitution du prix de vente, avec intérêt au taux légal à compter de la date du jugement, et de L'AVOIR condamnée à la dépose du GSE Air system, comprenant les panneaux photovoltaïques, et celle du chauffe-eau thermodynamique installé au domicile de M. et Mme [E], lieudit [Adresse 4] et à la remise de la toiture en son état initial, dans un délai de quatre mois à compter de la signification du jugement, et dit qu'il lui appartiendra d'informer M. et Mme [E], préalablement à son intervention, par envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception au moins trois semaines avant la date d'intervention prévue ; 1°) ALORS QUE l'acquéreur qui exécute en connaissance de cause le contrat conclu avec un professionnel renonce à se prévaloir de l'irrégularité entachant le bon de commande relativement à l'insuffisance de l'information donnée quant à la date ou au délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; que la cour d'appel a elle-même constaté (arrêt, p. 2) que, le 29 septembre 2016, les époux [E] ont signé une attestation de livraison et d'installation avec demande de financement, que le 29 novembre 2016, la société Cofidis a versé le montant du capital entre les mains de la société Groupe Eco habitat et que, le 13 septembre 2017, les époux [E] ont conclu avec la société Seolis un contrat d'achat d'énergie électrique avec effet au 28 novembre 2016, date de raccordement de l'installation au réseau public, ce dont il se déduisait qu'ils avaient exécuté le contrat argué de nullité, et, en l'absence de toute réserve, nécessairement renoncé à se prévaloir de l'irrégularité retenue par l'arrêt quant à l'indication du délai d'exécution de ses obligations par la venderesse ; qu'en énonçant cependant, pour refuser d'admettre la confirmation de l'acte irrégulier, que la preuve n'était pas rapportée que M. et Mme [E] avaient eu connaissance du vice affectant l'obligation et qu'ils avaient eu l'intention de le réparer, étant ajouté que leur volonté de confirmer l'acte nul ne saurait résulter de la simple exécution de ses obligations contractuelles par la société venderesse et qu'il ne pouvait être tiré aucune conclusion de la signature de documents concomitants à la commande, ni d'actes ne révélant de la part des consommateurs aucune volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause (tels le suivi des travaux, l'acceptation de l'installation, ou la signature du mandat de prélèvement SEPA), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé l'article 1338, devenu 1182, du code civil ; 2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'acquéreur qui exécute en connaissance de cause le contrat conclu avec un professionnel renonce à se prévaloir de l'irrégularité entachant le bon de commande relativement à l'insuffisance de l'information donnée quant à la date ou au délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 12 s.), la société Groupe Eco habitat a fait valoir que les acquéreurs avaient, notamment, accepté l'installation et signé un procès-verbal de réception de travaux ne mentionnant aucune réserve, signé une enquête de satisfaction de l'installation jugée en tous points satisfaisante, signé une attestation de livraison et d'installation et de demande de financement, non équivoque, n'avaient formulé aucune réclamation après l'installation et avaient réglé les premières mensualités du crédit affecté, étant précisé qu'ils avaient pu prendre connaissance des exigences prévues au code de la consommation rappelées dans leur intégralité dans les conditions générales figurant au verso du bon de commande, et ainsi se convaincre de l'existence d'éventuelles causes de nullité lors de la conclusion du contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en énonçant, notamment, que la preuve n'était pas rapportée que « M. et Mme [E] avaient eu connaissance du vice affectant l'obligation et qu'ils avaient eu l'intention de le réparer », sans s'expliquer sur ces chefs de conclusions, faisant valoir, outre l'exécution sans réserve du contrat, que le rappel des dispositions applicables du code de la consommation au verso du bon de commande établissait la connaissance que les époux [E] avaient de l'irrégularité affectant le bon de commande quant au délai de livraison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1338, devenu 1182, du code civil. Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Cofidis, demanderesse au pourvoi incident. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé l'annulation du contrat de vente conclu entre M. et Mme [S] [E] et la société Groupe Eco habitat en date du 7 septembre 2016 et d'AVOIR constaté en conséquence l'annulation du contrat de crédit affecté en date du 6 septembre 2016 conclu entre la société Cofidis et les époux [E] ; ALORS QU'aux termes de l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, prévoit, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; que, pour prononcer la nullité de la vente litigieuse, la cour d'appel, après avoir relevé qu'« au verso du bon de commande figure la mention pré-imprimée suivante : La livraison du ou des matériaux et la pose auront lieu dans un délai maximum de 120 jours », a énoncé que « cette indication est trop vague pour être conforme aux dispositions […] de l'article L. 111-1-3° du code de la consommation, puisqu'elle ne distinguait pas entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif, et que le délai global de 4 mois ne permettait pas à M. et Mme [E] de déterminer de manière suffisamment précise quand la société Groupe Eco Habitat aurait exécuté ses différentes obligations » et que « le point de départ de ce délai n'était pas indiqué, alors qu'il pouvait s'agir soit de la date de signature du bon de commande, soit de l'expiration du délai de rétractation » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la disposition susvisée, qui exige seulement l'indication par le professionnel du délai auquel il s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, indication dont elle a elle-même relevé la présence au verso du bon de commande, a violé ladite disposition. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé l'annulation du contrat de vente conclu entre M. et Mme [E] et la société Groupe Eco habitat en date du 7 septembre 2016 et d'AVOIR constaté en conséquence l'annulation du contrat de crédit affecté en date du 6 septembre 2016 conclu entre la société Cofidis et les époux [E] ; ALORS DE PREMIERE PART QUE l'acquéreur qui exécute en connaissance de cause le contrat conclu avec un professionnel renonce à se prévaloir de l'irrégularité entachant le bon de commande relativement à l'insuffisance de l'information donnée quant à la date ou au délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; que la cour d'appel a elle-même constaté (arrêt, p. 2) que, le 29 septembre 2016, les époux [E] ont signé une attestation de livraison et d'installation avec demande de financement, que le 29 novembre 2016, la société Cofidis a versé le montant du capital entre les mains de la société Groupe Eco habitat et que, le 13 septembre 2017, les époux [E] ont conclu avec la société Seolis un contrat d'achat d'énergie électrique avec effet au 28 novembre 2016, date de raccordement de l'installation au réseau public, ce dont il se déduisait qu'ils avaient exécuté le contrat argué de nullité, et, en l'absence de toute réserve, nécessairement renoncé à se prévaloir de l'irrégularité retenue par l'arrêt quant à l'indication du délai d'exécution de ses obligations par la venderesse ; qu'en énonçant cependant, pour refuser d'admettre la confirmation de l'acte irrégulier, que la preuve n'était pas rapportée que M. et Mme [E] avaient eu connaissance du vice affectant l'obligation et qu'ils avaient eu l'intention de le réparer, étant ajouté que leur volonté de confirmer l'acte nul ne saurait résulter de la simple exécution de ses obligations contractuelles par la société venderesse et qu'il ne pouvait être tiré aucune conclusion de la signature de documents concomitants à la commande, ni d'actes ne révélant de la part des consommateurs aucune volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause (tels le suivi des travaux, l'acceptation de l'installation, ou la signature du mandat de prélèvement SEPA), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé l'article 1338, devenu 1182, du code civil ; ALORS DE SECONDE PART, en toute hypothèse, QUE l'acquéreur qui exécute en connaissance de cause le contrat conclu avec un professionnel renonce à se prévaloir de l'irrégularité entachant le bon de commande relativement à l'insuffisance de l'information donnée quant à la date ou au délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 12 s.), la société Groupe Eco habitat a fait valoir que les acquéreurs avaient, notamment, accepté l'installation et signé un procès-verbal de réception de travaux ne mentionnant aucune réserve, signé une enquête de satisfaction de l'installation jugée en tous points satisfaisante, signé une attestation de livraison et d'installation et de demande de financement, non équivoque, n'avaient formulé aucune réclamation après l'installation et avaient réglé les premières mensualités du crédit affecté, étant précisé qu'ils avaient pu prendre connaissance des exigences prévues au code de la consommation rappelées dans leur intégralité dans les conditions générales figurant au verso du bon de commande, et ainsi se convaincre de l'existence d'éventuelles causes de nullité lors de la conclusion du contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en énonçant, notamment, que la preuve n'était pas rapportée que « M. et Mme [E] avaient eu connaissance du vice affectant l'obligation et qu'ils avaient eu l'intention de le réparer », sans s'expliquer sur ces chefs de conclusions, faisant valoir, outre l'exécution sans réserve du contrat, que le rappel des dispositions applicables du code de la consommation au verso du bon de commande établissait la connaissance que les époux [E] avaient de l'irrégularité affectant le bon de commande quant au délai de livraison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1338, devenu 1182, du code civil.
Ayant relevé qu'au verso d'un bon de commande figurait la mention pré-imprimée selon laquelle la livraison du ou des matériaux et la pose auraient lieu dans un délai maximum de 120 jours, une cour d'appel retient exactement que cette indication est insuffisante pour répondre aux exigences de l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dès lors qu'il n'est pas distingué entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif et qu'un tel délai global ne permet pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur exécuterait ses différentes obligations, de sorte que la nullité du contrat principal est encourue
7,901
CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 492 FS-B Pourvoi n° Y 21-17.654 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 Mme [P] [I], veuve [C], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-17.654 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'établissement public Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP - HP), dont le siège est [Adresse 1], 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [I], de la SCP Didier et Pinet, avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 avril 2021), [X] [C] est décédé le 13 janvier 2017, à l'âge de 23 ans, des suites d'un cancer, après avoir procédé au dépôt de ses gamètes auprès du centre d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humain (CECOS) de l'hôpital [3], établissement relevant de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (l'AP-HP). 2. Par ordonnance du 2 novembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi par Mme [I], mère de [X] [C], a rejeté sa requête tendant à enjoindre à l'administration de prendre toutes mesures utiles afin de permettre l'exportation des gamètes vers un établissement de santé situé en Israël. Par ordonnance du 4 décembre 2018, le juge des référés du Conseil d'Etat a rejeté le recours de Mme [I] contre cette décision. 3. Par décision du 12 novembre 2019 (n° 23038/19 § 16 et 20), la Cour européenne des droits de l'homme, saisie par Mme [I] qui invoquait une violation de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a déclaré sa requête irrecevable aux motifs, d'une part, que « le sort des gamètes déposés par un individu et la question du respect de sa volonté qu'elles soient mises en oeuvre après sa mort concernent le droit d'un individu de décider de quelle manière et à quel moment il souhaite devenir parent qui relève de la catégorie des droits non transférables », d'autre part, que le champ d'application de l'article 8 de la Convention précitée ne comprend pas le droit de fonder une famille et ne saurait englober, en l'état de sa jurisprudence, le droit à une descendance pour des grands-parents. 4. Le 22 janvier 2020, invoquant l'existence d'une voie de fait, Mme [I] a assigné l'AP-HP devant la juridiction judiciaire aux fins de lui voir enjoindre de lui restituer les gamètes de son fils. L'AP-HP a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Mme [I] fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire incompétente, alors : « 1°/ que toute personne physique ayant droit au respect de ses biens, nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que l'article R. 2141-18 du code de la santé publique, qui règle les conditions de conservation des gamètes, prévoit leur destruction "en cas de décès de la personne" par l'administration ; que ce texte étant contraire au Premier Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, il ne saurait prévaloir sur les principes régissant la protection de la propriété prévus par cette Convention ; qu'en se fondant dès lors sur ce texte réglementaire pour décider que le refus de restitution des gamètes - équivalant à leur destruction - constituait "une décision qui se rattache aux prérogatives de l'AP-HP puisqu'elle procède de la stricte application des dispositions de l'article R. 2141-18 (…)", la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble la loi du 24 mai 1872 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le premier Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que toute personne physique ayant droit au respect de ses biens, nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que l'article R. 2141-18 qui règle les conditions de conservation des gamètes, prévoit leur destruction "en cas de décès de la personne" ; que ce texte étant contraire au Premier Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, il ne saurait prévaloir sur les principes régissant la protection de la propriété prévus par celle-ci ; qu'en l'espèce, [X] [C] ayant été propriétaire de ses gamètes, en a transmis la propriété à sa mère ; qu'en décidant le contraire, motif pris de ce que "le don est expressément réservé à la décision de leur déposant et de lui seul", circonstance prévue par le seul article R. 2141-18 du code de la santé publique, la cour d'appel a derechef violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble la loi du 24 mai 1872 et le premier Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ que le juge judiciaire est également compétent pour statuer sur une voie de fait lorsque celle-ci résulte d'une décision prise par l'administration qui a porté atteinte à la liberté individuelle ; qu'en l'espèce, Mme [C] avait, aux termes de conclusions particulièrement circonstanciées, nombreuses pièces à l'appui, fait valoir que, durant son vivant, son fils [X] n'avait eu de cesse de concevoir un enfant, y compris post-mortem, dès lors qu'il se savait atteint d'une maladie incurable, fatale à court terme ; que la démarche de Mme [C] ne s'inscrit que dans la continuité de cette volonté exprimée devant plusieurs témoins et tenant à la liberté individuelle de d'assurer sa descendance ; qu'après avoir rappelé que le juge judiciaire retrouvait sa compétence en cas d'atteinte à une liberté individuelle, la cour d'appel s'est exclusivement placée sur le terrain de l'extinction du droit de propriété des gamètes ; qu'en se déterminant de la sorte, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si la destruction des gamètes par le CECOS ne portait pas atteinte à la liberté individuelle de pouvoir procréer exprimée de son vivant par [X] [C] et poursuivie, selon le souhait de celui-ci, par sa mère, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l'article 66 de la Constitution, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble la loi du 24 mai 1872 et le premier Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 6. Selon les articles L. 2141-11,dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011, et R. 2141-18, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-173 du 4 mars 2016, du code de la santé publique, toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d'altérer la fertilité ou dont la fertilité risque d'être prématurément altérée peut bénéficier du recueil ou du prélèvement et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d'une assistance médicale à la procréation, de la préservation et de la restauration de sa fertilité et, en cas de décès de la personne, il est mis fin à la conservation des gamètes ou des tissus germinaux. 7. La juridiction administrative est compétente pour connaître des demandes dirigées contre un établissement de santé public au titre notamment du transfert et de l'exportation de gamètes ou de tissus germinaux. 8. Il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative. 9. Dès lors que des gamètes humains ne constituent pas des biens au sens de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la portée économique et patrimoniale attachée à ce texte (CEDH, 27 août 2015, n° 46470/11, [GC], § 215), que seule la personne peut en disposer et que la liberté de procréer n'entre pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution, c'est à bon droit et sans être tenue de procéder à une recherche inopérante que la cour d'appel, faisant application de l'article R. 2141-18 du code de la santé publique, a retenu que le refus opposé par l'AP-HP à la restitution des gamètes se rattachait à ses prérogatives, écarté l'existence d'une voie de fait et déduit que la juridiction judiciaire était incompétente pour connaître du litige. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [I] et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à l'Assistance public-Hôpitaux de [Localité 5] ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme [I] Mme [I] veuve [C] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le tribunal judiciaire de Paris incompétent pour statuer sur la demande tendant à voir enjoindre à l'AP-HP de lui restituer les gamètes de son fils [X] détenues par l'hôpital [3] ; 1°) ALORS QUE toute personne physique ayant droit au respect de ses biens, nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que l'article R. 2141-18 du code de la santé publique, qui règle les conditions de conservation des gamètes, prévoit leur destruction « en cas de décès de la personne » par l'administration ; que ce texte étant contraire au Premier Protocole additionnel de la Convention européenne des Droits de l'Homme, il ne saurait prévaloir sur les principes régissant la protection de la propriété prévus par cette Convention ; qu'en se fondant dès lors sur ce texte réglementaire pour décider que le refus de restitution des gamètes - équivalant à leur destruction - constituait « une décision qui se rattache aux prérogatives de l'AP-HP puisqu'elle procède de la stricte application des dispositions de l'article R. 2141-18 (…)», la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble la loi du 24 mai 1872 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le premier Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 2°) ALORS QUE toute personne physique ayant droit au respect de ses biens, nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que l'article R. 2141-18 qui règle les conditions de conservation des gamètes, prévoit leur destruction « en cas de décès de la personne » ; que ce texte étant contraire au Premier Protocole additionnel de la Convention européenne des Droits de l'Homme, il ne saurait prévaloir sur les principes régissant la protection de la propriété prévus par celle-ci ; qu'en l'espèce, M. [X] [C] ayant été propriétaire de ses gamètes, en a transmis la propriété à sa mère ; qu'en décidant le contraire, motif pris de ce que « le don est expressément réservé à la décision de leur déposant et de lui seul », circonstance prévue par le seul article R. 2141-18 du code de la santé publique, la cour d'appel a derechef violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble la loi du 24 mai 1872 et le premier Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 3°) ALORS QUE le juge judiciaire est également compétent pour statuer sur une voie de fait lorsque celle-ci résulte d'une décision prise par l'administration qui a porté atteinte à la liberté individuelle ; qu'en l'espèce, Mme [C] avait, aux termes de conclusions particulièrement circonstanciées, nombreuses pièces à l'appui, fait valoir que, durant son vivant, son fils [X] n'avait eu de cesse de concevoir un enfant, y compris post-mortem, dès lors qu'il se savait atteint d'une maladie incurable, fatale à court terme ; que la démarche de Mme [C] ne s'inscrit que dans la continuité de cette volonté exprimée devant plusieurs témoins et tenant à la liberté individuelle de d'assurer sa descendance ; qu'après avoir rappelé que le juge judiciaire retrouvait sa compétence en cas d'atteinte à une liberté individuelle, la cour d'appel s'est exclusivement placée sur le terrain de l'extinction du droit de propriété des gamètes ; qu'en se déterminant de la sorte, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si la destruction des gamètes par le CECOS ne portait pas atteinte à la liberté individuelle de pouvoir procréer exprimée de son vivant par [X] [C] et poursuivie, selon le souhait de celui-ci, par sa mère, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l'article 66 de la Constitution, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble la loi du 24 mai 1872 et le premier Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Des gamètes humains ne constituent pas des biens au sens de l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la portée économique et patrimoniale attachée à ce texte (CEDH, arrêt du 27 août 2015, n° 46470/11, [GC], § 215) et seule la personne peut en disposer
7,902
CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 493 FS-B Pourvoi n° Z 21-16.022 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 21-16.022 contre l'arrêt rendu le 16 février 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [E] [M], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à la société MACSF assurances, venant aux droits de la société Le Sou médical, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société Mutualité sociale agricole, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de la SCP Richard, avocat de Mme [M] et de la société MACSF assurances, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 16 février 2021), à l'occasion d'une intervention réalisée le 12 janvier 2007 et consistant en la pose d'une prothèse de hanche au sein de la clinique [4] (la clinique), Mme [F] a chuté de la table d'opération et présenté une fracture de vertèbres dorsales avec contusion de la moelle épinière. 2. Le 21 janvier 2008, elle a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation de la région Aquitaine (CCI), qui, par avis du 18 mars 2009, a estimé que le dommage était la conséquence d'un défaut de surveillance de la patiente par l'infirmière panseuse et par Mme [M], médecin-anesthésiste exerçant à titre libéral (l'anesthésiste), qu'il appartenait à l'assureur de celle-ci, la société Le Sou médical, ainsi qu'à I'assureur de la clinique, la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), de faire une offre d'indemnisation à Mme [F] et à son petit-fils, M. [N], et que, dans leurs rapports respectifs, la charge de la réparation serait répartie par moitié entre eux. 3. La société Le Sou médical a présenté une offre d'indemnisation à Mme [F] et à M. [N], couvrant la moitié de leurs préjudices, qu'ils ont acceptée. A la suite du refus de la SHAM de procéder à une telle offre, l'ONIAM s'est substitué à celle-ci et les a indemnisés à hauteur de l'autre moitié. 4. Par jugement du 12 décembre 2014, le recours subrogatoire de l'ONIAM contre la clinique et la SHAM a été rejeté en l'absence de responsabilité de la clinique dans la survenue du dommage. 5. Les 28 mars et 3 avril 2017, l'ONIAM a assigné l'anesthésiste et la société Le Sou médical en remboursement des indemnités versées. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 6. L'ONIAM fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'en tout état de cause l'ONIAM peut exercer le recours subrogatoire prévu par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique à l'encontre de n'importe quel professionnel ou établissement de santé y compris ceux auquel il ne s'est pas substitué lorsqu'il indemnisait la victime ; qu'en se fondant sur le constat que l'ONIAM avait indemnisé les victimes non par substitution à l'assureur de l'anesthésiste mais par substitution à l'assureur de la clinique [4], pour retenir que l'ONIAM ne pouvait pas exercer de recours subrogatoire contre l'anesthésiste et son assureur afin de se faire rembourser les sommes versées aux victimes lorsqu'il se substituait à l'assureur de la clinique [4], la cour d'appel a violé les articles L. 1142-15 du code de la santé publique et 1346 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1142-1, II, L. 1142-14 et L. 1142-15 du code de la santé publique : 7. Selon le premier de ces textes, l'ONIAM n'est chargé d'indemniser les victimes d'accidents médicaux résultant d'actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins que lorsque la responsabilité d'un professionnel de santé, d'un établissement, service ou organisme de santé ou d'un producteur de produits n'est pas engagée. 8. Selon le deuxième, lorsque la CCI estime que le dommage engage la responsabilité d'un professionnel de santé, l'assureur qui garantit sa responsabilité fait à la victime une offre dont l'acceptation vaut transaction et, s'il estime que le dommage n'engage pas la responsabilité de son assuré mais celle d'un tiers, il dispose d'une action subrogatoire contre lui. 9. Selon le troisième, en cas de silence ou de refus de la part de l'assureur de faire une offre, l'ONIAM est substitué à l'assureur et les dispositions du deuxième de ces textes s'appliquent alors à l'ONIAM. 10. Il s'en déduit que l'indemnisation au titre de la solidarité nationale présente un caractère subsidiaire et que, lorsque la CCI a estimé que le dommage engageait la responsabilité de deux personnes distinctes, que seul l'un de leurs assureurs a fait une offre d'indemnisation partielle qui a été acceptée et que l'ONIAM s'est substitué à l'autre assureur pour que la victime bénéficie d'une réparation intégrale, l'ONIAM dispose alors, comme l'assureur auquel il s'est substitué, d'un recours contre toute personne qu'il considère comme responsable du dommage, sans que l'acceptation par la victime d'une offre d'indemnisation partielle n'y fasse obstacle. 11. Pour rejeter les demandes de l'ONIAM contre l'anesthésiste et son assureur, l'arrêt retient que l'ONIAM ne s'est pas substitué à cet assureur, en application de l'article L. 1142-15, qu'en tout état de cause, l'ONIAM ne fait qu'exercer une action subrogatoire et qu'il n'a pas plus de droits que la victime ayant accepté l'offre d'indemnisation de l'assureur en considération d'une responsabilité à hauteur de 50 %. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne Mme [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales L'ONIAM fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement déféré et de l'avoir débouté de ses demandes tendant à la condamnation solidaire du docteur [M] et de son assureur la MACSF venant aux droits du Sou Médical à lui payer les sommes de 66 257,79 euros au titre du remboursement de l'indemnisation versée à madame [F] et à monsieur [N] et de 1 843,09 euros au titre du remboursement des frais d'expertise ; 1) Alors que l'ONIAM est substitué à chacun des professionnels ou établissements de santé considérés par la commission de conciliation et indemnisation comme conjointement responsables des conséquences d'un accident médical et peut exercer à l'encontre de chacun d'entre eux l'action subrogatoire prévue par l'article L.1142-15 du code de la santé publique, y compris à l'encontre du professionnel ou de l'établissement de santé dont l'assureur a présenté à la victime une offre d'indemnisation à hauteur de la part de responsabilité que la commission a pu estimer s'agissant des rapports des responsables entre eux, dès lors que l'office a été amené, du fait de la limitation de cette offre et du refus ou du silence de l'assureur de l'autre professionnel ou établissement de santé considéré comme responsable, à verser à la victime une indemnisation de la part des préjudices demeurant non réparés ; qu'ayant constaté que la commission de conciliation et d'indemnisation avait retenu la responsabilité conjointe de l'anesthésiste et de la clinique [4], en déduisant de la seule circonstance que l'assureur de l'anesthésiste avait présenté une offre d'indemnisation à hauteur de 50 % et que l'ONIAM était intervenu du fait du silence de l'assureur de la clinique [4] pour l'indemnisation des 50 % restant que l'office ne s'était pas substitué à l'anesthésiste et ne pouvait exercer à l'encontre de ce dernier l'action subrogatoire prévue par l'article L.1142-15 du code de la santé publique, la cour d'appel a violé cette disposition ; 2) Alors qu'en retenant que l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation avait conclu à une responsabilité de l'anesthésiste à hauteur de 50 % seulement, pour en déduire que l'assureur de l'anesthésiste avait présenté son offre d'indemnisation couvrant 50 % des préjudices conformément à cet avis et que l'ONIAM n'avait pu se substituer à l'anesthésiste lorsqu'il versait à la victime une indemnité correspondant aux 50 % restant, quand il résulte des termes clairs et précis de cet avis que la commission a conclu uniquement à une responsabilité conjointe de l'anesthésiste et de la clinique [4] sans limiter la responsabilité de l'un ou de l'autre à l'égard de la victime (avis d'indemnisation, p. 6) et n'a évoqué, dans les motifs de son avis, une répartition de la responsabilité des intéressés à parts égales que « dans leurs rapports respectifs » (avis d'indemnisation, p. 4), la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; 3) Alors en tout état de cause que l'ONIAM peut exercer le recours subrogatoire prévu par l'article L.1142-15 du code de la santé publique à l'encontre de n'importe quel professionnel ou établissement de santé y compris ceux auquel il ne s'est pas substitué lorsqu'il indemnisait la victime ; qu'en se fondant sur le constat que l'ONIAM avait indemnisé les victimes non par substitution à l'assureur de l'anesthésiste mais par substitution à l'assureur de la clinique [4], pour retenir que l'ONIAM ne pouvait pas exercer de recours subrogatoire contre l'anesthésiste et son assureur afin de se faire rembourser les sommes versées aux victimes lorsqu'il se substituait à l'assureur de la clinique [4], la cour d'appel a violé les articles L.1142-15 du code de la santé publique et 1346 du code civil ; 4) Alors qu'en retenant que les victimes avaient accepté de transiger avec l'anesthésiste et son assureur « en considération d'une responsabilité à 50 %, conformément à l'avis rendu par la CCI Aquitaine » et en en déduisant que l'ONIAM ne pouvait donc exercer de recours subrogatoire pour faire constater la responsabilité de ce professionnel de santé à hauteur de l'entier préjudice et obtenir ainsi le remboursement des sommes versées à la victime pour la réparation des préjudices non concernés par l'offre de l'assureur, sans préciser le contenu de cette transaction ni mentionner l'origine de ses constatations, en l'état d'une procédure où cette transaction n'était pas produite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1142-15 du code de la santé publique et 1346 du code civil ; 5) Alors que l'acceptation par la victime de l'offre de l'assureur d'un professionnel ou établissement de santé considéré comme responsable par la commission de conciliation et d'indemnisation ne vaut transaction, en application de l'article L.1142-14 du code de la santé publique, que pour les parts de préjudices indemnisés au terme de cette offre et n'interdit pas à l'ONIAM subrogé dans les droits de la victime après s'être substitué à un autre professionnel ou établissement de santé considéré comme responsable par la commission de conciliation et d'indemnisation d'exercer le recours prévu par l'article L. 1142-15 du même code contre le professionnel ou l'établissement de santé dont l'offre de l'assureur a été acceptée pour faire constater la responsabilité de l'intéressé à hauteur de l'entier préjudice et obtenir ainsi le remboursement des sommes versées à la victime pour la réparation des préjudices non concernés par cette offre ; qu'en considérant que l'acceptation par les victimes de l'offre de l'assureur de l'anesthésiste d'indemniser les préjudices à hauteur de 50 % seulement interdisait à l'ONIAM d'exercer son recours subrogatoire pour faire constater la responsabilité de ce professionnel de santé à hauteur de l'entier préjudice et obtenir sa condamnation à lui rembourser les sommes correspondant au reste des préjudices visés par cette offre, la cour d'appel a violé les articles L.1142-15 du code de la santé publique et 1346 du code civil ; 6) Alors enfin qu'en retenant que les premiers juges n'avaient pas violé le principe du contradictoire, au motif qu'ils avaient simplement vérifié les conditions de recevabilité de la demande de l'ONIAM pour constater que celui-ci ne pouvait pas prétendre exercer un recours subrogatoire sur le fondement de l'article L.1142-15 code de la santé publique à l'encontre du docteur [M] et de son assureur car l'ONIAM avait versé des sommes aux lieu et place de l'assureur de la clinique et non de l'assureur de l'anesthésiste, sans constater que le docteur [M] et son assureur auraient soulevé un tel moyen devant les premiers juges, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
L'indemnisation au titre de la solidarité nationale présente un caractère subsidiaire de sorte que, lorsque la commission de conciliation et d'indemnisation a estimé que le dommage engageait la responsabilité de deux personnes distinctes, que seul l'un de leurs assureurs a fait une offre d'indemnisation partielle qui a été acceptée et que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) s'est substitué à l'autre assureur pour que la victime bénéficie d'une réparation intégrale, l'ONIAM dispose alors, comme l'assureur auquel il s'est substitué, d'un recours contre toute personne qu'il considère comme responsable du dommage, sans que l'acceptation par la victime d'une offre d'indemnisation partielle n'y fasse obstacle
7,903
CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 503 F-B Pourvoi n° J 21-12.742 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 Mme [C] [N], épouse [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-12.742 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [N], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 novembre 2020), Le 12 avril 2012, Mme [T] a été opérée au sein de la clinique [5], exploitée par l'Association hospitalière de l'ouest, d'une arthrose du genou gauche et une prothèse a été posée. Après l'ablation du cathéter crural posé pour les besoins de l'anesthésie générale par Mme [F], médecin-anesthésiste, elle a conservé des troubles moteurs du membre inférieur gauche. 2. Les 17, 19 novembre 2015 et 9 mars 2016, elle a assigné en indemnisation Mme [F], l'Association hospitalière de l'ouest et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4]. 3. Mme [F] et l'Association hospitalière de l'ouest ont été mises hors de cause. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme [T] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation au titre de la solidarité nationale, alors « que la réparation au titre de la solidarité nationale s'exerce relativement aux dommages provoqué par un acte de prévention, de diagnostic ou de soin, à l'occasion duquel l'accident médical est survenu ; qu'en l'espèce, en retenant, pour considérer que les dommages invoqués par Mme [T] comme relevant de la réparation due au titre de la solidarité nationale, ne résultaient pas pour le tout de l'accident médical survenu lors de l'intervention du 12 avril 2012, qu'une partie d'entre eux était imputable à son état de santé antérieur tenant à ce qu'elle était contrainte d'utiliser deux cannes anglaises et à ce qu'elle présentait un terrain psychique fragilisé, sans rechercher si cet état de santé antérieur ne procédait pas de l'arthrose du genou gauche à laquelle l'intervention du 12 avril 2012 avait mis fin par la mise en place d'une prothèse, de sorte que l'ensemble des dommages s'étant manifestés postérieurement ne pouvait résulter que de l'accident médical survenu lors de cette intervention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1142-1 et D. 1142-1 du code de la santé publique ». Réponse de la Cour Vu les articles L.1142-1, II, et D. 1142-1 du code de la santé publique : 5. Selon ces textes, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret qui est apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire et qui est notamment retenu dans le cas d'un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique fixé à 24 %. 6. Lors de l'appréciation du taux d'atteinte permanente lié à la survenue d'un accident médical au sens du premier de ces textes, il ne peut être tenu compte du taux préexistant à l'acte médical en cause, lorsque cet acte aurait permis d'y remédier en l'absence d'accident. 7. Pour rejeter la demande d'indemnisation au titre de la solidarité nationale formée par Mme [T], après avoir constaté que ses préjudices étaient au moins pour partie imputables à la mise en place d'un cathéter crural et avaient eu des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci, l'arrêt retient qu'elle présente un déficit fonctionnel permanent de 40 % qui doit être diminué du taux d'incapacité de 20 % résultant de son état de santé antérieur à l'intervention, tant physique en raison de troubles fonctionnels nécessitant de recourir à des cannes anglaises, que psychologique, qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un déficit fonctionnel permanent de 24 % et en déduit que la condition de gravité du dommage n'est pas remplie. 8.En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, la part du déficit fonctionnel permanent préexistant lié à l'arthrose auquel il avait été remédié par la pose de la prothèse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il met hors de cause Mme [F] et la société Association hospitalière de l'Ouest et condamne Mme [T] à leur payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [N] Mme [C] [T] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes formées à l'encontre de l'ONIAM tendant principalement à le voir condamner à lui verser la somme de 1 505 136,57 euros en réparation des préjudices ayant résulté de l'accident médical survenu à la suite de l'intervention du 12 avril 2012 ; ALORS QUE la réparation au titre de la solidarité nationale s'exerce relativement aux dommages provoqué par un acte de prévention, de diagnostic ou de soin, à l'occasion duquel l'accident médical est survenu ; qu'en l'espèce, en retenant, pour considérer que les dommages invoqués par Mme [C] [T] comme relevant de la réparation due au titre de la solidarité nationale, ne résultaient pas pour le tout de l'accident médical survenu lors de l'intervention du 12 avril 2012, qu'une partie d'entre eux était imputable à son état de santé antérieur tenant à ce qu'elle était contrainte d'utiliser deux cannes anglaises et à ce qu'elle présentait un terrain psychique fragilisé, sans rechercher si cet état de santé antérieur ne procédait pas de l'arthrose du genou gauche à laquelle l'intervention du 12 avril 2012 avait mis fin par la mise en place d'une prothèse, de sorte que l'ensemble des dommages s'étant manifestés postérieurement ne pouvait résulter que de l'accident médical survenu lors de cette intervention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1142-1 et D. 1142-1 du code de la santé publique.
Lors de l'appréciation du taux d'atteinte permanente lié à la survenue d'un accident médical au sens de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique, il ne peut être tenu compte du taux préexistant à l'acte médical en cause, lorsque cet acte aurait permis d'y remédier en l'absence d'accident
7,904
CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 512 F-B Pourvoi n° K 21-14.928 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 La société Free Mobile, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-14.928 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [K] [XT], domicilié [Adresse 3], 2°/ à Mme [O] [YV], domiciliée [Adresse 8], 3°/ à Mme [X] [I] [MS], domiciliée [Adresse 9], 4°/ à M. [R] [S], domicilié [Adresse 12], 5°/ à Mme [FJ] [M], épouse [U], domiciliée [Adresse 15], 6°/ à M. [WJ] [GL], domicilié [Adresse 4], 7°/ à M. [Y] [IX], domicilié [Adresse 5], 8°/ à M. [MZ] [V], domicilié [Adresse 2], 9°/ à M. [WR] [H], domicilié [Adresse 13], 10°/ à M. [F] [P], domicilié [Adresse 11], 11°/ à M. [Y] [LI], domicilié [Adresse 14], 12°/ à M. [L] [Z], 13°/ à Mme [DI] [XL], épouse [Z], domiciliés tous deux [Adresse 7], 14°/ à Mme [D] [LI], domiciliée [Adresse 14], 15°/ à Mme [KG] [OB], épouse [GL], domiciliée [Adresse 4], 16°/ à Mme [RM] [G], domiciliée [Adresse 12], 17°/ à M. [C] [U], domicilié [Adresse 15], 18°/ à M. [RF] [A], domicilié [Adresse 16], 19°/ à Mme [JE] [E], domiciliée [Adresse 6], 20°/ à Mme [N] [EA], épouse [IX], domiciliée [Adresse 5], 21°/ à Mme [B] [BC] épouse [H], domiciliée [Adresse 13], 22°/ à M. [T] [A], domicilié [Adresse 17], 23°/ à Mme [HV] [J], domiciliée [Adresse 16], 24°/ à Mme [W] [SW], domiciliée [Adresse 10], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Free Mobile, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mmes [I] [MS], [XL], [G], [E] et [BC], de MM. [S], [H] et [Z], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 27 janvier 2021), rendu en référé, la société Free mobile (la société) est bénéficiaire d'un permis de construire obtenu en 2019, portant sur l'édification d'une antenne-relais sur le territoire de la commune d'Orléans. 2. Saisi sur le fondement de l'article 845 du code de procédure civile par M. [H] et vingt-trois autres riverains (les riverains) qui invoquaient diverses nuisances ainsi que les risques graves pour la santé résultant de l'implantation de cette installation, le président du tribunal judiciaire, a, le 27 mai 2020, ordonné la suspension des travaux de construction et interdit sa mise en service. 3. Le 10 juin 2020, la société a assigné les riverains en rétractation de l'ordonnance du 27 mai 2020 et soulevé l'incompétence de la juridiction judiciaire. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire compétente pour connaître du litige, alors « que, l'action portée devant le juge judiciaire, quel qu'en soit le fondement, aux fins d'obtenir l'interruption de l'émission, l'interdiction de l'implantation, l'enlèvement ou le déplacement d'une station radioélectrique régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine public, au motif que son fonctionnement serait susceptible de compromettre la santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages implique, en raison de son objet même, une immixtion dans l'exercice de la police spéciale dévolue aux autorités publiques compétentes en la matière ; qu'en conséquence la juridiction administrative est seule compétente pour en connaitre ; qu'en l'espèce, en retenant la compétence des juridictions judiciaires, lorsque le litige d'une part, découlait, au moins en partie, de l'atteinte alléguée que le fonctionnement de l'antenne relais était susceptible de porter à leur santé et, d'autre part, visait à interdire sa mise en service, la cour d'appel a violé le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire, la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, les articles L. 42-1 et L. 43 du code des postes et des communications électroniques et les articles L. 2124-26 et L. 2333-1 du code général de la propriété des personnes publiques. » Réponse de la Cour Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor An III, les articles L. 42-1 et L. 43 du code des postes et communications électroniques et L. 2124-26 et L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques : 5. Il résulte de ce principe et de ces textes, d'une part, que le juge administratif est compétent pour connaître de l'action, quel que soit son fondement, aux fins d'obtenir l'interruption de l'émission, l'interdiction de l'implantation, l'enlèvement ou le déplacement d'une station radioélectrique régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine public, par les autorités publiques compétentes en la matière, dans l'exercice de leur pouvoir spécial de police, au motif que son fonctionnement serait susceptible de compromettre la santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages, d'autre part, que le juge judiciaire est compétent pour connaître des litiges opposant un opérateur de communications électroniques à des usagers ou à des tiers aux fins d'indemnisation des dommages causés par l'implantation ou le fonctionnement d'une station radioélectrique qui n'a pas le caractère d'un ouvrage public, ainsi que des actions aux fins de faire cesser les troubles anormaux de voisinage liés à une implantation irrégulière ou un fonctionnement non conforme aux prescriptions administratives ou à la preuve de nuisances et inconvénients anormaux autres que ceux afférents à la protection de la santé publique et aux brouillages préjudiciables. 6. Pour dire la juridiction judiciaire compétente pour connaître de la demande de suspension des travaux et d'interdiction de mise en service de l'antenne-relais de téléphonie mobile, l'arrêt retient, que l'ordonnance du 27 mai 2020 n'avait pas vocation à apprécier la légalité d'un acte administratif, que le juge judiciaire est compétent pour prendre toute mesure propre à faire cesser le préjudice invoqué, que la requête est fondée sur les troubles anormaux de voisinage, vise non seulement un risque pour la santé globale des riverains, mais plus précisément un risque vital pour M. [H], atteint d'une affection neurodégénérative et d'hypersensibilité aux ondes électromagnétiques, et que la demande de cessation des travaux a vocation à être provisoire dans l'attente du débat au fond. 7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond. 10. Il y a lieu de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, la juridiction judiciaire étant incompétente pour connaître du litige. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige ; Renvoie les parties à mieux se pourvoir ; Condamne Mme [YV], M. et Mme [GL], Mme [G], M. [S], Mme [I] [MS], M. et Mme [IX], M. [V], M. et Mme [H], MM. [RF] et [T] [A], M. et Mme [U], Mme [J], M. [P], M. [XT], M. et Mme [LI], Mme [E], M. et Mme [Z] et Mme [SW] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juridictions du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Free Mobile. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société FREE MOBILE reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance rendue le 17 juillet 2020 par le président du tribunal judiciaire d'Orléans en toutes ses dispositions ; 1°) Alors que, de première part, l'action portée devant le juge judiciaire, quel qu'en soit le fondement, aux fins d'obtenir l'interruption de l'émission, l'interdiction de l'implantation, l'enlèvement ou le déplacement d'une station radioélectrique régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine public, au motif que son fonctionnement serait susceptible de compromettre la santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages implique, en raison de son objet même, une immixtion dans l'exercice de la police spéciale dévolue aux autorités publiques compétentes en la matière ; qu'en conséquence la juridiction administrative est seule compétente pour en connaitre ; qu'en l'espèce, en retenant la compétence des juridictions judiciaires, lorsque le litige d'une part, découlait, au moins en partie, de l'atteinte alléguée que le fonctionnement de l'antenne relais était susceptible de porter à leur santé et, d'autre part, visait à interdire sa mise en service, la cour d'appel a violé le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire, la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, les articles L. 42-1 et L. 43 du code des postes et des communications électroniques et les articles L. 2124-26 et L. 2333-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; 2°) Alors que, de deuxième part, le juge ne dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, en affirmant que les requérants ne remettaient aucunement en cause les arguments invoqués par la société FREE MOBILE afin de faire valoir que les juridictions administratives auraient dû être saisis du litige, quand ceux-ci soutenaient, de façon particulièrement étayée, que la compétence des juridictions judiciaires était au contraire établie (conclusions d'appel des requérants, pp. 5-8), la cour d'appel a, par dénaturation des conclusions, violé l'article 4 du code de procédure civile ; 3°) Alors que, de troisième part, le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, en affirmant que les prétentions des requérants ne remettaient pas en cause les décisions rendues par les juridictions administratives mais étaient exclusivement fondées sur le trouble de voisinage allégué, quand ceux-ci soutenaient, en contradiction manifeste avec ce qui avait d'ores et déjà été retenu par le tribunal administratif d'Orléans, que la société FREE MOBILE s'était exonérée du respect des obligations résultant du plan local d'urbanisme (conclusions d'appel des requérants, p. 15), la cour d'appel a, par dénaturation des conclusions, violé l'article 4 du code de procédure civile ; 4°) Alors que, de quatrième part, le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, en retenant que la société FREE MOBILE ne remettait pas en cause « la compétence judiciaire sur toute mesure propre à faire cesser le préjudice allégué » (arrêt, p. 6), lorsque celle-ci soutenait à l'inverse que « le juge judiciaire est donc incompétent pour connaître des demandes […] tendant à obtenir l'interdiction d'implantation ou l'interdiction d'émettre d'une antenne-relais » (conclusions d'appel de la société FREE MOBILE, p. 17), la cour d'appel a, par dénaturation des conclusions d'appel, violé l'article 4 du code de procédure civile ; 5°) Alors que, de cinquième part, et en tout état de cause, en se fondant, pour écarter l'exception d'incompétence soulevée par la société FREE MOBILE, sur la circonstance que la « la compétence judiciaire sur toute mesure propre à faire cesser le préjudice allégué [ne soit] pas remise en cause » (arrêt, p. 6), la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, violant ainsi les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ; 6°) Alors que, de sixième part, le juge ne peut dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, en retenant que l'ordonnance de référé-rétractation rendue le 17 juillet 2020 ne se prononçait pas sur des questions sanitaires, quand cette décision relevait au contraire l'existence d'éléments concrets, médicalement documentés, de risque vital d'atteinte à la santé de M. [WR] [H] (ordonnance du 17 juillet 2020, p. 7), la cour d'appel a, par dénaturation de l'ordonnance de référé-rétractation, violé l'article 4 du code de procédure civile ; 7°) Alors que, de septième part, et en tout état de cause, le juge ne peut dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, en retenant que l'ordonnance rendue sur requête le 27 mai 2020 ne se prononçait pas sur des questions sanitaires, quand les motifs de la requête, adoptés par cette décision, insistait sur le risque sanitaire que la mise en marche de l'antenne-relais était susceptible de faire peser sur la santé de M. [WR] [H] (ordonnance du 27 mai 2020, p. 3), la cour d'appel a par, dénaturation de l'ordonnance rendue sur requête, violé l'article 4 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION La société FREE MOBILE reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance rendue le 17 juillet 2020 par le président du tribunal judiciaire d'Orléans en toutes ses dispositions ; 1°) Alors que, de première part, en retenant que la seule perspective d'un débat contradictoire lors du référé-rétractation suffisait à légitimer a posteriori que le contradictoire soit temporairement écarté au stade de la requête, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la réunion des circonstances justifiant qu'il soit dérogé à ce principe processuel fondamental, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 493, 496 et 845 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°) Alors que, de deuxième part, et en tout état de cause, le juge ne peut dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, en retenant, par motifs éventuellement adoptés, qu'il n'était « pas possible aux requérants d'identifier le meneur d'ordre » (ordonnance du 17 juillet 2020, p. 7), quand il ressortait pourtant des termes de la requête et de l'ordonnance rendue le 27 mai 2020 que la société FREE MOBILE était clairement identifiée comme donneuse d'ordre sur le chantier litigieux, la cour d'appel a, par dénaturation de l'ordonnance de référé-rétractation, violé l'article 4 du code de procédure civile ; 3°) Alors que, de troisième part, et en tout état de cause, la condition d'urgence posée par l'article 845 du code de procédure civile est distincte de celle relative à la réunion de circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, en se référant, par motifs éventuellement adoptés, et pour justifier de la dérogation au principe de la contradiction, à la circonstance que l'urgence soit avérée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 493, 496 et 845 du code de procédure civile.
Le juge administratif est compétent pour connaître de l'action, quel que soit son fondement, aux fins d'obtenir l'interruption de l'émission, l'interdiction de l'implantation, l'enlèvement ou le déplacement d'une station radioélectrique régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine public par les autorités publiques compétentes en la matière dans l'exercice de leur pouvoir spécial de police, au motif que son fonctionnement serait susceptible de compromettre la santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages
7,905
CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 515 F-B Pourvoi n° B 21-20.325 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [F]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 1er juin 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 M. [Y] [H] [F], domicilié chez M. [B] [D], avocat, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-20.325 contre l'ordonnance rendue le 16 décembre 2020 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant : 1°/ au préfet de [Localité 4], domicilié [Adresse 3], 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [H] [F], après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 16 décembre 2020), et les pièces de la procédure, le 1er octobre 2020, M. [F], de nationalité congolaise, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français. La mesure a été prolongée à trois reprises par le juge des libertés et de la détention. 2. Le 14 décembre 2020, le juge des libertés et de la détention a été saisi par le préfet, sur le fondement de l'article L. 552-7, alinéa 5, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), d'une nouvelle requête en prolongation de la mesure de rétention. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 3. M. [F] fait grief à l'ordonnance de dire son appel irrecevable, alors « que, le premier président de la cour d'appel ne peut rejeter par ordonnance que les requêtes d'appel manifestement irrecevables ; que par ailleurs, une déclaration d'appel non motivée est une déclaration de laquelle est absente toute motivation de fait ou de droit, sans que son bien fondé n'ait d'incidence sur cette qualification ; qu'en jugeant au contraire que l'appel était irrecevable comme dénué de motivation au visa de l'article R. 552-13 du CESEDA, et en statuant en conséquence par ordonnance, sans convoquer les parties à une audience, en déduisant le caractère non motivé de l'appel de son mal fondé, énonçant à cet égard que le refus de test PCR devait être qualifié d'obstruction et que les diligences de l'autorité administrative avaient été effectives, la déléguée du premier président, qui s'est fondée sur le mal fondé de la requête pour la juger non motivée et statuer en conséquence par voie d'ordonnance, a violé les articles L. 552-9, R. 552-13 et R. 552-14-1 du ceseda, dans leur rédaction applicable à l'espèce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 552-9, alinéa 2, devenu L. 743-23, alinéa 1er, R. 552-13, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1457 du 28 octobre 2016, et R. 552-14-1, alinéa 2, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, du CESEDA : 4. Selon le deuxième de ces textes, à peine d'irrecevabilité, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel. 5. Aux termes du premier, le premier président de la cour d'appel ou son délégué peut, par ordonnance motivée et sans avoir préalablement convoqué les parties, rejeter les déclarations d'appel manifestement irrecevables. Selon le troisième, sont manifestement irrecevables au sens du premier les déclarations d'appel non motivées. 6. Il s'en déduit que le premier président ou son délégué ne peut constater une telle irrecevabilité que si la déclaration d'appel est dépourvue de toute motivation, peu important sa pertinence. 7. Pour dire l'appel de M. [F] irrecevable, l'ordonnance retient que les moyens d'appel tirés de la violation de l'article L. 552-7, alinéa 5, du CESEDA ainsi que de l'absence de diligences et de perspectives sont dénués de motivation en droit et en fait au sens de l'article R. 552-13 du même code, dès lors que l'intéressé a fait une nouvelle fois, dans les derniers quinze jours, obstruction à la mesure d'éloignement en refusant le test PCR, empêchant ainsi son embarquement pour le vol prévu le 3 décembre 2020, et que les diligences de l'administration ont été effectives, un nouveau vol étant prévu pour le 17 décembre 2020. 8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la déclaration était motivée, le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond dés lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 10 novembre 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. [F]. Il est fait grief à l'ordonnance attaquée D'Avoir déclaré l'appel irrecevable, 1°) Alors qu'en énonçant que l'appel devait être considéré comme irrecevable en ce que les moyens d'appel tirés de la violation de l'article L. 552-7 alinéa 5 du ceseda ainsi que de l'absence de diligences et de l'absence de perspectives sont dénués de motivation en droit et en fait au sens de l'article R. 552-13 du ceseda dès lors qu'au regard des dispositions de l'article L. 552-7 alinéa 5 du code précité, M. [Y] [H] [F] avait fait une nouvelle fois et dans les quinze jours obstruction à la mesure d'éloignement en refusant le test PCR empêchant ainsi son embarquement pour le vol, prévu le 3 décembre 2020, étant précisé que les dispositions de l'article 624-1-1 ne fixent aucune liste limitative de ce qui constitue une obstruction et est considérée comme telle tout comportement qui empêche l'exécution de la mesure d'éloignement, ce qui est le refus du refus du test PCR et qu'en tout état de cause les diligences de l'autorité administrative avaient été effectives, un nouveau vol étant prévu pour le 17 décembre 2020, le délégué du premier président, qui a statué par des motifs inintelligibles, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; En tout état de cause, 2°) Alors que, le premier président de la cour d'appel ne peut rejeter par ordonnance que les requêtes d'appel manifestement irrecevables ; que par ailleurs, une déclaration d'appel non motivée est une déclaration de laquelle est absente toute motivation de fait ou de droit, sans que son bien fondé n'ait d'incidence sur cette qualification ; qu'en jugeant au contraire que l'appel était irrecevable comme dénué de motivation au visa de l'article R. 552-13 du ceseda, et en statuant en conséquence par ordonnance, sans convoquer les parties à une audience, en déduisant le caractère non motivé de l'appel de son mal fondé, énonçant à cet égard que le refus de test PCR devait être qualifié d'obstruction et que les diligences de l'autorité administrative avaient été effectives, la déléguée du premier président, qui s'est fondée sur le mal fondé de la requête pour la juger non motivée et statuer en conséquence par voie d'ordonnance, a violé les articles L. 552-9, R. 552-13 et R 552-14-1 du ceseda, dans leur rédaction applicable à l'espèce; 3°) Alors qu'une déclaration d'appel non motivée est une déclaration de laquelle est absente toute motivation de fait ou de droit ; qu'est motivée une requête d'appel comprenant des moyens ; qu'en relevant que la requête comportait des moyens mais en considérant qu'elle n'était pas motivée en fait et en droit, le délégué du premier président a violé les articles L. 552-9, R. 552-13 et R. 552-14-1 du ceseda, dans leur rédaction applicable à l'espèce; 4°) Alors que, en tout état de cause, dans sa requête d'appel, M. [H] [F] faisait valoir plusieurs moyens étayés tirés de la violation de l'article L. 552-7 al. 5 du ceseda et de l'absence de diligences de l'administration, qui étaient ainsi motivés en fait et en droit ; qu'en considérant toutefois que ces moyens n'étaient pas motivés en fait et en droit, la déléguée du premier président de la cour d'appel a dénaturé la requête d'appel et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile.
Il se déduit des articles L. 552-9, alinéa 2, devenu L. 743-23, alinéa 1, R. 552-13, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1457 du 28 octobre 2016, et R. 552-14-1, alinéa 2, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) que le premier président ou son délégué ne peut constater l'irrecevabilité d'une déclaration d'appel, comme étant non motivée, que si celle-ci est dépourvue de toute motivation, peu important sa pertinence
7,906
CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 517 F-B Pourvoi n° T 20-22.889 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 Le préfet de Saône-et-Loire, domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-22.889 contre l'ordonnance rendue le 20 octobre 2020 par le premier président de la cour d'appel de Toulouse, dans le litige l'opposant à M. [N] [O], domicilié chez Mme [C] [G], [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat du préfet de Saône-et-Loire, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Toulouse, 20 octobre 2020) et les pièces de la procédure, le 14 octobre 2020, M. [O], de nationalité turque, en situation irrégulière sur le territoire français, a été placé en rétention administrative, en exécution d'un arrêté du 12 août 2019 pris par le préfet et prononçant une obligation de quitter ce territoire et une interdiction d'y retourner pendant un an. 2. Le juge des libertés et de la détention a été saisi, le 15 octobre 2020, par le préfet, d'une demande de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et, le 16 octobre 2020, par M. [O] d'une contestation de la décision de placement en rétention sur le fondement de l'article L. 512-1, III, du même code. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Le préfet fait grief à l'ordonnance de décider de la remise en liberté de M. [O], alors : « 1°/ que l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à une obligation de quitter sans délai le territoire français, peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de quarante-huit heures, en prenant en compte son état de vulnérabilité et tout handicap, dès lors, entre autres cas, qu'il doit être reconduit d'office à la frontière en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français, nonobstant le fait que l'intéressé n'ait pas satisfait à l'obligation de quitter le territoire dont il était par ailleurs l'objet ; qu'en retenant, pour dire que l'arrêté de placement en rétention visant M. [O] ne serait pas légalement fondé et pour ordonner sa remise en liberté, que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français aurait été édicté "plus d'un an avant l'arrêté de placement en rétention", le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel de Toulouse a violé les articles L. 551-1 et L. 561-2, I, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; 2°/ qu'il ressort des mentions de l'ordonnance attaquée que, devant la cour d'appel, le préfet de Saône-et-Loire soutenait que l'interdiction de retour d'un an que comportait l'arrêté du 12 août 2019 permettait de fonder le placement en rétention sans limitation dans le temps, dès lors que la personne en cause n'avait jamais quitté le territoire national ; qu'en se bornant à apprécier les conditions de l'arrêté de placement en rétention au seul regard du délai d'un an écoulé depuis l'obligation de quitter le territoire français, sans répondre au moyen opérant invoqué par le préfet de Saône-et-Loire et tiré de l'existence d'une interdiction de retour, le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel de Toulouse a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Selon les articles L. 551-1, I, et L. 561-2, I, 5°, du CESEDA, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018, l'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé, et qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement peut être placé en rétention administrative. 5. Selon les articles L. 551-1, I, et L. 561-2, I, 6°, dans leur rédaction issue de la même loi, l'étranger qui doit être reconduit d'office à la frontière en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français et qui ne présente pas les garanties précédemment énoncées peut également être placé en rétention administrative. 6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, (CJUE, 26 juillet 2017, C-225/16, Ouhrami, point 49), que, jusqu'au moment de l'exécution volontaire ou forcée de l'obligation de retour et, par conséquent, du retour effectif de l'intéressé dans son pays d'origine, un pays de transit ou un autre pays tiers, au sens de l'article 3, point 3, de la directive 2008/115 du 16 décembre 2008, le séjour irrégulier de l'intéressé est régi par la décision de retour et non pas par l'interdiction d'entrée, laquelle ne produit ses effets qu'à partir de ce moment, en interdisant à l'intéressé, pendant une certaine période après son retour, d'entrer et de séjourner de nouveau sur le territoire des États membres. 7. Ayant relevé que M. [O] avait fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise plus d'un an auparavant et que l'obligation de départ n'avait pas été exécutée ce qui excluait toute méconnaissance par celui-ci d'une interdiction de retour, le premier président, qui n'avait pas à répondre à un moyen inopérant, en a déduit à bon droit que l'arrêté de placement en rétention était irrégulier. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 9. Le préfet fait le même grief à l'ordonnance, alors « que l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à une obligation de quitter sans délai le territoire français, peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de quarante-huit heures, en prenant en compte son état de vulnérabilité et tout handicap, dès lors, entre autres cas, qu'il fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant ; que le délai d'un an court à compter de la date à laquelle l'obligation de quitter le territoire, si elle a été contestée, est devenue définitive et peut faire l'objet d'une exécution d'office ; qu'en jugeant, pour ordonner la remise en liberté de M. [O], que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français aurait été pris plus d'un an avant l'arrêté de placement en rétention, quand il était constant et non contesté que cet arrêté préfectoral du 12 août 2019 portant obligation de quitter le territoire sans délai avec interdiction de retour d'un an, avait été contesté devant le tribunal administratif de Dijon, le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel de Toulouse a violé les articles L. 551-1, I et L. 561-1, I, 6° du code de l'entrée et du séjour de étrangers et du droit d'asile, ensemble l'article L. 512-3, alinéa 2, du même code. » Réponse de la Cour 10. S'il résulte de l'article L. 512-3, alinéa 2, du CESEDA, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, que l'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office avant que le tribunal administratif, saisi d'un recours formé contre celle-ci, n'ait statué, il ne s'en déduit pas qu'un tel recours ait pour effet de prolonger le délai d'un an, prévu à l'article L. 561-2, I, 5°, précité, lequel court à compter de la décision portant obligation de quitter le territoire français et au terme duquel cette obligation ne peut plus fonder une décision de placement en rétention. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour le préfet de Saône-et-Loire PREMIER MOYEN DE CASSATION Le préfet de Saône-et-Loire reproche à l'ordonnance infirmative attaquée D'AVOIR ordonné la remise en liberté de M. [O] ; ALORS QUE 1°), l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à une obligation de quitter sans délai le territoire français, peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de quarante-huit heures, en prenant en compte son état de vulnérabilité et tout handicap, dès lors, entre autres cas, qu'il doit être reconduit d'office à la frontière en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français, nonobstant le fait que l'intéressé n'ait pas satisfait à l'obligation de quitter le territoire dont il était par ailleurs l'objet ; qu'en retenant, pour dire que l'arrêté de placement en rétention visant M. [O] ne serait pas légalement fondé et pour ordonner sa remise en liberté, que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français aurait été édicté « plus d'un an avant l'arrêté de placement en rétention » (ordonnance attaquée, p. 3, §. 4), le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel de Toulouse a violé les articles L. 551-1 et L. 561-2, I, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ALORS QUE 2°), il ressort des mentions de l'ordonnance attaquée que, devant la cour d'appel, le préfet de Saône-et-Loire soutenait que l'interdiction de retour d'un an que comportait l'arrêté du 12 août 2019 permettait de fonder le placement en rétention sans limitation dans le temps, dès lors que la personne en cause n'avait jamais quitté le territoire national (cf. ordonnance attaquée, p. 2, §. 8) ; qu'en se bornant à apprécier les conditions de l'arrêté de placement en rétention au seul regard du délai d'un an écoulé depuis l'obligation de quitter le territoire français, sans répondre au moyen opérant invoqué par le préfet de Saône-et-Loire et tiré de l'existence d'une interdiction de retour, le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel de Toulouse a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Le préfet de Saône-et-Loire reproche à l'ordonnance infirmative attaquée D'AVOIR ordonné la remise en liberté de M. [O] ; ALORS QUE l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à une obligation de quitter sans délai le territoire français, peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de quarante-huit heures, en prenant en compte son état de vulnérabilité et tout handicap, dès lors, entre autres cas, qu'il fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant ; que le délai d'un an court à compter de la date à laquelle l'obligation de quitter le territoire, si elle a été contestée, est devenue définitive et peut faire l'objet d'une exécution d'office ; qu'en jugeant, pour ordonner la remise en liberté de M. [O], que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français aurait été pris plus d'un an avant l'arrêté de placement en rétention (cf. ordonnance attaquée, p. 3, § 4), quand il était constant et non contesté que cet arrêté préfectoral du 12 août 2019 portant obligation de quitter le territoire sans délai avec interdiction de retour d'un an, avait été contesté devant le tribunal administratif de Dijon, le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel de Toulouse a violé les articles L. 551-1, I et L. 561-1, I, 6° du code de l'entrée et du séjour de étrangers et du droit d'asile, ensemble l'article L. 512-3, alinéa 2 du même code.
S'il résulte de l'article L. 512-3, alinéa 2, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, que l'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office avant que le tribunal administratif, saisi d'un recours formé contre celle-ci, n'ait statué, il ne s'en déduit pas qu'un tel recours ait pour effet de prolonger le délai d'un an, prévu à l'article L. 561-2, I, 5°, du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018, lequel court à compter de la décision portant obligation de quitter le territoire français et au terme duquel cette obligation ne peut plus fonder une décision de placement en rétention
7,907
CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation Mme TEILLER, président Arrêt n° 482 FS-B Pourvoi n° A 21-13.286 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 Mme [I] [W], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 21-13.286 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [V] [L], épouse [D], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [W], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [L], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivose, Mme Farrenq-Nési, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 24 novembre 2020), par acte authentique du 14 novembre 2016, Mme [L] (la venderesse) a vendu une maison d'habitation, située près de l'océan à Mme [W] (l'acquéreure). 2. Invoquant un défaut d'information sur les nuisances liées à l'échouage saisonnier d'algues sargasses, l'acquéreure a assigné la venderesse en annulation de la vente sur le fondement du dol et, subsidiairement, en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Mme [W] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la vente sur le fondement du dol, alors « que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges ; qu'il suppose seulement que soient établis le caractère intentionnel du comportement de l'un des contractant et le caractère déterminant, pour l'autre, du dol allégué ; que dès lors, la cour d'appel, qui a constaté que Mme [L] épouse [D] avait intentionnellement apporté des réponses mensongères aux demandes répétées de Mme [W] relatives à la présence de sargasses et que cette présence était un élément déterminant du consentement de l'acheteuse, ne pouvait, pour rejeter la demande, relever qu'il n'était pas établi que Mme [L] épouse [D] aurait eu conscience de ce caractère déterminant ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 1137 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1137 du code civil : 4. Selon ce texte, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges. 5. Pour rejeter la demande de nullité de la vente pour dol, l'arrêt retient que si la venderesse avait volontairement omis d'informer l'acquéreur sur le phénomène des échouages des algues sargasses qui affectait le bien vendu, il n'était pas établi qu'elle savait que ce mensonge portait sur un élément déterminant pour son contractant et avait été informée de sa santé fragile et de celle de son fils. 6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la venderesse avait apporté des réponses mensongères aux demandes répétées de l'acquéreure relatives à la présence des algues sargasses, avec la volonté de tromper, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, a violé le texte susvisé. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 7. Mme [W] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, alors « que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; que le vice de la chose peut se manifester de manière intermittente et trouver sa cause à l'extérieur de celle-ci, dès lors qu'il en affecte l'usage ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande au motif que les émanations dues aux sargasses avaient leur cause dans un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue est imprévisible ; qu'elle a ainsi violé l'article 1141 du code civil ». Réponse de la Cour Vu l'article 1641 du code civil : 8. Aux termes de ce texte, le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. 9. Pour rejeter la demande en résolution de la vente, l'arrêt retient qu'un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue était imprévisible, ne constitue pas un vice caché. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une restriction qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée ; Condamne Mme [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et la condamne à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligence du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme [W] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [W] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande d'annulation pour dol de la vente consentie le 14 novembre 2016 par Mme [L] ; 1- ALORS QUE le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges ; qu'il suppose seulement que soient établis le caractère intentionnel du comportement de l'un des contractant et le caractère déterminant, pour l'autre, du dol allégué ; que dès lors, la cour d'appel, qui a constaté que Mme [L] avait intentionnellement apporté des réponses mensongères aux demandes répétées de Mme [W] relatives à la présence de sargasses et que cette présence était un élément déterminant du consentement de l'acheteuse, ne pouvait, pour rejeter la demande, relever qu'il n'était pas établi que Mme [L] aurait eu conscience de ce caractère déterminant ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 1137 du code civil ; 2- ALORS QUE l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable ; que la cour d'appel ne pouvait donc, pour rejeter la demande, retenir que « Mme [W], qui demeurait déjà en Martinique depuis plusieurs années, et notamment dans la commune du Robert, recherchait une habitation sur la côte atlantique et envisageait de se porter acquéreur d'une maison située à 40 mètres du littoral, alors que le phénomène des sargasses affectant tout le littoral atlantique de l'île était déjà bien documenté en Martinique » ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 1139 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Mme [W] reproche encore à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande en résolution de la vente consentie le 14 novembre 2016 par Mme [L] fondée sur la garantie des vices cachés ; ALORS QUE le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; que le vice de la chose peut se manifester de manière intermittente et trouver sa cause à l'extérieur de celle-ci, dès lors qu'il en affecte l'usage ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande au motif que les émanations dues aux sargasses avaient leur cause dans un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue est imprévisible ; qu'elle a ainsi violé l'article 1141 du code civil.
Viole l'article 1641 du code civil en ajoutant à la loi une restriction qu'elle ne comporte pas la cour d'appel qui, pour rejeter l'action en garantie des vices cachés engagée par l'acquéreur d'une maison en raison de nuisances provenant de l'échouage saisonnier d'algues sargasses, retient qu'un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue était imprévisible ne constitue pas un vice caché
7,908
CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 484 FS-B Pourvoi n° Z 21-12.733 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 1°/ M. [Y] [W], 2°/ Mme [V] [N], épouse [W], tous deux domiciliés [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° Z 21-12.733 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2020 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Camip - Maison Rustic [Localité 4], dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la Compagnie européenne de Garanties et Cautions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [W], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Camip-Maison Rustic [Localité 4], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la Compagnie européenne de garanties et cautions, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 1er décembre 2020), le 13 juillet 2006, M. et Mme [W] et la société Camip Maisons Rustic (la société Camip) ont signé un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan. 2. Le constructeur a souscrit une garantie de livraison auprès de la société Compagnie européenne de garanties immobilières (la CEGC). 3. M. et Mme [W] se sont réservés les travaux de plomberie, chauffage et sanitaires, confiés à M. [C], et ceux de revêtements de sol et de réalisation d'un parquet flottant, exécutés par M. [Z]. 4. Le permis de construire a été obtenu le 3 mai 2007. 5. Se plaignant de divers désordres, M. et Mme [W] ont, après expertise, assigné la société Camip et MM. [C] et [Z] en réparation des désordres. 6. La société Camip a appelé à l'instance la CEGC, en sa qualité de garant de livraison. Examen des moyens Sur le troisième moyen, ci-après annexé 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner à la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. M. et Mme [W] font grief à l'arrêt de juger qu'ils étaient redevables d'une somme de 31 235,52 euros en paiement de la facture de travaux établie par la société Camip et de condamner cette entreprise, après compensation, à leur payer une somme limitée à 714,40 euros, alors « que les parties à un contrat de construction de maison individuelle qui entendent permettre la révision du prix ne peuvent opter que pour l'une des deux modalités prévues par l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation ; que lorsqu'elles choisissent une variation du prix en fonction d'un indice national du bâtiment, le prix ne plus être révisé un mois après la date d'obtention du permis de construire ou de la réalisation de la condition suspensive sous laquelle le contrat a été conclu si elle est plus tardive ; qu'en l'espèce, M. et Mme [W] faisaient valoir qu'il avait été convenu d'une possibilité de révision jusqu'à la date d'obtention du permis de construire et que, compte tenu que celui-ci a été délivré le 3 mai 2007, il n'était plus possible de réviser sur la base de cet indice la facture établie le 13 octobre 2009 pour un montant 22 425,48 euros ; qu'en condamnant néanmoins M. et Mme [W] au paiement d'une facture révisée à un montant de 31 235,52 euros, sans procéder à la recherche qui lui était demandée sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 231-11 et L. 231-12 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 9. Il ressort des articles L. 231-11 et L. 231-12 du code de la construction et de l'habitation que le contrat de construction de maison individuelle peut prévoir la révision du prix d'après la variation de l'indice national du bâtiment tous corps d'état entre la date de la signature du contrat et l'expiration d'un délai d'un mois suivant l'obtention du permis de construire ou la réalisation de la condition suspensive d'obtention du prêt, le prix ainsi révisé ne pouvant subir aucune variation après cette date. 10. Il s'ensuit que la période devant être prise en compte pour le calcul de la révision est celle s'écoulant entre la signature du contrat et le mois suivant la plus tardive de ces deux dates. 11. Dès lors, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a pu procéder à la révision du prix dans la facture du 13 octobre 2009. 12. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 13. M. et Mme [W] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en garantie dirigée contre la CEGC, alors : « 1°/ que la garantie de livraison couvre le maître de l'ouvrage du risque d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux à prix et délais convenus ; qu'en opposant qu'aucun retard de livraison n'était imputable à l'EURL Camip Maisons Rustic, quand ce motif n'était pas de nature à justifier la mauvaise exécution des travaux, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation ; 2°/ que la garantie de livraison ne cesse qu'après réception des travaux ; qu'en décidant que la garantie de livraison avait cessé à l'expiration du délai de huit jours de la remise des clés prévu à l'article L. 231-8 du code de la construction et de l'habitation, quand il ressortait de ses propres constatations qu'aucune réception n'était jamais intervenue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 231-6, IV, du code de la construction et de l'habitation ; 3°/ que l'information du garant par le maître d'ouvrage de la défaillance du constructeur n'est pas une condition de mise en oeuvre de la garantie de livraison ; qu'en opposant que M. et Mme [W] ne démontraient pas avoir considéré l'EURL Camip défaillante, et avoir sollicité la mise en oeuvre de la garantie de la société CEGC, la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure la garantie de la société CEGC, en violation de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 14. Il résulte de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation que c'est en cas de défaillance du constructeur que le garant de livraison à prix et délais convenus prend à sa charge le coût des dépassements du prix convenu nécessaires à l'achèvement de la construction, les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix et les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant trente jours. 15. La cour d'appel a retenu, d'une part, qu'aucun retard de livraison n'était imputable à la société Camip, d'autre part, que, s'il apparaissait, à la lecture d'une lettre de la CEGC, que M. et Mme [W] avaient informé le garant de livraison, le 10 juin 2010, des litiges les opposant à leur constructeur, ils ne démontraient pas avoir considéré celui-ci comme défaillant et avoir sollicité la mise en œuvre de la garantie de la CEGC, qui avait transmis leur lettre au constructeur afin qu'il lui donnât la suite qu'il convenait. 16. Ayant relevé que M. et Mme [W] n'avaient pas permis à la société Camip d'accéder au chantier pour procéder aux finitions à partir du 21 mai 2008, date à laquelle ils avaient conservé les clés et fait changer le barillet, elle a pu en déduire, abstraction faite de motifs surabondants, que les demandes formées contre la CEGC devaient être rejetées. 17. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [W] PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué par M. et Mme [W] encourt la censure ; EN CE QU' il a jugé que M. et Mme [W] étaient redevables d'une somme de 31.235,52 euros HT en paiement de la facture de travaux établie par l'entreprise CAMIP « Maisons Rustic » ; et en ce qu'il a condamné cette entreprise, après compensation, à leur payer une somme limitée à 714,40 euros ; ALORS QUE les parties à un contrat de construction de maison individuelle qui entendent permettre la révision du prix ne peuvent opter que pour l'une des deux modalités prévues par l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation ; que lorsqu'elles choisissent une variation du prix en fonction d'un indice national du bâtiment, le prix ne plus être révisé un mois après la date d'obtention du permis de construire ou de la réalisation de la condition suspensive sous laquelle le contrat a été conclu si elle est plus tardive ; qu'en l'espèce, M. et Mme [W] faisaient valoir qu'il avait été convenu d'une possibilité de révision jusqu'à la date d'obtention du permis de construire et que, compte tenu que celui-ci a été délivré le 3 mai 2007, il n'était plus possible de réviser sur la base de cet indice la facture établie le 13 octobre 2009 pour un montant 22.425,48 euros ; qu'en condamnant néanmoins M. et Mme [W] au paiement d'une facture révisée à un montant de 31.235,52 euros, sans procéder à la recherche qui lui était demandée sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 231-11 et L. 231-12 du code de la construction et de l'habitation. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué par M. et Mme [W] encourt la censure ; EN CE QU' il a débouté M. et Mme [W] de leur demande en garantie dirigée contre la société Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC) ; ALORS QUE, premièrement, la garantie de livraison couvre le maître de l'ouvrage du risque d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux à prix et délais convenus ; qu'en opposant qu'aucun retard de livraison n'était imputable à l'EURL CAMIP Maisons Rustic, quand ce motif n'était pas de nature à justifier la mauvaise exécution des travaux, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, deuxièmement, la garantie de livraison ne cesse qu'après réception des travaux ; qu'en décidant que la garantie de livraison avait cessé à l'expiration du délai de huit jours de la remise des clés prévu à l'article L. 231-8 du code de la construction et de l'habitation, quand il ressortait de ses propres constatations qu'aucune réception n'était jamais intervenue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 231-6, IV, du code de la construction et de l'habitation ; ET ALORS QUE, troisièmement, l'information du garant par le maître d'ouvrage de la défaillance du constructeur n'est pas une condition de mise en oeuvre de la garantie de livraison ; qu'en opposant que M. et Mme [W] ne démontraient pas avoir considéré l'EURL CAMIP défaillante, et avoir sollicité la mise en oeuvre de la garantie de la société CEGC, la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure la garantie de la société CEGC, en violation de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION L'arrêt partiellement infirmatif attaqué par M. et Mme [W] encourt la censure ; EN CE QU' il a condamné l'EURL CAMIP à payer à M. et Mme [W] une somme limitée à 1.060,68 euros au titre de la perte de jouissance, et en ce qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes en réparation de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral ; ALORS QUE, premièrement, même lorsqu'ils ne rendent pas totalement inhabitable une maison d'habitation, les désordres qui l'affectent causent au maître de l'ouvrage un préjudice qu'il appartient au constructeur de réparer ; qu'en décidant de limiter l'indemnisation de M. et Mme [W] à la seule période de deux mois au cours de laquelle leur maison sera rendue inhabitable en raison des travaux de reprise des désordres, sans tenir compte du préjudice lié à la présence même de ces désordres, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien du code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, et subsidiairement, en s'abstenant de rechercher si les désordres affectant la construction de la maison, bien que n'empêchant pas absolument son habitation, ne diminuait en tout cas pas son usage, et n'entraînait pas à ce titre un préjudice appelant réparation, la cour d'appel a de toute façon privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil ; ET ALORS QUE, troisièmement, le maître d'un ouvrage affecté de désordres et de malfaçons n'est pas privé de son droit à obtenir réparation de son préjudice pour cette raison qu'il a refusé de réceptionner l'ouvrage, ou encore parce qu'il aurait interdit l'accès du chantier après la date convenue pour la livraison ; qu'en se fondant sur de telles circonstances pour exclure tout droit à M. et Mme [W] d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice moral consécutif aux désordres affectant leur maison, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article 1147 ancien du code civil.
Il résulte des articles L. 231-11 et L. 231-12 du code de la construction et de l'habitation que la période devant être prise en compte pour le calcul de la révision est celle s'écoulant entre la signature du contrat et l'expiration d'un délai d'un mois qui suit la plus tardive des deux dates entre la date de l'obtention, tacite ou expresse, des autorisations administratives nécessaires pour entreprendre la construction et la date de réalisation de la condition suspensive. Une cour d'appel peut, dès lors, procéder à la révision du prix dans une facture postérieure à la date prévue à l'article L. 231-12 du code de la construction et de l'habitation
7,909
COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 397 F-B Pourvois n° A 21-10.802 S 21-12.358 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JUIN 2022 I - La société Caisse méditerranéenne de financement (Camefi), dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° A 21-10.802 contre un arrêt rendu le 20 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [T] [V], 2°/ à Mme [E] [R], épouse [V], domiciliés tous deux [Adresse 2], 3°/ à Mme [Z] [H], domiciliée [Adresse 5], venant aux droits de [U] [H], décédé, et en sa qualité de liquidateur de la société [U] [H], 4°/ à Mme [L] [H], 5°/ à Mme [K] [H], domiciliées toutes deux [Adresse 1], et venant aux droits de [U] [H], décédé, 6°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité d'assureur de responsabilité civile de M. [H], 7°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurances mutuelles à cotisations fixes, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Covea Risks, 8°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), société d'assurances à cotisation variables, dont le siège est [Adresse 4], 9°/ à la société SMJ, société d'exploitation libérale à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], en la personne de M. [I], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles, 10°/ à la société Atelier l'échelle, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9], défendeurs à la cassation. II - M. [Y] [X], domicilié [Adresse 7], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles aux lieux et place de la société SMJ, a formé le pourvoi n° S 21-12.358 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [T] [V], 2°/ à Mme [E] [R], épouse [V], 3°/ à Mme [Z] [H], à titre personnel et en sa qualité de liquidateur de la société [U] [H], 4°/ à Mme [L] [H], venant aux droits de [U] [H], décédé, 5°/ à Mme [K] [H], venant aux droits de [U] [H], décédé, 6°/ à la société MMA IARD, société anonyme, prise en qualité d'assureur de responsabilité civile de M. [H], 7°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurances mutuelles à cotisations fixes, prise en qualité d'assureur de responsabilité civile de M. [H], 8°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), société d'assurances à cotisation variables, 9°/ à la société Atelier l'échelle, 10°/ à la société Caisse méditerranéenne de financement (Camefi), défendeurs à la cassation. Mmes [Z], [L] et [K] [H], ès qualités, et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, ès qualités, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal n° A 21-10.802 invoque à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les demanderesses au pourvoi incident n° A 21-10.802 invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi n° S 21-12.358 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Caisse méditerranéenne de financement (Camefi), de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [X], ès qualités, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. et Mme [V], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mmes [Z], [L] et [K] [H], ès qualités, et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, ès qualités, de la SCP Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la société SMJ, ès qualités, et de la société Atelier l'échelle, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° A 21-10.802 et n° S 21-12.358 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2020), suivant un acte authentique dressé le 8 décembre 2006 par [U] [H], notaire, M. et Mme [V] ont acquis de la SCI Les Gaudinelles un bien en l'état futur d'achèvement, dont le prix d'acquisition était financé au moyen d'un prêt consenti par la société Caisse méditerranéenne de financement (la société Camefi). 3. Le 11 février 2009, en réponse à un appel de fonds faisant état d'un niveau d'achèvement du bien de 93 %, M. et Mme [V] ont payé à la SCI Les Gaudinelles la somme de 68 502,54 euros. 4. La SCI Les Gaudinelles a été mise en liquidation judiciaire le 26 novembre 2012, sans que le bien ait été livré. 5. Reprochant aux différents intervenants d'avoir manqué à leurs obligations, M. et Mme [V] ont assigné, entre mai et juillet 2016, le liquidateur de la SCI Les Gaudinelles, le notaire et ses assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances (les sociétés MMA), le maître d'oeuvre, la société Atelier l'échelle, venant aux droits de la société Cabinet d'architecture Blevin et Pryen, et son assureur, la société Mutuelle des architectes français, ainsi que la société Camefi, en résolution de la vente et en indemnisation. 6. [U] [H] étant décédé, ses héritières, Mmes [Z], [L] et [K] [H] (les consorts [H]), sont intervenues volontairement à l'instance. Examen des moyens Sur le second moyen du pourvoi n° S 21-12.358 et les premier et second moyens du pourvoi principal n° A 21-10.802, ces derniers en ce qu'ils font grief à l'arrêt de déclarer recevables les actions de M. et Mme [V] contre la SCI Les Gaudinelles, la société Atelier l'échelle et les consorts [H] et l'action en résolution de la vente, de prononcer la résolution de cette vente et d'ordonner la publication de la décision, de condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros, de condamner les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts, de rejeter les demandes de M. et Mme [V] dirigées contre la société Atelier l'échelle et la société Mutuelle des architectes français et le surplus des demandes de M. et Mme [V] dirigées contre les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD, de condamner les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à garantir la société Camefi à concurrence de 50 % des condamnations prononcées contre elle au profit de M. et Mme [V] et de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par la société Atelier l'échelle, la société Mutuelle des architectes français, les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD, ci-après annexés 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal n° S 21-12.358, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. et Mme [V] en résolution de la vente, de prononcer la résolution de cette vente et d'ordonner la publication de la décision au service de la publicité foncière Enoncé du moyen 8. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. et Mme [V] en résolution de la vente, de prononcer la résolution de cette vente et d'ordonner la publication de la décision au service de la publicité foncière, alors : « 1°/ que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tout créancier dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; qu'est soumise à cette interdiction des poursuites l'action tendant à la résolution d'un contrat pour manquement du vendeur à ses obligations ainsi qu'à la restitution subséquente du prix de vente ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en résolution de la vente du 8 décembre 2006 formée par M. et Mme [V] à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles, représentée par son liquidateur judiciaire, que cette action, déclenchée après l'ouverture de la procédure collective de la SCI Les Gaudinelles, tendait à la résolution de cette vente pour manquement à l'obligation de livraison du bien, soit pour une cause autre que le non-paiement d'une somme d'argent, quand cette action tendait également à la restitution du prix de la vente, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 I et L. 641-3 du code de commerce ; 2°/ que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur pendant cette période sont payées à leur échéance ; à défaut d'être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur, une créance postérieure au jugement d'ouverture doit faire l'objet d'une déclaration de créances ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en résolution de la vente du 8 décembre 2006 formée par M. et Mme [V] à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles, représentée par son liquidateur judiciaire, et condamner cette dernière à restituer le prix de vente, que cette créance de restitution, dont le fait générateur est la décision prononçant la résolution, est une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, n'est pas soumise à déclaration au passif de la procédure, sans constater que ladite créance était née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, la cour d'appel a violé les articles L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce ; 3°/ qu'en l'absence d'instance en cours à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le créancier, après avoir déclaré sa créance, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification du passif, laquelle relève de la compétence exclusive du juge-commissaire ; qu'en l'espèce, M. et Mme [V] avaient procédé à la déclaration de leurs créances de restitution du prix le 16 février 2016, antérieurement à l'introduction de l'instance en résolution du contrat de vente du 8 décembre 2006 et en restitution du prix de vente ; qu'en jugeant cette action recevable alors que le juge-commissaire avait compétence exclusive pour se prononcer sur l'admission de cette créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21, L. 622-22, L. 624-2, L. 641-3 et L. 641-14 du code de commerce. » Réponse de la Cour 9. Il résulte des articles L. 622-21, I, et L. 641-3 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. 10. Il s'ensuit que l'action en résolution d'un contrat pour inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent n'est ni interrompue ni interdite par le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire. 11. Ayant relevé que M. et Mme [V] demandaient la résolution du contrat de vente conclu avec la SCI Les Gaudinelles pour manquement de celle-ci à son obligation de livraison du bien, soit pour une cause autre que le non-paiement d'une somme d'argent, la cour d'appel en a exactement déduit que cette action, qui n'était pas interdite, était recevable, peu important que M. et Mme [V] aient demandé, en outre, à la cour d'appel de dire que la SCI Les Gaudinelles devait leur restituer les fonds déjà payés. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi n° S 21-12.358, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros au titre de la restitution du prix de vente Enoncé du moyen 13. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros au titre de la restitution du prix de vente, alors : « 2°/ que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur pendant cette période sont payées à leur échéance ; qu'à défaut d'être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur, une créance postérieure au jugement d'ouverture doit faire l'objet d'une déclaration de créances ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en résolution de la vente du 8 décembre 2006 formée par M. et Mme [V] à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles représentée par son liquidateur judiciaire et condamner cette dernière à restituer le prix de vente, que cette créance de restitution, dont le fait générateur est la décision prononçant la résolution, est une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, n'est pas soumise à déclaration au passif de la procédure, sans constater que ladite créance était née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, la cour d'appel a violé les articles L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce ; 3°/ qu'en l'absence d'instance en cours à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le créancier, après avoir déclaré sa créance, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification du passif, laquelle relève de la compétence exclusive du juge-commissaire ; qu'en l'espèce, M. et Mme [V] avaient procédé à la déclaration de leurs créances de restitution du prix le 16 février 2016, antérieurement à l'introduction de l'instance en résolution du contrat de vente du 8 décembre 2006 et en restitution du prix de vente ; qu'en jugeant cette action recevable alors que le juge-commissaire avait compétence exclusive pour se prononcer sur l'admission de cette créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21, L. 622-22, L. 624-2, L. 641-3 et L. 641-14 du code de commerce. » Réponse de la Cour 14. Vu les articles L. 622-17, L. 622-21, I, L. 624-2, L. 641-3, L. 641-13 et L. 641-14 du code de commerce : 15. Il résulte du premier, du deuxième, du quatrième et du cinquième de ces textes que lorsqu'un contrat conclu avant l'ouverture de la procédure collective est résolu, après l'ouverture de cette procédure, pour inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent, la créance de restitution, bien que née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ne peut bénéficier du traitement préférentiel prévu par ces dispositions, faute d'être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période. 16. En conséquence, le débiteur ne peut être condamné à payer cette créance de restitution et, conformément aux dispositions du troisième et du sixième de ces textes, le créancier, après l'avoir déclarée, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification des créances devant le juge-commissaire. 17. Pour condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros, après avoir jugé que le manquement de cette société à son obligation de livrer le bien en cause justifiait la résolution du contrat, l'arrêt retient que la créance de restitution est une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, n'est pas soumise à déclaration au passif de la procédure. 18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal n° A 21-10.802, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société Camefi à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts Enoncé du moyen 19. La société Camefi fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec les consorts [H], la société Mutuelle du Mans assurances IARD et la société Camefi à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts, alors « qu'en condamnant la société Camefi, in solidum avec les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD, à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts sans se prononcer, dans ses motifs comme dans son dispositif, ainsi qu'elle y était invitée, sur la prescription de l'action engagée par Monsieur et Madame [V] contre la société Camefi, qui avait été retenue par le jugement entrepris, dont la société Camefi sollicitait la confirmation, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 20. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties. 21. Pour condamner la société Camefi, in solidum avec les consorts [H] et l'assureur du notaire, à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'elle a commis une faute qui est à l'origine du préjudice subi par M. et Mme [V]. 22. En statuant ainsi, sans se prononcer sur la fin de non-recevoir, tirée de la prescription de cette demande d'indemnisation, qu'invoquait la société Camefi dans ses conclusions, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen du pourvoi incident n° A 21-10.802 Enoncé du moyen 23. Les consorts [H] font grief à l'arrêt de les condamner à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros correspondant à la créance de restitution de la partie du prix qu'ils ont réglée, alors « que la restitution du prix, par suite de l'annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable et le notaire ne peut être condamné à en garantir le remboursement qu'en cas d'insolvabilité du vendeur ; qu'en se contentant de relever, pour condamner les consorts [H] et les MMA, que la société venderesse était en liquidation judiciaire sans pour autant rechercher, comme elle y était invitée, si cette seule circonstance la rendait insolvable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 24. M. et Mme [V] contestent la recevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté. 25. Cependant, les sociétés MMA soutenaient dans leurs conclusions d'appel que seule la SCI Les Gaudinelles devait rembourser le prix de vente, en se référant à un jugement d'un tribunal ayant retenu que, dans le litige qui lui était soumis, aucune des parties n'alléguait que la procédure collective de cette société était impécunieuse, les demandeurs n'ayant pas versé le jugement clôturant cette procédure pour insuffisance d'actifs. 26. Le moyen, qui n'est dès lors pas nouveau, est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 27. Si la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, tel n'est pas le cas lorsque cette restitution est devenue impossible du fait de l'insolvabilité démontrée du vendeur. 28. Pour condamner les consorts [H] et leurs assureurs à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros, l'arrêt retient que cette somme correspond à la créance de restitution de la partie du prix que ceux-ci ont réglée et qu'ils ont perdu toute possibilité de recouvrer en raison de l'insolvabilité de la SCI Les Gaudinelles, placée en redressement puis liquidation judiciaires. 29. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société Les Gaudinelles était insolvable, ce qu'elle ne pouvait déduire du seul fait que cette société avait été mise en liquidation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Portée et conséquences de la cassation 30. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant la société Camefi et les consorts [H] et leurs assureurs à indemniser M. et Mme [V] entraîne la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les consorts [H] et leurs assureurs à garantir la société Camefi à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre envers M. et Mme [V], condamnant la société Camefi à garantir les consorts [H] et leurs assureurs à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [V] et statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre les consorts [H], leurs assureurs, la société Camefi et M. et Mme [V], qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. Mise hors de cause 31. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, les sociétés Atelier l'échelle et Mutuelle des architectes français, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement, il condamne la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros au titre de la restitution du prix de vente, condamne in solidum les consorts [H], la société Mutuelle du Mans assurances IARD et la société Camefi à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts, condamne les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurance IARD à garantir la société Camefi à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre envers M. et Mme [V], condamne la société Camefi à garantir les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [V] et en ce qu'il statue, dans les rapports entre les consorts [H], la société Mutuelle du Mans assurances IARD, la société Camefi et M. et Mme [V], sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Met hors de cause les sociétés Atelier l'échelle et Mutuelle des architectes français ; Condamne M. et Mme [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL n° A 21-10.802 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Caisse méditerranéenne de financement (Camefi). PREMIER MOYEN DE CASSATION La Camefi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, statuant à nouveau, déclaré recevables comme non prescrites les actions de Monsieur et Madame [V] contre la société civile Les Gaudinelles représentée par son liquidateur judiciaire, la société Atelier l'échelle et les consorts [H], déclaré recevable l'action en résolution de la vente de Monsieur et Madame [V] contre la société civile immobilière Les Gaudinelles représentée par son liquidateur judiciaire, puis, partant, prononcé la résolution du contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu le 8 décembre 2006 entre la société civile immobilière Les Gaudinelles et Monsieur et Madame [V] publiée au 2ème bureau des hypothèques de Tours le 23 janvier 2007, volume 2007, P n° 449, portant sur le lot numéro 30 situé au rez-de-chaussée du bâtiment E (studio comprenant : chambre, coin cuisinette, salle d'eau avec water-closet, terrasse) et les 20/10000ème des parties communes, dans l'ensemble immobilier situé à [Adresse 8] à usage de village de vacances, dénommé '[Adresse 10]', ordonné la publication de l'arrêt au service de la publicité foncière aux frais de la société civile immobilière Les Gaudinelles, des consorts [H], de la société Mutuelle du Mans assurances IARD et de la Caisse méditerranéenne de financement, condamné la société civile immobilière Les Gaudinelles à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 68.502,04 euros au titre de la restitution du prix de vente, condamné in solidum les consorts [H], la société Mutuelle du Mans assurances IARD et la Caisse méditerranéenne de financement à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 68.502,04 euros à titre de dommages-intérêts, débouté Monsieur et Madame [V] de leurs demandes contre la société Atelier l'échelle et la société Mutuelle des architectes français et du surplus de leurs demandes contre les consorts [H], la société Mutuelle du Mans assurances IARD et la Caisse méditerranéenne de financement, condamné les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à garantir la Caisse méditerranéenne de financement à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre envers Monsieur et Madame [V], condamné la Caisse méditerranéenne de financement à garantir les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre au profit de Monsieur et Madame [V], rejeté les demandes de la société Atelier l'échelle et de la société Mutuelle des architectes français, les demandes des consorts [H], de la société Mutuelle du Mans assurances IARD et de la Caisse méditerranéenne de financement ; Alors, d'une part, qu'en condamnant la Camefi, in solidum avec les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD, à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 68.502,04 euros à titre de dommages-intérêts sans se prononcer, dans ses motifs comme dans son dispositif, ainsi qu'elle y était invitée, sur la prescription de l'action engagée par Monsieur et Madame [V] contre la Camefi, qui avait été retenue par le jugement entrepris, dont la Camefi sollicitait la confirmation, la Cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; Alors, d'autre part, qu'en condamnant la Camefi, in solidum avec les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD, à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 68.502,04 euros à titre de dommages-intérêts sans relever le moindre motif relativement à la prescription de l'action engagée par Monsieur et Madame [V] contre la Camefi, qui avait été retenue par le jugement entrepris, dont la Camefi sollicitait la confirmation, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; Alors, de troisième part, subsidiairement, à supposer que les motifs qu'elle a relevés relativement à l'action en justice engagée à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles, les consorts [H] et les architectes, selon lesquels le délai de prescription avait commencé à courir en « juillet 2011 », puissent valoir également pour l'action en responsabilité engagée contre la Camefi, que le délai de prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que le dommage résultant du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès l'octroi du crédit, soit à la date de conclusion du contrat de prêt ; qu'il résulte des motifs de l'arrêt que c'est un manquement à son « devoir de mise en garde », relativement à « la viabilité de l'opération à laquelle le prêt est adossé », que la Cour d'appel a retenu, au fond, pour condamner la Camefi ; que le délai de prescription commençait donc à courir à la date de conclusion du contrat de prêt ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription à la date à laquelle les époux [V] auraient pris conscience de la défaillance de la SCI Les Gaudinelles, soit au mois de juillet 2011, puisque, par lettre du 8 novembre 2010, celle-ci avait informé les différents acquéreurs qu'en raison de la défaillance des entreprises, le délai de livraison devait être reporté de huit mois et demi, jusqu'au mois de juillet 2011, la Cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; Alors, de quatrième part, encore plus subsidiairement, à supposer que les motifs qu'elle a relevés relativement à l'action en justice engagée à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles, les consorts [H] et les architectes, selon lesquels le délai de prescription avait commencé à courir en « juillet 2011 », que le délai de prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que la Cour d'appel, pour retenir, au fond, la responsabilité de la Camefi, lui a reproché de n'avoir pas correctement exécuté le contrat de prêt, qui prévoyait une garantie extrinsèque, en se contentant finalement d'une garantie intrinsèque et de ne pas s'être assurée que les conditions de cette garantie intrinsèque étaient réunies ; que le délai de prescription devait alors commencer à courir au moins de la date de la mise à disposition des fonds ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription à la date à laquelle les époux [V] auraient pris conscience de la défaillance de la SCI Les Gaudinelles, soit au mois de juillet 2011, puisque, par lettre du 8 novembre 2010, celle-ci avait informé les différents acquéreurs qu'en raison de la défaillance des entreprises, le délai de livraison devait être reporté de huit mois et demi, jusqu'au mois de juillet 2011, la Cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; Alors, de cinquième part, encore plus subsidiairement, à supposer que les motifs qu'elle a relevés relativement à l'action en justice engagée à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles, les consorts [H] et les architectes, selon lesquels le délai de prescription avait commencé à courir en « juillet 2011 », que le délai de prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en considérant que les époux [V] auraient connu les faits leur permettant d'agir en justice lorsqu'ils ont pris conscience de la défaillance de la SCI Les Gaudinelles, au « mois de juillet 2011 », dès lors que « la SCI Les Gaudinelles a informé à plusieurs reprises, par lettres circulaires, les différents acquéreurs que la date de livraison devait être reportée en raison des intempéries et de la défaillance d'entreprises ; qu'en dernier lieu, par lettre du 8 novembre 2010, elle les a informés qu'en raison de la défaillance de huit entreprises, ce délai devait être à nouveau reporté de huit mois et demi, soit jusqu'au mois de juillet 2011 », quand les époux [V] ont su que le bien ne leur était pas livré et ont donc eu connaissance de leur dommage dès l'expiration du délai de livraison, la Cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; Et alors, enfin, et en toute hypothèse, à supposer que les motifs qu'elle a relevés relativement à l'action en justice engagée à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles, les consorts [H] et les architectes, selon lesquels le délai de prescription avait commencé à courir en « juillet 2011 », que le délai de prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en considérant que les époux [V] auraient connu les faits leur permettant d'agir en justice lorsqu'ils ont pris conscience de la défaillance de la SCI Les Gaudinelles, au « mois de juillet 2011 », dès lors que « la SCI Les Gaudinelles a informé à plusieurs reprises, par lettres circulaires, les différents acquéreurs que la date de livraison devait être reportée en raison des intempéries et de la défaillance d'entreprises ; qu'en dernier lieu, par lettre du 8 novembre 2010, elle les a informés qu'en raison de la défaillance de huit entreprises, ce délai devait être à nouveau reporté de huit mois et demi, soit jusqu'au mois de juillet 2011 », sans constater que les époux [V], qui versaient aux débats des lettres adressées, à cette date, à d'autres acquéreurs, auraient effectivement été destinataires d'une lettre du 8 novembre 2010 les informant du report de la livraison au mois de juillet 2011, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION La Camefi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, statuant à nouveau, prononcé la résolution du contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu le 8 décembre 2006 entre la société civile immobilière Les Gaudinelles et Monsieur et Madame [V] publiée au 2ème bureau des hypothèques de Tours le 23 janvier 2007, volume 2007, P n° 449, portant sur le lot numéro 30 situé au rez-de-chaussée du bâtiment E (studio comprenant : chambre, coin cuisinette, salle d'eau avec water-closet, terrasse) et les 20/10000ème des parties communes, dans l'ensemble immobilier situé à [Adresse 8] à usage de village de vacances, dénommé '[Adresse 10]', ordonné la publication de l'arrêt au service de la publicité foncière aux frais de la société civile immobilière Les Gaudinelles, des consorts [H], de la société Mutuelle du Mans assurances IARD et de la Caisse méditerranéenne de financement, condamné la société civile immobilière Les Gaudinelles à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 68.502,04 euros au titre de la restitution du prix de vente, condamné in solidum les consorts [H], la société Mutuelle du Mans assurances IARD et la Caisse méditerranéenne de financement à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 68.502,04 euros à titre de dommages-intérêts, débouté Monsieur et Madame [V] de leurs demandes contre la société Atelier l'échelle et la société Mutuelle des architectes français et du surplus de leurs demandes contre les consorts [H], la société Mutuelle du Mans assurances IARD et la Caisse méditerranéenne de financement, condamné les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à garantir la Caisse méditerranéenne de financement à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre envers Monsieur et Madame [V], condamné la Caisse méditerranéenne de financement à garantir les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre au profit de Monsieur et Madame [V], rejeté les demandes de la société Atelier l'échelle et de la société Mutuelle des architectes français, les demandes des consorts [H], de la société Mutuelle du Mans assurances IARD et de la Caisse méditerranéenne de financement ; Alors, d'une part, que le banquier dispensateur de crédit n'est pas tenu, à l'égard de l'emprunteur, d'un devoir de mise en garde relativement à la viabilité de l'opération pour laquelle son concours est sollicité ; qu'en considérant que, de façon générale, la banque est débitrice, vis-à-vis de l'emprunteur, d'un devoir de mise en garde qui « l'oblige à le mettre également en garde, lorsque, comme en l'espèce, la viabilité de l'opération à laquelle le prêt est adossé présente des aléas liés notamment à l'ampleur des investissements auxquels doit faire face le promoteur dont la défaillance empêchera l'achèvement de l'immeuble », la Cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ; Alors, d'autre part, que le banquier dispensateur de crédit n'est pas tenu, à l'égard de l'emprunteur, d'un devoir de mise en garde relativement à la viabilité de l'opération pour laquelle son concours est sollicité ; qu'en énonçant, pour retenir sa responsabilité à l'endroit des époux [V], que « la société Camefi, consciente de ces aléas, avait soumis l'offre de prêt à la condition que la vente soit conclue avec une garantie extrinsèque d'achèvement, seule de nature à garantir efficacement l'acquéreur contre un tel risque dont les conséquences étaient d'autant plus grave que les constructions devaient être réalisées sur un terrain donné à bail assorti d'une clause résolutoire dans le cas où les constructions ne seraient pas réalisées dans un certain délai ; qu'alors que la vente avait été conclue avec une garantie intrinsèque, la société Camefi a malgré tout accordé le prêt destiné à financer l'opération non seulement sans adresser cette mise en garde aux emprunteurs, mais surtout en ne s'assurant pas que les conditions de la garantie intrinsèque étaient réunies ; que cette faute a conduit M. et Mme [V] à conclure une vente qui n'aurait pas dû l'être en l'absence de ces conditions », déduisant ainsi la faute qu'elle a imputée à la Camefi de ce que, dans l'offre de prêt, elle avait requis une garantie d'achèvement extrinsèque, plus protectrice de l'acquéreur, et que, la vente ayant finalement été conclue avec une garantie intrinsèque, elle a « malgré tout accordé le prêt destiné à financer l'opération… sans adresser cette mise en garde aux emprunteurs », quand la Camefi n'était pas tenue de mettre en garde les époux [V] contre les aléas susceptibles d'affecter l'opération de construction, et, en particulier, afin de se préserver de tels aléas, sur l'intérêt d'opter pour une garantie d'achèvement extrinsèque plutôt qu'intrinsèque, a fortiori de les inviter à s'assurer que, dans l'acte de vente c'est bien une garantie d'achèvement extrinsèque et non intrinsèque qui serait stipulée, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ; Alors, de troisième part, qu'en reprochant à la Camefi, après avoir soumis son offre de prêt à une garantie d'achèvement extrinsèque, la vente ayant finalement été conclue avec une garantie intrinsèque, d'avoir « malgré tout accordé le prêt destiné à financer l'opération… sans adresser cette mise en garde aux emprunteurs », sans indiquer comment, la garantie extrinsèque ayant été substituée à la garantie intrinsèque lorsque l'acte de vente a été établi, postérieurement à la conclusion du contrat de prêt, la Camefi aurait pu adresser une mise en garde, à ce sujet, aux époux [V], la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ; Alors, de quatrième part, qu'en reprochant à la Camefi, après avoir soumis son offre de prêt à une garantie d'achèvement extrinsèque, la vente ayant finalement été conclue avec une garantie intrinsèque, d'avoir « malgré tout accordé le prêt destiné à financer l'opération… surtout en ne s'assurant pas que les conditions de la garantie intrinsèque étaient réunies », sans indiquer comment, la garantie extrinsèque ayant été substituée à la garantie intrinsèque lorsque l'acte de vente a été établi, postérieurement à la conclusion du contrat de prêt, la Camefi aurait pu accorder le prêt en s'assurant que les conditions de la garantie intrinsèque étaient réunies, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ; Alors, de cinquième part, qu'en reprochant à la Camefi d'avoir « accordé le prêt destiné à financer l'opération non seulement sans adresser cette mise en garde aux emprunteurs mais surtout en ne s'assurant pas que les conditions de la garantie intrinsèque étaient réunies », sans constater, à tout le moins, que la Camefi avait eu connaissance de l'acte de vente, contenant cette substitution de garantie d'achèvement, avant de procéder au déblocage des fonds, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ; Alors, de sixième part, qu'en reprochant à la Camefi d'avoir « accordé le prêt destiné à financer l'opération… surtout en ne s'assurant pas que les conditions de la garantie intrinsèque étaient réunies », cependant que la Camefi, qui n'avait à s'immiscer dans la conclusion de l'acte de vente, n'était pas tenue, l'aurait-elle pu, de s'assurer de la consistance de la garantie intrinsèque qui avait été substituée par le vendeur et l'acquéreur à la garantie extrinsèque initialement prévue, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ; Alors, de septième part, que la garantie intrinsèque est une option ouverte par la loi au vendeur et que, si elle ne présente pas la même sûreté que la garantie extrinsèque, elle n'en est pas moins licite, de sorte qu'il ne saurait être reproché à la banque prêteur de deniers de ne pas avoir attiré l'attention des acquéreurs sur les risques inhérents à un dispositif prévu par la loi, dès lors que toutes les conditions d'application étaient réunies et que rien ne pouvait laisser supposer que la garantie fournie ne pourrait être utilement mise en oeuvre ; qu'en reprochant à la Camefi d'avoir « accordé le prêt destiné à financer l'opération… surtout en ne s'assurant pas que les conditions de la garantie intrinsèque étaient réunies », sans indiquer comment la Camefi aurait pu s'assurer que les conditions d'application de la garantie intrinsèque étaient réunies, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ; Et alors, enfin, subsidiairement, qu'en condamnant la Camefi à payer aux époux [V] la somme de 68.502,04 euros, représentant le montant total de leurs règlements, pour avoir manqué à son obligation de mise en garde, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si leur préjudice causé par ce manquement ne s'analysait pas en la perte d'une chance de ne pas contracter sans une garantie d'achèvement, extrinsèque ou intrinsèque, susceptible d'être efficacement mise en oeuvre, de sorte que sa réparation devait être mesurée à la chance perdue, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT n° A 21-10.802 par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mmes [Z], [L] et [K] [H], ès qualités, et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, ès qualités. Les exposants font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR condamnés à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502, 04 euros correspondant à la créance de restitution de la partie du prix qu'ils ont réglée ; ALORS QUE la restitution du prix, par suite de l'annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable et le notaire ne peut être condamné à en garantir le remboursement qu'en cas d'insolvabilité du vendeur ; qu'en se contentant de relever, pour condamner les consorts [H] et les MMA, que la société venderesse était en liquidation judiciaire sans pour autant rechercher, comme elle y était invitée (conclusions des MMA, p. 34), si cette seule circonstance la rendait insolvable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; Moyens produits AU POURVOI n° S 21-12.358 par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. [X], ès qualités. PREMIER MOYEN DE CASSATION Me [X] ès qualités reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action en résolution de la vente de M. et Mme [V] contre la SCI Les Gaudinelles représentée par son liquidateur judiciaire, d'avoir prononcé la résolution du contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu le 8 décembre 2006 entre la SCI les Gaudinelles et les époux [V], d'avoir ordonné la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière aux frais notamment de la SCI Les Gaudinelles et d'avoir condamné la SCI Les Gaudinelles à payer aux époux [V] la somme de 68 502 euros au titre de la restitution du prix de vente ; 1°) ALORS QUE le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tout créancier dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; qu'est soumise à cette interdiction des poursuites l'action tendant à la résolution d'un contrat pour manquement du vendeur à ses obligations ainsi qu'à la restitution subséquente du prix de vente ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en résolution de la vente du 8 décembre 2006 formée par les époux [V] à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles représentée par son liquidateur judiciaire, que cette action, déclenchée après l'ouverture de la procédure collective de la SCI Les Gaudinelles, tendait à la résolution de cette vente pour manquement à l'obligation de livraison du bien, soit pour une cause autre que le non-paiement d'une somme d'argent, quand cette action tendait également à la restitution du prix de la vente, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 I et L. 641-3 du code de commerce ; 2°) ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur pendant cette période sont payées à leur échéance ; à défaut d'être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur, une créance postérieure au jugement d'ouverture doit faire l'objet d'une déclaration de créances ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en résolution de la vente du 8 décembre 2006 formée par les époux [V] à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles représentée par son liquidateur judiciaire et condamner cette dernière à restituer le prix de vente, que cette créance de restitution, dont le fait générateur est la décision prononçant la résolution, est une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, n'est pas soumise à déclaration au passif de la procédure, sans constater que ladite créance était née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, la cour d'appel a violé les articles L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce ; 3°) ALORS QU'en l'absence d'instance en cours à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le créancier, après avoir déclaré sa créance, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification du passif, laquelle relève de la compétence exclusive du juge-commissaire ; qu'en l'espèce, les époux [V] avaient procédé à la déclaration de leurs créances de restitution du prix le 16 février 2016, antérieurement à l'introduction de l'instance en résolution du contrat de vente du 8 décembre 2006 et en restitution du prix de vente ; qu'en jugeant cette action recevable alors que le juge-commissaire avait compétence exclusive pour se prononcer sur l'admission de cette créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21, L. 622-22, L. 624-2, L 641-3 et L. 641-14 du code de commerce. SECOND MOYEN DE CASSATION Me [X] ès qualités reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevables comme non prescrites les actions de M. et Mme [V] contre la SCI Les Gaudinelles représentée par son liquidateur judiciaire, d'avoir prononcé la résolution du contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu le 8 décembre 2006 entre la SCI les Gaudinelles et les époux [V], d'avoir ordonné la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière aux frais notamment de la SCI Les Gaudinelles et d'avoir condamné la SCI Les Gaudinelles à payer aux époux [V] la somme de 68 502 euros au titre de la restitution du prix de vente ; 1°) ALORS QUE le délai quinquennal de prescription d'une action en résolution d'une vente court à compter du jour où le demandeur connaissait ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en retenant, pour juger que l'action des époux [V] en résolution du contrat de vente du 8 décembre 2006 n'était pas prescrite, que ces derniers ont connu les faits leur permettant d'agir en justice lorsqu'ils ont pris conscience de la défaillance de la SCI Les Gaudinelles au mois de juillet 2011, après avoir été informés à plusieurs reprises par cette dernière, par lettres circulaires adressées aux différents acquéreurs, que la date de livraison devait être reportée en raison des intempéries et de la défaillance d'entreprises et en dernier lieu, par lettre du 8 novembre 2010 leur indiquant qu'en raison de la défaillance de huit entreprises, le délai devait à nouveau être reporté de huit mois et demi, soit jusqu'au mois de juillet 2011, quand les époux [V] ont su que le bien ne leur était pas livré et ont donc eu connaissance des faits leur permettant d'agir dès l'expiration du délai de livraison initial fixé au troisième trimestre 2007, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; 2°) ALORS, A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE le délai quinquennal de prescription d'une action en résolution d'une vente court à compter du jour où le demandeur connaissait ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en retenant, pour juger que l'action des époux [V] en résolution du contrat de vente du 8 décembre 2006 n'était pas prescrite, que ces derniers ont connu les faits leur permettant d'agir en justice lorsqu'ils ont pris conscience de la défaillance de la SCI Les Gaudinelles au mois de juillet 2011, après avoir été informés à plusieurs reprises par cette dernière, par lettres circulaires adressées aux différents acquéreurs, que la date de livraison devait être reportée en raison des intempéries et de la défaillance d'entreprises et en dernier lieu, par lettre du 8 novembre 2010 leur indiquant qu'en raison de la défaillance de huit entreprises, le délai devait à nouveau être reporté de huit mois et demi, soit jusqu'au mois de juillet 2011, sans constater que les époux [V], qui versaient aux débats des lettres adressées à cette date à d'autres acquéreurs, avaient effectivement été destinataires de cette lettre du 8 novembre 2010, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil.
Il résulte des articles L. 622-21, I, et L. 641-3 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. Il s'ensuit que l'action en résolution d'un contrat pour inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent n'est ni interrompue ni interdite par le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire
7,910
COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 398 F-B Pourvoi n° H 19-25.750 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JUIN 2022 1°/ M. [F] [L], domicilié [Adresse 7], 2°/ M. [V] [L], domicilié [Adresse 8], 3°/ M. [U] [L], domicilié [Adresse 6], 4°/ Mme [P] [L], domiciliée [Adresse 4] (Belgique), 5°/ M. [A] [L], domicilié [Adresse 9], 6°/ Mme [K] [L]-[H], domiciliée [Adresse 1], 7°/ M. [W] [L], domicilié [Adresse 5], ont formé le pourvoi n° H 19-25.750 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige les opposant : 1°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la Bank Of America Merrill Lynch International Limited, dont le siège est [Adresse 2] (Royaume-Uni), défenderesses à la cassation. La société Bank Of America Merrill Lynch International Limited a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de MM. [F], [V], [U], [A] et [W] [L], de Mme [P] [L] et de Mme [K] [L]-[H], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la Bank Of America Merrill Lynch International Limited, de la SCP Spinosi, avocat de la Société générale, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 octobre 2019), sur les conseils de la Société générale et de la société Merrill Lynch Capital Markets France, aux droits de laquelle est venue la société Bank Of America Merrill Lynch International (la société Merrill Lynch), [R] [L] a souscrit le 15 mai 2001, auprès de la première, un prêt remboursable in fine d'un montant de 7 500 000 francs, soit 1 143 367,63 euros, arrivant à échéance le 31 mai 2008, et versé le capital ainsi prêté sur un contrat d'assurance-vie, souscrit par l'intermédiaire de la seconde, dont le rachat devait permettre le remboursement du prêt à son terme. 2. Ce rachat est intervenu le 3 décembre 2008 pour une somme de 569 339,37 euros. Après déduction de ce montant, [R] [L] est restée débitrice, au titre du prêt, d'une somme de 684 982,56 euros qu'elle a remboursée au moyen d'une ouverture de crédit utilisable par découvert en compte consentie par la Société générale. 3. [R] [L] étant décédée, ses enfants et héritiers, MM. [F], [V], [U], [A] et [W] [L], Mme [P] [L] et Mme [K] [L]-[H] (les consorts [L]), ont assigné les 8 et 9 juillet 2013 la Société générale et la société Merrill Lynch en indemnisation de préjudices résultant de manquements à leurs obligations d'information et de conseil envers leur mère. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi principal Enoncé du moyen 5. Les consorts [L] font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de leurs demandes, alors : « 1°/ que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que les ayants droits d'une personne peuvent agir contre le cocontractant du défunt, en se prévalant, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, du manquement de ce dernier à une obligation résultant de ce contrat, lorsqu'elle leur a causé un dommage ; qu'en l'espèce, les consorts [L] ont assigné la Société générale et la société Merrill Lynch afin d'obtenir leur condamnation "à réparer le préjudice subi par les requérants, ayants droits de Madame [R] [L], en raison des manquements à leur devoir d'information et de conseil envers cette dernière" commis lors de la mise en place d'un montage financier dénoué en 2008 ; que pour rejeter les demandes présentées sur ce fondement, la cour d'appel a retenu que dès lors qu'ils sollicitaient à titre d'indemnisation la somme de 685 000 euros, représentant le montant qu'avait dû emprunter [R] [L] pour rembourser le solde du prêt non couvert par l'évolution du contrat d'assurance-vie ainsi que la somme de 558 032,52 euros représentant les intérêts versés par [R] [L] au titre de l'ensemble des prêts, celui payable in fine et le second destiné à rembourser le premier, ils se prévalaient exclusivement de préjudices subis par leur auteur, dont ils ne pouvaient poursuivre l'indemnisation que sur un fondement contractuel et non d'un préjudice personnel par ricochet ; qu'en statuant de la sorte, quand les consorts [L], en leur qualité de tiers aux contrats souscrits par Mme [R] [L], pouvaient invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle les manquements contractuels imputés à la Société générale et à la société Merrill Lynch, qui leur avaient causé un dommage en aggravant le passif de la succession de leur mère, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°/ que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que revêt un caractère personnel le préjudice subi par chacun des ayants droits de la partie à un contrat victime d'un manquement de son cocontractant à ses obligations, consistant dans l'obligation de régler sa part de dette de la succession à l'égard du contractant en cause ; qu'en l'espèce, les consorts [L] faisaient valoir que le relevé de compte de la succession de Mme [L] déposé à l'étude de M. [M], notaire en charge de cette succession, présentait un solde nul au 31 décembre 2019, de sorte qu'ils se trouveraient dans l'obligation de payer sur leurs deniers personnels le reliquat des sommes dues au titre des prêts accordés par la Société générale ; qu'en jugeant que les consorts [L] se prévalaient exclusivement de préjudices subis par leur auteur, dont ils ne pouvaient poursuivre l'indemnisation que sur un fondement contractuel et non d'un préjudice personnel par ricochet, sans rechercher si l'obligation pour chacun des consorts [L] de régler, sur ses deniers personnels, le reliquat des prêts consentis par la Société générale à Mme [R] [L] ne constituait pas pour eux un préjudice personnel dont ils étaient fondés à poursuivre la réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle des défenderesses, en leur qualité de tiers aux contrats souscrits par leur mère auprès de ces sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article 1382, devenu 1240, de ce code que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. Un héritier ne peut agir sur ce fondement en invoquant un manquement contractuel commis envers son auteur qu'en réparation d'un préjudice qui lui est personnel. N'est pas un préjudice personnel subi par l'héritier celui qui aurait pu être effacé, du vivant de son auteur, par une action en indemnisation exercée par ce dernier ou qui peut l'être, après son décès, par une action exercée au profit de la succession en application de l'article 724 du code civil. 7. D'une part, ayant retenu que les consorts [L] invoquaient un préjudice, causé par les manquements de la Société générale et de la société Merrill Lynch, correspondant à la somme qu'avait dû emprunter [R] [L] pour rembourser le solde du prêt non couvert par le rachat du contrat d'assurance-vie, augmentée des intérêts payés par celle-ci au titre du prêt in fine et du crédit souscrit pour son remboursement, la cour d'appel en a exactement déduit que les consorts [L] se prévalaient ainsi, non d'un préjudice qu'ils auraient personnellement subi, mais d'un préjudice subi par leur mère dont la réparation ne pouvait être poursuivie que sur un fondement contractuel. 8. D'autre part, en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la deuxième branche, inopérante dès lors qu'en faisant valoir qu'en cas de rejet de leurs demandes de réparation des préjudices causés par les manquements reprochés à la Société générale et à la société Merrill Lynch, ils seraient tenus de payer sur leurs deniers personnels les sommes restant dues au titre du crédit souscrit par leur mère pour rembourser le prêt in fine à son terme, les consorts [L] ne se prévalaient d'aucun préjudice qui n'aurait pu être effacé par une action en indemnisation exercée par leur mère, de son vivant, ou, après le décès de celle-ci, par un de ses héritiers en application de l'article 724 du code civil, a légalement justifié sa décision. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui n'est qu'éventuel, la Cour : REJETTE le pourvoi principal ; Condamne MM. [F], [V], [U], [A] et [W] [L], Mme [P] [L] et Mme [K] [L]-[H] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [F], [V], [U], [A] et [W] [L], Mme [P] [L] et Mme [K] [L]-[H], les condamne à payer à la Société générale la somme globale de 3 000 euros et les condamne in solidum à payer à la société Bank of America Merrill Lynch International la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour MM. [F], [V], [U], [A] et [W] [L] et Mme [P] [L] et Mme [K] [L]-[H]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 7 juillet 2017, ayant débouté les consorts [L] de l'ensemble de leurs demandes ; Aux motifs propres que « sur le jugement du 17 [lire : 7] juillet 2017 : Ainsi que l'a justement énoncé le tribunal, en tant que les consorts [L] se prévalent, en qualité de tiers aux contrats d'assurance-vie et de prêt, des manquements contractuels commis par la banque et l'assureur envers [R] [L] pour invoquer la responsabilité délictuelle de celles-là qui leur a causé un dommage, il leur revient de démontrer l'existence d'un préjudice personnel qu'ils ont subi. Or, dès lors qu'ils sollicitent à titre d'indemnisation la somme de 685 000 euros, représentant la somme qu'a dû emprunter [R] [L] pour rembourser le solde du prêt non couvert par l'évolution du contrat d'assurance-vie ainsi que la somme de 558 032,52 euros représentant les intérêts versés par [R] [L] au titre de l'ensemble des prêts, celui payable in fine et le second destiné à rembourser le premier, ils se prévalent exclusivement de préjudices subis par leur auteur, dont ils ne peuvent poursuivre l'indemnisation que sur un fondement contractuel et non d'un préjudice personnel par ricochet. L'invocation, en cause d'appel, d'un préjudice distinct constitué d'une somme de 323 000 euros qu'ils ont avancée à leur mère pour le règlement d'un redressement fiscal à la suite d'une donation ne vient pas utilement contredire ce qui précède dès lors qu'elle ne constitue pas un préjudice puisqu'elle est liée à la donation intervenue sans aucun lien avec les intimées, que cette dette est sans lien avec le présent litige, que la prétendue impécuniosité d'[R] [L] ne serait encore qu'une conséquence des manquements contractuels à son égard des intimées qui n'auraient pas causé un préjudice personnel des héritiers mais une augmentation de la masse passive de la succession comme cela ressort de la déclaration de succession qui répertorie ainsi son incidence et alors même qu'en tout état de cause, ils n'en sollicitent pas l'indemnisation dans le dispositif de leurs conclusions. En conséquence, le jugement du 17 juillet 2017 doit également être confirmé en toutes ses dispositions » ; Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, qu'« il est de principe que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'il est constant que les consorts [L] agissent sur le fondement de la responsabilité délictuelle en qualité de tiers aux contrats passés entre Mme [R] [L] et la Société générale et la société Bank of America Merrill Lynch Capital Markets venant aux droits de la société Merrill Lynch Capital Markets, et non sur le fondement de la responsabilité contractuelle en leur qualité d'ayant droits de Mme [L]. Il leur appartient par conséquent d'apporter la preuve d'un préjudice personnel que leur auraient causés les manquements allégués des sociétés défenderesses. Les consorts [L] font valoir que les manquements des sociétés défenderesses à leur obligation d'information et de conseil à l'égard de Mme [L] leur ont occasionné un préjudice qu'ils évaluent à la somme de 685.000 euros "correspondant au montant de l'avance patrimoniale qu'ils doivent rembourser", soit le montant du solde du prêt non remboursé par le rachat du contrat d'assurance-vie, et à la somme de 558.032,52 euros)" correspondant à la totalité des intérêts versés par Mme [L]". Or, ainsi que le soulèvent les sociétés défenderesses, ces préjudices, à les supposer établis, sont subis par la succession de Mme [L], ce que ne contestent pas les consorts [L]. Les consorts [L] ne prévalant pas d'un préjudice personnel distinct de celui des ayants droits de Mme [L], ils seront donc déboutés de leur demande d'indemnisation » ; Alors 1°) que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que les ayants droits d'une personne peuvent agir contre le cocontractant du défunt, en se prévalant, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, du manquement de ce dernier à une obligation résultant de ce contrat, lorsqu'elle leur a causé un dommage ; qu'en l'espèce, les consorts [L] ont assigné la Société Générale et la société Merrill Lynch afin d'obtenir leur condamnation « à réparer le préjudice subi par les requérants, ayants droits de Madame [R] [L], en raison des manquements à leur devoir d'information et de conseil envers cette dernière » commis lors de la mise en place d'un montage financier dénoué en 2008 (assignation introductive d'instance, p. 5) ; que pour rejeter les demandes présentées sur ce fondement, la cour d'appel a retenu que dès lors qu'ils sollicitaient à titre d'indemnisation la somme de 685.000 €, représentant le montant qu'avait dû emprunter Mme [R] [L] pour rembourser le solde du prêt non couvert par l'évolution du contrat d'assurance-vie ainsi que la somme de 558.032,52 € représentant les intérêts versés par Mme [R] [L] au titre de l'ensemble des prêts, celui payable in fine et le second destiné à rembourser le premier, ils se prévalaient exclusivement de préjudices subis par leur auteur, dont ils ne pouvaient poursuivre l'indemnisation que sur un fondement contractuel et non d'un préjudice personnel par ricochet ; qu'en statuant de la sorte, quand les consorts [L], en leur qualité de tiers aux contrats souscrits par Mme [R] [L], pouvaient invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle les manquements contractuels imputés à la Société Générale et à la société Merrill Lynch, qui leur avaient causé un dommage en aggravant le passif de la succession de leur mère, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil (dans sa version applicable en l'espèce, antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; désormais l'article 1240 du code civil) ; Alors 2°) en tout état de cause, que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que revêt un caractère personnel le préjudice subi par chacun des ayants droits de la partie à un contrat victime d'un manquement de son cocontractant à ses obligations, consistant dans l'obligation de régler sa part de dette de la succession à l'égard du contractant en cause ; qu'en l'espèce, les consorts [L] faisaient valoir (leurs conclusions d'appel, p. 11) que le relevé de compte de la succession de Mme [L] déposé à l'étude de Me [M], notaire en charge de cette succession, présentait un solde nul au 31 décembre 2019, de sorte qu'ils se trouveraient dans l'obligation de payer sur leurs deniers personnels le reliquat des sommes dues au titre des prêts accordés par la Société Générale ; qu'en jugeant que les consorts [L] se prévalaient exclusivement de préjudices subis par leur auteur, dont ils ne pouvaient poursuivre l'indemnisation que sur un fondement contractuel et non d'un préjudice personnel par ricochet, sans rechercher si l'obligation pour chacun des consorts [L] de régler, sur ses deniers personnels, le reliquat des prêts consentis par la Société Générale à Mme [R] [L] ne constituait pas pour eux un préjudice personnel dont ils étaient fondés à poursuivre la réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle des défenderesses, en leur qualité de tiers aux contrats souscrits par leur mère auprès de ces sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien (désormais 1240) du code civil ; 3°) Alors, enfin, que les consorts [L] sollicitaient également la condamnation in solidum de la Société Générale et de la société Merrill Lynch à leur payer la somme de 40.000 € en réparation du préjudice moral qu'ils avaient subi à raison de l'amputation de la succession de leur mère du fait des manquements reprochés aux défenderesses, ainsi que des soucis et du tracas engendrés par la procédure judiciaire qu'ils avaient dû initier (leurs conclusions d'appel, p. 54 ; p. 57) ; qu'en jugeant que les consorts [L] se prévalaient exclusivement de préjudices subis par leur auteur, quand ils invoquaient également un préjudice moral qui leur était personnel, la cour d'appel a encore violé l'article 1382 ancien (désormais 1240) du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme prescrite la demande d'engagement de la responsabilité contractuelle de la Société Générale et de la société Merrill Lynch, et d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 7 juillet 2017, ayant débouté les consorts [L] de l'ensemble de leurs demandes ; Aux motifs que « sur le jugement du 17 [lire : 7] juillet 2017 (…) Les demandes successivement formées par les consorts [L], sur le fondement de la responsabilité délictuelle puis, subsidiairement en cause d'appel, sur un fondement contractuel tendant toutes deux à obtenir réparation du préjudice constitué des intérêts payés au titre des prêts et du solde du premier prêt payable in fine, de sorte que la seconde demande, tendant aux mêmes fins, ne saurait être qualifiée de nouvelle en vertu de l'article 565 du code de procédure civile. Dès lors que des moyens nouveaux peuvent être invoqués en cause d'appel, le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui n'empêche pas les consorts [L] d'agir subsidiairement, en cause d'appel, sur un fondement différent. Les consorts [L] recherchent désormais la responsabilité contractuelle de la Société Générale en qualité d'établissement dispensateur de crédit et de conseiller en gestion de patrimoine et de la société Merrill Lynch en qualité de courtier pour avoir manqué à leurs obligations d'information et de conseil à l'occasion de la souscription du prêt payable in fine auprès de la première et du contrat d'assurance-vie abondé par les sommes issues du prêt ainsi qu'en cours d'exécution des contrats. Contrairement à ce que soutiennent les consorts [L], la prescription applicable est bien celle, devenue quinquennale en vertu de la loi du 17 juin 2008, de l'article 110-4 du code de commerce puisqu'il s'agit bien d'obligation nées à l'occasion du commerce des intimées avec les non commerçants qu'ils sont et le point de départ du délai de prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle celui-ci est révélé à celui qui agit s'il établit qu'il n'en avait pas eu connaissance antérieurement. En revanche, contrairement à ce que font valoir la Société Générale et la société Merrill Lynch, si le manquement d'une banque à son obligation de conseil et de mise en garde et celui d'un courtier en assurance à son obligation de conseil, dans l'hypothèse de la souscription d'un prêt, payable in fine, dont les sommes servent à abonder un contrat d'assurance-vie dont l'évolution est supposée rembourser le prêt prive l'emprunteur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque suppose qu'il ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt, in fine, de sorte que le point de départ du délai n'est pas les dates de souscription du prêt et du contrat d'assurance-vie des mois d'avril et mai 2001 mais la date d'échéance du prêt, soit en l'espèce le 31 mai 2008, date à laquelle la somme, en principal, de 1 2143 367,63 euros devait être remboursée et où la valorisation du contrat d'assurance-vie ne le permettait pas puisqu'elle était de 969 848,47 euros en janvier 2008 et de 569 339,37 euros au 3 décembre 2008, jour de son rachat du contrat. C'est en vain que les consorts [L] font valoir que le courrier de la banque du 2 octobre 2008, rappelant que le prêt était arrivé à échéance le 31 mai 2008, sollicitant le paiement d'une somme de 1 238 415,77 euros et constitue ainsi une simple mise en demeure recommandée constituerait une prolongation conventionnelle tacite du contrat, de sorte que l'action est prescrite, en application de la loi du 17 juin 2008, depuis le 19 juin 2013. Il ne peut qu'être ajouté que les consorts [L] ne peuvent sérieusement prétendre que leurs assignations des 8 et 9 juillet 2013, tardives, auraient interrompu la prescription de leur action contractuelle alors qu'il ressort, ainsi qu'exposé précédemment, de leurs conclusions devant le tribunal du 27 février 2015, qu'ils entendaient exclusivement agir sur un fondement délictuel à raison des manquements contractuels commis à l'égard de leur auteur - ce qui les empêchent également de soutenir que l'interruption de la prescription par l'action délictuelle s'étendrait à celle de l'action contractuelle puisqu'ils ont expressément récusé que la seconde était virtuellement comprise dans la première et qu'ils n'ont agi sur un fondement contractuel, pour la première fois et subsidiairement en cause d'appel, qu'au moyen de leurs conclusions du 21 février 2018. La fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur action subsidiairement contractuelle doit donc être accueillie, ils doivent être condamnés aux dépens d'appel ainsi qu'à payer, à chacune, à la Société Générale et la société Merrill Lynch la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile » ; Alors 1°) que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la prescription d'une action en responsabilité court à compter du jour où la victime a eu connaissance du préjudice subi dans toute son ampleur ; qu'en l'espèce, pour dire prescrite l'action des consorts [L] en responsabilité contractuelle contre la Société Générale et la société Merrill Lynch, la cour d'appel a considéré que le point de départ de cette action devait être fixé à la date d'échéance du prêt in fine souscrit par Mme [L] auprès de la Société Générale, soit le 31 mai 2008, et qu'il ne résultait pas du courrier du 2 octobre 2008 par lequel la Société Générale avait réclamé le paiement du solde du prêt, que cette banque avait entendu tacitement proroger le terme de ce crédit ; qu'en statuant de la sorte, quand le préjudice subi par Mme [R] n'avait été révélé dans toute son ampleur qu'à la date à laquelle la Société Générale avait demandé le remboursement des sommes dues au titre du prêt, soit le 2 octobre 2008, au regard de la valeur de rachat à cette date du contrat d'assurance-vie parallèlement souscrit par Mme [R] [L], dont le produit était censé permettre de rembourser ce prêt, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; Alors 2°) que si l'interruption de la prescription n'a en principe d'effet que relativement à l'action qu'elle concerne, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, dans l'assignation introductive d'instance des 8 et 9 juillet 2013, les consorts [L] demandaient au tribunal « de condamner la Société Générale et la société Merrill Lynch à réparer le préjudice subi par les requérants, ayants droits de Madame [R] [L], en raison des manquements à leur devoir d'information et de conseil envers cette dernière » (p. 5) et sollicitaient la condamnation in solidum de ces deux sociétés à leur verser une somme correspondant aux préjudices financiers résultant de ces manquements (p. 19 ; p. 20-21) ; qu'en jugeant que les consorts [L] ne pouvaient prétendre « que l'interruption de la prescription par l'action délictuelle s'étendrait à celle de l'action contractuelle », quand l'action en responsabilité contractuelle était virtuellement comprise dans l'action en responsabilité délictuelle engagée par les consorts [L], laquelle était dès l'origine fondée sur les manquements de la Société Générale et de la société Merrill Lynch à leur obligation d'information et leur devoir de conseil, ces deux actions tendant toutes deux à l'indemnisation des préjudices résultant de ces manquements, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2241 du code civil ; Alors 3°) que si l'interruption de la prescription n'a en principe d'effet que relativement à l'action qu'elle concerne, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en jugeant que les consorts [L] ne pouvaient prétendre « que l'interruption de la prescription par l'action délictuelle s'étendrait à celle de l'action contractuelle », quand elle a retenu, pour déclarer recevable en appel la demande des consorts [L] formulée sur un fondement contractuel, que les demandes successivement formées par les consorts [L] sur le fondement de la responsabilité délictuelle puis subsidiairement sur un fondement contractuel tendaient toutes deux aux mêmes fins, à savoir obtenir réparation du préjudice constitué des intérêts payés au titre des prêts et du solde du premier prêt payable in fine, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 2224 et 2241 du code civil ;
Il résulte de l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article 1382, devenu 1240, de ce code que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. Un héritier ne peut agir sur ce fondement en invoquant un manquement contractuel commis envers son auteur qu'en réparation d'un préjudice qui lui est personnel. N'est pas un préjudice personnel subi par l'héritier celui qui aurait pu être effacé, du vivant de son auteur, par une action en indemnisation exercée par ce dernier ou qui peut l'être, après son décès, par une action exercée au profit de la succession en application de l'article 724 du code civil
7,911
COMM. DB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 399 F-B Pourvoi n° A 20-22.160 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JUIN 2022 La société Fuchs lubrifiant France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-22.160 contre l'arrêt rendu le 16 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [O] [M], domicilié [Adresse 3], 2°/ à Mme [K] [Y], épouse [M], domiciliée [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Fuchs lubrifiant France, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 novembre 2020), aux termes d'un contrat conclu 19 novembre 2012 avec la société Fuchs lubrifiant France (la société Fuchs), la société Back to Bike s'est engagée à acheter chaque année, pendant cinq ans, une certaine quantité de lubrifiants lui ouvrant droit à des remises, la société Fuchs lui consentant une avance sur celles-ci d'un montant de 30 000 euros, amortissable en cinq annuités de 6 833 euros chacune. 2. Le même jour, M. et Mme [M] se sont rendus cautions solidaires des engagements de la société Back to Bike envers la société Fuchs. 3. La société Back to Bike ayant été mise en liquidation judiciaire le 11 septembre 2017, la société Fuchs a assigné les cautions en paiement de la somme restant due au titre de l'avance sur remises . Examen des moyens Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La société Fuchs fait grief à l'arrêt d'annuler le volet relatif au prêt du contrat passé le 19 novembre 2012 avec la société Back to Bike et de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « que s'il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel, cette interdiction ne fait pas obstacle à ce qu'une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse dans l'exercice de son activité professionnelle consentir à ses contractants des délais ou avances de paiement, et réalise une opération de crédit dès lors que celle-ci n'est pas une opération purement financière mais constitue le complément indissociable d'un contrat d'approvisionnement exclusif entrant dans le champ de son activité habituelle ; qu'en prononçant la nullité du volet relatif au prêt du contrat passé le 19 novembre 2012 avec la société Back to Bike, et en déboutant la société Fuchs de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les cautions, tout en constatant que le prêt de 30 000 euros était consenti dans le cadre d'un contrat de fourniture de lubrifiants, avec un objectif annuel, prévoyant une remise de 50 % sur le chiffre d'affaires, et stipulant une "avance sur remises" de 30 000 euros, amortissable par la société Back to Bike en cinq annuités de 6 833 euros, la cour d'appel a violé les articles L. 511-5, du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013, et L. 511-7, I, 1, du même code. » Réponse de la Cour 5. L'arrêt retient d'abord qu'aux termes du contrat du 19 novembre 2012, la société Fuchs a consenti à la société Back to Bike un prêt d'un montant de 30 000 euros remboursable en cinq annuités comprenant des intérêts. Il retient ensuite que cette opération de crédit, au sens de l'article L. 311-1 du code monétaire et financier, ne correspond pas aux exceptions prévues par l'article L. 511-7, I, 1, du même code, dès lors qu'elle ne consiste ni en l'octroi de délais de paiement ni en la perception d'avances de paiement. Il retient enfin que la société Fuchs a précisé pratiquer habituellement ce type de prêts auprès de sa clientèle. 6. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que, ce faisant, la société Fuchs a conclu avec la société Back to Bike une opération de crédit, au sens de l'article L. 313-1 du code monétaire et financier, en méconnaissance de l'interdiction édictée par l'article L. 511-5 de ce code, peu important que cette opération ait constitué, dans l'esprit des parties, un complément indissociable de l'engagement d'approvisionnement exclusif souscrit par la société Back to Bike envers la société Fuchs. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 8. La société Fuchs fait le même grief à l'arrêt, alors « que la caution qui conteste la validité de l'obligation principale en se prévalant d'une exception inhérente à la dette, doit mettre en cause le débiteur principal ou son liquidateur ; qu'en prononçant la nullité du volet relatif au prêt du contrat passé le 19 novembre 2012 avec la société Back to Bike et en déboutant la société Fuchs de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les cautions, par une décision rendue entre ces seules parties, en l'absence de mise en cause du liquidateur de la société Back to Bike, la cour d'appel a violé l'article 14 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 14 du code de procédure civile : 9. Aux termes de ce texte, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. 10. L'arrêt prononce l'annulation du volet relatif au prêt du contrat conclu le 19 novembre 2012 entre la société Back to Bike et la société Fuchs et, en conséquence, rejette l'ensemble des demandes de cette dernière. 11. En statuant ainsi, sans qu'ait été appelé à l'instance le liquidateur de la société Back to Bike, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 12. La société Fuchs fait le même grief à l'arrêt, alors « que, sanctionnée pénalement et sur le plan disciplinaire, la seule méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-5 du code monétaire financier n'est pas de nature à entraîner la nullité des contrats conclus ; qu'en se fondant, pour prononcer la nullité du volet relatif au prêt du contrat passé le 19 novembre 2012 avec la société Back to Bike et débouter la société Fuchs de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les cautions, sur l'interdiction pour toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel, la cour d'appel a violé l'article L. 511-5 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013 : 13. Aux termes de ce texte, il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel. Le seul fait qu'une opération de crédit ait été conclue en méconnaissance de cette interdiction n'est pas de nature à en entraîner l'annulation. 14. Pour prononcer l'annulation du volet relatif au prêt du contrat du 19 novembre 2012, l'arrêt retient que ces stipulations constituent une opération de crédit et que la société Fuchs a précisé pratiquer habituellement ce type d'opérations auprès de sa clientèle, cependant qu'en application de l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, seuls les établissements de crédit sont autorisés à effectuer de telles opérations à titre habituel. 15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne M. et Mme [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fuchs lubrifiant France ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société Fuchs lubrifiant France. PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué : D'AVOIR prononcé la nullité du volet relatif au prêt du contrat passé le 19 novembre 2012 avec la société Back to Bike, et D'AVOIR débouté la société Fuchs Lubrifiants France de l'ensemble de ses demandes, ALORS QUE la caution qui a laissé l'admission de la créance à l'encontre du débiteur principal en liquidation judiciaire devenir irrévocable ne peut invoquer de cause de nullité antérieure à cette décision d'admission ; qu'en prononçant la nullité du volet relatif au prêt du contrat passé le 19 novembre 2012 avec la société Back to Bike, et en déboutant la société Fuchs Lubrifiants France de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les cautions, tout en constatant que la créance d'un montant de 16 203,60 euros de la société Fuchs avait été régulièrement produite à titre chirographaire le 14 septembre 2017 et inscrite au passif de la société Back to Bike, et sans s'expliquer sur l'absence de toute contestation de la créance dans le cadre de la procédure collective, pourtant invoquée par la société Fuchs Lubrifiants France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 624-3-1 et R. 624-8 du code de commerce ; ALORS QUE la caution qui conteste la validité de l'obligation principale en se prévalant d'une exception inhérente à la dette, doit mettre en cause le débiteur principal ou son liquidateur ; qu'en prononçant la nullité du volet relatif au prêt du contrat passé le 19 novembre 2012 avec la société Back to Bike, et en déboutant la société Fuchs Lubrifiants France de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les cautions, par une décision rendue entre ces seules parties, en l'absence de mise en cause du liquidateur de la société Back to bike, la cour d'appel a violé l'article 14 du code de procédure civile. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué : D'AVOIR prononcé la nullité du volet relatif au prêt du contrat passé le 19 novembre 2012 avec la société Back to Bike, et D'AVOIR débouté la société Fuchs Lubrifiants France de l'ensemble de ses demandes, ALORS QUE s'il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel, cette interdiction ne fait pas obstacle à ce qu'une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse dans l'exercice de son activité professionnelle consentir à ses contractants des délais ou avances de paiement, et réalise une opération de crédit dès lors que celle-ci n'est pas une opération purement financière mais constitue le complément indissociable d'un contrat d'approvisionnement exclusif entrant dans le champ de son activité habituelle ; qu'en prononçant la nullité du volet relatif au prêt du contrat passé le 19 novembre 2012 avec la société Back to Bike, et en déboutant la société Fuchs Lubrifiants France de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les cautions, tout en constatant que le prêt de 30 000 euros était consenti dans le cadre d'un contrat de fourniture de lubrifiants, avec un objectif annuel, prévoyant une remise de 50 % sur le chiffre d'affaires, et stipulant une « avance sur remises » de 30 000 euros, amortissable par la société Back to Bike en cinq annuités de 6 833 euros, la cour d'appel a violé les articles L.511-5, du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013, et L. 511-7, I, 1° du même code ; ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE sanctionnée pénalement et sur le plan disciplinaire, la seule méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-5 du code monétaire financier n'est pas de nature à entraîner la nullité des contrats conclus ; qu'en se fondant, pour prononcer la nullité du volet relatif au prêt du contrat passé le 19 novembre 2012 avec la société Back to Bike, débouter la société Fuchs Lubrifiants France de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les cautions, sur l'interdiction pour toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel, la cour d'appel a violé en toute hypothèse l'article L. 511-5 du code monétaire et financier ; ALORS, ENCORE PLUS SUBSIDIAIREMENT, QUE les dispositions interdisant à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer à titre habituel des opérations de banque à titre habituel, définies comme tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou prend, dans l'intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement, ou une garantie, si elles interdisent la stipulation d'intérêts, ne font pas obstacle à la demande de remboursement du capital prêté ; qu'en se fondant sur ces dispositions pour prononcer la nullité du volet relatif au prêt du contrat passé le 19 novembre 2012 avec la société Back to Bike, débouter la société Fuchs Lubrifiants France de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les cautions, la cour d'appel a, quoi qu'il en soit, violé les articles L. 313-1 et L. 511-5 du code monétaire et financier. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Le moyen reproche à l'arrêt attaqué : D'AVOIR débouté la société Fuchs Lubrifiants France de l'ensemble de ses demandes, ALORS QUE l'annulation d'un acte entraîne de plein droit la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion ; qu'en déboutant la société Fuchs Lubrifiants France de l'ensemble de ses demandes, après avoir prononcé la nullité du volet relatif au prêt du contrat passé le 19 novembre 2012 avec la société Back to Bike, bien que l'annulation entraîne l'obligation de restituer le capital prêté, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Aux termes de l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013, il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel. Le seul fait qu'une opération de crédit ait été conclue en méconnaissance de cette interdiction n'est pas de nature à en entraîner l'annulation
7,912
COMM. DB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 402 F-B Pourvoi n° J 20-17.154 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. et Mme [P]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 janvier 2021 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JUIN 2022 La société Eurotitrisation, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, venant aux droits du Crédit immobilier de France développement, a formé le pourvoi n° J 20-17.154 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2020 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [M] [P], 2°/ à Mme [B] [K], épouse [P], domiciliés tous deux [Adresse 2], défendeurs à la cassation. M. et Mme [P] ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les demandeurs au pourvoi incident éventuel invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Eurotitrisation, ès qualités, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [P], et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gillis, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 19 mars 2020), la société Crédit immobilier de France développement, détentrice d'une créance résultant d'un acte de prêt notarié souscrit par M. et Mme [P], a, après leur avoir fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière, cédé cette créance, selon un bordereau du 28 décembre 2018, au fonds commun de titrisation Credinvest (le FCT Credinvest). Ce dernier, représenté par sa société de gestion, la société Eurotitrisation, a assigné M. et Mme [P] à une audience d'orientation devant le juge de l'exécution. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident éventuel, qui est préalable Enoncé du moyen 2. M. et Mme [P] font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'appel interjeté par la société Eurotitrisation représentant le FCT Credinvest, alors : « 1°/ que le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'il ressort des mentions claires et précises de sa déclaration d'appel que la société Eurotitrisation avait relevé appel en son nom propre ; qu'en estimant qu'elle avait agi en qualité de représentant du FCT Credinvest, la cour d'appel a dénaturé cet acte, en violation du principe précité ; 2° / que seules les parties à la première instance peuvent relever appel du jugement ; que la société Eurotrisation, qui n'était présente en première instance que comme représentante du FCT Credinvest, a relevé appel en son nom propre ; qu'en jugeant recevable un tel appel, qui n'avait pas été interjeté par une partie à la première instance, la cour d'appel a violé l'article 546 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 3. L'erreur manifeste, dans l'indication de la qualité en laquelle agit l'appelant, au regard de l'objet du litige, tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel. 4. L'arrêt rappelle, d'une part, que le FCT Credinvest étant dépourvu de personnalité morale, seule la société Eurotitrisation était en capacité d'ester en justice et d'interjeter appel pour le compte de celui-ci et retient, d'autre part, que l'assignation à jour fixe du 15 octobre 2019 délivrée par l'huissier de justice comprend en annexes la déclaration d'appel précisant les chefs de jugement expressément critiqués, l'ordonnance du premier président autorisant l'assignation à jour fixe ainsi qu'une copie des conclusions d'appelants, de sorte que l'objet de la demande et l'exposé des moyens de fait et de droit ont été parfaitement portés à la connaissance des intimés. 5. En l'état de ces constatations et appréciations, dont il se déduit que le litige opposait les mêmes parties agissant en la même qualité qu'en première instance, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé la déclaration d'appel, a pu juger que l'erreur manifeste dans l'indication de la qualité en laquelle agissait la société Eurotitrisation, dont cette déclaration était affectée, ne remettait pas en cause sa régularité. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 7. La société Eurotitrisation fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable et de la condamner à payer à M. et Mme [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017, entrée en vigueur le 3 janvier 2018, confère à la société de gestion d'un fonds de titrisation, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées au fonds et indique que chaque débiteur est informé de ce changement sans autre précision sur les modalités de cette information ; qu'en retenant en l'espèce que, s'il n'était pas contesté que la créance que le Crédit immobilier de France développement, venant aux droits du Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, détenait sur M. et Mme [P] a été cédée, le 28 décembre 2018, au FCT Credinvest dont le représentant légal est la société Eurotitrisation, il n'était en revanche pas justifié de l'information des débiteurs préalablement à l'assignation du 1er février 2019 et en constatant en conséquence l'irrecevabilité de l'action de la société Eurotitrisation faute de qualité pour agir, la cour d'appel qui a ainsi exigé une information des débiteurs préalable à l'assignation et a jugé que l'assignation ne valait pas information des débiteurs, a violé l'article L. 214-172 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017, applicable au jour de l'assignation. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 8. M. et Mme [P] contestent la recevabilité du moyen en raison de sa nouveauté et de sa contrariété avec les conclusions d'appel du FCT Credinvest. 9. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit. Par ailleurs, il n'est pas incompatible de soutenir devant la cour d'appel que, conformément aux dispositions de l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, M. et Mme [P] ont été informés de ce que la société de gestion du FCT Credinvest assure le recouvrement d'une créance dont ils sont débiteurs par l'envoi de deux courriers antérieurs à leur assignation, le 1er février 2019, et de faire valoir devant la Cour de cassation qu'ils ont été informés valablement de cette situation par ladite assignation. 10. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 : 11. Il résulte de ce texte que la société de gestion d'un fonds commun de titrisation qui assure tout ou partie du recouvrement des créances cédées à ce fonds, doit en informer chaque débiteur, cette information pouvant résulter de l'assignation délivrée au débiteur aux fins de recouvrement. 12. Pour déclarer irrecevable l'action de la société Eurotitrisation, l'arrêt retient que cette société ne justifie pas de ce que M. et Mme [P] ont été informés, préalablement à l'assignation du 1er février 2019, qu'elle était en charge du recouvrement de la créance cédée par la société Crédit immobilier de France développement. 13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé, par motifs adoptés, que l'assignation délivrée à M. et Mme [P] mentionnait que la société Eurotitrisation agissait aux fins de recouvrement de la créance qui avait été cédée par la société Crédit immobilier de France développement au FCT Credinvest, de sorte que les débiteurs avaient ainsi été informés que la société Eurotitrisation assurait le recouvrement de cette créance, peu important que cette information ne leur ait pas été communiquée préalablement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel interjeté par la société Eurotitrisation représentant le fonds commun de titrisation Credinvest, l'arrêt rendu le 19 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne M. et Mme [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [P] et les condamne à payer à la société Eurotitrisation, en sa qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest, la somme globale de 1 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Eurotitrisation, en sa qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest. Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté l'irrecevabilité de l'action de la société Eurotitrisation faute de qualité pour agir et condamné celle-ci à payer à M. [P] et à Mme [K] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la recevabilité de l'action en recouvrement intentée par la SA Eurotitrisation. L'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au jour de l'assignation du 1er février 2019, prévoit que lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l'organisme, leur recouvrement continue d'être assuré par le cédant ou par l'entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l'organisme, soit par l'acte dont résultent les créances transférées lorsque l'organisme devient partie à cet acte du fait du transfert desdites créances. Toutefois, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion ou confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet. Chaque débiteur est informé de ce changement. En l'espèce, il n'est ni allégué ni démontré que le Fonds commun de titrisation Crédinvest était en charge du recouvrement des créances du Crédit Immobilier de France Développement avant le transfert de créances du 28 décembre 2018. Aussi, la SA Eurotitrisation, en sa qualité de société de gestion du Fonds, doit justifier du fait que Monsieur [P] et Madame [K] ont été informés préalablement à l'assignation du 1er février 2019 devant le juge de l'exécution d'Annecy. Pour ce faire, la société Eurotitrisation produit la copie de courriers d'information dactylographiés, à l'entête du Crédit Immobilier de France Développement et datés du 4 janvier 2019, sans preuve d'expédition ni accusé de réception. Or, Monsieur [P] et Madame [K] contestent avoir été destinataires de cette information. Aucun élément complémentaire n'est versé aux débats par la SA Eurotitrisation pour justifier d'une information régulière des débiteurs. Dès lors, si la cession de créances s'avérait opposable à compter du transfert de propriété conformément à l'article L. 214-169 du code monétaire et financier, il n'en demeure pas moins que la régularité de la saisine du juge de l'exécution, à son audience d'orientation du 7 mars 2019, en vue de poursuivre le recouvrement initié par le Crédit Immobilier de France Développement, au moyen d'un commandement de payer valant saisie immobilière (délivré le 17 octobre 2018), était soumise à l'information préalable de Monsieur [P] et de Madame [K]. Aussi, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que l'action de la SA Eurotitrisation était irrecevable à poursuivre le recouvrement d'une créance cédée faute d'information préalable des débiteurs. Dans ces conditions, la décision de première instance doit être confirmée » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « L'article L. 214-180 du CMF dans sa version applicable au litige dispose que : " Le fonds commun de titrisation est un organisme de titrisation constitué sous la forme de copropriété. Le fonds n'a pas la personnalité morale. Ne s'appliquent pas aux fonds communs de titrisation les dispositions du code civil relatives à l'indivision ni celles des articles 1871 à 1873 du même code relatives aux sociétés en participation…". L'article L. 214-172 du CMF dans sa version applicable au litige dispose que : " Lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l'organisme, leur recouvrement continue d'être assuré par le cédant ou par l'entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l'organisme, soit par l'acte dont résultent les créances transférées lorsque l'organisme devient partie à cet acte du fait du transfert desdites créances. Toutefois, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion ou confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet. Chaque débiteur est informé de ce changement. De la même manière la société de gestion peut confier par voie de convention à toute entité désignée à cet effet la gestion de tout élément d'actif autre que les créances mentionnées aux deux alinéas précédents. Les dispositions du présent code et du code des procédures civiles d'exécution relatives au recouvrement amiable pour compte d'autrui ainsi que, les cas échéant, celles qui sont relatives aux services de paiement, ne sont pas applicables…". Par arrêt du 13 décembre 2017, la chambre commerciale de la cour de Cassation a précisé, dans une espèce transposable, que faute de désignation précisant l'entité chargée du recouvrement des créances cédées au fonds et en l'absence de justification de l'information du débiteur d'un éventuel changement à cet égard, la société de gestion bien que représentant légal du fonds n'a pas qualité pour agir à cette fin et qu'en conséquence l'action exercée contre le débiteur cédé était donc irrecevable. S'il n'est pas contesté que la créance a manifestement été cédée le 28 décembre 2018 au Fonds Commun de Titrisation Credinvest dont le représentant légal est la SA Eurotitrisation, il n'est pas justifié de l'information des débiteurs prévue par l'article L. 214-172 du CMF. En conséquence l'action diligentée par la SA Eurotitrisation par assignation du 1er février 2019 à l'encontre des époux [P] en l'état des pièces produites est irrecevable. Il sera relevé que le commandement valant saisie vente a été délivré aux débiteurs par le cédant (le CIFD) de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner ni de constater la nullité de cet acte comme le sollicitent les défendeurs. Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens développés par les défendeurs. La nature de l'affaire justifie que chacune des parties conserve la charge des frais qu'elle a exposés pour assurer la défense de ses intérêts. Les dépens resteront à la charge de la partie demanderesse » ; 1°/ ALORS QUE l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1432 du 4 octobre 2017, entrée en vigueur le 3 janvier 2018, confère à la société de gestion d'un fonds de titrisation, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées au fonds et indique que chaque débiteur est informé de ce changement sans autre précision sur les modalités de cette information ; qu'en retenant en l'espèce que, s'il n'était pas contesté que la créance que le Crédit immobilier de France Développement, venant aux droits du Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, détenait sur M. et Mme [P] a été cédée, le 28 décembre 2018, au fonds commun de titrisation Credinvest dont le représentant légal est la société Eurotitrisation, il n'était en revanche pas justifié de l'information des débiteurs préalablement à l'assignation du 1er février 2019 et en constatant en conséquence l'irrecevabilité de l'action de la société Eurotitrisation faute de qualité pour agir, la cour d'appel qui a ainsi exigé une information des débiteurs préalable à l'assignation et a jugé que l'assignation ne valait pas information des débiteurs, a violé l'article L. 214-172 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1432 du 4 octobre 2017, applicable au jour de l'assignation. 2°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en toute hypothèse l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019, entrée en vigueur le 24 mai 2019, qui prévoit toujours que la société de gestion d'un fonds de titrisation, en tant que représentant légal du fonds, a qualité pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées au fonds, indique qu'« en cas de changement de toute entité chargée du recouvrement en application du premier et deuxième alinéa, chaque débiteur concerné est informé de ce changement par tout moyen, y compris par acte judiciaire ou extrajudiciaire » ; qu'en déclarant en l'espèce la société Eurotitrisation irrecevable à agir, faute de justification d'une information des débiteurs préalable à l'assignation, la cour d'appel a violé ensemble l'article 126 du code de procédure civile et l'article L. 214-172 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019, applicable au jour où elle a statué. Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils pour M. et Mme [P]. M. et Mme [P] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'appel interjeté par la société Eurotitrisation représentant le Fonds commun de titrisation Credinvest, 1°) Alors que le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'il ressort des mentions claires et précises de sa déclaration d'appel que la société Eurotitrisation avait relevé appel en son nom propre ; qu'en estimant qu'elle avait agi en qualité de représentant du Fonds commun de titrisation Credinvest, la cour d'appel a dénaturé cet acte, en violation du principe précité ; 2°) Et alors que seules les parties à la première instance peuvent relever appel du jugement ; que la société Eurotrisation, qui n'était présente en première instance que comme représentante du Fonds commun de titrisation Credinvest, a relevé appel en son nom propre ; qu'en jugeant recevable un tel appel, qui n'avait pas été interjeté par une partie à la première instance, la cour d'appel a violé l'article 546 du code de procédure civile.
Il résulte l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017, que la société de gestion d'un fonds commun de titrisation qui assure tout ou partie du recouvrement des créances cédées à ce fonds, doit en informer chaque débiteur, cette information pouvant résulter de l'assignation délivrée au débiteur aux fins de recouvrement
7,913
SOC. CA3 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Rejet Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 731 F-B Pourvoi n° N 20-21.090 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022 Mme [I] [W], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 20-21.090 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à l'association Gardanaise pour la gestion d'équipements sociaux en faveur de personnes âgées (AGESPA), dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent , avocat de Mme [W], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'association Gardanaise pour la gestion d'équipements sociaux en faveur de personnes âgées, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 juin 2020), Mme [W] a été engagée le 12 octobre 2011 en qualité d'infirmière par l'association Gardanaise pour la gestion d'équipements sociaux en faveur de personnes âgées. Dans le dernier état de la relation de travail, elle occupait l'emploi d'infirmière coordinatrice. 2. Licenciée pour faute grave, elle a contesté cette mesure devant la juridiction prud'homale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement était fondé sur une faute grave et de la débouter de l'ensemble de ses demande, alors « que le licenciement fondé sur une violation par l'employeur du principe fondamental du secret médical est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en justifiant son licenciement prononcé pour faute grave lorsqu'il reposait sur la violation par l'employeur du secret médical qui l'avait conduit à se référer aux dossiers médicaux de plusieurs résidents dont la précision de la première lettre du nom ne garantissait pas un parfait anonymat, la cour d'appel a violé les articles L . 1243-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles 226-13 du code pénal et L. 1110-4 du code de santé publique. » Réponse de la Cour 5. Il résulte des articles L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique que le secret professionnel est institué dans l'intérêt des patients. Il s'agit d'un droit propre au patient instauré dans le but de protéger sa vie privée et le secret des informations le concernant. 6. Un salarié professionnel de santé, participant à la transmission de données couvertes par le secret, ne peut donc se prévaloir, à l'égard de son employeur, d'une violation du secret médical pour contester le licenciement fondé sur des manquements à ses obligations ayant des conséquences sur la santé des patients. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Alain Bénabent , avocat aux Conseils, pour Mme [W] Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme [I] [W] était fondé sur une faute grave et de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes ; AUX MOTIFS QUE « Sur le licenciement pour faute grave Que l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; qu'il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement ; Que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve ; Que l'employeur affirme que, suite au décès d'une résidente qui est intervenu le [Date décès 1] 2014, des suites d'une occlusion intestinale, causée par un fécalome dû à une constipation avérée, il a voulu consulter le suivi des selles de cette résidente et n'a pas retrouvé les fiches relatives à l'intéressée pour le mois de décembre 2014 ; qu'à cet égard, il produit un extrait du PSI relatif à Mme F qui ne mentionne pas ce suivi (pièce 26) et l'attestation de M. [N] qui précise : « Il est impossible de trouver trace de suivi des selles de résidentes sur la période de décembre 2014. Il est possible que Mme [W] les ait récupérés, ou qu'elles n'existent simplement pas » (pièce 27) ; Qu'or, en sa qualité d'infirmière coordinatrice, Mme [I] [W] aurait dû veiller à ce que ses équipes assurent un suivi rigoureux de cette patiente ; Que Mme [I] [W] objecte, qu'au début du mois de décembre 2014, elle a constaté et signalé que son ordinateur de bureau ne fonctionnait pas, ce qui l'empêchait d'avoir accès et de renseigner le PSI ; qu'il n'est donc pas surprenant que le directeur de l'association n'ait pas retrouvé la trace de suivi des selles de la résidente décédée, pour cette période ; Que par ailleurs, la salariée verse au débat une feuille de soins manuscrite établie pour cette patiente (pièce 49) qui met en évidence que, quatre jours avant son hospitalisation, ses selles étaient normales et, qu'en conséquence, aucune carence dans son suivi ne peut lui être reprochée ; Mais, que les explications de la salariée ne permettent pas de comprendre pourquoi le directeur de l'association n'a pas trouvé trace de ce document manuscrit lors de son enquête sur le décès de cette patiente ; que cette fiche apparaît pour la première fois dans le deuxième bordereau de communication de pièces de la salariée devant la juridiction prud'homale, ce qui ne permet pas d'affirmer qu'elle a bien été renseignée quotidiennement avant le décès de la patiente ; Que l'employeur ajoute, qu'à l'occasion de ses investigations, il s'est aperçu que le PSI ne comprenait pas le nom de l'ensemble des résidents, notamment pour le suivi des selles, de sorte que certains patients ne faisaient pas l'objet de contrôles en la matière ; Qu'ainsi, alors que le suivi des soins par le PSI était placé sous la responsabilité de Mme [I] [W], il a été constaté que sur la période du 27 octobre au 9 novembre 2014, trois résidentes, dépendantes et incontinentes, ne figuraient pas dans le suivi informatique planifié (pièce 12) ; Que Mme [I] [W] répond que seuls certains résidents, classés comme « dépendants » par le médecin coordinateur, devaient faire l'objet d'une surveillance spécifique enregistrée par le PSI et que lorsqu'un résident rencontrait un problème de constipation les aides-soignantes le relevaient sur des fiches dédiées à cet effet ; Que néanmoins, contrairement à ce qu'affirme la salariée, l'analyse des tableaux de surveillance des selles communiqués aux débats (pièce 13 employeur) démontrent que tous les résidents devaient faire l'objet d'un suivi, qu'ils soient autonomes ou dépendants ; qu'au demeurant, il est avéré que le défaut de renseignement dans le PSI, relevé par l'employeur dans la lettre de licenciement, concernait des résidentes dépendantes pour lesquelles un tel suivi devait être assuré ; que le défaut d'alimentation du PSI ne peut être imputable à un problème informatique puisque les informations n'ont pas été enregistrées à une époque où Mme [I] [W] ne rencontrait pas encore de problème sur son ordinateur de bureau ; qu'enfin, la salariée ne peut se retrancher derrière l'argument consistant à avancer que les infirmières et aides-soignantes renseignaient, également, le PSI, dès lors qu'en sa qualité de « coordinatrice » elle avait pour mission de veiller à ce que l'ensemble des informations relatives au suivi des résidents soit enregistrés ; Que les faits qui lui sont reprochés à ce titre sont donc fondés ; Qu'il est aussi fait grief à la salariée de n'avoir pas tenu à jour les plans de soins des résidents figurant dans le PSI et de n'avoir assuré qu'une traçabilité des douches, alors que Mme [I] [W] avait suivi une formation sur le PSI et sur les informations qui devaient être rentrées dans le plan de soins ; Que la salariée se défend en indiquant qu'elle avait mis en place des fiches de suivi des soins, établies pour chaque résident, car les aides-soignantes ne pouvaient pas toujours accéder au logiciel au moment où elles prodiguaient les soins ; qu'elle en verse quelques exemples aux débats (pièces 47 et 48) ; Que la cour observe que les deux documents produits ne concernent que les habitudes alimentaires des résidents pour le mois de février 2013 et une planification des douches pour une période non définie ; qu'il n'est donc pas démontré que ces fiches ont été mises en place tout au long de la relation contractuelle et pour l'ensemble des résidents ; qu'en outre, l'existence de ces fiches ne justifie pas le défaut d'enregistrement des informations relatives aux soins à pratiquer sur les résidents dans le logiciel destiné à cet effet ; Que l'employeur reproche à Mme [I] [W] d'avoir négligé de contrôler les pesées de plusieurs résidents, alors que le poids de toutes les personnes accueillies dans l'établissement devait être surveillé tous les mois, afin de dépister des problèmes de dénutrition ; Qu'ainsi, au moment du contrôle du 12 décembre 2014, l'employeur a constaté que, pour au moins 20 des résidents, la pesée remontait au mois d'octobre 2014, voire à des dates antérieures (pièce 15) ; Que la salariée affirme, pour sa part, que la pesée des résidents était bien effectuée régulièrement et elle relève que les médecins coordinateurs avec lesquels elle a travaillé ne l'ont jamais invitée à revoir ses méthodes de travail ; Mais que là encore, les explications de la salariée ne justifient pas le défaut de renseignement du logiciel de suivi des soins, pour une période antérieure aux dysfonctionnements informatiques qu'elle a pu rencontrer ; Que l'AGESPA fait aussi grief à la salariée de ne pas avoir tenu à jour les dossiers de soins des résidents et d'avoir, ainsi, permis l'administration de traitements, alors que les ordonnances n'étaient plus en cours de validité (pièce 16) ; Que si Mme [I] [W] a reconnu ses torts concernant ce reproche, dans son courrier du 2 avril 2015, elle l'impute à une surcharge de travail ; Que pour autant, la salariée ne produit aucun élément permettant de la caractériser (comme une lettre de signalement auprès de sa hiérarchie) et d'excuser le fait qu'elle ait laissé administrer aux résidents de l'établissement des traitements qui n'étaient plus d'actualité ; Qu'enfin, il est reproché à Mme [I] [W] d'avoir laissé les aides-soignantes installer des barrières de lit à certains résidents, en dépit de toute prescription médicale, entravant leur liberté d'aller et venir ; Que la salariée n'articule aucune explication pour répondre à ce grief mais elle produit des attestations de membres du personnel médical et de familles de résidents témoignant de ses qualités professionnelles et humaines (pièces 17 à 35) ; qu'elle ajoute, qu'à supposer qu'un défaut d'organisation puisse être retenu à son encontre, l'association appelante aurait pu se borner à lui adresser une sanction de moindre degré, compte tenu de ses états de service et d'un passé disciplinaire vierge de toute sanction ; Mais que la cour retient, qu'alors qu'il avait rappelé à l'occasion d'un compte rendu de réunion des responsables d'équipe du 8 septembre 2014 (pièce 8 salariée) la nécessité de mettre à jour les dossiers de soins, force est de constater que Mme [I] [W] n'a pas veillé, de manière régulière et rigoureuse, au renseignement du logiciel destiné au suivi des résidents de la structure dont elle était l'infirmière coordinatrice, que ces défaillances ont notamment conduit à l'administration à des résidents de traitements qui n'étaient plus d'actualité et que ces carences dans le suivi auraient pu entraîner des conséquences graves sur la santé de personnes âgées et fragilisées, et la mise en cause de la responsabilité de l'employeur, qu'enfin, les justifications avancées par la salariée, s'agissant de sa surcharge de travail et du dysfonctionnement de son ordinateur ne sont ni avérées, pour la première, ni suffisante, pour la seconde, pour expliquer les fautes qui lui sont reprochées et qui ont perduré durant plusieurs mois ; Qu'il s'ensuit que le licenciement pour faute grave est bien fondé et que les manquements relevés rendaient impossible le maintien de la salariée dans la structure ; Que le jugement sera donc infirmé et la salariée sera déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement, ainsi que de sa demande de délivrance de divers documents sous astreinte et de régularisation près des organismes sociaux » ; 1°ALORS QUE le licenciement fondé sur une violation par l'employeur du principe fondamental du secret médical est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en justifiant le licenciement de Mme [W] prononcé pour faute grave lorsqu'il reposait sur la violation par l'AGESPA du secret médical qui l'avait conduite à se référer aux dossiers médicaux de plusieurs résidents dont la précision de la première lettre du nom ne garantissait pas un parfait anonymat, la cour d'appel a violé les articles L. 1243-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles 226-13 du code pénal et L. 1110-4 du code de santé publique ; 2°ALORS QU' il appartient au juge de rechercher la cause exacte du licenciement ; qu'en ne recherchant pas, en l'espèce, quelle était la cause exacte du licenciement de Mme [W] au regard de circonstances troublantes tenant à la concomitance de l'engagement de la procédure de son licenciement pour faute grave et la proposition par l'employeur d'une rupture conventionnelle ainsi que la nomination à son poste, quelques jours après son licenciement, d'une relation de l'auteur de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail.
Le secret professionnel est institué dans l'intérêt des patients. Il s'agit d'un droit propre au patient instauré dans le but de protéger sa vie privée et le secret des informations le concernant. Un salarié professionnel de santé, participant à la transmission de données couvertes par le secret, ne peut donc se prévaloir, à l'égard de son employeur, d'une violation du secret médical pour contester le licenciement fondé sur des manquements à ses obligations ayant des conséquences sur la santé des patients
7,914
SOC. / ELECT LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 753 F+B Pourvoi n° T 21-60.107 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022 M. [H] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-60.107 contre le jugement rendu le 26 mars 2021 par le tribunal de proximité de Courbevoie (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Fiducial sécurité humaine, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ au syndicat CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 6], 3°/ au syndicat CFTC SNEPS, dont le siège est [Adresse 3], 4°/ au syndicat FO, dont le siège est [Adresse 5], 5°/ au syndicat SUD Solidaires prévention et sécurité sûreté, dont le siège est [Adresse 2], 6°/ au syndicat CGT, dont le siège est [Adresse 7], défendeurs à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. La partie ou son mandataire a produit un mémoire ; Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Fiducial sécurité humaine, après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal de proximité de Courbevoie, 26 mars 2021), la société Fiducial sécurité humaine et les syndicats CFTC, CFE-CGC et SUD Solidaires, ces derniers ayant obtenu plus de 30 % mais pas plus de 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, ont, le 30 septembre 2020, signé un accord collectif d'entreprise dans le cadre de la négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée. 2. Le 23 décembre 2020, les mêmes organisations syndicales ont conclu avec l'employeur un protocole d'accord préélectoral pour consulter les salariés en vue de valider cet accord, en application de l'article L. 2232-12 du code du travail. 3. Lors du scrutin qui s'est déroulé par voie électronique du 29 janvier au 1er février 2021, 667 des 3 262 électeurs inscrits ont voté, 665 suffrages ayant été valablement exprimés et 2 suffrages étant nuls ou blancs. 4. Le 12 février 2021, M. [C] a saisi le tribunal d'une demande tendant, à titre principal, à l'annulation du vote et, à titre subsidiaire, à ce que la caducité du protocole d'accord préélectoral soit constatée. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 6. Le demandeur fait grief au jugement de le débouter de ses demandes, alors « que le protocole électoral signé le 23 décembre 2020 et la note d'information du 11 janvier 2021 envoyée aux salariés ne prévoyant pas la possibilité de pouvoir voter nul ou blanc, les deux salariés qui ont voté blanc ou nul l'ont fait par inadvertance et non par un choix délibéré, ce qui a faussé la sincérité de la consultation ; qu'en retenant que les deux votes blancs et nuls étaient reconnus par la loi, le tribunal a méconnu les principes généraux du droit électoral. » Réponse de la Cour 7. Selon l'article L. 2232-12 du code du travail, la consultation des salariés appelés à se prononcer sur la validation d'un accord d'entreprise non majoritaire, qui peut être organisée par voie électronique, se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l'employeur et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique. L'accord est valide s'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. 8. Il résulte de ce texte et des principes généraux du droit électoral que les salariés ont la faculté d'exprimer un vote blanc ou nul, que le scrutin ait lieu par vote physique ou par voie électronique. 9. Le tribunal a retenu à bon droit qu'il importe peu que le protocole d'accord préélectoral n'ait pas prévu la possibilité du vote blanc et nul, cette faculté, qui n'est prohibée par aucun texte, étant au contraire ouverte à tout électeur en application de sa liberté fondamentale de voter. Il a ainsi légalement justifié sa décision. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fiducial sécurité humaine ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.
Il résulte de l'article L. 2232-12 du code du travail et des principes généraux du droit électoral que, lors de la consultation des salariés appelés à se prononcer sur la validation d'un accord d'entreprise non majoritaire, les salariés ont la faculté d'exprimer un vote blanc ou nul, que le scrutin ait lieu par vote physique ou par voie électronique. Dès lors que cette faculté est ouverte à tout électeur en application de sa liberté fondamentale de voter, il importe peu qu'elle n'ait pas été prévue par le protocole préélectoral
7,915
SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation partielle sans renvoi M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 757 F-B Pourvoi n° D 21-13.312 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022 La société Kohler France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 21-13.312 contre le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 3 mars 2021 par le président du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier, dans le litige l'opposant : 1°/ au comité social et économique de l'établissement de [Localité 4] de la société Kohler France, dont le siège est [Adresse 6], 2°/ à M. [K] [R], domicilié [Adresse 2], pris en qualité de secrétaire du comité social et économique de l'établissement de [Localité 4], 3°/ à la société Secafi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Kohler France, de la SCP Didier et Pinet, avocat du comité social et économique de l'établissement de [Localité 4] de la société Kohler France et de M. [R], ès qualités, après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier, 3 mars 2021), statuant selon la procédure accélérée au fond, la société Kohler France (la société) est constituée d'un siège social, de trois sites de production dont un à [Localité 4], d'un site de montage et de recherche et développement à Reims et d'un centre de distribution. 2. Envisageant, suite à des difficultés économiques, la réorganisation de l'activité conduisant notamment à l'arrêt de l'activité sur les sites de [Localité 4] et [Localité 5], la société a engagé la consultation des comités sociaux et économiques au niveau central et au niveau des établissements. 3. Lors de la réunion du comité social et économique central, qui s'est tenue le 2 décembre 2020, ce dernier a désigné un expert en application des dispositions de l'article L. 1233-34 du code du travail. 4. Lors d'une réunion extraordinaire qui s'est tenue le 21 décembre 2020, le comité social et économique de l'établissement de [Localité 4] a désigné le cabinet SECAFI en qualité d'expert sur le fondement de l'article L. 2315-92, I, 2°, dans le cadre du droit d'alerte économique. 5. Par acte d'huissier du 29 décembre 2020, la société a assigné le comité social et économique de l'établissement de [Localité 4] aux fins d'annulation de la délibération du 21 décembre 2020. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La société fait grief au jugement de mettre hors de cause M. [R] pris en sa qualité de secrétaire du comité social et économique de l'établissement de [Localité 4], et de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « qu'au sein des entreprises divisées en établissements distincts, le comité social et économique central exerce les attributions qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement ; que l'exercice du droit d'alerte économique prévu à l'article L. 2312-63 du code du travail étant subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, les comités sociaux et économiques d'établissements ne sont pas investis de cette prérogative qui appartient au seul comité social et économique central ; qu'au cas présent, après avoir constaté que la procédure d'alerte économique litigieuse avait été mise en oeuvre par le CSE d'établissement de [Localité 4], lequel n'est pas investi de cette prérogative, le tribunal a néanmoins refusé d'annuler la délibération du 21 décembre 2020 par laquelle le CSE d'établissement de [Localité 4] a décidé de recourir à une expertise-comptable dans le cadre d'une procédure de droit d'alerte économique aux motifs inopérants que ‘‘le comité central d'entreprise n'a pas mis en oeuvre la procédure d'alerte économique'', que la restructuration de la société Kohler France ‘‘aura des conséquences directes sur l'établissement de [Localité 4]'', ce dont il a déduit ‘‘le caractère préoccupant de la situation économique de l'entreprise, condition nécessaire et suffisante de la mise en oeuvre du droit d'alerte'' ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il avait constaté que la procédure d'alerte économique litigieuse avait été mise en oeuvre par le CSE d'établissement de [Localité 4], lequel n'est pas investi de cette prérogative, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 2316-1, L. 2312-63, L. 2312-64 et L. 2315-92 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 2316-1, L. 2312-63, L. 2312-64, L. 2315-92, I, 2°, du code du travail. 7. Dans les entreprises divisées en établissements distincts, l'exercice du droit d'alerte prévu à l'article L. 2312-63 du code du travail étant subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, les comités sociaux et économiques d'établissement ne sont pas investis de cette prérogative qui appartient au seul comité social et économique central. 8. Pour débouter la société de ses demandes, le jugement retient que lorsque le comité social et économique central n'a pas mis en oeuvre la procédure d'alerte économique, un comité social et économique d'établissement peut exercer la procédure d'alerte économique s'il justifie de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, ce qui est le cas en l'espèce, la société invoquant la nécessité d'une restructuration ayant des conséquences directes sur le site de l'établissement de [Localité 4] dont le principe de la fermeture a été arrêté et la recherche d'un repreneur mise en oeuvre dans le cadre du plan d'ajustement des effectifs compris comme un plan de licenciement collectif. 9. En statuant ainsi, le président du tribunal judiciaire a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il met hors de cause M. [R], pris en sa qualité de secrétaire du comité social et économique de l'établissement de [Localité 4], le jugement rendu le 3 mars 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier, statuant selon la procédure accélérée au fond ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ANNULE la délibération du comité social et économique de l'établissement de [Localité 4] de la société Kohler France en date du 21 décembre 2020 portant sur le recours à une expertise dans le cadre de l'exercice d'une procédure d'alerte économique au sein du comité social et économique de l'établissement de [Localité 4] de la société Kohler France ; Déclare la présente décision opposable à la société SECAFI ; Condamne le comité social et économique de l'établissement de [Localité 4] de la société Kohler France aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le président du tribunal judiciaire de Lons-le-Saulnier ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Kohler France La société Kohler France fait grief au jugement attaqué d'AVOIR mis hors de cause M. [K] [R] pris en sa qualité de secrétaire du comité social et économique de l'établissement de [Localité 4] et d'AVOIR débouté la société Kohler de l'ensemble de ses demandes ; 1. ALORS QU'au sein des entreprises divisées en établissements distincts, le comité social et économique central exerce les attributions qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement ; que l'exercice du droit d'alerte économique prévu à l'article L. 2312-63 du code du travail étant subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, les comités sociaux et économiques d'établissements ne sont pas investis de cette prérogative qui appartient au seul comité social et économique central ; qu'au cas présent, après avoir constaté que la procédure d'alerte économique litigieuse avait été mise en oeuvre par le CSE d'établissement de [Localité 4], lequel n'est pas investi de cette prérogative, le tribunal a néanmoins refusé d'annuler la délibération du 21 décembre 2020 par laquelle le CSE d'établissement de [Localité 4] a décidé de recourir à une expertise-comptable dans le cadre d'une procédure de droit d'alerte économique aux motifs inopérants que « le comité central d'entreprise n'a pas mis en oeuvre la procédure d'alerte économique », que la restructuration de la société Kohler France « aura des conséquences directes sur l'établissement de [Localité 4] », ce dont il a déduit « le caractère préoccupant de la situation économique de l'entreprise, condition nécessaire et suffisante de la mise en oeuvre du droit d'alerte » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il avait constaté que la procédure d'alerte économique litigieuse avait été mise en oeuvre par le CSE d'établissement de [Localité 4], lequel n'est pas investi de cette prérogative, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 2316-1, L. 2312-63, L. 2312-64 et L. 2315-92 du code du travail ; 2. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'à supposer même qu'un CSE d'établissement puisse invoquer une « carence » du CSE Central pour prétendre mettre en oeuvre un droit d'alerte économique, une telle carence ne saurait résulter du seul fait que le CSE Central n'a pas mis en oeuvre ladite procédure d'alerte économique et, en tout état de cause, ne saurait être caractérisée lorsque le CSE Central a décidé, dans le cadre de ses prérogatives propres, de recourir à des expertises sur d'autres fondements juridiques ; qu'au cas présent, il était acquis aux débats que le CSE central avait, lors de la réunion du 2 décembre 2020, décidé, dans le cadre de la procédure de projet de plan d'ajustement des effectifs, de désigner un expert-comptable pour l'assister dans le cadre de la procédure de licenciements collectifs pour motif économique, conformément aux articles L. 1233-34 et L. 2315-92 du code du travail, désigné un expert-comptable pour l'assister dans la recherche de repreneur pour les sites de [Localité 5] et de [Localité 4] et désigné ce même expert pour assister les organisations syndicales centrales dans la négociation du PSE (production n° 7, conclusions de la société, p. 11) ; qu'il en résultait que le CSE de l'établissement de [Localité 4] n'était pas fondé à invoquer une prétendue « carence » du CSE central pour s'arroger les prérogatives de celui-ci en matière d'alerte économique ; qu'en se fondant toutefois sur l'absence de mise en oeuvre d'une procédure d'alerte économique par le CSE central de la société Kohler France, malgré une situation préoccupante de l'entreprise, pour considérer que le CSE de l'établissement de [Localité 4] était compétent pour engager cette procédure, le tribunal a de plus fort violé les articles L. 2316-1, L. 2312-63, L. 2312-64 et L. 2315-92 du code du travail.
Dans les entreprises divisées en établissements distincts, l'exercice du droit d'alerte prévu à l'article L. 2312-63 du code du travail étant subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, les comités sociaux et économiques d'établissement ne sont pas investis de cette prérogative qui appartient au seul comité social et économique central. Viole dès lors les articles L. 2316-1, L. 2312-63, L. 2312-64 et L. 2315-92, I, 2°, du code du travail le tribunal judiciaire qui retient que lorsque le comité social et économique central n'a pas mis en oeuvre la procédure d'alerte économique, un comité social et économique d'établissement peut exercer la procédure d'alerte économique s'il justifie de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise
7,916
SOC. / ELECT LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 759 F-B Pourvoi n° T 20-21.992 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022 Le syndicat SUD commerces et services Île-de-France, dont le siège est [Adresse 71], a formé le pourvoi n° T 20-21.992 contre le jugement rendu le 3 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société 44 Galeries Lafayette, dont le siège est [Adresse 51], 2°/ au syndicat CGT des employés ouvriers démonstrateurs, agents de maitrise et cadres des Galeries Lafayette, dont le siège est [Adresse 62], 3°/ à la société Galeries Lafayette Haussmann, dont le siège est [Adresse 36], 4°/ à la société Galeries Lafayette voyages, dont le siège est [Adresse 36], 5°/ à la société Galeries Lafayette L'Académie, dont le siège est [Adresse 36], 6°/ à la société Groupe Galeries Lafayette services, dont le siège est [Adresse 64], 7°/ à la Fédération CFDT des services Tour Essor, dont le siège est [Adresse 20], 8°/ à la Fédération CFTC commerces, services et force de vente, dont le siège est [Adresse 42], 9°/ au Syndicat national encadrement du commerce CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 73], 10°/ au syndicat CGT des Galeries Lafayette, dont le siège est [Adresse 62], 11°/ à la Fédération des employés et cadres commerce CGT-FO, dont le siège est [Adresse 17], 12°/ à Mme [DD] [R], domiciliée [Adresse 68], 13°/ à Mme [OJ] [PZ], domiciliée [Adresse 28], 14°/ à Mme [YP] [UH], domiciliée [Adresse 72], 15°/ à M. [FB] [CP], domicilié [Adresse 19], 16°/ à Mme [IJ] [TS], domiciliée [Adresse 43], 17°/ à Mme [Y] [NU], domiciliée [Adresse 44], 18°/ à Mme [GD] [A], domiciliée [Adresse 14], 19°/ à M. [JK] [FP], domicilié [Adresse 24], 20°/ à M. [IX] [UV], domicilié [Adresse 77], 21°/ à M. [EH] [OI], domicilié [Adresse 41], 22°/ à Mme [VI] [YR], domiciliée [Adresse 40], 23°/ à M. [N] [CW], domicilié [Adresse 59], 24°/ à Mme [M] [NH], domiciliée [Adresse 9], 25°/ à M. [DE] [HF], domicilié [Adresse 49], 26°/ à M. [YC] [GR], domicilié [Adresse 21], 27°/ à Mme [RN] [H], domiciliée [Adresse 33], 28°/ à M. [ZD] [P], domicilié chez Mme [SP], [Adresse 10], 29°/ à Mme [EA] [K], domiciliée [Adresse 15], 30°/ à M. [ZS] [JZ], domicilié [Adresse 61], 31°/ à Mme [LR] [II], domiciliée [Adresse 12], 32°/ à M. [V] [WZ], domicilié [Adresse 29], 33°/ à M. [IY] [MT], domicilié [Adresse 2], 34°/ à M. [UU] [MD], domicilié [Adresse 50], 35°/ à Mme [RN] [GT], domiciliée [Adresse 25], 36°/ à l'UES Galeries Lafayette Haussmann, dont le siège est [Adresse 51], 37°/ à l'association Galeries Lafayette L'Académie, dont le siège est [Adresse 36], 38°/ à l'union départementale UNSA Paris UNSA, dont le siège est [Adresse 7], 39°/ à Mme [F] [J], domiciliée [Adresse 54], 40°/ à Mme [BA] [J], domiciliée [Adresse 54], 41°/ à M. [GS] [X], domicilié [Adresse 3], 42°/ à M. [GS] [Z], domicilié [Adresse 31], 43°/ à Mme [CO] [B], domiciliée [Adresse 46], 44°/ à M. [FR] [G], domicilié [Adresse 76], 45°/ à M. [L] [JY], domicilié [Adresse 74], 46°/ à Mme [E] [C], domiciliée [Adresse 45], 47°/ à M. [T] [U], domicilié [Adresse 57], 48°/ à M. [YO] [UG], domicilié [Adresse 75], 49°/ à M. [SO] [AS], domicilié [Adresse 18], 50°/ à M. [LC] [LP], domicilié [Adresse 70], 51°/ à M. [UW] [HG], domicilié [Adresse 52], 52°/ à Mme [W] [KN], domiciliée [Adresse 16], 53°/ à M. [HV] [NV], domicilié [Adresse 35], 54°/ à M. [IH] [SC], domicilié [Adresse 48], 55°/ à M. [PK] [CX], domicilié [Adresse 37], 56°/ à Mme [O] [WL], domiciliée1 [Adresse 79], 57°/ à M. [AJ] [PL], domicilié [Adresse 47], 58°/ à M. [S] [LB], domicilié [Adresse 32], 59°/ à Mme [ZE] [XA], domiciliée [Adresse 38], 60°/ à M. [UF] [GE], domicilié [Adresse 53], 61°/ à M. [PK] [MS], domicilié [Adresse 58], 62°/ à Mme [FC] [HU], domiciliée [Adresse 56], 63°/ à Mme [NF] [JL], domiciliée [Adresse 26], 64°/ à Mme [VX] [SB], domiciliée [Adresse 67], 65°/ à M. [ME] [TT], domicilié [Adresse 55], 66°/ à M. [ZT] [AN], domicilié [Adresse 30], 67°/ à Mme [IX] [KM], domiciliée [Adresse 34], 68°/ à Mme [FO] [DL], domiciliée [Adresse 60], 69°/ à Mme [NF] [SR], domiciliée [Adresse 63], 70°/ à Mme [XN] [KA], domiciliée [Adresse 23], 71°/ à M. [AV] [IW], domicilié [Adresse 1], 72°/ à Mme [TE] [DT], domiciliée [Adresse 22], 73°/ à M. [OX] [DY], domicilié [Adresse 4], 74°/ à Mme [D] [WK], domiciliée [Adresse 65], 75°/ à Mme [RA] [AT], domiciliée [Adresse 5], 76°/ à M. [OY] [OW], domicilié [Adresse 78], 77°/ à M. [I] [VW], domicilié [Adresse 27], 78°/ à M. [RM] [LO], domicilié [Adresse 8], 79°/ à M. [TD] [ZF], domicilié [Adresse 13], 80°/ à Mme [VJ] [TF], domiciliée [Adresse 66], 81°/ à M. [NG] [RO], domicilié chez Mme [DR], [Adresse 6], 82°/ à Mme [HH] [VY], domiciliée [Adresse 39], 83°/ à M. [AW] [OH], domicilié [Adresse 69], 84°/ à Mme [YB] [WM], domiciliée [Adresse 11], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du syndicat SUD commerces et services Île-de-France, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés 44 Galeries Lafayette, Galeries Lafayette Haussmann, Galeries Lafayette voyages, Galeries Lafayette L'Académie, Groupe Galeries Lafayette services et de l'association Galeries Lafayette L'Académie, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué et les productions (tribunal judiciaire de Paris, 3 novembre 2020), les élections au comité social et économique de l'unité économique et sociale Galeries Lafayette Haussmann, regroupant les sociétés 44 Galeries Lafayette, Galeries Lafayette Haussmann, Galeries Lafayette voyages, et Groupe Galeries Lafayette services, et l'association Galeries Lafayette L'Académie, ont été organisées courant octobre 2019 par recours au vote électronique, suivant un accord collectif conclu le 30 mai 2018 et des modalités prévues par un protocole d'accord préélectoral conclu le 1er août 2019. 2. Par requêtes des 29 octobre et 12 novembre 2019, le syndicat SUD commerces et services Île-de-France, invoquant diverses irrégularités, a sollicité du tribunal d'instance l'annulation de l'élection au premier tour des membres titulaires et suppléants des trois collèges, l'annulation de l'élection au second tour des membres du premier collège et l'organisation d'un nouveau scrutin. Examen des moyens Sur les trois premiers moyens 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 4. Le syndicat fait grief au jugement de le débouter de sa demande d'annulation, alors « que dès l'établissement du procès-verbal des opérations électorales, le résultat est proclamé en public par le président du bureau de vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote ; qu'en retenant pour rejeter la demande d'annulation du premier tour des élections qu'il est justifié par l'employeur que les résultats ont bien été proclamés et que les résultats ont été imprimés par les membres du bureau de vote dès l'issue des opérations de dépouillement électronique en présence des délégués de liste, affichés puis largement diffusés au sein de l'entreprise à destination de l'ensemble du personnel conformément au protocole préélectoral, cependant que l'affichage des résultats puis leur large diffusion dans l'entreprise ne sauraient pallier l'absence d'affichage des résultats dans la salle de vote, peu important le recours au vote électronique, le tribunal d'instance a violé l'article R. 67 du code électoral, ensemble les principes généraux du droit électoral. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article R. 67 du code électoral, immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des opérations électorales est rédigé dans la salle de vote, en présence des électeurs, en deux exemplaires signés de tous les membres du bureau. Dès l'établissement du procès-verbal, le résultat est proclamé en public par le président du bureau de vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote. 6. En matière d'élections professionnelles, est conforme au principe de publicité du scrutin garanti par ce texte, la publication du résultat par affichage dans la salle de vote ou par tout moyen permettant l'accessibilité de ce résultat, dès sa proclamation, à l'ensemble du personnel au sein de l'entreprise. 7. Le jugement constate qu'en l'absence de salle de vote, le bureau de vote s'est réuni pour dépouiller les résultats, que ceux-ci ont été imprimés dès l'issue des opérations de dépouillement électronique en présence des délégués de liste, affichés puis largement diffusés au sein de l'entreprise à destination de l'ensemble du personnel. 8. Le tribunal judiciaire a déduit à bon droit de ces constatations que les conditions de publication des résultats étaient régulières. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 10. Le syndicat fait grief au jugement de le débouter de sa demande d'annulation du second tour des élections professionnelles, alors « que l'annulation du premier tour des élections contestées entraîne nécessairement celle du second ; que dès lors en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur l'un des quatre premiers moyens portant sur la régularité du premier tour des élections entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt relatif à la demande d'annulation du second tour des élections. » Réponse de la Cour 11. Le rejet des quatre premiers moyens prive de portée ce moyen fondé sur une cassation par voie de conséquence. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour le syndicat SUD commerces et services Île-de-France PREMIER MOYEN DE CASSATION Le syndicat Sud Commerces et Services Ile de France fait grief au jugement attaqué de l'avoir déclaré forclos en sa contestation relative à l'absence d'inscription de trois salariés déterminés qui sont des salariés mis à disposition sur la liste électorale, alors : 1°) que l'objet des parties est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; qu'en retenant, pour déclarer le syndicat exposant forclos en sa contestation, qu'en l'espèce et contrairement à ce qu'il allègue, le syndicat Sud ne contestait pas l'inscription d'une catégorie entière de personnel mais l'absence d'inscription de trois salariés déterminés qui sont des salariés mis à disposition, alors pourtant que ce sont les sociétés composant l'UES Galeries Lafayette Haussmann qui ont affirmé que les difficultés concernant la prise en compte des salariés mis à disposition ne concernaient que trois d'en eux, le syndicat exposant soutenant au contraire que la consultation des coupons-réponses au service RH avait permis de constater de nombreuses irrégularités et dénonçait le refus de l'employeur de communiquer la liste d'émargement prévue à l'article 7.2 qui aurait permis de s'assurer que les courriers avaient bien été remis à l'ensemble des salariés mis à disposition dans un délai leur permettant d'exprimer leur choix dans les conditions prévues par le protocole électoral, le tribunal judiciaire a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Le syndicat Sud Commerces et Services Ile de France fait grief au jugement attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'annulation de l'ensemble des collèges du premier tour des élections professionnelles au sein de l'UES Galeries Lafayette Haussmann, alors : 1°) que le jugement doit être motivé ; qu'en déboutant le syndicat exposant de sa demande d'annulation du premier tour des élections professionnelles, sans répondre aux conclusions, pourtant déterminantes pour l'issue du litige, faisant valoir qu'un mail d'incitation au vote avait été adressé par l'employeur aux seuls salariés du siège social ([Adresse 51]), principalement des cadres et des agents de maîtrise, et non à l'ensemble des salariés des entreprises composant l'UES Galeries Lafayette Haussmann, le tribunal judiciaire a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) que les irrégularités directement contraires aux principes généraux du droit électoral constituent une cause d'annulation des élections indépendamment de leur influence sur le résultat des élections ; que l'obligation de neutralité de l'employeur est un principe essentiel du droit électoral ; qu'en retenant, pour débouter le syndicat exposant de sa demande d'annulation de ce chef, que l'envoi d'un message « pop-up » d'incitation à voter réapparaissant toutes les heures sur les écrans des salariés disposant d'un ordinateur dans le cadre de leurs fonctions était prévu par le protocole d'accord préélectoral qui prévoyait expressément en son article 13 que « les électeurs peuvent voter pendant leur temps de travail ; une sensibilisation sera effectuée sur ce point au sein de l'entreprise ainsi que sur les modalités d'accès au point de vote » et partant la possibilité pour l'employeur de rappeler l'importance de la participation au vote, lorsque cet article, relatif aux dates, horaires et lieux des points de vote (lieux où plusieurs ordinateurs sont mis à la disposition des électeurs), concernait exclusivement les salariés qui ne disposaient pas d'un ordinateur dans le cadre de leurs fonctions et devaient se rendre dans un point de vote pour voter, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé, ensemble les principes généraux du droit électoral ; 3°) que les irrégularités directement contraires aux principes généraux du droit électoral constituent une cause d'annulation des élections indépendamment de leur influence sur le résultat des élections ; que l'obligation de neutralité de l'employeur est un principe essentiel du droit électoral ; qu'en retenant, pour débouter le syndicat exposant de sa demande d'annulation de ce chef, que tous les salariés appartenant au premier collège disposant d'un ordinateur dans le cadre de leurs fonctions avaient été destinataires des messages pop-up, sans s'expliquer sur le fait que la grande majorité des salariés appartenant au premier collège ne disposaient pas d'un tel équipement, ce qui était de nature à fausser le scrutin en raison de l'inégal accès au message d'incitation à voter, le tribunal judiciaire a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 2314-29 du code du travail et des principes généraux du droit électoral ; 4°) que le jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter toute violation de l'obligation de neutralité de l'employeur, que le changement d'affectation du candidat tête de liste du syndicat exposant en pleine campagne électorale n'avait pas entraîné d'éloignement géographique ni de changement de lieu de travail puisqu'il est passé au sein même du magasin Haussmann du 3e étage Coupole au 2ème étage de l'Homme, sans préciser les éléments lui permettant de retenir que le changement d'affectation n'avait pas entraîné de changement de lieu de travail, ce que contestait le syndicat exposant qui soutenait au contraire que les deux lieux de travail étaient situés dans des bâtiments distincts, le tribunal d'instance a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) que le jugement doit être motivé ; qu'en déboutant le syndicat exposant de sa demande d'annulation du premier tour des élections professionnelles pour violation de l'obligation de neutralité, sans répondre à ses conclusions, pourtant déterminantes pour l'issue du litige, faisant valoir que le changement des conditions de travail à son candidat tête de liste, imposé au salarié protégé, caractérisait une manoeuvre de l'employeur destinée à influencer les résultats électoraux, le tribunal judiciaire a violé l'article 455 du code de procédure civile ; TROISIEME MOYEN DE CASSATION Le syndicat Sud Commerces et Services Ile de France fait grief au jugement attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'annulation de l'ensemble des collèges du premier tour des élections professionnelles au sein de l'UES Galeries Lafayette Haussmann, alors : 1°) que la non-distribution à certains salariés de leurs clés de vote électronique est de nature à entrainer l'annulation de l'élection dès lors que cette irrégularité est susceptible d'influer sur les résultats du scrutin, notamment la représentativité des organisations syndicales ; qu'en se bornant à relever, pour débouter le syndicat exposant de sa demande d'annulation du premier tour des élections professionnelles, après avoir constaté qu'il résultait de l'attestation du prestataire e-votez que sur les 89 électeurs du premier collège concernés par le renvoi des clés de vote 46 avaient effectivement voté lors du premier tour, que les syndicats ne démontrent nullement que de très nombreux salariés s'étaient trouvés dans l'impossibilité de participer au scrutin, sans rechercher, comme il y était pourtant invité par le syndicat exposant, si l'absence de réception de leurs clés de vote par certains salariés du premier collège avait pu avoir une incidence sur la représentativité du syndicat exposant qui n'avait pas accéder à la représentativité à 10 voix près, le tribunal judiciaire a entaché da décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 2314-29 du code du travail et des principes généraux du droit électoral ; QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Le syndicat Sud Commerces et Services Ile de France fait grief au jugement attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'annulation de l'ensemble des collèges du premier tour des élections professionnelles au sein de l'UES Galeries Lafayette Haussmann, alors : 1°) que dès l'établissement du procès-verbal des opérations électorales, le résultat est proclamé en public par le président du bureau de vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote ; qu'en retenant pour rejeter la demande d'annulation du premier tour des élections qu'il est justifié par l'employeur que les résultats ont bien été proclamés et que les résultats ont été imprimés par les membres du bureau de vote dès l'issue des opérations de dépouillement électronique en présence des délégués de liste, affichés puis largement diffusés au sein de l'entreprise à destination de l'ensemble du personnel conformément au protocole pré-électoral, cependant que l'affichage des résultats puis leur large diffusion dans l'entreprise ne sauraient pallier l'absence d'affichage des résultats dans la salle de vote, peu important le recours au vote électronique, le tribunal d'instance a violé l'article R. 67 du code électoral, ensemble les principes généraux du droit électoral ; CINQUIEME MOYEN DE CASSATION Le syndicat Sud Commerces et Services Ile de France fait grief au jugement attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'annulation du second tour des élections professionnelles au sein de l'UES Galeries Lafayette Haussmann, alors : 1°) que l'annulation du premier tour des élections contestées entraîne nécessairement celle du second ; que dès lors en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur l'un des quatre premiers moyens portant sur la régularité du premier tour des élections entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt relatif à la demande d'annulation du second tour des élections.
Selon l'article R. 67 du code électoral, immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des opérations électorales est rédigé dans la salle de vote, en présence des électeurs, en deux exemplaires signés de tous les membres du bureau. Dès l'établissement du procès-verbal, le résultat est proclamé en public par le président du bureau de vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote. En matière d'élections professionnelles, est conforme au principe de publicité du scrutin garanti par ce texte, la publication du résultat par affichage dans la salle de vote ou par tout moyen permettant l'accessibilité de ce résultat, dès sa proclamation à l'ensemble du personnel au sein de l'entreprise
7,917
SOC. CDS COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 760 F-B Pourvoi n° H 21-10.509 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022 La société Sodelitt I, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 21-10.509 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [R] [B], domiciliée [Adresse 1], 2°/ au syndicat CDSL, dont le siège est [Adresse 2], 3°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Sodelitt I, après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Sodelitt I du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 décembre 2020), statuant en référé, la société Sodelitt I (la société) fait partie d'une unité économique et sociale dénommée UES [T] (l'UES), regroupant treize restaurants sous l'enseigne Mac Donald's. La société a engagé Mme [B] selon contrat à durée indéterminée à compter du 22 janvier 2017, en qualité d'équipière polyvalente. 3. Par lettre du 27 juin 2019 remise par huissier de justice, le syndicat coordination démocratique syndicat libre (le syndicat) a notifié à M. [T], en qualité de représentant légal des sociétés de l'UES [T], AIM, la désignation de la salariée comme représentante de section syndicale au sein de l'UES. Le même jour, la société a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement. 4. Licenciée pour faute grave le 8 août 2019, la salariée a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir sa réintégration et des dommages-intérêts pour violation du statut protecteur attaché à son mandat syndical. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La société fait grief à l'arrêt de constater l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant du licenciement mis en oeuvre sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail, de lui enjoindre en conséquence de réintégrer la salariée sous astreinte et de la condamner en outre à payer à la salariée certaines sommes à titre de provision sur dommages-intérêts, sur rappel de salaires et congés payés, alors : « 1°/ que, pour être opposable à un chef d'établissement membre d'une unité économique et sociale, la désignation au sein de cette unité d'un représentant d'une section syndicale doit lui avoir été notifiée ; que, pour juger que le statut protecteur de Mme [B] aurait dû être respecté par la société Sodelitt 1, la cour d'appel énonce tour à tour que ''la mention de la société AIM comme destinataire du courrier (…) résulte d'une erreur et ne saurait invalider la désignation critiquée'', que ''la notification de la désignation pouvait être valablement faite au président commun des entités composant cette unité'' qui en serait le ''représentant légal'' mais aussi que ''sur la validité de la signification de l'acte du 27 juin 2019 faite à M. [O] [F] il convient de retenir que celui-ci, anciennement salarié de la société AIM ne l'était plus au moment de l'acte'' ; la cour d'appel a ainsi statué par des motifs contradictoires et inintelligibles, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ qu'une unité économique et sociale, dépourvue de personnalité morale et de représentant légal, n'a pas la qualité d'employeur ; qu'il en résulte que la désignation du représentant d'une section syndicale en son sein n'est opposable à un employeur, chef de l'un des établissements qui la composent, qu'à la condition qu'elle lui ait été notifiée ; qu'en jugeant que la désignation critiquée a été valablement signifiée à M. [E] [T], qu'elle qualifie de ''représentant légal de l'UES [T]'' ou de ''président commun des entités'', sans constater que cette désignation avait bien été portée à la connaissance du chef d'établissement habilité à procéder au licenciement de la salariée, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 2142-1-1, L. 2143-7 et L. 2411-3 du code du travail ; 3°/ que l'unité économique et sociale n'ayant pas la qualité d'employeur, il convenait, pour constater la violation du statut protecteur par l'employeur de Mme [B], de s'assurer qu'au moment de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement, cet employeur ou son représentant habilité à procéder au licenciement avait bien eu connaissance de la désignation de la salariée en qualité de représentante d'une section syndicale au sein de l'unité économique et sociale, sans qu'une désignation signifiée le même jour à une adresse différente de la sienne et réceptionnée par une personne étrangère à la société employeur, puisse permettre de présumer cette connaissance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que l'employeur avait bien eu personnellement connaissance de la désignation au moment de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-2 et L. 2411-3 du code du travail ; 4°/ que la contestation portant sur le point de départ du statut protecteur de la salariée et sa concomitance avec l'envoi de la lettre de convocation est une contestation sérieuse, exclusive de toute compétence de la formation de référé prud'homal ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions des articles R. 1455-5 à R. 1455-7 du code du travail. » Réponse de la Cour 6. La désignation d'un délégué syndical ou d'un représentant de section syndicale au sein d'une unité économique et sociale déjà reconnue est valablement notifiée à une seule personne lorsque celle-ci a la qualité de président des entités juridiques composant l'unité économique et sociale. 7. Ayant d'abord relevé que la désignation avait été notifiée à M. [T], président commun des entités composant l'UES, ce dont il résultait que cette notification, faite à une personne ayant qualité pour représenter l'ensemble des sociétés composant l'UES, emportait nécessairement connaissance de la désignation par les représentants légaux de ces sociétés, la cour d'appel a retenu à bon droit que la désignation était régulière et opposable à la société Sodelitt I dès sa notification. 8. Ayant ensuite constaté que la salariée avait été licenciée sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail, alors que la notification de la désignation avait été faite avant l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, de sorte que la salariée bénéficiait du statut protecteur avant l'engagement de la procédure de licenciement, la cour d'appel a pu en déduire, sans excéder ses pouvoirs, l'existence d'un trouble manifestement illicite. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Sodelitt I aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sodelitt I ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Sodelitt I La société Sodelitt 1 fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant du licenciement de Madame [R] [B] le 8 août 2019 mis en oeuvre sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail, de l'AVOIR enjoint en conséquence de réintégrer la salariée sous astreinte de 300 euros par jour de retard constaté huit jours après la signification de sa décision et de l'AVOIR condamnée en outre à payer à Madame [B] les sommes de 1 500 euros à titre de provision sur dommages et intérêts, 8.223,67 euros à titre de provision sur rappel de salaires outre 822,36 euros au titre des congés payés et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, enfin, à payer au syndicat CDSL la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ; ALORS DE PREMIÈRE PART QUE, pour être opposable à un chef d'établissement membre d'une unité économique et sociale, la désignation au sein de cette unité d'un représentant d'une section syndicale doit lui avoir été notifiée ; que, pour juger que le statut protecteur de Madame [B] aurait dû être respecté par la société Sodelitt 1, la cour d'appel énonce tour à tour que « la mention de la société AIM comme destinataire du courrier (…) résulte d'une erreur et ne saurait invalider la désignation critiquée », que « la notification de la désignation pouvait être valablement faite au président commun des entités composant cette unité » qui en serait le « représentant légal » mais aussi que « sur la validité de la signification de l'acte du 27 juin 2019 faite à Monsieur [O] [F] il convient de retenir que celui-ci, anciennement salarié de la société AIM ne l'était plus au moment de l'acte » ; la cour d'appel a ainsi statué par des motifs contradictoires et inintelligibles, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS DE DEUXIÈME PART QU'une unité économique et sociale, dépourvue de personnalité morale et de représentant légal, n'a pas la qualité d'employeur ; qu'il en résulte que la désignation du représentant d'une section syndicale en son sein n'est opposable à un employeur, chef de l'un des établissements qui la composent, qu'à la condition qu'elle lui ait été notifiée ; qu'en jugeant que la désignation critiquée a été valablement signifiée à Monsieur [E] [T], qu'elle qualifie de « représentant légal de l'UES [T] » ou de « président commun des entités », sans constater que cette désignation avait bien été portée à la connaissance du chef d'établissement habilité à procéder au licenciement de la salariée, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 2142-1-1, L. 2143-7 et L. 2411-3 du code du travail ; ALORS DE TROISIÈME PART QUE l'unité économique et sociale n'ayant pas la qualité d'employeur, il convenait, pour constater la violation du statut protecteur par l'employeur de Madame [B], de s'assurer qu'au moment de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement, cet employeur ou son représentant habilité à procéder au licenciement avait bien eu connaissance de la désignation de la salariée en qualité de représentante d'une section syndicale au sein de l'unité économique et sociale, sans qu'une désignation signifiée le même jour à une adresse différente de la sienne et réceptionnée par une personne étrangère à la société employeur, puisse permettre de présumer cette connaissance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que l'employeur avait bien eu personnellement connaissance de la désignation au moment de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-2 et L. 2411-3 du code du travail ; ALORS DE QUATRIÈME PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE la contestation portant sur le point de départ du statut protecteur de la salariée et sa concomitance avec l'envoi de la lettre de convocation est une contestation sérieuse, exclusive de toute compétence de la formation de référé prud'homal ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions des articles R. 1455-5 à R. 1455-7 du code du travail.
La désignation d'un délégué syndical ou d'un représentant de section syndicale au sein d'une unité économique et sociale déjà reconnue est valablement notifiée à une seule personne lorsque celle-ci a la qualité de président des entités juridiques composant l'unité économique et sociale
7,918
SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation partielle sans renvoi M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 761 F-B sur le 4e moyen Pourvoi n° U 20-22.430 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022 La société Etablissements Mauviel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-22.430 contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2020 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [P] [C], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à Pôle emploi Normandie, dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Etablissements Mauviel, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [C], après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 1er octobre 2020), Mme [C] a été embauchée par la société Établissements Mauviel (la société), en qualité d'assistante commerciale, à compter du 1er août 2010. 2. Elle a été désignée membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. 3. Par requête en date du 26 janvier 2017, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes de résiliation de son contrat de travail et de paiement de diverses sommes. 4. Par lettre du 24 novembre 2017, elle a été licenciée, après autorisation de l'inspecteur du travail, pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Examen des moyens Sur les premier, deuxième et troisième moyens, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le quatrième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de la société au paiement et au remboursement de diverses sommes Enoncé du moyen 6. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, ainsi que « pour licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement) », de lui ordonner de remettre à la salariée les documents de fin de contrat de travail et les bulletins de paie rectifiés, d'ordonner le remboursement des allocations chômage, de la condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre de l'indemnité pour « rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul », alors : « 1°/ que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en prononçant cependant la résiliation judiciaire du contrat de travail et en jugeant qu'elle produisait les effets d'une rupture nulle, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 2°/ que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, remettre en cause la validité du licenciement et donc accorder au salarié des dommages-et-intérêts pour licenciement nul ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en condamnant cependant l'employeur à lui payer la somme de 45 500 euros ''au titre de l'indemnité pour rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul'', la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 3°/ que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, ordonner le remboursement par l'employeur des allocations chômage versées au salarié par Pôle emploi ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après une autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en ordonnant cependant le remboursement par l'employeur des allocations chômage payées à la salariée, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, et l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. » Réponse de la Cour 7. L'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations. A cet égard, si le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, il lui appartient, le cas échéant, de faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse ou de la nullité du licenciement ainsi que d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage. 8. Ayant constaté que, à la suite du harcèlement moral subi par la salariée ayant rendu impossible la poursuite du contrat de travail, celle-ci avait été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement et fait ressortir que cette inaptitude avait pour origine le harcèlement moral dont la salariée avait été victime, la cour d'appel, qui a condamné en conséquence l'employeur à une indemnité pour licenciement nul et à une indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'au remboursement des indemnités de chômage, n'encourt pas les griefs du moyen. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail Enoncé du moyen 10. La société fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, alors « que lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en prononçant cependant la résiliation judiciaire du contrat de travail et en jugeant qu'elle produisait les effets d'une rupture nulle, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. » Réponse de la Cour Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et les articles L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et L. 2411-13 du même code, alors applicable : 11. Lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture. 12. Pour prononcer la résiliation judiciaire, l'arrêt retient qu'a été reconnu le harcèlement moral dont se plaignait la salariée pour certains des agissements de l'employeur et que la gravité de ce manquement rendait impossible la poursuite du contrat de travail et justifiait la rupture de celui-ci. 13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le licenciement de la salariée, préalablement autorisé par l'inspecteur du travail, lui avait été notifié par lettre du 24 novembre 2017, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le cinquième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 14. La société fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il la condamne à payer à la salariée « la somme de 22 750 euros au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement) », alors « que le juge ne peut modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la salariée indiquait que ''l'indemnité de licenciement ayant été versée, elle n'est plus sollicitée'' et ne se référait donc pas à une indemnité fixée par le jugement, mais manifestement à celle perçue à l'occasion du licenciement intervenu postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en affirmant, au soutien de sa décision, que la salariée précisait que l'indemnité de licenciement fixée par le jugement lui a été payée, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l' article 4 du code de procédure civile : 15. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 16. En condamnant la société au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité de licenciement, alors, d'une part, que, dans ses conclusions, la salariée spécifiait que l'indemnité de licenciement ayant été versée, elle n'était plus sollicitée et, d'autre part, qu'un tel chef de demande ne figurait pas au dispositif de ces conclusions, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé le texte susvisé. Portée et conséquence de la cassation 17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail, dit que cette résiliation produit les effets d'une rupture nulle du contrat de travail et condamne la société Établissements Mauviel au paiement de la somme de 22 750 euros « au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement) », l'arrêt rendu le 1er octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; REJETTE la demande de résiliation judiciaire formée par Mme [C] ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Mauviel PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Établissements Mauviel FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait reconnu l'existence d'heures supplémentaires, de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [P] [C] les sommes de 12 417,04 euros au titre des heures supplémentaires, 1 241,70 euros au titre des congés payés y afférents, et en conséquence, de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [P] [C] la somme de 22 749,96 euros au titre du travail dissimulé, d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que Mme [C] a été victime de harcèlement moral, d'AVOIR condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et dit que cette résiliation produisait les effets d'une rupture nulle du contrat de travail, en ce qu'il avait condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] les sommes de 11 374,98 euros au titre de l'indemnité de préavis, 1 137,49 euros au titre des congés payés y afférent, 22 750 euros au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement), en ce qu'il avait ordonné à la société Établissements Mauviel de remettre à Mme [C] les documents de fin de contrat de travail et les bulletins de paie rectifiés, en ce qu'il avait ordonné le remboursement par la société Établissements Mauviel des allocations chômage, d'AVOIR condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] la somme de 45 500 euros au titre de l'indemnité pour rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul, et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Établissements Mauviel des allocations chômage dans la limite de trois mois d'indemnités chômages payés du jour du licenciement au jour du jugement, ALORS QU'un salarié n'a droit au paiement que des heures supplémentaires que s'il démontre qu'elles ont été accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur ou qu'elles ont été rendues nécessaires par les tâches qui lui ont été confiées ; qu'en accordant un rappel d'heures supplémentaires à Mme [C], sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 16 et 19), si ces heures avaient été réalisées avec l'accord au moins implicite de l'employeur, ou si elles étaient nécessaires à la réalisation des tâches confiées à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) La société Établissements Mauviel FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [P] [C] la somme de 22 749,96 euros au titre du travail dissimulé, ALORS QUE la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ; que le caractère intentionnel ne peut se déduire de la simple application d'une clause de forfait illicite ; qu'en l'espèce, pour juger que l'élément intentionnel du travail dissimulé était caractérisé, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la salariée s'était vue appliquer par l'employeur une convention de forfait jours sans que la preuve de l'acceptation d'une telle convention soit rapportée et s'était vue reconnaître la réalisation systématique de 9 heures supplémentaires par semaine (hors congés et jours fériés) d'octobre 2015 à août 2016 sans que ces heures soient rémunérées ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du travail dissimulé, de sorte qu'elle a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (ÉGALEMENT SUBSIDIAIRE) La société Établissements Mauviel FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que Mme [P] [C] a été victime de harcèlement moral, de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [P] [C] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, et en conséquence d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et dit que cette résiliation produisait les effets d'une rupture nulle du contrat de travail, en ce qu'il avait condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] les sommes de 11 374,98 euros au titre de l'indemnité de préavis, 1 137,49 euros au titre des congés payés y afférent, 22 750 euros au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement), en ce qu'il avait ordonné à la société Établissements Mauviel de remettre à Mme [C] les documents de fin de contrat de travail et les bulletins de paie rectifiés, en ce qu'il avait ordonné le remboursement par la société Établissements Mauviel des allocations chômage, d'AVOIR condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] la somme de 45 500 euros au titre de l'indemnité pour rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul, et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Établissements Mauviel des allocations chômage dans la limite de trois mois d'indemnités chômages payés du jour du licenciement au jour du jugement, 1. ALORS QU'il incombe au salarié d'établir la matérialité d'éléments de fait précis, répétés et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral à son égard ; que la réalisation d'un nombre limité d'heures supplémentaires sur quelques mois n'implique pas, à elle seule, l'existence d'une surcharge de travail sur cette période ; qu'en l'espèce, pour affirmer que la salariée établissait la matérialité d'une surcharge de travail entre octobre 2015 et août 2016, la cour d'appel s'est bornée à constater qu'elle avait travaillé sur cette période 9 h par jour, soit 45 h par semaine ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une surcharge de travail sur la période litigieuse, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ; 2. ALORS en outre QUE lorsque le juge estime que les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, il doit examiner si l'employeur prouve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que « la société Établissements Maurel, après avoir promu Mme [C] du poste de manager planification ordonnancement lancement puis à celui de responsable management production, a entrepris une démarche de rationalisation de la production qui a abouti à une rétrogradation de fait en diminuant le périmètre de ses responsabilités et lui imposant l'aval d'un contrôleur de gestion qui n'était pas son supérieur hiérarchique ce qui a eu pour effet de l'isoler et de porter atteinte à son état de santé », pour conclure que cette réduction de responsabilités et la surcharge de travail étaient constitutives de harcèlement moral, sans expliquer en quoi la démarche de rationalisation de la production dont elle constatait l'existence ne constituait pas un élément objectif étranger à tout harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION (ENCORE PLUS SUBSIDIAIRE) La société Établissements Mauviel FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit que cette résiliation produisait les effets d'une rupture nulle du contrat de travail, en ce qu'il avait condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] les sommes de 11 374,98 euros au titre de l'indemnité de préavis, 1 137,49 euros au titre des congés payés y afférent, 22 750 euros au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement), en ce qu'il avait ordonné à la société Établissements Mauviel de remettre à Mme [C] les documents de fin de contrat de travail et les bulletins de paie rectifiés, en ce qu'il avait ordonné le remboursement par la société Établissements Mauviel des allocations chômage, d'AVOIR condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] la somme de 45 500 euros au titre de l'indemnité pour rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul, et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Établissements Mauviel des allocations chômage dans la limite de trois mois d'indemnités chômages payés du jour du licenciement au jour du jugement, 1. ALORS QUE lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en prononçant cependant la résiliation judiciaire du contrat de travail et en jugeant qu'elle produisait les effets d'une rupture nulle, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 2. ALORS QUE lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, remettre en cause la validité du licenciement et donc accorder au salarié des dommages-et-intérêts pour licenciement nul ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en condamnant cependant l'employeur à lui payer la somme de 45 500 euros « au titre de l'indemnité pour rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul », la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 3. ALORS QUE lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, ordonner le remboursement par l'employeur des allocations chômage versées au salarié par Pôle emploi ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la salariée a été licenciée le 24 novembre 2017 après une autorisation de l'inspecteur du travail, décision contre laquelle elle n'a pas exercé de recours ; qu'en ordonnant cependant le remboursement par l'employeur des allocations chômage payées à la salariée, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, et l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. CINQUIÈME MOYEN DE CASSATION La société Établissements Mauviel FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] « la somme de 22 750 euros au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement) », 1. ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, le jugement avait condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 22 750 euros (correspondant à six mois de salaire) au titre du licenciement nul et non à titre d'indemnité de licenciement, la salariée ayant au demeurant sollicité à ce dernier titre, lors de la saisine du conseil de prud'hommes antérieure à son licenciement, la seule somme de 5 263,83 € ; qu'en confirmant le jugement en ce qu'il avait « condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] la somme de 22 750 euros au titre de licenciement nul (en réalité indemnité de licenciement) », la cour d'appel a dénaturé le jugement en violation du principe susvisé ; 2. ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 56), la salariée indiquait que « l'indemnité de licenciement ayant été versée, elle n'est plus sollicitée » et ne se référait donc pas à une indemnité fixée par le jugement, mais manifestement à celle perçue à l'occasion du licenciement intervenu postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en affirmant, au soutien de sa décision, que la salariée précisait que l'indemnité de licenciement fixée par le jugement lui a été payée, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ; 3. ALORS enfin QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motif ; qu'en l'espèce, dans ses motifs, la cour d'appel a énoncé qu'il devait être alloué à la salariée la somme de 45 500 € à titre « d'indemnité au titre de la rupture du licenciement produisant les effets d'un licenciement nul » ; que dans son dispositif, elle a prononcé cette même condamnation mais a en outre confirmé le jugement en ce qu'il avait « condamné la société Établissements Mauviel à payer à Mme [C] la somme de 22 750 euros au titre de licenciement nul » ; qu'en statuant ainsi, elle s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile.
L'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations. A cet égard, si le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, il lui appartient, le cas échéant, de faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse ou de la nullité du licenciement ainsi que d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage
7,919
N° W 21-83.409 F-B N° 00758 ECF 15 JUIN 2022 CASSATION PARTIELLE M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 JUIN 2022 M. [E] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-4, en date du 12 avril 2021, qui, pour association de malfaiteurs en récidive, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement et 5 000 euros d'amende. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [E] [N], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [E] [N] a été poursuivi du chef précité. Les juges du premier degré l'ont condamné à cinq ans d'emprisonnement. 3. M. [N] et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les deux premiers moyens 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le troisième moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [N] coupable du délit d'association de malfaiteurs en état de récidive légale, alors : « 1°/ que la condamnation constitutive du premier terme de la récidive légale doit porter sur un crime ou sur un délit puni de dix ans d'emprisonnement par la loi ; que, pour déterminer la peine légalement encourue, seul doit être pris en considération le quantum prévu par le texte de répression, à l'exclusion de toute aggravation par la circonstance de récidive ; que, dès lors, en déclarant le prévenu coupable d'associations de malfaiteurs « en état de récidive légale pour avoir été condamné par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 13 février 2006 pour des délits punis de dix ans d'emprisonnement », lorsque cette condamnation portait sur des faits de détention sans autorisation d'arme de catégorie un ou quatre en récidive, de fabrication ou détention non autorisées de substances ou d'engins explosifs en récidive et de recel de bien provenant d'un vol en récidive, faits que la loi réprimait d'une peine inférieure à dix ans d'emprisonnement hors la circonstance personnelle de récidive, la cour d'appel a violé l'article 132-9 du code pénal ; 2°/ qu'en affirmant, pour retenir l'état de récidive légale comme circonstance aggravante du délit d'association de malfaiteurs, que par un arrêt du 13 février 2006, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a condamné le prévenu à cinq ans d'emprisonnement « pour des faits de participation à une association de malfaiteurs, de détention sans autorisation d'arme ou munition de catégorie un ou quatre et de fabrication ou détention non autorisés et sans motif légitime en bande organisée de substance élément ou engin meurtrier, incendiaire ou explosif », lorsqu'il ressort de cette décision que M. [N] a été relaxé du premier de ces chefs et que, s'agissant du second, la circonstance aggravante de bande organisée, qui n'était pas même visée à la prévention, n'a pas été retenue à son encontre, la cour d'appel a affirmé un fait en contradiction avec cette décision et a méconnu l'autorité de la chose jugée. » Réponse de la Cour Vu les articles 132-9 du code pénal et 593 du code de procédure pénale : 6. Selon le premier de ces textes, lorsqu'une personne déjà condamnée définitivement pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement par la loi, commet, dans un délai de dix ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la peine, un délit puni de la même peine, le maximum des peines d'emprisonnement et d'amende encourues est doublé. 7. La circonstance aggravante personnelle de récidive ne peut être prise en compte pour la détermination de la peine encourue pour l'infraction qui sert de premier terme à la récidive, seule devant être retenue la peine édictée par la disposition réprimant l'infraction. 8. Il résulte du second de ces textes que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 9. Pour déclarer le demandeur coupable d'association de malfaiteurs en récidive, l'arrêt attaqué énonce qu'il a été condamné, par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 13 février 2006, pour association de malfaiteurs, détention sans autorisation d'armes ou de munitions des première et quatrième catégories, fabrication ou détention non autorisées et sans motif, en bande organisée, de substance, élément ou engin meurtrier, incendiaire ou explosif. 10. En prononçant ainsi, alors qu'il résulte des pièces de procédure que l'arrêt précité du 13 février 2006 avait relaxé le demandeur pour le délit d'association de malfaiteurs en état de récidive légale, et l'avait déclaré coupable de détention illégale d'armes et de munitions des première et quatrième catégories, aggravée et en récidive, de détention illégale d'explosifs en récidive, sans que soit visée la circonstance aggravante de bande organisée, et de recel de vol avec effraction commis en récidive, les dispositions réprimant ces infractions prévoyant des peines inférieures à dix ans d'emprisonnement, en dehors de la récidive, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés et a statué par des motifs pour partie erronés. 11. La cassation est, dès lors, encourue. Portée et conséquences de la cassation 12. La cassation sera prononcée par voie de retranchement en ce qui concerne les dispositions ayant retenu la circonstance aggravante de récidive à l'encontre de M. [N]. 13. La cassation sera prononcée par voie de conséquence sur les peines prononcées à l'encontre de M. [N]. 14. Toutes les autres dispositions, dont la déclaration de culpabilité de M. [N] pour participation à une association de malfaiteurs, sont expressément maintenues. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour : CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 12 avril 2021 : - par voie de retranchement de ses dispositions ayant retenu la circonstance aggravante de récidive en ce qui concerne M. [N], - avec renvoi en ses dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. [N], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze juin deux mille vingt-deux.
La circonstance aggravante personnelle de récidive ne peut être prise en compte pour la détermination de la peine encourue pour l'infraction qui sert de premier terme à la récidive, seule devant être retenue la peine édictée par la disposition réprimant l'infraction
7,920
N° V 21-85.892 F-B N° 00760 ECF 15 JUIN 2022 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 JUIN 2022 M. [K] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 28 septembre 2021, qui, pour infraction à la législation sur les armes, l'a condamné à 4 000 euros d'amende dont 2 000 euros avec sursis et a ordonné une mesure de confiscation. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [K] [B], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [K] [B], fonctionnaire de police, a été interpellé à la suite d'une rixe survenue dans un bar et trouvé porteur d'une arme personnelle, un pistolet Glock, et de deux chargeurs. Il avait, par ailleurs, oublié sur la table où il était assis avant de tenter de prendre la fuite une cinquantaine de cartouches de 9 mm. 3. Licencié dans un club de tir, M. [B] était titulaire d'une autorisation de détention du pistolet Glock, arme de catégorie B. 4. Poursuivi du chef de port d'arme prohibé de catégorie B, M. [B] a été condamné par le tribunal correctionnel à 4 000 euros d'amende avec sursis. 5. M. [B] a relevé appel de cette décision, le ministère public a formé appel incident. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [B] coupable d'avoir, hors de son domicile et sans motif légitime, porté une arme ou un élément essentiel de cette arme ou une munition de catégorie B, alors « que ne commet pas le délit de port d'arme prohibé prévu par l'article 222-54 du code pénal le policier qui porte l'arme personnelle qu'il détient dans des conditions régulières en dehors de son service ; qu'en retenant, pour déclarer M. [B] coupable de ce délit, qu'il portait l'arme personnelle qu'il détenait régulièrement un dimanche alors qu'il se trouvait dans un bar avec des amis après s'être rendu au stand de tir puis chez ses parents, la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4 et 222-54 du code pénal, R. 315-8 du code de la sécurité intérieure, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. Pour déclarer le prévenu coupable de port d'arme prohibé, l'arrêt attaqué retient que les faits n'ont pas été commis pendant le service ou à l'occasion du service, et que le prévenu ne peut en conséquence se prévaloir de l'application de l'article R. 315-8 du code de la sécurité intérieure. 8. En prononçant ainsi, les juges ont justifié leur décision. 9. En effet, l'article L. 315-1 du code de la sécurité intérieure soumet à autorisation la détention et le port d'armes de catégorie B et de leurs munitions. En application de l'article R. 411-3 du même code, les fonctionnaires des services actifs de la police nationale bénéficient d'une telle autorisation, mais elle est limitée à l'arme et aux munitions délivrées par l'administration, comme le prévoit l'article 114-7 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale, sans que ces dispositions puissent être étendues aux armes que ces fonctionnaires peuvent régulièrement détenir, par ailleurs, au titre de la pratique sportive, en application de l'article R. 315-2, 3°, du code de la sécurité intérieure. 10. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. 11. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze juin deux mille vingt-deux.
L'autorisation de port d'arme, donnée aux fonctionnaires de police en application de l'article R. 411-3 du code de sécurité intérieure, s'entend du port de l'arme et des munitions de dotation. Elle ne saurait être étendue aux armes que ces fonctionnaires peuvent légalement transporter au titre de la pratique sportive, conformément à l'article R. 315-2, 3°, du même code
7,921
N° R 21-85.520 F-B N° 00764 ECF 15 JUIN 2022 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 JUIN 2022 M. [W] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 31 août 2021, qui a révoqué sa libération conditionnelle. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [W] [C] a été condamné par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône le 19 septembre 2012, à la peine de quinze ans de réclusion criminelle pour des faits de meurtre, et par le tribunal correctionnel le 5 octobre 2009 à quatre mois d'emprisonnement pour infraction au code de la route. En outre, par décision du 20 décembre 2011, le juge de l'application des peines a ordonné son incarcération pour non-paiement des jours-amende prononcés par le tribunal correctionnel le 9 octobre 2009. 3. Par décision du tribunal de l'application des peines en date du 18 juillet 2019, M. [C] a été admis au bénéfice d'une mesure de placement sous surveillance électronique probatoire à la libération conditionnelle à compter du 24 juillet 2019, la fin de la mesure étant fixée au 31 mai 2021. 4. Par jugement du 20 avril 2021, le juge de l'application des peines a révoqué cette mesure en totalité. 5. M. [C] a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation des articles 592, 712-6, 712-7, 712-13, alinéa 2, et 730 du code de procédure pénale. 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision du juge de l'application des peines ayant révoqué la libération conditionnelle de M. [C], en s'abstenant de relever, au besoin d'office, l'incompétence de cette juridiction, une telle décision relevant de celle du tribunal de l'application des peines. Réponse de la Cour 8. L'arrêt attaqué a confirmé la décision du juge de l'application des peines en date du 20 avril 2021 ayant révoqué la mesure de libération conditionnelle accordée par le tribunal de l'application des peines à M. [C], condamné notamment à quinze ans de réclusion criminelle pour meurtre, dont la fin de peine était alors fixée au 15 février 2023, compte tenu de l'incarcération restant à subir, au titre de peines prononcées depuis sa libération conditionnelle. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 10. En effet, selon les dispositions de l'article 733 du code de procédure pénale, en cas de nouvelle condamnation, la libération conditionnelle peut être révoquée soit par le juge de l'application des peines, soit par le tribunal de l'application des peines, selon les distinctions de l'article 730 du même code, lequel prévoit la compétence du premier quelle que soit la peine prononcée lorsque la durée de la détention restant à subir est inférieure à trois ans. 11. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. 12. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze juin deux mille vingt-deux.
Selon les dispositions des articles 730 et 733 du code de procédure pénale, en cas de nouvelle condamnation, la libération conditionnelle peut être révoquée par le juge de l'application des peines quelle que soit la peine prononcée, lorsque la durée de la détention restant à subir est inférieure à trois ans
7,922
CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 477 FS-B Pourvoi n° F 20-16.070 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 1°/ M. [E] [O], 2°/ Mme [G] [F], épouse [O], domiciliés tous deux [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° F 20-16.070 contre l'arrêt rendu le 12 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5-chambre 6), dans le litige les opposant à la société Crédit immobilier de France développement (CIFD), dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Ile-de-France (CIF IDF) dont le siège est [Adresse 3] , défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. et Mme [O], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Avel, Bruyere, Hascher, Mme Guihal, conseillers, Mmes Kloda, Champ et Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 février 2020), suivant offre acceptée le 23 juillet 2012, la société Crédit immobilier de France d'Île-de-France, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. et Mme [O] (les emprunteurs) un prêt à l'accession sociale destiné à financer l'acquisition d'un terrain et la construction de leur résidence principale, ce prêt comprenant une période d'anticipation de trente-six mois maximum, suivi d'une période d'amortissement progressif de trois cent vingt-quatre mois. 2. Les emprunteurs ont assigné la banque aux fins de voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts pour inexactitude du taux effectif global mentionné dans l'offre. 3. Devant la cour d'appel, ils ont invoqué le caractère abusif de la clause stipulant que le montant des échéances sera porté à leur connaissance à l'issue de la période d'anticipation. Examen des moyens Sur le second moyen Enoncé du moyen 4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement sont liés à l'octroi du prêt et entrent dans le calcul du taux effectif global, la durée de la période de franchise et les intérêts s'y rapportant relèvent des intérêts, frais, commissions et rémunérations de toute nature qui sont une condition de l'octroi du prêt aux conditions acceptées par l'emprunteur ; que les exposants faisaient valoir qu'en l'espèce, l'amortissement proposé à l'emprunteur est de 300 mois, précédé d'une période de différé de 36 mois, période au cours de laquelle des intérêts sont facturés mensuellement à l'emprunteur au taux conventionnel de 4,30 %, sur la base de 137.866 euros, capital emprunté, et que le coût de la période différé est parfaitement déterminable (36 x 494,02 euros), ajoutant que pour calculer le taux effectif global, le prêteur a procédé comme si le différé n'existait pas ; qu'en énonçant qu'il ressort de l'offre de prêt que le crédit fonctionnait en compte courant et que les emprunteurs étaient redevables du capital majoré des intérêts non payés pendant le différé d'amortissement ; que les emprunteurs ne peuvent pas reprocher à l'offre de n'avoir pas fait figurer, dès son émission, le coût correspondant à la période de préfinancement puisque, ainsi que le souligne à juste titre la banque, ledit coût était affecté d'un élément de variabilité qui allait dépendre du rythme des déblocages de fonds au fur et à mesure de l'avancement des travaux, et que les intérêts dus au cours de la période de préfinancement par anticipation sont calculés sur les sommes débloquées tout au long de cette période, de sorte que les frais induits par la période de préfinancement n'étaient dès lors pas déterminables d'emblée et avec certitude au moment de la détermination du taux effectif global, quand il résultait du contrat que la période de préfinancement était d'une durée de 36 mois, ce dont il résultait que le montant des frais et intérêts dus au titre de cette période était déterminable, comme le faisaient valoir les exposants, la cour d'appel a violé l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce. » Réponse de la Cour 5. Les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement sont liés à l'octroi du prêt et entrent dans le calcul du taux effectif global, sous réserve qu'ils soient déterminables lors de la conclusion du contrat. Tel n'est pas le cas des intérêts dus au titre du capital libéré de manière progressive au cours de cette période, dès lors que leur montant dépend du rythme de cette libération, inconnu des parties lors de la souscription du prêt. 6. Ayant relevé que l'offre de prêt prévoyait un déblocage progressif des fonds au cours de la période de préfinancement, au fur et à mesure de l'avancement des travaux, la cour d'appel en a déduit à bon droit que les intérêts dus au titre de la phase de préfinancement n'étaient pas déterminables au moment de l'émission de l'offre de prêt, de sorte qu'ils n'avaient pas à être pris en compte dans le calcul du taux effectif global. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 8. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que la Cour de justice de l'union européenne a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que constituait une clause abusive la fixation unilatérale par le prêteur des échéances et des modalités d'amortissement, qu'aux termes des conditions générales de l'offre de crédit (p. 10, clause B " Période d'amortissement ") il est stipulé que le montant des échéances sera porté à la connaissance de l'emprunteur à l'issue de la période d'anticipation, laquelle précède un mécanisme d'amortissement par cinq paliers, l'emprunteur n'ayant lors de l'acceptation de l'offre aucune idée du coût final de sa dette ni des modalités de son apurement ; qu'en ajoutant qu'un tel appareil dans son ensemble résulte de la volonté commune des parties, alors qu'aucune disposition légale n'interdit de procéder autrement que par détermination d'une obligation constante, la cour d'appel se prononce par un motif inopérant insusceptible d'exclure la qualification de clause abusive, et partant elle a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation devenu l'article L. 212-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : 9. Le premier alinéa de ce texte dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. 10. Pour rejeter la demande des emprunteurs tendant à voir déclarer abusive la clause du contrat prévoyant que le montant des échéances sera porté à leur connaissance à l'issue de la période d'anticipation, l'arrêt retient qu'une telle stipulation ne saurait caractériser une clause abusive, aucun déséquilibre n'existant au détriment des emprunteurs puisqu'un tel appareil dans son ensemble permet de prendre en considération les éléments de la situation particulière d'emprunteurs candidats à un prêt à l'accession sociale et qu'il résulte de la volonté commune des parties, alors qu'aucune disposition légale n'interdit de procéder autrement que par détermination d'une obligation constante, que la progressivité de l'amortissement est une des caractéristiques du prêt à l'accession sociale. 11. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un déséquilibre significatif que la clause litigieuse aurait pour objet ou pour effet de créer au détriment des emprunteurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il exclut le caractère abusif de la clause prévoyant que le montant des échéances sera porté à la connaissance des emprunteurs à l'issue de la période d'anticipation, l'arrêt rendu le 12 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Crédit immobilier de France développement aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Crédit immobilier de France développement et la condamne à payer à M. et Mme [O] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [O], PREMIER MOYEN DE CASSATION LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé le jugement ayant débouté les exposants de l'ensemble de leurs demandes, AUX MOTIFS QUE M. et Mme [O] demandent présentement à la juridiction de juger que : "les informations données à l'emprunteur sur le coût total de la dette par l'offre de crédit immobilier critiquée devant la Cour, sont incomplètes, incompréhensibles et ambiguës, créant un déséquilibre significatif au détriment d'un consommateur profane normalement vigilant et que, privé par conséquent d'informations adéquates sur les caractéristiques essentielles de l'opération de crédit proposée, il n'a pas valablement consenti au coût global du prêt ni à l'obligation la dette" ; Qu'ils ciblent ensuite deux clauses qu'ils qualifient d'abusives : - celle " permettant à l'émetteur de l'offre de ne fixer le montant de l'échéance qu'à l'issue de la période de préfinancement, dispositions insérées aux conditions générales de l'offre (clause B), dont il a fait usage, au détriment de M. et Mme [O], qui ont vu leur mensualité à palier augmenter significativement lors de la réception d'un tableau d'amortissement intitulé tableau d'amortissement réel" ; - la stipulation selon laquelle il est prévu "le recours à un "taux de progressivité" pour calculer les intérêts produits par l'amortissement [qui] crée un déséquilibre manifeste au détriment du consommateur, puisqu'il renchérit le coût du crédit à l'insu de l'emprunteur, si le coût spécifique de cette stipulation n'est pas notifié au candidat à la dette, comme en l'espèce" ; Qu'en application des dispositions de l'article L 132-1 du code de la consommation devenu l'article L 212-1, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que la "clause B" querellée en premier lieu (page 10 de l'offre, paragraphe "Période d'amortissement") stipule en son deuxième alinéa : " Le montant des échéances sera porté à la connaissance de l'emprunteur à l'issue de la période d'anticipation" ; que M. et Mme [O] critiquent l'offre de prêt en ce qu'il a été mis en place "cinq paliers eux-mêmes précédés d'une période d'amortissement de 36 mois", et plus particulièrement en ce qu'elle ne détermine aucune des échéances de l'amortissement, le prêteur, selon eux, se réservant le droit d'en porter le montant à la connaissance de l'emprunteur - donc de manière unilatérale - au terme de 36 mois d'anticipation ; qu'ils en concluent qu'ainsi, l'emprunteur, en acceptant l'offre, en réalité "ne consent à rien", car "il n'a pas la moindre idée du coût final de la dette ni des modalités de son apurement, ce qui met en évidence un déséquilibre significatif à son détriment" ; qu'une telle stipulation ne saurait caractériser une clause abusive, aucun déséquilibre n'existant au détriment des emprunteurs puisqu'un tel appareil dans son ensemble permet de prendre en considération les éléments de la situation particulière d'emprunteurs candidats à un prêt à l'accession sociale, et qu'il résulte de la volonté commune des parties alors qu'aucune disposition légale n'interdit de procéder autrement que par détermination d'une obligation constante ; que d'ailleurs, la progressivité de l'amortissement est une des caractéristiques du "prêt accession sociale", dispositif spécifique, organisé et encadré par la loi ; qu'il sera fait observer que si M. et Mme [O] prétendent que les modalités d'amortissement telles que ressortant du tableau définitif émis à l'approche de l'expiration de la période d'anticipation sont en définitive " bien plus onéreuses que celles initialement proposées", ils écrivent aussi, sans crainte de se contredire, qu'il y a eu entre l'échéance numéro 193 et l'échéance numéro 323 - soit 130 mensualités - une "dégressivité mensuelle" dont ils ne sauraient soutenir qu'elle était à leur désavantage ; que surtout l'offre, dont les pages ont été paraphées par M. et Mme [O], dans son entier est claire et parfaitement compréhensible ; que les paliers sont identifiés et précisés explicitement, tant dans l'offre proprement dite que dans le tableau d'amortissement annexé, comme l'a à juste titre relevé le premier juge, de sorte que M. et Mme [O] ne sauraient soutenir découvrir seulement au moment de l'émission du tableau d'amortissement, la répartition des paliers et leur quantification, et être surpris dans leur consentement, que M. et Mme [O] critiquent aussi la clause relative au taux de progressivité comme étant incompréhensible, et insuffisante en ce qu'il n'est pas expliqué à l'emprunteur que cette progressivité va sérieusement apprécier le coût de sa dette, au sens de l'article L 111-1 du code de la consommation ; qu'il est stipulé : "Pour la détermination du montant des échéances, le taux de progressivité indiqué au paragraphe "MODALITÉS DE REMBOURSEMENT" s'applique pour le calcul des échéances suivantes à chaque date anniversaire de la première échéance d'amortissement. Chaque échéance ainsi calculée par application du taux de progressivité est désignée "échéance de référence". Le montant des échéances du prêt est constant jusqu'à la détermination d'un nouveau montant d'échéance de référence" ; que la clause critiquée porte une définition de l'année de référence, certes abstraite s'agissant d'une définition, mais parfaitement compréhensible dès lors que son lecteur ne fait pas que la parcourir en diagonale ; que cette clause de définition n'a pas vocation à contenir illustrations ou exemple ou développements chiffrés ; que comme précédemment indiqué, l'offre contient par ailleurs tous les éléments nécessaires et suffisants pour éclairer utilement l'emprunteur quant au coût du crédit ; que M. et Mme [O] enfin font valoir qu'à partir d'un tableau d'amortissement comportant une clause de progressivité le taux effectif global ne peut être calculé selon la méthode des intérêts composés tel que le prévoient les dispositions de l'article R 313-3 du code de la consommation ; que M. et Mme [O] ne peuvent pour le seul besoin de leur raisonnement, valablement prétendre à un calcul du taux effectif global en référence à une "échéance constante" alors que telle n'était pas la volonté des parties, qui au contraire se sont accordées sur la détermination d'échéances inégales et progressives ; que surtout, et comme le souligne à juste titre l'intimé, en toute hypothèse l'utilisation d'un taux de progressivité, au demeurant parfaitement licite, est sans aucune incidence sur le taux effectif global, dans la mesure où c'est seulement la modalité d'amortissement qui n'est pas lissée sur la durée du prêt, dont le taux ne change pas, la consultation du tableau d'amortissement suffisant à s'en convaincre ; que le premier juge a effectué cette vérification et en est arrivé à la même exacte conclusion ; qu'aucun de leurs griefs n'étant fondé M. et Mme [O] seront déboutés de leurs demandes de ce premier chef, reformulées pour tendre à la constatation du caractère abusif des clauses précitées 1°) ALORS QUE la Cour de justice de l'union européenne a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que constituait une clause abusive la fixation unilatérale par le prêteur des échéances et des modalités d'amortissement, qu'aux termes des conditions générales de l'offre de crédit (p. 10, clause B " Période d'amortissement ") il est stipulé que le montant des échéances sera porté à la connaissance de l'emprunteur à l'issue de la période d'anticipation, laquelle précède un mécanisme d'amortissement par cinq paliers, l'emprunteur n'ayant lors de l'acceptation de l'offre aucune idée du coût final de sa dette ni des modalités de son apurement ; qu'en retenant qu'une telle stipulation ne saurait caractériser une clause abusive, aucun déséquilibre n'existant au détriment des emprunteurs puisqu'un tel appareil dans son ensemble permet de prendre en considération les éléments de la situation particulière d'emprunteurs candidats à un prêt à l'accession sociale et qu'il résulte de la volonté commune des parties, alors qu'aucune disposition légale n'interdit de procéder autrement que par détermination d'une obligation constante, la cour d'appel n'a, par de tels motifs, pas constaté l'absence de déséquilibre significatif au préjudice de l'emprunteur consommateur et elle a violé l'article L 132-1 du code de la consommation devenu l'article L 212-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 ; 2°) ALORS QUE la Cour de justice de l'union européenne a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que constituait une clause abusive la fixation unilatérale par le prêteur des échéances et des modalités d'amortissement, qu'aux termes des conditions générales de l'offre de crédit (p. 10, clause B " Période d'amortissement ") il est stipulé que le montant des échéances sera porté à la connaissance de l'emprunteur à l'issue de la période d'anticipation, laquelle précède un mécanisme d'amortissement par cinq paliers, l'emprunteur n'ayant lors de l'acceptation de l'offre aucune idée du coût final de sa dette ni des modalités de son apurement ; qu'en ajoutant qu'un tel appareil dans son ensemble résulte de la volonté commune des parties, alors qu'aucune disposition légale n'interdit de procéder autrement que par détermination d'une obligation constante, la cour d'appel se prononce par un motif inopérant insusceptibles d'exclure la qualification de clause abusive, et partant elle a violé l'article L 132-1 du code de la consommation devenu l'article L 212-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 ; 3°) ALORS QUE la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que constituait une clause abusive la fixation unilatérale par le prêteur des échéances et des modalités d'amortissement, qu'aux termes des conditions générales de l'offre de crédit (p. 10, clause B " Période d'amortissement ") il est stipulé que le montant des échéances sera porté à la connaissance de l'emprunteur à l'issue de la période d'anticipation, laquelle précède un mécanisme d'amortissement par cinq paliers, l'emprunteur n'ayant lors de l'acceptation de l'offre aucune idée du coût final de sa dette ni des modalités de son apurement ; qu'ils ajoutaient qu'à l'issue de la période de différé de 32 mois le montant des échéances notifiées n'a plus rien à voir avec les termes de l'offre acceptée, le palier des échéances passant de 629,54 dans l'offre à 719, 47 euros dans le tableau d'amortissement notifié le 21 septembre 2016, qu'il en va de même des paliers suivants qui sont tronqués et remplacés par un palier mensuel, le tableau d'amortissement organisant entre les échéances 193 et 323 une dégressivité mensuelles progressant de 1115,70 euros pour l'échéance n° 193 à 983,68 euros pour l'échéance 323 ; qu'en retenant que la progressivité de l'amortissement est une des caractéristiques du "prêt accession sociale", dispositif spécifique, organisé et encadré par la loi et qu' « il sera fait observer que si M. et Mme [O] prétendent que les modalités d'amortissement telles que ressortant du tableau définitif émis à l'approche de l'expiration de la période d'anticipation sont en définitive "bien plus onéreuses que celles initialement proposées", ils écrivent aussi, sans crainte de se contredire, qu'il y a eu entre l'échéance numéro 193 et l'échéance numéro 323 - soit 130 mensualités - une "dégressivité mensuelle" dont ils ne sauraient soutenir qu'elle était à leur désavantage », la cour d'appel qui a dénaturé les conclusions des exposants qui opéraient une distinction entre le tableau d'amortissement initial et le tableau notifié le 21 septembre 2016, comme elle le relève, dont il ressortait que les modalités étaient plus onéreuses que celles initialement proposées ainsi que cela ressortait de la simple comparaison des deux tableaux d'amortissements, a méconnu les termes du litige et elle a violé l'article 4 du code de procédure civile ; SECOND MOYEN DE CASSATION LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé le jugement ayant débouté les exposants de l'ensemble de leurs demandes, AUX MOTIFS QUE sur le fond, les emprunteurs font valoir que faute d'avoir intégré au calcul du taux effectif global les coûts exacts de la dette, charges auxquelles le prêteur a subordonné l'octroi du crédit, la déchéance des intérêts conventionnels est encourue ; qu'il sera fait observer que si les appelants ont pris soin en tête de leurs écritures d'évoquer la position du premier juge concernant la non intégration des frais de garantie dans le calcul du taux effectif global – motivation qui mérite totale approbation – ce qui était un grief en première instance ne fait plus objet de développements spécifiques à hauteur de cour ; qu'il est désormais essentiellement fait grief à la banque de ne pas avoir pris en compte pour le calcul du taux effectif global, les intérêts exigés de l'emprunteur au cours de la période de différé, alors que doivent être intégrés aux charges du crédit les intérêts intercalaires ayant précédé l'amortissement du capital emprunté ; qu'il ressort bel et bien de l'offre de prêt que le crédit fonctionnait en compte courant et que les emprunteurs étaient redevables du capital majoré des intérêts non payés pendant le différé d'amortissement ; que les emprunteurs ne peuvent pas reprocher à l'offre de n'avoir pas fait figurer, dès son émission, le coût correspondant à la période de préfinancement puisque, ainsi que le souligne à juste titre la société Crédit Immobilier de France, ledit coût était affecté d'un élément de variabilité qui allait dépendre du rythme des déblocages de fonds au fur et à mesure de l'avancement des travaux, et que les intérêts dus au cours de la période de préfinancement par anticipation sont calculés sur les sommes débloquées tout au long de cette période, de sorte que les frais induits par la période de préfinancement n'étaient dès lors pas déterminables d'emblée et avec certitude au moment de la détermination du taux effectif global ; qu'au surplus il n'est pas démontré, ni même allégué, que les fonds prêtés ont été entièrement débloqués dès le début de la période de préfinancement ; qu'ainsi l'emprunteur ne justifie pas de la nécessité qu'il y aurait de prendre en compte la totalité de la période de préfinancement de 36 mois dans le calcul du taux effectif global ; que par ailleurs il est constant que le calcul du taux effectif global sur une durée plus longue, en intégrant la période de préfinancement, aurait eu pour conséquence mathématique de minorer le taux effectif global, dans la mesure où les coûts autres que les intérêts mis à la charge de l'emprunteur et considérés comme payés intégralement dès l'origine ont une incidence plus faible sur le taux effectif global lorsqu'ils sont rapportés à une période plus longue ; qu'enfin il n'est pas fait la démonstration utile de ce que le taux effectif global indiqué par la banque dans l'offre de prêt et calculé sur la base des seuls éléments qui juridiquement doivent être intégrés dans son assiette de calcul, donc à l'exclusion de ceux dont M. et Mme [O] revendiquent à tort la prise en compte, serait erroné ; que M. et Mme [O] seront donc déboutés de leurs demandes fondées sur la prétention d'une telle erreur ; ALORS QUE les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement sont liés à l'octroi du prêt et entrent dans le calcul du TEG, la durée de la période de franchise et les intérêts s'y rapportant relèvent des intérêts, frais, commissions et rémunérations de toute nature qui sont une condition de l'octroi du prêt aux conditions acceptées par l'emprunteur ; que les exposants faisaient valoir qu'en l'espèce, l'amortissement proposé à l'emprunteur est de 300 mois, précédé d'une période de différé de 36 mois, période au cours de laquelle des intérêts sont facturés mensuellement à l'emprunteur au taux conventionnel de 4,30%, sur la base de 137.866 €, capital emprunté, et que le coût de la période différé est parfaitement déterminable (36 x 494,02 €), ajoutant que pour calculer le taux effectif global, le prêteur a procédé comme si le différé n'existait pas ; qu'en énonçant qu'il ressort de l'offre de prêt que le crédit fonctionnait en compte courant et que les emprunteurs étaient redevables du capital majoré des intérêts non payés pendant le différé d'amortissement ; que les emprunteurs ne peuvent pas reprocher à l'offre de n'avoir pas fait figurer, dès son émission, le coût correspondant à la période de préfinancement puisque, ainsi que le souligne à juste titre la société Crédit Immobilier de France, ledit coût était affecté d'un élément de variabilité qui allait dépendre du rythme des déblocages de fonds au fur et à mesure de l'avancement des travaux, et que les intérêts dus au cours de la période de préfinancement par anticipation sont calculés sur les sommes débloquées tout au long de cette période, de sorte que les frais induits par la période de préfinancement n'étaient dès lors pas déterminables d'emblée et avec certitude au moment de la détermination du taux effectif global, quand il résultait du contrat que la période de préfinancement était d'une durée de 36 mois, ce dont il résultait que le montant des frais et intérêts dus au titre de cette période était déterminable, comme le faisaient valoir les exposants, la cour d'appel a violé l'article R 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
Les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement sont liés à l'octroi du prêt et entrent dans le calcul du taux effectif global, sous réserve qu'ils soient déterminables lors de la conclusion du contrat. Tel n'est pas le cas des intérêts dus au titre du capital libéré de manière progressive au cours de cette période, dès lors que leur montant dépend du rythme de cette libération, inconnu des parties lors de la souscription du prêt
7,923
CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 juin 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 634 FS-B Pourvoi n° W 20-20.270 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [W]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 29 juin 2020. Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [T], épouse [W]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 15 janvier 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2022 M. [N] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-20.270 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2018 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile - 2e chambre, section A), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [O] [T], épouse [W], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à Mme [Y] [W], domiciliée [Adresse 2], 3°/ à la société BPCE assurances, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Mme [T], épouse [W], a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de Me Bertrand, avocat de M. [W], de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme [T], épouse [W], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société BPCE assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, M. Talabardon, Mme Guého, M. Pradel, Mme Brouzes, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 mars 2018), et les productions, un incendie s'est déclaré, le 2 mai 2014, dans l'appartement occupé par M. et Mme [W] et leurs deux enfants, [G], né le 19 décembre 1992, en situation de handicap, et [Y]. 2. [G] [W] est décédé le 3 mai 2014, des suites de l'incendie. 3. M. et Mme [W] avaient souscrit un contrat d'assurance « Garantie des Accidents de la Vie » auprès de la société BPCE assurances (l'assureur) prévoyant l'indemnisation, notamment, du préjudice économique des bénéficiaires du contrat, déterminé, en cas de décès, par référence au droit commun. 4. M. et Mme [W] ont assigné l'assureur devant un tribunal de grande instance afin d'être indemnisés, notamment, de leur préjudice économique. Examen des moyens Sur les deux moyens du pourvoi principal formé par M. [W] et le second moyen du pourvoi provoqué formé par Mme [W], ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen du pourvoi provoqué Enoncé du moyen 6. Mme [W] fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à la condamnation de l'assureur à lui payer la somme de 146 545 euros au titre du préjudice économique, alors « qu'en cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par les proches du défunt doit être évalué en tenant compte du revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès ; qu'il en résulte que la prestation de compensation du handicap versée à la victime avant son décès doit être prise en considération pour déterminer le montant du préjudice économique subi par les proches de celle-ci ; que cette modalité de calcul du préjudice économique s'impose à l'assureur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte, pour évaluer les revenus du foyer avant l'accident et, par voie de conséquence, le préjudice économique subi par la famille de [G] [W], décédé dans l'incendie, de la prestation de compensation du handicap versée à ce dernier, aux motifs que celle-ci était « destinée à rémunérer les frais occasionnés par le handicap, tels que le financement d'une tierce personne » et que « la circonstance que Mme [W] ait fait le choix de ne pas travailler pour s'occuper de son fils ne saurait caractériser l'existence d'un préjudice économique subi par la famille du fait de la cessation du versement de cette indemnité qui n'avait pas davantage vocation à contribuer à l'entretien de la famille », quand cette prestation devait entrer dans le calcul du revenu du foyer avant l'accident, peu important que les frais qu'elle avait vocation à couvrir eussent disparu du fait du décès du bénéficiaire, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime et l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article 1134 ancien (1103 nouveau) du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1134, devenu 1103, du code civil et L. 245-1, L. 245-3, L. 245-5, L. 245-7, L. 245-8, alinéa 1, et L. 245-12 du code de l'action sociale et des familles : 7. Il résulte des six derniers de ces textes que lorsqu'elle est affectée à une charge liée à un besoin d'aides humaines, y compris pour celles apportées par les aidants familiaux, la contrepartie monétaire attachée à la prestation de compensation du handicap bénéficie exclusivement à la tierce personne qu'elle dédommage ou rétribue. La personne physique ou morale qui assume la charge d'aider le bénéficiaire est en droit, en cas de non-paiement du montant de la prestation de compensation du handicap, d'obtenir du président du conseil départemental qu'elle lui soit versée directement. 8. Dès lors, la prestation de compensation du handicap affectée au dédommagement de l'aidant familial, calculée sur la base d'un pourcentage du salaire minimum de croissance, doit être considérée comme une ressource de l'aidant, incluse dans le revenu de référence du foyer servant au calcul du préjudice économique des victimes indirectes. 9. Pour débouter M. et Mme [W] de leur demande de réparation d'un préjudice économique, l'arrêt relève que, selon eux, la prestation de compensation du handicap constituait un revenu pour Mme [W], qui avait abandonné son activité salariée, à la naissance de [G], pour s'occuper de lui et que la perte de revenu consécutive à son décès la laisse dans le dénuement, puisqu'elle est désormais trop âgée pour trouver un nouvel emploi. 10. L'arrêt retient ensuite que cette prestation étant destinée à rémunérer les frais occasionnés par le handicap, tel que le financement de la tierce personne, la cessation de son versement ne saurait constituer un préjudice économique puisqu'elle n'avait pas vocation à contribuer à l'entretien de la famille et que Mme [W] a fait le choix de ne pas travailler pour s'occuper de son fils. 11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que Mme [W] était dédommagée, au titre de la prestation de compensation du handicap, pour répondre, en qualité d'aidant familial, au besoin en aide humaine de son fils, de sorte que cette prestation constituait pour elle une ressource qui, comme telle, devait être incluse dans le revenu de référence du foyer servant au calcul du préjudice économique subi par M. et Mme [W] en raison du décès de leur fils, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. et Mme [W] de leur demande en paiement de la somme de 146 545 euros au titre du préjudice économique, l'arrêt rendu le 8 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Condamne la société BPCE assurances aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [W] et condamne la société BPCE assurances à payer à la SCP Krivine et Viaud la somme de 2 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. [W] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [N] [W] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à la condamnation de la société BPCE Assurances à lui payer la somme de 146.545 euros au titre du préjudice économique, ALORS QU' en cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par les proches du défunt doit être évalué en tenant compte du revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès ; qu'il en résulte que l'allocation aux adultes handicapés versée à la victime avant son décès afin de lui garantir un minimum de revenus doit être prise en considération pour déterminer le montant du préjudice économique subi par les proches de celle-ci ; que cette modalité de calcul du préjudice économique s'impose à l'assureur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte, pour évaluer le préjudice économique de la famille de [G] [W], décédé dans l'incendie, de l'allocation aux adultes handicapés versée à ce dernier, dans la mesure où celle-ci était « destinée à rémunérer les frais occasionnés par le handicap, tels que le financement d'une tierce personne » et que « la circonstance que Mme [O] [W] ait fait le choix de ne pas travailler pour s'occuper de son fils ne saurait caractériser l'existence d'un préjudice économique subi par la famille du fait de la cessation du versement de cette indemnité qui n'avait pas davantage vocation à contribuer à l'entretien de la famille » (arrêt attaqué, p. 5 al. 2) ; qu'en ne prenant ainsi pas en compte, comme elle le devait, l'allocation aux adultes handicapés versée à [G] [W] avant son décès pour déterminer le montant du préjudice économique subi par les proches du défunt, dont la prise en charge était contractuellement due par l'assureur, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil, outre le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [N] [W] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à la condamnation de la société BPCE Assurances à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de la perte de chance de survie, ALORS QU' il résulte du contrat d'assurance « garantie des accidents de la vie » souscrit par M. [N] [W], désignant comme personnes assurées, outre ce dernier, Mme [Y] [W], M. [G] [W] et Mme [O] [W], que la société BPCE Assurances indemnise, en cas de décès, les préjudices moraux subis par les bénéficiaires de la police ; que dans ses conclusions d'appel (p. 6 al. 10 et 11), M. [N] [W] faisait valoir que le préjudice de « perte de chance de survie » subi par [G] [W], décédé dans l'incendie, n'était autre qu'un « préjudice moral subi par la victime décédée dont l'indemnisation doit être transférée à ses ayant-droits » ; qu'en se bornant à affirmer, pour débouter M. [N] [W] de cette demande d'indemnisation dirigée contre l'assureur, que « la société BPCE Assurances fait valoir à juste titre que les préjudices donnant lieu à garantie sont limitativement énumérés, que la perte de chance de survie ne constitue ni un préjudice moral d'affection, ni un préjudice économique » (arrêt attaqué, p. 5 al. 4), sans rechercher, comme elle y était invitée, si le préjudice invoqué, bien que ne constituant ni un préjudice moral d'affection subi par les proches de la victime directe, ni un préjudice économique, n'entrait pas cependant dans le champ des « préjudices moraux » contractuellement pris en charge par l'assureur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil. Moyens produits au pourvoi provoqué par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour Mme [T], épouse [W] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [T] épouse [W] fait grief à l'arrêt attaqué DE l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à la condamnation de la société BPCE Assurances à lui payer la somme de 146.545 € au titre du préjudice économique ; ALORS QU' en cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par les proches du défunt doit être évalué en tenant compte du revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès ; qu'il en résulte que la prestation de compensation du handicap versée à la victime avant son décès doit être prise en considération pour déterminer le montant du préjudice économique subi par les proches de celle-ci ; que cette modalité de calcul du préjudice économique s'impose à l'assureur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte, pour évaluer les revenus du foyer avant l'accident et, par voie de conséquence, le préjudice économique subi par la famille de [G] [W], décédé dans l'incendie, de la prestation de compensation du handicap versée à ce dernier, aux motifs que celle-ci était « destinée à rémunérer les frais occasionnés par le handicap, tels que le financement d'une tierce personne » et que « la circonstance que Mme [O] [W] ait fait le choix de ne pas travailler pour s'occuper de son fils ne saurait caractériser l'existence d'un préjudice économique subi par la famille du fait de la cessation du versement de cette indemnité qui n'avait pas davantage vocation à contribuer à l'entretien de la famille » (arrêt p. 5, al. 2), quand cette prestation devait entrer dans le calcul du revenu du foyer avant l'accident, peu important que les frais qu'elle avait vocation à couvrir eussent disparu du fait du décès du bénéficiaire, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime et l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article 1134 ancien (1103 nouveau) du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Mme [T] épouse [W] fait grief à l'arrêt attaqué DE l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à la condamnation de la société BPCE Assurances à lui payer la somme de 30.000 € au titre de la « perte de chance de survie » (en réalité, du préjudice d'angoisse de mort imminente) ; ALORS QU' il résultait du contrat d'assurance « garantie des accidents de la vie » souscrit par M. [N] [W], désignant comme personnes assurées, outre ce dernier, Mme [Y] [W], M. [G] [W] et Mme [O] [T] épouse [W], que la société BPCE Assurances indemnisait, en cas de décès, les préjudices moraux subis par les bénéficiaires de la police ; que dans ses conclusions d'appel (p. 6, al. 10 et 11), Mme [T] épouse [W] faisait valoir que le préjudice de « perte de chance de survie » (en réalité, préjudice d'angoisse de mort imminente) subi par [G] [W], décédé dans l'incendie, n'était autre qu'un « préjudice moral subi par la victime décédée dont l'indemnisation doit être transférée à ses ayant-droits » ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter Mme [T] épouse [W] de cette demande d'indemnisation dirigée contre l'assureur, que « la société BPCE Assurances fait valoir à juste titre que les préjudices donnant lieu à garantie sont limitativement énumérés, que la perte de chance de survie ne constitue ni un préjudice moral d'affection, ni un préjudice économique » (arrêt attaqué, p. 5 al. 4), sans rechercher, comme elle y était invitée, si le préjudice invoqué n'entrait pas dans le champ des « préjudices moraux » contractuellement pris en charge par l'assureur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 ancien (1103 nouveau) du code civil.
Il résulte des articles L. 245-1, L. 245-3, L. 245-5, L. 245-7, L. 245-8, alinéa 1, et L. 245-12 du code de l'action sociale et des familles que la prestation de compensation du handicap affectée au dédommagement de l'aidant familial, calculée sur la base d'un pourcentage du salaire minimum de croissance, doit être considérée comme une ressource de l'aidant, incluse dans le revenu de référence du foyer servant au calcul du préjudice économique des victimes indirectes. Dès lors, viole ces dispositions la cour d'appel qui retient que la prestation de compensation du handicap n'avait pas vocation à contribuer à l'entretien de la famille et que la cessation de son versement, à la mère d'un enfant en situation de handicap accidentellement décédé ayant fait le choix de ne pas travailler pour s'occuper de ce dernier en qualité d'aidant familial, ne saurait constituer un préjudice économique, alors que cette prestation constituait une ressource pour cet aidant qui, comme telle, devait être incluse dans le revenu de référence du foyer servant au calcul de son préjudice économique
7,924
CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 juin 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 635 FS-B Pourvoi n° D 20-21.473 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2022 M. [P] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-21.473 contre l'ordonnance n° RG : 19/04213 rendue le 2 septembre 2020 par le premier président de la cour d'appel de Toulouse, dans le litige l'opposant : 1°/ à la société [D] [C], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à M. [D] [C], domicilié [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [L], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [D] [C] et M. [C], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, M. Talabardon, Mme Guého, M. Ittah, Mme Brouzes, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Toulouse, 2 septembre 2020), le 15 octobre 2010, M. [L] a confié à M. [C], avocat, la défense de ses intérêts dans un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice corporel. 2. Une convention d'honoraires a été conclue prévoyant un honoraire de résultat, notamment en cas de dessaisissement. 3. M. [L], débouté de sa demande en première instance, a confié à un autre avocat le soin de former appel et de suivre l'instance d'appel, au terme de laquelle il a obtenu la condamnation du défendeur à lui verser une certaine somme en réparation de son préjudice. 4. Le 14 novembre 2018, M. [C] a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande en fixation d'honoraires. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 6. M. [L] fait grief à l'ordonnance de fixer à la somme de 70 815,33 euros TTC le montant qu'était en droit de solliciter la société [D] [C] de sa part au titre de l'honoraire de résultat et de dire que, compte tenu de ce qu'il n'avait versé aucune provision, il restait devoir à la société [D] [C] la somme de 70 815,33 euros TTC, alors « que n'est pas en soi illicite la clause d'une convention prévoyant le paiement d'un honoraire de résultat dans sa totalité en cas de dessaisissement de l'avocat avant l'obtention d'une décision irrévocable, cet honoraire pouvant faire l'objet d'une réduction s'il présente un caractère exagéré au regard du service rendu ; que l'honoraire de résultat doit être mesuré à la contribution de l'avocat au résultat obtenu ou au service rendu au client ; qu'en l'espèce, M. [L] contestait fermement que M. [C] ait contribué au résultat obtenu en cause d'appel, quatre ans après son dessaisissement, après qu'il eut fait part de ses vives réserves sur les chances de succès d'un tel recours et alors que le tribunal, soulignant la faiblesse de son argumentation sur la faute, avait conclu à l'absence de faute et que le nouveau conseil mandaté par M. [L] en cause d'appel avait développé un nouveau moyen sur la faute médicale qui avait permis l'infirmation du jugement ; qu'en allouant à M. [C] la totalité de l'honoraire de résultat prévu, sans préciser quelle avait été la contribution de ce dernier au résultat obtenu, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, relatif aux règles déontologiques de la profession d'avocat, tel que modifié par le décret n° 2017-1226 du 2 août 2017. » Réponse de la Cour Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et l'article 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 : 7. Il résulte de ces textes que si l'avocat ne peut réclamer un honoraire de résultat que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, une convention d'honoraires peut prévoir les modalités de sa rémunération en cas de dessaisissement avant l'obtention d'une telle décision. Il appartient alors au juge de l'honoraire de rechercher si l'avocat a contribué au résultat obtenu et de réduire cet honoraire s'il présente un caractère exagéré au regard du résultat obtenu ou du service rendu. 8. Pour fixer l'honoraire complémentaire de l'avocat au regard du résultat obtenu en appel, l'ordonnance relève qu'aux termes de la convention d'honoraires, « dans l'hypothèse où M. [L] viendrait à retirer son dossier à M. [C] pour une raison quelconque à l'issue de la procédure de première instance clôturée par un jugement frappé d'appel, jugement assorti en tout ou partie de l'exécution provisoire, ou à n'importe quel moment de la procédure, M. [C] est autorisé à conserver sur son compte CARPA la moitié de l'honoraire complémentaire défini aux présentes jusqu'à ce qu'intervienne la décision au second degré » et que la convention ajoute que « dans la même hypothèse, mais en présence d'un jugement non assorti de l'exécution provisoire et en cas de décision favorable rendue par la cour d'appel, M. [C] sera également en droit de percevoir la moitié de l'honoraire complémentaire. » 9. L'ordonnance relève encore que, bien qu'en première instance la décision ait été défavorable à M. [L], M. [C] a accompli un certain nombre de diligences dont 14 rendez-vous, l'échange de nombreuses correspondances, la rédaction de deux assignations en référé et une assignation au fond, l'assistance de son client lors de deux réunions d'expertise, la rédaction d'un dire à expert, ou encore l'assistance lors de l'audience de référé et de l'audience au fond. 10. L'ordonnance retient que le paiement, malgré le dessaisissement anticipé de l'avocat, de l'honoraire de résultat convenu entre les parties à hauteur de 10 % HT des sommes effectivement perçues, réduit de moitié, ne présente pas de caractère exagéré au regard du service rendu. 11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si M. [C] avait contribué au résultat obtenu, le premier président a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare nulle la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Toulouse du 6 septembre 2019 et déclare recevable la demande de la Selarl [D] [C] en taxation de son honoraire de résultat, l'ordonnance rendue le 2 septembre 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Montpellier ; Condamne la société [D] [C] et M. [C] aux dépens ; En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour M. [L] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [L] fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré recevable la demande de la Selarl [D] [C] en taxation de son honoraire de résultat, d'avoir fixé à la somme de 70 815,33 € TTC le montant qu'était en droit de solliciter la Selarl [D] [C] de M. [P] [L] au titre de l'honoraire de résultat et d'avoir dit que, compte-tenu de ce qu'aucune provision n'avait été versée par M. [P] [L], ce dernier restait devoir à la Selarl [D] [C] la somme de 70 815,33 € TTC ; 1°) Alors que l'action en paiement de l'avocat dessaisi se prescrit par deux ans à compter de la fin de son mandat, peu important la date d'exigibilité de ses honoraires ; qu'en jugeant que le délai de prescription de l'action de l'avocat en paiement d'un honoraire de résultat ne pouvait commencer à courir avant que cet honoraire soit exigible, soit à défaut de clause particulière, lorsqu'il avait été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, le premier président a violé l'article L. 218-2 du code de la consommation ; 2°) Alors que subsidiairement, le délai de prescription de l'action de l'avocat en paiement d'un honoraire de résultat commence à courir lorsque cet honoraire est exigible ; qu'au cas présent, la convention d'honoraires prévoyait que « dans l'hypothèse où [P] [L] viendrait à retirer son dossier à Maître [D] [C] pour une raison quelconque à l'issue de la procédure de première instance clôturée par un jugement frappé d'appel, jugement assorti de tout ou partie de l'exécution provisoire ou à n'importe quel moment de la procédure, Maître [D] [C] est autorisé à conserver sur compte CARPA, la moitié de l'honoraire complémentaire défini aux présente jusqu'à ce qu'intervienne la décision au second degré » et « dans la même hypothèse, mais en présence d'un jugement non assorti de l'exécution provisoire et en cas de décision favorable rendue par la cour, Maître [D] [C] sera également en droit de percevoir la moitié de l'honoraire complémentaire défini aux présentes » ; que selon la volonté des parties, le jugement favorable de première instance suivi d'un changement d'avocat rendait exigible l'honoraire complémentaire et constituait donc le point de départ de la prescription biennale ; qu'en fixant néanmoins le point de départ de la prescription à la date de la décision irrévocable rendue en cause d'appel, le premier président a violé l'article L. 218-2 du code de la consommation, ensemble l'article 1134, devenu 1103 du code civil ; DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [L] fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré recevable la demande de la Selarl [D] [C] en taxation de son honoraire de résultat, d'avoir fixé à la somme de 70 815,33 € TTC le montant qu'était en droit de solliciter la Selarl [D] [C] de M. [P] [L] au titre de l'honoraire de résultat et d'avoir dit que, compte-tenu de ce qu'aucune provision n'avait été versée par M. [P] [L], ce dernier restait devoir à la Selarl [D] [C] la somme de 70 815,33 € TTC ; 1°) Alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en déclarant recevable la demande de la Selarl [D] [C] en taxation de son honoraire de résultat et en y faisant droit, au motif que la Selarl [D] [C], dont M. [D] [C] était le gérant et au sein de laquelle il exerçait de manière exclusive, avait repris l'activité du cabinet d'exercice libéral de Me [D] [C], cependant que seul M. [D] [C], à titre personnel, était demandeur à la procédure de taxation, à l'exclusion de la Selarl [D] [C], non partie à la procédure, le premier président a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2°) Alors que nul ne plaide par procureur ; qu'en fixant à la somme de 70 815,33 € TTC le montant qu'était en droit de solliciter la Selarl [D] [C] de M. [P] [L] au titre de l'honoraire de résultat et en disant, qu'en l'absence de provision, ce dernier restait devoir cette somme à la Selarl [D] [C], quand la Selarl [D] [C] n'était pas partie à la procédure et que M. [D] [C] agissant à titre personnel, seule partie, ne pouvait réclamer une condamnation à son profit, le premier président a violé le principe selon lequel nul ne plaide par procureur ; 3°) Alors que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; que lorsqu'un avocat qui exerçait en son nom personnel constitue une Selarl pour son exercice professionnel, les créances qu'il détenait sur ses clients ne sont pas transférées automatiquement à cette dernière ; qu'en affirmant que la Selarl [D] [C] constituée en 2018 avait repris l'activité du cabinet d'exercice libéral de Me [D] [C] et assurait la continuité de l'exercice de ce dernier, pour cela que Me [D] [C] exerçait de manière exclusive au sein de cette Selarl dont il était gérant, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 122 du code de procédure civile, ensemble l'article 1er de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ; TROISIEME MOYEN DE CASSATION M. [L] fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé à la somme de 70 815,33 € TTC le montant qu'était en droit de solliciter la Selarl [D] [C] de M. [P] [L] au titre de l'honoraire de résultat et d'avoir dit que, compte-tenu de ce qu'aucune provision n'avait été versée par M. [P] [L], ce dernier restait devoir à la Selarl [D] [C] la somme de 70 815,33 € TTC ; 1°) Alors que les juges du fond doivent interpréter les conventions qui leur sont soumises lorsque l'écrit, obscur ou imprécis, est susceptible de plusieurs sens ; qu'au cas présent, la convention d'honoraires prévoyait que « dans l'hypothèse où [P] [L] viendrait à retirer son dossier à Maître [D] [C] pour une raison quelconque à l'issue de la procédure de première instance clôturée par un jugement frappé d'appel, jugement assorti de tout ou partie de l'exécution provisoire ou à n'importe quel moment de la procédure, Maître [D] [C] est autorisé à conserver sur compte CARPA, la moitié de l'honoraire complémentaire défini aux présente jusqu'à ce qu'intervienne la décision au second degré » et « dans la même hypothèse, mais en présence d'un jugement non assorti de l'exécution provisoire et en cas de décision favorable rendue par la cour, Maître [D] [C] sera également en droit de percevoir la moitié de l'honoraire complémentaire défini aux présentes » ; que M. [L] soutenait que l'hypothèse visée par la convention était celle d'un jugement de première instance favorable suivi d'un dessaisissement de l'avocat, ainsi qu'en témoignaient l'emploi de l'expression « conserver sur compte CARPA » et la distinction entre les jugements assortis de l'exécution provisoire et ceux qui ne l'étaient pas ; qu'en affirmant que ces clauses autorisaient Me [C] à percevoir la moitié de l'honoraire de résultat défini, dès lors que M. [L] avait bien retiré son dossier à Me [C] à l'issue de la procédure de première instance clôturée par un jugement frappé d'appel et non assorti de l'exécution provisoire et qu'une décision favorable avait ensuite été rendue par la cour, sans rechercher si ces clauses ne visaient pas la seule hypothèse d'un jugement favorable obtenu en première instance, avant dessaisissement de l'avocat, et confirmé en cause d'appel, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil ; 2°) Alors que n'est pas en soi illicite la clause d'une convention prévoyant le paiement d'un honoraire de résultat dans sa totalité en cas de dessaisissement de l'avocat avant l'obtention d'une décision irrévocable, cet honoraire pouvant faire l'objet d'une réduction s'il présente un caractère exagéré au regard du service rendu ; que l'honoraire de résultat doit être mesuré à la contribution de l'avocat au résultat obtenu ou au service rendu au client ; qu'en l'espèce, M. [L] contestait fermement que Me [C] ait contribué au résultat obtenu en cause d'appel, quatre ans après son dessaisissement, après qu'il eut fait part de ses vives réserves sur les chances de succès d'un tel recours et alors que le tribunal, soulignant la faiblesse de son argumentation sur la faute, avait conclu à l'absence de faute et que le nouveau conseil mandaté par M. [L] en cause d'appel avait développé un nouveau moyen sur la faute médicale qui avait permis l'infirmation du jugement ; qu'en allouant à Me [C] la totalité de l'honoraire de résultat prévu, sans préciser quelle avait été la contribution de ce dernier au résultat obtenu, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, relatif aux règles déontologiques de la profession d'avocat, tel que modifié par le décret n° 2017-1226 du 2 août 2017 ; 3°) Alors que'en se bornant à affirmer qu'au vu des pièces du dossier et des échanges entre les parties, il n'était pas établi que M. [L] n'avait pas consenti à la convention qu'il avait signée ainsi qu'à l'ensemble de ses dispositions, sans s'expliquer sur les arguments précis développés par M. [L] pour justifier de son défaut de consentement, et notamment son déficit fonctionnel permanent de 70 % l'empêchant de lire, d'écrire et de comprendre les consignes complexes, le premier président n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Il résulte des articles 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 que si l'avocat ne peut réclamer un honoraire de résultat que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, une convention d'honoraires peut prévoir les modalités de sa rémunération en cas de dessaisissement avant l'obtention d'une telle décision. Il appartient alors au juge de l'honoraire de rechercher si l'avocat a contribué au résultat obtenu et de réduire cet honoraire s'il présente un caractère exagéré au regard du résultat obtenu ou du service rendu
7,925
CIV. 2 / EXPTS LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 juin 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 643 F-B Recours n° S 21-60.198 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2022 M. [I] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le recours n° S 21-60.198 en annulation d'une décision rendue le 19 novembre 2021 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. M. [J] a sollicité sa réinscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans la rubrique « bâtiment - travaux publics », spécialités « génie civil » (C-01.10) et « gros oeuvre-structure » (C-01.12). 2. Par décision du 19 novembre 2021, contre laquelle M. [J] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande en raison de la limite d'âge des experts judiciaires, fixée à moins de 70 ans à l'article 2, 7°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004. Examen des griefs Exposé du grief 3. M. [J] fait valoir, d'une part, que la décision attaquée fait une interprétation erronée des dispositions de l'article 18 du décret du 23 décembre 2004, en ce qu'elles permettent à un expert inscrit sur la liste nationale de conserver le bénéfice de son inscription sur une liste dressée par une cour d'appel et, en conséquence, de solliciter sa réinscription, nonobstant l'article 2 dudit décret fixant, au niveau des cours d'appel, à moins de 70 ans la limite d'âge des experts judiciaires. 4. Il se prévaut, d'autre part, d'une violation des dispositions des articles 6 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales au regard des disparités de nature discriminatoire résultant des divergences de décisions rendues sur la question par les cours d'appel. Réponse de la Cour 5. C'est par une exacte interprétation des textes applicables que l'assemblée générale, constatant que M. [J] avait atteint la limite d'âge de 70 ans au 1er janvier de l'année suivant celle de présentation de sa demande, a retenu qu'il ne remplissait pas la condition d'âge prévue par l'article 2, 7°, du décret du 23 décembre 2004 pour être réinscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel, aucune disposition ne prévoyant, y compris pour un expert inscrit sur la liste nationale, de possibilité de déroger à titre exceptionnel à cette condition pour l'inscription ou la réinscription sur les listes dressées par les cours d'appel. 6. Le grief ne peut, dès lors, être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le recours ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt-deux.
Il résulte de l'application combinée des dispositions des articles 2, 7°, et 18, alinéa 4, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 qu'une personne physique ne peut être inscrite ou réinscrite sur une liste d'experts judiciaires dressée par une cour d'appel si elle est âgée de plus de 70 ans, aucune disposition ne prévoyant, y compris pour un expert inscrit sur la liste nationale, de possibilité de déroger, à titre exceptionnel, à cette condition. Dès lors, c'est par une exacte interprétation des textes applicables que l'assemblée générale des magistrats du siège, constatant que le candidat avait atteint la limite d'âge de 70 ans au 1er janvier de l'année suivant celle de présentation de sa demande, a retenu qu'il ne remplissait pas la condition d'âge prévue par l'article 2, 7°, sus visé, pour être réinscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel
7,926
CIV. 2 / EXPTS CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 juin 2022 Annulation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 657 F-B Recours n° C 22-60.074 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2022 M. [J] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le recours n° C 22-60.074 en annulation d'une décision rendue le 3 décembre 2021 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Lyon. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. M. [G] a sollicité son inscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Lyon dans les rubriques « enduits » (C-01.08), « revêtement intérieur » (C-01.22) et « isolation thermique, frigorifique » (C-01.26.04). 2. Par décision du 3 décembre 2021, contre laquelle M. [G] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande. Examen des griefs Sur le premier grief Exposé du grief 3. M. [G] fait valoir que la lettre de notification lui a été envoyée à son adresse professionnelle, ce qui n'est pas approprié s'agissant d'une candidature s'inscrivant dans un projet personnel. Réponse de la Cour 4. Seules les décisions prises par l'autorité chargée de l'établissement des listes d'experts judiciaires pouvant donner lieu à recours, les modalités de leur notification sont sans incidence sur leur validité. 5. Le grief est, dès lors, inopérant. Mais sur le second grief Exposé du grief 6. M. [G] fait valoir qu'en application de l'article 2, 8°, du décret du 23 décembre 2004, il est nécessaire pour tout candidat à l'inscription sur une liste d'experts d'exercer son activité professionnelle principale dans le ressort de la cour d'appel concernée, qu'il justifie lui-même d'une expertise technique des enduits et peintures en bâtiment après dix ans d'expérience, que la société Keim France où il travaille est une PME et non un grand groupe et que ni cette société ni lui-même ne sont membres d'un quelconque groupement les reliant aux autres fournisseurs du secteur, ce qui garantit ses complètes indépendance et impartialité, lesquelles sont en outre confortées par ses activités passées de réserviste au sein de la gendarmerie. Il ajoute qu'il a sollicité son inscription également dans la rubrique « isolation thermique » qui ne relève pas de son activité en tant que salarié. Réponse de la Cour Vu l'article 2, 6°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 : 7. Selon ce texte, une personne physique ne peut être inscrite ou réinscrite sur une liste d'experts dressée par une cour d'appel que si elle n'exerce aucune activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise. 8. Pour rejeter la demande de M. [G], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel retient que l'activité salariée du candidat dans un grand groupe, en lien avec tous les fournisseurs du secteur, ne garantit pas son indépendance. 9. En statuant ainsi, alors que le fait d'être salarié d'une société entretenant des relations commerciales avec de nombreux clients ne constitue pas, en soi, l'exercice d'une activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise dans la spécialité considérée, l'assemblée générale des magistrats du siège a méconnu le texte susvisé. 10. La décision de cette assemblée générale doit, dès lors, être annulée en ce qui concerne M. [G]. PAR CES MOTIFS, la Cour : ANNULE la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Lyon en date du 3 décembre 2021, en ce qu'elle a refusé l'inscription de M. [G] ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision partiellement annulée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt-deux.
Le fait, pour un candidat à l'inscription sur la liste des experts d'une cour d'appel dans la rubrique "bâtiment et travaux publics", d'être salarié d'une société entretenant des relations commerciales avec de nombreux fournisseurs de ce secteur ne constitue pas, en soi, l'exercice d'une activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise, au sens de l'article 2, 6°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004
7,927
CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 juin 2022 Cassation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 668 F-B Pourvoi n° N 20-20.745 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2022 1°/ M. [J] [E], domicilié [Adresse 1], 2°/ la société Espérance rénovation et négociation, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° N 20-20.745 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige les opposant à la société Covéa protection juridique, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits des sociétés Das assurances mutuelles et Das SA, défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [E] et de la société Espérance rénovation et négociation, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Covéa protection juridique, venant aux droits des sociétés Das assurances mutuelles et Das SA, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2020), rendu sur renvoi après cassation (2e civ., 7 février 2019, pourvoi n° 18-10.658) et les productions, la société Espérance rénovation et négociation (la société assurée), qui avait donné à bail un pavillon à usage d'habitation à Mmes [M] et [B] à compter du 1er septembre 2010, a conclu, conformément aux dispositions légales relatives à la « garantie des risques locatifs », un contrat d'assurance, à effet du 15 septembre 2010, couvrant les loyers impayés, les dégradations locatives et la prise en charge des frais de contentieux, auprès des sociétés Das assurances mutuelles et Das SA (les assureurs), aux droits desquelles se trouve la société Covéa protection juridique (l'assureur). La société assurée ayant déclaré un sinistre résultant de loyers demeurés impayés entre le 1er septembre 2011 et le 31 décembre 2013 pour un montant de 45 617 euros, les assureurs lui ont versé une indemnité correspondant à cette somme. 2. Exposant avoir découvert, à l'occasion d'un litige opposant la société assurée à Mmes [M] et [B], qu'un second contrat de location portant sur le même bien avait été consenti à titre personnel par M. [E], gérant de la société assurée, le 15 septembre 2010 à Mme [M] et M. [O], contrat dont ils n'avaient pas été informés, les assureurs ont assigné la société assurée et M. [E] en annulation du contrat d'assurance et en restitution de l'indemnité indûment versée. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui, pour le premier, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et, pour le second, est irrecevable. Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 4. M. [E] et la société assurée font grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat d'assurance du 15 septembre 2010 conclu entre la société assurée et l'assureur et de les condamner in solidum [lire solidairement] à payer à cette dernière la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société assurée à ses premières locataires, alors « qu'en toute hypothèse, l'annulation du contrat implique que l'assuré n'ait pas déclaré la modification du risque de mauvaise foi, avec la volonté, en diminuant l'opinion du risque par l'assureur, de causer le dommage constitué par l'obligation pour celui-ci de garantir ce risque ; qu'en jugeant, pour annuler le contrat, que l'absence de déclaration du second bail s'apparentait à une réticence intentionnelle, que M. [E] s'était abstenu « volontairement » de le porter à la connaissance de l'assureur quand bien même il l'aurait conclu « pour rendre service » à Mme [M] et M. [O], sans établir qu'il avait eu pour mobile de causer le dommage constitué par l'obligation pour l'assureur de garantir ce risque, en la tenant pour indifférente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-8 du code des assurances. » Réponse de la Cour 5. C'est, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la cour d'appel a estimé que l'absence volontaire de déclaration par le représentant légal de la société assurée à l'assureur d'un second bail, 15 jours après la signature du premier, portant sur le même bien mais au profit de locataires différents, constituait une réticence intentionnelle et que celle-ci, en raison de la modification des revenus des locataires, avait changé l'objet du risque pour l'assureur, sans avoir à rechercher si son représentant légal avait eu l'intention de causer un dommage à l'assureur. 6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. M. [E] fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum [lire solidairement], avec la société assurée à payer à l'assureur la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société à ses premières locataires, alors « que seul l'assuré est tenu à restitution des sommes payées par l'assureur en exécution d'un contrat d'assurance nul ; qu'en condamnant M. [E], in solidum [lire solidairement] avec la société assurée, à la restitution des sommes exposées par l'assureur en exécution du contrat annulé auquel, pourtant, seule la société assurée était partie, la cour d'appel a violé l'article 1165 devenu 1199 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 8. L'assureur conteste la recevabilité du moyen comme nouveau, mélangé de fait et de droit. Il fait valoir qu'il existe, avec la seconde branche, un lien explicité par les termes « en toute hypothèse » imposant de comprendre cette première branche comme signifiant que l'associé d'une société civile immobilière n'est pas partie au contrat conclu par celle-ci et que, dans leurs conclusions d'appel, la société assurée et M. [E] ne déduisaient aucune conséquence de la qualité d'associé de M. [E], laquelle se réfère à une constatation de fait qui ne résulte pas des énonciations des juges du fond. 9. Cependant, ce moyen qui ne se réfère pas à la qualité d'associé de M. [E] et invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même ne pouvant être décelé avant que celui-ci ne soit rendu, n'est pas nouveau. 10. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1165 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 113-8 du code des assurances : 11. Il résulte du second de ces textes que l'annulation d'un contrat d'assurance en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, entraîne la restitution, par l'assuré, des indemnités versées par l'assureur en exécution du contrat annulé. 12. Il résulte du premier de ces textes que seul l'assuré auquel ont été versées les indemnités est tenu de les restituer. 13. Pour condamner M. [E], solidairement avec la société assurée, à payer à l'assureur la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société à ses premières locataires, l'arrêt retient qu'en l'absence de tout débat sur ce point, la condamnation prononcée sera solidaire entre la société assurée et M. [E] son représentant légal. 14. En statuant ainsi, alors que M. [E] était un tiers au contrat annulé, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 17. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 12 à 14 qu'il y a lieu de rejeter la demande de condamnation de M. [E] solidairement avec la société Espérance rénovation et négociation au paiement de la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et de celle de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société à ses premières locataires. 18. En outre, la cassation prononcée des chefs de l'arrêt ci-dessus s'étend également aux chefs de l'arrêt condamnant M. [E] solidairement avec la société Espérance rénovation et négociation à la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, il déboute M. [E] de toutes ses demandes, en ce comprise celle formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, d'autre part, il condamne M. [E] solidairement avec la Sci Espérance rénovation et négociation à payer à la société Covéa protection juridique les sommes suivantes : - 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015 ; - 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la Sci précitée à ses premières locataires ; - 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; et enfin, il condamne M. [E] solidairement avec la Sci Espérance rénovation et négociation aux entiers dépens de 1re instance et d'appel, l'arrêt rendu le 16 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉBOUTE la société Covéa protection juridique de sa demande tendant à ce que M. [E] soit condamné solidairement avec la société Espérance rénovation et négociation au paiement de la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et de la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société Espérance rénovation et négociation à ses premières locataires ; CONDAMNE la société Espérance rénovation et négociation aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris sur renvoi après cassation ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Espérance rénovation et négociation, la société Covéa protection juridique et M. [E] devant la Cour de cassation et condamne la société Espérance rénovation et négociation à payer à la société Covéa protection juridique, au titre de la procédure suivie devant la cour d'appel de Paris sur renvoi après cassation, la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [E] et la société civile immobilière (SCI) Espérance rénovation et négociation PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [E] et la SCI Espérance Rénovation et Négociation font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la nullité du contrat d'assurance du 15 septembre 2010 conclu entre la SCI Espérance Rénovation et Négociation et la société Covéa Protection Juridique et de les AVOIR condamnés in solidum à payer à cette dernière la somme de 45 617 euros en principal outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015 et la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la SCI à ses premières locataires ; 1°) ALORS QUE dans leurs dernières conclusions, les exposants soutenaient que, si M. [E] avait accepté d'établir un contrat de bail au profit de Mme [M] et de son fiancé, sur insistance de ces derniers et pour leur rendre service, Mme [B], colocataire de Mme [M] déclarée à l'assureur, n'avait pas donné congé au bailleur de sorte qu'elle restait tenue de la dette de loyer, en dépit de la conclusion de ce second bail de pure convenance (leurs conclusions, p. 8, in fine) ; qu'en se bornant à juger, pour annuler le contrat, que l'absence de déclaration du second bail avait modifié l'objet du risque, par la baisse des revenus des colocataires (arrêt, p. 7, al. 3 et 4), sans répondre à ce moyen déterminant qui établissait que les débiteurs initiaux des loyers y restaient tenus et que, partant, les revenus des personnes tenues aux loyers n'avaient pas changé et que le risque assuré n'avait donc pas été modifié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'annulation du contrat implique que l'assuré n'ait pas déclaré la modification du risque de mauvaise foi, avec la volonté, en diminuant l'opinion du risque par l'assureur, de causer le dommage constitué par l'obligation pour celui-ci de garantir ce risque ; qu'en jugeant, pour annuler le contrat, que l'absence de déclaration du second bail s'apparentait à une réticence intentionnelle, que M. [E] s'était abstenu « volontairement » de le porter à la connaissance de l'assureur quand bien même il l'aurait conclu « pour rendre service » à Mme [M] et M. [O] (arrêt p. 7, al. 2), sans établir qu'il avait eu pour mobile de causer le dommage constitué par l'obligation pour l'assureur de garantir ce risque, en la tenant pour indifférente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-8 du code des assurances. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) M. [E] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamné, in solidum, avec la SCI Espérance Rénovation et Négociation à payer à la société Covéa Protection Juridique la somme de 45 617 euros en principal outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015 et la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la SCI à ses premières locataires ; 1°) ALORS QUE seul l'assuré est tenu à restitution des sommes payées par l'assureur en exécution d'un contrat d'assurance nul ; qu'en condamnant M. [E], in solidum avec la SCI Espérance Rénovation et Négociation, à la restitution des sommes exposées par l'assureur en exécution du contrat annulé auquel, pourtant, seule la SCI était partie, la cour d'appel a violé l'article 1165 devenu 1199 du code civil ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, pour poursuivre l'associé d'une société civile en paiement des dettes sociales, le créancier doit démontrer avoir préalablement et vainement poursuivi la société civile du fait de l'insuffisance de son patrimoine social ; qu'en condamnant M. [E], in solidum avec la SCI Espérance Rénovation et Négociation, à la restitution des sommes exposées par l'assureur en exécution du contrat annulé auquel seule la SCI était partie, sans établir que toute poursuite contre cette dernière aurait été, du fait de l'insuffisance du patrimoine social, privée d'efficacité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1858 du code civil.
C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et sans avoir à rechercher si son représentant légal avait eu l'intention de causer un dommage à l'assureur que, pour prononcer la nullité du contrat d'assurance couvrant les loyers impayés liant la société assurée et l'assureur, une cour d'appel estime que l'absence volontaire de déclaration par le représentant légal de la société assurée à l'assureur d'un second bail, conclu15 jours après la signature du premier, portant sur le même bien mais au profit de locataires différents, constitue une réticence intentionnelle et que celle-ci, en raison de la modification des revenus des locataires, avait changé l'objet du risque pour l'assureur. Il résulte des dispositions combinées de l'article 1165 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, et de l'article L. 113-8 du code des assurances qu'en cas d'annulation du contrat d'assurance souscrit par une société, son représentant légal, tiers au contrat d'assurance annulé, n'est pas tenu de restituer à l'assureur les indemnités versées à la société assurée
7,928
N° X 22-81.942 F-B N° 00889 SL2 14 JUIN 2022 REJET M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 JUIN 2022 M. [G] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 10 mars 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [G] [V], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [G] [V] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire le 23 octobre 2020. 3. Comparaissant devant le juge des libertés et de la détention le vendredi 11 février 2022 dans le cadre d'un débat contradictoire sur l'éventuelle prolongation de sa détention provisoire, l'intéressé, qui a fait valoir qu'il se défendait seul et qu'il n'avait pas été avisé de l'audience avant d'être extrait le jour même, a sollicité le report du débat pour produire divers documents. 4. Le juge saisi a fait droit à cette demande et a informé M. [V] que le débat se tiendrait le mercredi 16 février suivant à 15 heures. 5. À cette date, l'intéressé, qui a comparu, a affirmé qu'il n'avait pas eu le temps nécessaire pour rassembler lesdits documents et préparer ainsi sa défense, mais n'a pas présenté de nouvelle demande de renvoi. 6. Par une ordonnance en date du même jour, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire de M. [V], qui a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a écarté la nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, alors « que la personne mise en examen qui assure seule sa défense lors du débat contradictoire sur la détention provisoire devant le juge des libertés et de la détention doit disposer du temps et des facilités nécessaires pour sa préparation ; qu'en se retranchant, pour écarter le moyen de nullité tiré de l'insuffisance du temps accordé à M. [V] pour préparer sa défense, sur les circonstances que le délai de convocation de cinq jours ouvrables n'était pas applicable et que le mis en examen n'était pas en possession des éléments qu'il entendait produire, ce qui ne permettait pas d'exclure que le délai de deux jours ouvrables qui lui avait été laissé pour préparer sa défense, qu'il assurait seul, dans les conditions contraintes d'une détention, était insuffisant, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 6, § 3, b, de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 8. Le code de procédure pénale ne prévoit pas l'envoi d'un avis d'audience devant le juge des libertés et de la détention à la personne mise en examen détenue qui se défend seule. 9. Il se déduit des articles 6, § 3, b, de la Convention européenne des droits de l'homme et 145 du code de procédure pénale que, lorsque la personne détenue, qui, n'ayant pas fait choix d'un avocat et n'ayant pas été avisée de la date du débat contradictoire sur l'éventuelle prolongation de sa détention provisoire, en sollicite le report pour préparer sa défense, le juge saisi doit veiller à ce que le délai qu'il accorde soit suffisant. 10. Un délai de cinq jours ouvrables, semblable à celui prévu par l'article 114 du code de procédure pénale pour la convocation des avocats, doit être considéré comme suffisant. 11. Lorsqu'en revanche, la personne a été avisée de l'audience devant ce magistrat moins de cinq jours ouvrables avant la date de celle-ci ou, à défaut d'un tel avis, a bénéficié d'un délai de report d'une durée inférieure à cinq jours ouvrables, elle est recevable à soutenir que le délai dont elle a effectivement bénéficié pour préparer sa défense était insuffisant, le juge étant tenu de vérifier la réalité du grief ainsi allégué. 12. Pour rejeter la demande de nullité du débat contradictoire, l'arrêt attaqué reprend, notamment, le contenu du procès-verbal du 11 février 2022, qui mentionne que l'intéressé a demandé le report en faisant valoir que, avisé, le jour même, de sa comparution, il n'a pas été autorisé à prendre les documents qu'il détenait à la maison d'arrêt et qu'il souhaitait produire pour sa défense. 13. Les juges relèvent que le débat contradictoire à fin de prolongation éventuelle de la détention provisoire s'inscrit nécessairement dans un délai contraint et que le délai de cinq jours ouvrables n'est pas applicable en l'espèce. 14. Ils ajoutent que l'élaboration d'un projet de sortie, non abouti, a déjà été évoquée lors de la précédente prolongation de détention et que les déclarations de l'intéressé, lors du débat du 11 février 2022, accréditaient la réalité d'un projet élaboré, soutenu par des documents en sa possession que, pour des raisons contingentes, il n'avait pu produire lors de son extraction pour cette date. 15. La chambre de l'instruction en déduit que c'est sans aucune violation des droits de M. [V] que le débat a pu se tenir le 16 février 2022, date à laquelle l'intéressé a révélé qu'il n'avait pas, en réalité, les pièces qu'il entendait produire, dont il attendait encore la réception. 16. En l'état de ces seuls motifs, dont il se déduit que la durée du délai de quatre jours, dont deux jours ouvrables, accordé à l'intéressé, dont la détention avait déjà été prolongée à trois reprises, était suffisant compte tenu des conditions et motifs de sa demande de renvoi et n'a ainsi pas fait grief aux droits de la défense, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes et principes visés au moyen. 17. Celui-ci doit, dès lors, être rejeté. 16. L'arrêt est par ailleurs régulier, tant en la forme qu'en application des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze juin deux mille vingt-deux.
Lorsque la personne détenue qui, n'ayant pas fait choix d'un avocat et n'ayant pas été avisée de la date du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention sur l'éventuelle prolongation de sa détention provisoire, sollicite le report dudit débat contradictoire pour préparer sa défense, le juge saisi doit accorder un délai suffisant. Un délai de cinq jours ouvrables, semblable à celui prévu par l'article 114 du code de procédure pénale pour la convocation des avocats, est suffisant. Si le délai accordé par le juge, ou celui écoulé entre l'avis adressé à la personne détenue et la date du débat contradictoire, est inférieur à cinq jours ouvrables, cette personne est recevable à soutenir que le délai dont elle a effectivement bénéficié pour préparer sa défense était insuffisant. Dans ce cas, le juge est tenu de vérifier la réalité du grief ainsi allégué. N'encourt pas la censure l'arrêt qui, pour rejeter le demande de nullité du débat contradictoire, statue par des motifs dont il se déduit que la durée du délai de quatre jours, dont deux jours ouvrables, accordé à l'intéressé, dont la détention avait déjà été prolongée à trois reprises, était suffisant compte tenu des conditions et motifs de sa demande de renvoi et n'a ainsi pas fait grief aux droits de la défense
7,929
Demande d'avis n°W 22-70.004 Juridiction : la cour d'appel de Colmar CA7 Avis du 14 juin 2022 n° 15006 P+B R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ COUR DE CASSATION _________________________ Chambre sociale Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile : La Cour de cassation a reçu le 15 mars 2022 une demande d'avis formée le 22 février 2022 par la cour d'appel de Colmar, dans une instance opposant M. [H] à la société Sodihardt. La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, et les observations écrites et orales de Mme Roques, avocat général référendaire. Énoncé de la demande d'avis 1. La demande est ainsi formulée : « La convention instituant un préliminaire obligatoire de médiation s'impose-t-elle au juge du fond dès lors que les parties l'invoquent et doit-elle en conséquence entraîner l'irrecevabilité d'une demande formée sans que la procédure de médiation ait été mise en oeuvre ? » Examen de la demande d'avis 2. Aux termes de l'article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti. 3. Il en résulte qu'en raison de l'existence en matière prud'homale d'une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l'occasion de ce contrat n'empêche pas les parties de saisir directement le juge prud'homal de leur différend. PAR CES MOTIFS, la Cour : EST D'AVIS QU'en raison de l'existence en matière prud'homale d'une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l'occasion de ce contrat n'empêche pas les parties de saisir directement le juge prud'homal de leur différend. Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 14 juin 2022 , après examen de la demande d'avis lors de la séance du 31 mai 2022 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : M. Cathala, président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, conseillers, Mmes Prache, Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, Mme Aubac, greffier de chambre, Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.
En raison de l'existence en matière prud'homale d'une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l'occasion de ce contrat, n'empêche pas les parties de saisir directement le juge prud'homal de leur différend
7,930
N° M 22-80.023 F-B N° 00899 SL2 14 JUIN 2022 NON-LIEU A STATUER M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 JUIN 2022 M. [T] [B] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 16 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de participation à une association de malfaiteurs terroriste, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa requête sur ses conditions de détention. Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [T] [B], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Vu l'article 606 du code de procédure pénale : 1. Il y a lieu de considérer, qu'à défaut de texte législatif contraire, l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction statuant sur une requête portant sur les conditions de détention d'une personne placée en détention provisoire entre dans les prévisions de l'article 567 du code de procédure pénale. 2. Dès lors, le pourvoi formé contre une telle décision est recevable. 3. Cependant, en l'espèce, il y a lieu de constater que le recours prévu à l'article 803-8 du code de procédure pénale ayant pour objet soit de permettre une amélioration des conditions de détention de la personne mise en examen dans l'établissement où elle est incarcérée au jour de sa requête, soit d'empêcher la continuation de ces conditions lorsqu'elles seraient indignes, le pourvoi est devenu sans objet en raison du transfèrement de M. [B], le 23 février 2022, du centre de détention de [Localité 1] vers le centre pénitentiaire de [2]. 4. Dès lors, en application de l'article 606 du code de procédure pénale, il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT n'y avoir lieu de statuer sur le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze juin deux mille vingt-deux.
Est devenu sans objet, en raison de son transfèrement vers un autre lieu de détention, le pourvoi formé par une personne placée en détention provisoire contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction confirmant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa requête sur ses conditions de détention
7,931
N° B 21-85.691 FS-B N° 00680 ODVS 21 JUIN 2022 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 JUIN 2022 La société Armement [J] et M. [U] [J] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 11e chambre, en date du 8 septembre 2021, qui a condamné, la première, pour blessures involontaires et infraction à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs, à 8 000 euros et 1 000 euros d'amende, le second, pour blessures involontaires, à 2 000 euros d'amende. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire, commun aux demandeurs, et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Armement [J] et de M. [U] [J], et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, conseillers de la chambre, MM. Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Lesclous, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [F] [H], victime d'un accident du travail à bord d'un navire de pêche, a déposé plainte à la gendarmerie maritime à l'encontre du mécanicien de bord et de la société Armement [J]. 3. Son incapacité totale de travail a été évaluée à soixante jours. 4. A l'issue de l'enquête, la société Armement [J] et M. [U] [J], en sa qualité d'armateur, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs de blessures involontaires avec incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail et emploi de travailleur sans organisation et dispense d'une information et d'une formation pratique et appropriée en matière de santé et de sécurité. 5. Les juges du premier degré les ont déclarés coupables de ces chefs. 6. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen 7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur les deuxième et troisième moyens Enoncé des moyens 8. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [J] coupable des faits de blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail et l'a en conséquence condamné à une peine d'amende de 2 000 euros, alors : « 1°/ que le délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois ne peut être caractérisé qu'en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement ; que l'article R. 4141-1 du code du travail qui dispose que « la formation à la sécurité concourt à la prévention des risques professionnels » n'édicte pas d'obligation particulière de sécurité ou de prudence à la charge de M. [J], au sens de l'article 222-20 du code pénal ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2°/ que l'auteur indirect d'une infraction involontaire ne peut être condamné que si la violation d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement qui lui est imputée se trouve à l'origine des blessures ou du décès de la victime ; qu'en déclarant M. [J] coupable des blessures causées à M. [H] aux motifs que l'absence de formation reçue par ce dernier était « incontestablement à l'origine de l'accident », bien qu'elle ait relevé que l'accident résultait de la mise en marche du treuil par M. [N] [O], sans vérifier si M. [H] avait terminé sa manoeuvre ni s'il s'était écarté du treuil, ce dont il résultait que l'absence de formation délivrée à ce dernier était sans rapport avec la survenance de l'accident, la cour d'appel a violé les articles 121-3 et 222-20 du code pénal. » 9. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société Armement [J] coupable des faits de blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail et l'a en conséquence condamnée à une peine d'amende de 8 000 euros, alors : « 1°/ que le délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois suppose une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement ; qu'en condamnant la société Armement [J] du chef de ce délit aux motifs que l'insuffisance de formation de M [H] était constitutif d'« une faute caractérisée », la cour d'appel a violé les articles 222-20 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en se bornant à relever que la société Armement [J] avait commis une faute caractérisée, sans rechercher si l'obligation de formation qu'il lui était reprochée de ne pas avoir respectée, prévue à l'article R. 4141-1 du code du travail, constituait une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 222-20 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que l'auteur indirect d'une infraction involontaire ne peut être condamné que si la violation d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement qui lui est imputée se trouve à l'origine des blessures ou du décès de la victime ; qu'en déclarant la société Armement [J] coupable des blessures causées à M. [H] aux motifs que l'absence de formation reçue par ce dernier était « incontestablement à l'origine de l'accident », bien qu'elle ait relevé que l'accident résultait de la mise en marche du treuil par M. [O], sans vérifier si M. [H] avait terminé sa manoeuvre ni s'il s'était écarté du treuil, ce dont il résultait que l'absence de formation délivrée à ce dernier était sans rapport avec la survenance de l'accident, la cour d'appel a violé les articles 121-3 et 222-20 du code pénal. » Réponse de la Cour 10. Les moyens sont réunis. Vu l'article 222-20 du code pénal et les articles L. 4141-1 et L. 4141-2 du code du travail : 11. Selon le premier de ces textes, est constitutif d'un délit le fait de causer à autrui, par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois. 12. Selon les deux autres, l'employeur organise et dispense une information des travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier et il organise une formation pratique et appropriée à la sécurité au bénéfice des travailleurs qu'il embauche mais aussi des travailleurs qui changent de poste de travail ou de technique, cette formation devant être répétée périodiquement. 13. Pour déclarer M. [J] et la société Armement [J] coupables de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois, l'arrêt attaqué énonce que M. [H] n'a reçu aucune formation pratique et appropriée à la manoeuvre dangereuse de virage de chalut à bord et que cette absence de formation est à l'origine de l'accident dont il a été victime, puisque son bras droit a été pris dans le treuil que le mécanicien a mis en marche. 14. Les juges ajoutent que les faits ont été commis par M. [J] en qualité de représentant de la société, s'agissant du président de cette dernière, et au nom et pour le compte de la société, qui a délibérément omis de délivrer une formation spécifique à la victime pour l'exercice d'une manoeuvre particulièrement délicate. 15. Ils rappellent que l'obligation de formation et d'information est une obligation de sécurité prévue par la loi et le règlement. 16. Ils en déduisent que cette absence de formation à la sécurité constitue une faute caractérisée ayant exposé la victime à une situation dangereuse de la part de la société Armement [J] et démontre une volonté délibérée de violer une obligation particulière de sécurité de la part de M. [J]. 17. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 18. En effet, l'article 222-20 du code pénal ne qualifie de délit les blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois qu'en cas de manquement délibéré à une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, de sorte qu'il n'est pas possible de retenir que les manquements constatés constituent une faute caractérisée. 19. Or, les articles L. 4141-1 et L. 4141-2 du code du travail ne comportent que des obligations générales de prudence et de sécurité. 20. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquence de la cassation 21. Lorsqu'à l'occasion d'une même procédure, la personne poursuivie est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les unes visées par l'article L. 4741-1 du code du travail, les autres prévues par l'article 222-20 du code pénal, les peines de même nature se cumulent. 22. La cassation sera limitée à la culpabilité et à la peine prononcées en application de l'article 222-20 du code pénal, dès lors que la déclaration de culpabilité au titre des infractions prévues par les dispositions susvisées du code du travail n'encourt pas la censure. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 8 septembre 2021, mais en ses seules dispositions ayant déclaré la société Armement [J] et M. [J] coupables du délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois et ayant prononcé des peines de ce chef, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un juin deux mille vingt-deux.
L'article 222-20 du code pénal ne qualifie de délit les blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois qu'en cas de manquement délibéré à une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. Il résulte des dispositions des articles L.4141-1 et L.4141-2 du code du travail que ces derniers ne comportent que des obligations générales de prudence et de sécurité. Encourt dès lors la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui déclare les employeurs, armateurs d'un navire de pêche, coupables du délit prévu par l'article 222-20 du code pénal en retenant que l'absence de formation à la sécurité constitue une faute caractérisée ayant exposé le salarié, victime d'un accident du travail, à une situation dangereuse et démontre une volonté délibérée de violer une obligation particulière de sécurité
7,932
N° G 20-84.428 FS-B N° 00775 SL2 21 JUIN 2022 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 JUIN 2022 La société Chaudronnerie albanaise a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 18 décembre 2019, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Chaudronnerie albanaise, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MMA Iard et de la société MMA Iard assurances mutuelles, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire agissant pour le compte de la CPAM de Haute-Savoie, et les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société APC Etanch', et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Aubert, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 21 juin 2007, M. [I] [F] employé par la société APC Etanch', a chuté du toit d'un bâtiment de la société Chaudronnerie albanaise, sur lequel il effectuait des travaux. 3. Les deux sociétés ont été poursuivies devant le tribunal correctionnel de Chambery pour blessures involontaires par personne morale avec incapacité supérieure à trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail. 4. Par jugement du 27 mars 2009, le tribunal correctionnel a relaxé la société APC Etanch', déclaré la société Chaudronnerie albanaise coupable de l'infraction poursuivie, et, sur l'action civile, a reçu M. [F] en sa constitution de partie civile, déclaré la société Chaudronnerie albanaise responsable du préjudice subi par le salarié, donné acte à M. [F] de ce qu'il avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande de réparation, et sursis à statuer sur les intérêts civils. 5. M. [F] a saisi la juridiction de sécurité sociale par requête du 16 décembre 2008. Par arrêt du 9 décembre 2014, la chambre sociale de la cour d'appel a liquidé son préjudice. 6. Parallèlement, le tribunal correctionnel a renvoyé l'affaire à plusieurs reprises, dans l'attente que la juridiction sociale ait définitivement statué. Dans ce cadre, la société MMA Iard, assureur de la société Chaudronnerie albanaise, aux droits de laquelle se trouvent aujourd'hui les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, a été mise en cause par M. [F]. 7. Par conclusions déposées à l'audience du 10 décembre 2015, M. [F] a sollicité la condamnation conjointe et solidaire de la société Chaudronnerie albanaise et de son assureur la société MMA Iard, à lui verser diverses sommes du chef des préjudices dont il estimait ne pas avoir été indemnisé par la juridiction de sécurité sociale. 8. Par jugement du 12 janvier 2017, le tribunal correctionnel a déclaré irrecevables les demandes de la société Chaudronnerie albanaise et de M. [F] à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, a déclaré ces dernières hors de cause, et a condamné la société Chaudronnerie albanaise à payer à M. [F], ainsi qu'à la CPAM de Haute-Savoie, diverses sommes au titre des chefs de préjudice retenus. 9. La société Chaudronnerie albanaise et la CPAM ont relevé appel de cette décision. Examen du moyen, après avis de la deuxième chambre civile Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société Chaudronnerie albanaise à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, et déclaré MMA Iard et MMA Iard assurances hors de cause, alors « que lorsque l'action de l'assuré a pour cause le recours d'un tiers, le délai de prescription biennale court du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier ; que l'action en justice s'entend de l'action exercée par le tiers victime par laquelle il formule expressément une demande en justice aux fins d'obtenir une indemnisation de l'assuré, à savoir sa condamnation à lui verser des dommages et intérêts ; que la simple constitution de partie civile du tiers victime devant la juridiction répressive sans formulation de demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société assurée ne peut faire courir le délai de l'article L 114-1 du code des assurances ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable le recours de la société Chaudronnerie albanaise Granger à l'encontre de son assureur, que la constitution de partie civile de M. [F] reçue le 2 mars 2009 par le tribunal correctionnel avait fait courir le délai de prescription biennale de sorte que l'action en garantie exercée par la société Chaudronnerie albanaise Granger à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, son assureur, lors du dépôt de ses conclusions le 10 mars 2016, était prescrite, cependant que par ses conclusions initiales de 2009 M. [F] avait seulement demandé que sa constitution de partie civile soit déclarée recevable, qu'il lui soit donné acte de ce qu'il saisissait le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande de réparation et qu'il soit sursis à statuer sur les intérêts civils contre la société Chaudronnerie albanaise Granger et que ce n'est que par conclusions du 10 décembre 2015 qu'il avait sollicité la condamnation de ladite société à lui verser des dommages et intérêts en indemnisation de divers préjudices, la cour d'appel a violé les articles L. 114-1 du code des assurances, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 11. Pour confirmer le jugement du 12 janvier 2017 en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de la société Chaudronnerie albanaise à l'égard de son assureur les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, l'arrêt attaqué énonce notamment, par motifs propres et adoptés, que, lors de l'audience du 2 mars 2009, le tribunal correctionnel a reçu la constitution de partie civile de M. [F], déclaré la société Chaudronnerie albanaise responsable de son préjudice et sursis à statuer sur les intérêts civils compte-tenu de la saisine par celui-ci de la juridiction sociale. 12. Les juges ajoutent qu'il est ainsi démontré que M. [F] a bien engagé une action à l'encontre de la société Chaudronnerie albanaise en se constituant partie civile et en formulant des demandes à l'encontre de cette dernière, qu'il ne saurait donc être jugé que le point de départ du délai de prescription de deux ans n'a commencé à courir qu'à compter des demandes de paiement formulées par M. [F] dans ses conclusions en date du 10 décembre 2015. 13. Ils en déduisent que, la société MMA Iard n'ayant été appelée en cause, par lettre recommandée avec accusé de réception du conseil de M. [F], que le 24 janvier 2012 pour l'audience du 8 mars 2012, l'action de la société Chaudronnerie albanaise à l'encontre de son assureur introduite par conclusions du 10 mars 2016, ne peut qu'être déclarée prescrite. 14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 15. En effet, pour l'application de l'article L 114-1, alinéa 3, du code des assurances, lorsque l'action de l'assuré a pour cause le recours d'un tiers qui s'exerce par la mise en oeuvre de l'action civile devant la juridiction pénale, le point de départ du délai de la prescription biennale se situe au jour de la constitution de partie civile de ce tiers devant la juridiction pénale compétente pour connaître de la demande de réparation, dès lors que cette constitution manifeste l'intention d'engager la responsabilité civile de l'auteur du dommage, quand bien même la partie civile ne formulerait à ce stade aucune demande en paiement. 16. Ainsi le moyen doit être écarté. 17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un juin deux mille vingt-deux.
Pour l'application de l'article L. 114-1 du code des assurances, lorsque l'action de l'assuré a pour cause le recours d'un tiers qui s'exerce par la mise en oeuvre de l'action civile devant la juridiction pénale, le point de départ du délai de la prescription biennale se situe au jour de la constitution de partie civile de ce tiers devant la juridiction pénale compétente pour connaître de la demande de réparation, dès lors que cette constitution manifeste l'intention d'engager la responsabilité civile de l'auteur du dommage, quand bien même la partie civile ne formulerait à ce stade aucune demande en paiement
7,933
N° Y 20-86.857 FS-B N° 00776 SL2 21 JUIN 2022 CASSATION PARTIELLE M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 JUIN 2022 Les sociétés [2] et [1] ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-14, en date du 24 novembre 2020, qui, pour blessures involontaires, a condamné la première, à 20 000 euros d'amende, la seconde, à 40 000 euros d'amende et qui, pour infractions à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs, a condamné la première à deux amendes de 5 000 euros, et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire, commun aux demanderesses, a été produit. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [2] et la société [1], et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, conseillers de la chambre, MM. Joly, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Lesclous, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [B] [E], salarié de la société [2], exploitant un site d'industrie textile, a subi un accident du travail sur une machine « ouvreuse-broyeuse » destinée à produire de la ouate. 3. La société [1] ([1]), holding de la société [2], cette dernière, ainsi que M. [V] [X], directeur du site, ont été poursuivis des chefs de blessures involontaires suivies d'une incapacité totale de travail supérieure à trois mois et de non-respect des mesures relatives à l'hygiène, la sécurité ou les conditions de travail. 4. Les juges du premier degré les ont déclarés coupables pour l'ensemble de ces chefs. 5. Les sociétés [2] et [1], M. [X] et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen 6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur les deuxième et troisième moyens 7. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré les sociétés [2] et [1] coupables des faits de blessures involontaires par personne morale, avec incapacité supérieure à trois mois dans le cadre du travail subies par M. [E], condamné la société [1] à une peine d'amende de 40 000 euros, condamné la société [2] à une peine d'amende de 20 000 euros en répression des blessures involontaires par personne morale avec incapacité supérieure à trois mois subies par M. [E] dans le cadre du travail, alors : « 1°/ que la responsabilité pénale d'une personne morale ne peut être engagée qu'à la condition que soit précisément identifié l'organe ou le représentant de la personne morale ayant commis l'infraction pour le compte de celle-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que « l'absence de guide a (…) multiplié les occasions de bourrage » et qu' « aucune procédure particulière en cas de bourrage de la machine n'avait été pensée et mise en application au sein de l'atelier » ; que l'organe s'entend de la personne exerçant en droit ou en fait la direction de la personne morale, le représentant étant toute personne disposant du pouvoir d'engager la personne morale à l'égard des tiers ; qu'après avoir jugé que M. [X], dont elle a retenu qu'il ne disposait d'aucune délégation de pouvoirs, n'avait pas commis de faute qualifiée au sens de l'article 121-3 du code pénal, la cour d'appel a retenu que les négligences de ce salarié étaient « révélatrices de la faute des responsables de la sécurité dans l'usine qui sont les personnes morales employeurs pour le compte desquelles le travail était accompli. Elles engagent la responsabilité de la société [2] qui l'a commise pour le compte de la société [1], qui est sa représentante légale et était donc l'organe de [2] au sens de l'article 121-2 du code pénal » ; que la cour d'appel a ajouté que la responsabilité des sociétés [2] et [1] était engagée par les fautes de leur préposé, directeur sans délégation de pouvoir valide ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses constatations que M. [X] ne disposait pas d'une délégation de pouvoirs de son employeur et qu'en particulier, il n'avait pas le pouvoir ni les moyens d'exercer des prérogatives de direction en matière d'hygiène ou de sécurité, de sorte que ce salarié, dont elle n'a pas constaté qu'il avait le pouvoir d'engager la société à l'égard des tiers, ne pouvait avoir la qualité de représentant de la société [2], ne pouvait être son représentant, la cour d'appel a violé l'article 121-2 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que les juges répressifs doivent identifier l'organe ou le représentant de la personne morale ayant commis l'infraction pour le compte de celle-ci ; que pour déclarer la société de droit espagnol [1], qui est le président de la société [2], coupables des faits de blessures involontaires par personne morale, avec incapacité supérieure à trois mois dans le cadre du travail subies par M. [E], la cour d'appel a retenu que les négligences commises par M. [X] étaient « révélatrices de la faute des responsables de la sécurité dans l'usine qui sont les personnes morales employeurs pour le compte desquelles le travail était accompli. Elles engagent la responsabilité de la société [2] qui l'a commise pour le compte de la société [1], qui est sa représentante légale et était donc l'organe de [2] au sens de l'article 121-2 du code pénal » ; que la cour d'appel a ajouté que la responsabilité des sociétés [2] et [1] était engagée par les fautes de leur préposé, directeur sans délégation de pouvoir valide ; qu'en statuant de la sorte, quand il ressortait de ses constatations que M. [X] n'était pas la salarié de la société [1] mais celui de la société [2], et que cette dernière n'était pas l'organe ou le représentant de la société [1], la cour d'appel a derechef méconnu l'article 121-2 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. » 8. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [2] coupable des faits d'infraction à la réglementation relative à l'hygiène, la sécurité ou les conditions de travail, en ne posant pas, en infraction à l'article R. 4324-1 du code du travail, un carter de protection, alors « que la responsabilité pénale d'une personne morale ne peut être engagée qu'à la condition que soit précisément identifié l'organe ou le représentant de la personne morale ayant commis l'infraction pour le compte de celle-ci ; que pour déclarer la société [2] coupable des faits d'infraction à la réglementation relative à l'hygiène, la sécurité ou les conditions de travail, la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de toute délégation valable donnée à son directeur d'usine Monsieur [X], le chef d'entreprise avait conservé seul la responsabilité pénale au regard de la réglementation relative à l'hygiène et la sécurité ; qu'en statuant de la sorte, sans identifier l'organe ou le représentant de la société [2] par le biais duquel aurait été commise l'infraction pour la compte de cette société, la cour d'appel a violé l'article 121-2 du code pénal, ensemble l'article R. 4324-1 du code du travail.» Réponse de la Cour 9. Les moyens sont réunis. Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche et sur le troisième moyen 10. Pour déclarer la société [2] coupable de blessures involontaires et d'infractions à la réglementation sur l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail, l'arrêt attaqué énonce, d'une part, qu'il appartenait à l'employeur de prévoir la présence sur le site d'un délégataire ou bien d'exercer lui-même la surveillance indispensable à l'application effective de la réglementation relative à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, d'autre part, qu'en l'absence de toute délégation valable donnée à son directeur d'usine, le chef d'entreprise conservait seul la responsabilité pénale en cette matière. 11. Les juges ajoutent, par ailleurs, que la société [1], présidente de la société [2], est sa représentante légale et son organe au sens de l'article 121-2 du code pénal. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucune des dispositions visées aux moyens. 13. En effet, l'organe de la société [2], pour le compte de laquelle l'infraction a été commise, a été identifié comme étant la société [1], personne morale assurant sa présidence. 14. Ainsi, les griefs doivent être écartés. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 15. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 16. Pour déclarer la société [1] coupable de blessures involontaires, l'arrêt attaqué retient qu'aucune délégation valable n'ayant été consentie à M. [X], salarié de la société [2], non pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens suffisants, la société [1] qui est la représentante légale et la société mère de cette dernière, aurait dû s'assurer de l'application effective de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité sur le site. 17. Les juges ajoutent que le simple fait de se reposer sur une délégation imparfaite signe une faute d'organisation managériale ayant une répercussion directe sur la sécurité dans l'entreprise restée à la charge des responsables espagnols. 18. Ils retiennent enfin que l'infraction commise par la société [2] a été faite au nom et pour le compte de la société [1], présidente de la société [2]. 19. En se déterminant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que la société [1] était la représentante légale de la société [2], la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 20. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 21. La cassation sera limitée à la déclaration de culpabilité de la société [1], à la peine prononcée contre celle-ci et à la condamnation civile la concernant, toutes autres dispositions de l'arrêt étant expressément maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 24 novembre 2020, mais en ses seules dispositions relatives à la culpabilité de la société [1], à la peine prononcée à son encontre et à la condamnation civile la concernant, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; ET pourqu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un juin deux mille vingt-deux.
Il résulte des dispositions de l'article 121-2 du code pénal que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. Ne méconnaît pas les exigences de ce texte la cour d'appel qui, pour déclarer une société coupable de blessures involontaires et infractions à la réglementation sur l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail, identifie une autre société, personne morale qui en assure la présidence, comme étant l'organe qui, pour son compte, a commis ces infractions
7,934
CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 534 F-B Pourvoi n° A 20-22.712 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022 Mme [R] [L], épouse [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-22.712 contre l'arrêt rendu le 9 octobre 2020 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile, section II), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [V], épouse [G], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [L], de la SCP Spinosi, avocat de Mme [V], après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 9 octobre 2020) et les productions, [X] et [C] [V] sont décédés respectivement les 19 avril et 14 décembre 2006, en laissant pour leur succéder leurs deux filles, Mmes [D] et [G]. 2. Un jugement du 12 mai 2010 a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision en résultant et désigné M. [Z], notaire, pour y procéder. 3. Le 5 juin 2014, M. [M], successeur de M. [Z], a établi un acte comportant projet d'état liquidatif, propositions d'allotissement et dires des parties, signé par les copartageantes, puis dressé, le 20 novembre 2014, un procès-verbal de carence dans le partage des successions, Mme [D] ne s'étant pas présentée à une convocation ultérieure. 4. Mme [G] a alors assigné sa soeur en homologation du projet de partage. Examen des moyens Sur le troisième moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. Mme [D] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de désignation d'un nouveau notaire, alors « que si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage ; que, dans le cas où le notaire est empêché, il est pourvu à son remplacement par le juge désigné à cette fin ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que le 12 mai 2010, le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a ordonné l'ouverture des opérations de partage et désigné Me [W] [Z], notaire à [Localité 3], pour y procéder, prévoyant qu'en cas d'empêchement, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du vice-président chargé de la chambre civile, sur requête de la partie la plus diligente" ; qu'elle a également constaté qu'à la suite de la cessation de ses fonctions par M. [Z], aucune partie n'a sollicité la désignation d'un nouveau notaire" ; qu'en rejetant la demande de Mme [D] en désignation d'un notaire en remplacement de M. [Z], quand il résultait de ses propres constatations qu'il n'avait pas été pourvu au remplacement de M. [Z] par une décision du juge désigné, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1364 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 1364 et 1371, alinéa 2, du code de procédure civile : 7. Le premier de ces textes dispose : « Si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d'accord, par le tribunal. » 8. Selon le second, le juge commis peut, même d'office, procéder au remplacement du notaire commis par le tribunal. 9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si les copartageants peuvent choisir d'un commun accord le remplaçant du notaire initialement désigné, celui-ci ne peut poursuivre les opérations de partage sans être désigné par le tribunal ou le juge commis. 10. Pour rejeter la demande de Mme [D] tendant à la désignation d'un nouveau notaire pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage des successions de ses parents, l'arrêt retient, d'une part, que, par arrêté du garde des sceaux du 9 novembre 2011, publié le 23 novembre 2011, MM. [M] et [S] ont été nommés notaires associés en remplacement de M. [Z] et qu'ils ont prêté serment en cette qualité devant le tribunal le 7 décembre 2011, d'autre part, qu'aucune partie n'a sollicité la désignation d'un nouveau notaire en novembre 2011 et qu'il apparaît que Mmes [D] et [G] ont considéré que M. [M], successeur de M. [Z], poursuivrait les opérations de partage avec tous les documents dont disposait celui-ci. 11. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il résultait de ses propres constatations qu'il n'avait pas été pourvu au remplacement du notaire initialement désigné par une décision du tribunal ou du juge commis à la surveillance des opérations de partage, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt ayant rejeté la demande de Mme [D] tendant à la désignation d'un notaire en remplacement de M. [Z] entraîne la cassation du chef de dispositif homologuant le projet de partage établi le 5 juin 2014 par M. [M], visé par le deuxième moyen, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme [D] tendant à la désignation d'un notaire en remplacement de M. [Z] et homologue le projet de partage établi le 5 juin 2014 par M. [M], l'arrêt rendu le 9 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ; Condamne Mme [G] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Berthomier, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour Mme [L] I.- PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [R] [V], épouse [D] de sa demande de désignation d'un nouveau notaire ; AUX MOTIFS QUE, sur la demande de désignation d'un nouveau notaire, le 12 mai 2010, le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a ordonné l'ouverture des opérations de partage et désigné Me [W] [Z], notaire à [Localité 3], pour y procéder, prévoyant qu'en cas d'empêchement du notaire mandaté, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du vice-président chargé de la chambre civile, sur requête de la partie la plus diligente ; que, par arrêté du Garde des Sceaux du 9 novembre 2011, publié le 23 novembre 2011, MM. [K] [M] et [F] [S] ont été nommés notaires associés à la résidence de [Localité 3] en remplacement de Me [W] [Z] ; qu'ils ont prêté serment en cette qualité devant le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne le 7 décembre 2011 ; que le tribunal relève avec pertinence qu'aucune partie n'a sollicité la désignation d 'un nouveau notaire en novembre 2011 ; qu'il apparaît que les deux soeurs ont considéré que Me [M], successeur de Me [Z], poursuivrait les opérations de partage avec tous les documents dont disposait Me [Z] ; que Mme [D] reproche à Me [M] de n'avoir pas sollicité les relevés de comptes bancaires de leurs parents sur lesquels Mme [G] disposait d'une procuration et aurait prélevé des sommes en espèces du vivant de M. et Mme [C] [V] ; qu'elle se plaint de ce qu'il n'a pas répondu à ses courriers des 8 et 11 septembre 2019, par lesquels elle lui demandait de transmettre les certificats d'hérédité, les comptes d'administration de Me [Z] et de Me [M], la procuration Caisse d'Epargne au profit de Mme [G] et se plaignait de ce que son projet n'était pas complet ; que le tribunal répond avec pertinence que : – Mme [D] a été déboutée à deux reprises de sa demande de transmission des relevés de comptes bancaires, d'abord par le jugement du 12 mai 2010, puis par l'ordonnance de mise en état du 17 mai 2017, compte tenu de l'absence d'éléments de preuve sur des actes abusifs qui auraient été commis par sa soeur ; – Mme [D] n'apporte aucun élément nouveau s'agissant des prétendus détournements effectués par Mme [G] ; – Il ressort des pièces bancaires versées que Mme [G] n'a disposé d'aucune procuration sur les comptes Caisse d'Epargne de ses parents avant le 13 décembre 2003 et que Mme [G] et Mme [D] ont toutes deux bénéficié d'une procuration sur le compte BPLC de leur père à compter du 27 juillet 2006 ; que, par ailleurs, la comparaison des relevés de compte des époux [A] - [V] entre le 30 décembre 2003 et le 30 novembre 2006 révèle l'augmentation du solde des livret B, livret A, LEP et Codevi, ce qui démontre que Mme [G] n'a pas utilisé sa procuration pour détourner de l'argent à son profit ; – Par courriers des 7 et 25 novembre 2013, Me [M] a demandé à Mme [D] de transmettre des éléments de preuve sur les fonds retirés par Mme [G] ou sur les actes abusifs qu'elle aurait commis, ; que la cour ajoute que, par courrier du 30 septembre 2014, Me [M] a adressé à Mme [D] la copie de l'ensemble des relevés de comptes ouverts au nom de ses parents à la BPLC et à la Caisse d'Epargne, en observant que les comptes ne révélaient pas de particularités susceptibles de modifier le projet de partage initialement établi (pièce n° 12 de l'intimée) ; qu'eu égard aux éléments sus-évoqués, les premiers juges ont exactement analysé que Mme [D] ne pouvait raisonnablement reprocher au notaire de ne pas avoir effectué d'investigations dépassant le cadre des opérations de liquidation et partage des successions de M. et Mme [C] [V] et qu'aucun manquement du notaire n'étant démontré, Mme [D] devait être déboutée de sa demande en désignation d'un autre notaire 1) ALORS QUE si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage ; que, dans le cas où le notaire est empêché, il est pourvu à son remplacement par le juge désigné à cette fin ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que « le 12 mai 2010, le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a ordonné l'ouverture des opérations de partage et désigné Me [W] [Z], notaire à [Localité 3], pour y procéder, prévoyant qu'en cas d'empêchement, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du vice-président chargé de la chambre civile, sur requête de la partie la plus diligente » ; qu'elle a également constaté qu'à la suite de la cessation de ses fonctions par Me [Z], « aucune partie n'a sollicité la désignation d'un nouveau notaire » ; qu'en rejetant la demande de Mme [D] en désignation d'un notaire en remplacement de Me [Z], quand il résultait de ses propres constatations qu'il n'avait pas été pourvu au remplacement de Me [Z] par une décision du juge désigné, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1364 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage ; que, dans le cas où le notaire est empêché, il est pourvu à son remplacement par le juge désigné à cette fin ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que « le 12 mai 2010, le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a ordonné l'ouverture des opérations de partage et désigné Me [W] [Z], notaire à [Localité 3], pour y procéder, prévoyant qu'en cas d'empêchement, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du vice-président chargé de la chambre civile, sur requête de la partie la plus diligente » ; qu'en se bornant à relever, pour rejeter la demande de Mme [D] en désignation d'un notaire en remplacement de Me [Z], que par arrêté du Garde des sceaux, MM. [K] [M] et [F] [S] avaient été nommés notaires associés en remplacement de Me [Z] et que « les deux soeurs [avaient] considéré que Me [M], successeur de Me [Z], poursuivrait les opérations de partage avec tous les documents dont disposait Me [Z] », la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1364 du code de procédure civile ; 3) ALORS, en toute hypothèse, QUE si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage ; que le notaire désigné peut être remplacé lorsqu'il n'exerce pas correctement sa mission ; qu'au soutien de sa demande en désignation d'un notaire en remplacement du notaire désigné, Mme [D] faisait valoir que « Me [K] [M] n'a[vait] pas entendu solliciter des relevés de comptes bancaires sur lesquels pourtant Mme [G] avait procuration et sur lesquels des sommes en espèce ont été prélevées par cette dernière » ; que, pour rejeter la demande de Mme [D], la cour d'appel a retenu qu' « il ressort[ait] des pièces bancaires versées que Mme [G] n'a disposé d'aucune procuration sur les comptes Caisse d'Épargne de se parents avant le 13 décembre 2003 et que Mme [G] et Mme [D] ont toutes deux bénéficié d'une procuration sur le compte BPLC de leur père à compter du 27 juillet 2006 » et que « par ailleurs, la comparaison des relevés de compte des époux [A]-[V] révèle l'augmentation du solde des livret B, livret A, LEP et Codevi, ce qui démontre que Mme [G] n'a pas utilisé sa procuration pour détourner de l'argent à son profit » ; qu'en statuant ainsi, quand le fait que les soldes des comptes pour lesquels Mme [G] avait une procuration aient augmenté ne permettait nullement d'exclure qu'elle ait détourné à son profit une partie des sommes déposées, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1371 du code de procédure civile. II. – DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR homologué le projet de partage établi le 5 juin 2014 par Me [K] [M], notaire à [Localité 3], successeur de Me [W] [Z] de l'indivision post-communautaire et successorale de Mme [X] [A] épouse [V] et M. [C] [V] ; AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur la demande de changement de notaire, il est constant que la demande de changement de notaire doit être justifiée par la preuve d'un manquement de ce professionnel à ses obligations dans l'accomplissement de ses fonctions ; qu'en l'espèce, Madame [R] [V], épouse [D] considère que Maître [M], qui n'a pas été désigné par le Tribunal, n'a pas effectué sa mission en ne sollicitant pas l'intégralité des comptes bancaires sur la période allant de 2003 à 2007 de Monsieur [C] [V] et de son épouse sur lesquels Madame [Y] [V], épouse [G] disposait d'une procuration et n'aurait ainsi pas recherché des éléments démontrant que cette dernière a commis des détournements à son profit ; qu'au préalable, il y a lieu de relever que si aucune décision du juge commis à la surveillance des opérations de partage des successions n'est intervenue en novembre 2011 pour désigner Maître [M], notaire, aux lieu et place de Maître [W] [Z], cette omission ne peut entraîner la nullité du projet de partage établi par Maître [M] lequel a été nommé par arrêté du garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés en date du 9 novembre 2011, publié au Journal Officiel du 23 novembre 2011, en remplacement de Me [Z], et a prêté serment le 7 décembre 2011 ; 1) ALORS QU'est nul le projet de partage qui n'a pas été établi par le notaire désigné ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que « le 12 mai 2010, le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a ordonné l'ouverture des opérations de partage et désigné Me [W] [Z], notaire à [Localité 3], pour y procéder, prévoyant qu'en cas d'empêchement, il sera[it] pourvu à son remplacement par ordonnance du vice-président chargé de la chambre civile, sur requête de la partie la plus diligente », avant de relever qu' « aucune partie n'a[vait] sollicité la désignation d'un nouveau notaire » ; qu'en homologuant le partage établi par Me [M] quand il résultait de ses propres constatations que c'est Me [Z] qui avait été désigné pour y procéder et qu'il n'avait pas été pourvu à son remplacement par le juge désigné, la cour d'appel a violé l'article 1364 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'est nul le projet de partage qui n'a pas été établi par le notaire désigné ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que « le 12 mai 2010, le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a ordonné l'ouverture des opérations de partage et désigné Me [W] [Z], notaire à [Localité 3], pour y procéder, prévoyant qu'en cas d'empêchement, il sera[it] pourvu à son remplacement par ordonnance du vice-président chargé de la chambre civile, sur requête de la partie la plus diligente », avant de relever qu' « aucune partie n'a[vait] sollicité la désignation d'un nouveau notaire » ; qu'en homologuant le partage établi par Me [M] au motif en réalité inopérant que, par arrêté du Garde des sceaux, MM. [K] [M] et [F] [S] avaient été nommés notaires associés en remplacement de Me [Z] et que « les deux soeurs [avaient] considéré que Me [M], successeur de Me [Z], poursuivrait les opérations de partage avec tous les documents dont disposait Me [Z] », la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1364 du code de procédure civile. III. – TROISIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [R] [V] épouse [D] de toutes ses demandes relatives à la mission du notaire et d'AVOIR homologué le projet de partage établi le 5 juin 2014 par Me [K] [M], notaire à [Localité 3], successeur de Me [W] [Z] de l'indivision post-communautaire et successorale de Mme [X] [A], épouse [V] et M. [C] [V] ; AUX MOTIFS QUE, sur les demandes relatives à la mission du notaire, Mme [D] veut voir préciser que le notaire aura les missions ci-après ; – Reconstituer la masse successorale des défunts : que, selon l'article 1368 du code de procédure civile, applicable au partage judiciaire, « Dans le délai d'un an suivant sa désignation, le notaire dresse un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir » ; que la masse successorale correspondant à la masse partageable, il n'y a rien à ajouter à la mission prévue par les textes ; – Contrôler tous les comptes des défunts pour vérifier si Mme [G] a bénéficié de dons manuels ou a opéré des prélèvements à son profit, grâce aux procurations dont elle disposai : que, par courrier du 30 septembre 2014, cité plus haut, Me [M] répondait à Mme [D] que les relevés des comptes BPLC et Caisse d'Epargne des époux [A]-[V] ne présentaient pas de particularités susceptibles de modifier le projet de partage ; que les éléments financiers sur les années 2004 à 2006 transmis par Mme [G] (ses pièces nos 9 à 11) expliquent les retraits opérés sur les comptes des parents par les dépenses en protections/incontinence, bas de contention, pyjamas, linge, produits d'hygiène et le montant des virements effectués est également compatible avec les besoins de parents malades et âgés ; que, par ailleurs, Mme [D] ne fournit aucun élément concret accréditant l'hypothèse de détournements de fonds par Mme [G] grâce aux procurations dont elle a bénéficié ; qu'il n'y a donc pas à ajouter à la mission du notaire un contrôle particulier des comptes des défunts ; – Réaliser l'inventaire complet du mobilier indivis et faire deux lots à tirer au sort : que Mme [D] et Mme [G] ont fait dresser le 21 février 2007 un inventaire du mobilier meublant par Me [H], notaire de leurs parents, suivi de la prisée des objets susceptibles d'estimation par Me [U], commissaire-priseur ; que Mme [G] a ensuite fait établir un constat par Me [T], huissier de justice, le 28 décembre 2007, des meubles et objets se trouvant dans l'appartement des parents, précisant les objets de valeur (bijoux, faïence, ménagère de couverts…) qu'elle conservait en attendant leur partage ; que ces inventaires seront complétés par le notaire en charge du partage si Mme [D] apporte des preuves de l'existence de biens omis dans ces inventaires et constats ; qu'il n'est donc pas utile de compléter en ce sens la mission du notaire ; que, par ailleurs, rien ne s'oppose à ce que le mobilier indivis soit partagé en deux lots avec tirage au sort, selon le souhait de Mme [D] ; que les dispositions du jugement, qui donnent acte à Mme [G] de ce qu'elle accepte de laisser à sa soeur tous les meubles meublants et dit que les bijoux seront partagés entre les soeurs à valeur égale, n'interdisent pas la modification réclamée ; – Obtenir la communication du projet de partage de la succession de M. [C] [V] dressé par Me [H] : que Me [M] a repris les opérations de partage avec les documents transmis par Me [H], dont est transmis le relevé de compte daté du 23 octobre 2012 portant sur la période du 7 juin 2006 au 31 décembre 2012 (pièce no 21) ; qu'à supposer que Me [H] ait élaboré un projet de partage, il n'y a guère d'intérêt à le communiquer aux parties puisque la procédure ne concerne désormais que le projet de partage établi par Me [M] ; que, partant, Mme [D] est déboutée de sa demande en ce sens ; – Établir deux successions distinctes sur des pièces originales et certifiées : que, selon l'article 840-1 du code civil, applicable au partage judiciaire, « Lorsque plusieurs indivisions existent exclusivement entre les mêmes personnes, qu 'elles portent sur les mêmes biens ou sur des biens différents, un partage unique peut intervenir » ; qu'il n'y a donc pas d'obligation d'établir deux partages distincts pour chacun des époux [A]-[V] ; que la demande en ce sens est rejetée ; qu'en conséquence, il doit seulement être ajouté à la mission de Me [M] que le mobilier indivis sera partagé en deux lots, attribués par tirage au sort ; 1) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions est un défaut de motif ; qu'au soutien de ses demandes relatives à la mission du notaire, Mme [D] faisait valoir, dans ses conclusions (pp. 14-15) que « Mme [G] [avait] également bénéficié des avantages liés à un Plan d'Épargne Logement au nom de ses parents » et que, « en réalité, Mme [G] [avait] utilisé les PEL de ses parents pour l'achat de ses biens immobiliers, sans le moindre remboursement à feus M. et Mme [V] [A] », ce dont elle concluait que la mission du notaire devait être complétée en ce sens ; qu'en rejetant les demandes de Mme [D] au titre de la mission du notaire, sans répondre à ses conclusions quant à la nécessité de déterminer le sort des Plans d'Épargne Logement souscrits par ses parents, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions est un défaut de motif ; qu'au soutien de ses demandes relatives à la mission du notaire, Mme [D] faisait valoir, dans ses conclusions (p. 15) que « Mme [G] [avait] encore reçu en donation deux véhicules de ses parents, lesquels véhicules étaient assurés auprès de la Banque Populaire, établissement au sein duquel un changement d'assuré [avait] dû être régularisé », avant de souligner que ce changement d'assuré n'était pas démontré, ce dont elle concluait, là encore, que la mission du notaire devait être complétée afin de vérifier que les époux [V]-[A] n'avaient pas été amenés à payer l'assurance de véhicules donnés à Mme [G] ; qu'en rejetant les demandes de Mme [D] au titre de la mission du notaire, sans répondre à ses conclusions quant à la nécessité de rechercher s'il y avait effectivement eu changement de l'assuré désigné quant aux véhicules donnés à Mme [G], la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte de la combinaison des articles 1364 et 1371, alinéa 2, du code de procédure civile que, si les copartageants peuvent choisir d'un commun accord le remplaçant du notaire initialement désigné, celui-ci ne peut poursuivre les opérations de partage sans être désigné par le tribunal ou le juge commis
7,935
CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2022 Cassation partielle sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 608 FS-B Pourvoi n° Y 21-10.570 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022 M. [U] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-10.570 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2020 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à M. [D] [I], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [U] [I], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [D] [I], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 octobre 2020), [B] [P] est décédé le 15 septembre 2013 en laissant pour lui succéder ses deux fils, [U] et [D], en l'état d'un testament olographe daté du 8 avril 2010 et instituant son fils [D] légataire universel. 2. Des difficultés sont survenues lors du règlement de la succession. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. M. [U] [I] fait grief à l'arrêt de dire, aux fins de détermination du montant de l'indemnité de réduction due par M. [D] [I], que l'expert désigné à cette fin aura mission de déterminer la consistance et la valeur de tous les biens existant au décès de [B] [I] et d'y réunir les biens dont il a été disposé en déterminant leur consistance et leur valeur dans les conditions prévues à l'article 922 du code civil et de rejeter sa demande tendant à la valorisation des biens légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en vertu de l'article 924-2 du code civil, alors « qu'il résulte de la combinaison des articles 924, 924-1 et 924-2 du code civil que si le montant de l'indemnité de réduction due à l'héritier réservataire par le bénéficiaire d'une libéralité excédant la quotité disponible doit être calculé d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet, le montant de cette indemnité destinée à reconstituer la réserve doit être évalué, faute de partage, le jour où elle est liquidée en vue de son paiement ; qu'en retenant "qu'en l'absence d'indivision, aucun partage ne pouvait avoir lieu", que "le légataire universel détenant la propriété léguée à la date du décès, qui était donc la date de la jouissance divise des biens, c'était à cette date que l'indemnité est due au réservataire et doit donc être liquidée" et que M. [U] [I] ne pouvait dès lors reprocher au tribunal de ne pas avoir prévu, dans la mission de l'expert commis, la valorisation des biens donnés ou légués à leur valeur actuelle, lorsqu'en l'absence d'indivision, ces biens, faute de partage, devaient être valorisés, pour le calcul de l'indemnité de réduction, à la date de la liquidation de cette indemnité en vue de son paiement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. » Réponse de la Cour Vu l'article 924-2 du code civil : 4. Aux termes de ce texte, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet. 5. En l'absence d'indivision entre le bénéficiaire de la libéralité et l'héritier réservataire et, par conséquent, en l'absence de partage, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque de sa liquidation ou de leur aliénation par le gratifié. 6. Pour rejeter la demande de M. [U] [I] tendant à voir incluse, dans la mission de l'expert désigné, la détermination de la valeur des biens donnés ou légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en application de l'article 924-2 du code civil, l'arrêt retient qu'en l'absence d'indivision et donc de partage, le légataire universel détient la propriété des biens légués à la date du décès, qui est celle de la jouissance divise, de sorte que c'est à cette date que l'indemnité de réduction est due au réservataire et doit donc être liquidée. 7. En statuant ainsi, alors que l'indemnité de réduction devait être calculée conformément à l'article 924-2 du code civil, la cour d'appel l'a violé. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement rendu le 21 février 2019 en ce qu'il n'inclut pas, dans la mission de Mme [Y] [V], expert désigné, la détermination de la valeur des biens donnés ou légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en application de l'article 924-2 du code civil, l'arrêt rendu le 27 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Dit que Mme [Y] [V], expert désigné, aura mission de déterminer la valeur des biens donnés ou légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en application de l'article 924-2 du code civil ; Dit n'y avoir lieu de modifier la charge des dépens telle que retenue par les juges du fond ; Condamne M. [D] [I] aux dépens de l'instance en cassation ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [U] [I] M. [U] [I] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, aux fins de détermination du montant de l'indemnité de réduction due par M. [D] [I], dit que l'expert désigné à cette fin aura pour mission de déterminer la consistance et la valeur de tous les biens existants au décès de [B] [I] et d'y réunir les biens dont il a été disposé en déterminant leur consistance et leur valeur dans les conditions prévues à l'article 922 du code civil, et de l'avoir débouté de sa demande tendant à la valorisation des biens légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en vertu de l'article 924-2 du code civil ; Alors, d'une part, que le débiteur d'une dette de valeur se libère par le versement de la somme d'argent résultant de sa liquidation ; qu'en retenant « qu'en l'absence d'indivision, aucun partage ne pouvait avoir lieu » (arrêt p. 14, § 1), que « le légataire universel détenant la propriété léguée à la date du décès, qui est donc la date de la jouissance divises des biens, c'est à cette date que l'indemnité de réduction est due au réservataire et doit donc être liquidée » (arrêt p. 13, § 4) et que M. [U] [I] ne pouvait dès lors reproche au tribunal de ne pas avoir prévu dans la mission de l'expert commis la valorisation des biens donnés ou légués à leur valeur actuelle [quand l'indemnité de réduction due par M. [D] [I] par suite du legs universel excédant la quotité disponible dont il avait bénéficié constituait une dette de valeur dont le montant devait être fixé à la date de sa liquidation, la cour d'appel a violé l'article 1343, alinéa 3, du code civil ; ] Alors, d'autre part, et en tout état de cause, qu'il résulte de la combinaison des articles 924, 924-1 et 924-2 du code civil que si le montant de l'indemnité de réduction due à l'héritier réservataire par le bénéficiaire d'une libéralité excédant la quotité disponible doit être calculé d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet [le montant de cette indemnité destinée à reconstituer la réserve doit être évalué, faute de partage, le jour où elle est liquidée en vue de son paiement] ; qu'en retenant « qu'en l'absence d'indivision, aucun partage ne pouvait avoir lieu » (arrêt p. 14, § 1), que « le légataire universel détenant la propriété légués à la date du décès, qui est donc la date de la jouissance divises des biens, c'est à cette date que l'indemnité de réduction est due au réservataire et doit donc être liquidée » (arrêt p. 13, § 4), et que M. [U] [I] ne pouvait dès lors reprocher au tribunal de ne pas avoir prévu dans la mission de l'expert commis la valorisation des biens donnés ou légués à leur valeur actuelle quand, en l'absence d'indivision, ces biens, faute de partage, devraient être valorisés, pour calculer l'indemnité de réduction, à la date de liquidation de cette indemnité en vue de son paiement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Aux termes de l'article 924-2 du code civil, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet. En l'absence d'indivision entre le bénéficiaire de la libéralité et l'héritier réservataire et, par conséquent, en l'absence de partage, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque de sa liquidation ou de leur aliénation par le gratifié
7,936
CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 501 FS-B Pourvoi n° K 21-10.512 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022 Mme [I] [Z], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° K 21-10.512 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 3), dans le litige l'opposant 1°/ à Mme [U] [Y], domiciliée [Adresse 3], 2°/ à la société Pacifica, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], 3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ à la Mission nationale de controle et d'audit des organismes de sécurité sociale dont le siège est [Adresse 1], représentée par le ministre des afffaires sociales et de la santé, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [Z], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [Y] et de la société Pacifica, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à Mme [Z] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai et la mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2020), le 5 juillet 2014, Mme [Y] (la bailleresse), assurée auprès de la société Pacifica, a donné à bail à Mme [Z] (la locataire) un appartement situé en étage. 3. Le 3 octobre 2014, la locataire a chuté depuis une fenêtre du logement dépourvue de garde-corps et dont la partie basse se situait à moins de 90 centimètres du plancher. 4. Elle a assigné la bailleresse et son assureur en responsabilité et indemnisation. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors : « 1°/ que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de l'exposante, que le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 n'oblige pas les bailleurs à créer des dispositifs de retenue des personnes dans les immeubles anciens, construits avant 1955, qui en sont dépourvus, en l'absence de dispositions légales ou réglementaires imposant leur installation, quand ne satisfait pas aux caractéristiques du logement décent le logement dont les dispositifs de garde-corps des balcons ne sont pas dans un état conforme à leur usage, la cour d'appel a violé les articles 1719 du code civil et 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et les articles 1 et 2-2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ; 2°/ qu'il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail ; ne satisfait pas aux caractéristiques du logement décent le logement dont les dispositifs de garde-corps des balcons ne sont pas dans un état conforme à leur usage ; qu'en retenant que l'absence de garde-corps constituait une caractéristique inhérente à la date de construction du local loué dont le locataire peut se convaincre lors de la visite des lieux, alors que l'appréciation du caractère dangereux d'une fenêtre n'est pas à la portée d'un locataire profane et ne constitue pas une caractéristique inhérente au local loué, la cour d'appel a violé les articles 1721 du code civil, 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et les articles 1 et 2-2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002. » Réponse de la cour 6. En premier lieu, la cour d'appel a retenu à bon droit que le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 imposait seulement aux bailleurs d'entretenir les garde-corps existants dans un état conforme à leur usage, mais non d'installer de tels dispositifs dans les immeubles anciens qui en étaient dépourvus, en l'absence de dispositions légales ou réglementaires l'imposant. 7. Elle en a exactement déduit que le fait pour la bailleresse de ne pas avoir équipé de garde-corps les fenêtres de l'appartement donné à bail ne caractérisait pas un manquement à son obligation de mise à disposition d'un logement décent satisfaisant aux conditions prévues par le décret privé en matière de sécurité et de santé. 8. En second lieu, la cour d'appel a pu retenir que l'absence de garde-corps dans un immeuble construit avant 1955 ne constituait ni un vice de construction, ni une défectuosité dont le bailleur devait répondre, mais une caractéristique apparente inhérente à sa date de construction, dont le locataire pouvait se convaincre lors de la visite des lieux. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et la condamne à payer à Mme [Y] et la société Pacifica la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] Madame [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de l'AVOIR déboutée de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de Mme [U] [Y] et de la société Pacifica. ALORS DE PREMIERE PART QUE le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de l'exposante, que le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 n'oblige pas les bailleurs à créer des dispositifs de retenue des personnes dans les immeubles anciens, construits avant 1955, qui en sont dépourvus, en l'absence de dispositions légales ou réglementaires imposant leur installation, quand ne satisfait pas aux caractéristiques du logement décent le logement dont les dispositifs de garde-corps des balcons ne sont pas dans un état conforme à leur usage, la cour d'appel a violé les articles 1719 du code civil et 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 et les articles 1 et 2-2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ; ALORS DE SECONDE PART QU'il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail ; ne satisfait pas aux caractéristiques du logement décent le logement dont les dispositifs de garde-corps des balcons ne sont pas dans un état conforme à leur usage ; qu'en retenant que l'absence de garde-corps constituait une caractéristique inhérente à la date de construction du local loué dont le locataire peut se convaincre lors de la visite des lieux, alors que l'appréciation du caractère dangereux d'une fenêtre n'est pas à la portée d'un locataire profane et ne constitue pas une caractéristique inhérente au local loué, la cour d'appel a violé les articles 1721 du code civil, 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 et 1 et 2-2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.
Le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 n'imposant pas d'installer des garde-corps dans les immeubles anciens qui en seraient dépourvus, ne manque pas à son obligation de mise à disposition d'un logement décent le bailleur qui n'a pas équipé de garde-corps les fenêtres de l'appartement donné à bail
7,937
CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2022 Cassation Mme TEILLER, président Arrêt n° 505 FS-B Pourvoi n° Q 21-18.612 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022 La société Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-18.612 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 4), dans le litige l'opposant à Mme [I] [P], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Régie immobilière de la ville de Paris, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mars 2021), le 15 décembre 2004, la Régie immobilière de la ville de Paris (le bailleur) a signé avec Mme [P] (le preneur) un bail portant sur un local à usage d'habitation qui interdisait la sous-location. 2. Alléguant que le preneur offrait une partie de son logement en location par l'intermédiaire d'une plate-forme dédiée, le bailleur l'a assigné en résiliation du bail. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Le bailleur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de résiliation du bail, alors « qu'en application des articles 1728 et 1729 du code civil, le preneur peut sous-louer en tout ou en partie son bail ou le céder s'il n'est pas privé de ce droit, en tout ou en partie, par la loi ou la convention ; qu'en matière de location de logements sociaux conventionnés, l'article R. 353-37 du code de la construction et de l'habitation pose à l'égard du preneur une interdiction formelle de sous-louer ; qu'ainsi, la mise en sous-location d'un logement social conventionné est considérée comme une circonstance aggravante du manquement du preneur qui sous-loue en violation des termes du contrat de bail ; qu'en retenant que « le manquement litigieux est dans la présente occurrence insuffisamment grave pour justifier la résiliation du bail » motifs pris que « 136 locations, entre le mois de novembre 2014 et le mois de janvier 2018, date de l'assignation, soit 38 mois, la moyenne des locations par mois durant cette période serait de 3,5 locations, ce qui n'est pas considérable », et que « la location portait sur une des trois chambres et que l'appelante continuait d'occuper son logement avec ses trois filles » et que « la bailleresse ne justifie pas avoir mis en demeure la locataire de cesser cette infraction à la clause du bail lui interdisant la sous-location », sans prendre en compte, comme il lui était demandé par la Régie immobilière de la ville de Paris pour apprécier la gravité du manquement, sa qualité de bailleur social et l'interdiction formelle de sous-louer qui pesait sur Mme [P], en application de l'article D. 353-37 du code de la construction et de l'habitation, dont il résultait que l'activité particulièrement lucrative de location d'un bien par l'intermédiaire du site Airbnb était radicalement contraire à la destination d'un tel logement ouvrant droit à des prestations sociales et destiné à des locataires dont les revenus ne dépassent pas un certain montant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1728 et 1729 du code civil, et D. 353-37 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour Vu les articles 1728 et 1729 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, et R. 353-37 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2005-1733 du 30 décembre 2005 : 4. Il résulte du premier de ces textes que le preneur est tenu d'user de la chose louée suivant la destination qui lui a été donnée par le bail. 5. Selon le deuxième, si le preneur emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail. 6. Aux termes du dernier, les logements conventionnés sont loués nus à des personnes physiques, à titre de résidence principale, et occupés au moins huit mois par an. Ils ne peuvent faire l'objet de sous-location sauf au profit de personnes ayant passé avec le locataire un contrat conforme à l'article L. 443-1 du code de l'action sociale et des familles et doivent répondre aux conditions d'occupation suffisante telles que définies par l'article L. 621-2 du même code. 7. Pour rejeter la demande en résiliation du bail, l'arrêt relève que le preneur avait ouvert un compte sur le site internet Airbnb au mois de novembre 2014 et que la page de présentation du compte comportait cent trente-six commentaires relatifs à des locations faites entre novembre 2014 et janvier 2018. 8. Il retient qu'à supposer que chaque commentaire corresponde à une location, la moyenne mensuelle des locations n'était que de trois et demi, que la location ne portait que sur une des trois chambres du logement que le preneur continuait d'occuper et que le bailleur n'avait pas mis le preneur en demeure de cesser cette activité, de sorte que le manquement dénoncé n'était pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail. 9. En se déterminant ainsi, sans examiner, comme il le lui était demandé, la gravité de la faute du preneur au regard des circonstances résultant du régime applicable aux logements conventionnés, de l'interdiction légale de sous-location et d'un changement de destination des locaux susceptible d'être caractérisé par l'utilisation répétée et lucrative d'une partie du logement conventionné, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 10. Le bailleur fait grief à l'arrêt de condamner le preneur à lui payer une certaine somme en restitution des fruits civils perçus par les sous-locations non autorisées, alors : « 2°/ que, sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ; qu'en faisant application de l'article 548 du code civil et en décidant que « le loyer de Mme [P] étant de 981,82 euros, le loyer quotidien est donc de 32,72 euros, ce qui, sur 136 jours, correspond à 4 449,92 euros de sorte que la bailleresse ne saurait réclamer utilement une somme supérieure à 2 350 euros (6 800- 4 449,92) », décidant ainsi que seule la plus-value résultant des sous-locations illégales devait être remboursée à la Régie immobilière de la ville de Paris, cependant que l'intégralité des sous-loyers perçus illégalement par le locataire devait être restituée au propriétaire, la cour d'appel a violé l'article 549 du code civil ; 3°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a fractionné les fruits civils et, donc, les sous-loyers en attribuant une partie au propriétaire, représentant la plus-value de la sous-location illégale, et une partie au locataire, représentant le prix du loyer quotidien, cependant que l'article 548 du code civil impose uniquement au propriétaire de rembourser aux tiers les frais qu'ils auraient exposés pour parvenir à la perception des fruits et que les loyers, qui constituent des fruits civils qui appartiennent au propriétaire, s'analysent comme des « frais » au sens de l'article 548, la cour d'appel a violé l'article susvisé. » Réponse de la Cour Vu les articles 548 et 549 du code civil : 11. Aux termes du premier de ces textes, les fruits produits par la chose n'appartiennent au propriétaire qu'à la charge de rembourser les frais des labours, travaux et semences faits par des tiers et dont la valeur est estimée à la date du remboursement. 12. Selon le second, le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. 13. Après avoir évalué à une certaine somme les fruits issus de la sous-location non autorisée, l'arrêt condamne le preneur à rembourser au bailleur une somme moindre en déduisant les loyers perçus par ce dernier en exécution du bail. 14. En statuant ainsi, alors que le loyer constitue un fruit civil de la propriété et que le preneur, auteur de la sous-location interdite, ne pouvait être un possesseur de bonne foi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne Mme [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [P] à payer à la Régie immobilière de la ville de Paris la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Régie immobilière de la ville de Paris PREMIER MOYEN DE CASSATION La Régie Immobilière de la Ville de Paris fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de résiliation du bail conclu le 15 décembre 2004 avec Mme [P], ainsi que de ses demandes subséquentes ; 1°) ALORS QU' en application des articles 1728 et 1729 du code civil, le preneur peut sous-louer en tout ou en partie son bail ou le céder s'il n'est pas privé de ce droit, en tout ou en partie, par la loi ou la convention ; qu'en matière de location de logements sociaux conventionnés, l'article R. 353-37 du code de la construction et de l'habitation pose à l'égard du preneur une interdiction formelle de sous-louer ; qu'ainsi, la mise en sous-location d'un logement social conventionné est considérée comme une circonstance aggravante du manquement du preneur qui sous-loue en violation des termes du contrat de bail ; qu'en retenant que « le manquement litigieux est dans la présente occurrence insuffisamment grave pour justifier la résiliation du bail » (arrêt attaqué, p. 4§6), motifs pris que « 136 locations, entre le mois de novembre 2014 et le mois de janvier 2018, date de l'assignation, soit 38 mois, la moyenne des locations par mois durant cette période serait de 3,5 locations, ce qui n'est pas considérable » (arrêt attaqué, p. 4§3), que « la location portait sur une des trois chambres et que l'appelante continuait d'occuper son logement avec ses trois filles » et que « la bailleresse ne justifie pas avoir mis en demeure la locataire de cesser cette infraction à la clause du bail lui interdisant la sous-location » (arrêt attaqué, p. 4§4 et 5), sans prendre en compte, comme il lui était demandé par la Régie Immobilière de la Ville de Paris (p. 4 § 6 et 7 concl.) pour apprécier la gravité du manquement, sa qualité de bailleur social et l'interdiction formelle de sous-louer qui pesait sur Madame [P], en application de l'article D. 353-37 du code de la construction et de l'habitation, dont il résultait que l'activité particulièrement lucrative de location d'un bien par l'intermédiaire du site Airbnb était radicalement contraire à la destination d'un tel logement ouvrant droit à des prestations sociales et destiné à des locataires dont les revenus ne dépassent pas un certain montant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1728 et 1729 du code civil, et D. 353-37 du code de la construction et de l'habitation ; 2°) ALORS, EN OUTRE, QU'en retenant que « le manquement litigieux est dans la présente occurrence insuffisamment grave pour justifier la résiliation du bail » (arrêt attaqué, p. 4§6), motifs pris que « 136 locations, entre le mois de novembre 2014 et le mois de janvier 2018, date de l'assignation, soit 38 mois, la moyenne des locations par mois durant cette période serait de 3,5 locations, ce qui n'est pas considérable » (arrêt attaqué, p. 4§3), cependant que la gravité du manquement est manifeste lorsque la sous-location en violation des stipulations du bail est constatée sur une longue période, en l'occurrence de 38 mois et réitérée 136 fois, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles 1728, 1729 du code civil et D. 353-37 du code de la construction et de l'habitation ; 3°) ALORS, AU SURPLUS, QU'en retenant que « le manquement litigieux est dans la présente occurrence insuffisamment grave pour justifier la résiliation du bail » (arrêt attaqué, p. 4§6), motifs pris qu'« il doit être surtout relevé que la location portait sur une des trois chambres et que l'appelante continuait d'occuper son logement avec ses trois filles » et que « la bailleresse ne justifie pas avoir mis en demeure la locataire de cesser cette infraction à la clause du bail lui interdisant la sous-location » (arrêt attaqué, p. 4§4 et 5), cependant que la sous-location d'une partie des lieux qui était interdite au même titre que la location de la totalité des lieux, était indifférente pour apprécier la gravité du manquement commis par Mme [P], tout comme l'absence de mise en demeure préalable, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1728, 1729 du code civil et D. 353-37 du code de la construction et de l'habitation. SECOND MOYEN DE CASSATION La Régie Immobilière de la Ville de Paris fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Madame [P] à lui verser la somme de 2.350 euros en restitution des fruits civils perçus par les sous-locations non autorisées ; 1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen fondé sur la limitation de la restitution des fruits civils sur le fondement de l'article 548 du code civil, sans avoir au préalable invité les parties, et en particulier la Régie Immobilière de la Ville de Paris, à présenter des observations, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ; qu'en faisant application de l'article 548 du code civil et en décidant que « le loyer de Mme [P] étant de 981,82 euros, le loyer quotidien est donc de 32,72 euros, ce qui, sur 136 jours, correspond à 4 449,92 euros de sorte que la bailleresse ne saurait réclamer utilement une somme supérieure à 2 350 euros (6 800 - 4 449,92) » (arrêt attaqué, p. 5§1), décidant ainsi que seule la plus-value résultant des sous-locations illégales devait être remboursée à la Régie Immobilière de la Ville de Paris, cependant que l'intégralité des sous-loyers perçus illégalement par le locataire devait être restituée au propriétaire, la cour d'appel a violé l'article 549 du code civil ; 3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a fractionné les fruits civils et, donc, les sous-loyers en en attribuant une partie au propriétaire, représentant la plus-value de la sous-location illégale, et une partie au locataire, représentant le prix du loyer quotidien, cependant que l'article 548 du code civil impose uniquement au propriétaire de rembourser aux tiers les frais qu'ils auraient exposés pour parvenir à la perception des fruits et que les loyers, qui constituent des fruits civils qui appartiennent au propriétaire, s'analysent comme des « frais » au sens de l'article 548, la cour d'appel a violé l'article susvisé.
Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui rejette la demande de résiliation du bail du locataire d'un logement conventionné sous-louant régulièrement l'une de ses chambres, sans examiner, comme il le lui était demandé, la gravité de la faute du preneur au regard des circonstances résultant du régime applicable aux logements conventionnés, de l'interdiction légale de sous-location et d'un changement de destination des locaux susceptible d'être caractérisé par l'utilisation répétée et lucrative d'une partie du logement
7,938
COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2022 Cassation partielle et désignation d'un médiateur Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 407 FS-B Pourvoi n° Q 20-11.846 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JUIN 2022 La société Océa, société anonyme, dont le siège est [Adresse 15], a formé le pourvoi n° Q 20-11.846 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [N] [P], domicilié [Adresse 9], pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de [J] [A], épouse [P], 2°/ à [J] [A], épouse [P], ayant été domiciliée [Adresse 9], décédée, 3°/ à M. [H] [O], domicilié [Adresse 3], 4°/ à M. [G] [D], domicilié [Adresse 14], 5°/ à M. [Y] [W], domicilié SCP Strock Klepping Ganem Cohen notaires associés, [Adresse 8], 6°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], venant aux droits de la société Covea Risks, 7°/ à la société Marigot Shipping Company, société anonyme, dont le siège est [Adresse 13], 8°/ à la société Réalisations économiques et industrielles, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 11], 9°/ à la société Financière du cèdre, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], 10°/ à la société [W] et associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], anciennement dénommée société [W] Klepping Ganem-Cohen, 11°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, dont le siège est [Adresse 6], 12°/ à M. [F] [P], domicilié [Adresse 7], 13°/ à Mme [K] [P], 14°/ à M. [E] [P], domiciliés tous deux [Adresse 2], tous trois pris en qualité d'héritiers de [J] [A], épouse [P], défendeurs à la cassation. MM. [N], [F] et [E] [P] et Mme [K] [P], ès qualités, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Océa, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Financière du cèdre, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de MM. [N], [F] et [E] [P] et de Mme [K] [P], ès qualités, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mme Fèvre, conseillers, M. Guerlot, Mmes de Cabarrus, Lion, Tostain, MM. Boutié, Gillis, Maigret, conseillers référendaires, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Reprise d'instance 1. Il est donné acte à MM. [N], [F] et [E] [P] et Mme [K] [P] (les consorts [P]) de ce qu'ils reprennent l'instance en leurs qualités d'héritiers de [J] [P], décédée le [Date décès 10] 2019. Désistement partiel 2. Il est donné acte à la société Océa du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [W], la société [W] et associés et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles. Faits et procédure 3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2018), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 14 avril 2015, pourvoi n° 14-10.951), le 26 juin 1996, dans le cadre d'une opération de défiscalisation qui leur avait été présentée par la société Financière du cèdre, M. [N] [P] et [J] [P] ont acquis de la société Réalisations économiques et industrielles (la société REI) des quirats d'un navire construit par la société Océa. 4. L'administration fiscale leur ayant refusé le bénéfice de la réduction d'impôt qu'ils escomptaient de cette opération, au motif que le navire ne remplissait pas les conditions d'éligibilité au dispositif fiscal concerné, M. [N] [P] et [J] [P] ont assigné les sociétés Océa, REI et Financière du cèdre en annulation de la vente et en indemnisation. Examen des moyens Sur les moyens du pourvoi principal, le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi incident, en ce qu'il reproche à l'arrêt de rejeter la demande de M. et Mme [P] de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance 6. Les motifs critiqués par le moyen n'étant pas le soutien du chef de dispositif rejetant la demande de M. et Mme [P] de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, le moyen est inopérant. Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de M. et Mme [P] d'annulation de l'acte d'acquisition des quirats et de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer les sommes de 160 071,46 euros au titre de la restitution des sommes investies et de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement Enoncé du moyen 7. Les consorts [P] font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de M. et Mme [P] d'annulation de l'acte d'acquisition des quirats et de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer les sommes de 160 071,46 euros au titre de la restitution des sommes investies et de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement, alors « que l'erreur est un vice du consentement entraînant la nullité du contrat ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de M. et Mme [P], si leur consentement n'avait pas été surpris par erreur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles 1108, 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 : 8. Il résulte de ces textes que l'erreur qui tombe sur la substance même de la chose qui est l'objet de la convention est une cause de nullité de celle-ci. 9. Les parties peuvent convenir, expressément ou tacitement, que le fait que le bien, objet d'une vente, remplisse les conditions d'éligibilité à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité substantielle de ce bien. 10. Pour rejeter la demande d'annulation de la vente des quirats formée par M. et Mme [P], l'arrêt se borne à énoncer que les éléments relatifs à la déduction fiscale figurent sur la plaquette de présentation, dont il n'est pas établi qu'elle émane de la société REI et qui comporte uniquement le logo de la société Financière du cèdre, de sorte que l'existence de manoeuvres dolosives dont la société REI serait l'auteur ou auxquelles elle aurait participé n'est pas caractérisée. 11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'éligibilité des quirats au dispositif de défiscalisation en cause ne constituait pas une qualité substantielle du bien vendu, convenue par les parties et en considération de laquelle elles avaient contracté, de sorte que, dès lors qu'il aurait été exclu, avant même la conclusion du contrat, que ce bien permît d'obtenir l'avantage fiscal escompté, le consentement de M. et Mme [P] aurait été donné par erreur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Portée et conséquences de la cassation 12. En application de l'article 131-1 du code de procédure civile, il y a lieu d'ordonner une mesure de médiation judiciaire, à laquelle les parties représentées ont donné leur accord, et de surseoir à statuer, jusqu'à l'issue de cette mesure, sur la question du renvoi de l'affaire devant une cour d'appel pour qu'il soit statué sur les points restant à juger à la suite de la cassation partielle de l'arrêt attaqué. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief du pourvoi incident, la Cour : REJETTE le pourvoi principal ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme [P] d'annulation de l'acte d'acquisition des quirats et de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer les sommes de 160 071,46 euros et de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement, l'arrêt rendu le 15 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Ordonne une médiation ; Désigne en qualité de médiateur : M. [X] [S] Adresse : [Adresse 4] Téléphone : [XXXXXXXX01] Courriel : [Courriel 12] Dit que le médiateur, connaissance prise du dossier, devra convoquer les parties et leurs conseils dans les meilleurs délais afin de les entendre et leur permettre de trouver une solution amiable au litige qui les oppose ; Fixe la durée de la médiation à 3 mois à compter de la première réunion entre le médiateur et les parties et dit que la mission pourra être renouvelée une fois, pour la même durée, à la demande du médiateur ; Rappelle qu'en application des articles 131-2, 131-9 et 131-10 du code de procédure civile, la médiation ne dessaisit pas le juge qui, dans le cadre du contrôle de la mesure, peut être saisi de toute difficulté et mettre fin à la mission du médiateur à l'initiative de ce dernier, sur demande d'une partie ou d'office lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis ou lorsqu'elle est devenue sans objet ; Dit qu'à l'expiration de sa mission, le médiateur devra informer le juge de l'accord intervenu entre les parties ou de l'échec de la mesure et présenter une demande de taxation de ses honoraires ; Dit qu'en cas d'accord, les parties pourront saisir le juge d'une demande d'homologation de cet accord par voie judiciaire ; Fixe la provision à valoir sur la rémunération du médiateur à la somme de 3 000 euros HT, qui sera versée pour un tiers par les consorts [P], pour un tiers par la société Financière du cèdre et pour un tiers par la société Ocea, directement entre les mains du médiateur au plus tard le jour de la première réunion ; Dit que, faute de versement de la provision dans ce délai, la désignation du médiateur sera caduque, sauf pour les parties à solliciter un relevé de caducité ; Sursoit à statuer, dans l'attente de l'issue de la mesure de médiation, sur la question du renvoi de l'affaire devant une cour d'appel pour qu'il soit statué sur les points restant à juger à la suite de la cassation partielle de l'arrêt attaqué ; Réserve les dépens et les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Océa. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Financière du Cèdre, in solidum avec la société Réalisations Economiques et Industrielles, à payer à M. et Mme [P] une somme de 113.588,60 euros au titre du remboursement des pénalités, ainsi qu'au titre de la perte de chance de bénéficier des dispositions fiscales de la loi dite « Pons » et d'AVOIR condamné la société Océa, in solidum avec la société Marigot Shipping Company et MM. [O] et [D], à garantir la société Financière du Cèdre à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ; AUX MOTIFS QUE la société Financière du Cèdre expose que la société Réalisations Economiques et Industrielles lui avait confié, comme à d'autres sociétés, la commercialisation de parts de copropriété du navire « Green Bird » ; qu'à cette fin, elle lui avait remis une plaquette de présentation faisant valoir que les souscripteurs bénéficieraient des avantages fiscaux de la loi « Pons » permettant de déduire du résultat imposable l'intégralité de l'investissement ; qu'à cette plaquette de présentation était jointe une étude financière « Pons » ; qu'il est constant que tant la plaquette de présentation que l'étude financière avaient été remises aux époux [P] par la société Financière du Cèdre, le logo de cette dernière figurant sur chacun de ces documents et l'étude financière comportant la mention « produit agréé par la Financière du Cèdre » ; que pour condamner la société Financière du Cèdre et la société Réalisations Economiques et Industrielles à des dommages-intérêts sur un fondement délictuel, les premiers juges ont considéré que la société Réalisations Economiques et Industrielles avait commis une faute en affirmant de façon mensongère que l'opération litigieuse répondait aux exigences de la loi « Pons » et que la société Financière du Cèdre, débitrice d'une obligation de conseil, devait s'assurer de la vérité des informations qui se trouvaient sur ce document, sa responsabilité ne pouvant être écartée par le seul fait qu'elle ne serait pas à l'origine du projet litigieux ; qu'il n'est pas contesté que les époux [P] n'ont été en contact qu'avec la société Financière du Cèdre qui commercialisait le produit et que c'est au vu des documents remis par celle-ci qu'ils ont décidé l'achat des quirats du navire « Green Bird » ; qu'or, les documents qui leur ont été remis, l'ont été avec le logo « La Financière du Cèdre – La Force d'un Patrimoine » et les mentions « produit agréé par la Finacière du Cèdre » puis « votre conseiller : [V] [U] » ; qu'il s'ensuit que c'est en qualité de conseiller en patrimoine que la société Financière du Cèdre a proposé aux époux [P] l'investissement litigieux et que la mention selon laquelle ce produit était agréé par elle pouvait laisser légitimement croire qu'elle avait étudié le sérieux et la pertinence de celui-ci, ainsi que la réalité des possibilités de déduction fiscale ; que la société Financière du Cèdre soutient ne pas avoir commis de faute, mais s'être laissée abuser par la société Océa et la société Réalisations Economiques et Industrielles, d'autant que la présence sur la plaquette d'un notaire, n'ayant formulé la moindre réserve, pouvait laisser croire que le projet était sécurisé et que l'opération était à l'abri de tout reproche ; qu'elle fait valoir que l'erreur de montage ne peut lui être incriminée, qu'elle s'est limitée à des démarches de commercialisation d'un produit déjà mis en place par ses créateurs et qu'elle ne pourrait se voir imputer une faute que si l'irrégularité du montage avait été à l'époque évidente et n'aurait pas dû échapper à sa vigilance, que le redressement fiscal a pour origine l'inexactitude des éléments de fait invoqués par les concepteurs, dissimulés par des falsifications non décelables à l'époque ; qu'elle ajoute que, plus précisément, l'avantage fiscal était subordonné à l'existence du navire à la date du 31 décembre 1995 ou au paiement d'au moins 50 % du prix à cette date ; qu'elle indique que le procès-verbal de recette de la société Océa du 26 décembre 1995 semblait démontrer l'existence du navire au 31 décembre 1995 et par voie de conséquence le respect à ce titre du régime de principe de défiscalisation et que, par ailleurs, les attestations de la société Océa des 17 décembre 1995 et 20 septembre 1996 confirmaient que le prix du navire avait été payé pour plus de moitié avant le 31 décembre 1995 ; qu'elle fait valoir que, pour fonder le redressement, l'administration fiscale a dû mettre en oeuvre des investigations extrêmement poussées, notamment faire usage de ses pouvoirs et prérogatives sous la forme de son droit de communication à l'encontre des tiers, ce qui a pu mettre en évidence que le bateau n'avait aucune existence au 31 décembre 1995, que le prix d'acquisition n'avait pas été payé pour 50 % à la même date et qu'il avait été livré uniquement dans le courant de l'année 1997 ; qu'elle affirme être le mandataire des initiateurs de cette opération, d'abord la société Réalisations Economiques et Industrielles, puis la société Marigot Shipping Company et qu'en cette qualité, il y a lieu de l'exonérer de toute responsabilité ; qu'il résulte de l'article 1135 ancien du code civil que les conventions obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ; que c'est sur ce fondement qu'en sa qualité de conseil en patrimoine, la société Financière du Cèdre, qui a perçu de la part des époux [P] une commission sur l'investissement effectué, était débitrice à leur égard d'une obligation de conseil ; qu'en l'espèce, les documents remis par la société Océa n'ont fait de sa part l'objet d'aucune vérification, alors qu'il s'agissait d'un investissement important, l'existence d'un procès-verbal de recette et des attestations émanant de la société Océa à propos de laquelle elle ne disposait pas de renseignements précis ne suffisant pas à démontrer qu'elle a rempli son devoir de conseil, alors pourtant que sur la plaquette il était précisé que le produit commercialisé est agréé par elle, ce qui suppose l'existence de vérifications ; que la société Financière du Cèdre fait valoir que l'action litigieuse reposait sur une fraude imputable à son mandant, sans que celle-ci puisse lui être personnellement reprochée ; que cependant, l'apposition du logo de la société Financière du Cèdre, ainsi que la mention « produit agréé par la Financière du Cèdre » sont de nature à faire croire aux investisseurs que pour qu'un agrément puisse être ainsi donné, celle-ci avait effectué des investigations nécessaires à la sécurité de l'opération, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, la société Financière du Cèdre ne s'étant jamais rendue sur place pour contrôler la réalité de la construction du navire, ne s'étant pas fait remettre les contrats passés avec les constructeurs, ni la preuve des paiements intervenus et, de façon générale, n'ayant pas contrôlé que les conditions nécessaires à l'octroi des avantages fiscaux aient été réalisées ; qu'il s'ensuit que la société Financière du Cèdre a engagé sa responsabilité contractuelle au titre de son manquement à son devoir de conseil ; que les époux [P] demandent la restitution des sommes investies soit 160.071,46 euros, les frais exposés pour la souscription du prêt bancaire d'un montant de 21.215,44 euros, une somme de 151.208 euros au titre des redressements fiscaux, ainsi qu'un préjudice moral de 15.000 euros ; que leur demande en nullité de la convention ayant été rejetée, il n'y a pas lieu de faire droit à la restitution des sommes investies, ainsi qu'à la restitution des frais exposés pour la souscription du prêt bancaire ; que c'est à juste titre que les époux [P] font valoir qu'ils n'auraient pas investi dans des parts de navire si celles-ci ne présentaient pas des avantages fiscaux ; qu'à ce titre, ils exposent qu'ils auraient pu, si le montage critiqué ne s'était pas avéré frauduleux, faire une économie totale d'impôt d'un montant de 151.208 euros ; que les redressements fiscaux contiennent à la fois des sommes dues à titre principal pour absence de déductibilité ainsi que des majorations, étant précisé que les pénalités au titre de l'année 1996 s'élèvent à 19.449 euros et au titre des années suivantes à 6.361 euros ; qu'ainsi les époux [P] ont perdu une chance si leur investissement ne s'était pas révélé être frauduleux, de bénéficier des dispositions de la loi « Pons » et de réaliser une économie d'impôt ; qu'ils auraient également échappé aux majorations et pénalités ; qu'en conséquence, sachant que l'économie escomptée aurait été au maximum de 125.398 euros et que ce type d'opération n'est pas exempt d'aléa, leur préjudice sera retenu à hauteur de 25.810 euros correspondant aux majorations et pénalités, ainsi qu'à une somme de 87.778,60 euros, correspondant à 60 % de la somme de 125.398 euros, au titre de la perte d'une chance de bénéficier de déductions fiscales, soit au total 113.588,60 euros ; que la société Financière du Cèdre ainsi que la société Réalisations Economiques et Industrielles ayant toutes deux concouru au dommage subi par les époux [P], il convient donc, infirmant le jugement, de les condamner in solidum au paiement de cette somme ; que la société Financière du Cèdre demande la condamnation in solidum de la société Océa, de la société Marigot Shipping Company et de MM. [O] et [D] à la garantir de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre ; qu'elle fait valoir que les concepteurs de l'opération étaient la société Réalisations Economiques et Industrielles, la société Marigot Shipping Company, MM. [O] et [D] et que ceux-ci ne pouvaient ignorer que le bateau n'existait pas et n'avait même pas été réellement payé pour 50 % de la valeur à la date du 31 décembre 1995 ; qu'elle souligne qu'ils auraient dû s'apercevoir que les documents de la société Océa étaient inexacts et leur reproche de les avoir utilisés délibérément pour faire croire au sérieux et à la fiabilité de l'opération de défiscalisation ; que par ailleurs, la société Financière du Cèdre indique que la société Océa était non seulement le constructeur d'un navire, mais qu'elle était impliquée dès l'origine dans l'opération critiquée, puisqu'elle a participé à la construction d'un autre navire « Makaira », pour des opérations de défiscalisation, ainsi qu'il résulte d'un courrier de la société Océa du 18 novembre 1997 ; que la société Financière du Cèdre verse également aux débats un jugement du tribunal de grande instance de Rouen du 7 novembre 2011 et un jugement du tribunal de grande instance des Sables d'Olonne du 14 décembre 2012 condamnant la société Océa pour la délivrance d'attestations de complaisance relatives à d'autres navires, destinées à permettre le dégrèvement fiscal escompté par des acheteurs de quirats, mais dont l'absence de réalité a été démontrée, dans d'autres dossiers et pour d'autres opérations de défiscalisation, par l'administration fiscale ; que c'est donc la délivrance de pièces inexactes qui a permis le montage fictif et qui a accrédité dans l'esprit de la société Financière du Cèdre, comme dans celle des investisseurs, le principe d'une opération qui semblait en apparence régulière et permettait des avantages fiscaux, mais dont la réalité était différente ; qu'il s'ensuit que la société Océa a commis une faute en fournissant de fausses indications ; et que cette faute est en lien direct avec le préjudice subi par les époux [P], de sorte que sa responsabilité se trouve engagée ; qu'en première instance, la société Réalisations Economiques et Industrielles, la société Marigot Shipping Company, MM. [O] et [D] et la société Océa ont été condamnés à garantir la société Financière du Cèdre à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ; que ceux-ci n'ont pas conclu devant la présente cour, de sorte qu'aucun élément ne permet d'écarter ou d'atténuer leur responsabilité en tant que constructeur du navire ayant fourni de fausses indications et attestations, ainsi qu'en qualité de concepteur du projet frauduleux ; que chacune des parties ayant concouru au dommage, il y a lieu de les condamner in solidum à garantir la société Financière du Cèdre des condamnations prononcées à son encontre, étant précisé cependant qu'il convient de retenir que la société Financière du Cèdre a commis elle-même, en sa qualité d'intermédiaire, des fautes de négligence, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges n'ont condamné la société Marigot Shipping Company, MM. [O] et [D] et la société Océa à garantir la société Financière du Cèdre qu'à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ; 1°) ALORS QU'un conseiller en gestion de patrimoine ne peut être tenu d'indemniser son client de la perte d'un avantage fiscal auquel il n'avait pas légalement droit que s'il est établi que, sans la faute qui lui est imputée, un tel avantage ou un avantage équivalent aurait pu être obtenu ; qu'en affirmant, pour condamner la société Financière du Cèdre à payer aux époux [P] 60 % du montant des déductions fiscales reprises par l'administration fiscale et qui étaient attachées à l'opération de défiscalisation qui leur avait été proposée dans le cadre de la loi « Pons », que les investisseurs avaient perdu une chance de bénéficier des dispositions de la loi « Pons », sans rechercher si, mieux informés de ce que les conditions d'éligibilité à cette opération de défiscalisation n'étaient pas remplies, les époux [P], qui avaient eux-mêmes affirmé qu'ils ne se seraient pas engagés dans l'investissement litigieux, auraient pu se tourner vers un autre investissement qui leur aurait procuré un avantage fiscal au moins équivalent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1147 du code civil ; 2°) ALORS QU'une perte financière ne constitue pas un préjudice dès lors qu'elle a pour contrepartie un avantage patrimonial ou financier venu la compenser ; qu'en considérant que les époux [P] devaient se voir allouer une somme de 113.588,60 euros en réparation des préjudices qui seraient résultés du paiement des majorations et pénalités mises à leur charge (à hauteur de 25.810 euros) et de la perte d'une chance de bénéficier des avantages fiscaux qu'ils escomptaient (à hauteur de 87.778,60 euros), sans prendre en compte les avantages qu'ils avaient tirés de l'opération qui s'évinçaient de ses constatations d'où il résultait qu'ils avaient acquis au prix de 1.000.000 francs 20 quirats de la copropriété du navire « Green Bird » dont le prix de vente avait été fixé à 28.000.000 francs, ce dont il s'évinçait que la valeur des quirats en leur possession, d'un montant de 152.449 euros, était venue compenser les pertes financières dont ils sollicitaient la réparation et faire ainsi disparaître ou réduire le préjudice financier dont ils auraient pu obtenir l'indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1147 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Océa, in solidum avec la société Marigot Shipping Company et MM. [O] et [D], à garantir la société Financière du Cèdre à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ; AUX MOTIFS QUE la société Financière du Cèdre demande la condamnation in solidum de la société Océa, de la société Marigot Shipping Company et de MM. [O] et [D] à la garantir de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre ; qu'elle fait valoir que les concepteurs de l'opération étaient la société Réalisations Economiques et Industrielles, la société Marigot Shipping Company, MM. [O] et [D] et que ceux-ci ne pouvaient ignorer que le bateau n'existait pas et n'avait même pas été réellement payé pour 50 % de la valeur à la date du 31 décembre 1995 ; qu'elle souligne qu'ils auraient dû s'apercevoir que les documents de la société Océa étaient inexacts et leur reproche de les avoir utilisés délibérément pour faire croire au sérieux et à la fiabilité de l'opération de défiscalisation ; que par ailleurs, la société Financière du Cèdre indique que la société Océa était non seulement le constructeur d'un navire, mais qu'elle était impliquée dès l'origine dans l'opération critiquée, puisqu'elle a participé à la construction d'un autre navire « Makaira », pour des opérations de défiscalisation, ainsi qu'il résulte d'un courrier de la société Océa du 18 novembre 1997 ; que la société Financière du Cèdre verse également aux débats un jugement du tribunal de grande instance de Rouen du 7 novembre 2011 et un jugement du tribunal de grande instance des Sables d'Olonne du 14 décembre 2012 condamnant la société Océa pour la délivrance d'attestations de complaisance relatives à d'autres navires, destinées à permettre le dégrèvement fiscal escompté par des acheteurs de quirats, mais dont l'absence de réalité a été démontrée, dans d'autres dossiers et pour d'autres opérations de défiscalisation, par l'administration fiscale ; que c'est donc la délivrance de pièces inexactes qui a permis le montage fictif et qui a accrédité dans l'esprit de la société Financière du Cèdre, comme dans celle des investisseurs, le principe d'une opération qui semblait en apparence régulière et permettait des avantages fiscaux, mais dont la réalité était différente ; qu'il s'ensuit que la société Océa a commis une faute en fournissant de fausses indications ; et que cette faute est en lien direct avec le préjudice subi par les époux [P], de sorte que sa responsabilité se trouve engagée ; qu'en première instance, la société Réalisations Economiques et Industrielles, la société Marigot Shipping Company, MM. [O] et [D] et la société Océa ont été condamnés à garantir la société Financière du Cèdre à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ; que ceux-ci n'ont pas conclu devant la présente cour, de sorte qu'aucun élément ne permet d'écarter ou d'atténuer leur responsabilité en tant que constructeur du navire ayant fourni de fausses indications et attestations, ainsi qu'en qualité de concepteur du projet frauduleux ; que chacune des parties ayant concouru au dommage, il y a lieu de les condamner in solidum à garantir la société Financière du Cèdre des condamnations prononcées à son encontre, étant précisé cependant qu'il convient de retenir que la société Financière du Cèdre a commis elle-même, en sa qualité d'intermédiaire, des fautes de négligence, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges n'ont condamné la société Marigot Shipping Company, MM. [O] et [D] et la société Océa à garantir la société Financière du Cèdre qu'à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ; 1°) ALORS QUE la « recette » d'un navire, qui entraîne en principe le transfert de propriété du navire à l'armateur après que sa navigabilité a été éprouvée, ne vaut pas achèvement complet et livraison définitive du navire qui n'interviennent qu'après que l'armateur a procédé à des vérifications à l'usage permettant de s'assurer des performances contractuelles attendues du navire ; qu'en considérant que le procès-verbal de « recette » du navire « Green Bird » délivré le 26 décembre 1995 par la société Océa à la société Réalisations Industrielles et Economiques, armateur, était inexact en ce qu'il aurait laissé croire que le navire avait été complètement achevé et définitivement livré avant le 1er janvier 1996, quand cette « recette », fondée sur ce que, après essais en mer, « la jauge et le franc-bord aux essais sont satisfaisants », n'établissait que la navigabilité du navire et ne valait pas achèvement complet et livraison définitive du navire qui ne sont intervenus qu'après que l'armateur a exigé des modifications destinées à répondre aux performances qu'il attendait du navire, la cour d'appel a dénaturé ce procès-verbal de « recette » et violé, ce faisant, le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; 2°) ALORS QU'un « ordre de paiement », qui est la simple indication faite par le débiteur d'une somme d'argent d'un tiers désigné pour payer à sa place à l'avenir, ne vaut pas versement effectif et immédiat de la somme due ; qu'en considérant que les attestations établies les 17 décembre 1995 et 20 septembre 1996 par la société Océa étaient inexactes en ce qu'elles auraient laissé croire qu'elle avait reçu de l'armateur le paiement effectif d'au moins 50 % du prix de vente du navire « Green Bird » avant le 1er janvier 1996, quand l'attestation en date du 20 septembre 1996, clarifiant les termes de celle établie le 17 décembre 1995 mentionnant la comptabilisation de versements à hauteur de 8.000.000 francs, précisait que la société Océa avait reçu de l'armateur « des ordres de paiement équivalents à un pourcentage supérieur à 50 % (du contrat portant sur le navire « Green Bird »), et ce antérieurement au 31/12/95 », ce dont il résultait clairement qu'il ne s'agissait pas d'un versement effectif et immédiat, la cour d'appel a dénaturé ces deux attestations en méconnaissance du principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le débiteur d'une obligation d'information, qui n'est tenu de délivrer des informations qu'en considération des exigences connues de son co-contractant, ne peut se voir reprocher de ne pas lui avoir fourni des informations au regard d'une finalité extra-contractuelle dont il n'avait pas connaissance ; qu'en considérant que le procès-verbal de « recette » du navire « Green Bird » en date du 26 décembre 1995 et les deux attestations de paiement en date des 17 décembre 1995 et 20 septembre 1996 établis par la société Océa n'étaient pas suffisamment précises pour permettre à la société Financière du Cèdre et aux investisseurs de s'assurer de ce que les conditions requises pour bénéficier des avantages fiscaux attachés à l'opération de défiscalisation « Pons » étaient remplies, sans rechercher si la société Océa, constructeur du navire, avait été spécifiquement informée de ce que cette construction s'insérait dans le cadre d'une telle opération de défiscalisation et de ce que les pièces qui lui avaient été demandées devaient servir à attester de ce que les conditions d'éligibilité à cette opération étaient réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1382 du code civil. Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour MM. [N], [F] et [E] [P] et Mme [K] [P], ès qualités. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. ET MME [P] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande tendant à l'acte d'acquisition des quirats et D'AVOIR débouté M. et Mme [P] de leur demande que soient condamnées solidairement ou in solidum la société Financière du cèdre et la société Réalisations économiques industrielles à leur payer la somme les sommes de 160 071,46 euros au titre de la restitution des sommes investies, de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement et de 15 000 euros au titre du préjudice de jouissance ; 1°) ALORS QUE le dol est constitué s'il émane du représentant du cocontractant ou d'un tiers de connivence ; qu'en jugeant que le dol n'était pas constitué au motif que les " éléments relatifs à la déduction fiscale figurent sur la plaquette de présentation, dont il n'est pas établi qu'elle émane de la société Réalisations économiques et industrielles, mais comporte uniquement le logo de la société Financière du cèdre, de sorte que l'existence de manœuvres dolosives dont la société Réalisations économiques et industrielles serait l'auteur ou aurait participé n'est pas caractérisée " (p. 7 de l'arrêt), quand il lui était demandé, dans les conclusions d'appel de M. et Mme [P] (p. 19-20) si la société Financière du cèdre n'était pas le représentant ou un tiers de connivence de la société Réalisations économiques et industrielles, dont les manœuvres dolosives ont mené à la conclusion du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ; 2°) ALORS QUE l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de M. et Mme [P] (p. 20-23), si au jour de la conclusion du contrat l'engagement de ces derniers n'était pas dépourvu de cause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ; 3°) ALORS QUE l'erreur est un vice du consentement entraînant la nullité du contrat ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de M. et Mme [P] (p. 23), si leur consentement n'avait pas été surpris par erreur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1109 du code civil dans sa dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. ET MME [P] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné in solidum la société Financière de cèdre et la société Réalisations économiques et industrielles à leur payer une somme de 113 588,60 euros au titre du remboursement des pénalités ainsi qu'au titre de la perte de chance de bénéficier des dispositions fiscales de la loi dite Pons ; ALORS QUE le préjudice est indemnisé sans perte ni profit de la victime ; qu'en jugeant que M. et Mme [P] auraient pu bénéficier de l'avantage fiscal prévu par la loi dite Pons si les sociétés Réalisations économiques et industrielles et Océa avaient été plus diligentes (p. 5 de l'arrêt), pour en déduire que seul une perte de chance de bénéficier de l'avantage fiscal devait être indemnisé au motif inopérant que " ce type d'opération n'est pas exempt d'aléa " (p. 9 de l'arrêt), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légale de ses constatations et violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. TROISIEME MOYEN DE CASSATION M. ET MME [P] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ; ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusions d'appel de M. et Mme [P] (p. 29) qui faisaient valoir que leur préjudice moral était démontré en ce que, d'une part, l'administration fiscale avait retenu leur mauvaise foi alors qu'ils avaient adhéré au dispositif mis en place de toute bonne foi et, d'autre part, qu'ils ont dû mettre en œuvre plusieurs procédures pour défendre leurs droits, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 1108, 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que l'erreur qui tombe sur la substance même de la chose qui est l'objet de la convention est une cause de nullité de celle-ci. Les parties peuvent convenir, expressément ou tacitement, que le fait que le bien, objet d'une vente, remplisse les conditions d'éligibilité à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité substantielle de ce bien
7,939
COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2022 Cassation sans renvoi Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 419 FS-B Pourvoi n° P 19-25.434 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JUIN 2022 La société Bernard dépannage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 19-25.434 contre l'ordonnance rendue le 18 novembre 2019 par le président du tribunal de grande instance de Bordeaux (statuant en la forme des référés), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Atlandes, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ au groupement d'intérêt économique (GIE) DBF-DRB, dont le siège est [Adresse 1], 3°/ à la société DBF Cestas, société à responsabilité limitée, dont le siège [Adresse 1], 4°/ à la société Dépannage remorquage Bertrande, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La société Atlandes a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Bernard dépannage, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Atlandes, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat du GIE DBF-DRB, et des sociétés DBF Cestas et Dépannage remorquage Bertrande, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Champalaune, conseillers, M. Blanc, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée (tribunal de grande instance de Bordeaux, 18 novembre 2019), rendue en la forme des référés, la société Atlandes, société concessionnaire d'autoroute, a publié au mois d'avril 2019 un appel d'offres pour l'attribution des opérations de dépannage des poids lourds sur une portion d'autoroute qu'elle exploite. 2. Deux offres ont été déposées, l'une par la société Bernard dépannage, précédemment chargée de ce service depuis l'année 2012, l'autre par le groupement d'intérêt économique DBF-DRB (le GIE DBF-DRB), constitué par les sociétés de dépannage DBF Cestas et Dépannage remorquage Bertrande. 3. La société Bernard dépannage, informée le 26 juin 2019 que sa candidature n'avait pas été retenue, a saisi le juge du référé contractuel en nullité du contrat au motif que la société Atlandes n'avait pas respecté ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Examen des moyens Le pourvoi incident discutant la recevabilité de la demande, son examen devrait être préalable. Toutefois, étant formé à titre éventuel, il ne sera examiné, conformément à la volonté du demandeur à ce pourvoi, que si la cassation est encourue sur le pourvoi principal. Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. La société Bernard dépannage fait grief à l'ordonnance de rejeter ses demandes, alors « qu'elle faisait valoir que les documents de la consultation, qui prévoyaient un dépanneur agréé par secteur et interdisaient toute sous-traitance, faisaient obstacle à la candidature d'un groupement d'intérêt économique et qu'à tout le moins les membres du groupement attributaire auraient dû être agréés ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motif. 6. Pour rejeter les demandes de la société Bernard dépannage, l'ordonnance, après avoir énoncé que I'article R. 2142-22 du code de la commande publique dispose que I'acheteur ne peut exiger que le groupement d'opérateurs économiques ait une forme déterminée pour la présentation d'une candidature ou d'une offre, retient qu'il est constant que les groupements d'intérêt économique peuvent se voir attribuer des contrats de la commande publique, l'article R. 2142-3 du même code permettant à un opérateur économique candidat à I'attribution d'un marché de se prévaloir des capacités d'autres opérateurs économiques, quelle que soit la nature juridique des liens qui I'unissent à ces opérateurs. 7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Bernard dépannage qui faisait valoir que les documents de la consultation, qui prévoyaient un dépanneur agréé par secteur et interdisaient toute sous-traitance, faisaient obstacle pour le marché en cause à la candidature d'un groupement d'intérêt économique qui ne bénéficie pas de moyens propres, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. 8. La cassation étant encourue sur le pourvoi principal, il y a lieu d'examiner le pourvoi incident éventuel. Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, du pourvoi incident Enoncé du moyen 9. La société Atlandes fait grief à l'ordonnance de déclarer la société Bernard dépannage recevable en son action, alors : « 2°/ qu'un contrat est un marché au sens du code de la commande publique lorsque l'attributaire accomplit une prestation au profit du pouvoir adjudicateur en contrepartie d'une rémunération reçue de ce dernier ; qu'au contraire, le contrat répond à la qualification de concession, ou de contrat d'exploitation s'il n'est pas conclu par un pouvoir adjudicateur, lorsqu'il est conféré au prestataire le droit d'exploiter l'ouvrage ou le service à l'effet d'obtenir une rémunération de la part des usagers ; qu'en retenant en l'espèce que le contrat consistant pour un concessionnaire d'autoroute à autoriser une société de dépannage à exploiter le secteur autoroutier concédé constituait un marché pour cette raison que l'agrément donné au dépanneur pour intervenir sur ce secteur avait pour contrepartie économique le prix facturé aux usagers, le président du tribunal de grande instance n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 1111-1 et L. 1121-1 du code de la commande publique ; 4°/ que le fait de bénéficier d'une situation de monopole n'exclut pas l'existence d'un aléa d'exploitation, qui est tributaire des coûts d'exploitation et non de l'existence d'une concurrence ; qu'en affirmant que la qualification de marché, au lieu de celle de contrat de concession ou de contrat d'exploitation, pour cette raison que la société Bernard dépannage n'était pas exposée à un risque particulier en raison de sa situation monopolistique sur le secteur autoroutier concédé à la société Atlandes, l'ordonnance attaquée a été rendue en violation des articles L. 1111-1 et L. 1121-1 du code de la commande publique. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 122-20, 2° du code de la voirie routière, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019, l'article 11 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 et les articles L. 1111-1 et L. 1121-1 du code de la commande publique : 10. En application du premier de ces textes, en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés de travaux, fournitures ou services, il est fait application pour les marchés relevant du droit privé, des articles 2 à 4 et 11 à 14 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique. 11. Aux termes du deuxième de ces textes, les personnes qui ont un intérêt à conclure l'un des contrats de droit privé mentionnés aux articles 2 et 5 de la présente ordonnance et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles ils sont soumis peuvent saisir le juge d'un recours en contestation de la validité du contrat. La demande est portée devant la juridiction judiciaire. 12. Aux termes du troisième de ces textes, un marché est un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d'un prix ou de tout équivalent. 13. Aux termes du quatrième de ces textes, un contrat de concession est un contrat par lequel une ou plusieurs autorités concédantes soumises au présent code confient l'exécution de travaux ou la gestion d'un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d'exploiter l'ouvrage ou le service qui fait l'objet du contrat, soit de ce droit assorti d'un prix. La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement théorique ou négligeable. Le concessionnaire assume le risque d'exploitation lorsque, dans des conditions d'exploitation normales, il n'est pas assuré d'amortir les investissements ou les coûts, liés à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, qu'il a supportés. 14. Pour déclarer l'action recevable, le juge du référé contractuel relève que si le concessionnaire ne verse aucun paiement au dépanneur pour l'exécution du contrat, I'agrément qu'il donne à celui-ci en lui permettant d'intervenir de façon exclusive sur un secteur d'autoroute déterminé a pour contrepartie économique le prix facturé aux usagers, sans l'exposer pour autant véritablement aux aléas du marché compte tenu de sa situation monopolistique. 15. Il déduit de ces éléments que malgré l'absence de définition de la notion de marché dans le code de la voirie routière, les contrats de dépannage et de remorquage sur les autoroutes, qui permettent à la société concessionnaire d'assurer une mission qui lui incombe en vertu du contrat de concession pour les travaux, fournitures ou services, doivent être qualifiés de marchés entrant dans le champ d'application de l'article L. 122-12 de ce code. 16. En statuant ainsi, après avoir relevé que le contrat qui lui était soumis ne prévoyait aucune rémunération versée par le concessionnaire à l'entreprise de dépannage, la situation de monopole de l'entreprise de dépannage désignée pour accomplir la mission n'étant pas exclusive de l'existence d'un aléa susceptible d'affecter le volume et la valeur de la demande de dépannage sur la portion d'autoroute concernée, le juge du référé contractuel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi incident Enoncé du moyen 17. La société Atlandes fait le même grief à l'ordonnance, alors « qu'en l'absence de référé contractuel ou précontractuel devant le juge judiciaire, tout intéressé à une procédure d'appel d'offres dispose de la faculté de saisir le juge de droit commun statuant au fond ou en référé ; qu'en affirmant que toute solution qui consisterait à fermer la voie du référé contractuel prévue par l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 reviendrait à priver le candidat évincé de tout recours judiciaire, le président du tribunal de grande instance a violé l'article 11 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 par fausse application, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit d'accès au juge. » Réponse de la Cour Vu l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 11 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 : 18. Selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial. 19. Pour déclarer l'action recevable, le juge du référé contractuel énonce qu'il résulterait de I'interprétation de l'article L. 122-12 du code de la voirie routière soutenue par la société Atlandes Ia privation pour les candidats évincés de tout recours judiciaire à raison de manquements commis par la société concessionnaire, contrairement à la volonté du législateur de soumettre la passation des contrats des sociétés concessionnaires d'autoroute, critiqués pour leur opacité, aux procédures de référés précontractuel et contractuel. 20. En statuant ainsi, alors que l'impossibilité de saisir le juge du référé contractuel n'empêche pas les candidats évincés d'un appel à concurrence de saisir le juge de droit commun pour faire valoir leurs droits et ne porte donc pas atteinte à leur droit d'accès à un tribunal, le juge du référé contractuel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation La cassation est encourue tant sur le pourvoi principal que sur le pourvoi incident. Ce dernier étant préalable, la cassation ne sera prononcée que sur ce pourvoi. 21. Sur la suggestion de la société Atlandes, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 22. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 23. Il appartient au seul législateur, en vertu des dispositions de l'article 34 de la Constitution selon lesquelles la loi détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales, de rendre applicable à des contrats passés par des personnes privées le recours au juge du référé précontractuel et contractuel. 24. L'article L. 122-20, 2° du code de la voirie routière, qui prévoit l'application pour les marchés de droit privé des articles 2 à 4 et 11 à 14 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés de travaux, fournitures ou services, réserve cette compétence aux marchés à l'exclusion des contrats de concession. 25. Il n'est pas contesté que le contrat conclu entre la société Atlandes, société privée concessionnaire d'une portion d'autoroute, et l'entreprise de droit privé sélectionnée à l'issue de l'appel d'offres pour accomplir les prestations de dépannage sur cette portion ne prévoyait ni rémunération versée par le concessionnaire d'autoroute ni mécanisme de compensation des pertes éventuelles. Il n'est pas contesté non plus que l'entreprise sélectionnée ne maîtrisait pas le nombre et le volume des prestations à accomplir, de sorte qu'elle supportait les risques liés à l'exploitation du service rendu. Dans ces conditions, le contrat en cause ne constitue pas un marché au sens des dispositions de l'article L. 1111-1 du code de la commande publique. 26. Il s'ensuit que les éventuels manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence relatifs à la passation de ce contrat ne relèvent pas de l'application des dispositions des articles 2 à 4 et 11 à 14 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, de sorte que le juge du référé contractuel ne peut en connaître. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 novembre 2019, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Bordeaux ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DECLARE irrecevable le recours formé par la société Bernard dépannage ; Condamne la société Bernard dépannage aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le président du tribunal de grande instance de Bordeaux ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bernard dépannage et la condamne à payer à la société Atlandes la somme de 4 000 euros et au GIE DBF-DRB, à la société Dépannage remorquage Bertrande et à la société DBF Cestas la somme globale de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Bernard dépannage. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté la société Bernard Dépannage de ses demandes ; AUX MOTIFS QUE la SARL Bernard Dépannage soulève l'irrecevabilité de la candidature du GIE DBF-DRB au motif que l'agrément a été délivré au GIE, lequel ne dispose en tant que tel d'aucune compétence en matière de dépannage-remorquage, les entreprises le composant n'ayant pas reçu l'agrément et la constitution du GIE contrevenant au droit de la concurrence ; QU'il convient cependant de constater que la création d'un GIE, qui a pour objet de faciliter ou développer l'activité économique de ses membres ou d'accroître les résultats de cette activité, et qui n'a pas vocation à réaliser des bénéfices lui-même, a un fondement légal en vertu de l'article L. 251-1 du code de commerce ; QU'en outre, l'article R. 2142-22 du code de la commande publique dispose que l'acheteur ne peut exiger que le groupement d'opérateurs économiques ait une forme déterminée pour la présentation d'une candidature ou d'une offre et il est constant que les GIE peuvent se voir attribuer des contrats de la commande publique, l'article R. 2142-3 du même code permettant à un opérateur économique candidat à l'attribution d'un marché de se prévaloir des capacités d'autres opérateurs économiques, quelle que soit la nature juridique des liens qui l'unissent à ces opérateurs ; QUE, d'autre part, la SARL Bernard Dépannage ne peut valablement reprocher au GIE DBF-DRB que les prestations de dépannage seraient effectuées par les membres du GIE et non par le GIE lui-même alors qu'une telle violation des obligations contractuelles ne pourrait être constatée qu'après la mise en oeuvre du contrat litigieux et qu'en tout état de cause elle ne constituerait nullement un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence qui seules peuvent servir de fondement à un référé contractuel en vertu de l'article 16 de l'ordonnance du 7 mai 2009 ; QU'enfin, le seul fait pour des entreprises de se grouper sous la forme d'un GIE pour répondre à une consultation ne suffit pas à caractériser une pratique anticoncurrentielle prohibée par l'article L. 420-1 du code de commerce ; QUE la SARL Bernard Dépannage doit donc être déboutée de sa demande tendant à l'irrecevabilité de la candidature du GIE DBF-DRB ; 1°) ALORS QUE la société Bernard Dépannage faisait valoir que les documents de la consultation, qui prévoyaient un dépanneur agréé par secteur et interdisaient toute sous-traitance, faisaient obstacle à la candidature d'un groupement d'intérêt économique et qu'à tout le moins les membres du groupement attributaire auraient dû être agréés (p. 30 et suivantes des conclusions récapitulatives) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE lorsqu'un groupement d'intérêt économique est candidat à l'attribution d'un marché relevant de la commande publique, les conditions posées par l'avis de marché doivent être satisfaites tant par le groupement lui-même que par ses membres ; qu'en l'occurrence, en se bornant à rappeler que la candidature d'un groupement est par principe recevable sans vérifier, comme il y était invité (p. 30 et suivantes des conclusions récapitulatives de la société Bernard Dépannage), que la société Atlandes s'était assurée de l'aptitude des membres du groupement attributaire à satisfaire aux exigences du marché, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles R. 2142-19 à R. 2142-27 du code de la commande publique ; 3°) ALORS QU'un groupement d'intérêt économique ne se substitue pas à ses membres, son activité ayant, aux termes de l'article L. 251-1 du code de commerce, un caractère auxiliaire par rapport à celle de ses membres ; qu'ainsi, lorsqu'un groupement d'intérêt économique est désigné attributaire d'un marché, ses membres ont la qualité de sous-traitants et participent nécessairement à son exécution ; qu'en considérant néanmoins que la circonstance selon laquelle les prestations de dépannage seraient effectuées par les membres du GIE et non par le GIE lui-même ne pourrait être constatée qu'après la mise en oeuvre du contrat litigieux, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux a violé les dispositions de l'article L. 251-1 du code de commerce ; 4°) ALORS QUE lorsqu'un groupement d'intérêt économique présente seul sa candidature à un marché, ses membres ont la qualité de sous-traitants et doivent être acceptés comme tels par le responsable de marché ; que constitue un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence l'attribution d'un marché à un groupement d'intérêt économique sans examen et acceptation préalables de ses membres et de la nature des prestations qu'ils exécuteront ; qu'en considérant que le défaut de prise en compte de ce que les prestations de dépannage seraient effectuées par les membres du groupement et non par le groupement attributaire lui-même ne constituait pas un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence, le juge des référés a violé les articles 11 et suivants de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté la société Bernard Dépannage de l'ensemble de ses demandes ; AUX MOTIFS QUE l'article 5.3.C.6 du règlement de consultation "tarifs de l'entreprise" énumère la liste des tarifications des prestations requises et, notamment, le coût horaire de la dépanneuse-remorqueuse, cette exigence étant reprise à l'article 6 "jugement des candidatures et désignation de l'attributaire", dont le critère 4 "présentation de l'offre tarifaire" rappelle que l'appréciation de ce critère comprend notamment le coût horaire d'une dépanneuse-remorqueuse ; QUE cependant, la SARL Bernard Dépannage, qui a volontairement choisi de présenter les tarifs de l'entreprise selon une forme propre différente de celle demandée par la SA Atlandes, n'a pas indiqué dans son offre la totalité des tarifs demandés en omettant notamment d'indiquer le coût horaire de la dépanneuse-remorqueuse ; QUE cette offre incomplète, méconnaissant une des spécifications du règlement de la consultation, était donc irrégulière en ce qu'elle privait la SA Atlandes de toute visibilité sur le coût effectif de la prestation proposée par la SARL Bernard Dépannage ainsi que de toute comparaison utile avec les offres présentées par les autres candidats ; QUE, dès lors, compte tenu de l'irrégularité de son offre, la SARL Bernard Dépannage ne peut valablement se prévaloir d'avoir été lésée ou susceptible de l'avoir été par les divers manquements invoqués à l'occasion de la procédure de publicité et de mise en concurrence lancée par la SA Atlandes, ceux-ci fussent-ils établis, y compris le fait d'avoir été privée de la possibilité d'un référé précontractuel ; QU'il convient en conséquence de débouter la SARL Bernard Dépannage de ses demandes ; 1°) ALORS QUE la société Bernard Dépannage faisait valoir que le coût horaire de la dépanneuse-remorqueuse se déduisait de son offre tarifaire et que celle-ci ne pouvait donc être regardée comme irrégulière en raison de l'omission de ce tarif (cf. p. 16 de ses conclusions) ; qu'en se bornant à relever que la société Bernard Dépannage n'avait pas indiqué dans son offre la totalité des tarifs demandés, sans répondre à ce moyen, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en tout état de cause, le responsable de marché ne peut utilement se prévaloir, pour faire échec à un référé contractuel, de ce que l'offre du candidat évincé était irrégulière, lorsqu'il n'a ni invité le candidat à la régulariser ni rejeté son offre pour ce motif ; qu'en l'occurrence, la société Atlandes s'est prévalue pour la première fois devant le juge du référé contractuel de l'irrégularité de l'offre de la société Bernard Dépannage, tenant au caractère incomplet des tarifs proposés, qu'elle n'avait pas retenue au stade de l'examen des offres et qu'elle n'avait pas invité l'exposante à régulariser ; qu'en jugeant néanmoins que la société Bernard Dépannage ne pouvait valablement se prévaloir d'avoir été lésée ou susceptible de l'avoir été par les divers manquements invoqués à l'occasion de la procédure de publicité et de mise en concurrence lancée par la société Atlandes, en raison du caractère incomplet de son offre, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux a violé les articles 11 et suivants de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique ; Moyen produit AU POURVOI INCIDENT ÉVENTUEL par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Atlandes. IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré la société BERNARD DÉPANNAGE recevable en son action ; AUX MOTIFS QUE « Selon les articles L. 122-12, L. 122-18 et L. 122-20 du code de la voirie routière (CVR), en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés de travaux, fournitures et services du réseau autoroutier concédé, il est fait application...pour les marchés relevant du droit privé des articles 2 à 4 et 11 à 14 de l'ordonnance du 7 mai 2009. Au terme des articles 2 et 11 de l'ordonnance du 7 mai 2019, relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge d'un recours en contestation de la validité du contrat. La SA ATLANDES ne peut valablement soutenir que la notion de marché contenue dans le CVR relevant nécessairement de l'article L. 1111-1 du code de la commande publique, il en résulterait que les contrats de dépannage et de remorquage ne seraient pas des marchés alors que, si le concessionnaire ne verse aucun paiement au dépanneur pour l'exécution du contrat, l'agrément qu'il donne à celui-ci en lui permettant d'intervenir de façon exclusive sur un secteur d'autoroute déterminé a bien pour contrepartie économique le prix facturé aux usagers sans l'exposer pour autant à une réelle exposition aux aléas du marché compte tenu de sa situation monopolistique. Au demeurant, il résulterait de l'interprétation faite par la SA ATLANDES l'exclusion pour les candidats évincés de la possibilité de tout recours judiciaire à l'encontre des manquements commis par la société concessionnaire, contrairement à la volonté du législateur de soumettre la passation des contrats des sociétés concessionnaires d'autoroute, critiqués pour leur opacité, aux procédures de référés pré-contractuel et contractuel. Nonobstant l'absence de définition de la notion de marché dans le CVR, les contrats de dépannage et de remorquage sur les autoroutes, qui permettent à la société concessionnaire d'assurer une mission qui lui incombe en vertu du contrat de concession pour les travaux, fournitures ou services, doivent dès lors être qualifiés de marchés entrant dans le champ d'application de l'article L. 122-12 susvisé du CVR. Il convient en conséquence de déclarer la SARL BERNARD ET DEPANNAGE recevable en son action. » ; 1° ALORS QUE la procédure de référé contractuel devant le juge judiciaire s'applique aux recours formés contre les procédures de passation des marchés conclus par les concessionnaires d'autoroute ; qu'en revanche, ce recours est inapplicable aux contrats par lesquels les concessionnaires d'autoroute délèguent à une autre entreprise tout ou partie de l'exploitation d'un ouvrage ou d'un service accessoire à l'exercice de leur mission ; qu'en se prononçant en l'espèce sur le référé contractuel formé par la société BERNARD DÉPANNAGE à l'effet de contester les conditions de conclusion du contrat par lequel la société ATLANDES, concessionnaire d'une section de l'autoroute A63, a confié au GIE DBF-DRB le service de dépannage de véhicules sur le tronçon dont cette société assure l'exploitation, l'ordonnance attaquée a été rendue au prix d'un excès de pouvoir, en violation des articles L. 122-12, L. 122-18 et L. 122-20 du code de la voirie routière, et de l'article 11 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, par fausse application ; 2° ALORS QU' un contrat est un marché au sens du code de la commande publique lorsque l'attributaire accomplit une prestation au profit du pouvoir adjudicateur en contrepartie d'une rémunération reçue de ce dernier ; qu'au contraire, le contrat répond à la qualification de concession, ou de contrat d'exploitation s'il n'est pas conclu par un pouvoir adjudicateur, lorsqu'il est conféré au prestataire le droit d'exploiter l'ouvrage ou le service à l'effet d'obtenir une rémunération de la part des usagers ; qu'en retenant en l'espèce que le contrat consistant pour un concessionnaire d'autoroute à autoriser une société de dépannage à exploiter le secteur autoroutier concédé constituait un marché pour cette raison que l'agrément donné au dépanneur pour intervenir sur ce secteur avait pour contrepartie économique le prix facturé aux usagers, le président du tribunal de grande instance n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 1111-1 et L. 1121-1 du code de la commande publique ; 3° ALORS QUE si la qualification de contrat de concession suppose une réelle exposition du concessionnaire aux aléas du marché, l'absence d'aléa, à la supposer avérée, ne rattache pas pour autant le contrat à la qualification de marché ; qu'en retenant en l'espèce la qualification de marché, au lieu de celle de contrat de concession ou de contrat d'exploitation, pour cette raison que la société BERNARD DÉPANNAGE n'était pas exposée à un risque particulier en raison de sa situation monopolistique sur le secteur autoroutier concédé à la société ATLANDES, l'ordonnance attaquée a été rendue en violation des articles L. 1111-1 et L. 1121-1 du code de la commande publique ; 4° ALORS QUE, subsidiairement, le fait de bénéficier d'une situation de monopole n'exclut pas l'existence d'un aléa d'exploitation, qui est tributaire des coûts d'exploitation et non de l'existence d'une concurrence ; qu'en affirmant que la qualification de marché, au lieu de celle de contrat de concession ou de contrat d'exploitation, pour cette raison que la société BERNARD DÉPANNAGE n'était pas exposée à un risque particulier en raison de sa situation monopolistique sur le secteur autoroutier concédé à la société ATLANDES, l'ordonnance attaquée a été rendue en violation des articles L. 1111-1 et L. 1121-1 du code de la commande publique ; 5° ALORS QU' en l'absence de référé contractuel ou précontractuel devant le juge judiciaire, tout intéressé à une procédure d'appel d'offres dispose de la faculté de saisir le juge de droit commun statuant au fond ou en référé ; qu'en affirmant que toute solution qui consisterait à fermer la voie du référé contractuel prévue par l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 reviendrait à priver le candidat évincé de tout recours judiciaire, le président du tribunal de grande instance a violé l'article 11 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 par fausse application, ensemble l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit d'accès au juge.
En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés de travaux, fournitures ou services visés à l'article L. 122-20, 2°, du code de la voirie routière, il est fait application, pour les marchés relevant du droit privé, des articles 2 à 4 et 11 à 14 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique. Cette possibilité n'étant pas prévue pour les contrats de concession, les candidats à un appel d'offres pour un tel contrat ne peuvent donc saisir le juge du référé contractuel, ce qui ne les empêche pas de saisir le juge de droit commun pour faire valoir leurs droits et ne porte donc pas atteinte à leur droit d'accès à un tribunal. Doit être cassée la décision d'un juge du référé contractuel qui, pour déclarer l'action recevable, qualifie de marché un contrat qui ne prévoyait aucune rémunération versée par le concessionnaire d'une autoroute à une entreprise de dépannage, la situation de monopole de l'entreprise de dépannage désignée pour accomplir la mission n'étant pas exclusive de l'existence d'un aléa susceptible d'affecter le volume et la valeur de la demande de dépannage sur la portion d'autoroute concernée
7,940
COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2022 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 420 FS-B Pourvoi n° C 20-22.438 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JUIN 2022 La société Calédonienne de connectivité internationale, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 20-22.438 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, dont le siège est [Adresse 1], 3°/ au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général,10 boulevard du Palais, 75001 Paris, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Calédonienne de connectivité internationale, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, conseillers, M. Blanc, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2020), l'Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie (l'OPT-NC), opérateur historique, exploite un câble sous-marin reliant la Nouvelle-Calédonie à l'Australie, qui assure la connexion au réseau mondial et aux opérateurs distants afin de permettre les communications électroniques de longue distance. L'OPT-NC donne accès à son réseau, comportant notamment ce câble, à travers des offres tarifaires soumises à l'approbation du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. 2. La société Hawaïki est propriétaire d'un câble sous-marin qui relie les Etats-Unis à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande. Désireuse d'installer par l'intermédiaire de sa filiale, la société Calédonienne de connectivité internationale (la SCCI), un câble sous-marin reliant la Nouvelle-Calédonie à son câble existant, la société Hawaïki a sollicité, au cours de l'année 2019, les autorisations nécessaires à sa construction, en vue de proposer une offre de service alternative à l'offre « liaison internationale » de l'OPT-NC, destinée notamment aux fournisseurs d'accès à l'internet présents en Nouvelle-Calédonie. 3. À compter du 1er mars 2020, une nouvelle offre tarifaire dénommée « offre fusionnée », englobant le trafic local et de proximité avec le trafic international, a été établie par l'OPT-NC. 4. Soutenant que cette offre constituait une pratique de vente liée destinée à l'empêcher d'entrer sur le marché des capacités de connectivité internationale haut-débit par câble sous-marin et qu'elle caractérisait un abus, par l'OPT-NC, de sa position dominante sur ce marché, la SCCI a saisi l'Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie (l'AC-NC) de deux plaintes, suivies de deux demandes de mesures conservatoires. 5. L'AC-NC a retenu qu'il existait un marché de gros des services de capacités de connectivité internationale comprenant les services de transmission de communications électroniques extérieures à la Nouvelle-Calédonie, principalement par câble sous-marin, sur lequel l'OPT-NC était le principal opérateur intervenant en tant qu'offreur et en tant que propriétaire de toutes les infrastructures de télécommunications internationales, et que ce marché était ouvert à la concurrence, en ce que les dispositions du code des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie (le CPTNC) ne conféraient pas expressément à l'OPT-NC des droits exclusifs pour la fourniture de services de capacités de connectivité internationale à haut-débit par câble sous-marin. 6. S'estimant, dès lors, compétente pour apprécier la conformité des décisions prises par l'OPT-NC aux règles de la concurrence, en ce que ces décisions étaient détachables de sa mission de service public, et retenant l'existence de pratiques constituant une atteinte grave et immédiate aux intérêts de la SCCI, l'AC-NC, par une décision n° 2020-MC-01 du 2 juillet 2020 (rectifiée), a prononcé une injonction à l'égard de l'OPT-NC, qui a formé un recours contre cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. La SCCI fait grief à l'arrêt d'annuler la décision n° 2020-MC-01 du 2 juillet 2020 (rectifiée) de l'AC-NC relative à sa demande de mesures conservatoires pour des pratiques mises en oeuvre par l'OPT-NC dans le secteur des télécommunications et de déclarer irrecevables ses saisines de l'AC-NC et ses demandes de mesures conservatoires accessoires, alors : « 1°/ que conformément aux articles 211-3 et 221-2 du CPTNC, aucun monopole de droit n'est conféré à l'OPT-NC s'agissant des activités qui relèvent du service public des télécommunications ; qu'en l'espèce, en retenant que cet opérateur disposait de droits exclusifs sur ces activités, la cour d'appel a violé les textes précités, ensemble le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; 2°/ qu'en tout état de cause, conformément à l'article 221-2 du CPTNC, le monopole de droit conféré à l'OPT-NC ne couvre pas le marché des services de fourniture de connectivité internationale par câble sous-marin ; qu'en l'espèce, en retenant le contraire, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 211-3 du même code et le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; 3°/ qu'en se bornant à affirmer qu'il n'y avait pas lieu de recourir à l'interprétation stricte de l'article 221-2 du CPTNC proposée par la SCCI, sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si, d'une part, l'atteinte que ce texte portait au principe de la liberté du commerce et de l'industrie et, d'autre part, le silence de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 quant à l'existence d'un monopole de droit conféré à l'OPT-NC ne commandaient pas d'en faire une lecture restrictive, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard du texte précité, de l'article 211-3 du même code et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; 4°/ que la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile en ne répondant pas au moyen, péremptoire, qui faisait valoir que les termes de la délibération du congrès de Nouvelle-Calédonie n° 235 du 15 décembre 2006 confirmaient l'absence d'un quelconque monopole de droit conféré à l'OPT-NC s'agissant du marché des services de connectivité internationale par câble sous-marin ; 5°/ qu'en retenant que le monopole de droit conféré à l'OPT-NC s'étendait à l'activité de fourniture de services de connectivité internationale par câble sous-marin, sans jamais examiner, ne serait-ce que sommairement, l'étude juridique indépendante commandée par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie en 2018 produite par la SCCI au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. En premier lieu, l'arrêt retient d'abord que le CPTNC, institué par délibération n° 236 du 15 décembre 2006 du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, constitue le seul texte pertinent pour déterminer la nature et l'étendue des missions de service public de l'OPT-NC dans le secteur des télécommunications et si ces activités sont exercées dans le cadre d'un monopole de droit. Il énonce ensuite que l'article 211-3 de ce code affirme, en son 1°, que le service public de télécommunications relève de la compétence exclusive de la Nouvelle-Calédonie et qu'il est assuré par l'OPT-NC. Il observe que si cet article ne précise pas que ce service public est assuré exclusivement par cet office, comme le fait l'article 111-3 pour le service public postal, il désigne néanmoins uniquement l'OPT-NC pour assurer ce service ainsi que l'accès aux réseaux et services des télécommunications ouverts au public. Il relève que pour les activités de télécommunications qui ne dépendent pas de ce service public, ce même article 211-3, en son 2°, renvoie aux règles prévues au titre III, lequel prévoit, à l'article 231-1, que certaines de ces activités sont simplement soumises à autorisation du gouvernement, tandis que d'autres, énumérées à l'article 231-3, sont exercées librement, sans intervention de la part de l'OPT-NC. Il relève encore, à la lecture combinée des 1° et 2° de l'article 211-3, et des articles 231-1 et 231-3 du CPTNC, que ces dispositions confèrent à l'OPT-NC, seul, l'exercice et l'exploitation des activités relevant du service public des télécommunications et n'autorisent l'intervention d'autres opérateurs que pour les activités ne relevant pas de ce service et énumérées au titre III. Il relève enfin que cette lecture se trouve confortée par le libellé de l'article 221-1 qui prévoit que « [l]e service public des télécommunications est assuré par l'office des postes et télécommunications dans le respect des principes d'égalité, de continuité, de neutralité et d'adaptabilité », sans envisager d'autre opérateur susceptible d'assumer cette charge. 9. En cet état, c'est exactement que la cour d'appel a retenu que l'OPT-NC disposait d'un monopole de droit sur l'exploitation des réseaux et services des télécommunications ouverts au public qui relèvent du service public des télécommunications en Nouvelle-Calédonie et que, par conséquent, il disposait de droits exclusifs sur ces réseaux et services. 10. En second lieu, l'arrêt relève que l'étendue de ce monopole est déterminée à l'article 221-2 du CPTNC, qui inclut notamment « l'accès au réseau large bande par la fourniture d'une capacité de transmission sur support matériel, radioélectrique, terrestre ou satellitaire ». Il constate que ni l'AC-NC, ni la SCCI ne contestent qu'un réseau large bande est défini, par l'Union internationale des télécommunications, comme un système capable de transmettre des signaux à un débit élevé. Il relève encore que ce texte ne fait aucune distinction entre une transmission externe et interne, de sorte qu'il n'y a pas lieu de distinguer là où le texte ne distingue pas, et en déduit qu'il convient de retenir qu'il vise les transmissions de signaux tant internes à la Nouvelle-Calédonie qu'externes, c'est-à-dire internationales. Il relève enfin que ce texte, en ce qu'il cite « la transmission sur support matériel, radioélectrique, terrestre ou satellitaire », n'énumère pas de manière limitative trois types de support matériel de transmission que seraient les supports radioélectrique, satellitaire ou terrestre, contrairement à ce que soutient l'AC-NC, sauf à faire d'un support radioélectrique un support matériel, ce qu'il n'est pas. Il en déduit que ce texte désigne différents types de support en recourant à des notions très larges, dont celle de support matériel de transmission, cependant qu'il ne peut être sérieusement contesté qu'un câble, même sous-marin, constitue un support matériel de transmission de signaux. 11. En cet état, c'est à bon droit que, par une interprétation stricte des textes en cause, rendant inopérantes les recherches invoquées par la troisième branche, et sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation de la SCCI, la cour d'appel a retenu que le marché de fournitures de service de capacités de connectivité internationale relevait des activités de service public soumises au monopole de droit de l'OPT-NC, ce dont elle a déduit qu'étaient irrecevables les saisines de l'AC-NC par la SCCI et les demandes de mesures conservatoires accessoires formées par celle-ci. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Calédonienne de connectivité internationale aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Calédonienne de connectivité internationale et la condamne à payer à l'Office des postes et télécommunications de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Calédonienne de connectivité internationale. La SOCIETE CALEDONIENNE DE CONNECTIVITE INTERNATIONALE reproche à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la décision n° 2020-MC-01 du 2 juillet 2020 (rectifiée) de l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie relative à sa demande de mesures conservatoires pour des pratiques mises en oeuvre par l'Office des postes et des télécommunications de Nouvelle-Calédonie, dans le secteur des télécommunications et, partant, d'avoir déclaré irrecevables ses saisines de l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie et ses demandes de mesures conservatoires accessoires ; 1°) Alors que, de première part, conformément aux articles 211-3 et 221-2 du code des postes et des télécommunications de Nouvelle-Calédonie, aucun monopole de droit n'est conféré à l'Office des postes et des télécommunications de Nouvelle-Calédonie s'agissant des activités qui relèvent du service public des télécommunications ; qu'en l'espèce, en retenant que cet opérateur disposait de droits exclusifs sur ces activités, la cour d'appel a violé les textes précités, ensemble le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; 2°) Alors que, de deuxième part, et en tout état de cause, conformément à l'article 221-2 du code des postes et des télécommunications de Nouvelle-Calédonie, le monopole de droit conféré à l'Office des postes et des télécommunications de Nouvelle-Calédonie ne couvre pas le marché des services de fourniture de connectivité internationale par câble sous-marin ; qu'en l'espèce, en retenant le contraire, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 211-3 du même code et le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; 3°) Alors que, de troisième part, en se bornant à affirmer qu'il n'y avait pas lieu de recourir à l'interprétation stricte de l'article 221-2 du code des postes et des télécommunications proposée par la SOCIETE CALEDONIENNE DE CONNECTIVITE INTERNATIONALE, sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée (conclusions d'appel, pp. 24-27, § 61-71), si, d'une part, l'atteinte que ce texte portait au principe de la liberté du commerce et de l'industrie et, d'autre, part, le silence de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 quant à l'existence d'un monopole de droit conféré à l'Office des postes et des télécommunications de Nouvelle-Calédonie ne commandaient pas d'en faire une lecture restrictive, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard du texte précité, de l'article 211-3 du même code et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; 4°) Alors que, de quatrième part, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile en ne répondant pas au moyen, péremptoire, qui faisait valoir que les termes de la délibération du congrès de Nouvelle-Calédonie n° 235 du 15 décembre 2006 confirmaient l'absence d'un quelconque monopole de droit conféré à l'Office des postes et des télécommunications de Nouvelle-Calédonie s'agissant du marché des services de connectivité internationale par câble sous-marin (conclusions d'appel, pp. 30-31, §§ 83-84) ; 5°) Alors que, de cinquième part, en retenant que le monopole de droit conféré à l'Office des postes et des télécommunications de Nouvelle-Calédonie s'étendait à l'activité de fourniture de services de connectivité internationale par câble sous-marin, sans jamais examiner, ne serait-ce que sommairement, l'étude juridique indépendante commandée par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie en 2018 produite par la SOCIETE CALEDONIENNE DE CONNECTIVITE INTERNATIONALE au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Selon l'article 211-3, 1°, du code des postes et télécommunications de la Nouvelle-Calédonie (CPTNC), institué postérieurement au transfert de l'office public de télécommunications de la Nouvelle-Calédonie (OPT-NC), ce dernier assure le service public de télécommunications, qui relève de la compétence exclusive de la Nouvelle-Calédonie. Dès lors que cet article désigne uniquement l'OPT-NC pour assurer ce service ainsi que l'accès aux réseaux et services des télécommunications ouverts au public, c'est à bon droit qu'une cour d'appel énonce que l'OPT-NC dispose d'un monopole de droit sur l'exploitation des réseaux et services des télécommunications ouverts au public, qui relèvent du service public des télécommunications en Nouvelle-Calédonie, et donc de droits exclusifs sur ces réseaux et services. Par conséquent, doit être approuvé l'arrêt qui, après avoir relevé, d'une part, que l'étendue de ce monopole est déterminée à l'article 221-2 du CPTNC, incluant notamment « l'accès au réseau large bande par la fourniture d'une capacité de transmission sur support matériel, radioélectrique, terrestre ou satellitaire » et visant les transmissions de signaux tant internes à la Nouvelle-Calédonie qu'internationales et, d'autre part, qu'un câble, même sous-marin, constitue un support matériel de transmission de signaux au sens de cet article, retient que le marché de fournitures de service de capacités de connectivité internationale relève des activités de service public soumises au monopole de droit de l'OPT-NC. C'est donc à bon droit qu'il en déduit que sont irrecevables les saisines de l'Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie présentées par un opérateur qui dénonce une pratique destinée à l'empêcher d'entrer sur le marché des capacités de connectivité internationale haut-débit par câble sous-marin et demande des mesures conservatoires accessoires
7,941
N° E 21-85.671 FS-B N° 00707 MAS2 22 JUIN 2022 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 JUIN 2022 Le procureur général près la cour d'appel d'Orléans a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 364 de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 16 septembre 2021, qui, dans la procédure suivie, notamment, contre M. [J] [B] et la société [1], du chef de recel aggravé, a infirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, M. Ascensi, Mmes Fouquet, Chafaï, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général référendaire, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le procureur de la République a diligenté une enquête préliminaire concernant des faits d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics dans le cadre de l'attribution de plusieurs marchés publics de démolition par la [5] ([5]), dont M. [M] [F] est le directeur général, et par [4] à la société [1], dirigée par M. [J] [B], avant d'ouvrir une information judiciaire, le 26 janvier 2021, des chefs, notamment, d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et recel aggravé de ce délit. 3. Auparavant, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie pénale, d'une part, de deux biens immobiliers dont M. [F] est propriétaire indivis, d'une valeur totale de 652 000 euros et le maintien des saisies des sommes d'un montant total de 35 458 euros figurant au crédit de deux comptes bancaires dont ce dernier est titulaire, d'autre part, la saisie pénale d'un bien immobilier, propriété de M. [B], d'une valeur de 1 400 000 euros, et le maintien de la saisie pénale de la somme de 30 000 euros figurant au crédit d'un compte bancaire dont est titulaire la société [1], par décisions du 26 janvier 2021. M. [B] a interjeté appel de celle qui le concerne. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen est pris de la violation des articles 131-21 du code pénal et 591 du code de procédure pénale. 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de saisie d'un bien immobilier appartenant à M. [B], en limitant le produit de l'infraction à la marge réalisée par la société de celui-ci, et en estimant que l'objet de l'infraction, non dissociable du produit, consistait dans l'obtention d'un marché public afin de générer des gains pour la société obtenant ce marché, alors que les notions d'objet et de produit de l'infraction sont distinctes. Réponse de la Cour 6. Pour infirmer les ordonnances du juge des libertés et de la détention et limiter les saisies au montant de 66 724 euros représentant la valeur du produit de l'infraction d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, l'arrêt attaqué énonce que les saisies ordonnées dans le cadre d'une enquête préliminaire diligentée des chefs d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et de recel aggravé s'élèvent pour M. [F] à un montant total de 687 458 euros, pour la société [1] à 30 000 euros et pour M. [B] à 1 400 000 euros, soit un total de 2 117 458 euros. 7. Les juges ajoutent qu'il résulte du dossier des indices rendant vraisemblable la participation aux infractions de M. [B] et de la société [1] qui ont été mis en examen du chef de recel aggravé pour avoir à [Localité 3] du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019, sciemment recelé le bénéfice de l'attribution d'un marché public passé par la [5] relatif au chantier de démolition de l'hôpital [2], qu'il savait provenir d'un crime ou d'un délit, en l'espèce le délit d'atteinte à la liberté et à l'égalité d'accès au marché public, en se rendant au siège de la [5] à plusieurs reprises pour rencontrer M. [F] et échanger sur le contenu des enveloppes comportant les offres techniques et financières des sociétés soumissionnaires avant et après négociation, puis en déposant une nouvelle offre adaptée en dehors des règles procédurales du marché public, permettant ainsi de se faire attribuer ledit marché public au préjudice des autres soumissionnaires, avec cette circonstance que les faits de recel ont été facilités par l'exercice d'une activité professionnelle, en l'espèce en étant le gérant de la société [1]. 8. Ils relèvent que l'auteur du délit de recel aggravé encourt, aux termes de l'article 321-2 du code pénal une peine de dix ans d'emprisonnement, et aux termes de l'article 321-9 du code pénal, la confiscation à titre de peine complémentaire de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction et du produit de l'infraction, que la confiscation des biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction est possible en application de l'article 131-21 du code pénal, la peine encourue pour le délit de recel aggravé étant supérieure à un an d'emprisonnement et qu'en application des articles 131-21, alinéa 9, du code pénal et 706-141-1 du code de procédure pénale, la saisie peut être ordonnée en valeur. 9. Les juges précisent qu'il convient de s'assurer que la valeur du bien confisqué n'excède pas le montant du produit de l'infraction, qui correspond à l'avantage économique tiré de celle-ci et qui constitue la conséquence patrimoniale de sa commission, qu'il a été retenu dans l'ordonnance de saisie que le produit présumé de l'infraction était chiffré à la somme de 981 770 euros qui correspond au montant du marché public obtenu par la société [1] grâce au délit de favoritisme présumé. 10. La chambre de l'instruction énonce que l'avantage économique tiré des infractions de favoritisme et de recel de ce délit ne saurait consister dans le montant du marché obtenu mais correspond au gain financier réalisé par la société et son gérant et résultant de l'attribution du marché public et qu'en l'état actuel de la procédure et eu égard aux éléments apportés par la défense, l'avantage économique tiré de l'obtention du marché doit être évalué à 7 % du montant de celui-ci, soit à la somme de 66 724 euros. 11. Elle ajoute que si le ministère public fait état dans ses réquisitions de l'objet de l'infraction de favoritisme dont il indique qu'il est le marché public et par extension, les fonds débloqués, l'objet du délit de recel consiste dans l'obtention d'un marché public pour générer des gains pour la société en étant attributaire, qu'en cas de pluralité d'auteurs d'un ensemble de faits délictueux, la saisie totale ne saurait excéder le produit total de ces infractions, que la somme de 30 000 euros a d'ores et déjà été saisie sur le compte de la société [1], laquelle s'est désistée de son appel à l'encontre de l'ordonnance de maintien de la saisie de cette somme sur son compte bancaire, que par un arrêt distinct du 16 septembre 2021, a été ordonné le maintien des saisies opérées sur les comptes bancaires de M. [F] à hauteur de 35 458 euros. 12. Elle conclut que, dans ces conditions, eu égard au produit de l'infraction, tel qu'évalué précédemment et alors que le montant de la saisie en valeur ne saurait excéder cette somme de 66 724 euros, il convient d'infirmer l'ordonnance de saisie du bien immobilier de M. [B] et de dire n'y avoir lieu à saisie de ce bien immobilier. 13. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 14. En effet, l'attribution du marché public ne constituant pas un élément constitutif du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics qui est établi par la seule violation de la norme légale ou réglementaire gouvernant la commande publique, le marché proprement dit ne peut être considéré comme l'objet de cette infraction. 15. L'avantage économique qui constitue le produit de l'infraction d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics est équivalent au prix total du marché en cause duquel doivent être impérativement déduites les charges et dépenses directement imputables à l'exécution de ce marché comme, par exemple, le coût des salaires et des fournitures. 16. Les juges peuvent, par des motifs relevant de leur appréciation souveraine, ajouter à ce chiffrage, en fonction des éléments figurant au dossier ou qui leur sont fournis par les parties et le ministère public, l'ensemble des gains, directs ou indirects, attendus et découlant du marché comme, notamment, les éventuelles économies d'impôts, la valorisation de la trésorerie, de la continuation de l'entreprise, du maintien des emplois en lien avec l'attribution du marché ou de la possibilité de se porter candidat à d'autres marchés. 17. Le produit de l'infraction d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics constitue l'objet du délit de recel aggravé. 18. Toutefois, le juge qui ordonne la saisie en valeur d'un bien appartenant à l'auteur de l'infraction de recel d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics ou étant à sa libre disposition, dès lors qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure des présomptions qu'il a bénéficié en totalité ou en partie du produit de cette infraction, doit apprécier, lorsque cette garantie est invoquée, le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé pour la partie du produit dont il n'aura pas tiré profit. 19. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté. 20. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux juin deux mille vingt-deux.
L'attribution du marché public ne constituant pas un élément constitutif du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics qui est établi par la seule violation de la norme légale ou réglementaire gouvernant la commande publique, le marché proprement dit ne peut être considéré comme l'objet de cette infraction. L'avantage économique qui constitue le produit de l'infraction d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics est équivalent au prix total du marché en cause duquel doivent être impérativement déduites les charges et dépenses directement imputables à l'exécution de ce marché comme, par exemple, le coût des salaires et des fournitures. Les juges peuvent, par des motifs relevant de leur appréciation souveraine, ajouter à ce chiffrage, en fonction des éléments figurant au dossier ou qui leur sont fournis par les parties et le ministère public, l'ensemble des gains, directs ou indirects, attendus et découlant du marché comme, notamment, les éventuelles économies d'impôts, la valorisation de la trésorerie, de la continuation de l'entreprise, du maintien des emplois en lien avec l'attribution du marché ou de la possibilité de se porter candidat à d'autres marchés. Le produit de l'infraction d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics constitue l'objet du délit de recel aggravé. Toutefois, le juge qui ordonne la saisie en valeur d'un bien appartenant à l'auteur de l'infraction de recel d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics ou étant à sa libre disposition, dès lors qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure des présomptions qu'il a bénéficié en totalité ou en partie du produit de cette infraction, doit apprécier, lorsque cette garantie est invoquée, le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé pour la partie du produit dont il n'aura pas tiré profit
7,942
N° M 21-86.620 FS-B N 21-86.621, P 21-86.622, Q 21-86.623, R 21-86.624, S 21-86.625, T 21-86.626, V 21-86.627 N° 00709 MAS2 22 JUIN 2022 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 JUIN 2022 Mme [X] [I] [C] a formé des pourvois contre les arrêts n° 1 à 6, 8 - 2020/05298 et 8 - 2020/05300 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 19 octobre 2021, qui, dans l'information suivie contre elle du chef de recels, ont confirmé les ordonnances de saisies pénales rendues par le juge d'instruction. Par ordonnance en date du 18 janvier 2022, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Des mémoires ampliatifs ont été produits. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme [X] [I] [C], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Planchon, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, de Lamy, conseillers de la chambre, Mmes Pichon, Fouquet, Chafaï, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans l'information judiciaire diligentée du chef susvisé à l'encontre de Mme [X] [I] [C], le juge d'instruction a rendu les 30 mai 2016 et 7 mars 2019 huit ordonnances de saisie de sommes inscrites au crédit de ses comptes bancaires et de créances figurant sur des contrats d'assurance sur la vie dont elle est titulaire pour un montant total de 378 090,30 euros. 3. L'avocat de Mme [I] [C] a interjeté appel de ces décisions. Examen des moyens Sur les seconds moyens des pourvois formés contre les arrêts n° 1 à 6, 8 - 2020/05298 et 8 - 2020/05300 de la chambre de l'instruction du 19 octobre 2021, pris en leurs deuxième, troisième et quatrième branches 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur les premiers moyens des pourvois formés contre les arrêts n° 1 à 6, 8 - 2020/05298 et 8 - 2020/05300 de la chambre de l'instruction du 19 octobre 2021 Enoncé des moyens 5. Les moyens critiquent les arrêts attaqués en ce qu'ils ont déclaré irrecevable la demande formée par Mme [I] [C], de saisir la chambre de l'instruction d'une demande d'arrêt des poursuites et de règlement de la procédure, alors « que la chambre de l'instruction doit pouvoir être saisie à tout moment d'une demande d'arrêt des poursuites et de règlement de la procédure lorsque la personne mise en examen n'est plus en mesure de se défendre personnellement ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevable la demande de Mme [I] [C] de saisir la chambre de l'instruction d'une demande d'arrêt des poursuites, que les dispositions de l'article 221-3 du code de procédure pénale ne s'appliquent que lorsque la personne mise en examen est détenue et qu'une partie n'est pas fondée à solliciter, à l'occasion de l'appel interjeté à l'encontre d'une ordonnance de saisie pénale, de saisir la chambre de l'instruction d'une demande d'arrêt des poursuites et de règlement de la procédure concernant la personne mise en examen, sans rechercher si l'intérêt d'une bonne administration de la justice commandait l'arrêt des poursuites et le règlement de la procédure, compte tenu des séquelles neurologiques irréversibles dont était atteinte la personne mise en examen, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 220, 221-1 et 221-3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 6. Les moyens sont réunis. 7. Pour déclarer irrecevable la demande de Mme [I] [C] de saisir la chambre de l'instruction d'une demande d'arrêt des poursuites, les arrêts relèvent que les dispositions de l'article 221-3 du code de procédure pénale ne s'appliquent que lorsque la personne mise en examen est détenue et que, dès lors que c'est au président de la chambre de l'instruction qu'il appartient de saisir cette juridiction sur ce fondement, une partie n'est pas fondée à solliciter, à l'occasion de l'appel interjeté à l'encontre d'une ordonnance de saisie spéciale, de saisir la chambre de l'instruction d'une demande d'arrêt des poursuites et de règlement de la procédure concernant la personne mise en examen. 8. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen. Mais sur les seconds moyens des pourvois formés contre les arrêts n° 1 à 6, 8 - 2020/05298 et 8 - 2020/05300 de la chambre de l'instruction du 19 octobre 2021, pris en leur première branche Enoncé des moyens 9. Les moyens critiquent les arrêts attaqués en ce qu'ils ont confirmé les ordonnances de saisie spéciale du juge d'instruction, alors : « 1°/ qu'en considérant que la mesure de saisie pénale ne portait pas une atteinte au principe d'égalité des armes et au droit à un procès équitable de Mme [I] [C], quand il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que l'expertise, réalisée en exécution de l'arrêt avant dire droit, avait conclu qu'elle était dans l'incapacité de se défendre et que cet état était irréversible, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 à 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 10. Les moyens sont réunis. Vu les articles 6, §§ 1 et 3, a et c, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-141 à 706-158 du code de procédure pénale et 131-21 du code pénal : 11. Il se déduit de ces textes qu'il appartient à la chambre de l'instruction saisie d'un appel formé à l'encontre d'une ordonnance de saisie spéciale d'un bien appartenant à une personne mise en examen présentant une altération des facultés telle que celle-ci se trouve, de manière irréversible, dans l'impossibilité de se défendre personnellement contre l'accusation dont elle fait l'objet, même en présence de son tuteur ou de son curateur et avec l'assistance d'un avocat, en sorte qu'il devra être définitivement sursis à son renvoi devant la juridiction de jugement, de s'assurer, même d'office, que les conditions légales de la saisie demeurent réunies, dont celle du caractère confiscable du bien en application de l'article 131-21 du code pénal au regard de la peine de confiscation susceptible d'être encourue par une autre personne mise en cause en répression des faits qui lui sont reprochés, après avoir convoqué cette personne si le bien lui appartient ou est à sa libre disposition, l'intéressé pouvant prétendre à la mise à disposition des pièces de la procédure se rapportant à la saisie. 12. A défaut, la chambre de l'instruction est tenue d'ordonner la mainlevée de la saisie. 13. Pour confirmer les saisies, les arrêts retiennent, avant d'énoncer les motifs portant les juges à considérer que les biens saisis sont confiscables comme constituant, en nature ou en valeur, le produit des infractions reprochées à Mme [I] [C] ainsi qu'à M. [D] [Z], son époux, que l'expertise réalisée en exécution de l'arrêt avant dire droit conclut que Mme [I] [C] est dans l'incapacité de se défendre et que cet état est irréversible compte tenu de l'accident vasculaire cérébral qu'elle a subi en 2012 notamment. 14. Les juges ajoutent que, cependant, le contentieux des saisies pénales devant la chambre de l'instruction relève d'une procédure écrite au cours de laquelle Mme [I] [C] est dûment représentée par un avocat, de sorte que son état de santé n'est pas de nature à affecter l'examen du mérite de la décision déférée. 15. Ils en concluent que, nonobstant l'état de santé de Mme [I] [C] dont il est tenu compte, il convient de rechercher si les fonds disponibles sur ses comptes sont susceptibles d'être saisis en vue d'une éventuelle confiscation, la mesure de saisie, qui cible le produit d'une infraction, ne portant pas atteinte au droit à un procès équitable et ne constituant pas un traitement inhumain ou dégradant. 16. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 17. En effet, d'une part, ayant constaté que les biens saisis étaient pour partie confiscables en répression des infractions susceptibles d'être reprochées à M. [Z], elle devait convoquer ce dernier et mettre à sa disposition les pièces se rapportant aux saisies. 18. D'autre part, s'agissant de l'autre partie des biens, il lui appartenait de rechercher s'ils étaient susceptibles d'être confisqués en répression d'infractions commises par d'autres personnes que Mme [I] [C], qui devaient alors être convoquées si les biens leur appartenaient ou étaient à leur libre disposition, et avoir accès aux pièces se rapportant aux saisies. A défaut, il lui appartenait d'ordonner leur restitution. 19. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts susvisés de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 19 octobre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux juin deux mille vingt-deux.
Il appartient à la chambre de l'instruction saisie d'un appel formé à l'encontre d'une ordonnance de saisie spéciale d'un bien appartenant à une personne mise en examen présentant une altération des facultés telle que celle-ci se trouve, de manière irréversible, dans l'impossibilité de se défendre personnellement contre l'accusation dont elle fait l'objet, même en présence de son tuteur ou de son curateur et avec l'assistance d'un avocat, en sorte qu'il devra être définitivement sursis à son renvoi devant la juridiction de jugement, de s'assurer, même d'office, que les conditions légales de la saisie demeurent réunies, dont celle du caractère confiscable du bien en application de l'article 131-21 du code pénal au regard de la peine de confiscation susceptible d'être encourue par une autre personne mise en cause en répression des faits qui lui sont reprochés, après avoir convoqué cette personne si le bien lui appartient ou est à sa libre disposition. Encourt dès lors la censure l'arrêt qui, après avoir constaté que la personne mise en examen est dans l'incapacité de se défendre de manière irréversible compte tenu de l'un des accidents vasculaires cérébraux qu'elle a subis, confirme les saisies en retenant que les biens saisis sont pour partie confiscables en répression des infractions susceptibles d'être reprochées à l'époux de l'intéressée, mais sans convoquer ce dernier en mettant à sa disposition les pièces se rapportant aux saisies. Il appartenait de même à la chambre de l'instruction, s'agissant de l'autre partie des biens, de rechercher s'ils étaient susceptibles d'être confisqués en répression d'infractions commises par d'autres personnes que la personne mise en examen, qui devaient alors être convoquées si les biens leur appartenaient ou étaient à leur libre disposition, et avoir accès aux pièces se rapportant aux saisies. A défaut, il appartenait à la chambre de l'instruction d'ordonner leur restitution
7,943
N° R 21-83.036 F- B N° 00816 GM 22 JUIN 2022 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 JUIN 2022 MM. [X] [H] et [W] [P] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 28 avril 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 25 novembre 2020, n° 19-85.205), pour banqueroute les a condamnés chacun à une amende de 10 000 euros, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [W] [P], les observations de la SARL Le Prado, avocat de M. [X] [H], les observations de de la SCP Spinosi, avocat de M. [E], des sociétés [1], [4], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 30 décembre 2008, la SCI [4] (la SCI) a acquis un terrain en vu de la réalisation d'un vaste programme immobilier, financé en totalité par un découvert en compte d'un montant de 1 400 000 euros. 3. Le 4 juin 2012, la société [1] et son gérant M. [V] [E], actionnaires de la SCI, ont déposé plainte auprès du procureur de la République pour abus de confiance. Ils ont reproché aux dirigeants de la SCI, MM. [W] [P] et [X] [H], d'avoir détourné une partie de la trésorerie au profit du Groupe [2], dont ils assuraient également la direction. 4. Par jugement du tribunal de grande instance en date du 15 octobre 2013, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de la SCI. 5. L'administrateur provisoire a transmis au procureur de la République le rapport d'expertise comptable établi par le cabinet [3], désigné par le tribunal dans le cadre de cette procédure, certaines irrégularités constatées par l'expert lui paraissant relever d'une qualification pénale. 6. A l'issue des investigations, MM. [P] et [H] ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel, en qualité de dirigeants de fait ou de droit de la SCI, des chefs de banqueroute par emploi de moyens ruineux et tenue d'une comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète. 7. Les juges du premier degré ont reconnu les prévenus coupables du délit de banqueroute pour les faits commis à compter de la date de cessation des paiements, reçu les constitutions de partie civile de M. [E], de la société [1], de la SCI et de La SCP [F]-[O], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan et déclaré MM. [P] et [H] solidairement responsables de leurs préjudices. 8. Par arrêt en date du 3 juillet 2019, la cour d'appel, infirmant le jugement a relaxé les deux prévenus. 9. Sur pourvoi du procureur général, la Cour de cassation a cassé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant une autre cour d'appel. Examen des moyens Sur le premier moyen proposé pour M. [P], pris en sa troisième branche, les premier, deuxième et huitième moyens, pris en sa troisième branche proposés pour M. [H] 10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen proposé pour M. [P] et le huitième moyen proposé pour M. [H], pris en leurs première et deuxième branches Enoncé des moyens 11. Le premier moyen proposé pour M. [P], pris en ses deux premières branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de l'infraction de banqueroute par comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète pour l'exercice 2012 pour la période du 1er janvier au 1er juillet 2012, alors : « 1°/ que l'article L. 654-2, 5°, du code de commerce incrimine le fait d'avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales ; qu'il appartient au juge répressif qui entre en voie de condamnation du chef de ce texte d'identifier la disposition légale en matière de comptabilité qui n'a pas été respectée par l'agent ; qu'en déclarant M. [P] coupable du délit de l'article L. 654-2, 5°, du code de commerce, sans identifier la disposition légale en matière de comptabilité qui aurait été violée, la cour d'appel a méconnu ce texte, ensemble les articles 111-3 du code pénal et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant le principe de légalité des délits et des peines ; 2°/ qu'il résulte de l'article L. 123-12 du code de commerce que les comptes annuels doivent être établis une fois par an, à la clôture de l'exercice, et que si les mouvements affectant le patrimoine de l'entreprise doivent être enregistrés chronologiquement, ils n'ont pas à l'être au jour le jour ; que la cour d'appel ayant constaté que M. [P] avait démissionné de ses fonctions de gérant de la SCI à compter du 1er juillet 2012 et jugé qu'aucun élément du dossier ne permettait de considérer qu'après cette date, il avait exercé une gérance de fait de cette société, il s'en déduisait qu'il n'appartenait pas à M. [P] d'établir la comptabilité de l'exercice clos le 31 décembre 2012 ; que la cour d'appel, qui a pourtant retenu la responsabilité pénale de celui-ci concernant l'infraction de banqueroute par comptabilité manifestement irrégulière et incomplète sur l'exercice 2012 en énonçant qu'il importait peu qu'il n'ait plus été en fonction à la clôture de l'exercice, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 123-12 et L. 654-2, 5°, du code de commerce. » 12. Le huitième moyen proposé pour M. [H], pris en ses deux premières branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré coupable de l'infraction de banqueroute par comptabilité incomplète et par absence de comptabilité sur la période comprise entre le 1er janvier 2012 et le 13 septembre 2013 ; qu'il l'a condamné pénalement et a prononcé sur les intérêts civils, alors : « 1°/ que l'article L. 654-2, 5°, du code de commerce incrimine le fait d'avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales ; qu'il appartient au juge répressif qui entre en voie de condamnation du chef de ce texte d'identifier la disposition légale en matière de comptabilité qui n'a pas été respectée par l'agent ; qu'en déclarant M. [H] coupable du délit de l'article L. 654-2, 5°, du code de commerce, sans identifier la disposition légale en matière de comptabilité qui aurait été violée, la cour d'appel a méconnu ce texte, ensemble les articles 111-3 du code pénal et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant le principe de légalité des délits et des peines ; 2°/ qu' il résulte de l'article L. 123-12 du code de commerce que les comptes annuels doivent être établis une fois par an, à la clôture de l'exercice, et que si les mouvements affectant le patrimoine de l'entreprise doivent être enregistrés chronologiquement, ils n'ont pas à l'être au jour le jour ; que la cour d'appel ayant constaté que M. [H] ne pouvait se voir reprocher les faits de banqueroute que jusqu'au 13 septembre 2013, date de la cessation des paiements de la SCI, il s'en déduisait qu'il n'appartenait pas à M. [H] d'établir la comptabilité de l'exercice clos le 31 décembre 2013 ; que la cour d'appel, qui a pourtant retenu la responsabilité pénale de celui-ci concernant l'infraction de banqueroute par comptabilité incomplète et par absence de comptabilité sur l'exercice 2013, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 123-12 et L. 654-2, 5°, du code de commerce. » Réponse de la Cour 13. Les moyens sont réunis. 14. Pour déclarer les prévenus coupables du délit de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'il résulte du pré-rapport et du rapport d'expertise comptable établi par le cabinet [3] que dès 2009 le terrain acquis le 30 décembre 2008 a été comptabilisé sous la rubrique « immobilisations corporelles » alors qu'il aurait du être comptabilisé dans le poste « stock et en cours » cette erreur ayant eu des répercussions en cascade sur la comptabilisation de la cession en VEFA à Nouveaux Logis. 15. Il relève également qu'il existe une discordance entre les dispositions fiscales figurant dans des actes de ventes de lots de terrains et la déclaration de TVA finale faite par la SCI et que si le cabinet [3] a estimé que la consultation d'un avocat fiscaliste était opportune compte tenu de la spécificité de l'activité de la société afin de valider la situation fiscale de la société, il n'en demeure pas moins qu'il existe une anomalie évidente résultant de la seule comparaison entre l'option fiscale choisie figurant dans l'acte de vente et l'option finalement exercée lors de la déclaration. 16. Il retient qu'il résulte de ces rapports que la comptabilité 2012 était irrégulière du fait du report erroné du résultat 2011 pour un montant de537,67 euros alors qu'il était de 16 330 euros dans le résultat financier de 2011 et que cette erreur grossière constitue un manquement grave aux règles et principes comptables de nature à donner une image fausse de la santé de la société. 17. Les juges ajoutent qu'il est constant qu'aucune comptabilité n'a été tenue en 2013, aucun élément comptable n'ayant été produit à l'administrateur provisoire puis à [3] dans le cadre des missions confiées par le tribunal de grande instance de Brive-La-Gaillarde. 18. Ils en déduisent que la procédure a permis d'établir que sur l'exercice 2012, la comptabilité de la SCI est irrégulière, les irrégularités constatées s'avérant manifestes par défaut de concordances entre les opérations comptables et leurs justificatifs ou par défaut de concordance d'une année sur l'autre. 19. La cour d'appel précise que M. [P] ayant démissionné de ses fonctions de gérant de la SCI à compter du 1er juillet 2012 et la cour ayant jugé qu'aucun élément du dossier ne permettait de considérer qu'après cette date, il avait exercé une gérance de fait, sa responsabilité pénale sera retenue concernant l'infraction de banqueroute par comptabilité irrégulière et incomplète sur l'exercice 2012, peu important qu'il n'ait plus été en fonction à la clôture de l'exercice mais qu'en revanche, le délit de banqueroute par absence de comptabilité pour l'année 2013 ne peut lui être imputée et que s'agissant de M. [H], il sera déclaré coupable en qualité de gérant de fait des infractions de banqueroute par comptabilité irrégulière et incomplète sur l'exercice 2012 et par absence de comptabilité sur l'exercice 2013 peu important les démarches judiciaires entreprises en vue de faire désigner un administrateur provisoire suite à la démission de M. [P]. 20. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 21. En effet, en premier lieu, l'article L. 654-2, 5°, du code de commerce, qui incrimine le fait d'avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales, sanctionne tout manquement manifeste aux obligations comptables commis par le prévenu dès lors qu'il se trouve obligé de tenir une comptabilité en vertu d'une disposition légale. 22. En conséquence, les demandeurs, qui n'ont pas contesté que la SCI dont ils étaient les gérants était soumise à l'obligation légale de tenir une comptabilité commerciale, ne sauraient se faire un grief de ce que la cour d'appel n'a pas précisé la nature des obligations comptables particulières méconnues. 23. En second lieu, l'obligation de tenir une comptabilité régulière en application de l'article L. 123-12 du code de commerce ne se limite pas à l'établissement des comptes annuels à la clôture de l'exercice, mais implique également l'enregistrement chronologique des mouvements affectant le patrimoine dans les livres comptables et l'inventaire périodique, de sorte que le délit de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière se trouve constitué avant ladite clôture lorsque sont constatés des manquements ou des irrégularités manifestes dans la tenue des livres comptables. 24. Ainsi, les moyens ne sont pas fondés. Mais sur les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième moyens proposés pour M. [P] et les troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième et neuvième moyen proposés pour M. [H] Énoncé des moyens 25. Le deuxième moyen proposé pour M. [P], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de M. [E], de la société [1], de la SCI [4] et de la SCP [F]-[O] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SCI et de l'avoir déclaré responsable, solidairement avec M. [H], des préjudices subis par M. [E], la société [1], la SCI [4] et les créanciers chirographaires au jour du jugement du 6 décembre 2018, alors : « 1°/ que la société débitrice ne fait pas partie des personnes habilitées, en vertu de l'article L. 654-17 du code de commerce, à se constituer partie civile par voie d'action du chef du délit de banqueroute ; qu'à supposer même que la société débitrice soit admise à se constituer partie civile par voie d'intervention du chef du délit de banqueroute par comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète, encore faut-il qu'elle justifie avoir personnellement souffert d'un dommage directement causé par cette infraction, comme l'exige l'article 2 du code de procédure pénale ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de la SCI [4] et en déclarant M. [P] responsable de son préjudice, sans préciser le préjudice occasionné à celle-ci, ni vérifier si ce préjudice – à le supposer établi – résultait directement de l'infraction de banqueroute par comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète pour l'exercice 2012, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes précités et de l'article L. 654-2 du code de commerce ; 2°/ que si l'article L. 654-17 du code de commerce n'interdit pas aux actionnaires de se constituer partie civile par voie d'intervention du chef de banqueroute, c'est à la condition qu'ils invoquent un préjudice résultant directement de l'infraction et distinct tant du préjudice subi par la société débitrice que du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective de cette dernière ; qu'en déclarant recevables les constitutions de parties civiles de la société [1] et de M. [E] – associés de la SCI [4] et en déclarant M. [P] responsable de leur préjudice, sans préciser le préjudice occasionné à la société [1] et à M. [E], ni vérifier si ce préjudice – à le supposer établi – résultait directement de l'infraction de banqueroute par comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète pour l'exercice 2012 et était distinct tant du préjudice que la SCI [4] alléguait avoir subi que du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective de cette dernière, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 654-2 et L. 654-17 du code de commerce et 2 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'en confirmant le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la SCP [F]-[O] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SCI [4] et déclaré M. [P] responsable du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement, sans aucunement motiver sa décision sur ce point, qui était expressément contesté par M. [P] dans ses conclusions, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et ainsi violé l'article 593 du code de procédure pénale. » 26. Le troisième moyen proposé pour M. [P], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de la SCI [4], de la société [1] et de M. [E] et de l'avoir déclaré responsable solidairement avec M. [H] du préjudice subi par ces derniers alors « que ne sont recevables à se constituer partie civile du chef de banqueroute que les personnes limitativement autorisées à le faire par l'article L. 654-17 du code de commerce que sont l'administrateur, le mandataire judiciaire, le représentant des salariés, le commissaire à l'exécution du plan, le liquidateur ou la majorité des créanciers nommés contrôleurs agissant dans l'intérêt collectif des créanciers ; qu'en déclarant recevables les constitutions de parties civiles de la SCI [4], de la société [1] et de M. [E] quand ceux-ci n'avaient pas l'une des qualités visées à l'article L. 654-17 du code de commerce, la cour d'appel a méconnu l'article L. 654-2 du code de commerce, ensemble l'article L. 654-17 du même code. » 27. Le quatrième moyen proposé pour M. [P], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [H] du préjudice subi par la SCI [4], alors : « 1°/ que la juridiction correctionnelle, saisie de l'action publique et de l'action civile, lorsqu'elle relaxe, ne peut que débouter la partie civile de son action ; qu'aux termes de ses écritures d'appel, la SCI [4] soutient que « son préjudice est lié à l'ensemble des actes commis par les deux prévenus qui ont retardé la date de cessation des paiements » ; que la cour d'appel a, dans l'arrêt attaqué, relaxé M. [P] pour avoir « évité ou retardé la procédure », faits compris dans la poursuite du chef de banqueroute par emploi de moyens ruineux ; qu'en déclarant M. [P] responsable civilement du préjudice subi par la SCI [4], la cour d'appel a méconnu l'article 2 du code de procédure pénale, ensemble le principe selon lequel la juridiction correctionnelle, saisie de l'action publique et de l'action civile, lorsqu'elle relaxe, ne peut que débouter la partie civile de son action ; 2°/ que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; que si la cour d'appel a entendu condamner M. [P] à indemniser la SCI [4] pour le préjudice résultant du délit de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière, elle a alors statué ultra petita et méconnu ainsi l'étendue de sa saisine ensemble l'article 1240 du code civil ; 3°/ que l'action civile devant les juridictions répressives n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement et directement souffert des faits, objet de l'infraction poursuivie ; que la SCI [4] demandait réparation du « préjudice économique lié à l'augmentation du passif entre la date de cessation de paiement réelle et la date retenue (…) ainsi que des frais qu'ont déclenché ce surplus de passif dans le plan de redressement » ; qu'en déclarant M. [P] responsable du préjudice subi par la SCI [4] sans rechercher si les préjudices invoqués, notamment les frais, étaient en relation directe avec les infractions reprochées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 et 3 du code de procédure pénale. » 28. Le cinquième moyen proposé pour M. [P], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [H] du préjudice subi par la société [1], alors « qu' en déclarant M. [P] responsable du préjudice subi par la société [1] quand celle-ci demandait l'indemnisation résultant de ce « qu'en tant qu'associée la SARL [1] a dû s'investir dans la gérance de la SCI afin de la redresser et de la rendre in bonis, ce qui a constitué un coût ainsi que des dépenses importantes », préjudice qui, même à le supposer établi, n'était pas en lien de causalité directe avec les infractions pour lesquelles M. [P] a été condamné, la cour d'appel a méconnu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale. » 29. Le sixième moyen proposé pour M. [P], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [H] du préjudice subi par M. [E], alors « qu'il a demandé réparation du « préjudice moral car il a été berné par ses associés et la banque, qui ont passé des actes ayant amené à l'aggravation du passif sans le tenir informé » ; que le fait d'avoir « berné » M. [E] n'est ni un fait pour lequel M. [P] a été condamné ni même un fait pour lequel il a été poursuivi ; qu'en déclarant M. [P] responsable du préjudice subi par M. [E] quand le préjudice moral invoqué, même à le supposer établi, n'était pas en lien de causalité directe avec les infractions pour lesquelles M. [P] a été condamné ou même poursuivi, la cour d'appel a méconnu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale. » 30. Le septième moyen proposé pour M. [P], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [H] du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement, alors : « 1°/ que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; qu'en déclarant M. [P] responsable du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement quand ceux-ci ne s'étaient pas constitués partie civile, la cour d'appel a statué ultra petita et méconnu ainsi l'étendue de sa saisine ensemble l'article 1240 du code civil ; 2°/ que si l'article L. 654-17 du code de commerce n'interdit pas aux créanciers de se constituer partie civile par voie d'intervention, c'est à la condition que soit invoqué, par la partie intervenante, un préjudice distinct du montant de sa créance déclarée dans la procédure collective ouverte contre son débiteur et résultant directement de l'infraction ; qu'en déclarant M. [P] responsable du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement, sans rechercher s'il existait un préjudice distinct du montant des créances déclarées dans la procédure collective ouverte et résultant directement de l'infraction, la cour d'appel a méconnu l'article L. 654-17 du code de commerce, ensemble l'article L. 654-2 du même code. » 31. Le troisième moyen proposé pour M. [H], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de partie civile de la SCI [4], de la société [1] et de M. [E] et a déclaré M. [H] responsable solidairement avec M. [P] du préjudice subi par ces derniers, alors « que ne sont recevables à se constituer partie civile du chef de banqueroute que les personnes limitativement autorisées à le faire par l'article L. 654-17 du code de commerce que sont l'administrateur, le mandataire judiciaire, le représentant des salariés, le commissaire à l'exécution du plan, le liquidateur ou la majorité des créanciers nommés contrôleurs agissant dans l'intérêt collectif des créanciers ; qu'en déclarant recevables les constitutions de parties civiles de la SCI [4], de la société [1] et de M. [E] quand ceux-ci n'avaient pas l'une des qualités visées à l'article L. 654-17 du code de commerce, la cour d'appel a méconnu l'article L. 654-2 du code de commerce, ensemble l'article L. 654-17 du même code. » 32. Le quatrième moyen proposé pour M. [H], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [P] du préjudice subi par la SCI [4], alors : « 1°/ que la juridiction correctionnelle, saisie de l'action publique et de l'action civile, lorsqu'elle relaxe, ne peut que débouter la partie civile de son action ; qu'aux termes de ses écritures d'appel, la SCI [4] soutient que « son préjudice est lié à l'ensemble des actes commis par les deux prévenus qui ont retardé la date de cessation des paiements » que la cour d'appel a, dans l'arrêt attaqué, relaxé M. [H] pour avoir « éviter ou retarder la procédure », faits compris dans la poursuite du chef de banqueroute par emploi de moyens ruineux ; qu'en déclarant M. [H] responsable civilement du préjudice subi par la SCI [4], la cour d'appel a méconnu l'article 2 du code de procédure pénale, ensemble le principe selon lequel la juridiction correctionnelle, saisie de l'action publique et de l'action civile, lorsqu'elle relaxe, ne peut que débouter la partie civile de son action ; 2°/ que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; que si la cour d'appel a entendu condamner M. [H] à indemniser la SCI [4] pour le préjudice résultant du délit de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière, elle a alors statué ultra petita et méconnu ainsi l'étendue de sa saisine ensemble l'article 1240 du code civil ; 3°/ que l'action civile devant les juridictions répressives n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement et directement souffert des faits, objet de l'infraction poursuivie ; que la SCI [4] demandait réparation du « préjudice économique lié à l'augmentation du passif entre la date de cessation de paiement réelle et la date retenue (…) ainsi que des frais qu'ont déclenché ce surplus de passif dans le plan de redressement » ; qu'en déclarant M. [H] responsable du préjudice subi par la SCI [4] sans rechercher si les préjudices invoqués, notamment les frais, étaient en relation directe avec les infractions reprochées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 et 3 du code de procédure pénale. » 33. Le cinquième moyen proposé pour M. [H], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [P] du préjudice subi par la société [1], alors « qu'en déclarant M. [H] responsable du préjudice subi par la société [1] quand celle-ci demandait l'indemnisation résultant de ce « qu'en tant qu'associée la SARL [1] a dû s'investir dans la gérance de la SCI afin de la redresser et de la rendre in bonis, ce qui a constitué un coût ainsi que des dépenses importantes », préjudice qui, même à le supposer établi, n'était pas en lien de causalité directe avec les infractions pour lesquelles M. [H] a été condamné, la cour d'appel a méconnu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale. » 34. Le sixième moyen proposé pour M. [H], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [P] du préjudice subi par M. [E], alors « que M. [E] a demandé réparation du « préjudice moral car il a été berné par ses associés et la banque, qui ont passé des actes ayant amené à l'aggravation du passif sans le tenir informé» ; que le fait d'avoir été « berné » n'est ni un fait pour lequel M. [H] a été condamné ni même un fait pour lequel il a été poursuivi ; qu'en déclarant M. [H] responsable du préjudice subi par M. [E] quand le préjudice moral invoqué, même à le supposer établi, n'était pas en lien de causalité directe avec les infractions pour lesquelles M. [H] a été condamné ou même poursuivi, la cour d'appel a méconnu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale. » 35. Le septième moyen proposé pour M. [H], pris en ses deux premières branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré responsable solidairement avec M. [P] du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement, alors : « 1°/ que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; qu'en déclarant M. [H] responsable du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement quand ceux-ci ne s'étaient pas constitués partie civile, la cour d'appel a statué ultra petita et méconnu ainsi l'étendue de sa saisine ensemble l'article 1240 du code civil ; 2°/ que si l'article L. 654-17 du code de commerce n'interdit pas aux créanciers de se constituer partie civile par voie d'intervention, c'est à la condition que soit invoqué, par la partie intervenante, un préjudice distinct du montant de sa créance déclarée dans la procédure collective ouverte contre son débiteur et résultant directement de l'infraction ; qu'en déclarant M. [H] responsable du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement, sans rechercher s'il existait un préjudice distinct du montant des créances déclarées dans la procédure collective ouverte et résultant directement de l'infraction, la cour d'appel a méconnu l'article L. 654-17 du code de commerce, ensemble l'article L. 654-2 du même code. » 36. Le neuvième moyen proposé pour M. [H], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de M. [E], de la société [1], de la SCI [4] et de la SCP [F]-[O] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SCI et a déclaré M. [H] responsable, solidairement avec M. [P], des préjudices subis par M. [E], la société [1], la SCI [4] et les créanciers chirographaires au jour du jugement du 6 décembre 2018, alors : « 1°/ que la société débitrice ne fait pas partie des personnes habilitées, en vertu de l'article L. 654-17 du code de commerce, à se constituer partie civile par voie d'action du chef du délit de banqueroute ; qu'à supposer même que la société débitrice soit admise à se constituer partie civile par voie d'intervention du chef du délit de banqueroute par comptabilité incomplète ou absence de comptabilité, encore faut-il qu'elle justifie avoir personnellement souffert d'un dommage directement causé par cette infraction, comme l'exige l'article 2 du code de procédure pénale ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de la SCI [4] et en déclarant M. [H] responsable de son préjudice, sans préciser le préjudice occasionné à celle-ci, ni vérifier si ce préjudice – à le supposer établi – résultait directement de l'infraction de banqueroute par comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes précités et de l'article L. 654-2 du code de commerce ; 2°/ que si l'article L. 654-17 du code de commerce n'interdit pas aux actionnaires de se constituer partie civile par voie d'intervention du chef de banqueroute, c'est à la condition qu'ils invoquent un préjudice résultant directement de l'infraction et distinct tant du préjudice subi par la société débitrice que du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective de cette dernière ; qu'en déclarant recevables les constitutions de partie civile de la société [1] et de M. [E] – associés de la SCI [4] et en déclarant M. [H] responsable de leur préjudice, sans préciser le préjudice occasionné à la société [1] et à M. [E], ni vérifier si ce préjudice – à le supposer établi – résultait directement de l'infraction de banqueroute par comptabilité manifestement incomplète ou absence de comptabilité était distinct tant du préjudice que la SCI [4] alléguait avoir subi que du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective de cette dernière, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 654-2 et L. 654-17 du code de commerce et 2 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'en confirmant le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la SCP [F]-[O] ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SCI [4] et déclaré M. [H] responsable du préjudice subi par les créanciers chirographaires au jour du jugement sans justifier sa décision, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et ainsi violé l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 37. Les moyens sont réunis. Vu les articles 654-17 du code de commerce, 2 et 593 du code de procédure pénale : 38. Il résulte du deuxième de ces textes que l'action civile en réparation du dommage causé par un délit n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. 39. Il se déduit des deux premiers qu'en outre, les créanciers et actionnaires de la société débitrice ne peuvent se constituer partie civile dans le cadre d'une procédure suivie du chef de banqueroute qu'à la condition d'invoquer un préjudice distinct du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective ouverte contre leur débiteur. 40. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 41. En l'espèce, pour confirmer les dispositions civiles du jugement, après avoir infirmé partiellement celui-ci en relaxant les prévenus du chef de banqueroute par emploi de moyens ruineux et déclaré les prévenus coupables du seul chef de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière, l'arrêt attaqué énonce qu'il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de la SCI [4] et des autres associés de cette SCI, à savoir la SARL [1] et M. [E] et en ce qu'elle a déclaré les prévenus responsables solidairement de leur préjudice. 42. En l'état de ces motifs, qui ne précisent pas le préjudice occasionné aux parties civiles découlant directement des faits de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière et, pour la SARL [1] et M. [E], distinct du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective ouverte contre leur débiteur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 43. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 44. La cassation sera limitée aux dispositions civiles de l'arrêt dès lors que la déclaration de culpabilité et les peines prononcées n'encourent pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues. Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale 45. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [H] étant devenue définitive par suite de la non admission du premier moyen proposé pour lui, seul contesté par M. [P], il y a lieu de faire droit à la demande de ce dernier. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Poitiers, en date du 28 avril 2021, mais en ses seules dispositions ayant confirmé les dispositions civiles du jugement, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; FIXE à 1 500 euros la somme que M. [H] devra payer à M. [P] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux juin deux mille vingt-deux.
L'article L. 654-2, 5°, du code de commerce, qui incrimine le fait d'avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales, sanctionne tout manquement manifeste aux obligations comptables commis par le prévenu dès lors qu'il se trouve obligé de tenir une comptabilité en vertu d'une disposition légale. En conséquence, les prévenus, qui n'ont pas contesté que la société dont ils étaient gérants était soumise à l'obligation légale de tenir une comptabilité commerciale, ne sauraient se faire un grief de ce que la cour d'appel n'a pas précisé la nature des obligations comptables particulières méconnues
7,944
N° T 21-83.360 F- B N° 00817 GM 22 JUIN 2022 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 JUIN 2022 M. [H] [B] et M. [P] [I] [U] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 29 avril 2021, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, a condamné le premier à huit mois d'emprisonnement avec sursis et 7 500 euros d'amende, le second à six mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d'amende et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de MM. [B] et [I] [U], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. le directeur général des finances publiques, de M. le directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 27 mai 2015, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, la direction départementale des finances publiques a adressé au procureur de la République une plainte visant les cogérants de la SELARL [N]-[I] et [D] (la SELARL) du chef de fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité. 3. Cette société, qui exploitait un centre de diagnostic et d'imagerie médicale, avait pour cogérants plusieurs médecins radiologues, dont MM. [B] et [I] [U]. Elle exploitait un scanner propriété de la clinique [1]. 4. L'administration fiscale a exposé qu'à l'occasion d'opérations de vérification de comptabilité, avait été relevée l'existence de recettes non comptabilisées correspondant à plusieurs milliers de prestations au titre des exercices comptables 2010, 2011 et 2012. Ces sommes correspondaient à la rétrocession par la clinique [1] d'une partie du forfait technique que celle-ci touchait de la Caisse primaire d'assurance maladie, en qualité de propriétaire du scanner, à titre d'indemnisation des frais de fonctionnement. Ces sommes étaient versées sur deux comptes, l'un ouvert au nom des associés de la société, l'autre au nom de celle-ci, qui n'apparaissaient pas en comptabilité. 5. A l'issue d'une enquête préliminaire, MM. [B] et [I] [U], ainsi que les autres cogérants, ont été convoqués devant le tribunal correctionnel pour s'être, en leur qualité de gérant de droit de la SELARL frauduleusement soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des années fiscales 2010, 2011, 2012 en dissimulant volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt, en l'espèce en ayant souscrit des déclarations de résultat minorées, avec les circonstances que les dissimulations opérées excèdent le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 euros. 6. Ils l'ont été également pour avoir, en leur qualité de cogérant de droit, sciemment omis de passer ou de faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires au titre de l'exercice clos au 31 mars 2010, 2011 et 2012. 7. Par un jugement du 25 septembre 2018, le tribunal correctionnel a relaxé les prévenus. 8. Le procureur de la République et la direction départementale des finances publiques ont formé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les premier, deuxième, troisième, cinquième, sixième et septième moyens 9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré MM. [B] et [I] [U] coupables de fraude fiscale par soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt sur les sociétés et par omission de passer ou faire passer les écritures comptables, alors « que les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; qu'en se prononçant, pour déclarer les prévenus coupables de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt par dissimulation volontaire de sommes sujettes à l'impôt et d'omission de passer des écritures comptables, par des motifs communs à ces deux infractions constatant l'existence d'un encaissement hors comptabilité de recettes sociales d'environ 29% des bénéfices, la cour d'appel, qui a prononcé une double déclaration de culpabilité pour des faits procédant de manière indissociable d'une action unique consistant à ne pas avoir enregistré en comptabilité les recettes provenant des forfaits techniques scanner caractérisée par une seule intention coupable, a méconnu le principe ne bis in idem. » Réponse de la Cour 11. Pour écarter le moyen pris de la méconnaissance du principe ne bis in idem, l'arrêt attaqué énonce que la minoration déclarative des résultats imposables constitue un fait distinct de l'omission en comptabilité des recettes constituées par les rétrocessions trimestrielles puis mensuelles sur les forfaits techniques scanners de la clinique à la SELARL et que les omissions comptables n'étaient pas nécessaires à la réalisation de la fraude fiscale mais permettaient à la SELARL, si elle était contrôlée, de restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu le principe visé au moyen. 13. En effet, en premier lieu, en cas de poursuites concomitantes, le principe ne bis in idem n'interdit le cumul de qualifications lors de la déclaration de culpabilité que lorsque les infractions retenues répriment des faits identiques (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi n° 21-81.864, publié au bulletin). 14. En second lieu, les faits réprimés par le délit de fraude fiscale par dissimulation, d'une part, et le délit d'omission d'écritures en comptabilité, d'autre part, sont nécessairement distincts dès lors que l'article 1741 du code général des impôts sanctionne la souscription d'une déclaration fiscale minorée, tandis que l'article 1743 du même code sanctionne l'omission, pour tout contribuable soumis à l'obligation de tenir une comptabilité, de passer ou de faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires. 15. Ainsi le moyen doit être écarté. 16. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux juin deux mille vingt-deux.
En cas de poursuites concomitantes, le principe ne bis in idem n'interdit le cumul de qualifications lors de la déclaration de culpabilité que lorsque les infractions retenues répriment des faits identiques. Ne méconnait pas ce principe, la cour d'appel qui déclare le prévenu concomitamment coupable des délits de fraude fiscale par dissimulation de sommes sujettes à l'impôt et d'omission d'écritures en comptabilité, qui répriment des faits nécessairement distincts, dès lors que l'article 1741 du code général des impôts sanctionne la souscription d'une déclaration fiscale minorée, tandis que l'article 1743 du même code sanctionne l'omission, pour tout contribuable soumis à l'obligation de tenir une comptabilité, de passer ou de faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires
7,945
CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 522 FS-B Pourvoi n° X 20-23.215 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022 Mme [K] [E] [U], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-23.215 contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2020 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile, section 2), dans le litige l'opposant à Mme [G] [V], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [E] [U], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [V], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Catherine, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 2 octobre 2020), [N] [E] est décédé le 3 décembre 2013, en laissant pour lui succéder Mme [V], sa compagne, et Mme [E] [U], sa fille, née d'une précédente union, et en l'état d'un testament olographe daté du 25 mai 2011, par lequel il léguait à Mme [V] l'usufruit de sa maison d'habitation. 2. Mme [E] [U] a assigné Mme [V] en réduction de ce legs. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 4. Mme [E] [U] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en réduction du legs, alors « qu'aucune disposition testamentaire ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi ; qu'en présence d'un legs en usufruit portant sur un bien immobilier dont la valeur excède celle de la quotité disponible, il est porté atteinte à la réserve, l'héritier réservataire ne pouvant jouir en pleine propriété de la part que le législateur lui réserve ; qu'en retenant, pour débouter Mme [E] [U] de sa demande en réduction du legs en usufruit consenti par son père à Mme [V], que la masse successorale s'élevant à la somme totale de 383 000 euros et, partant, la quotité disponible à celle de 191 500 euros, la valeur de l'usufruit légué, qui s'établit à 60% de la valeur du bien (60% X 240 000 euros, soit la somme de 144 000 euros, n'excède pas le montant de la quotité disponible, quand l'usufruit objet du legs du 25 mai 2011 portait sur un immeuble dont la valeur (240 000 euros) était supérieure au montant de la quotité disponible (191 500 euros) et qu'il y avait donc nécessairement atteinte à la réserve de Mme [E] [U], la cour d'appel a violé l'article 913 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. Mme [V] conteste la recevabilité du moyen, comme étant contraire aux conclusions d'appel de Mme [E] [U]. 6. Cependant, Mme [E] [U] avait soutenu en appel que l'assiette des biens légués était supérieure au montant de la quotité disponible, ce qui lui ouvrait un droit à réduction. 7. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 913 et 919-2 du code civil : 8. Il résulte du premier de ces textes qu'aucune disposition testamentaire ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi. 9. Aux termes du second, la libéralité faite hors part successorale s'impute sur la quotité disponible. L'excédent est sujet à réduction. 10. Il s'en déduit que les libéralités faites en usufruit s'imputent en assiette. 11. Pour rejeter la demande en réduction du legs formée par Mme [E] [U], l'arrêt retient que la valeur de l'usufruit du bien immobilier légué à Mme [V], estimé à soixante pour cent de sa valeur en pleine propriété, est inférieure au montant de la quotité disponible. 12. En statuant ainsi, alors que l'atteinte à la réserve devait s'apprécier en imputant le legs en usufruit sur la quotité disponible, non après conversion en valeur pleine propriété, mais en assiette, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en réduction de Mme [E] [U], l'arrêt rendu le 2 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ; Condamne Mme [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [V] et la condamne à payer à Mme [E] [U] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux, signé par lui, par Mme Auroy, conseiller doyen en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, et par Mme Berthomier, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour Mme [E] [U] PREMIER MOYEN DE CASSATION : Mme [K] [E] [U] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que par testament en date du 25 mai 2011, [N] [E] a entendu léguer à Mme [G] [V] l'usufruit de son immeuble situé [Adresse 2] ; ALORS QUE toute personne pourra disposer par testament soit sous le titre d'institution d'héritier, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre dénomination propre à manifester sa volonté ; qu'en retenant, pour dire que par testament en date du 25 mai 2011 [N] [E] avait entendu léguer à Mme [V] l'usufruit de son immeuble sis [Adresse 2], que nonobstant l'emploi des mots « je confirme », ce second testament institue clairement un legs d'usufruit, sans qu'il y ait lieu à interprétation, quand cette expression « je confirme », renvoyant au précédent testament du 7 novembre 2008 par lequel [N] [E] avait légué à sa concubine un simple droit d'usage et d'habitation sur ce même immeuble, était source d'ambiguïté, la cour d'appel - qui s'est ainsi abstenue de rechercher, par une interprétation du testament du 25 mai 2011, quelle avait pu être la volonté du testateur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 967 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) : Mme [K] [E] [U] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande en réduction du legs ; ALORS QU'aucune disposition testamentaire ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi ; qu'en présence d'un legs en usufruit portant sur un bien immobilier dont la valeur excède celle de la quotité disponible, il est porté atteinte à la réserve, l'héritier réservataire ne pouvant jouir en pleine propriété de la part que le législateur lui réserve ; qu'en retenant, pour débouter Mme [E] [U] de sa demande en réduction du legs en usufruit consenti par son père à Mme [V], que la masse successorale s'élevant à la somme totale de 383 000 euros et, partant, la quotité disponible à celle de 191 500 euros, la valeur de l'usufruit légué, qui s'établit à 60% de la valeur du bien (60% X 240 000 euros, soit la somme de 144 000 euros, n'excède pas le montant de la quotité disponible, quand l'usufruit objet du legs du 25 mai 2011 portait sur un immeuble dont la valeur (240 000 euros) était supérieure au montant de la quotité disponible (191 500 euros) et qu'il y avait donc nécessairement atteinte à la réserve de Mme [E] [U], la cour d'appel a violé l'article 913 du code civil.
Il se déduit de l'article 913 du code civil, dont il résulte qu'aucune disposition testamentaire ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi, et de l'article 919-2 du même code, aux termes duquel la libéralité faite hors part successorale s'impute sur la quotité disponible, l'excédent étant sujet à réduction, que les libéralités faites en usufruit s'imputent en assiette. Dès lors, viole ces textes la cour d'appel qui, pour rejeter la demande en réduction du legs de l'usufruit d'un immeuble, retient que la valeur de l'usufruit du bien immobilier légué, estimé à soixante pour cent de sa valeur en pleine propriété, est inférieure au montant de la quotité disponible, alors que l'atteinte à la réserve devait s'apprécier en imputant le legs en usufruit sur la quotité disponible, non après conversion en valeur pleine propriété, mais en assiette
7,946
CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 533 F-B Pourvoi n° X 20-20.202 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022 Mme [E] [K], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-20.202 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2020 par la cour d'appel de Riom (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [S] [Z], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [K], de la SARL Corlay, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 12 mai 2020), Mme [K] s'est marié sous le régime de la séparation de biens avec M. [Z]. 2. Avant leur union, celui-ci avait acquis une maison. 3. Un jugement du 10 décembre 2009 a prononcé le divorce des époux et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux. Des difficultés sont survenues lors des opérations de comptes, liquidation et partage. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Mme [K] fait grief à l'arrêt de dire qu'elle détient une créance à l'égard de M. [Z] à hauteur de la seule somme de 51 644,46 euros et de renvoyer les parties devant le notaire, aux fins d'établissement de l'acte définitif de partage sur la base des énonciations du jugement, en rejetant le surplus de ses prétentions, alors « que la créance personnelle que l'un des époux peut avoir à exercer contre l'autre, ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir un bien propre de l'autre ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'acquisition du bien immobilier propre de M. [Z] a été financée par moitié par Mme [K] par un emprunt bancaire de 200 000 francs, soit environ 30 490 euros, remboursé par le compte joint du couple et à hauteur de 80 000 francs, soit environ 12 195 euros, par un emprunt familial de 200 000 francs dont le reliquat (120 000 francs, soit environ 18 294 euros) a servi au financement des travaux d'amélioration, emprunt également remboursé par ce compte joint à raison de 400 euros par mois de janvier 2003 à octobre 2008 ; que la cour d'appel a constaté que la valeur réactualisée de la maison avant travaux, initialement acquise pour 42 685,72 euros, était de 115 000 euros ; que pour fixer la créance détenue par Mme [K] à l'égard de M. [Z] à 51 644,46 euros, la cour d'appel a retenu que le coût des travaux d'amélioration, partiellement financés par Mme [K], devait être considéré comme intégré dans la valeur de la maison permettant de fixer le montant du profit subsistant de sorte que la créance de Mme [K] représentait le montant total de ses versements (soit 24 045 euros selon la cour d'appel) rapporté à la valeur actuelle de la maison avant travaux et multipliée par la valeur après travaux ; qu'en statuant ainsi, cependant que Mme [K] était fondée à revendiquer sa créance au titre de sa participation à l'acquisition de la maison, après chiffrage du prix réactualisé de la maison avant travaux, d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés dont elle avait assuré le remboursement avaient contribué au financement de cette acquisition, la cour d'appel a violé les articles 1543, 1479 et 1469, alinéa 3 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1543, 1479, alinéa 2, 1469, alinéa 3 du code civil : 5. Il résulte de la combinaison de ces textes, d'une part, que, lorsque les fonds d'un époux séparé de biens ont servi à acquérir un bien personnel de l'autre, sa créance contre ce dernier ne peut être moindre que le profit subsistant ni moindre que le montant nominal de la dépense faite, d'autre part, que le profit subsistant, qui représente l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur, se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés au patrimoine de l'époux appauvri ont contribué au financement de l'acquisition du bien personnel de son conjoint. 6. Pour fixer la créance détenue par Mme [K] à l'égard de M. [Z] à la somme de 51 644,46 euros, après avoir rappelé que celle-ci faisait valoir une créance au titre de sa participation au financement de l'acquisition et des améliorations apportées à la maison, bien personnel de M. [Z], l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le montant total des crédits bancaire et familial, affectés au paiement de la maison et des travaux d'amélioration du bien, remboursé par le compte joint du couple s'élève à la somme de 58 090 euros, pour en déduire une participation de l'épouse de 24 045 euros. Il rapporte, ensuite, la contribution de Mme [K] à la somme de 115 000 euros représentant la valeur actuelle du bien sans les travaux, puis applique la proportion ainsi déterminée à la somme de 247 000 euros correspondant à la valeur actuelle du bien. Il ajoute, enfin, que, le coût des travaux d'amélioration ayant été intégré dans la valeur de la maison permettant de fixer le montant du profit subsistant, la demande de Mme [K] au titre du financement desdits travaux doit être écartée. 7. En statuant ainsi, alors que la créance réclamée par Mme [K] au titre des dépenses d'acquisition du bien de M. [Z] devait être évaluée distinctement de celle réclamée au titre des dépenses d'amélioration, le calcul du profit subsistant s'effectuant en établissant la proportion de sa contribution au paiement du coût global de l'acquisition puis en l'appliquant à la valeur du bien au jour de la liquidation de la créance selon son état lors de l'acquisition, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 8. Mme [K] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la créance personnelle que l'un des époux peut avoir à exercer contre l'autre, ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien propre de l'autre ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'acquisition du bien immobilier propre de M. [Z] a été financée par un emprunt bancaire de 200 000 francs, soit environ 30 490 euros, remboursé par le compte joint du couple et à hauteur de 80 000 francs, soit environ 12 195 euros, par un emprunt familial de 200 000 francs dont le reliquat (120 000 francs, soit environ 18 294 euros) a servi au financement des travaux d'amélioration, emprunt remboursé par ce compte joint à raison de 400 euros par mois de janvier 2003 à octobre 2008 ; qu'en retenant que la créance de Mme [K] représentait le montant total de ses versements (soit 24 045 euros selon la cour d'appel) rapporté à la valeur actuelle de la maison avant travaux et multipliée par la valeur après travaux et que la demande de Mme [K] au titre de sa contribution aux travaux d'amélioration du bien immobilier propre devait être écartée comme faisant double emploi avec sa créance au titre de l'acquisition du bien, cependant qu'en sus du paiement de sa créance au titre de cette acquisition, entièrement financée par les emprunts remboursés par le compte joint, Mme [K] était fondée à revendiquer sa créance au titre de sa participation aux travaux d'amélioration, après chiffrage de la plus-value procurée par les travaux, d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés dont elle avait assuré le remboursement avaient contribué au financement de ces travaux, la cour d'appel a violé les articles 1543, 1479 et 1469, alinéa 3 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1543, 1479, alinéa 2, 1469, alinéa 3 du code civil : 9. Il résulte de la combinaison de ces textes, d'une part, que, lorsque les fonds d'un époux séparé de biens ont servi à améliorer un bien personnel de l'autre, sa créance contre ce dernier ne peut être moindre que le profit subsistant ni moindre que le montant nominal de la dépense faite, d'autre part, que le profit subsistant, qui représente l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur, se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés au patrimoine de l'époux appauvri ont contribué au financement de l'amélioration du bien personnel de son conjoint. 10. Pour fixer la créance détenue par Mme [K] à l'égard de M. [Z] à la somme de 51 644,46 euros, après avoir rappelé que celle-ci faisait valoir une créance au titre de sa participation au financement de l'acquisition et des améliorations apportées à la maison, bien personnel de M. [Z], l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le montant total des crédits bancaire et familial, affectés au paiement de la maison et des travaux d'amélioration du bien, remboursé par le compte joint du couple s'élève à la somme de 58 090 euros, pour en déduire une participation de l'épouse de 24 045 euros. Il rapporte, ensuite, la contribution de Mme [K] à la somme de 115 000 euros représentant la valeur actuelle du bien sans les travaux, puis applique la proportion ainsi déterminée à la somme de 247 000 euros correspondant à la valeur actuelle du bien. Il ajoute, enfin, que, le coût des travaux d'amélioration ayant été intégré dans la valeur de la maison permettant de fixer le montant du profit subsistant, la demande de Mme [K] au titre du financement des-dits travaux doit être écartée. 11. En statuant ainsi, alors que la créance réclamée par Mme [K] au titre des dépenses d'amélioration du bien de M. [Z] devait être évaluée distinctement de celle réclamée au titre des dépenses d'acquisition, le calcul du profit subsistant s'effectuant en établissant la proportion de sa contribution au paiement des travaux puis en l'appliquant à la différence existant entre la valeur au jour de la liquidation du bien amélioré et celle qui aurait été la sienne sans les travaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Mme [K] détient une créance à l'égard de M. [Z] à hauteur de 51 644,46 euros et renvoie les parties devant M. [H], notaire, aux fins d'établissement de l'acte définitif de partage sur la base des énonciations du jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 27 septembre 2018, en rejetant le surplus de ses prétentions, l'arrêt rendu le 12 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Z] et le condamne à payer à Mme [K] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général prés de la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, premiére chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Berthomier, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour Mme [K] Mme [K] reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR dit qu'elle détient une créance à l'égard de M. [Z] à hauteur de la seule somme de 51 644,46 euros et D'AVOIR renvoyé les parties devant Me [H], notaire, aux fins d'établissement de l'acte définitif de partage sur la base des énonciations du jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Clermont Ferrand du 27 septembre 2018, en déboutant Mme [K] du surplus de ses prétentions ; 1°) ALORS QUE la créance personnelle que l'un des époux peut avoir à exercer contre l'autre, ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir un bien propre de l'autre ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'acquisition du bien immobilier propre de M. [Z] a été financée par moitié par Mme [K] par un emprunt bancaire de 200 000 Frs, soit environ 30 490 euros, remboursé par le compte joint du couple et à hauteur de 80 000 Frs, soit environ 12 195 euros, par un emprunt familial de 200 000 Frs dont le reliquat (120 000 Frs, soit environ 18 294 euros) a servi au financement des travaux d'amélioration, emprunt également remboursé par ce compte joint à raison de 400 euros par mois de janvier 2003 à octobre 2008 ; que la cour d'appel a constaté que la valeur réactualisée de la maison avant travaux, initialement acquise pour 42 685,72 euros, était de 115 000 euros ; que pour fixer la créance détenue par Mme [K] à l'égard de M. [Z] à 51 644,46 euros, la cour d'appel a retenu que le coût des travaux d'amélioration, partiellement financés par Mme [K], devait être considéré comme intégré dans la valeur de la maison permettant de fixer le montant du profit subsistant de sorte que la créance de Mme [K] représentait le montant total de ses versements (soit 24 045 euros selon la cour d'appel) rapporté à la valeur actuelle de la maison avant travaux et multipliée par la valeur après travaux ; qu'en statuant ainsi, cependant que Mme [K] était fondée à revendiquer sa créance au titre de sa participation à l'acquisition de la maison, après chiffrage du prix réactualisé de la maison avant travaux, d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés dont elle avait assuré le remboursement avaient contribué au financement de cette acquisition, la cour d'appel a violé les articles 1543, 1479 et 1469, alinéa 3 du code civil ; 2°)ALORS QUE la créance personnelle que l'un des époux peut avoir à exercer contre l'autre, ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien propre de l'autre ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'acquisition du bien immobilier propre de M. [Z] a été financée par un emprunt bancaire de 200 000 Frs, soit environ 30 490 euros, remboursé par le compte joint du couple et à hauteur de 80 000 Frs, soit environ 12 195 euros, par un emprunt familial de 200 000 Frs dont le reliquat (120 000 Frs, soit environ 18 294 euros) a servi au financement des travaux d'amélioration, emprunt remboursé par ce compte joint à raison de 400 euros par mois de janvier 2003 à octobre 2008 ; qu'en retenant que la créance de Mme [K] représentait le montant total de ses versements (soit 24 045 euros selon la cour d'appel) rapporté à la valeur actuelle de la maison avant travaux et multipliée par la valeur après travaux et que la demande de Mme [K] au titre de sa contribution aux travaux d'amélioration du bien immobilier propre devait être écartée comme faisant double emploi avec sa créance au titre de l'acquisition du bien, cependant qu'en sus du paiement de sa créance au titre de cette acquisition, entièrement financée par les emprunts remboursés par le compte joint, Mme [K] était fondée à revendiquer sa créance au titre de sa participation aux travaux d'amélioration, après chiffrage de la plus-value procurée par les travaux, d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés dont elle avait assuré le remboursement avaient contribué au financement de ces travaux, la cour d'appel a violé les articles 1543, 1479 et 1469, alinéa 3 du code civil ; 3°) ALORS en toute hypothèse QU'il résulte des constatations de la cour d'appel que le remboursement de l'emprunt bancaire contracté pour un montant de 30 490 euros a été effectué au moyen du compte joint, par lequel ont également été payées les mensualités de 400 euros échues entre le 7 janvier 2003 et octobre 2008, soit pendant 70 mois, dues au titre de l'emprunt familial de 30 490 euros ; qu'en retenant sans s'en expliquer que Mme [K] avait au total payé au titre de l'emprunt bancaire de 30 490 euros et de l'emprunt familial, la seule somme de 24 045 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1543, 1479 et 1469, alinéa 3 du code civil ; 4°) ALORS QUE la créance personnelle que l'un des époux peut avoir à exercer contre l'autre, ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien propre de l'autre et qu'en l'absence de profit subsistant au jour de l'aliénation ou du règlement de la créance, l'époux ayant contribué à l'achat du bien propre de l'autre a droit au paiement de sa créance au montant nominal de la dépense faite ; que la cour d'appel a constaté que la communauté avait financé à hauteur de 16 347,66 euros le véhicule 4x4 Isuzu acquis en 2005 pour 20 000 euros et qu'il avait été conservé par M. [Z] après séparation des époux ; que pour débouter Mme [K] de sa demande de paiement de sa créance de 8 174 euros, la cour d'appel a déclaré que le véhicule avait été utilisé par le couple lors de la vie commune, qu'au jour de la liquidation, sa valeur devait être retenue pour mémoire et que compte tenu de la récompense de l'indivision due à M. [Z] pour la prise en charge des mensualités après séparation, cette récompense était proche de 0 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1543, 1479 et 1469, alinéa 3 du code civil.
Il résulte de la combinaison des articles 1543, 1479, alinéa 2, et 1469, alinéa 3 du code civil, d'une part, que, lorsque les fonds d'un époux séparé de biens ont servi à acquérir ou améliorer un bien personnel de l'autre, sa créance contre ce dernier ne peut être moindre que le profit subsistant ni moindre que le montant nominal de la dépense faite, d'autre part, que le profit subsistant, qui représente l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur, se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés au patrimoine de l'époux appauvri ont contribué au financement de l'acquisition ou de l'amélioration du bien personnel de son conjoint. En présence de dépenses d'acquisition et d'amélioration du bien personnel de l'un des époux, la créance réclamée par l'autre au titre des dépenses d'acquisition doit être évaluée distinctement de celle réclamée au titre des dépenses d'amélioration
7,947
CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 juin 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 686 F-B Pourvoi n° V 20-21.534 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JUIN 2022 M. [I] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-21.534 contre le jugement rendu le 4 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lyon (pôle 5), dans le litige l'opposant à Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [F], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Lyon, 4 septembre 2020), rendu en dernier ressort, Pôle emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes (Pôle emploi) a notifié à M. [F] (l'allocataire) un trop-perçu d'allocation d'aide au retour à l'emploi pour le mois de décembre 2018 puis a opéré des retenues sur les échéances de février et d'avril 2019. 2. L'allocataire a saisi d'un recours un tribunal judiciaire. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. L'allocataire fait grief au jugement de le débouter de ses demandes, alors « que, pour le remboursement des allocations, aides et autres prestations qu'il a indûment versées, Pôle emploi ne peut procéder par retenue sur les échéances à venir dues à quelque titre que ce soit si le débiteur en a contesté le caractère indu ; que l'allocataire faisait valoir qu'il avait contesté le caractère indu des allocations versées en formant un recours gracieux le 27 mars 2019 contre la décision lui notifiant qu'il avait perçu une indemnité indue d'un montant de 1 108,25 euros, de telle sorte que Pôle emploi ne pouvait procéder à une retenue sur les échéances à venir de l'allocation ; qu'en se bornant à retenir que le prélèvement des sommes indues, alors que l'allocataire avait formé un recours gracieux, ne faisait pas obstacle au remboursement des sommes indûment payées, quand il résultait de ses constatations que l'allocataire ayant formé un recours gracieux à l'encontre de la décision de Pôle emploi notifiant le trop-perçu, ce dernier ne pouvait procéder à une retenue sur les échéances à venir et devait procéder selon la procédure de recouvrement prévue par l'article L. 5426-8-2 du code du travail, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 5426-8-1, L. 5426-8-2 du code du travail, ensembles les articles R. 5426-18 et R. 5426-19 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 5426-8-1 et L. 5426-8-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige : 4. Selon le premier de ces textes, pour le remboursement des allocations, aides, ainsi que de toute autre prestation indûment versées par Pôle emploi, pour son propre compte, pour le compte de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, Pôle emploi peut, si le débiteur n'en conteste pas le caractère indu, procéder par retenues sur les échéances à venir dues à quelque titre que ce soit, à l'exclusion des allocations qu'il mentionne en son deuxième alinéa. 5. Selon le second de ces textes, pour le remboursement des allocations, aides ainsi que de toute autre prestation indûment versées par Pôle emploi, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu'il désigne en son sein, peut, dans les délais et conditions fixés par voie réglementaire, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur, devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. 6. Il résulte de ces dispositions que Pôle emploi ne peut légalement récupérer les sommes indûment versées à un allocataire en procédant par retenues sur des échéances à venir lorsque le débiteur conteste le caractère indu des sommes ainsi recouvrées et que seule la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 5426-8-2 du code du travail est alors possible. 7. Pour débouter l'allocataire de ses demandes, au titre de rappel de prélèvement de trop-perçu et de dommages-intérêts, le jugement retient essentiellement que l'allocataire a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi pour le mois de décembre 2018 bien qu'il ait travaillé partiellement pendant ce mois et que le prélèvement des sommes indues alors que l'allocataire avait formé un recours gracieux ne fait pas obstacle au remboursement des sommes indûment payées. 8. En statuant ainsi alors qu'il résultait de ses constatations que l'allocataire avait contesté le caractère indu des sommes recouvrées par retenues, le tribunal a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 4 septembre 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Lyon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lyon autrement composé ; Condamne Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [F] M. [F] fait grief au jugement attaqué de l'AVOIR débouté de ses demandes de condamnation du Pôle Emplois Auvergne Rhône-Alpes à lui payer des sommes à titre de rappel de prélèvement de trop-perçu et de dommages et intérêts. 1° ALORS QUE, pour le remboursement des allocations, aides et autres prestations qu'il a indûment versées, Pôle emploi ne peut procéder par retenue sur les échéances à venir dues à quelque titre que ce soit si le débiteur en a contesté le caractère indu ; que l'exposant faisait valoir (v. ses concl. p. 6) qu'il avait contesté le caractère indu des allocations versées en formant un recours gracieux le 27 mars 2019 contre la décision lui notifiant qu'il avait perçu une indemnité indue d'un montant de 1 108, 25 €, de telle sorte que Pôle emploi ne pouvait procéder à une retenue sur les échéances à venir de l'allocation ; qu'en se bornant à retenir que le prélèvement des sommes indues, alors que l'allocataire avait formé un recours gracieux, ne faisait pas obstacle au remboursement des sommes indûment payées, quand il résultait de ses constatations que l'allocataire ayant formé un recours gracieux à l'encontre de la décision de Pôle emploi notifiant le trop-perçu, ce dernier ne pouvait procéder à une retenue sur les échéances à venir et devait procéder selon la procédure de recouvrement prévue par l'article L 5426-8-2 du code du travail, le tribunal judiciaire a violé les articles L 5426-8-1, L 5426-8-2 du code du travail, ensembles les articles R. 5426-18 et R. 5426-19 du même code. 2° ALORS QUE, en toute hypothèse les retenues des allocations d'assurance chômage ne peuvent être opérées que dans la limite d'une quotité saisissable garantissant une somme minimale à l'allocataire, au moins égale au montant du RSA ; que l'exposant faisait valoir (v. ses concl. pp. 6 et 7) qu'en méconnaissances des dispositions définissant les quotités de salaires saisissables, Pôle emploi avait procédé, au mois de février 2019, à la retenue de la totalité de l'allocation de retour à l'emploi, d'un montant de 572 €, et au mois d'avril 2019, à la retenue d'une somme de 536,25 €, ne lui versant qu'une somme 282,85 € ; qu'en rejetant la demande sans répondre à ce moyen dont il se trouvait saisi, le tribunal judiciaire a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte des dispositions des articles L. 5426-8-1 et L. 5426-8-2 du code du travail que Pôle emploi ne peut légalement récupérer les sommes indument versées à un allocataire en procédant par retenues sur des échéances à venir lorsque le débiteur conteste le caractère indu des sommes ainsi recouvrées et que seule la mise en oeuvre de la procédure prévue par le second texte est alors possible
7,948
CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 juin 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 689 F-B Pourvoi n° R 20-22.128 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JUIN 2022 La société [3], dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° R 20-22.128 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2020 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Franche-Comté, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 22 septembre 2020), l'URSSAF de Franche-Comté (l'URSSAF) a adressé, le 4 janvier 2017, à la société [3] (la société) une lettre d'observations l'avisant de la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue par l'article L. 8222-2 du code du travail et du montant des cotisations dues, en suite du procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de son sous-traitant, la société [2]. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors : « 1°/ que selon la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 31 juillet 2015 (n° 2015-479 QPC), les dispositions de l'article L. 8222-2 du code du travail « ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent de l'article 16 de la Déclaration de 1789, interdire au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu » ; qu'après avoir retenu qu'il est établi qu'est entachée d'irrégularité la lettre d'observations adressée par l'URSSAF le 18 février 2015, à la société sous-traitante, pour le redressement au titre du travail dissimulé à l'origine de la mise en oeuvre de la solidarité financière de la société, la cour d'appel qui énonce que ledit redressement n'ayant pas été contesté par la société sous-traitante, débitrice des cotisations dues au titre du travail dissimulé, l'entreprise donneur d'ordre n'a pas qualité pour le contester pour son compte, notamment au motif que la lettre d'observations qui ne lui était pas destinée était irrégulière, a violé l'article L. 8222-2 du code du travail et les articles R. 243-59 et R. 133-8 du code de la sécurité sociale en leur version applicable au litige, ensemble l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ; 3°/ que selon la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 31 juillet 2015 (n° 2015-479 QPC), les dispositions de l'article L. 8222-2 du code du travail « ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent de l'article 16 de la Déclaration de 1789, interdire au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu » ; que dans la mise en oeuvre de la solidarité financière consécutive au constat d'un travail dissimulé, l'URSSAF a pour seule obligation, avant la décision de redressement, d'exécuter les formalités assurant le respect du principe de la contradiction par l'envoi de la lettre d'observations, sans être tenue de joindre à celle-ci le procès-verbal constatant le délit, dont le juge peut toujours ordonner la production pour lever le doute invoqué par le donneur d'ordre poursuivi ; que la société face au refus persistant de l'URSSAF de communiquer le procès-verbal de travail dissimulé du 4 juillet 2014 dressé à l'encontre de la société sous-traitante, « et ce afin de garantir le strict respect d'un débat contradictoire et des droits de la défense » avait sollicité, à titre subsidiaire, que la cour d'appel enjoigne l'URSSAF de communiquer ledit procès-verbal ; qu'en se bornant à relever que l'URSSAF, en application de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale avait pour seule obligation d'exécuter les formalités assurant le respect du principe du contradictoire par l'envoi de la lettre d'observations au donneur d'ordre, sans être tenue de joindre le procès-verbal constatant le délit, sans nullement rechercher ni apprécier, ainsi qu'elle y était invitée et tenue, si, au regard des circonstances de l'espèce et notamment du fait qu'avait été établie par l'URSSAF en 2013 une attestation de vigilance à l'égard de la société sous-traitante alors même qu'elle se serait prétendument rendue coupable de travail dissimulé, il n'y avait pas lieu d'ordonner la production par l'URSSAF dudit procès-verbal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8222-2 du code du travail, R. 243-59 et R. 133-8 du code de la sécurité sociale en leur version applicable au litige. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. L'URSSAF conteste la recevabilité du moyen pris en sa troisième branche. Elle soutient que, sous couvert d'un manque de base légale, ce moyen dénonce une omission de statuer qui ne constitue pas un cas d'ouverture à cassation. 5. Cependant, en énonçant que l'organisme de recouvrement n'était pas tenu de joindre le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé, la cour d'appel s'est prononcée sur la demande dont elle était saisie en la rejetant. 6. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 9 du code de procédure civile, L. 8222-1 et L. 8222-2, alinéa 2, du code du travail : 7. Aux termes du premier de ces textes, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. 8. Selon le troisième, le donneur d'ordre qui méconnaît les obligations de vigilance énoncées au deuxième, est tenu solidairement au paiement des cotisations obligatoires, pénalités et majorations dues par son sous-traitant qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé. 9. Par une décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, sous réserve qu'elles n'interdisent pas au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquelles il est tenu. 10. Il en résulte que le donneur d'ordre peut invoquer, à l'appui de sa contestation de la solidarité financière, les irrégularités entachant le redressement opéré à l'encontre de son cocontractant du chef du travail dissimulé. 11. Il en résulte aussi que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document. 12. Pour rejeter le recours de la société, l'arrêt relève que le redressement à l'origine de la mise en oeuvre de la solidarité financière n'ayant pas été contesté par la société sous-traitante, débitrice des cotisations dues au titre du travail dissimulé, le donneur d'ordre n'a pas qualité à le faire au motif que la lettre d'observations qui ne lui était pas destinée était irrégulière. Il ajoute que l'organisme de recouvrement a pour seule obligation, avant la décision de redressement, d'exécuter les formalités assurant le respect du principe du contradictoire, sans être tenue de joindre le procès-verbal constatant le délit. 13. En statuant ainsi, alors que le donneur d'ordre était recevable à contester la régularité de la procédure suivie à l'encontre de son sous-traitant et que l'organisme de recouvrement devait produire devant la juridiction le procès-verbal de travail dissimulé dont le donneur d'ordre contestait l'existence et le contenu, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne l'URSSAF de Franche-Comté aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Franche-Comté et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la société [3] LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT CONFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR débouté la société exposante de ses demandes, confirmé le redressement dans son intégralité ainsi que la décision de la Commission de recours amiable de l'URSSAF Franche-Comté du 18 décembre 2017 et condamné la société exposante au paiement de la somme de 13.860 euros soit 11.875 euros de cotisations et 1985 euros de majorations de retard ; 1°) ALORS QUE selon la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 31 juillet 2015 (n° 2015-479 QPC), les dispositions de l'article L. 8222-2 du code du travail « ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent de l'article 16 de la Déclaration de 1789, interdire au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu » ; qu'après avoir retenu qu'il est établi qu'est entachée d'irrégularité la lettre d'observations adressée par l'URSSAF le 18 février 2015, à la SARL [2], société sous-traitante, pour le redressement au titre du travail dissimulé à l'origine de la mise en oeuvre de la solidarité financière de la société exposante, la cour d'appel qui énonce que ledit redressement n'ayant pas été contesté par la société sous-traitante, débitrice des cotisations dues au titre du travail dissimulé, l'entreprise donneur d'ordre n'a pas qualité pour le contester pour son compte, notamment au motif que la lettre d'observations qui ne lui était pas destinée était irrégulière, a violé l'article L. 8222-2 du code du travail et les articles R. 243-59 et R. 133-8 du code de la sécurité sociale en leur version applicable au litige, ensemble l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'à ce titre, il ne peut relever d'office un moyen sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations ; qu'après avoir retenu, ainsi que l'avait fait valoir la société exposante, qu'en raison de la méconnaissance de l'article R 133-8 du code de la sécurité sociale, il est établi qu'est entachée d'irrégularité la lettre d'observations adressée par l'URSSAF le 18 février 2015, à la SARL [2], société sous-traitante, pour le redressement au titre du travail dissimulé à l'origine de la mise en oeuvre de la solidarité financière de la société exposante, la cour d'appel qui relève d'office le moyen tiré de ce que ledit redressement n'ayant pas été contesté par la société sous-traitante, débitrice des cotisations dues au titre du travail dissimulé, l'entreprise donneur d'ordre n'a pas qualité pour le contester pour son compte, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE selon la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 31 juillet 2015 (n° 2015-479 QPC), les dispositions de l'article L. 8222-2 du code du travail « ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent de l'article 16 de la Déclaration de 1789, interdire au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu » ; que dans la mise en oeuvre de la solidarité financière consécutive au constat d'un travail dissimulé, l'URSSAF a pour seule obligation, avant la décision de redressement, d'exécuter les formalités assurant le respect du principe de la contradiction par l'envoi de la lettre d'observations, sans être tenue de joindre à celle-ci le procès-verbal constatant le délit, dont le juge peut toujours ordonner la production pour lever le doute invoqué par le donneur d'ordre poursuivi ; que la société exposante face au refus persistant de l'URSSAF de communiquer le procès-verbal de travail dissimulé du 4 juillet 2014 dressé à l'encontre de la société [2], sous-traitante, « et ce afin de garantir le strict respect d'un débat contradictoire et des droits de la défense » avait sollicité, à titre subsidiaire, que la cour enjoigne l'URSSAF de communiquer ledit procès-verbal ; Qu'en se bornant à relever que l'URSSAF, en application de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale avait pour seule obligation d'exécuter les formalités assurant le respect du principe du contradictoire par l'envoi de la lettre d'observations au donneur d'ordre, sans être tenue de joindre le procès-verbal constatant le délit, sans nullement rechercher ni apprécier, ainsi qu'elle y était invitée et tenue, si, au regard des circonstances de l'espèce et notamment du fait qu'avait été établie par l'URSSAF en 2013 une attestation de vigilance à l'égard de la société [2] alors même qu'elle se serait prétendument rendue coupable de travail dissimulé, il n'y avait pas lieu d'ordonner la production par l'URSSAF dudit procès-verbal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8222-2 du code du travail, R. 243-59 et R. 133-8 du code de la sécurité sociale en leur version applicable au litige.
Le donneur d'ordre peut invoquer, à l'appui de sa contestation de la solidarité financière, les irrégularités entachant le redressement opéré à l'encontre de son cocontractant du chef de travail dissimulé
7,949
CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 juin 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 693 F-B Pourvoi n° V 21-10.291 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JUIN 2022 M. [S] [B], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 21-10.291 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Aquitaine, dont le siège est [Adresse 2], et domiciliée [Adresse 1], venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [B], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Aquitaine, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 novembre 2020), la commission de recours amiable de la caisse du régime social des indépendants d'Aquitaine, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF), a, par courrier du 5 octobre 2017, refusé de donner suite à la demande de remise des cotisations dues pour les années 2011 à 2017, ainsi qu'à la demande de délais de paiement, présentées par M. [B] (le cotisant). 2. Ce dernier a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le cotisant fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'octroi de délais de paiement des cotisations sociales, alors « qu'aux termes des articles R. 243-21 et R. 133-29-3 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à son abrogation par le décret n° 2017-864 du 9 mai 2017, le directeur de l'organisme chargé du recouvrement des cotisations a la possibilité, après règlement intégral des cotisations ouvrières, d'accorder des sursis à poursuites pour le règlement des cotisations patronales, des pénalités et des majorations de retard ; qu'il entre dans l'office du juge judiciaire de se prononcer sur le bien-fondé de la décision administrative du directeur d'un organisme de sécurité sociale accordant ou refusant ces sursis pour le règlement des cotisations sociales et d'apprécier si la situation du débiteur et les garanties qu'il peut offrir justifient un nouvel échelonnement de sa dette ; qu'en retenant, pour débouter le cotisant de sa demande tendant à l'octroi de délais de paiement de ses cotisations sociales se substituant aux échéanciers « intenables » fixés par le directeur de la caisse, « qu'elle n'avait pas compétence pour se substituer à la caisse » pour lui octroyer ces délais, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 6, § 1,de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article R. 243-21, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-864 du 9 mai 2017, applicable à la cause, le directeur de l'organisme chargé du recouvrement des cotisations a la possibilité, après règlement intégral des cotisations ouvrières, d'accorder des sursis à poursuites pour le règlement des cotisations patronales, des pénalités et des majorations de retard. 5. Il résulte de ce texte, applicable, selon l'article R. 133-29-3 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, au recouvrement des cotisations et contributions sociales, majorations et pénalités dues par les travailleurs indépendants, que les juridictions de sécurité sociale n'ont pas le pouvoir d'accorder des délais pour le paiement des cotisations et contributions sociales sur le fondement de l'article 1244-1, devenu l'article 1343-5, du code civil. 6. Ayant constaté que la demande de délais de paiement formée par le cotisant porte sur les cotisations dues à l'organisme de sécurité sociale pour la période comprise entre 2011 et 2017, la cour d'appel a retenu à bon droit, sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle n'avait pas le pouvoir de se substituer à la caisse. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [B] M. [S] [B] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande tendant à l'octroi de délais de paiement des cotisations sociales dues au titre du régime social des indépendants ; ALORS QU'aux termes des articles R.243-21 et R.133-29-3 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à son abrogation par le décret n° 2017-864 du 9 mai 2017, le directeur de l'organisme chargé du recouvrement des cotisations a la possibilité, après règlement intégral des cotisations ouvrières, d'accorder des sursis à poursuites pour le règlement des cotisations patronales, des pénalités et des majorations de retard ; qu'il entre dans l'office du juge judiciaire de se prononcer sur le bien-fondé de la décision administrative du directeur d'un organisme de sécurité sociale accordant ou refusant ces sursis pour le règlement des cotisations sociales et d'apprécier si la situation du débiteur et les garanties qu'il peut offrir justifient un nouvel échelonnement de sa dette ; qu'en retenant, pour débouter M. [B] de sa demande tendant à l'octroi de délais de paiement de ses cotisations sociales se substituant aux échéanciers « intenables » fixés par le directeur du RSI d'Aquitaine, « qu'elle n'avait pas compétence pour se substituer à la caisse » pour lui octroyer ces délais, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 6 §.1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il résulte de l'article R. 243-21, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-864 du 9 mai 2017, applicable, selon l'article R. 133-29-3 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, au recouvrement des cotisations et contributions sociales, majorations et pénalités dues par les travailleurs indépendants, que les juridictions de sécurité sociale n'ont pas le pouvoir d'accorder des délais pour le paiement des cotisations et contributions sociales sur le fondement de l'article 1244-1, devenu l'article 1343-5, du code civil
7,950
CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 juin 2022 Annulation M. PIREYRE, président Arrêt n° 695 F-B Pourvoi n° Z 21-11.399 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [K]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 30 novembre 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JUIN 2022 Mme [H] [K], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-11.399 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant au conseil départemental des Yvelines, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [K], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat du conseil départemental des Yvelines, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 novembre 2019), par deux décisions du 16 décembre 2015, la maison départementale des personnes handicapées des Yvelines a rejeté la demande de Mme [K] (la bénéficiaire) tendant à bénéficier de la prestation de compensation du handicap « aides humaines à domicile » et lui a accordé la prestation de compensation du handicap « aides techniques » pour la période du 15 mai 2014 au 31 mai 2020. 2. La bénéficiaire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La bénéficiaire fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que les arrêts des cours d'appel sont, à peine de nullité, rendus par des magistrats délibérant en nombre impair ; que l'arrêt attaqué énonce que l'affaire a été débattue « devant la cour composée de M. Olivier Fourmy, président, Mme Marie José Bou, présidente suppléante, Mme Carine Tasmadjian, conseiller, Mme Caroline Bon, vice présidente placée, qui en ont délibéré » ; que l'arrêt ainsi rendu au terme d'un délibéré tenu en méconnaissance du principe de l'imparité, viole les articles L. 121-2, L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'organisation judiciaire et doit être annulé. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire, 430, 447, 458 et 459 du code de procédure civile : 4. A peine de nullité, les arrêts de cour d'appel sont rendus par des magistrats délibérant en nombre impair. 5. L'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées. 6. L'arrêt mentionne que la cour d'appel était composée, lors des débats, de quatre magistrats qui en ont délibéré. Le dossier de procédure ne permet pas de constater que trois magistrats seulement ont délibéré de l'affaire, et la copie du courriel adressé par le président de chambre signataire de l'arrêt à l'avocat du défendeur au pourvoi n'est pas de nature à établir que les prescriptions légales ont été, en fait, observées. 7. En raison de l'inobservation de l'imparité de la formation de jugement, révélée postérieurement aux débats, l'arrêt doit être annulé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen du pourvoi, la Cour : ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ; Condamne le conseil départemental des Yvelines aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme [K] PREMIER MOYEN DE CASSATION Madame [K] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision de la commission départementale d'aide sociale des Yvelines du 2 mars 2017 ayant rejeté sa demande de bénéfice de la prestation de compensation du handicap « aide humaine » dont elle demandait l'annulation et d'avoir décidé n'y avoir lieu à lui accorder une remise totale de l'indu de prestation de compensation du handicap porté à son débit ; Alors que les arrêts des cours d'appel sont, à peine de nullité, rendus par des magistrats délibérant en nombre impair ; que l'arrêt attaqué énonce que l'affaire a été débattue « devant la cour composée de M. Olivier Fourmy, président, Mme Marie José Bou, présidente suppléante, Mme Carine Tasmadjian, conseiller, Mme Caroline Bon, vice présidente placée, qui en ont délibéré » ; que l'arrêt ainsi rendu au terme d'un délibéré tenu en méconnaissance du principe de l'imparité, viole les articles L. 121-2, 312-1 et 312-2 du code de l'organisation judiciaire et doit être annulé. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Madame [K] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision de la commission départementale d'aide sociale des Yvelines du 2 mars 2017 ayant rejeté sa demande de bénéfice de la prestation de compensation du handicap « aide humaine » dont elle demandait l'annulation et d'avoir décidé n'y avoir lieu à lui accorder une remise totale de l'indu de prestation de compensation du handicap porté à son débit ; Alors que la réduction du bénéfice de la composante « aides humaines » de la prestation de compensation du handicap en raison de l'hébergement de la personne handicapée dans un établissement social et médico-social admissible que si le bénéficiaire peut profiter, dans cet établissement, de l'assistance qui lui est nécessaire pour accomplir les actes de la vie courante et dont les dépenses seraient couvertes par la composante « aides humaines » de ladite prestation de compensation du handicap ; que la cour d'appel a jugé que madame [K] ne pouvait pas bénéficier d'une telle prestation de compensation du handicap « aides humaines » dès lors qu'elle résidait dans un appartement de coordination thérapeutique ; qu'en statuant ainsi, sans constater que si l'établissement dans lequel elle résidait lui permettait de bénéficier de l'assistance dont elle avait besoin, et dont les dépenses étaient couvertes par la prestation de compensation du handicap « aides humaines », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article L. 245-2 du code de l'action sociale et des familles.
Aux termes de l'article 459 du code de procédure civile, l'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées. Encourt la censure l'arrêt qui mentionne que la cour d'appel était composée, lors des débats, de quatre magistrats qui en ont délibéré, dès lors que la copie du courriel adressé par le président de chambre signataire de l'arrêt attaqué à l'avocat du défendeur au pourvoi n'est pas de nature à établir le respect de la règle de l'imparité
7,951
CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 504 FS-B Pourvois n° V 20-20.844 Y 21-11.168 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022 I. 1°/ la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (SEMISO), société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ l'office public de l'habitat Saint-Ouen habitat public, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° V 20-20.844 contre un arrêt rendu le 8 juillet 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige les opposant à la société Total marketing services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], devenue société Total Energie Marketing services, défenderesse à la cassation. II. la société Total énergie marketing services, a formé le pourvoi n° Y 21-11.168 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à la société d'Economie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (SEMISO), 2°/ à la société Saint-Ouen habitat public, établissement public à caractère industriel et commercial, défenderesses à la cassation. Les demandeurs au pourvoi n° V 20-20.844 invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° Y 21-11.168 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen et de l'office public de l'habitat Saint-Ouen habitat public, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Total énergie marketing services, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 20-20.844 et Y 21-11.168 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 juillet 2020), l'établissement public à caractère industriel et commercial Saint-Ouen habitat public - office public de l'habitat (l'EPIC) a notifié, le 29 mai 2009, à la société Total marketing services, devenue la société Total énergie marketing services (la locataire), un congé à effet au 31 décembre 2009, avec refus de renouvellement du bail commercial consenti à compter du 1er décembre 1970 pour l'exploitation d'une station-service de distribution de produits pétroliers et vente d'accessoires automobiles. 3. La locataire a assigné l'EPIC en paiement d'une indemnité d'éviction par acte du 30 décembre 2011, remis au tribunal le 9 janvier 2012. 4. La société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (la SEMISO), qui a acquis les locaux commerciaux donnés à bail, le 31 août 2016, est intervenue à l'instance. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi n° Y 21-11.168 et sur le deuxième moyen du pourvoi n° V 20-20.844, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi n° V 20-20.844, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La SEMISO et l'EPIC font grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme le montant de l'indemnité d'éviction due par l'office à la société locataire, outre les frais de licenciement des salariés sur justificatifs et les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollution et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs, alors « que seule la saisine du tribunal par l'enrôlement de l'assignation peut interrompre le délai imparti au preneur pour agir en paiement d'une indemnité d'éviction ; qu'en l'état d'un congé en date du 31 décembre 2009, la seule délivrance d'une assignation signifiée le 30 décembre 2011 n'a pas interrompu le délai imparti au preneur pour agir en paiement de l'indemnité d'éviction, dès lors que le tribunal n'en a été saisi que par sa remise au greffe, le 9 janvier 2012, soit après l'expiration du délai ayant commencé à courir le 31 décembre 2009 ; qu'en décidant, à l'inverse, que le délai de prescription a été valablement interrompu par la seule délivrance d'une assignation dans les délais de deux ans de la délivrance du congé par le bailleur, depuis que l'article 45 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a décidé que le délai biennal n'est plus imparti au preneur à peine de forclusion, la cour d'appel a violé l'article L. 145-9 du code de commerce, ensemble l'article 757 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de l'article 2241 du code civil, applicable en matière de bail commercial, que la délivrance d'une assignation interrompt le délai de prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction prévue à l'article L. 145-9 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, applicable au litige. 8. Ayant relevé que le délai pour agir qui avait commencé à courir le 31 décembre 2009, date d'effet du congé, avait été interrompu par la délivrance de l'assignation au bailleur, le 30 décembre 2011, la cour d'appel, en a exactement déduit que l'action de la locataire n'était pas prescrite. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° V 20-20.844, pris en sa première branche Enoncé du moyen 10. La SEMISO et l'EPIC font grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme le montant de l'indemnité d'éviction, outre les frais de licenciement des salariés de la locataire sur justificatifs et les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs, et d'écarter leurs demandes tendant à ce que la locataire soit condamnée à respecter ses obligations de dépollution, alors « que l'obligation légale de dépollution pesant sur l'exploitant d'une installation classée à la cessation de l'activité sur un site est liée aux conditions d'exercice de cette activité ; qu'il s'ensuit qu'en cas de délivrance d'un congé avec refus de renouvellement au preneur exploitant une installation classée dans un local commercial, le coût de la dépollution et de la remise en état ne constitue pas un préjudice imputable à son éviction, de sorte que le preneur ne peut en demander le remboursement au bailleur au titre des indemnités accessoires qui pourraient lui être alloués en application de l'article L. 145-14 du code de commerce ; qu'en décidant que les frais de mise en sécurité ou de dépollution, et éventuellement de retrait des réservoirs et de remise en état figurent au nombre des préjudices que l'indemnité d'éviction a pour objet de réparer, au titre des indemnités accessoires, par cela seul qu'ils « sont directement liés à l'éviction avec arrêt d'exploitation », après avoir constaté qu'il avait été mis fin à l'exploitation de la station-essence par la délivrance par le bailleur d'un congé portant refus de renouvellement, la cour d'appel a violé la disposition précitée, ensemble l'article L. 512-12-2 du code de l'environnement, l'article R. 512-66-1 du même code, l'article 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 et l'article 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 512-12-1 du code de l'environnement, 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 relatif aux réservoirs enterrés de liquides inflammables ou combustibles et de leurs équipements annexes, et 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux stations service relevant du régime de l‘enregistrement au titre de la rubrique n° 1435 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement : 11. Il résulte de ces textes que le preneur à bail dont le renouvellement est refusé, dernier exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement, est tenu de prendre, en application de l'article L. 512-12-1 du code de l'environnement, toutes les dispositions utiles pour la mise en sécurité du site et, s'agissant des réservoirs de carburant et de leurs équipements annexes, de les neutraliser conformément aux dispositions de l'article 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 et de l'article 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010. 12. L'obligation particulière de dépollution du site d'une installation classée pour la protection de l'environnement doit, à l'arrêt définitif de l'exploitation, être exécutée par le dernier exploitant, qui en est seul tenu, indépendamment de tout rapport de droit privé. 13. Pour retenir que les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, seront dus à la locataire évincée sur justificatifs, au titre des indemnités accessoires, l'arrêt énonce que les frais de mise en sécurité ou de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs sont directement liés à l'éviction avec arrêt de l'exploitation. 14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le troisième moyen du pourvoi n° V 20-20.844 Enoncé du moyen 15. La SEMISO et l'EPIC font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation, alors « que la juridiction du second degré est saisie des demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties, même si leurs prétentions ne sont étayées par aucun moyen figurant dans la partie ‘‘discussion'' des conclusions ; que la société Semiso et l'Epic Saint-Ouen habitat public-Office public de l'habitat avaient présenté plusieurs demandes relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation dans le dispositif de leurs dernières conclusions ; qu'en décidant qu'elle n'en était pas saisie, pour la raison qu'elles n'étaient étayées par aucun développement dans la partie ‘‘discussion'' des dites conclusions, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation de l'article 954 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 954, alinéas 1er et 2, du code de procédure civile : 16. Il résulte de ce texte que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée, et que la cour ne statue que sur les prétentions récapitulées énoncées sous forme de dispositif. 17. Pour rejeter le surplus des demandes dont celles relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation, l'arrêt retient que la cour d'appel, en application de l'article 954 du code de procédure civile, n'est pas saisie de ces demandes figurant au dispositif des conclusions du bailleur dans la mesure où elles ne sont pas développées dans la partie discussion des écritures. 18. En statuant ainsi, tout en rejetant ces demandes, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de sa saisine, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation prononcée sur le deuxième moyen du pourvoi n° V 20-20.844, pris en sa première branche 19. La portée de la cassation prononcée sur ce moyen, qui ne conteste que l'inclusion des frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs, dans le calcul du préjudice réparable de la locataire, doit être limitée à cette seule inclusion et à la disposition rejetant les demandes en condamnation de la société Total marketing services à respecter ses obligations de dépollution qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il : - ajoute au montant de l'indemnité d'éviction calculé et fixé à la somme de 1 072 170 euros, due par l'établissement public à caractère industriel et commercial Saint-Ouen habitat public - office public de l'habitat à la société Total marketing services, devenue Total énergie marketing services, les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs ; - rejette les demandes de l'établissement public à caractère industriel et commercial Saint-Ouen habitat public - office public de l'habitat et de la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen en condamnation de la société Total marketing services, devenue Total énergie marketing services, à respecter ses obligations de dépollution ; - rejette les demandes de l'établissement public à caractère industriel et commercial Saint-Ouen habitat public - office public de l'habitat et de la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen en condamnation de la société Total marketing services, devenue Total énergie marketing services, relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation ; l'arrêt rendu entre les parties, le 8 juillet 2020, par la cour d'appel de Paris ; Remet sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne la société Total énergie marketing services aux dépens : En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (SEMISO) et l'Office public de l'habitat Saint-Ouen habitat public (demandeurs au pourvoi n° V 20-20.844) PREMIER MOYEN DE CASSATION L'EPIC SAINT OUEN HABITAT PUBLIC – OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT et la SEMISO font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé à la somme de 1.072.170 € le montant de l'indemnité d'éviction due par l'EPIC SAINT-OUEN HABITAT à la société TOTAL MARKETING SERVICES, outre les frais de licenciement des salariés de TOTAL MARKETING SERVICES sur justificatifs et les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs ; 1. ALORS QUE seule la saisine du tribunal par l'enrôlement de l'assignation peut interrompre le délai imparti au preneur pour agir en paiement d'une indemnité d'éviction ; qu'il s'ensuit qu'en l'état d'un congé en date du 31 décembre 2009, la seule délivrance d'une assignation signifiée le 30 décembre 2011 n'a pas interrompu le délai imparti au preneur pour agir en paiement de l'indemnité d'éviction, dès lors que le Tribunal n'en a été saisi que par sa remise au greffe, le 9 janvier 2012, soit après l'expiration du délai ayant commencé à courir le 31 décembre 2009 ; qu'en décidant, à l'inverse, que le délai de prescription a été valablement interrompu par la seule délivrance d'une assignation dans les délais de deux ans de la délivrance du congé par le bailleur, depuis que l'article 45 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a décidé que le délai biennal n'est plus imparti au preneur à peine de forclusion, la cour d'appel a violé l'article L. 145-9 du code de commerce, ensemble l'article 757 du code de procédure civile ; 2. ALORS QUE le fait pour une partie de déposer des conclusions avant d'invoquer, à un moment quelconque de la cause, la prescription, n'établit pas sa volonté non équivoque de renoncer à cette fin de non-recevoir ; qu'en affirmant, par les motifs du jugement entrepris, à les supposer adoptés, que l'OPHLM avait renoncé à la prescription par cela seul qu'elle avait conclu à deux reprises, après le dépôt du rapport d'expertise, en sollicitant expressément du tribunal, la fixation de l'indemnité d'éviction dont il s'estimait redevable, et en n'en discutant que le montant, la cour d'appel s'est donc déterminée par des motifs impropres à caractériser la renonciation non équivoque du bailleur à se prévaloir de la prescription, en violation de l'article 2251 du code civil ; 3. ALORS subsidiairement QUE la renonciation n'entraîne en principe aucun préjudice ni profit pour les tiers ; qu'il s'ensuit qu'à supposer que les deux jeux de conclusions déposées par l'OPHLM, les 11 mai et 2 octobre 2015, valent renonciation à se prévaloir de la prescription biennale de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction, un tel acte abdicatif de volonté est inopposable à la SEMISO qui a acquis les locaux commerciaux donnés à bail, par acte notarié en date du 31 août 2016 ; qu'en opposant à la SEMISO que l'OPHLM a renoncé à la prescription biennale, quand une telle renonciation n'avait pas d'effet à son égard, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La SEMISO et l'EPIC SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC – OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT font grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR fixé à la somme de 1.072.170 € le montant de l'indemnité d'éviction due par l'EPIC SAINT-OUEN HABITAT à la société TOTAL MARKETING SERVICES, outre les frais de licenciement des salariés de TOTAL MARKETING SERVICES sur justificatifs et les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs, et D'AVOIR écarté leurs demandes tendant à ce que la société TOTAL MARKETING SERVICES soit condamnée à respecter ses obligations de dépollution ; 1. ALORS QUE l'obligation légale de dépollution pesant sur l'exploitant d'une installation classée à la cessation de l'activité sur un site est liée aux conditions d'exercice de cette activité ; qu'il s'ensuit qu'en cas de délivrance d'un congé avec refus de renouvellement au preneur exploitant une installation classée dans un local commercial, le coût de la dépollution et de la remise en état ne constitue pas un préjudice imputable à son éviction, de sorte que le preneur ne peut en demander le remboursement au bailleur au titre des indemnités accessoires qui pourraient lui être alloués en application de l'article L. 145-14 du code de commerce ; qu'en décidant que les frais de mise en sécurité ou de dépollution, et éventuellement de retrait des réservoirs et de remise en état figurent au nombre des préjudices que l'indemnité d'éviction a pour objet de réparer, au titre des indemnités accessoires, par cela seul qu'ils « sont directement liés à l'éviction avec arrêt d'exploitation », après avoir constaté qu'il avait été mis fin à l'exploitation de la station-essence par la délivrance par le bailleur d'un congé portant refus de renouvellement, la cour d'appel a violé la disposition précitée, ensemble l'article L. 512-12-2 du code de commerce, l'article R. 512-66-1 du même code, l'article 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 et l'article 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010 ; 2. ALORS QUE tenu de statuer en considération des circonstances de fait et de droit existant au jour il se prononce, le juge n'est pas libéré d'une telle obligation du seul fait que le litige dont il est saisi est susceptible d'évoluer après qu'il a vidé sa saisine ; qu'en décidant que l'exercice éventuel par le bailleur de son droit de repentir s'oppose à ce qu'il demande que la société TOTAL MARKETING SERVICES soit condamnée à respecter ses obligations de dépollution, la cour d'appel a violé l'article du code civil ; 3. ALORS QUE le motif hypothétique équivaut au défaut de motifs ; qu'en se fondant sur la seule éventualité de l'exercice par le bailleur de son droit de repentir, pour en déduire qu'il ne peut demander que la société TOTAL MARKETING SERVICES soit condamnée à respecter ses obligations de dépollution, la cour d'appel a déduit un motif hypothétique, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La SEMISO et l'EPIC SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC – OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT font grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR écarté leurs demandes relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation ; ALORS QUE la juridiction du second degré est saisie des demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties, même si leurs prétentions ne sont étayées par aucun moyen figurant dans la partie ‘‘discussion'' des conclusions ; que la SEMISO et l'EPIC SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC – OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT avaient présenté plusieurs demandes relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation dans le dispositif de leurs dernières conclusions ; qu'en décidant qu'elles n'en étaient pas saisies, pour la raison qu'elles n'étaient étayées par aucun développement dans la partie ‘‘discussion'' des dites conclusions, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation de l'article 954 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Total énergie marketing services (demanderesse au pourvoi n° Y 21-11.168) La société Total Marketing Services reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à la somme de 1.072.170 € le montant de l'indemnité d'éviction due par l'EPIC Saint Ouen Habitat ; 1/ ALORS QUE les frais de réinstallation du preneur évincé doivent être pris en compte pour évaluer le préjudice subi par ce dernier tant dans l'hypothèse du remplacement du fonds de commerce que dans celle de son déplacement ; que l'indemnité d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement est augmentée des frais de réinstallation, sauf dans le cas où le bailleur fait la preuve que le préjudice est moindre ; qu'en retenant, pour limiter les frais de réinstallation à la somme de 65.000 €, que « la société locataire ne démontrait pas qu'elle ne serait pas en mesure de reprendre l'exploitation d'une station-service déjà préexistante, sans avoir par conséquent à procéder à son édification », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil ; 2/ ALORS QU'en se bornant à retenir, pour limiter les frais de réinstallation à la somme de 65.000 €, que « la société locataire ne démontrait pas qu'elle ne serait pas en mesure de reprendre l'exploitation d'une station-service déjà préexistante, sans avoir par conséquent à procéder à son édification », sans s'expliquer sur la valeur probante de la pièce 26 « Stations-services dans la zone de chalandise » qui établissait que la société Total Marketing Services ne pouvait pas acquérir dans la zone d'éviction un fonds de commerce de station-service existant et conclure un nouveau bail portant sur une station-service préexistante et était contrainte de louer ou acheter un terrain pour réinstaller son fonds de commerce perdu du fait de l'éviction et de réaliser de gros travaux de réinstallation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-14 du code de commerce, ensemble l'article 1353 du code civil ; 3/ ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Total Marketing Services faisait valoir que l'évaluation faite par l'expert [L] des frais de réinstallation « a été faite en l'absence de devis et n'est donc pas probante ; à cet égard, il n'est donc pas surprenant qu'il existe un écart, fût-il important, entre une évaluation retenue dans l'attente de justificatifs et une demande fondée sur des devis ; que Saint Ouen Habitat public – Office public de l'habitat et la société Semiso prétendent que l'expert se serait bien fondé sur des devis afférents aux frais de réinstallation et relèvent ainsi que l'expert a indiqué avoir retenu « la moyenne du coût de changement d'image des stations Total situées à [Localité 4], [Localité 3] et [Localité 5]. Or, la phrase complète de l'expert est la suivante : « Sous réserve de devis, on retiendra forfaitairement, la moyenne du coût de changement d'image des stations Total situées à [Localité 4], [Localité 3] et [Localité 5] » (page 20 du rapport) ; que l'évaluation de l'expert est donc bien une évaluation limitée au « coût de changement d'image » et ne porte pas sur l'ensemble des frais de réinstallation, puisqu'elle est établie « Sous réserve de devis » afférents à ces derniers ; ajoutons que, contrairement à ce prétendent la Saint Ouen Habitat Public- Office public de l'habitat et la société Semiso, il est exclu de cantonner les frais de réinstallation au coût de changement d'image, dès lors, d'une part, que ce coût représente une infime partie des frais de réinstallation et, d'autre part, qu'en toute hypothèse, comme précédemment démontré, la société Total Marketing Services ne pourra pas acquérir un fonds de commerce de station-service existant et conclure un nouveau bail portant sur une station-service préexistante et va nécessairement devoir louer ou acheter un terrain pour réinstaller son fonds de commerce » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce moyen de nature à établir que la somme fixée par l'expert à 65.000 euros concernait les seuls coûts de changement d'image, l'expert n'ayant pas exclu l'existence d'autres coûts de réinstallation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
La délivrance d'une assignation interrompt le délai de prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction prévue à l'article L. 145-9 du code de commerce
7,952
SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2022 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 769 FS-B Pourvois n° U 21-11.325 V 21-11.326 W 21-11.327 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JUIN 2022 La société Alstom transport, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], a formé les pourvois n° U 21-11.325, V 21-11.326 et W 21-11.327 contre trois arrêts rendus le 18 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans les litiges l'opposant respectivement : 1°/ à M. [Y] [U], domicilié [Adresse 2], 2°/ à Mme [D] [V], domiciliée [Adresse 1], 3°/ à M. [G] [K], domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, les deux moyens de cassation communs annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Alstom transport, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. [U] et [K] et de Mme [V], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Capitaine, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° U 21-11.325, V 21-11.326 et W 21-11.327 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 18 novembre 2020), M. [U], et deux autres salariés ont été engagés par la société Alstom Atlantique, aux droits de laquelle se trouve la société Alstom transport. 3. La caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France leur ayant notifié leur admission au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) prévue par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, les salariés ont présenté leur démission pour un départ en retraite dans le cadre de ce dispositif et sollicité de l'employeur le bénéfice de l'indemnité de cessation d'activité. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief aux arrêts de dire que les salariés ont quitté la société dans le cadre du dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante prévue par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et de le condamner à leur payer une indemnité de cessation d'activité en application de ce texte, alors : « 1°/ que le salarié, qui remplit les conditions prévues par les articles 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale et 1er du décret 99-247 du 29 mars 1999 relatif à l'allocation de cessation anticipée d'activité prévue audit article 41 et qui demande à bénéficier de ces dispositions, a droit, en tant que travailleur ayant été exposé à l'amiante, au versement par l'employeur d'une indemnité de cessation d'activité d'un montant égal à celui de l'indemnité de départ en retraite prévue par le premier alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail, devenu L. 1237-9, du même code et calculée sur la base de l'ancienneté acquise au moment de la rupture du contrat de travail, sans préjudice de l'application de dispositions plus favorables prévues par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail ; qu'il appartient au juge prud'homal, devant lequel est revendiqué le bénéfice de cette indemnité de cessation d'activité, de vérifier que le salarié remplit les conditions prévues par l'article 41 I de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, sans être lié par la décision de la caisse régionale d'assurance maladie d'attribuer au salarié l'allocation de cessation anticipée d'activité; qu'en retenant que le fait générateur de l'indemnité de cessation d'activité due par l'employeur était l'admission au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité par la caisse et la démission du salarié, pour refuser de vérifier en l'espèce que le salarié avait travaillé dans un établissement de fabrication de matériaux contenant de l'amiante ou un établissement de flocage et de calorifugeage à l'amiante figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, la cour d'appel a violé l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; 2°/ qu'il appartient au salarié qui réclame le versement par l'employeur de l'indemnité de cessation d'activité visée par l'article 41 V de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale d'établir qu'il remplit les conditions prévues par l' article 41 I de cette loi, parmi lesquelles figurent le fait de travailler ou d'avoir travaillé dans un établissement de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, ou un établissement de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités de l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'il était constant en l'espèce que les salariés, qui réclamaient le bénéfice de l'indemnité de cessation d'activité, étaient affectés à l'établissement Alstom TIS situé au [Adresse 5] qui exerçait sous le n° de Siren 389 191 982 une activité de fourniture de systèmes de signalisation ferroviaire; qu'il était tout aussi constant que cet établissement était juridiquement distinct de l'établissement Alstom TSO situé au [Adresse 4], lequel exerçait sous le n° de Siren 398 191 800 une activité de distribution d'énergie et de transformateurs; que l'arrêté du 23 décembre 2011 avait inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA le seul établissement Alstom TSO situé au [Adresse 4]; qu'en retenant, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, que l'employeur "n'a pas su convaincre le conseil" que l'établissement du [Adresse 5] n'était pas le même que celui du 25, ni que les ateliers étaient distincts, qu'il n'expliquait pas si l'atelier où était travaillé le calorifugeage était parfaitement étanche, ainsi que les parties communes, et qu'il ne justifiait pas que "les salariés allant dans ces parties communes devaient se changer dans un sas afin d'éviter toute propagation de l'amiante", lorsque c'était aux salariés qu'il appartenait d'établir, soit que les établissements Alstom TIS et Alstom TSO, bien que juridiquement distincts, constituaient en réalité un seul et même établissement, soit qu'ils avaient travaillé au sein de l'établissement TSO, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil ensemble l'article 41 V de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale et l'arrêté du 23 décembre 2011 modifiant et complétant la liste des établissements de fabrication flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; 3°/ qu'aux termes de l'article 41 I de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, le bénéfice du départ anticipée d'activité est réservé aux salariés qui "travaillent ou ont travaillé" dans un établissement de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, ou un établissement de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où étaient fabriqués ou traités de l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'en retenant, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, que l'employeur n'expliquait pas si l'atelier où était travaillé le calorifugeage et les parties communes étaient parfaitement étanches, ni si les salariés allant dans ces parties communes devaient se changer dans un sas afin d'éviter toute propagation de l'amiante, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 sur le financement de la sécurité sociale pour 1999, dans sa rédaction applicable au litige, une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA) est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle et qu'ils aient travaillé, au cours d'une période déterminée, dans un établissement figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués des matériaux contenant de l'amiante. 6. Cette allocation est attribuée et servie par les caisses régionales d'assurance maladie. 7. Le salarié qui est admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité présente sa démission à son employeur. Le contrat de travail cesse de s'exécuter dans les conditions prévues à l'article L. 122-6 du code du travail, devenu L. 1234-1 du même code. Cette rupture du contrat de travail ouvre droit, au bénéfice du salarié, au versement par l'employeur d'une indemnité de cessation d'activité d'un montant égal à celui de l'indemnité de départ à la retraite prévue par le premier alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail, devenu L. 1237-9 du même code, et calculée sur la base de l'ancienneté acquise au moment de la rupture du contrat de travail, sans préjudice de l'application de dispositions plus favorables prévues en matière d'indemnité de départ à la retraite par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail. 8. La cour d'appel, qui a constaté que les salariés avaient été admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité par la caisse régionale d'assurance maladie et qu'ils avaient présenté leur démission, en a exactement déduit que cette rupture du contrat de travail leur ouvrait droit au versement de l'indemnité de cessation d'activité. 9. Le moyen n'est, en conséquence, pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 10. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer aux salariés une certaine somme à titre d'indemnité de cessation d'activité en application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, alors « que le salarié, qui remplit les conditions prévues par les articles 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale et 1er du décret n° 99-247 du 29 mars 1999 relatif à l'allocation de cessation anticipée d'activité prévue audit article 41 et qui demande à bénéficier de ces dispositions, a droit, en tant que travailleur ayant été exposé à l'amiante, au versement par l'employeur d'une indemnité de cessation d'activité d'un montant égal à celui de l'indemnité de départ en retraite prévue par le premier alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail, devenu L. 1237-9 du même code, et calculée sur la base de l'ancienneté acquise au moment de la rupture du contrat de travail, sans préjudice de l'application de dispositions plus favorables prévues par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail ; que la règle spéciale déroge à la règle générale ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'un accord de groupe du 15 avril 2009 régissait spécifiquement le départ des salariés bénéficiant du dispositif de cessation d'activité amiante ; qu'en accordant néanmoins au salarié une indemnité de cessation d'activité correspondant au montant de l'indemnité de départ en retraite prévue par l'accord de groupe GPEA 2012-2014 applicable à tous les départs volontaires à la retraite, la cour d'appel a violé le principe specialia generalibus derogant, ensemble l'article 41 V de la loi du 23 décembre 1998 et l'accord GPEA du 30 janvier 2012. » Réponse de la Cour 11. Selon l'article 41, V, de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 sur le financement de la sécurité sociale pour 1999, le salarié qui est admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité, prévue à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, et qui demande à bénéficier de ces dispositions a droit en tant que travailleur ayant été exposé à l'amiante au versement par l'employeur d'une indemnité de cessation d'activité d'un montant égal à celui de l'indemnité de départ à la retraite prévue par le premier alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail, devenu L. 1237-9 du même code, et calculée sur la base de l'ancienneté acquise au moment de la rupture du contrat de travail, sans préjudice de l'application de dispositions plus favorables prévues en matière d'indemnité de départ à la retraite par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail. 12. Ayant relevé que les dispositions de l'article 5.1 de l'accord de groupe de gestion prévisionnelle des emplois et des âges (GPEA) du 30 janvier 2012 fixant le montant de l'allocation de départ à la retraite pour tout départ volontaire à la retraite à l'initiative du salarié, étaient plus favorables que celles prévues par l'accord de groupe du 15 avril 2009 relatif à l'indemnité versée lors d'un départ en cessation anticipée d'activité amiante, la cour d'appel a fait une exacte application du texte précité. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la société Alstom transport aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alstom transport et la condamne à payer aux salariés la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens communs produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Alstom transport, demanderesse aux pourvois n° U 21-11.325, V 21-11.326 et W 21-11.327 PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Alstom Transport FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'AVOIR jugé que les salariés ont quitté la société Alstom Transport dans le cadre du dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante prévu par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et de l'AVOIR condamnée à payer aux salariés une indemnité de cessation d'activité en application l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 1/ ALORS QUE le salarié, qui remplit les conditions prévues par les articles 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale et 1er du décret 99-247 du 29 mars 1999 relatif à l'allocation de cessation anticipée d'activité prévue audit article 41 et qui demande à bénéficier de ces dispositions, a droit, en tant que travailleur ayant été exposé à l'amiante, au versement par l'employeur d'une indemnité de cessation d'activité d'un montant égal à celui de l'indemnité de départ en retraite prévue par le premier alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail, devenu L. 1237-9, du même code et calculée sur la base de l'ancienneté acquise au moment de la rupture du contrat de travail, sans préjudice de l'application de dispositions plus favorables prévues par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail ; qu'il appartient au juge prud'homal, devant lequel est revendiqué le bénéfice de cette indemnité de cessation d'activité, de vérifier que le salarié remplit les conditions prévues par l'article 41 I de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, sans être lié par la décision de la caisse régionale d'assurance maladie d'attribuer au salarié l'allocation de cessation anticipée d'activité; qu'en retenant que le fait générateur de l'indemnité de cessation d'activité due par l'employeur était l'admission au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité par la caisse et la démission du salarié, pour refuser de vérifier en l'espèce que le salarié avait travaillé dans un établissement de fabrication de matériaux contenant de l'amiante ou un établissement de flocage et de calorifugeage à l'amiante figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, la cour d'appel a violé l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; 2/ ALORS QU' il appartient au salarié qui réclame le versement par l'employeur de l' indemnité de cessation d'activité visée par l'article 41 V de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale d'établir qu'il remplit les conditions prévues par l'article 41 I de cette loi, parmi lesquelles figurent le fait de travailler ou d'avoir travaillé dans un établissement de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, ou un établissement de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités de l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'il était constant en l'espèce que les salariés, qui réclamaient le bénéfice de l'indemnité de cessation d'activité, étaient affectés à l'établissement Alstom TIS situé au [Adresse 5] qui exerçait sous le n° de Siren 389 191 982 une activité de fourniture de systèmes de signalisation ferroviaire (conclusions d'appel des salariés p. 5 ; conclusions d'appel de la société p. 19); qu'il était tout aussi constant que cet établissement était juridiquement distinct de l'établissement Alstom TSO situé au [Adresse 4], lequel exerçait sous le n° de Siren 398 191 800 une activité de distribution d'énergie et de transformateurs (conclusions d'appel des salariés p. 6 ; conclusions d'appel de la société p. 19) ; que l'arrêté du 23 décembre 2011 avait inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA le seul établissement Alstom TSO situé au [Adresse 4]; qu'en retenant, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, que l'employeur « n'a pas su convaincre le conseil » que l'établissement du [Adresse 5] n'était pas le même que celui du 25, ni que les ateliers étaient distincts, qu'il n'expliquait pas si l'atelier où était travaillé le calorifugeage était parfaitement étanche, ainsi que les parties communes, et qu'il ne justifiait pas que « les salariés allant dans ces parties communes devaient se changer dans un sas afin d'éviter toute propagation de l'amiante », lorsque c'était aux salariés qu'il appartenait d'établir, soit que les établissements Alstom TIS et Alstom TSO, bien que juridiquement distincts, constituaient en réalité un seul et même établissement, soit qu'ils avaient travaillé au sein de l'établissement TSO, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil ensemble l'article 41 V de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale et l'arrêté du 23 décembre 2011 modifiant et complétant la liste des établissements de fabrication flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; 3/ ALORS QU'aux termes de l'article 41 I de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, le bénéfice du départ anticipé d'activité est réservé aux salariés qui « travaillent ou ont travaillé » dans un établissement de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, ou un établissement de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités de l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'en retenant, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, que l'employeur n'expliquait pas si l'atelier où était travaillé le calorifugeage et les parties communes étaient parfaitement étanches, ni si les salariés allant dans ces parties communes devaient se changer dans un sas afin d'éviter toute propagation de l'amiante, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) La société Alstom Transport FAIT GRIEF aux arrêts attaqués de l'AVOIR condamnée à payer aux salariés une certaine somme à titre d'indemnité de cessation d'activité en application l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ALORS QUE le salarié, qui remplit les conditions prévues par les articles 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale et 1er du décret n° 99-247 du 29 mars 1999 relatif à l'allocation de cessation anticipée d'activité prévue audit article 41 et qui demande à bénéficier de ces dispositions, a droit, en tant que travailleur ayant été exposé à l'amiante, au versement par l'employeur d'une indemnité de cessation d'activité d'un montant égal à celui de l'indemnité de départ en retraite prévue par le premier alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail, devenu L. 1237-9 du même code, et calculée sur la base de l'ancienneté acquise au moment de la rupture du contrat de travail, sans préjudice de l'application de dispositions plus favorables prévues par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail ; que la règle spéciale déroge à la règle générale ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'un accord de groupe du 15 avril 2009 régissait spécifiquement le départ des salariés bénéficiant du dispositif de cessation d'activité amiante ; qu'en accordant néanmoins au salarié une indemnité de cessation d'activité correspondant au montant de l'indemnité de départ en retraite prévue par l'accord de groupe GPEA 2012-2014 applicable à tous les départs volontaires à la retraite, la cour d'appel a violé le principe specialia generalibus derogant, ensemble l'article 41 V de la loi du 23 décembre 1998 et l'accord GPEA du 30 janvier 2012.
Selon l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, dans sa rédaction applicable au litige, le salarié, admis par la caisse régionale d'assurance maladie au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité, présente sa démission à son employeur. Le contrat de travail cesse de s'exécuter dans les conditions prévues à l'article L. 122-6 du code du travail, devenu L. 1234-1 du même code. Cette rupture du contrat de travail ouvre droit, au bénéfice du salarié, au versement par l'employeur d'une indemnité de cessation d'activité d'un montant égal à celui de l'indemnité de départ à la retraite prévue par le premier alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail, devenu L. 1237-9 du même code, et calculée sur la base de l'ancienneté acquise au moment de la rupture du contrat de travail, sans préjudice de l'application de dispositions plus favorables prévues en matière d'indemnité de départ à la retraite par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail. Ayant constaté que les salariés avaient été admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité par la caisse régionale d'assurance maladie et qu'ils avaient présenté leur démission, la cour d'appel en a exactement déduit que cette rupture du contrat de travail leur ouvrait droit au versement de l'indemnité de cessation d'activité
7,953
SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 778 FS-B Pourvoi n° M 20-21.411 Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de M. [N]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 25 mai 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JUIN 2022 La société 1 Clic Réception, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 20-21.411 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [L] [N], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la société 1 Clic Réception, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [N], et l'avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 10 septembre 2020), M. [N] a été engagé pour cinq mois en qualité d'employé par la société 1 Clic Réception (la société) suivant contrat à durée déterminée saisonnier du 23 avril 2018. 2. Suite à une altercation survenue le 21 mai 2018 l'ayant opposé au dirigeant de la société, le salarié a été placé en arrêt de travail jusqu'au terme de son contrat. 3. Le 8 juin 2018, il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur et le paiement de diverses indemnités. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée à ses torts exclusifs et ce à la date du 21 mai 2018, alors « qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu à cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur ; qu'en l'espèce, il est constant que le salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que la cour d'appel qui a décidé que la date de la rupture anticipée du contrat de travail était celle du 21 mai 2018, date des faits invoqués à l'appui de la demande de résiliation judiciaire du contrat, sans constater que le contrat avait été rompu par le salarié ou l'employeur et que le salarié n'était plus à la disposition de l'employeur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1243-1, L. 1243-3 et L. 1243-4 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles 1224 et 1227 du code civil : 5. Il résulte de ces textes, qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur. 6. Pour prononcer à la date du 21 mai 2018 la rupture anticipée du contrat à durée déterminée aux torts exclusifs de l'employeur, l'arrêt, par motifs adoptés, constate que le salarié démontre qu'il a subi une atteinte physique de la part de son employeur et qu'un certificat médical, un compte-rendu de passage aux urgences et un arrêt de travail, tous datés du 21 mai 2018 viennent le confirmer. Il retient que commet un manquement grave à ses obligations l'employeur qui porte une atteinte physique ou morale à son salarié et que cette faute grave rend impossible le maintien de la relation contractuelle. 7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt sur le second moyen en application de l'article 625 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 624 du code de procédure civile : 9. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif confirmant la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. Portée et conséquences de la cassation 10. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée liant M. [N] à la société 1 Clic Réception aux torts exclusifs de l'employeur et ce à la date du 21 mai 2018, et condamne la société 1 Clic Réception à verser à M. [N] la somme de 6 673,48 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société 1 Clic Réception PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué confirmatif d'avoir prononcé la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, liant Monsieur [L] [N] à la SAS 1 Clic Réception aux torts exclusifs de l'employeur et ce, à la date du 21 mai 2018 Alors qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu à cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur ; qu'en l'espèce, il est constant que le salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que la Cour d'appel qui a décidé que la date de la rupture anticipée du contrat de travail était celle du 21 mai 2018 , date des faits invoqués à l'appui de la demande de résiliation judiciaire du contrat, sans constater que le contrat avait été rompu par le salarié ou l'employeur et que le salarié n'était plus à la disposition de l'employeur, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1243-1, L. 1243-3 et L. 1243-4 du code du travail SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société 1 Clic Réception à payer à Monsieur [N] une somme de 6673,48 € à titre de dommages et intérêts 1° Alors que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt sur le second moyen en application de l'article 625 du code de procédure civile 2° Alors que de plus, lorsque le salarié n'est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser son salaire sauf disposition conventionnelle ou contractuelle particulière ; qu'il en résulte que le salarié en arrêt maladie jusqu' au terme de son contrat à durée déterminée qui a perçu les indemnités journalières ne saurait bénéficier de l'indemnité égale au montant du salaire jusqu'au terme du contrat, prévue en cas de rupture anticipée du contrat ; que la Cour d'appel qui a décidé que du fait de la rupture anticipée de son contrat, le salarié dont il est constant qu'il a été en arrêt de maladie jusqu'au terme de son contrat, devait obtenir à titre d'indemnité le montant des rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'à la fin de la relation contractuelle, sans que soient déduites les indemnités journalières qu'il avait perçues, a violé l'article L. 1243-4 du code du travail.
Il résulte des articles 1224 et 1227 du code civil qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur. Viole ces dispositions la cour d'appel qui prononce la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée aux torts exclusifs de l'employeur pour faute grave à la date à laquelle avait été commise par celui-ci l'atteinte physique portée au salarié constitutive de cette faute, alors qu'à cette date le contrat n'avait pas été rompu et que le salarié, mis, en raison de l'atteinte subie, en arrêt de travail jusqu'au terme du contrat de travail, était demeuré au service de son employeur
7,954
SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 779 FS-B Pourvoi n° D 21-10.621 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JUIN 2022 La société CGI France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-10.621 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile, sociale), dans le litige l'opposant à M. [K] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. M. [Y] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société CGI France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Y], l'avis écrit de M. [S] et l'avis oral de Mme Rémery, avocats généraux, après débats en l'audience publique du 11 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement 1. La société CGI France, qui avait formé un pourvoi le 18 janvier 2021, a déclaré s'en désister purement et simplement le 31 janvier 2022. 2. M. [Y], qui avait formé un pourvoi incident le 5 juillet 2021, a, le 3 février 2022, pris acte du désistement et maintenu son pourvoi. 3. En l'absence d'acceptation du désistement, il y a lieu de le déclarer non avenu et, en application de l'article 1024 du code de procédure civile, de statuer sur les deux pourvois. Faits et procédure 4. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 17 novembre 2020), M. [Y] a été engagé par la société Unilog, devenue Logica puis CGI France, le 17 juillet 1998 en qualité d'ingénieur de réalisation. 5. Par avenant en date du 21 mars 2012, le salarié a été promu au poste de chargé de projet, niveau 2.2, coefficient 130. A cette occasion, il a été soumis à une convention de forfait en heures à hauteur de 38 heures 30 par semaine prévue par l'article 3.2.2 de l'accord d'entreprise Logica sur la réduction du temps de travail du 30 juin 2008 lequel renvoie aux trois modalités d'organisation du travail prévues par les dispositions de l'accord collectif national du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail attaché à la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec. 6. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin que la convention de forfait en heures lui soit déclarée inopposable et que lui soit alloué un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents. Examen des moyens Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 7. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'heures supplémentaires outre congés payés afférents, alors « que le principe de faveur implique en cas de concours de normes une comparaison entre avantages ayant le même objet ou la même cause ; qu'il ne peut être invoqué lorsque des dispositions conventionnelles viennent compléter les dispositions d'un accord de branche ; que la société CGI France avait précisément rappelé que les dispositions de l'accord d'entreprise du 30 juin 2008 venaient combler les lacunes des dispositions de l'accord collectif du 22 juin 1999 annexé à la convention collective Syntec qui n'avait pas précisé à quelle date la condition relative au PASS devait être appréciée ; qu'en affirmant qu'en ajoutant au texte de l'accord de branche une condition restrictive qui n'y figurait pas, l'accord d'entreprise aurait été moins favorable aux salariés, quand il ne faisait que pallier le silence du premier texte, la cour d'appel a méconnu l'article L. 2253-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 212-15-3 I devenu les articles L. 3121-38 et L. 3121-40 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, l'article 3 du chapitre 2 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, étendu, attaché à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 et l'article 3.2.2 de l'accord sur la réduction et l'aménagement du temps de travail UES Logica du 30 juin 2008 : 8. Selon l'article L. 215-15-3 I devenu l'article L. 3121-40 du code du travail, la conclusion de conventions de forfait en heures sur l'année est prévue par une convention ou un accord collectif de travail étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement. Cette convention prévoit les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'êtres conclues. 9. L'article 3 du chapitre 2 de l'accord du 22 juin 1999 intitulé réalisation de missions dispose que ces modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète. Tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale. De plus, en fonction de l'activité de l'entreprise, un accord d'entreprise doit préciser les conditions dans lesquelles d'autres catégories de personnel peuvent disposer de ces modalités de gestion. 10. Dans un arrêt rendu le 26 mai 2004 (Soc., 26 mai 2004 n° 02-10.723, Bull V n° 144), la Cour de cassation a dit que s'analysent en une convention de forfait en heures assortie de la garantie d'un nombre maximal annuel de jours de travail les dispositions du chapitre 2, article 3, de l'accord qui prévoient, d'une part, une convention horaire sur la base hebdomadaire de trente-huit heures trente avec une rémunération forfaitaire au moins égale à 115 % du salaire minimum conventionnel, d'autre part, un nombre maximum de jours travaillés dans l'année. 11. L'accord Logica sur la réduction et l'aménagement du temps de travail daté du 30 juin 2008, après avoir rappelé en son article 3.2 que les parties signataires reconnaissent l'existence au sein de l'UES de trois modalités d'organisation du temps de travail qui correspondent aux définitions de l'accord national du 22 juin 1999, dispose en son article 3.2.2 que la modalité réalisation de missions s'applique aux salariés non concernés par la modalité standard ou la modalité en autonomie complète. Plus précisément, elle concerne les ingénieurs et cadres relevant a minima de la position 2.2 et du coefficient 130 et au plus du coefficient 170, soit la position 3.1 de la convention collective nationale Syntec, et dont la rémunération au moment de leur affectation dans la modalité est au moins égale au PASS. 12. Pour condamner l'employeur au paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt, après avoir rappelé que, pour l'appréciation du caractère plus ou moins favorable entre deux accords collectifs, il convient de procéder à une comparaison des avantages ayant le même objet ou la même cause eu égard à l'ensemble des intéressés, et non eu égard à l'un d'entre eux en particulier, retient que l'accord collectif de réduction du temps de travail annexé à la convention collective Syntec, à la différence de l'accord collectif d'entreprise, ne précise pas que la condition de rémunération au moins égale au PASS ne s'applique que pour déterminer au départ la catégorie dont relève le salarié. Il estime que l'accord d'entreprise ajoute une condition restrictive, tenant à l'applicabilité dans le temps de ce critère de rémunération plancher, qui n'est pas expressément posée par l'accord de branche. Il ajoute que, plus généralement, l'intégration des salariés à la modalité RM emporte des conséquences dérogatoires au droit commun de la durée légale du travail en ce qu'elle autorise la conclusion d'une convention de forfait hebdomadaire et que l'intérêt du salarié commande de faire une stricte application des possibilités de dérogation à la durée légale du travail, en sorte que favoriser le maintien de la convention de forfait en dépit de la constatation, après l'admission du salarié dans la catégorie RM, de l'infériorité de sa rémunération par rapport au PASS serait contraire à l'intérêt du salarié. Il en déduit que, contrairement à ce que prétend l'employeur, ne serait-ce qu'en ajoutant au texte de l'accord de branche une condition restrictive qui n'y figure pas, l'accord d'entreprise du 30 juin 2008 apparaît moins favorable aux salariés que l'accord de niveau supérieur, ce dont il résulte que l'application de sa clause 3.2.2 susvisée, qui précise que la condition tenant à une rémunération au moins équivalente au PASS s'apprécie au moment de l'affectation dans la modalité RM, doit être écartée. 13. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la définition par l'accord d'entreprise des conditions d'éligibilité au forfait en heures, dérogeant aux règles de calcul de droit commun de la durée du travail, et de leur maintien dans le temps était globalement moins favorable qu'un décompte de la durée du travail selon les règles de droit commun, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation 14. La cassation sur le chef de dispositif critiqué par le moyen, emporte, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif qui déclarent la convention de forfait inopposable au salarié, condamnent l'employeur à remettre un bulletin de salaire conforme à la condamnation, déboutent l'employeur de sa demande de remboursement des jours de réduction du temps de travail, déboutent le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour le préjudice subi, ainsi qu'à supporter la charge des entiers dépens, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare inopposable à M. [Y] la convention de forfait hebdomadaire prévue par l'avenant à son contrat de travail, condamne la société CGI France à verser à M. [Y] la somme de 174,30 euros au titre d'un rappel d'heures supplémentaires outre congés payés afférents ainsi qu'à lui remettre un bulletin de salaire conforme, déboute M. [Y] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice subi, déboute la société CGI France de sa demande en remboursement des jours de réduction du temps de travail, condamne M. [Y] à supporter la charge des entiers dépens, l'arrêt rendu le 17 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société CGI France, demanderesse au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION La société CGI France reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser à M. [Y] les sommes de 174,30 € au titre des heures supplémentaires et de 17,43 € au titre des congés payés afférents. 1/ ALORS QU'un accord collectif d'entreprise, conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004, peut déroger par des clauses moins favorables à une convention collective de niveau supérieur conclue antérieurement à cette date, dès lors que les signataires de cette convention antérieure à la loi en avaient prévu la possibilité; que l'article 1er du chapitre XI de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, annexé à la convention collective Syntec, prévoyait précisément que les accords d'entreprise ou d'établissement pouvaient prévoir des dispositions différentes de celles du présent accord, spécifiques à leur situation particulière ; qu'une telle possibilité qui ne limite pas l'action des partenaires sociaux à la seule amélioration des conditions de travail résultant de la convention collective de branche, les autorise nécessairement à y déroger dans un sens défavorable dès que la loi admet cette possibilité ; qu'en affirmant que l'accord d'entreprise de réduction du temps de travail du 30 juin 2008 ne pouvait déroger à l'accord de branche du 22 juin 1999 annexé à la convention collective Syntec, quand l'article 1er du chapitre 11 dudit accord prévoyait expressément la possibilité d'une telle dérogation, la cour d'appel en a violé les stipulations ; 2/ ALORS QU'aux termes de l'article L. 132-23, devenu L. 2253-2 du code du travail, tel qu'applicable au moment de la conclusion de l'accord ARTT de branche, la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement pouvait comporter des dispositions dérogeant en tout ou partie à celles qui lui étaient applicables en vertu d'une convention ou d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en disposait autrement ; qu'en retenant que sous l'empire des dispositions légales antérieures à la loi du 4 mai 2004, il ne pouvait être dérogé par accord d'entreprise aux stipulations contenues dans les accords de branche, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société CGI France reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser à M. [Y] les sommes de 174,30 € au titre des heures supplémentaires et de 17,43 € au titre des congés payés afférents. 1/ ALORS QUE ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen, par application de l'article 625 du code de procédure civile ; 2/ ALORS (subsidiairement) QUE le principe de faveur implique en cas de concours de norme une comparaison entre avantages ayant le même objet ou la même cause ; qu'il ne peut être invoqué lorsque des dispositions conventionnelles viennent compléter les dispositions d'un accord de branche ; que la société CGI France avait précisément rappelé que les dispositions de l'accord d'entreprise du 30 juin 2008 venaient combler les lacunes des dispositions de l'accord collectif du 22 juin 1999 annexé à la convention collective Syntec qui n'avait pas précisé à quelle date la condition relative au PASS devait être appréciée ; qu'en affirmant qu'en ajoutant au texte de l'accord de branche une condition restrictive qui n'y figurait pas, l'accord d'entreprise aurait été moins favorable aux salariés, quand il ne faisait que palier le silence du premier texte, la cour d'appel a méconnu l'article L. 2253-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ; 3/ ALORS (subsidiairement) QU'aux termes de l'article 3 du chapitre II de l'accord de branche du 22 juin 1999, tel qu'interprété par la Cour de cassation, le bénéfice d'une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale constituait uniquement une condition d'éligibilité du salarié au forfait en heures prévu par l'accord collectif ; qu'en affirmant que cette interprétation jurisprudentielle n'aurait pas été transposable à la situation de M. [Y] puisqu'il revendiquait un rappel d'heures supplémentaires, quand elle s'était prononcée également sur une telle demande, la cour d'appel a violé l'article susvisé ; 4/ ALORS (subsidiairement) QUE la cour d'appel a constaté que selon l'article 3 du chapitre 2 de l'accord collectif de branche du 22 juin 1999, la modalité RM devait trouver à s'appliquer en raison du réel niveau d'autonomie et de reconnaissance des responsabilités confiées au salarié ; qu'en concluant que la suppression ou l'abaissement du niveau de rémunération minimum du salarié aurait pour conséquence qu'il ne relèverait plus de cette modalité quand elle avait elle-même constaté que c'était l'autonomie et le niveau de responsabilité du salarié qui justifiaient le recours à la modalité RM et à une convention de forfait en heures, et non le niveau de sa rémunération, elle a encore violé les dispositions susvisées. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société CGI France reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser à M. [Y] les sommes de 174,30 € au titre des heures supplémentaires et de 17,43 € au titre des congés payés afférents. 1/ ALORS QUE ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier ou le deuxième moyen, par application de l'article 625 du code de procédure civile ; 2/ ALORS (subsidiairement) QUE la cour d'appel a constaté d'une part, que la mention sur les bulletins de salaire d'une durée hebdomadaire de travail équivalente à 38h30 était insuffisante à étayer la demande de M. [Y] au titre des heures supplémentaires, cette mention n'étant qu'une conséquence de la convention de forfait en heures qui est privée d'effet pour cause d'inopposabilité, d'autre part, que sur les cinq années qui composaient la période au titre de laquelle la demande en rappel de salaires était formée, le salarié n'avait versé de décomptes hebdomadaires de son temps de travail que pour trois semaines et qu'enfin il ne fournissait aucun relevé, aucun agenda, ni aucun autre document, de quelque nature qu'il soit, qui permettrait à la cour de considérer qu'il apportait aux débats des éléments suffisamment précis pour que l'employeur puisse utilement répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'elle en a conclu qu'il tentait de s'affranchir des règles de preuve édictées par la cour de cassation en matière de réalisation des heures supplémentaires, lesquelles imposaient en premier lieu au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés ; qu'en faisant néanmoins droit à sa demande, la cour n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article L.3171-4 du code du travail ; 3/ ALORS (subsidiairement) QUE bien que constatant que M. [Y] tentait de s'affranchir des règles de preuve édictées par la cour de cassation en matière de réalisation des heures supplémentaires et que l'employeur n'était tenu de répondre en fournissant ses propres éléments que si des éléments étaient préalablement communiqués par le salarié, la cour d'appel a retenu qu'à défaut de production, spontanée ou enjointe, par la société CGI France, de l'intégralité des relevés horaires, il devait être fait droit à la demande de rappel de salaires présentée par M. [Y] ; qu'en statuant de la sorte, elle a violé de plus fort l'article L. 3171-4 du code du travail. Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [Y], demandeur au pourvoi incident M. [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris quant au montant du rappel de salaire accordé et condamné la société CGI France à lui verser la seule somme de 174,30 euros, outre celle de 17,43 euros au titre des congés payés afférents. ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le salarié présentait, à l'appui de sa demande, un tableau des heures supplémentaires effectuées que l'employeur prétendait inexact, des bulletins de salaire mentionnant 38h30 de travail hebdomadaire, ainsi que des relevés hebdomadaires transmis à l'employeur pour une période de trois semaines faisant apparaître la réalisation de 38h30 de travail hebdomadaire conformément aux indications des bulletins de salaire ; que pour limiter le rappel alloué au titre des heures supplémentaires, la cour d'appel a retenu que le salarié ne fournit aucun relevé, aucun agenda ni aucun autre document permettant de considérer qu'il apporte des éléments suffisamment précis pour que l'employeur puisse utilement répondre, et qu'à défaut de production de l'intégralité des relevés horaires par l'employeur, il ne pouvait être fait droit à la demande qu'au titre de la période pour laquelle le salarié produisait les relevés horaires ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve sur le salarié a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.
Selon l'article L. 215-15-3, I, devenu l'article L. 3121-40, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 , la conclusion de conventions de forfait en heures sur l'année est prévue par une convention ou un accord collectif de travail étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement. Cette convention prévoit les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'êtres conclues. Prive sa décision de base légale l'arrêt qui, après avoir relevé qu'à la différence de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail attaché à la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, l'accord d'entreprise du 30 juin 2008 prévoyait uniquement comme condition d'éligibilité au forfait annuel en heures une rémunération équivalente au plafond de la sécurité sociale à la seule entrée dans le dispositif, retient que ces dispositions sont moins favorables que celles de l'accord de branche, qui prévoit une telle condition tant à l'entrée que pour le maintien dans le dispositif, sans préciser en quoi la définition par l'accord d'entreprise des conditions d'éligibilité au forfait en heures, dérogeant aux règles de calcul de droit commun de la durée du travail, et de leur maintien dans le temps était globalement moins favorable qu'un décompte de la durée du travail selon les règles de droit commun
7,955
CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 536 FS-B Pourvoi n° U 21-10.106 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022 M. [M] [Y] [O], domicilié [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° U 21-10.106 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Bgfi Bank RDC, société anonyme, dont le siège est [Localité 1], Province de [Localité 5], Congo (République démocratique du), 2°/ à la société Bgfi Holding Corporation, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 6] (Gabon), défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [Y] [O], de la SCP Spinosi, avocat de Bgfi Bank RDC et de Bgfi Holding Corporation, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Avel, Hascher, Bruyére, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ et Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2020), M. [Y] [O], de nationalité congolaise, employé en République démocratique du Congo par la société congolaise BGFI Bank RDC, a fui son pays et obtenu en France le statut de réfugié en alléguant avoir subi, de la part de ses supérieurs hiérarchiques, des pressions et des menaces de mort pour le contraindre à participer à l'octroi de crédits dans des conditions illicites. 2. Il a engagé devant les juridictions françaises une action en responsabilité délictuelle contre son ancien employeur et contre la société mère de celui-ci, la société gabonaise BGFI Holding Corporation (les sociétés BGFI). Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. M. [Y] [O] fait grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de grande instance de Créteil incompétent pour connaître du litige l'opposant aux sociétés BGFI, de le renvoyer à mieux se pourvoir et de rejeter toute autre demande, alors « que toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre, contre le défendeur non domicilié sur le territoire d'un État membre, les règles de compétence qui y sont en vigueur ; qu'un réfugié domicilié en France peut donc demander l'application de l'article 14 du code civil à son profit ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ensemble l'article 14 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. Les sociétés BGFI contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent, d'une part, qu'il est nouveau dès lors que l'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit Bruxelles I bis) n'a pas été invoqué devant les juges du fond, d'autre part, qu'il est mélangé de fait dès lors que cette disposition, qui renvoie aux règles nationales de conflit de juridictions lorsque le défendeur n'est pas domicilié dans un Etat de l'Union, n'est applicable que si l'article 21, paragraphe 2, relatif à la compétence en matière de contrat de travail ne l'est pas, ce que la cour d'appel n'a pas recherché. 5. Cependant, l'article 21, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I bis ne fixe les règles de compétence en matière de contrat de travail, lorsque le défendeur n'est pas domicilié dans un Etat de l'Union, que si le travail a été accompli, ou si l'établissement qui a procédé à l'embauche était situé, sur le territoire d'un Etat membre. 6. La cour d'appel ayant relevé, d'une part, que le demandeur était domicilié en France et les sociétés défenderesses, respectivement au Gabon et en République démocratique du Congo, d'autre part, que les faits sur lesquels se fondait la demande s'étaient entièrement déroulés dans ce dernier pays, d'où il se déduisait que le litige n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 21, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit. 7. Il est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 6 du règlement Bruxelles I bis et l'article 14 du code civil : 8. Le premier de ces textes dispose : « 1. Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, paragraphe 1, de l'article 21, paragraphe 2, et des articles 24 et 25. 2. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, paragraphe 1, point a) » 9. Il résulte du second, qui est au nombre des dispositions notifiées à la Commission en application des dispositions précitées, qu'un Français, du seul fait de sa nationalité, a le droit d'attraire un étranger devant une juridiction française de son choix, lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France. 10. Il incombe aux juridictions des États membres d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct du droit de l'Union européenne. 11. Pour refuser à M. [Y] [O] le bénéfice de l'article 14 du code civil et déclarer les juridictions françaises incompétentes, l'arrêt retient que l'égalité de traitement entre nationaux et réfugiés, prévue à l'article 16 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, vise les règles de jouissance des droits et non les règles de compétence judiciaire et ne saurait conduire à étendre la compétence du juge français au détriment de celle du juge étranger résultant du jeu normal des règles de conflit de juridictions. 12. En statuant ainsi, alors que l'article 6, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I bis permet à l'étranger de se prévaloir de l'article 14 du code civil, sous la seule condition qu'il soit domicilié en France et que le défendeur le soit en dehors d'un Etat membre de l'Union européenne, la cour d'appel, à qui il incombait de vérifier l'application de ce dernier texte au regard des dispositions issues de ce règlement, a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 15. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance du juge de la mise en état, qui constate la compétence des juridictions françaises, doit être confirmée. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Créteil du 28 novembre 2019 ; Condamne in solidum la société BGFI Bank RDC SA et la société BGFI Holding Corporation SA aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés BGFI Bank RDC et BGFI Holding Corporation et les condamne in solidum à payer à M. [Y] [O] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour M. [Y] [O] PREMIER MOYEN DE CASSATION Monsieur [M] [Y] [O] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance prononcée par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Créteil en date du 28 novembre 2019, d'avoir déclaré le tribunal de grande instance de Créteil incompétent pour connaître du litige opposant monsieur [Y] [O] à la SA BGFI Holding Corporation et la SA BGFIBank RDC, d'avoir renvoyé monsieur [Y] [O] à mieux se pourvoir et d'avoir rejeté toute autre demande de monsieur [Y] [O] ; 1) Alors qu'en application de l'article 14 du code civil, selon lequel l'étranger même non résidant en France peut être traduit devant les tribunaux de France pour les obligations par lui contractées en pays étrangers envers des Français, et de l'article 16 de la Convention de Genève de 1951 selon lequel, dans l'Etat contractant où il sa résidence habituelle, tout réfugié jouira du même traitement qu'un ressortissant en ce qui concerne l'accès aux tribunaux, un réfugié dont le statut est régi par la convention de Genève du 28 juillet 1951 peut traduire devant un tribunal français un étranger qui a contracté des obligations envers lui dans un pays étranger ; qu'en retenant que l'égalité de traitement entre Français et réfugiés ne concerne pas les règles de compétence judiciaires, la cour d'appel a violé les articles 14 du code civil et 16 de la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dite convention de Genève. 2) Alors que toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre, contre le défendeur non domicilié sur le territoire d'un État membre, les règles de compétence qui y sont en vigueur ; qu'un réfugié domicilié en France peut donc demander l'application de l'article 14 du code civil à son profit ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ensemble l'article 14 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Monsieur [M] [Y] [O] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance prononcée par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Créteil en date du 28 novembre 2019, d'avoir déclaré le tribunal de grande instance de Créteil incompétent pour connaître du litige opposant monsieur [Y] [O] à la SA BGFI Holding Corporation et la SA BGFIBank RDC, d'avoir renvoyé monsieur [Y] [O] à mieux se pourvoir et d'avoir rejeté toute autre demande de monsieur [Y] [O] ; 1) Alors que l'ordre public international s'oppose à ce qu'un défendeur puisse se prévaloir des règles de conflit de juridiction pour décliner la compétence des juridictions françaises dans un différend qui présente un rattachement avec la France et qui a été élevé par un de ses anciens salariés pour rechercher sa responsabilité délictuelle pour des agissements qui s'inscrivent ou sont susceptibles de s'inscrire dans les faits reconnus comme des persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et qui ont donné lieu à l'octroi à l'intéressé du statut de réfugié ; qu'en retenant que le statut de réfugié est sans incidence sur la compétence du juge français pour statuer sur le litige élevé par monsieur [Y] pour rechercher la responsabilité délictuelle des sociétés SA BGFI Holding Corporation et la SA BGFIBank RDC à raison de faits à l'origine de la rupture du contrat de travail et relevant selon l'intéressé des persécutions qui ont justifié l'octroi du statut de réfugié, la cour d'appel a violé l'article 16 de la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2) Alors en tout état de cause qu'il appartient au juge devant lequel le demandeur qui bénéficie du statut de réfugié allègue, afin de justifier la compétence de la juridiction française, l'impossibilité d'accéder à une juridiction de l'Etat où il a subi ou risque de subir les persécutions qui ont justifié l'octroi de ce statut ou d'un Etat tiers à raison des liens existant entre les autorités de cet Etat et les auteurs de ces persécutions, de déterminer, au vu des éléments produits par l'ensemble des parties, si l'une de ces juridictions peut être saisie dans des conditions qui garantissent, en dépit des persécutions ayant justifié l'octroi du statut de réfugié, le caractère équitable d'un procès, et de n'écarter la compétence de la juridiction française que s'il s'est forgé ainsi une conviction quant à l'existence certaine d'un tel accès ; qu'en retenant que la qualité de réfugié de monsieur [Y] aurait été sans incidence sur sa possibilité de saisir des juridictions étrangères, que les articles produits ne sauraient constituer la preuve de son impossibilité de saisir la justice congolaise et gabonaise et qu'il ne peut en être déduit la démonstration concrète d'un manque d'indépendance et d'impartialité certain et avérée des juridictions concernées, la cour d'appel a exigé de la part du bénéficiaire du statut de réfugié qui alléguait de manière circonstanciée une impossibilité d'accéder aux juridictions congolaises et gabonaise en raison des persécutions subies en République démocratique du Congo du fait de son opposition à des pratiques frauduleuses de la filiale congolaise de la banque gabonaise BGFIBank et de leur dénonciation, qu'il administre la preuve certaine qu'il ne pourrait accéder à un juge indépendant et impartial et bénéficier d'un procès équitable ; qu'elle a ainsi violé l'article 16 de la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3) Alors qu'il est de principe que la compétence s'apprécie lors de l'introduction de l'instance ; qu'en outre, selon le principe de perpétuation de la compétence, l'acte introductif d'instance fixe la saisine du tribunal et détermine la compétence pendant la durée de l'instance ; qu'en prenant en compte des éléments de fait postérieurs à la date de l'exploit introductif d'instance du 26 juillet 2018 par monsieur [Y], à savoir des statuts mis à jour au 20 novembre 2018, le départ du Président [J] [D] en 2019 ainsi qu'un extrait du registre du commerce du 28 janvier 2019, pour en déduire que l'impossibilité d'accéder à une juridiction étrangère n'était pas établie, la cour d'appel a violé les principes susmentionnés, ainsi que le principe du déni de justice, ensemble l'article 16 de la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4) Alors qu'en se bornant à constater que le président [D], dont étaient proches l'actionnaire congolais principal de la filiale de la banque et le directeur général de cette dernière, n'était plus au pouvoir, que cet actionnaire ne figurait plus au capital et que ce directeur général ne serait plus en fonction sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 19 et 20) s'il ne résultait pas de la présence des proches de ces personnes au parlement et au sein même du gouvernement et de la circonstance que les manquements frauduleux dont la dénonciation par monsieur [Y] avait été la cause des persécutions ayant justifié l'octroi à l'intéressé du statut de réfugié n'avaient donné lieu à aucune poursuite, la persistance du risque de pression sur la justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 de la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et de l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Monsieur [M] [Y] [O] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance prononcée par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Créteil en date du 28 novembre 2019, d'avoir déclaré le tribunal de grande instance de Créteil incompétent pour connaître du litige opposant monsieur [Y] [O] à la SA BGFI Holding Corporation et la SA BGFIBank RDC, d'avoir renvoyé monsieur [Y] [O] à mieux se pourvoir et d'avoir rejeté toute autre demande de monsieur [Y] [O] ; Alors qu'en refusant d'appliquer au bénéfice d'une personne placée sous le statut de réfugié les règles de compétence permettant aux Français de traduire devant un tribunal français un étranger qui a contracté des obligations envers lui dans un pays étranger, afin de lui permettre d'agir devant une autre juridiction que celle de l'Etat d'origine contre les auteurs des persécutions à l'origine de l'octroi du statut de réfugié, la cour d'appel a porté atteinte à la substance du droit au recours et a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
L'article 6, § 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, dit Bruxelles I bis, permet à l'étranger de se prévaloir de l'article 14 du code civil, sous la seule condition qu'il soit domicilié en France et que le défendeur le soit en dehors d'un Etat membre de l'Union européenne
7,956
CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 537 FS-B Pourvoi n° S 21-50.032 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022 Le procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-50.032 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3 - chambre 5), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [X] [R], 2°/ à Mme [W] [H], épouse [R], domiciliés tous deux [Adresse 5] (Algérie), pris en leur qualité de représentants légaux des enfants [Y] [P] [R] et [E] [R], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [R], et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Avel, Hascher, Bruyére, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ et Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 avril 2021), M. [X] [R], né le 16 juillet 1972 à [Localité 4] (Algérie) a engagé, sur le fondement de l'article 18 du code civil, une action déclaratoire de nationalité française en son nom personnel et en celui de ses enfants mineurs, [Y] [P] et [E] [R] nés à [Localité 4] ([Localité 1], Algérie), respectivement les 26 août 2007 et 30 avril 2010. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens et sur le troisième moyen, en tant qu'il est dirigé contre le chef de l'arrêt qui déclare que M. [X] [R] est français 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deux premiers griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, ni sur le troisième, qui est irrecevable. Sur le troisième moyen, en tant qu'il est dirigé contre le chef de l'arrêt qui déclare que [Y] [P] et [E] [R] sont français Enoncé du moyen 3. Le ministère public fait grief à l'arrêt de dire que [Y] [P] et [E] [R] sont français, alors « qu'en application de l'article 30-3 du code civil, lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve· qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français; que cet article ne distingue pas selon la minorité ou la majorité de l' « individu » auquel il est opposé ; qu'en refusant d'apprécier la situation de [Y] [P] et de [E] [R] au regard de l'article 30-3 du code civil, aux motifs que « les enfants mineurs suivent nécessairement la condition de leur père et ne peuvent se voir opposer, pendant leur minorité, la désuétude de l'article 30-3 du code civil qui n'est pas opposée par le ministère public à leur auteur », la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé les dispositions de l'article 30-3 du code civil. » Réponse de la Cour 4. L'article 30-3 du code civil dispose : « Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français. » 5. Ayant relevé que ces dispositions n'étaient pas opposées à M. [X] [R], dont la nationalité française par filiation était établie, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elles ne pouvaient l'être à ses enfants mineurs, lesquels suivaient la condition du parent dont ils tenaient leur nationalité. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Paris Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris ayant jugé que M. [X] [R] et ses enfants mineurs [Y] [P] [R] et [E] [R] sont de nationalité française : ALORS QU'il résulte de l'article 16 du code de procédure civile que le juge doit, en toutes Circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que le juge ne peut retenir, dans sa décision, les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre en temps utile ; qu'en l'espèce, Monsieur [R], au soutien de conclusions datées du 2 février 2021, jour de la clôture, il communiqué pour la première fois ses pièces numérotées 1 à 91, alors que les pièces n° 56 à 91 l'étaient pour la première fois en cause d'appel et que les pièces n° 63 à 91 ne figuraient pas dans la liste jointe à ses précédentes conclusions communiquées le 12 janvier 2021 ; que le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de report de l'ordonnance de clôture formée par le ministère public à l'audience ; que la cour d'appel a pourtant statué au vu des conclusions de Monsieur [R] du 2 février 2021 et n'a pas écarté les pièces communiquées au soutien de ces conclusions ; qu'en statuant au vu de conclusions et pièces dont le ministère public n'avait pas été à même de débattre, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile; ALORS QUE si l'article 1 d) de la convention franco-algérienne relative à l'exequatur et à l'extradition du 29 août 1964 stipule que les décisions de justice françaises ou algériennes ont autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre Etat, c'est à la condition expresse qu'elles ne soient pas contraires à l'ordre public de l'Etat où elles sont invoquées ; que la preuve par commune renommée, prohibée en droit français pour être fondée sur une simple rumeur, heurte la conception française de l'ordre public international ; qu'en l'espèce, pour établir le lien de . filiation de [G] [R] à1'égard de [O] [D] [R], Monsieur [X] [R] a produit, afin de pallier l'absence d'acte de mariage de [O] [D] [R] et de [C] [I], un jugement, rendu1e3 octobre 2001 par le tribunal de Lakhdaria, qui ''prononce la validation du mariage [contracté en 1888] du nommé [R] [O] [D]avec la nommée[C] [I] et ordonne sa transcription à l'état civil de la commune de [Localité 3]\;fA"; que ·cette décision a été rendue après audition de deux "témoins", non identifiés, "selon les faits et ce dont ils ont entendu parler" ; qu'en considérant que cette décision était opposable en France, alors qu'elle admettait la preuve d'un mariage censé avoir été célébré 113 ans auparavant sur le fondement d'une simple rumeur, en violation de la conception française de l'ordre public de procédure, la cour d'appel a vio1é le texte susvisé ; ALORS QU'en application de l'article 30-3 du code civil, lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve· qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de français ; que cet article ne distingue pas selon la minorité ou la majorité de l'"individu" auquel il est opposé ; qu'en refusant d'apprécier la situation de [Y] [P] [R] et [E] [R] au regard de l'article 30-3 du code civil, aux motifs que "les enfants mineurs suivent nécessairement la condition de leur père et ne peuvent se voir opposer, pendant leur minorité, la désuétude de l'article 30-3 du code civil qui n'est pas opposée par le ministère public à leur auteur", la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé les. dispositions de l'article 30-3 du code civil.
La désuétude de l'article 30-3 du code civil ne peut être opposée à des enfants mineurs si elle ne l'est à leur auteur
7,957
CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 548 F-B Pourvoi n° M 21-10.720 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022 M. [O] [E], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 21-10.720 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [H] [C], domicilié [Adresse 5], 2°/ à la société In Extenso Périgord, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], 3°/ à la société MMA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 4°/ à la société Laurence Diot-Dudreuilh et Anne-Elisabeth Rey, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [E], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [C], de la société In Extenso Périgord, de la société MMA, de la société Laurence Diot-Dudreuilh et Anne Elisabeth Rey, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 30 novembre 2020), M. [D], expert-comptable exerçant au sein de la société In Extenso Périgord (la société), assurée auprès de la société Covea Risk, devenue la société MMA, a proposé à M. [E], qui exploitait en son nom propre un fonds de commerce, un montage juridique lui permettant de céder ce fonds sans être imposé au titre des plus-values. 2. Par acte du 3 avril 2001 reçu par M. [C] (le notaire), notaire associé de la société civile professionnelle Laurence Diot-Dudreuilh et Anne-Elisabeth Rey (la SCP), M. [E] a donné son fonds de commerce en location gérance à la société Xantis, dont il était gérant et associé majoritaire. 3. Le 29 août 2007, l'administration fiscale lui a notifié un redressement d'un montant de 66 960 euros au titre de l'imposition des plus-values. Par arrêt confirmatif du 7 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la demande de M. [E] tendant à faire reconnaître son droit à l'exonération. 4. Les 14 et 23 mars 2016, M. [E] a assigné le notaire, la SCP, la société et son assureur en responsabilité et indemnisation. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. M. [E] fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite, alors « que le délai de prescription de l'action en responsabilité court à compter de la date de réalisation du dommage ou à la date où la victime est en mesure d'agir ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription de l'action contre l'expert-comptable et le notaire à la date où M. [E] avait eu connaissance du redressement fiscal dont il faisait l'objet, après avoir relevé, d'une part, que celui-ci avait contesté cette dette fiscale en introduisant un recours contentieux dont le sort n'avait été définitivement connu que le 7 janvier 2014, date de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant ce recours, et, d'autre part, que l'action avait été introduite dans le courant du mois de mars 2016, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 2224 du code civil : 6. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 7. Pour déclarer l'action de M. [E] prescrite, l'arrêt retient que le délai de prescription a couru à compter de la lettre de redressement reçue le 29 août 2007 par laquelle l'administration fiscale l'a informé que la cession devait faire l'objet d'une imposition au titre des plus-values. 8. En statuant ainsi, alors que le dommage de M. [E] ne s'était réalisé que le 7 janvier 2014, date de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux ayant rejeté son recours et constituant le point de départ du délai de prescription quinquennal, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ; Condamne la société In Extenso Périgord, la société MMA, M. [C] et la société civile professionnelle Laurence Diot-Dudreuilh et Anne-Elisabeth Rey aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. [E] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [E] M. [E] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR constaté la prescription de l'action qu'il a engagée ; ALORS QUE le délai de prescription de l'action en responsabilité court à compter de la date de réalisation du dommage ou à la date où la victime est en mesure d'agir ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription de l'action contre l'expert-comptable et le notaire à la date où M. [E] avait eu connaissance du redressement fiscal dont il faisait l'objet, après avoir relevé, d'une part, que celui-ci avait contesté cette dette fiscale en introduisant un recours contentieux dont le sort n'avait été définitivement connu que le 7 janvier 2014, date de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant ce recours, et, d'autre part, que l'action avait été introduite dans le courant du mois de mars 2016, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2224 du code civil.
La prescription de l'action en responsabilité et indemnisation contre le professionnel du droit pour manquement à son devoir de conseil en matière fiscale court à compter de la décision qui condamne définitivement à un redressement fiscal
7,958
CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 550 F-B Pourvoi n° C 21-15.082 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022 1°/ M. [B] [M], domicilié [Adresse 4], 2°/ Mme [R] [M], épouse [V], domiciliée [Adresse 3], 3°/ M. [C] [M], domicilié [Adresse 5], 4°/ Mme [D] [M], domiciliée [Adresse 1], 5°/ Mme [L] [M], 6°/ M. [Z] [M], tous deux domiciliés [Adresse 8], venant aux droits de leur père [H] [M], décédé, agissant tous six en qualité d'héritiers de [E] [M], décédée, 7°/ M. [Y] [G], domicilié [Adresse 7], pris en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [B] [M], ont formé le pourvoi n° C 21-15.082 contre l'arrêt rendu le 12 février 2021 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige les opposant à la société CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de MM. [B], [C] et [Z] [M], de Mmes [R], [D] et [L] [M] et de M. [G], ès qualités, de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société CIC Ouest, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 février 2021), le 16 juillet 2009, la société CIC Ouest (la banque) a consenti à M. [B] [M], pour les besoins de son activité professionnelle d'architecte, un prêt de 180 000 euros remboursable en 84 mensualités au taux de 5,44 % l'an. [E] [M], son épouse, est intervenue en qualité de co-emprunteur. 2. A la suite de plusieurs échéances impayées, après mises en demeure et déchéance du terme, la banque a assigné en paiement [E] [M]. 3. [E] [M] est décédée le [Date décès 6] 2014 en laissant pour lui succéder son époux et ses enfants, [C], [Z], [R], [D] et [L] (les consorts [M]), qui ont repris l'instance en leur qualité d'héritiers. 4. M. [M] a été placé en liquidation judiciaire et M. [G] est intervenu volontairement à l'instance en qualité de liquidateur judiciaire. 5. En appel, la banque a demandé à ce que sa créance soit fixée à hauteur d'une certaine somme à la liquidation judiciaire de M. [B] [M]. 6. Les consorts [M] et M. [G], ès qualités, ont formé une demande reconventionnelle contre la banque. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Les consorts [M] et M. [G] ès qualités font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la banque les sommes de 133 376,40 euros au titre du capital restant dû et de 18 070,36 euros au titre des échéances impayées échues du 15 février 2011 au 15 août 2011, et de fixer la créance de la banque au passif de la liquidation judiciaire de M. [B] [M] à ces sommes, alors « que le prêt consenti par un professionnel du crédit n'étant pas un contrat réel, c'est dans l'obligation souscrite par le prêteur que l'obligation de l'emprunteur trouve sa cause, dont l'existence, comme l'exactitude, doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat ; qu'après avoir constaté que [E] [M] était un tiers à l'entreprise de son époux, dont elle était séparée de biens, et que les fonds avaient une destination purement professionnelle, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, retenir que l'obligation de restitution de [E] [M] trouve sa cause dans la remise des fonds, qu'en sa qualité de co-emprunteur, elle a sollicitée avec son époux. » Réponse de la Cour Vu l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 8. Il ressort de ce texte que, le prêt consenti par un professionnel du crédit n'étant pas un contrat réel, c'est dans l'obligation souscrite par le prêteur que l'obligation de l'emprunteur trouve sa cause, dont l'existence, comme l'exactitude, doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat. 9. Pour rejeter la demande tendant à l'annulation du prêt à l'égard de [E] [M] pour absence de cause, l'arrêt retient que le fait que celle-ci soit un tiers à l'entreprise de son époux et que les fonds aient une destination professionnelle importent peu dès lors que son obligation de restitution trouve sa cause dans la remise des fonds, qu'en sa qualité de co-emprunteur, elle a sollicitée avec son époux, et qui constitue la raison immédiate les ayant conduit à souscrire le prêt. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de fixer la créance de la banque au passif de la liquidation judiciaire de M. [B] [M], la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiqués par ce moyen. 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt qui condamnent les consorts [M] à payer à la banque les sommes de 133 376,40 euros au titre du capital restant dû et de 18 070,36 euros au titre des échéances impayées échues du 15 février 2011 au 15 août 2011 entraîne la cassation du chef de dispositif qui condamne cette dernière à leur payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la déchéance partielle du droit aux intérêts, qui s'y rattache par un lien d'indivisibilité. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il fixe la créance de la société Banque CIC Ouest au passif de la liquidation judiciaire de M. [B] [M] à la somme de 133 376,40 euros au titre du capital restant dû, outre celle de 18 070,36 euros au titre des échéances impayées échues du 15 février 2011 au 15 août 2011, condamne la société Banque CIC Ouest à payer à M. [G], ès qualités, la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts et ordonne la compensation réciproque des sommes dues, l'arrêt rendu le 12 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ; Condamne la société CIC Ouest aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CIC Ouest et la condamne à payer à MM. [C] et [Z] [M], ainsi qu'à Mmes [R], [D] et [L] [M], la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour MM. [C] et [Z] [M] et Mmes [R], [D] et [L] [M]. Les consorts [M] et Me [G], ès qualité, font grief à l'arrêt attaqué DE LES AVOIR condamnés à payer à la Banque CIC Ouest la somme de 133 376,40 € au titre du capital restant dû, outre 18 070,36 € au titre des échéances impayées échues du 15 février 2011 au 15 août 2011 et D'AVOIR fixé la créance de la Banque CIC Ouest au passif de la liquidation judiciaire de M. [B] [M] à cette somme ; ALORS QUE le prêt consenti par un professionnel du crédit n'étant pas un contrat réel, c'est dans l'obligation souscrite par le prêteur que l'obligation de l'emprunteur trouve sa cause, dont l'existence, comme l'exactitude, doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat ; qu'après avoir constaté que [E] [M] était un tiers à l'entreprise de son époux, dont elle était séparée de biens, et que les fonds avaient une destination purement professionnelle, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, retenir que son obligation de restitution de [E] [M] trouve sa cause dans la remise des fonds, qu'en sa qualité de co-emprunteur, elle a sollicitée avec son époux.
Il ressort de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le prêt consenti par un professionnel du crédit n'est pas un contrat réel, de sorte que c'est dans l'obligation souscrite par le prêteur que l'obligation de l'emprunteur trouve sa cause, dont l'existence, comme l'exactitude, doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat. Viole ce texte la cour d'appel qui, pour rejeter la demande d'annulation d'un prêt formée une épouse co-emprunteuse, retient que le fait qu'elle soit un tiers à l'entreprise de son mari et que les fonds aient une destination professionnelle importent peu dès lors que son obligation de restitution trouve sa cause dans la remise des fonds
7,959
CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 552 F-B Pourvoi n° R 21-11.690 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022 La Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-11.690 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [J] [I], domiciliée [Adresse 3], 2°/ au Fonds commun de titrisation Castanea, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, représenté par la société MCS et associés et venant aux droits de la Société générale en vertu d'un bordereau de cession de créances en date du 3 août 2020, 3°/ à la société MCS et associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de représentant du Fonds commun de titrisation Castanea, venant au droits de la Société générale, défendeurs à la cassation. Mme [I] a formé un pourvoi incident et provoqué contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, de la SCP Boullez, avocat de Mme [I], de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat du Fonds commun de titrisation Castanea et de la société MCS et associés, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 novembre 2020), suivant offres acceptées le 26 octobre 2009, M. [X] et Mme [I] (les coemprunteurs) ont souscrit plusieurs prêts auprès de la Société générale (la banque) afin de financer une acquisition immobilière par M. [X]. 2. Des échéances étant demeurées impayées, la banque a assigné les coemprunteurs en paiement. Mme [I] a sollicité, à titre reconventionnel, des dommages-intérêts pour manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde. 3. Le 3 août 2020, au cours de l'instance d'appel, la banque a cédé sa créance au fonds commun de titrisation Castanea. Recevabilité du pourvoi contestée par la défense 4. Mme [I] conteste la recevabilité du pourvoi. Elle soutient, d'une part, que, par l'effet de la cession de créance, la banque ne justifie ni d'un intérêt, ni d'une qualité pour former un pourvoi en cassation contre une décision qui concerne une créance dont elle n'est plus titulaire, d'autre part, que la compensation légale intervenue entre la créance de la banque et la sienne a emporté l'extinction simultanée des obligations réciproques, de sorte qu'elle ne reste plus débitrice que d'un reliquat cédé au fonds commun de titrisation Castanea, venant aux droits de la banque, qui ne justifie plus d'un intérêt, ni d'une qualité lui permettant de former un pourvoi. 5. Cependant, selon l'article 609 du code de procédure civile, en matière contentieuse, le pourvoi est recevable si son auteur était partie devant les juges du fond dont la décision est attaquée. 6. Il en résulte que, nonobstant la cession de sa créance résultant des prêts intervenue en cours d'instance, la banque est recevable à former un pourvoi en cassation contre l'arrêt qui la condamne à payer à Mme [I] une certaine somme en raison d'un manquement à son devoir de mise en garde à l'occasion de l'octroi de ces prêts, peu important que celle-ci, si elle n'a pas accepté la cession de créance, puisse opposer au cessionnaire la compensation avec cette créance connexe à l'égard du cédant. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident, qui est préalable Enoncé du moyen 7. Mme [I] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de mise hors de cause et de la condamner solidairement avec M. [X] à payer à la banque le solde des prêts, alors : « 1°/ que l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ; qu'il s'ensuit qu'en l'état d'un prêt souscrit par plusieurs emprunteurs en vue de l'acquisition d'un bien, celui qui s'abstient d'acheter n'est pas engagé par le prêt qui est considéré comme résolu à son égard ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme [I] n'ait pas conclu le contrat de vente en considération duquel elle avait contracté un emprunt avec M. [X] qui s'est seul porté acquéreur du terrain et a seul fait construire une maison sur les seuls deniers prêtés par la banque ; qu'en considérant cependant que Mme [I] n'était pas fondée à soutenir que le prêt était résolu, dès lors que l'opération principal avait été finalement réalisé par son compagnon qui était l'un des deux coemprunteurs, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 312-12 devenu l'article L. 313-36 du code de la consommation ; 2°/ que l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ; qu'il s'ensuit qu'en l'état d'un prêt souscrit par plusieurs emprunteurs en vue de l'acquisition d'un bien, celui qui s'abstient d'acheter n'est pas engagé par le prêt qui est considéré comme résolu à son égard, peu important que la résolution du prêt à l'égard d'un seul des coemprunteurs modifie l'équilibre économique de l'opération en réduisant le nombre de coobligés à la dette ; qu'en refusant de constater la résolution du prêt à l'égard de Mme [I] pour la seule raison que l'équilibre économique de l'opération serait modifié à l'égard de la banque et créerait un aléa incompatible avec l'application des règles d'ordre public prises en faveur des particuliers emprunteurs, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation de l'ancien article L. 312-12 devenu l'article L. 313-36 du code de la consommation ; 3°/ que l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ; qu'il ne peut être fait échec à ce principe qu'en cas de renonciation de l'emprunteur à se prévaloir de cette règle, laquelle ne peut résulter que d'un acte positif de nature à la caractériser sans équivoque ; que la juridiction du second degré a retenu, par adoption des motifs du jugement entrepris, que Mme [I] aurait implicitement mais nécessairement renoncé à la résolution de l'offre de prêt pour avoir été convoquée et participé aux réunions d'expertise, pour avoir épousé M. [X] sous le régime de la séparation de biens, en présence d'un notaire qui les a nécessairement conseillés, et parce que les échéances du remboursement du prêt avaient été honorés jusqu'au 7 mai 2013 ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser des actes positifs de nature à caractériser sans équivoque la volonté de l'emprunteur de renoncer à se prévaloir de l'interdépendance des contrats de vente et de prêts, quand à défaut de conclusion de l'acte de vente par Mme [I] et de réalisation par ses soins de l'opération de construction pour lesquelles le prêt a été conclu, l'offre de prêt était résolue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'ancien article L. 312-12 devenu l'article L. 313-36 du code de la consommation ;» 4°/ que l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ; qu'il ne peut être fait échec à ce principe qu'en cas de renonciation de l'emprunteur à se prévaloir de cette règle, laquelle ne peut résulter que d'un acte positif de nature à la caractériser sans équivoque ; que Mme [I] a soutenu dans ses conclusions, qu'elle ne s'était pas acquittée des échéances du contrat de prêt mais qu'il ressort des stipulations du contrat de prêt que les échéances étaient prélevées sur le compte de M. [X] ; qu'en retenant, par adoption des motifs du jugement entrepris, que Mme [I] aurait implicitement mais nécessairement renoncé à la résolution de l'offre de prêt dès lors que les échéances du remboursement du prêt avaient été honorées jusqu'au 7 mai 2013, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les paiements provenaient d'elle plutôt que de son compagnon, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser des actes positifs de nature à caractériser sans équivoque la volonté de l'emprunteur de renoncer à se prévaloir de l'interdépendance des contrats de vente et de prêts ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'ancien article L. 312-12 devenu l'article L. 313-36 du code de la consommation. » Réponse de la Cour 8. Il résulte de l'article L. 312-12 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-31 du 14 mars 2016, que, lorsque les coemprunteurs souscrivent un emprunt en vue de l'acquisition d'un immeuble et que cette acquisition se réalise dans les quatre mois, la condition résolutoire ne peut produire effet, peu important qu'un seul des emprunteurs ait procédé à cette acquisition. 9. Après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que le bien en vue desquels les prêts avaient été consentis avait été acquis le 2 novembre 2009 par M. [X], la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la condition résolutoire ne s'était pas réalisée. 10. Le moyen, inopérant en ses deuxième à quatrième branches, qui critiquent des motifs surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus. Mais sur le moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 11. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts à l'égard d'un des coemprunteurs, alors « que lorsqu'un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales de ces emprunteurs, peu important que ces derniers soient ou non mariés ; qu'en jugeant que pour apprécier l'existence d'un risque d'endettement excessif qui serait né pour Mme [I] de l'octroi par la banque de deux prêts immobiliers à cette dernière et à M. [X] en octobre 2009, il convenait d'examiner les ressources et charges de Mme [I] seule puisque les emprunteurs n'étaient pas mariés, et en déduisant le manquement de la banque à son devoir de mise en garde de la disproportion entre la charge des crédits et les ressources de Mme [I], sans prendre en compte l'ensemble des biens et revenus des coemprunteurs lors de l'octroi des prêts, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1231-1 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 12. Mme [I] conteste la recevabilité du moyen. Elle fait valoir que la banque n'a pas exposé que le risque d'endettement excessif devait être apprécié au regard des capacités de remboursement globales de coemprunteurs solidaires. 13. Cependant, dans ses conclusions d'appel, la banque a soutenu avoir demandé les pièces justificatives des coemprunteurs afin d'apprécier le risque d'endettement excessif en considération de la globalité de leurs revenus et charges. 14. Le moyen, qui n'est donc pas nouveau, est par conséquent recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 15. Selon ce texte, lorsqu'un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales de ces coemprunteurs. 16. Pour condamner la banque à payer à Mme [I] des dommages-intérêts, l'arrêt, après avoir énoncé qu'il appartenait à la banque d'examiner les ressources et charges de celle-ci, puisque les emprunteurs n'étaient pas mariés, retient que les échéances des deux prêts souscrits représentaient, pour la première année d'amortissement, 68 % de ses revenus, qu'il existait un risque d'endettement et que la banque ne démontre pas avoir exécuté son devoir de mise en garde. 17. En statuant ainsi, sans prendre en compte l'ensemble des biens et revenus des coemprunteurs lors de l'octroi des prêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Demande de mise hors de cause 18. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause le Fonds commun de titrisation Castanea dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Société générale à payer des dommages-intérêts à Mme [I], l'arrêt rendu le 26 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ; Met hors de cause le Fonds commun de titrisation Castanea ; Condamne Mme [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société générale, demanderesse au pourvoi principal. La SOCIETE GENERALE fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, de l'AVOIR condamnée à payer à Madame [J] [I] la somme de 400.000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice, ALORS QUE lorsqu'un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales de ces emprunteurs, peu important que ces derniers soient ou non mariés ; qu'en jugeant que pour apprécier l'existence d'un risque d'endettement excessif qui serait né pour Madame [I] de l'octroi par la SOCIETE GENERALE de deux prêts immobiliers à cette dernière et à Monsieur [K] [X] en octobre 2009, il convenait d'examiner les ressources et charges de Madame [I] seule puisque les emprunteurs n'étaient pas mariés, et en déduisant le manquement de la banque à son devoir de mise en garde de la disproportion entre la charge des crédits et les ressources de Madame [I], sans prendre en compte l'ensemble des biens et revenus des co-emprunteurs lors de l'octroi des prêts, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 (nouvel article 1231-1 du code civil). Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour Mme [I], demanderesse au pourvoi incident et provoqué. Mme [I], par son pourvoi incident et provoqué fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté la demande de mise hors de cause qu'elle avait formée et DE l'AVOIR condamné, solidairement avec M. [K] [X], à payer à la SOCIETE GENERALE les sommes de : - 310.405,41 € (trois cent dix mille quatre cent cinq euros et quarante et un centimes) assortie des intérêts au taux de 2.15 % l'an à compter du 26 novembre 2013 ; - 15.000 € (quinze mille euros) assortie des intérêts au taux légal à compter de ce jour ; - 78.217,18 € (soixante-dix-huit mille deux cent dix euros et dix-huit centimes) assortie des intérêts au taux de 2.27 % l'an à compter du 26 novembre 2013, - 4.700,18 € (quatre mille sept cents euros et dix-huit centimes) assortie des intérêts au taux légal à compter de ce jour. 1. ALORS QUE l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ; qu'il s'ensuit qu'en l'état d'un prêt souscrit par plusieurs emprunteurs en vue de l'acquisition d'un bien, celui qui s'abstient d'acheter n'est pas engagé par le prêt qui est considéré comme résolu à son égard ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme [I] n'ait pas conclu le contrat de vente en considération duquel elle avait contracté un emprunt avec M. [X] qui s'est seul porté acquéreur du terrain et a seul fait construire une maison sur les seuls deniers prêtés par la banque ; qu'en considérant cependant que Mme [I] n'était pas fondée à soutenir que le prêt était résolu, dès lors que l'opération principal avait été finalement réalisé par son compagnon qui était l'un des deux co-emprunteurs, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 312-12 devenu l'article L 313-36 du code de la consommation ; 2. ALORS QUE l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ; qu'il s'ensuit qu'en l'état d'un prêt souscrit par plusieurs emprunteurs en vue de l'acquisition d'un bien, celui qui s'abstient d'acheter n'est pas engagé par le prêt qui est considéré comme résolu à son égard, peu important que la résolution du prêt à l'égard d'un seul des co-emprunteurs modifie l'équilibre économique de l'opération en réduisant le nombre de co-obligés à la dette ; qu'en refusant de constater la résolution du prêt à l'égard de Mme [I] pour la seule raison que l'équilibre économique de l'opération serait modifié à l'égard de la banque et créerait un aléa incompatible avec l'application des règles d'ordre public prises en faveur des particuliers emprunteurs, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation de l'ancien article L. 312-12 devenu l'article L 313-36 du code de la consommation ; 3. ALORS QUE l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ; qu'il ne peut être fait échec à ce principe qu'en cas de renonciation de l'emprunteur à se prévaloir de cette règle, laquelle ne peut résulter que d'un acte positif de nature à la caractériser sans équivoque ; que la juridiction du second degré a retenu, par adoption des motifs du jugement entrepris, que Mme [I] aurait implicitement mais nécessairement renoncé à la résolution de l'offre de prêt pour avoir été convoqué et participé aux réunions d'expertise, pour avoir épousé M. [X] sous le régime de la séparation de biens, en présence d'un notaire qui les a nécessairement conseillés, et parce que les échéances du remboursement du prêt avaient été honorés jusqu'au 7 mai 2013 ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser des actes positifs de nature à caractériser sans équivoque la volonté de l'emprunteur de renoncer à se prévaloir de l'interdépendance des contrats de vente et de prêts, quand à défaut de conclusion de l'acte de vente par Mme [I] et de réalisation par ses soins de l'opération de construction pour lesquelles le prêt a été conclu, l'offre de prêt était résolue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'ancien article L. 312-12 devenu l'article L. 313-36 du code de la consommation ; 4. ALORS QUE l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ; qu'il ne peut être fait échec à ce principe qu'en cas de renonciation de l'emprunteur à se prévaloir de cette règle, laquelle ne peut résulter que d'un acte positif de nature à la caractériser sans équivoque ; que Mme [I] a soutenu dans ses conclusions, qu'elle ne s'était pas acquittée des échéances du contrat de prêt mais qu'il ressort des stipulations du contrat de prêt que les échéances étaient prélevées sur le compte de M. [X] ; qu'en retenant, par adoption des motifs du jugement entrepris, que Mme [I] aurait implicitement mais nécessairement renoncé à la résolution de l'offre de prêt dès lors que les échéances du remboursement du prêt avaient été honorés jusqu'au 7 mai 2013, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les paiements provenaient d'elle plutôt que de son compagnon, la Cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser des actes positifs de nature à caractériser sans équivoque la volonté de l'emprunteur de renoncer à se prévaloir de l'interdépendance des contrats de vente et de prêts ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'ancien article L. 312-12 devenu l'article L 313-36 du code de la consommation.
Il résulte de l'article L. 312-12 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-31 du 14 mars 2016, que, lorsque les coemprunteurs souscrivent un emprunt en vue de l'acquisition d'un immeuble et que cette acquisition se réalise dans les quatre mois, la condition résolutoire ne peut produire effet, peu important qu'un seul des emprunteurs ait procédé à cette acquisition
7,960
CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 557 F-B Pourvoi n° B 20-18.136 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022 1°/ M. [D] [S], 2°/ Mme [T] [J], épouse [S], tous deux domiciliés [Adresse 4], ont formé le pourvoi n° B 20-18.136 contre l'arrêt rendu le 2 juin 2020 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [V] [L], domicilié [Adresse 3], 2°/ à Mme [G] [Z], veuve [O], domiciliée [Adresse 1], 3°/ à la société Office notarial du Val d'[Localité 2], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], 4°/ au syndicat des copropriétaires Les Chalets de [Adresse 5], dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. et Mme [S], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [L] et de Mme [Z], veuve [O], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Office notarial du Val d'[Localité 2], après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 2 juin 2020), par actes du 17 août 2007, M. [M], notaire associé de la société Office notarial du Val d'[Localité 2] (la société notariale), a reçu, à la demande de la société civile immobilière [Adresse 5] (la SCI), le règlement de copropriété et l'état descriptif de division d'une copropriété dénommée « l'ensemble immobilier [Adresse 5] », constituée de deux lots, correspondant à deux superficies matérialisées en vert et en jaune sur un plan annexé aux actes, chacun des deux lots comprenant un chalet et un jardin privatif, l'accès commun à la voie publique constituant une partie commune. 2. Par acte du même jour, la SCI a vendu à Mme [U] le lot de copropriété supportant le chalet n° 2, ensuite acquis, selon acte du 9 juillet 2010 reçu par M. [M], par M. et Mme [S]. 3. Par acte du 23 décembre 2008, la SCI a vendu à son gérant, M. [L], le lot de copropriété supportant le chalet n° 1. 4. Le 8 juillet 2013, soutenant que l'accès à la voie publique n'avait pas été réalisé à l'emplacement matérialisé sur le plan annexé à l'état descriptif de division correspondant à la partie commune et qu'il empiétait sur leur jardin privatif, M. et Mme [S] ont assigné le syndicat des copropriétaires [Adresse 5] (le syndicat des copropriétaires), M. [L] et Mme [Z], venant aux droits de la SCI, entre-temps dissoute et liquidée, et M. [L], en ses qualités d'ex-gérant de la SCI et de copropriétaire, ainsi que la société notariale en substitution d'un régime de pleine propriété au régime de la copropriété, en interdiction à M. [L] de tout passage sur leur lot et en indemnisation de leurs préjudices. Examen des moyens Sur le quatrième moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 6. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites leurs demandes en responsabilité et indemnisation contre la société notariale au titre de l'atteinte à leurs droits de propriété, alors : « 1°/ que pour dire prescrites les demandes de M. et Mme [S] concernant la réparation des conséquences de l'atteinte à leurs droits de propriété, la cour d'appel retient que ce dommage, résultant d'une faute du notaire, s'est nécessairement manifesté au jour de la réception le 17 août 2007 des actes constitutifs de la copropriété et de la vente à Mme [U], puisque c'est à cette date que la situation a été créée et que Mme [U] en a eu une connaissance qui lui permettait d'agir ; que la vente à M. et Mme [S] en 2010, n'a fait que rappeler les circonstances de la première vente intervenue au profit de Mme [U] et [ne] peut avoir joué aucun rôle ; qu'en statuant ainsi cependant que M. et Mme [S] agissaient en vertu de leur droit propre à l'encontre du notaire à qui ils reprochaient en outre d'avoir commis des fautes dans le cadre de la vente du bien intervenue en 2010 entre eux-mêmes et Mme [U] à l'origine de leur préjudice, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; 3°/ que pour dire prescrites les demandes des époux [S] concernant la réparation des conséquences de l'atteinte à leurs droits de propriété, la cour d'appel retient encore que « de plus », il n'est pas contesté que le compromis de vente signé le 11 mars 2010 comprenait en annexe le plan annexé à l'état descriptif de division, révélant de manière très claire que l'accès visible sur le terrain était différent du plan, avant d'en déduire que par l'effet de la loi du 19 juin 2008 [en réalité 17 juin 2008], le délai pour agir expirait le 19 juin 2013 ; qu'en statuant ainsi, quand à supposer même que le plan annexé au compromis de vente eût permis de déterminer clairement les limites parcellaires du lot acquis, il résulte de ces énonciations que l'action en responsabilité engagée à l'encontre du notaire par acte du 8 juillet 2013, soit moins de cinq ans après la signature dudit compromis de vente, n'était pas prescrite, la cour d'appel a en toute hypothèse omis de tirer les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. » Réponse de la Cour Vu l'article 2224 du code civil : 7. Selon ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 8. Pour déclarer l'action contre la société notariale irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient que le dommage tiré de l'atteinte au droit réel immobilier s'est nécessairement manifesté le 17 août 2007, lors de la réception des actes constitutifs de la copropriété et de la vente à Mme [U], laquelle avait connaissance de la situation créée lui permettant d'agir. 9. En se déterminant ainsi, alors que M. et Mme [S], qui invoquaient un droit propre, ne pouvaient avoir eu connaissance du fait leur permettant d'agir avant leur acquisition en 2010, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Sur le deuxième moyen, pris en ses quatrième et neuvième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de M. et Mme [S] en annulation du plan de division, tendant à faire constater l'inexistence de la copropriété, à l'attribution de la parcelle n° 2 en pleine propriété et en responsabilité contre la SCI et M. [L] Enoncé du moyen 10. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors : « 4°/ qu'en retenant qu'il importait peu que le plan annexé à l'état descriptif de division eût été réalisé par un géomètre-expert ou non, cependant qu'il ressort des articles 1 et 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, modifiée, que seuls les géomètres-experts peuvent dresser les plans de division des biens fonciers, la cour d'appel en a violé par refus d'application les dispositions ; 9°/ qu'en statuant par ces motifs, cependant qu'il ressort des articles 1 et 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, modifiée, que seuls les géomètres-experts peuvent dresser les plans de division des biens fonciers, la cour d'appel en a violé par refus d'application les dispositions. » Réponse de la Cour Vu les articles 1, 1°, et 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres-experts, dans leur rédaction issue de la loi n° 87-998 du 15 décembre 1987 visant à garantir le libre exercice de la profession de géomètre-expert : 11. Il résulte de ces textes que seuls les géomètres-experts inscrits à leur ordre peuvent réaliser les études et les travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers. A ce titre, ils lèvent et dressent, à toutes échelles et sous quelque forme que ce soit, les plans et documents topographiques concernant la définition des droits attachés à la propriété foncière, tels que les plans de division, de partage, de vente et d'échange des biens fonciers, les plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière. 12. Pour rejeter les demandes de M. et Mme [S], l'arrêt retient que le plan annexé aux actes de la copropriété est régulier et s'impose aux copropriétaires successifs, peu important que ce plan n'ait pas été réalisé par un géomètre-expert. 13. En statuant ainsi, alors que le plan annexé aux actes de copropriété délimitait les droits fonciers des copropriétaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Sur le deuxième moyen, pris en sa onzième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de M. et Mme [S] en réparation du préjudice subi du fait de l'empiétement réalisé par l'enrochement édifié sur leur parcelle Enoncé du moyen 14. M. et Mme [S] font le même grief à l'arrêt, alors « que pour rejeter leur demande en réparation du préjudice subi du fait de l'empiétement réalisé par l'enrochement édifié sur la parcelle n° 2, la cour d'appel retient que dans les circonstances particulières où il n'est pas justifié que Mme [U] se serait opposée aux travaux et se serait plainte d'une absence d'autorisation du syndicat des copropriétaires et où le syndicat des copropriétaires était seulement composé de Mme [U] et de la SCI, il ne peut être considéré que ces aménagements réalisés en 2008 soient fautifs sur le plan contractuel (violation du règlement de copropriété) à l'égard de Mme [U] qui doit être présumée avoir donné son accord tacite compte tenu de l'ampleur des travaux ; qu'en relevant d'office le moyen tiré d'un tel accord tacite sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile ; Réponse de la Cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 15. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. 16. Pour rejeter la demande en réparation du préjudice subi du fait de l'empiétement réalisé par l'enrochement édifié sur la parcelle n° 2, après avoir relevé que la copropriété était composée uniquement de M. [L] et de Mme [U], l'arrêt retient que celle-ci, qui était déjà en possession de son lot lors de la mise en place de cet enrochement, devait être présumée avoir donné son accord tacite compte tenu de l'ampleur des travaux et de la réalisation de l'accès, de sorte que les aménagements réalisés en 2008 ne constituaient pas une violation du règlement de copropriété. 17. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office et tiré d'un accord tacite de Mme [U] pour la réalisation des travaux d'enrochement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Sur le deuxième moyen, pris en sa douzième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'indemnité en raison du passage de M. [L] sur le lot de M. et Mme [S] Enoncé du moyen 18. M. et Mme [S] font le même grief à l'arrêt, alors « que pour infirmer le jugement entrepris et débouter les époux [S] de leur demande indemnitaire à l'encontre de M. [L] à raison du passage par celui-ci sur leur lot, la cour d'appel, après avoir constaté que ni les actes de copropriété, ni les actes de vente ne comportent de droit de passage au profit du lot de M. [L], retient que le préjudice est inexistant dès lors que les époux [S] ont acquis leur lot de copropriété alors que les lieux étaient en l'état, sans imaginer alors l'existence d'un passage irrégulier de la part de M. [L] et qu'ils se sont déterminés en fonction du bien tel qu'ils l'ont vu ; qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions des époux [S], dans lesquelles ils faisaient valoir qu'ils avaient été victimes de la mauvaise foi de M. [L] qui leur avait dissimulé les limites réelles de leur lot, non seulement à l'aide de plans faux, mais allant jusqu'à feindre de les aider à rechercher les limites du terrain sur le fonds du voisin aval, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 17. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 18. Pour rejeter les demandes de M. et Mme [S], l'arrêt retient encore que ceux-ci ne subissent pas de préjudice dès lors qu'ils ont acquis leur lot de copropriété en l'état, sans imaginer alors l'existence d'un passage irrégulier de la part de M. [L] et qu'ils se sont déterminés en fonction du bien tel qu'ils l'ont vu. 19. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. et Mme [S] soutenant avoir été victimes de la mauvaise foi de M. [L] qui leur avait dissimulé les limites réelles de leur lot, non seulement à l'aide de plans faux, mais allant jusqu'à feindre de les aider à rechercher les limites du terrain sur le fonds du voisin aval, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Sur le deuxième moyen, pris en sa treizième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'indemnité en raison du passage de M. [L] sur le lot de M. et Mme [S] Enoncé du moyen 20. M. et Mme [S] font le même grief à l'arrêt, alors « que la cour d'appel retient encore qu'ils n'ont pas été privés en totalité de la jouissance de la partie de ce même chemin ; qu'en statuant par ce motif impropre à exclure tout préjudice en relation avec la privation de jouissance, même partielle, subie par les époux [S], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 21. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 22. Pour rejeter la demande en réparation du fait du passage de M. [L] sur leur lot, l'arrêt retient encore que M. et Mme [S] n'ont pas été privés en totalité de la jouissance du chemin. 23. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'absence de préjudice subi par M. et Mme [S] résultant du passage de M. [L] sur leur lot, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 24. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt de rejeter la demande formée contre la société notariale en réparation du préjudice résultant du passage de M. [L], alors « que pour rejeter leur demande formée à l'encontre du notaire en indemnisation du préjudice subi du fait de l'obligation pour M. [L] de passer sur leur lot, la cour d'appel retient que ce préjudice résulte, soit d'une erreur commise en 2008 dans l'implantation de l'accès au chalet n° 1, soit d'une négligence du syndicat des copropriétaires auquel il incombait de faire modifier le plan annexé à l'état descriptif de division afin de le faire correspondre à la situation sur le terrain et qu'il n'appartenait pas au notaire de faire ces recherches en l'absence de toute information à ce sujet ; qu'en statuant par ces motifs, sans répondre au moyen des écritures d'appel des exposants par lequel il était fait valoir que le notaire leur avait confirmé par écrit, dès avant la signature du compromis, l'absence de tout droit de passage grevant leur fonds et que l'acte authentique de vente reprenait la déclaration selon laquelle "le vendeur déclare qu'il n'a créé aucune servitude et qu'à sa connaissance il n'en existe aucune" et stipulait expressément le caractère privatif de la jouissance du jardin attenant à leur chalet, ledit jardin s'étendant sur la totalité du terrain de leur lot n° 2, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 25. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 26. Pour rejeter la demande formée par M. et Mme [S] contre la société notariale en réparation du préjudice résultant du passage de M. [L] sur leur lot, l'arrêt retient que ce préjudice résulte soit d'une erreur commise en 2008 dans l'implantation de l'accès au chalet n° 1, soit d'une négligence du syndicat des copropriétaires auquel il incombait de faire modifier le plan annexé à l'état descriptif de division afin de le faire correspondre à la situation sur le terrain, et qu'il n'appartenait pas au notaire de faire ces recherches en l'absence de toute information à ce sujet. 27. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. et Mme [S] qui faisaient valoir que le notaire leur avait confirmé par écrit, dès avant la signature du compromis, l'absence de tout droit de passage grevant leur fonds, et que l'acte authentique de vente reprenait la déclaration selon laquelle « le vendeur déclare qu'il n'a créé aucune servitude et qu'à sa connaissance il n'en existe aucune » et stipulait expressément le caractère privatif de la jouissance du jardin attenant à leur chalet, ledit jardin s'étendant sur la totalité du terrain de leur lot n° 2, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes formée contre M. [L] et Mme [Z] en leur qualité d'anciens associés de la SCI [Adresse 5], et contre M. [L] en sa qualité d'ancien gérant de cette SCI et rejette les demandes formées au titre des droits de mutation versés par M. et Mme [S] lors de l'acquisition de leur lot et de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 2 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. [L], Mme [Z] et la société Office notarial du Val d'[Localité 2] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [L] et Mme [Z] et les condamne, in solidum avec la société Office notarial du Val d'[Localité 2] à verser à M. et Mme [S] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [S] PREMIER MOYEN DE CASSATION Les époux [S] reprochent à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme étant prescrites leurs demandes dirigées contre l'Office notarial du Val d'[Localité 2], concernant la réparation des conséquences de l'atteinte à leurs droits de propriété ; 1°/ Alors que pour dire prescrites les demandes des époux [S] concernant la réparation des conséquences de l'atteinte à leurs droits de propriété, la cour d'appel retient que ce dommage, résultant d'une faute du notaire, s'est nécessairement manifesté au jour de la réception le 17 août 2007 des actes constitutifs de la copropriété et de la vente à Mme [U], puisque c'est à cette date que la situation a été créée et que Mme [U] en a eu une connaissance qui lui permettait d'agir ; que la vente à M. et Mme [S] en 2010, n'a fait que rappeler les circonstances de la première vente intervenue au profit de Mme [U] et [ne] peut avoir joué aucun rôle ; qu'en statuant ainsi cependant que les époux [S] agissaient en vertu de leur droit propre à l'encontre du notaire à qui ils reprochaient en outre d'avoir commis des fautes dans le cadre de la vente du bien intervenue en 2010 entre eux-mêmes et Mme [U] à l'origine de leur préjudice, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; 2°/ Alors que pour dire prescrites les demandes des époux [S] concernant la réparation des conséquences de l'atteinte à leurs droits de propriété, la cour d'appel retient encore que « de plus », il n'est pas contesté que le compromis de vente signé le 11 mars 2010 comprenait en annexe le plan annexé à l'état descriptif de division ; qu'en statuant ainsi, cependant que dans leurs écritures d'appel (p. 52 et 53), les époux [S] faisaient tout au contraire valoir que la désignation figurant au compromis était complétée par la mention « Tels que ces biens ont été désignés aux termes de l'état descriptif de division ci-après énoncé », que le compromis ne comprenait aucune mention d'annexion du plan de division auquel renvoyait l'état descriptif de division et qu'ils avaient toujours contesté avoir signé un compromis de vente avec en annexe un plan représentatif laissant apparaître notamment des voies d'accès aux deux chalets, seul ayant été annexé au compromis de vente un plan en noir et blanc, ne permettant aucunement la détermination des limites parcellaires du lot acquis, dont la désignation dans l'acte se référait exclusivement à l'utilisation d'un code couleur, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 3°/ Alors que pour dire prescrites les demandes des époux [S] concernant la réparation des conséquences de l'atteinte à leurs droits de propriété, la cour d'appel retient encore que « de plus », il n'est pas contesté que le compromis de vente signé le 11 mars 2010 comprenait en annexe le plan annexé à l'état descriptif de division, révélant de manière très claire que l'accès visible sur le terrain était différent du plan, avant d'en déduire que par l'effet de la loi du 19 juin 2008 [en réalité 17 juin 2008], le délai pour agir expirait le 19 juin 2013 ; qu'en statuant ainsi, quand à supposer même que le plan annexé au compromis de vente eût permis de déterminer clairement les limites parcellaires du lot acquis, il résulte de ces énonciations que l'action en responsabilité engagée à l'encontre du notaire par acte du 8 juillet 2013, soit moins de cinq ans après la signature dudit compromis de vente, n'était pas prescrite, la cour d'appel a en toute hypothèse omis de tirer les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; 4°/ Et alors au surplus que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que pour dire prescrites les demandes des époux [S] concernant la réparation des conséquences de l'atteinte à leurs droits de propriété, la cour d'appel retient encore que « de plus », le compromis de vente signé le 11 mars 2010 comprenait en annexe le plan annexé à l'état descriptif de division, révélant de manière très claire que l'accès visible sur le terrain était différent du plan, avant d'en déduire que par l'effet de la loi du 19 juin 2008 [en réalité 17 juin 2008], le délai pour agir expirait le 19 juin 2013 ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen des conclusions d'appel des exposants (p. 89) faisant valoir qu'ils avaient délivré leur assignation le 8 juillet 2013, soit dans le délai de prescription quinquennale qui avait suivi leur découverte de la fraude invoquée au soutien de leurs prétentions, ainsi qu'ils en apportaient la preuve par la production d'une attestation du maire d'[Localité 2], énonçant que le plan de masse et de division qui avait permis la délivrance du permis de construire se rapportant aux constructions en cause n'avait été consultable en mairie qu'à compter du 22 mars 2013, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Les époux [S] reprochent à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de l'ensemble de leurs prétentions dirigées contre M. [V] [L], Mme [G] [Z] veuve [O] et contre la société Office notarial du Val d'[Localité 2] et le syndicat des copropriétaires ; 1°/ Alors que pour conclure que les époux [S] ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes fondées sur des irrégularités invoquées en relation avec les actes de la copropriété et le plan annexé, la cour d'appel relève qu'après avoir établi un premier projet délimitant deux parcelles indépendantes bénéficiant chacune d'un accès direct à la voie publique, refusé par l'autorité administrative, l'architecte, M. [Y], a dû modifier l'implantation des constructions avec notamment pour conséquence le remplacement des deux accès indépendants à la voie publique, par un unique accès commun aux deux parcelles, la parcelle n° 1, n'ayant plus d'accès direct à la voie publique, étant desservie par un passage traversant la parcelle n° 2, seule contiguë à la voie publique et que c'est sur la base de ce plan daté du 22 juin 2004, que le permis de construire « valant division en propriété ou en jouissance », a été obtenu par arrêté du maire de la commune en date du 3 janvier 2005 ; qu'en statuant par ces motifs, cependant que les époux [S] faisaient valoir, sans être contredits par les autres parties, que c'est sur la base du plan masse dressé par M. [Y] le 18 septembre 2004 qu'avait été obtenu le permis de construire auquel il avait été annexé, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2°/ Alors en outre qu'en retenant que c'est sur la base du plan daté du 22 juin 2004 comportant un passage traversant la parcelle n° 2 qu'avait été obtenu le permis de construire, tout en affirmant ensuite que s'il avait été procédé à la vente de deux parcelles en propriété « selon plan établi par M. [Y] en vue de l'obtention du permis de construire de 2005 », le notaire aurait été obligé de constituer pour la desserte du lot vendu à M. [L] une servitude conventionnelle de passage, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ Alors que pour conclure que les époux [S] ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes fondées sur des irrégularités invoquées en relation avec les actes de la copropriété et le plan annexé, la cour d'appel relève que les actes de la copropriété comportent bien un plan annexé qui fait clairement ressortir les deux lots privatifs ainsi que les parties communes, que ce plan suffisamment clair et précis s'est imposé aux futurs copropriétaires et qu'il importe peu que ce plan ait été réalisé par un géomètre-expert ou non ; qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions des époux [S] (p. 52 à 56) dans lesquelles il était fait valoir, pièces justificatives à l'appui, qu'ils n'avaient disposé au moment de la signature de l'acte authentique de vente, ni du règlement de copropriété, ni de l'état descriptif de division, ni du plan annexé à l'état descriptif de division, ni de sa copie revêtue du tampon et de la signature du notaire prétendument annexée à la minute de leur acte authentique d'acquisition, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ; 4°/ Et alors en outre qu'en retenant qu'il importait peu que le plan annexé à l'état descriptif de division eût été réalisé par un géomètre-expert ou non, cependant qu'il ressort des articles 1 et 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, modifiée, que seuls les géomètres-experts peuvent dresser les plans de division des biens fonciers, la cour d'appel en a violé par refus d'application les dispositions ; 5°/ Alors que pour conclure que les époux [S] ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes fondées sur des irrégularités invoquées en relation avec les actes de la copropriété et le plan annexé, la cour d'appel relève qu'aucune fraude de la part de la SCI [Adresse 5] n'est justifiée à l'égard de l'autorité administrative, alors que les constructions n'ont fait l'objet d'aucune contestation de la part de la commune à l'occasion de la déclaration d'achèvement des travaux ; qu'en statuant par ce motif quand les époux [S] se prévalaient de la fraude commise par M. [L] et par le notaire au préjudice de Mme [U] et à leur préjudice, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 6°/ Alors en toute hypothèse que la fraude invoquée par les époux [S] consistait à avoir, au moyen de divers procédés, substitué à la division du tènement autorisée par le permis de construire une division différente et prohibée ; qu'en opposant à cette argumentation, concernant la seule délimitation de l'emprise foncière des lots d'une copropriété horizontale, et non les constructions élevées sur ces lots, que les constructions n'avaient fait l'objet d'aucune contestation de la part de la commune à l'occasion de la déclaration d'achèvement des travaux, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe fraus omnia corrumpit ; 7°/ Alors que pour conclure que les époux [S] ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes fondées sur des irrégularités invoquées en relation avec les actes de la copropriété et le plan annexé, la cour d'appel relève que le permis de construire a été obtenu en vue d'une division « en propriété ou en jouissance » et que le régime de la copropriété choisi par la SCI [Adresse 5] est donc bien conforme aux conditions du permis de construire ; qu'en statuant ainsi sans répondre au moyen des écritures des exposants (p. 65 à 67) tiré de l'incompatibilité entre le respect impératif d'une division conforme à la division représentée sur le plan de division parcellaire annexé au permis de construire et les dispositions d'ordre public des articles1 et 9 de la loi du 10 juillet 1965, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ; 8°/ Alors que pour statuer comme elle l'a fait sur le rôle et les responsabilités de M. [L] et de la Sci [Adresse 5], la cour d'appel retient encore que le plan annexé aux actes de copropriété est régulier et s'impose aux copropriétaires successifs et qu'aucune faute ne peut leur être reprochée du chef du plan litigieux ; qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions des époux [S] (p. 53 à 56) dans lesquelles il était fait valoir, pièces justificatives à l'appui, qu'ils n'avaient disposé au moment de la signature de l'acte authentique de vente, ni du règlement de copropriété, ni de l'état descriptif de division, ni du plan annexé à l'état descriptif de division, ni de sa copie revêtue du tampon et de la signature du notaire prétendument annexée à la minute de leur acte authentique d'acquisition, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ; 9°/ Et alors qu'en statuant par ces motifs, cependant qu'il ressort des articles 1 et 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, modifiée, que seuls les géomètres-experts peuvent dresser les plans de division des biens fonciers, la cour d'appel en a violé par refus d'application les dispositions ; 10°/ Alors encore qu'en statuant ainsi sans répondre au moyen des écritures des exposants (p. 42 et 43), par lequel il était fait valoir qu'après avoir fait dresser le 15 mai 2007 par un géomètre-expert un plan d'implantation reproduisant fidèlement la ligne de division parcellaire correspondant au plan annexé au permis de construire, M. [L] avait certifié « sincère et véritable » un autre plan représentant une division parcellaire incompatible avec celle du permis de construire valant division, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ; 11°/ Alors que pour rejeter la demande des époux [S] en réparation du préjudice subi du fait de l'empiètement réalisé par l'enrochement édifié sur la parcelle n° 2, la cour d'appel retient que dans les circonstances particulières où il n'est pas justifié que Mme [U] se serait opposée aux travaux et se serait plainte d'une absence d'autorisation du syndicat des copropriétaires et où le syndicat des copropriétaires était seulement composé de Mme [U] et de la SCI [Adresse 5], il ne peut être considéré que ces aménagements réalisés en 2008 soient fautifs sur le plan contractuel (violation du règlement de copropriété) à l'égard de Mme [U] qui doit être présumée avoir donné son accord tacite compte tenu de l'ampleur des travaux ; qu'en relevant d'office le moyen tiré d'un tel accord tacite sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile ; 12°/ Alors que pour infirmer le jugement entrepris et débouter les époux [S] de leur demande indemnitaire à l'encontre de M. [L] à raison du passage par celui-ci sur leur lot, la cour d'appel, après avoir constaté que ni les actes de copropriété, ni les actes de vente ne comportent de droit de passage au profit du lot de M. [L], retient que le préjudice est inexistant dès lors que les époux [S] ont acquis leur lot de copropriété alors que les lieux étaient en l'état, sans imaginer alors l'existence d'un passage irrégulier de la part de M. [L] et qu'ils se sont déterminés en fonction du bien tel qu'ils l'ont vu ; qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions des époux [S] (p. 104), dans lesquelles ils faisaient valoir qu'ils avaient été victimes de la mauvaise foi de Monsieur [L] qui leur avait dissimulé les limites réelles de leur lot, non seulement à l'aide de plans faux, mais allant jusqu'à feindre de les aider à rechercher les limites du terrain sur le fonds du voisin aval, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ; 13°/ Et alors enfin que la cour d'appel retient encore que les époux [S] n'ont pas été privés en totalité de la jouissance de la partie de ce même chemin ; qu'en statuant par ce motif impropre à exclure tout préjudice en relation avec la privation de jouissance, même partielle, subie par les époux [S], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Les époux [S] reprochent à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de l'ensemble de leurs prétentions dirigées contre la société Office notarial du Val d'[Localité 2] en réparation de leur préjudice résultant du passage de M. [L] ; 1°/ Alors que pour débouter les époux [S] de leur demande formée à l'encontre du notaire en indemnisation du préjudice subi du fait de l'obligation pour M. [L] de passer sur leur lot, la cour d'appel retient que ce préjudice résulte, soit d'une erreur commise en 2008 dans l'implantation de l'accès au chalet n° 1, soit d'une négligence du syndicat des copropriétaires auquel il incombait de faire modifier le plan annexé à l'état descriptif de division afin de le faire correspondre à la situation sur le terrain et qu'il n'appartenait pas au notaire de faire ces recherches en l'absence de toute information à ce sujet ; qu'en statuant par ces motifs, sans répondre au moyen des écritures d'appel des exposants (p. 75) par lequel il était fait valoir que le notaire leur avait confirmé par écrit, dès avant la signature du compromis, l'absence de tout droit de passage grevant leur fonds et que l'acte authentique de vente reprenait la déclaration selon laquelle « le vendeur déclare qu'il n'a créé aucune servitude et qu'à sa connaissance il n'en existe aucune » et stipulait expressément le caractère privatif de la jouissance du jardin attenant à leur chalet, ledit jardin s'étendant sur la totalité du terrain de leur lot n°2, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ; 2°/ Alors que pour débouter les époux [S] de leur demande formée à l'encontre du notaire en indemnisation du préjudice subi du fait de l'obligation pour M. [L] de passer sur leur lot, la cour d'appel retient encore que les époux [S] ne justifient en réalité d'aucun préjudice du fait de ce passage parce qu'ils ont acquis leur lot de copropriété en connaissance de la situation des lieux et du passage de M. [L] ; qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions des époux [S] (p. 104), dans lesquelles ils faisaient valoir qu'ils avaient été victimes de la mauvaise foi de Monsieur [L] qui leur avait dissimulé les limites réelles de leur lot, non seulement à l'aide de plans faux, mais allant jusqu'à feindre de les aider à rechercher les limites du terrain sur le fonds du voisin aval, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ; QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Les époux [S] reprochent à l'arrêt attaqué, de ce chef infirmatif, de les avoir déboutés de leurs prétentions dirigées contre la société Office notarial du Val d'[Localité 2] en réparation de leur préjudice résultant de l'exposition à une imposition excédentaire lors de l'acquisition du bien ; Alors que pour conclure qu'aucune faute du notaire n'est établie en lien avec une sur-imposition et débouter les époux [S] de leur demande d'indemnisation à ce titre, la cour d'appel retient que la SCI [Adresse 5] et Madame [U] étaient en droit de passer entre eux un contrat de vente d'un lot de copropriété et non une vente en état futur d'achèvement, que le libre choix des parties consistant à modifier leur intention initiale ne peut être remis en question par les époux [S] et que le notaire était tenu de reprendre dans l'acte de vente entre Madame [U] et les époux [S] l'origine de propriété telle qu'elle résultait de la vente par la SCI [Adresse 5] à Madame [U] de sorte que le notaire a fait application à juste titre des dispositions de « l'article 257-1-3 2 ème » du code général des impôts ; qu'en statuant par ces motifs inopérants au lieu de rechercher, comme elle y était invitée, si l'acte de vente à Mme [U] stipulant que la construction était devenue habitable le 16 août 2007 mais que l'acquéreur réaliserait les travaux concernant la pose des revêtements sol et muraux, la pose des sanitaires, le parement pierre extérieur du chalet, le cloisonnement intérieur, les peintures intérieures extérieures du chalet, constatations desquelles il ressortait intrinsèquement que le lot vendu à Mme [U] n'était pas achevé et habitable le jour de la vente, le notaire n'avait pas commis une faute en s'abstenant de procéder à de plus amples recherches pour s'assurer de l'état d'achèvement du lot vendu, à l'origine du préjudice subi par les époux [S], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 1382, devenue 1240, du code civil.
Il résulte des articles 1,1, et 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres-experts, dans leur rédaction issue de la loi n° 87-998 du 15 décembre 1987, visant à garantir le libre exercice de la profession de géomètre-expert que seuls les géomètres-experts inscrits à leur ordre peuvent réaliser les études et les travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers. A ce titre, ils lèvent et dressent, à toutes échelles et sous quelque forme que ce soit, les plans et documents topographiques concernant la définition des droits attachés à la propriété foncière, tels que les plans de division, de partage, de vente et d'échange des biens fonciers, les plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière. Viole ces textes la cour d'appel qui, pour dire qu'un plan annexé aux actes d'une copropriété est régulier et s'impose aux copropriétaires successifs, retient qu'il importe peu qu'il n'ait pas été réalisé par un géomètre-expert, alors que le plan annexé aux actes de copropriété délimite les droits fonciers des copropriétaires
7,961
CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 616 FS-B Pourvoi n° A 21-11.722 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022 1°/ la société BGFI Bank RDC, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3] (Congo (République Démocratique du)), 2°/ la société BGFI Holding Corporation, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2] (Gabon), ont formé le pourvoi n° A 21-11.722 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant à M. [B] [E] [I], domicilié chez [Z] [S] [Y], [Adresse 1], défendeur à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société BGF Ibank RDC, de la société BGFI Holding Corporation, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [E] [I], et l'avis de Mme Marilly, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2020), M. [E] [I], de nationalité congolaise, employé en République démocratique du Congo par la société congolaise BGFI Bank RDC, a fui son pays et obtenu en France le statut de réfugié en alléguant avoir subi, de la part d'un supérieur hiérarchique, des violences et des menaces de mort. 2. Il a engagé devant les juridictions françaises une action en responsabilité délictuelle contre son ancien employeur et contre la société mère de celui-ci, la société gabonaise BGFI Holding Corporation (les sociétés BGFI). Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Les sociétés BGFI font grief à l'arrêt de déclarer les tribunaux français compétents, alors « que l'égalité de traitement entre les réfugiés ayant leur résidence habituelle dans un Etat et les ressortissants de cet Etat prévue, s'agissant de l'accès aux tribunaux, par l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ne s'applique pas au privilège de juridiction instauré par l'article 14 du code civil à l'égard des seuls ressortissants français ; qu'en l'espèce, en retenant que l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève devait être interprété comme instaurant une égalité de traitement entre un ressortissant français et un réfugié au regard de l'article 14 du code civil, la cour d'appel a violé les articles susvisés. » Réponse de la Cour 5. Il incombe aux juridictions des États membres d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct du droit de l'Union européenne. 6. L'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit Bruxelles I bis) dispose : « 1. Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, § 1, de l'article 21, § 2, et des articles 24 et 25. 2. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, § 1, point a). » 7. L'article 21 dispose : « 1. Un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait : a) devant les juridictions de l'État membre où il a son domicile ; ou b) dans un autre État membre : i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou ii) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur. 2. Un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait devant les juridictions d'un État membre conformément au § 1, point b). » 8. Selon l'article 14 du code civil, un Français, du seul fait de sa nationalité, a le droit d'attraire un étranger devant une juridiction française de son choix, lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France. 9. Il résulte de la combinaison de ces textes que, dès lors que ni le domicile du défendeur, ni le lieu d'accomplissement du travail, ni celui où se trouve l'établissement qui a embauché le salarié ne sont situés sur le territoire d'un Etat membre, le conflit de juridictions est réglé selon les dispositions du droit national qui ont été notifiées à la Commission européenne, au nombre desquelles figure l'article 14 du code civil, et que les étrangers domiciliés dans l'Etat du for peuvent s'en prévaloir au même titre que les nationaux. 10. La cour d'appel ayant constaté que le demandeur était domicilié en France et les défendeurs, hors de l'Union européenne, et que M. [E] [I] avait été embauché en République démocratique du Congo où s'était déroulée son activité professionnelle, il s'en déduit que le demandeur pouvait invoquer l'article 14 du code civil. 11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne in solidum la société BGFI Bank RDC et la société BGFI Holding Corporation aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés BGFI Bank RDC et BGFI Holding Corporation et les condamne in solidum à payer à M. [E] [I] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour les sociétés BGFI Bank RDC et BGFI Holding Corporation. Les sociétés BGFI BANK RDC et BGFI HOLDING CORPORATION reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé, en ses dispositions frappées d'appel, l'ordonnance rendue le 14 janvier 2020 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris ; 1°) Alors que, de première part, l'égalité de traitement entre les réfugiés ayant leur résidence habituelle dans un Etat et les ressortissants de cet Etat prévue, s'agissant de l'accès aux tribunaux, par l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ne s'applique pas au privilège de juridiction instauré par l'article 14 du code civil à l'égard des seuls ressortissants français ; qu'en l'espèce, en retenant que l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève devait être interprété comme instaurant une égalité de traitement entre un ressortissant français et un réfugié au regard de l'article 14 du code civil, la cour d'appel a violé les articles susvisés ; 2°) Alors que, de seconde part, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile en ne répondant pas au moyen, péremptoire, qui faisait valoir, à titre subsidiaire, que M. [E] [I] ne pouvait invoquer l'article 14 du code civil dans la mesure où celui-ci n'a pas vocation à s'appliquer aux actions civiles en réparation de dommages causés par des infractions (conclusions d'appel, p. 16).
Il résulte de la combinaison des articles 6 et 21 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit Bruxelles I bis) et de l'article 14 du code civil que, dès lors que ni le domicile du défendeur, ni le lieu d'accomplissement du travail, ni celui où se trouve l'établissement qui a embauché le salarié ne sont situés sur le territoire d'un Etat membre, le conflit de juridictions est réglé selon les dispositions du droit national qui ont été notifiées à la Commission européenne, au nombre desquelles figure l'article 14 du code civil, et que les étrangers domiciliés dans l'Etat du for peuvent s'en prévaloir au même titre que les nationaux
7,962
CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 523 FS+B Pourvoi n° U 21-15.741 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022 La Société du Grand Paris, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-15.741 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 7), dans le litige l'opposant à la société GPS 3 Distribution, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La société GPS 3 Distribution a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ; La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société du Grand Paris, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société GPS 3 Distribution, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. L'arrêt attaqué (Paris, 21 janvier 2021) fixe les indemnités revenant à la société GPS 3 Distribution à la suite de l'expropriation, au profit de la Société du Grand Paris, des locaux dans lesquels elle exploite un fonds de commerce. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première, troisième et quatrième branches, et sur le premier moyen du pourvoi incident, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches, et sur le premier moyen du pourvoi incident, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, qui est irrecevable. Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 3. La Société du Grand Paris fait grief à l'arrêt de fixer comme il le fait l'indemnité pour frais de réinstallation allouée à la société GPS 3 Distribution, alors « que les indemnités allouées couvrant l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation doivent replacer l'exproprié ou le locataire évincé dans la situation où il se serait trouvé si l'expropriation n'avait pas eu lieu, sans qu'il en résulte pour lui ni perte ni profit ; que les indemnités accessoires allouées en réparation des installations perdues doivent être évaluées en tenant compte d'un coefficient de vétusté ; qu'en se bornant à affirmer, pour fixer à la somme de 410 300,64 euros le montant de l'indemnité due par la Société du Grand Paris au titre des frais de réinstallation de la société GPS 3 Distribution, qu'il n'y a pas lieu de retenir en l'espèce un abattement pour vétusté, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. 5. Les indemnités allouées doivent donc permettre à une société exploitant un fonds de commerce dans les locaux expropriés, qui souhaite se réinstaller afin de poursuivre son activité, d'être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l'expropriation n'était pas intervenue. 6. Dès lors, la cour d'appel a refusé, à bon droit, d'appliquer à l'indemnité pour frais de réinstallation, allouée à la société GPS 3 Distribution, pour lui permettre de poursuivre son activité dans de nouveaux locaux, un abattement tenant compte de la vétusté des aménagements des locaux expropriés. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 8. La Société du Grand Paris fait grief à l'arrêt d'allouer une indemnité pour perte de dépôt de garantie à la société GPS 3 Distribution, alors « qu'en cas de vente de locaux donnés à bail commercial, la restitution du dépôt de garantie incombe au bailleur originaire et, sauf stipulation contraire, ne se transmet pas à son ayant cause à titre particulier ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que les locaux donnés à bail à la société GPS 3 Distribution, concernés par l'opération déclarée d'utilité publique à l'origine de l'expropriation, ont été cédés par l'EPFIF à la Société du Grand Paris chargée de la réalisation des infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris ; qu'en énonçant qu'il incombait à la société du Grand Paris, bénéficiaire de l'expropriation, d'indemniser le préjudice lié à la perte du dépôt de garantie, quitte à se retourner ultérieurement contre l'EPFIF, quand l'obligation de restituer le dépôt de garantie prévu par le bail ne s'était pas transmise à la Société du Grand Paris avec la propriété des biens, la cour d'appel a violé l'article 1743 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 9. La société GPS 3 Distribution conteste la recevabilité du moyen en raison de sa nouveauté. 10. Cependant, le moyen est de pur droit, dès lors qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond. 11. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 1743 du code civil et L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : 12. Il résulte du premier de ces textes que, en dehors du champ d'application de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989, en cas de transfert de propriété de locaux donnés à bail, la restitution du dépôt de garantie incombe au bailleur originaire et, sauf stipulation contraire, ne se transmet pas à son ayant cause à titre particulier. 13. Selon le second, les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. 14. Pour fixer une indemnité pour perte de dépôt de garantie au profit de la société GPS 3 Distribution, l'arrêt retient que, la Société du Grand Paris, étant bénéficiaire de l'expropriation, il lui incombe d'indemniser le préjudice lié à la perte du dépôt de garantie, quitte à se retourner ultérieurement contre l'établissement public foncier Ile-de-France, propriétaire et bailleur originaire. 15. En statuant ainsi, alors que le bailleur originaire étant tenu de restituer le dépôt de garantie, l'absence de restitution de celui-ci ne constitue pas un préjudice résultant de l'expropriation à la charge de l'expropriant, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le second moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 16. La société GPS 3 Distribution fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une indemnité pour perte de marchandises, alors « que le juge ne peut débouter une partie et refuser d'évaluer une créance dont il constate l'existence dans son principe ; que pour débouter la société GPS 3 de sa demande au titre de la perte de marchandises, la cour d'appel a retenu qu'il lui était demandé d'évaluer une indemnité de ce chef à un montant forfaitaire de 5 000 euros ou subsidiairement de surseoir à statuer dans l'attente de la production d'éléments comptables établissant la perte subie mais que le premier juge avait retenu à bon droit que l'exproprié n'apportait pas d'éléments justificatifs du montant de cette perte de marchandises et qu'il n'était en effet pas produit de pièces comptables ; qu'en statuant ainsi, sans contester le bien-fondé en son principe de la demande de la société GPS 3 au titre de la perte de marchandises, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code civil : 17. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de réparer le dommage dont il a constaté l'existence en son principe, motif pris de l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties. 18. Pour refuser d'indemniser la perte de marchandise et stock, l'arrêt retient que l'exproprié n'apporte pas d'éléments justificatifs du montant de cette perte, de sorte qu'elle ne peut évaluer l'indemnité à un montant forfaitaire de 5 000 euros, aucune pièce comptable n'étant produite. 19. En refusant ainsi d'évaluer le dommage dont elle constatait l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen du pourvoi principal, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe, au profit de la société GPS 3 Distribution une indemnité pour perte de dépôt de garantie et en ce qu'il refuse d'indemniser la perte de marchandise et stock, l'arrêt rendu le 21 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la Société du Grand Paris PREMIER MOYEN DE CASSATION La Société du Grand Paris reproche à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la somme de 643 532 euros le montant total dû à la société GPS 3 Distribution du fait de l'éviction de son local commercial, en ce que ladite somme comprend une indemnité pour frais de réinstallation de 410 300,64 euros, 1°) ALORS QUE les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation et le locataire évincé a droit à être indemnisé de ses frais de réinstallation pourvu qu'ils soient directement causés par l'expropriation ; que pour condamner la Société du Grand Paris à payer à la société GPS 3 Distribution la somme de 410 300,64 euros pour frais de réinstallation et ainsi faire droit à l'intégralité de sa demande de ce chef, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que les installations invoquées sont « nécessitées par l'expropriation », sans caractériser en quoi les sommes qu'elle allouait au titre, notamment, du mobilier de bureau, de l'installation d'une climatisation, de l'achat de palettes supplémentaires et de matériels de transport et l'installation de rack « afin d'optimiser l'espace nouvel entrepôt » (arrêt p.13) réparaient un préjudice directement causé par l'éviction de la locataire des locaux commerciaux expropriés, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE les indemnités allouées couvrant l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation doivent replacer l'exproprié ou le locataire évincé dans la situation où il se serait trouvé si l'expropriation n'avait pas eu lieu, sans qu'il en résulte pour lui ni perte ni profit ; que les indemnités accessoires allouées en réparation des installations perdues doivent être évaluées en tenant compte d'un coefficient de vétusté ; qu'en se bornant à affirmer, pour fixer à la somme de 410 300,64 euros le montant de l'indemnité due par la Société du Grand Paris au titre des frais de réinstallation de la société GPS 3 Distribution, qu'il n'y a pas lieu de retenir en l'espèce un abattement pour vétusté (arrêt p.13), la cour d'appel a violé l'article L 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; 3°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en retenant, pour fixer à la somme de 410 300,64 euros le montant de l'indemnité due par la Société du Grand Paris au titre des frais de réinstallation de la société GPS 3, que sur la base des devis produits et précisément de la pièce adverse n° 21, une somme de 29 963 euros pour l'installation de fenêtres était nécessitée par l'expropriation, quand ladite pièce, consistant en un devis de la société Tryba du 20 juin 2018, prévoyait un montant de 29 926,51 euros TTC, la cour d'appel a dénaturé cette pièce en méconnaissance du principe susvisé ; 4°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en retenant, pour fixer à la somme de 410 300,64 euros le montant de l'indemnité due par la Société du Grand Paris au titre des frais de réinstallation de la société GPS 3, que sur la base des devis produits et précisément de la pièce adverse n° 26, une somme de 56 909 euros pour l'installation de racks était nécessitée par l'expropriation, quand ladite pièce, consistant en un devis non daté de la société Bito, prévoyait un montant de 56 361,60 euros TTC, la cour d'appel a dénaturé cette pièce en méconnaissance du principe susvisé. SECOND MOYEN DE CASSATION La Société du Grand Paris reproche à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la somme de 643 532 euros le montant total dû à la société GPS 3 du fait de l'éviction de son local commercial, en ce que ladite somme comprend une indemnité pour perte de dépôt de garantie de 3 621,79 euros, 1) ALORS QUE l'intimé dont les conclusions sont déclarées irrecevables est réputé s'approprier les motifs du jugement ayant accueilli son moyen de défense, de sorte que la cour d'appel doit examiner les motifs du jugement ayant accueilli ce moyen et, si elle décide de l'infirmer, les réfuter utilement au regard des conclusions de l'appelant ; que le juge de l'expropriation avait rejeté la demande de la société GPS3 distribution tendant au paiement d'une indemnité de 3621,79 euros pour perte du dépôt de garantie au motif, conformément à ce que soutenait l'exposante qui s'y opposait (mémoire de première instance p.15), que l'acte d'acquisition en date du 28 décembre 2017 du bien en cause entre la Société du Grand Paris et l'EPFIF prévoit expressément page 28 que le remboursement du dépôt de garantie doit être effectué par l'EPFIF (jugement p.12-13); qu'en énonçant, pour infirmer le jugement déféré, que l'absence de production de l'acte de vente en appel ne lui permettait pas de vérifier les stipulations contractuelles mettant à la charge de l'EPFIF le remboursement du dépôt de garantie (arrêt p.14), quand la société GPS 3 distribution ne contestait pas l'existence desdites stipulations mais se bornait à faire valoir qu'elles ne lui étaient pas opposables (concl. n°2 p.39), la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier l'indemnité qu'elle lui allouait au titre de la perte du dépôt de garantie, en violation des articles R. 311-29 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, 954 dernier alinéa et 455 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'en cas de vente de locaux donnés à bail commercial, la restitution du dépôt de garantie incombe au bailleur originaire et, sauf stipulation contraire, ne se transmet pas à son ayant cause à titre particulier ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que les locaux donnés à bail à la société GPS 3 Distribution, concernés par l'opération déclarée d'utilité publique à l'origine de l'expropriation, ont été cédés par l'EPFIF à la Société du Grand Paris chargée de la réalisation des infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris (arrêt p.14 in fine) ; qu'en énonçant qu'il incombait à la société du Grand Paris, bénéficiaire de l'expropriation, d'indemniser le préjudice lié à la perte du dépôt de garantie, quitte à se retourner ultérieurement contre l'EPFIF, quand l'obligation de restituer le dépôt de garantie prévu par le bail ne s'était pas transmise à la Société du Grand Paris avec la propriété des biens, la cour d'appel a violé l'article 1743 du code civil. Moyens produits au pourvoi incident par la SARL Le Prado-Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société GPS 3 Distribution PREMIER MOYEN DE CASSATION La société GPS 3 reproche à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité de 4 239 euros pour perte de salaires et de charges lui revenant du fait de l'expropriation du fonds de commerce du [Adresse 3] ; ALORS QUE le juge doit observer ou faire observer le principe de la contradiction ; que la cour d'appel a retenu que la demande de la société GPS 3 pour perte de salaire et de charges faisait double emploi « avec l'indemnité commercial correspondant à 15 jours de chiffres d'affaires, qui permet à la société GPS 3 d'acquitter les salaires et charges pendant la période d'interruption d'activités » ; qu'en statuant ainsi d'office sans susciter les observations préalables des parties, cependant que le commissaire du gouvernement ne contestait pas cette demande et concluait à la fixation d'une indemnité d'éviction de la société GPS3 à la somme de 130 911 euros, indemnité principale et de remploi incluse, « hors autres indemnités accessoires », et que la société du Grand Paris dont les conclusions d'appel étaient irrecevables, ne contestait par hypothèse pas davantage cette demande formulée pour la première fois à hauteur d'appel, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et a violé l'article 16 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION La société GPS 3 reproche à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité de 5 000 euros pour perte de marchandises/stock ; ALORS QUE le juge ne peut débouter une partie et refuser d'évaluer une créance dont il constate l'existence dans son principe ; que pour débouter la société GPS 3 de sa demande au titre de la perte de marchandises, la cour d'appel a retenu qu'il lui était demandé d'évaluer une indemnité de ce chef à un montant forfaitaire de 5 000 euros ou subsidiairement de surseoir à statuer dans l'attente de la production d'éléments comptables établissant la perte subie mais que le premier juge avait retenu à bon droit que l'exproprié n'apportait pas d'éléments justificatifs du montant de cette perte de marchandises et qu'il n'était en effet pas produit de pièces comptables ; qu'en statuant ainsi, sans contester le bien-fondé en son principe de la demande de la société GPS 3 au titre de la perte de marchandises, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.
Il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement pour vétusté à l'indemnité pour frais de réinstallation allouée à une société évincée de locaux expropriés, afin de lui permettre de poursuivre son activité dans de nouveaux locaux
7,963
CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 524 FS-B Pourvoi n° G 21-17.502 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022 La SCI [Adresse 4], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 21-17.502 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société SH2 HEM, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], 2°/ à la société Socotec environnement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], venant aux droits de la société Socotec France, 3°/ à la société JML, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ à la société Lorel, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5], 5°/ à la société Matt, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société SCI [Adresse 4], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Socotec environnement, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des sociétés JML, Lorel, et Matt, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société SH2 HEM, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, M. Jacques, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2021), la société SH2, devenue SH2 HEM, propriétaire d'un groupe d'immeubles, a vendu le fonds de commerce de fabrication de peintures et de savons industriels qu'elle exploitait sur le site, l'activité, qui relevait de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, étant transférée dans l'usine de l'acquéreur située sur un autre site. 2. Le 17 juillet 2008, la société SH2 HEM a fait l'objet d'un arrêté préfectoral de mise en demeure lui enjoignant de transmettre la copie de la proposition de l'usage futur du site conformément à l'article R. 512-75 du code de l'environnement, ainsi qu'un échéancier pour sa mise en sécurité conformément à l'article R. 51274 du même code. 3. Elle a obtenu un permis de construire le 5 octobre 2009, et a chargé la société Socotec environnement (la société Socotec) d'effectuer une évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) qui lui a été remise en 2010, le plan d'occupation des sols alors en vigueur affectant la zone à l'activité industrielle et commerciale. 4. Le 28 février 2011, la société SH2 HEM a vendu les immeubles aux sociétés JML, Matt et Lorel. 5. Postérieurement à l'adoption d'un nouveau plan d'urbanisme rendant possible l'usage exclusif de la zone en logements, ces sociétés, par acte authentique du 4 août 2011, ont revendu les biens à la société civile immobilière [Adresse 4] (la SCI). 6. Cette dernière a assigné la société SH2 HEM en paiement de dommages-intérêts pour refus de dépolluer le site, ainsi que les sociétés venderesses JML, Matt et Lorel sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme et de la garantie des vices cachés, et la société Socotec au titre de sa responsabilité délictuelle pour erreur manifeste d'appréciation des risques sanitaires. Examen des moyens Sur le deuxième moyen et sur le quatrième moyen, ci-après annexés 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre la société SH2 HEM, alors : « 1°/ que la délégation de pouvoirs conférée par l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) à un tiers, à l'effet de se substituer à lui pour réaliser les travaux de réhabilitation du site, confère à ce tiers une simple faculté ; qu'une telle convention ne fait pas obstacle à la responsabilité contractuelle encourue par l'exploitant au titre de son engagement contractuel de prise en charge partielle des coûts afférents ; qu'en retenant, pour dire que la société SH2 HEM n'avait pas manqué à son obligation contractuelle de remise en état, que la décision de la SCI du [Adresse 4] de ne pas exercer sa faculté de substitution prévue par la délégation de pouvoirs concomitante à l'acte de vente, était « purement potestative », et que la SCI ne pouvait, en conséquence, se prévaloir de sa « carence » déclarative à cet égard , quand cette circonstance était indifférente à l'application de la clause de garantie de l'acte de vente du 28 février 2011 prévoyant la prise en charge, par la société SH2 HEM, des travaux de dépollution excédant un certain coût, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 ; 2°/ que lorsqu'une partie à laquelle un rapport d'expertise est opposé n'a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut refuser d'examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties ; qu'il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en retenant que les rapports produits par la SCI du [Adresse 4] « pour démontrer que le budget de gestion de la dépollution du projet de 2009 était de même importance que celui de son projet de 2012 », établis « unilatéralement » et bien que « contradictoirement discutés », ne voyaient « leurs conclusions (…) corroborées par aucune autre preuve de sorte que ces rapports [étaient] dénués de valeur probante», sans rechercher comme elle y était invitée, si ces rapports étaient concordants entre eux et ainsi, se corroboraient l'un l'autre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile ; 3°/ que le rapport de l'inspection des installations classées du 24 août 2011, loin de valider les conclusions de l'évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) du 19 mai 2010, soulignait que cette évaluation « ne constitua[ait] pas un mémoire tel que prévu à l'article R. 512-39-3 I » du code de l'environnement et qu'elle « ne prenait pas en compte d'opérations de dépollution, alors qu'une zone polluée [était] clairement identifiable au droit de l'implantation des cuves » ; qu'en se bornant à retenir que selon ledit rapport de l'inspection des installations classées, l'EQRS n'envisageait pas de mesures de réhabilitation particulières, considérant que le risque était acceptable eu égard à l'usage futur du site, sans rechercher comme l'y invitait la SCI du [Adresse 4] si compte tenu des réserves émises par ce rapport de l'administration sur l'EQRS, et de la mise en demeure subséquente adressée par l'autorité préfectorale à la société SH2 HEM, cette dernière avait manqué à son obligation de dépollution du site au regard de l'usage tertiaire initialement prévu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016, ensemble l'article L. 511-1 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour 9. Selon les premier et deuxième alinéas de l'article L. 512-17 du code de l'environnement, en vigueur à la date des faits et visé dans l'arrêté préfectoral du 17 juillet 2008, notifié à la société SH2 HEM, le dernier exploitant d'une installation classée mise à l'arrêt définitif doit placer son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code et qu'il permette un usage futur du site déterminé conformément aux dispositions réglementaires en vigueur. 10. L'article R. 512-39-4 de ce code dispose, en son deuxième alinéa , qu'en cas de modification ultérieure de l'usage du site, l'exploitant ne peut se voir imposer de mesures complémentaires induites par ce nouvel usage, sauf s'il est lui-même à l'initiative de ce changement d'usage. 11. Il en résulte que, si le dernier exploitant a rempli l'obligation de remise en état qui lui incombe, au regard à la fois de l'article L. 511-1 du code de l'environnement et de l'usage futur du site défini conformément à la réglementation en vigueur, en l'espèce un usage déterminé avec le maire de la commune, le coût de dépollution supplémentaire résultant d'un changement d'usage par l'acquéreur est à la charge de ce dernier. 12. En premier lieu, la cour d'appel a retenu que le nouvel usage du site voulu par la SCI dans son opération immobilière consistant en la démolition de l'existant et la construction d'un immeuble de quatre-vingt-quatre logements, seize locaux à usage d'habitation et quatre bureaux sur deux niveaux de sous-sols, pour laquelle elle avait déposé une demande de permis de construire en juin 2011, était différent de celui prévu par le permis de construire du 5 octobre 2009 relatif à la seule réhabilitation des bâtiments existants pour des activités essentiellement de bureaux, ateliers et stockage. 13. En second lieu, elle a constaté, par motifs propres et adoptés, que, le 16 novembre 2009, la préfecture avait notifié à la société SH2 HEM qu'après instruction par ses services techniques, le site était considéré comme mis en sécurité et retenu, procédant à la recherche prétendument omise, que c'était au regard du nouveau projet envisagé par la société Novaxia, gérante de la SCI, que l'EQRS, établie par la Socotec en mai 2010, ne pouvait constituer un mémoire de réhabilitation au sens de l'article R. 512-39-3, I, du code de l'environnement. 14. En troisième lieu, elle a relevé que la clause figurant dans l'acte de vente du 28 février 2011, selon laquelle la société SH2 HEM s'engageait, si une dépollution était nécessaire, à supporter les coûts qui seraient supérieurs à 200 000 euros, s'appliquait au titre du permis de construire du 5 octobre 2009. 15. Elle en a exactement déduit, abstraction faite de motifs surabondants relatifs à la délégation de pouvoir et aux budgets de gestion de la dépollution, qu'il n'était pas démontré que la société SH2 HEM avait manqué à ses obligations légales de remise en état du site conformément à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et à son usage futur validé par la mairie en 2009 et que la réhabilitation du site avait été rendue nécessaire par le changement d'usage opéré par la SCI, de sorte que sa demande de dommages-intérêts devait être rejetée. 16. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 17. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées contre les sociétés JML, Matt et Lorel sur le fondement de la garantie des vices cachés, alors « que le délai de deux ans dans lequel l'action en garantie des vices cachés doit être intentée court à compter de la découverte du vice dans son ampleur réelle ; qu'en faisant courir de délai de prescription de l'action en garantie des vices cachés de la SCI [Adresse 4] contre les sociétés JML, Matt et Lorel, venderesses, à compter du 31 mai 2011, date du rapport établi par la société Novaxia, tout en constatant pourtant que ledit rapport ne permettait pas d'évaluer le coût des travaux de dépollution nécessaires à la réhabilitation des terrains litigieux, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1648 du code civil. » Réponse de la Cour 18. La cour d'appel a souverainement retenu que le diagnostic approfondi de pollution, établi le 31 mai 2011, avant la vente, par la société Géotechnique appliquée Ile-de-France à la demande de la gérante de la SCI avait révélé l'ampleur de la pollution au regard du nouvel usage que le candidat acquéreur voulait donner au lieu, et qu'il avait été corroboré par un rapport du 12 septembre 2011 de la société HPC Envirotec, également missionnée par la SCI. 19. Elle en a exactement déduit que, les vices invoqués par la SCI étant connus d'elle dès ces rapports, l'action engagée le 22 septembre 2014 contre les venderesses était irrecevable, dès lors que la connaissance du vice n'est pas conditionnée par la connaissance du coût des travaux nécessaires pour y remédier. 20. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société civile immobilière [Adresse 4] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière [Adresse 4] et la condamne à payer à la société SH2 HEM la somme de 3 000 euros, aux sociétés JML, Lorel et Matt la somme globale de 3 000 euros et à la société Socotec environnement la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société SCI [Adresse 4] PREMIER MOYEN DE CASSATION : La SCI du [Adresse 4] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté ses demandes formées à l'encontre de de la société SH2 HEM, 1/ Alors, d'une part, que la délégation de pouvoirs conférée par l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) à un tiers, à l'effet de se substituer à lui pour réaliser les travaux de réhabilitation du site, confère à ce tiers une simple faculté ; qu'une telle convention ne fait pas obstacle à la responsabilité contractuelle encourue par l'exploitant au titre de son engagement contractuel de prise en charge partielle des coûts afférents ; qu'en retenant, pour dire que la société SH2 HEM n'avait pas manqué à son obligation contractuelle de remise en état, que la décision de la SCI du [Adresse 4] de ne pas exercer sa faculté de substitution prévue par la délégation de pouvoirs concomitante à l'acte de vente, était « purement potestative », et que la SCI ne pouvait, en conséquence, se prévaloir de sa « carence » déclarative à cet égard (arrêt, p. 6, § 2), quand cette circonstance était indifférente à l'application de la clause de garantie de l'acte de vente du 28 février 2011 prévoyant la prise en charge, par la société SH2 HEM, des travaux de dépollution excédant un certain coût, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 ; 2/ Alors, d'autre part, que lorsqu'une partie à laquelle un rapport d'expertise est opposé n'a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut refuser d'examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties ; qu'il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en retenant que les rapports produits par la SCI du [Adresse 4] « pour démontrer que le budget de gestion de la dépollution du projet de 2009 était de même importance que celui de son projet de 2012 », établis « unilatéralement » et bien que « contradictoirement discutés », ne voyaient « leurs conclusions (…) corroborées par aucune autre preuve de sorte que ces rapports [étaient] dénués de valeur probante » (arrêt, p. 5, pénult. §), sans rechercher comme elle y était invitée (conclusions de la SCI du [Adresse 4], p. 58) si ces rapports étaient concordants entre eux et ainsi, se corroboraient l'un l'autre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile ; 3/ Alors, enfin, en tout état de cause, que le rapport de l'inspection des installations classées du 24 août 2011, loin de valider les conclusions de l'évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) du 19 mai 2010, soulignait que cette évaluation « ne constitua[ait] pas un mémoire tel que prévu à l'article R. 512-39-3 I » du code de l'environnement et qu'elle « ne prenait pas en compte d'opérations de dépollution, alors qu'une zone polluée [était] clairement identifiable au droit de l'implantation des cuves » ; qu'en se bornant à retenir que selon ledit rapport de l'inspection des installations classées, l'EQRS n'envisageait pas de mesures de réhabilitation particulières, considérant que le risque était acceptable eu égard à l'usage futur du site, sans rechercher comme l'y invitait la SCI du [Adresse 4] si compte tenu des réserves émises par ce rapport de l'administration sur l'EQRS, et de la mise en demeure subséquente adressée par l'autorité préfectorale à la société SH2 HEM, cette dernière avait manqué à son obligation de dépollution du site au regard de l'usage tertiaire initialement prévu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016, ensemble l'article L. 511-1 du code de l'environnement. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION : La SCI du [Adresse 4] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté ses demandes formées à l'encontre des sociétés JML, MATT et LOREL au titre du manquement à leur obligation de délivrance, Alors que la délivrance conforme suppose la conformité de la chose vendue aux spécifications prévues par les parties au contrat ; qu'en se bornant à énoncer que « l'immeuble vendu n'a pas été présenté à l'acquéreur comme ayant fait l'objet d'une dépollution rendant son usage compatible avec la construction de logements d'habitation » (arrêt, p. 7, § 5) sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de la SCI du [Adresse 4], pp. 12-13, spéc. p. 12, § 3 et s.) si la déclaration par les sociétés venderesses, dans l'acte de vente du 4 août 2011, de ce que « l'état actuel des biens immobiliers vendus permet leur utilisation pour un usage quelconque » (soulignement ajouté), ne démontrait pas que les sociétés JML, MATT et LOREL – qui avaient en outre annexé à l'acte de vente le rapport d'évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) du 19 mai 2010 établi par la société Socotec et concluant à la compatibilité du site pour de l'habitation – s'étaient contractuellement engagées sur le principe de la compatibilité du site avec la construction d'immeubles quel qu'en soit l'usage, notamment d'habitation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des dispositions de l'article 1603 du code civil. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION La SCI du [Adresse 4] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré ses demandes formées à l'encontre des sociétés JML, MATT et LOREL sur le fondement de la garantie des vices cachés, Alors que le délai de deux ans dans lequel l'action en garantie des vices cachés doit être intentée court à compter de la découverte du vice dans son ampleur réelle ; qu'en faisant courir de délai de prescription de l'action en garantie des vices cachés de la SCI du [Adresse 4] contre les sociétés JML, MATT et LOREL, venderesses, à compter du 31 mai 2011, date du rapport établi par la société Novaxia, tout en constatant pourtant (arrêt, p. 7, § 7) que ledit rapport ne permettait pas d'évaluer le coût des travaux de dépollution nécessaires à la réhabilitation des terrains litigieux, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1648 du code civil. QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION : La SCI du [Adresse 4] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré ses demandes formées à l'encontre de la société Socotec Environnement, 1/ Alors, d'une part, que lorsqu'une partie à laquelle un rapport d'expertise est opposé n'a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut refuser d'examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties ; qu'il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en retenant que les rapports établis par la société HPC Envirotec le 12 septembre 2012 et par M. [Z] le 20 juillet 2014, « bien que soumis à la discussion des parties, n'étaient corroborés par aucune autre preuve, de sorte qu'ils n'avaient pas de force probante » (arrêt, p. 7, ult. §), sans rechercher comme elle y était invitée (conclusions de la SCI du [Adresse 4], p. 58 et p. 60) si ces rapports étaient concordants entre eux et ainsi, se corroboraient l'un l'autre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile ; 2/ Alors, d'autre part, que le courrier de mise en demeure de l'autorité préfectorale à la société SH2 HEM du 30 mars 2012 mentionnait que l'acceptabilité du risque associé à l'usage futur, telle qu'elle était relatée dans l'évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) du 21 mai 2010 réalisée par la Socotec, n'était « [n]éanmoins (…) pas suffisant[e] pour garantir la remise en état » des lieux au regard des obligations incombant à la société SH2 HEM en sa qualité d'ancien exploitant ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter la responsabilité de la Socotec au titre de l'insuffisance son étude, que « la préfecture a[vait] confirmé le 30 mars 2012 (pièce 35 de la société SH2 HEM) que l'EQRS correspondait bien à l'usage futur qui avait été validé et que cette évaluation n'était donc pas remise en cause » (arrêt, p. 8, § 2), la cour d'appel a méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de preuve produits devant lui.
Si le dernier exploitant d'une installation classée mise à l'arrêt définitif a rempli l'obligation de remise en état qui lui incombe, au regard à la fois de l'article L. 511-1 du code de l'environnement et de l'usage futur du site défini conformément à la réglementation en vigueur, le coût de dépollution supplémentaire résultant d'un changement d'usage par l'acquéreur est à la charge de ce dernier
7,964
CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 525 FS-B Pourvoi n° S 21-16.452 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022 1°/ Mme [B] [I], 2°/ Mme [S] [I], toutes deux domiciliées angle du [Adresse 3], 3°/ M. [V] [K], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de commissaire à l'exécution des plans de redressement de Mme [B] [I] et de la société Le Grand Gourmet, 4°/ la société Le Grand Gourmet, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], ont formé le pourvoi n° S 21-16.452 contre l'arrêt rendu le 17 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 3), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Livo, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à Mme [Y] [O], épouse [D], domiciliée [Adresse 2], 3°/ à M. [H] [O], domicilié [Adresse 9], 4°/ à M. [E] [O], 5°/ à Mme [U] [P], épouse [O], tous deux domiciliés [Adresse 8], 6°/ à la société [G], notaires et associés, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de M. [C] [G], 7°/ à la société Gérard Guibert Foucault Vaillant Erout De La Taille Lolainville et Pietrini, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mmes [B] et [S] [I], de M. [K], ès qualités et de la société Le Grand Gourmet, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [G] et de la société Gérard Guibert Foucault Vaillant Erout De La Taille Lolainville et Pietrini, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat des consorts [O], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Livo, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Jacques, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mars 2021), [A] [Z], décédée, aux droits de laquelle viennent Mmes [O] épouse [D] et [P] épouse [O], ainsi que MM. [H] et [E] [O] (les consorts [O]), a donné à bail commercial à Mme [B] [I] des locaux constitués d'une boutique et d'un appartement et à la société Le Grand Gourmet, ayant pour gérante Mme [S] [I], des locaux constitués d'une boutique et de deux appartements, situés dans le même immeuble. 2. [A] [Z] a consenti à la société Livo une promesse de vente, reçue par les sociétés civiles professionnelles [C] [G] et Paul Bouloc notaires associés, devenue [G] notaires et associés, et Gérard- Guibert-Foucaul-Vaillant-Erout-De La Taille Lolainville-Piétrini notaires (les notaires), portant sur ces lots, ainsi que sur un appartement et trois caves situés dans le même bâtiment. 3. Mme [B] [I] et la société Le Grand Gourmet, toutes deux mises en redressement judiciaire, et M. [K], commissaire à l'exécution des plans de redressement, se sont prévalus du droit de préemption prévu à l'article L. 145-46-1 du code de commerce. 4. La vente des locaux en cause a été réitérée par acte authentique du 6 septembre 2016. 5. Mme [B] [I], la société Le Grand Gourmet et M. [K], ès qualités, ont assigné [A] [Z], la société Livo et les notaires en nullité de la vente et réparation. 6. Mme [S] [I] est intervenue volontairement à l'instance. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Mmes [B] et [S] [I], M. [K], ès qualités, et la société Le Grand Gourmet font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal, lorsqu'il envisage de vendre celui-ci, en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement ; que cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée et vaut offre de vente au profit du locataire, qui dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer ; que dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier ces conditions et ce prix au locataire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement, à peine de nullité de la vente ; que cette notification vaut offre de vente au profit du locataire ; qu'est prévu un certain nombre d'exception au champ d'application de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, parmi lesquelles l'hypothèse de la « cession unique de locaux commerciaux distincts », soit le cas de cession de locaux commerciaux situés dans des lieux différents, géographiquement distincts, ne se trouvant pas dans le même immeuble ou le même ensemble non commercial ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats comme résultant des constatations de l'arrêt que les locaux commerciaux cédés se situaient tous les deux à l'angle de la [Adresse 10], dans le même immeuble constituant une seule et unique copropriété ou le même ensemble non commercial, ce qui excluait qu'ils puissent être qualifiés de locaux commerciaux distincts ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 145-46-1 du code de commerce ; 2°/ que la cour d'appel a constaté que la cession portait à la fois sur des locaux commerciaux et sur des locaux non commerciaux ; qu'ainsi la cession ne portait pas uniquement sur des locaux commerciaux comme le prévoit l'exception au champ d'application de l'article L. 145-46-1 du code de commerce qui vise la « cession unique de locaux commerciaux distincts » ; qu'en refusant de faire application du droit de préemption au profit du locataire commercial, la cour d'appel a violé l'article L. 146-46-1 du code de commerce. » Réponse de la Cour 8. La cour d'appel, qui a constaté que la vente litigieuse portait notamment sur des locaux commerciaux donnés à bail à des preneurs distincts, en a exactement déduit, peu important que ces locaux fussent situés dans le même immeuble et que la vente ait également porté sur un lot à usage d'habitation et sur des caves, qu'aucun des preneurs commerciaux ne pouvait se prévaloir du droit de préemption prévu à l'article L. 145-46-1 du code de commerce, celui-ci étant exclu, par le sixième alinéa de ce texte, dans le cas d'une cession unique de locaux commerciaux distincts. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mmes [B] et [S] [I], la société Le Grand Gourmet et M. [K], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de Mme [B] [I] et de la société Le Grand Gourmet, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [B] et [S] [I], la société Le Grand Gourmet et M. [K], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de Mme [B] [I] et de la société Le Grand Gourmet, et les condamne à payer une somme globale de 1 000 euros à Mmes [O] épouse [D] et [P] épouse [O] et à MM. [H] et [E] [O], ensemble, d'une part, la somme globale de 1 000 euros à la société Livo, d'autre part, la somme globale de 1 000 euros à la société [G], notaires et associés, et la société civile professionnelle Gérard-Guibert-Foucaul-Vaillant-Erout-De La Taille Lolainville-Piétrini, notaires, ensemble, enfin ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mmes [I], la société Le Grand Gourmet et M. [K], ès qualités Madame [B] [I], madame [S] [I], monsieur [V] [K], ès qualité de commissaire à l'exécution des plans de redressement de madame [B] [I] et de la société Le Grand Gourmet et la société Le Grand Gourmet font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leurs demandes tendant à voir constater le non-respect de leur droit de préemption, juger la vente intervenue entre madame [Z] et la SCI Livo, réitérée par acte authentique du 6 septembre 2016, nulle et de nul effet, à enjoindre à madame [Z] et à ses ayants-droit de procéder à la notification des conditions de la vente à madame [B] [I] et à la société le Grand Gourmet dans le respect de l'article L.145-46-1 du code de commerce, ce sous astreinte de 750 euros par jour de retard et à condamner in solidum les consorts [O], la SCI Livo, la SCP [G], la SCP Gérard à payer à mesdames [B] et [S] [I] et à la société le Grand Gourmet la somme de 20.000 euros chacune à titre de dommages et intérêts; 1°) Alors qu'aux termes de l'article L.145-46-1 du code de commerce, le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal, lorsqu'il envisage de vendre celui-ci, en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement ; que cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée et vaut offre de vente au profit du locataire, qui dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer ; que dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier ces conditions et ce prix au locataire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement, à peine de nullité de la vente ; que cette notification vaut offre de vente au profit du locataire ; qu'est prévu un certain nombre d'exception au champ d'application de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, parmi lesquelles l'hypothèse de la « cession unique de locaux commerciaux distincts », soit le cas de cession de locaux commerciaux situés dans des lieux différents, géographiquement distincts, ne se trouvant pas dans le même immeuble ou le même ensemble non commercial ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats comme résultant des constatations de l'arrêt que les locaux commerciaux cédés se situaient tous les deux à l'angle de la [Adresse 10], dans le même immeuble constituant une seule et unique copropriété ou le même ensemble non commercial, ce qui excluait qu'ils puissent être qualifiés de locaux commerciaux distincts ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L.145-46-1 du code de commerce ; 2°) Alors que la cour d'appel a constaté que la cession portait à la fois sur des locaux commerciaux et sur des locaux non commerciaux ; qu'ainsi la cession ne portait pas uniquement sur des locaux commerciaux comme le prévoit l'exception au champ d'application de l'article L.145-46-1 du code de commerce qui vise la « cession unique de locaux commerciaux distincts » ; qu'en refusant de faire application du droit de préemption au profit du locataire commercial, la cour d'appel a violé l'article L. 146-46-1 du code de commerce.
Une cour d'appel, qui constate que la vente porte notamment sur des locaux commerciaux donnés à bail à des preneurs distincts, en déduit exactement, peu important que ces locaux soient situés dans le même immeuble et que la vente porte également sur un lot à usage d'habitation et sur des caves, qu'aucun des preneurs commerciaux ne peut se prévaloir du droit de préemption prévu à l'article L. 145-46-1 du code de commerce, celui-ci étant exclu, par l'alinéa 6 de ce texte, dans le cas d'une cession unique de locaux commerciaux distincts
7,965
COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation partielle Mme VAISSETTE, conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président Arrêt n° 428 F-B Pourvoi n° K 19-20.647 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JUIN 2022 La société Smac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° K 19-20.647 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2019 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Engie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société TE Connectivity Solutions Gmbh, dont le siège est [Adresse 3] (Suisse), société de droit étranger, 3°/ à la société Sunpower Energy Solutions France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5], anciennement dénommée société Tenesol, 4°/ à la société Tyco Electronics France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La société TE Connectivity Solutions Gmbh a formé un pourvoi incident et provoqué contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident et provoqué invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Smac, de la SCP Boullez, avocat de la société Engie, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société TE Connectivity Solutions Gmbh, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Sunpower Energy Solutions France, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Smac du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Tyco Electronics France. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 mai 2019), la société GDF Suez, devenue la société Engie, a confié la réalisation d'une centrale de production d'électricité à la société Smac, qui a acheté les panneaux photovoltaïques à la société Tenesol, laquelle, pour les construire, a assemblé des connecteurs fabriqués par la société suisse Tyco Electronics Logistics, devenue la société TE Connectivity Solutions Gmbh (la société TEC). 3. Invoquant des interruptions de la production d'électricité dues à des défaillances des connecteurs, la société Engie a assigné en réparation de ses préjudices matériel et immatériel les sociétés Smac, Tenesol, devenue la société Sunpower Energy Solutions France, et TEC, qui ont formé des appels en garantie. Examen des moyens Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal, le troisième moyen, pris en sa première branche, du même pourvoi, et les moyens des pourvois incident et provoqué, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 5. La société Smac fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne la société Tenesol à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, alors « en toute hypothèse, que faute d'avoir motivé sa décision sur ce point, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des motifs de l'arrêt qu'en dépit de la formule générale du dispositif qui « rejette toutes les autres demandes », la cour d'appel n'a pas statué sur le chef de demande relatif à l'appel en garantie formé par la société Smac contre la société Tenesol, dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision qu'elle l'ait examinée. 7. L'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. La société Smac fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Engie une certaine somme en réparation de son préjudice matériel, outre intérêts, alors « que la garantie des vices cachés, qui n'est due que par le vendeur, est inapplicable au contrat de louage d'ouvrage, quand bien même l'entrepreneur fournirait la matière ; qu'en énonçant qu'en sa qualité de fournisseur final des connecteurs, la société Smac est bien redevable à l'encontre de la societe Engie de la garantie des vices cachés, peu important le fait que le contrat qui les lie soit un contrat de louage d'ouvrage, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1641 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1641 du code civil : 9. Aux termes de ce texte, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. 10. Pour condamner la société Smac au paiement d'une certaine somme au titre du préjudice matériel, l'arrêt retient qu'elle est redevable à l'égard de la société Engie de la garantie des vices cachés, peu important qu'elles soient liées par un contrat de louage d'ouvrage. 11. En statuant ainsi, alors que, dans leurs rapports directs, l'action en garantie des vices cachés n'est pas ouverte au maître de l'ouvrage contre l'entrepreneur, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé. Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 12. La société Smac fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir la société TEC la garantir des condamnations prononcées à son encontre, alors « que le délai dont dispose l'entrepreneur pour agir en garantie des vices cachés à l'encontre du fabricant en application de l'article 1648 du code civil court à compter de la date de l'assignation délivrée contre lui ; qu'en prenant comme point de départ la date de découverte du vice affectant les connecteurs, quand il lui appartenait de rechercher à quelle date la société Smac avait été assignée par la société Engie, la cour d'appel a violé l'article 1648 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1648 du code civil : 13. En application de ce texte, le délai dont dispose l'entrepreneur pour former un recours en garantie contre le fabricant en application de l'article 1648 du code civil court à compter de la date de l'assignation délivrée contre lui. 14. Pour rejeter son appel en garantie, l'arrêt retient que la société Smac ne justifie d'aucune action à l'encontre de la société TEC entre le mois de septembre 2012, date de la découverte du vice, et l'assignation introductive d'instance et en déduit que cette demande est prescrite. 15. En statuant ainsi, alors que la société Smac n'avait été assignée en paiement par la société Engie que le 28 avril 2015 et que, dans ses conclusions d'appel, la société TEC soutenait elle-même que les premières demandes formées contre elle par la société Smac figuraient dans des conclusions n° 4 du 18 janvier 2017, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Smac à payer à la société Engie la somme de 184 750,18 euros HT de son préjudice matériel, outre intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2013, rejette le recours en garantie formé par la société Smac contre la société TE Connectivity Solutions Gmbh et condamne la société Smac aux dépens et en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la société TE Connectivity Solutions Gmbh aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société Smac. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société SMAC fait à l'arrêt infirmatif attaqué DE L'AVOIR condamnée à payer à la société Engie la somme de 184 750,18 € en réparation de son préjudice matériel, outre intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2013 ; AUX MOTIFS QU'« en sa qualité de fournisseur final des connecteurs, la société SMAC est bien redevable à l'encontre de la société Engie de la garantie des vices cachés, peu important le fait que le contrat qui les lie soit un contrat de louage d'ouvrage ; qu'il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve que le vice est caché, qu'il est antérieur à la vente et que la chose ne répond pas à l'usage qu'on peut en attendre ; que le premier juge a affirmé que l'installation comportait un vice caché puisque le défaut frappant les connecteurs ne s'est manifesté qu'après sa mise en route ; que cette motivation, non contestée, permet de constater que le vice n'était pas apparent au moment de la vente ; qu'il résulte en outre du rapport d'expertise que la défaillance des connecteurs est inhérente à un problème de conception qui fait que lors du serrage du presse étoupe, il apparaît des contraintes trop importantes pour la structure du connecteur entraînant ainsi des fissures favorisant la pénétration de poussières, d'humidité ou d'eau ; que le mélange eau/poussière étant conducteur, il y a génération de courant de fuite ; qu'il n'est pas contesté que la défectuosité des connecteurs résulte d'un problème de conception, ce qui permet d'établir que le vice était antérieur à la vente ; que les conclusions du rapport d'expertise permettent enfin d'établir la gravité du vice en ce qu'il affecte la totalité des connecteurs, de sorte que la centrale ne répond pas à l'usage que l'on pouvait en attendre ; que dès lors la société SMAC doit répondre de la garantie des vices cachés concernant les connecteurs à l'égard de la société Engie » ; ALORS QUE la garantie des vices cachés, qui n'est due que par le vendeur, est inapplicable au contrat de louage d'ouvrage, quand bien même l'entrepreneur fournirait la matière ; qu'en énonçant qu'en sa qualité de fournisseur final des connecteurs, la société SMAC est bien redevable à l'encontre de la société Engie de la garantie des vices cachés, peu important le fait que le contrat qui les lie soit un contrat de louage d'ouvrage, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1641 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société SMAC fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société Tenesol à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ; 1°) ALORS QU'en infirmant le jugement en ce qu'il avait condamné la société Tenesol à garantir la société SMAC des condamnations prononcées à son encontre, quand la société Tenesol ne critiquait pas le jugement sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE faute d'avoir motivé sa décision sur ce point, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société SMAC fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté sa demande tendant à voir la société TE Connectivity Solutions GMBH à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ; AUX MOTIFS QUE « l'appel en garantie de la société SMAC à l'encontre de la société TE Connectivity est prescrit, la première ne justifiant d'aucune action à l'encontre de la seconde entre le mois de septembre 2012, date de la découverte du vice, et l'assignation introductive d'instance » ; 1°) ALORS QU'en relevant que « le vice a été découvert le 11 septembre 2012 » (p. 21), après avoir relevé que « la connaissance du défaut (…) ne peut résulter que du dépôt du rapport d'expertise en décembre 2014 » (p. 13), la cour d'appel a affecté sa décision d'une contradiction de motifs, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le délai dont dispose l'entrepreneur pour agir en garantie des vices cachés à l'encontre du fabricant en application de l'article 1648 du code civil court à compter de la date de l'assignation délivrée contre lui ; qu'en prenant comme point de départ la date de découverte du vice affectant les connecteurs, quand il lui appartenait de rechercher à quelle date la société SMAC avait été assignée par la société Engie, la cour d'appel a violé l'article 1648 du code civil. Moyens produits AU POURVOI INCIDENT ET PROVOQUÉ par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société TE Connectivity Solutions Gmbh. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté la demande en garantie formée par la Société TE CONNECTIVITY SOLUTIONS GMBH à l'encontre de la Société SMAC et visant à faire supporter à cette dernière l'indemnité allouée à ENGIE ; AUX MOTIFS QUE « la Société TE CONNECTIVITY n'est pas elle-même fondée à agir en garantie à l'encontre des Sociétés SMAC et TENESOL sur le fondement d'une responsabilité pour un produit défectueux dont elles ne sont pas producteur ; que les appels en garantie de la Société TE CONNECTIVITY seront donc rejetés à ce titre » (arrêt p. 16, alinéa 4) ; ALORS QUE, premièrement, en cas de condamnation du fabricant sur le fondement des règles gouvernant la responsabilité pour produit défectueux, ce dernier peut exercer un recours à l'encontre des tiers conformément aux règles du droit commun dès lors que le recours repose sur un fondement autre que le défaut de sécurité du produit en cause ; qu'en excluant par principe le recours en garantie exercé par la Société TE CONNECTIVITY SOLUTIONS GMBH à l'encontre de la SMAC, sous-acquéreur, les juges du fond ont violé l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil dans leur rédaction applicable ; ET ALORS QUE, deuxièmement, si les relations entre le fabricant et le sous-acquéreur, s'agissant de l'action en garantie exercée contre le sous-acquéreur, devaient être regardées comme relevant d'une relation contractuelle, l'arrêt devra alors être censuré, pour avoir refusé illégalement un droit à recours, en violation des articles 1137 et 1147 anciens du Code civil, ensemble les articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil dans leur rédaction applicable. SUR LE POURVOI PROVOQUE (contre TENESOL) DEUXIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté le recours formé par la Société TE CONNECTIVITY SOLUTIONS GMBH à l'encontre de la Société SUNPOWER ENERGY SOLUTIONS FRANCE (anciennement dénommée TENESOL) et visant à faire supporter à cette dernière l'indemnité allouée à ENGIE ; AUX MOTIFS QUE « la Société TE CONNECTIVITY n'est pas elle-même fondée à agir en garantie à l'encontre des Sociétés SMAC et TENESOL sur le fondement d'une responsabilité pour un produit défectueux dont elles ne sont pas producteur ; que les appels en garantie de la Société TE CONNECTIVITY seront donc rejetés à ce titre » (arrêt p. 16, alinéa 4) ; ALORS QUE, tout jugement doit être motivé ; que les juges du fond ne peuvent statuer par voie de simple affirmation sans viser ni analyser, même sommairement, les éléments sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en affirmant, de manière péremptoire, que les « Sociétés SMAC et TENESOL […] ne sont pas producteur », sans viser ni analyser, même sommairement, les éléments sur lesquels ils se fondaient, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QU' il a rejeté le recours formé par la Société TE CONNECTIVITY SOLUTIONS GMBH à l'encontre de la Société SUNPOWER ENERGY SOLUTIONS FRANCE (anciennement dénommée TENESOL) et visant à faire supporter à cette dernière l'indemnité allouée à ENGIE ; AUX MOTIFS QUE « la Société TE CONNECTIVITY n'est pas elle-même fondée à agir en garantie à l'encontre des Sociétés SMAC et TENESOL sur le fondement d'une responsabilité pour un produit défectueux dont elles ne sont pas producteur et que les appels en garantie de la Société TE CONNECTIVITY seront donc rejetés à ce titre » (arrêt p. 16, alinéa 4) ; ALORS QUE, si même le fabricant a été condamné sur le fondement des règles de la responsabilité pour produit défectueux, il est en droit d'agir en garantie à l'égard des tiers et notamment à l'égard de son acquéreur, si une faute contractuelle, distincte du défaut de sécurité du produit en cause, peut être imputée à ce dernier ; qu'en excluant par principe la possibilité d'un appel en garantie exercé par la Société TE CONNECTIVITY SOLUTIONS GMBH, fabricant, à l'encontre de la Société SUNPOWER ENERGY SOLUTIONS FRANCE (anciennement TENESOL), acquéreur, les juges du fond ont violé les articles 1137 et 1147 anciens du Code civil, ensemble les articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil dans leur rédaction applicable.
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Viole ce texte la cour d'appel qui, pour condamner une partie au paiement d'une certaine somme au titre du préjudice matériel, retient qu'elle est redevable à l'égard de son cocontractant de la garantie des vices cachés, peu important qu'ils soient liés par un contrat de louage d'ouvrage, alors que, dans leurs rapports directs, l'action en garantie des vices cachés n'est pas ouverte au maître de l'ouvrage contre l'entrepreneur
7,966
COMM. DB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Rejet M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 437 F-B Pourvoi n° E 20-11.952 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JUIN 2022 La société Signa déco, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 20-11.952 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant à la société Compagnie de fabrication industrielle de menuiserie (Cofim), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Signa déco, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société Compagnie de fabrication industrielle de menuiserie (Cofim), après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 décembre 2019), la société Compagnie de fabrication industrielle de menuiserie (la société Cofim) ayant résilié pour faute grave le contrat d'agence commerciale qui la liait à la société Signa déco, celle-ci, contestant avoir commis une telle faute, l'a assignée en paiement d'indemnités de cessation de fin de contrat et de préavis. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 3. La société Signa déco fait grief à l'arrêt de juger que M. [F] a commis des fautes graves dans l'exercice de son mandat d'agent commercial motivant la résiliation du contrat, que le contrat d'agence commerciale conclu entre la société Signa déco et la société Cofim est résilié à la date du 13 février 2015 aux torts exclusifs de la société Signa déco et de débouter celle-ci de l'intégralité de ses demandes, alors : « 1°/ qu'est contraire à l'ordre public et réputée non écrite la clause par laquelle les parties décident qu'un comportement déterminé constitue une faute grave privative de l'indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; qu'en décidant d'appliquer la clause contractuelle prévue à l'article 11 du contrat d'agence commerciale qui qualifiait de faute grave l'absence d'information du mandant de la perte par le gérant de la "direction effective et permanente de la Société" et de soumission à l'agrément de celui-ci du changement de gérant, sans vérifier par elle-même si les faits qui lui étaient soumis pouvaient recevoir la qualification de faute grave et notamment si, comme elle y était invitée, ils avaient eu une incidence sur les rapports de droit privé existant entre le mandant et son agent dès lors qu'il n'était pas contesté que l'ancien gérant avait conservé le contrôle effectif de l'agence commerciale et qu'il était demeuré l'interlocuteur du mandant, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ; 2°/ que seule la faute grave, c'est-à-dire celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, est privatrice de l'indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à qualifier de faute grave un manquement contractuel à une obligation d'information et de demande d'agrément du mandant, sans nullement en caractériser la gravité, ni au regard des circonstances de l'espèce, dans un contexte où le mandant avait manifesté par écrit et peu avant la rupture, sa volonté de rompre les relations pour un tout autre motif, ni au regard d'une quelconque incidence du prétendu manquement sur les rapports entre les parties ; que ce faisant, elle a violé les dispositions des articles L 134-12 et L 134-13 du code de commerce. » Réponse de la Cour 4. Après avoir constaté que l'article 11 du contrat d'agence commerciale stipulait : « Tout changement conduisant à la perte par M. [F], soit de la direction effective et permanente de la société, soit du contrôle majoritaire de celle-ci, devra être soumis à l'agrément du mandant au plus tard quatre mois avant la survenance du changement. Le non-respect de cette obligation sera assimilé à une faute grave de l'agent ouvrant droit à la résiliation légitime du mandat. », l'arrêt retient que cette clause d'intuitus personae soumet à l'agrément du mandant le changement de gérant de la société mandataire et que la prétendue gérance de fait exercée par M. [F] n'exonère pas la société Signa déco de son obligation contractuelle. Il relève, par motifs propres et adoptés, que la société Signa déco a manqué à son obligation d'information et de transparence à l'égard de la société Cofim en ne l'informant pas de la démission de son gérant. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que la société Signa déco avait manqué à son obligation de loyauté, essentielle au mandat d'intérêt commun, en a exactement déduit que cette dernière avait commis une faute grave justifiant la rupture des relations commerciales et dispensant la société Cofim de lui verser l'indemnité réparatrice prévue par l'article L.134-12 du code de commerce ainsi que l'indemnité de préavis. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Signa déco aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Signa déco et la condamne à payer à la société Compagnie de fabrication industrielle de menuiserie la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Signa déco. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR jugé que M. [J] [F] avait commis des fautes graves dans l'exercice de son mandat d'agent commercial motivant la résiliation du contrat, que le contrat d'agence commerciale conclu entre la société Signa Déco et la société COFIM était résilié à la date du 13 février 2015 aux torts exclusifs de la société Signa Déco et d'avoir débouté celle-ci de l'intégralité de ses demandes ; AUX MOTIFS QUE «La lettre de rupture du contrat d'agence commerciale du 13 février 2015 reproche à la société Signa Déco d'une part, la violation de la clause de l'article 11 alinéa 1 et 2 du contrat d'agence commerciale stipulant que « Tout changement conduisant à la perte par Monsieur [J] [F], soit de la direction effective et permanente de la société, soit du contrôle majoritaire de celle-ci, devra être soumis à l'agrément du mandant aux plus tard quatre mois avant la survenance du changement. Le non-respect de cette obligation sera assimilé à une faute grave de l'agent ouvrant droit à la résiliation légitime du mandat.» et d'autre part, sa complicité dans la fraude au contrat de travail de Monsieur [J] [F]. […] Le premier juge a, par des motifs pertinents que la cour adopte, constaté que la société Signa Déco n'établissait pas avoir informé la société Cofim de la démission de son gérant intervenue aux termes de l'assemblée générale du 28 novembre 2012, en contravention avec les dispositions de l'article 11 du contrat d'agence commerciale prévoyant, dans le cadre d'une clause d'intuitu personæ, l'agrément du nouveau gérant par le mandant et justement considéré à ce titre, que la démonstration de la faute grave de l'agent commercial était démontrée, la prétendue gérance de fait par Monsieur [J] [F] ne pouvant exonérer l'agent commercial de sa faute contractuelle. Il n'est dès lors pas besoin de procéder à l'examen des autres griefs invoqués par la société Cofim s'agissant de l'existence d'un contrat de travail liant M. [F] à une société Batimétal. » ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « M. [J] [F] n'apporte pas la preuve d'avoir informé la société COFIM de son changement de situation. Attendu que l'article 11 de la convention prévoyait que le contrat était signé intuitu personæ, c'est-à-dire en considération de la personne de M. [J] [F], et que tout changement significatif dans la direction de la société SIGNA DECO devait être soumis à l'agrément de la société COFIM, le non respect de cette obligation constituant une faute grave de l'Agent ouvrant droit à la résiliation légitime du mandat. Attendu qu'en gardant le silence sur son changement de statut, M. [J] [F] a manqué à son obligation de transparence et d'information à l'égard de son cocontractant. Attendu qu'au vu de ce qui précède, le Tribunal jugera que M. [J] [F], qui n'a pas soumis son changement de statut à l'agrément de la société COFIM, a commis une faute grave. Attendu que l'article 11 de la convention prévoit la résiliation du contrat en cas de faute grave, le Tribunal jugera que c'est à bon droit que la société COFIM a résilié le contrat liant les parties. Attendu qu'au visa de l'article L.134-13 du Code de commerce, la réparation prévue par l'article L.134-12 du Code de commerce n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial. Attendu en conséquence que le Tribunal déboutera la société SIGNA DECO de ses demandes tendant à l'octroi d'indemnités, préavis et commissions ; ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE « M. [J] [F] avait, antérieurement à la convention, signé un contrat de travail avec la société BATIMETAL du groupe PREMDOR le 17 décembre 2007, un avenant en date du 1er mars 2010 le transformant en contrat à durée indéterminée. Attendu que l'article 7 de ce contrat de travail prévoyait que M. [F] devait consacrer 100 % de son temps à cette activité salariée et de la sorte qu'il s'engageait à n'exercer aucune autre activité professionnelle soit pour son propre compte soit pour le compte de tiers pendant toute la durée du contrat. Attendu que M. [F], en omettant d'informer la société COFIM de son statut de salarié dans le groupe PREMDOR, et tenu par une clause d'exclusivité, a manqué de loyauté envers son mandant et a commis une faute grave. Attendu que, au vu de tout ce qui précède, le Tribunal jugera que M. [J] [F] a commis deux fautes graves, manquement à l'intuitu personæ et déloyauté vis-à-vis de son mandant. Attendu qu'en conséquence, la résiliation du mandat d'agent commercial aux torts exclusifs de la société SIGNA DECO étant justifiée, le Tribunal la déboutera de toutes ses demandes en indemnités. » ALORS, D'UNE PART, QU' est contraire à l'ordre public et réputée non écrite la clause par laquelle les parties décident qu'un comportement déterminé constitue une faute grave privative de l'indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; qu'en décidant d'appliquer la clause contractuelle prévue à l'article 11 du contrat d'agence commerciale qui qualifiait de faute grave l'absence d'information du mandant de la perte par le gérant de la « direction effective et permanente de la Société » et de soumission à l'agrément de celui-ci du changement de gérant, sans vérifier par elle-même si les faits qui lui étaient soumis pouvaient recevoir la qualification de faute grave et notamment si, comme elle y était invitée, ils avaient eu une incidence sur les rapports de droit privé existant entre le mandant et son agent dès lors qu'il n'était pas contesté que l'ancien gérant avait conservé le contrôle effectif de l'agence commerciale et qu'il était demeuré l'interlocuteur du mandant, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L.134-12 et L.134-13 du Code de commerce ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE seule la faute grave, c'est-à-dire celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, est privatrice de l'indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel s'est bornée à qualifier de faute grave un manquement contractuel à une obligation d'information et de demande d'agrément du mandant, sans nullement en caractériser la gravité, ni au regard des circonstances de l'espèce, dans un contexte où le mandant avait manifesté par écrit et peu avant la rupture, sa volonté de rompre les relations pour un tout autre motif, ni au regard d'une quelconque incidence du prétendu manquement sur les rapports entre les parties ; que ce faisant, elle a violé les dispositions des articles L.134-12 et L.134-13 du Code de commerce ; ALORS, ENFIN, QUE ne constitue pas une faute grave au sens des textes précités, l'éventuelle faute qu'aurait commise le mandataire envers un tiers, dénuée de toute incidence dans ses rapports avec son mandant ; qu'en se bornant à dire, par motifs supposés adoptés, pour retenir la faute grave, que l'ancien gérant de droit de l'agence commerciale était tenu par un contrat de travail contenant une clause d'exclusivité professionnelle vis à vis d'une autre entreprise, sans relever aucun lien de concurrence entre celle-ci et le mandant, ni aucune répercussion que cette situation aurait pu avoir sur le mandant, la Cour d'appel n'a pas caractérisé la faute grave et a violé l'article L.134-13 du Code de commerce.
Ayant retenu qu'une clause d'intuitu personae du contrat d'agence commerciale soumettait à l'agrément du mandant le changement de gérant de l'agent commercial et que la prétendue gérance de fait exercée par l'intéressé n'exonérait pas l'agent commercial de son obligation contractuelle, puis relevé que celui-ci avait manqué à son obligation d'information et de transparence à l'égard du mandant en ne l'informant pas de la démission de son gérant, la cour d'appel, qui a fait ressortir que l'agent commercial avait manqué à son obligation de loyauté, essentielle au mandat d'intérêt commun, en a exactement déduit que ce dernier avait commis une faute grave justifiant la rupture des relations commerciales et dispensant le mandant de lui verser l'indemnité réparatrice prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce ainsi que l'indemnité de préavis
7,967
COMM. DB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation partielle M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 438 F-B Pourvoi n° S 20-13.228 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JUIN 2022 La société Bystronic France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 20-13.228 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société de Représentation de machines-outils (Repmo), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la Société d'études et de ventes de machines-outils (Sevmo), défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Bystronic France, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société de Représentation de machines-outils, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 janvier 2020), la société Bystronic France (la société Bystronic) ayant résilié pour faute grave le contrat d'agence commerciale conclu avec la Société d'études et de ventes de machines outils (la société Sevmo), cette dernière, aux droits de laquelle est venue la société de Représentation de machines-outils (la société Repmo), contestant avoir commis une telle faute, l'a assignée en paiement des indemnités de cessation de contrat et de préavis. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 2. La société Bystronic fait grief à l'arrêt de dire qu'aucune faute grave n'est démontrée à l'encontre de la société Sevmo, de la condamner à régler à la société Repmo certaines sommes à titre d'indemnités de cessation de contrat et de préavis, alors « que le contrat d'agence commerciale, conclu en considération de la personne de l'agent, ne peut être transmis qu'avec l'accord du mandant ; que dès lors, commet une faute grave, par manquement à son devoir d'information et de loyauté, la société mandataire qui n'informe pas son mandant que son dirigeant personne physique, en considération de qui le contrat d'agence a été conclu, a cessé ses fonctions et a été remplacé par une autre personne ; qu'en retenant, pour dire que la société Sevmo n'avait commis aucune faute grave en n'informant pas la société Bystronic que son dirigeant avait cessé ses fonctions et été remplacé par une autre personne, que la société Bystronic n'établissait aucune atteinte à la finalité commune du mandat résultant de ce changement de direction et de contrôle, la cour d'appel, qui a constaté que ce contrat avait été conclu en considération de la personne de ce dirigeant, que les parties avaient convenu que tout changement de direction serait préalablement soumis à l'agrément du mandant et érigé tout manquement à cette obligation en faute grave, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 134-1, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce : 3. Il résulte de ces textes que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale. 4. Pour exclure la faute grave de la société Sevmo et condamner la société Bystronic au paiement d'indemnités de cessation de contrat et de préavis, après avoir constaté que l'article 11 du contrat d'agence commerciale stipulait que le contrat étant conclu en considération de la personne de M. [J], principal animateur de la société Sevmo, tout changement conduisant à la perte par ce dernier, soit de la direction effective et permanente de la société, soit du contrôle majoritaire de celle-ci, devait être soumis à l'agrément du mandant dans un délai raisonnable, avant la survenance du changement, et que le non-respect de cette obligation serait assimilé à une faute grave de l'agent, ouvrant droit à la résiliation du mandat, l'arrêt retient que cette clause vise à garantir l'effectivité du caractère intuitu personae du contrat et permettre la résiliation de ce contrat en cas de changement de direction ou de contrôle de la société mandataire mais qu'il n'est pas démontré qu'une atteinte à la finalité commune du mandat a résulté du changement de direction ou de contrôle de la société Sevmo et qu'il n'est ni établi ni même invoqué que la société Repmo, qui a le contrôle majoritaire de la société Sevmo, exerce une activité concurrente de la société Bystronic. 5. En statuant ainsi, après avoir constaté que le contrat avait été conclu en considération de la personne de M. [J] et que la société Sevmo n'avait informé la société Bystronic d'un changement de direction au profit de la société Repmo que près d'un mois après celui-ci, ce dont il résulte qu'elle a manqué à son obligation de soumettre à l'agrément préalable de son mandant le changement entraînant la perte de contrôle majoritaire de M. [J], alors que le manquement à l'obligation de loyauté, essentielle au mandat d'intérêt commun, constitue une faute grave, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation Vu l'article 624 du code de procédure civile : 6. La cassation prononcée sur le premier moyen du chef de la condamnation au paiement d'indemnités de cessation de contrat et de préavis entraîne, par voie de conséquence, la cassation de la disposition critiquée par le second qui, rejetant la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement de première instance au motif que les sommes allouées par la cour d'appel étaient d'un montant supérieur à celui des sommes allouées par les premier juges, s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit qu'aucune faute grave n'est démontrée à l'encontre de la société Sevmo, qu'il condamne la société Bystronic France à payer à la société Repmo la somme de 441 979 euros à titre d'indemnité de cessation du contrat d'agence commerciale, qu'il condamne la société Bystronic France à payer à la société Repmo la somme de 110 495 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, qu'il déboute la société Bystronic France de sa demande de restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire et qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 23 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société de Représentation de machines-outils, venant aux droits de la Société d'études et de ventes de machines-outils (Sevmo), aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société de Représentation de machines-outils et la condamne à payer à la société Bystronic France la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Bystronic France. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit qu'aucune faute grave n'est démontrée à l'encontre de la société Sevmo, condamné la société Bystronic France à régler à la société Repmo une somme de 441.979 euros à titre d'indemnité de cessation du contrat d'agence commerciale et une somme de 110.495 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'avoir débouté la société Bystronic de sa demande en remboursement d'une somme de 49 061,33 euros et de l'avoir condamnée aux frais de l'article 700 de première instance et d'appel et aux entiers dépens ; AUX MOTIFS QUE : «Sur la validité de l'article 11 du contrat du 27 novembre 2000 L'article 11 du contrat du 27 novembre 2000, intitulé "Transmission du contrat ", prévoit que : " Le présent contrat étant conclu "intuitu personnae ", c'est à dire en considération de la personne de Monsieur [J] [P], principal animateur de la société Sevmo, tout changement conduisant à la perte par Monsieur [J] [P], soit de la direction effective et permanente de la société, soit du contrôle majoritaire de celle-ci, devra être soumis à l'agrément du mandant dans un délai raisonnable, avant la survenance du changement. Le non respect de cette obligation sera assimilé à une faute grave de l'agent ouvrant droit à la résiliation du mandat.» Contrairement à ce que prétend la société Repmo, il ne saurait être argué de la nullité de cette clause contractuelle au motif que l'intuitu personae ne peut viser qu'une partie au contrat. En effet, dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, le contrat d'agence commerciale est conclu avec une personne morale, l'intuitu personae s'apprécie en considération de la personne des dirigeants de la société. Par ailleurs, aucune violation des pouvoirs des associés de la société mandataire ou ingérence du mandant dans le fonctionnement de la société mandataire ne peut résulter de la clause susvisée dés lors que cette clause ne donne aucun pouvoir au mandant de désigner les dirigeants de la société mandataire mais vise uniquement à garantir l'effectivité du caractère intuitu personae du contrat d'agence commerciale en subordonnant la poursuite du contrat à un agrément du mandant en cas de changement de contrôle ou de direction de la société mandataire. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Repmo tendant à voir prononcer la nullité de l'article 11 du contrat du 27 novembre 2000 conclu entre la société Bystronic France et la société Sevmo. Sur la faute grave de la société Sevmo En matière de contrat d'agent commercial, la faute grave, privative d'indemnités de rupture et de préavis, se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel. Elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat. Pour déterminer si un agent commercial a droit, lors de la rupture du contrat d'agence, à l'indemnité compensatrice légalement prévue, il appartient au seul juge, et non à la convention des parties, de qualifier de faute grave les faits qui lui sont soumis. En outre, il appartient au mandant de rapporter la preuve d'une telle faute. En l'espèce, pour caractériser la faute grave de son mandataire, la société Bystronic France invoque tout d'abord l'article 11 du contrat qui qualifie de faute grave le fait de ne pas avoir soumis à son agrément le changement de contrôle et de direction de la société mandataire. Toutefois ainsi qu'il a été rappelé plus haut la qualification de la faute grave relève du pouvoir du juge du fond et non du pouvoir des parties. Or la société Bystronic France n'explique pas en quoi le fait de ne pas avoir sollicité son agrément du changement de contrôle majoritaire allégué de la société Sevmo ou encore du changement de direction relève d'une faute grave exclusive de tout droit à indemnisation de cessation du mandat ou d'indemnité de préavis. En effet, l'article 11 du contrat a été édicté pour garantir l'effectivité du caractère intuitu personae du contrat et permettre la résiliation de ce contrat en cas de changement de direction ou de contrôle de la société mandataire. Aucune atteinte à la finalité commune du mandat résultant du changement de direction ou de contrôle de la société mandataire n'est démontrée étant observé qu'il n'est pas établi ni même invoqué que la société Repmo, qui a le contrôle majoritaire de la société Sevmo, exercerait une activité concurrente de la société Bystronic France. Il n'est pas davantage avéré que le manque allégué de diligences du mandataire résulterait de son changement de direction et de la nomination de Mme [G] en remplacement de M. [J]. Aucune faute grave n'est établie de ces chefs. Par ailleurs, le fait que la société Sevmo n'ait pas répondu immédiatement aux demandes d'informations de son mandataire quant à son changement de direction et de contrôle adressées par courriers des 20 et 27 mars 2015 ne saurait étre constitutif d'un manque de loyauté alors qu'il est établi que le changement de direction a eu lieu le 17 mars 2015 et que les informations sollicitées ont été apportées le 7 avril 2015, soit une quinzaine de jours aprés la premiére demande d'informations et moins d'un mois aprés le changement de direction. Enfin aucune déclaration mensongére du mandataire au moment de la conclusion du contrat n'est caractérisée. En effet, il ne peut étre déduit de la rédaction de l'article 11 du contrat, qui revét les caractéres d'une clause de style en matiére de contrat d'agence commerciale, que M. [J] s'est prétendu faussement actionnaire majoritaire de la société Sevmo. Ensuite la société Bystronic France reproche à la société Sevmo un manque de diligences dans l'exécution du mandat. Elle lui fait d'abord grief de ne pas avoir participé à un salon professionnel. Toutefois l'absence à un seul salon ne saurait étre constitutive d'une faute grave d'autant plus que la société Bystronic France ne démontre pas avoir alerté son agent sur la nécessité de sa présence à ce salon, dont il n'est pas contesté qu'il était destiné aux constructeurs, et ne justifie pas que son agent y participait réguliérement. La société Bystronic France déduit ensuite de l'absence de transmission par son mandataire d'une liste des dossiers en cours à la cessation du contrat un manque de suivi de ses dossiers. Pourtant aucun manque de diligences ne saurait résulter d'une telle absence d'informations alors que le contrat avait pris fin et qu'aux termes de l'article 14 du contrat, la transmission d'une telle liste était facultative pour le mandataire. En conséquence, aucune faute grave n'est caractérisée à l'encontre de la société Sevmo et le jugement déféré sera infirmé sur ce point. Sur le bien-fondé de la résiliation du contrat par la société Bystronic France La société Repmo demande qu'il soit jugé que la résiliation pour faute du contrat d'agence commerciale par la société Bystronic France était dépourvue de fondement. Toutefois il sera relevé qu'aux termes de l'article 12 du contrat, chacune des parties pouvaient mettre un terme au contrat à tout moment sans nécessité d'établir une faute de son cocontractant. Dans ces conditions, la société Bystronic France était bien fondée à résilier le contrat la liant à la société Sevmo peu important l'existence d'une faute de sa mandataire. La demande de la société appelante de ce chef sera rejetée. Sur la demande en paiement d'une indemnité de cessation L'article L. 134-12 du code de commerce dispose que : " En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. (...) ". En vertu de l'article L. 134-13 du code de commerce, cette indemnité n'est pas due en cas de faute grave de l'agent commercial. En l'espèce, en l'absence de faute grave de la part de la société Repmo, celle-ci a droit à une indemnité de préavis contrairement à ce qu'ont décidé les juges de première instance. L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause. Or, en l'espèce, compte tenu de la durée importante de la mission d'agence commerciale qui a débuté le 27 novembre 2000 (soit une durée de prés de quinze années) il convient d'accorder à la société Repmo une indemnité équivalente à deux années de commissions. La société Repmo justifie avoir perçu une somme de 248.426 euros de commissions en 2012, de 161.905 euros en 2013 et de 252.638 euros en 2014, soit une moyenne annuelle de 220.990 euros. En conséquence, la société Bystronic France sera condamnée à régler à la société Repmo une somme de 441.979 euros à titre d'indemnité de cessation. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point. Sur la demande en paiement d'une indemnité de préavis Selon l'article L. 134-11 du code de commerce, lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. (...) La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil. Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent. Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure Par ailleurs, en vertu de l'article 12 du contrat, il est prévu que «En l'absence de dénonciation à l'expiration de la période initiale de deux ans, le contrat qui continuerait à être exécuté par les parties après son terme pourra être résilié moyennant un préavis de trois mois jusqu'à la fin de la cinquième année du contrat et de six mois pour la sixième année commencée et les années suivantes.» En l'espèce, en l'absence de faute de la société Sevmo, celle-ci aurait dû bénéficier d'un préavis de six mois. Toutefois la société Bystronic France prétend que la société Sevmo a cessé d'exécuter ses obligations contractuelles dés la notification de la résiliation du contrat de sorte que l'inexécution du préavis ne lui serait pas imputable. Il sera néanmoins relevé que la société Bystronic France ne rapporte pas la preuve de ses allégations alors que la charge de la défaillance de son cocontractant lui incombe. En conséquence, la société Bystronic France sera condamnée à régler à la société Repmo une indemnité correspondant au préavis de six mois qu'elle aurait dû observer, soit une somme de 110.495 euros (220.990 euros/2). Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef. Sur la demande en paiement de commissions Sur la demande en paiement au titre des commissions pour les commandes de la société AMP Production Selon l'article 6 du contrat, le mandant doit à l'agent commercial une commission sur les montant des ventes réalisées par son intervention et matérialisées par les bons de commandes signés des clients et contresignés par l'agent commercial. Le fait générateur de la commission est constitué par l'acceptation par le mandant de la commande qui lui est transmise. Il n'est dû aucune commission : - sur les commandes acceptées par le mandant mais non exécutées, si l'inexécution ne provient pas de circonstances imputables au mandant ; - sur les commandes exécutées par le mandant mais non payées par le client. L'agent commercial n'a droit à la commission qu'après réception par le mandant du paiement de l'intégralité des sommes dues par l'acheteur et dans la seule proportion de la somme reçue. Le paiement de l'acheteur est considéré comme reçu lorsque le mandant peut librement disposer de la somme versée. En l'espèce, la société Repmo réclame le paiement d'une commission sur la vente de deux machines à la société AMP Production le 4 août 2014: - une machine laser Bysprint Fiber 4020 pour un montant de 514.000 euros HT ; - une presse Xact 160 pour un montant de 90.500 euros HT ; soit un total de 725.400 euros TTC. Elle ne conteste pourtant pas que la société AMP Production ne s'est pas acquittée de la totalité du prix de vente de ces machines; un solde d'un montant de 25 080 euros restant dû. En l'absence de paiement intégral de ces machines, la société Repmo ne saurait réclamer un droit à commission sur ces ventes. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef. Sur la demande de provision au titre d'une perte de chance de percevoir des commissions L'article L. 134-7 du code de commerce prévoit que : « Pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.» Par ailleurs, l'article 14 du contrat stipule que : «En cas de résiliation ordinaire du contrat par BYSTRONIC France SA, l'agent commercial pourra soumettre à BYSTRONIC France SA dans les quinze jours suivants la fin du contrat une liste de projets pendants. Cette liste devra comporter les noms et adresses des clients, les nombres et types de produits offerts ainsi que les dates des offres. BYSTRONIC France SA accorde le droit à l'agent commercial de poursuivre et conclure ces projets pendant une durée de six mois aprés la fin du contrat. Les commandes intervenant pendant les six mois suivant la fin du contrat seront exécutées par BYSTRONIC France SA aux termes et conditions du contrat.» Il ressort de ces dispositions que le droit à commission de la société Repmo est conditionné par son activité. Or la société Repmo ne rapporte aucun élément de preuve concernant son activité auprès de clients qui aurait permis la conclusion de ventes au profit de la société Bystronic France postérieurement à la cessation du contrat d'agence. Il sera à cet égard relevé que contrairement aux stipulations de l'article 14 du contrat et aux demandes répétées de son mandant, elle n'a communiqué aucune liste de projets pendants au moment de la cessation du contrat. Par ailleurs, la société Repmo ne saurait prétendre à une quelconque indemnisation supplémentaire au titre d'une perte de droit à commission pendant la période de préavis dés lors que ce chef de préjudice a déjà été indemnisé par l'allocation d'une indemnité compensatrice de préavis. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de provision au titre de la perte de chance de percevoir des commissions. Sur le préjudice financier résultant du licenciement d'un salarié La société Repmo sollicite la réparation du préjudice financier résultant de la nécessité de licencier l'un des salariés de la société Sevmo à la suite de la résiliation du contrat d'agence par la société Bystronic France. Toutefois selon les termes du contrat, la société Bystronic France pouvait rompre les relations à tout moment sauf à observer une période de préavis. Aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ne saurait donc lui être reprochée en raison de la résiliation du contrat d'agence commerciale. En revanche, une faute pourrait lui être reprochée pour n'avoir pas respecté le préavis contractuellement fixé. Pourtant à défaut de rapporter la preuve d'un quelconque lien de causalité entre l'inobservation du préavis et le licenciement économique allégué, la demande de dommages et intérêts ne peut prospérer. Sur la demande de remboursement de la société Bystronic France La société Bystronic France demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire. Toutefois les sommes allouées par la cour à la société Repmo étant supérieures aux sommes qui lui ont été allouées par les premiers juges, cette demande ne peut prospérer. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile La société Bystronic France succombe au litige. Elle supportera en conséquence les dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile. Elle sera condamnée à régler à la société Repmo une somme supplémentaire de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Sa demande sur ce point sera rejetée ". 1°) ALORS QUE le contrat d'agence commerciale, conclu en considération de la personne de l'agent, ne peut être transmis qu'avec l'accord du mandant ; que dès lors, commet une faute grave, par manquement à son devoir d'information et de loyauté, la société mandataire qui n'informe pas son mandant que son dirigeant personne physique, en considération de qui le contrat d'agence a été conclu, a cessé ses fonctions et a été remplacé par une autre personne ; qu'en retenant, pour dire que la société Sevmo n'avait commis aucune faute grave en n'informant pas la société Bystronic que son dirigeant avait cessé ses fonctions et été remplacé par une autre personne, que la société Bystronic n'établissait aucune atteinte à la finalité commune du mandat résultant de ce changement de direction et de contrôle, la cour d'appel, qui a constaté que ce contrat avait été conclu en considération de la personne de ce dirigeant, que les parties avaient convenu que tout changement de direction serait préalablement soumis à l'agrément du mandant et érigé tout manquement à cette obligation en faute grave, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 134-1, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ; 2°) ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en vertu de l'article 11 du contrat d'agent, la société Sevmo s'est engagée à informer la société Bystronic de tout changement conduisant à la perte par M. [J], son dirigeant, du contrôle majoritaire de la société ;que les parties avaient même expressément prévu que le non respect de cette obligation «sera assimilé à une faute grave» ; qu'en retenant que la société Sevmo n'avait commis aucune faute grave en indiquant à tort dans cette clause que M. [J] détenait le contrôle majoritaire de cette société, au motif qu'il s'agissait-là d'une «simple clause de style», la cour d'appel a méconnu la force obligatoire des conventions en violation de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Bystronic de sa demande en remboursement d'une somme de 49 061,33 euros ; AUX MOTIFS QUE : «la société Bystronic demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire ; que toutefois, les sommes allouées par la cour à la société Repmo étant supérieure aux sommes qui lui ont été allouées par les premiers juges, cette demande ne peut prospérer»; ALORS QUE l'obligation de rembourser les sommes versées en vertu d'une décision de première instance assortie de l'exécution provisoire résulte de plein droit de la réformation de cette décision ; qu'en refusant de condamner la société Repmo, venant aux droits de la société Semvo, à restituer à la société Bystronic les sommes que celle-ci lui avait versées en vertu du jugement de première instance assorti de l'exécution provisoire, malgré la réformation des chefs du jugement l'ayant condamnée à ce titre, au motif inopérant que la société Bystronic était par ailleurs condamnée en appel à lui verser des sommes supérieures à celles dont elle demandait la restitution, la cour d'appel a violé l'article 561 du code de procédure civile.
Il résulte des articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale. N'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé ces textes la cour d'appel qui, pour exclure la faute grave de l'agent commercial et condamner le mandant au paiement d'indemnités de cessation de contrat et de préavis, après avoir constaté, d'une part, qu'une clause du contrat d'agence commerciale stipulait que le contrat étant conclu en considération de la personne du principal animateur de la société mandataire, tout changement conduisant à la perte par ce dernier, soit de la direction effective et permanente de la société, soit du contrôle majoritaire de celle-ci, devait être soumis à l'agrément du mandant dans un délai raisonnable, avant la survenance du changement, et que le non-respect de cette obligation serait assimilé à une faute grave de l'agent, ouvrant droit à la résiliation du mandat, et, d'autre part, que le mandataire n'avait informé le mandant d'un changement de direction que près d'un mois après celui-ci, ce dont il résulte qu'il a manqué à son obligation de soumettre à l'agrément préalable de son mandant le changement entraînant la perte de contrôle majoritaire de la personne en considération de laquelle le contrat avait été conclu, a retenu qu'il n'était pas démontré qu'une atteinte à la finalité commune du mandat avait résulté du changement de direction ou de contrôle de la société mandataire et qu'il n'était ni établi ni même invoqué que la société ayant le contrôle majoritaire de cette dernière exerçait une activité concurrente du mandant, alors que le manquement à l'obligation de loyauté, essentielle au mandat d'intérêt commun, constitue une faute grave
7,968
SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 784 FS-B Pourvoi n° V 20-16.060 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022 La société Tereos participations, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-16.060 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. [B] [C], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Tereos participations, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [C], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, M. Barincou, Mme Grandemange, conseillers, Mmes Prache, Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 7 mai 2020), M. [C] a été engagé à compter du 5 août 1991 par la Société sucrière agricole de Maizy, devenue Union Sda puis Tereos Syral, en qualité d'ingénieur adjoint au directeur technique. En 2015, son contrat de travail a été transféré à la société Tereos participations, filiale française du groupe Tereos. Le 16 août 2016, il a pris les fonctions de directeur général de la société Tereos romania, filiale roumaine du groupe. 2. Il a été licencié pour faute grave le 20 janvier 2017. 3. Contestant cette mesure, il a saisi la juridiction prud'homale. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de son salarié était nul et de le condamner à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017, en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, alors : « 1°/ que le juge doit examiner les griefs tels qu'ils sont énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, l'employeur reprochait notamment au salarié de s'être limité à multiplier les accusations graves sur de possibles faits de corruption et des manquements aux règles de sécurité, en mettant en cause son supérieur hiérarchique, M. [R] mais aussi le groupe dans son ensemble, lorsqu'il lui appartenait, en sa qualité de directeur de la filiale, d'établir un rapport circonstancié sur les dysfonctionnements constatés, de prendre les mesures pour y remédier et de proposer des actions et mesures concrètes pour rétablir un fonctionnement conforme aux règles du groupe ; qu'à ce titre, l'employeur rappelait, preuve à l'appui, qu'après l'accident survenu le 28 novembre 2016 sur le site de Ludus, le salarié avait cherché à se défausser de toute responsabilité en suggérant de confier à son adjoint, M. [J], dont il contestait pourtant les compétences et dont il envisageait le licenciement, une délégation de pouvoir en matière de sécurité, non sans lui avoir au préalable attribué la responsabilité des opérations de production ; que l'employeur indiquait, sans être contesté, qu'à l'inverse du salarié, son successeur avait mis en oeuvre les mesures qui s'imposaient (licenciement de l'ingénieur sécurité qui était en place lorsque le salarié dirigeait la filiale, élaboration de procédures conformes aux standards du groupe, travaux de mise en conformité, formation du personnel etc.) ce qui avait permis à la filiale de ne déplorer aucun accident du travail avec arrêt de travail en 2018 ; qu'en écartant tout manquement du salarié, aux prétextes que les faits dénoncés par lui, en des termes qui n'étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires, reposaient sur des éléments précis, objectifs et corroborés, que préalablement à l'accident survenu le 28 novembre, l'intéressé avait confié à M. [J] la mission de définir des plans d'action en matière de sécurité et pris ensuite des mesures en urgence pour parer à la survenance d'autres accidents, le salarié ayant enfin continué, malgré son souhait de ne plus occuper son poste en Roumanie, à exercer de manière effective la direction de cette entité jusqu'à sa mise à pied conservatoire, sans à aucun moment rechercher si, comme il en avait reçu l'instruction et comme le lui imposaient ses fonctions de directeur de l'entreprise litigieuse, le salarié avait pris toutes les mesures nécessaires pour identifier et résoudre les dysfonctionnements observés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ; 2° / que si l'exercice de la liberté d'expression dans l'entreprise et en dehors de celle-ci ne peut justifier un licenciement, c'est à la condition qu'il ne dégénère pas en abus, celui-ci étant notamment constitué lorsque le salarié a usé de termes diffamatoires, injurieux ou excessifs ; qu'en l'espèce, évoquant la situation de la filiale roumaine du groupe Tereos qu'il dirigeait, le salarié déplorait, dans son courrier du 23 décembre 2016, ''4 ans de non gestion où le groupe a renié des valeurs aussi essentielles que sécurité et éthique'',''la sécurité : le management en place avant mon arrivée est incompétent, gravement incompétent'', '' personne n'est à la hauteur'', '' les limites de la « gestion à distance de M. [R] (présent 3 jours par an selon la rumeur) sont criantes'', ''concernant l'éthique, la situation est tout aussi dramatique'', ''j'ai une seule question : la direction de Tereos qui ne mettait presque jamais les pieds en Roumanie a-t-elle sciemment laissé perdurer cette situation ou a-t-elle, par manque d'implication, laissé toute latitude à un management local incompétent et corrompu ?'' ; qu'en déniant tout caractère excessif aux termes de ce courrier, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail, ensemble les articles L. 1221-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause ; 3° / que la preuve est libre en matière prud'homale ; que pour écarter les témoignages tendant à établir le chantage auquel s'était prêté le salarié, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'ils émanaient de hauts dirigeants de la société et du groupe ce qui les privaient '' manifestement d'impartialité'' ; qu'en statuant ainsi, lorsque la qualité des témoins était, en elle-même, insuffisante à ôter toute valeur probante à leurs déclarations strictement concordantes, la cour d'appel a violé le principe susvisé ; 4° / que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que dans son attestation, M. [R] relatait que lors d'un appel téléphonique du 28 décembre 2016 à 19 heures, M. [C] lui avait indiqué ''qu'il ne voulait plus travailler en Roumanie, ni dans le groupe Tereos, qu'il voulait rentrer en France tout en précisant qu'il ne démissionnerait pas et qu'il souhaitait bénéficier d'un licenciement'', que celui-ci avait ensuite exposé, dans une logique de ''chantage'', qu'en l'absence de ''réponse positive …sur sa demande d'ici le 3 janvier 2017'', ''il se sentirait libre de communiquer à qui il veut en interne et en externe et à sa manière sur la situation de la société en Roumanie'', ''menaces'' qu'il avait réitérées ''lors d'un entretien téléphonique [du] 3 janvier 2017'', en présence du directeur de Tereos Sucre France, M. [U], et du directeur excellence industrielle, sucre et alcool, M. [L], le témoin concluant ''il s'agissait clairement à nouveau de chantage'' ; que cette situation était confirmée par les intervenants précités qui déclaraient également qu' ''il s'agissait clairement d'un chantage envers M. [R] et le groupe Tereos, pour obtenir son licenciement'' ; qu'en affirmant qu'aux termes de leurs attestations, les dirigeants concernés se limitaient à une interprétation personnelle et donc subjective des propos de M. [C] sans établir avec certitude le ''chantage'' auquel celui-ci se serait prêté, la cour d'appel a dénaturé ces attestations qui faisaient objectivement ressortir l'existence de manoeuvres du salarié afin de contraindre son employeur d'accepter un départ dans des conditions avantageuses ; que, ce faisant, elle a violé le principe susvisé ; 5° / qu'à tout le moins aux termes de l'article 12 de l'avenant du 29 juin 2016, le salarié s'était engagé à ''conserver un secret professionnel absolu sur les méthodes, procédés, techniques et tarifs du groupe Tereos vis-à-vis de toute personne étrangère à ces derniers'' et à ''ne divulguer ou n'utiliser à [son] profit aucune information confidentielle portée à [sa] connaissance de par [ses] fonctions'', ''le non-respect de ces engagements [étant] considéré comme une faute grave'' ; qu'en retenant que les témoignages ne permettaient pas d'établir avec certitude le chantage auquel se serait livré le salarié, sans rechercher si, indépendamment même du mobile poursuivi, le salarié n'était pas, en tout état de cause, fautif de s'être estimé libre de communiquer aux ''institutions roumaines fournisseurs, [aux] planteurs de betteraves roumaines'', aux ''fournisseurs de matières premières à la sucrerie de Ludus'' et '' [aux] équipes locales ''des informations cruciales sur la situation de la filiale roumaine qu'il était chargé de diriger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1134 du code civil, devenus les articles 1103 et 1104 dudit code. » Réponse de la Cour 5. Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. 6. Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement. 7. La cour d'appel a d'abord constaté que la lettre de licenciement articulait trois griefs envers le salarié en lui reprochant, dans un premier temps, les propos qu'il avait tenus dans un courrier adressé au président du directoire du groupe dans lequel il mettait en cause le directeur d'une filiale ainsi que les choix stratégiques du groupe. 8. Elle a ensuite relevé que cette lettre du 23 décembre 2016 adressée par le salarié au président du directoire du groupe, pour dénoncer la gestion désastreuse de la filiale roumaine tant sur le terrain économique et financier qu'en termes d'infractions graves et renouvelées à la législation sur le droit du travail, faisait suite à l'absence de réaction de sa hiérarchie qu'il avait alertée le 2 décembre 2016 sur ces problèmes majeurs de sécurité et de corruption imputables à la gestion antérieure. 9. Elle a enfin retenu que les termes employés n'étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires à l'endroit de l'employeur et du supérieur hiérarchique. 10. Elle en a exactement déduit, sans avoir à examiner les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement, dès lors qu'il était notamment reproché au salarié cet exercice non abusif de sa liberté d'expression, que le licenciement était nul. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 12. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel, ainsi que de le condamner aux dépens de première instance et d'appel, alors « que l'employeur ne peut se voir reprocher la rétention d'une information qui lui était inconnue ; qu'en l'espèce, la société Tereos participations soutenait avoir ignoré les dysfonctionnements affectant la filiale roumaine du groupe Tereos avant les alertes du salarié et les investigations ultérieurement menées ; qu'en reprochant à l'employeur d'avoir fourni au salarié des éléments ne donnant pas une image fidèle de cette filiale, ce qui avait privé l'intéressé de la possibilité d'accepter son affectation en connaissance de cause, sans constater que, dès cette date, l'employeur disposait lui-même d'une information complète sur la situation de cette entité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenus les articles 1103 et 1104 dudit code. » Réponse de la Cour 13. Ayant constaté que l'employeur n'avait pas permis au salarié d'accepter l'affectation qui lui était proposée en connaissance de cause, les documents qui lui avaient été communiqués préalablement à la formalisation de son affectation ne donnant pas une image fidèle de la filiale particulièrement en matière de sécurité, la cour d'appel a pu en déduire qu'il avait ainsi manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Tereos participations aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Tereos participations et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Tereos participations PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. [B] [C] par la société Tereos participations était nul, d'AVOIR condamné la société Tereos participations à verser à M. [C] les sommes de 313 011,48 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, de 156 505,71 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017, de 15 650,57 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017 et de 391 264,28 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017, d'AVOIR condamné la société Tereos participations à verser à M. [B] [C] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et l'appel et d'AVOIR condamné la société Tereos participations aux dépens de première instance et d'appel ; AUX MOTIFS QUE « Sur la demande tendant au prononcé de la nullité du licenciement M. [C], invoquant l'article 10 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions des articles L. 2281-1 et L. 2281-3 du code du travail, soutient n'avoir été licencié que pour sanctionner et neutraliser son rôle de lanceur d'alerte après qu'il ait dénoncé à M. [R], son N+1, puis M. [G], N+2, une série de manquements graves et renouvelés aux règles de sécurité constitutifs d'une violation manifeste par le groupe TEREOS de son obligation de sécurité et ce au préjudice des salariés de la filiale roumaine, des faits susceptibles de recevoir la qualification de corruption impliquant la société TEREOS et affectant la situation économique de l'entreprise, la violation par l'employeur de l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi dans la mesure où la réelle situation de la société Tereos Sugar Romania lui avait été dissimulée afin qu'il accepte d'en prendre la direction. Il fait valoir n'avoir jamais diffusé d'information sur les faits dont il a eu connaissance en dehors d'un cercle très restreint et averti, il réfute avoir exercé une forme de chantage et soutient que l'employeur ne caractérise pas l'existence d'un abus de sa liberté d'expression ni le fait qu'il ait refusé d'assumer les missions qui lui étaient confiées. En l'espèce, la lettre de licenciement pour faute grave articule en substance les griefs suivants à l'encontre du salarié : - avoir adressé au président du directoire du groupe, M. [G] le 23 décembre 2016 un courrier mettant notamment en cause M. [R], directeur Tereos Europe, personnellement ainsi que les choix stratégiques du groupe et insinuant que ce dernier aurait été au courant des faits de corruption ; - avoir usé de la menace de communiquer auprès de tiers des faits dont il aurait eu connaissance dans le cadre de ses fonctions, dans l'intention de nuire aux intérêts du groupe, et ce afin d'obtenir un départ négocié, en contradiction avec les stipulations contractuelles lui imposant une obligation de confidentialité ; - le refus d'assumer les responsabilités inhérentes à son statut et sa fonction. L'article 10 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales consacre la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir d'ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. La liberté d'expression, comme le droit d'opinion, est également consacrée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Elle s'est vue reconnaître une valeur constitutionnelle. Le salarié jouit, dans l'entreprise et hors de celle-ci, de sa liberté d'expression. Son exercice ne peut justifier un licenciement sauf abus. Par ailleurs, il sera rappelé que la faute grave s'entend d'une faute d'une particulière gravité ayant pour conséquence d'interdire le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis; les faits invoqués comme constitutifs de faute grave doivent par conséquent être sanctionnés dans un bref délai. La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise. En l'espèce, le courrier litigieux du 23 décembre 2016 adressé par M. [C] au président du groupe Tereos est ainsi rédigé : « [K] bonjour Vous avez, je n'en doute pas, été informé d'un incident survenu à Ludus le 28 novembre qui aurait pu causer au moins un triple accident mortel de salariés Tereos et au pire un désastre avec l'explosion d'un silo plein de sucre. Je me sens trahi et trompé, je n'ai plus confiance en Tereos, et je veux vous expliquer pourquoi dans ce courrier, le précédent du 2/12 étant toujours sans réponse. Je pense qu'il n'y a rien d'étonnant à ce que je retrouve une telle pétaudière en Roumanie, 4 ans après l'arrivée de Tereos : 4 ans de non gestion, où le groupe a renié des valeurs aussi essentielles que Sécurité et Éthique. La Sécurité : le management en place avant mon arrivée est incompétent, gravement incompétent. Le responsable RH est totalement débutant alors que, comme [H] l'écrivait le 25 mai 2016, le renouvellement des générations est un projet important pour Ludus. Comment est-ce possible de ne pas avoir commencé dès notre arrivée en 2012, et en commençant par les positions de management ? Le rapport d'audit d'[V] [T] (6 décembre suite incident du 28/11) est un rapport qui conforte mon approche. La situation est inquiétante. Personne n'est à la hauteur. Les limites de la « gestion » à distance d'[H] [R] (présent 3 jours par an selon la rumeur) sont criantes. [H] m'a d'ailleurs recommandé dès mon arrivée de garder [P] [J] comme mon second, pour m'aider … Pour le cas où vous l'ignoreriez, « l'incident » du 28 novembre s'est déjà passé en 2015 et, comme de bien entendu, aucun enseignement n'en a été tiré. Et on essaie de nous faire croire qu'en deux ans il n'y aurait pas eu d'accident de travail à Ludus ? On m'a donc menti sur la solidité et la compétence de l'équipe, et je n'ai donc pas accepté ce poste en Roumanie en connaissance de cause, comme [H] [R] a pu me le dire lors de notre réunion du 20 décembre. Concernant l'Éthique, la situation est tout aussi dramatique. II est aberrant que l'on ait pas mis une personne de confiance du groupe plus tôt, qui comprenne le roumain. J'ai appris le roumain et entendu les planteurs nous dire que nous sommes des voleurs et des personnes corrompues depuis toujours, j'ai entendu comment l'argent était distribué au centre de réception pour falsifier les résultats, j'ai entendu des planteurs qui ne prenaient plus de pulpes car ils refusaient de payer le bakchich au chargement. C'est aujourd'hui l'image désastreuse que donne Tereos. J'ai été abasourdi de constater qu'en 4 ans, mon prédécesseur n'avait jamais jugé nécessaire d'impliquer la direction des achats du groupe dans un pays connu comme le plus fort payeur de bakchich de l'UE selon le dernier rapport de Transparency.org. En 4 ans, Tereos n'avait même pas fait, au minimum, des appels d'offres avant de procéder à des achats aussi stratégiques que le gaz. Étrangement le premier appel d'offre, fait en septembre a provoqué une réduction de 22 % de notre prix d'achat (195 keuros d'économies pour le groupe). J'ai une seule question :la direction de Tereos qui ne mettait presque jamais les pieds en Roumanie a-t-elle sciemment laissé perdurer cette situation ou a-t-elle, par manque d'implication laissé toute latitude à un management local incompétent et corrompu ? Pour conclure, si je pouvais avoir l'occasion de vous parler de la Roumanie, je vous parlerais de mon étonnement d'y voir Tereos. Le groupe, par le passé, a toujours voulu s'implanter dans les pays les plus compétitifs au plan agricole, ce qui est très loin d'être le cas en Roumanie. Je vous parlerais de ma déception, de voir l'image de Tereos, un groupe au sein duquel je me suis beaucoup investi et auquel j'étais fier d'appartenir, dégradée pour avoir été pendant 4 ans associée à de si mauvaises pratiques. Je vous parlerais du profond malaise qui est le mien à avoir été nommé à un tel poste. Je ne suis manifestement pas fait pour la Roumanie, je suis trop honnête et trop strict. Enfin, je ne comprends pas pourquoi nous retirerions une épine du pied de Pfeifer en Roumanie en achetant leur usine, eux qui ont limogé leur équipe dirigeante début 2016 pour des motifs qui ne sont évidemment pas dans la presse ! Quittez au plus vite ce pays, il faut se démarquer enfin des pratiques qui ont été cautionnées pendant 4 ans. Je me sens trahi et en décalage, la confiance est définitivement rompue. Bien sincèrement ». Ce courrier est à replacer dans son contexte. À cet égard il apparaît que le 13 octobre 2016, M. [C] a établi un rapport d'arrivée consistant en un état des lieux lequel listait les actions déjà entreprises (notamment mise en place d'un comité de direction mensuel et organisation d'un appel d'offres pour la fourniture de gaz) et celles restant à mener. Ce rapport, restitué à sa hiérarchie en la personne de M. [R], alertait sur des éléments susceptibles de constituer des faits de corruption impliquant la direction locale de la sucrerie mais également sur des carences en matière de sécurité. Il ressort du dossier que s'agissant des risques de corruption, l'information a été relayée auprès du directeur de l'audit interne du groupe qui a rendu compte à la direction juridique ainsi qu'en témoigne le courriel de M. [Y] à M. [A] le 25 octobre 2016 lequel consigne différents témoignages et conclut à l'existence de « soupçons forts ». Il a été décidé de confier un audit à KPMG, M. [C] étant partie prenante dans l'élaboration de la mission. Par ailleurs, il est constant que le 28 novembre 2016 est survenu sur le site de Ludus un accident du travail impliquant trois salariés dans des conditions confirmant d'importantes défaillances en matière de sécurité, événement porté à la connaissance de M. [R] par M. [C] le lendemain. Il apparaît que préalablement à cet accident, le salarié avait pris l'initiative de donner pour instruction à son adjoint M. [J] de définir des plans d'action en matière de sécurité. Il est versé aux débats le rapport d'audit de M. [T] directeur sécurité et environnement multi sites de Tereos en date du 7 décembre 2016 qui confirme la multiplicité des carences en matière de processus de gestion d'accident, d'évaluation des risques, de travail en hauteur, d'animation sécurité et une absence générale de maîtrise en matière de sécurité. Les échanges de courriels entre M. [C] et son équipe, postérieurs à l'accident, témoignent des différentes actions mises en place en urgence pour parer à la survenance d'autres accidents. Il apparaît que le 2 décembre 2016, M. [C] a adressé à M. [R] un courriel visant à l'alerter sur l'ampleur des difficultés exposant la société sur le terrain économique et financier (et compromettant à court terme certains des objectifs du salarié) et en termes de non-respect des règles de sécurité au travail ; le salarié y exprimait sa volonté de ne pas être tenu pour responsable de la situation qui n'était pas conforme à la description qui lui avait été faite de la filiale roumaine. La cour relève qu'aucune réponse officielle n'a été apportée à ce courrier avant l'envoi à M. [G] du courrier litigieux reproduit précédemment. La cour retient que la teneur de ce courrier adressé au seul président du groupe ne saurait caractériser un abus de la liberté d'expression du salarié et être imputé à faute dès lors que les faits dénoncés reposent sur des éléments précis, objectifs, corroborés par les premières investigations et audits et non infirmés par les pièces versées aux débats par la société intimée qui s'abstient notamment de produire le rapport d'audit de KPMG, dès lors également que les résultats de l'audit du directeur sécurité et environnement confirment, par l'ampleur et la nature des défaillances constatées en matière de sécurité, la forte probabilité de non déclaration d'accidents du travail antérieurement, l'ancienneté des manquements et ainsi à tout le moins l'inertie de la direction en la matière précédemment à l'arrivée de M. [C], que les faits relatés par ce dernier étaient susceptibles de recevoir une qualification pénale, enfin que les termes employés ne sont ni injurieux, ni excessifs ni diffamatoires à l'endroit de l'employeur et de M. [R]. À cet égard la cour constate que la probité de celui-ci n'est pas remise en cause mais uniquement sa gestion de la société Tereos Sugar Romania, les éléments de la société intimée ne démentant pas qu'il s'est cantonné, comme le soulève le salarié, à une supervision "à distance" de la direction locale roumaine à compter du rachat quatre ans auparavant jusqu'à la nomination de M. [C] au poste de directeur. Les termes de ce courrier, certes critiques, ne révèlent pas une intention malveillante à l'égard de la société ou du groupe étant retenu à cet égard que le salarié n'a donné aucune publicité à son courrier ni aux faits qu'il dénonçait. L'employeur expose que le salarié a usé de procédés pour contraindre la société à négocier son départ. Ainsi il soutient qu'outre le courrier du 23 décembre 2016, M. [C] a, au cours de deux entretiens téléphoniques avec M. [R], menacé, si ce départ ne se concrétisait pas, de divulguer à des tiers (autorités, fournisseurs de la société) les faits dont il avait eu connaissance ce qui serait confirmé par les témoignages de MM. [L] et [U]. La cour relève que si le salarié écrit que la confiance est rompue et ne se cache pas d'avoir formulé au cours d'une réunion en décembre 2016 une demande de rupture conventionnelle, une telle demande ne saurait justifier un licenciement d'autant moins qu'au vu du dossier, il apparaît que M. [C] a jusqu'à sa mise à pied conservatoire et en dépit de son souhait de ne plus occuper son poste en Roumanie continué à exercer de manière effective la direction de cette entité ce qui contredit qu'il ait refusé d'assumer ses responsabilités. Par ailleurs, les témoignages invoqués, émanant de hauts dirigeants de la société et du groupe, manquent manifestement d'impartialité, et ne font état que d'une interprétation personnelle et donc subjective des propos de M. [C] sans établir avec certitude le « chantage » auquel celui-ci se serait prêté. Dans ces circonstances qui ne permettent pas de remettre en cause la bonne foi de M. [C], les faits énoncés dans la lettre de licenciement ne sauraient constituer une cause réelle et sérieuse ni a fortiori une faute grave. Il s'ensuit que le licenciement querellé sanctionne l'exercice non abusif par le salarié de sa liberté d'expression. Un tel licenciement prononcé en violation d'une liberté fondamentale est nul. Le jugement entrepris, qui a débouté le salarié de sa demande tendant au prononcé de la nullité de son licenciement, sera infirmé de ce chef. Tout salarié victime d'un licenciement nul qui ne réclame pas sa réintégration, a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, et d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement au moins égale à six mois de salaire. M. [C] demande à la cour de lui allouer la somme de 626 022,84 euros correspondant à 24 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul. En considération notamment des circonstances de la rupture, du niveau de rémunération du salarié qui s'établissait au regard des éléments du dossier à 26 084,29 euros par mois, de son âge et de son ancienneté au moment de la rupture du contrat de travail mais aussi de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme qui sera précisée au dispositif du présent arrêt. Les droits du salarié au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, non contestés dans leur quantum, seront précisés au dispositif de l'arrêt. (…) Sur la demande de M. [C] au titre des intérêts au taux légal Les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur le 6 mars 2017 de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaires. (…) Sur les frais irrépétibles et les dépens Les dispositions de première instance seront infirmées. Succombant, la société Tereos participations sera condamnée à verser à M. [B] [C] en application de l'article 700 du code de procédure civile une somme que l'équité commande de fixer à 3 000 euros pour la procédure de première instance et l'appel. Partie perdante, la société Tereos participations sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. » ; 1°) ALORS QUE le juge doit examiner les griefs tels qu'ils sont énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait notamment au salarié de s'être limité à multiplier les accusations graves sur de possibles faits de corruption et des manquements aux règles de sécurité, en mettant en cause son supérieur hiérarchique, M. [R] mais aussi le groupe dans son ensemble, lorsqu'il lui appartenait, en sa qualité de directeur de la filiale, d'établir un rapport circonstancié sur les dysfonctionnements constatés, de prendre les mesures pour y remédier et de proposer des actions et mesures concrètes pour rétablir un fonctionnement conforme aux règles du Groupe ; qu'à ce titre, l'employeur rappelait, preuve à l'appui (cf. production n° 7), qu'après l'accident survenu le 28 novembre 2016 sur le site de Ludus, le salarié avait cherché à se défausser de toute responsabilité en suggérant de confier à son adjoint, M. [J], dont il contestait pourtant les compétences et dont il envisageait le licenciement, une délégation de pouvoir en matière de sécurité, non sans lui avoir au préalable attribué la responsabilité des opérations de production ; que l'employeur indiquait, sans être contesté, qu'à l'inverse du salarié, son successeur avait mis en oeuvre les mesures qui s'imposaient (licenciement de l'ingénieur sécurité qui était en place lorsque le salarié dirigeait la filiale, élaboration de procédures conformes aux standards du groupe, travaux de mise en conformité, formation du personnel etc…) ce qui avait permis à la filiale de ne déplorer aucun accident du travail avec arrêt de travail en 2018 ; qu'en écartant tout manquement du salarié, aux prétextes que les faits dénoncés par lui, en des termes qui n'étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires, reposaient sur des éléments précis, objectifs et corroborés, que préalablement à l'accident survenu le 28 novembre, l'intéressé avait confié à M. [J] la mission de définir des plans d'action en matière de sécurité et pris ensuite des mesures en urgence pour parer à la survenance d'autres accidents, le salarié ayant enfin continué, malgré son souhait de ne plus occuper son poste en Roumanie, à exercer de manière effective la direction de cette entité jusqu'à sa mise à pied conservatoire, sans à aucun moment rechercher si, comme il en avait reçu l'instruction et comme le lui imposaient ses fonctions de directeur de l'entreprise litigieuse, le salarié avait pris toutes les mesures nécessaires pour identifier et résoudre les dysfonctionnements observés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ; 2°) ALORS QUE si l'exercice de la liberté d'expression dans l'entreprise et en dehors de celle-ci ne peut justifier un licenciement, c'est à la condition qu'il ne dégénère pas en abus, celui étant notamment constitué lorsque le salarié a usé de termes diffamatoires, injurieux ou excessifs ; qu'en l'espèce, évoquant la situation de la filiale roumaine du groupe Teneos qu'il dirigeait, le salarié déplorait, dans son courrier du 23 décembre 2016, « 4 ans de non gestion où le groupe a renié des valeurs aussi essentielles que Sécurité et Ethique », « La sécurité : le management en place avant mon arrivée est incompétent, gravement incompétent », « personne n'est à la hauteur », « les limites de la « gestion » à distance d'[H] [R] (présent 3 jours par an selon la rumeur) sont criantes », « concernant l'Ethique, la situation est tout aussi dramatique », « J'ai une seule question : la direction de Tereos qui ne mettait presque jamais les pieds en Roumanie a-t-elle sciemment laissé perdurer cette situation ou a-t-elle, par manque d'implication, laissé toute latitude à un management local incompétent et corrompu ? » (cf. production n° 8) ; qu'en déniant tout caractère excessif aux termes de ce courrier, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail, ensemble les articles L. 1221-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause ; 3°) ALORS QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; que pour écarter les témoignages tendant à établir le chantage auquel s'était prêté le salarié, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'ils émanaient de hauts dirigeants de la société et du groupe ce qui les privaient « manifestement d'impartialité » ; qu'en statuant ainsi, lorsque la qualité des témoins était, en elle-même, insuffisante à ôter toute valeur probante à leurs déclarations strictement concordantes, la cour d'appel a violé le principe susvisé ; 4°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que dans son attestation, M. [R] relatait que lors d'un appel téléphonique du 28 décembre 2016 à 19 heures, M. [C] lui avait indiqué « qu'il ne voulait plus travailler en Roumanie, ni dans le groupe Tereos, qu'il voulait rentrer en France tout en précisant qu'il ne démissionnerait pas et qu'il souhaitait bénéficier d'un licenciement », que celui-ci avait ensuite exposé, dans une logique de « chantage », qu'en l'absence de « réponse positive …sur sa demande d'ici le 3 janvier 2017 », « il se sentirait libre de communiquer à qui il veut en interne et en externe et à sa manière sur la situation de la société en Roumanie », « menaces » qu'il avait réitérées « lors d'un entretien téléphonique [du] 3 janvier 2017 », en présence du directeur de Tereos Sucre France, M. [U], et du directeur excellence industrielle, sucre et alcool, M. [L], le témoin concluant « il s'agissait clairement à nouveau de chantage » (cf. production n° 12) ; que cette situation était confirmée par les intervenants précités qui déclaraient également qu'« il s'agissait clairement d'un chantage envers M. [R] et le groupe Tereos, pour obtenir son licenciement » (cf. productions n° 13 et 14) ; qu'en affirmant qu'aux termes de leurs attestations, les dirigeants concernés se limitaient à une interprétation personnelle et donc subjective des propos de M. [C] sans établir avec certitude le « chantage » auquel celui-ci se serait prêté, la cour d'appel a dénaturé ces attestations qui faisaient objectivement ressortir l'existence de manoeuvres du salarié afin de contraindre son employeur d'accepter un départ dans des conditions avantageuses ; que, ce faisant, elle a violé le principe susvisé ; 5°) ALORS à tout le moins QU'aux termes de l'article 12 de l'avenant du 29 juin 2016, le salarié s'était engagé à « conserver un secret professionnel absolu sur les méthodes, procédés, techniques et tarifs du groupe Tereos vis-à-vis de toute personne étrangère à ces derniers » et à « ne divulguer ou n'utiliser à [son] profit aucune information confidentielle portée à [sa] connaissance de par [ses] fonctions », « le non-respect de ces engagements [étant] considéré comme une faute grave » ; qu'en retenant que les témoignages ne permettaient pas d'établir avec certitude le chantage auquel se serait livré le salarié, sans rechercher si, indépendamment même du mobile poursuivi, le salarié n'était pas, en tout état de cause, fautif de s'être estimé libre de communiquer aux « institutions roumaines fournisseurs, [aux] planteurs de betteraves roumaines », aux « fournisseurs de matières premières à la sucrerie de Lodus » et « [aux] équipes locales » des informations cruciales sur la situation de la filiale roumaine qu'il était chargé de diriger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 1134 du code civil, devenus les articles 1103 et 1104 dudit code. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Tereos participations à verser à M. [B] [C] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de l'employeur de son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, d'AVOIR condamné la société Tereos participations à verser à M. [B] [C] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et l'appel et d'AVOIR condamné la société Tereos participations aux dépens de première instance et d'appel ; AUX MOTIFS QUE « Sur les demandes de dommages et intérêts en réparation des préjudices distincts Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison du manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi M. [C] soutient avoir été trompé sur la réalité de la mission qui allait être la sienne en Roumanie et ses implications sur sa responsabilité en qualité de représentant légal ; il fait valoir aussi que l'employeur lui a fixé des objectifs qu'il savait irréalisables eu égard à la situation de la filiale roumaine. La société Tereos participations oppose que c'est le salarié qui a été déloyal allant jusqu'à refuser d'assumer ses responsabilités ; elle soutient également que ce dernier ne justifie pas de l'étendu du préjudice moral allégué. L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. En l'espèce, la réalité de la situation de la société Tereos Sugar Romania telle que décrite par M. [C] n'est pas remise en cause par l'employeur dont les propres éléments et notamment l'audit interne réalisé quelques mois après le licenciement entre juin et octobre 2017 tendent à corroborer les dysfonctionnements de la filiale (70 « déficiences » sont encore recensées dont plus de la moitié est associée à un « risque » prioritaire ou élevé). Le salarié verse aux débats les documents que lui a communiqué l'employeur préalablement à la formalisation de son affectation en Roumanie dont l'examen confirme qu'ils ne donnaient pas une image fidèle de la filiale particulièrement en matière de sécurité laquelle apparaissait d'un niveau correct. Il s'en évince que l'employeur n'a pas permis au salarié d'accepter l'affectation qui lui était proposée en connaissance de cause ce qui caractérise un manquement à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, analyse non utilement contestée par la société Tereos participations. Eu égard aux circonstances des faits et à leurs conséquences à l'égard du salarié, la cour considère que son préjudice sera intégralement réparé par l'allocation de la somme précisée au dispositif de l'arrêt. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande. (…) Sur la demande de M. [C] au titre des intérêts au taux légal Les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur le 6 mars 2017 de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaires. (…) Sur les frais irrépétibles et les dépens Les dispositions de première instance seront infirmées. Succombant, la société Tereos participations sera condamnée à verser à M. [B] [C] en application de l'article 700 du code de procédure civile une somme que l'équité commande de fixer à 3 000 euros pour la procédure de première instance et l'appel. Partie perdante, la société Tereos participations sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. » ; ALORS QUE l'employeur ne peut se voir reprocher la rétention d'une information qui lui était inconnue ; qu'en l'espèce, la société Tereos participations soutenait avoir ignoré les dysfonctionnements affectant la filiale roumaine du groupe Tereos avant les alertes du salarié et les investigations ultérieurement menées ; qu'en reprochant à l'employeur d'avoir fourni au salarié des éléments ne donnant pas une image fidèle de cette filiale, ce qui avait privé l'intéressé de la possibilité d'accepter son affectation en connaissance de cause, sans constater que dès cette date, l'employeur disposait lui-même d'une information complète sur la situation de cette entité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenus les articles 1103 et 1104 dudit code.
Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement
7,969
SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Rejet M. CATHALA, président Arrêt n° 787 FS-B sur le deuxième moyen Pourvoi n° R 20-22.220 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022 Mme [Y] [P], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-22.220 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [P], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Mariette conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, conseillers, Mmes Prache, Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Colmar, 29 septembre 2020) Mme [P] a été engagée par la société BNP Paribas à compter du 9 mai 1983 en qualité d'assistante. Elle occupait au dernier état de la relation de travail les fonctions de directrice commerciale. 2. Le 22 juin 2017 la salariée a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé le 6 juillet 2017. 3. L'entretien préalable a été successivement reporté au 22 août, au 3 octobre 2017 et au 5 janvier 2018. 4. Elle a été licenciée pour faute grave le 2 février 2018. 5. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 15 mars 2018, en nullité de son licenciement et en contestation de son bien-fondé. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa troisième branche et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen pris, en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 7. La salariée fait grief à l'arrêt de dire régulier et bien-fondé son licenciement pour faute grave, de la débouter de l'ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes additionnelles, alors : « 1° / qu'il incombe à l'employeur de préciser dans la lettre de licenciement que le salarié peut, en vertu des dispositions de l'article R. 1232-13 du code du travail, lui demander d'apporter des précisions sur les motifs de la rupture ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'employeur n'avait pas informé la salariée de cette possibilité ; qu'en énonçant, pour dire la lettre de licenciement suffisamment motivée et le licenciement bien-fondé, que la salariée s'était abstenue d'user des dispositions de l'article R. 1232-13 du code du travail pour demander à son employeur de lui préciser les motifs de la rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article R. 1232-13 du code du travail, ensemble l'article 1147 devenu L. 1231-1 du code civil ; 2°/ que la lettre de licenciement n'est suffisamment motivée que si elle fait état de motifs matériellement vérifiables ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement « s'avère précisément motivée » quand elle ne comportait ni le nom des salariés imputant à la salariée des faits de harcèlement moral, ni la date de ces faits, ni la durée de ces prétendus agissements, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail .» Réponse de la Cour 8. D'abord, aux termes de l'article L. 1235-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 du même code peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'État. 9. Selon l'article R. 1232-13 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017, le salarié peut, dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. L'employeur dispose d'un délai de quinze jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s'il le souhaite. Il communique ces précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l'employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement. 10. Il en résulte qu'aucune disposition n'impose à l'employeur d'informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés. 11. Ensuite, ayant constaté que la lettre de licenciement énonçait un grief tiré d'un comportement et de propos déplacés de la salariée à l'égard de quatre collaborateurs de nature à mettre en péril leur santé psychique et à dégrader leurs conditions de travail, la cour d'appel, qui a retenu que ce motif de licenciement était précis et matériellement vérifiable, en a exactement déduit que cette lettre répondait à l'exigence légale de motivation. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 13. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors : « qu'en relevant, pour retenir des faits de harcèlement moral imputables à la salariée, que l'enquête interne diligentée par la BNP respectait les exigences d'impartialité et que la salariée n'avait pas sollicité d'auditions supplémentaires, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque ne l'avait pas informée de l'existence d'une enquête alors qu'elle avait déjà été menée et clôturée, en sorte que les droits de la défense de la salariée accusée de harcèlement, dont le principe du contradictoire, avaient été gravement méconnus, cette dernière n'ayant été ni entendue ni confrontée aux plaignants et témoins, et partant, que la procédure d'enquête ne pouvait légitimement lui être opposée, en sorte que le licenciement fondé sur ses conclusions était dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail. » Réponse de la cour 14. Le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n'impose pas que, dans le cadre d'une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d'autres salariés, le salarié ait accès au dossier et aux pièces recueillies ou qu'il soit confronté aux collègues qui le mettent en cause ni qu'il soit entendu, dès lors que la décision que l'employeur peut être amené à prendre ultérieurement ou les éléments dont il dispose pour la fonder peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement. 15. Le moyen, qui soutient le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme [P] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [P] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé régulier et bien fondé son licenciement pour faute grave, de l'avoir en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes additionnelles ; 1°) Alors que la convocation du salarié à un entretien préalable, qui engage la procédure de licenciement pour motif disciplinaire, doit intervenir dans les deux mois de la connaissance par l'employeur des faits fautifs qu'il reproche au salarié et la sanction doit intervenir au plus tard dans le mois de cet entretien, sans que la maladie du salarié ne suspende ces délais ; qu'il en résulte que si l'employeur prend l'initiative de reporter la date de l'entretien préalable, la nouvelle convocation doit être adressée dans le délai de deux mois qui suit la date de la première convocation et la sanction doit intervenir dans le mois qui suit la date de l'entretien fixée initialement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'après un premier report d'entretien préalable à la demande de la salariée, l'employeur, par un courrier du 17 juillet 2017, l'avait convoquée à un deuxième entretien préalable fixé au 22 août 2017 ; qu'elle a encore relevé que par un courrier du 2 août 2017, la BNP l'avait de nouveau convoquée à un entretien préalable fixé au 3 octobre 2017, qu'elle l'avait reporté une nouvelle fois au 5 janvier 2018 et que finalement, la banque avait licencié la salariée le 2 février 2018 ; qu'en relevant, pour dire non prescrit et bien-fondé le licenciement disciplinaire de Mme [P], que la BNP avait interrompu le délai de prescription de deux mois à la faveur des courriers de convocation à des entretiens préalables en date des 17 juillet, 2 août et 2 octobre 2017, quand il résultait de ses propres constatations que la BNP, qui avait reporté de sa seule initiative le deuxième entretien préalable qu'elle avait fixé au 22 aout 2017, n'avait licencié Mme [P] que le 2 février 2018, soit plus d'un mois après la date de ce nouvel entretien, la cour d'appel a violé les articles L. 1332-4 et L. 1332-2 du code du travail ; 2°) Alors que le licenciement pour motif disciplinaire doit intervenir dans les deux mois de la connaissance par l'employeur des faits fautifs qu'il reproche au salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que la BNP avait eu connaissance en mai 2017 des faits qu'elle imputait à faute à Mme [P] ; qu'en jugeant non prescrit et bien-fondé le licenciement de la salariée quand la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, déclarait faire suite à une procédure de convocation à un entretien préalable en date du 2 octobre 2017, soit plus de deux mois après la connaissance par l'employeur des faits prétendument fautifs, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ; 3°) Alors que le licenciement pour motif disciplinaire doit intervenir dans les deux mois de la connaissance par l'employeur des faits fautifs qu'il reproche au salarié ; qu'en considérant que le licenciement disciplinaire de la salariée prononcé neuf mois après la connaissance des faits par l'employeur n'était pas prescrit et était bien fondé dès lors que les convocations successives à un entretien préalable avaient interrompu le délai de prescription de deux mois sans rechercher, comme elle y était invitée (p. 19), si, en convoquant Mme [P] à quatre reprises à un entretien préalable et en attendant ainsi neuf mois avant de la licencier, la BNP n'avait pas renoncé à la sanctionner au titre d'un licenciement disciplinaire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mme [P] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé régulier et bien fondé son licenciement pour faute grave, de l'avoir en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes additionnelles ; 1°) Alors qu'il incombe à l'employeur de préciser dans la lettre de licenciement que le salarié peut, en vertu des dispositions de l'article R. 1232-13 du code du travail, lui demander d'apporter des précisions sur les motifs de la rupture ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'employeur n'avait pas informé la salariée de cette possibilité ; qu'en énonçant, pour dire la lettre de licenciement suffisamment motivée et le licenciement bien-fondé, que Mme [P] s'était abstenue d'user des dispositions de l'article R. 1232-13 du code du travail pour demander à son employeur de lui préciser les motifs de la rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article R. 1232-13 du code du travail, ensemble l'article 1147 devenu L. 1231-1 du code civil ; 2°) Alors que la lettre de licenciement n'est suffisamment motivée que si elle fait état de motifs matériellement vérifiables ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement « s'avère précisément motivée » quand elle ne comportait ni le nom des salariés imputant à Mme [P] des faits de harcèlement moral, ni la date de ces faits, ni la durée de ces prétendus agissements, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ; 3°) Alors que la lettre de licenciement doit comporter les motifs de la rupture sans pouvoir renvoyer en guise de motivation aux conclusions d'une enquête interne à laquelle le salarié n'a pas participé, n'a pu exercer ses droits de la défense et n'a pas reçu communication des conclusions écrites ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement « s'avère précisément motivée » quand elle était motivée par voie de référence à une enquête interne à laquelle la salariée n'avait pas participé, n'avait pas été confrontée aux plaignants et témoins, et n'avait pas obtenu les conclusions écrites, soit à une procédure ayant gravement méconnu les droits de la défense de Mme [P] et le principe du contradictoire, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 12232-6 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Mme [P] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé régulier et bien fondé son licenciement pour faute grave, de l'avoir en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes, y compris de ses demandes additionnelles ; 1°) Alors qu'en relevant, pour retenir des faits de harcèlement moral imputables à Mme [P], que l'enquête interne diligentée par la BNP respectait les exigences d'impartialité et que la salariée n'avait pas sollicité d'auditions supplémentaires, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 13 et s.), si la banque ne l'avait pas informée de l'existence d'une enquête alors qu'elle avait déjà été menée et clôturée, en sorte que les droits de la défense de la salariée accusée de harcèlement, dont le principe du contradictoire, avaient été gravement méconnus, cette dernière n'ayant été ni entendue ni confrontée aux plaignants et témoins, et partant, que la procédure d'enquête ne pouvait légitimement lui être opposée, en sorte que le licenciement fondé sur ses conclusions était dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail ; 2°) Alors qu'en se fondant sur les seules conclusions d'une enquête interne sans prendre en compte le rapport du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles en date du 14 mars 2018, régulièrement produit au débat par la salariée, soulignant que « De l'étude du dossier, il ressort l'existence d'exigences de travail fortes en termes d'atteinte d'objectifs commerciaux et de surcharge de travail signalée à plusieurs reprises dans le cadre des évaluations annuelles (…) Les accusations de harcèlement moral dont elle est l'objet et pour lesquelles le Comité ne dispose d'aucune preuve objective équivalent à une surcharge émotionnelle forte. Le Comité relève la présence de cas similaires dans l'entreprise », la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1154-1 du code du travail.
Il résulte de l'article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et de l'article R. 1232-13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017, qu'aucune disposition n'impose à l'employeur d'informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés
7,970
SOC. ZB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 785 FS-B Pourvois n° Q 20-17.021 R 20-17.022 S 20-17.023 U 20-17.025 JONCTION Aide juridictionnelle totale en défenseAide juridictionnelles totales en défense au profit de Mme [A].au profit de Mmes [H], [Y] et [W]. Admission du bureau d'aide juridictionnelleAdmissions du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassationprès la Cour de cassation en date du 14 octobre 2020en date du 16 octobre 2020 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022 La société GSF Concorde, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], ayant un établissement situé [Adresse 2], a formé les pourvois n° Q 20-17.021, R 20-17.022, S 20-17.023, et U 20-17.025 contre quatre arrêts rendu le 20 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans les litiges l'opposant respectivement : 1°/ à Mme [T] [H], veuve [I], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à Mme [F] [A], domiciliée [Adresse 3] 3°/ à Mme [J] [Y], divorcée [B], domiciliée [Adresse 5], 4°/ à Mme [L] [W], épouse [U], domiciliée [Adresse 8], 5°/ à la société American Airlines Inc., société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 9], 6°/ à la société Holding SP Propreté, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 6], venant aux droits de la société TEP (Technique d'environnement et propreté), 7°/ à la société Samsic 1, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 7], défenderesses à la cassation. La demanderesse aux pourvois n° Q 20-17.021, S 20-17.023 et U 20-17.025 invoque, à l'appui de ses recours, le moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° R 20-17.022 invoque, à l'appui de recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société GSF concorde, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mmes [H], [A], [Y] et [W], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société American Airlines Inc., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Holding SP Propreté, et de la société Samsic 1, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, M. Barincou, Mme Grandemange, conseillers, Mmes Prache, Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Q2017021, R2017022, S2017023 et U2017025 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2020), la société American Airlines a confié, à compter du 1er mars 2001, le nettoyage de salons qu'elle exploitait au terminal 2A de l'aéroport [10] à la société Euronetec, à laquelle ont succédé la société Technique environnement propreté (la société TEP) devenue SP Propreté et la société Samsic 1. 3. La compagnie aérienne a notifié à la société TEP la résiliation de ce contrat avec effet au 25 juin 2013 et l'a ensuite informée qu'elle avait conclu avec la société GSF Concorde un contrat d'entretien qui prenait effet à compter du 1er juillet 2013. 4. Mmes [H], [A], [Y] et [W], salariées de la société TEP en qualité d'agents de service et affectées à l'entretien des salons de la société American Airlines, ont été informées par leur employeur, le 24 juin 2013, de la perte de ce chantier à compter du 1er juillet 2013 et de la reprise de leur contrat de travail par la société GSF Concorde, en application de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011. 5. La société GSF Concorde ayant cependant refusé de poursuivre leur contrat de travail, elles ont saisi la juridiction prud'homale de demandes dirigées contre l'entreprise entrante et l'entreprise sortante. Elles ont ensuite été licenciées pour faute grave par la société TEP, le 6 juillet 2015. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 6. La société GSF Concorde fait grief aux arrêts de la condamner à verser aux salariées des sommes à titre de salaire et de congés payés afférents, d'ordonner l'établissement et la remise d'avenants aux contrats de travail en application de l'article 7-2 II A de la convention collective des entreprises de propreté et des services associés, conformes aux dispositions des arrêts, de prononcer la résiliation des contrats de travail à ses torts, de la condamner en conséquence à payer aux salariées des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés sur préavis, d'indemnité légale de licenciement, de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l'absence de paiement de tout salaire à compter du 1er juillet 2013, de la condamner à présenter aux salariées des bulletins de paie récapitulatifs par année civile, des certificats de travail, des soldes de tout compte et des attestations Pôle emploi conformes aux termes des arrêts, alors « qu'aux termes de l'article 7-1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, la continuité du contrat de travail du personnel s'applique aux employeurs appelés à se succéder lors d'un changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux à la suite de la cessation du contrat commercial ou du marché public ; qu'elle ne s'applique donc pas lorsque la prestation est réalisée dans des locaux différents, les nouveaux locaux seraient-ils dans une autre partie d'un même bâtiment, a fortiori quand ce bâtiment est extrêmement vaste ; en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que les salons d'accueil de la compagnie American Airlines avaient été déplacés au sein du terminal 2A de l'aéroport [10], les états des lieux de sortie des anciens locaux et d'entrée dans les nouveaux locaux au 2 août 2013 étant d'ailleurs versés aux débats ; qu'il s'en évinçait que ce n'était pas au sein des mêmes locaux que s'effectuaient les prestations de nettoyage réalisées par la société GSF Concorde à compter du 2 août 2013, les locaux précédemment confiés à l'ancien prestataire ayant été quittés ; que la cour d'appel a cependant affirmé qu'en l'absence de toute définition conventionnelle précise de la notion de locaux, il y avait lieu de considérer que s'il y avait eu déplacement du chantier, ce déplacement était intervenu au sein d'un espace homogène correspondant à la notion de ''mêmes locaux'' telle que visée à l'article 7-1, et constitué ici par le terminal 2 A ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 7-1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011. » Réponse de la Cour Vu l'article 7.1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 : 7. Selon ce texte, qui garantit aux salariés affectés sur un marché la continuité de leur contrat de travail, le transfert n'est prévu que pour les salariés attachés au marché ayant fait l'objet du changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux. Il en résulte que le marché dévolu au nouveau prestataire doit avoir le même objet et concerner les mêmes locaux. 8. La cour d'appel, après avoir constaté que les salariées étaient affectées à l'entretien des deux salons de la société American Airlines situés dans le terminal 2A de l'aérogare de Roissy, a relevé que la compagnie aérienne avait successivement désigné les sociétés TEP et GSF Concorde comme prestataire pour assurer l'entretien de ses salons, lesquels avaient été déplacés, au moment du changement de prestataire, dans une autre partie du bâtiment, à l'extrémité du même terminal 2A au niveau zéro, au point de jonction avec le terminal 2C. 9. Elle a ensuite retenu que le terme « aérogare » correspondait à l'ensemble des bâtiments de l'aéroport réservés aux voyageurs et aux marchandises, et se trouvait composé, à l'aéroport [10], des différents terminaux (2A, 2C,etc.), le terminal 2A abritant des commerces, des services et des salons et formant ainsi une unité de clos et de couvert desservie par les mêmes moyens d'accès, en sorte que, s'il y avait eu déplacement des salons de la compagnie aérienne, celui-ci était intervenu au sein d'un même bâtiment formant un espace homogène constitué par le terminal 2A et ne correspondait pas à la situation prévue par l'article 7.6 de la convention collective applicable prévoyant une priorité d'emploi, au sein de l'entreprise entrante, pour les salariés affectés dans les anciens locaux en cas de déplacement des locaux du donneur d'ordre dans le même secteur géographique. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les salons d'accueil de la société American Airlines avaient été déplacés au sein du terminal 2A de l'aéroport, de sorte qu'il ne s'agissait pas des mêmes locaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquence de la cassation 11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions des arrêts relatives aux condamnations prononcées à l'encontre de la société GSF Concorde entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant les sociétés TEP et Samsic 1 à remettre, sous astreinte, à Mme [A] des bulletins de paie récapitulatifs conformes à l'arrêt, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. Mise hors de cause 12. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société American Airlines, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'ils déboutent Mmes [H], [A], [Y] et [W] de leurs demandes au titre de leur classification, condamnent les sociétés TEP et Samsic 1 à leur payer à chacune des sommes à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de conformité de l'attestation Pôle-emploi délivrée et condamnent les sociétés TEP et Samsic 1 à payer à Mme [A] les sommes de 1 847,95 euros à titre de rappel de prime de 13e mois, 184,79 euros au titre des congés payés afférents ainsi qu'une somme au titre des frais irrépétibles, les arrêts rendus le 20 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Met hors de cause la société American Airlines ; Condamne Mmes [H], [A], [Y] et [W] ainsi que les sociétés Holding SP Propreté et Samsic 1 aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Holding SP Propreté et Samsic 1 à payer à la société GSF Concorde la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen commun produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société GSF Concorde, demanderesse aux pourvois n° Q 20-17.021, S 20-17.023 et U 20-17.025 Il est fait grief aux décisions infirmatives attaquées d'AVOIR condamné la société GSF Concorde à verser aux salariées des sommes à titre de salaire outre congés payés afférents, d'AVOIR ordonné l'établissement et la remise d'un avenant au contrat de travail en application de l'article 7-2 II A de la convention collective des entreprises de propreté et des services associés, conforme aux dispositions de l'arrêt, et ce dans le délai de deux mois suivant sa signification sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un nouveau délai de deux mois, d'AVOIR prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, d'AVOIR condamné en conséquence la société GSF Concorde à payer aux salariées des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés sur préavis, d'indemnité légale de licenciement, d'AVOIR condamné la société GSF Concorde à payer aux salariées des sommes à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l'absence de paiement de tout salaire à compter du 1er juillet 2013, d'AVOIR condamné la société GSF Concorde à présenter aux salariées un bulletin de paie récapitulatif par année civile, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de l'arrêt dans le délai de deux mois suivant sa signification et au-delà sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document pendant un nouveau délai de deux mois, d'AVOIR condamné la société GSF Concorde à payer des sommes en application et dans les conditions des articles 700 et 700-2° du code de procédure civile, d'AVOIR débouté la société GSF Concorde de ses demandes, d'AVOIR condamné la société GSF Concorde aux entiers dépens de première instance et d'appel ; AUX MOTIFS QUE « I - sur l'applicabilité de l'article 7 de la convention collective de la propreté. L'article 1er de l'accord du 29 mars 1990, dénommé "annexe 7" a été repris dans la convention collective du 26 juillet 2011 de la propreté dont l'applicabilité n'est pas contestée, sous l'article 7. Celui-ci précise en son préambule, "qu'en vue d'améliorer et de renforcer la garantie offerte aux salariés affectés à un marché faisant l'objet d'un changement de prestataire, les partenaires sociaux ont signé un accord (…), en prévoyant la continuité du contrat de travail des salariés attachés au marché concerné dans les conditions stipulées par le présent texte". Puis l'article 7-1 dispose que "les présentes dispositions s'appliquent aux employeurs et aux salariés des entreprises ou établissements exerçant une activité relevant des activités classées sous le numéro de code APE 81-2, qui sont appelés à se succéder lors d'un changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux, à la suite de la cessation du contrat commercial ou de marché public." Aucune des parties ne conteste que les sociétés TEP et GSF Concorde exerçaient une activité de nettoyage courant des bâtiments relevant de celles classées sous le N° APE 81-2, la société American Airlines les ayant successivement désignées comme prestataire pour l'entretien de ses salons situés au sein de l'aérogare de Roissy. La société GSF Concorde soutient que l'article 7-1 ci-dessus rappelé ne lui est pas applicable dès lors que la prestation qui lui a été confiée à compter du 1er juillet 2013 n'était pas effectuée dans les mêmes locaux, rappelant que des travaux étaient intervenus pour transférer les salons au "niveau 5 de la liaison AC de CDG2" alors que les anciens locaux étaient situés dans "le SAT A du terminal 2A de CDG2" ainsi que le mentionnent les états d'entrée dans les nouveaux locaux et de sortie des anciens locaux. Cependant, il convient de relever en premier lieu, qu'en l'absence de communication du contrat de prestation de service conclu entre la société GSF Concorde et la société American Air Lines, la cour n'est pas en mesure de vérifier selon quelles modalités le marché de l'entretien des salons de la compagnie a été confié au nouveau prestataire, alors que la société GSF Concorde déclare elle-même, que le marché a été passé à effet du 1er juillet 2013" (page 3 de ses conclusions), et donc à une date où la compagnie exploitait encore les anciens salons au lieu où ils se trouvaient, les nouveaux, encore en travaux, n'ayant été disponibles qu'à compter du 2 août suivant. Il ne peut être considéré que le document versé par la compagnie American Airlines en pièce N° 32 constitue ledit contrat ou un extrait utile alors qu'il ne comporte aucune date, qu'il porte la mention 1/1 conduisant à retenir qu'il n'est composé que de cette seule page, qu'il fait référence à une "version 1", et que les paraphes qui y figurent en sont pour partie tronqués. À ce stade, rien n'exclut donc que la société GSF Concorde ait succédé à la société TEP pour l'entretien des salons de la compagnie aérienne, à compter du 1er juillet 2013 sans que le lieu où se situaient ces derniers ait été contractualisé ni même défini précisément. Au-delà, alors que le terme "local" n'a pas d'acception juridique spécifique, mais signifie selon le dictionnaire Larousse, "partie d'un bâtiment qui a une destination particulière", il doit être relevé, d'une part, que le texte de l'article 7-1 utilise non l'expression "le même local" au singulier, mais le pluriel "les mêmes locaux", permettant d'exclure une conception limitée à une identité parfaite de localisation ou de surface de l'ancien et du nouveau chantier. D'autre part, au regard du seul plan versé aux débats (pièce N° 11 de la société TEP), il doit être relevé que les salons sont demeurés installés dans le terminal 2A, au niveau zéro de ce dernier, le fait qu'ils aient été rapprochés d'un point de jonction avec le terminal 2C étant sans effet sur ce constat dès lors que le plan susvisé, ne fait pas apparaître de localisation spécifique dénommée "liaison AC", mais seulement un terminal 2A, comportant trois niveaux (-1, 0 et +1), et à partir duquel peut être rejoint un autre terminal dénommé en l'espèce le terminal 2 C. Le terme "aérogare" correspond à l'ensemble des bâtiments de l'aéroport réservés aux voyageurs et aux marchandises, et se trouve à l'aéroport [10], composé des différents terminaux (2A, 2C… etc), le terminal 2A abritant des commerces, des services et des salons. Il forme ainsi une unité de clos et de couvert desservie par les mêmes moyens d'accès et séparé du terminal 2C vers lequel il est possible de se diriger à sa sortie. Le salon de la compagnie aérienne a certes été déplacé, mais dans les mêmes locaux constitués à tout le moins, par le terminal 2A dans son ensemble. Alors que les dispositions conventionnelles de l'article 7-1 ont été prises, ainsi que cela est expressément rappelé en exergue dans l'article 7, pour améliorer et renforcer la garantie offerte aux salariés affectés à un marché faisant l'objet d'un changement de prestataire en prévoyant la continuité du contrat de travail des salariés attachés au marché, il doit être considéré, en l'absence de toute autre définition conventionnelle, que s'il y a eu déplacement du chantier, ce déplacement est intervenu au sein d'un espace homogène correspondant à la notion de "mêmes locaux" telle que visée à l'article 7-1, et constitué ici par le terminal 2 A. Ce d'autant que de l'article 7-6 de la convention collective applicable, il résulte que les partenaires sociaux ont convenu, lorsque les conditions de l'article 7-1 ne sont pas réunies, mais que le déplacement des locaux du donneur d'ordre se situe dans le même secteur géographique, que les salariés affectés dans les anciens locaux bénéficiaient d'une priorité d'emploi permettant la continuité du contrat de travail, au sein de l'entreprise entrante. Or, habituellement utilisée en droit du travail pour imposer au salarié un transfert de son lieu de travail en dehors de toute modification de son contrat de travail, la notion de "secteur géographique" dans l'article 7-6 ne saurait être comprise comme pouvant concerner une affectation sur un poste situé dans un même bâtiment formant une unité de clos et couvert ou un espace homogène et constituant donc "les mêmes locaux", ce à quoi correspond a minima, le terminal 2A susvisé. Il importe peu que la cour d'appel de Paris statuant sur appel de l'ordonnance de référés ait condamné la société TEP à verser à la salariée diverses sommes, dès lors que cette décision rendue en application des articles R 1455-10 du code du travail et 484 et suivants du code de procédure civile n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée, le fait que la société sortante d'un marché soit tenue de poursuivre le paiement des salaires aux salariés attachés audit marché en cas de litige avec la société entrante, étant par ailleurs admis. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a considéré que le contrat de travail unissant la salariée à la société TEP n'avait pas été transféré à la société GSF Concorde, le fait que [chaque salariée] remplissait les conditions d'application du transfert telles que régies à l'article 7- 2 I de la convention collective applicable n'étant par ailleurs pas contesté. En conséquence et en application de l'article 7-2-II de la convention collective, il sera ordonné à la société GSF Concorde de remettre à [chaque salariée] un avenant à son contrat de travail constatant le transfert de son contrat à compter du 1er juillet 2013 » ; 1) ALORS QUE les juges sont tenus de viser et d'examiner les éléments de preuve versés aux débats par les parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que rien n'excluait que la société GSF Concorde ait succédé à la société TEP à compter du 1er juillet 2013 pour l'entretien des anciens salons de la compagnie American Airlines, les nouveaux locaux n'ayant été disponibles que le 2 août suivant ; qu'en statuant ainsi sans viser ni examiner les pièces, nouvelles en cause d'appel, versées aux débats par la compagnie American Airlines et dont se prévalait la société GSF Concorde, soit les factures Adecco pour la période du 1er juillet 2013 au 2 août 2013, les demandes internes d'approbation de ces factures, les contrats de travail Adecco et une attestation de Mme [X] (cf. productions), justifiant que pour la période du 1er juillet au 2 août 2013, la compagnie aérienne avait eu recours à des intérimaires pour l'entretien des anciens locaux accueillant ses salons d'accueil, la société GSF Concorde n'étant effectivement intervenue que dans les nouveaux locaux à compter du 2 août 2013, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'aux termes de l'article 7-1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, la continuité du contrat de travail du personnel s'applique aux employeurs appelés à se succéder lors d'un changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux à la suite de la cessation du contrat commercial ou du marché public ; que cette condition s'apprécie au regard du lieu d'exercice effectif des marchés successifs, indépendamment du contenu du contrat de prestations de service du nouveau titulaire du marché et de la précision ou non dans ce contrat de son lieu d'exécution ; qu'en retenant en l'espèce que l'article 7-1 susvisé était applicable au prétexte que rien n'excluait que la société GSF Concorde ait succédé à la société TEP pour l'entretien des salons de la compagnie aérienne, à compter du 1er juillet 2013 sans que le lieu où se situaient ces derniers ait été contractualisé ni même défini précisément, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7-1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés ; 3) ALORS QU'aux termes de l'article 7-1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, la continuité du contrat de travail du personnel s'applique aux employeurs appelés à se succéder lors d'un changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux à la suite de la cessation du contrat commercial ou du marché public ; qu'elle ne s'applique donc pas lorsque la prestation est réalisée dans des locaux différents, les nouveaux locaux seraient-ils dans une autre partie d'un même bâtiment, a fortiori quand ce bâtiment est extrêmement vaste ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que les salons d'accueil de la compagnie American Airlines avaient été déplacés au sein du terminal 2A de l'aéroport [10], les états des lieux de sortie des anciens locaux et d'entrée dans les nouveaux locaux au 2 août 2013 étant d'ailleurs versés aux débats (pièces d'appel n° 16 et 17) ; qu'il s'en évinçait que ce n'était pas au sein des mêmes locaux que s'effectuaient les prestations de nettoyage réalisées par la société GSF Concorde à compter du 2 août 2013, les locaux précédemment confiés à l'ancien prestataire ayant été quittés ; que la cour d'appel a cependant affirmé qu'en l'absence de toute définition conventionnelle précise de la notion de locaux, il y avait lieu de considérer que s'il y avait eu déplacement du chantier, ce déplacement était intervenu au sein d'un espace homogène correspondant à la notion de "mêmes locaux" telle que visée à l'article 7-1, et constitué ici par le terminal 2 A ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 7-1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011. Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société GSF Concorde, demanderesse au pourvoi n° R 20-17.022 Il est fait grief aux décisions infirmatives attaquées d'AVOIR condamné la société GSF Concorde à verser aux salariées des sommes à titre de salaire outre congés payés afférents, d'AVOIR ordonné l'établissement et la remise d'un avenant au contrat de travail en application de l'article 7-2 II A de la convention collective des entreprises de propreté et des services associés, conforme aux dispositions de l'arrêt, et ce dans le délai de deux mois suivant sa signification sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un nouveau délai de deux mois, d'AVOIR prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, d'AVOIR condamné en conséquence la société GSF Concorde à payer aux salariées des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés sur préavis, d'indemnité légale de licenciement, d'AVOIR condamné la société GSF Concorde à payer aux salariées des sommes à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l'absence de paiement de tout salaire à compter du 1er juillet 2013, d'AVOIR condamné la société GSF Concorde à présenter aux salariées un bulletin de paie récapitulatif par année civile, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de l'arrêt dans le délai de deux mois suivant sa signification et au-delà sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document pendant un nouveau délai de deux mois, d'AVOIR condamné la société GSF Concorde à payer des sommes en application et dans les conditions des articles 700 et 700-2° du code de procédure civile, d'AVOIR débouté la société GSF Concorde de ses demandes, d'AVOIR condamné la société GSF Concorde aux entiers dépens de première instance et d'appel ; AUX MOTIFS QUE « I - sur l'applicabilité de l'article 7 de la convention collective de la propreté. L'article 1er de l'accord du 29 mars 1990, dénommé "annexe 7" a été repris dans la convention collective du 26 juillet 2011 de la propreté dont l'applicabilité n'est pas contestée, sous l'article 7. Celui-ci précise en son préambule, "qu'en vue d'améliorer et de renforcer la garantie offerte aux salariés affectés à un marché faisant l'objet d'un changement de prestataire, les partenaires sociaux ont signé un accord (…), en prévoyant la continuité du contrat de travail des salariés attachés au marché concerné dans les conditions stipulées par le présent texte". Puis l'article 7-1 dispose que "les présentes dispositions s'appliquent aux employeurs et aux salariés des entreprises ou établissements exerçant une activité relevant des activités classées sous le numéro de code APE 81-2, qui sont appelés à se succéder lors d'un changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux, à la suite de la cessation du contrat commercial ou de marché public." Aucune des parties ne conteste que les sociétés TEP et GSF Concorde exerçaient une activité de nettoyage courant des bâtiments relevant de celles classées sous le N° APE 81-2, la société American Airlines les ayant successivement désignées comme prestataire pour l'entretien de ses salons situés au sein de l'aérogare de Roissy. La société GSF Concorde soutient que l'article 7-1 ci-dessus rappelé ne lui est pas applicable dès lors que la prestation qui lui a été confiée à compter du 1er juillet 2013 n'était pas effectuée dans les mêmes locaux, rappelant que des travaux étaient intervenus pour transférer les salons au "niveau 5 de la liaison AC de CDG2" alors que les anciens locaux étaient situés dans "le SAT A du terminal 2A de CDG2" ainsi que le mentionnent les états d'entrée dans les nouveaux locaux et de sortie des anciens locaux. Cependant, il convient de relever en premier lieu, qu'en l'absence de communication du contrat de prestation de service conclu entre la société GSF Concorde et la société American Air Lines, la cour n'est pas en mesure de vérifier selon quelles modalités le marché de l'entretien des salons de la compagnie a été confié au nouveau prestataire, alors que la société GSF Concorde déclare elle-même, que le marché a été passé à effet du 1er juillet 2013" (page 3 de ses conclusions), et donc à une date où la compagnie exploitait encore les anciens salons au lieu où ils se trouvaient, les nouveaux, encore en travaux, n'ayant été disponibles qu'à compter du 2 août suivant. Il ne peut être considéré que le document versé par la compagnie American Airlines en pièce N° 32 constitue ledit contrat ou un extrait utile alors qu'il ne comporte aucune date, qu'il porte la mention 1/1 conduisant à retenir qu'il n'est composé que de cette seule page, qu'il fait référence à une "version 1", et que les paraphes qui y figurent en sont pour partie tronqués. À ce stade, rien n'exclut donc que la société GSF Concorde ait succédé à la société TEP pour l'entretien des salons de la compagnie aérienne, à compter du 1er juillet 2013 sans que le lieu où se situaient ces derniers ait été contractualisé ni même défini précisément. Au-delà, alors que le terme "local" n'a pas d'acception juridique spécifique, mais signifie selon le dictionnaire Larousse, "partie d'un bâtiment qui a une destination particulière", il doit être relevé, d'une part, que le texte de l'article 7-1 utilise non l'expression "le même local" au singulier, mais le pluriel "les mêmes locaux", permettant d'exclure une conception limitée à une identité parfaite de localisation ou de surface de l'ancien et du nouveau chantier. D'autre part, au regard du seul plan versé aux débats (pièce N° 11 de la société TEP), il doit être relevé que les salons sont demeurés installés dans le terminal 2A, au niveau zéro de ce dernier, le fait qu'ils aient été rapprochés d'un point de jonction avec le terminal 2C étant sans effet sur ce constat dès lors que le plan susvisé, ne fait pas apparaître de localisation spécifique dénommée "liaison AC", mais seulement un terminal 2A, comportant trois niveaux (-1, 0 et +1), et à partir duquel peut être rejoint un autre terminal dénommé en l'espèce le terminal 2 C. Le terme "aérogare" correspond à l'ensemble des bâtiments de l'aéroport réservés aux voyageurs et aux marchandises, et se trouve à l'aéroport [10], composé des différents terminaux (2A, 2C… etc), le terminal 2A abritant des commerces, des services et des salons. Il forme ainsi une unité de clos et de couvert desservie par les mêmes moyens d'accès et séparé du terminal 2C vers lequel il est possible de se diriger à sa sortie. Le salon de la compagnie aérienne a certes été déplacé, mais dans les mêmes locaux constitués à tout le moins, par le terminal 2A dans son ensemble. Alors que les dispositions conventionnelles de l'article 7-1 ont été prises, ainsi que cela est expressément rappelé en exergue dans l'article 7, pour améliorer et renforcer la garantie offerte aux salariés affectés à un marché faisant l'objet d'un changement de prestataire en prévoyant la continuité du contrat de travail des salariés attachés au marché, il doit être considéré, en l'absence de toute autre définition conventionnelle, que s'il y a eu déplacement du chantier, ce déplacement est intervenu au sein d'un espace homogène correspondant à la notion de "mêmes locaux" telle que visée à l'article 7-1, et constitué ici par le terminal 2 A. Ce d'autant que de l'article 7-6 de la convention collective applicable, il résulte que les partenaires sociaux ont convenu, lorsque les conditions de l'article 7-1 ne sont pas réunies, mais que le déplacement des locaux du donneur d'ordre se situe dans le même secteur géographique, que les salariés affectés dans les anciens locaux bénéficiaient d'une priorité d'emploi permettant la continuité du contrat de travail, au sein de l'entreprise entrante. Or, habituellement utilisée en droit du travail pour imposer au salarié un transfert de son lieu de travail en dehors de toute modification de son contrat de travail, la notion de "secteur géographique" dans l'article 7-6 ne saurait être comprise comme pouvant concerner une affectation sur un poste situé dans un même bâtiment formant une unité de clos et couvert ou un espace homogène et constituant donc "les mêmes locaux", ce à quoi correspond a minima, le terminal 2A susvisé. Il importe peu que la cour d'appel de Paris statuant sur appel de l'ordonnance de référés ait condamné la société TEP à verser à la salariée diverses sommes, dès lors que cette décision rendue en application des articles R 1455-10 du code du travail et 484 et suivants du code de procédure civile n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée, le fait que la société sortante d'un marché soit tenue de poursuivre le paiement des salaires aux salariés attachés audit marché en cas de litige avec la société entrante, étant par ailleurs admis. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a considéré que le contrat de travail unissant la salariée à la société TEP n'avait pas été transféré à la société GSF Concorde, le fait que [chaque salariée] remplissait les conditions d'application du transfert telles que régies à l'article 7-2 I de la convention collective applicable n'étant par ailleurs pas contesté. En conséquence et en application de l'article 7-2-II de la convention collective, il sera ordonné à la société GSF Concorde de remettre à [chaque salariée] un avenant à son contrat de travail constatant le transfert de son contrat à compter du 1er juillet 2013 » ; 1) ALORS QUE les juges sont tenus de viser et d'examiner les éléments de preuve versés aux débats par les parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que rien n'excluait que la société GSF Concorde ait succédé à la société TEP à compter du 1er juillet 2013 pour l'entretien des anciens salons de la compagnie American Airlines, les nouveaux locaux n'ayant été disponibles que le 2 août suivant ; qu'en statuant ainsi sans viser ni examiner les pièces, nouvelles en cause d'appel, versées aux débats par la compagnie American Airlines et dont se prévalait la société GSF Concorde, soit les factures Adecco pour la période du 1er juillet 2013 au 2 août 2013, les demandes internes d'approbation de ces factures, les contrats de travail Adecco et une attestation de Mme [X] (cf. productions), justifiant que pour la période du 1er juillet au 2 août 2013, la compagnie aérienne avait eu recours à des intérimaires pour l'entretien des anciens locaux accueillant ses salons d'accueil, la société GSF Concorde n'étant effectivement intervenue que dans les nouveaux locaux à compter du 2 août 2013, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'aux termes de l'article 7-1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, la continuité du contrat de travail du personnel s'applique aux employeurs appelés à se succéder lors d'un changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux à la suite de la cessation du contrat commercial ou du marché public ; que cette condition s'apprécie au regard du lieu d'exercice effectif des marchés successifs, indépendamment du contenu du contrat de prestations de service du nouveau titulaire du marché et de la précision ou non dans ce contrat de son lieu d'exécution ; qu'en retenant en l'espèce que l'article 7-1 susvisé était applicable au prétexte que rien n'excluait que la société GSF Concorde ait succédé à la société TEP pour l'entretien des salons de la compagnie aérienne, à compter du 1er juillet 2013 sans que le lieu où se situaient ces derniers ait été contractualisé ni même défini précisément, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7-1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés ; 3) ALORS QU'aux termes de l'article 7-1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, la continuité du contrat de travail du personnel s'applique aux employeurs appelés à se succéder lors d'un changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux à la suite de la cessation du contrat commercial ou du marché public ; qu'elle ne s'applique donc pas lorsque la prestation est réalisée dans des locaux différents, les nouveaux locaux seraient-ils dans une autre partie d'un même bâtiment, a fortiori quand ce bâtiment est extrêmement vaste ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que les salons d'accueil de la compagnie American Airlines avaient été déplacés au sein du terminal 2A de l'aéroport [10], les états des lieux de sortie des anciens locaux et d'entrée dans les nouveaux locaux au 2 août 2013 étant d'ailleurs versés aux débats (pièces d'appel n° 16 et 17) ; qu'il s'en évinçait que ce n'était pas au sein des mêmes locaux que s'effectuaient les prestations de nettoyage réalisées par la société GSF Concorde à compter du 2 août 2013, les locaux précédemment confiés à l'ancien prestataire ayant été quittés ; que la cour d'appel a cependant affirmé qu'en l'absence de toute définition conventionnelle précise de la notion de locaux, il y avait lieu de considérer que s'il y avait eu déplacement du chantier, ce déplacement était intervenu au sein d'un espace homogène correspondant à la notion de "mêmes locaux" telle que visée à l'article 7-1, et constitué ici par le terminal 2 A ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 7-1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011.
Selon l'article 7.1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, qui garantit aux salariés affectés sur un marché la continuité de leur contrat de travail, le transfert n'est prévu que pour les salariés attachés au marché ayant fait l'objet du changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux. Il en résulte que le marché dévolu au nouveau prestataire doit avoir le même objet et concerner les mêmes locaux. Dès lors, viole ce texte une cour d'appel qui fait application de ces dispositions alors qu'elle a constaté que les salons d'accueil d'une société de transport aérien, à l'entretien desquels les salariés étaient affectés, avaient été déplacés au sein d'un terminal aéroportuaire lors du changement de prestataire, de sorte qu'il ne s'agissait pas des mêmes locaux
7,971
SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 788 FS-B sur le pourvoi principal Pourvoi n° P 20-19.711 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022 La société Compagnie financière Jacques Coeur, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-19.711 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à M. [O] [E], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. M. [O] [E], a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours,le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Compagnie financière Jacques Coeur, de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [E], et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette conseiller doyen, M. Pietton M. Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mme Grandemange, conseillers, Mmes Prache, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2020), M. [E] a été engagé le 19 août 2003 par la société Compagnie financière Jacques Coeur, en qualité de cadre commercial. 2. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des activités de marchés financiers du 11 juin 2010. 3. Licencié pour faute lourde le 16 février 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes portant sur l'exécution et la rupture du contrat de travail. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement pour faute lourde du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de le condamner en conséquence à lui verser diverses sommes à raison de la rupture du contrat de travail, alors « que la faculté donnée par la convention collective nationale des activités de marchés financiers à un salarié licencié pour faute grave ou lourde de saisir, dans les quinze jours de la notification du licenciement, la commission paritaire, ne peut constituer une condition de validité du licenciement, dès lors que la saisine de la commission n'est prévue que postérieurement à la notification du licenciement et que l'avis de la commission éventuellement saisie n'est que consultatif ; qu'en jugeant qu'à défaut pour l'employeur d'avoir informé le salarié de la possibilité de saisir cette commission, le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 du code du travail, ensemble les articles 30,31 et 60 de la convention collective nationale des activités de marchés financiers du 11 juin 2010. » Réponse de la Cour Vu les articles 30,31 et 60 de la convention collective nationale des activités de marchés financiers du 11 juin 2010 : 5. La consultation d'un organisme chargé, en vertu d'une disposition conventionnelle ou d'un règlement intérieur, de donner son avis sur un licenciement envisagé par un employeur constitue une garantie de fond, en sorte que le licenciement prononcé sans que cet organisme ait été consulté ne peut avoir de cause réelle et sérieuse. 6. L'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur, est assimilée à la violation d'une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu'elle a privé le salarié de droits de sa défense ou lorsqu'elle est susceptible d'avoir exercé en l'espèce une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur. 7. Aux termes de l'article 60 de la convention collective susvisée, relatif au licenciement, le salarié licencié pour faute grave ou lourde a la faculté de saisir, par lettre recommandée avec avis de réception, la commission paritaire prévue aux articles 30 et 31, dans les 15 jours qui suivent la notification du licenciement, ce recours n'étant pas suspensif. 8. Selon l'article 30 de cette même convention, la commission paritaire est compétente pour notamment formuler des avis en cas de licenciement individuel d'un salarié pour faute grave ou lourde, en se prononçant sur la qualification des fautes professionnelles invoquées. 9. Il en résulte, d'une part, que la faculté de saisir la commission paritaire ayant uniquement mission de formuler un avis non suspensif sur le caractère « grave » ou « lourd » de la faute invoquée et non de se prononcer sur le principe du licenciement, dans les quinze jours qui suivent la notification de son licenciement, ne constitue pas une garantie de fond et, d'autre part, que les stipulations de la convention collective n'imposent pas à l'employeur d'informer le salarié de sa faculté de saisir la commission paritaire. 10. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la consultation d'un organisme chargé, en vertu d'une disposition conventionnelle, de donner son avis sur un licenciement pour faute décidé par l'employeur constitue pour le salarié une garantie de fond. Il ajoute que le licenciement prononcé pour un motif disciplinaire, sans que le salarié ait été avisé qu'il pouvait saisir cet organisme, ne peut avoir de cause réelle et sérieuse. Il conclut que le licenciement disciplinaire de l'intéressé survenu sans information par l'employeur de son droit à saisir la commission paritaire visée par l'article 30 précité est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. 11. En statuant ainsi, alors qu'il ne résultait de ses constatations ni la violation d'une garantie de fond, ni une irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen du pourvoi incident du salarié, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande formée au titre de la rémunération variable, alors « qu'il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation ; qu'en déboutant le salarié de sa demande au titre de la rémunération variable due sur l'exercice 2015, motif pris de ce qu'il ne produisait aucun élément sur ses résultats individuels, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil, devenu 1353 du même code. » Réponse de la Cour Vu l'article 1315 du code civil, devenu 1353 du même code : 13. Aux termes de ce texte, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. 14. Pour rejeter la demande formée par le salarié au titre de sa rémunération variable portant sur l'année 2015 et une partie de l'année 2016, l'arrêt relève que le contrat de travail régularisé entre les parties prévoit, outre le versement d'une rémunération brute annuelle de 60 000 euros, une prime de résultat annuelle en fonction d'objectifs individuels et collectifs fixés chaque année, le contrat prévoyant que cette prime peut représenter 60 000 euros si tous les objectifs sont atteints. Il ajoute qu'il ressort du document « entretien de fin d'année » signé par l'employeur et le salarié le 16 février 2015 que des objectifs pour l'année 2015 ont été fixés comme suit : « pour le salarié : générer plus de 350 K Eur de PNL pour CFJC se décomposant en 10 millions en AM sur l'Italie, 10 millions en AM sur la France dont 1 million sur MAM, 10 millions sur idinvest Digital et 20 millions sur sur idinvest fonds de dettes, pour l'employeur : 40 M € de levées au total dont 20 millions sur l'Italie (tout support confondu). » 15. Il retient que pour ces deux périodes, l'intéressé ne produit aucun élément sur ses résultats individuels qu'il se contente de qualifier d'excellents, notamment en rapport avec son activité déployée en Italie. 16. En statuant ainsi, alors qu'il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé. Portée et conséquence de la cassation 17. La cassation des chefs de dispositif disant le licenciement pour faute lourde dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur à verser au salarié diverses sommes à raison de la rupture du contrat de travail n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt le condamnant aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande formée par M. [E] au titre de la rémunération variable et en ce qu'il dit son licenciement pour faute lourde dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne en conséquence la société Compagnie financière Jacques Coeur à lui verser les sommes de 13 417,18 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 20 176,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 017,62 euros de congés payés afférents, 10 088,11 euros à titre de rappels de salaire sur mise à pied conservatoire outre 1 008,81 euros de congés payés afférents, 4 126,95 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés et 60 600 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 27 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie financière Jacques Coeur, demandeur au pourvoi principal La société Compagnie financière Jacques Coeur, employeur, fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit le licenciement pour faute lourde de M. [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de l'avoir condamnée en conséquence à verser différentes sommes à M. [E] à raison de la rupture du contrat de travail, 1/ Alors, d'une part, que la faculté donnée par la convention collective nationale des activités de marchés financiers à un salarié licencié pour faute grave ou lourde de saisir, dans les quinze jours de la notification du licenciement, la commission paritaire, ne peut constituer une condition de validité du licenciement, dès lors que la saisine de la commission n'est prévue que postérieurement à la notification du licenciement et que l'avis de la commission éventuellement saisie n'est que consultatif ; qu'en jugeant qu'à défaut pour l'employeur d'avoir informé le salarié de la possibilité de saisir cette commission, le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 du code du travail, ensemble les articles 30,31 et 60 de la convention collective nationale des activités de marchés financiers du 11 juin 2010 ; 2/ Alors, d'autre part, que la convention collective nationale des activités de marchés financiers se borne à donner au salarié licencié pour faute grave ou lourde la faculté de saisir, dans les quinze jours de la notification du licenciement, la commission paritaire chargée d'émettre un avis sur la qualification du licenciement, sans prévoir à la charge de l'employeur d'obligation d'informer le salarié de cette faculté ; qu'en retenant le contraire, pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 du code du travail, ensemble les articles 30,31 et 60 de la convention collective nationale des activités de marchés financiers du 11 juin 2010. Moyen produit par la SCP Jérôme Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. [E], demandeur au pourvoi incident M. [E] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 7 septembre 2017 en ce qu'il l'avait débouté de sa demande formulée au titre de la rémunération variable ; 1°) ALORS QU'il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation ; que dans son contrat de travail du 30 juillet 2013 (cf. Prod.), il était prévu que M. [E] avait droit à une prime de résultat annuelle en fonction d'objectifs individuels et collectifs fixés chaque année et visait une prime pouvant représenter 60. 000 € si tous les objectifs étaient atteints ; que dans le document « entretien de fin d'année » signé par les parties le 16 février 2015 (cf. Prod), il était prévu s'agissant des objectifs pour 2015 que les objectifs quantitatifs étaient les suivants : « - pour le salarié : générer plus de 350 K Euros de PNL pour CFJC se décomposant en 10 millions en AM sur l'Italie, 10 millions en AM sur la France dont 1 million sur MAM, 10 millions sur Idinvest Digital et 20 millions sur Idinvest fonds de dettes et pour l'employeur : 40 M € de levées au total dont 20 millions sur l'Italie (tout support confondu) » ; qu'en déboutant le salarié de sa demande au titre de la rémunération variable due sur l'exercice 2015, motif pris de ce qu'il ne produisait aucun élément sur ses résultats individuels, sans avoir recherché, comme elle le devait, si l'employeur n'avait pas rempli ses propres objectifs fixés dans le document « entretien de fin d'année », de sorte que si tel était le cas, M. [E] avait droit à une partie de sa rémunération variable pour l'année 2015, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil, devenu 1103 du même code ; 2°) ALORS QU'il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation ; qu'en déboutant le salarié de sa demande au titre de la rémunération variable due sur l'exercice 2015, motif pris de ce qu'il ne produisait aucun élément sur ses résultats individuels, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil, devenu 1353 du même code.
Il résulte des articles 30, 31 et 60 de la convention collective nationale des activités de marchés financiers du 11 juin 2010, d'une part, que la faculté, pour le salarié licencié pour faute grave ou lourde, de saisir la commission paritaire ayant uniquement mission de formuler un avis non suspensif sur le caractère « grave » ou « lourd » de la faute invoquée et non de se prononcer sur le principe du licenciement, dans les quinze jours qui suivent la notification de son licenciement, ne constitue pas une garantie de fond et, d'autre part, que les stipulations de la convention collective n'imposent pas à l'employeur d'informer le salarié de sa faculté de saisir la commission paritaire. Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui, pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ne constate ni la violation d'une garantie de fond, ni une irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle
7,972
SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 789 FS-B Pourvoi n° Z 21-10.111 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [O] Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 10/12/2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022 Mme [V] [O], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-10.111 contre l'arrêt rendu le 18 mai 2020 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant au Centre hospitalier [3], dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de Mme [O], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Centre hospitalier [3], et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mme Grandemange conseillers, Mmes Prache, Prieur, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 mai 2020), Mme [O] a été engagée par l'établissement public Centre hospitalier [3] en qualité de préparatrice en pharmacie hospitalière par trois contrats à durée déterminée successifs du 3 septembre 2012 au 31 août 2013. Puis, le 2 septembre 2013, elle a conclu avec cet établissement public un contrat d'apprentissage d'une durée d'un an, qui a été rompu par une convention de rupture amiable à effet au 28 février 2014. 2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins de condamnation du Centre hospitalier [3] en paiement de rappels de salaire, congés payés et compléments de salaire au titre du contrat d'apprentissage ainsi qu'au versement de l'allocation d'assurance-chômage. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que le juge prud'homal était incompétent pour connaître de ses demandes relatives aux allocations d'assurance-chômage et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors « que les contrats d'apprentissage sont des contrats de droit privé ; que les litiges relatifs à l'indemnisation du chômage consécutifs à la rupture d'un tel contrat relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé la loi du 16-24 août 1790, ainsi que l'article L. 6221-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu le principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et l'article 19 de la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail : 4. Selon le dernier de ces textes, le contrat d'apprentissage conclu par une personne morale de droit public dont le personnel ne relève pas du droit privé est un contrat de droit privé. En conséquence, les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance de ces contrats relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Il en va de même des litiges relatifs à l'indemnisation du chômage consécutif à cette rupture ou à cette échéance, alors même que l'employeur n'a pas adhéré, sur le fondement de l'article L. 5424-2 du code du travail, au régime particulier d'assurance chômage prévu par l'article L. 5422-13 du même code. 5. Tel est également le cas si le salarié, titulaire du contrat d'apprentissage, a antérieurement, au cours de la période retenue pour l'application de l'article L. 5422-2 du code du travail, travaillé pour le même employeur dans le cadre de contrats de droit public. 6. Pour déclarer les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître de la demande de versement de l'allocation d'assurance-chômage, l'arrêt retient que l'établissement public Centre hospitalier de quatre villes n'a pas un objet industriel ou commercial, que ses décisions sont par nature des décisions administratives et qu'il assure lui-même la charge et la gestion de l'allocation d'assurance-chômage de ses agents. 7. En statuant ainsi, alors que le litige, qui opposait la salariée, titulaire d'un contrat d'apprentissage, à l'établissement public Centre hospitalier [3], était relatif à l'indemnisation du chômage consécutif à la rupture de ce contrat, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel formé par Mme [O] à l'encontre du jugement en date du 7 juillet 2017, l'arrêt rendu le 18 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne l'établissement public Centre hospitalier [3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement public Centre hospitalier [3]; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour Mme [O] Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR dit que le juge prud'homal était incompétent pour connaître des demandes de Madame [O] relatives aux allocations chômage et d'avoir renvoyé les parties à mieux se pourvoir ALORS QUE les contrats d'apprentissage sont des contrats de droit privé ; que les litiges relatifs à l'indemnisation du chômage consécutifs à la rupture d'un tel contrat relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé la loi du 16-24 août 1790, ainsi que l'article L 6221-1 du code du travail.
En vertu des dispositions de l'article 19 de la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail, les contrats d'apprentissage sont des contrats de droit privé. Les litiges relatifs aux allocations d'assurance chômage réclamées à la suite de la rupture de ces contrats relèvent de la compétence du juge judiciaire, alors même que l'employeur est une personne publique qui n'a pas adhéré, sur le fondement de l'article L. 5424-2 du code du travail, au régime particulier d'assurance chômage prévu par l'article L. 5422-13 du même code et que le salarié a antérieurement, au cours de la période retenue pour l'application de l'article L. 5422-2 de ce code, travaillé pour le même employeur dans le cadre de contrats de droit public
7,973
SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 796 F+L Pourvoi n° H 21-11.935 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022 Le Comité social et économique d'établissement (CSE) de la direction régionale Pyrénées et Landes de la société Enedis, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-11.935 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Enedis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de représentant légal en sa direction régionale Pyrénées et Landes, dont le siège social est, [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La société Enedis a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé également au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du comité social et économique d'établissement (CSE) de la direction régionale Pyrénées et Landes d'Enedis, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Enedis, après débats en l'audience publique du 18 mai 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 10 décembre 2020), statuant en référé, la société Enedis (la société) a élaboré un plan de reprise d'activité, définissant les modalités de la sortie progressive du confinement à compter du 11 mai 2020. 2. Ce plan a été présenté, pour consultation, au comité social et économique central le 4 mai 2020. 3. La direction régionale Pyrénées et Landes a élaboré et transmis aux membres du comité social et économique de cet établissement trois documents intitulés « plan de reprise des activités DR Pyrénées Landes », « prévision du taux de présence sur site DR PYL », « volume prévisionnel d'activité » et douze « fiches réflexes ». 4. Par acte du 10 juin 2020, le comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes de la société Enedis a sollicité qu'il soit enjoint à la société, à peine d'astreinte, d'engager le processus d'information et de consultation de ce comité en le convoquant à une première réunion d'information et que celle-ci soit condamnée au paiement d'une certaine somme à titre de provision à valoir sur des dommages-intérêts pour entrave. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident et sur le moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi principal, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen du pourvoi incident qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi principal, qui est irrecevable. Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches, du pourvoi principal Enoncé du moyen 6. Le comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes de la société fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à dire et juger que le plan de reprise d'activités élaboré par cette direction est une mesure d'adaptation spécifique du cadrage national relevant de la compétence et du pouvoir du chef d'établissement de ladite direction et un aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des agents, à constater que l'absence d'information et de consultation de ce comité social et économique d'établissement sur le plan de reprise d'activité et notamment sur la mise à jour du document unique d'évaluation des risques constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser, à constater que la violation des dispositions légales du code du travail et des stipulations de l'accord relatif à l'organisation des consultations des institutions représentatives du personnel et au fonctionnement de la base de données économiques et sociales du 25 mars 2019, et ainsi aux prérogatives consultatives du comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes n'est pas sérieusement contestable et, en conséquence, à enjoindre sous astreinte à la société d'engager un processus d'information et de consultation de ce comité social et économique d'établissement et à condamner la société au paiement d'une certaine somme à titre de provision à valoir sur dommages- intérêts en raison de l'entrave portée au fonctionnement régulier du comité social et économique, alors : « 1°/ que le comité social et économique d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ; qu'en l'espèce, pour considérer que la consultation du comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes n'était pas requise sur le plan de reprise d'activité élaboré par la direction régionale Pyrénées et Landes, la cour d'appel a relevé qu'il ne résultait pas des pièces produites que le PRA élaboré par l'entreprise comportait des mesures d'adaptation spécifiques à cet établissement et qui relevaient exclusivement de la compétence du chef de cet établissement ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2316-1 et L. 2316-20 du Code du travail ensemble celles de l'article 3 de l'accord collectif d'entreprise relatif à l'organisation des institutions représentatives du personnel et au fonctionnement de la base de données économiques et sociales du 25 mars 2019 ; 2°/ que le comité social et économique d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ; qu'au cas présent, il ressort des constatations de la cour d'appel que le cadre national du plan de relance des activités défini par la société ENEDIS devait être ‘'décliné localement'' et prévoyait notamment, pour les ressources humaines, un retour progressif des équipes à partir du 11 mai sur une période de 4 à 6 semaines avec en cible, le retour physique de la moitié du collectif de travail d'ici le mois de juillet ‘'à adapter selon les contraintes d'environnement'' et l'énonciation du principe d'un rythme de reprise ‘'adapté à chaque direction mais dans le séquencement du plan de relance national, d'une différenciation par territoires (rouge/vert) avec la prise en compte du contexte local de chaque direction'' ; qu'il s'en déduisait qu'il appartenait à chaque direction régionale d'adapter les directives générales posées au niveau national en fonction des contraintes et particularités locales ; qu'en considérant néanmoins que la consultation du comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes n'était pas requise sur le plan de reprise d'activité élaboré par la direction régionale Pyrénées et Landes au motif qu'aucun élément ne permettait d'établir que le chef d'établissement disposait d'une quelconque marge de manoeuvre dans l'exercice de son pouvoir de décision quant aux modalités de la reprise d'activité au sein de son établissement telles qu'elles avaient été arrêtées au niveau de l'entreprise, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les dispositions des articles L. 2316-1 et L. 2316-20 du code du travail ensemble celles de l'article 3 de l'accord collectif d'entreprise relatif à l'organisation des institutions représentatives du personnel et au fonctionnement de la base de données économiques et sociales du 25 mars 2019 ; 3°/ que le comité social et économique d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la cour d'appel que les mesures envisagées de manière prévisionnelle en matière de volume d'activité pendant la reprise avaient pour vocation de décliner les mesures d'adaptation communes décidées au niveau central en tenant compte notamment des contingences locales telles que la disponibilité des salariés et les niveaux d'activité de chaque service et que les mesures d'aménagement des locaux et des véhicules ainsi que l'instauration d'un référent Covid sous la forme d'un binôme constituaient des modalités de mise en oeuvre des mesures décidées par le plan de reprise d'activité national ; qu'en considérant néanmoins que la consultation du comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes n'était pas requise sur le plan de reprise d'activité élaboré par la direction régionale Pyrénées et Landes au motif que les mesures susvisées s'inscrivaient dans le plan de reprise d'activité national et ne constituaient pas des mesures contraires à celles prévues par ce plan, la cour d'appel a de nouveau violé les dispositions des articles L. 2316-1 et L. 2316-20 du code du travail ensemble celles de l'article 3 de l'accord collectif d'entreprise relatif à l'organisation des institutions représentatives du personnel et au fonctionnement de la base de données économiques et sociales du 25 mars 2019. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article L. 2316-20 du code du travail, le comité social et économique d'établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Il est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement. 8. Selon l'article L. 2312-8, 4°, de ce code, dans sa rédaction alors applicable, le comité social et économique d'entreprise est informé et consulté sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. 9. Selon l'article L. 2316-1, alinéa 2, 4°, du même code, dans sa rédaction alors applicable, le comité social et économique central d'entreprise est seul consulté sur les mesures d'adaptation communes à plusieurs établissements des projets prévus au 4° de l'article L. 2312-8. 10. Il en résulte que le comité social et économique d'établissement est informé et consulté sur toute mesure d'adaptation, relevant de la compétence de ce chef d'établissement et spécifique à cet établissement, des aménagements importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail arrêtés au niveau de l'entreprise, dès lors que cette mesure d'adaptation n'est pas commune à plusieurs établissements. 11. D'abord, l'arrêt relève que le plan de reprise d'activité de la société prévoit, premièrement, concernant le « volet sanitaire », des règles applicables en matière de santé et de sécurité communes et homogènes, en précisant les mesures sanitaires générales en matière de déplacement et de transport, la prise en charge des personnes contact, ainsi que les mesures concernant les salariés sur site, à distance, seuls ou en équipe ou en cas de co-activité, deuxièmement, pour les ressources humaines, un retour progressif des équipes à partir du 11 mai sur une période de quatre à six semaines, avec « en cible », le « retour physique de la moitié du collectif de travail d'ici le mois de juillet à adapter selon les contraintes d'environnement », troisièmement, l'énonciation du principe d'un rythme de reprise adapté dans le séquencement du plan de relance national et d'une différenciation par territoires (rouge/vert) avec la prise en compte du contexte local de chaque direction ainsi que d'une progressivité accrue appuyée sur le maintien du travail à distance comme un des modes normaux d'activité, quatrièmement, pour la dimension métier, la définition d'un « cadre de cohérence national » avec la nécessité de prioriser les activités par grands métiers (« opérations », « raccordement et ingénierie », « client », « programme Linky »). 12. Ensuite, l'arrêt énonce, d'une part, que le plan de reprise d'activité de la direction régionale Pyrénées et Landes, qui précise qu'il décline sans subsidiarité le projet de reprise d'activité de la société, comporte une présentation du dispositif de reprise d'activité dans l'établissement, qui rappelle les mesures sanitaires et les modalités pour assurer leur respect, ainsi qu'un « planning de retour sur les sites », dont il est indiqué qu'il se fera « conformément à la note d'orientation générale pour la relance des activités du distributeur » et qu'il sera « progressif » et tiendra compte de plusieurs paramètres dont « l'évolution des décisions des pouvoirs publics et le cadrage national d'Enedis contenu dans le PRA », et détaille, de plus, les modalités de reprise des activités en fonction des équipes (« tertiaires », « terrain ») et des métiers en indiquant les spécificités de chacun et en déduisant soit la possibilité d'un retour sur site de manière progressive et dans le respect des mesures sanitaires soit l'exécution du travail à distance, lequel est considéré comme « mode de fonctionnement privilégié ». Il constate, d'autre part, que le document intitulé « Volume prévisionnel d'activités pendant la reprise », établi par la direction régionale Pyrénées et Landes, s'inscrit dans le plan de reprise d'activité de la société. 13. Enfin, l'arrêt ajoute qu'aucun élément ne permet d'établir que le chef d'établissement disposait d'une quelconque marge de manoeuvre dans l'exercice de son pouvoir de décision quant aux modalités de la reprise de l'activité au sein de son établissement telles qu'elles avaient été arrêtées au niveau de l'entreprise. 14. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu retenir que le plan de reprise d'activité de la direction régionale Pyrénées et Landes ne constituait pas une mesure d'adaptation spécifique à cet établissement du plan de reprise d'activité de la société. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne le comité social économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes de la société Enedis aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le conseil économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes d'Enedis, demandeur au pourvoi pourvoi principal Le comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes de la société ENEDIS fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes tendant à voir dire et juger que le plan de reprise d'activités élaboré par la direction régionale Pyrénées et Landes d'ENEDIS est une mesure d'adaptation spécifique du cadrage national relevant de la compétence et du pouvoir du chef d'établissement de la DR et un aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des agents, de constater que l'absence d'information et de consultation du comité social et économique d'établissement de la DR Pyrénées et Landes d'ENEDIS sur le plan de reprise d'activité et notamment sur la mise à jour du document unique d'évaluation des risques constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser, de constater que la violation des disposition légales du Code du travail et des stipulations de l'accord relatif à l'organisation des consultations des institutions représentatives du personnel et au fonctionnement de la base de données économiques et sociales du 25 mars 2019, et ainsi aux prérogatives consultatives du comité social et économique d'établissement de la DR Pyrénées et Landes n'est pas sérieuse contestable et, en conséquence, enjoindre sous astreinte à la société ENEDIS d'engager un processus d'information et de consultation du comité social et économique d'établissement de la DR Pyrénées et Landes d'ENEDIS en le convoquant à une première réunion d'information et condamner la société ENEDIS à verser au comité social et économique de la DR Pyrénées et Landes diverses sommes à titre de provision à valoir sur dommages et intérêts en raison de l'entrave portée au fonctionnement régulier du comité social et économique d'établissement et au titre de dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour la première instance et pour l'instance d'appel ; ALORS en premier lieu QUE le comité social et économique d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ; qu'en l'espèce, pour considérer que la consultation du comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes n'était pas requise sur le plan de reprise d'activité élaboré par la direction régionale Pyrénées et Landes, la Cour d'appel a relevé qu'il ne résultait pas des pièces produites que le PRA élaboré par l'entreprise comportait des mesures d'adaptation spécifiques à cet établissement et qui relevaient exclusivement de la compétence du chef de cet établissement ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2316-1 et L. 2316-20 du Code du travail ensemble celles de l'article 3 de l'accord collectif d'entreprise relatif à l'organisation des institutions représentatives du personnel et au fonctionnement de la base de données économiques et sociales du 25 mars 2019 ; ALORS en deuxième lieu QUE le comité social et économique d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ; qu'au cas présent, il ressort des constatations de la Cour d'appel que le cadre national du plan de relance des activités défini par la société ENEDIS devait être « décliné localement » et prévoyait notamment, pour les ressources humaines, un retour progressif des équipes à partir du 11 mai sur une période de 4 à 6 semaines avec en cible, le retour physique de la moitié du collectif de travail d'ici le mois de juillet « à adapter selon les contraintes d'environnement » et l'énonciation du principe d'un rythme de reprise « adapté à chaque direction mais dans le séquencement du plan de relance national, d'une différenciation par territoires (rouge/vert) avec la prise en compte du contexte local de chaque direction » ; qu'il s'en déduisait qu'il appartenait à chaque direction régionale d'adapter les directives générales posées au niveau national en fonction des contraintes et particularités locales ; qu'en considérant néanmoins que la consultation du comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes n'était pas requise sur le plan de reprise d'activité élaboré par la direction régionale Pyrénées et Landes au motif qu'aucun élément ne permettait d'établir que le chef d'établissement disposait d'une quelconque marge de manoeuvre dans l'exercice de son pouvoir de décision quant aux modalités de la reprise d'activité au sein de son établissement telles qu'elles avaient été arrêtées au niveau de l'entreprise, la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les dispositions des articles L. 2316-1 et L. 2316-20 du Code du travail ensemble celles de l'article 3 de l'accord collectif d'entreprise relatif à l'organisation des institutions représentatives du personnel et au fonctionnement de la base de données économiques et sociales du 25 mars 2019 ; ALORS en troisième lieu QUE le comité social et économique d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la Cour d'appel que les mesures envisagées de manière prévisionnelle en matière de volume d'activité pendant la reprise avaient pour vocation de décliner les mesures d'adaptation communes décidées au niveau central en tenant compte notamment des contingences locales telles que la disponibilité des salariés et les niveaux d'activité de chaque service et que les mesures d'aménagement des locaux et des véhicules ainsi que l'instauration d'un référent Covid sous la forme d'un binôme constituaient des modalités de mise en oeuvre des mesures décidées par le plan de reprise d'activité national ; qu'en considérant néanmoins que la consultation du comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes n'était pas requise sur le plan de reprise d'activité élaboré par la direction régionale Pyrénées et Landes au motif que les mesures susvisées s'inscrivaient dans le plan de reprise d'activité national et ne constituaient pas des mesures contraires à celles prévues par ce plan, la Cour d'appel a de nouveau violé les dispositions des articles L. 2316-1 et L. 2316-20 du Code du travail ensemble celles de l'article 3 de l'accord collectif d'entreprise relatif à l'organisation des institutions représentatives du personnel et au fonctionnement de la base de données économiques et sociales du 25 mars 2019 ; ALORS enfin QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'en l'espèce, le comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes de la société ENEDIS faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que le plan de reprise d'activité aurait dû lui être soumis pour avis par application des dispositions de l'article L. 1321-4 du Code du travail relatives au règlement intérieur dès lors que, en ce qu'il impose des mesures d'application de la règlementation relative à la santé et la sécurité, ce plan doit être vu comme une adjonction au règlement intérieur par application des dispositions des articles L. 1321-1 et L. 1321-5 du Code du travail ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant des conclusions de l'exposante, la Cour d'appel a méconnu les exigences découlant des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Piwnica & Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Enedis, demanderesse au pourvoi incident La société Enedis fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevables les demandes du CSE d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes d'Enedis relatives à l'information et la consultation sur le document unique d'évaluation des risques (DUER) ; ALORS QUE le secrétaire du comité social et économique, qui n'en est pas le représentant de droit, doit justifier d'un mandat spécial et précis pour ester en justice ; que le mandat doit préciser la nature de l'action et son objet en en identifiant précisément le périmètre ; qu'en énonçant seulement, pour dire recevable l'action formée par son secrétaire au nom et pour le compte du CSE Pyrénées Landes en ce qu'elle portait sur une demande d'information et de consultation sur la mise à jour du DUER, que le mandat d'agir donné par le comité d'établissement afin de solliciter notamment qu'il soit informé et consulté sur le plan de reprise des activités (PRA) de la DR Pyrénées Landes, comportait également le droit d'agir aux mêmes fins pour la mise à jour du DUER, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante et violé les articles L. 2315-23 et L. 236-25 du code du travail, ensemble l'article 117 du code de procédure civile
Aux termes de l'article L. 2316-20 du code du travail, le comité social et économique d'établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Il est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement. Selon l'article L. 2312-8, 4°, de ce code, dans sa rédaction alors applicable, le comité social et économique d'entreprise est informé et consulté sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Selon l'article L. 2316-1, alinéa 2, 4°, du même code, dans sa rédaction alors applicable, le comité social et économique central d'entreprise est seul consulté sur les mesures d'adaptation communes à plusieurs établissements des projets prévus au 4° de l'article L. 2312-8. Il en résulte que le comité social et économique d'établissement est informé et consulté sur toute mesure d'adaptation, relevant de la compétence de ce chef d'établissement et spécifique à cet établissement, des aménagements importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail arrêtés au niveau de l'entreprise, dès lors que cette mesure d'adaptation n'est pas commune à plusieurs établissements
7,974
SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation sans renvoi M. CATHALA, président Arrêt n° 801 FS-B Pourvoi n° Z 21-11.077 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022 La société Kuehne+Nagel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 1], a formé le pourvoi n° Z 21-11.077 contre le jugement rendu le 13 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Meaux (1re chambre), dans le litige l'opposant au comité social et économique central de la société Kuehne+Nagel, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Kuehne+Nagel, de la SCP Zribi et Texier, avocat du comité social et économique central de la société Kuehne+Nagel, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Meaux, 13 janvier 2021), statuant selon la procédure accélérée au fond, le comité social et économique central de Kuehne+Nagel (le comité) s'est réuni le 30 septembre 2020 dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et d'emploi. La société Kuehne+Nagel (la société) a communiqué à cette occasion le bilan de données économiques et sociales, le bilan sur l'emploi des travailleurs handicapés pour l'année 2019, le bilan intermédiaire de formation pour l'année 2020, la présentation du rapport sur l'égalité professionnelle pour l'année 2019 et la présentation commentée du bilan social pour l'année 2019. 2. Le comité s'est à nouveau réuni le 30 octobre 2020 mais son avis sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi n'a pu être recueilli. Le 12 novembre 2020, après convocation du 2 novembre, une nouvelle réunion du comité s'est tenue lors de laquelle son avis devait être recueilli. S'estimant insuffisamment informé, le comité a voté la désignation d'un expert. 3. La société a fait assigner devant le président du tribunal judiciaire le comité aux fins d'annuler la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 4. La société fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article L. 2323-3 du code du travail alors applicable, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2323-7 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-10, L. 2323-12, L. 2323-15 et L. 3121-28 à L. 3121-39, ainsi qu'aux consultations ponctuelles prévues à la présente section ; qu'en cas d'accord fixant le délai dans lequel le CSE doit rendre son avis, ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif s'il n'a pas émis d'avis avant l'expiration du délai ; que le délai préfix ainsi déterminé par accord ne saurait être repoussé unilatéralement par la décision tardive du CSE de désigner un expert ; qu'en déboutant pourtant la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert, aux motifs inopérants que, du fait de la décision du CSE de recourir à un expert prise le 12 novembre 2020, soit le dernier jour du délai préfix de consultation fixé par accord, ''la durée de consultation a été portée à deux mois avec effet rétroactif à compter du point de départ'', quand il avait constaté que le CSEC et l'employeur avaient conjointement fixé au 12 novembre 2020 le délai, initialement fixé au 30 octobre 2020, à l'expiration duquel le CSEC était réputé avoir rendu son avis, de sorte que la décision du CSE ne pouvait rétroactivement rendre applicable le délai règlementaire de deux mois applicable à défaut de délai fixé par accord et que le délai de consultation expirait ainsi le 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2323-3, R. 2323-1-1, L. 2312-16, R. 2312-6 et L. 2315-91 du code du travail ; 2°/ qu'aux termes de l'article L. 2323-3 du code du travail alors applicable, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2323-7 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-10, L. 2323-12, L. 2323-15 et L. 3121-28 à L. 3121-39, ainsi qu'aux consultations ponctuelles prévues à la présente section ; qu'en cas d'accord fixant le délai dans lequel le CSE doit rendre son avis, ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif s'il n'a pas émis d'avis avant l'expiration du délai ; que le délai de consultation court à compter de la date à laquelle le comité d'entreprise a reçu une information le mettant en mesure d'apprécier l'importance de l'opération envisagée et de saisir le président du tribunal de grande instance s'il estime que l'information communiquée est insuffisante ; que pour débouter la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert, le tribunal judiciaire a retenu que ''il ne peut, toutefois, être reproché au CSEC de n'avoir pas voté l'expertise ou émis de réserves lors de la réunion précédente puisque les parties ont ensemble reconnu avoir été empêchées d'aborder la politique sociale de l'entreprise inscrite à l'ordre du jour faute de temps'' et que la présentation de la politique sociale détaillée par la société lors de la réunion du 12 novembre 2020 ''doit être analysée comme constitutive d'une information complémentaire de nature à justifier d'une nécessité nouvelle de s'adjoindre l'assistance d'un expert'' ; qu'en statuant par de tels motifs, inopérants, tandis qu'il résultait de ses propres constatations, d'une part, que le CSEC et l'employeur avaient par accord fixé le délai préfix de consultation au 12 novembre 2020 et d'autre part, que les informations communiquées par l'employeur le 30 septembre 2020 étaient suffisantes et avaient valablement déclenché le délai de consultation, sans que le CSEC n'entende recourir à l'assistance d'un expert sur la base de ces informations, ni n'excipe de leur insuffisance pour pouvoir utilement exprimer son avis, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2323-3, R. 2323-1-1, L. 2312-16, R. 2312-6 et L. 2315-91 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 2312-16, L. 2315-91, R. 2312-6 et R. 2315-47 du code du travail : 5. Aux termes de l'article L. 2312-16 du code du travail, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2312-19 et à l'article L. 2312-55 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique ou, le cas échéant, le comité social et économique central, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité social et économique ou, le cas échéant, du comité social et économique central sont rendus dans le cadre des consultations prévues au présent code. Ces délais permettent au comité social et économique ou, le cas échéant, au comité central d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises. A l'expiration de ces délais ou du délai mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 2312-15, le comité ou, le cas échéant, le comité central, est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif. 6. Selon l'article L. 2315-91 du même code, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi mentionnée au 3° de l'article L. 2312-17. 7. Selon l'article R. 2312-6 du code du travail, à défaut d'accord, le comité social et économique dispose d'un délai d'un mois, porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert, pour donner un avis motivé dans le cadre d'une consultation faite par l'employeur. 8. Aux termes de l'article R. 2315-47 du code du travail, l'expert remet son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration des délais de consultation du comité social et économique mentionnés aux second et troisième alinéas de l'article R. 2312-6. 9. Il en résulte que les dispositions de l'article R. 2312-6 n'ont vocation à s'appliquer qu'en l'absence d'accord collectif de droit commun ou d'un accord entre le comité social et économique et l'employeur fixant d'autres délais que ceux prévus à cet article. 10. Pour rejeter la demande en annulation de l'expertise décidée par le comité le 12 novembre 2020, après avoir constaté que, le 30 octobre 2020, l'avis du comité n'avait pu être recueilli en raison des circonstances du déroulement de la réunion et qu'une réunion extraordinaire du comité social et économique avait été convoquée le 2 novembre 2020 et s'était tenue le 12 novembre 2020 lors de laquelle devait être recueilli l'avis du comité et retenu que, dès lors, le délai de consultation avait été prorogé au 12 novembre 2020 d'un commun accord, le jugement retient que l'expert a été désigné lors de la dernière réunion, le 12 novembre 2020, et non postérieurement de sorte qu'il ne saurait valablement être soutenu que le silence du comité vaut avis négatif, que l'employeur fait abstraction de l'extension du délai de consultation résultant de la désignation de l'expert, la durée de la consultation étant en effet portée à deux mois avec effet rétroactif à compter du point de départ. 11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que les informations communiquées ou mises à disposition du comité le 30 septembre 2020 ont marqué le point de départ de la consultation et, d'autre part, que l'employeur et le comité social et économique central étaient convenus par un commun accord de reporter le terme du délai de consultation au 12 novembre 2020, ce dont il aurait dû déduire que cet accord excluait l'application des délais réglementaires fixés, à défaut d'accord, par l'article R. 2312-6 du code du travail et qu'au jour où il statuait, le délai étant échu, le comité était réputé avoir émis un avis négatif de sorte que l'expertise ne pouvait qu'être annulée, le président du tribunal a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Meaux ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ANNULE la délibération du comité social et économique central de la société Kuehne+ Nagel du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert ; Condamne le comité social et économique central de la société Kuehne+Nagel aux dépens, en ce compris les dépens exposés devant le président du tribunal ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes, en ce compris celles formées devant le président du tribunal judiciaire ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Kuehne+Nagel PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR rejeté toutes les demandes de la société Kuehne + Nagel ; AUX MOTIFS QUE sur la demande principale tendant à la nullité de la délibération adoptée le 12 novembre 2020 ; en vertu de l'article L. 2315-86 du code du travail, l'employeur qui conteste la nécessité de l'expertise décidée par le CSEC saisi le juge judiciaire dans un délai de dix jours, statuant lui-même dans un délai de même durée, selon la procédure accélérée au fond ; l'exécution de la délibération du CSEC est suspendue comme sa consultation ; aux termes des articles 4.1.3 et 4.3 de l'accord collectif portant sur le fonctionnement des comités sociaux, économiques et la représentation du personnel au sein de la société du 28 novembre 2018, le CSEC est informé et consulté sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi tous les trois ans ; les données intégrées à la BDES sont en revanche actualisées annuellement ; selon l'article 4.3, les membres du CSEC sont rendus destinataires des informations mentionnées à l'article 4.3.3 : « le bilan social, les informations relatives à la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l'entreprise, les actions en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, les informations sur le plan de formation du personnel de l'entreprise, ou tout autre document existant et nécessaire à la compréhension de la politique sociale de l'entreprise » ; la procédure d'information-consultation des institutions représentatives du personnel est encadrée par des délais qui peuvent être fixés par accord ; à défaut d'accord formel et lorsque la loi ne fixe pas de délais spécifiques, le délai de consultation du comité d'entreprise est fixé à 1 mois par l'article R. 2323-1-1 du code du travail. Ce délai est porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert ; par tempérament, les parties peuvent, à l'issue d'un accord informel, proroger ce délai sans limite de durée sous réserve d'informations nouvelles transmises par l'employeur et de la provocation d'une réunion extraordinaire (Cass. Soc., 08 juillet 2020, n° 19-10.987) ; l'article L. 2315-91 du code du travail dispose que le CSEC peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi ; la procédure d'information-consultation est close, soit à compter de l'avis exprimé, soit à l'expiration du délai ; en cas de silence gardé à cette date, le comité est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif, conformément à l'article R. 2312-6 du code du travail et L. 2312-16 du même code ; l'article R. 2323-1 du code du travail précise que le délai court à compter de la communication par l'employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation ou l'information par l'employeur de leur mise à disposition dans la base de données dans les conditions prévues aux articles R. 2323-1-5 et suivants ; ces informations doivent, selon l'article L. 2323-4 du code du travail, être précises et écrites, pour permettre au comité d'entreprise de formuler un avis motivé ; en cas de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis, le juge peut, après avoir constaté ces difficultés, accorder une prorogation du délai prévu à l'article L. 2323-3 ; le délai court à compter de la date à laquelle les informations permettant d'appréhender, au moins pour partie, la politique sociale de l'entreprise ont été communiquées ou mise à disposition du CSEC (Soc., 21 septembre 2016, n° 15-19.003) ; A l'inverse, le délai n'a pas commencé à courir lorsque les informations n'ont pas été communiquées ou mises à disposition ou lorsqu'elles sont d'une insuffisance telle qu'elles ne permettent aucunement au CSEC de commencer à former son avis ; c'est ainsi qu'il a été jugé: "Dans l'exercice de ses attributions consultatives, le comité d'entreprise émet des avis et voeux, et dispose pour ce faire d'un délai d'examen suffisant fixé par accord ou, à défaut, par la loi ; que lorsque les éléments d'information fournis par l'employeur ne sont pas suffisants, les membres élus du comité peuvent saisir le président du tribunal de grande instance pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants ; que cependant lorsque la loi ou l'accord collectif prévoit la communication ou la mise à disposition de certains documents, le délai de consultation ne court qu'à compter de cette communication" (Soc., 28 mars 2018, n° 17-13081, Bull. V n° 49) ; en l'espèce, les informations communiquées ou mises à disposition du CSEC le 30 septembre 2020 ont marqué le point de départ de la consultation tri annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, des conditions de travail et de l'emploi ; c'est sans pertinence que les parties développent des considérations de pur droit sans incidence sur l'issue de leur litige puisqu'elles admettent, de part et d'autre, que ce délai préfixe n'a pas expiré à la date initialement prévue ; indifféremment des conditions exigées par la cour pour que soit retenue l'hypothèse d'une prorogation informelle, les parties s'accordent sur la chronologie suivante : les informations sur la politique sociale, les conditions de travail et d'emploi ont été communiquées au 30 septembre 2020 dans le cadre de la procédure de consultation, événement marquant le point de départ du délai de préfixe, légalement fixé à un mois ; elles admettent cependant que le 30 octobre 2020, l'avis du CSEC n'a pu être recueilli par la direction de la société Kuehne + Nagel en raison de circonstances liées au déroulement même de la réunion, les participants ayant abondamment discuté des autres points inscrits à l'ordre du jour et confirment que le 02 novembre 2020, une réunion extraordinaire a été convoquée et fixée au 12 novembre 2020 afin de recueillir cet avis dans des conditions plus favorables ; à la lumière de ce qui précède, il se déduit légitimement que le délai préfix, qui devait initialement expirer le 30 octobre 2020 a été prorogé au 12 novembre 2020 ; or, c'est à cette date que la délibération portant désignation d'un expert a été adoptée ; il est constant que la désignation de l'expert doit intervenir avant l'expiration des délais de consultation ; cela ne permet pas d'en induire que CSEC soit tenu d'exprimer son avis avant le dernier jour du délai mais au plus tard ce dernier jour ; au cas présent, il est constant que l'expert a été désigné lors de cette dernière réunion et non postérieurement de sorte qu'il ne saurait valablement être soutenu que le silence du CSEC vaut avis négatif ; le moyen soutenu de ce chef sera en conséquence rejeté ; s'agissant du second moyen, la société Kuehne + Nagel invoque d'une part le caractère tardif de la désignation au regard du délai raisonnable, distinct par sa durée du délai préfix, d'autre part le caractère tardif du dépôt prévisible du rapport au regard du délai préfix, considérant que cette tardiveté prive de toute utilité la mission de l'expert ; ce faisant, la société KUEHNE + NAGEL part du principe acquis, dans les deux cas, selon lequel le CSEC est réputé avoir exprimé un avis négatif ,faisant ainsi abstraction de l'extension de ce délai résultant de la désignation de l'expert. En effet, la durée de la consultation a été portée à deux mois avec effet rétroactif à compter du point de départ ; à ce stade, le tribunal ne s'étant pas encore prononcé sur le sort réservé à la délibération, il doit être considéré qu'elle a eu pour effet de porter le délai préfix au 30 décembre 2020 ; ainsi, la désignation tardive de l'expert ne doit pas systématiquement être regardée comme inutile, encore doit-il être justifié de l'impossibilité pour le CSEC de bénéficier des éclaircissements de l'expert en temps utile ; les décisions évoquées ou produites à ce sujet concernent des hypothèses où le CSEE ou CSEC a désigné un expert après la clôture de la consultation, un avis ayant déjà été exprimé avant l'expiration du délai préfix ; la cour de cassation a en conséquence estimé que l'avis ayant déjà été exprimé, que la consultation avait pris fin, et qu'en conséquence la mesure d'expertise, postérieure, ne pouvait avoir pour finalité d'aider le CSEE ou CSEC à former son avis ; compte tenu des motifs précédemment développés, cette analyse ne saurait être retenue comme ne s'appliquant pas à l'espèce ; le caractère raisonnable ou non du délai doit dès lors être apprécié en considération des circonstances ayant entouré la désignation ; il a déjà été démontré que cette désignation est intervenue à la date à laquelle le délai préfix devait expirer. Il ne peut, toutefois, être reproché au CSEC de n'avoir pas voté l'expertise ou émis de réserves lors de la réunion précédente puisque les parties ont ensemble reconnu avoir été empêchées d'aborder la politique sociale de l'entreprise inscrite à l'ordre du jour, faute de temps ; à l'occasion de la réunion de report, la société KUEHNE + NAGEL s'est livrée à une présentation de sa politique sociale très détaillée comme en témoigne l'enregistrement audio produit aux débats par le CSEC ; cette présentation apporte de nombreuses précisions sur les éléments déjà en possession du CSEC. En ce sens, elle doit être analysée comme constitutive d'une information complémentaire de nature à justifier d'une nécessité nouvelle de s'adjoindre l'assistance d'un expert ; par suite, le raisonnement de la société Kuehne + Nagel fondé sur le caractère tardif de la désignation de l'expert au regard de l'exigence prétorienne du délai raisonnable ne saurait prospérer ; enfin, le délai laissé à l'expert pour mener ses opérations et en communiquer le résultat au CSEC étant de 15 jours, il ne saurait être présumé d'un dépôt de rapport postérieur à la clôture de la consultation, événement à ce jour purement hypothétique. En effet, le CSEC dispose d'au moins trois jours après la date limite de dépôt du rapport pour prendre connaissance de ses travaux et se les approprier ; dès lors, le raisonnement de la société Kuehne + Nagel tiré du caractère tardif du futur dépôt du rapport au regard du délai préfixe ne saurait davantage être retenu ; du tout, il résulte que l'expert a été désigné avant l'expiration du délai préfix initialement d'un mois, porté rétroactivement à deux mois, et avant qu'un avis ait été exprimé par le CSEC, sans qu'il ne soit justifié de l'inutilité de cette mesure ou de son caractère dilatoire ou vexatoire ; en conséquence, la société Kuehne+Nagel sera déboutée de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 ; - Sur la demande subsidiaire tendant à la réduction du prix de l'expertise : le coût prévisionnel est étroitement lié aux autres motifs d'opposition tenant à la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, l'étendue ou le délai de l'expertise et sa contestation est soumise à la même procédure que celle applicable à ces éléments (Article L. 4614-13 alinéa 2 du code du travail) ; il pourrait sembler illogique d'introduire une possibilité de contestation a priori du coût prévisionnel à un stade où, par définition, ce coût ne peut être connu avec certitude, même à l'aide d'un devis. Ce coût est en effet fonction des travaux qui seront, in fine, réalisés par l'expert ; ainsi, seule la contestation portant sur le bien-fondé et les modalités de l'expertise pourrait sembler pertinente à ce stade, rien ne l'interdit néanmoins au plan textuel ; compte tenu de ce lien étroit entre la contestation portant, à titre principal, sur la délibération du CSEC et le recours à une expertise puis, à titre subsidiaire, sur la contestation du périmètre de la mission et de ses modalités financières, sachant en outre que la lettre de mission a été élaborée au vu du cahier des charges établi par ledit comité, la société Kuehne+Nagel justifie d'un intérêt légitime à élever cette contestation dans le cadre de la présente instance de sorte que la fin de non-recevoir invoquée par le CSEC, tirée du défaut d'intérêt à agir, doit être rejetée ; il est non moins patent que le cabinet d'expertise 3E CONSULTANTS, pressenti pour cette mission et directement concerné par la nature et l'objet de la présente contestation n'a pas été appelé dans la cause de sorte qu'il n'a pas été mis en mesure d'apporter les informations et réclamées ni de répondre aux critiques soulevées, de sorte qu'il ne peut, en l'état actuel de la procédure, être statué sur ce chef de demande, lequel sera dès lors rejeté ; il sera rappelé, en tout état de cause que la portée de la lettre de mission ne doit pas être surévaluée, en effet le montant des honoraires de l'expert ne donne lieu qu'à une estimation et leur montant définitif dépend du travail réalisé ; en outre la signature de la lettre par l'employeur ne fait pas obstacle à une contestation ultérieure ; 1) ALORS QU'aux termes de l'article L. 2323-3 du code du travail alors applicable, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2323-7 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-10, L. 2323-12, L. 2323-15 et L. 3121-28 à L. 3121-39, ainsi qu'aux consultations ponctuelles prévues à la présente section ; qu'en cas d'accord fixant le délai dans lequel le CSE doit rendre son avis, ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif s'il n'a pas émis d'avis avant l'expiration du délai ; que le délai préfix ainsi déterminé par accord ne saurait être repoussé unilatéralement par la décision tardive du CSE de désigner un expert ; qu'en déboutant pourtant la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert, aux motifs inopérants que, du fait de la décision du CSE de recourir à un expert prise le 12 novembre 2020, soit le dernier jour du délai préfix de consultation fixé par accord, « la durée de consultation a été portée à deux mois avec effet rétroactif à compter du point de départ », quand il avait constaté que le CSEC et l'employeur avaient conjointement fixé au 12 novembre 2020 le délai, initialement fixé au 30 octobre 2020, à l'expiration duquel le CSEC était réputé avoir rendu son avis, de sorte que la décision du CSE ne pouvait rétroactivement rendre applicable le délai réglementaire de deux mois applicable à défaut de délai fixé par accord et que le délai de consultation expirait ainsi le 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2323-3, R. 2323-1-1, L. 2312-16, R. 2312-6 et L. 2315-91 du code du travail ; QU'aux termes de l'article L. 2323-3 du code du travail alors applicable, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2323-7 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-10, L. 2323-12, L. 2323-15 et L. 3121-28 à L. 3121-39, ainsi qu'aux consultations ponctuelles prévues à la présente section ; qu'en cas d'accord fixant le délai dans lequel le CSE doit rendre son avis, ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif s'il n'a pas émis d'avis avant l'expiration du délai ; que le délai de consultation court à compter de la date à laquelle le comité d'entreprise a reçu une information le mettant en mesure d'apprécier l'importance de l'opération envisagée et de saisir le président du tribunal de grande instance s'il estime que l'information communiquée est insuffisante ; que pour débouter la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert, le tribunal judiciaire a retenu que « il ne peut, toutefois, être reproché au CSEC de n'avoir pas voté l'expertise ou émis de réserves lors de la réunion précédente puisque les parties ont ensemble reconnu avoir été empêchées d'aborder la politique sociale de l'entreprise inscrite à l'ordre du jour faute de temps » et que la présentation de la politique sociale détaillée par la société lors de la réunion du 12 novembre 2020 « doit être analysée comme constitutive d'une information complémentaire de nature à justifier d'une nécessité nouvelle de s'adjoindre l'assistance d'un expert » ; qu'en statuant par de tels motifs, inopérants, tandis qu'il résultait de ses propres constatations, d'une part, que le CSEC et l'employeur avaient par accord fixé le délai préfix de consultation au 12 novembre 2020 et d'autre part, que les informations communiquées par l'employeur le 30 septembre 2020 étaient suffisantes et avaient valablement déclenché le délai de consultation, sans que le CSEC n'entende recourir à l'assistance d'un expert sur la base de ces informations, ni n'excipe de leur insuffisance pour pouvoir utilement exprimer son avis, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2323-3, R. 2323-1-1, L. 2312-16, R. 2312-6 et L. 2315-91 du code du travail ; 3) ALORS en toute hypothèse QUE selon l'article R. 2323-1-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, le comité d'entreprise dispose d'un délai d'un mois, porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert, pour donner un avis motivé dans le cadre d'une consultation faite par l'employeur ; qu'en retenant que « le tribunal ne s'étant pas encore prononcé sur le sort réservé à la délibération, il doit être considéré qu'elle a eu pour effet de porter le délai préfix au 30 décembre 2020 », portant ainsi à trois mois le délai de consultation qui avait commencé à courir le 30 septembre 2020, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé ; 4) et ALORS en toute hypothèse QUE le CSE doit désigner l'expert dans un délai raisonnable, donnant un effet utile au recours à l'expertise afin de pouvoir émettre son avis dans le délai préfix de consultation applicable ; que selon l'article R. 2315-47, alinéa 1er, du code du travail, l'expert remet son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration des délais de consultation du comité social et économique mentionnés aux second et troisième alinéas de l'article R. 2312-6 ; qu'en affirmant, pour débouter la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert, que « le délai laissé à l'expert pour mener ses opérations et en communiquer le résultat au CSEC étant de 15 jours, il ne saurait être présumé d'un dépôt de rapport postérieur à la clôture de la consultation, événement à ce jour purement hypothétique » et que « le CSEC dispose d'au moins trois jours après la date limite de dépôt du rapport pour prendre connaissance de ses travaux et se les approprier », quand, à supposer même que le délai de consultation ait pu être regardé comme rétroactivement porté au 30 novembre 2020, l'expert devait déposer son rapport au plus tard 15 jours avant l'expiration de ce délai, soit le 15 novembre 2020, ce dont il s'évinçait de plus fort que la décision de désigner un expert prise le 12 novembre 2020 – l'expert n'ayant effectivement été missionné que le 16 novembre suivant- n'avait pas été prise dans un délai raisonnable et avec un effet utile, mais était au contraire nécessairement tardive et dilatoire, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé, ensemble les articles L. 2323-3, R. 2323-1-1, L. 2312-16, R. 2312-6 et L. 2315-91 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR rejeté toutes les demandes de la société Kuehne + Nagel ; AUX MOTIFS QUE - Sur la demande subsidiaire tendant à la réduction du prix de l'expertise : le coût prévisionnel est étroitement lié aux autres motifs d'opposition tenant à la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, l'étendue ou le délai de l'expertise et sa contestation est soumise à la même procédure que celle applicable à ces éléments (Article L. 4614-13 alinéa 2 du code du travail) ; il pourrait sembler illogique d'introduire une possibilité de contestation a priori du coût prévisionnel à un stade où, par définition, ce coût ne peut être connu avec certitude, même à l'aide d'un devis. Ce coût est en effet fonction des travaux qui seront, in fine, réalisés par l'expert ; ainsi, seule la contestation portant sur le bien-fondé et les modalités de l'expertise pourrait sembler pertinente à ce stade, rien ne l'interdit néanmoins au plan textuel ; compte tenu de ce lien étroit entre la contestation portant, à titre principal, sur la délibération du CSEC et le recours à une expertise puis, à titre subsidiaire, sur la contestation du périmètre de la mission et de ses modalités financières, sachant en outre que la lettre de mission a été élaborée au vu du cahier des charges établi par ledit comité, la société Kuehne+Nagel justifie d'un intérêt légitime à élever cette contestation dans le cadre de la présente instance de sorte que la fin de non-recevoir invoquée par le CSEC, tirée du défaut d'intérêt à agir, doit être rejetée ; il est non moins patent que le cabinet d'expertise 3E CONSULTANTS, pressenti pour cette mission et directement concerné par la nature et l'objet de la présente contestation n'a pas été appelé dans la cause de sorte qu'il n'a pas été mis en mesure d'apporter les informations et réclamées ni de répondre aux critiques soulevées, de sorte qu'il ne peut, en l'état actuel de la procédure, être statué sur ce chef de demande, lequel sera dès lors rejeté ; il sera rappelé, en tout état de cause que la portée de la lettre de mission ne doit pas être surévaluée, en effet le montant des honoraires de l'expert ne donne lieu qu'à une estimation et leur montant définitif dépend du travail réalisé ; en outre la signature de la lettre par l'employeur ne fait pas obstacle à une contestation ultérieure ; ALORS QUE l'employeur est en droit de contester le coût prévisionnel de l'expertise, si celle-ci paraît, a priori, inadéquate et /ou excessive, dans sa consistance comme sa durée ; que pour débouter la société Kuehne+Nagel de sa demande subsidiaire tendant à la réduction du coût prévisionnel de l'expertise évaluée par l'expert, le tribunal judiciaire a retenu que l'expert « n'a pas été mis en mesure d'apporter les informations réclamées ni de répondre aux critiques soulevées » ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, quand il résultait de ses propres constatations que l'expert avait été désigné le 12 novembre 2020, que le CSEC devait, en toute hypothèse, rendre son avis au plus tard le 30 novembre 2020, et que l'employeur soutenait sans être contredit que le devis de l'expert était établi sur la base d'une durée de mission de 50 jours, comme telle nécessairement excessive dès lors qu'elle dépassait en toute hypothèse le délai de remise du rapport retenu par le tribunal lui-même mais aussi le délai de consultation du CSE, de sorte que le coût prévisionnel de l'expertise devait être réduit sans qu'il soit nullement besoin à ce stade que l'expert soit appelé pour apporter d'éventuelles précisions sur la consistance exacte des missions et diligences accomplies, ce qui relève, le cas échéant, de la contestation a posteriori du coût final de l'expertise, le tribunal judiciaire a violé l'article R. 2315-47, ensemble l'article L. 2315-86 du code du travail.
Aux termes de l'article L. 2312-16 du code du travail, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2312-19 et à l'article L. 2312-55 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique ou, le cas échéant, le comité social et économique central, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité social et économique ou, le cas échéant, du comité social et économique central sont rendus dans le cadre des consultations prévues au présent code. Ces délais permettent au comité social et économique ou, le cas échéant, au comité central d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises. A l'expiration de ces délais ou du délai mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 2312-15, le comité ou, le cas échéant, le comité central, est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif. Selon l'article L. 2315-91 du même code, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi mentionnée au 3° de l'article L.2312-17. Selon l'article R. 2312-6 du code du travail, à défaut d'accord, le comité social et économique dispose d'un délai d'un mois, porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert, pour donner un avis motivé dans le cadre d'une consultation faite par l'employeur. Aux termes de l'article R. 2315-47 du code du travail, l'expert remet son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration des délais de consultation du comité social et économique mentionnés aux second et troisième alinéas de l'article R. 2312-6. Il en résulte que les dispositions de l'article R. 2312-6 n'ont vocation à s'appliquer qu'en l'absence d'accord collectif de droit commun ou d'un accord entre le comité social et économique et l'employeur fixant d'autres délais que ceux prévus à cet article
7,975
SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 802 FS-B Pourvoi n° R 21-11.437 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022 La société Crédit mutuel Arkéa, société coopérative à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 2], a formé le pourvoi n° R 21-11.437 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [E] [D], domicilié [Adresse 3], [Localité 4], 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 5], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit mutuel Arkéa, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [D], et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 décembre 2020), M. [D], engagé le 23 juillet 1990 en qualité de conseiller clientèle par le Crédit mutuel Arkéa (la société), occupant en dernier lieu le poste de directeur de caisse, a été mis à pied à titre conservatoire le 21 janvier 2015. Convoqué à un entretien préalable au licenciement s'étant tenu le 12 février 2015, il a sollicité la réunion du conseil de discipline qui a eu lieu le 10 mars 2015. Il a été licencié le 11 mars 2015 pour faute grave à raison de faits de harcèlement sexuel ainsi que de faits de harcèlement moral tenant à un management agressif. 2. Le salarié a saisi le 26 octobre 2015 la juridiction prud'homale aux fins de contester son licenciement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à lui payer des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'ordonner le remboursement par la société à tout organisme financier intéressé des indemnités chômage versées au salarié dans la limite de six mois, alors : « 1°/ qu'en matière prud'homale, la preuve est libre ; que l'enquête interne réalisée par l'employeur pour établir l'existence des faits de harcèlement sexuel et moral reprochés à un salarié n'est soumise à aucun formalisme et ne peut être écartée des débats comme déloyale au prétexte de prétendus dysfonctionnements dans son déroulement ; qu'en l'espèce, il était constant entre les parties qu'à la suite de la dénonciation par deux salariées du Crédit de faits de harcèlement moral et sexuel de la part de leur supérieur hiérarchique, la société exposante a mené une enquête interne et interrogé les salariés en relation directe avec ces faits, en l'occurrence, M. [D] et Mmes [W] et [K] et que, dans le cadre de cette enquête, le salarié licencié a admis la matérialité des faits fautifs ; que pour juger que le comportement fautif de M. [D] n'était pas caractérisé et écarter l'existence d'une faute grave de sa part, la cour d'appel a néanmoins estimé que l'enquête interne menée par l'exposante aurait été déloyale dès lors qu'elle s'était déroulée sans audition de l'ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits litigieux, que les salariées ayant dénoncé les faits ont été entendues ensemble, que le compte-rendu n'était pas signé et que la durée de ''l'interrogatoire'' de M. [D] n'était pas précisée, pas plus que les temps de repos ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter cet élément de preuve pour déloyauté, la cour d'appel, qui a subordonné l'enquête interne à un formalisme que la loi n'exige pas, a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1153-1, L. 1153-5, L. 1153-6, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ; 3°/ qu'en matière prud'homale, la preuve est libre ; que les faits de harcèlement moral et sexuel peuvent en conséquence être démontrés par l'employeur par tous moyens ; que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les moyens dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties ; qu'en l'espèce, afin d'établir la matérialité des faits de harcèlement reprochés à M. [D], la société Crédit faisait valoir qu'à la suite de la révélation des faits litigieux, et parallèlement à l'enquête interne menée auprès des salariées ayant dénoncé les faits, des entretiens avaient été réalisés avec les autres collaborateurs de M. [D] ; qu'étaient ainsi versés aux débats les comptes rendus de ces entretiens, au cours desquels de nombreux salariés de l'entreprise avaient fait état des propos déplacés et des méthodes de management agressives de M. [D] ; que pour juger que le comportement fautif de M. [D] n'était pas caractérisé, la cour d'appel s'est bornée à considérer que l'enquête interne menée par l'exposante était déloyale en l'absence d'audition de l'ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits dénoncés et d'information ou de saisine du CHSCT ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur les autres pièces versées aux débats par la société Crédit, dont il ressortait que d'autres salariés de l'entreprise avaient été entendus et témoignaient des faits de harcèlement moral et sexuel reprochés à M. [I]'h dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1153-1, L. 1153-5, L. 1153-6, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1152-4, L.1152-5, L. 1153-5, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, du code du travail et les articles L. 1153-6 et L. 1234-1 du même code : 4. D'une part, la règle probatoire, prévue par l'article L. 1154-1 du code du travail, n'est pas applicable lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d'un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement sexuel ou moral. 5. En matière prud'homale, la preuve est libre. 6. D'autre part, selon l'article L. 1153-5 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre fin et de les sanctionner. Selon l'article L. 1152-4 du même code, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement moral. 7. Il résulte des textes susvisés et du principe de liberté de preuve en matière prud'homale qu'en cas de licenciement d'un salarié à raison de la commission de faits de harcèlement sexuel ou moral, le rapport de l'enquête interne, à laquelle recourt l'employeur, informé de possibles faits de harcèlement sexuel ou moral dénoncés par des salariés et tenu envers eux d'une obligation de sécurité lui imposant de prendre toutes dispositions nécessaires en vue d'y mettre fin et de sanctionner leur auteur, peut être produit par l'employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié. Il appartient aux juges du fond, dès lors qu'il n'a pas été mené par l'employeur d'investigations illicites, d'en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties. 8. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt constate que, selon le rapport de l'inspection générale en date du 26 janvier 2015, une salariée a décrit « des propos récurrents à connotation sexuelle » tels que des propos « graveleux et déplacés sur son physique, ses tenues vestimentaires ou celles de collègues, sur les seins de sa femme », qu'une autre salariée dénonce une pression quotidienne et des reproches permanents, M [D] lui ayant notamment « avoué être contre sa titularisation » lors de son entretien annuel d'appréciation en 2013 et qu'elle évoque également une réflexion du salarié sur son décolleté. L'arrêt retient toutefois que la durée de l'interrogatoire de M. [D] n'est pas précisée, pas plus que le temps de repos, que seules les deux salariées qui se sont plaintes de son comportement ont été entendues, que cette audition a été commune, que l'ensemble de ces éléments et notamment le caractère déloyal de l'enquête à charge réalisée par l'inspection générale, sans audition de l'ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits dénoncés par les deux salariées, sans information ou saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ne permet pas d'établir la matérialité des faits dénoncés et de présumer d'un harcèlement sexuel ou d'un harcèlement moral. 9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter des débats le rapport d'enquête interne dont elle constatait qu'il faisait état de faits de nature à caractériser un harcèlement sexuel ou un harcèlement moral de la part du salarié licencié, sans examiner les autres éléments de preuve produits par l'employeur qui se prévalait dans ses conclusions des comptes-rendus des entretiens avec les salariés entendus dans le cadre de l'enquête interne ainsi que d'attestations de salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [D] de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral, l'arrêt rendu le 11 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ; Condamne M. [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Crédit mutuel Arkéa La société Crédit Mutuel Arkéa reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR condamnée à lui payer les sommes de 10.879,92 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis, 1.087,99 euros brut de congés payés afférents, 81.559,62 euros net d'indemnité conventionnelle de licenciement et 130.000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société à tout organisme financier intéressé des indemnités chômage versées à M. [D] dans la limite de six mois. 1°) ALORS QU'en matière prud'homale, la preuve est libre ; que l'enquête interne réalisée par l'employeur pour établir l'existence des faits de harcèlement sexuel et moral reprochés à un salarié n'est soumise à aucun formalisme et ne peut être écartée des débats comme déloyale au prétexte de prétendus dysfonctionnements dans son déroulement ; qu'en l'espèce, il était constant entre les parties qu'à la suite de la dénonciation par deux salariées du Crédit Mutuel de faits de harcèlement moral et sexuel de la part de leur supérieur hiérarchique, la société exposante a mené une enquête interne et interrogé les salariés en relation directe avec ces faits, en l'occurrence, M. [D] et Mmes [W] et [K] et que, dans le cadre de cette enquête, le salarié licencié a admis la matérialité des faits fautifs ; que pour juger que le comportement fautif de M. [D] n'était pas caractérisé et écarter l'existence d'une faute grave de sa part, la cour d'appel a néanmoins estimé que l'enquête interne menée par l'exposante aurait été déloyale dès lors qu'elle s'était déroulée sans audition de l'ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits litigieux, que les salariées ayant dénoncé les faits ont été entendues ensemble, que le compte-rendu n'était pas signé et que la durée de « l'interrogatoire » de M. [D] n'était pas précisée, pas plus que les temps de repos ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter cet élément de preuve pour déloyauté, la cour d'appel, qui a subordonné l'enquête interne à un formalisme que la loi n'exige pas, a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1153-1, L. 1153-5, L. 1153-6, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ; 2°) ALORS QU'en matière prud'homale, la preuve est libre ; qu'en cas de dénonciation de faits de harcèlement sexuel ou moral par un ou plusieurs salariés, l'employeur n'est pas tenu de saisir ou d'informer les instances représentatives du personnel ; que pour juger que le comportement fautif de M. [D] n'était pas caractérisé et écarter l'existence d'une faute grave de sa part, la cour d'appel a estimé que l'enquête interne menée par l'exposante aurait été déloyale en l'absence d'information ou de saisine du CHSCT ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a là encore subordonné la preuve de l'existence du harcèlement moral et sexuel à une condition que la loi ne prévoit pas, a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1153-1, L. 1153-5, L. 1153-6, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ; 3°) ALORS QU'en matière prud'homale, la preuve est libre ; que les faits de harcèlement moral et sexuel peuvent en conséquence être démontrés par l'employeur par tous moyens ; que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les moyens dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties ; qu'en l'espèce, afin d'établir la matérialité des faits de harcèlement reprochés à M. [D], la société Crédit Mutuel faisait valoir qu'à la suite de la révélation des faits litigieux, et parallèlement à l'enquête interne menée auprès des salariées ayant dénoncé les faits, des entretiens avaient été réalisés avec les autres collaborateurs de M. [D] ; qu'étaient ainsi versés aux débats les comptes rendus de ces entretiens, au cours desquels de nombreux salariés de l'entreprise avaient fait état des propos déplacés et des méthodes de management agressives de M. [D] ; que pour juger que le comportement fautif de M. [D] n'était pas caractérisé, la cour d'appel s'est bornée à considérer que l'enquête interne menée par l'exposante était déloyale en l'absence d'audition de l'ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits dénoncés et d'information ou de saisine du CHSCT ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur les autres pièces versées aux débats par la société Crédit Mutuel, dont il ressortait que d'autres salariés de l'entreprise avaient été entendus et témoignaient des faits de harcèlement moral et sexuel reprochés à M. [I]'h dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1153-1, L. 1153-5, L. 1153-6, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail.
D'une part, la règle probatoire, prévue par l'article L. 1154-1 du code du travail, n'est pas applicable lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d'un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement sexuel ou moral. D'autre part, il résulte des articles L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1153-5, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, du code du travail et les articles L. 1153-6 et L. 1234-1 du même code et du principe de la liberté de la preuve en matière prud'homale qu'en cas de licenciement d'un salarié en raison de la commission de faits de harcèlement sexuel ou moral, le rapport de l'enquête interne, à laquelle recourt l'employeur, informé de possibles faits de harcèlement sexuel ou moral dénoncés par des salariés et tenu envers eux d'une obligation de sécurité lui imposant de prendre toutes dispositions nécessaires en vue d'y mettre fin et de sanctionner leur auteur, peut être produit par l'employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié. Il appartient aux juges du fond, dès lors qu'il n'a pas été mené par l'employeur d'investigations illicites, d'en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties
7,976
N° K 21-82.318 FS-B N° 00751 ECF 29 JUIN 2022 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 JUIN 2022 M. [Y] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 22 février 2021, qui, pour violences aggravées et menaces, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Y] [C], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Leprieur, Sudre, MM. Turbeaux, Laurent, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Mallard, Mme Guerrini, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. A la suite de la plainte de M. [T] [Z], MM. [Y] [C] et [M] [E] ont été cités devant le tribunal correctionnel du chef de violences volontaires n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail supérieure à huit jours, avec cette circonstance que les faits ont été commis en réunion. 3. M. [C] a également été poursuivi pour des faits de menaces réitérées. 4. Les juges du premier degré ont relaxé M. [E] du chef de violences commises en réunion, M. [C] du chef de menaces réitérées, ont requalifié à son égard les faits de violences en réunion en violences contraventionnelles et l'ont condamné de ce chef. 5. M. [C] a relevé appel principal de cette décision, en le limitant à l'infraction de violences contraventionnelles dont il a été reconnu coupable et à l'action civile, et le ministère public appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [C] coupable des faits de menaces de mort réitérées au préjudice de Mme [K], alors : « 1°/ que l'affaire est dévolue à la cour dans les limites fixées par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; que les limitations et restrictions doivent ressortir nettement des termes mêmes de l'acte d'appel ; qu'en l'espèce, l'acte d'appel principal de M. [C] contre le jugement du 25 juin 2020 énonce que « l'appel vise seulement les infractions suivantes : violences ayant entrainées une ITT n'excédant pas huit jours le 30 juillet 2017 » ; que l'acte d'appel incident du ministère public mentionne que « l'acte d'appel incident est formé dans les limites indiquées par l'appelant dans la déclaration d'appel principal » ; que l'appel du ministère public était ainsi limité aux violences volontaires, à l'exclusion des faits de menaces de mort pour lesquels la relaxe avait été prononcée ; qu'en retenant le contraire au motif que « l'appel principal du prévenu lui-même fait mention, dans le rappel de la décision concernée, de la relaxe partielle et de la condamnation pour des violences contraventionnelles », lorsque le rappel de la décision concernée par l'acte d'appel ne saurait remettre en cause une limitation exprimée de manière expresse, la cour d'appel a violé les articles 509 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que l'arrêt attaqué a retenu que l'appel principal de M. [C] était limité à « la déclaration de culpabilité et la peine pour les violences volontaires » ; qu'en retenant ensuite le contraire, la cour d'appel s'est contredite et a privé sa décision de base légale, en violation des articles 509 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 509 du code de procédure pénale : 7. Il résulte de ce texte que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant et que les limitations et restrictions doivent ressortir nettement des termes mêmes de l'acte d'appel. 8. Pour dire que l'appel du ministère public s'étend à la relaxe partielle, l'arrêt attaqué relève que sa déclaration d'appel comporte deux mentions expresses apparemment contradictoires, l'une visant la relaxe partielle, l'autre précisant que l'appel incident est formé dans les limites indiquées par l'appelant dans la déclaration d'appel principal. 9. Les juges soulignent que le prévenu lui-même fait mention dans le rappel de la décision concernée de la relaxe partielle et de la condamnation pour des violences contraventionnelles. 10. Ils en déduisent que la déclaration d'appel du ministère public doit être interprétée comme visant la condamnation, la peine, la relaxe partielle et la disqualification. 11. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des mentions de l'acte d'appel du ministère public que ce dernier a spécifié que son appel incident était formé dans les limites indiquées par l'appelant dans la déclaration d'appel principal, laquelle précise que le prévenu limite son recours aux seules dispositions relatives à l'infraction de violences, ce dont il résulte que la cour d'appel n'était pas saisie des faits de menaces, celle-ci, qui a dénaturé la portée de l'acte d'appel du ministère public, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé. 12. La cassation est, en conséquence, encourue de ce chef. Et sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [C] coupable des faits de violences en réunion, alors : « 1°/ que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; que la circonstance aggravante de réunion est retenue lorsque l'infraction a été commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; que M. [E] et M. [C] ont été prévenus du délit de violences ayant entrainé une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours sur la personne de M. [Z], avec la circonstance que ces violences ont été commises par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; que par jugement du 25 juin 2020, M. [E] a été relaxé par une décision devenue définitive ; que les faits reprochés à M. [C] ont été requalifiés, de sorte que ce dernier a été déclaré coupable du délit de violence volontaire ayant entrainé une ITT n'excédant pas huit jours, sans que la circonstance de réunion ne soit retenue ; que l'arrêt attaqué a partiellement infirmé le jugement déféré et a déclaré M. [C] coupable du délit de violence volontaire ayant entrainé une ITT n'excédant pas huit jours en retenant la circonstance de réunion, conformément à la prévention ; qu'en statuant de la sorte alors que la relaxe de M. [E] faisait obstacle à ce qu'il puisse être retenu que les faits avaient été commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en violation des articles 222-13 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; que la circonstance aggravante de réunion est retenue lorsque l'infraction a été commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; que, pour entrer en voie de condamnation du chef de violence volontaire ayant entrainé une ITT n'excédant pas huit jours en retenant la circonstance de réunion, l'arrêt attaqué a dit que « la circonstance de réunion est (…) établie à l'encontre du prévenu au regard des importantes contradictions entre sa version et celle de M. [E] (notamment sur le comportement préalable de M. [Z], sur les circonstances dans lesquelles M. [E] s'est trouvé possesseur des clefs du véhicule du plaignant), et du fait que celui-ci s'est bien retrouvé en possession des clefs du véhicules du plaignant contre son gré, au cours de l'épisode, pour des motifs très confus sans les explications de M. [E] et de M. [C] » ; qu'en l'état de ces énonciations, dont il ne ressort pas que les faits de violences auraient été commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en violation des articles 222-13 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche 14. La cour d'appel, qui était saisie des faits de violences commis par M. [C] et pouvait apprécier, au regard des éléments de preuve contradictoirement débattus, toutes les circonstances dans lesquelles ils avaient été commis, y compris la participation d'un autre auteur, même relaxé définitivement, a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen. 15. En effet, l'autorité de chose jugée attachée à une relaxe, devenue définitive, prononcée par la juridiction du premier degré, est limitée au prévenu relaxé, seule partie pouvant s'en prévaloir. 16. Le grief doit, en conséquence, être écarté. Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 17. Il résulte de ce texte que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 18. Pour caractériser l'existence de la circonstance aggravante de la réunion attachée aux violences dont elle a reconnu le demandeur coupable, la cour d'appel énonce que les dires du plaignant concernant la réalité et la nature des violences qu'il a subies sont confirmés par un certificat médical. Elle ajoute que la circonstance de réunion est également établie au regard des importantes contradictions entre les versions de M. [E] et de M. [C], en particulier sur le comportement préalable de la victime, sur les circonstances dans lesquelles M. [E] s'est trouvé en possession des clés du véhicule du plaignant contre son gré. 19. En l'état de ces motifs insuffisants à caractériser la circonstance aggravante de réunion, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 20. La cassation est, en conséquence, encourue. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rouen, en date du 22 février 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rouen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.
L'autorité de chose jugée attachée à une relaxe, devenue définitive, prononcée par la juridiction du premier degré, est limitée au prévenu relaxé, seule partie pouvant s'en prévaloir. Justifie sa décision, une cour d'appel qui apprécie toutes les circonstances dans lesquelles des faits de violences ont été commis, y compris la participation d'un autre auteur, même relaxé définitivement
7,977
N° M 21-85.470 F-B N° 00855 MAS2 29 JUIN 2022 CASSATION M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 JUIN 2022 M. [L] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 2 septembre 2021, qui, pour violences aggravées et menaces de mort, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis probatoire, deux ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [L] [H], les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de MM. [P] et [T] [H] et Mme [N] [H], représentés par l'UDAF de [Localité 1], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er juin 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement du 17 septembre 2019, le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains a déclaré M. [L] [H] coupable des chefs susvisés, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, devenu sursis probatoire, et deux ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils. 3. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé l'audition de témoins à décharge, alors « que les juges d'appel sont tenus, sauf impossibilité dont il doit être justifié, d'ordonner l'audition contradictoire des témoins à décharge qui n'ont pas été précédemment entendus au cours de la procédure ; qu'en refusant en l'espèce, de faire droit à la demande d'audition des témoins à décharge cités par le prévenu aux motifs inopérants que lesdits témoins n'auraient pas été cités devant le tribunal, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense, violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 513, 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 513, alinéa 2, du code de procédure pénale : 5. Selon ce texte, devant la cour d'appel, les témoins sont entendus dans les règles prévues par les articles 435 à 457 du code de procédure pénale, le ministère public pouvant s'y opposer si ces témoins ont déjà été entendus par le tribunal. 6. Il résulte des mentions de l'arrêt attaqué qu'après avoir entendu le ministère public sur ce point, la cour a refusé d'entendre trois témoins, au motif qu'ils n'avaient pas été cités devant le tribunal correctionnel, et ce, alors même que le prévenu était déjà assisté par le même avocat, l'abstention de la défense de les faire citer en première instance établissant le caractère non déterminant de ces déclarations par rapport à la décision à prendre. 7. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 8. En effet, dès lors que les témoins, régulièrement cités devant la cour d'appel, n'avaient pas été entendus par le tribunal, ils devaient l'être par la juridiction du second degré, peu important qu'ils n'aient pas été cités en première instance, l'article 513 susvisé ne prévoyant pas une telle restriction. 9. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 2 septembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.
Dès lors que des témoins, régulièrement cités devant la cour d'appel, n'ont pas été entendus par le tribunal, ils doivent l'être par la juridiction du second degré, peu important qu'ils n'aient pas été cités en première instance, l'article 513 du code de procédure pénale ne prévoyant pas une telle restriction
7,978
CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 juin 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 702 F-B Pourvoi n° K 21-12.720 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2022 1°/ Mme [V] [T], épouse [E], 2°/ M. [N] [E], domiciliés tous deux [Adresse 3], [Localité 5], 3°/ la société JMD immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], ont formé le pourvoi n° K 21-12.720 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige les opposant à la société Allianz Iard, société anonyme, dont le siège est tour Neptune, [Adresse 1], [Localité 6], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société JMD immobilier et M. et Mme [E], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz Iard, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 janvier 2021), la société JMD immobilier (la société), ainsi que M. et Mme [E], ont relevé appel, le 7 juin 2019, du jugement d'un tribunal de commerce rendu dans un litige les opposant à la société Allianz Iard (l'assureur). 2. L'assureur a saisi la cour d'appel d'un incident tendant à dire n'y avoir lieu à statuer en l'absence d'effet dévolutif, la déclaration d'appel n'énonçant pas les chefs critiqués du jugement. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société et M. et Mme [E] font grief à l'arrêt de constater que la déclaration d'appel ne précise pas les chefs du jugement critiqués, qu'aucun effet dévolutif d'appel ne s'exerce et que la cour n'est donc pas saisie du litige, alors : « 1°/ qu'une déclaration d'appel irrégulière ou incomplète peut être régularisée par l'appelant, dans le délai pour conclure, par l'envoi au greffe, qui en accuse réception, d'un message RPVA mentionnant les chefs du jugement critiqués et enregistré sous le libellé « Complément DA » ; qu'en concluant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, sans prendre en compte la régularisation de la déclaration d'appel qui avait été effectuée à deux reprises par les appelants, par un premier message du 7 juin 2019 reçu par le greffe moins d'une demi-heure après la déclaration d'appel, et par un second message du 3 juillet 2019, lesquels figuraient au dossier RPVA sous le libellé « Complément DA », la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile, ensemble l'article 748-3 de ce code ; 2°/ qu'en toute hypothèse, interdire la régularisation par l'appelant de sa déclaration d'appel, dans le délai pour conclure, par l'envoi au greffe d'un message RPVA mentionnant les chefs du jugement critiqués, enregistré sous le libellé « Complément DA » et dont il est accusé réception par le greffe, quand une régularisation dans ce même délai par une nouvelle déclaration d'appel est possible, porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel ; qu'en refusant, pour conclure à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, de prendre en compte la régularisation de la déclaration d'appel qui avait été effectuée à deux reprises par les appelants, par un premier message du 7 juin 2019 reçu par le greffe moins d'une demi-heure après la déclaration d'appel, et par un second message du 3 juillet 2019, lesquels figuraient au dossier RPVA sous le libellé « Complément DA », la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ que, dans leurs conclusions, les appelants soutenaient que c'était en raison d'un dysfonctionnement technique du RPVA que les chefs du jugement critiqués, qu'ils avaient renseignés lors de l'enregistrement de la déclaration d'appel dans la rubrique « Commentaires », n'avaient pas été retranscrits dans le document récapitulatif attestant de la réception de la déclaration d'appel par le greffe (conclusions, p. 12, § 3 et p. 15, § 6) ; qu'en concluant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, sans répondre aux conclusions des appelants sur ce point, dont il s'évinçait que l'irrégularité qui entachait la déclaration d'appel trouvait sa cause dans un problème purement technique de transmission des chefs de dispositif au greffe, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ que, dans leurs conclusions, les appelants faisaient valoir que la déclaration d'appel du 7 juin 2019 avait été immédiatement régularisée par un message RPVA du 7 juin 2019, adressé au greffe moins d'une demi-heure après cette déclaration d'appel (conclusions, p. 12, § 2 et s.) ; qu'en se bornant à retenir que la déclaration d'appel du 7 juin 2019 n'avait pu être régularisée par le second message RPVA adressé par les appelants au greffe le 3 juillet 2019, sans répondre aux conclusions des appelants fondées sur le premier message rectificatif daté du jour même de la déclaration d'appel, dont il s'évinçait que l'irrégularité affectant la déclaration d'appel avait été immédiatement corrigée par les appelants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°/ que, dans leurs conclusions, les appelants soutenaient que le message du 7 juin 2019 comme le message du 3 juillet 2019 étaient inscrits sur la fiche détaillée du dossier RPVA, qu'ils versaient aux débats, sous le libellés « Complément DA » (conclusions, p. 13, § 5) ; qu'en concluant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, sans répondre aux conclusions des appelants sur ce point, dont il s'évinçait que ces messages RPVA et leur contenu faisaient corps avec la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 5. Selon l'article 901 du même code, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 6. Il résulte de ces textes que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement, de sorte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas. 7. La déclaration d'appel qui ne mentionne pas expressément les chefs critiqués du jugement ne peut être régularisée que par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile. 8. Un message électronique de l'avocat de l'appelant ne peut, quel que soit son libellé et même adressé au greffe dans le délai requis, valoir régularisation de la déclaration d'appel. 9. Ces règles, qui encadrent les conditions d'exercice du droit d'appel dans les procédures dans lesquelles l'appelant est représenté par un professionnel du droit, poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité de la procédure et une bonne administration de la justice. Elles sont, en outre, accessibles et prévisibles, et ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé. 10. Ayant constaté que la déclaration d'appel contenait pour seule mention « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués » et que le conseil des appelants avait alerté le greffe, par message RPVA du 7 juin 2019, pour lui demander de tenir compte des chefs critiqués du jugement non pris en compte et dont il récapitulait l'énoncé, la cour d'appel, retenant à bon droit que les appelants pouvaient procéder à une nouvelle déclaration d'appel afin de régulariser un appel conforme aux dispositions de l'article 901 du code de procédure civile, en a exactement déduit que le message adressé au greffe le 3 juillet 2020 (lire 2019) par RPVA, sous l'intitulé « Complément DA », accompagné d'explications circonstanciées et assorti du message précédent du 7 juin 2019 sous format numérique, ne pouvait être qualifié de nouvelle déclaration d'appel régularisée. 11. Il résulte de ce qui précède que c'est sans méconnaître l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la cour d'appel, qui a pris en considération les deux messages réceptionnés par le greffe le 7 juin 2019 et le 3 juillet 2019 et qui n'avait pas à répondre à de simples allégations, a, à bon droit, décidé qu'à défaut d'effet dévolutif, elle n'était pas saisie. 12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société JMD immobilier et M. et Mme [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société JMD immobilier et M. et Mme [E] et les condamne in solidum à payer à la société Allianz Iard la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société JMD immobilier et M. et Mme [E] Les époux [E] et la société JMD Immobilier font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que la déclaration d'appel ne précisait pas les chefs du jugement critiqués et que, par conséquent, aucun effet dévolutif d'appel ne s'exerçait et que la cour n'était donc pas saisie du litige ; 1°) ALORS QU'une déclaration d'appel irrégulière ou incomplète peut être régularisée par l'appelant, dans le délai pour conclure, par l'envoi au greffe, qui en accuse réception, d'un message RPVA mentionnant les chefs du jugement critiqués et enregistré sous le libellé « Complément DA » ; qu'en concluant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, sans prendre en compte la régularisation de la déclaration d'appel qui avait été effectuée à deux reprises par les appelants, par un premier message du 7 juin 2019 reçu par le greffe moins d'une demi-heure après la déclaration d'appel, et par un second message du 3 juillet 2019, lesquels figuraient au dossier RPVA sous le libellé « Complément DA », la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile, ensemble l'article 748-3 de ce code ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, interdire la régularisation par l'appelant de sa déclaration d'appel, dans le délai pour conclure, par l'envoi au greffe d'un message RPVA mentionnant les chefs du jugement critiqués, enregistré sous le libellé « Complément DA » et dont il est accusé réception par le greffe, quand une régularisation dans ce même délai par une nouvelle déclaration d'appel est possible, porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel ; qu'en refusant, pour conclure à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, de prendre en compte la régularisation de la déclaration d'appel qui avait été effectuée à deux reprises par les appelants, par un premier message du 7 juin 2019 reçu par le greffe moins d'une demi-heure après la déclaration d'appel, et par un second message du 3 juillet 2019, lesquels figuraient au dossier RPVA sous le libellé « Complément DA », la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°) ALORS QUE dans leurs conclusions, les appelants soutenaient que c'était en raison d'un dysfonctionnement technique du RPVA que les chefs du jugement critiqués, qu'ils avaient renseignés lors de l'enregistrement de la déclaration d'appel dans la rubrique « Commentaires », n'avaient pas été retranscrits dans le document récapitulatif attestant de la réception de la déclaration d'appel par le greffe (conclusions, p. 12, § 3 et p. 15, § 6) ; qu'en concluant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, sans répondre aux conclusions des appelants sur ce point, dont il s'évinçait que l'irrégularité qui entachait la déclaration d'appel trouvait sa cause dans un problème purement technique de transmission des chefs de dispositif au greffe, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE dans leurs conclusions, les appelants faisaient valoir que la déclaration d'appel du 7 juin 2019 avait été immédiatement régularisée par un message RPVA du 7 juin 2019, adressé au greffe moins d'une demi-heure après cette déclaration d'appel (conclusions, p. 12, § 2 et s.) ; qu'en se bornant à retenir que la déclaration d'appel du 7 juin 2019 n'avait pu être régularisée par le second message RPVA adressé par les appelants au greffe le 3 juillet 2019, sans répondre aux conclusions des appelants fondées sur le premier message rectificatif daté du jour même de la déclaration d'appel, dont il s'évinçait que l'irrégularité affectant la déclaration d'appel avait été immédiatement corrigée par les appelants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QUE dans leurs conclusions, les appelants soutenaient que le message du 7 juin 2019 comme le message du 3 juillet 2019 étaient inscrits sur la fiche détaillée du dossier RPVA, qu'ils versaient aux débats, sous le libellés « Complément DA » (conclusions, p. 13, § 5) ; qu'en concluant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, sans répondre aux conclusions des appelants sur ce point, dont il s'évinçait que ces messages RPVA et leur contenu faisaient corps avec la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Ne méconnaît pas l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et décide à bon droit qu'en l'absence d'effet dévolutif, elle n'est pas saisie, la cour d'appel qui constate que la déclaration d'appel contient pour seule mention "appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués" et que l'énoncé des chefs critiqués sont récapitulés dans un message électronique, et non dans une nouvelle déclaration d'appel régularisée dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond
7,979
CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 juin 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 707 F-B Pourvoi n° P 21-12.792 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2022 La société Holdar, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-12.792 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Caidar, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Hirou, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Confo Réunion, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Holdar, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Caidar et la société Hirou, prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Confo Réunion, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 18 décembre 2020), par acte authentique du 11 janvier 2008, la société Caidar a acquis de la société Holdar l'ensemble des actions qu'elle détenait de la société Confo Réunion alors qu'un jugement d'un tribunal mixte de commerce du 20 avril 2005 avait prononcé le plan de redressement et d'apurement du passif de cette société. 2. Par requête du 23 juin 2011, le mandataire liquidateur de la société Confo Réunion a saisi ce tribunal en interprétation du jugement du 20 avril 2005 et, par un arrêt du 16 octobre 2013, devenu irrévocable, une cour d'appel a rejeté la requête au motif qu'elle ne relevait pas de l'interprétation mais de l'erreur matérielle. 3. Par requête du 31 mars 2014, la société Caidar et la société Hirou, mandataire liquidateur de la société Confo Réunion, ayant sollicité la rectification de l'erreur matérielle affectant le dispositif du même jugement, un arrêt du 28 septembre 2016 d'une cour d'appel a été cassé en toutes ses dispositions, par la Cour de cassation (2e Civ., 7 juin 2018, pourvoi n° 16-28.539) qui a renvoyé l'affaire devant la même cour d'appel, autrement composée. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 4. La société Holdar fait grief à l'arrêt d'ordonner la rectification du dispositif du jugement du tribunal mixte de commerce du 20 avril 2005 et de dire que la formule « Incorporation du compte courant associé et cession d'antériorité au profit des autres créanciers pour le surplus de la créance » doit remplacer la formule « Incorporation en compte courant associé et cession d'antériorité au profit des autres créanciers pour le surplus de la créance », alors : « 1°/ qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'en considérant que « la requête en rectification d'erreur matérielle ne se heurt[ait] pas au principe de l'autorité de la chose jugée sur la requête en interprétation de jugement déposée le 31 mars 2014 » cependant que, comme le soutenait la société Holdar, dans le cadre des deux actions en justice engagées en 2011 et 2014, la société Caidar et le liquidateur de la société Conforeunion ont formulé une demande ayant le même objet, sur deux fondements juridiques différents dès lors que, dans la requête en interprétation du 23 juin 2011, comme dans la requête en rectification d'erreur matérielle du 31 mars 2014, ils ont en substance demandé que le dispositif du jugement du 20 avril 2005 soit corrigé comme suit : « Incorporation du compte courant associé à hauteur de 8.000.000 d'euros et cession d'antériorité au profit des autres créanciers pour le surplus de la créance », de sorte que la demande en rectification d'erreur matérielle se heurtait à l'autorité de ce qui avait déjà été jugé par arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis du 16 octobre 2013 dans le cadre de la requête en interprétation, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil ; 2°/ que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en rejetant le moyen de la société Holdar, motifs pris que « l'arrêt de renvoi de la Cour de cassation retient que le principe de concentration des moyens, qui a trait à la fin de non-recevoir liée à l'autorité de la chose jugée, n'est pas applicable aux demandes en interprétation et en rectification d'erreur matérielle d'une décision de justice obéissant à des régimes procéduraux distincts et ayant des objets différents » (p.6 § 3,4 arrêt), cependant que dans son arrêt du 7 juin 2018 (n° 16-28.539), la Cour de cassation ne s'est pas référée au principe de concentration des moyens et a considéré, au terme d'un moyen relevé d'office, que « la requête en rectification d'erreur matérielle (…) n'est pas soumise à un délai de prescription », la cour d'appel a dénaturé l'arrêt du 7 juin 2018, en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis. » Réponse de la Cour 5. Il résulte des articles 461 et 462 du code de procédure civile que les demandes en interprétation d'un jugement et celles tendant à la réparation d'une erreur ou omission matérielle qui l'affecte, ayant des causes différentes et obéissant à des régimes juridiques qui leur sont propres, aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à la demande en rectification d'erreur matérielle formée par une partie précédemment déboutée d'une demande en interprétation de la même décision. 6. L'arrêt a retenu à bon droit que la requête en rectification d'erreur matérielle ne se heurte pas au principe de l'autorité de la chose jugée sur la requête en interprétation du jugement déposée le 31 mars 2014. Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches 7. La société Holdar fait le même grief à l'arrêt, alors : « 3°/ que si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l'a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision ; qu'en outre, l'interprétation erronée d'un document ne relève pas de la procédure de rectification des erreurs matérielles ; qu'en appréciant le contenu du rapport complémentaire des organes de la procédure collective, relevant à cet égard que la solution qui a résulté de ce rapport, « sans constituer un abandon des comptes courants d'associés, ne révèle nullement l'intention des associés de renforcer les fonds propres de la société Confo Réunion à hauteur de 8.000.000 » ainsi que les termes du procès-verbal des délibérations du conseil de surveillance du 18 février 2005 de la société Holdar et des rapports des commissaires aux comptes de la société Conforeunion pour les exercices 2007 et 2008, la cour d'appel, sous couvert de rectification d'erreur matérielle, s'est livrée à une nouvelle appréciation du contenu des documents produits et de la volonté des parties, et a modifié profondément les droits et obligations des parties, en particulier ceux de la société Holdar, en violation de l'article 462 du code de procédure civile ; 4°/ au surplus, qu'en réformant ainsi le jugement du 22 avril 2005, sous couvert de rectification d'erreur matérielle, la cour d'appel a méconnu l'étendue du pouvoir conféré au juge de la rectification d'erreur matérielle et commis un excès de pouvoir, en violation de l'article 462 du code de procédure civile ; 5°/ en tout état de cause, qu'en statuant comme elle l'a fait, sans prendre en compte, comme il lui était demandé par la société Holdar (concl. p. 14, 17 et 24), la circonstance que la nouvelle formule proposée par la société Caidar, selon laquelle le tribunal de commerce avait visé l'« incorporation du compte courant associé et cession d'antériorité au profit des autres créanciers pour le surplus de la créance », constituait une demande impossible dès lors que le tribunal de commerce ne pouvait imposer au débiteur en liquidation des modifications du capital social non visées par le plan et non soumises au vote de l'assemblée des actionnaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 462 du code de procédure civile. » 8. C'est sans méconnaître les dispositions de l'article 462 du code de procédure civile et sans avoir à mieux s'en expliquer, que la cour d'appel, en se fondant sur ce que le dossier de la procédure collective révélait, a retenu que, par une erreur manifeste de plume, le dispositif du jugement avait mentionné l'incorporation en compte courant associé au lieu de l'incorporation du compte courant. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Holdar aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Holdar et la condamne à payer à la société Caidar et à la société Hirou, prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Confo Réunion, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Holdar La société Holdar fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné la rectification du dispositif du jugement du tribunal mixte de commerce du 20 avril 2005 et dit que la formule « Incorporation du compte courant associé et cession d'antériorité au profit des autres créanciers pour le surplus de la créance » doit remplacer la formule « Incorporation en compte courant associé et cession d'antériorité au profit des autres créanciers pour le surplus de la créance » ; 1°) ALORS QU' il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'en considérant que « la requête en rectification d'erreur matérielle ne se heurt[ait] pas au principe de l'autorité de la chose jugée sur la requête en interprétation de jugement déposée le 31 mars 2014 » (page 6 § 5), cependant que, comme le soutenait la société Holdar, dans le cadre des deux actions en justice engagées en 2011 et 2014, la société Caidar et le liquidateur de la société Conforeunion ont formulé une demande ayant le même objet, sur deux fondements juridiques différents dès lors que, dans la requête en interprétation du 23 juin 2011, comme dans la requête en rectification d'erreur matérielle du 31 mars 2014, ils ont en substance demandé que le dispositif du jugement du 20 avril 2005 soit corrigé comme suit : « Incorporation du compte courant associé à hauteur de 8.000.000 d'euros et cession d'antériorité au profit des autres créanciers pour le surplus de la créance », de sorte que la demande en rectification d'erreur matérielle se heurtait à l'autorité de ce qui avait déjà été jugé par arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis du 16 octobre 2013 dans le cadre de la requête en interprétation, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil ; 2°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en rejetant le moyen de la société Holdar, motifs pris que « l'arrêt de renvoi de la Cour de cassation retient que le principe de concentration des moyens, qui a trait à la fin de non-recevoir liée à l'autorité de la chose jugée, n'est pas applicable aux demandes en interprétation et en rectification d'erreur matérielle d'une décision de justice obéissant à des régimes procéduraux distincts et ayant des objets différents » (p.6 § 3,4 arrêt), cependant que dans son arrêt du 7 juin 2018 (n° 16-28.539), la Cour de cassation ne s'est pas référée au principe de concentration des moyens et a considéré, au terme d'un moyen relevé d'office, que « la requête en rectification d'erreur matérielle (…) n'est pas soumise à un délai de prescription », la cour d'appel a dénaturé l'arrêt du 7 juin 2018, en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l'a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision ; qu'en outre, l'interprétation erronée d'un document ne relève pas de la procédure de rectification des erreurs matérielles ; qu'en appréciant le contenu du rapport complémentaire des organes de la procédure collective, relevant à cet égard que la solution qui a résulté de ce rapport, « sans constituer un abandon des comptes courants d'associés, ne révèle nullement l'intention des associés de renforcer les fonds propres de la société CONFO REUNION à hauteur de 8.000.000 » (p.7§2), ainsi que les termes du procès-verbal des délibérations du conseil de surveillance du 18 février 2005 de la société Holdar et des rapports des commissaires aux comptes de la société Conforeunion pour les exercices 2007 et 2008, la cour d'appel, sous couvert de rectification d'erreur matérielle, s'est livrée à une nouvelle appréciation du contenu des documents produits et de la volonté des parties, et a modifié profondément les droits et obligations des parties, en particulier ceux de la société Holdar, en violation de l'article 462 du code de procédure civile ; 4°) ALORS, AU SURPLUS, QU'en réformant ainsi le jugement du 22 avril 2005, sous couvert de rectification d'erreur matérielle, la cour d'appel a méconnu l'étendue du pouvoir conféré au juge de la rectification d'erreur matérielle et commis un excès de pouvoir, en violation de l'article 462 du code de procédure civile ; 5°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' en statuant comme elle l'a fait, sans prendre en compte, comme il lui était demandé par la société Holdar (concl. p. 14, 17 et 24), la circonstance que la nouvelle formule proposée par la société Caidar, selon laquelle le tribunal de commerce avait visé l'« incorporation du compte courant associé et cession d'antériorité au profit des autres créanciers pour le surplus de la créance », constituait une demande impossible dès lors que le tribunal de commerce ne pouvait imposer au débiteur en liquidation des modifications du capital social non visées par le plan et non soumises au vote de l'assemblée des actionnaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 462 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 461 et 462 du code de procédure civile que les demandes en interprétation d'un jugement et celles tendant à la réparation d'une erreur ou omission matérielle qui l'affecte, ayant des causes différentes et obéissant à des régimes juridiques qui leur sont propres, aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à la demande en rectification d'erreur matérielle formée par une partie précédemment déboutée d'une demande en interprétation de la même décision
7,980
CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 juin 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 709 F-B Pourvoi n° X 21-13.490 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2022 La société CFPL Sports, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-13.490 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige l'opposant à la société Selectinvest 1, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La société Selectinvest 1 a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société CFPL Sports, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Selectinvest 1, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 29 octobre 2020), la société Selectinvest 1 a, par acte du 8 novembre 2013, donné en location à la société CFPL Sports des locaux commerciaux. 2. En 2017, la société CFPL Sports a saisi un tribunal de grande instance pour contester devoir régler une quote-part des travaux de réfection de la toiture de l'immeuble loué, réclamée par son bailleur. 3. La société Selectinvest 1 a sollicité reconventionnellement la résiliation judiciaire du bail. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 5. La société CFPL Sports fait grief à l'arrêt, après avoir constaté que le chef du jugement entrepris ayant reconventionnellement « condamné la société CFPL Sports à payer à la société Selectinvest 1 la somme de 59.236,17 euros correspondant aux travaux de réfection de la toiture de l'immeuble dont dépendent les locaux loués et à une régularisation de charges de 44,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des sommes dues, le 29 mai 2017 », n'était pas expressément critiqué dans la déclaration d'appel de la société CFPL Sports, de dire que ce chef du jugement non critiqué ne dépend d'aucun autre chef du jugement expressément critiqué et d'écarter en conséquence d'office, comme n'étant pas dévolus à la cour d'appel, tous les chefs de demandes dont elle n'est pas saisie relatifs au paiement des travaux de réfection de la toiture de l'immeuble, alors « que selon l'article 562 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, pour dire que le chef du jugement non critiqué dans la déclaration d'appel qui a « condamné la société CFPL Sports à payer à la société Selectinvest 1 la somme de 59.236,17 euros correspondant aux travaux de réfection de la toiture de l'immeuble dont dépendent les locaux loués et à une régularisation de charges de 44,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des sommes dues, le 29 mai 2017 », ne dépend d'aucun autre chef du jugement expressément critiqué, la cour a énoncé que le chef non critiqué porte, non pas sur une demande que CFPL Sports avait elle-même formée et qui aurait été rejetée, mais sur une demande qui avait été reconventionnellement formée par Selectinvest 1 devant les premiers juges ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il importait peu que le chef non critiqué ait porté sur la demande reconventionnelle en paiement de Selectinvest 1 et non sur une demande de CFPL Sports rejetée par les premiers juges, dès lors que la déclaration d'appel qui visait le chef du jugement déboutant CFLP Sports de sa demande sollicitant le rejet de la demande en paiement formée par Selectinvest 1 à son encontre, s'étend nécessairement au chef condamnant CFPL Sports à lui payer ces sommes qui en dépend puisqu'il en est la conséquence, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 562, alinéa 1er du code de procédure civile : 6. Selon ce texte, l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués. 7. Pour dire que le chef du jugement condamnant la société CFPL Sports à payer à la société Selectinvest 1 la quote-part des travaux de réfection de la toiture et une régularisation de charges non critiqué ne dépendait d'aucun autre chef du jugement expressément critiqué et écarter d'office, comme n'étant pas dévolus à la cour, tous les chefs de demandes dont la cour n'était pas saisie, relatifs au paiement des travaux de réfection de la toiture de l'immeuble, l'arrêt retient que, depuis le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, les critiques ne peuvent plus être implicites, que l'appelante ne peut soutenir que le chef non critiqué dépendrait du chef du jugement qui l'a déboutée de toutes ses demandes et qu'elle a effectivement expressément critiqué. 8. En statuant ainsi, alors que l'appel, relatif au chef du jugement déboutant la société CFLP Sports de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé qu'elle n'était pas tenue au paiement des frais de réfection de la toiture réclamés par son bailleur, s'étendait à la disposition du jugement la condamnant à payer cette somme, qui en dépendait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a constaté que le chef du jugement entrepris ayant reconventionnellement « condamné la société CFPL Sports à payer à la société Selectinvest 1 la somme de 59.236,17 euros correspondant aux travaux de réfection de la toiture de l'immeuble dont dépendent les locaux loués et à une régularisation de charges de 44,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des sommes dues, le 29 mai 2017 », n'était pas expressément critiqué dans la déclaration d'appel de la société CFPL Sports, dit que ce chef du jugement non critiqué ne dépend d'aucun autre chef du jugement expressément critiqué et écarté en conséquence d'office, comme n'étant pas dévolus à la cour, tous les chefs de demandes dont le cour n'est pas saisie relatifs au paiement des travaux de réfection de la toiture de l'immeuble, l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne la société Selectinvest 1 aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Selectinvest 1 et la condamne à payer à la société CFPL Sports la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat, pour la société CFPL Sports La société CFPL Sports fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir constaté que le chef du jugement entrepris ayant reconventionnellement « condamné la société CFPL Sports à payer à la société Selectinvest 1 la somme de 59.236,17 euros correspondant aux travaux de réfection de la toiture de l'immeuble dont dépendent les locaux loués et à une régularisation de charges de 44,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des sommes dues, le 29 mai 2017 », n'est pas expressément critiqué dans la déclaration d'appel de la société CFPL Sports, d'avoir dit que ce chef du jugement non critiqué ne dépend d'aucun autre chef du jugement expressément critiqué et d'avoir écarté en conséquence d'office, comme n'étant pas dévolus à la cour, tous les chefs de demandes dont le cour n'est pas saisie relatifs au paiement des travaux de réfection de la toiture de l'immeuble ; ALORS QUE, selon l'article 562 du Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, pour dire que le chef du jugement non critiqué dans la déclaration d'appel qui a « condamné la société CFPL Sports à payer à la société Selectinvest 1 la somme de 59.236,17 euros correspondant aux travaux de réfection de la toiture de l'immeuble dont dépendent les locaux loués et à une régularisation de charges de 44,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des sommes dues, le 29 mai 2017 », ne dépend d'aucun autre chef du jugement expressément critiqué, la cour a énoncé que le chef non critiqué porte, non pas sur une demande que CFPL Sports avait elle-même formée et qui aurait été rejetée, mais sur une demande qui avait été reconventionnellement formée par Selectinvest 1 devant les premiers juges ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il importait peu que le chef non critiqué ait porté sur la demande reconventionnelle en paiement de Selectinvest 1 et non sur une demande de CFPL Sports rejetée par les premiers juges, dès lors que la déclaration d'appel qui visait le chef du jugement déboutant CFLP Sports de sa demande sollicitant le rejet de la demande en paiement formée par Selectinvest 1 à son encontre, s'étend nécessairement au chef condamnant CFPL Sports à lui payer ces sommes qui en dépend puisqu'il en est la conséquence, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Selectinvest 1 Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR rejeté la demande de résiliation judiciaire du bail, et par voie de conséquence, la demande d'expulsion de la société CFPL Sports et de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation ; AUX MOTIFS QUE par application de l'article 1184 du code civil qui, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, énonce que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisferait pas à son engagement, le juge peut prononcer la résiliation d'un contrat de bail lorsqu'une partie manque gravement à ses obligations ; au cas particulier, la société CFPL Sports a pris l'initiative de saisir le juge pour entendre juger que le coût des travaux de réfection de la toiture de l'immeuble dont dépendent les locaux qu'elle a pris à bail à la société Selectinvest 1 ne pouvait être mis à sa charge par la bailleresse. dans ces circonstances, le fait, pour la société CFPL Sports, de ne pas avoir réglé le coût de ces travaux avant que le juge se soit prononcé sur le différend qui l'opposait précisément à sa bailleresse sur ce chef, alors qu'il n'est pas allégué que l'appelante aurait failli à une quelconque autre obligation née du bail, ni que l'argumentation qu'elle développait au sujet de la charge de ces travaux était dépourvu de sérieux et purement dilatoire, ne constitue pas un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail ; le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail, ordonné l'expulsion de la société CFPL Sports et condamné cette dernière au paiement d'indemnités d'occupation ; 1) ALORS QUE les juges d'appel doivent se placer à la date de leur arrêt pour apprécier l'existence et la gravité des manquements invoqués susceptibles de justifier la résiliation judiciaire du contrat de bail ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de résiliation judiciaire du bail, que la société CFPL Sports, preneur, avait pris l'initiative de saisir juge pour contester la mise à sa charge des travaux litigieux et que dans ces conditions le fait de ne pas les avoir réglés avant que le juge ne se soit pas prononcé sur le différend, ne constituait pas un manquement suffisamment grave susceptible de justifier la résiliation, la cour d'appel, qui n'a pas apprécié la gravité des manquements du preneur à ses obligations au jour où elle statuait, a violé l'article 1741 du code civil ; 2) ALORS QUE les juges d'appel doivent se placer à la date de leur arrêt pour apprécier l'existence et la gravité des manquements invoqués susceptibles de justifier la résiliation judiciaire du contrat de bail ; qu'en se bornant à retenir, pour rejeter la demande de résiliation judiciaire du bail, que société CFPL Sports, preneur, avait pris l'initiative de saisir juge pour contester la mise à sa charge des travaux litigieux et que, dans ces conditions, le fait de ne pas les avoir réglés avant que le juge ne se soit pas prononcé sur le différend, ne constituait pas un manquement suffisamment grave, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de la société Selectinvest 1, p.12), si le fait, qu'en dépit du jugement rendu, jugement condamnant le preneur à régler le coût des travaux, la société CFPL Sports n'avait réglé aucune somme ni formé aucune proposition de règlement de sa dette, ne constituait pas un manquement d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1741 du code civil.
Selon l'article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui retient que n'est pas dévolu à la cour d'appel le chef du jugement non critiqué condamnant l'appelante à payer des travaux de réfection de toiture alors que l'appel relatif au chef du jugement la déboutant de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé qu'elle n'était pas tenue au paiement de ces frais de réfection s'étendait à la disposition du jugement la condamnant à payer cette somme, qui en dépendait
7,981
CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 juin 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 713 F-B Pourvoi n° S 21-15.003 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2022 La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Indre-et-Loire, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-15.003 contre l'arrêt rendu le 12 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à la société Asturienne, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 février 2021), M. [K], salarié de la société Asturienne (l'employeur), a été victime le 25 octobre 2016, d'un accident pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire (la caisse). 2. L'employeur a saisi un tribunal de grande instance d'une contestation du taux d'incapacité permanente partielle attribué par la caisse à M. [K]. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu de statuer sur ses demandes en l'absence d'effet dévolutif de l'appel, alors « que la règle suivant laquelle lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, ne s'applique pas à la procédure sans représentation obligatoire ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 562 et 933 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 562 et 933 du code de procédure civile : 4. Selon le premier de ces textes, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Selon le second, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. 5. Si, pour les procédures avec représentation obligatoire, il a été déduit de l'article 562, alinéa 1er que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié) et que de telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié), un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant en matière de procédure sans représentation obligatoire constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673). 6. Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement. 7. Pour dire n'y avoir lieu de statuer sur les demandes de la caisse, l'arrêt retient que celle-ci indiquait dans sa déclaration interjeter appel du jugement rendu le 2 avril 2019, dans le litige l'opposant à l'employeur, sans mentionner aucun chef de jugement critiqué, qu'en ne mentionnant pas le chef du jugement critiqué, l'appel n'opérait pas d'effet dévolutif et qu'elle n'était donc investie de la connaissance d'aucun litige. 8. En statuant ainsi, alors que le litige relevait du contentieux de la sécurité sociale pour lequel la procédure d'appel est sans représentation obligatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Asturienne aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Asturienne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire L'arrêt attaqué, critiqué par la Caisse, encourt la censure ; EN CE QU' il a dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes de la Caisse en l'absence d'effet dévolutif de l'appel ; ALORS QUE, premièrement, la règle suivant laquelle lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, ne s'applique pas à la procédure sans représentation obligatoire ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 562 et 933 du code de procédure civile ; ALORS QUE, deuxièmement, et plus subsidiairement, si, en application de l'article 562 du code de procédure civile, tels qu'issu du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, la règle résultant d'une interprétation nouvelle, ne peut être appliquée, à raison du droit au procès équitable, que, s'agissant de la procédure sans représenta-tion obligatoire, aux déclarations d'appel postérieures à la date de l'arrêt de la Cour de cassation l'ayant consacrée, soit le 30 janvier 2020 ; qu'en disant n'y avoir lieu de statuer sur les demandes de la Caisse en l'absence d'effet dévolutif de l'appel, faute pour la déclaration d'appel de mentionner les chefs de jugement critiqués, quand la déclaration d'appel, relevant de la procédure sans représentation obligatoire, avait été formée en juin 2019, les juges du fond ont violé les articles 562 et 933 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Selon l'article 933 du même code, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Si, pour les procédures avec représentation obligatoire, il a été déduit de l'article 562, alinéa 1er, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas et que de telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit, un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant en matière de procédure sans représentation obligatoire constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier. Il en résulte qu'en matière de procédure d'appel sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, dans un litige relevant du contentieux de la sécurité sociale, dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes d'une caisse, dont la déclaration d'appel ne mentionnait aucun chef de jugement critiqué
7,982
CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 juin 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 719 F-B Pourvoi n° Z 21-10.272 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2022 La société Intrum Debt Finance AG, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 1] (Suisse), représentée en France par la société Intrum Corporate, société par action simplifiée unipersonnelle, a formé le pourvoi n° Z 21-10.272 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Riom (première chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [O] [R], domicilié [Adresse 2], [Localité 3], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de la société Intrum Debt Finance AG, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 8 décembre 2020) et les productions, M. [R] a été condamné, par un jugement du 29 mai 2013, à payer à la Caisse d'épargne d'Auvergne et du Limousin une somme de 209 372,65 euros outre intérêts et capitalisation, créance ensuite cédée à la société Intrum Debt Finance AG (la société). 2. Le 5 mai 2017, M. [R] a obtenu la condamnation de cette société à lui payer une somme de 158 350,84 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l'absence de notification de la cession de créance. 3. Le 3 août 2017, M. [R] a été déclaré recevable à la procédure de traitement du surendettement des particuliers. 4. Par jugement du 3 mars 2020, un juge de l'exécution a débouté la société de son recours contre le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 8 octobre 2019 à la requête de M. [R] en exécution du jugement du 5 mai 2017, confirmé par arrêt du 10 octobre 2018. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 5. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de son recours contre le commandement aux fins de saisie-vente délivré à l'initiative de M. [O] [R] le 8 octobre 2019, alors : « 1° / que le jugement confère immédiatement à la partie gagnante la qualité de créancier, dès lors que l'arrêt rendu par la suite est confirmatif ; qu'en affirmant, par adoption de motifs, que la créance de M. [R] n'était devenue certaine, liquide et exigible qu'à compter de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Riom du 10 octobre 2018, de sorte que la compensation n'avait pu s'opérer à cette date en raison de l'ouverture d'une procédure de surendettement à l'égard de M. [R] au mois d'août 2018, cependant que le droit de créance de ce dernier était acquis dès le 5 mai 2017, date du jugement frappé de recours, la cour d'appel a violé l'article 539 du code de procédure civile ; 2°/ que la compensation s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies ; qu'en considérant que la compensation ne pouvait s'opérer au jour du jugement du 5 mai 2017, lequel reconnaissait le droit de créance de M. [R], au motif que « selon l'article 1347 du code civil, désormais applicable puisqu'issu de la réforme du 10 février 2016, la compensation n'opère plus de plein droit mais doit être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies », cependant qu'à l'inverse, selon le texte nouveau, la compensation s'opère à la date où ses conditions se trouvent réunies, soit en l'occurrence au 5 mai 2017, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 539 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire suspend l'exécution du jugement, le recours exercé dans le délai étant également suspensif. 7. Ayant relevé, par motifs adoptés, d'une part, qu'en matière indemnitaire, les décisions de justice ont un effet constitutif et non simplement déclaratif, d'autre part, que le jugement du 5 mai 2017 ayant arrêté le premier la créance indemnitaire de M. [R] avait été régulièrement frappé d'appel de sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme étant née et liquide et exigible qu'à compter de l'arrêt confirmatif du 8 octobre 2019, et énoncé que selon l'article 1347 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la compensation n'opère plus de plein droit mais doit être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que les conditions de la compensation étaient réunies à la date de l'arrêt confirmatif de la créance indemnitaire. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 9. La société fait le même grief à l'arrêt, alors qu'« en toute hypothèse, l'ouverture d'un plan de surendettement ne fait pas obstacle à la compensation entre les créances des parties ; qu'en jugeant le contraire, par motifs adoptés du jugement qu'elle confirmait (p. 4, alinéa 10), la cour d'appel a violé l'article L. 722-5 du code de la consommation. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 722-5, 1er alinéa, du code de la consommation : 10. Selon ce texte, la suspension et l'interdiction des procédures d'exécution diligentées à l'encontre des biens du débiteur emportent interdiction pour celui-ci de faire tout acte qui aggraverait son insolvabilité, de payer, en tout ou partie, une créance autre qu'alimentaire, y compris les découverts mentionnés aux 10° et 11° de l'article L. 311-1, née antérieurement à la suspension ou à l'interdiction, de désintéresser les cautions qui acquitteraient des créances nées antérieurement à la suspension ou à l'interdiction, de faire un acte de disposition étranger à la gestion normale du patrimoine. 11. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la dette d'un débiteur admis à une procédure de surendettement soit éteinte par l'effet de la compensation, lorsqu'elle est invoquée par le créancier, cette opération n'aggravant pas l'insolvabilité de ce débiteur et ne constituant ni un paiement, mais l'extinction simultanée d'obligations réciproques, ni un acte volontaire de disposition de son patrimoine. 12. Pour confirmer le jugement ayant débouté la société de son opposition au commandement de saisie vente fondée sur la compensation des dettes réciproques, la cour d'appel, par motifs adoptés, retient en substance que le paiement par compensation n'a pu s'opérer en raison de la situation de surendettement du débiteur. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Intrum Debt Finance AG, représentée en France par la société Intrum Corporate La société Intrum Debt Finance AG reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de son recours contre le commandement aux fins de saisie-vente délivré à l'initiative de M. [O] [R] le 8 octobre 2019 ; ALORS, D'UNE PART, QUE le jugement frappé d'appel confère immédiatement à la partie gagnante la qualité de créancier, dès lors que l'arrêt rendu par la suite est confirmatif ; qu'en affirmant, par adoption de motifs (cf. jugement entrepris, p. 4, alinéa 1er), que la créance de M. [R] n'était devenue certaine, liquide et exigible qu'à compter de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Riom du 10 octobre 2018, de sorte que la compensation n'avait pu s'opérer à cette date en raison de l'ouverture d'une procédure de surendettement à l'égard de M. [R] au mois d'août 2018, cependant que le droit de créance de ce dernier était acquis dès le 5 mai 2017, date du jugement frappé de recours, la cour d'appel a violé l'article 539 du code de procédure civile ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE la compensation s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies ; qu'en considérant que la compensation ne pouvait s'opérer au jour du jugement du 5 mai 2017, lequel reconnaissait le droit de créance de M. [R], au motif que « selon l'article 1347 du code civil, désormais applicable puisqu'issu de la réforme du 10 février 2016, la compensation n'opère plus de plein droit mais doit être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies » (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 7), cependant qu'à l'inverse, selon le texte nouveau, la compensation s'opère à la date où ses conditions se trouvent réunies, soit en l'occurrence au 5 mai 2017, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil ; ALORS, ENFIN, QU'en toute hypothèse, l'ouverture d'un plan de surendettement ne fait pas obstacle à la compensation entre les créances des parties ; qu'en jugeant le contraire, par motifs adoptés du jugement qu'elle confirmait (p. 4, alinéa 10), la cour d'appel a violé l'article L. 722-5 du code de la consommation.
L'article L. 722-5, alinéa 1er, du code de la consommation ne fait pas obstacle à ce que la dette d'un débiteur admis à une procédure de surendettement soit éteinte par l'effet de la compensation, lorsqu'elle est invoquée par le créancier, cette opération n'aggravant pas l'insolvabilité de ce débiteur et ne constituant ni un paiement, mais l'extinction simultanée d'obligations réciproques, ni un acte volontaire de disposition de son patrimoine
7,983
CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 juin 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 733 FS-B Pourvoi n° C 21-10.229 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2022 1°/ M. [T] [X], 2°/ Mme [R] [Y], épouse [X], tous deux domiciliés [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° C 21-10.229 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Cabinet Lafage transactions, enseigne Century 21, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Sorrentino Bruneau, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Lilamand-Tosello, 3°/ à la société Sorrentino Bruneau, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. et Mme [X], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Sorrentino Bruneau, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, M. Delbano, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 septembre 2020), sur le fondement d'un jugement d'un tribunal de grande instance du 18 novembre 2013, et d'un arrêt confirmatif d'une cour d'appel du 17 septembre 2015, par lesquels M. et Mme [X] ont été notamment condamnés à payer au cabinet D. Nardi et à la société Cabinet Lafage transactions diverses sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, cette dernière a fait signifier, le 8 février 2016, à M. et Mme [X], un commandement de payer à fin de saisie-vente, puis, le 18 février 2016, elle a ensuite fait pratiquer une saisie-attribution sur des comptes de M. [X]. 2. A la suite de la dénonciation de cette dernière saisie le 22 février 2016, M. et Mme [X] ont, le 10 mars 2016, saisi le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance d'une demande d'annulation de la saisie-attribution et du commandement. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, le deuxième et le troisième moyens, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. et Mme [X] font grief à l'arrêt de déclarer valides le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 8 février 2016, pour la somme globale de 2 815,16 euros, et le procès-verbal de saisie-attribution du 18 février 2016 pour la somme globale de 2 916,06 euros, alors « que s'ils n'ont pas été signifiés, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'arrêt du 17 septembre 2015 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avait confirmé partiellement le jugement du 18 novembre 2013 du tribunal de grande instance de Nice pouvait être exécuté en l'absence de signification de ce jugement dès lors que l'arrêt avait été signifié ; qu'en statuant ainsi, bien que le commandement aux fins de saisie-vente et le procès-verbal de saisie attribution aient été délivrés pour recouvrement de condamnations prononcées dans ces deux décisions de justice, si bien que la signification du jugement était impérative, la cour d'appel a violé les articles 503 du code de procédure civile, R. 221-1 et R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour Vu l'article 503, alinéa 1, du code de procédure civile : 5. Selon ce texte, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire. 6. L'exécution forcée des condamnations résultant d'un jugement, confirmées en appel, est subordonnée à la signification de l'arrêt et du jugement. 7. Pour confirmer le jugement du juge de l'exécution en ce qu'il a déclaré valides le commandement de payer du 8 février 2016 et le procès-verbal de saisie-attribution du 18 février 2016, l'arrêt, après avoir constaté que le jugement du 18 novembre 2013 n'avait pas été signifié aux débiteurs saisis, mais que l'arrêt du 17 septembre 2015 l'avait été, retient que ce dernier arrêt constituait le titre exécutoire de l'intimée lui permettant de poursuivre le recouvrement des sommes allouées par le jugement du 18 novembre 2013, sans que M. et Mme [X] ne puissent valablement opposer l'absence de signification de la décision de première instance non revêtue de l'exécution provisoire. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société Cabinet Lafage transactions et la société Sorrentino Bruneau aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cabinet Lafage transactions à payer à M. et Mme [X] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [X] Premier moyen de cassation Les époux [X] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré valides le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 8 février 2016, pour la somme globale de 2 815,16 €, et le procès-verbal de saisie-attribution du 18 février 2016 pour la somme globale de 2 916,06 € ; 1°) Alors que s'ils n'ont pas été signifiés, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'arrêt du 17 septembre 2015 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avait confirmé partiellement le jugement du 18 novembre 2013 du tribunal de grande instance de Nice pouvait être exécuté en l'absence de signification de ce jugement dès lors que l'arrêt avait été signifié ; qu'en statuant ainsi, bien que le commandement aux fins de saisie-vente et le procès-verbal de saisie attribution aient été délivrés pour recouvrement de condamnations prononcées dans ces deux décisions de justice, si bien que la signification du jugement était impérative, la cour d'appel a violé les articles 503 du code de procédure civile, R 221-1 et R.211-1 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°) Alors qu'il résulte des mentions du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 8 février 2016 et du procès-verbal de saisie-attribution du 18 février 2016 que la société Cabinet Lafage transactions Century 21 agissait en vertu d'un jugement du tribunal de grande instance de Nice du 18 novembre 2013 et d'un arrêt du 17 septembre 2015 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; que la cour d'appel a considéré qu'il résultait des articles L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution et 503 du code de procédure civile que l'arrêt du 17 septembre 2015 constituait le titre exécutoire de la société Cabinet Lafage transactions Century 21 lui permettant de poursuivre le recouvrement des sommes allouées par le jugement du 18 novembre 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé par omission le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 8 février 2016 et le procès-verbal de saisie attribution du 18 février 2016, en violation de l'obligation pour les juges de ne pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; 3°) Alors que le commandement de payer aux fins de saisie-vente comme le procès-verbal de saisie attribution doivent à peine de nullité préciser les montants dus pour chaque débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré au contraire qu'il ne résultait pas des articles R.221-1 et R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution l'obligation pour le créancier de mentionner pour chaque débiteur le montant des sommes qu'il devait ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé ces textes. Deuxième moyen de cassation Les époux [X] font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande tendant à ce que soient mis à la charge de la SCP Lilamand-Tosello, aux doits de laquelle est la Sas Sorrentino-Bruneau, les frais de la saisie attribution et le coût du commandement ; 1°) Alors que la cassation s'étend à toutes les dispositions de la décision cassée ayant un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation critiquant les chefs de dispositif ayant débouté les époux [X] de leurs demandes en annulation du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 8 février 2016 et du procès-verbal de saisie-attribution du 18 février 2016 entraînera par voie de conséquence celle du chef de dispositif ayant débouté les époux [X] de leur demande à l'encontre de la SCP Lilamand-Tosello, dès lors que ce chef est lié par un lien de dépendance nécessaire avec celui visé par le premier moyen de cassation, ce en application de l'article 624 du code de procédure civile ; 2°) Alors que les frais des actes nuls par l'effet de leur faute sont à la charge des huissiers de justice ; qu'en l'espèce, les époux [X] ont fait valoir que la SCP Lilamand-Tosselo avait commis des fautes dans la rédaction du commandement de payer aux fins de saisie-vente et du procès-verbal de saisie-attribution car l'un des titres exécutoires fondant ces actes, soit le jugement du 18 novembre 2013 du tribunal de grande instance de Nice, n'avait pas été signifié, et car ces actes ne comportaient pas un décompte distinct des sommes dues par chacun des débiteurs ; qu'en rejetant la demande de condamnation de la SCP Lilamand-Tossello à prendre en charge le coût de ces actes, sans examiner ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Troisième moyen de cassation (subsidiaire) Les époux [X] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré valides le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 8 février 2016 pour la somme globale de 2 815,16 € et le procès-verbal de saisie-attribution du 18 février 2016 pour une somme globale de 2 916,06 € ; Alors que si la signification de la décision fondant une mesure d'exécution forcée est un préalable à celle-ci, elle ne constitue pas une telle mesure et son coût n'entre pas dans les frais d'exécution contrôlés par le juge de l'exécution ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé qu'il convenait de laisser le coût de l'acte de signification de l'arrêt du 17 septembre 2015 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence à la charge des époux [X] en vertu de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, violant ainsi ce texte.
En application de l'article 503, alinéa 1, du code de procédure civile, l'exécution forcée des condamnations résultant d'un jugement, confirmées en appel, est subordonnée à la signification de l'arrêt et du jugement
7,984
CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 juin 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 604 FS-B Pourvoi n° E 21-20.190 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2022 La société Action France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-20.190 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Foncière Saint-Louis, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Andrich et M. David, conseillers, les observations et les plaidoiries de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Action France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Foncière Saint-Louis, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, auquel les parties ont répliqué, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich et M. David, conseillers rapporteurs, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2021), par acte authentique du 13 novembre 2017, la société civile immobilière Foncière Saint-Louis (la bailleresse) a donné en location à la société Action France (la locataire) un local commercial à usage de supermarché à dominante non alimentaire. 2. Se prévalant de l'interdiction de recevoir du public, en raison des mesures gouvernementales de lutte contre l'épidémie de covid-19, la locataire a informé la bailleresse de la suspension du paiement des loyers et charges. 3. Le 2 juin 2020, la bailleresse a procédé sur les comptes de la locataire à la saisie-attribution d'une somme correspondant à l'intégralité de la facture de loyer du deuxième trimestre 2020. 4. Le 3 juillet 2020, la locataire a assigné la bailleresse devant le juge de l'exécution en mainlevée de la saisie et paiement de dommages-intérêts. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deux premières branches 5. La locataire fait grief à l'arrêt de valider la saisie-attribution à hauteur d'une certaine somme, alors : « 1°/ que les mesures optionnelles et dérogatoires résultant des ordonnances n° 2020-306 du 25 mars 2020 et n° 2020-316 du 25 mars 2020 adoptées pendant la crise sanitaire et neutralisant certaines sanctions de l'inexécution des obligations pendant la période juridiquement protégée n'écartent pas l'application des règles permanentes du code civil relatives au contrat de bail qui ne sont pas incompatibles avec de telles dispositions, telles que l'article 1722 du code civil sur la perte de la chose louée ; qu'en considérant que la société Action France ne pouvait pas se prévaloir de l'article 1722 du code civil, dès lors que le législateur avait déjà pris en compte les conséquences pour bailleurs et preneurs de la fermeture des commerces pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, lorsque les ordonnances du 25 mars 2020 avaient pour seul objet de neutraliser les sanctions du retard dans le paiement des loyers et n'excluaient pas le droit pour le preneur d'invoquer la perte de la chose louée résultant de l'impossibilité temporaire d'exploiter les lieux conformément à la destination prévue au contrat, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1722 du code civil ; 2°/ que le preneur non éligible aux dispositions protectrices de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 peut invoquer l'article 1722 du code civil sur la perte de la chose louée, en l'absence de règle spécifique applicable à sa situation ; qu'en énonçant, pour considérer que le preneur ne pouvait pas invoquer les dispositions de l'article 1722 du code civil, qu'il importait peu que la société Action France ne réponde pas aux critères d'éligibilité prévus à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 précitée, permettant à certains preneurs de bénéficier de son article 4, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1722 du code civil. » Réponse de la Cour 6. En application de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré sur l'ensemble du territoire national. 7. En application de l'article 3, I, 2°, du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu'au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l'exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle et des achats de première nécessité. 8. Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l'interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l'absence de première nécessité des biens ou des services fournis. 9. Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d'établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique. 10. L'effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut donc être assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil. 11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef. Sur le moyen, pris en sa troisième branche 12. La locataire fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'impossibilité pour le preneur d'exploiter les lieux conformément à la destination prévue au bail, même si elle est imposée par les pouvoirs publics, constitue un manquement du bailleur à son obligation de délivrance justifiant que le preneur invoque l'exception d'inexécution ; qu'en énonçant que le bailleur n'avait pas pour obligation, en l'absence de stipulations contractuelles particulières, de garantir la commercialité des locaux, ceux objet du bail ayant été mis à la disposition du preneur, lequel admet que l'impossibilité d'exploiter qu'il allègue était le seul fait du législateur, la cour d'appel a violé les articles 1219 et 1719 du code civil. » Réponse de la Cour 13. Ayant relevé que les locaux loués avaient été mis à disposition de la locataire, qui admettait que l'impossibilité d'exploiter, qu'elle alléguait, était le seul fait du législateur, la cour d'appel en a exactement déduit que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n'était pas constitutive d'une inexécution de l'obligation de délivrance. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 15. La locataire fait le même grief à l'arrêt, alors « que le preneur qui n'a pu exploiter la chose louée selon sa destination à cause de la fermeture des locaux pendant la crise sanitaire peut obtenir la suspension de son obligation de paiement des loyers pendant cette fermeture, en invoquant la force majeure ; qu'en énonçant qu'à supposer que l'état d'urgence sanitaire constitue un fait de force majeure, le bailleur a fourni un local en lui-même exploitable, étant rappelé que le preneur reconnaît qu'il n'était pas dans l'impossibilité d'exécuter son obligation de payer le loyer de sorte qu'il n'est pas fondé à invoquer à son profit la force majeure, lorsque le preneur était pourtant dans l'impossibilité d'exploiter les lieux conformément à la destination prévue au contrat, la cour d'appel a violé l'article 1218 du code civil. » Réponse de la Cour 16. Il résulte de l'article 1218 du code civil que le créancier qui n'a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure. 17. Dès lors, la cour d'appel a exactement retenu que la locataire, débitrice des loyers, n'était pas fondée à invoquer à son profit la force majeure. 18. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 19. La locataire fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; que pour considérer que le bailleur n'avait pas manqué à son devoir de bonne foi, la cour d'appel a retenu qu'il avait proposé de différer le règlement du loyer d'avril 2020 pour le reporter sur le 3° trimestre, voire sur le 4° trimestre, proposition refusée par le preneur, tandis que le preneur n'avait pas adressé au préfet du département de la Savoie de demande de dérogation, ni mis en oeuvre pendant la période considérée des activités de livraison ou de retraits de commande, ce qu'il a mis en place ultérieurement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait pour le bailleur de pratiquer trois semaines seulement après la fin du confinement une mesure d'exécution forcée à l'encontre de son débiteur pour obtenir le paiement des loyers échus pendant la fermeture des locaux et ce, sans tentative préalable de renégociation du contrat pour l'adapter aux circonstances, autre qu'une proposition de report d'un mois de loyer sous la forme d'un commandement de payer, ne constituait pas un manquement au devoir d'exécution du contrat de bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1104 du code civil. » Réponse de la Cour 20. Ayant constaté que la bailleresse avait vainement proposé de différer le règlement du loyer d'avril 2020, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre la locataire dans le détail de son argumentation, en a souverainement déduit que la bailleresse avait tenu compte des circonstances exceptionnelles et ainsi manifesté sa bonne foi. 21. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Action France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé le trente juin deux mille vingt-deux, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SAS Hannotin Avocats, avocat aux Conseils, pour la société Action France La société Action France fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir validé la saisie-attribution pratiquée à son encontre par la société Foncière Saint-Louis le 2 juin 2020 à hauteur de la somme de 28 233,69 € ; 1) Alors que les mesures optionnelles et dérogatoires résultant des ordonnances n°2020-306 du 25 mars 2020 et n°2020-316 du 25 mars 2020 adoptées pendant la crise sanitaire et neutralisant certaines sanctions de l'inexécution des obligations pendant la période juridiquement protégée n'écartent pas l'application des règles permanentes du code civil relatives au contrat de bail qui ne sont pas incompatibles avec de telles dispositions, telles que l'article 1722 du code civil sur la perte de la chose louée ; qu'en considérant que la société Action France ne pouvait pas se prévaloir de l'article 1722 du code civil, dès lors que le législateur avait déjà pris en compte les conséquences pour bailleurs et preneurs de la fermeture des commerces pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, lorsque les ordonnances du 25 mars 2020 avaient pour seul objet de neutraliser les sanctions du retard dans le paiement des loyers et n'excluaient pas le droit pour le preneur d'invoquer la perte de la chose louée résultant de l'impossibilité temporaire d'exploiter les lieux conformément à la destination prévue au contrat, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1722 du code civil ; 2) Alors en tout état de cause que le preneur non éligible aux dispositions protectrices de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 peut invoquer l'article 1722 du code civil sur la perte de la chose louée, en l'absence de règle spécifique applicable à sa situation ; qu'en énonçant, pour considérer que le preneur ne pouvait pas invoquer les dispositions de l'article 1722 du code civil, qu'il importait peu que la société Action France ne réponde pas aux critères d'éligibilité prévus à l'article 1er de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 précitée, permettant à certains preneurs de bénéficier de son article 4, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1722 du code civil ; 3) Alors que l'impossibilité pour le preneur d'exploiter les lieux conformément à la destination prévue au bail, même si elle est imposée par les pouvoirs publics, constitue un manquement du bailleur à son obligation de délivrance justifiant que le preneur invoque l'exception d'inexécution ; qu'en énonçant que le bailleur n'avait pas pour obligation, en l'absence de stipulations contractuelles particulières, de garantir la commercialité des locaux, ceux objet du bail ayant été mis à la disposition du preneur, lequel admet que l'impossibilité d'exploiter qu'il allègue était le seul fait du législateur, la cour d'appel a violé les articles 1219 et 1719 du code civil ; 4) Alors que le preneur qui n'a pu exploiter la chose louée selon sa destination à cause de la fermeture des locaux pendant la crise sanitaire peut obtenir la suspension de son obligation de paiement des loyers pendant cette fermeture, en invoquant la force majeure ; qu'en énonçant qu'à supposer que l'état d'urgence sanitaire constitue un fait de force majeure, le bailleur a fourni un local en lui-même exploitable, étant rappelé que le preneur reconnaît qu'il n'était pas dans l'impossibilité d'exécuter son obligation de payer le loyer de sorte qu'il n'est pas fondé à invoquer à son profit la force majeure, lorsque le preneur était pourtant dans l'impossibilité d'exploiter les lieux conformément à la destination prévue au contrat, la cour d'appel a violé l'article 1218 du code civil ; 5) Alors enfin que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; que pour considérer que le bailleur n'avait pas manqué à son devoir de bonne foi, la cour d'appel a retenu qu'il avait proposé de différer le règlement du loyer d'avril 2020 pour le reporter sur le 3° trimestre, voire sur le 4° trimestre, proposition refusée par le preneur, tandis que le preneur n'avait pas adressé au Préfet du département de la Savoie de demande de dérogation, ni mis en oeuvre pendant la période considérée des activités de livraison ou de retraits de commande, ce qu'il a mis en place ultérieurement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait pour le bailleur de pratiquer trois semaines seulement après la fin du confinement une mesure d'exécution forcée à l'encontre de son débiteur pour obtenir le paiement des loyers échus pendant la fermeture des locaux et ce, sans tentative préalable de renégociation du contrat pour l'adapter aux circonstances autres qu'une proposition de report d'un mois de loyer sous la forme d'un commandement de payer, ne constituait pas un manquement au devoir d'exécution du contrat de bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1104 du code civil ;
L'effet de la mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets n° 2020-293 du 23 mars 2020 et n° 2020-423 du 14 avril 2020, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil. (1re et 2e branches). Cette mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n'est pas constitutive d'une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. (3e branche). Pour échapper au paiement de ses loyers, un locataire n'est pas fondé à invoquer à son profit la force majeure résultant de cette mesure. (4e branche).
7,985
CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 juin 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 605 FS-B Pourvoi n° M 21-20.127 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2022 La société Odalys résidences, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], [Localité 1], a formé le pourvoi n° M 21-20.127 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [V] [I], 2°/ à Mme [E] [I], domiciliés tous deux [Adresse 2], [Localité 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Andrich et M. David, conseillers, les observations et les plaidoiries de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Odalys résidences, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [I], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, auquel les parties ont répliqué, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich et M. David, conseillers rapporteurs, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 1er juillet 2021), rendu en référé, M. [Z], aux droits duquel se trouvent M. et Mme [I] (les bailleurs), a donné à bail commercial à la société Odalys résidences (la locataire) deux lots d'une résidence de tourisme. 2. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a, du 14 mars au 2 juin 2020, cessé son activité dans la résidence. 3. Le 26 mars 2020, elle a informé les bailleurs de sa décision d'interrompre le paiement du loyer et des charges à compter du 14 mars 2020. 4. Les bailleurs ont assigné la locataire en paiement d'une provision correspondant à l'arriéré locatif. Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme au titre des loyers impayés, alors « que le juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui apprécie si les circonstances ayant entraîné l'indisponibilité des lieux loués, qui ne pouvaient plus être utilisés conformément à leur destination contractuelle, justifient ou non la suspension du paiement des loyers ; que la société [Adresse 6] soutenait que son obligation au paiement du loyer était contestable, sur le fondement de l'exception d'inexécution, dès lors que les bailleurs avaient été dans l'impossibilité, pendant toute la période considérée, d'exécuter leur obligation de délivrance et d'assurer la jouissance paisible des lieux loués conformément à la destination prévue au bail ; qu'ils ajoutaient que l'impropriété des lieux à l'objet prévu au bail s'analysait en outre en perte partielle de la chose louée, et que les bailleurs avaient manqué à leur obligation de bonne foi en réclamant le paiement de loyers afférents à des périodes durant lesquelles les lieux loués ne pouvaient être utilisés conformément à leur destination contractuelle ; qu'en énonçant, pour dire que l'obligation au paiement des loyers n'était pas sérieusement contestable, qu'il ne pouvait être reproché aux bailleurs un manquement à leur obligation de délivrance, que les restrictions résultaient de mesures législatives et réglementaires concernant tous les bailleurs se trouvant dans la même situation, tandis qu'aucun texte ne dispensait les locataires du règlement des loyers, et que les locaux n'avaient subi aucune perte, le juge des référés, qui a apprécié la nature et l'étendue des obligations contractuelles et la gravité du manquement du preneur au regard des circonstances pouvant justifier qu'il cesse le règlement des loyers en l'état de l'indisponibilité avérée des lieux loués, a tranché des contestations sérieuses et violé l'article 835 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. Par application de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré sur l'ensemble du territoire national. 8. En application de l'article 3, I, 2°, du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu'au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l'exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle et des achats de première nécessité. 9. Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l'interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l'absence de première nécessité des biens ou des services fournis. 10. Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d'établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique. 11. L'effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil. 12. Ayant relevé que les restrictions résultant des mesures législatives et réglementaires prises dans le cadre de la crise sanitaire n'étaient pas imputables au bailleur et n'emportaient pas perte de la chose, la cour d'appel, saisie en référé d'une demande en paiement d'une provision, n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Odalys résidences aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé le trente juin deux mille vingt-deux, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Odalys résidences PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Odalys Résidences fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté des débats les ordonnances de référé rendues par les présidents tribunaux judiciaires d'Albertville le 19 janvier 20221 et de Dijon et de Paris le 24 février 2021, de l'avoir condamnée à payer à M. et Mme [I] la somme de 2 550,91 euros au titre des loyers impayés entre le 13 avril et le 4 septembre 2020, et de l'avoir condamnée sous astreinte à communiquer aux bailleurs la facture n° 4 pour la période du 1er mai au 31 juillet 2020 et les comptes d'exploitation depuis le 22 octobre 2019 ; ALORS QUE la société Odalys résidences avait communiqué selon bordereau RPVA du 17 mai 2021 une pièce n° 13 correspondant aux ordonnances de référé rendues par les présidents des tribunaux judiciaires d'[Localité 4], de [Localité 5] et de [Localité 8] ; qu'en énonçant, pour écarter ces décisions des débats, qu'il ne résultait pas des éléments de la procédure que ces ordonnances de référé aient été communiquées aux intimés, la cour d'appel a dénaturé par omission le bordereau RPVA et les pièces communiquées, et méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. SECOND MOYEN DE CASSATION La société Odalys Résidences fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. et Mme [I] la somme de 2 550,91 euros au titre des loyers impayés entre le 13 avril et le 4 septembre 2020, et de l'avoir condamnée sous astreinte à communiquer aux bailleurs la facture n° 4 pour la période du 1er mai au 31 juillet 2020 et les comptes d'exploitation depuis le 22 octobre 2019 ; 1) ALORS QUE le juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui apprécie si les circonstances ayant entraîné l'indisponibilité des lieux loués, qui ne pouvaient plus être utilisés conformément à leur destination contractuelle, justifient ou non la suspension du paiement des loyers ; que la société [Adresse 6] soutenait que son obligation au paiement du loyer était contestable, sur le fondement de l'exception d'inexécution, dès lors que les bailleurs avaient été dans l'impossibilité, pendant toute la période considérée, d'exécuter leur obligation de délivrance et d'assurer la jouissance paisible des lieux loués conformément à la destination prévue au bail ; qu'ils ajoutaient que l'impropriété des lieux à l'objet prévu au bail s'analysait en outre en perte partielle de la chose louée, et que les bailleurs avaient manqué à leur obligation de bonne foi en réclamant le paiement de loyers afférents à des périodes durant lesquelles les lieux loués ne pouvaient être utilisés conformément à leur destination contractuelle ; qu'en énonçant, pour dire que l'obligation au paiement des loyers n'était pas sérieusement contestable, qu'il ne pouvait être reproché aux bailleurs un manquement à leur obligation de délivrance, que les restrictions résultaient de mesures législatives et réglementaires concernant tous les bailleurs se trouvant dans la même situation, tandis qu'aucun texte ne dispensait les locataires du règlement des loyers, et que les locaux n'avaient subi aucune perte, le juge des référés, qui a apprécié la nature et l'étendue des obligations contractuelles et la gravité du manquement du preneur au regard des circonstances pouvant justifier qu'il cesse le règlement des loyers en l'état de l'indisponibilité avérée des lieux loués, a tranché des contestations sérieuses et violé l'article 835 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'il résultait de l'article 6 du contrat de bail que le loyer serait réduit à 30% des recettes effectivement encaissées en cas de force majeure interrompant l'activité touristique, résultant notamment d'une entrave administrative ou autre au libre accès aux lieux loués ou à la circulation des personnes et des biens, sauf en cas de prise en charge du préjudice par un assureur ; que la société Odalys faisait valoir que les mesures gouvernementales prises pour lutter contre l'épidémie de covid 19 avaient interdit de recevoir du public dans les lieux loués, ce qui justifiait l'application de la clause précitée ; qu'il appartenait aux bailleurs de prouver, le cas échéant, que la société Odalys Résidences avait bénéficié d'une prise en charge de son préjudice par son assureur ; qu'en énonçant, pour écarter l'application de la clause 6 du bail, que l'appelante ne justifiait d'aucun élément à ce titre, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, et violé l'article 1353 du code civil ; 3) ALORS en tout état de cause QUE la société Odalys Résidences produisait l'attestation de son commissaires aux comptes établissant l'absence de perception d'une quelconque indemnisation pour perte d'exploitation (pièce n°12, bordereau RPVA du 17 mai 2021) ; qu'en énonçant, pour condamner néanmoins la société Odalys Résidences au paiement provisionnel des loyers dus pour la période concernée, que la clause 6 du contrat prévoyait qu'elle n'avait pas à s'appliquer dans l'hypothèse où le préjudice subi par le preneur se trouverait couvert par sa police d'assurance, et que l'appelante ne justifiait d'aucun élément à ce titre, sans s'expliquer sur la pièce ainsi produite, la société Odalys n'ayant pas d'autre moyen d'établir qu'elle n'avait pas perçu d'indemnisation de la part d'un assureur au titre d'une perte d'exploitation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
L'effet de la mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets n° 2020-293 du 23 mars 2020 et n° 2020-423 du 14 avril 2020, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil. Ayant relevé que les restrictions résultant des mesures législatives et réglementaires prises dans le cadre de la crise sanitaire n'étaient pas imputables au bailleur et n'emportaient pas perte de la chose louée, une cour d'appel, saisie en référé d'une demande en paiement d'une provision, n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable
7,986
N° V 22-82.630 F-B N° 01059 ECF 28 JUIN 2022 REJET M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 JUIN 2022 M. [U] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 22 mars 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et sur les armes, importation de stupéfiants, association de malfaiteurs, violences aggravées, infraction au code de la route, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [U] [B], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mis en cause dans l'organisation d'un trafic de stupéfiants, M. [U] [B] a fait l'objet d'un mandat d'arrêt, délivré par le juge d'instruction le 9 septembre 2019. 3. Interpellé à Tanger le 19 novembre 2020, M. [B] a été placé sous écrou extraditionnel au Maroc, Etat dont les autorités compétentes ont accordé son extradition par décret du 10 janvier 2022. 4. Cette décision, rédigée en langue arabe, a été transmise le 7 février suivant au juge d'instruction mandant. 5. Présenté à ce dernier le 4 mars 2022, M. [B] a été mis en examen des chefs susvisés et a comparu, en vue de son éventuel placement en détention provisoire, devant le juge des libertés et de la détention. 6. Ce magistrat, par ordonnance du même jour, rejetant l'exception de nullité prise de l'atteinte au principe de spécialité, a ordonné le placement de M. [B] en détention provisoire. 7. Ce dernier a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le moyen, pris en sa seconde branche 8. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a placé M. [B] en détention provisoire, alors : « 1°/ que le juge des libertés et de la détention ne peut ordonner le placement en détention provisoire d'une personne extradée vers la France qu'après s'être assuré du respect du principe de spécialité, ce qui suppose que la décision de remise figure au dossier de la procédure en langue française au moment où le juge statue ; qu'en confirmant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 4 mars 2022 plaçant M. [B] en détention provisoire, quand il résulte de ses propres constatations que la décision de remise ne figurait en langue française au dossier que depuis le 8 mars 2022, de sorte que le juge des libertés et de la détention, qui ne pouvait s'assurer du respect du principe de spécialité au jour où il a statué, avait délibérément pris le risque d'ordonner à l'encontre de M. [B] une détention arbitraire, la chambre de l'instruction a violé les articles 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, 8 de la Convention d'extradition entre la République française et le Royaume du Maroc du 18 avril 2008, 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêt, 696-6, 591 et 593 du code de procédure pénale ». Réponse de la Cour 10. Une personne remise à la France à la suite d'une procédure d'extradition et qui n'a pas renoncé au principe de spécialité ne peut faire l'objet d'une mesure de détention provisoire pour un fait quelconque antérieur à la remise et autre que celui ayant motivé cette décision. 11. Lorsqu'une telle personne, qui comparaît en vue d'un débat contradictoire sur sa détention provisoire, fait état de l'impossibilité de vérifier le respect du principe susvisé en raison de l'absence, au dossier de la procédure, de la décision de remise des autorités de l'Etat requis, il appartient au magistrat saisi de procéder aux vérifications nécessaires, dans la limite des délais qui lui sont impartis pour statuer. 12. Pour rejeter le moyen de nullité de l'ordonnance contestée, pris de l'absence de traduction en langue française, dans le dossier de la procédure, du décret d'extradition des autorités marocaines, l'arrêt attaqué relève que le premier juge a retenu que la détention provisoire de M. [B] n'a pas pour fondement des infractions qui, visées au mandat d'arrêt, auraient été exclues du périmètre de la remise. 13. Les juges ajoutent que la traduction du décret susvisé est intervenue le 8 mars 2022 et n'est pas venue contredire ce constat. 14. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction, qui était seulement tenue, dans un premier temps, de procéder aux vérifications omises par le premier juge, a justifié sa décision, la nullité de l'ordonnance contestée n'étant encourue que dans l'hypothèse où les vérifications entreprises conduisent au constat d'une violation du principe de spécialité, violation dont il appartient à la chambre de l'instruction d'apprécier la portée. 15. Dès lors, le moyen doit être écarté. 16. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit juin deux mille vingt-deux.
Lorsqu'une personne remise à la France à la suite d'une procédure d'extradition et qui n'a pas renoncé au principe de spécialité fait état, lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, de l'impossibilité de vérifier le respect du principe susvisé en raison de l'absence, au dossier de la procédure, de la décision de remise des autorités de l'Etat requis, il appartient au magistrat saisi de procéder aux vérifications nécessaires, dans la limite des délais qui lui sont impartis pour statuer. Si ces vérifications n'ont pas été effectuées par le premier juge, il appartient à la chambre de l'instruction, saisie par la voie de l'appel, de les mettre en oeuvre. La nullité de l'ordonnance contestée n'est encourue que dans l'hypothèse où les vérifications entreprises conduisent au constat d'une violation du principe de spécialité, violation dont il appartient à la chambre de l'instruction d'apprécier la portée. Doit, en conséquence, être approuvé l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui, pour écarter le moyen de nullité de l'ordonnance du juge des libertés de la détention tiré de ce que ce magistrat a retenu, sur la base de la seule version en langue étrangère de la décision d'extradition, que le principe de spécialité n'avait pas été méconnu, constate que la traduction de la décision, obtenue postérieurement, vient corroborer le constat d'absence de violation dudit principe
7,987
N° U 22-82.698 F-B N° 01061 ECF 28 JUIN 2022 CASSATION M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 JUIN 2022 M. [W] se disant [I] [K] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, en date du 7 avril 2022, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de tentative de meurtre en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [W] se disant [I] [K] [C], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Suite à un incident grave survenu au centre pénitentiaire de [Localité 1], dans lequel M. [I] [K] [C] et M. [Y] [G] étaient impliqués, le premier a été mis en examen le 7 février 2020 pour tentative de meurtre en récidive sur la personne du second par le juge d'instruction, M. Bertrand Brusset, qui a saisi le juge des libertés de la détention aux fins de placement en détention provisoire. 3. M. [K] [C] a été placé en détention provisoire par ordonnance du même jour, mesure prolongée par la suite. 4. M. [K] [C] a formé une demande de mise en liberté le 10 mars 2022, qui a été rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention, M. Bertrand Brusset, en date du 18 mars 2022. 5. Il a interjeté appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté de M. [K] [C], alors « que l'exigence d'impartialité objective est méconnue lorsque les appréhensions du justiciable sur le défaut d'impartialité d'un magistrat apparaissent comme objectivement justifiées ; que tel est nécessairement le cas lorsqu'un magistrat qui a eu à apprécier de l'existence d'indices graves ou concordants de la commission d'une infraction à l'encontre d'une personne est chargé de se prononcer sur son maintien en détention provisoire ; que dès lors, en rejetant le moyen tiré du défaut d'impartialité du juge des libertés et de la détention, lorsque ce magistrat, qui justifie notamment son ordonnance de rejet par « l'existence d'indices graves ou concordants à l'encontre de [W] se disant [I] [K] [C] », avait auparavant, en qualité de juge d'instruction, procédé à la mise en examen de ce dernier, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 137-1 du code de procédure pénale : 7. Il se déduit de ces textes, le second lu à la lumière des travaux préparatoires de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, qu'un magistrat ayant porté, en tant que juge d'instruction, une appréciation sur l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation à la commission des infractions dont il est saisi ne peut, dans la suite de la procédure, intervenir en qualité de juge des libertés et de la détention, lequel est amené, pour statuer sur les mesures de sûreté, à s'assurer de l'existence de tels indices. 8. Pour dire n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance rejetant la demande de mise en liberté formée par M. [K] [C], l'arrêt attaqué énonce notamment qu'il n'existe aucune incompatibilité légale ou conventionnelle pour un magistrat à exercer successivement les fonctions de juge d'instruction puis de juge des libertés et de la détention. 9. Les juges ajoutent que la décision de placement en détention provisoire a été prise à l'époque par un magistrat indépendant du juge d'instruction ayant notifié la mise en examen, et que cette décision ne présume pas de parti pris de la part du magistrat. 10. Ils en concluent que le moyen de nullité doit être rejeté. 11. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé pour les motifs qui suivent. 12. En premier lieu, en l'absence de convocation ou de débat contradictoire, il n'est pas établi que M. [K] [C] ait eu connaissance de l'identité du juge des libertés et de la détention avant la notification de l'ordonnance, de sorte qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir engagé de procédure de récusation. 13. En second lieu, le juge d'instruction ayant mis en examen M. [K] [C] ne pouvait intervenir en qualité de juge des libertés et de la détention dans ce même dossier. 14. La cassation est par conséquent encourue . PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, en date du 7 avril 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit juin deux mille vingt-deux.
Il se déduit des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 137-1 du code de procédure pénale, le second lu à la lumière des travaux préparatoires de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, qu'un magistrat ayant porté, en tant que juge d'instruction, une appréciation sur l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation à la commission des infractions dont il est saisi ne peut, dans la suite de la procédure, intervenir en qualité de juge des libertés et de la détention, lequel est amené, pour statuer sur les mesures de sûreté, à s'assurer de l'existence de tels indices. Encourt la cassation la chambre de l'instruction qui, pour refuser d'annuler l'ordonnance rejetant la demande de mise en liberté rendue par un juge des libertés et de la détention qui avait précédemment mis en examen la personne concernée dans le même dossier, énonce qu'il n'existe aucune incompatibilité légale ou conventionnelle pour un magistrat à exercer successivement les fonctions de juge d'instruction puis de juge des libertés et de la détention
7,988
N° K 21-85.699 FS-B N° 01005 GM 29 JUIN 2022 REJET M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 JUIN 2022 Mme [J] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises des Côtes-d'Armor, en date du 17 septembre 2021, qui, pour abstention volontaire d'empêcher un crime ou un délit contre l'intégrité d'une personne et non-assistance à personne en danger, l'a condamnée à cinq ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêt civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [J] [R], et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 juin 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, Mmes Leprieur, Sudre, Issenjou, M. Laurent, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Mallard, Mme Guerrini, conseillers référendaires, Mme Zientara-Logeay, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. La chambre de l'instruction a mis en accusation Mme [J] [R] et l'a renvoyée devant la cour d'assises des mineurs des chefs d'omission d'empêcher un crime et d'omission de porter secours, délits connexes au crime d'homicide volontaire aggravé pour lequel M. [Y] [R] et [I] [H], mineur à la date des faits, ont également été mis en accusation et renvoyés devant la même cour d'assises. 3. Cette dernière a statué par arrêt du 20 avril 2018. 4. Les accusés et le ministère public ont relevé appel. 5. Par arrêt avant-dire droit du 30 septembre 2019, la cour d'assises des mineurs désignée pour statuer en appel a ordonné la disjonction des délits connexes reprochés à Mme [R]. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [R] des chefs d'omission d'empêcher un crime et d'omission de porter secours sans avoir rédigé la feuille des questions et la feuille de motivation imposées par les articles 364 et 365-1 du code de procédure pénale, alors « que les dispositions de l'article 286-1 du code de procédure qui prévoient que la cour d'assises statue sans l'assistance des jurés lorsqu'elle ne se trouve saisie, par suite d'une disjonction des poursuites, d'un appel ou de toute autre cause, que du renvoi devant elle d'un ou plusieurs accusés uniquement pour un délit connexe à un crime, n'ont ni pour objet ni pour effet de dispenser cette cour d'assises de l'obligation qui résulte des articles 364 et 365-1 du même code de mentionner, avant le prononcé de l'arrêt, les décisions prises à l'égard de chacune des questions posées par son président dans une feuille de questions et la motivation de ces décisions dans une feuille de motivation ; qu'en condamnant l'accusée sans que les décisions prises au cours de la délibération n'aient été mentionnées dans une feuille de questions et sans que la motivation de ces décisions ne l'ait été dans une feuille de motivation, la cour d'assises a violé les articles 286-1, 364 et 365-1 précités du code de procédure pénale.» Réponse de la Cour 7. La cour d'assises, saisie en application de l'article 286-1 du code de procédure pénale, a prononcé une condamnation, sans qu'aient été établies de feuilles de questions et de motivation. 8. Il ressort de l'article 286-1 susvisé que la cour d'assises, saisie du seul renvoi d'un accusé auquel est reproché uniquement un délit connexe à un crime, statue sans la participation du jury. 9. Cet article, qui ne prévoit aucune disposition d'adaptation de la procédure criminelle, pour le jugement, par la cour d'assises, des seuls délits, n'apporte ainsi pas de dérogation à l'obligation d'établir une feuille de questions et une feuille de motivation, prévues par les articles 364 et 365-1 du code de procédure pénale. 10. Cependant, il n'apparaît pas qu'en l'espèce l'absence d'établissement d'une feuille de questions et d'une feuille de motivation ait porté atteinte aux intérêts de l'accusée. 11. En effet, l'arrêt de condamnation, d'une part, indique qu'il résulte de la déclaration de la cour que l'accusée a été déclarée coupable des délits qui lui sont reprochés, dans les termes de la décision de mise en accusation, d'autre part, énonce les motifs qui fondent sa déclaration de culpabilité, ainsi que les raisons qui ont justifié le choix de la peine. 12. Par ailleurs, il ne résulte pas du procès-verbal des débats que l'accusée a sollicité que soient posées des questions, relatives à la qualification des faits, ou à sa responsabilité pénale, ou à une cause d'exemption ou de diminution de peine. 13. En conséquence, les énonciations de l'arrêt de condamnation établissant la régularité de la décision, sur la culpabilité et sur la peine, la demanderesse ne justifie pas que l'irrégularité qu'elle invoque lui ait fait grief. 14. En conséquence, par application de l'article 802 du code de procédure pénale, l'annulation n'est pas encourue. 15. Ainsi, le moyen ne peut être accueilli. Sur le second moyen Enoncé du moyen 16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [R] des chefs d'omission d'empêcher un crime et d'omission de porter secours, alors : « 1°/ qu'en retenant à l'encontre de l'accusée les délits d'omission d'empêcher un crime et d'omission de porter secours pour les faits commis pendant la soirée du 19 août 2015 cependant qu'il résulte de ses propres constatations qu'il s'agissait d'un seul et unique fait consistant en une omission de susciter une intervention extérieure pour arrêter les violences qui étaient alors exercées contre la victime, la cour d'assises a violé le principe ne bis in idem ; 2°/ que les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'après avoir omis de susciter une intervention extérieure pendant la soirée pour empêcher les violences qui étaient alors exercées contre la victime, l'accusée n'a fait appel à l'aide d'un voisin que tardivement le lendemain matin ; qu'en qualifiant d'omission de porter secours un comportement qui, pour avoir été réalisé lors de la matinée, constituait le prolongement de celui de la veille qui était déjà qualifié d'omission d'empêcher un crime, sans constater que l'accusée aurait été alors animée d'une intention différente, la cour d'assises n'a pas justifié légalement sa décision au regard du principe ne bis in idem et a violé ledit principe, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 17. Le moyen, qui invoque pour la première fois devant la Cour de cassation la violation du principe ne bis in idem en cas de poursuites concomitantes, est irrecevable. 18. Par ailleurs la procédure est régulière et la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.
La cour d'assises, saisie du seul renvoi d'un accusé du chef d'un délit connexe, et qui statue sans la participation du jury ainsi que le prévoit l'article 286-1 du code de procédure pénale, demeure tenue d'établir des feuilles de questions et de motivation. L'irrégularité résultant de l'absence desdites pièces ne peut entraîner la censure de l'arrêt qu'au cas où, en application de l'article 802 du code susvisé, elle fait grief à l'accusé. Tel n'est pas le cas lorsque l'arrêt de condamnation prononce sur la culpabilité dans les termes de la décision de mise en accusation, énonce les motifs qui fondent la déclaration de culpabilité et le choix de la peine, et qu'il résulte du procès-verbal des débats que l'accusé n'a pas demandé que soient posées de questions relatives à la qualification des faits, à sa responsabilité pénale, ou sur une cause d'exemption ou de diminution de peine
7,989
N° N 21-84.321 F-B N° 01007 GM 29 JUIN 2022 REJET M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 JUIN 2022 M. [D] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-8, en date du 30 juin 2021,qui, pour entrée non autorisée, malgré interdiction judiciaire sur le territoire français et soustraction à une mesure de refus d'entrée en France, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement. Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits. Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [D] [X], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 juin 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 24 mars 2021, les services de police chargés du contrôle aux frontières à l'aéroport de [2] ont contrôlé un passager en provenance d'Istanbul, qui a présenté un passeport algérien, au nom de M. [D] [W]. 3. Il est apparu que l'intéressé faisait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire français jusqu'au 9 septembre 2023, ordonnée par la cour d'appel de Versailles, suivant arrêt en date du 26 juin 2019. M. [W] a été placé en zone d'attente pour une durée de quatre-vingt seize heures, délai prolongé pour huit jours par décision du juge des libertés et de la détention en date du 28 mars 2021. 4. Il a refusé d'embarquer sur un vol devant le ramener à Istanbul. Il a été placé en garde à vue le 4 avril 2021 à 11 heures 25. 5. Le tribunal correctionnel de Bobigny, par jugement du 6 avril 2021, a rejeté l'exception de nullité soulevée par son avocat. Il a déclaré M. [W] coupable des infractions susvisées, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement, a ordonné son placement en détention et décerné mandat de dépôt à son encontre. 6. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel. Examen des moyens Sur les troisième et quatrième moyens du mémoire personnel 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen du mémoire ampliatif et le premier moyen du mémoire personnel Enoncé des moyens 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par lui, prise de l'irrégularité de sa garde à vue, et a déclaré M. [W] coupable des faits de pénétration non autorisée sur le territoire national après interdiction judiciaire du territoire, commis le 4 avril 2021 à Roissy, et soustraction à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, commis le 4 avril 2021 à Roissy, l'a condamné à un emprisonnement délictuel de trois mois, a ordonné son placement en détention, a décerné mandat de dépôt à son encontre, a ordonné son arrestation, a dit que tout aménagement de la peine de trois mois d'emprisonnement ferme infligée en répression était devenu sans objet et a ordonné le maintien en détention de ce dernier, alors « que la garde à vue ne peut être décidée qu'à l'égard d'une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement ; qu'en vertu de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, notamment ses articles 8, 15 et 16, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne, les infractions, passibles de peines d'emprisonnement, de pénétration non autorisée sur le territoire national après interdiction judiciaire du territoire et de soustraction à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, ne sont pas punissables lorsque l'étranger, non disposé à quitter le territoire national volontairement, soit n'a pas été préalablement soumis à l'une des mesures coercitives prévues à l'article 8 de cette directive, soit a déjà fait l'objet d'un placement en rétention mais n'a pas vu expirer la durée maximale de cette mesure, peu important que l'étranger exprimât de manière constante son refus de la mesure d'éloignement ; que la cour d'appel a refusé d'accueillir l'exception de nullité soulevée par M. [X] et tirée de ce que la mesure de garde à vue dont il avait fait l'objet, décidée pour les deux seules infractions susmentionnées, était entachée d'irrégularité, pour la circonstance que l'intéressé avait, d'une part, été placé en zone d'attente, d'autre part, exprimé de manière constante son refus d'être éloigné du territoire ; qu'en statuant ainsi quand l'opposition exprimée par l'intéressé était à ce stade indifférente, que le placement en zone d'attente était une mesure, à la supposer coercitive, insuffisante et qu'il avait surtout été constaté que la procédure d'éloignement n'avait pas été menée jusqu'à son terme, d'où il résultait que les infractions que M. [X] était soupçonné d'avoir commises n'étaient pas punissables et que la garde à vue était, partant, irrégulière, la cour d'appel a violé l'article 62-2 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 624-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce, antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020, et les articles 8, 15 et 16 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008. » 9. Le moyen du mémoire personnel critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement et écarté l'exception de nullité tenant à l'irrégularité de la garde à vue en violation des articles 8 de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2018, L. 824-11 anciennement L. 624-1-1, alinéa 2, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et 62-2 du code de procédure pénale alors qu'il résulte des deux premiers textes susvisés que l'infraction de pénétration non autorisée sur le territoire français par un étranger ayant fait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire français ne peut être constituée que si cet étranger a fait l'objet d'une mesure régulière de maintien en zone d'attente ayant pris fin sans qu'il ait pu être procédé à son éloignement, de sorte que cette infraction ne peut être caractérisée que lorsque l'administration a mis en œuvre des mesures de contrainte dont elle disposait pour exécuter la mesure portant refus d'entrée sur le territoire français et que l'étranger qu'elle concerne s'est opposé à son départ. Réponse de la Cour 10. Les moyens sont réunis. 11. L'article L. 824-11 du CESEDA, anciennement L. 624-1-1, punit le fait, pour un étranger, faisant l'objet d'une interdiction administrative du territoire, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une décision d'expulsion ou d'une peine d'interdiction du territoire français, de pénétrer de nouveau sans autorisation en France. Il punit également le fait pour un étranger de se soustraire ou de tenter de se soustraire à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France. 12. L'arrêt attaqué rappelle que la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2018, s'oppose à ce qu'un Etat membre soit amené à adopter une législation amenant à l'emprisonnement d'un étranger, au seul motif pris de son entrée ou de son séjour irrégulier, tant que la procédure de retour n'a pas été menée à son terme, ou sans que l'intéressé ait, au préalable, été soumis à une mesure coercitive, au sens de l'article 8 de cette même directive. 13. Les juges soulignent qu'il n'en demeure pas moins, au cas d'espèce, que, s'il est vrai que la procédure de retour n'a pas été diligentée jusqu'à son terme, M. [W] a été soumis à une mesure coercitive ayant précisément consisté en son placement puis son maintien en zone d'attente. 14. Ils ajoutent que les poursuites diligentées à raison de ces infractions, certes susceptibles d'amener à une reconnaissance de sa culpabilité et au prononcé d'une peine d'emprisonnement, ne sauraient, pour autant, être tenues pour incompatibles avec l'objectif d'éloignement recherché par le droit européen, à partir du moment où le prévenu a expressément manifesté puis n'a eu de cesse de réitérer son refus formel de voir mettre en oeuvre cette procédure, ainsi qu'il devait encore l'exprimer le 4 avril 2021. 15. C'est à tort que la cour d'appel a estimé que la situation du prévenu relevait de la procédure de retour organisée par la directive précitée. 16. L'arrêt attaqué, cependant, n'encourt pas la censure dès lors que les infractions de pénétration non autorisée sur le territoire national après interdiction judiciaire et de soustraction à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, reprochées au prévenu, qui sont caractérisées par la violation délibérée de cette interdiction judiciairement prononcée et par le refus d'exécuter la mesure de refus d'entrée en France, sont distinctes de la soustraction à une mesure d'éloignement, et n'entrent pas dans les prévisions de la directive susvisée et n'exigent, pour être poursuivies, aucune mesure de contrainte particulière. 17. Les moyens seront, en conséquence, écartés. Sur le second moyen du mémoire ampliatif et le deuxième moyen du mémoire personnel Enoncé des moyens 18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [W] coupable des faits de pénétration non autorisée sur le territoire national après interdiction judiciaire du territoire, commis le 4 avril 2021 à Roissy, l'a condamné à un emprisonnement délictuel de trois mois, a ordonné son placement en détention, a décerné mandat de dépôt à son encontre, a ordonné son arrestation, a dit que tout aménagement de la peine de trois mois d'emprisonnement ferme infligée en répression était devenu sans objet et a ordonné le maintien en détention de ce dernier, alors « que l'infraction de pénétration non autorisée sur le territoire national commise par l'étranger ayant fait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire n'est pas caractérisée si l'étranger, placé en zone d'attente, est introduit sur le territoire par les forces de police pour y être placé en garde à vue ; qu'en déclarant M. [X] coupable d'une telle infraction, quand il avait été constaté que celui-ci avait été maintenu en zone d'attente et qu'il avait ensuite été placé en garde à vue puis immédiatement jugé en comparution immédiate, de sorte que M. [X] n'avait pas pénétré volontairement sur le territoire français et s'était borné à se soumettre à des actes commandés par l'autorité légitime, la cour d'appel a violé l'article L. 624-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble les articles L. 221-1 du même code et 122-4 du code pénal. » 19. Le moyen du mémoire personnel critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement et déclaré M. [W] coupable d'avoir pénétré de nouveau sur le territoire français, en violation des articles 8 de la directive n°2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2018, L. 824-11 du CESEDA et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire français prononcée le 26 juin 2019 par la cour d'appel de Versailles et qu'il avait fait l'objet, le 24 mars 2021, d'une décision du ministre de l'Intérieur portant refus d'entrée sur le territoire français ainsi que maintien en zone d'attente de l'aéroport de [1], et que dès lors juridiquement, il ne pouvait être considéré comme étant entré en France. Réponse de la Cour 20. Les moyens sont réunis. 21. Pour déclarer le prévenu coupable, l'arrêt attaqué énonce que les faits qui lui sont reprochés sont établis en leur matérialité et reconnus par l'intéressé. 22. Les juges relèvent notamment que le prévenu a manifesté sa ferme volonté, en violation de l'interdiction du territoire français exécutoire jusqu'au 9 septembre 2023, de rentrer en France où il vit depuis plusieurs années, pour y retrouver sa famille et exercer son emploi. 23. En se déterminant ainsi, et dès lors que, en embarquant volontairement à bord d'un avion à destination de la France, pays où il savait qu'il ne pouvait entrer en vertu d'une décision juridictionnelle, en débarquant de cet avion à son arrivée, où il a été placé en zone d'attente, lieu sous contrôle administratif et juridictionnel national, puis en refusant son réacheminement ce qui a justifié son placement en garde à vue, le prévenu a commis l'infraction d'entrée sur le territoire national en dépit d'une interdiction, la cour d'appel a justifié sa décision. 24. Les moyens seront donc écartés. 25. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.
Les infractions de pénétration non autorisée sur le territoire national après interdiction judiciaire et de soustraction à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France sont caractérisées par la violation délibérée de cette interdiction judiciairement prononcée et par le refus d'exécuter la mesure de refus d'entrée en France. Distinctes de la soustraction à une mesure d'éloignement, elles n'entrent pas dans les prévisions de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2018 et n'exigent, pour être poursuivies, aucune mesure de contrainte particulière
7,990
N° Z 21-85.321 FS-B N° 00828 ODVS 28 JUIN 2022 REJET M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 JUIN 2022 M. [B] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre,en date du 2 septembre 2021, statuant sur renvoi après cassation (Crim., 4 juin 2019, n° 18-85.042), qui, pour menaces aggravées, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [B] [D], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, M. Dary, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le père de M. [B] [D] a été hospitalisé à l'hôpital de [Localité 2] où il est décédé le [Date décès 1] 2017 ; le comportement de l'intéressé au cours des visites à son père a conduit le directeur de l'établissement à déposer plainte, puis à solliciter l'intervention de la police dans l'établissement. 3. Cité pour apologie d'actes de terrorisme du 5 au [Date décès 1] 2017, M. [D], par jugement du tribunal correctionnel du 29 juin 2017, a été relaxé de ce chef sur la période du 5 au 7 février 2017 et déclaré coupable des faits commis le [Date décès 1] ; il a été condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis. 4. M. [D], puis le procureur de la République, ont relevé appel de cette décision. 5. Par arrêt du 3 juillet 2018, la cour d'appel, infirmant le jugement contesté sur la relaxe, a déclaré M. [D] coupable dans les termes de la poursuite et l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis. 6. Cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [D] coupable de menaces de commettre un crime ou un délit à l'encontre de professionnels de santé, alors : « 1°/ que la menace n'est punissable que pour autant qu'elle annonce la commission d'une infraction contre les personnes ; que les propos de M. [D] consistant à dire « je crois que vous n'avez pas compris, je travaille pour Daesh moi », « je repars en Syrie, je fais partie de Daesh si vous n'avez pas compris » et « je vais reprendre du service et reprendre contact avec Daesh », lesquels ne font que déclarer une appartenance à l'organisation terroriste, ne constituent pas à eux seuls l'annonce d'un mal que l'on veut faire à autrui ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas constaté par ailleurs que les propos du prévenu relatif à la ceinture d'explosifs étaient établis, n'a pas justifié son arrêt au regard des articles 433-3 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que la menace lancée en l'air, sans être adressée à une personne déterminée ou déterminable, n'est pas punissable ; qu'après avoir constaté que les propos tenus par M. [D], l'avaient été à haute voix, en vociférant, dans un contexte personnel douloureux lié à la mort de son père, la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'ils avaient été adressés spécialement à un ou plusieurs membres identifiés du personnel de l'hôpital, n'a pas justifié son arrêt au regard des articles 433-3 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour requalifier les faits poursuivis sous la qualification d'apologie du terrorisme en menaces de commettre un crime ou un délit, et en déclarer M. [D] coupable, l'arrêt attaqué énonce que les propos « je crois que vous n'avez pas compris, je travaille pour Daesh moi », « je repars en Syrie, je fais partie de Daesh si vous n'avez pas compris », « je vais reprendre du service et reprendre contact avec Daesh », ont été tenus par le prévenu devant des professionnels de santé dans l'exercice de leurs fonctions, qu'il désigne nommément. 9. Les juges énoncent qu'en se prévalant de son appartenance personnelle à une organisation terroriste responsable de plusieurs attentats récemment commis en France et de son intention de la rejoindre, le prévenu avait pour objectif d'intimider et de menacer ses interlocuteurs par l'annonce de possibles actions de la nature de celles que cette organisation conduit et promeut habituellement, constitutives de crimes ou de délits contre les personnes ou les biens, s'agissant d'homicides ou de destructions. 10. Ils ajoutent que le prévenu a agi en pleine connaissance de la qualité de professionnels de santé des personnes devant qui il proférait ces menaces. 11. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel, qui a exactement déduit des propos tenus la caractérisation des crimes ou délits contre les personnes ou les biens que le prévenu menaçait de commettre et a souverainement apprécié qu'il résultait des éléments du dossier que tous ces propos avaient été tenus devant des professionnels de santé nommément désignés, a justifié sa décision. 12. Le moyen doit dès lors être rejeté. 13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit juin deux mille vingt-deux.
Déduit exactement des propos tenus que le délit de menaces aggravées est caractérisé en tous ses éléments la cour d'appel qui retient que le prévenu, en se prévalant, devant des professionnels de santé dans l'exercice de leurs fonctions, de son appartenance personnelle à une organisation terroriste responsable de plusieurs attentats récemment commis en France et de son intention de la rejoindre, avait pour objectif d'intimider et de menacer ses interlocuteurs par l'annonce de possibles actions de la nature de celles que cette organisation conduit et promeut habituellement, constitutives de crime ou de délit contre les personnes ou les biens, s'agissant d'homicides ou de destructions
7,991
CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 565 FS-B Pourvoi n° R 21-10.333 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022 Le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-10.333 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant à M. [R] [H], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan et Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2020), le 30 mars 2018, M. [H], avocat inscrit au barreau de Paris, a été mis en examen du chef d'abus de faiblesse et placé sous contrôle judiciaire. 2. Sur saisine des juges d'instruction en application de l'article 138, alinéa 2, 12°, du code de procédure pénale, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris (le conseil de l'ordre) a, par un arrêté du 26 avril 2018, prononcé à l'égard de M. [H] la mesure de suspension provisoire d'exercice. 3. A la demande du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris (le bâtonnier), le conseil de l'ordre a renouvelé cette mesure par arrêtés successifs des 10 août 2018, 6 décembre 2018 et 2 avril 2019. 4. M. [H] a formé des recours contre ces trois dernières décisions. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le bâtonnier fait grief à l'arrêt d'annuler les arrêtés des 10 août 2018, 6 décembre 2018 et 2 avril 2019, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, que le conseil de l'ordre peut, à la demande du bâtonnier, procéder au renouvellement de la suspension provisoire d'un avocat qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'exercer sa profession ; qu'en retenant, pour annuler les trois arrêtés disciplinaires portant prolongation de la suspension provisoire prononcée à l'encontre de M. [H], que ces arrêtés avaient été pris irrégulièrement dès lors que le conseil de l'ordre s'était prononcé sans avoir été saisi d'une demande de renouvellement de cette mesure par les juges d'instruction qui avaient placé l'avocat sous contrôle judiciaire, quand le bâtonnier pouvait saisir lui-même le conseil de l'ordre afin qu'il procède à ce renouvellement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2°/ qu'il résulte de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, que le conseil de l'ordre peut, à la demande du bâtonnier, procéder au renouvellement de la suspension provisoire d'un avocat qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'exercer sa profession tant que ce contrôle judiciaire est en cours ; qu'en retenant, pour annuler les trois arrêtés disciplinaires portant prolongation de la suspension provisoire prononcée à l'encontre de M. [H], que ces arrêtés avaient été pris irrégulièrement dès lors que le conseil de l'ordre s'était prononcé sans avoir été saisi d'une demande de renouvellement de cette mesure par les juges d'instruction qui avaient placé l'avocat sous contrôle judiciaire, sans rechercher si, à la date à laquelle ils ont été adoptés, le contrôle judiciaire de M. [H] portant interdiction d'exercer la profession d'avocat était toujours en cours, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 138 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. Une mesure de suspension provisoire d'exercice d'un avocat peut être prononcée par le conseil de l'ordre : - en application de l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, à la demande du procureur général ou du bâtonnier lorsque l'avocat fait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire et que l'urgence ou la protection du public l'exigent ; - en application de l'article 138, alinéa 2, 12°, du code de procédure pénale, lorsqu'un contrôle judiciaire est ordonné par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention visant à astreindre l'avocat à ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle et que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ont saisi le conseil de l'ordre à cet effet. 7. Il résulte de ces textes que, lorsque la mesure de suspension initiale est ordonnée en application de l'article 138 précité, seul le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention a compétence pour saisir le conseil de l'ordre aux fins d'en solliciter le renouvellement, de sorte que le procureur général ou le bâtonnier ne peut demander un tel renouvellement en application de l'article 24 précité. 8. Ayant retenu à bon droit que seuls les juges d'instruction saisis et non le bâtonnier pouvaient saisir le conseil de l'ordre d'une demande de renouvellement de la mesure de suspension provisoire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, n'a pu qu'en déduire que les trois arrêtés renouvelant la mesure de suspension provisoire à la requête du bâtonnier devaient être annulés. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris Le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé les arrêtés disciplinaires des 10 août 2018, 6 décembre 2018 et 2 avril 2019 prolongeant la mesure de suspension provisoire d'exercice ordonnée à l'encontre de M. [H] le 26 avril 2018 ; 1) ALORS QU'il résulte de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi no 2004-130 du 11 février 2004, que le conseil de l'ordre peut, à la demande du bâtonnier, procéder au renouvellement de la suspension provisoire d'un avocat qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'exercer sa profession ; qu'en retenant, pour annuler les trois arrêtés disciplinaires portant prolongation de la suspension provisoire prononcée à l'encontre de M. [H], que ces arrêtés avaient été pris irrégulièrement dès lors que le conseil de l'ordre s'était prononcé sans avoir été saisi d'une demande de renouvellement de cette mesure par les juges d'instruction qui avaient placé l'avocat sous contrôle judiciaire, quand le bâtonnier pouvait saisir lui-même le conseil de l'ordre afin qu'il procède à ce renouvellement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2) ALORS, en toute hypothèse, QU'il résulte de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi no 2004-130 du 11 février 2004, que le conseil de l'ordre peut, à la demande du bâtonnier, procéder au renouvellement de la suspension provisoire d'un avocat qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'exercer sa profession tant que ce contrôle judiciaire est en cours ; qu'en retenant, pour annuler les trois arrêtés disciplinaires portant prolongation de la suspension provisoire prononcée à l'encontre de M. [H], que ces arrêtés avaient été pris irrégulièrement dès lors que le conseil de l'ordre s'était prononcé sans avoir été saisi d'une demande de renouvellement de cette mesure par les juges d'instruction qui avaient placé l'avocat sous contrôle judiciaire, sans rechercher si, à la date à laquelle ils ont été adoptés, le contrôle judiciaire de M. [H] portant interdiction d'exercer la profession d'avocat était toujours en cours, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 138 du Code de procédure pénale.
Une mesure de suspension provisoire d'exercice d'un avocat peut être prononcée par le conseil de l'ordre, d'une part en application de l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, à la demande du procureur général ou du bâtonnier lorsque l'avocat fait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire et que l'urgence ou la protection du public l'exigent, d'autre part en application de l'article 138, alinéa 2, 12°, du code de procédure pénale, lorsqu'un contrôle judiciaire est ordonné par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention visant à astreindre l'avocat à ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle et que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ont saisi le conseil de l'ordre à cet effet. Il en résulte que, lorsque la mesure de suspension initiale est ordonnée en application de l'article 138 du code de procédure pénale, seul le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention a compétence pour saisir le conseil de l'ordre aux fins d'en solliciter le renouvellement, de sorte que le procureur général ou le bâtonnier ne peut demander un tel renouvellement en application de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971
7,992
CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 582 F-B Pourvoi n° E 20-50.040 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022 Le procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son parquet général, 1 rue du Palais, 69321 Lyon cedex, a formé le pourvoi n° E 20-50.040 contre l'ordonnance rendue le 9 novembre 2020 par le premier président de la cour d'appel de Lyon, dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [O] [L], domicilié [Adresse 2], [Localité 5], 2°/ au préfet du Rhône - ARS -, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 6], 3°/ au centre hospitalier [8], dont le siège est [Adresse 3], [Localité 4], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Lyon, 9 novembre 2020), et les pièces de la procédure, le 29 novembre 2017, un tribunal correctionnel a dit que M. [L] avait commis des faits de dégradation volontaire d'un bien appartenant à autrui par un incendie, l'a déclaré pénalement irresponsable de ces faits en raison d'un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes et a décidé, sur le fondement des articles 122-1 du code pénal et 706-135 du code de procédure pénale, son admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète. Par arrêté du préfet du 11 avril 2018, la mesure a pris la forme d'un programme de soins. 2. Par requête du 12 octobre 2020, M. [L] a saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête aux fins de mainlevée de la mesure. Recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre le centre hospitalier [Localité 7] de Dieu, examinée d'office Vu les articles 609 du code de procédure civile, R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique : 3. Conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties. 4. Le pourvoi formé contre le centre hospitalier [Localité 7] de Dieu, qui n'était pas partie à l'instance, n'est pas recevable. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le procureur général près la cour d'appel de Lyon fait grief à l'ordonnance de décider de la mainlevée de la mesure, alors « que selon l'article L. 3211-12, II, du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens ; le juge ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du présent code ; qu'en ordonnant la mainlevée de la mesure de soins concernant M. [L], sans avoir ordonné préalablement les deux expertises, le premier président a violé l'article L. 3211-12, II, du code de la santé publique. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 6. M. [L] conteste la recevabilité du moyen, comme étant nouveau. 7. Cependant, le moyen ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond. 8. Le moyen, de pur droit, est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article L. 3211-12, II, du code de la santé publique : 9. Il résulte de ce texte que le juge ne peut ordonner la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques prononcée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, lorsque les faits sont punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens, qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du code de la santé publique. Ces dispositions s'appliquent même si la mesure a pris ultérieurement la forme d'un programme de soins. 10. Pour accueillir la requête aux fins de mainlevée du programme de soins, l'ordonnance retient qu'aucun des certificats médicaux ne caractérise de façon circonstanciée et précise l'existence actuelle chez M. [L] de troubles mentaux de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte de façon grave à l'ordre public. 11. En statuant ainsi, sans avoir recueilli les deux expertises requises par la loi, le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, la Cour : DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le centre hospitalier [Localité 7] de Dieu ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 novembre 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Lyon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Lyon EN CE QUE l'ordonnance de la juridiction du premier président du 9 novembre 2020 a ordonné la main-levée de la mesure d'hospitalisation de Monsieur [O] [L] sans avoir recueilli préalablement deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du code de la santé publique (pièce 1). Alors que le législateur a instauré un régime spécial de mainlevée des hospitalisations sans consentement faisant suite à une irresponsabilité pénale pour des faits revêtus d'une certaine gravité, en soumettant la décision du juge à une double expertise psychiatrique si le patient s'est rendu coupable d'une atteinte aux personnes punie d'une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement ou d'une atteinte aux biens punie d'au moins dix ans d'emprisonnement. En l'espèce, Monsieur [O] [L] a été déclaré coupable de faits de dégradations du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, délit puni d'une peine de 10 ans d'emprisonnement en application de l'article 322-6 du code pénal (pièce 2). Dès lors, -le juge des libertés et de la détention ne pouvait statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du code de la santé publique, exigence rappelée par l'ordonnance de la juridiction du premier président du 5 novembre 2020 (pièce 3). Cet avis a été rendu le 6 novembre 2020 et a conclu à ta nécessité de poursuivre les soins en ambulatoire (pièce 4) . Au regard de l'article L3211-12 II du code de la santé publique, l'avis de ce collège n'est pas suffisant si le juge envisage d'ordonner la main-levée de la mesure d'hospitalisation quelle qu'en soit la forme. Il doit préalablement avoir recueilli deux expertises psychiatriques. Or, le conseiller délégué par le premier président a fondé sa décision de mainlevée de la mesure d'hospitalisation uniquement sur les certificats médicaux mensuels et de situation communiqués par le centre hospitalier ainsi que sur l'avis du collège d'experts. En omettant d'ordonner à titre préalable une double expertise psychiatrique, le juge a méconnu les dispositions de l'article L3211-12 II du code de la santé publique.
Il résulte de l'article L. 3211-12, II, du code de la santé publique que le juge ne peut ordonner la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques prononcée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, lorsque les faits sont punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens, qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du code de la santé publique. Ces dispositions s'appliquent même si la mesure a pris ultérieurement la forme d'un programme de soins
7,993
CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 584 F-B Pourvoi n° N 21-13.550 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022 Mme [X] [M], domiciliée [Adresse 2]), a formé le pourvoi n° N 21-13.550 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2021 par la cour d'appel de [Localité 4] (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Enedis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [M], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Enedis, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 4], 18 janvier 2021), suivant acte authentique du 26 octobre 2006, Mme [M] a acquis un bien immobilier à [Localité 3]. 2. Soutenant qu'un transformateur électrique avait été installé sans autorisation sur sa propriété, Mme [M] a assigné la société Enedis devant la juridiction judiciaire en paiement de dommages-intérêts et d'une indemnité d'occupation jusqu'à son déplacement ou sa suppression. En appel, la société Enedis a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Mme [M] fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire incompétente et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors : « 1°/ que le paiement d'une indemnité d'occupation ne constitue pas une mesure de nature à porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public, de sorte que la juridiction judiciaire est compétente pour connaître d'une telle demande, dirigée contre une personne privée ; qu'en subordonnant la compétence du juge judiciaire pour connaître d'une demande en paiement d'indemnité d'occupation dirigée contre la société Enedis, personne morale de droit privé, à l'existence d'une voie de fait, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 7 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ; 2°/ que Mme [M] faisait valoir que le déplacement du poste électrique s'avérait impossible dès lors qu'il servait à alimenter en électricité toute la commune d'[Localité 3] de sorte que l'implantation irrégulière du transformateur électrique comportait extinction de son droit de propriété ; qu'en retenant que la demande de Mme [M] portait sur l'indemnisation de la privation de jouissance de 11 m2 de sa propriété résultant de l'existence d'un relais électrique, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 3°/ qu'en se bornant à retenir que l'implantation sans titre de l'ouvrage litigieux ne constituait pas une voie de fait sans rechercher si, comme le soutenait l'exposante, elle ne constituait pas une emprise irrégulière qui, entraînant une dépossession définitive, avait pour effet l'extinction de son droit de propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790. » Réponse de la Cour 4. Si la décision d'une personne publique d'implanter un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété, elle n'a pas pour effet l'extinction de ce droit, de sorte que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur le recours en annulation de cette décision ainsi que sur la réparation de ses conséquences dommageables. 5. La cour d'appel a relevé que Mme [M] invoquait l'irrégularité de l'installation du transformateur électrique et demandait l'indemnisation des préjudices qui en résultait. 6. Il en résulte que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les conclusions de Mme [M] tendant à la réparation des conséquences de l'atteinte portée à sa propriété, laquelle n'a pas pour effet l'extinction de son droit de propriété. 7. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme [M]. Mme [M] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à l'exception d'incompétence de la juridiction judiciaire, de s'être déclarée incompétente et d'avoir renvoyé les parties à mieux se pourvoir ; 1°) ALORS QUE le paiement d'une indemnité d'occupation ne constitue pas une mesure de nature à porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public, de sorte que la juridiction judiciaire est compétente pour connaître d'une telle demande, dirigée contre une personne privée ; qu'en subordonnant la compétence du juge judiciaire pour connaître d'une demande en paiement d'indemnité d'occupation dirigée contre la société Enedis, personne morale de droit privée, à l'existence d'une voie de fait, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 7 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ; Subsidiairement 2°) ALORS QUE Mme [M] faisait valoir que le déplacement du poste électrique s'avérait impossible dès lors qu'il servait à alimenter en électricité toute la commune d'[Localité 3] de sorte que l'implantation irrégulière du transformateur électrique comportait extinction de son droit de propriété ; qu'en retenant que la demande de Mme [M] portait sur l'indemnisation de la privation de jouissance de 11 m2 de sa propriété résultant de l'existence d'un relais électrique, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en se bornant à retenir que l'implantation sans titre de l'ouvrage litigieux ne constituait pas une voie de fait sans rechercher si, comme le soutenait l'exposante, elle ne constituait pas une emprise irrégulière qui, entrainant une dépossession définitive, avait pour effet l'extinction de son droit de propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790.
Si la décision d'une personne publique d'implanter un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété, elle n'a pas pour effet l'extinction de ce droit, de sorte que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur le recours en annulation de cette décision, ainsi que sur la réparation de ses conséquences dommageables
7,994
CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 549 FS-B Pourvoi n° P 21-18.450 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022 Mme [Y] [V], épouse [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-18.450 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société BP mixte, société par actions simplifiées, dont le siège est [Adresse 2], représentée par la SAS Citya immobilier, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [G], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société BP mixte, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2021), Mme [G] (la locataire), agent de La Poste, a signé, le 2 novembre 1990 avec La Poste, une convention portant sur l'occupation d'un logement « consentie à titre précaire et révocable, à laquelle l'Etat pourra mettre fin à toute époque », stipulant qu'elle « prendra fin automatiquement, en cas de cessation des fonctions administratives de l'occupant, d'affectation de l'immeuble à un service public ou en cas de vente du bien par l'Etat ». 2. Le 12 décembre 2001, l'immeuble a fait l'objet d'un déclassement du domaine public puis, La Poste, devenue une société de droit privé, a fait apport, à compter du 1er avril 2005, de l'immeuble à sa filiale, la société civile immobilière BP mixte, devenue la société BP mixte (la bailleresse). 3. Le 29 janvier 2019, la bailleresse a assigné la locataire, en retraite depuis le 2 décembre 2005, en expulsion et en fixation d'une indemnité d'occupation. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 5. La locataire fait grief à l'arrêt de constater que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire, figurant dans la convention d'occupation précaire conclue le 2 novembre 1990, sont réunies à la date du 2 décembre 2005, de lui ordonner de libérer l'appartement dans les huit jours de la signification de la décision et de fixer l'indemnité mensuelle d'occupation jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux, alors « qu'est incompatible avec la qualification de convention d'occupation précaire et doit être requalifiée en contrat de bail d'habitation soumis aux dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989, la convention conférant au preneur, en contrepartie d'un loyer la jouissance d'un appartement dans lequel il demeure depuis plus 15 ans, sans qu'aucune cause objective de précarité ne soit fournie par le bailleur pour justifier l'exclusion des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 ; qu'en se bornant cependant à énoncer, pour refuser de requalifier la convention d'occupation précaire en bail d'habitation, qu'en vertu de la convention du 2 novembre 1990, par motifs propres que « la mise à disposition consentie avait un terme ; que lors de son départ à la retraite survenu le 2 décembre 2005, [Y] [G] savait qu'elle ne bénéficiait plus de droits sur le bien puisque la mise à disposition avait pris fin automatiquement » et par motifs adoptés que le courrier du 30 juin 2015 ne contenait pas « une renonciation de la SCI BP Mixte aux conditions de résiliation posées par la convention ni l'ajout de clause résolutoire de libération de l'ensemble des appartements de l'immeuble et de relogement », la cour qui a statué par des motifs impropres à caractériser, s'agissant d'un local d'habitation, l'existence au moment de la signature de la convention du 2 novembre 1990 de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté de Mme [G] et de La Poste justifiant le recours à une convention d'occupation précaire, a violé l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989. » Réponse de la Cour Vu l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 : 6. Il résulte de ce texte, d'ordre public, que, dès le déclassement d'un bien du domaine public, sa location à usage d'habitation à titre de résidence principale, est soumise aux dispositions du titre 1er de cette loi. En conséquence, la validité d'une convention y dérogeant est conditionnée à l'existence de circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties autres que celles résultant de la seule domanialité du bien, ce qu'il appartient au juge de vérifier. 7. Pour accueillir la demande de la bailleresse, l'arrêt retient que le contrat ne concerne pas le domaine public mais un bien relevant du domaine privé de l'Etat, que la locataire a signé une convention prévoyant qu'elle prendra fin automatiquement en cas de cessation des fonctions administratives de l'occupant, en sorte que la mise à disposition consentie avait un terme, ce qui excluait que le bail puisse avoir été considéré comme un bail d'habitation de droit commun. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions confirmant le jugement entrepris en ce qu'il : -constate l'acquisition de la clause résolutoire figurant dans la convention d'occupation précaire conclue le 2 novembre 1990 entre l'Etat, aux droits duquel vient la SCI BP Mixte, et Mme [G] concernant l'appartement à usage d'habitation situé [Adresse 1], sont réunis à la date du 2 décembre 2005 ; -ordonne, en conséquence, à Mme [G] et à tous occupants de son chef de libérer l'appartement dans les huit jours de la signification du présent jugement ; -autorise, à défaut pour Mme [G] d'avoir volontairement libéré les lieux dans ce délai, la SCI BP Mixte venant aux droits de l'Etat à faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ; -condamne Mme [G] à verser à la SCI BP Mixte, venant aux droits de l'Etat, une indemnité mensuelle d°occupation jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux ; -fixe le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation à un montant égal au montant de la redevance et des charges qui auraient été dus en l'absence de la résiliation de la convention, soit un montant 761 euros, outre charges et révisions annuelles ; -condamne Mme [G] à verser à la SCI BP Mixte, venant aux droits de l'Etat, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; et en ce qu'il y ajoute, condamne Mme [G] à payer à la SCI BP Mixte la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; l'arrêt rendu le 26 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société BP mixte aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BP mixte et la condamne à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Letourneur, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme [G] Madame [Y] [G] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant dans la convention d'occupation précaire conclue le 2 novembre 1990 entre l'Etat, aux droits duquel vient la SCI BP Mixte, et Mme [Y] [G] concernant l'appartement à usage d'habitation situé au [Adresse 1], sont réunies à la date du 2 décembre 2005, ordonné à Mme [G] et à tous occupants de son chef de libérer l'appartement dans les huit jours de la signification de la décision et fixé l'indemnité mensuelle d'occupation que Mme [G] devra verser à la SCI BP Mixte jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux à la somme de 761 euros par mois ; 1°) ALORS QUE les dispositions de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989 sont d'ordre public ; qu'elles s'appliquent aux locations de locaux à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation, qui constituent la résidence principale du preneur, ainsi qu'aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur ; qu'en estimant qu' à la date du 2 décembre 2005 les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant dans la convention d'occupation précaire conclue le 2 novembre 1990 entre l'Etat, aux droits duquel vient la SCI BP Mixte, et Mme [G], concernant l'appartement occupé par celle-ci étaient réunies, aux motifs propres que « les dispositions de l'article 23 de la loi du 2 juillet 1990 relatives à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom qui dispose que « les biens de la Poste relevant de son domaine public sont déclassés. Ils peuvent être librement gérés et aliénés dans les conditions du droit commun » ne prévoient qu'une possibilité pour les biens déclassés de voir leur régime modifié pour recouvrer un régime de droit privé ; que cependant sur ce point aucun acte n'est présenté concernant les rapports entre les parties et régissant l'occupation du bien litigieux par [Y] [G] » (arrêt, p. 5, § 5 et 6) et aux motifs adoptés que l'article 2 de la convention du 2 novembre 1990 prévoyait qu'« en tout état de cause, la convention prendra fin automatiquement en cas de cessation des fonctions administratives de l'occupant » et que « Madame [G] a cessé ses fonctions d'agent de la Poste le 2 décembre 2005 » (jugement, p. 5, § 9 et 10), sans rechercher, comme il lui était demandé, si les lieux loués de longue date à Mme [G] n'étaient pas indépendants des locaux affectés au service public de La Poste et de tout autre local ayant pu être affecté au service à l'usage des services postaux, de sorte qu'ils ne constituaient pas des dépendances du domaine public de l'établissement public de La Poste et que les rapports entre les parties devaient être régis par la loi du 6 juillet 1989, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989 ; 2°) ALORS QU'est incompatible avec la qualification de convention d'occupation précaire et doit être requalifiée en contrat de bail d'habitation soumis aux dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989, la convention conférant au preneur, en contrepartie d'un loyer la jouissance d'un appartement dans lequel il demeure depuis plus 15 ans, sans qu'aucune cause objective de précarité ne soit fournie par le bailleur pour justifier l'exclusion des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 ; qu'en se bornant cependant à énoncer, pour refuser de requalifier la convention d'occupation précaire en bail d'habitation, qu'en vertu de la convention du 2 novembre 1990, par motifs propres que « la mise à disposition consentie avait un terme ; que lors de son départ à la retraite survenu le 2 décembre 2005, [Y] [G] savait qu'elle ne bénéficiait plus de droits sur le bien puisque la mise à disposition avait pris fin automatiquement » » (arrêt p.4, in fine) et par motifs adoptés que le courrier du 30 juin 2015 ne contenait pas « une renonciation de la SCI BP Mixte aux conditions de résiliation posées par la convention ni l'ajout de clause résolutoire de libération de l'ensemble des appartement de l'immeuble et de relogement » (jugement, p.6, § 1), la cour qui a statué par des motifs impropres à caractériser, s'agissant d'un local d'habitation, l'existence au moment de la signature de la convention du 2 novembre 1990 de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté de Mme [G] et de La Poste justifiant le recours à une convention d'occupation précaire, a violé l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989.
Il résulte de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, d'ordre public, que, dès le déclassement d'un bien du domaine public, sa location à usage d'habitation à titre de résidence principale, est soumise aux dispositions du titre 1 de cette loi. En conséquence, la validité d'une convention y dérogeant est conditionnée à l'existence de circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties autres que celles résultant de la seule domanialité du bien, ce qu'il appartient au juge de vérifier
7,995
COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 445 F-B Pourvoi n° V 20-20.085 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 JUILLET 2022 La société Findis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° V 20-20.085 contre l'arrêt rendu le 22 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [J] [S], domicilié [Adresse 5], 2°/ à Mme [H] [S], épouse [U], domiciliée [Adresse 2], 3°/ à M. [V] [S], domicilié [Adresse 3], 4°/ à Mme [X] [S], épouse [M], domiciliée [Adresse 4], 5°/ à la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Findis, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de MM. [J] et [V] et de Mmes [H] et [X] [S], après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 19 juin 2019, pourvoi n° 17-28.804), MM. [J] et [V] [S] et Mmes [H] et [X] [S] (les consorts [S]) ont cédé à la société Findis l'intégralité des actions qu'ils détenaient dans le capital de la société [S] Holding. Par acte du même jour, ils lui ont consenti une garantie de passif, dont la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté (la banque) s'est, par un acte du 20 décembre 2011, rendue caution solidaire, dans la limite de 250 000 euros. 2. A plusieurs reprises, la société Findis a mis en œuvre la garantie de passif par lettre recommandée avec accusé de réception, puis assigné en paiement les consorts [S] ainsi que la banque. Ceux-ci ont, à chaque fois, opposé l'irrecevabilité de la demande de la société Findis pour non-respect de la clause prévoyant une procédure de conciliation amiable préalable obligatoire, stipulée dans la convention de garantie. Examen des moyens Sur le troisième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal, réunis Enoncé des moyens 4. Par son premier moyen, la société Findis fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à voir condamner les consorts [S] à lui payer la somme de 49 639 euros au titre de l'appel en garantie qu'elle leur a notifié le 12 janvier 2012, alors « qu'une procédure de conciliation obligatoire préalable qui n'est soumise à aucun formalisme est valablement engagée par la notification d'une demande ou d'un désaccord, auquel son destinataire a pu répliquer ; qu'une telle procédure n'oblige pas les parties à parvenir à un accord ou à formuler des concessions lors de cette tentative de conciliation ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable la demande de la société Findis, tendant à la mobilisation de la garantie de passif au titre d'un redressement URSSAF, motif pris qu'il ne ressortait pas des différentes lettres échangées par les parties à compter de la contestation des consorts [S], qu'elles avaient entrepris quelque démarche susceptible d'aboutir à un règlement amiable, après avoir pourtant constaté que la clause de conciliation préalable se bornait à imposer aux parties de tenter de trouver une solution amiable, sans imposer un quelconque formalisme, et que la société Findis avait notifié cette réclamation aux consorts [S] le 12 janvier 2012, tandis que ces derniers avaient contesté cette demande de mobilisation de la garantie le 23 janvier 2012, ce dont il résultait que la procédure de conciliation préalable obligatoire avait été respectée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. » 5. Par son deuxième moyen, la société Findis fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à voir condamner les consorts [S] à lui payer la somme de 35 772,96 euros au titre de l'appel en garantie qu'elle leur a notifié le 28 octobre 2013, alors « qu'une procédure de conciliation obligatoire préalable qui n'est soumise à aucun formalisme est valablement engagée par la notification d'une demande ou d'un désaccord, auquel son destinataire a pu répliquer ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable la demande de la société Findis, tendant à la mobilisation de la garantie de passif au titre de loyers impayés à la société BNP Paribas lease, motif pris que les parties n'avaient eu aucun échange dans le mois qui avait suivi le désaccord formalisé par les consorts [S], après avoir cependant constaté que la clause de conciliation préalable se bornait à imposer aux parties de tenter de trouver une solution amiable, sans imposer un quelconque formalisme, et que la société Findis avait notifié cette réclamation aux consorts [S] le 28 octobre 2013, tandis que ces derniers avaient fait part de leur contestation de cette demande de mobilisation de la garantie le 19 novembre 2013, ce dont il résultait que la procédure de conciliation préalable obligatoire avait été respectée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. L'article 12 de la convention de garantie énonce : « Si certaines clauses du présent contrat ne peuvent être respectées, totalement ou partiellement, ou qu'il y a divergence d'interprétation et désaccord, les parties tenteront de trouver une solution amiable dans un délai d'un mois du fait générateur soit entre elles, soit par l'intermédiaire d'un tiers nommé par M. le président du tribunal de commerce de Lille statuant en la forme des référés et sans recours possible, à moins que les parties ne le désignent d'un commun accord. / Toute contestation, divergence d'interprétation ou désaccord, devra faire l'objet d'une notification dans les conditions stipulées à l'article 10 ci-dessus. / La date de réception de la lettre recommandée avec accusé de réception ou la date de présentation, si cette dernière n'est pas retirée par son destinataire, fera courir le délai d'un mois. / La présente clause n'est pas une clause d'arbitrage mais elle est une phase pré-contentieuse dans le règlement amiable de la difficulté intervenue. / À défaut d'accord amiable sur le litige les opposant au terme du délai d'un mois précité, le litige sera soumis, par la partie la plus diligente, au tribunal de commerce de Lille. » 7. La cour d'appel, qui a exactement retenu que ces stipulations, dont il n'est pas contesté qu'elles subordonnent la saisine du juge à la mise en œuvre d'une procédure préalable de conciliation, imposent d'établir la réalité d'une recherche préalable par les parties d'une solution amiable à leur désaccord, laquelle ne peut résulter du seul fait que le délai d'un mois à compter de ce désaccord a couru, et relevé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que, s'agissant du litige relatif à la demande de l'URSSAF, il ne ressort pas des courriers produits que l'une ou l'autre des parties ait entrepris quelque démarche susceptible d'aboutir à un règlement amiable de leur désaccord et que, s'agissant du litige relatif à l'action de la société BNP Paribas lease group, il n'est justifié d'aucune démarche tendant à une résolution amiable du désaccord opposant les parties, celles-ci n'ayant même pas échangé quelque correspondance que ce soit dans le mois qui a suivi l'expression du désaccord par les consorts [S], en a exactement déduit que la société Findis était irrecevable en son action de ces chefs. 8. Les moyens ne sont donc pas fondés. Sur le quatrième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 9. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes tendant à voir condamner les consorts [S] à lui payer les sommes de 49 639 euros, 35 772,96 euros et 34 253 euros au titre des appels en garantie qu'elle leur avait notifiés les 12 janvier 2012, 28 octobre 2013 et 12 décembre 2013, alors « qu'une demande formulée en justice au mépris d'une procédure de conciliation préalable obligatoire n'en demeure pas moins recevable, lorsqu'elle est connexe à une autre demande, elle-même recevable ; qu'en se bornant à énoncer que rien ne s'opposait à ce que la juridiction saisie examine le seul chef de demande qui échappait à la clause de conciliation préalable obligatoire, à savoir la procédure mise en œuvre par l'Autorité de la concurrence, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette demande était connexe avec celles tendant à la mobilisation de la garantie au titre du redressement URSSAF, des loyers réclamés par la société BNP Paribas lease et d'une rectification fiscale, de sorte que ces dernières pouvaient être examinées au fond nonobstant le fait qu'elles avaient été formulées en justice avant toute procédure de conciliation obligatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 122 du code de procédure civile. » 10. Il résulte des stipulations de l'article 12 de la convention de garantie que toute demande initiale en justice d'une partie à la convention procédant d'un désaccord avec l'autre partie relatif au respect ou à l'interprétation de cette convention est subordonnée à la mise en œuvre d'une procédure de conciliation amiable préalable, peu important son éventuelle connexité avec une demande initiale en justice qui ne serait pas soumise à une telle procédure. 11. La cour d'appel, qui a retenu que les demandes initiales en justice de la société Findis relatives à la garantie due par les consorts [S] au titre du litige avec l'URSSAF, de l'action de la société BNP Paribas lease et du redressement fiscal, n'avaient pas été précédées d'une tentative de conciliation amiable par les parties, en a exactement déduit, sans avoir à se livrer à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, qu'elles étaient irrecevables. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 13. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer la société Findis recevable à agir à son encontre, alors « que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ; qu'elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur ; qu'en jugeant, pour déclarer la société Findis recevable à agir à l'encontre de la banque, que la fin de non-recevoir tirée du non-respect de la clause de conciliation obligatoire et préalable ne concernait que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principal et non de la dette de remboursement elle-même, de sorte qu'elle ne constituait pas une exception inhérente à la dette que la caution pouvait opposer, quand une telle clause a pour objet de trouver un règlement amiable du litige, ce qui concerne directement le sort de la dette principale, de sorte que le non-respect de cette clause est une exception inhérente à la dette opposable par la caution, la cour d'appel a violé l'article 2313 du code civil. » Réponse de la Cour 14. Aux termes de l'article 2313 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur. 15. La fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, ne concerne, lorsqu'une telle clause figure dans un contrat de prêt ou une convention de garantie de passif, que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même dont la caution est également tenue, de sorte qu'elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer. 16. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Findis. PREMIER MOYEN DE CASSATION La Société FINDIS FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable sa demande tendant à voir condamner Monsieur [J] [S], Monsieur [V] [S], Madame [X] [S] épouse [M] et Madame [H] [S] épouse [U] à lui payer la somme de 49.639 euros au titre de l'appel en garantie qu'elle leur a notifié le 12 janvier 2012 ; ALORS QU'une procédure de conciliation obligatoire préalable qui n'est soumise à aucun formalisme est valablement engagée par la notification d'une demande ou d'un désaccord, auquel son destinataire a pu répliquer ; qu'une telle procédure n'oblige pas les parties à parvenir à un accord ou à formuler des concessions lors de cette tentative de conciliation ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable la demande de la Société FINDIS, tendant à la mobilisation de la garantie de passif au titre d'un redressement URSSAF, motif pris qu'il ne ressortait pas des différentes lettres échangées par les parties à compter de la contestation des consorts [S], qu'elles avaient entrepris quelque démarche susceptible d'aboutir à un règlement amiable, après avoir pourtant constaté que la clause de conciliation préalable se bornait à imposer aux parties de tenter de trouver une solution amiable, sans imposer un quelconque formalisme, et que la Société FINDIS avait notifié cette réclamation aux consorts [S] le 12 janvier 2012, tandis que ces derniers avaient contesté cette demande de mobilisation de la garantie le 23 janvier 2012, ce dont il résultait que la procédure de conciliation préalable obligatoire avait été respectée, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 122 du Code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La Société FINDIS FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable sa demande tendant à voir condamner Monsieur [J] [S], Monsieur [V] [S], Madame [X] [S] épouse [M], et Madame [H] [S] épouse [U] à lui payer la somme de 35.772,96 euros au titre de l'appel en garantie qu'elle leur a notifié le 28 octobre 2013 ; ALORS QU'une procédure de conciliation obligatoire préalable qui n'est soumise à aucun formalisme est valablement engagée par la notification d'une demande ou d'un désaccord, auquel son destinataire a pu répliquer ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable la demande de la Société FINDIS, tendant à la mobilisation de la garantie de passif au titre de loyers impayés à la Société BNP PARIBAS LEASE, motif pris que les parties n'avaient eu aucun échange dans le mois qui avait suivi le désaccord formalisé par les consorts [S], après avoir cependant constaté que la clause de conciliation préalable se bornait à imposer aux parties de tenter de trouver une solution amiable, sans imposer un quelconque formalisme, et que la Société FINDIS avait notifié cette réclamation aux consorts [S] le 28 octobre 2013, tandis que ces derniers avaient fait part de leur contestation de cette demande de mobilisation de la garantie le 19 novembre 2013, ce dont il résultait que la procédure de conciliation préalable obligatoire avait été respectée, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 122 du Code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La Société FINDIS FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable sa demande tendant à voir condamner Monsieur [J] [S], Monsieur [V] [S], Madame [X] [S] épouse [M] et Madame [H] [S] épouse [U] à lui payer la somme de 34.253 euros au titre de l'appel en garantie qu'elle leur a notifié le 12 décembre 2013 ; ALORS QUE l'article 12 de la garantie de passif stipule qu'en cas de désaccord, les parties tenteront de trouver une solution amiable dans un délai d'un mois à compter du fait générateur ; que celui-ci est constitué par la contestation des garants quant à la mise en oeuvre de la garantie ; qu'il en résulte que ce délai ne trouve pas à s'appliquer en l'absence de contestation ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable la demande de la Société FINDIS, tendant à la mobilisation de la garantie de passif au titre d'une rectification fiscale, motif pris qu'elle avait assigné les consorts [S] sans qu'ils aient pu exprimer leur désaccord dans le délai d'un mois prévu à l'article 12, bien qu'en l'absence d'une contestation des garants sur la prise en charge de cette demande, ce délai n'ait pas été applicable, de sorte que la Société FINDIS était en droit de formuler cette demande en justice en l'absence de tentative de conciliation préalable obligatoire, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 122 du Code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) La Société FINDIS FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables ses demandes tendant à voir condamner Monsieur [J] [S], Monsieur [V] [S], Madame [X] [S] épouse [M], et Madame [H] [S] épouse [U] à lui payer les sommes de 49.639 euros, 35.772,96 euros et 34.253 euros au titre des appels en garantie qu'elle leur avait notifiés les 12 janvier 2012, 28 octobre 2013 et 12 décembre 2013 ; ALORS QU'une demande formulée en justice au mépris d'une procédure de conciliation préalable obligatoire n'en demeure pas moins recevable, lorsqu'elle est connexe à une autre demande, elle-même recevable ; qu'en se bornant à énoncer que rien ne s'opposait à ce que la juridiction saisie examine le seul chef de demande qui échappait à la clause de conciliation préalable obligatoire, à savoir la procédure mise en oeuvre par l'Autorité de la concurrence, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette demande était connexe avec celles tendant à la mobilisation de la garantie au titre du redressement URSSAF, des loyers réclamés par la Société BNP PARIBAS LEASE et d'une rectification fiscale, de sorte que ces dernières pouvaient être examinées au fond nonobstant le fait qu'elles avaient été formulées en justice avant toute procédure de conciliation obligatoire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 122 du Code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté. La Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable à agir la société Findis à son encontre ; ALORS QUE la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ; qu'elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur ; qu'en jugeant, pour déclarer la société Findis recevable à agir à l'encontre de la banque, que la fin de non-recevoir tirée du non-respect de la clause de conciliation obligatoire et préalable ne concernait que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principal et non de la dette de remboursement elle-même, de sorte qu'elle ne constituait pas une exception inhérente à la dette que la caution pouvait opposer, quand une telle clause a pour objet de trouver un règlement amiable du litige, ce qui concerne directement le sort de la dette principale, de sorte que le non-respect de cette clause est une exception inhérente à la dette opposable par la caution, la cour d'appel a violé l'article 2313 du code civil.
Aux termes de l'article 2313 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur. La fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, ne concerne, lorsqu'une telle clause figure dans un contrat de prêt ou une convention de garantie de passif, que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même dont la caution est également tenue, de sorte qu'elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer
7,996
COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 447 F-B Pourvoi n° C 20-17.355 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 JUILLET 2022 1°/ Mme [O] [U], 2°/ M. [Z] [U], tous deux domiciliés [Adresse 4], ont formé le pourvoi n° C 20-17.355 contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre B), dans le litige les opposant à la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. et Mme [U], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 30 octobre 2019), par un acte du 23 décembre 2010, la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon (la banque) a consenti à la société Le pétrin d'Honoré Béziers (la société) un prêt d'un montant de 330 000 euros, garanti, aux termes du même acte, par le cautionnement solidaire de M. et Mme [U], dans la limite de 429 000 euros et pour une durée de neuf ans. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné M. et Mme [U], qui lui ont opposé la disproportion de leur engagement et un manquement à son obligation d'information annuelle des cautions. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 2. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la banque la somme de 288 691,55 euros, alors : « 1°/ que l'erreur de retranscription de la formule "mes revenus et mes biens" en "mes revenus et bien" affecte la portée des mentions manuscrites dont la reproduction est prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation applicable en la cause, cette erreur pouvant altérer la compréhension par la caution du sens et de la portée de son engagement, dont elle peut penser, peu important que ce soit à tort ou à raison, qu'il n'engage que ses revenus et l'un de ses biens et non l'ensemble de ses biens; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ce texte par refus d'application ; 2°/ qu'en décidant que cette erreur ne limitait pas en tous cas le gage de la banque aux seuls revenus des cautions, à supposer les engagements valables et non manifestement disproportionnés aux biens et revenus des cautions, la cour a derechef violé l'article L. 341-2 du Code de la consommation applicable en la cause. » Réponse de la Cour 3. L'arrêt retient que l'emploi du singulier sur l'un des termes de l'expression « mes revenus et bien » n'est qu'une faute d'accord entre le pronom « mes » et le substantif « bien », qui doivent s'accorder en genre et en nombre. 4. La cour d'appel a pu en déduire que cette imperfection mineure ne permettait pas de douter de la connaissance qu'avaient les cautions de la nature et de la portée de leur engagement, ce dont il résulte que cette erreur matérielle n'a pas affecté la validité du cautionnement et n'a pas eu pour conséquence de limiter le gage du créancier. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur ce moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 6. M. et Mme [U] font le même grief à l'arrêt, alors « qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit, suppose que la caution se trouve, lorsqu'elle le souscrit, dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus et que la disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels ; qu'en se prononçant par de tels motifs, pris d'une appréciation de la disproportion éventuelle des engagements des cautions au regard de "l'ensemble de leurs biens", motif pris que le document unique intitulé "questionnaire confidentiel caution" faisait état d'un "patrimoine commun qui autorise à prendre en considération l'ensemble de leurs biens dans l'appréciation de la disproportion qu'ils allèguent d'ailleurs ensemble", quand elle relevait que les époux [U] étaient mariés sous le régime de la séparation des biens et que de tels motifs ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer de la disproportion ou non du cautionnement de Mme [U] à ses biens et revenus personnels au jour de son engagement ni de la disproportion ou non du cautionnement de M. [U] à ses biens et revenus personnels au jour de son engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation. » Réponse de la Cour 7. Il incombe à la caution qui entend opposer au créancier la disproportion de son engagement par rapport à ses biens et revenus à la date de sa souscription, d'en rapporter la preuve. 8. Dans leurs écritures d'appel, M. et Mme [U] faisaient valoir que leur engagement de caution était disproportionné au regard de leurs biens et revenus, dont ils faisaient masse, sans préciser le patrimoine propre à chacun d'eux. Aucun d'entre eux n'ayant donc soutenu que son engagement de caution était disproportionné par rapport à ses seuls biens propres et, le cas échéant, indivis ainsi qu'à ses seuls revenus, la cour d'appel, qui a constaté que le montant cautionné représentait moins d'un quart de l'actif net patrimonial du couple, a pu, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le grief, statuer comme elle l'a fait. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 10. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de les condamner à verser à la banque des intérêts à compter du 19 septembre 2013 au taux de 6,30 % sur la somme de 274 944,33 euros, alors : « 1°/ que les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement ; que le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information, les paiements effectués par le débiteur principal étant réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ; que cette obligation d'information subsiste jusqu'à l'extinction de la créance ; que si aucune forme particulière n'est prescrite à raison d'une information qui peut en conséquence être donnée par simple lettre, la charge de la preuve de l'accomplissement de cette formalité repose toutefois sur le banquier ; qu'en estimant que la banque apportait la preuve de cet envoi par la production des courriers des 8 mars 2011, 21 mars 2012 et 19 mars 2013 qui contiennent le détail de ces informations "et les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013 annexant le modèle de cette lettre d'information et comportant la liste des destinataires sur laquelle apparaissent M. et Mme [U] (d'ailleurs pour l'ensemble des trois engagements de caution)", quand les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013, qui ne procédaient que de contrôles par sondages des envois effectués par la banque et non d'un contrôle de chaque envoi effectué, ne comportaient aucune liste de destinataires faisant apparaître M. et Mme [U], la cour d'appel a dénaturé ces écrits en violation de l'article 1103, anciennement 1134, du code civil ; 2°/ qu'à supposer adoptés les motifs des premiers juges, en statuant de la sorte quand elle constatait que les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013 ne procédaient que de contrôles par sondages des envois effectués par la banque et non d'un contrôle de chaque envoi effectué, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour 11. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a considéré, par motifs propres et adoptés, que la banque rapportait la preuve de l'envoi des lettres d'information annuelle à M. et Mme [U] en produisant, d'une part, les courriers des 8 mars 2011, 21 mars 2012 et 19 mars 2013 adressés à ces derniers, qui contiennent ladite information, et, d'autre part, les listes des lettres d'information adressées de 2011 à 2013 aux personnes s'étant portées caution au profit de la banque, sur lesquelles figurait le nom de M. et Mme [U], ainsi que le procès-verbal de constat de l'huissier de justice ayant procédé au contrôle par sondage de l'édition, du contenu, de la mise sous pli et de l'expédition des lettres d'information annuelle des cautions correspondant à la liste précitée, attestant ainsi globalement des envois annuels aux cautions. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [U] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [U] et les condamne à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [U]. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, D'AVOIR condamné des cautions (les époux [U]) à verser à un prêteur de deniers (la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON), la somme de 288 691,55 € en principal ; AUX MOTIFS PROPRES QU'en premier lieu, aux termes de l'article L. 341-2 du Code de la consommation, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X ... , dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ... , je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même » ;qu'en vertu de l'article L. 341-3 du même Code, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, sous la même sanction, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante: « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du Code civil et en m'obligeant solidairement avec X ... , je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X ... » ; que si le formalisme édicté par ces textes, dont la lettre comme l'esprit visent à assurer l'information précise et complète de la caution quant à la portée exacte de son engagement, conditionne la validité même de l'acte de cautionnement, la sanction est toutefois écartée dans le cas où, si divergences il y a, la mention employée n'est atteinte que d'imperfections mineures ou d'une erreur matérielle qui n'en affectent ni le sens ni la portée ; qu'en l'occurrence [Z] comme [O] [U] qui relèvent le fait que l'expression « mes revenus et mes biens » a été retranscrite sous la forme « mes revenus et bien » ne peuvent sérieusement soutenir que l'emploi du singulier sur l'un de ces termes rend cette mention inintelligible et les privent de la possibilité de comprendre la nature et la portée de leurs engagements au point d'en entraîner la nullité, alors qu'il ne s'agit manifestement là que d'une faute d'accord entre l'adjectif possessif « mes » et le substantif « bien », dont chacun sait qu'ils doivent s'accorder en genre et en nombre; qu'ils ne peuvent davantage, et à titre subsidiaire, réclamer pour cette même raison la limitation de la garantie à leurs seuls revenus au motif qu'il existerait une imprécision sur le bien concerné alors qu'à suivre leur thèse il leur appartenait de désigner celui-ci s'ils avaient entendu, nécessairement en accord avec le préteur, réduire l'assiette de leur garantie à un seul bien ; qu'en deuxième lieu aux termes de l'article L. 341-4 du Code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la disproportion dont la charge de la preuve incombe à la caution doit être manifeste, c'est-à-dire flagrante ou évidente, et s'apprécie au jour de la souscription de l'engagement de caution, au regard de cet engagement, de l'endettement global de la caution et de ses biens et revenus ; qu'en l'occurrence si les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens et s'il ne ressort pas de leurs engagements respectifs que chacun d'eux ait donné son accord au cautionnement souscrit par son conjoint, le document unique intitulé « questionnaire confidentiel caution » qu'ils ont ensemble rempli fait état d'un patrimoine commun qui autorise à prendre en considération l'ensemble de leurs biens dans l'appréciation de la disproportion qu'ils allèguent d'ailleurs ensemble ; qu'ils ont ainsi indiqué, en certifiant cette déclaration sincère et véritable, être propriétaires d'abord de deux immeubles l'un à [Localité 2] évalué 500 000 €, l'autre à [Localité 3] évalué 900 000 €, celui-ci étant seul concerné par un passif initial de 260 000 € correspondant au montant d'un prêt remboursable sur une durée de dix ans venant à terme en 2016, ensuite de trois fonds de commerce pour un total estimé de 1 120 000 €, enfin d'un placement financier de 38 000 € ; que s'y ajoutent toujours selon leur déclaration les revenus annuels de 69 377 € pour le mari et de 7 163 € pour l'épouse tirés de la société TNS ; qu'il pèse sur la caution une obligation de loyauté et de sincérité dans les informations transmises dont la véracité n'a pas à être vérifiée par l'établissement bancaire en l'absence d'anomalies apparentes ; et que seuls peuvent être pris en compte les éléments dont le créancier avait connaissance lors du contrat de cautionnement ; qu'ils ne peuvent dès lors désormais invoquer des revenus moindres que ceux annoncés, ni la charge non déclarée que représentent les échéances mensuelles de remboursement de 960 € correspondant à un prêt consenti par le CREDIT AGRICOLE et celle d'un loyer de 1 350 €; qu'en revanche, il était nécessairement à la connaissance de la banque, et spécialement de l'agence avec laquelle ils étaient en relation d'affaires, qu'ils s'étaient également portés cautions le 24 septembre 2009 et à hauteur de 75 000 € du prêt de la somme de 300 000 € consenti à la SARL BOULANGERIE DU CENTRE, puis le 26 novembre 2010, soit un mois avant les engagements litigieux et pour la totalité de cette somme, du prêt de 325 000 € consenti à la SCI ESPERANZA ; que toutefois et en tenant compte de ces engagements, leur actif net patrimonial s'établissait le 23 décembre 2010 à 1 923 000 €, excluant en conséquence que l'engagement litigieux parce qu'il ne représentait que moins du quart de cette somme puisse apparaître comme étant manifestement disproportionné à leurs biens et revenus; qu'il s'ensuit la confirmation de ce chef de la décision critiquée, de même que de celui rejetant la demande subsidiaire en paiement d'une somme égale à celle réclamée par la banque qui viendrait sanctionner un défaut de la vérification de leur capacité financières, dont il ressort de ce qui précède qu'elle a été pour l'essentiel remplie alors qu'en tout état de cause les époux [U] ne justifie d'aucun préjudice qui en découlerait directement ; qu'en troisième lieu aux termes de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement ; que le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information, les paiements effectués par le débiteur principal étant réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ; que cette obligation d'information subsiste jusqu'à l'extinction de la créance ; que si aucune forme particulière n'est prescrite à raison d'une information qui peut en conséquence être donnée par simple lettre, la charge de la preuve de l'accomplissement de cette formalité repose toutefois sur le banquier, lequel l'apporte suffisamment par la production des courriers des 8 mars 2011, 21 mars 2012 et 19 mars 2013 qui contiennent le détail de ces informations et les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013 annexant le modèle de cette lettre d'information et comportant la liste des destinataires sur laquelle apparaissent [Z] et [O] [U] (d'ailleurs pour l'ensemble des trois engagements de caution); ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES, POUR CEUX NON CONTRAIRES, QUE sur la disproportion de l'engagement des cautions : les époux [U] soutiennent que la banque leur a fait souscrire un engagement manifestement disproportionné à leurs biens et revenus et qu'il ne peut dès lors se prévaloir du contrat de cautionnement ainsi qu'il résulte de l'article L.341-4 du Code de la consommation ; qu'aux termes de ce texte : « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation » ; qu'en l'espèce, il ressort de l'examen de la « fiche de renseignements confidentiels cautions» renseignée par les époux [U] dont les signatures respectives sur ce document sont précédées de la mention manuscrite « certifié sincère et véritable » que : les revenus annuels de Monsieur [U] s'établissaient à 69 377,00 € et ceux de son épouse à 7 163,00 € soit 76 540 € à eux deux soit 6 378,33 €/mois et non pas à 4 333 € / mois comme indiqué aujourd'hui, leur patrimoine immobilier était déclaré pour une valeur nette de 140 000,00 € (soit 1 400 000,00 - 260 000), ils étaient également propriétaire de trois fonds de commerce d'une valeur déclarée de 1 120 000,00 € (100 000 + 900 000 + 120 000) et d'un placement financier AXA estimé à 38 000,00 € ; que leur patrimoine, tel que déclaré, s'établissait donc à 2 298 000 € ; qu'au titre de leurs charges, les époux [U] mentionnaient uniquement le remboursement d'un prêt immobilier contracté en 2006, d'un montant de 260 000,00 € et d'une durée de 10 ans ; qu'il ne faisaient pas état d'un prêt de 90 000,00 € ni d'une charge de loyer de 1 350 € / mois ; qu'ils ne mentionnaient pas davantage les deux cautionnements dont ils font aujourd'hui état à hauteur de 650 000,00 € (350 k€ + 300 k€) ; que l'examen des pièces 7 et 8 des défendeurs montre que le cautionnement du prêt consenti à la Société ESPERANZA est de 100 % pour chacune des cautions soit 325 0000,00 € et non pas 350 000,00 €, de même le cautionnement du prêt consenti à la Société BOULANGERIE DU CENTRE n'est pas de 100 % du montant du prêt mais de 25 % soit 75 000,00 € chacun ; qu'en tout état de cause, les époux [U] ne sauraient se prévaloir au moment où ils sont appelés à exécuter leurs engagements de cautions, de fausses déclarations ou d'omissions sur leur situation quand ils ont contracté lesdits engagements ; que les contractants sont présumés de bonne foi et la banque n'avait pas à vérifier la sincérité des informations données . par les cautions, informations certifiées sincères et véritables ; qu'au surplus, il convient de souligner que même en intégrant les deux cautionnements non déclarés, les engagements cumulés des deux cautions, pour un montant de 904 000 € (429 k€ + 325 k€ + 150 k€) restaient compatibles avec leurs revenus et patrimoine détaillés plus haut ; qu'a fortiori, le seul engagement de caution à hauteur de 429 000 € n'était pas disproportionné ; que le moyen tiré de la disproportion de l'engagement de la caution sera donc écarté ; 1°) ALORS QUE l'erreur de retranscription de la formule « mes revenus et mes biens » en « mes revenus et bien » affecte la portée des mentions manuscrites dont la reproduction est prévue par l'article L. 341-2 du Code de la consommation applicable en la cause, cette erreur pouvant altérer la compréhension par la caution du sens et de la portée de son engagement dont elle peut penser, peu important que ce soit à tort ou à raison, qu'il n'engage que ses revenus et l'un de ses biens et non l'ensemble de ses biens; qu'en décidant le contraire, la Cour a violé ce texte par refus d'application ; 2°) ALORS QU'en décidant que cette erreur ne limitait pas en tous cas le gage de la banque aux seuls revenus des cautions, à supposer les engagements valables et non manifestement disproportionnés aux biens et revenus des cautions, la Cour a derechef violé l'article L. 341-2 du Code de la consommation applicable en la cause ; 3°) ALORS QU'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit, suppose que la caution se trouve, lorsqu'elle le souscrit, dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus et que la disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels ; qu'en se prononçant par de tels motifs, pris d'une appréciation de la disproportion éventuelle des engagements des cautions au regard de « l'ensemble de leurs biens » motif pris que le document unique intitulé « questionnaire confidentiel caution » faisait état d'un « patrimoine commun qui autorise à prendre en considération l'ensemble de leurs biens dans l'appréciation de la disproportion qu'ils allèguent d'ailleurs ensemble », quand elle relevait que les époux [U] étaient mariés sous le régime de la séparation des biens et que de tels motifs ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer de la disproportion ou non du cautionnement de Madame [U] à ses biens et revenus personnels au jour de son engagement ni de la disproportion ou non du cautionnement de Monsieur [U] à ses biens et revenus personnels au jour de son engagement, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.341-4 du Code de la consommation. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef D'AVOIR condamné des cautions (les époux [U]) à verser à un prêteur de deniers (la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON), des intérêts à compter du 19 septembre 2013 au taux de 6,30% sur la somme de 274 944,33 € ; AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement ; que le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information, les paiements effectués par le débiteur principal étant réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ; que cette obligation d'information subsiste jusqu'à l'extinction de la créance ; que si aucune forme particulière n'est prescrite à raison d'une information qui peut en conséquence être donnée par simple lettre, la charge de la preuve de l'accomplissement de cette formalité repose toutefois sur le banquier, lequel l'apporte suffisamment par la production des courriers des 8 mars 2011, 21 mars 2012 et 19 mars 2013 qui contiennent le détail de ces informations et les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013 annexant le modèle de cette lettre d'information et comportant la liste des destinataires sur laquelle apparaissent [Z] et [O] [U] (d'ailleurs pour l'ensemble des trois engagements de caution); que s'agissant de l'information due pour les années suivantes et alors que la banque ne produit que la copie des courriers datés des 26 mars 2014 et 25 mars 2015, les époux [U] page 9 de leurs conclusions constatent le fait sans toutefois en nier formellement la réception, de telle sorte qu'il convient de tenir l'information pour acquise, à la différence des années 2016 à 2018 pour lesquelles ils contestent avoir reçu cette information, ce dont il s'ensuit la déchéance des intérêts échus à compter du 1er janvier 2015 et jusqu'au 1er mars 2018, date de l'extinction de la créance en conséquence de la survenance du terme du prêt ; que cette déchéance ne concerne toutefois que les intérêts dus par la caution en cette qualité et non ceux dus par la caution par application de l'article 1153 alinéa 3 du Code civil et ne prive donc pas le créancier du droit au paiement des intérêts moratoires au taux légal à compter de sa mise en demeure ; que la décision déférée sera infirmée dans cette mesure ; que s'agissant enfin de l'obligation d'information de la caution prévue par l'article L 341-1 ancien du Code de la consommation portant sur la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement, il ressort du jugement déféré que la banque a renoncé aux pénalités et intérêts de retard entre le 1er septembre 2012 et le 18 septembre 2013 ; ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES, POUR CEUX NON CONTRAIRES, QUE sur l'information annuelle des cautions : la banque verse aux débats (ses pièces 8 et 9) la liste des lettres d'information aux cautions pour les années 2011 à 2013, listes où figurent les nom de Monsieur et Madame [U], ainsi que le procès-verbal de constat de l'huissier de justice ayant procédé au contrôle par sondage de l'édition, du contenu, de la mise sous pli et de l'expédition des courriers d'information annuelle des cautions correspondant à la liste susvisée ; que la banque produit également les lettres d'information adressées à Monsieur [U] et à Madame [U] les 26 mars 2014 et 25 mars 2015 ; que ces éléments suffisent à établir que la banque a satisfait à l'obligation d'information annuelle des cautions prévue par l'article L.313-22 du Code monétaire et financier ; 1°) ALORS QUE les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement ; que le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information, les paiements effectués par le débiteur principal étant réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ; que cette obligation d'information subsiste jusqu'à l'extinction de la créance ; que si aucune forme particulière n'est prescrite à raison d'une information qui peut en conséquence être donnée par simple lettre, la charge de la preuve de l'accomplissement de cette formalité repose toutefois sur le banquier ; qu'en estimant que la banque apportait la preuve de cet envoi par la production des courriers des 8 mars 2011, 21 mars 2012 et 19 mars 2013 qui contiennent le détail de ces informations « et les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013 annexant le modèle de cette lettre d'information et comportant la liste des destinataires sur laquelle apparaissent [Z] et [O] [U] (d'ailleurs pour l'ensemble des trois engagements de caution) », quand les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013, qui ne procédaient que de contrôles par sondages des envois effectués par la banque et non d'un contrôle de chaque envoi effectué, ne comportaient aucune liste de destinataires faisant apparaître [Z] et [O] [U], la Cour a dénaturé ces écrits en violation de l'article 1103 (anciennement 1134) du Code civil ; 2°) ALORS, à supposer adoptés les motifs des premiers juges, QU'en statuant de la sorte quand elle constatait que les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013 ne procédaient que de contrôles par sondages des envois effectués par la banque et non d'un contrôle de chaque envoi effectué, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier.
Il appartient à la caution qui entend opposer au créancier la disproportion de son engagement par rapport à ses biens et revenus à la date de sa souscription, d'en rapporter la preuve. Lorsque des époux qui se sont portés cautions de la même dette font masse de leurs biens et revenus, sans préciser le patrimoine propre à chacun d'eux, et ne prétendent pas que l'engagement de chacun d'eux était disproportionné au regard de ses seuls biens et revenus, la cour d'appel peut prendre en compte, dans son analyse de la proportionnalité des engagements litigieux, l'ensemble de leurs biens
7,997
COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Cassation sans renvoi M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 449 F-B Pourvoi n° M 19-19.107 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. [K]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 12 septembre 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 JUILLET 2022 La communauté de communes Questembert communauté, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 3], a formé le pourvoi n° M 19-19.107 contre le jugement rendu le 15 mai 2019 par le tribunal d'instance de Vannes, dans le litige l'opposant à M. [Y] [K], domicilié [Adresse 1], [Localité 2], défendeur à la cassation. M. [K] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la communauté de communes Questembert communauté, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Vannes, 15 mai 2019), rendu en dernier ressort, la communauté de communes Questembert communauté (la communauté de communes) a émis, à l'encontre de M. [K], deux factures de redevance d'enlèvement des ordures ménagères correspondant aux exercices 2016 et 2017, respectivement datées des 21 avril 2016 et 13 avril 2017, rendues exécutoires et valant titre à défaut de contestation. 2. Après rejet, le 24 juin 2016, de sa demande d'exonération pour l'exercice 2016, M. [K] a, par acte du 22 février 2018, assigné la communauté de communes aux fins d'annulation de ces deux titres de perception. Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La communauté de communes fait grief au jugement de déclarer recevable la demande de M. [K], alors « que l'indication, dans la décision, des voies de recours, qui, avec l'indication du délai, rend opposable le délai de recours de deux mois pour contester une créance assise et liquidée par une personne publique, impose seulement à l'administration de mentionner l'ordre juridictionnel compétent pour connaître de la contestation ; que le tribunal d'instance, qui a retenu que les délais de recours n'étaient pas opposables faute de désignation de la juridiction devant laquelle le recours devait être porté, après avoir pourtant constaté que "les factures de 2016 et 2017" mentionnaient qu'il était possible, dans un délai de deux mois, de "contester la somme indiquée (…) en saisissant le tribunal judiciaire", n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales et R. 421-5 du code de justice administrative. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, et R. 421-5 du code de justice administrative : 4. Aux termes du premier de ces textes, l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. 5. Selon le second, les délais de recours contre une décision administrative doivent, pour être opposables, avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. 6. Pour déclarer recevable l'action de M. [K], le jugement relève que les factures de 2016 et de 2017 mentionnent, au chapitre « voies de recours » : « dans un délai de deux mois suivant la réception de la facture, vous pouvez contester la somme indiquée au recto en saisissant le tribunal judiciaire (instance ou grande instance selon la somme et le seuil défini à l'article R. 321-1 du code de l'organisation judiciaire) conformément à l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ». 7. Il retient que la notification du titre de perception ne désignait pas la juridiction devant laquelle le recours devait être porté, de sorte que les délais de recours ne sont pas opposables à M. [K]. 8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de l'acte de notification de chacun des titres de perception que le recours devait être formé dans un délai de deux mois devant l'une ou l'autre des juridictions de l'ordre judiciaire, ce qui suffisait à rendre ce délai opposable au débiteur dès lors que, l'eût-elle été à tort, la juridiction saisie se devait de désigner celle qu'elle estimait compétente, devant laquelle l'instance se serait poursuivie sans intervention des parties, conformément aux dispositions des articles 96, alinéa 2, et 97, devenus 81, alinéa 2, et 82, du code de procédure civile, le tribunal a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. La cassation prononcée rend sans objet le pourvoi incident formé par M. [K]. 10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 12. La notification à M. [K] des titres de perception, respectivement en avril 2016 et avril 2017, ayant fait courir le délai de recours de deux mois, son action, introduite par une assignation du 22 février 2018, doit être déclarée irrecevable comme prescrite. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal ni sur le pourvoi incident, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 15 mai 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Vannes ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déclare irrecevable, comme prescrite, en application de l'article L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales, l'action intentée par M. [K] contre la communauté de communes Questembert communauté ; Condamne M. [K] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le tribunal d'instance ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [K] et le condamne à payer à la communauté de communes Questembert communauté la somme de 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la communauté de communes Questembert communauté. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR jugé recevable la demande de M. [Y] [K] ; AUX MOTIFS QUE l'article L. 1617-5, 2° du code général des collectivités territoriales prévoit que l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ; que l'action dont dispose le débiteur de la créance visée à l'alinéa précédent pour contester directement devant le juge de l'exécution mentionné aux articles L. 213-5 et L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire la régularité formelle de l'acte de poursuite diligenté à son encontre se prescrit dans le délai de deux mois suivant la notification de l'acte contesté ; que l'article R. 421-5 du code de la justice administrative prévoit que les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ; que pour déclarer l'action de la société Grand Moka irrecevable comme prescrite, la cour d'appel retient que le titre, daté du 18 décembre 2009, précise les modalités de règlement, les renseignements, réclamations, difficultés de paiement et voies de recours dont il peut faire l'objet ; que le titre mentionne expressément « attention la contestation amiable ne suspend pas le délai de saisine du juge judiciaire » et précise que la créance peut être contestée en fonction de sa nature en saisissant directement le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent selon la nature de la créance, indiquant au surplus parmi les exemples que les redevances d'assainissement sont portées devant le tribunal d'instance si le montant est inférieur à 7 600 € et devant le tribunal de grande instance au-delà de ce seuil, qu'il résulte de ces éléments que le redevable a été clairement informé des délais de recours, de l'effet non suspensif de la contestation amiable à l'égard de la saisine du juge judiciaire et de la nécessité de saisir le tribunal de grande instance eu égard au montant de la créance ; en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que la notification du titre de perception ne désignait pas la juridiction devant laquelle le recours devait être porté, la cour d'appel a violé les textes susvisés : article L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales et R. 421-5 du code de justice administrative (Cour de cassation, chambre civile 2, 8 janvier 2015, n° de pourvoi : 13-27678. Bulletin 2015, Il, n° 4.) ; qu'en l'espèce, les factures 2016 & 2017 mentionnent au chapitre « voies de recours » : « dans un délai de deux mois suivant la réception de la facture, vous pouvez contester la somme indiquée au recto en saisissant le tribunal judiciaire (instance ou grande instance selon la somme et le seuil défini à l'article R. 321-1 du code de l'organisation judiciaire) conformément à l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ; que, dès lors, la notification du titre de perception ne désigne pas la juridiction devant laquelle le recours devait être porté ; que les délais de recours ne sont donc pas opposables à [Y] [K] et sa demande sera déclarée recevable ; 1°) ALORS QUE l'indication dans la décision des voies de recours, qui, avec l'indication du délai, rend opposable le délai de recours de deux mois pour contester une créance assise et liquidée par une personne publique, impose seulement à l'administration de mentionner l'ordre juridictionnel compétent pour connaître de la contestation ; que le tribunal d'instance, qui a retenu que les délais de recours n'étaient pas opposables faute de désignation de la juridiction devant laquelle le recours devait être porté, après avoir pourtant constaté que les « factures de 2016 et 2017 » mentionnaient qu'il était possible, dans un délai de deux mois, de « contester la somme indiquée (…) en saisissant le tribunal judiciaire », n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 1617-5 2° du code général des collectivités territoriales et R. 421-5 du code de justice administrative ; 2°) ALORS en tout état de cause QUE l'indication de ce que le tribunal compétent est le tribunal d'instance ou de grande instance selon le montant de la contestation en cause, satisfait aux exigences de l'article R. 421-5 du code de justice administrative ; que le tribunal d'instance, qui a retenu que les délais de recours n'étaient pas opposables faute de désignation de la juridiction devant laquelle le recours devait être porté, après avoir pourtant constaté que les titres mentionnaient qu'il était possible de saisir le « tribunal judiciaire (instance ou grande instance selon la somme et le seuil défini à l'article R. 321-1 du code de l'organisation judiciaire) », n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 1617-5 2° du code général des collectivités territoriales et R. 421-5 du code de justice administrative ; 3°) ALORS en toute hypothèse QUE si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en l'espèce, l'assignation avait pour objet de faire prononcer la nullité, d'une part, d'une « facture » au titre de l'exercice 2016 dont M. [K] avait eu notification au plus tard, selon les constatations du tribunal, le 24 juin 2016 et, d'autre part, d'une facture au titre de l'exercice 2017 dont M. [K] indiquait dans ses conclusions (p. 2) qu'elle lui avait été « délivrée » le 20 avril 2017, ce dont il résultait que le recours, formé le 22 février 2018, était exercé au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en jugeant néanmoins la demande recevable, le tribunal a violé les articles L. 1617-5 2° du code général des collectivités territoriales et R. 421-5 du code de justice administrative. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR prononcé la nullité des titres de perceptions notifiés à M. [K] par la communauté de communes Questembert Communauté au titre des redevances d'enlèvement des ordures ménagères 2016 et 2017 ; AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article 81, alinéa 1er, du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique que tout ordre de recette doit indiquer les bases de la liquidation ; que la circulaire du 18 juin 1998, relative au recouvrement des recettes des collectivités territoriales et établissements publics locaux et à la forme et au contenu des titres de recettes, impose la mention, dans le titre exécutoire, de la référence aux textes sur lesquels est fondée l'existence de la créance (Cour de cassation, chambre commerciale, 14 février 2012, no de pourvoi : 11-13887) ; que, pour rejeter la demande de M. X..., les jugements retiennent que les références des délibérations constituant le fondement de la redevance étaient indiquées dans les titres émis à son encontre, ce qui lui a permis de les trouver sur le site internet de la communauté de communes du pays de Palluau ; en statuant ainsi, alors que la circulaire du 18 juin 1998, relative au recouvrement des recettes des collectivités territoriales et établissements publics locaux et à la forme et au contenu des titres de recettes, imposait à la communauté de communes de mentionner, soit dans les titres exécutoires eux-mêmes soit par référence expresse à un document joint à un état exécutoire précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fondait pour mettre les sommes en cause à la charge du redevable, le tribunal a violé le texte de l'article 81, alinéa 1er, du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique (Cour de cassation, chambre commerciale, 5 juillet 2016 n° de pourvoi : 15-17087 15-17088.) ; que la communauté de communes Questembert Communauté a décidé d'un tarif de redevance d'enlèvement des ordures ménagères dans sa délibération du 12 décembre 2016 ; que M. [K] fait valoir que les factures de redevance d'enlèvement des ordures ménagères se bornent à renvoyer à un tarif détaillé sans toutefois que la référence à la délibération de l'établissement public ou de la délibération fondant la redevance ne soient jointes aux factures ; que les factures de redevance d'enlèvement des ordures ménagères, rendues exécutoires et dont la régularité est contestée, ne mentionnent aucune délibération instituant la redevance ; que l'une des factures comporte en annexe une grille tarifaire, suivant délibération n° 2016-12-20 du conseil communautaire du 12 décembre 2016, précisant « détail des vidages réalisés : bac 180 I refus, n° puce : nombre de levées : 0 » ; qu'ainsi, il résulte des pièces produites que ni la délibération instituant la redevance, ni la délibération du 12 décembre 2016 n'ont été annexées aux factures, qu'il en résulte que M. [K] n'a pas été mis en mesure de connaître les bases de la liquidation, en particulier à la lumière des distinctions opérées par les articles L. 2333-76 et 78 du code général des collectivités territoriales, entre une redevance calculée en fonction du service rendu ou fixée de manière forfaitaire pour l'élimination de petites quantités de déchets ; que M. [K] est donc fondé à solliciter et obtenir l'annulation de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères qui est réclamée pour les années 2016 et 2017 par la communauté de communes Questembert Communauté ; 1°) ALORS QUE le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en se fondant, pour retenir que M. [K] n'avait pas été mis en mesure de connaître les bases de la liquidation, sur ce que ni la délibération instituant la redevance ni la délibération du 12 décembre 2016 n'avaient été « annexées » aux factures, sans avoir au préalable invité la communauté de communes à présenter ses observations sur ce moyen relevé d'office – M. [K] s'étant borné à reprocher aux titres de ne pas faire « référence » audites délibérations –, le tribunal d'instance a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'indication, dans l'état exécutoire, des bases de la liquidation, n'implique pas d'y annexer les décisions administratives sur lesquelles se fonde la créance ; que le tribunal qui, pour retenir que M. [K] n'avait pas été mis en mesure de connaître les bases de la liquidation, a retenu que ni la délibération instituant la redevance, ni la délibération du 12 décembre 2016 n'avaient été annexées aux factures, a violé l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; 3°) ALORS QU'un état exécutoire est régulier dès lors qu'il indique les bases de liquidation de la dette, les éléments de calcul sur lesquels il repose et fait référence aux textes sur lesquels est fondée la créance ; que, pour retenir que le titre exécutoire délivré au titre de l'exercice 2017 ne permettait pas à M. [K] de connaître les bases de la liquidation, le tribunal, qui a pourtant constaté que cette facture de 151,61 €, d'une part, comportait en annexe une grille tarifaire, d'autre part, faisait référence à la délibération du 20 décembre 2016 ayant déterminé les tarifs et, enfin, précisait « détails des visages réalisés : bac 180 I refus, no puce : nombre de levées : 0 », n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; 4°) ALORS QUE la communauté de communes avait produit l'état exécutoire au titre de l'exercice 2016 d'une somme de 151,61 € (production n° 3 des conclusions d'appel), lequel comportait aussi en annexe une grille tarifaire, une référence à la délibération du 19 octobre 2015 ayant fixé ces tarifs et indiquait « bac 180 I refus, n° puce : nombre de levées : 0 » ; qu'en jugeant que l'une des factures seulement comportait ces éléments, le tribunal d'instance a dénaturé cette production, en violation du principe interdisant aux juges de dénaturer les documents de la cause ; 5°) ALORS QUE la communauté de communes soutenait (conclusions p. 6) qu'elle avait préalablement adressé à M. [K] deux courriers l'informant des bases de la liquidation afférentes aux factures litigieuses ; que le tribunal, qui n'a pas répondu à ce moyen opérant, a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour M. [K]. IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué D'AVOIR débouté M. [Y] [K] de sa demande aux fins de dire qu'il n'était pas redevable de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères 2016 et 2017 ; AUX MOTIFS QUE « sur l'absence de service rendu ; que l'article L. 2333-76, alinéa 1er, du code général des collectivités territoriales prévoit que les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes qui bénéficient de la compétence prévue à l'article L. 2224-13 peuvent instituer une redevance d'enlèvement des ordures ménagères calculée en fonction du service rendu dès lors qu'ils assurent au moins la collecte des déchets des ménages ; que pour accueillir partiellement cette demande, le jugement retient qu'il ressort de l'analyse des pièces et des attestations produites par les époux X… qu'ils assurent personnellement l'évacuation et l'élimination de leurs déchets, qu'ils n'ont pas recours au service collectif de ramassage des ordures ménagères ; en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'évacuation et l'élimination des déchets, effectuées par les époux X…, l'étaient conformément à l'article L. 541-2 du code de l'environnement, la juridiction de proximité n'a pas donné de base légale à sa décision (Cour de cassation, chambre civile 3, 26 septembre 2012. N° de pourvoi : 11-20393. Bulletin 2012, III, n° 133.) ; qu'ayant retenu exactement que la redevance d'enlèvement des ordures ménagères est calculée en fonction du service rendu et n'est pas due lorsque le service n'est pas fourni et souverainement que le Sictom ne rapportait pas la preuve qu'il avait mis à disposition de M. X… un conteneur lui permettant de bénéficier de la collecte de ses déchets ni qu'il avait offert de lui rendre les services facturés au titre des redevances, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a déduit à bon droit que M. X… n'était pas redevable de ces redevances et que les titres exécutoires émis pour ces années devaient être annulés (Cour de cassation, chambre civile 3, 19 mai 2016. N° de pourvoi : 15-12409.) ; qu'il résulte de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales que, si la redevance d'enlèvement des ordures ménagères doit être calculée en fonction du service rendu, son tarif peut, en raison des caractéristiques de l'habitat, inclure une part fixe qui n'excède pas les coûts non proportionnels ; pour annuler le titre exécutoire émis à l'encontre de M. Y…, après avoir relevé que la communauté de communes mettait à la disposition des usagers qui ne résidaient pas dans un immeuble collectif deux types de conteneurs, selon le nombre de personnes occupant le foyer, le jugement retient que la part fixe de la redevance s'élève à 4 centimes par litre d'ordures ménagères, pour les foyers disposant d'un bac de deux cent quarante litres et ne dépassant pas quinze levées annuelles, tandis qu'elle s'élève à 6,22 centimes par litre d'ordures ménagères pour les foyers disposant d'un bac de cent vingt litres ; il ajoute que le volume de collecte prévu pour les foyers disposant d'un bac de cent vingt litres correspond à la production de déchets d'un foyer composé de deux personnes ; il en déduit que l'assiette retenue pour la facturation appliquée à M. Y…, qui vit seul, ne correspond pas au service qui lui est rendu ; en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, le tarif de la redevance incluait une part fixe correspondant aux coûts de fonctionnement et au coût représentatif de quinze levées, soit le nombre minimum estimé de levées par an, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé (Cour de cassation, chambre civile 1, 6 septembre 2017. N° de pourvoi : 16-19506.) ; que selon délibération du 9 mai 2012, la communauté de communes Questembert Communauté a prévu un tarif forfaitaire en cas de refus pour l'habitant d'accepter le système de redevance : équivalant à un bac de 180 litres plus dix-huit vidages ; que [Y] [K] produit des déclarations selon lesquelles il n'a jamais utilisé de conteneurs à ordures ménagères ou conteneurs collectifs, n'a jamais produit de déchets, n'a pas mis de poubelles, recycle tout, ne possède pas de poubelles, n'a jamais utilisé ni sorti devant chez lui des poubelles vertes, recycle lui-même ses déchets (compost, plastique, fer…) ; que la communauté de communes Questembert Communauté reconnaît que [Y] [K] ne dispose d'aucun bac ou badge magnétique donnant accès aux services ; que toutefois, il doit être relevé que ce fait résulte du refus de l'intéressé ; que [Y] [K] plaide que la délibération du 9 mai 2012, prévoyant la mise en place d'un tarif forfaitaire en cas de refus pour l'habitant de se manifester et d'accepter le système de la redevance est manifestement illégal et que la juridiction saisie est apte à opérer ce contrôle de légalité en ce cas d'illégalité manifeste au vu d'une jurisprudence établie ; qu'il invoque un jugement du tribunal des conflits du 17 octobre 2011, C3828, selon lequel, notamment, si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ; que [Y] [K] fait valoir que la tarification forfaitaire est contraire aux dispositions de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales qui prévoient que la redevance d'enlèvement des ordures ménagères est calculée en fonction du service rendu ; qu'en l'occurrence, [Y] [K] ne produit aucune jurisprudence établie décidant que la tarification forfaitaire du refus de bénéficier du service d'enlèvement des ordures ménagères serait illégal pour ce motif ; que ce moyen ne sera donc pas retenu ; qu'il est donc démontré que la communauté de communes Questembert Communauté a offert à [Y] [K] de rendre le service d'enlèvement des ordures ménagères et qu'[elle] a mis à sa disposition un conteneur lui permettant de bénéficier de la collecte de ses déchets qu'il a refusé ; qu'en outre, [Y] [K] ne démontre pas que l'évacuation et l'élimination des déchets qu'il effectue le sont conformément à l'article L. 541-2 du code de l'environnement ; qu'il convient donc de débouter [Y] [K] de sa demande aux fins de dire qu'il n'est pas redevable des redevances d'enlèvement des ordures ménagères dues au titre des années 2016 et 2017 » ; 1°) ALORS QUE la redevance d'enlèvement des ordures ménagères est calculée en fonction du service rendu et n'est pas due lorsque le service n'est pas fourni ; qu'en l'espèce, le tribunal d'instance de Vannes a lui-même relevé que la communauté de communes Questembert Communauté « reconn[aissait] que [Y] [K] ne dispos[ait] d'aucun bac ou badge magnétique donnant accès aux services » (jugement, p. 5, § 4), prestations dont il était constant qu'elles étaient indispensables à l'accès des services de collecte des ordures qui ont été facturés à M. [K] les 21 avril 2016 et 13 avril 2017 ; qu'en le déboutant néanmoins de sa demande aux fins de dire qu'il n'était pas redevable de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, le tribunal d'instance de Vannes n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales ; 2°) ALORS QUE la redevance d'enlèvement des ordures ménagères est calculée en fonction du service rendu et n'est pas due lorsque le service n'est pas fourni ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de M. [K], que s'il ne disposait d'aucun bac ou badge magnétique donnant accès aux services, cela résultait de son « refus » d'un service pourtant offert (jugement, p. 5, § 4), le tribunal d'instance de Vannes a statué par un motif inopérant, en violation de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales ; 3°) ALORS QUE si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ; qu'il incombe au juge de rechercher, au besoin d'office, s'il est manifeste, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation de la légalité de l'acte administratif en cause peut être accueillie ; qu'en se bornant à retenir que M. [K] n'aurait prétendument produit « aucune jurisprudence établie » et en omettant de rechercher elle-même s'il ne résultait pas d'une telle jurisprudence que la redevance d'enlèvement des ordures ménagères devait être calculée en fonction de l'importance du service rendu et n'était pas due lorsque le service n'est pas fourni, pour refuser de retenir l'illégalité de la délibération communautaire du 9 mai 2012 prévoyant un tarif forfaitaire pour les résidents refusant le service d'enlèvement des ordures, le tribunal d'instance a excédé ses pouvoirs et violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, l'article unique du décret du 16 fructidor an III ensemble l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile ; 4°) ALORS, subsidiairement, QU'en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative ; qu'est sérieuse la contestation portant sur la légalité d'une délibération qui impose le paiement de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères en fonction, non pas du service rendu, mais du service simplement offert ; qu'en retenant que la tarification forfaitaire du service d'enlèvement des ordures ménagères, en dépit du refus de l'administré de bénéficier de ce service, ne serait pas illégale (jugement, p. 5, § 8), cependant qu'il lui appartenait de soumettre cette question dont le caractère sérieux émanait de l'analyse qu'il en a faite, à la juridiction administrative, le tribunal d'instance a excédé ses pouvoirs et violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, l'article unique du décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile.
Aux termes de l'article L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à celle issue la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. Selon l'article R. 421-5 du code de justice administrative, les délais de recours contre une décision administrative doivent, pour être opposables, avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. L'acte de notification d'un titre de perception qui mentionne la possibilité de former un recours dans un délai de deux mois en saisissant le tribunal judiciaire (instance ou grande instance) rend opposable ce délai au titulaire du recours dès lors que la juridiction saisie, le serait-elle été à tort, se doit de désigner celle qu'elle estime compétente, devant laquelle l'instance se poursuit sans intervention des parties, conformément aux dispositions des articles 96, alinéa 2, et 97, devenus 81, alinéa 2, et 82, du code de procédure civile
7,998
COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 451 F-B Pourvoi n° J 20-14.532 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 JUILLET 2022 Le comptable, chef du service des impôts des entreprises de [Localité 4], chargé du recouvrement, domicilié [Adresse 1], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de l'Isère et du directeur général des finances publiques, lui-même domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-14.532 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [Y] [H], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable, chef du service des impôts des entreprises de [Localité 4], chargé du recouvrement, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de l'Isère et du directeur général des finances publiques, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 novembre 2019), la société Express découpe Domène (la société), dont M. [H] était le gérant, a été mise en redressement judiciaire le 15 juillet 2008, puis en liquidation judiciaire le 16 septembre 2008. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 13 décembre 2016. 2. Le 25 août 2017, le comptable public responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 4] (le comptable public) a assigné M. [H], sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, afin qu'il soit déclaré solidairement responsable, avec la société, de la dette fiscale de cette dernière au titre de la TVA due pour les années 2006 à 2008. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Le comptable public fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action au motif qu'elle est atteinte par la prescription, alors « que le dirigeant de la société peut être rendu responsable du paiement des impositions et pénalités de la société sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales tant que l'action en recouvrement contre cette société n'est pas elle-même prescrite ; qu'en opposant que le principe de la solidarité du dirigeant n'étant pas de droit mais devant être établi par une décision de justice, les causes d'interruption et de suspension de la prescription à l'encontre de la société débitrice principale, liées notamment à la procédure collective, ne pouvaient être invoquées quand ces causes d'interruption et de suspension peuvent légalement être invoquées par l'administration, la cour d'appel a violé l'article L. 267, ensemble l'article L. 274 du livre des procédures fiscales. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 267 et L. 274 du livre des procédures fiscales : 4. Il résulte de la combinaison de ces textes que, sous réserve d'être introduite dans un délai satisfaisant, l'action en responsabilité solidaire du dirigeant d'une société, ouverte au comptable public, peut être exercée tant que les poursuites tendant au recouvrement de la dette fiscale de la société ne sont pas atteintes par la prescription. 5. Pour déclarer prescrite l'action du comptable public à l'encontre de M. [H], l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que le principe de la solidarité du dirigeant n'étant pas de droit mais devant être établi par une décision de justice, les causes d'interruption et de suspension de la prescription à l'encontre de la société débitrice principale, liées notamment à la procédure collective, ne sont pas opposables au dirigeant. Il retient que le droit d'action du comptable public à l'encontre de M. [H] n'a pas été suspendu par la procédure collective suivie contre la société et que son action a été intentée plus de quatre années après la possibilité de mise en recouvrement contre M. [H]. 6. En statuant ainsi, après avoir constaté que la prescription quadriennale de l'action en recouvrement de la créance que l'administration fiscale détenait contre la société, qui avait été interrompue, avait recommencé à courir pour une nouvelle période de quatre ans à compter du 13 décembre 2016, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. Et sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. Le comptable public fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'action en responsabilité solidaire du dirigeant ne peut être engagée qu'au cas où le recouvrement est impossible auprès de la société débitrice ; qu'afin de respecter cette condition légale, le comptable public doit, en conséquence, s'assurer auprès du mandataire judiciaire, lorsqu'une procédure collective a été ouverte à l'encontre de [la société], s'il existe des perspectives de recouvrement lors de la réalisation de l'actif ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions du comptable qui faisait valoir dans ses écritures que le mandataire liquidateur, régulièrement interrogé par le comptable, avait, dans sa dernière réponse du 21 juin 2016, attesté qu'il serait en mesure de lui verser un dividende, effectivement versé, pour un montant de 43 311,16 euros le 8 février 2017, violant l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 267 du livre des procédures fiscales. » Réponse de la Cour 8. Vu les articles L. 267 du livre des procédures fiscales et 455 du code de procédure civile : 9. Il résulte du premier de ces textes que le comptable public doit engager l'action en responsabilité solidaire du dirigeant dans un délai satisfaisant à compter du constat de l'impossibilité définitive de recouvrer les impositions et pénalités dues par la société. 10. Selon le second, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 11. Pour dire que le comptable public n'avait pas agi contre M. [H] dans un délai satisfaisant, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que le comptable public avait été informé, dès le mois de septembre 2008, par le rapport de l'administrateur du redressement judiciaire de la société, de la situation largement obérée de celle-ci et retient qu'au vu des informations contenues dans ce rapport et du fait que M. [H] avait été condamné, le 5 juillet 2010, à combler partiellement le passif à hauteur de 300 000 euros, somme ramenée à 150 000 euros par un arrêt du 20 juin 2013, le comptable public était en mesure de savoir que le recouvrement de sa créance, admise au passif de la société le 30 juin 2009 pour un montant de 592 036 euros, ne pouvait être envisagé. Il en déduit que son action, engagée le 25 août 2017, est tardive. 12. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du comptable public, qui soutenait que le mandataire liquidateur, régulièrement interrogé, avait, dans sa dernière réponse du 21 juin 2016, attesté qu'il serait en mesure de verser à l'administration un dividende, ce qui l'avait empêché d'engager l'action fondée sur l'article L. 267, faute de connaître le solde de la créance fiscale et faute de savoir si cette créance serait apurée par réalisation de l'actif de la société, et qui précisait qu'un tel dividende lui avait été versé à concurrence de la somme de 43 311 euros le 8 février 2017, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette l'exception d'irrecevabilité fondée sur le non-respect, par le comptable public responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 4], des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. [H] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le comptable, chef du service des impôts des entreprises de [Localité 4], chargé du recouvrement, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de l'Isère et du directeur général des finances publiques. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QUE, confirmant la décision de première instance, il a déclaré « irrecevable l'action du comptable public responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 4], celle-ci étant atteinte par la prescription » ; AUX MOTIFS PROPRES QU' « en application de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales, le dirigeant d'une société peut être rendu solidairement responsable du paiement des impositions et pénalités dues par la société s'il en a rendu le recouvrement impossible par des manoeuvres frauduleuses ou par l'inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, à condition qu'il ne soit pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition ; que le principe de la solidarité du dirigeant n'étant pas de droit mais devant être établi par une décision de justice, les causes d'interruption et de suspension de la prescription à l'encontre de la société débitrice principale, liées notamment à la procédure collective, ne sont pas opposables à celui-ci ; qu'il appartient à l'administration fiscale d'agir, selon ses propres recommandations contenues dans l'instruction du 6 septembre 1988, dans des délais satisfaisants qu'elle ne définit pas mais qui sont nécessairement inférieurs au délai de prescription quadriennale de l'action en recouvrement de la créance principale ; qu'ainsi que l'a retenu le premier juge, le comptable public a été informé dès septembre 2008 par le rapport de l'administrateur du redressement judiciaire de la société express découpe Domène, de la situation largement obérée de celle-ci ; qu'au vu des informations contenues dans ce rapport et du fait que [Y] [H] a été condamné le 5 juillet 2010 à combler partiellement le passif à hauteur de 300 000 euros, somme ramenée par arrêt de la cour du 20 juin 2013 à 150 000 euros, le comptable était en mesure de savoir que le recouvrement de sa créance, admise au passif de la société le 30 juin 2009 pour un montant de 592 036 euros, ne pouvait être envisagé ; qu'en attendant le 25 août 2017 pour assigner [Y] [H], il n'a pas agi dans un délai raisonnable ». ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « en l'espèce, il est constant que : dès le 15 juillet 2008, la SARL EXPRESS DECOUPE DOMENE a été mise en redressement judiciaire, -que la proposition de rectification, objet de la présente poursuite, est datée du 23 juillet 2008, qu'à la suite d'un rapport dressé par l'administrateur du redressement judiciaire de la SARL EXPRESS DECOUPE DOMENE, qui indique que le ratio dettes/redressement/chiffre d'affaire de la société depuis 2006 était fortement déficitaire (le rapport dettes/CA étant par exemple de 128 % en 2018, alors que le rapport redressement/CA était de 7 %) rendant plus que douteux une possibilité de recouvrement d'une créance de plus de 500.000,00 €, rapport dont le SIE [Localité 4] a pu connaissance dès septembre 2008, la SARL EXPRESS DECOUPE DOMENE a été placée en liquidation judiciaire (16 septembre 2008), les avis de mise en recouvrement de la rectification ont été reçus par le liquidateur, le 22 septembre 2008, la déclaration de créance a été effectuée par le SIE, le 23 septembre 2008, et admise le 30 juin 2009, admission confirmée par la Cour d'Appel le 06 janvier 2011, par arrêt du 20 juin 2013, la Cour a confirmé la condamnation de Monsieur [Y] [H] au comblement du passif de la SARL EXPRESS DECOUPE DOMENE prononcée le 05 juillet 2010, par le Tribunal de commerce, sauf à ramener son quantum de 300.000,00 € à 150.000,00 € ; qu'il est acquis, comme démontré ci-dessus, que le droit d'action du SIE [Localité 4] n'a pas été suspendu par la procédure collective poursuivie contre la SARL EXPRESS DECOUPE DOMENE ; qu'il est également acquis au vu de la chronologie, que, bien qu'informé de la situation obérée de la SARL EXPRESS DECOUPE DOMENE depuis septembre 2008 et certain de l'impossibilité de recouvrement, au vu du montant de sa créance admise dès le 30 juin 2009, contre cette société, au mieux pour lui, le 20 juin 2013, le SIE [Localité 4] a attendu le 25 août 2017 pour assigner Monsieur [Y] [H], soit bien plus de 4 années après la possibilité de mise en recouvrement contre ce dernier ; qu'ainsi, le Président ne peut que constater que l'action du SIE [Localité 4] n'est pas intervenue dans un délai raisonnable et est atteinte par la prescription. » ; ALORS QUE le dirigeant de la société peut être rendu responsable du paiement des impositions et pénalités de la société sur le fondement de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales tant que l'action en recouvrement contre cette société n'est pas elle-même prescrite ; qu'en opposant que le principe de la solidarité du dirigeant n'étant pas de droit mais devant être établi par une décision de justice, les causes d'interruption et de suspension de la prescription à l'encontre de la société débitrice principale, liées notamment à la procédure collective, ne pouvaient être invoquées quand ces causes d'interruption et de suspension peuvent légalement être invoquées par l'administration, la cour d'appel a violé l'article L. 267, ensemble l'article L. 274 du Livre des procédures fiscales. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ; EN CE QUE, confirmant la décision de première instance, il a déclaré « irrecevable l'action du comptable public responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 4], celle-ci étant atteinte par la prescription » ; AUX MOTIFS PROPRES QU' « en application de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales, le dirigeant d'une société peut être rendu solidairement responsable du paiement des impositions et pénalités dues par la société s'il en a rendu le recouvrement impossible par des manoeuvres frauduleuses ou par l'inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, à condition qu'il ne soit pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition ; que le principe de la solidarité du dirigeant n'étant pas de droit mais devant être établi par une décision de justice, les causes d'interruption et de suspension de la prescription à l'encontre de la société débitrice principale, liées notamment à la procédure collective, ne sont pas opposables à celui-ci ; qu'il appartient à l'administration fiscale d'agir, selon ses propres recommandations contenues dans l'instruction du 6 septembre 1988, dans des délais satisfaisants qu'elle ne définit pas mais qui sont nécessairement inférieurs au délai de prescription quadriennale de l'action en recouvrement de la créance principale ; qu'ainsi que l'a retenu le premier juge, le comptable public a été informé dès septembre 2008 par le rapport de l'administrateur du redressement judiciaire de la société express découpe Domène, de la situation largement obérée de celle-ci ; qu'au vu des informations contenues dans ce rapport et du fait que [Y] [H] a été condamné le 5 juillet 2010 à combler partiellement le passif à hauteur de 300 000 euros, somme ramenée par arrêt de la cour du 20 juin 2013 à 150 000 euros, le comptable était en mesure de savoir que le recouvrement de sa créance, admise au passif de la société le 30 juin 2009 pour un montant de 592 036 euros, ne pouvait être envisagé ; qu'en attendant le 25 août 2017 pour assigner [Y] [H], il n'a pas agi dans un délai raisonnable ». ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « en l'espèce, il est constant que : dès le 15 juillet 2008, la SARL EXPRESS DECOUPE DOMENE a été mise en redressement judiciaire, -que la proposition de rectification, objet de la présente poursuite, est datée du 23 juillet 2008, qu'à la suite d'un rapport dressé par l'administrateur du redressement judiciaire de la SARL EXPRESS DECOUPE DOMENE, qui indique que le ratio dettes/redressement/chiffre d'affaire de la société depuis 2006 était fortement déficitaire (le rapport dettes/CA étant par exemple de 128 % en 2018, alors que le rapport redressement/CA était de 7 %) rendant plus que douteux une possibilité de recouvrement d'une créance de plus de 500.000,00 €, rapport dont le SIE [Localité 4] a pu connaissance dès septembre 2008, la SARL EXPRESS DECOUPE DOMENE a été placée en liquidation judiciaire (16 septembre 2008), les avis de mise en recouvrement de la rectification ont été reçus par le liquidateur, le 22 septembre 2008, la déclaration de créance a été effectuée par le SIE, le 23 septembre 2008, et admise le 30 juin 2009, admission confirmée par la Cour d'Appel le 06 janvier 2011, par arrêt du 20 juin 2013, la Cour a confirmé la condamnation de Monsieur [Y] [H] au comblement du passif de la SARL EXPRESS DECOUPE DOMENE prononcée le 05 juillet 2010, par le Tribunal de commerce, sauf à ramener son quantum de 300.000,00 € à 150.000,00 € ; qu'il est acquis, comme démontré ci-dessus, que le droit d'action du SIE [Localité 4] n'a pas été suspendu par la procédure collective poursuivie contre la SARL EXPRESS DECOUPE DOMENE ; qu'il est également acquis au vu de la chronologie, que, bien qu'informé de la situation obérée de la SARL EXPRESS DECOUPE DOMENE depuis septembre 2008 et certain de l'impossibilité de recouvrement, au vu du montant de sa créance admise dès le 30 juin 2009, contre cette société, au mieux pour lui, le 20 juin 2013, le SIE [Localité 4] a attendu le 25 août 2017 pour assigner Monsieur [Y] [H], soit bien plus de 4 années après la possibilité de mise en recouvrement contre ce dernier ; qu'ainsi, le Président ne peut que constater que l'action du SIE [Localité 4] n'est pas intervenue dans un délai raisonnable et est atteinte par la prescription. » ; ALORS QUE, premièrement, l'action en responsabilité solidaire du dirigeant ne peut être engagée qu'au cas où le recouvrement est impossible auprès de la société débitrice ; qu'afin de respecter cette condition légale, le comptable public doit en conséquence s'assurer auprès du mandataire judiciaire, lorsqu'une procédure collective a été ouverte à l'encontre de celle-ci, s'il existe des perspectives de recouvrement lors de la réalisation de l'actif ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions du comptable qui a fait valoir dans ses écritures que le mandataire liquidateur, régulièrement interrogé par le comptable a, dans sa dernière réponse du 21 juin 2016, attesté qu'il serait en mesure de lui verser un dividende, effectivement versé, pour un montant de 43 311,16 € le 8 février 2017 violant l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ; ALORS QUE, deuxièmement, la notion de «délai satisfaisant» n'implique pas que l'action doive être engagée dans un bref délai, mais n'a de sens que si la créance fiscale n'est pas atteinte par la prescription qu'il suffit dès lors de constater; qu'il appartient au juge de se déterminer au vu des circonstances de l'espèce en recherchant si l'administration aurait pu agir dans de meilleurs délais ; qu'au cas d'espèce, c'est la connaissance de l'impossibilité définitive de recouvrement sur la personne morale qui était déterminante pour apprécier ce délai ; que tant que le comptable public, faute de délivrance, par le liquidateur judiciaire d'un certificat d'irrécouvrabilité, attendait le paiement promis par ce dernier dans le cadre de la réalisation de l'actif, les conditions d'engagement de l'action n'étaient pas réunies ; qu'en retenant des motifs inopérants pour apprécier le caractère « satisfaisant » ou « raisonnable » du délai d'engagement de l'action par le comptable public, la cour d'appel a violé l'article L. 267 du LPF ; ALORS QUE, troisièmement, les conditions d'application de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales sont indépendantes de celles de l'article L. 651-2 du code de commerce ; qu'en retenant le fait que M. [H] a été condamné le 5 juillet 2010 à combler partiellement le passif à hauteur de 300 000 €, somme ramenée par arrêt de la cour du 20 juin 2013 à 150 000 €, le comptable était en mesure de savoir que le recouvrement de sa créance, admise au passif de la société le 30 juin 2009 pour un montant de 592 036 euros, ne pouvait être envisagé et en déduire le caractère tardif de son assignation, sur le fondement de l'article L. 267 du LPF, la cour de GRENOBLE a violé ledit article.
Il résulte de la combinaison des articles L. 267 et L. 274 du livre des procédures fiscales que, sous réserve d'être introduite dans un délai satisfaisant, l'action en responsabilité solidaire du dirigeant d'une société, ouverte au comptable public, peut être exercée tant que les poursuites tendant au recouvrement de la dette fiscale de la société ne sont pas atteintes par la prescription. Viole ces dispositions la cour d'appel qui, après avoir constaté que l'action en recouvrement de la créance que l'administration fiscale détient contre une société n'est pas atteinte par la prescription, déclare prescrite l'action en responsabilité solidaire engagée par le comptable public contre le dirigeant de la société débitrice au motif que ne lui sont pas opposables les causes d'interruption et de suspension de la prescription de l'action contre la société, liées à la procédure collective dont la société a fait l'objet
7,999
COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 461 F-B Pourvoi n° V 20-17.279 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 JUILLET 2022 1°/ M. [E] [L], domicilié [Adresse 1], [Localité 3], 2°/ Mme [Z] [C], épouse [L], domiciliée [Adresse 5], [Localité 3], ont formé le pourvoi n° V 20-17.279 contre l'arrêt rendu le 6 mars 2020 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige les opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 2], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [L] et de Mme [C], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 6 mars 2020) et les productions, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine (la banque) a consenti à l'Earl [L] (l'Earl), créée par Mme [C], épouse [L], et par M. [L], son fils, plusieurs concours financiers garantis par les cautionnements de Mme [C] et de M. [L]. 2. L'Earl a été transformée en société civile d'exploitation agricole (la SCEA), dans le capital de laquelle sont entrées les sociétés Arco et Calcialiment, Mme [C] et M. [L] restant détenteurs de 29 % des parts du capital. 3. La SCEA ayant été mise en redressement judiciaire par un jugement publié au Bodacc le 8 juin 2003, la banque a assigné en paiement Mme [C] et M. [L] en leur qualité de caution. Par une décision devenue irrévocable, Mme [C] et M. [L] ont été condamnés à payer diverses sommes à la banque, cette dernière étant elle-même condamnée à payer à M. [L], à titre de dommages-intérêts, une somme d'un montant égal à celui au paiement duquel il était condamné. 4. Par assignation du 11 octobre 2007, Mme [C] et M. [L] ont sollicité, sur le fondement de l'article 1857 du code civil, la condamnation des sociétés Arco et Calcialiment à leur payer des sommes correspondant au montant des dettes dont la SCEA était tenue à l'égard de la banque à due concurrence de la participation de ces sociétés dans le capital de la SCEA. 5. Par assignation en intervention forcée du 7 mai 2008, la société Arco a appelé en garantie la banque, qui a, le 5 juin 2008, notifié à Mme [C] et M. [L] des conclusions par lesquelles elle a demandé leur condamnation, ainsi que celle des sociétés Arco et Calcialiment, en leur qualité d'associés de la SCEA, sur le fondement de l'article 1857 du code civil. 6. Par un premier jugement, un tribunal de grande instance a statué uniquement sur les demandes réciproques formées entre Mme [C] et M. [L], d'une part, et les sociétés Arco et Calcialiment, d'autre part. 7. Par un second jugement, le tribunal a statué sur l'appel en garantie de la société Arco, aux droits de laquelle est venue la société Cooperl Arc Atlantique, dirigé contre la banque, ainsi que sur les demandes de cette dernière contre Mme [C] et M. [L], qu'elle avait assignés en intervention forcée par acte du 23 juillet 2009. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Mme [C] et M. [L] font grief à l'arrêt de déclarer recevable, comme échappant à la prescription, la demande formée par la banque contre eux, condamner Mme [C] à payer à la banque la somme de 110 957,77 euros et M. [L] à lui payer la somme de 246 572,85 euros, et rejeter leurs demandes, alors : « 1°/ que l'assignation par laquelle un défendeur appelle en garantie un tiers ne crée pas de lien d'instance entre le demandeur à l'action principale et le garant ; qu'en décidant au contraire que l'appel en garantie de la banque par la société Arco par assignation du 7 mai 2008 lui a conféré la qualité de partie à l'instance initiale, de sorte qu'elle a pu valablement conclure à l'égard de Mme [C] et M. [L] et interrompre la prescription, les juges du fond ont violé les articles 324, 334 et 335 du code de procédure civile ; 2°/ qu'en s'abstenant d'identifier un acte de procédure mettant en cause la banque sur l'instance ouverte par l'assignation du 11 octobre 2007 et susceptible de rendre la banque partie à cette instance, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 334 et 335 du code de procédure civile ; 3°/ que les demandes incidentes sont formées à l'encontre des tiers dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance ; qu'ayant omis de rechercher si les conclusions du 5 juin 2008, produites non dans l'instance ouverte par l'assignation du 11 octobre 2007 (n° 08/0042), mais dans l'instance ouverte par l'acte du 7 mai 2008 à laquelle les consorts [L] n'étaient pas parties (n° 08/0343), avaient été présentées dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des articles 68, 334 et 335 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 9. Il résulte de l'article 68 du code de procédure civile que les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense. 10. Après avoir relevé, par des motifs non argués de dénaturation, que, par assignation du 7 mai 2008, la société Arco avait appelé la banque en intervention forcée à l'instance engagée par Mme [C] et M. [L] le 11 octobre 2007 et que cette intervention avait conféré à la banque la qualité de partie à cette instance, l'arrêt retient que celle-ci était dès lors recevable à former des demandes contre toute partie à ladite instance. Il ajoute que la banque justifie avoir formé, par conclusions notifiées le 5 juin 2008, dans le délai de prescription, ses demandes en paiement fondées sur l'article 1857 du code civil contre Mme [C] et M. [L], parties à l'instance ouverte par l'assignation du 11 octobre 2007. 11. En l'état de ces constatations et appréciations, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a identifié l'assignation en intervention forcée du 7 mai 2008 comme étant l'acte de procédure mettant en cause la banque dans l'instance ouverte par l'assignation du 11 octobre 2007 et lui conférant la qualité de partie à cette instance, a jugé que la notification à Mme [C] et M. [L] des conclusions du 5 juin 2008 avait interrompu la prescription à leur égard. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 13. Mme [C] et M. [L] font encore grief à l'arrêt de condamner Mme [C] à payer à la banque la somme de 110 957,77 euros et M. [L] à lui payer la somme de 246 572,85 euros, et rejeter leurs demandes, alors « que le cautionnement est constitué par l'engagement de la caution envers le créancier de payer la dette du débiteur ; que la compensation, exception inhérente à la dette, lorsqu'elle est opposée au créancier par la caution, emporte ainsi extinction de l'obligation principale garantie ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1234, 1289, 1294 et 2288 anciens du code civil. » Réponse de la Cour 14. L'arrêt énonce exactement que la compensation opérée entre une créance de dommages-intérêts, résultant du comportement fautif du créancier à l'égard de la caution lors de la souscription de son engagement, et celle due par cette dernière, au titre de sa garantie envers ce même créancier, n'éteint pas la dette principale garantie mais, à due concurrence, l'obligation de la seule caution. 15. La cour d'appel en a, à juste titre, déduit que Mme [C] et M. [L] ne pouvaient exciper de la compensation intervenue entre les indemnités dues à M. [L] et les obligations cautionnées pour faire échec à l'action en contribution au passif exercée par la banque contre les associés de la SCEA et que la banque était fondée à leur réclamer, en leur qualité d'associés, leur part dans le passif déclaré, en ce compris les soldes impayés des prêts cautionnés. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [C] et M. [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [C] et M. [L] et les condamne à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. [L] et Mme [C]. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a déclaré recevable, comme échappant à la prescription, la demande formée par le CRCAM à l'encontre de Madame [C] et Monsieur [E] [G] [L], puis condamné Madame [C] à payer au CRCAM la somme de 110.957,77 euros et Monsieur [L] la somme de 246.572,85 euros, ensemble rejeté les demandes des consorts [L] ; AUX MOTIFS QUE « par application des dispositions de l'article 1859 du code civil toutes les actions contre les associés non liquidateurs où leurs héritiers et ayant cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société ; qu'au cas d'espèce, il est constant que le jugement de liquidation de la SCEA a été publié au Bodacc le 8 juin 2003 ; que pour retenir la prescription de l'action de la banque le premier juge a considéré que la CRCAM n'avait engagé son action à rencontre des consorts [L] que par l'assignation délivrée Ie 23 juillet 2009 soit après l'expiration du délai de prescription acquis le 9 juin 2008 ; qu'à l'appui de son appel, la CRCAM d'Ille et Vilaine soutient avoir interrompu le délai de prescription par ses conclusions prises le 5 juin 2008 après avoir été appelée en garantie et qu'elle a notifiées tant à la société Arco qui l'avais appelée en garantie qu'aux consorts [L] demandeurs principaux ; qu'i est constant que l'instance initiale engagée par les consorts [L] contre les société Arco et Calcialiment du 11 octobre 2007 et l'appel en garantie formé par la société Arco à l'encontre de la CRCAM d'Ille et Vilaine par acte du 7 mai 2008 n'ont pas fait l'objet d'un seul et même jugement ; que la CRCAM fait valoir à bon droit qu'elle a été appelée en intervention forcée è l'instance engagée par les consorts [L] par assignation du 11 octobre 2007 ; que cette intervention lui conférant la qualité de partie à l'instance initiale, la CRCAM était recevable dès sa mise en cause à former des demandes à l'encontre des parties à l'instance principale ; que la banque justifie avoir formé ses demandes contre les consorts [L] fondées sur les dispositions de l'article 1857 du code civil par conclusions notifiées par acte du palais, du 5 juin 2008 ; que si le tribunal a entendu statuer par deux décisions distinctes d'une part sur la demande principale et d'autre part sur l'appel en garantie, la CRCAM fait valoir à bon droit que par application des dispositions de l'article 368 du code de procédure civile cette décision est une mesure d'administration judiciaire qui ne saurait la priver du bénéfice de ses conclusions régulièrement notifiées le 5 juin 2008 et qui justifient de la formation d'une demande en justice Interruptive de la prescription de l'article 1859 du code civil » ; ALORS QUE, premièrement, l'assignation par laquelle un défendeur appelle en garantie un tiers ne crée pas de lien d'instance entre le demandeur à l'action principale et le garant ; qu'en décidant au contraire que l'appel en garantie du CRCAM par la société ARCO par assignation du 7 mai 2008 lui a conféré la qualité de partie à l'instance initiale, de sorte qu'elle a pu valablement conclure à l'égard de Madame [C] et Monsieur [L] et interrompre la prescription, les juges du fond ont violé les articles 324, 334 et 335 du Code de procédure civile ; ALORS QUE, deuxièmement, et en toute hypothèse, en s'abstenant d'identifier un acte de procédure mettant en cause la CRCAM sur l'instance ouverte par l'assignation du 11 octobre 2007 et susceptible de rendre la CRCAM partie à cette instance, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 334 et 335 du Code de procédure civile ; ALORS QUE, troisièmement, et en tout cas, les demandes incidentes sont formées à l'encontre des tiers dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance ; qu'ayant omis de rechercher si les conclusions du 5 juin 2008, produites non dans l'instance ouverte par l'assignation du 11 octobre 2007 (n° 08/0042), mais dans l'instance ouverte par l'acte du 7 mai 2008 à laquelle les consorts [L] n'étaient pas parties (n° 08/0343), avaient été présentées dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des articles 68, 334 et 335 du Code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a condamné Madame [C] à payer au CRCAM la somme de 110.957,77 euros et Monsieur [L] la somme de 246.572,85 euros, ensemble rejeté les demandes des consorts [L] ; AUX MOTIFS QUE « les consorts [L] contestent la réclamation et soutiennent l'extinction de leur dette par compensation avec les sommes mises à la charge de la banque par de précédentes décisions de justice et par suite des règlements opérés ; que la CRCAM d'Ille et Vilaine maintient ses demandes en faisant valoir que si les consorts [L] peuvent revendiquer pour partie une compensation, cette dernière ne leur profite qu'en leur qualité de caution ; qu'il ressort de la déclaration au passif et de l'état vérifié du passif du 8 avril 2003 que la CRCAM d'Ille et Vilaine a vu ses créances admises comme suit : Ouverture de crédit n° 3412815 000 : 374 228,73 ; prêt n° 3412815 802 : 165 915,31 ; prêt n° 3412815 803 : 164.320,95 ; prêt n° 3412815 804 : 338 627,04 ; prêt n° 3412815 805 : 36 171,46 ; prêt n° 3412815 807 : 30 160,24 ; prêt n° 3412815 808 : 123 440,48 ; Total: 1 232 864,21 ; que sur l'action engagée par la CRCAM à l'encontre des consorts [L], en leur qualité de cautions de la SCEA [L], par arrêt en date du 28 novembre 2008, cette cour a : - Confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 11 juin 2007 en ce qu'il a dit que le Crédit agricole d'Ille et Vilaine était déchu des intérêts jusqu'au 10 mars 2004, en ce qu'il a condamné les époux [D] à payer diverses sommes au titre des prêts n°846 et 847, en ce qu'il a débouté les époux [D] de leurs demandes de dommages-intérêts, en ce qu'il a débouté le Crédit agricole d'Ille et Vilaine de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné les époux [D] aux dépens ;- Le réformant pour le surplus et y ajoutant, - Dit que les condamnations précitées prononcées contre les époux [L] - [C] le sont solidairement entre eux ; - Condamné solidairement [E] [L], [Z] [C] épouse [L] et [E] [G] [L] à payer aux Crédit Agricole d'Ille et Vilaine : - au titre du crédit global n°903 la somme de 368 926,61 € avec intérêts au taux de 5,5 % sur la somme de 335 387,83 € à compter du 4 mars 2004 s'agissant des époux [D] et à compter du 2 août 2004 s'agissant d' [E] [G] [L], capitalisés dans les conditions de l'article 3154 du code civil à compter des mêmes dates ; - au titre du prêt n°802 la somme de 165 309,686 avec intérêts au taux contractuel variable sur la somme de 148 814,80 € à compter du 7 juillet 2004, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de cette même date s'agissant des époux [D] et à compter du 2 août 2004 s'agissant d'[E] [G] [L] ; - au titre du prêt n°803 la somme de 165 477,74 € avec intérêts au taux contractuel variable sur la somme de 148 637,48 € à compter du 7 juillet 2004, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de cette date s'agissant des époux [D] et à compter du 2 août 2004 s'agissant d'[E] [G] [L] ; - au titre du prêt n°804 la somme de 345 955 € avec les intérêts au taux de 6,10% sur la somme de 305 808,57 € à compter du 7 juillet 2004, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de cette même date s'agissant des époux [D] et à compter du 2 août 2004 s'agissant d'[E] [G] [L] ; - au titre du prêt n°805 la somme de 42 994,66 6 avec intérêts au taux contractuel variable sur la somme de 38 900,29 € à compter du 7 juillet 2004 capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de cette même date s'agissant des époux [D] et à compter du 2 août 2004 s'agissant d'[E] [G] [L] ; - Condamné le Crédit agricole d'Ille et Vilaine à payer à [E] [G] [L] à titre de dommages-intérêts une somme d'un montant égal à celui de ses créances précitées à son encontre arrêtées au jour du présent arrêt ; que si par arrêt du 10 juin 2010, cette cour a constaté que, par application des dispositions des articles 1234, 1289 et 1290 du code civil, non seulement M. [E] [G] [L] mais également M. et Mme [L] pouvaient se prévaloir de l'extinction par compensation de la dette garantie, c'est uniquement en leur seule qualité de cofidéjusseurs de la même dette ; que la compensation opérée entre une créance de dommages-intérêts, résultant du comportement fautif du créancier à l'égard de la caution lors de la souscription de son engagement, et celle due par cette dernière, au titre de sa garantie envers ce même créancier, n'éteint pas la dette principale garantie mais, à due concurrence, l'obligation de la caution ; que les consorts [L] ne sauraient dès lors exciper de la compensation intervenue entre les indemnités dues à M. [E] [G] [L] et les obligations cautionnées pour faire échec à l'action en contribution au passif exercée par la banque contre les associés ; qu'il en résulte que la CRCAM est fondée à réclamer à M. [E] [G] [L] et Mme [Z] [C] épouse [L], en leur qualité d'associés, leur part dans le passif déclaré en ce compris les soldes impayés des prêts 802, 803 804, 805 et 903 » ; ALORS QUE, le cautionnement est constitué par l'engagement de la caution envers le créancier de payer la dette du débiteur ; que la compensation, exception inhérente à la dette, lorsqu'elle est opposée au créancier par la caution, emporte ainsi extinction de l'obligation principale garantie ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1234, 1289, 1294 et 2288 anciens du code civil.
Il résulte de la combinaison des articles 1234, 1294, alinéa 2, et 2288 anciens du code civil que la compensation opérée entre une créance de dommages-intérêts résultant du comportement fautif du créancier à l'égard de la caution lors de la souscription de son engagement, et celle due par cette dernière, au titre de sa garantie envers ce même créancier, n'éteint pas la dette principale garantie mais, à due concurrence, l'obligation de la seule caution