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Demande d'avis n°F 22-70.013 Juridiction : le tribunal judiciaire de Mulhouse VL12 Avis du 23 novembre 2022 n° 15015 P+B R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ COUR DE CASSATION _________________________ Première chambre civile Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile : Énoncé de la demande d'avis 1. La Cour de cassation a reçu, le 30 août 2022, une demande d'avis formée le 18 août 2022 par le tribunal judiciaire de Mulhouse dans une instance opposant M. [R] à Mme [I] [V] et Mme [Y] [H] [V]. 2. La demande est ainsi formulée : « Dans la mesure où l'article 311-1 du code civil prévoit que la réunion suffisante de faits caractérisant la possession d'état est censée « révéler » le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir, une filiation à l'égard d'un demandeur dont il est constant qu'il n'est pas le père biologique de l'enfant peut-elle être établie dans le cadre de l'action en constatation de la possession d'état prévue à l'article 330 du code civil ? » Examen de la demande d'avis 3. Aux termes de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire, avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l'ordre judiciaire peuvent solliciter l'avis de la Cour de cassation. 4. Le tribunal judiciaire de Mulhouse est saisi par M. [R] d'une action en constatation de la possession d'état à l'égard de [Y] [H] [V], mineure, représentée par l'association Thémis, administrateur ad hoc, et actuellement placée à la Maison d'enfant à caractère social [1], dépendant de la Direction de la solidarité de la collectivité d'Alsace. 5. La question de droit est nouvelle, présente une difficulté sérieuse et est susceptible de se poser dans de nombreux litiges. 6. Aux termes de l'article 310-1 du code civil, la filiation est légalement établie, dans les conditions prévues au chapitre II du présent titre, par l'effet de la loi, par la reconnaissance volontaire ou par la possession d'état constatée par un acte de notoriété ainsi que, dans les conditions prévues au chapitre V du présent titre, par la reconnaissance conjointe. Elle peut aussi l'être par jugement dans les conditions prévues au chapitre III du présent titre. 7. L'article 311-1 dispose : « La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. Les principaux de ces faits sont : 1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ; 2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ; 3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ; 4° Qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ; 5° Qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue. » 8. Aux termes de l'article 311-2, la possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque. 9. Selon l'article 330, la possession d'état peut être constatée, à la demande de toute personne qui y a intérêt. 10. La possession d'état constitue un mode d'établissement de la filiation prévu au titre VII du livre premier du code civil. Fondée sur l'apparence d'une réalité biologique, elle correspond à une réalité affective, matérielle et sociale. 11. La circonstance que le demandeur à l'action en constatation de la possession d'état ne soit pas le père biologique de l'enfant ne représente pas, en soi, un obstacle au succès de sa prétention. 12. Il appartient au juge, en considération des éléments de l'espèce, d'apprécier si les conditions de la possession d'état posées par les articles 311-1 et 311-2 précités sont remplies. EN CONSÉQUENCE, la Cour est d'avis que : - la circonstance que le demandeur à l'action en constatation de la possession d'état ne soit pas le père biologique de l'enfant ne représente pas, en soi, un obstacle au succès de sa prétention, - il appartient au juge, en considération des éléments de l'espèce, d'apprécier si les conditions de la possession d'état posées par les articles 311-1 et 311-2 précités sont remplies. Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 23 novembre 2022, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 15 novembre 2022 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, Mme Poinseaux, Mme Dard, Mme Beauvois, Mme Agostini, conseillers, M. Duval, M. Buat-Ménard, Mme Azar conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, Mme Layemar, greffier de chambre ; Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.
- La circonstance que le demandeur à l'action en constatation de la possession d'état ne soit pas le père biologique de l'enfant ne représente pas, en soi, un obstacle au succès de sa prétention, - Il appartient au juge, en considération des éléments de l'espèce, d'apprécier si les conditions de la possession d'état posées par les articles 311-1 et 311-2 du code civil sont remplies
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CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 802 FS-B Pourvoi n° S 22-12.753 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Réside études apparthôtels, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 16], a formé le pourvoi n° S 22-12.753 contre l'arrêt rendu le 9 février 2022 par la cour d'appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [MC] [T], 2°/ à Mme [FG] [T], tous deux domiciliés [Adresse 8], 3°/ à M. [X] [J], domicilié [Adresse 21], 4°/ à M. [KJ] [P], domicilié [Adresse 9], 5°/ à M. [XI] [A], domicilié [Adresse 19], 6°/ à Mme [VF] [P], domiciliée [Adresse 9], 7°/ à Mme [UU] [A], domiciliée [Adresse 19], 8°/ à M. [ZX] [R], 9°/ à Mme [C] [R], tous deux domiciliés [Adresse 10], 10°/ à M. [MY] [B], 11°/ à Mme [GN] [B], tous deux domiciliés [Adresse 20], 12°/ à M. [Y] [F], 13°/ à Mme [D] [AM], tous deux domiciliés [Adresse 22], 14°/ à Mme [HV] [O], domiciliée [Adresse 2], 15°/ à Mme [CG] [E], 16°/ à M. [SF] [E], tous deux domiciliés [Adresse 23], 17°/ à M. [M] [TB], 18°/ à Mme [HJ] [TB], tous deux domiciliés [Adresse 18], 19°/ à M. [DZ] [PM], 20°/ à Mme [I] [WX], tous deux domiciliés [Adresse 12], 21°/ à M. [W] [GC], 22°/ à Mme [U] [GC], tous deux domiciliés [Adresse 24] (Suisse), 23°/ à M. [LR] [GC], 24°/ à Mme [D] [GC], tous deux domiciliés [Adresse 5], 25°/ à M. [G] [RU], domicilié [Adresse 14], 26°/ à M. [TM] [EV], domicilié [Adresse 15], 27°/ à Mme [C] [RU], domiciliée [Adresse 14], 28°/ à M. [WB] [PY], domicilié [Adresse 4], 29°/ à Mme [JC] [VP], domiciliée [Adresse 3], 30°/ à M. [L] [H], domicilié [Adresse 7], 31°/ à Mme [D] [K], domiciliée [Adresse 17], 32°/ à M. [N] [ZB], domicilié [Adresse 6], 33°/ à Mme [Z] [S], domiciliée [Adresse 1], 34°/ à Mme [YP] [OF], domiciliée [Adresse 11], 35°/ à M. [V] [VE], domicilié [Adresse 13], 36°/ à la société Vivanim, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Réside études apparthôtels, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [MC] [T], de Mme [FG] [T], de M. [J], de M. [KJ] [P], de Mme [VF] [P], de M. [XI] [A], de Mme [UU] [A], de M. [ZX] [R], de Mme [C] [R], de M. [MY] [B], de Mme [GN] [B], de M. [F], de Mme [AM], de Mme [O], de M. [JY] [E], de Mme [CG] [E], de M. [M] [TB], de Mme [HJ] [TB], de M. [PM], de Mme [WX], de M. [W] [GC], de Mme [U] [GC], de M. [LR] [GC], de Mme [D] [GC], de M. [EV], de M. [G] [RU], de Mme [C] [RU], de M. [PY], de Mme [VP], de M. [H], de Mme [K], de M. [ZB], de Mme [S], de Mme [OF], de M. [VE] et de la société Vivanim, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents : Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 février 2022), rendu en référé, et les productions, M. [MC] [T], Mme [FG] [T], M. [J], M. [KJ] [P], Mme [VF] [P], M. [XI] [A], Mme [UU] [A], M. [ZX] [R], Mme [C] [R], M. [MY] [B], Mme [GN] [B], M. [F], Mme [AM], Mme [O], M. [JY] [E], Mme [CG] [E], M. [M] [TB], Mme [HJ] [TB], M. [PM], Mme [WX], M. [W] [GC], Mme [U] [GC], M. [LR] [GC], Mme [D] [GC], M. [EV], M. [G] [RU], Mme [C] [RU], M. [PY], Mme [VP], M. [H], Mme [K], M. [ZB], Mme [S], Mme [OF], M. [VE] et la société Vivanim (les bailleurs) ont, entre 2003 et 2016, consenti à la société Réside études apparthôtels (la locataire) des baux commerciaux portant sur des appartements et parkings situés dans une résidence de tourisme. 2. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a, du 17 mars au 2 juin 2020, cessé son activité dans la résidence concernée puis a enregistré un taux d'occupation en forte diminution avant une nouvelle fermeture décidée par le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020. 3. Les 9 et 12 juillet 2020, la locataire a informé les bailleurs de sa décision de suspendre le paiement des loyers des deuxième et troisième trimestres 2020. 4. Les bailleurs ont assigné la locataire en paiement de provisions correspondant à l'arriéré locatif. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à verser des provisions d'un certain montant au titre des loyers impayés arrêtés au quatrième trimestre 2021, alors « que saisi d'une demande de condamnation à provision, le juge des référés ne dispose pas du pouvoir d'interpréter les termes d'un contrat ou d'une de ses clauses ; qu'en l'espèce les baux commerciaux conclus entre la société Réside études apparthôtels et chacun des propriétaires bailleurs contenait une clause de suspension du versement des loyers qui stipulait à l'article « dispositions diverses » que « Dans le cas où la non sous-location du bien résulterait (…) soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu'incendie de l'immeuble, etc…) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, après la date de livraison, le loyer, défini ci-avant, ne sera pas payé jusqu'au mois suivant la fin du trouble de jouissance » ; qu'en application de ces stipulations, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l'état d'urgence sanitaire, entraient dans les prévisions contractuelles ainsi stipulées en tant qu'elles interdisaient la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que, pour refuser cependant de faire application de ces stipulations contractuelles, la cour d'appel a retenu que les circonstances exceptionnelles ainsi visées devaient être intrinsèques au bien lui-même, c'est-à-dire à l'immeuble ou bâtiment, entendu stricto sensu ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a interprété la notion contractuelle de circonstances exceptionnelles affectant le bien en excluant que ces circonstances pussent affecter la sous-location du bien, objet du contrat, pour la rendre impossible, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse relative à la portée de la clause de suspension du versement du loyer et violé l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. Ayant relevé, d'une part, que la clause précise de suspension du loyer prévue au bail ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible soit par le fait ou la faute du bailleur, soit en raison de désordres de nature décennale ou de la survenance de circonstances exceptionnelles affectant le bien loué lui-même, d'autre part, que la locataire ne caractérisait pas en quoi les mesures prises pendant la crise sanitaire constituaient une circonstance affectant le bien, la cour d'appel, qui n'a pas interprété le contrat, n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Réside études apparthôtels aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Réside études apparthôtels et la condamne à payer à M. [MC] [T], à Mme [FG] [T], à M. [J], à M. [KJ] [P], à Mme [VF] [P], à M. [XI] [A], à Mme [UU] [A], à M. [ZX] [R], à Mme [C] [R], à M. [MY] [B], à Mme [GN] [B], à M. [F], à Mme [AM], à Mme [O], à M. [JY] [E], à Mme [CG] [E], à M. [M] [TB], à Mme [HJ] [TB], à M. [PM], à Mme [WX], à M. [W] [GC], à Mme [U] [GC], à M. [LR] [GC], à Mme [D] [GC], à M. [EV], à M. [G] [RU], à Mme [C] [RU], à M. [PY], à Mme [VP], à M. [H], à Mme [K], à M. [ZB], à Mme [S], à Mme [OF], à M. [VE] et à la société Vivanim la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. Le conseiller rapporteur le president Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Réside études apparthôtels La société Réside Etudes Apparthôtels fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser une provision d'un certain montant à chacun des propriétaires bailleurs recevables de la résidence Nancy-Lorraine au titre des loyers impayés de mars 2020 au quatrième trimestre 2021 inclus, 1. Alors que, saisi d'une demande de condamnation à provision, le juge des référés ne dispose pas du pouvoir d'interpréter les termes d'un contrat ou d'une de ses clauses ; qu'en l'espèce les baux commerciaux conclus entre la société Réside Etudes Apparthôtels et chacun des propriétaires bailleurs contenait une clause de suspension du versement des loyers qui stipulait à l'article « dispositions diverses » que « Dans le cas où la non sous-location du bien résulterait (…) soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu'incendie de l'immeuble, etc…) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, après la date de livraison, le loyer, défini ci-avant, ne sera pas payé jusqu'au mois suivant la fin du trouble de jouissance » ; qu'en application de ces stipulations, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l'état d'urgence sanitaire, entraient dans les prévisions contractuelles ainsi stipulées en tant qu'elles interdisaient la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que, pour refuser cependant de faire application de ces stipulations contractuelles, la cour d'appel a retenu que les circonstances exceptionnelles ainsi visées devaient être intrinsèques au bien lui-même, c'est-à-dire à l'immeuble ou bâtiment, entendu stricto sensu ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a interprété la notion contractuelle de circonstances exceptionnelles affectant le bien en excluant que ces circonstances pussent affecter la sous-location du bien, objet du contrat, pour la rendre impossible, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse relative à la portée de la clause de suspension du versement du loyer et violé l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, 2. Alors en tout état de cause qu‘au sens de l'article 1722 du code civil, la perte de la chose louée, qui s'entend de toute circonstance en diminuant sensiblement l'usage, peut résulter d'une décision administrative imposant la fermeture de la chose louée et n'être que temporaire ; qu'en l'espèce, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l'état d'urgence sanitaire, avaient entraîné l'interdiction de la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que la société Réside Etudes Apparthotels a subi une perte partielle de la chose louée puisqu'elle n'a pu ni jouir de la chose louée ni en user conformément à sa destination pendant les périodes de fermeture administrative ; que les demandes de provisions se heurtaient donc à une contestation sérieuse sur son obligation au paiement de l'intégralité des loyers pendant les périodes de fermeture administrative ; que pour l'exclure, la cour d'appel a considéré que les dispositions de l'article 1722 du code civil ne visaient qu'une situation de destruction définitive de la chose louée, qu'elle soit totale ou partielle, ce qui n'aurait pas été le cas en l'espèce ; qu'en statuant ainsi, elle a violé ce texte, ensemble l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile. Le greffier de chambre
La cour d'appel statuant en matière de référé ne tranche aucune contestation sérieuse en allouant une provision au bailleur d'un logement situé dans une résidence de tourisme sur les loyers impayés par le locataire qui se prévalait, suite aux mesures sanitaires relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, d'une stipulation du bail commercial selon laquelle le paiement des loyers est suspendu dans les cas où « la non sous-location du bien » résulterait « soit du fait ou d'une faute du bailleur, soit de l'apparition de désordres de nature décennale, soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu'un incendie de l'immeuble, etc...) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale ». En effet, c'est sans interpréter cette clause, claire et précise, que la cour d'appel a constaté qu'elle ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible soit par le fait ou la faute du bailleur, soit en raison de désordres de nature décennale ou de la survenance de circonstances exceptionnelles affectant le bien loué lui-même
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CIV. 3 VB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 804 FS-B Pourvoi n° C 21-21.867 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Odalys résidences, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-21.867 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [X] [Z], domicilié [Adresse 1], 2°/ à la société BCAR, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Odalys résidences, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Z] et de la société BCAR, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 29 juin 2021), rendu en référé, M. [Z] et la société BCAR (les bailleurs) ont consenti trois baux commerciaux à la société Odalys résidences (la locataire) portant sur divers lots situés dans deux résidences de tourisme. 2. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a cessé son activité dans les résidences concernées du 14 mars au 2 juin 2020 et informé les bailleurs de sa décision d'interrompre le paiement du loyer et des charges pendant cette période. 3. Les bailleurs ont assigné la locataire en paiement de provisions correspondant à l'arriéré locatif. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à chacun des bailleurs une provision, alors : « 1°/ que juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui interprète un contrat pour écarter l'exception d'inexécution invoquée par le défendeur ; que la société Odalys Résidence soutenait que son obligation au paiement du loyer était contestable, sur le fondement de l'exception d'inexécution, dès lors qu'elle se trouvait dans l'impossibilité d'utiliser les locaux conformément à leur destination contractuelle ; qu'en considérant cependant qu'aucune perte des lieux loués n'était survenue à compter de l'interdiction gouvernementale, seuls les exploitants s'étant vu interdire de recevoir leurs clients dans les locaux pour des raisons étrangères à ceux-ci, pour en déduire que l'obligation au paiement des loyers n'était pas sérieusement contestable, le juge des référés, qui a apprécié la nature et l'étendue des obligations contractuelles respectives des parties et les circonstances permettant au preneur d'invoquer l'exception d'inexécution, a violé l'article 835 du code de procédure civile ; 2°/ que la société Odalys invoquait également la perte partielle de la chose louée, laquelle constituait une contestation sérieuse de son obligation de payer les loyers ; qu'en énonçant seulement, pour écarter ce moyen, que les locaux n'étaient pas en cause, quand c'est au contraire à raison de la nature des locaux, à destination de résidence de tourisme, que leur usage était devenu impossible, la cour d'appel a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile, ensemble l'article 1722 du code civil ; 3°/ que la société Odalys faisait valoir qu'il résultait des stipulations du bail qu'en cas d'indisponibilité du bien loué à raison notamment de circonstances exceptionnelles ne permettant pas une occupation effective et normale du bien, le versement du loyer serait suspendu, mais serait couvert soit par la garantie perte de loyers souscrite par le syndic de l'immeuble, soit par la garantie perte d'exploitation du preneur ; qu'en énonçant que cette clause ne visait que des manquements personnels du bailleur, ou des circonstances affectant le bien, ce qui n'était pas le cas, et qu'elle mentionnait clairement que la suspension des loyers était conditionnée par la couverture des loyers par les assureurs et que cette condition n'était pas remplie, la cour d'appel qui a interprété la portée de cette clause qui nécessitait une interprétation, a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. L'effet de la mesure gouvernementale d'interdiction de recevoir du public, générale et temporaire et sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil (3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.127, publié). 6. Après avoir relevé que seuls les exploitants se sont vu interdire de recevoir leurs clients pour des raisons étrangères aux locaux loués qui n'avaient subi aucun changement, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que les mesures d'interdiction d'exploitation, qui ne sont ni du fait ni de la faute du bailleur, ne constituent pas une circonstance affectant le bien, emportant perte de la chose louée. 7. Elle a ensuite constaté, sans interpréter le contrat, que la clause de suspension du loyer prévue au bail ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible par le fait ou la faute du bailleur ou en raison d'un désordre ou d'une circonstance exceptionnelle affectant le bien loué et que la condition de suspension, clairement exigée, de couverture des loyers par les assureurs, n'était pas remplie. 8. Elle n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Odalys résidences aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Odalys résidences et la condamne à payer à la société BCAR et M. [Z] la somme globale de 3000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Odalys résidences La société Odalys résidences fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à titre provisionnel à la société BCAR la somme de 23 192,75 euros à valoir sur les loyers exigibles au titre des premier et deuxième trimestres 2020, et à M. [Z] celle de 6 763,71 euros au titre de la même période ; 1) ALORS QUE le juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui interprète un contrat pour écarter l'exception d'inexécution invoquée par le défendeur ; que la société Odalys Résidence soutenait que son obligation au paiement du loyer était contestable, sur le fondement de l'exception d'inexécution, dès lors qu'elle se trouvait dans l'impossibilité d'utiliser les locaux conformément à leur destination contractuelle ; qu'en considérant cependant qu'aucune perte des lieux loués n'était survenue à compter de l'interdiction gouvernementale, seuls les exploitants s'étant vu interdire de recevoir leurs clients dans les locaux pour des raisons étrangères à ceux-ci, pour en déduire que l'obligation au paiement des loyers n'était pas sérieusement contestable, le juge des référés, qui a apprécié la nature et l'étendue des obligations contractuelles respectives des parties et les circonstances permettant au preneur d'invoquer l'exception d'inexécution, a violé l'article 835 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE la société Odalys invoquait également la perte partielle de la chose louée, laquelle constituait une contestation sérieuse de son obligation de payer les loyers ; qu'en énonçant seulement, pour écarter ce moyen, que les locaux n'étaient « pas en cause », quand c'est au contraire à raison de la nature des locaux, à destination de résidence de tourisme, que leur usage était devenu impossible, la cour d'appel a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile, ensemble l'article 1722 du code civil ; 3) ALORS QUE la société Odalys faisait valoir qu'il résultait des stipulations du bail qu'en cas d'indisponibilité du bien loué à raison notamment de circonstances exceptionnelles ne permettant pas une occupation effective et normale du bien, le versement du loyer serait suspendu, mais serait couvert soit par la garantie perte de loyers souscrite par le syndic de l'immeuble, soit par la garantie perte d'exploitation du preneur ; qu'en énonçant que cette clause ne visait que des manquements personnels du bailleur, ou des circonstances affectant le bien, ce qui n'était pas le cas, et qu'elle mentionnait clairement que la suspension des loyers était conditionnée par la couverture des loyers par les assureurs et que cette condition n'était pas remplie, la cour d'appel qui a interprété la portée de cette clause qui nécessitait une interprétation, a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile.
La cour d'appel statuant en matière de référé ne tranche aucune contestation sérieuse en allouant une provision au bailleur d'un logement situé dans une résidence de tourisme sur les loyers impayés par le locataire qui se prévalait, suite aux mesures sanitaires relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, d'une stipulation du bail commercial selon laquelle le paiement des loyers est suspendu dans les cas où « l'indisponibilité du bien » résulterait « soit du fait ou d'une faute du bailleur, soit de l'apparition de désordres de nature décennale soit de la survenance de circonstances exceptionnellement graves ( telles qu'incendie de l'immeuble, etc...) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale ». En effet, c'est sans interpréter cette clause, claire et précise, que la cour d'appel a constaté qu'elle ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible soit par le fait ou la faute du bailleur, soit en raison de désordres de nature décennale ou de la survenance de circonstances exceptionnelles affectant le bien loué lui-même
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 679 FS-B Pourvoi n° W 21-10.614 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Vacama, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 21-10.614 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Pastificio Service SL, société de droit espagnol, dont le siège est [Adresse 2] (Espagne), 2°/ à la société La Tagliatella, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Vacama, de la SCP Didier et Pinet, avocat des sociétés Pastificio Service SL et La Tagliatella, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Fontaine, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, MM. Bedouet, Alt, conseillers, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 octobre 2020), le 6 juillet 2012, la société Vacama, exploitant un restaurant, a conclu un contrat de franchise avec la société de droit espagnol Pastificio Service SL, contenant une clause compromissoire. La société Pastificio Service SL a cédé le contrat de franchise à la société La Tagliatella, en demeurant néanmoins le fournisseur exclusif de toutes les denrées alimentaires utilisées par les restaurants du réseau. 2. Estimant avoir été abusée du fait d'un concept déficitaire en France comme en Allemagne, la société Vacama a engagé une procédure d'arbitrage en saisissant, en 2016, la Chambre de commerce internationale (la CCI), désignée par les parties dans le contrat de franchise pour régler leurs différends, aux fins d'annulation de ce contrat. Le 22 mars 2018, la CCI s'est dessaisie, faute d'avoir reçu des parties l'intégralité de la provision à valoir sur les frais d'arbitrage. 3. Un jugement du 9 avril 2018 a mis la société Vacama en procédure de sauvegarde, M. [L] étant désigné administrateur et la société Etude Balincourt étant désignée mandataire judiciaire. 4. Le 5 juin 2018, M. [L], ès qualités, a été mis en demeure par la société La Tagliatella de prendre parti sur la continuation du contrat de franchise. Le 26 juin suivant, estimant que le contrat comprenait deux conventions autonomes, le contrat de franchise stricto sensu et la clause compromissoire, l'administrateur a répondu qu'il résiliait avec effet immédiat la clause compromissoire, ce qui avait pour conséquence, selon lui, de permettre la saisine du tribunal de commerce du litige initié devant le tribunal arbitral, et qu'il demandait au juge-commissaire une prolongation du délai de réponse pour le contrat de franchise stricto sensu, laquelle a été accordée, pour une durée de deux mois, par une ordonnance du 6 juillet 2018. Aucune réponse n'a été apportée par l'administrateur dans le délai ainsi prorogé. 5. La société La Tagliatella a formé un recours contre l'ordonnance. Par un jugement du 19 octobre 2018, le tribunal, retenant que le débat sur la dissociation ou non du contrat de franchise et de la clause compromissoire relevait du juge du fond, s'est déclaré incompétent au titre de la demande de clause compromissoire, a invité les parties à saisir la juridiction compétente, a rejeté toutes les demandes de la société La Tagliatella, confirmé l'ordonnance du juge-commissaire et constaté la résiliation du contrat de franchise. 6. Le 18 septembre 2018, la société Vacama et son mandataire judiciaire ont assigné les sociétés La Tagliatella et Pastificio Service SL devant le tribunal aux fins d'annulation du contrat de franchise, pour dol et pour absence de transmission par le franchiseur d'un savoir-faire économiquement exploitable, et d'indemnisation du préjudice subi. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. La société Vacama fait grief à l'arrêt de dire le tribunal incompétent pour connaître du litige en vertu de la clause compromissoire attachée au contrat de franchise du 6 juillet 2012 et de rejeter ses demandes, alors : « 1°/ que le contrat en cours est résilié de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse, ou lorsque l'administrateur répond à la mise en demeure, dans le délai d'un mois, en décidant expressément de résilier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'administrateur avait été mis en demeure par la société La Tagliatella de se prononcer sur la poursuite du contrat de franchise, sur le fondement de l'article L. 622-13 du code de commerce, ledit contrat comportant une clause compromissoire ; qu'elle a également constaté que l'administrateur avait répondu au franchiseur dans le délai d'un mois, en opérant à juste titre une distinction entre le contrat de franchise stricto sensu et la convention d'arbitrage autonome stipulée dans le même instrumentum, la cour d'appel constatant enfin la décision expresse de l'administrateur consistant à résilier la clause compromissoire avec effet immédiat ; qu'en refusant néanmoins de constater la résiliation de la convention d'arbitrage, et dire la juridiction étatique incompétente au profit de la juridiction arbitrale, à défaut de mise en demeure adressée par la société La Tagliatella à M. [L] lui demandant de prendre parti sur la continuation de la convention d'arbitrage, et faute de saisine par l'administrateur du juge-commissaire pour ordonner une telle résiliation sur le fondement de l'article L. 622-13 IV du code de commerce, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé, par refus d'application, l'article L. 622-13 III du code de commerce et, par fausse application, l'article L. 622-13 IV du même code ; 2°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Vacama faisait valoir que la décision de l'administrateur concernant la résiliation de la convention d'arbitrage était devenue définitive, faute de recours formé par le franchiseur contre cette décision devant le juge-commissaire sur le fondement de l'article R. 621-21 du code de commerce ; qu'en omettant de répondre à ce moyen déterminant de nature à établir le caractère définitif de la résiliation décidée par l'administrateur, pour se borner à énoncer, de manière générale, abstraite et inopérante, qu'en présence d'une clause d'arbitrage le juge-commissaire doit se déclarer incompétent au profit de l'arbitre en vertu du principe dit de "compétence-compétence", à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement inapplicable ou nulle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Il résulte de l'article 1447 du code de procédure civile que la convention d'arbitrage, qui est indépendante du contrat auquel elle se rapporte, a pour objet le droit d'action attaché aux obligations découlant du contrat et non la création, la modification, la transmission ou l'extinction de ces obligations. Il se déduit de cet objet qu'elle n'est pas un contrat en cours, au sens de l'article L. 622-13 du code de commerce, dont l'exécution pourrait être ou non exigée par l'administrateur. 9. La réponse de l'administrateur de la société Vacama à la mise en demeure délivrée, le 5 juin 2018, par la société La Tagliatella, selon laquelle il résiliait avec effet immédiat la seule clause compromissoire, ne pouvait donc produire aucun effet. 10. L'arrêt constate qu'il n'est pas allégué en l'espèce que la clause compromissoire était manifestement nulle et retient, sans être critiqué, qu'elle n'était pas manifestement inapplicable. 11. Il en résulte que le litige, qui opposait la société Vacama aux franchiseurs, relevait de la convention d'arbitrage et que les juridictions étatiques étaient incompétentes pour en connaître. 12. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Vacama aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Vacama. La société Vacama fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit le tribunal de commerce de Montpellier incompétent pour connaître du litige au profit d'un tribunal arbitral constitué sous l'égide de la Chambre du Commerce International de Paris (CCI) en vertu de la clause compromissoire attachée au contrat de franchise du 6 juillet 2012, et d'avoir débouté la société Vacama de ses demandes ; 1°) ALORS QUE le contrat en cours est résilié de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse, ou lorsque l'administrateur répond à la mise en demeure, dans le délai d'un mois, en décidant expressément de résilier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'administrateur avait été mis en demeure par la société La Tagliatella de se prononcer sur la poursuite du contrat de franchise, sur le fondement de l'article L. 622-13 du code de commerce, ledit contrat comportant une clause compromissoire (arrêt p. 2, 3 et 7) ; qu'elle a également constaté que l'administrateur avait répondu au franchiseur dans le délai d'un mois, en opérant à juste titre une distinction entre le contrat de franchise stricto sensu et la convention d'arbitrage autonome stipulée dans le même instrumentum, la cour d'appel constatant enfin la décision expresse de l'administrateur consistant à résilier la clause compromissoire avec effet immédiat (arrêt attaqué, p. 7) ; qu'en refusant néanmoins de constater la résiliation de la convention d'arbitrage, et dire la juridiction étatique incompétente au profit de la juridiction arbitrale, à défaut de mise en demeure adressée par la société Tagliatelle à M. [L] lui demandant de prendre parti sur la continuation de la convention d'arbitrage, et faute de saisine par l'administrateur du juge-commissaire pour ordonner une telle résiliation sur le fondement de l'article L. 622-13 IV du code de commerce (arrêt attaqué, p. 7), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé, par refus d'application, l'article L. 622-13 III du code de commerce et, par fausse application, l'article L. 622-13 IV du même code ; 2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Vacama faisait valoir que la décision de l'administrateur concernant la résiliation de la convention d'arbitrage était devenue définitive, faute de recours formé par le franchiseur contre cette décision devant le juge-commissaire sur le fondement de l'article R. 621-21 du code de commerce (conclusions p. 11 et 12) ; qu'en omettant de répondre à ce moyen déterminant de nature à établir le caractère définitif de la résiliation décidée par l'administrateur, pour se borner à énoncer, de manière générale, abstraite et inopérante, qu'en présence d'une clause d'arbitrage le juge-commissaire doit se déclarer incompétent au profit de l'arbitre en vertu du principe dit de « compétence-compétence », à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement inapplicable ou nulle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 1447 du code de procédure civile que la convention d'arbitrage, qui est indépendante du contrat auquel elle se rapporte, a pour objet le droit d'action attaché aux obligations découlant du contrat et non la création, la modification, la transmission ou l'extinction de ces obligations. Il se déduit de cet objet qu'elle n'est pas un contrat en cours, au sens de l'article L. 622-13 du code de commerce, dont l'exécution pourrait être ou non exigée par l'administrateur
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation Mme VAISSETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 680 F-B Pourvoi n° J 21-13.386 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-13.386 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. [B] [K], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vallansan, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 26 novembre 2020), la société [K] et Moutte (la société) a souscrit un contrat d'ouverture de crédit en compte courant auprès de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (la banque). Le 2 mai 2007, M. [K] s'est rendu caution de la société en faveur de la banque. 2. Par un jugement du 13 mars 2009, la société a été mise en redressement judiciaire. La banque a déclaré sa créance le 6 avril 2009, laquelle a été admise par une ordonnance du 5 février 2010. Un plan de redressement a été arrêté par le tribunal le 12 mars 2010. Le plan a été résolu et la société a été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013. 3. Le 23 décembre 2016, la banque a assigné M. [K] en exécution de son engagement de caution. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite et donc irrecevable sa demande, alors « que la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'ayant relevé que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, lequel a été résolu le 11 octobre 2013, la débitrice principale ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, la cour d'appel qui pour considérer que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article L. 630-21 (lire 631-20) du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique faisant courir un nouveau délai de cinq ans pour agir énonce que les co-obligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan et que les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il ressortait que la procédure collective était toujours en cours en l'absence de clôture et partant a violé les articles L. 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L. 622-28 et suivants dudit code. » Réponse de la Cour Vu les articles 2241 et 2246 du code civil et l'article L. 631-20 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 : 5. Il résulte des deux premiers textes que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective. Si, en vertu du troisième, la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement dont bénéficie, le cas échéant, le débiteur principal, cette disposition ne fait pas échec à l'interruption de la prescription à son égard jusqu'au constat de l'achèvement du plan, ou en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur principal, jusqu'à la clôture de cette procédure. 6. Pour déclarer prescrite l'action de la banque à l'égard de M. [K], l'arrêt retient qu'après l'arrêté du plan de redressement, aux termes de l'article L. 631-20 du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique, ce qui lui ouvrait un délai de cinq ans pour agir et que, la banque n'ayant poursuivi la caution qu'à compter de fin 2016, quand le plan de redressement était antérieur de plus de cinq ans, la demande était prescrite. 7. En statuant ainsi, alors qu'ayant retenu, sans être critiquée, que la prescription applicable en l'espèce était la prescription quinquennale prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce, et constaté que la banque avait déclaré sa créance le 6 avril 2009, que le plan de redressement de la société, arrêté le 12 mars 2010, avait été résolu et que la société avait été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013, elle ne pouvait déclarer prescrite l'action introduite par la banque le 23 décembre 2016, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés, le troisième par fausse application. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [K] à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence. LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé le jugement ayant déclaré prescrite et partant irrecevable la demande en paiement dirigé contre la caution, 1°) ALORS QUE la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'ayant relevé que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, lequel a été résolu le 11 octobre 2013, la débitrice principale ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, la cour d'appel qui pour considérer que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article L 630-21 (lire 631-20) du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique faisant courir un nouveau délai de cinq ans pour agir énonce que les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan et que les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il ressortait que la procédure collective était toujours en cours en l'absence de clôture et partant a violé les articles L 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants dudit code ; 2°) ALORS QUE la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'ayant relevé que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, lequel a été résolu le 11 octobre 2013, la débitrice principale ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, puis considérer que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article L 630-21 (lire 631-20) du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique faisant courir un nouveau délai de cinq ans pour agir puisque les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan, les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'étant pas contesté que la créance était intégralement exigible, la cour d'appel qui se prononce par des motifs inopérants, faute de caractériser la clôture de la procédure, a violé les articles L 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants dudit code ; 3°) ALORS QUE la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; que la Caisse exposante faisait valoir que la prescription n'était pas acquise dés lors que la déclaration de créance suspend la prescription jusqu'à la clôture de la procédure, le point de départ du délai de prescription ne pouvant être fixé à la date de l'homologation du plan puisque l'obligation principale n'est pas encore exigible en l'état de l'approbation du plan accordant des délais au débiteur principal, le délai ne pouvant commencer à courir qu'à partir du jour où l'obligation principale est devenue exigible soit en l'espèce à la date de la clôture de la liquidation judiciaire, la débitrice principale ayant été placée en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013 à la suite de la résolution du plan ; qu'ayant relevé que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, lequel a été résolu le 11 octobre 2013, la débitrice principale ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, puis considéré que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article L 630-21 (lire 631-20) du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique faisant courir un nouveau délai de cinq ans pour agir puisque les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan, les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'étant pas contesté que la créance était intégralement exigible, la cour d'appel qui n'a pas constaté que la procédure avait fait l'objet d'une clôture a violé les articles L 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants dudit code ; 4°) ALORS QUE si le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ;qu'en retenant par motifs adoptés que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, qu'en application de l'article L 631-20 du code de commerce, s'agissant d'une procédure de redressement judiciaire, c'est à cette date du 12 mars 2010 que l'action de la Banque envers la caution personne physique était de nouveau possible, faisant courir un nouveau délai de 5 ans et que ce délai ne saurait être de nouveau interrompu par la résolution de ce plan et la mise en liquidation du débiteur principal le 11 octobre 2013 et par motifs propres que les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan, que les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'étant pas contesté que la créance était intégralement exigible, le délai d'action contre la caution n'ayant pas été affecté par la décision révoquant le plan et prononçant la liquidation judiciaire, pour en déduire que la banque n'ayant poursuivi la caution qu'à compter de fin 2016, c'est à juste titre que le tribunal a relevé que la demande était prescrite, le plan de redressement étant antérieur de plus de 5 ans, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales s'évinçant de leur constatations dont il ressortait qu'en l'absence de clôture de la procédure la déclaration de créance produisait toujours son effet interruptif et, partant ils ont violé les articles L 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants dudit code ; SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé le jugement ayant déclaré prescrite et partant irrecevable la demande en paiement dirigé contre la caution, ALORS QUE la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'en ajoutant que le délai d'action contre la caution n'a pas été affecté par la décision révoquant le plan et plaçant la société sous liquidation judiciaire, quand la prescription, à la supposer en cours depuis le 12 mars 2010 avait été interrompue par la résolution du plan et la liquidation judicaire intervenue selon jugement du 11 octobre 2013, jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé l'articles L 630-21 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants et L 631-20-1 et suivants dudit code.
Il résulte des articles 2241 et 2246 du code civil que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective. Si, en vertu de l'article L. 631-20 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement dont bénéficie, le cas échéant, le débiteur principal, cette disposition ne fait pas échec à l'interruption de la prescription à son égard jusqu'au constat de l'achèvement du plan, ou, en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur principal, jusqu'à la clôture de cette procédure
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation Mme VAISSETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 681 F-B Pourvoi n° F 21-13.613 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022 1°/ La société Laugier Saint-Germain, société civile immobilière, 2°/ la société Nevile Foster Delaunay Belleville (NFDB), société anonyme, toutes deux ayant leur siège [Adresse 2], et représentées par leur liquidateur amiable M. [S] [K], ont formé le pourvoi n° F 21-13.613 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [Z] [V], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à la société [V] Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés Laugier Saint-Germain et Nevile Foster Delaunay Belleville, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [V] et de la société [V] Yang-Ting, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, M. Riffaud, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2020), la société Nevile Foster Delaunay Belleville (la société NFDB), exerçant l'activité de marchande de biens immobiliers, a été mise en redressement judiciaire le 4 mai 2004, puis en liquidation judiciaire le 10 mai 2005. La procédure a été étendue à sa filiale la SCI Laugier Saint-Germain (la société Laugier). La société [V] Yang-Ting, en la personne de Mme [V], a été successivement désignée mandataire judiciaire puis liquidateur. 2. La clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif a été prononcée le 21 janvier 2015. Le compte rendu de fin de mission du liquidateur a été déposé et notifié aux sociétés NFDB et Laugier le 3 mars 2015. 3. Le 6 octobre 2015, les sociétés NFDB et Laugier ont désigné M. [K], en qualité de liquidateur amiable, lequel a demandé à l'administration fiscale, le 26 janvier 2016, un remboursement de crédit de TVA pour le compte de la société NFDB afférent aux dépenses engagées après le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire pendant la période 2006-2012. La demande a été déclarée irrecevable par l'administration fiscale pour cause de prescription le 8 juillet suivant. 4. Considérant que le liquidateur judiciaire avait commis une faute engageant sa responsabilité personnelle en omettant d'entreprendre les formalités permettant d'obtenir le remboursement du crédit de TVA, les sociétés NFDB et Laugier l'ont assigné en paiement de dommages et intérêts. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La société Laugier et la société NFDB font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, alors : « que la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit (CJCE, 3 mars 2005, Fini H, aff. C-32/03) que les opérations réalisées par une société pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérées comme faisant partie de l'activité économique, dès lors qu'existe un lien entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, le système commun de TVA garantissant la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités ; qu'il s'ensuit qu'afin de respecter le principe de neutralité du système de taxe sur la valeur ajoutée, les dispositions de l'article 271 du code général des impôts doivent être interprétées de manière à ce qu'il ne soit pas procédé, pour l'exercice du droit à déduction, à une distinction arbitraire entre les dépenses effectuées par une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci, celles exposées au cours de cette exploitation et celles engagées pour mettre fin à cette exploitation ou à sa liquidation, de sorte que les dépenses relevant de la troisième catégorie, dès lors qu'elles sont en lien direct avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, peuvent être regardées comme faisant partie des frais généraux de l'entreprise et permettent l'exercice du droit à déduction ; que, pour écarter la faute du liquidateur judiciaire, la cour d'appel a énoncé que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité et qu'ainsi elle ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts, ce qui constituait son activité antérieure, que Mme [V] établissait, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation et qu'elle n'avait, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession est soumise à la TVA, pour en déduire que, ne remplissant aucune des deux conditions alternatives posées par le Conseil d'Etat, la société NFDB avait perdu sa qualité "d'assujettie" au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que, dès lors, la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvait plus être récupérée ; qu'en statuant ainsi, par des motifs d'où il ne résulte pas que les dépenses en amont de la société NFDB soumises à TVA pendant les opérations de liquidation étaient sans lien avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, la cour d'appel a violé l'article 271 du code général des impôts, ensemble le principe de neutralité du système de TVA consacré par la Cour de justice de l'Union Européenne et l'article 1382 devenu 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 6. La société [V] Yang-Ting et Mme [V] contestent la recevabilité du moyen en soutenant que celui-ci, qui part du postulat qu'il aurait existé un lien direct et immédiat entre les paiements litigieux et l'activité antérieure de la société NFDB, introduit devant la Cour de cassation une discussion purement factuelle qui aurait dû être étayée en cause d'appel, et est nouveau et mélangé de fait et de droit. 7. Cependant la cour d'appel ayant déjà été saisie du moyen dont la recevabilité est contestée, celui-ci n'est pas nouveau. 8. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil et l'article 271 du code général des impôts : 9. Aux termes du premier texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon le second, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération, et la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. 10. La Cour de justice de la communauté européenne a dit pour droit (CJCE, 3 mars 2005, I/S Fini H, C-32/03), d'une part, que selon les termes de l'article 4, paragraphe 1, de la sixième directive, la notion d'assujetti est définie en relation avec celle d'activité économique et que c'est l'existence d'une telle activité qui justifie la qualification d'assujetti qui se voit reconnaître, par la sixième directive, le droit à déduction. Elle a dit pour droit, d'autre part, que les coûts des opérations réalisées par une société assujettie pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérés comme inhérents à l'activité économique, de sorte que le droit à déduction doit lui être reconnu si ces opérations présentent un lien direct et immédiat avec l'activité, pour autant que sa mise en oeuvre ne donne pas lieu à des situations frauduleuses ou abusives, et que toute autre interprétation reviendrait à procéder à une distinction arbitraire entre, d'un côté, les dépenses effectuées pour les besoins d'une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci et celles réalisées au cours de ladite exploitation, et, de l'autre, les dépenses effectuées pour mettre fin à cette exploitation. 11. L'administration fiscale considère ainsi qu'une entreprise qui a cessé son activité commerciale mais qui continue de supporter des dépenses afférentes à cette activité est considérée comme un assujetti et peut déduire la TVA sur les montants acquittés, pour autant qu'il existe un lien direct et immédiat entre les paiements effectués et l'activité commerciale et dès lors que l'absence d'intention frauduleuse ou abusive est établie et qu'il en est ainsi notamment de la TVA ayant grevé les honoraires des mandataires liquidateurs (BOI-TVA-DED-50-20-20). 12. Pour retenir que le liquidateur n'avait commis aucune faute, l'arrêt retient que la perte de la qualité de redevable ouvrant droit au remboursement d'un crédit de TVA résulte de l'impossibilité pour l'assujetti de récupérer, par voie d'imputation sur les taxes dont il est redevable, le crédit dont il disposait, qu'un assujetti, quelle que soit l'activité qu'il a exercée, doit être regardé comme ayant perdu la qualité de redevable lorsqu'il n'est plus en mesure de réaliser aucune opération donnant lieu à collecte de TVA, et que tel est le cas lorsque non seulement l'assujetti ne peut plus effectuer aucune des opérations qui constituaient son activité normale, soit qu'il ait cédé l'ensemble des marchandises qu'il avait pour objet de vendre, soit qu'il ait cessé totalement d'effectuer les prestations de services qu'il avait pour objet de rendre, mais également ne dispose plus de biens, stocks ou éléments d'actif immobilisé, dont la cession est soumise à la perception de TVA. Ayant relevé qu'en l'espèce, il était constant et non contesté que le jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité, l'arrêt retient ensuite que cette société, représentée par Mme [V], ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts au sein du port de [Localité 3], ce qui constituait son activité antérieure, étant observé que le bail qui la liait au Port Autonome de [Localité 4] avait été résilié le 30 août 2000, et que le liquidateur établit, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation, que la société NFDB n'a, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession était soumise à la TVA. Il en déduit que la société NFDB a perdu sa qualité d'assujettie au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvant plus être récupérée par la société NFDB, le liquidateur n'avait commis aucune faute en ne demandant pas le remboursement d'un crédit de TVA afférent aux opérations postérieures au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire. 13. En statuant ainsi, alors que la société NFDB n'avait pas perdu sa qualité d'assujettie du seul fait de sa cessation d'activité, et qu'elle pouvait déduire la TVA grevant les dépenses engagées pour mettre fin à son exploitation après le jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, en obtenant, à la demande de son liquidateur, le remboursement du crédit de TVA ainsi généré, pour autant qu'il existait un lien direct et immédiat entre les paiements effectués et l'activité commerciale ou qu'ils aient été exposés pour mettre fin à l'exploitation et dès lors que l'absence d'intention frauduleuse ou abusive était établie, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société [V] Yang-Ting et Mme [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [V] Yang-Ting et Mme [V] et les condamne à payer à la société Nevile Foster Delaunay Belleville et à la société Laugier Saint-Germain la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour les sociétés Laugier Saint-Germain et Nevile Foster Delaunay Belleville. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutées de l'ensemble de leurs demandes ; 1°) ALORS QUE la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit (CJCE, 3 mars 2005, Fini H, aff. C-32/03) que les opérations réalisées par une société pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérées comme faisant partie de l'activité économique (pt. 24), dès lors qu'existe un lien entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction (pt. 26), le système commun de TVA garantissant la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités (pt. 25) ; qu'il s'ensuit qu'afin de respecter le principe de neutralité du système de taxe sur la valeur ajoutée, les dispositions de l'article 271 du code général des impôts doivent être interprétées de manière à ce qu'il ne soit pas procédé, pour l'exercice du droit à déduction, à une distinction arbitraire entre les dépenses effectuées par une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci, celles exposées au cours de cette exploitation et celles engagées pour mettre fin à cette exploitation ou à sa liquidation, de sorte que les dépenses relevant de la troisième catégorie, dès lors qu'elles sont en lien direct avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, peuvent être regardées comme faisant partie des frais généraux de l'entreprise et permettent l'exercice du droit à déduction ; que, pour écarter la faute du liquidateur judiciaire, la cour d'appel a énoncé que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité et qu'ainsi elle ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts, ce qui constituait son activité antérieure, que Me [V] établissait, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation et qu'elle n'avait, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession est soumise à la TVA, pour en déduire que, ne remplissant aucune des deux conditions alternatives posées par le Conseil d'Etat, la société NFDB avait perdu sa qualité « d'assujettie » au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que, dès lors, la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvait plus être récupérée ; qu'en statuant ainsi, par des motifs d'où il ne résulte pas que les dépenses en amont de la société NFDB soumises à TVA pendant les opérations de liquidation étaient sans lien avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, la cour d'appel a violé l'article 271 du code général des impôts, ensemble le principe de neutralité du système de TVA consacré par la Cour de justice de l'Union Européenne et l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 2°) ALORS QUE, dans leurs conclusions d'appel (p. 15 s.), la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain ont invoqué la jurisprudence de la Cour de justice (CJCE, 22 février 2001, Abbey National, aff. C-408/98, CJCE 3 mars 2005, Fini H, aff. C-32/03 ; CJUE, 22 octobre 2015, Sveda, aff. C 126/14), ainsi que celle issue des juridictions administratives d'appel (Versailles, 19 juin 2012, n° 10VE00294 ; Paris, 11 décembre 2012 n° 11PA04376), d'où il résulte, notamment, qu'en application du système de neutralité du système de TVA, la société en liquidation conserve son droit à déduction de la TVA acquittée pendant le cours des opérations de cessation de son activé, de tels frais (opérations en amont) étant en lien avec les opérations qu'elles a menées pendant son activité (opérations en aval) ; qu'elle ont ensuite fait valoir que « les dépenses engagées par Me [V] étaient liées aux procédures judiciaires opposant la société NFDB au Port autonome et à ses sous-locataires et destinées à mettre fin à l'activité de location de la société et à restituer les locaux libres de toute occupation » et qu' « elles participaient des frais généraux de la société » (concl., p. 19), comme, ainsi que cela ressortait du compte analytique produit par le liquidateur lui-même, les factures réglées en 2012 au Port autonome de [Localité 4], les « encaissements de recouvrement de créances liés à l'activité antérieure de la société », les frais afférents aux cessions d'actifs et de toutes autres factures relatives à des frais généraux et mentionnant la TVA (concl., p. 20) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions établissant que la société NFDB pouvait récupérer la TVA acquittée par elle pendant le cours des opérations de liquidation, puisque découlant de dépenses effectuées pour liquider son exploitation, et ouvrant droit à déduction, dès lors qu'elles étaient en lien direct avec ladite exploitation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE le Conseil d'Etat a dit pour droit (CE, 30 décembre 2011, n° 323188) qu'un assujetti, quelle que soit l'activité qu'il a exercée, doit être regardé comme ayant perdu la qualité de redevable lorsqu'il n'est plus en mesure de réaliser aucune opération donnant lieu à collecte de TVA et que tel est le cas lorsque non seulement l'assujetti ne peut plus effectuer aucune des opérations qui constituaient son activité normale, soit qu'il a cédé l'ensemble des marchandises qu'il avait pour objet de vendre, soit qu'il a cessé totalement d'effectuer les prestations de services qu'il avait pour objet de rendre, mais également ne dispose plus de biens, stocks ou éléments d'actif immobilisé, dont la cession est soumise à la perception de TVA ; que, pour écarter la faute du liquidateur judiciaire, la cour d'appel a énoncé que la perte de la qualité d'assujettie à la TVA ne découle pas d'un acte juridique en lui-même, tel un placement en liquidation judiciaire, mais de la réalité de la cessation d'activités permettant de déduire la TVA, même postérieurement au jugement de mise en liquidation, que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité et qu'ainsi elle ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts, ce qui constituait son activité antérieure, que Me [V] établissait, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation et qu'elle n'avait, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession est soumise à la TVA, pour en déduire que, ne remplissant aucune des deux conditions alternatives posées par le Conseil d'Etat, la société NFDB avait perdu sa qualité d'assujettie au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que, dès lors, la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvait plus être récupérée ; qu'en retenant ainsi que la société NFDB avait, du fait de sa liquidation judiciaire, perdu sa qualité « d'assujettie », qualité qu'elle conservait nécessairement, nonobstant la perte, à la supposer avérée, de sa qualité de redevable, la cour d'appel a encore violé les articles 271, IV, du code général des impôts, 242-0 A de l'annexe II au même code, 242-0 C et 242-0 G de la même annexe, et R. 196-1 du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutées de l'ensemble de leurs demandes ; 1°) ALORS QUE le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'à l'appui de leur demande indemnitaire, la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain ont invoqué (concl., p. 9-10) la faute commise par le liquidateur judiciaire qui a différé, sans raison valable, les opérations de clôture de la liquidation jusqu'au mois de novembre 2014 alors même qu'elle avait procédé au début de l'année 2012 à la vente du dernier immeuble appartenant au débiteur, qu'elle avait établi le 20 juin 2012 sa requête de taxation – tout en ne la déposant sans justification que le 27 juin 2013 -, qu'elle avait été la destinataire de nombreuses demandes tendant à ce que la liquidation soit clôturée, attendant ainsi encore 17 mois après le dépôt de sa requête en taxation pour déposer, le 17 novembre 2014, une requête aux fins de clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif ; qu'en écartant la responsabilité civile professionnelle du liquidateur, sans se prononcer sur cette faute, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'à l'appui de leur demande indemnitaire, la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain ont invoqué (concl., p. 10) la faute commise par le liquidateur judiciaire déduite de ce qu'elle avait soumis, le 17 novembre 2014, au tribunal une demande erronée inutile et coûteuse de désignation d'un liquidateur amiable, contraignant leur ancien dirigeant à interjeter appel et à obtenir une décision judiciaire conforme aux dispositions de l'article 1844-8 du code civil, ce qui a eu pour effet de retarder encore les opérations de liquidation d'un an jusqu'à l'arrêt du 15 septembre 2015 ; qu'en écartant la responsabilité civile professionnelle du liquidateur, sans se prononcer sur cette faute, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutées de leur demande d'expertise ; 1°) ALORS QUE les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible ; que, pour débouter la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain de leur demande d'expertise, la cour d'appel, par adoption des motifs du premier juge, a énoncé que le liquidateur judiciaire a « communiqué le compte-rendu de fin de mission qu'elle a déposé à l'issue de la procédure de liquidation litigieuse en application de l'article R. 626-39 du code de commerce, mentionnant précisément la manière dont les fonds ont été distribués, sans que la réalité de cette distribution ne soit discutée », que « le fait que ladite répartition ne soit pas conforme à ce que le liquidateur avait annoncé en cours de procédure est indifférent », et, enfin, que « le trop-versé allégué en faveur d'un des créanciers, le Port autonome de [Localité 4], ne repose que sur les propres affirmations des sociétés demanderesses, à elles seules insuffisamment probantes, d'autant qu'aucune observation n'a été émise à ce sujet - ou un autre - à l'encontre du compte-rendu de fin de mission dans le délai de quinze jours prévu par l'article R. 626-39 précité du code de commerce » ; qu'en conditionnant ainsi l'expertise demandée à la formulation d'observations sur le compte rendu de fin de mission du liquidateur, dans le délai de quinze jours prévu par l'article R. 626-39 du code de commerce, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article 143 du code de procédure civile une condition qu'il ne comporte pas, l'a nécessairement violé ; 2°) ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties, auquel cas il lui appartient d'ordonner toute production ou mesure d'instruction nécessaires pour trancher l'entier litige ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par adoption des motifs du premier juge, pour débouter la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain de leur demande d'expertise, cependant qu'il lui appartenait, si elle s'estimait insuffisamment éclairée par les éléments rapportés par ces dernières pour établir la responsabilité civile professionnelle du liquidateur judiciaire, d'ordonner une mesure d'expertise propre à lui permettre de trancher le litige, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.
Aux termes de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon l'article 271 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération, et la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit (CJCE, arrêt du 3 mars 2005, Fini H, C-32/03), d'une part, que selon les termes de l'article 4, § 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil du 10 avril 1995, la notion d'assujetti est définie en relation avec celle d'activité économique et que c'est l'existence d'une telle activité qui justifie la qualification d'assujetti qui se voit reconnaître, par la sixième directive, le droit à déduction. Elle a dit pour droit, d'autre part, que les coûts des opérations réalisées par une société assujettie pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérés comme inhérents à l'activité économique, de sorte que le droit à déduction doit lui être reconnu si ces opérations présentent un lien direct et immédiat avec l'activité, pour autant que sa mise en oeuvre ne donne pas lieu à des situations frauduleuses ou abusives. Viole, en conséquence, les textes susvisés, la cour d'appel qui retient que le liquidateur d'une société mise en liquidation judiciaire n'a pas commis de faute engageant sa responsabilité personnelle en omettant de demander le remboursement d'un crédit de TVA afférent à des opérations postérieures au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, aux motifs que la société avait perdu sa qualité d'assujettie au jour de ce jugement, alors que cette société n'avait pas perdu cette qualité du seul fait de sa cessation d'activité et qu'elle pouvait déduire la TVA grevant les dépenses engagées pour mettre fin à son exploitation après ce jugement, en obtenant, à la demande de son liquidateur, le remboursement du crédit de TVA ainsi généré, pour autant qu'il existait un lien direct et immédiat entre les paiements effectués et l'activité commerciale ou qu'ils aient été exposés pour mettre fin à l'exploitation et dès lors que l'absence d'intention frauduleuse ou abusive était établie
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet Mme VAISSETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 695 F-B Pourvoi n° E 21-19.431 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [U] [F], domicilié chez Mme [P], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-19.431 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Amauger-[K], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [L] [K], prise en qualité de mandataire liquidateur de M. [U] [F], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [F], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Amauger-[K], en la personne de M. [L] [K], ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 mai 2021), M. [F] a été mis en redressement judiciaire le 5 juillet 2012, la procédure étant étendue aux SCI Impériale Fininvest, Impériale Patriminvest et Impériale Techinvest, trois sociétés dont il était le gérant. Le plan de redressement arrêté n'ayant pas été respecté, sa résolution a été prononcée par un jugement du 7 avril 2016, et qui a ouvert la liquidation judiciaire de M. [F] et des trois sociétés. Ce jugement a été annulé par un arrêt du 7 novembre 2016 qui a prononcé la résolution du plan de redressement et ouvert la liquidation judiciaire de M. [F] et des trois sociétés. 2. Le 19 septembre 2019, la société Amauger-[K], désignée liquidateur, a assigné M. [F] pour voir prononcer son interdiction de gérer. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. M. [F] fait grief à l'arrêt de déclarer l'action du liquidateur recevable comme non prescrite et de prononcer son interdiction de gérer pour une durée de 10 ans, alors « que les actions engagées aux fins de voir prononcer la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ; que l'annulation par la cour d'appel du jugement qui prononce la liquidation judiciaire - pour une irrégularité de procédure n'affectant pas l'acte introductif d'instance - ne reporte pas le point de départ de cette prescription à la date de l'arrêt, qui statuant en vertu de l'effet dévolutif, prononce à nouveau une liquidation judiciaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L 653-1 II du code de commerce et 542, 561 et 562 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. L'annulation d'un jugement qui prononce une liquidation judiciaire après résolution d'un plan entraîne l'anéantissement rétroactif de cette décision. Selon l'article L. 653-1, II, du code de commerce, les actions en faillite personnelle ou interdiction de gérer se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui ouvre la procédure de redressement ou liquidation judiciaire. 6. Après avoir énoncé, conformément aux dispositions de l'article L. 626-27 du code de commerce, que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire après la résolution d'un plan de redressement, constitue une nouvelle procédure, l'arrêt en déduit exactement que le délai de prescription de trois ans de l'article L. 653-1 II du même code commence à courir à compter de la décision d'ouverture de la nouvelle procédure. Il retient ensuite que l'annulation du jugement du 7 avril 2016 ayant privé rétroactivement ce dernier de tout effet, le point de départ du délai de prescription de trois ans ne peut être la date du jugement annulé, mais doit être fixé au 7 novembre 2016, date de l'arrêt ayant annulé le jugement et ouvert la liquidation judiciaire. Relevant que l'action du liquidateur a été introduite par une assignation du 19 septembre 2019, il retient à bon droit que l'action n'est pas prescrite. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et le condamne à payer à la société Amauger-[K], en qualité de liquidateur de M. [F], la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [F]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action du mandataire liquidateur recevable comme non prescrite et d'avoir prononcé à son encontre, une interdiction du droit de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement une entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale pour une durée de 10 ans ; Alors que les actions engagées aux fins de voir prononcer la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ; que l'annulation par la Cour d'appel du jugement qui prononce la liquidation judiciaire – pour une irrégularité de procédure n'affectant pas l'acte introductif d'instance - ne reporte pas le point de départ de cette prescription à la date de l'arrêt, qui statuant en vertu de l'effet dévolutif, prononce à nouveau une liquidation judiciaire ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L 653-1 II du code de commerce et 542, 561 et 562 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé à son encontre, une interdiction du droit de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement une entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale pour une durée de 10 ans ; 1°- Alors que l'abstention du dirigeant de la société débitrice à coopérer avec les organes de la procédure collective, qui peut être sanctionnée par l'interdiction de diriger, lorsque cette abstention fait obstacle au bon déroulement de la procédure collective, doit être volontaire ; que M. [F] faisait valoir dans ses conclusions (p. 11), qu'il avait répondu au courrier du mandataire du 2 février 2017 réclamant la copie des contrats de commissionnement auprès des agences et de la copie du chiffre d'affaires annuel réalisé avec les compagnies d'assurance, par un courrier du 7 février 2017 qu'il versait aux débats ; que dans son courrier du 7 février 2017 M. [F] faisait valoir notamment que n'ayant plus d'accès internet et extranet avec les diverses compagnies en raison d'une coupure au mois de juin par les soins du mandataire, il ne pouvait connaitre l'état financier du portefeuille et qu'il venait d'obtenir une ordonnance désignant la société Parisienne de Gestion d'Archives pour récupérer les dossiers d'assurance ; qu'en se bornant à énoncer que M. [F] ne démontrerait pas avoir donné suite aux courriers par lesquels le liquidateur lui demandait la communication des éléments comptables, des contrats de commissionnement, et du chiffre d'affaires réalisé, alors qu'un acquéreur potentiel était intéressé pour l'acquisition du portefeuille de courtier, sans analyser même sommairement cette pièce versée aux débats, démontrant l'existence d'une difficulté rencontrée par M. [F] pour communiquer les pièces demandées par Me [K], la Cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser une abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure et privé sa décision de base légale au regard de l'article L 653-5, 5° du code de commerce et du principe de proportionnalité ; 2°- Alors que l'abstention du dirigeant de la société débitrice à coopérer avec les organes de la procédure collective, qui peut être sanctionnée par l'interdiction de diriger, lorsque cette abstention fait obstacle au bon déroulement de la procédure collective, doit être volontaire ; qu'en se bornant à énoncer que M. [F] ne démontrerait pas avoir donné suite aux courriers par lesquels le liquidateur lui demandait la communication des éléments comptables, des contrats de commissionnement, et du chiffre d'affaires réalisé, alors qu'un acquéreur potentiel était intéressé pour l'acquisition du portefeuille de courtier, quand M. [F] faisait valoir dans ses conclusions (p.11), sans être démenti par Me [K], que ce dernier avait obtenu une ordonnance pour vendre le mobilier du cabinet d'assurance et qu'il avait mandaté un commissaire-priseur avant la vente du cabinet, alors que ces meubles contenaient toutes les archives, la Cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser une abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure et privé sa décision de base légale au regard de l'article L 653-5, 5° du code de commerce et du principe de proportionnalité ; 3°- Alors que dans son courrier du 22 mars 2017 Me [K] ne demandait pas la copie des contrats de commissionnement et le chiffre d'affaires réalisé avec les assureurs, mais sollicitait, pour répondre à un acquéreur potentiel, des précisions sur la typologie des contrats d'assurance par compagnie ; que M. [F] faisait valoir qu'il avait donné les précisions demandées, par un courrier en réponse du 27 mars 2017 qu'il versait aux débats, duquel il résulte qu'il précisait effectivement la typologie des contrats d'assurance par compagnie ; qu'en énonçant pour retenir l'absence de coopération de M. [F] avec les organes de la procédure, que le courrier du 22 mars 2017 qui aurait eu pour objet l'obtention des contrats de commissionnement et du chiffre d'affaires réalisé avec les assureurs, serait resté sans réponse, la Cour d'appel a dénaturé ce courrier en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 4°- Alors qu'en statuant comme elle l'a fait, sans qu'il résulte de ses constatations que la prétendue abstention de M. [F] à coopérer avec les organes de la procédure aurait fait obstacle au bon déroulement de la procédure, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 653-5, 5° et du principe de proportionnalité ; 5°- Alors qu'en se fondant pour prononcer une interdiction de diriger contre M. [F], sur sa prétendue abstention à répondre aux demandes du liquidateur sollicitant la communication des éléments comptables par lettres des 12 avril et 13 juin 2016, après avoir considéré que le jugement du Tribunal de commerce du 7 avril 2016 qui prononçait la liquidation judiciaire de M. [F] ayant été annulé par l'arrêt de la Cour d'appel du 7 novembre 2016, c'est cet arrêt et non le jugement du 7 avril 2016 qui constituerait le jugement d'ouverture de la procédure, ce dont il résulte qu'elle ne pouvait se fonder sur une prétendue abstention du débiteur à coopérer avec les organes de la procédure pour n'avoir pas répondu aux deux courriers de Me [K], antérieurs au 7 novembre 2016, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, et a violé l'article L 653-5, 5° et le principe de proportionnalité ; 6°- Alors que le tribunal peut prononcer une interdiction de diriger contre une personne qui a fait disparaître des documents comptables, n'a pas tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou a tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ; qu'en se bornant à énoncer que M. [F] n'aurait pas réagi aux courriers du mandataire liquidateur en date des 12 avril et 13 juin 2016 en vue de se faire présenter les éléments comptables, et ne démontrerait pas avoir remis les documents comptables à Me [J] désigné précédemment comme il le fait valoir, qu'il ne renverserait pas les constatations du liquidateur et ne propose pas davantage de communiquer ces documents devant la Cour d'appel, l'arrêt attaqué a statué par un motif impropre à caractériser une défaillance de M. [F] dans la tenue de la comptabilité et partant a violé l'article L 653-5, 6° et le principe de proportionnalité.
L'annulation d'un jugement qui prononce une liquidation judiciaire après résolution d'un plan entraînant l'anéantissement rétroactif de cette décision, le délai de prescription triennal des actions en faillite personnelle ou interdiction de gérer de l'article L. 653-1, II, du code de commerce, court à compter de la nouvelle décision d'ouverture de la procédure
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet Mme VAISSETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 696 F-B Pourvoi n° Y 20-18.593 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Ziegler France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° Y 20-18.593 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [E] [U], domicilié [Adresse 7], [Localité 2] (Suisse), 2°/ à la société Transafos, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8], [Localité 6], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Ziegler France, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Transafos, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 octobre 2019), M. [U] a fait l'acquisition auprès de la société Tradimpex d'un navire dont le transport entre [Localité 5] (Emirats Arabes Unis) et [Localité 4] (France) a été confié à la société Ami International, suivant un connaissement du 20 mai 2012. A l'arrivée du navire, le 24 juin 2012, la société Ziegler France (la société Ziegler), mandatée par M. [U], l'a reçu sans réserve et l'a acheminé jusqu'à l'entrepôt de la société Transafos, à [Localité 6], laquelle l'a également reçu sans réserve, le 11 juillet 2012, et l'a entreposé sur son parking extérieur clôturé. Le 30 octobre 2012, M. [U] s'est présenté dans les locaux de la société Transafos et a établi avec cette dernière la constatation écrite de divers dégâts et manquants. 2. Le 28 octobre 2013, la société Ziegler a assigné la société Transafos afin de voir juger qu'elle était responsable des dommages causés au navire, qu'elle serait tenue de la relever et garantir de toutes demandes que M. [U] serait susceptible de former contre elle et de lui payer une certaine somme au titre des réparations. Les 10 et 13 mars 2015, M. [U] a assigné respectivement la société Transafos et la société Ziegler en indemnisation de son préjudice. Les deux instances ont été jointes. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société Ziegler fait grief à l'arrêt rectifié de rejeter sa demande en condamnation de la société Transafos à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et dépens qui pourraient être mises à sa charge au profit de M. [U], alors : « 1°/ que le commissionnaire de transport a qualité à agir en garantie contre son substitué s'il est assigné par la victime du dommage, sans avoir à dédommager cette dernière ni à s'engager à le faire ; que le défaut de qualité à agir du commissionnaire de transport contre son substitué est régularisable tant qu'il n'a pas été statué sur cette action, peu important que cette régularisation intervienne après l'échéance du délai de prescription de cette action ; qu'en retenant que l'action en garantie engagée par la société Ziegler contre la société Transafos dans le délai de prescription était irrecevable comme prescrite, au seul constat qu'elle n'avait pas désintéressé M. [U] ni ne s'était engagée à le faire avant l'expiration de ce délai, tout en relevant que celui-ci l'avait assignée en responsabilité avant qu'il n'ait été statué sur cette action en garantie, ce qui suffisait à régulariser son défaut de qualité à agir initial, la cour d'appel a violé les articles 31 et 126 du code de procédure civile ; 2°/ que le commissionnaire de transport est recevable à agir contre son substitué à fin déclaratoire tant qu'il n'a pas été assigné par la victime du dommage ; que le juge doit alors statuer sur cette demande et déclarer irrecevables les demandes en paiement éventuellement formulées contre ce substitué, qui sont divisibles de la demande formulée à titre déclaratoire ; qu'ayant constaté que, dans son assignation contre la société Transafos, la société Ziegler demandait à être "relevée et garantie de toutes demandes que M. [U] serait susceptible de former contre elle", la cour d'appel, en déclarant irrecevable cette demande formulée à titre déclaratoire au motif que l'assignation comportait également une demande en paiement pour laquelle la société Ziegler n'avait pas encore qualité à agir, a violé l'article 31 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Le commissionnaire de transport dont la responsabilité est recherchée en tant qu'il est garant de ses substitués, ne justifie d'un intérêt à exercer à l'encontre de ces derniers une action principale en garantie que s'il a désintéressé le créancier d'indemnité ou s'est obligé à dédommager ce créancier qui a accepté d'attendre le résultat de la procédure engagée par le commissionnaire contre ses substitués ou leurs assureurs. La régularisation, jusqu'à ce que le juge statue, de la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir d'une telle action en garantie, exercée à titre principal, ne peut résulter que de l'indemnisation du créancier ou de l'engagement d'indemniser pris par le commissionnaire de transport. 5. Après avoir relevé que le délai de prescription convenu entre les sociétés Transafos et Ziegler était d'un an à compter de l'exécution de la prestation litigieuse du contrat, soit le 30 octobre 2012, jour du constat contradictoire des dommages, établi par M. [U] et la société Transafos, l'arrêt relève que la société Ziegler a assigné cette dernière le 28 octobre 2013 en paiement d'une somme de 13 613 euros au titre des réparations sur le navire de M. [U] mais qu'elle n'a ni désintéressé ce dernier ni pris l'engagement de le faire. 6. En l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit à bon droit que l'action engagée par la société Ziegler n'était pas une action déclaratoire mais une action principale en garantie et que la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir de cette action n'avait pas été régularisée, la cour d'appel a exactement retenu que l'assignation en garantie délivrée par la société Ziegler à la société Transafos n'avait pas interrompu le délai de prescription. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Ziegler France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ziegler France et la condamne à payer à la société Transafos la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Ziegler France. La société Ziegler France fait grief à l'arrêt attaqué (arrêt n°2019/344 du 17 octobre 2019, tel que rectifié par l'arrêt r n°2020/84 du 1er juillet 2020) D'AVOIR rejeté sa demande en condamnation de la société SAS Transafos à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et dépens qui pourraient être mises à sa charge au profit de M. [E] [U] ; 1°) ALORS QUE le commissionnaire de transport a qualité à agir en garantie contre son substitué s'il est assigné par la victime du dommage, sans avoir à dédommager cette dernière ni à s'engager à le faire ; que le défaut de qualité à agir du commissionnaire de transport contre son substitué est régularisable tant qu'il n'a pas été statué sur cette action, peu important que cette régularisation intervienne après l'échéance du délai de prescription de cette action ; qu'en retenant que l'action en garantie engagée par la société Ziegler contre la société Transafos dans le délai de prescription était irrecevable comme prescrite, au seul constat qu'elle n'avait pas désintéressé M. [U] ni ne s'était engagée à le faire avant l'expiration de ce délai, tout en relevant que celui-ci l'avait assignée en responsabilité avant qu'il n'ait été statué sur cette action en garantie, ce qui suffisait à régulariser son défaut de qualité à agir initial, la cour d'appel a violé les articles 31 et 126 du code de procédure civile ; 2°) ALORS en toute hypothèse QUE le commissionnaire de transport est recevable à agir contre son substitué à fin déclaratoire tant qu'il n'a pas été assigné par la victime du dommage ; que le juge doit alors statuer sur cette demande et déclarer irrecevables les demandes en paiement éventuellement formulées contre ce substitué, qui sont divisibles de la demande formulée à titre déclaratoire ; qu'ayant constaté que, dans son assignation contre la société Transafos, la société Ziegler demandait à être « relevée et garantie de toutes demandes que M. [U] serait susceptible de former contre elle », la cour d'appel, en déclarant irrecevable cette demande formulée à titre déclaratoire au motif que l'assignation comportait également une demande en paiement pour laquelle la société Ziegler n'avait pas encore qualité à agir, a violé l'article 31 du code de procédure civile.
Le commissionnaire de transport dont la responsabilité est recherchée en tant qu'il est garant de ses substitués, ne justifie d'un intérêt à exercer à l'encontre de ces derniers une action principale en garantie que s'il a désintéressé le créancier d'indemnité ou s'est obligé à dédommager ce créancier qui a accepté d'attendre le résultat de la procédure engagée par le commissionnaire contre ses substitués ou leurs assureurs. La régularisation, jusqu'à ce que le juge statue, de la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir d'une telle action en garantie, exercée à titre principal, ne peut résulter que de l'indemnisation du créancier ou de l'engagement d'indemniser pris par le commissionnaire de transport
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SOC. OR COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1247 FS-B Pourvoi n° B 21-12.873 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-12.873 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2021 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [I] [P], domicilié [Adresse 3], 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, M. Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mmes Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 5 janvier 2021), M. [P] a été engagé, le 6 mars 2006, par l'agence régionale de développement de Franche-Comté en qualité de chargé de mission puis, par avenant du 26 juin 2009, nommé en qualité de directeur général. 2. En février 2017, la fusion des deux agences régionales de développement de Bourgogne et de Franche-Comté a conduit à la création de l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté. 3. Le 16 octobre 2017, dans le cadre de cette réorganisation, l'employeur a proposé au salarié de devenir directeur du service à l'appui des territoires. 4. Le salarié, ayant refusé cette modification de son contrat de travail, a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour motif économique au cours duquel un contrat de sécurisation professionnelle lui a été proposé. Le 5 décembre 2017, le salarié a accepté cette proposition et son contrat de travail s'est trouvé rompu le 20 décembre 2017. 5. Contestant le motif économique de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 7. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner en conséquence à lui payer diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'aux termes de la délégation de pouvoirs et de responsabilités au directeur général du 23 août 2017, Mme A. (directrice générale) est directement responsable du recrutement du personnel de la SPL ARD FC, dénommée AER BFC au 28/09/2017. Elle assurera le suivi de la gestion du personnel, tant sur le plan administratif que disciplinaire. Les licenciements qui pourraient intervenir seront de sa compétence et elle en assurera l'entière responsabilité. Toutefois le conseil d'administration se réserve les pouvoirs suivants : nommer et révoquer les directeurs de la société, fixer leurs traitements, salaires et gratifications : la direction générale adressera à un comité de recrutement composé de membres du conseil d'administration le dossier des candidat(e)s. Le Conseil d'administration décidera du et/ou de la candidat(e) retenu(e) et de sa rémunération" ; que la cour d'appel a déduit de ces dispositions que faute de limiter le pouvoir de licencier le pouvoir du conseil d'administration de nommer et de révoquer les directeurs" aux seuls directeurs ayant le statut de mandataires sociaux, tout en renvoyant aux notions de traitements" et de salaires", cette délégation devait s'analyser comme englobant tout à la fois, dans le terme les directeurs", aussi bien ceux exerçant ces fonctions en qualité de mandataires sociaux que ceux les assumant en qualité de salariés tel que l'intéressé ; qu'en statut ainsi, cependant qu'il résultait des termes clairs et précis de la délégation litigieuse que tous les licenciements" relevaient de la compétence de la directrice générale, la cour d'appel a dénaturé celle-ci et violé, ce faisant, les articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe susvisé ». Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 8. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer au salarié diverses sommes à ce titre, l'arrêt retient que le conseil d'administration, aux termes d'une délégation de pouvoir consentie à la directrice générale le 23 août 2017, s'était réservé le pouvoir de licencier les directeurs de la société. 9. En statuant ainsi, alors que l'acte litigieux indiquait que les licenciements étaient de la compétence de la directrice générale et que le conseil d'administration se réservait le pouvoir de révoquer les directeurs de la société, ce dont il résultait que cette réserve était limitée, conformément aux dispositions de l'article L. 225-55 du code de commerce, aux seuls directeurs ayant le statut de mandataires sociaux, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé. Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 10. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié la somme de 45 982 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents, soit la somme de 4 598,20 euros, alors « que le salarié ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis que sous déduction des sommes qu'il a déjà perçue à ce titre ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir et offrait de prouver que si, du fait de l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur avait versé à Pôle emploi une somme représentant l'indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de salaire, le surplus de cette indemnité, soit trois mois, avait été effectivement payé au salarié à hauteur d'une somme de 22 991 euros bruts ; qu'en allouant au salarié une somme de 45 982 euros correspondant à l'intégralité de l'indemnité conventionnelle de préavis, sans déduire de celle-ci les sommes déjà versées à ce titre au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-67 et L. 1233-69, dans leur version modifiée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, du code du travail et l'article L. 1234-9, dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, dudit code, ensemble l'article 9 du statut des personnels des organismes de développement économique. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1233-67 et L. 1233-69 du code du travail, dans leur version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, l'article L. 1234-9 du même code, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article 9 du statut des personnels des organismes de développement économique : 11. Il résulte de ces textes qu'en l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées. 12. Pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 45 982 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, l'arrêt retient qu'en application de la convention collective relative au statut des personnels des organismes de développement économique du 9 mars 1999, l'intéressé bénéficie d'une indemnité compensatrice de six mois en sa qualité de directeur. 13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de l'employeur, si celui-ci n'avait pas déjà versé au salarié, dans le cadre de l'exécution du contrat de sécurisation professionnelle, une somme équivalente à trois mois de salaire à titre d'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à la fraction excédant le montant de la contribution due à Pôle emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Sur le moyen relevé d'office 14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 1234-9 du code du travail, 12 du statut des personnels des organismes de développement économiques et L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 : 15. Il résulte des deux premiers textes que l'indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont forfaitaires, est la contrepartie du droit de l'employeur de résiliation unilatérale du contrat de travail. 16. Il résulte du dernier de ces textes que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l'emploi. 17. Pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 122 618,56 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'en application de l'article 12 du statut des personnels des organismes de développement économique du 9 mars 1999, révisé le 12 décembre 2007, l'intéressé bénéfice d'une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse doublée, étant ajouté qu'il avait, lors de la rupture de son contrat de travail, une ancienneté de 11 ans 9 mois et 14 jours pour avoir été embauché à compter du 6 mars 2006. 18. En statuant ainsi, alors que l'article 12 des statuts n'est pas relatif aux dommages-intérêts dus en cas de licenciement injustifié mais prévoit, en ce cas, le doublement de l'indemnité forfaitaire de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 19. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, alors « qu'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en l'espèce, il était constant que la rupture du contrat de travail du salarié était intervenue par suite de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle en date du 5 décembre 2017 ; qu'en ordonnant néanmoins à l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à l'intéressé dans la limite de trois mois d'indemnités, sans tenir compte de la contribution équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis versée au titre de la participation de l'employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur version antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1233-69 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et l'article L. 1235-4 du même code, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 20. En l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail. 21. Après avoir jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a ordonné le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois. 22. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté de sa demande formée au titre de la violation du secret des correspondances et M. [P] de sa prétention émise au titre d'un préjudice moral, l'arrêt rendu le 5 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ; Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux conseils, pour l'agence economique régionale de Bourgogne-Franche-Comté PREMIER MOYEN DE CASSATION L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, d'AVOIR dit que le licenciement de M. [P] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR en conséquence condamnée à payer au salarié les sommes de 45 982,00 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 4598,20 euros et de 122 618,56 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [P], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, ALORS QUE sauf dispositions particulières, les juges statuent, à peine de nullité, en nombre impair ; que le magistrat nommé au sein d'une nouvelle juridiction par décret du Président de la République perd sa qualité de membre de la juridiction d'origine le lendemain de la date à laquelle ce décret est publié au Journal officiel, à défaut pour celui-ci de fixer une autre date ; que l'arrêt attaqué du 5 janvier 2021 mentionne que la cour était composée, lors du délibéré, par deux conseillers et un président de chambre, Mme K-Dorsch, laquelle avait pourtant été nommée président de chambre de la cour d'appel de Colmar par décret du Président de la République du 15 décembre 2020, ne fixant aucune date d'entrée en vigueur et publié au Journal officiel du 17 décembre 2020 ; que les juges n'ont donc pas statué en nombre impair de sorte que la cour d'appel a violé les articles 430, 447 et 458 du code de procédure civile, et L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, d'AVOIR dit que le licenciement de M. [P] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR en conséquence condamnée à payer au salarié les sommes de 45 982,00 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 4598,20 euros et de 122 618,56 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [P], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, 1°) ALORS QUE l'article L. 1531-1 du code du travail, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2017-257 du 28 février 2017, prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital, celles-ci revêtant la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce ; qu'il ressort des dispositions des articles L. 225-51-1 et L. 225-56, I., issus dudit livre, que « la direction générale de la société est assumée, sous sa responsabilité, soit par le président du conseil d'administration, soit par une autre personne physique nommée par le conseil d'administration et portant le titre de directeur général » ; que « Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il exerce ces pouvoirs dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration. Il représente la société dans ses rapports avec les tiers. La société est engagée même par les actes du directeur général qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.» ; qu'en l'espèce, il était constant que l'agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté était une société publique locale ayant la forme juridique d'une société anonyme ; que pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en se déterminant au regard du seul contenu de la délégation de pouvoir litigieuse, sans rechercher si la directrice générale ne tenait pas de la loi le pouvoir de licencier le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles précités ; 2°) ALORS QUE l'article L. 1531-1 du code du travail, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2017-257 du 28 février 2017, prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital, celles-ci revêtant la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce ; qu'il ressort des dispositions des articles L. 225-51-1 et L. 225-56, I., issus dudit livre, que « la direction générale de la société est assumée, sous sa responsabilité, soit par le président du conseil d'administration, soit par une autre personne physique nommée par le conseil d'administration et portant le titre de directeur général » ; que « Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il exerce ces pouvoirs dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration. Il représente la société dans ses rapports avec les tiers. La société est engagée même par les actes du directeur général qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. Les dispositions des statuts ou les décisions du conseil d'administration limitant les pouvoirs du directeur général sont inopposables aux tiers. » ; qu'en l'espèce, il était constant que l'agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté était une société publique locale ayant la forme juridique d'une société anonyme ; que pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, en application de la loi, cette éventuelle limitation des pouvoirs du directeur général n'était pas, en tout état de cause, sans effet à l'égard du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles précités ; 3°) ALORS QU'il ressort de l'article 24 des statuts de l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté que « le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société » ; que l'article 25 y ajoute que « les actes concernant la société sont signés, soit par l'une des personnes investies de la direction générale, soit encore par tous fondés de pouvoirs habilités à cet effet » ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en se déterminant au regard du seul contenu de la délégation de pouvoir litigieuse, sans rechercher si la directrice générale ne tenait pas des statuts de la société le pouvoir de licencier le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ; 4°) ALORS QU'il ressort de l'article 24 des statuts de l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté que « le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société (…). Il représente la société dans ses rapports avec les tiers auxquels toutes décisions limitant ses pouvoirs sont inopposables. (…) Toute limitation des pouvoirs du directeur général délégué (et donc a fortiori du directeur général) est inopposable aux tiers » ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les dispositions statutaires précitées n'avaient pas pour effet de rendre cette éventuelle limitation des pouvoirs du directeur général sans effet à l'égard du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016; 5°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'aux termes de la délégation de pouvoirs et de responsabilités au directeur général du 23 août 2017, « Mme [S] [H] (directrice générale) est directement responsable du recrutement du personnel de la SPL ARD FC, dénommée AER BFC au 28/09/2017. Elle assurera le suivi de la gestion du personnel, tant sur le plan administratif que disciplinaire.Les licenciements qui pourraient intervenir seront de sa compétence et elle en assurera l'entière responsabilité. Toutefois le conseil d'administration se réserve les pouvoirs suivants : nommer et révoquer les directeurs de la société, fixer leurs traitements, salaires et gratifications : la direction générale adressera à un comité de recrutement composé de membres du conseil d'administration le dossier des candidat(e)s. Le Conseil d'administration décidera du et/ou de la candidat(e) retenu(e) et de sa rémunération » (cf. production n° 5) ; que la cour d'appel a déduit de ces dispositions que faute de limiter le pouvoir de licencier le pouvoir du conseil d'administration de nommer et de révoquer « les directeurs » aux seuls directeurs ayant le statut de mandataires sociaux, tout en renvoyant aux notions de « traitements » et de « salaires », cette délégation devait s'analyser comme englobant tout à la fois, dans le terme « les directeurs », aussi bien ceux exerçant ces fonctions en qualité de mandataires sociaux que ceux les assumant en qualité de salariés tel que l'intéressé ; qu'en statut ainsi, cependant qu'il résultait des termes clairs et précis de la délégation litigieuse que tous les « licenciements »relevaient de la compétence de la directrice générale, la cour d'appel a dénaturé celle-ci et violé, ce faisant, les articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe susvisé ; 6°) ALORS QUE, à tout le moins, le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir qu'après la délégation de pouvoir générale du 23 août 2017, une délégation de pouvoir spéciale avait été donnée à la directrice générale le 29 septembre 2017, afin de procéder au licenciement de M. [P], pièce qui était produite aux débats ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il ne rentrait pas dans le cadre de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière le 23 août 2017 ; qu'en statuant ainsi sans répondre au moyen tiré de l'existence d'une délégation de pouvoir spéciale ultérieure, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 7°) ALORS QUE, en tout état de cause, aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ; que pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement était signée par la directrice générale de la société employant le salarié laquelle était chargée de la gestion du personnel, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 225-51-1 et L. 225-56, I, du code de commerce, les articles L. 1232-6 et L. 1531-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, ensemble les articles 1984 et 1998 du code civil ; 8°) ALORS QUE, en toute hypothèse, en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, le mandant est tenu de l'acte de celui-ci s'il l'a ratifié expressément ou tacitement ; que pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ressortait de ses propres énonciations que l'employeur, en la personne de son représentant légal, soutenait dans ses conclusions la validité et le bien-fondé du licenciement dont le salarié avait fait l'objet et réclamait, par confirmation du jugement, le rejet de toutes les prétentions de ce dernier, ce dont il résultait la volonté claire et non équivoque de ratifier la mesure prise par la directrice générale, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 225-51-1 et L. 225-56, I, du code de commerce, les articles L. 1232-6 et L. 1531-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, ensemble les articles 1984 et 1998 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE AUX DEUX PREMIERS) L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à payer à M. [P] les sommes de 45 982,00 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 4 598,20 euros, 1°) ALORS QU'en cas d'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur n'est tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents qu'en l'absence de motif économique de licenciement ; qu'en condamnant l'employeur à payer au salarié l'intégralité de l'indemnité compensatrice de préavis au seul prétexte que la lettre avait été signée par une personne jugée dépourvue du pouvoir de licencier le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-67 et L. 1233-69, dans leur version modifiée par la loi n°2015-990 du 6 août 2015, du code du travail et l'article L. 1234-9, dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dudit code ; 2°) ALORS subsidiairement QUE le salarié ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis que sous déduction des sommes qu'il a déjà perçue à ce titre ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir et offrait de prouver que si, du fait de l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur avait versé à Pôle emploi une somme représentant l'indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de salaire, le surplus de cette indemnité, soit trois mois, avait été effectivement payé au salarié à hauteur d'une somme de 22 991 euros bruts ; qu'en allouant au salarié une somme de 45 982 euros correspondant à l'intégralité de l'indemnité conventionnelle de préavis, sans déduire de celleci les sommes déjà versées à ce titre au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-67 et L. 1233-69, dans leur version modifiée par la loi n°2015-990 du 6 août 2015, du code du travail et l'article L. 1234-9, dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dudit code, ensemble l'article 9 du statut des personnels des organismes de développement économique. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE AUX DEUX PREMIERS) L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à payer à M. [P] la somme de 122 618,56 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1°) ALORS QUE pour les licenciements prononcés après le 24 septembre 2017, l'indemnité due en cas de licenciement sans cause réelle ne peut excéder les montants maximaux fixés par l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 ; que cet article institue des barèmes impératifs auxquels il ne peut être dérogé, fût-ce dans un sens plus favorable ; qu'en l'espèce, ayant moins de 12 ans d'ancienneté au jour de la rupture du contrat intervenue le 20 décembre 2017, le salarié ne pouvait prétendre, en application dudit article, qu'à une indemnisation comprise entre 3 mois et 10,5 mois soit, au regard d'un salaire de référence de 7 716,70 euros, une somme comprise entre 23 150,10 et 81 925,35 euros ; qu'en écartant les dispositions précitées au profit de celles de la convention collective des personnels des organismes de développement économique, pour accorder au salarié la somme de 122 618,56 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article susvisé ; 2º) ALORS QUE, en tout état de cause, le juge doit justifier le montant des indemnités qu'il octroie en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'à ce titre, il doit prendre en compte tous les éléments qui déterminent le préjudice subi par le salarié dont l'indemnité de licenciement versée à l'occasion de la rupture dès lors qu'elle est plus favorable que l'indemnité légale de licenciement ; qu'en l'espèce, dénonçant le caractère exorbitant des prétentions du salarié, la société soulignait, preuves à l'appui, que l'intéressé avait perçu une indemnité conventionnelle de licenciement s'élevant à 101 561,43 euros, ce qui équivalait à 13,2 mois de salaires bruts, soit un montant près de 5 fois supérieur à celui correspondant à l'indemnité légale de licenciement qui se chiffrait à 22 827 euros ; qu'elle ajoutait qu'outre cette indemnisation extra légale de 78 734 euros, le salarié avait perçu, lors de la rupture, diverses sommes portant le montant total des sommes versées à titre d'indemnités de rupture à 163 931 euros ; qu'en se bornant à retenir, après avoir rappelé le principe d'un doublement de l'indemnité de licenciement en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu par la convention collective applicable ainsi que l'ancienneté du salarié, qu' « il lui sera alloué à ce titre la somme de 122 618,56 euros » sans plus amplement motiver sa décision sur ce point au regard notamment des sommes très importantes perçues par le salarié lors de la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, dans leur version modifiée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE AUX DEUX PREMIERS) L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [P], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, ALORS QU'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en l'espèce, il était constant que la rupture du contrat de travail du salarié était intervenue par suite de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle en date du 5 décembre 2017 ; qu'en ordonnant néanmoins à l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à l'intéressé dans la limite de trois mois d'indemnités, sans tenir compte de la contribution équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis versée au titre de la participation de l'employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur version antérieure à la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018.
Il résulte des articles L. 1234-9 du code du travail et 12 du statut des personnels des organismes de développement économique du 9 mars 1999, révisé le 12 décembre 2007, que l'indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont forfaitaires, est la contrepartie du droit de l'employeur de résiliation unilatérale du contrat de travail. Il résulte de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l'emploi. Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui, après avoir retenu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, condamne l'employeur à verser au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article 12 du statut des personnels des organismes de développement économique, alors que ce texte n'est pas relatif aux dommages-intérêts dus en cas de licenciement injustifié mais prévoit, en ce cas, le doublement de l'indemnité forfaitaire de licenciement
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SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 1248 FS-B Pourvoi n° B 21-16.162 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 Mme [P] [S], domiciliée [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° B 21-16.162 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Solocal, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], venant aux droits de la société Pages jaunes, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [S], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Solocal, les plaidoiries de Me Lyon-Caen et celles de Me Célice, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mmes Grande mange, Douxami, conseillers, Mmes Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 mars 2021), Mme [S], engagée le 22 juin 1998 par la société Pages jaunes, devenue la société Solocal (la société), occupait en dernier lieu les fonctions de télévendeuse selon avenant du 31 août 2009. Elle a exercé différents mandats de représentante du personnel à compter de l'année 2005. 2. Par lettre du 7 janvier 2014, l'employeur lui a proposé une modification de son contrat de travail, dans le cadre d'un projet de réorganisation donnant lieu à élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi contenu dans un accord collectif majoritaire signé le 20 novembre 2013 et validé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France (Direccte) le 2 janvier 2014. En l'absence de réponse de la salariée, l'employeur lui a notifié, par lettre du 12 février 2014, l'entrée en vigueur de l'avenant au 1er juillet 2014. 3. Par arrêt du 22 octobre 2014, statuant sur le recours d'un autre salarié, une cour administrative d'appel a annulé cette décision de validation, au motif que l'accord du 20 novembre 2013 ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par les dispositions de l'article L. 1233-24-1 du code du travail et le Conseil d'Etat a, le 22 juillet 2015, rejeté les pourvois formés contre cet arrêt. 4. La salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la nullité de son dernier contrat de travail et reconnaître l'existence d'une discrimination à son égard. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir déclarer nul le contrat de travail conclu en application du plan de sauvegarde de l'emploi du 20 novembre 2013, applicable le contrat signé entre les parties le 31 août 2009, ordonner sous astreinte son rétablissement dans son contrat du 31 août 2009 avec effet rétroactif au 1er juillet 2014 et condamner la société Solocal à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire sur la période du 1er juillet 2014 au 1er septembre 2019 et des congés payés afférents ou, à titre subsidiaire, à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant de la mise en oeuvre d'un contrat nul, alors : « 1° / que la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l'emploi s'étend à tous les actes subséquents ; qu'il en est ainsi de la modification pour motif économique du contrat de travail acceptée par un salarié dès lors que cette modification s'inscrit dans un processus de réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu, avant toute proposition de modification des contrats de travail, à l'établissement d'un plan de sauvegarde l'emploi devant s'appliquer en cas de refus de la proposition faite ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la cour d'appel que la modification du contrat de travail pour motif économique que Mme [S] est réputée avoir acceptée trouve son origine dans un projet de réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité prévoyant la modification du contrat de travail de certains salariés et ayant donné lieu à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi dont il a été précisé à la salariée qu'il serait fait application en cas de refus de sa part de la modification proposée ; qu'en jugeant néanmoins que l'avenant litigieux au contrat de travail de l'exposante ne pouvait être considéré comme un acte subséquent du plan de sauvegarde de l'emploi au motif inopérant que l'article L. 1222-6 du code du travail ne conditionnait pas la modification du contrat de travail pour motif économique à la mise en oeuvre d'un PSE, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations a violé les dispositions des articles L. 1222-6, L. 1233-25 et L. 1235-10 du code du travail ; 2°/ que la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l'emploi s'étend à tous les actes subséquents ; qu'il en est ainsi de la modification pour motif économique du contrat de travail acceptée par un salarié dès lors que cette modification s'inscrit dans un processus de réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu, avant toute proposition de modification des contrats de travail, à l'établissement d'un plan de sauvegarde l'emploi devant s'appliquer en cas de refus de la proposition faite par un salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la cour d'appel que la modification du contrat de travail pour motif économique que Mme [S] est réputée avoir acceptée trouve son origine dans un projet de réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité prévoyant la modification du contrat de travail de certains salariés ainsi que diverses mesures d'accompagnement de la mise en oeuvre de ce projet adoptées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi dont il a été précisé à la salariée qu'il serait fait application en cas de refus de sa part de la modification proposée ; qu'en jugeant néanmoins que l'avenant litigieux au contrat de travail de l'exposante ne pouvait être considéré comme un acte subséquent du plan de sauvegarde de l'emploi et que l'annulation par la juridiction administrative de la validation par la Direccte de l'accord portant plan de sauvegarde de l'emploi était sans effet sur la validité de l'avenant au contrat de travail de Mme [S] aux motifs erronés que, ni la circonstance suivant laquelle l'employeur avait négocié et fait valider l'accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi avant de soumettre à la salariée la modification de son contrat de travail, ni la mention, dans le courrier de proposition de cette modification de l'accord collectif susvisé n'avaient eu pour effet de créer un lien juridique entre l'avenant proposé et le PSE, et que la modification du contrat de travail de la salariée trouvait son origine, non pas dans ce PSE, mais dans la réorganisation de l'entreprise, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1222-6, L. 1233-25 et L. 1235-10 du code du travail ; 3°/ que la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l'emploi s'étend à tous les actes subséquents ; qu'il en est ainsi de la modification pour motif économique du contrat de travail acceptée par un salarié dès lors que cette modification s'inscrit dans un processus de réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu, avant toute proposition de modification des contrats de travail, à l'établissement d'un plan de sauvegarde l'emploi devant s'appliquer en cas de refus de la proposition faite par un salarié ; que pour juger en l'espèce que l'annulation par la juridiction administrative de la validation par la Direccte de l'accord portant plan de sauvegarde de l'emploi était sans effet sur la validité de l'avenant au contrat de travail de Mme [S], la cour d'appel a retenu qu'aucune disposition légale ne prévoyait que l'annulation de la décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 du code du travail entraînait l'annulation d'une modification de contrat de travail intervenue par application de l'article L. 1222-6 dans le cadre du même projet de réorganisation ; qu'en statuant par de tels motifs alors qu'il ressortait de ses propres constatations que l'avenant à son contrat de travail régularisé par Mme [S] constituait un acte subséquent du PSE adopté par voie d'accord collectif le 20 novembre 2013 si bien que la nullité affectant ce plan s'étendait à l'avenant litigieux, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1235-10 du code du travail ; 4°/ qu'il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ; que le consentement du salarié à une modification de son contrat de travail n'est pas valable lorsqu'il a été donné sous la menace d'un licenciement qui ne pouvait être valablement prononcé ; qu'en l'espèce, pour écarter l'existence d'un vice du consentement donné par Mme [S], la cour d'appel a retenu que l'employeur avait légitimement et de manière licite informé la salariée des conséquences légales d'un éventuel refus de la modification du contrat de travail qui lui était proposé ; qu'en statuant ainsi alors que, compte tenu de la nullité dont se trouvait entaché le plan de sauvegarde de l'emploi adopté par accord collectif le 20 novembre 2013, en cas de refus de la modification de son contrat de travail, la société employeur ne pouvait valablement procéder à son licenciement en vertu de ce plan, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1109 et 1112 du code civil dans leur version applicable au litige, ensemble celles des articles L. 1233-25 et L. 1235-10 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. D'une part, aux termes de l'article L. 1222-6 du code du travail, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. 8. L'article L. 1233-25 du code du travail dispose que lorsqu'au moins dix salariés ont refusé la modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail, proposée par leur employeur pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3 et que leur licenciement est envisagé, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique. 9. D'autre part, il résulte de l'article L. 1235-7-1 du code du travail que le juge judiciaire, compétent pour statuer sur les litiges relatifs à l'application des mesures comprises dans un plan de sauvegarde de l'emploi, est fondé, lorsque le défaut de validité de l'accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi résulte des motifs de la décision du juge administratif annulant la décision de validation de cet accord, à écarter l'application des clauses de cet accord. 10. Il en résulte qu'une modification de contrat de travail intervenue, en application de l'article L. 1222-6 précité, dans le cadre d'un projet de réorganisation ayant donné lieu à l'élaboration d'un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi, ne constitue pas un acte subséquent à cet accord, de sorte que les salariés ayant tacitement accepté cette modification ne sont pas fondés à se prévaloir du défaut de validité de l'accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi pour obtenir la nullité de leur contrat de travail. 11. Le moyen, qui soutient le contraire, n'est donc pas fondé en ses trois premières branches. 12. La cour d'appel ayant ensuite relevé que l'employeur avait informé la salariée légitimement et de manière licite, des conséquences légales d'un éventuel refus de la proposition de modification de son contrat de travail et que la négociation et la validation préalables de l'accord majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi lui avaient permis d'être parfaitement éclairée sur les implications de son choix, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain, décidé que le vice du consentement invoqué ne pouvait être retenu. 13. Le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [S] PREMIER MOYEN DE CASSATION Madame [S] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes tendant à voir déclarer nul le contrat de travail conclu en application du PSE du 20 novembre 2013, à voir déclarer applicable le contrat signé entre les parties le 31 août 2009, à voir ordonner sous astreinte son rétablissement dans son contrat du 31 août 2009 avec effet rétroactif au 1er juillet 2014 et à voir condamner la société SOLOCAL à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire sur la période du 1er juillet 2014 au 1er septembre 2019 et des congés payés y afférents ou, à titre subsidiaire, à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la mise en oeuvre d'un contrat nul ; ALORS en premier lieu QUE la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l'emploi s'étend à tous les actes subséquents ; qu'il en est ainsi de la modification pour motif économique du contrat de travail acceptée par un salarié dès lors que cette modification s'inscrit dans un processus de réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu, avant toute proposition de modification des contrats de travail, à l'établissement d'un plan de sauvegarde l'emploi devant s'appliquer en cas de refus de la proposition faite ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la Cour d'appel que la modification du contrat de travail pour motif économique que Madame [S] est réputée avoir acceptée trouve son origine dans un projet de réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité prévoyant la modification du contrat de travail de certains salariés et ayant donné lieu à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi dont il a été précisé à la salariée qu'il serait fait application en cas de refus de sa part de la modification proposée ; qu'en jugeant néanmoins que l'avenant litigieux au contrat de travail de l'exposante ne pouvait être considéré comme un acte subséquent du plan de sauvegarde de l'emploi au motif inopérant que l'article L. 1222-6 du Code du travail ne conditionnait pas la modification du contrat de travail pour motif économique à la mise en oeuvre d'un PSE, la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations a violé les dispositions des articles L. 1222-6, L. 1233-25 et L. 1235-10 du Code du travail ; ALORS en deuxième lieu QUE la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l'emploi s'étend à tous les actes subséquents ; qu'il en est ainsi de la modification pour motif économique du contrat de travail acceptée par un salarié dès lors que cette modification s'inscrit dans un processus de réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu, avant toute proposition de modification des contrats de travail, à l'établissement d'un plan de sauvegarde l'emploi devant s'appliquer en cas de refus de la proposition faite par un salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la Cour d'appel que la modification du contrat de travail pour motif économique que Madame [S] est réputée avoir acceptée trouve son origine dans un projet de réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité prévoyant la modification du contrat de travail de certains salariés ainsi que diverses mesures d'accompagnement de la mise en oeuvre de ce projet adoptées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi dont il a été précisé à la salariée qu'il serait fait application en cas de refus de sa part de la modification proposée ; qu'en jugeant néanmoins que l'avenant litigieux au contrat de travail de l'exposante ne pouvait être considéré comme un acte subséquent du plan de sauvegarde de l'emploi et que l'annulation par la juridiction administrative de la validation par la DIRECCTE de l'accord portant plan de sauvegarde de l'emploi était sans effet sur la validité de l'avenant au contrat de travail de Madame [S] aux motifs erronés que, ni la circonstance suivant laquelle l'employeur avait négocié et fait valider l'accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi avant de soumettre à la salariée la modification de son contrat de travail, ni la mention, dans le courrier de proposition de cette modification de l'accord collectif susvisé n'avaient eu pour effet de créer un lien juridique entre l'avenant proposé et le PSE, et que la modification du contrat de travail de la salariée trouvait son origine, non pas dans ce PSE, mais dans la réorganisation de l'entreprise, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1222-6, L. 1233-25 et L. 1235-10 du Code du travail ; ALORS en troisième lieu QUE la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l'emploi s'étend à tous les actes subséquents ; qu'il en est ainsi de la modification pour motif économique du contrat de travail acceptée par un salarié dès lors que cette modification s'inscrit dans un processus de réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu, avant toute proposition de modification des contrats de travail, à l'établissement d'un plan de sauvegarde l'emploi devant s'appliquer en cas de refus de la proposition faite par un salarié ; que pour juger en l'espèce que l'annulation par la juridiction administrative de la validation par la DIRECCTE de l'accord portant plan de sauvegarde de l'emploi était sans effet sur la validité de l'avenant au contrat de travail de Madame [S], la Cour d'appel a retenu qu'aucune disposition légale ne prévoyait que l'annulation de la décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 du Code du travail entrainait l'annulation d'une modification de contrat de travail intervenue par application de l'article L. 1222-6 dans le cadre du même projet de réorganisation ; qu'en statuant par de tels motifs alors qu'il ressortait de ses propres constatations que l'avenant à son contrat de travail régularisé par Madame [S] constituait un acte subséquent du PSE adopté par voie d'accord collectif le 20 novembre 2013 si bien que la nullité affectant ce plan s'étendait à l'avenant litigieux, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1235-10 du Code du travail ; ALORS enfin et en toute hypothèse QU'il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ; que le consentement du salarié à une modification de son contrat de travail n'est pas valable lorsqu'il a été donné sous la menace d'un licenciement qui ne pouvait être valablement prononcé ; qu'en l'espèce, pour écarter l'existence d'un vice du consentement donné par Madame [S], la Cour d'appel a retenu que l'employeur avait légitimement et de manière licite informé la salariée des conséquences légales d'un éventuel refus de la modification du contrat de travail qui lui était proposé ; qu'en statuant ainsi alors que, compte tenu de la nullité dont se trouvait entaché le plan de sauvegarde de l'emploi adopté par accord collectif le 20 novembre 2013, en cas de refus de la modification de son contrat de travail, la société employeur ne pouvait valablement procéder à son licenciement en vertu de ce plan, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 1109 et 1112 du Code civil dans leur version applicable au litige, ensemble celles des articles L. 1233-25 et L. 1235-10 du Code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION Madame [S] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir de déboutée de ses demandes tendant à voir constater le traitement discriminatoire qui lui est infligé et à voir condamner la société SOLOCAL à lui verser une somme à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de cette discrimination ; ALORS en premier lieu QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, évoquant les suites données par la société SOLOCAL à l'agression dont avait été victime Madame [S] de la part de Monsieur [V] le 25 septembre 2012, la Cour d'appel a relevé que la lecture du courrier que l'inspecteur du travail avait adressé à l'employeur le 1er février 2013 à ce sujet permettait d'établir qu'il n'avait « manifestement pas été avisé du courriel précité de M. [O], puisqu'il se content[ait] de relever la décision de l'employeur de ne pas donner suite à l'incident, sans faire référence à la réunion organisée le 3 octobre 2012 » ; qu'en statuant par de tels motifs alors que, dans son courrier du 1er février 2013, l'inspecteur du travail indiquait « un entretien avec M. [O] aura lieu le mercredi 3 octobre à 11h suite à une convocation adressée par ce dernier par mail à Melle [S] le 2 octobre 2012 à 18h25 […]. Lors de l'entretien du 3 octobre étaient présents M [O], Mme [M], M [D], M [V] et Melle [S]. Suite à cette réunion, M [O] répondra une nouvelle fois par email à Melle [S] en lui précisant que la direction ne souhaitait pas donner de suite « particulière ou formelle à cette affaire », la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce courrier en violation du principe susvisé ensemble de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; ALORS en deuxième lieu QU'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison notamment de ses activités syndicales et de son état de santé ; lorsque survient un litige en matière de discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en l'espèce, pour considérer que le courrier adressé par la directrice des ressources humaines au médecin traitant de Madame [S] afin d'avoir confirmation par cette dernière de l'autorisation accordée à la salariée de poursuivre son activité syndicale pendant son arrêt maladie ne constituait pas un élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, la Cour d'appel a retenu que cette demande était manifestement bien fondée puisque le seul certificat du médecin traitant de Madame [S] l'autorisant à exercer son activité médicale durant son arrêt maladie était postérieur au courrier litigieux ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si, ainsi que le soutenait Madame [S], la circonstance que l'employeur sollicite directement le médecin traitant de la salariée au lieu de demander à cette dernière de lui fournir l'autorisation délivrée par son médecin, en donnant qui plus est à sa démarche la plus grande publicité, ne laissait pas supposer l'existence d'une discrimination et, dans l'affirmative, si la société SOLOCAL justifiait ces agissements par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du Code du travail ; ALORS en troisième lieu QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, pour écarter toute discrimination en raison de l'état de santé de la salariée, la Cour d'appel a relevé que l'examen de la pièce n° 26 constituée de fiches de reportings hebdomadaires qui, selon Madame [S], stigmatiseraient ses absences pour cause médicale, ne permettait pas d'établir le fait invoqué dès lors que les absences de Mme [S] ne sont pas évoquées, le manager rapportant la performance du service au nombre de jours de présence de l'ensemble de l'équipe sans distinction et les noms des collaborateurs n'étant mentionnés que pour les féliciter des résultats atteints ; qu'en statuant par de tels motifs alors que, sur le reporting pour la semaine du 17 au 21 novembre 2008, était mentionné à la rubrique « grains de sable », « les deux absences longue durée : absence de […] [P] [ …] qui commence à influer sur le nombre de clients et NC réalisés de l'équipe » et à la rubrique « difficultés rencontrées », « les absences longue durée qui pèsent sur le nombre de NC réalisés de l'équipe. Arrêt maladie de deux semaines […] pour [P] […]. Au total 33 jours travaillés contre les 47 jours attendus », que, sur le reporting pour la semaine du 2 au 6 février 2009, était mentionné à la rubrique « grains de sable », « absence longue durée de [P] (arrêt maladie) » et à la rubrique « explications et freins » « peu de jours travaillés. Seulement 31 jours travaillés cette semaine ([…] 1 absence longue durée) » et que, sur le reporting pour la semaine du 9 au 13 mars 2009, était mentionné « problèmes de santé pour [P], perturbée à nouveau par ses douleurs à la main (arrêt maladie en fin de semaine) », la Cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis de ces fiches de reporting en violation du principe susvisé ensemble de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Il résulte des articles L. 1222-6, L. 1233-5 et L. 1235-7-1 du code du travail, qu'une modification de contrat de travail intervenue, en application du premier de ces textes, dans le cadre d'un projet de réorganisation ayant donné lieu à l'élaboration d'un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi, ne constitue pas un acte subséquent à cet accord, de sorte que les salariés ayant tacitement accepté cette modification ne sont pas fondés à se prévaloir du défaut de validité de l'accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi pour obtenir la nullité de leur contrat de travail
8,310
SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 1252 FS-B Pourvoi n° N 20-23.206 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Glass Partners Transports, dont le siège est [Adresse 9] (Belgique), a formé le pourvoi n° N 20-23.206 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2020 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [D] [F], domicilié [Adresse 3], 2°/ à la société [Y] & associés - mandataires judiciaires, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [K] [Y], en qualité de mandataire liquidateur de la société Nijman Winnen et ayant un établissement [Adresse 2], 3°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Nancy, dont le siège est [Adresse 4], 4°/ au Pôle emploi Grand Est, dont le siège est [Adresse 6], défendeurs à la cassation. La société [Y] & associés - mandataires judiciaires a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Glass Partners Transports, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société [Y] & associés - mandataires judiciaires, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [F], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mmes Prieur, Marguerite, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 15 septembre 2020), M. [F] a été engagé par la société Nijman Winnen à compter du 22 octobre 2001. En dernier lieu, il occupait le poste de directeur d'exploitation. 2. Le 1er mars 2010, la société Glass Partners Transports a acquis les actions composant le capital de la société Nijman Winnen. 3. Après avoir été licencié pour motif économique, M. [F] a, par lettre du 24 mai 2011, saisi la juridiction prud'homale de demandes dirigées à la fois contre la société Nijman Winnen et contre la société Glass Partners Transports, pour obtenir leur condamnation in solidum à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. 4. La société Nijman Winnen a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 9 juillet 2013, M. [Y] étant désigné en qualité de liquidateur. Recevabilité du pourvoi incident contestée par la défense Vu l'article 609 du code de procédure civile : 5. Le pourvoi en cassation n'est recevable que si le demandeur a intérêt à agir. 6. La société [Y] et associés, en sa qualité de liquidateur de la société Nijman Winnen, s'est pourvue en cassation contre l'arrêt qui dit que le salarié a été victime de harcèlement moral et reconnaît une situation de coemploi entre les sociétés Nijman Winnen et Glass Partners Transports, qui condamne la société Glass Partners Transports à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamne la société Glass Partners Transports à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonne le remboursement par la société Glass Partners Transports à Pôle emploi des indemnités de chômage, déclare irrecevables les demandes de condamnation solidaire formées par le salarié contre la société Nijman Winnen, représentée par M. [Y] en qualité de liquidateur, et condamne la société Glass Partners Transports au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens tant de première instance que d'appel. 7. La société [Y] et associés, ès qualités, est dès lors sans intérêt à la cassation de cette décision qui n'a prononcé aucune condamnation ni fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Nijman Winnen. 8. Son pourvoi n'est donc pas recevable. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 9. La société Glass Partners Transports fait grief à l'arrêt de reconnaître une situation de coemploi entre les sociétés Nijman Winnen et Glass Partners Transports et, en conséquence, de la condamner à payer au salarié diverses sommes, alors « que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'une situation de co-emploi entre la société Glass Partners Transports et sa filiale la société Nijman Winnen, la cour d'appel s'est bornée à relever, en premier lieu, que les deux sociétés avaient la même activité de transport du verre, que la filiale n'avait pas d'autre client que la société mère, que celle-ci détenait après le rachat du 28 février 2010 l'intégralité du capital social de la filiale, que suite à ce rachat M. [J] avait été nommé président de la filiale et membre du conseil de gestion, et qu'il existait un état de domination économique de la filiale ; qu'elle a indiqué ensuite, par motifs propres et adoptés, que les témoignages produit par M. [F] confirmaient ses déclarations selon lesquelles il devait rendre compte aux dirigeants de la société mère et prendre ses consignes auprès d'eux, que M. [R] dirigeait les réunions des délégués du personnel et avait dirigé l'entretien préalable au licenciement, que les transports étaient directement ordonnés depuis la Belgique, que le protocole de fin de conflit avait été notamment signé par M. [J], que la gestion financière et comptable était assurée par la société mère, que M. [F] était sous la dépendance des responsables du planning de la société mère, ces derniers prévoyant les tournées des chauffeurs salariés de la filiale, gérant leurs congés de maladie et prévenant les clients de leurs heures d'arrivée, que la société mère s'était ainsi substituée à la filiale dans la gestion du personnel roulant de celle-ci qui n'avait plus aucune autonomie dans l'élaboration des tournées des chauffeurs, leurs plannings, les relations avec les clients et même la gestion des congés de maladie des chauffeurs ou de leur temps de vote pour les institutions représentatives du personnel, et qu'il y avait non seulement confusion d'activités entre la filiale et la société mère mais aussi une immixtion, soit une ingérence continuelle et anormale de la société mère dans l'organisation de l'activité et la gestion économique et sociale de la filiale allant au-delà de la nécessaire collaboration entre société d'un même groupe ou de la dépendance d'une filiale à sa société mère et qui s'était traduite par l'éviction des organes de direction de la filiale au profit de salariés de la société mère ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui n'a pas retenu l'existence d'un lien de subordination, n'a pas davantage caractérisé une immixtion permanente de la société Glass Partners Transports dans la gestion économique et sociale de la société employeur conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 10. Il résulte de l'article L. 1221-1 du code du travail que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière. 11. La cour d'appel a d'abord constaté, par motifs propres, qu'à la suite du rachat par la société Glass Partners Transports de la société Nijman Winnen en février 2010, celle-ci, qui n'avait plus de client propre, s'était retrouvée sous la totale dépendance économique de la société belge qui lui sous-traitait des transports et les organisait au travers des ordres de transport, le salarié, qui était directeur d'exploitation, étant ainsi sous la dépendance des deux responsables du planning de la société Glass Partners Transports, lesquels prévoyaient les tournées des chauffeurs salariés de la filiale, allant jusqu'à gérer leurs congés de maladie et prévenant les clients de leurs heures d'arrivées, de sorte que le directeur d'exploitation n'avait plus de pouvoir décisionnel. 12. Elle a également relevé que la société Glass Partners Transports s'était substituée à sa filiale dans la gestion de son personnel dans les relations tant individuelles que collectives, celle-ci n'ayant plus aucune autonomie dans l'élaboration des tournées des chauffeurs, leurs plannings, les relations avec les clients et même la gestion des congés de maladie des chauffeurs ou de leur temps de vote pour les institutions représentatives du personnel. 13. Elle a enfin retenu, par motifs adoptés, que la gestion financière et comptable de la filiale était assurée par la société Glass Partners Transports. 14. Elle en a conclu qu'était ainsi démontrée une ingérence continuelle et anormale de la société mère dans la gestion économique et sociale de la filiale, allant au-delà de la nécessaire collaboration entre sociétés d'un même groupe, qui s'était traduite par l'éviction des organes de direction de la société Nijman Winnen dont faisait partie l'intéressé au profit de salariés de la société Glass Partners Transports. 15. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a ainsi caractérisé une immixtion permanente de la société mère dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière, ce dont elle a exactement déduit l'existence d'une situation de coemploi. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 17. La société Glass Partners Transports fait grief à l'arrêt de dire que le salarié avait été victime de harcèlement moral et de la condamner à lui payer des dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors : « 1°/ qu'il incombe au salarié d'établir, et au juge de constater, la matérialité d'éléments de fait précis, répétés et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, à charge ensuite seulement pour l'employeur de prouver que ses agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que M. [F] établissait l'existence matérielle de faits précis et concordants, et notamment le retrait injustifié de ses fonctions de directeur d'exploitation pour les confier à des salariés de la société Glass Partners Transports, faits qui pris dans leur ensemble permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; qu'en statuant de la sorte, sans identifier quels étaient, en dehors du retrait injustifié de ses fonctions, les faits précis établis concernant le salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ; 2°/ que les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société Glass Partners Transports n'invoquait pas une incompétence de M. [F] ni ne tentait de justifier une mise à l'écart de ce dernier par ses erreurs ou défauts mais contestait toute mise à l'écart décidée par elle au profit de ses salariés, soutenant que la situation dénoncée par M. [F] avait pour origine le désinvestissement volontaire des collaborateurs de la filiale, dont le sien et celui de Mme [E] ; qu'en affirmant à l'appui de sa décision que les reproches d'incompétence n'étaient pas fondés et que les erreurs ou défauts à les supposer telles que décrites dans les attestations produites par la société Glass Partners Transports ne pouvaient justifier une mise à l'écart de M. [F] de son poste de directeur d'exploitation et la dévolution de ses fonctions à deux salariés de la société Glass Partners Transports, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 3°/ que les juges du fond sont tenus de motiver leur décision ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la société Glass Partners Transports avait produit des attestations de plusieurs de ses salariés mentionnant le manque de volonté de M. [F] de collaborer avec eux, son désinvestissement et une sollicitation continuelle par M. [F] des salariés de la société mère pour effectuer son travail ; qu'en énonçant cependant que les reproches d'incompétence n'étaient pas fondés dès lors que M. [F] était directeur d'exploitation au sein de la société Nijman Winnen depuis 2005 au même niveau de hiérarchie que la directrice de site et sous la seule autorité du président de la société Nijman Winnen ou son délégué et qu'il était titulaire du certificat de capacité professionnelle au transport national et international par route en date du 27 janvier 2005 et d'une attestation de capacité à l'exercice de la profession de commissionnaire de transport du 27 janvier 2005, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure la réalité du désinvestissement volontaire, du refus de collaborer et du manque total d'initiative de M. [F], tels qu'ils résultaient des attestations produites par la société Glass Partners Transports, et a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ en outre, que la preuve est libre en matière prud'homale ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que les attestations produites par la société Glass Partners Transports émanaient toutes de ses salariés et que si ceux-ci parlaient tous d'erreurs commises par M. [F], il n'était rapporté aucune preuve matérielle de ces erreurs, la cour d'appel, qui a exigé une preuve matérielle en plus des attestations, a violé le principe susvisé. » Réponse de la Cour 18. Pour condamner l'employeur à payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral, la cour d'appel a d'abord retenu que le salarié, par la production de l'organigramme, de plusieurs attestations, d'un compte-rendu de réunion du CHSCT, d'un procès-verbal de réunion de décembre 2010 faisant état d'incidents relatifs au positionnement des caméras de surveillance du site et du remboursement de frais de déplacement ayant précédé son arrêt maladie, établissait l'existence de faits, notamment le retrait injustifié de ses fonctions de directeur d'exploitation pour les confier à des salariés de la société Glass Partners Transports, permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral. 19. Elle a ensuite déduit de ces éléments l'existence matérielle de faits précis et concordants et notamment le retrait injustifié de ses fonctions de directeur d'exploitation pour les confier à des salariés de la société Glass Partners Transports, faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. 20. Elle a encore constaté que les erreurs ou défauts reprochés au salarié, à les supposer établis, ne pouvaient justifier sa mise à l'écart de son poste de directeur d'exploitation et la dévolution de ses fonctions aux salariés de la société Glass Partners Transports. 21. Il apparaît ainsi que sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve ni les termes du litige et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit tant l'existence de faits précis permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral que l'absence de justification par l'employeur d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. 22. Le moyen n'est donc pas fondé. Et sur le troisième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 23. La société Glass Partners Transports fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'ordonner le remboursement par elle des indemnités de chômage payées au salarié à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois, alors : « 1°/ que le juge ne peut modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, le mandataire liquidateur de la société Nijman Winnen soulignait que les sociétés du groupe, autre que la société Glass Partners Transports, avaient répondu négativement à la recherche de reclassement, produisant à cet égard notamment les lettres des trois autres sociétés du groupe (TNJ, GPTS et Glass Partners Transports Luxembourg) indiquant ne pas disposer de poste disponible ; qu'en appréciant le respect de l'obligation de reclassement de la société Nijman Winnen au regard de la seule réponse de la société Glass Partners Transports, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2°/ en tout état de cause, que l'employeur est libéré de l'obligation de faire des offres de reclassement au salarié dont il envisage le licenciement pour motif économique lorsque l'entreprise et, le cas échéant, le groupe de reclassement ne comporte pas d'emploi disponible en rapport avec ses compétences ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la société Nijman Winnen avait consulté le gérant de la société Glass Partners Transports sur les possibilités de reclassement existant ''au sein du groupe'' et que seuls avaient été identifiés par ce dernier deux postes au sein de la société Glass Partners Transports, ces postes ayant été proposés au salarié qui les avait refusés ; qu'en énonçant, pour conclure à la violation de l'obligation de reclassement, que les deux offres de reclassement proposées, qui émanaient et étaient adressées à la même personne, [P] [R], agissant à la fois pour la société Nijman Winnen et pour la société Glass Partners Transports, n'avaient ni un caractère loyal ni un caractère sérieux s'agissant d'une recherche de reclassement qui aurait dû se faire au sein du groupe Glass Partners employant 210 collaborateurs sur quatre sites, un au grand-duché de Luxembourg, un à [Localité 5], deux en Belgique (un à [Localité 8] et un à [Localité 7] pour 170 véhicules et 7000 m² d'entrepôt), quand il ressortait de ses constatations que le reclassement avait bien été recherché dans le groupe et que seuls les deux postes refusés par le salarié y étaient disponibles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 ; 3°/ que ne constitue pas une violation de l'obligation de reclassement le fait de proposer au salarié un poste de reclassement situé à l'étranger sans lui avoir au préalable demandé s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national ; qu'en retenant, pour conclure à la violation de l'obligation de reclassement, que la société Nijman Winnen n'avait pas demandé à M. [F] préalablement au licenciement s'il acceptait de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national et lui avait proposé d'emblée un poste situé en Belgique sans avoir recueilli son accord exprès préalable, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 ; 4°/ que l'employeur est tenu, dans le cadre de son obligation de reclassement, de proposer au salarié les postes de catégorie inférieure, ce dernier pouvant ensuite, au vu de la proposition, donner ou non son accord exprès à une telle proposition ; qu'en retenant, pour conclure à la violation de l'obligation de reclassement, que le reclassement du salarié doit s'effectuer sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente et que les deux postes proposés au salarié ne correspondaient pas à sa qualification et étaient en deçà de sa formation de commissionnaire de transport sans qu'il ait donné son accord exprès pour un reclassement sur un emploi de catégorie inférieure, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010. » Réponse de la Cour 24. D'une part, une partie ne pouvant se prévaloir des conclusions d'une autre partie au soutien de son grief, la société Glass Partners Transports n'est pas recevable à reprocher à la cour d'appel d'avoir modifié l'objet du litige tel qu'il aurait été déterminé par les conclusions du liquidateur de la société Nijman Winnen. 25. D'autre part, la cour d'appel ayant relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que les offres proposées émanaient et étaient adressées à la même personne, soit M. [R], qui agissait à la fois pour la société Nijman Winnen et pour la société Glass Partners Transports, et que la recherche de reclassement aurait dû se faire au sein du groupe Glass Partners Transports qui emploie 210 personnes sur plusieurs sites, caractérisant ainsi l'absence de recherche effective et sérieuse de reclassement, a pu déduire, de ce seul motif, abstraction faite des motifs critiqués par les troisième et quatrième branches, qui sont surabondants, que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement. 26. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : DECLARE irrecevable le pourvoi incident formé par la société [Y] et associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Nijman Winnen ; REJETTE le pourvoi principal ; Condamne la société Glass Partners Transports aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Glass Partners Transports, la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros et rejette la demande de M. [F] à l'égard de la société [Y] et associés, ès qualités ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Glass Partners Transports, demanderesse au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Glass Partners Transports FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR reconnu une situation de co-emploi entre les sociétés Nijman Winnen et Glass Partners Transports et, en conséquence, d'AVOIR condamné la société Glass Partners Transports à payer à M. [F] des dommages et intérêts pour harcèlement moral et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Glass Partners Transports des indemnités de chômage payées à M. [F] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois, ALORS QUE hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'une situation de co-emploi entre la société Glass Partners Transports et sa filiale la société Nijman Winnen, la cour d'appel s'est bornée à relever, en premier lieu, que les deux sociétés avaient la même activité de transport du verre, que la filiale n'avait pas d'autre client que la société mère, que celle-ci détenait après le rachat du 28 février 2010 l'intégralité du capital social de la filiale, que suite à ce rachat M. [S] [J] avait été nommé président de la filiale et membre du conseil de gestion, et qu'il existait un état de domination économique de la filiale ; qu'elle a indiqué ensuite, par motifs propres et adoptés, que les témoignages produit par M. [F] confirmaient ses déclarations selon lesquelles il devait rendre compte aux dirigeants de la société mère et prendre ses consignes auprès d'eux, que M. [R] dirigeait les réunions des délégués du personnel et avait dirigé l'entretien préalable au licenciement, que les transports étaient directement ordonnés depuis la Belgique, que le protocole de fin de conflit avait été notamment signé par M. [J], que la gestion financière et comptable était assurée par la société mère, que M. [F] était sous la dépendance des responsables du planning de la société mère, ces derniers prévoyant les tournées des chauffeurs salariés de la filiale, gérant leurs congés de maladie et prévenant les clients de leurs heures d'arrivées, que la société mère s'était ainsi substituée à la filiale dans la gestion du personnel roulant de celle-ci qui n'avait plus aucune autonomie dans l'élaboration des tournées des chauffeurs, leurs plannings, les relations avec les clients et même la gestion des congés de maladie des chauffeurs ou de leur temps de vote pour les institutions représentatives du personnel, et qu'il y avait non seulement confusion d'activités entre la filiale et la société mère mais aussi une immixtion, soit une ingérence continuelle et anormale de la société mère dans l'organisation de l'activité et la gestion économique et sociale de la filiale allant au-delà de la nécessaire collaboration entre société d'un même groupe ou de la dépendance d'une filiale à sa société mère et qui s'était traduite par l'éviction des organes de direction de la filiale au profit de salariés de la société mère ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui n'a pas retenu l'existence d'un lien de subordination, n'a pas davantage caractérisé une immixtion permanente de la société Glass Partners Transports dans la gestion économique et sociale de la société employeur conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) La société Glass Partners Transports FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que M. [F] avait été victime de harcèlement moral et condamné la société Glass Partners Transports à payer à M. [F] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 1. ALORS QU'il incombe au salarié d'établir, et au juge de constater, la matérialité d'éléments de fait précis, répétés et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, à charge ensuite seulement pour l'employeur de prouver que ses agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que M. [F] établissait l'existence matérielle de faits précis et concordants, et notamment le retrait injustifié de ses fonctions de directeur d'exploitation pour les confier à des salariés de la société Glass Partners Transports, faits qui pris dans leur ensemble permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; qu'en statuant de la sorte, sans identifier quels étaient, en dehors du retrait injustifié de ses fonctions, les faits précis établis concernant le salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ; 2. ALORS subsidiairement QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 21 et 28), la société Glass Partners Transports n'invoquait pas une incompétence de M. [F] ni ne tentait de justifier une mise à l'écart de ce dernier par ses erreurs ou défauts mais contestait toute mise à l'écart décidée par elle au profit de ses salariés, soutenant que la situation dénoncée par M. [F] avait pour origine le désinvestissement volontaire des collaborateurs de la filiale, dont le sien et celui de Mme [E] ; qu'en affirmant à l'appui de sa décision que les reproches d'incompétence n'étaient pas fondés et que les erreurs ou défauts à les supposer telles que décrites dans les attestations produites par la société Glass Partners Transports ne pouvaient justifier une mise à l'écart de M. [D] [F] de son poste de directeur d'exploitation et la dévolution de ses fonctions à deux salariés de la société Glass Partners Transports, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 3. ALORS en outre QUE les juges du fond sont tenus de motiver leur décision ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt (p. 14, dernier § et p. 15) que la société Glass Partners Transports avait produit des attestations de plusieurs de ses salariés mentionnant le manque de volonté de M. [F] de collaborer avec eux, son désinvestissement et une sollicitation continuelle par M. [F] des salariés de la société mère pour effectuer son travail ; qu'en énonçant cependant que les reproches d'incompétence n'étaient pas fondés dès lors que M. [F] était directeur d'exploitation au sein de la société Nijman Winnen depuis 2005 au même niveau de hiérarchie que la directrice de site et sous la seule autorité du président de la société Nijman Winnen ou son délégué et qu'il était titulaire du certificat de capacité professionnelle au transport national et international par route en date du 27 janvier 2005 et d'une attestation de capacité à l'exercice de la profession de commissionnaire de transport du 27 janvier 2005, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure la réalité du désinvestissement volontaire, du refus de collaborer et du manque total d'initiative de M. [F], tels qu'ils résultaient des attestations produites par la société Glass Partners Transports, et a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4. ALORS en outre QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que les attestations produites par la société Glass Partners Transports émanaient toutes de ses salariés et que si ceux-ci parlaient tous d'erreurs commises par M. [F], il n'était rapporté aucune preuve matérielle de ces erreurs, la cour d'appel, qui a exigé une preuve matérielle en plus des attestations, a violé le principe susvisé. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (ÉGALEMENT SUBSIDIAIRE) La société Glass Partners Transports FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. [F] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Glass Partners Transports à payer à M. [F] la somme de 38 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Glass Partners Transports des indemnités de chômage payées à M. [F] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois, 1. ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, le mandataire liquidateur de la société Nijman Winnen soulignait que les sociétés du groupe, autre que la société Glass Partners Transports, avaient répondu négativement à la recherche de reclassement, produisant à cet égard notamment les lettres des trois autres sociétés du groupe (TNJ, GPTS et Glass Partners Transports Luxembourg) indiquant ne pas disposer de poste disponible (conclusions d'appel de la société [Y] et associés – mandataires judiciaires, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Nijman Winnen, p. 8 et bordereau ; prod. 11 et 12 du MA) ; qu'en appréciant le respect de l'obligation de reclassement de la société Nijman Winnen au regard de la seule réponse de la société Glass Partners Transports, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2. ALORS en tout état de cause QUE l'employeur est libéré de l'obligation de faire des offres de reclassement au salarié dont il envisage le licenciement pour motif économique lorsque l'entreprise et, le cas échéant, le groupe de reclassement ne comporte pas d'emploi disponible en rapport avec ses compétences ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la société Nijman Winnen avait consulté le gérant de la société Glass Partners Transports sur les possibilités de reclassement existant « au sein du groupe » et que seuls avaient été identifiés par ce dernier deux postes au sein de la société Glass Partners Transports (arrêt, p. 19), ces postes ayant été proposés au salarié qui les avait refusés ; qu'en énonçant, pour conclure à la violation de l'obligation de reclassement, que les deux offres de reclassement proposées, qui émanaient et étaient adressées à la même personne, [P] [R], agissant à la fois pour la société Nijman Winnen et pour la société Glass Partners Transports, n'avaient ni un caractère loyal ni un caractère sérieux s'agissant d'une recherche de reclassement qui aurait dû se faire au sein du groupe Glass Partners employant 210 collaborateurs sur quatre sites, un au grand-duché de Luxembourg, un à [Localité 5], deux en Belgique (un à [Localité 8] et un à [Localité 7] pour véhicules et 7000 m² d'entrepôt), quand il ressortait de ses constatations que le reclassement avait bien été recherché dans le groupe et que seuls les deux postes refusés par le salarié y étaient disponibles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 ; 3. ALORS en outre QUE ne constitue pas une violation de l'obligation de reclassement le fait de proposer au salarié un poste de reclassement situé à l'étranger sans lui avoir au préalable demandé s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national ; qu'en retenant, pour conclure à la violation de l'obligation de reclassement, que la société Nijman Winnen n'avait pas demandé à M. [F] préalablement au licenciement s'il acceptait de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national et lui avait proposé d'emblée un poste situé en Belgique sans avoir recueilli son accord exprès préalable, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 ; 4. ALORS enfin QUE l'employeur est tenu, dans le cadre de son obligation de reclassement, de proposer au salarié les postes de catégorie inférieure, ce dernier pouvant ensuite, au vu de la proposition, donner ou non son accord exprès à une telle proposition ; qu'en retenant, pour conclure à la violation de l'obligation de reclassement, que le reclassement du salarié doit s'effectuer sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente et que les deux postes proposés au salarié ne correspondaient pas à sa qualification et étaient en deçà de sa formation de commissionnaire de transport sans qu'il ait donné son accord exprès pour un reclassement sur un emploi de catégorie inférieure, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010. Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société [Y] & associés - mandataires judiciaires, demanderesse au pourvoi incident La société [Y] et associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Nijman Winnen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Nijman Winnen avait manqué à son obligation de reclassement et que le licenciement de M. [F] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; 1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 8), Me [Y], ès qualités, faisait valoir qu'à l'exception de la société Glass Partners Transports, toutes les sociétés du groupe avaient répondu négativement à sa recherche de reclassement ; qu'il produisait (pièce n° 13 en appel) les lettres des trois sociétés du groupe (TNJ, GPTS et GPT Luxembourg) indiquant ne pas disposer de poste ; qu'en se bornant à examiner la réponse de la société Glass Partners Transports pour dire la recherche de reclassement insuffisante, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en décidant que la société Nijman Winnen avait manqué à son obligation de reclassement quand il résultait de ses constatations que les deux seuls postes disponibles au sein de la société Glass Partners Transports avaient été proposés à M. [F] qui les avait refusés, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ; 3°) ALORS QUE ne constitue pas un manquement à l'obligation de reclassement le fait de proposer au salarié un poste à l'étranger sans avoir reçu son accord préalable pour un reclassement à l'étranger ; qu'en déclarant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse faute pour la société Nijman Winnen d'avoir recueilli l'accord de principe de la salariée avant de lui proposer un poste de reclassement en Belgique, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4-1 du code du travail ; 4°) ALORS QU'à défaut de poste disponible de même catégorie, l'employeur est tenu de proposer au salarié un poste de reclassement de catégorie inférieure ; qu'en retenant, pour dire que la société Nijman Winnen avait manqué à son obligation de reclassement, qu'elle avait proposé à M. [F] deux postes ne correspondant pas sa qualification de directeur de site, s'agissant de postes administratifs et que la salariée n'avait pas donné son accord exprès pour que le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 1233-4 du code du travail.
Une cour d'appel qui constate, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, que la société employeur a perdu tout client propre et se trouve sous la totale dépendance économique de la société mère, laquelle lui sous-traite et organise elle-même les transports qui constituaient son activité, que ses dirigeants ont perdu tout pouvoir décisionnel, que la société mère s'est substituée à sa filiale dans la gestion de son personnel dans les relations tant individuelles que collectives et assure également sa gestion financière et comptable, caractérise ainsi une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de la société employeur, ce dont elle déduit exactement l'existence d'une situation de coemploi
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SOC. / ELECT CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 1271 FS-B Pourvoi n° N 21-19.944 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Gefco, société anonyme à directoire, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° N 21-19.944 contre le jugement rendu le 29 juin 2021 par le tribunal de proximité de Puteaux, tribunal judiciaire de Nanterre, (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière - UNCP, dont le siège est [Adresse 7], 2°/ à Mme [Z] [W], domiciliée [Adresse 2], 3°/ à M. [V] [N], domicilié [Adresse 4], 4°/ à Mme [C] [R], domiciliée [Adresse 1], 5°/ à M. [S] [A], domicilié [Adresse 8], 6°/ à M. [X] [T], domicilié [Adresse 6], 7°/ à M. [F] [G], domicilié [Adresse 3], 8°/ à M. [O] [D], 9°/ à Mme [M] [H] épouse [U], Domiciliés tous deux chez la société GEFCO [Adresse 5], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Gefco, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la Fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière - UNCP, de Mmes [W], [R], MM. [N], [A], [T] et [G], et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Bouvier et Berard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet et Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Nanterre, tribunal de proximité de Puteaux, 29 juin 2021), par lettre du 26 novembre 2020, la direction des ressources humaines de la société Gefco (la société) a informé les salariés et les organisations syndicales de la désignation de M. [D] et de Mme [H] en qualité de membres du conseil de surveillance représentant les salariés à la suite de la réunion du comité social et économique de la société en date du même jour. 2. Par requête du 11 décembre 2020, la Fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière - UNCP (la fédération) et MM. [T] et [G] ont saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annulation de ces désignations. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 4. La société fait grief au jugement de déclarer recevable la requête de la Fédération nationale des transports et de la logistique - Force ouvrière UNCP et MM. [T] et [G] et d'annuler la désignation de M. [D] et Mme [H] en qualité de représentants des salariés au conseil de surveillance de la société à la suite de la réunion du comité social et économique de la société en date du 26 novembre 2020, alors « que selon l'article L. 225-79-2 III du code de commerce, l'assemblée générale extraordinaire qui procède à la modification des statuts pour déterminer les conditions dans lesquelles les membres du conseil de surveillance représentant les salariés sont désignés peut opter entre différentes modalités de désignation et peut notamment choisir une désignation de ces représentants par, "selon le cas", le comité de groupe, le comité central d'entreprise ou le comité d'entreprise de la société dont le comité de surveillance comprend ces représentants ; qu'à défaut de disposition expresse contraire, ce texte n'impose pas de confier au comité de groupe, lorsqu'il existe, la désignation des représentants des salariés au conseil de surveillance, ni n'interdit de confier au comité social et économique la désignation de représentants des salariés au comité de surveillance en présence d'un comité de groupe ; qu'en affirmant le contraire, le tribunal judiciaire a violé le texte précité. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article L. 225-79-2, I et III, du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 : I. Dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l'étranger, il est stipulé dans les statuts que le conseil de surveillance comprend, outre les membres dont le nombre et le mode de désignation sont prévus aux articles L. 225-69 et L. 225-75 du présent code, des membres représentant les salariés. Une société dont l'activité principale est d'acquérir et de gérer des filiales et des participations peut ne pas mettre en œuvre l'obligation prévue au premier alinéa du présent I si elle remplit chacune des conditions suivantes : 1° Elle n'est pas soumise à l'obligation de mettre en place un comité social et économique en application de l'article L. 2311-2 du code du travail ; 2° Elle détient une ou plusieurs filiales, directes ou indirectes, soumises à l'obligation prévue au premier alinéa du présent I ; 3° Ses actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé ou au moins quatre cinquièmes de ses actions sont détenues, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale agissant seule ou de concert. Une société n'est pas soumise à l'obligation prévue aux deux premiers alinéas du présent I dès lors qu'elle est la filiale, directe ou indirecte, d'une société elle-même soumise à cette obligation. III. Dans les six mois suivant la clôture du second des deux exercices mentionnés au I, après avis, selon le cas, du comité de groupe, du comité central d'entreprise ou du comité d'entreprise, l'assemblée générale extraordinaire procède à la modification des statuts pour déterminer les conditions dans lesquelles sont désignés les membres du conseil de surveillance représentant les salariés, selon l'une des modalités suivantes : 1° L'organisation d'une élection auprès des salariés de la société et de ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français dans les conditions fixées à l'article L. 225-28 ; 2° La désignation, selon le cas, par le comité de groupe prévu à l'article L. 2331-1 du code du travail, le comité central d'entreprise ou le comité d'entreprise de la société mentionnée au I du présent article ; 3° La désignation par l'organisation syndicale ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour des élections mentionnées aux articles L. 2122-1 et L. 2122-4 du code du travail dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français lorsqu'un seul membre est à désigner, ou par chacune des deux organisations syndicales ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour de ces élections lorsque deux membres sont à désigner ; 4° Lorsqu'au moins deux membres sont à désigner, la désignation de l'un des membres selon l'une des modalités fixées aux 1° à 3° et de l'autre par le comité d'entreprise européen, s'il existe, ou, pour les sociétés européennes au sens de l'article L. 2351-1 du code du travail, par l'organe de représentation des salariés mentionné à l'article L. 2352-16 du même code ou, à défaut, par le comité de la société européenne mentionné à l'article L. 2353-1 dudit code. L'élection ou la désignation des membres du conseil de surveillance représentant les salariés intervient dans les six mois suivant la modification des statuts prévue au premier alinéa du présent III. 6. Il résulte de ces dispositions, d'une part que les statuts peuvent opter pour l'un des quatre modes de désignation prévus aux 1° à 4° de l'article L. 225-79-2, III, du code de commerce, d'autre part que l'institution représentative du personnel visée au 2° du paragraphe III de ce texte est celle dont le périmètre correspond, en vertu du principe de concordance, à l'effectif des salariés déterminant, en application des dispositions du paragraphe I du même article, la société soumise à l'obligation de désigner des membres du conseil de surveillance représentant les salariés de sorte que, s'il existe, le comité de groupe doit être retenu dans les statuts comme organe de désignation desdits représentants. 7. Le tribunal, qui a constaté que l'article 10.2.2 a) des statuts de la société prévoyait la désignation des membres du conseil de surveillance représentant les salariés par le comité social et économique de la société en a, à bon droit, déduit que ces désignations, par le comité social et économique de la société, des deux salariés en qualité de membres du conseil de surveillance représentant les salariés n'étaient pas conformes au 2° de l'article L. 225-79-2, III, du code de commerce et devaient être annulées. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Jouanneau, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Gefco PREMIER MOYEN DE CASSATION La société GEFCO SA fait grief au jugement attaqué, tel que notifié aux parties, d'AVOIR déclaré recevable la requête de la Fédération nationale des transports et de la logistique – Force Ouvrière UNCP, Monsieur [X] [T] et M. [F] [G], d'AVOIR annulé la désignation de M. [O] [D] et Madame [M] [H] en qualité de représentants des salariés au conseil de surveillance de la société GEFCO SA à la suite de la réunion du comité social et économique de la société GEFCO SA en date du 26 novembre 2020 ; 1. ALORS QUE le juge doit respecter l'objet du litige déterminé par les prétentions respectives des parties, telles que fixées dans l'acte introductif d'instance et les conclusions en défense ; qu'en l'espèce, il résulte de la page de garde du jugement attaqué, tel que notifié aux parties, que l'instance a été formée par la société GEFCO SA, demandeur, et inscrite sous le numéro de RG 11-21-000155 ; qu'il résulte de la convocation à comparaître adressée par le greffe, que cette instance, inscrite sous le numéro de RG 11-21-000155, avait été introduite par une requête de la société GEFCO SA, enregistrée le 24 décembre 2020, visant à l'annulation de la désignation de quatre salariés en qualité de membres du comité de groupe ; qu'en se prononçant dans les pages suivantes de ce jugement sur un autre litige, portant sur la désignation des représentants des salariés au conseil de surveillance, le tribunal judiciaire a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 2. ALORS QUE nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; qu'en l'espèce, il ressort des mentions de la page de garde du jugement, tel que notifié aux parties, que l'instance tranchée par le tribunal, inscrite sous le numéro de RG 11-21-000155 opposait la société GEFCO SA, demandeur à l'instance, à la Fédération Nationale des Transports, Mme [Z] [W], M. [V] [N], Mme [C] [R] et M. [S] [A], défendeurs à l'instance ; que M. [D] et Mme [H] n'étaient pas parties à cette instance ; qu'en décidant néanmoins d'annuler la désignation M. [D] et Mme [H] en qualité de membres du comité de surveillance représentants des salariés de la société GEFCO SA, sans avoir entendu ou appelé ces deux personnes à l'instance, le tribunal judiciaire a violé l'article 14 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION La société GEFCO SA fait grief au jugement attaqué, tel que notifié aux parties, d'AVOIR déclaré recevable la requête de la Fédération nationale des transports et de la logistique – Force Ouvrière UNCP, Monsieur [X] [T] et M. [F] [G] et d'AVOIR annulé la désignation de M. [O] [D] et Madame [M] [H] en qualité de représentants des salariés au conseil de surveillance de la société GEFCO SA à la suite de la réunion du comité social et économique de la société GEFCO SA en date du 26 novembre 2020 ; ALORS QUE selon l'article L. 225-79-2 III du code de commerce, l'assemblée générale extraordinaire qui procède à la modification des statuts pour déterminer les conditions dans lesquelles les membres du conseil de surveillance représentant les salariés sont désignés peut opter entre différentes modalités de désignation et peut notamment choisir une désignation de ces représentants par, « selon le cas », le comité de groupe, le comité central d'entreprise ou le comité d'entreprise de la société dont le comité de surveillance comprend ces représentants ; qu'à défaut de disposition expresse contraire, ce texte n'impose pas de confier au comité de groupe, lorsqu'il existe, la désignation des représentants des salariés au conseil de surveillance, ni n'interdit de confier au comité social et économique la désignation de représentants des salariés au comité de surveillance en présence d'un comité de groupe ; qu'en affirmant le contraire, le tribunal judiciaire a violé le texte précité.
Il résulte de l'article L. 225-79-2, I et III, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, d'une part que les statuts peuvent opter pour l'un des quatre modes de désignation prévus aux 1° à 4° de l'article L. 225-79-2, III, du code de commerce, d'autre part que l'institution représentative du personnel visée au paragraphe III, 2°, lequel prévoit la désignation, selon le cas, par le comité de groupe prévu à l'article L. 2331-1 du code du travail, le comité central d'entreprise ou le comité d'entreprise de la société mentionnée au I de l'article L. 225-79-2, est celle dont le périmètre correspond, en vertu du principe de concordance, à l'effectif des salariés déterminant, en application des dispositions du paragraphe I du même article, la société soumise à l'obligation de désigner des membres du conseil de surveillance représentant les salariés de sorte que, s'il existe, le comité de groupe doit être retenu dans les statuts comme organe de désignation desdits représentants. Dès lors, le tribunal, qui constate que les statuts de la société, soumise aux obligations des dispositions du paragraphe I du texte susvisé, prévoient la désignation des membres du conseil de surveillance représentant les salariés par le comité social et économique de la société et non par le comité de groupe, en a déduit à bon droit que les désignations, non conformes aux dispositions du 2° de l'article L. 225-79-2, III, du code du commerce devaient être annulées
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SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 1272 FS-B Pourvois n° J 21-11.776 K 21-11.777 Q 21-11.781 JONCTION Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [H].. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 20 mai 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La Société Associated Press Limited, dont le siège est [Adresse 4] (Royaume-Uni), a formé les pourvois n° J 21-11.776, K 21-11.777 et Q 21-11.781 contre trois arrêts rendu le 9 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans les litiges les opposant respectivement : 1°/ à M. [B] [L], domicilié [Adresse 5], 2°/ à Mme [E] [H], domiciliée [Adresse 1], 3°/ à M. [C] [G], domicilié [Adresse 6] 4°/ à la société BTSG, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [M] [S] en qualité de liquidateur de la société French Language Service Limited, 5°/ à l'Unedic Délégation AGS-CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse aux pourvois n° J 21-11.776, K 21-11.777 et Q 21-11.781 invoque, à l'appui de chacun de ses recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Associated Press Limited, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de MM. [L], [G] et de Mme [H], les plaidoiries de Me Pinatel et Me Goulet et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Bouvier, Berard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° J 21-11.776, K 21-11.777 et Q 21-11.781 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 9 décembre 2020), M. [L], Mme [H] et M. [G] ont été employés par la société de droit étranger Associated Press Limited (la société AP), au sein de son service français, en qualité respectivement de chef du service politique du service français, chef de service sténo rédacteur et journaliste. Les salariés étaient investis d'un mandat représentatif du personnel. 3. Le 12 juillet 2012, un accord de cession de fonds de commerce a été signé entre la société AP et la société de droit étranger French Language Service Limited (la société FLS). 4. Le 11 juillet 2012, la société AP avait sollicité l'autorisation de procéder au transfert des contrats de travail des salariés, lequel a été autorisé par l'inspecteur du travail le 12 septembre 2012. 5. La société FLS a déposé une déclaration de cessation des paiements le 22 novembre 2012 aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire devant le tribunal de commerce de Paris. Par jugement du 6 décembre 2012, la liquidation judiciaire de la société FLS a été prononcée, la société BTSG, prise en la personne de M. [S], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire. 6. Le 25 janvier 2013, le liquidateur judiciaire a procédé au licenciement pour motif économique des salariés, après autorisation de l'inspecteur du travail. 7. Le 19 septembre 2013, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment à dire que le transfert de leur contrat de travail a été frauduleusement mis en oeuvre, dire les licenciements sans cause réelle et sérieuse et condamner la société AP au paiement de dommages-intérêts à ce titre. La société AP a soulevé une exception d'incompétence de la juridiction prud'homale. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 9. La société AP fait grief aux arrêts de déclarer la cour d'appel incompétente sur l'existence d'une unité économique autonome tout en retenant l'existence d'une fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail en l'absence de transfert de cette unité, alors : « 1°/ que le juge judiciaire ne peut, sous le prétexte que serait invoquée devant lui la règle suivant laquelle la fraude corrompt tout, violer le principe constitutionnel de la séparation des ordres administratif et judiciaire, et remettre ainsi en cause l'appréciation définitivement portée par l'autorité administrative des conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en affirmant qu'en présence d'une suspicion de fraude, le juge judiciaire retrouverait sa compétence pour statuer sur la question de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail quand l'autorité administrative, qui avait donné son autorisation au licenciement du salarié par une décision définitive du 12 septembre 2012, avait à cette occasion déjà constaté que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail étaient réunies, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des ordres administratif et judiciaire ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 2°/ que l'autorisation de transfert d'un salarié protégé lie le juge judiciaire, non seulement sur la question de l'existence d'une unité économique autonome mais également sur celle de la réunion des conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail ; qu'en se déclarant incompétente sur l'existence d'une unité économique autonome mais compétente pour apprécier la réalité d'un transfert des moyens propres à l'entité transférée, la cour d'appel a violé de plus fort le principe à valeur constitutionnelle de la séparation des ordres administratif et judiciaire ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. » Réponse de la Cour 10. Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. 11. En vertu des articles L. 2414-1 et L. 2421-9 du même code, lorsqu'un salarié investi d'un mandat représentatif du personnel est compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article L. 1224-1, le transfert de ce salarié ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail qui s'assure que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire. 12. L'inspecteur du travail, qui contrôle la matérialité du transfert partiel, l'applicabilité des dispositions légales ou conventionnelles invoquées dans la demande d'autorisation de transfert et si le salarié concerné exécute effectivement son contrat de travail dans l'entité transférée, ainsi que l'absence de lien avec le mandat ou l'appartenance syndicale, ne porte pas d'appréciation sur l'origine de l'opération de transfert. 13. Il en résulte que le salarié protégé, dont le transfert du contrat de travail au profit du cessionnaire a été autorisé par l'inspecteur du travail et qui, à la suite de ce transfert, a été licencié après autorisation de l'autorité administrative, peut invoquer devant le juge judiciaire, eu égard aux circonstances dans lesquelles est intervenu le transfert, l'existence d'une fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et solliciter sur ce fondement des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative qui a autorisé le transfert, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. 14. La cour d'appel, qui a constaté qu'elle était saisie de demandes des salariés tendant à la condamnation de la société cédante au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison d'une fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, en a exactement déduit que le juge judiciaire était compétent. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 16. La société AP fait grief aux arrêts de retenir l'existence d'une fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail en l'absence de transfert d'une unité économique autonome et de la condamner en conséquence à payer à chacun des salariés une certaine somme à titre de licenciement abusif et à rembourser à l'AGS CGEA IDFO certaines sommes, alors : « 2°/ qu'en retenant, pour conclure à l'existence d'une fraude dont se serait rendue coupable la société Associated Press, qu'elle ne produisait pas d'éléments relatifs à la société French Language Services portant sur son capital, ses fonds propres ou l'activité qu'elle entendait développer, quand ces informations incombaient au cessionnaire ou à son mandataire liquidateur partie à l'instance, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ; 3°/ qu'en tenant la société Associated Press pour seule responsable de la mise en liquidation judiciaire de la société cessionnaire French Language Services, quand elle avait elle-même constaté que cette liquidation résultait de l'absence d'aide de son actionnaire principal, le groupe DAPD qui l'avait créée dans le seul but de la cession mais ne lui avait fourni aucun soutien financier lui permettant de développer sa clientèle et d'assurer sa viabilité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a de plus fort violé l'article L. 1224-1 du code du travail ; 4°/ que la société Associated Press avait rappelé dans ses conclusions que la clientèle propre au service français était constituée en majorité des journaux et publications parisiennes et d'autres régions, ainsi que des institutions gouvernementales ; qu'il résultait par ailleurs de l'accord de cession que si les clientèles suisse, belge, luxembourgeoise et marocaine n'étaient pas, dans un premier temps, directement transférées, seuls les revenus liés à ces contrats commerciaux étant visés par le transfert, ils pouvaient l'être à terme à la date de leur renouvellement ; qu'en se fondant sur l'absence de transfert direct de la clientèle suisse, belge, marocaine et luxembourgeoise pour conclure à l'existence d'une fraude imputable à la société Associated Press résultant de l'absence de transfert des éléments incorporels générant des profits, sans s'expliquer ni sur le fait que le transfert de cette clientèle était simplement différé dans le temps, ni sur la réalité du transfert de la clientèle française, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 17. La cour d'appel, après avoir relevé que les clients basés en Suisse, Belgique, Luxembourg et Maroc étaient exclus de la cession et que les clauses du contrat de cession mentionnaient que les contrats conclus avec les clients basés en Suisse devaient être transférés dans le cadre d'un contrat distinct, a constaté qu'il n'était pas établi que ce contrat avait été effectivement signé, que les pièces produites par la société AP ne permettaient pas de démontrer que la clientèle française avait été transférée, que le prix d'acquisition fixé à 10 euros, dont un euro pour les actifs immatériels, confirmait l'absence de transfert effectif de toute la clientèle et qu'ainsi le transfert s'était fait sans la reprise des éléments incorporels nécessaires à l'exploitation de la nouvelle entité. Elle a également estimé que la cession n'offrait pas de perspectives réalistes faute, d'une part, de la transmission de tous les éléments incorporels nécessaires à la poursuite de son activité, d'autre part, de soutien du groupe allemand DAPD, ce qui était à l'origine de la mise en liquidation de la société FLS prononcée deux mois après l'immatriculation de celle-ci. Elle en a déduit, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que pour la société AP, dont le souhait était de se séparer du service français depuis 2007, le seul but de cette cession sans avenir était d'éluder les règles relatives au licenciement économique, en sorte que la cession et les transferts des contrats de travail avaient été effectués en fraude aux droits des salariés, lesquels étaient dès lors bien fondés en leur demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée à l'encontre de la société cédante. 18. Il s'ensuit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche en ce qu'elle critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la société Associated Press Limited aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Associated Press Limited et la condamne à payer à M. [L], M. [G] et la société Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, chacun, la somme de 1 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Jouanneau, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Associated Press Limited, demanderesse au pourvoi n° J 21-11.776 PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Associated Press Limited reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré la cour d'appel incompétente sur l'existence d'une unité économique autonome tout en retenant l'existence d'une fraude à l'article L.1224-1 du code du travail en l'absence de transfert de cette unité ; 1/ ALORS QUE le juge judiciaire ne peut, sous le prétexte que serait invoquée devant lui la règle suivant laquelle la fraude corrompt tout, violer le principe constitutionnel de la séparation des ordres administratif et judiciaire, et remettre ainsi en cause l'appréciation définitivement portée par l'autorité administrative des conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail ; qu'en affirmant qu'en présence d'une suspicion de fraude, le juge judiciaire retrouverait sa compétence pour statuer sur la question de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail quand l'autorité administrative, qui avait donné son autorisation au licenciement du salarié par une décision définitive du 12 septembre 2012, avait à cette occasion déjà constaté que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail étaient réunies, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des ordres administratif et judiciaire ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 2/ ALORS QUE l'autorisation de transfert d'un salarié protégé lie le juge judiciaire, non seulement sur la question de l'existence d'une unité économique autonome mais également sur celle de la réunion des conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'en se déclarant incompétente sur l'existence d'une unité économique autonome mais compétente pour apprécier la réalité d'un transfert des moyens propres à l'entité transférée, la cour d'appel a violé de plus fort le principe à valeur constitutionnelle de la séparation des ordres administratif et judiciaire ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) La société Associated Press Limited reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir retenu l'existence d'une fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail en l'absence de transfert d'une unité économique autonome et de l'avoir condamnée en conséquence à verser à M. [L] la somme de 94 075,56 € en réparation du licenciement abusif, à rembourser aux AGS CGEA IDFO la somme de 72 744 € et à verser au salarié, à la SCP BTSG et à l'AGS la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 1/ ALORS QU'une société cédante ne peut être tenue pour responsable de la liquidation judiciaire de la société cessionnaire intervenue après la cession, sauf démonstration d'une collusion frauduleuse entre les deux sociétés ; qu'en tenant la société Associated Press pour seule responsable de la disparition de la société French Language Services quatre mois après qu'elle lui ait cédé son service français, sans avoir constaté de collusion frauduleuse entre l'une et l'autre de ces sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ; 2/ ALORS QU'en retenant, pour conclure à l'existence d'une fraude dont se serait rendue coupable la société Associated Press, qu'elle ne produisait pas d'éléments relatifs à la société French Language Services portant sur son capital, ses fonds propres ou l'activité qu'elle entendait développer, quand ces informations incombaient au cessionnaire ou à son mandataire liquidateur partie à l'instance, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ; 3/ ALORS QU'en tenant la société Associated Press pour seule responsable de la mise en liquidation judiciaire de la société cessionnaire French Language Services, quand elle avait elle-même constaté que cette liquidation résultait de l'absence d'aide de son actionnaire principal, le groupe DAPD qui l'avait créée dans le seul but de la cession mais ne lui avait fourni aucun soutien financier lui permettant de développer sa clientèle et d'assurer sa viabilité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a de plus fort violé l'article L. 1224-1 du code du travail ; 4/ ALORS QUE la société Associated Press avait rappelé dans ses conclusions que la clientèle propre au service français était constituée en majorité des journaux et publications parisiennes et d'autres régions, ainsi que des institutions gouvernementales ; qu'il résultait par ailleurs de l'accord de cession que si les clientèles suisse, belge, luxembourgeoise et marocaine n'étaient pas, dans un premier temps, directement transférées, seuls les revenus liés à ces contrats commerciaux étant visés par le transfert, ils pouvaient l'être à terme à la date de leur renouvellement ; qu'en se fondant sur l'absence de transfert direct de la clientèle suisse, belge, marocaine et luxembourgeoise pour conclure à l'existence d'une fraude imputable à la société Associated Press résultant de l'absence de transfert des éléments incorporels générant des profits, sans s'expliquer ni sur le fait que le transfert de cette clientèle était simplement différé dans le temps, ni sur la réalité du transfert de la clientèle française, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail. Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Associated Press Limited, demanderesse au pourvoi n° K 21-11.777 PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Associated Press Limited reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré la cour d'appel incompétente sur l'existence d'une unité économique autonome tout en retenant l'existence d'une fraude à l'article L.1224-1 du code du travail en l'absence de transfert de cette unité ; 1/ ALORS QUE le juge judiciaire ne peut, sous le prétexte que serait invoquée devant lui la règle suivant laquelle la fraude corrompt tout, violer le principe constitutionnel de la séparation des ordres administratif et judiciaire, et remettre ainsi en cause l'appréciation définitivement portée par l'autorité administrative des conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail ; qu'en affirmant qu'en présence d'une suspicion de fraude, le juge judiciaire retrouverait sa compétence pour statuer sur la question de l'application de l'article L.1224-1 du code du travail quand l'autorité administrative, qui avait donné son autorisation au licenciement de la salariée par une décision définitive du 23 janvier 2013, avait à cette occasion déjà constaté que les conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail étaient réunies, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des ordres administratif et judiciaire ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 2/ ALORS QUE l'autorisation de transfert d'un salarié protégé lie le juge judiciaire, non seulement sur la question de l'existence d'une unité économique autonome mais également sur celle de la réunion des conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail ; qu'en se déclarant incompétente sur l'existence d'une unité économique autonome mais compétente pour apprécier la réalité d'un transfert des moyens propres à l'entité transférée, la cour d'appel a violé de plus fort le principe à valeur constitutionnelle de la séparation des ordres administratif et judiciaire ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) La société Associated Press Limited reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir retenu l'existence d'une fraude à l'article L.1224-1 du code du travail en l'absence de transfert d'une unité économique autonome et de l'avoir condamnée en conséquence à verser à Mme [H] la somme de 73 159,38 € en réparation du licenciement abusif, à rembourser aux AGS CGEA IDFO la somme de 72 744 € et à verser au salarié, à la SCP BTSG et à l'AGS la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 1/ ALORS QU'une société cédante ne peut être tenue pour responsable de la liquidation judiciaire de la société cessionnaire intervenue après la cession, sauf démonstration d'une collusion frauduleuse entre les deux sociétés ; qu'en tenant la société Associated Press pour seule responsable de la disparition de la société French Language Services quatre mois après qu'elle lui ait cédé son service français, sans avoir constaté de collusion frauduleuse entre l'une et l'autre de ces sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1224-1 du code du travail ; 2/ ALORS QU'en retenant, pour conclure à l'existence d'une fraude dont se serait rendue coupable la société Associated Press, qu'elle ne produisait pas d'éléments relatifs à la société French Language Services portant sur son capital, ses fonds propres ou l'activité qu'elle entendait développer, quand ces informations incombaient au cessionnaire ou à son mandataire liquidateur partie à l'instance, la cour d'appel a violé l'article L.1224-1 du code du travail ; 3/ ALORS QU'en tenant la société Associated Press pour seule responsable de la mise en liquidation judiciaire de la société cessionnaire French Language Services, quand elle avait elle-même constaté que cette liquidation résultait de l'absence d'aide de son actionnaire principal, le groupe DAPD qui l'avait créée dans le seul but de la cession mais ne lui avait fourni aucun soutien financier lui permettant de développer sa clientèle et d'assurer sa viabilité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a de plus fort violé l'article L.1224-1 du code du travail ; 4/ ALORS QUE la société Associated Press avait rappelé dans ses conclusions que la clientèle propre au service français était constituée en majorité des journaux et publications parisiennes et d'autres régions, ainsi que des institutions gouvernementales ; qu'il résultait par ailleurs de l'accord de cession que si les clientèles suisse, belge, luxembourgeoise et marocaine n'étaient pas, dans un premier temps, directement transférées, seuls les revenus liés à ces contrats commerciaux étant visés par le transfert, ils pouvaient l'être à terme à la date de leur renouvellement ; qu'en se fondant sur l'absence de transfert direct de la clientèle suisse, belge, marocaine et luxembourgeoise pour conclure à l'existence d'une fraude imputable à la société Associated Press résultant de l'absence de transfert des éléments incorporels générant des profits, sans s'expliquer ni sur le fait que le transfert de cette clientèle était simplement différé dans le temps, ni sur la réalité du transfert de la clientèle française, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1224-1 du code du travail. Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Associated Press Limited, demanderesse au pourvoi n° Q 21-11.781 PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Associated Press Limited reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré la cour d'appel incompétente sur l'existence d'une unité économique autonome tout en retenant l'existence d'une fraude à l'article L.1224-1 du code du travail en l'absence de transfert de cette unité ; 1/ ALORS QUE le juge judiciaire ne peut, sous le prétexte que serait invoquée devant lui la règle suivant laquelle la fraude corrompt tout, violer le principe constitutionnel de la séparation des ordres administratif et judiciaire, et remettre ainsi en cause l'appréciation définitivement portée par l'autorité administrative des conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail ; qu'en affirmant qu'en présence d'une suspicion de fraude, le juge judiciaire retrouverait sa compétence pour statuer sur la question de l'application de l'article L.1224-1 du code du travail quand l'autorité administrative, qui avait donné son autorisation au licenciement du salarié par une décision définitive du 22 janvier 2013, avait à cette occasion déjà constaté que les conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail étaient réunies, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des ordres administratif et judiciaire ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 2/ ALORS QUE l'autorisation de transfert d'un salarié protégé lie le juge judiciaire, non seulement sur la question de l'existence d'une unité économique autonome mais également sur celle de la réunion des conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail ; qu'en se déclarant incompétente sur l'existence d'une unité économique autonome mais compétente pour apprécier la réalité d'un transfert des moyens propres à l'entité transférée, la cour d'appel a violé de plus fort le principe à valeur constitutionnelle de la séparation des ordres administratif et judiciaire ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) La société Associated Press Limited reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir retenu l'existence d'une fraude à l'article L.1224-1 du code du travail en l'absence de transfert d'une unité économique autonome et de l'avoir condamnée en conséquence à verser à M. [G] la somme de 86 212,98 € en réparation du licenciement abusif, à rembourser aux AGS CGEA IDFO la somme de 72 744 € et à verser au salarié, à la SCP BTSG et à l'AGS la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 1/ ALORS QU'une société cédante ne peut être tenue pour responsable de la liquidation judiciaire de la société cessionnaire intervenue après la cession, sauf démonstration d'une collusion frauduleuse entre les deux sociétés ; qu'en tenant la société Associated Press pour seule responsable de la disparition de la société French Language Services quatre mois après qu'elle lui ait cédé son service français, sans avoir constaté de collusion frauduleuse entre l'une et l'autre de ces sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1224-1 du code du travail ; 2/ ALORS QU'en retenant, pour conclure à l'existence d'une fraude dont se serait rendue coupable la société Associated Press, qu'elle ne produisait pas d'éléments relatifs à la société French Language Services portant sur son capital, ses fonds propres ou l'activité qu'elle entendait développer, quand ces informations incombaient au cessionnaire ou à son mandataire liquidateur partie à l'instance, la cour d'appel a violé l'article L.1224-1 du code du travail ; 3/ ALORS QU'en tenant la société Associated Press pour seule responsable de la mise en liquidation judiciaire de la société cessionnaire French Language Services, quand elle avait elle-même constaté que cette liquidation résultait de l'absence d'aide de son actionnaire principal, le groupe DAPD qui l'avait créée dans le seul but de la cession mais ne lui avait fourni aucun soutien financier lui permettant de développer sa clientèle et d'assurer sa viabilité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a de plus fort violé l'article L.1224-1 du code du travail ; 4/ ALORS QUE la société Associated Press avait rappelé dans ses conclusions que la clientèle propre au service français était constituée en majorité des journaux et publications parisiennes et d'autres régions, ainsi que des institutions gouvernementales ; qu'il résultait par ailleurs de l'accord de cession que si les clientèles suisse, belge, luxembourgeoise et marocaine n'étaient pas, dans un premier temps, directement transférées, seuls les revenus liés à ces contrats commerciaux étant visés par le transfert, ils pouvaient l'être à terme à la date de leur renouvellement ; qu'en se fondant sur l'absence de transfert direct de la clientèle suisse, belge, marocaine et luxembourgeoise pour conclure à l'existence d'une fraude imputable à la société Associated Press résultant de l'absence de transfert des éléments incorporels générant des profits, sans s'expliquer ni sur le fait que le transfert de cette clientèle était simplement différé dans le temps, ni sur la réalité du transfert de la clientèle française, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1224-1 du code du travail.
En vertu des articles L. 2414-1 et L. 2421-9 du code du travail, lorsqu'un salarié investi d'un mandat représentatif du personnel est compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article L. 1224-1 du code du travail, le transfert de ce salarié ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail qui s'assure que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire. L'inspecteur du travail, qui contrôle la matérialité du transfert partiel, l'applicabilité des dispositions légales ou conventionnelles invoquées dans la demande d'autorisation de transfert et si le salarié concerné exécute effectivement son contrat de travail dans l'entité transférée, ainsi que l'absence de lien avec le mandat ou l'appartenance syndicale, ne porte pas d'appréciation sur l'origine de l'opération de transfert. Il en résulte que le salarié protégé, dont le transfert du contrat de travail au profit du cessionnaire a été autorisé par l'inspecteur du travail et qui, à la suite de ce transfert, a été licencié après autorisation de l'autorité administrative, peut invoquer devant le juge judiciaire, eu égard aux circonstances dans lesquelles est intervenu le transfert, l'existence d'une fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et solliciter sur ce fondement des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative qui a autorisé le transfert, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs
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SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1274 FS-B Pourvois n° K 20-19.961 U 21-10.543 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 I. La société Karist, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9], a formé le pourvoi K 20-19.961 contre l'arrêt rendu le 07 juillet 2020 par la cour d'appel de Nîmes (5ème Chambre sociale PH) dans le litige l'opposant respectivement : 1°/ à M. [P] [S], domicilié [Adresse 7] 2°/ à M. [U] [L], domicilié [Adresse 10], pris en qualité de mandataire judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de la société Karist, ayant un établissement secondaire [Adresse 1] 3°/ à la société Fhb, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de M. [H] [M] en qualité d'administrateur judiciaire de la société Karist, ayant un établissement secondaire [Adresse 6]. 4°/ à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 8], domiciliée [Adresse 2] II. 1°/ l'AGS, domiciliée [Adresse 5] 2°/ l'Unedic, domiciliée [Adresse 5], association déclarée, agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, élisant domicile au Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de [Localité 8], [Adresse 3] ont formé le pourvoi n° U 21-10.543 contre le même arrêt les opposant respectivement : 1°/ à M. [P] [S], 2°/ à la société Karist, société par actions simplifiée, 3°/ à M. [U] [L], ès qualités 4°/ à la société Fhb, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, ès qualités La demanderesse au pourvoi n° K 20-19.961 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les demanderesses au pourvoi n° U 21-10.543 invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Karist, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'AGS, de l'Unedic CGEA de [Localité 8], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [S], et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier et Bérard, conseillers, Mme Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° K 20-19.961 et n° U 21-10.543 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 juillet 2020), M. [S] a été engagé en qualité d'employé commercial par la société Karist le 8 octobre 2001. Le 10 mai 2007, il a été élu délégué du personnel et membre titulaire du comité d'entreprise. 3. Le 8 février 2010, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour motif personnel. Par lettre du 22 février suivant, il a annulé cette mesure et informé le salarié de sa réintégration au terme de son arrêt maladie, le 9 mars 2010. Cet arrêt maladie a été prolongé jusqu'au 9 juillet 2010. 4. Le 2 avril 2010, l'employeur a sollicité de l'inspecteur du travail une autorisation de licenciement qui lui a été accordée le 21 mai suivant. Le 4 juin 2010, il a notifié au salarié une nouvelle mesure de licenciement. 5. Le 16 janvier 2012, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution fautive du contrat de travail. Après retrait de l'affaire du rôle le 16 juin 2014, le salarié en a sollicité la réinscription par conclusions du 17 juin 2014, dans lesquelles il a sollicité l'annulation du licenciement intervenu le 8 février 2010 sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail et sans accord formel sur la rétractation notifiée postérieurement par l'employeur. 6. La société Karist a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 18 octobre 2017. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi de la société Enoncé du moyen 7. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du 8 février 2010 est nul et de fixer au passif de la société certaines sommes à titre d'indemnité en réparation intégrale du préjudice résultant du licenciement nul et pour violation du statut de salarié protégé, alors : « 1°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Karist soulignait que par courrier du 11 février 2010, l'inspectrice du travail lui avait fait injonction d'annuler le licenciement prononcé sans autorisation et que la même inspectrice du travail lui avait ensuite, en toute connaissance de cause, délivré le 21 mai 2010 une autorisation de licencier M. [S], considérant donc que l'annulation de la première procédure de licenciement était régulière et que M. [S] faisait toujours partie de l'effectif de l'entreprise, de sorte que la société Karist n'avait fait que se conformer aux injonctions et autorisations de l'inspection du travail ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ que si une mesure de licenciement ne peut être valablement rétractée par l'employeur qu'avec l'accord du salarié, la preuve d'un tel accord peut être rapportée par tous moyens ; qu'en l'espèce, en reprochant, par motifs adoptés, à la société Karist de ne pas produire aux débats de courrier, document ou un témoignage démontrant que M. [S] avait accepté la rétractation de son licenciement notifié le 8 février 2010, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la liberté de la preuve ; 3°/ que l'acceptation non équivoque par le salarié de la rétractation de son licenciement est établie lorsqu'il a continué à envoyer à son employeur des prolongations d'arrêts de travail postérieurement à ce licenciement et à l'expiration du préavis né du premier licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par courrier du 22 février 2010, la société Karist avait informé le salarié qu'elle se rétractait de sa mesure de licenciement prononcée le 8 février 2010 et qu'elle le réintégrait au sein de l'entreprise ; qu'il était constant que le salarié, qui n'avait jamais refusé cette rétractation, avait continué, au-delà du 8 février 2010 et y compris après l'expiration du préavis né du premier licenciement, à adresser ses arrêts maladie à la société Karist, comportement impliquant nécessairement un accord exprès et non équivoque à la rétractation du licenciement ; qu'en concluant néanmoins à l'absence d'accord exprès, clair et non équivoque du salarié à la rétractation de son licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 8. Le licenciement ne peut être rétracté par l'employeur qu'avec l'accord du salarié, peu important que la rétractation ait été faite à la demande de l'inspecteur du travail d'annuler la procédure de licenciement engagée et de respecter le statut protecteur. Il en résulte que le juge judiciaire, quand bien même le licenciement ultérieur du salarié a fait l'objet d'une autorisation administrative, demeure compétent, sans porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, pour apprécier la validité de la rétractation de la mesure de licenciement notifiée antérieurement. 9. Ayant estimé, au terme de son interprétation souveraine de la volonté des parties, que la preuve de l'accord clair et non équivoque du salarié n'était pas rapportée par l'employeur, la cour d'appel, sans être tenue de répondre au moyen inopérant invoqué par la première branche, a légalement justifié sa décision. Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi de l'AGS Enoncé du moyen 10. L'AGS et l'Unedic - CGEA de [Localité 8] font grief à l'arrêt de déclarer opposable à l'AGS CGEA de [Localité 8] sa décision ayant fixé au passif de la société certaines sommes à titre d'indemnité en réparation intégrale du préjudice résultant du licenciement nul, et à titre d'indemnité pour violation du statut de salarié protégé, alors « que l'AGS avait à titre principal réclamé sa mise hors de cause, en faisant valoir qu'elle ne garantissait pas les créances du salarié dont l'employeur fait l'objet d'une simple procédure de sauvegarde ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 11. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 12. En réponse aux conclusions de l'AGS qui sollicitait sa mise hors de cause en faisant valoir qu'elle ne garantissait pas les créances du salarié dont l'employeur fait l'objet d'une simple procédure de sauvegarde, l'arrêt se borne à lui déclarer le jugement opposable. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare « le jugement » opposable à l'AGS CGEA de [Localité 8], l'arrêt rendu le 07 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne la société Karist aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Jouanneau, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Karist, demanderesse au pourvoi n° K 20-19.961 La société Karist FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 4 décembre 2017 en ce qu'il avait dit le licenciement de M. [S] du 8 février 2010 nul et d'AVOIR fixé au passif de la société les sommes de 18 213,76 euros à titre d'indemnité en réparation intégrale du préjudice résultant du licenciement nul et 12 142,38 euros à titre d'indemnité pour violation du statut de salarié protégé ; 1°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Karist soulignait que par courrier du 11 février 2010, l'inspectrice du travail lui avait fait injonction d'annuler le licenciement prononcé sans autorisation et que la même inspectrice du travail lui avait ensuite, en toute connaissance de cause, délivré le 21 mai 2010 une autorisation de licencier M. [S], considérant donc que l'annulation de la première procédure de licenciement était régulière et que M. [S] faisait toujours partie de l'effectif de l'entreprise, de sorte que la société Karist n'avait fait que se conformer aux injonctions et autorisations de l'inspection du travail (conclusions d'appel, p. 13 § 1 et 2 et p. 14) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE si une mesure de licenciement ne peut être valablement rétractée par l'employeur qu'avec l'accord du salarié, la preuve d'un tel accord peut être rapportée par tous moyens ; qu'en l'espèce, en reprochant, par motifs adoptés, à la société Karist de ne pas produire aux débats de courrier, document ou un témoignage démontrant que M. [S] avait accepté la rétractation de son licenciement notifié le 8 février 2010, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la liberté de la preuve ; 3°) ALORS QUE l'acceptation non équivoque par le salarié de la rétractation de son licenciement est établie lorsqu'il a continué à envoyer à son employeur des prolongations d'arrêts de travail postérieurement à ce licenciement et à l'expiration du préavis né du premier licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par courrier du 22 février 2010, la société Karist avait informé le salarié qu'elle se rétractait de sa mesure de licenciement prononcée le 8 février 2010 et qu'elle le réintégrait au sein de l'entreprise ; qu'il était constant que le salarié, qui n'avait jamais refusé cette rétractation, avait continué, au-delà du 8 février 2010 et y compris après l'expiration du préavis né du premier licenciement, à adresser ses arrêts maladie à la société Karist, comportement impliquant nécessairement un accord exprès et non équivoque à la rétractation du licenciement ; qu'en concluant néanmoins à l'absence d'accord exprès, clair et non équivoque du salarié à la rétractation de son licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'AGS et l'Unedic - CGEA de [Localité 8], demanderesses au pourvoi n° U 21-10.543 L'AGS et l'UNEDIC – CGEA de [Localité 8] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré opposable à l'AGS CGEA de [Localité 8] sa décision ayant fixé au passif de la société Karist les sommes de 18 213,76 euros à titre d'indemnité en réparation intégrale du préjudice résultant du licenciement nul, et de 12 142,38 euros à titre d'indemnité pour violation du statut de salarié protégé, 1) ALORS QUE l'AGS avait à titre principal réclamé sa mise hors de cause, en faisant valoir qu'elle ne garantissait pas les créances du salarié dont l'employeur fait l'objet d'une simple procédure de sauvegarde ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, seules sont garanties par l'AGS les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenue pendant la période d'observation ou dans le mois suivant le jugement qui a arrêté le plan de sauvegarde ; qu'il était constant en l'espèce que le contrat de travail de M. [S] avait été rompu en 2010 et que la société Karist avait fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte par un jugement du tribunal de commerce de Nîmes le 18 octobre 2017 ; qu'en disant néanmoins sa décision opposable à l'AGS, la cour d'appel a violé l'article L. 625-3 du code de commerce, ensemble l'article L. 3253-8 du code du travail.
Le licenciement ne peut être rétracté par l'employeur qu'avec l'accord du salarié, peu important que la rétractation ait été faite à la demande de l'inspecteur du travail d'annuler la procédure de licenciement engagée et de respecter le statut protecteur. Il en résulte que le juge judiciaire, quand bien même le licenciement ultérieur du salarié a fait l'objet d'une autorisation administrative, demeure compétent, sans porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, pour apprécier la validité de la rétractation de la mesure de licenciement notifiée antérieurement
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SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1291 FS-B Pourvoi n° P 21-12.125 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [I]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 janvier 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [G] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-12.125 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Saphif, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Monge, conseiller doyen, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [I], de Me Bouthors, avocat de la société Saphir, l'avis écrit de Mme Rémery, avocat général et celui oral de Mme Berriat, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Monge, conseiller doyen rapporteur, Mme Mariette, M. Pietton, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Le Lay, MM. Barincou, Flores, Mme Lecaplain-Morel, M. Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, Deltort, conseillers, Mme Ala, M. Le Corre, Mmes Prieur, Thomas-Davost, Marguerite, Techer, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Berriat, premier avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 4214-4-2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 novembre 2019), M. [I] a été engagé en qualité de veilleur de nuit par la société Saphif (la société) suivant un contrat à durée déterminée puis, à compter du 16 juillet 2012, suivant un contrat à durée indéterminée. 2. Mis à pied à titre conservatoire, il a été convoqué, le 23 avril 2014, à un entretien préalable en vue d'un licenciement puis licencié par lettre du 14 mai 2014 pour défaut de titre de séjour. 3. Le 6 mai 2016, il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir le paiement d'indemnités. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire et de remise de documents sociaux, alors « que la mise à pied conservatoire prévue par l'article L. 1332-3 du code du travail est une mesure provisoire qui permet à l'employeur d'écarter le salarié de l'entreprise dans l'attente du prononcé de la sanction ; qu'elle n'emporte perte du salaire correspondant que si la sanction prononcée est un licenciement pour faute grave ou lourde ; qu'en rejetant la demande du salarié tendant au rappel de salaires pendant la période de sa mise à pied conservatoire, cependant qu'elle avait constaté que son licenciement n'était pas fondé sur une faute grave mais reposait sur une cause objective tirée de sa situation irrégulière, la cour d'appel a violé l'article susvisé. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1332-3, L. 8252-1 et L. 8252-2 1° du code du travail : 5. Selon le deuxième de ces textes, nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. 6. Selon le troisième, le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite, au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. 7. Il résulte de ces textes que si l'irrégularité de la situation d'un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l'application des dispositions relatives aux licenciements et de l'allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle n'est pas constitutive en soi d'une faute grave. L'employeur qui entend invoquer une faute grave distincte de la seule irrégularité de l'emploi doit donc en faire état dans la lettre de licenciement. 8. Seule la faute grave peut justifier une mise à pied conservatoire et le non-paiement du salaire durant cette période. 9. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour la période antérieure au licenciement, l'arrêt retient qu'il ressort de la lettre de licenciement que la seule faute reprochée au salarié est de ne pas avoir produit, en dépit de mises en demeure, un titre de séjour valable l'autorisant à travailler et que cette absence d'autorisation n'est pas contestée par l'intéressé, en sorte que l'employeur n'avait d'autre choix que de procéder à son licenciement. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle retenait par ailleurs que l'article L. 8252-2 du code du travail était applicable et que l'employeur n'avait invoqué aucune faute grave à l'appui du licenciement, ce dont elle aurait dû déduire que le salarié, en situation d'emploi illicite, avait droit au paiement du salaire pour la période antérieure à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. Et sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 11. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt attaqué à intervenir sur la première branche, relative au rejet de la demande en paiement du rappel de salaires pour la période de mise à pied conservatoire, entraînera la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif ayant débouté l'exposant de ses plus amples demandes dont celle relative à la remise de documents sociaux conformes à l'arrêt à intervenir, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. » Réponse de la Cour Vu l'article 624 du code de procédure civile : 12. La cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif déboutant le salarié de sa demande de remise de documents sociaux conformes, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [I] de ses demandes de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire et de remise de documents sociaux conformes, l'arrêt rendu le 13 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Saphif aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Saphif et la condamne à payer à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [I] M. [I] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande de rappel de salaires pendant la mise à pied conservatoire et de sa demande de remise de la remise des documents sociaux conformes à l'arrêt à intervenir, 1° ALORS QUE la mise à pied conservatoire prévue par l'article L. 1332-3 du code du travail est une mesure provisoire qui permet à l'employeur d'écarter le salarié de l'entreprise dans l'attente du prononcé de la sanction ;qu'elle n'emporte perte du salaire correspondant que si la sanction prononcée est un licenciement pour faute grave ou lourde ; qu'en rejetant la demande de M. [I] tendant au rappel de salaires pendant la période de sa mise à pied conservatoire, cependant qu'elle avait constaté que son licenciement n'était pas fondé sur une faute grave mais reposait sur une cause objective tirée de sa situation irrégulière, la cour d'appel a violé l'article susvisé, 2° ALORS QU'en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt attaqué à intervenir sur la première branche, relative au rejet de la demande en paiement du rappel de salaires pour la période de mise à pied conservatoire, entraînera la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif ayant débouté l'exposant de ses plus amples demandes dont celle relative à la remise de documents sociaux conformes à l'arrêt à intervenir, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire
L'employeur qui notifie à son salarié étranger en situation d'emploi illicite son licenciement pour défaut de titre de séjour, sans invoquer à l'appui de ce licenciement de faute grave, est redevable à l'égard de l'intéressé du salaire échu pour toute la période antérieure à la rupture du contrat de travail
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SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 1292 FS-B Pourvoi n° P 21-17.300 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [O] [K], domiciliée [Adresse 3], 2°/ le syndicat CFTC, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° P 21-17.300 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige les opposant : 1°/ à l'Union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie du Nord-Est, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à M. le ministre chargé de la Sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [K] et du syndicat CFTC, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie du Nord-Est, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 1er avril 2021), Mme [K], salariée de l'Union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie du Nord-Est, a bénéficié d'un congé sans solde de fin de carrière pour la période du 31 mai 2018 au 30 mars 2019. 2. Soutenant que les congés issus du compte épargne-temps ne pouvaient pas être imputés sur les jours fériés, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'indemnité de congé non pris en raison de l'imputation des congés sur les jours fériés. 3. Le syndicat CFTC (le syndicat) est intervenu à l'instance. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La salariée et le syndicat font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à faire juger que l'employeur a violé les dispositions de l'article L. 3133-3 du code du travail et à la condamnation de ce dernier au paiement de certaines sommes à titre de rappel de salaire et de dommages -intérêts, alors « que le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises ou des sommes qu'il y a affectées, et d'autre part que le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de paiement d'un complément d'indemnité de congé de fin de carrière par utilisation de son compte d'épargne-temps incluant le paiement des jours fériés de la période, aux motifs inopérants que l'accord collectif applicable dispose que le contrat de travail est suspendu pendant la période de congés et que son indemnisation est exclusive d'une rémunération au titre de la prestation de travail, la cour d'appel a violé les articles L 3151-1 et L 3133-3 du code du travail, ensemble les articles 4.2.2. et 5 du Protocole d'accord relatif au compte épargne temps dans les organismes de sécurité sociale du 8 mars 2016. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 3151-2 du code du travail, le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non pris ou des sommes qu'il y a affectées. 6. Les sommes issues de l'utilisation, par le salarié, des droits affectés sur son compte épargne-temps ne répondent à aucune périodicité de la prestation de travail ou de sa rémunération, puisque, d'une part, le salarié et l'employeur décident librement de l'alimentation de ce compte et, d'autre part, la liquidation du compte épargne-temps ne dépend que des dispositions légales et conventionnelles applicables. 7. Selon les articles 4 et 5 du protocole d'accord relatif au compte épargne-temps dans les organismes de sécurité sociale, le compte épargne-temps permet l'indemnisation de tout ou partie d'un congé sans solde d'origine légale ou conventionnelle. Le contrat de travail est suspendu et l'intéressé perçoit une indemnité calculée sur la base de son salaire au moment du départ et correspondant à la valeur en euros, au jour du départ, du nombre de jours épargnés. Il en résulte que, le congé sans solde entraînant la suspension du contrat de travail, le salarié ne peut prétendre à aucune rémunération au titre des jours fériés afférents à cette période. 8. La cour d'appel, qui a retenu à bon droit que la salariée ne pouvait prétendre durant la période de congé sans solde qu'à une indemnisation au titre du compte épargne-temps, a exactement décidé que l'employeur n'était pas dans l'obligation de payer les rémunérations relatives aux jours fériés inclus dans ce congé. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [K] et le syndicat CFTC aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme [K] et le syndicat CFTC Mme [K] et le syndicat CFTC font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leurs demandes tendant 1) à voir juger que l'Ugecam a violé les dispositions de l'article L 3133-3 du code du travail ; 2) à la condamnation de l'Ugecam au paiement à Mme [K] de la somme de 930,78 € brut à titre de rappel de salaire et de la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts ; et 3) à la condamnation de l'Ugecam au paiement au syndicat CFTC de la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts ; alors que, d'une part, le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises ou des sommes qu'il y a affectées, et d'autre part que le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de paiement d'un complément d'indemnité de congé de fin de carrière par utilisation de son compte d'épargne-temps incluant le paiement des jours fériés de la période, aux motifs inopérants que l'accord collectif applicable dispose que le contrat de travail est suspendu pendant la période de congés et que son indemnisation est exclusive d'une rémunération au titre de la prestation de travail, la cour d'appel a violé les articles L 3151-1 et L 3133-3 du code du travail, ensemble les articles 4.2.2. et 5 du Protocole d'accord relatif au compte épargne temps dans les organismes de sécurité sociale du 8 mars 2016.
Fait l'exacte application de la loi la cour d'appel qui, après avoir retenu que le salarié ne pouvait prétendre pendant la période de congé sans solde qu'à une indemnisation au titre du compte épargne-temps, décide que l'employeur n'était pas dans l'obligation de payer les rémunérations relatives aux jours fériés inclus dans ce congé
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SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1293 FS-B Pourvoi n° D 21-13.059 Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de M. [C]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 septembre 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Difral, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-13.059 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à M. [W] [C], domicilié chez Mme [F] [C], [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Difral, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [C], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 janvier 2021), M. [C] a été engagé le 16 décembre 2013 par la société Difral par contrat de travail à durée déterminée d'une durée de trois mois pour assurer le remplacement d'un salarié absent en arrêt-maladie. Le contrat a été prolongé par avenant du 14 mars 2014, pour la durée de la maladie du salarié remplacé. 2. Le 22 décembre 2015, l'employeur a informé le salarié de la fin du contrat de travail au motif que le salarié remplacé avait fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude. 3. Le 2 juin 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de demander la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, que la rupture du contrat de travail soit considérée comme un licenciement irrégulier et que lui soient allouées des sommes en conséquence. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de dire que le licenciement devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner au paiement de sommes en suite d'une requalification et d'une rupture illicite ainsi qu'à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, alors : « 1° / qu'aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a préalablement constaté que, soutenant que le contrat à durée déterminée ne comportait aucune mention du nom et de la qualification de la personne remplacée, M. [C] avait saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016 ; que, pour accueillir la demande du salarié en requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a, par suite, relevé que le contrat à durée déterminée du 16 décembre 2013 stipule que M. [C] est engagé en qualité de chauffeur, pour une durée de trois mois en raison d'un arrêt de maladie du chauffeur de la société, tandis que l'avenant du 14 mars 2014 mentionne la prolongation du contrat pour remplacement d'un chauffeur en arrêt de maladie pour la durée de la maladie du chauffeur et que ni le contrat du 16 décembre 2013 ni l'avenant du 14 mars 2014 ne comportent le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée ; qu'après avoir énoncé qu'à défaut de comporter le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu en remplacement d'un autre salarié, le contrat de travail à durée déterminée est réputé conclu pour une durée indéterminée et que l'exigence de la mention du nom et de la qualification du salarié remplacé dans le contrat est liée à l'exigence de précision quant à la définition du motif de recours au contrat à durée déterminée, la cour d'appel a considéré que le défaut de mention de l'identité et de la qualification du salarié absent empêche de vérifier que l'embauche du salarié par le biais d'un contrat à durée déterminée n'a pas d'autre motif que le remplacement du salarié absent ; qu'elle en a conclu que l'action de M. [C] conteste la validité du motif de recours, que le salarié n'était pas nécessairement en mesure d'apprécier ses droits à la date de conclusion du contrat de sorte que le délai de prescription n'a couru qu'à compter du terme du dernier contrat, c'est-à-dire à compter du 22 décembre 2015, et que, le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016, son action n'était pas prescrite ; qu'en statuant ainsi, alors que, dès lors que l'action en requalification se fonde sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner la requalification, telle l'absence de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé lorsque le contrat à durée déterminée est conclu en raison de ce remplacement, le délai de prescription de cette action court à compter de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 1242-12, L. 1245-1 et L. 1471-1 du code du travail, ces deux derniers textes dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ; 2°/ que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et à celle de la rupture de ce contrat entraînera la cassation du chef de dispositif relatif à la condamnation de la société au paiement de diverses indemnités. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article L. 1242-12, 1°du code du travail et l'article L. 1245-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 : 5. Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat. 6. Pour requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, dire que le licenciement devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner l'employeur au paiement de sommes en suite d'une requalification et d'une rupture illicite, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié avait été engagé par contrat à durée déterminée, prolongé par un avenant, afin de remplacer un salarié absent sans que ne soient mentionnés le nom et la qualification professionnelle du salarié remplacé, retient que cette absence de mention ne permet pas au salarié de vérifier que le contrat ne repose pas sur un autre motif, qu'en définitive, le salarié conteste la validité du motif du recours au contrat. L'arrêt ajoute que le salarié n'étant pas en mesure d'apprécier ses droits à la date de la conclusion du contrat, le délai de prescription ne peut courir qu'à compter du terme du dernier contrat. Constatant qu'il s'est écoulé moins de deux ans entre le terme du contrat et la saisine de la juridiction, il en déduit que l'action en requalification n'est pas prescrite. 7. En statuant ainsi, alors que le salarié demandait la requalification du contrat à durée déterminée en invoquant une absence de mentions du contrat à durée déterminée, ce dont il résultait que son action, introduite plus de deux ans à compter de la date de conclusion du contrat, comme de l'avenant, était prescrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [C] de sa demande en paiement de sommes en raison du non respect de la procédure, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Difral La société DIFRAL fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié le contrat de travail à durée déterminée conclu avec M. [C] en contrat à durée indéterminée, d'AVOIR dit que la rupture de la relation contractuelle devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société DIFRAL à payer à M. [C] des sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et les congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement et une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel ; ALORS, en premier lieu, QU'aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a préalablement constaté que, soutenant que le contrat à durée déterminée ne comportait aucune mention du nom et de la qualification de la personne remplacée, M. [C] avait saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016 ; que, pour accueillir la demande du salarié en requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a, par suite, relevé que le contrat à durée déterminée du 16 décembre 2013 stipule que M. [C] est engagé en qualité de chauffeur, pour une durée de trois mois en raison d'un arrêt de maladie du chauffeur de la société, tandis que l'avenant du 14 mars 2014 mentionne la prolongation du contrat pour remplacement d'un chauffeur en arrêt de maladie pour la durée de la maladie du chauffeur et que ni le contrat du 16 décembre 2013 ni l'avenant du 14 mars 2014 ne comportent le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée ; qu'après avoir énoncé qu'à défaut de comporter le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu en remplacement d'un autre salarié, le contrat de travail à durée déterminée est réputé conclu pour une durée indéterminée et que l'exigence de la mention du nom et de la qualification du salarié remplacé dans le contrat est liée à l'exigence de précision quant à la définition du motif de recours au contrat à durée déterminée, la cour d'appel a considéré que le défaut de mention de l'identité et de la qualification du salarié absent empêche de vérifier que l'embauche du salarié par le biais d'un contrat à durée déterminée n'a pas d'autre motif que le remplacement du salarié absent ; qu'elle en a conclu que l'action de M. [C] conteste la validité du motif de recours, que le salarié n'était pas nécessairement en mesure d'apprécier ses droits à la date de conclusion du contrat de sorte que le délai de prescription n'a couru qu'à compter du terme du dernier contrat, c'est-à-dire à compter du 22 décembre 2015, et que, le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016, son action n'était pas prescrite ; qu'en statuant ainsi, alors que, dès lors que l'action en requalification se fonde sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner la requalification, telle l'absence de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé lorsque le contrat à durée déterminée est conclu en raison de ce remplacement, le délai de prescription de cette action court à compter de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 1242-12, L. 1245-1 et L. 1471-1 du code du travail, ces deux derniers textes dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ; ALORS, en second lieu, QUE la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et à celle de la rupture de ce contrat entraînera la cassation du chef de dispositif relatif à la condamnation de la société au paiement de diverses indemnités.
Aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en requalification d'un contrat à durée déterminée conclu afin d'assurer le remplacement d'un salarié absent en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé, court à compter de la conclusion du contrat. Doit être cassé l'arrêt qui retient que le point de départ de l'action en requalification d'un contrat à durée déterminée de remplacement en contrat à durée indéterminée fondée sur le défaut de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé doit être fixé au terme du contrat alors qu'il résultait de ses constatations qu'un délai de plus de deux ans s'était écoulé entre la signature du contrat et de son avenant et la saisine de la juridiction prud'homale
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VSOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1294 FS-B Pourvoi n° V 19-16.608 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [Y]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 15 octobre 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [X] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 19-16.608 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2019 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Parker Hannifin Manufacturing France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Y], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Parker Hannifin Manufacturing France, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 22 mars 2019), M. [Y] a été engagé par la société Manpower et mis à disposition de la société Denison Hydraulics, afin d'exécuter plusieurs missions au cours de la période du 13 juillet 2000 au 14 décembre 2004, en qualité d'ouvrier professionnel. En 2005, le salarié a été mis à la disposition de la société Parker Hannifin, laquelle a repris l'activité de la société Denison Hydraulics. A la suite d'un apport partiel d'actifs à effet au 1er juillet 2011, la société Parker Hannifin Manufacturing France a repris l'activité de la société Parker Hannifin et le salarié a été mis à disposition de cette entreprise utilisatrice à compter de cette date. Le terme de son dernier contrat de mission était le 15 mars 2013. 2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de solliciter, notamment, la requalification de l'ensemble de ses contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'égard de la dernière entreprise utilisatrice. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter la requalification des missions d'intérim en contrat à durée indéterminée à la période postérieure au 1er juillet 2011, de limiter le montant des indemnités de préavis, de licenciement, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour non-respect de la procédure de licenciement et de rejeter sa demande de rappels de salaires pour la période de janvier à octobre 2009, alors : « 1°/ que lorsqu'une société utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions légales applicables en la matière, le salarié peut faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande de requalification de M. [Y] pour les contrats de mission antérieurs au 1er uillet 2011, que les sociétés utilisatrices n'avaient pas la qualité d'employeur de M. [Y], sans rechercher si ces sociétés avaient respecté les dispositions applicables en matière de recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au visa de l'article L. 1251-40 du code du travail dans sa version applicable aux faits de l'espèce ; 2°/ que le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur ; qu'en rejetant la demande de requalification de M. [Y] pour les contrats de mission antérieurs au 1er juillet 2011 au motif qu'aucun élément ne permettait de mettre en cause la société Parker Hannifin Manufacturing pour la période antérieure au 1er juillet 2011 et que les deux autres sociétés n'étaient pas dans la cause, tandis qu'elle constatait que cette dernière venait aux droits de la société Parker Hannifin qui elle-même venait aux droits de la société Denison Hydraulics, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1, L. 1224-2 et L. 1251-40 du code du travail dans leur version applicable aux faits de l'espèce ; 3°/ que la cassation à intervenir du chef de la première branche ou de la deuxième branche moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, celle des chefs de dispositif ayant limité les montants des indemnités de préavis, de licenciement, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non-respect de la procédure de licenciement, et de celui ayant rejeté la demande de rappels de salaires de M. [Y] pour la période de janvier à octobre 2009, en application de l'article 624 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1251-40, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail : 4. Aux termes du premier de ces textes, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. 5. Aux termes du deuxième, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. 6. Aux termes du troisième, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants : 1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; 2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci. Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux. 7. Pour limiter la requalification des missions d'intérim en contrat à durée indéterminée à la période postérieure au 1er juillet 2011 ainsi que le montant des sommes allouées en conséquence, l'arrêt retient que les sociétés Denison Hydraulics, Parker Hannifin France et Parker Hannifin Manufacturing France n'ont jamais eu la qualité d'employeur de M. [Y], mais la qualité d'entreprises utilisatrices en vertu des contrats de mise à disposition signés avec l'entreprise de travail temporaire Manpower. Il ajoute que s'il est vrai que l'apport partiel d'actif de l'établissement de [Localité 3], intervenu entre les deux sociétés du groupe Parker, a prévu la transmission des droits et obligations résultant des contrats de travail des salariés de l'entreprise apporteuse à l'entreprise bénéficiaire, ainsi que des contrats de mission en cours au 1er juillet 2011, conformément à l'article L.1224-1 du code du travail, il n'a pour autant pas modifié la situation juridique de M. [Y], celui-ci demeurant intérimaire et salarié de la seule entreprise de travail temporaire ci-dessus dénommée. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, d'une part, si l'exécution du dernier contrat de mission du salarié au sein de la société Denison Hydraulics France avait été reprise et poursuivie par la société Parker Hannifin France et, d'autre part, si l'exécution du dernier contrat de mission du salarié au sein de la société Parker Hannifin France avait été reprise et poursuivie au sein de la société Parker Hannifin Manufacturing France, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la requalification des missions de M. [Y] en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société Parker Hannifin Manufacturing France à la période postérieure au 1er juillet 2011, ainsi que la condamnation de la société à lui verser les sommes de 1 822,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 182,30 euros au titre des congés payés afférents, 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il déboute M. [Y] de sa demande de rappel de salaire pour la période de janvier à octobre 2009, outre les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 22 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ; Condamne la société Parker Hannifin Manufacturing France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Parker Hannifin Manufacturing France et la condamne à payer à la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [Y] M. [X] [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité la requalification des missions d'intérim en contrat à durée indéterminée à la période postérieure au 1er juillet 2011, d'AVOIR limité le montant des indemnités de préavis, de licenciement, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non-respect de la procédure de licenciement et d'AVOIR rejeté sa demande de rappels de salaires pour la période de janvier à octobre 2009 ; 1°) ALORS QUE lorsqu'une société utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions légales applicables en la matière, le salarié peut faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande de requalification de M. [Y] pour les contrats de mission antérieurs au 1er juillet 2011, que les sociétés utilisatrices n'avaient pas la qualité d'employeur de M. [Y], sans rechercher si ces sociétés avaient respecté les dispositions applicables en matière de recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au visa de l'article L. 1251-40 du code du travail dans sa version applicable aux faits de l'espèce ; 2°) ALORS QUE le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur ; qu'en rejetant la demande de requalification de M. [Y] pour les contrats de mission antérieurs au 1er juillet 2011 au motif qu'aucun élément ne permettait de mettre en cause la société Parker Hannifin Manufacturing pour la période antérieure au 1er juillet 2011 et que les deux autres sociétés n'étaient pas dans la cause, tandis qu'elle constatait que cette dernière venait aux droits de la société Parker Hannifin qui elle-même venait aux droits de la société Denison Hydraulics, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1, L. 1224-2 et L. 1251-40 du code du travail dans leur version applicable aux faits de l'espèce ; 3°) ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de la première branche ou de la deuxième branche moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, celle des chefs de dispositif ayant limité les montants des indemnités de préavis, de licenciement, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non-respect de la procédure de licenciement, et de celui ayant rejeté la demande de rappels de salaires de M. [Y] pour la période de janvier à octobre 2009, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. Aux termes de l'article L.1224-1 du même code, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. Aux termes de l'article L.1224-2 du même code, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants : 1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; 2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci. Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux. Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui, pour limiter les effets de la requalification de contrats de mission d'un salarié intérimaire, mis à disposition successivement de plusieurs entreprises utilisatrices sur un même site, en contrat à durée indéterminée à l'égard de la dernière entreprise utilisatrice, à la période postérieure au premier jour de sa première mission auprès de celle-ci, a retenu que les entreprises utilisatrices n'avaient jamais eu la qualité d'employeur du salarié, sans rechercher si l'exécution du dernier contrat de mission du salarié au sein de chaque entreprise utilisatrice n'avait pas été reprise et poursuivie par l'entreprise utilisatrice suivante
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SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation M. SOMMER, président Arrêt n° 1295 FS-B Pourvoi n° B 21-13.310 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-13.310 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale-section B), dans le litige l'opposant à M. [R] [H], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [H], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 21 janvier 2021), M. [H] a été engagé le 15 décembre 2014 par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives de Grenoble (CEA), suivant contrat de travail à durée déterminée de formation post-doctorale en qualité d'ingénieur-chercheur, pour la période du 12 janvier 2015 au 11 janvier 2016. Un autre contrat à durée déterminée a été signé pour le même motif pour la période du 12 janvier 2016 au 11 janvier 2017. 2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 6 mai 2017, afin de solliciter la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de travail en contrat à durée indéterminée et de le condamner à verser au salarié certaines sommes à titre d'indemnités de requalification, de licenciement sans cause réelle et sérieuse, des congés payés afférents, d'indemnités compensatrice de préavis et conventionnelle de licenciement, alors « que constitue un complément de formation professionnelle au sens des articles L. 1242-3 2° et D. 1242-3 2°, toutes formations qui excédent la simple obligation d'adaptation de l'employeur et qui permet aux travailleurs d'acquérir de nouvelles compétences qui s'ajoutent à celles acquises au titre de sa formation initiale ; qu'au cas présent, le CEA faisait valoir que la recherche post-doctorale accomplie par M. [H] lui avait permis d'acquérir des nouvelles compétences dans le domaine de la physique s'ajoutant à – et complétant – celles que son doctorat lui avait offertes en chimie, ce que la cour d'appel a expressément relevé ; qu'en jugeant cependant que M. [H] n'avait pas bénéficié d'un complément de formation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations en violation des articles D. 1242-3 2° du code du travail et L. 1242-3 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1242-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2020-1674 du 27 décembre 2020, et l'article D. 1242-3 2° du même code : 4. Selon le premier de ces textes, outre les cas prévus à l'article L. 1242-2, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu lorsque l'employeur s'engage, pour une durée et dans des conditions déterminées par décret, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié. 5. Aux termes du second, en application du 2° de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu lorsque l'employeur s'engage à assurer un complément de formation professionnelle aux élèves ou anciens élèves d'un établissement d'enseignement effectuant un stage d'application. 6. Il en résulte que l'obligation pour l'employeur d'assurer un complément de formation professionnelle constitue une des conditions d'existence d'un tel contrat à durée déterminée à défaut de laquelle le contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée. 7. Pour requalifier les contrats de travail en contrat de travail à durée indéterminée, l'arrêt retient que l'employeur verse aux débats l'historique des formations réalisées par le salarié, les fiches descriptives et fiches de présence, dont il ressort que ce dernier a pu suivre cinq formations, soit 55 heures de formation sur une période de deux ans. Il énonce, que toutefois, eu égard à leurs contenus, il apparaît que trois de ces formations ont été proposées au salarié pour répondre aux besoins de l'exercice de son activité au sein du laboratoire, aucune d'elles n'ayant été ni qualifiante, ni suffisante pour répondre aux exigences des textes. Il retient qu'ainsi l'employeur ne justifie pas qu'il aurait mis en oeuvre au profit du salarié, au cours de la relation de travail, des actions de complément de formation professionnelle, donnant accès au salarié à une spécialisation, qui lui aurait permis de faire valoir ses acquis auprès d'autres employeurs. 8. Il ajoute qu'il résulte des modalités d'exécution du contrat de travail que l'employeur a effectivement permis au salarié d'acquérir dans le domaine de la recherche, de nouvelles compétences, complémentaires à ses qualifications universitaires, sans que son activité puisse être assimilée à une activité professionnelle à part entière accomplie en toute autonomie, mais également sans qu'elle puisse être assimilée, à un complément de formation professionnelle. 9. Il en déduit qu'à l'occasion des deux contrats de formation post-doctorale, successivement conclus, l'employeur a manqué à son obligation d'assurer le complément de formation professionnelle au salarié. 10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait suivi cinq actions de formation et avait acquis, dans le domaine de la recherche, des compétences complémentaires à ses qualifications universitaires, de sorte que l'employeur lui avait assuré un complément de formation professionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. [H] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR requalifié le contrat de travail entre M. [H] et le Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives de Grenoble en contrat de travail à durée indéterminée, et d'AVOIR condamné le Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives de Grenoble à verser à M. [H] les sommes suivantes 3.018 € nets au titre de l'indemnité de requalification, 18.108 € nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 9.054 € bruts outre 10 % de congés payés afférents à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 9.054 € bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ; 1. ALORS QU' aux termes des articles L. 1242-3 2° et D. 1242-3 2° du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu lorsque l'employeur s'engage à assurer un complément de formation professionnelle aux élèves ou anciens élèves d'un établissement d'enseignement effectuant un stage d'application ; que pour les élèves et anciens élèves, le complément de formation est directement assuré par le stage d'application dans l'entreprise qui permet au salarié recruté de compléter sa formation initiale en y ajoutant des compétences opérationnelles acquises dans le monde de l'entreprise ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que M. [H] avait bénéficié d'un stage d'application ; que la cour a relevé que M. [H] avait en effet été engagé par contrat à durée déterminée pour travailler sur un sujet de recherche post-doctorale pendant deux ans ; qu'elle a par ailleurs constaté que le contrat de travail de M. [H] avait été aménagé pour lui permettre d'acquérir « dans le domaine de la recherche, de nouvelles compétences, complémentaires à ses qualifications universitaires » (arrêt p. 4) et qu'il avait bénéficié pour ce faire de l'encadrement et des conseils de deux ingénieurs chercheurs permanents du (LICL) qui l'ont quotidiennement encadré dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en procédant néanmoins à la requalification du contrat de travail aux motifs que M. [H] n'avait pas bénéficié d'un complément de formation professionnelle après avoir relevé que le salarié avait accompli un stage d'application, la cour d'appel a violé les articles L. 1242-3 2° et D. 1242-3 2° ; 2. ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE constitue un complément de formation professionnelle au sens des articles L. 1242-3 2° et D. 1242-3 2°, toutes formations qui excédent la simple obligation d'adaptation de l'employeur et qui permet aux travailleurs d'acquérir de nouvelles compétences qui s'ajoutent à celles acquises au titre de sa formation initiale ; qu'au cas présent, le CEA faisait valoir que la recherche post-doctorale accomplie par M. [H] lui avait permis d'acquérir des nouvelles compétences dans le domaine de la physique s'ajoutant à – et complétant – celles que son doctorat lui avait offertes en chimie, ce que la cour d'appel a expressément relevé ; qu'en jugeant cependant que M. [H] n'avait pas bénéficié d'un complément de formation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations en violation des articles D. 1242-3 2° du Code du travail et L. 1242-3 du Code du travail ; 3. ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE constitue un complément de formation professionnelle au sens des articles L. 1242-3 2° et D. 1242-3 2°, la formation qui offre une spécialisation, une qualification ou une formation validante ; que le CEA faisait expressément valoir dans ses écritures d'appel que le complément de formation professionnelle dont M. [H] avait bénéficié lui avait offert une spécialisation en micro-électronique qui différait des compétences en chimie acquises par le biais de son parcours doctoral ; que le conseil des prud'hommes avait lui-même retenu que « Monsieur [H] a, de facto, acquis un complément de formation professionnelle post-doctorale, de par son intégration au sein d'une équipe de recherche, sur un sujet éloigné des compétences qu'il avait pu acquérir jusqu'à présent » (jugement p.3) ; qu'en faisant droit à la demande de requalification sans vérifier si le sujet de recherche attribué au salarié ne lui avait pas permis d'obtenir une spécialisation dans la micro-électronique qui se distinguait de sa formation initiale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1242-3 du code du travail.
Selon l'article L.1242-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020, outre les cas prévus à l'article L.1242-2, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu lorsque l'employeur s'engage, pour une durée et dans des conditions déterminées par décret, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié. Aux termes de l'article D. 1242-3 du même code, en application de l'article L.1242-3, 2, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu lorsque l'employeur s'engage à assurer un complément de formation professionnelle aux élèves ou anciens élèves d'un établissement d'enseignement effectuant un stage d'application. Il en résulte que l'obligation pour l'employeur d'assurer un complément de formation professionnelle constitue une des conditions d'existence d'un tel contrat à durée déterminée à défaut de laquelle le contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée. Doit être censurée la cour d'appel, qui pour requalifier en contrat à durée indéterminée le contrat de travail d'un salarié, engagé en application des dispositions de l'article L.1242-3, 2, a retenu que l'employeur avait manqué à son obligation de lui assurer un complément de formation professionnelle, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait suivi cinq actions de formation et avait acquis, dans le domaine de la recherche, des compétences complémentaires à ses qualifications universitaires
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SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 1328 FP-B+R Pourvoi n° U 20-21.924 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Etablissements Decayeux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-21.924 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. [N] [O], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, et de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Etablissements Decayeux, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [O], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire corapporteur, M. Flores, conseiller corapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Capitaine, Monge, Mariette, MM. Rinuy, Pion, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mme Sommé, M. Sornay, Mme Le Lay, conseillers, M. Le Corre, Mmes Chamley-Coulet, Valéry, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 septembre 2020) et les productions, M. [O] a été engagé le 4 mai 2009 par la société Etablissements Decayeux (la société), en qualité d'attaché commercial. 2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 15 janvier 2015 à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail. 3. Il a été licencié le 19 octobre suivant. Examen des moyens Sur les premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui, pour les deux derniers, sont irrecevables, pour les deux autres, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à régler au salarié diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité légale forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, de prononcer en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts exclusifs et de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice légale de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le temps de déplacement professionnel pour se rendre du domicile aux lieux d'exécution du contrat de travail n'est pas du temps de travail effectif et n'ouvre droit qu'à une contrepartie financière ou en repos s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail ; qu'en condamnant l'employeur au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents au titre des temps de déplacement effectués par le salarié pour se rendre sur les lieux d'exécution du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. » Réponse de la Cour 6. Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. 7. Aux termes de l'article L. 3121-4 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire. 8. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 2, point 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, dans lesquelles les travailleurs n'ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, constitue du ''temps de travail'', au sens de cette disposition, le temps de déplacement que ces travailleurs consacrent aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur (CJUE, 10 septembre 2015, Tyco, C-266/14). 9. Certes, ainsi que l'a énoncé l'arrêt précité (points 48 et 49), il résulte de la jurisprudence de la Cour que, exception faite de l'hypothèse particulière visée à l'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE en matière de congé annuel payé, celle-ci se borne à réglementer certains aspects de l'aménagement du temps de travail, de telle sorte que, en principe, elle ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs. 10. La Cour de justice considère en outre que la directive ne s'oppose pas à l'application d'une réglementation d'un État membre, d'une convention collective de travail ou d'une décision d'un employeur qui, aux fins de la rémunération d'un service, prend en compte de manière différente les périodes au cours desquelles des prestations de travail sont réellement effectuées et celles durant lesquelles aucun travail effectif n'est accompli, même lorsque ces périodes doivent être considérées, dans leur intégralité, comme du ''temps de travail'' aux fins de l'application de ladite directive, Radiotelevizija Slovenija (Période d'astreinte dans un lieu reculé), C 344/19, point 58. (CJUE, 9 mars 2021, Stadt Offenbach am Main, C-580/19). 11. La Cour de cassation a jugé que le mode de rémunération des travailleurs dans une situation dans laquelle les travailleurs n'ont pas de lieu de travail fixe ou habituel et effectuent des déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur relève, non pas de ladite directive, mais des dispositions pertinentes du droit national et qu'en application de l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement qui dépasse le temps normal de trajet, qui n'est pas du temps de travail effectif, doit faire l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit sous forme financière (Soc., 30 mai 2018, pourvoi n° 16-20.634, Bull. 2018, V, n° 97). 12. Cependant, dans l'arrêt du 9 mars 2021 (Radiotelevizija Slovenija, C-344/19), la Cour de justice de l'Union européenne retient que les notions de "temps de travail" et de "période de repos" constituent des notions de droit de l'Union qu'il convient de définir selon des caractéristiques objectives, en se référant au système et à la finalité de la directive 2003/88/CE. En effet, seule une telle interprétation autonome est de nature à assurer à cette directive sa pleine efficacité ainsi qu'une application uniforme de ces notions dans l'ensemble des États membres (point 30). La Cour de justice de l'Union européenne précise que malgré la référence faite aux "législations et/ou pratiques nationales" à l'article 2 de la directive 2003/88/CE, les États membres ne sauraient déterminer unilatéralement la portée des notions de "temps de travail" et de "période de repos", en subordonnant à quelque condition ou restriction que ce soit le droit, reconnu directement aux travailleurs par cette directive, à ce que les périodes de travail et, corrélativement, celles de repos soient dûment prises en compte. Toute autre interprétation tiendrait en échec l'effet utile de la directive 2003/88/CE et méconnaîtrait sa finalité (point 31). 13. Eu égard à l'obligation d'interprétation des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail à la lumière de la directive 2003/88/CE, il y a donc lieu de juger désormais que, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code. 14. La cour d'appel a constaté que le salarié, qui soutenait, sans être contredit sur ce point par l'employeur, qu'il devait en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de fixer des rendez-vous, d'appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs, clients, directeur commercial, assistantes et techniciens, exerçait des fonctions de ''technico-commercial'' itinérant, ne se rendait que de façon occasionnelle au siège de l'entreprise pour l'exercice de sa prestation de travail et disposait d'un véhicule de société pour intervenir auprès des clients de l'entreprise répartis sur sept départements du Grand Ouest éloignés de son domicile, ce qui le conduisait, parfois, à la fin d'une journée de déplacement professionnel, à réserver une chambre d'hôtel afin de pourvoir reprendre, le lendemain, le cours des visites programmées. 15. Elle a ainsi fait ressortir que, pendant les temps de trajet ou de déplacement entre son domicile et les premier et dernier clients, le salarié devait se tenir à la disposition de l'employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. 16. Elle a décidé à bon droit que ces temps devaient être intégrés dans son temps de travail effectif et rémunérés comme tel. 17. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Etablissements Decayeux aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Etablissements Decayeux et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Decayeux PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Decayeux fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Decayeux à régler à M. [O] les sommes de 26.103,38 € de rappel de commissions et 2 610,33 € d'incidence congés payés et d'AVOIR, en conséquence, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Decayeux et condamné cette dernière à verser à M. [O] les autres sommes de 8. 725,18 € d'indemnité compensatrice légale de préavis, 872,51 d'incidence congés payés, 4.965,10 € d'indemnité légale de licenciement et 25.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ALORS QUE les parties au contrat de travail peuvent décider de subordonner le versement d'un élément de rémunération variable à la signature d'un avenant ultérieur le prévoyant ; que le contrat de travail conclu entre la société Decayeux et M. [O] prévoyait expressément qu'en l'absence d'accord des parties fixant, par voie d'avenant, des objectifs chiffrés de facturation de commandes aux clients, le salarié percevrait une rémunération fixe mensuelle sans aucune rémunération variable ; qu'en condamnant l'employeur au paiement d'une rémunération variable sur les exercices 2013/2014 après avoir constaté l'absence d'avenant conclu pour ces périodes, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1103 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société Decayeux fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Decayeux de sa demande de condamnation de M. [O] à lui rembourser la somme de 15.989,62 euros au titre de commissions indues ; 1/ ALORS QUE les parties au contrat de travail peuvent décider de subordonner le versement d'un élément de rémunération variable à la signature d'un avenant ultérieur le prévoyant ; que le contrat de travail conclu entre la société Decayeux et M. [O] prévoyait expressément qu'en l'absence d'accord des parties fixant, par voie d'avenant, des objectifs chiffrés de facturation de commandes aux clients, le salarié percevrait une rémunération fixe mensuelle sans aucune rémunération variable ; qu'en déboutant la société Decayeux de sa demande de remboursement des commissions versées au salarié au titre des exercices 2013/2014 après avoir constaté l'absence d'avenant conclu pour ces périodes, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1103 du code civil ; 2/ ALORS QUE le paiement effectué en connaissance de cause ne fait pas obstacle à l'exercice par son auteur de l'action en répétition de l'indu dès lors que la preuve est rapportée que ce qui avait été payé n'était pas dû ; qu'en retenant, pour débouter la société de sa demande de remboursement des commissions indument perçues, que celle-ci s'était acquittée des sommes considérées en pleine connaissance de cause, la cour d'appel a violé les articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenus 1302 et 1302-1. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société Decayeux fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Decayeux à régler à M. [O] les sommes de 22.000 euros de rappel d'heures supplémentaires et 2.200 euros au titre des congés payés y afférents, d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Decayeux à régler à M. [O] la somme de 24.825,54 euros à titre d'indemnité légale forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et d'AVOIR, en conséquence, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Decayeux et condamné cette dernière à verser à M. [O] les autres sommes de 8.725,18 € d'indemnité compensatrice légale de préavis, 872,51 d'incidence congés payés, 4.965,10 € d'indemnité légale de licenciement et 25.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ALORS QUE le temps de déplacement professionnel pour se rendre du domicile aux lieux d'exécution du contrat de travail n'est pas du temps de travail effectif et n'ouvre droit qu'à une contrepartie financière ou en repos s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail ; qu'en condamnant l'employeur au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents au titre des temps de déplacement effectués par le salarié pour se rendre sur les lieux d'exécution du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi 2016-1088 du 8 août 2016. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire La société Decayeux fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Decayeux à régler à M. [O] la somme de 24.825,54 euros à titre d'indemnité légale forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié ; ALORS QUE l'élément intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire d'un décompte des heures de travail effectué conformément aux dispositions légales et à la jurisprudence en vigueur à la date de leur réalisation ; qu'en condamnant l'employeur à payer une indemnité pour travail dissimulé au regard de l'absence de comptabilisation des heures correspondant aux temps de trajets dont la prise en compte dans le temps de travail effectif était exclue par les dispositions légales et la jurisprudence en vigueur à la date de leur réalisation, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-1 et L. 8221-5 du code du travail. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION La société Decayeux fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Decayeux à payer à M. [O] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée ; ALORS QUE si le juge qui annule une sanction disciplinaire peut condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts, c'est à la condition de caractériser un préjudice distinct non réparé par l'annulation de la sanction ; qu'en condamnant la société Decayeux à payer à M. [O] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée, sans caractériser de préjudice distinct subi par le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 du code du travail et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1231-1 du code civil.
Il résulte de l'obligation d'interprétation des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail que, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code
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SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1329 FP-B+R Pourvoi n° S 21-14.060 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [T]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 janvier 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [U] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-14.060 contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Intervenant volontaire : L'association SOS Racisme - touche pas à mon pote, dont le siège est [Adresse 3]. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Barincou et Mme Sommé, conseillers, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Air France, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de l'association SOS Racisme-touche pas à mon pote, les plaidoiries de Me Grévy pour M. [T] et celles de Me Le Prado pour la société Air France, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller corapporteur, Mme Sommé, conseiller corapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Capitaine, Monge, Mariette, MM. Rinuy, Pion, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, Valéry, Prieur, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Intervention 1. Il est donné acte à l'association SOS Racisme - touche pas à mon pote de son intervention. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2019) et les productions, M. [T] a été engagé le 7 mai 1998 par la société Air France, en qualité de steward. 3. A compter de 2005, le salarié s'est présenté coiffé de tresses africaines nouées en chignon à l'embarquement, lequel lui a été refusé par l'employeur au motif qu'une telle coiffure n'était pas autorisée par le manuel des règles de port de l'uniforme pour le personnel navigant commercial masculin. Par la suite et jusqu'en 2007, le salarié a porté une perruque pour exercer ses fonctions. 4. Soutenant être victime de discrimination, il a saisi, le 20 janvier 2012, la juridiction prud'homale de diverses demandes. 5. Le 13 avril 2012, l'employeur a notifié au salarié une mise à pied sans solde de cinq jours pour présentation non conforme aux règles de port de l'uniforme. 6. Le 17 février 2016, le salarié a été déclaré définitivement inapte à exercer la fonction de personnel navigant commercial, en raison d'un syndrome dépressif reconnu comme maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie. 7. Après avoir bénéficié d'un congé de reconversion professionnelle et confirmé qu'il ne souhaitait pas de reclassement au sol, il a été licencié le 5 février 2018 pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement. 8. En cause d'appel, le salarié a demandé la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination, harcèlement moral et déloyauté, d'un rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2012 au 28 février 2014 et les congés payés afférents, la nullité de son licenciement et en conséquence la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, d'un solde de préavis avec les congés payés afférents et d'une indemnité de licenciement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses huitième et neuvième branches Enoncé du moyen 9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination, du harcèlement moral et de la déloyauté, de sa demande de rappels de salaire du 1er janvier 2012 au 28 février 2014, ainsi que de ses demandes tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de sommes subséquentes à titre de dommages-intérêts, de solde sur préavis, de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement, alors : « 8°/ que s'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu'en écartant la discrimination sans préciser en quoi les tresses africaines nuiraient à l'image de la compagnie Air France, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ; 9°/ que s'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le salarié n'avait pu exercer ses fonctions et avait dû porter une perruque pour pouvoir embarquer sur les vols qu'il devait assurer, ce à raison de sa coiffure faite de tresses africaines pourtant autorisée pour les femmes, et que ‘'les éléments de fait apportés par M. [T] laissent supposer un harcèlement fondé sur une discrimination'‘ ; que pour écarter la discrimination à raison du sexe, la cour d'appel s'est bornée à faire état d'une ‘'différence d'apparence admise à une période donnée entre hommes et femmes en terme d'habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage'‘ et à affirmer que ‘'ce type de différence qui reprend les codes en usage ne peut être qualifiée de discrimination'‘ ; qu'en justifiant ainsi la différence de traitement constatée par une discrimination communément admise, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les articles 2, § 1, et 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail : 10. Il résulte de ces textes que les différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché. 11. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15), que par analogie avec la notion d'‘'exigence professionnelle essentielle et déterminante'‘ prévue à l'article 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, la notion d'‘'exigence professionnelle véritable et déterminante'‘, au sens de l'article 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d'exercice de l'activité professionnelle en cause. Il résulte en effet de la version en langue anglaise des deux directives précitées que les dispositions en cause sont rédigées de façon identique : ‘'such a characteristic constitutes a genuine and determining occupational requirement'‘. 12. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination, du harcèlement moral et de la déloyauté, de ses demandes de rappels de salaire et tendant à la nullité du licenciement et au paiement de sommes subséquentes, l'arrêt, après avoir constaté que le manuel de port de l'uniforme des personnels navigants commerciaux masculins mentionne que ‘'les cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitée dans la nuque au niveau du bord supérieur du col de la chemise. Décoloration et ou coloration apparente non autorisée. La longueur des pattes ne dépassant pas la partie médiane de l'oreille. Accessoires divers : non autorisés'‘, retient que ce manuel n'instaure aucune différence entre cheveux lisses, bouclés ou crépus et donc aucune différence entre l'origine des salariés et qu'il est reproché au salarié sa coiffure, ce qui est sans rapport avec la nature de ses cheveux. 13. Il ajoute que si le port de tresses africaines nouées en chignon est autorisé pour le personnel navigant féminin, l'existence de cette différence d'apparence, admise à une période donnée entre hommes et femmes en termes d'habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage, qui reprend les codes en usage, ne peut être qualifiée de discrimination. 14. L'arrêt énonce encore que la présentation du personnel navigant commercial fait partie intégrante de l'image de marque de la compagnie, que le salarié est en contact avec la clientèle d'une grande compagnie de transport aérien qui comme toutes les autres compagnies aériennes impose le port de l'uniforme et une certaine image de marque immédiatement reconnaissable, qu'en sa qualité de steward, il joue un rôle commercial dans son contact avec la clientèle et représente la compagnie et que la volonté de la compagnie de sauvegarder son image est une cause valable de limitation de la libre apparence des salariés. 15. L'arrêt en déduit que les agissements de la société Air France ne sont pas motivés par une discrimination directe ou indirecte et sont justifiés par des raisons totalement étrangères à tout harcèlement. 16. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Air France avait interdit au salarié de se présenter à l'embarquement avec des cheveux longs coiffés en tresses africaines nouées en chignon et que, pour pouvoir exercer ses fonctions, l'intéressé avait dû porter une perruque masquant sa coiffure au motif que celle-ci n'était pas conforme au référentiel relatif au personnel navigant commercial masculin, ce dont il résultait que l'interdiction faite à l'intéressé de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin, caractérisait une discrimination directement fondée sur l'apparence physique en lien avec le sexe, la cour d'appel, qui, d'une part, s'est prononcée par des motifs, relatifs au port de l'uniforme, inopérants pour justifier que les restrictions imposées au personnel masculin relatives à la coiffure étaient nécessaires pour permettre l'identification du personnel de la société Air France et préserver l'image de celle-ci, et qui, d'autre part, s'est fondée sur la perception sociale de l'apparence physique des genres masculin et féminin, laquelle ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes, au sens de l'article 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [T] de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la discrimination, du harcèlement moral et de la déloyauté, de rappels de salaire du 1er janvier 2012 au 28 février 2014, ainsi que de sa demande tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de dommages-intérêts à ce titre, de solde sur préavis et congés payés afférents et d'indemnité de licenciement, et en ce qu'il condamne M. [T] à payer à la société Air France la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 6 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Air France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Air France et la condamne à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grevy la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [T] M. [T] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination, du harcèlement moral et de la déloyauté, de sa demande de rappels de salaire du 1er janvier 2012 au 28 février 2014, ainsi que de sa demande tendant à voir dire son licenciement nul et au paiement des sommes subséquentes à titre de dommages-intérêts, de solde sur préavis et congés payés y afférentes et d'indemnité de licenciement. 1° ALORS QUE nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que porte une atteinte injustifiée et disproportionnée aux libertés individuelles l'employeur qui interdit au salarié en contact avec la clientèle de coiffer ses cheveux en tresses africaines nouées en chignon ; qu'en jugeant la société Air France fondée à interdire au salarié cette coiffure dont il n'était au demeurant pas même allégué qu'elle n'aurait pas été propre et soignée, la cour d'appel a violé l'article L.1121-1 du code du travail. 2° ALORS en tout cas QUE nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'en jugeant l'employeur fondé à interdire au salarié de porter des tresses relevées en chignon sans préciser ce en quoi cette restriction aux libertés individuelles du salarié serait justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni ce en quoi l'interdiction de cette coiffure serait proportionnée au but recherché par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1121-1 du code du travail. 3° ALORS QUE nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'en se bornant à affirmer que « la volonté de la compagnie de sauvegarder son image est une cause valable de limitation de la libre apparence des salariés et que le référentiel qui présente des règles strictes d'apparence n'est pas disproportionnée au but recherché », la cour d'appel qui n'a pas précisé ce en quoi le port de tresses dites africaines nouées en chignon porterait atteinte à l'image de la société Air France, n'a pas légalement justifié sa décision de base légale au regard de l'article L.1121-1 du code du travail. 4° ALORS QUE ni le règlement intérieur ni les notes internes de la société Air France n'interdisent le port de tresses relevées en chignon ; qu'en retenant que le « référentiel qui présente des règles strictes d'apparence n'est pas disproportionné au but recherché », pour dire l'employeur fondé à interdire au salarié le port de tresses relevées en chignon, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil, ensemble l'article L.1121-1 du code du travail. 5° ALORS en tout cas QU'en retenant que le « référentiel qui présente des règles strictes d'apparence n'est pas disproportionné au but recherché » sans préciser ce en quoi le port de tresses nouées en chignon ne serait pas conforme aux prescriptions de ce référentiel, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1103 du code civil et L.1121-1 du code du travail. 6° ALORS de plus QUE les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 constituent une adjonction au règlement intérieur et ne sont opposables au salarié que lorsqu'ils ont été soumis à l'avis des institutions représentatives du personnel, transmis à l'inspecteur du travail et ont fait l'objet des formalités de dépôt et de publicité prévus par les textes pour le règlement intérieur ; qu'en retenant que le référentiel critiqué s'intègre au contrat de travail et au règlement intérieur et est opposable au salarié du seul fait que celui-ci se serait engagé au respect des prescriptions des manuels et à appliquer les consignes et instructions particulières de travail, la cour d'appel a violé les articles L.1321-1 et suivants du code du travail. 7° ALORS de surcroît QUE s'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le salarié n'avait pu exercer ses fonctions et avait dû porter une perruque pour pouvoir embarquer sur les vols qu'il devait assurer, ce à raison de sa coiffure faite de tresses africaines, et que « les éléments de fait apportés par M. [T] laissent supposer un harcèlement fondé sur une discrimination » ; que pour néanmoins écarter toute discrimination, la cour d'appel s'est bornée à faire état de la volonté de la compagnie de sauvegarder son image ; qu'en statuant ainsi, quand la volonté d'une société de préserver son image ne peut objectivement justifier l'interdiction d'une coiffure propre et soignée ne contrevenant nullement aux nombreuses exigences de cette société en matière d'apparence et plus particulièrement de coiffure, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail. 8° ALORS à tout le moins QUE s'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu'en écartant la discrimination sans préciser en quoi les tresses africaines nuiraient à l'image de la compagnie Air France, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.1132-1 du code du travail. 9° ALORS de plus QUE s'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le salarié n'avait pu exercer ses fonctions et avait dû porter une perruque pour pouvoir embarquer sur les vols qu'il devait assurer, ce à raison de sa coiffure faite de tresses africaines pourtant autorisée pour les femmes, et que « les éléments de fait apportés par M. [T] laissent supposer un harcèlement fondé sur une discrimination » ; que pour écarter la discrimination à raison du sexe, la cour d'appel s'est bornée à faire état d'une « différence d'apparence admise à une période donnée entre hommes et femmes en terme d'habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage » et à affirmer que « ce type de différence qui reprend les codes en usage ne peut être qualifiée de discrimination » ; qu'en justifiant ainsi la différence de traitement constatée par une discrimination communément admise, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail. 10° ALORS QUE dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au titre du harcèlement moral qu'il dénonçait, le salarié faisait notamment état de ce qu'il avait été contraint au port d'une perruque de cheveux raides destinée selon les propres termes de l'employeur à « rendre sa coiffure d'apparence lisse », perruque non conforme au référentiel et qualifiée de grotesque par les collègues de M. [T] ; que pour écarter le harcèlement moral après avoir constaté que le salarié avait dû porter une perruque pour pouvoir embarquer sur les vols qu'il devait assurer et que cela laissait présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel s'est bornée à faire état de la volonté de l'employeur de préserver son image ; qu'en statuant ainsi, cependant que la préservation de l'image de l'employeur ne peut justifier l'atteinte à celle du salarié et sa soumission à des traitements humiliants et dégradants, la cour d'appel a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail.
En application des articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les articles 2, § 1, et 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, les différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 14 mars 2017, Bougnaoui et Association de défense des droits de l'homme (ADDH)/Micropole, C-188/15) que, par analogie avec la notion d'« exigence professionnelle essentielle et déterminante » prévue à l'article 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, la notion d'« exigence professionnelle véritable et déterminante », au sens de l'article 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d'exercice de l'activité professionnelle en cause. Il résulte en effet de la version en langue anglaise des deux directives précitées que les dispositions en cause sont rédigées de façon identique : « such a characteristic constitutes a genuine and determining occupational requirement ». Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui, pour débouter un salarié engagé en qualité de steward de ses demandes fondées notamment sur la discrimination, après avoir constaté que l'employeur lui avait interdit de se présenter à l'embarquement avec des cheveux longs coiffés en tresses africaines nouées en chignon et que, pour pouvoir exercer ses fonctions, l'intéressé avait dû porter une perruque masquant sa coiffure au motif que celle-ci n'était pas conforme au référentiel relatif au personnel navigant commercial masculin, ce dont il résultait que l'interdiction faite à l'intéressé de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin, caractérisait une discrimination directement fondée sur l'apparence physique en lien avec le sexe, d'une part se prononce par des motifs, relatifs au port de l'uniforme, inopérants pour justifier que les restrictions imposées au personnel masculin relatives à la coiffure étaient nécessaires pour permettre l'identification du personnel de la compagnie aérienne et préserver l'image de celle-ci, d'autre part se fonde sur la perception sociale de l'apparence physique des genres masculin et féminin, laquelle ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes, au sens de l'article 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006
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N° B 21-85.668 FS-B N° 01358 SL2 23 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [C] [T] et Mme [R] [Y] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 16 septembre 2021, qui a condamné le premier, pour abus de confiance aggravé, à trente six mois d'emprisonnement dont vingt quatre mois avec sursis probatoire, 1 500 euros d'amende, cinq ans d'interdiction professionnelle, une interdiction définitive de gérer, et a ordonné une mesure de confiscation, la seconde, pour recel, à un an d'emprisonnement avec sursis et 1 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire, commun aux demandeurs, et un mémoire en défense ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [R] [Y] et de M. [C] [T], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [H] [Z] et de M. [C] [E], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mmes Fouquet, Chafaï, conseillers référendaires, M. Bougy, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [C] [T] et sa mère, Mme [R] [Y], ont été convoqués devant le tribunal correctionnel pour y être jugés des chefs susvisés. 3. Le tribunal les a déclarés coupables des faits objet de la poursuite et les a condamnés pénalement, ordonnant, notamment, à l'encontre de M. [T] des mesures de confiscation du produit de l'infraction et de confiscation en valeur de celui-ci. 4. Les prévenus et le ministère public on relevé appel de ce jugement. Examen des moyens Sur les premier, deuxième et troisième moyens 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale : 6. Selon le neuvième alinéa du premier de ces textes, la peine complémentaire de confiscation porte notamment sur les biens qui sont l'instrument, l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime, et la confiscation peut être ordonnée en valeur. 7. Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien en valeur, notamment, de s'assurer que celle-ci n'excède pas celle de l'instrument, de l'objet ou du produit de l'infraction. 8. Selon le dixième alinéa du premier de ces textes, le bien confisqué est, sauf disposition particulière prévoyant sa destruction ou son attribution, dévolu à l'Etat, mais demeure grevé, à concurrence de sa valeur, des droits réels licitement constitués au profit de tiers. 9. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 10. Pour ordonner une mesure de confiscation, l'arrêt attaqué relève qu'ont été saisis le véhicule Porsche appartenant à M. [T] ainsi que le bien immobilier situé sur la commune de [Localité 2] (95), évalué à 846 000 euros avec un capital restant dû de 440 852 euros, et les sommes inscrites au compte de la société [1] pour un montant total d'environ 105 500 euros, qu'il convient de confirmer les confiscations ordonnées par les premiers juges, qu'il s'agit, d'une part, d'une confiscation en valeur pour le bien immobilier et le véhicule Porsche prononcée sur le fondement des dispositions combinées de l'article 314-10 du code pénal et de l'article 131-21, alinéa 9, du même code, eu égard au préjudice causé par les abus de confiance qui s'élève à 633 000 euros qui constitue le montant du produit de l'infraction, d'autre part, d'une confiscation de l'objet ou du produit de l'infraction d'abus de confiance, s'agissant des sommes inscrites aux comptes bancaires de la société [1], dont le prévenu est actionnaire. 11. En prononçant ainsi, sans rechercher, pour déduire de la valeur de l'immeuble confisqué le capital restant dû à l'établissement bancaire prêteur, si ce bien se trouvait grevé d'un privilège ou d'une hypothèque opposable par celui-ci à l'Etat à la suite de sa dévolution à ce dernier, ni estimer la valeur du véhicule automobile confisqué, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a insuffisamment justifié sa décision. 12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale 13. Les dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité des demandeurs étant devenue définitive par suite du rejet de leurs moyens, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 16 septembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la mesure de confiscation d'un bien immobilier, d'un véhicule automobile et de sommes figurant au crédit de comptes bancaires, ordonnée à l'encontre de M. [T], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Fixe à 2 500 euros la somme globale que M. [T] et Mme [Y] devront payer aux parties représentées par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.
Selon le neuvième alinéa de l'article 131-21 du code pénal, la peine complémentaire de confiscation porte, notamment, sur les biens qui sont l'instrument, l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime, et la confiscation peut en être ordonnée en valeur. Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien en valeur, notamment, de s'assurer que celle-ci n'excède pas celle de l'instrument, de l'objet ou du produit de l'infraction Selon le dixième alinéa du texte précité, le bien confisqué est, sauf disposition particulière prévoyant sa destruction ou son attribution, dévolu à l'Etat, mais demeure grevé, à concurrence de sa valeur, des droits réels licitement constitués au profit de tiers. Encourt la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui ordonne une mesure de confiscation en valeur portant d'une part, sur un immeuble, sans rechercher, pour déduire de la valeur de l'immeuble confisqué le capital restant dû à l'établissement bancaire prêteur, si ce bien se trouvait grevé d'un privilège ou d'une hypothèque opposable par celui-ci à l'Etat à la suite de sa dévolution à ce dernier, d'autre part, sur un véhicule automobile, sans estimer la valeur de ce bien, ne mettant pas ainsi la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle
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N° C 22-80.659 F-B N° 01440 RB5 23 NOVEMBRE 2022 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 NOVEMBRE 2022 Le procureur général près la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 28 décembre 2021, qui, dans la procédure suivie des chefs d'abus de biens sociaux, complicité, blanchiment et recel, a infirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de M. [K] [W] et de Mme [X] [W], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Début 2020, le procureur de la République a diligenté une enquête sur les agissements de Mme [F] [S], présidente de la société [1], ainsi que de M. [E] [D], son concubin, dirigeant du groupe [D], qui a révélé l'existence de détournements commis au préjudice de la société [1] en faveur de M. [D]. 3. Les investigations ont révélé qu'un des avocats parisiens de Mme [S], M. [K] [W], aurait établi des conventions fictives dans le but de dissimuler les flux financiers frauduleux, le cabinet [W] étant l'un des principaux bénéficiaires des fonds détournés, les sommes perçues par lui ayant été estimées à 1 389 336,27 euros d'honoraires reversés par la société au profit de M. [D] et à d'autres entités distinctes de la société [1]. 4. Le 23 février 2021, les enquêteurs ont procédé à la saisie, sur le compte joint que détient M. [W] avec son épouse, Mme [X] [W], qui est également son assistante, de la somme de 1 110 875,81 euros et le maintien de cette saisie a été prescrit par le juge des libertés et de la détention par ordonnance du 26 février 2021 à l'encontre de laquelle les époux [W] ont interjeté appel. Examen de la recevabilité du pourvoi formé par le procureur général contestée en défense 5. Le pourvoi formé contre un arrêt de chambre de l'instruction statuant sur l'appel d'une saisie pénale ordonnée dans le cadre d'une enquête préliminaire est immédiatement recevable dès lors que, dans ce cadre, les requérants sont considérés comme des tiers, le fait que le procureur général soit le demandeur au pourvoi étant sans incidence. 6. En conséquence, le pourvoi formé par le procureur général à l'encontre de l'arrêt de la chambre de l'instruction statuant sur l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant le maintien d'une saisie effectuée sur le fondement de l'article 706-154 du code de procédure pénale est recevable. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen est pris de la violation des articles 131-21 du code pénal, 567, 591, 706-153 et 706-154 du code de procédure pénale. 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de maintien de la saisie d'une somme inscrite sur un compte bancaire dont sont titulaires conjointement M. [W] et son épouse : 1°/ alors qu'il appartient au co-titulaire d'un compte joint qui revendique les fonds inscrits au crédit de ce compte de démontrer qu'il est un propriétaire ou un tiers de bonne foi et à la chambre de l'instruction d'apprécier si la preuve de sa bonne foi est rapportée et le cas échéant de limiter la saisie aux droits indivis de la personne poursuivie ; 2°/ en constatant, d'une part, que seule une infime partie de l'enquête préliminaire a été portée à sa connaissance, lui interdisant de procéder à une vérification approfondie des éléments de fait et de droit, d'autre part, une rupture d'égalité entre la partie poursuivante et les appelants, alors que l'article 706-153 du code de procédure pénale dispose que le propriétaire d'un bien saisi dans le cadre d'une enquête préliminaire appelant ne peut prétendre dans ce cadre qu'à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste et que le contrôle exercé par la chambre de l'instruction repose sur ces seules pièces et non pas sur l'intégralité de la procédure. Réponse de la Cour Vu les articles 706-154 et 593 du code de procédure pénale : 9. Il résulte du premier de ces textes qu'il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'un recours formé contre une ordonnance de maintien de saisie d'un compte bancaire, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la légalité et le bien-fondé de cette mesure, au besoin en substituant aux motifs insuffisants, voire erronés, du premier juge des motifs répondant aux exigences légales. Pour ce faire, elle est tenue, lorsqu'elle constate qu'elle n'est pas en mesure de se prononcer en l'état des pièces dont elle dispose, de préciser, avant dire droit, les pièces qui lui paraissent nécessaires pour en demander la production par le ministère public, qui ne peut opposer un refus. A défaut de cette production, la chambre de l'instruction statue au vu des seuls éléments dont elle dispose. 10. Il résulte également du même texte que l'appelant d'une ordonnance de maintien de la saisie d'un compte bancaire effectuée dans le cadre d'une enquête préliminaire, ne peut prétendre, a minima, qu'à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste. 11. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance des motifs équivaut à leur absence. 12. Pour infirmer l'ordonnance de maintien de la saisie du compte bancaire dont sont conjointement titulaires M. et Mme [W], l'arrêt attaqué relève que la cour est en droit d'examiner la situation particulière de Mme [W], co-titulaire du compte saisi, et de rechercher le fondement juridique et la légalité de l'ordonnance de maintien de saisie d'un compte bancaire joint dont l'un des co-titulaires, en l'espèce l'intéressée, n'est pas mis en cause dans la commission des infractions éventuellement commises selon les pièces de la procédure soumises à l'examen de la cour d'appel, que ce seul élément suffit à entacher l'ordonnance attaquée dès lors qu'il n'est pas démontré par les pièces de procédure qui lui sont soumises que l'intéressée n'aurait pu ignorer l'origine frauduleuse des fonds versés sur le compte saisi ou qu'elle ne serait pas, en sa qualité de co-titulaire du compte, de collaboratrice de son époux et d'associée du cabinet durant une période recouvrant celle de la prévention, tiers de bonne foi. 13. Les juges ajoutent que l'ordonnance entreprise, qui reprend les quatre chefs de prévention à l'origine de l'ouverture d'une enquête préliminaire, ne qualifie pas la ou les infractions commises tout en indiquant que les sommes saisies seraient le produit potentiel d'une infraction, ce que contestent les époux [W], que ni la décision attaquée ni la requête du procureur de la République ne vise la saisie en valeur prévue par l'article 706-141 du code de procédure pénale, et qu'en l'absence d'identification précise de la ou des infractions reprochées aux époux [W], et notamment à Mme [W], le fondement juridique de la saisie ne peut être modifié sur la seule base des réquisitions du ministère public. 14. Ils observent qu'ils ne sont pas en mesure de rechercher le fondement juridique de la saisie alors que seule une infime partie de l'enquête préliminaire a été portée à leur connaissance, ce qui leur interdit de procéder à une vérification approfondie des éléments de fait et de droit, et que le conseil des appelants subit une rupture d'égalité face à la partie poursuivante, la seule communication des pièces de la procédure se rapportant à la saisie contestée étant insuffisante pour assurer l'exercice, dans toute leur plénitude, des droits de la défense, eu égard à tout ce qui précède. 15. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 16. La cassation est encoure de ce chef. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 28 décembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.
Le pourvoi formé par le procureur général à l'encontre de l'arrêt de la chambre de l'instruction statuant sur l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant le maintien d'une saisie effectuée sur le fondement de l'article 706-154 du code de procédure pénale, est recevable
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N° U 22-80.950 F-B N° 01442 RB5 23 NOVEMBRE 2022 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [G] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 12 janvier 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de menace de mort et infraction à la législation sur les armes, a confirmé la décision de destruction du bien saisi prise par le procureur de la République Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G] [F], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre d'une procédure d'enquête diligentée du chef de menaces de mort, les enquêteurs ont effectué le 17 mai 2021 une perquisition au domicile de M. [G] [F] au cours de laquelle ils ont procédé à la saisie de trois fusils, armes de catégorie C, dont les investigations ont révélé que le demandeur les détenait sans déclaration. 3. Le 14 juin 2021, le procureur de la République a ordonné la destruction des armes saisies. Cette décision a été notifiée oralement par procès-verbal le lendemain à M. [F] qui en a interjeté appel le 18 juin suivant. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche 4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision de destruction des scellés 1 à 3 de la procédure 538/2021 après avoir refusé de prononcer la nullité de la saisie des biens placés sous scellés, alors : « 1°/ que la saisie de fusils de chasse opérée au cours d'une procédure distincte, initialement suivie du chef de menace de mort avec ordre de remplir une condition, est nulle dès lors que la personne gardée à vue a fait l'objet d'une nouvelle procédure en détention illégale d'arme de catégorie C sans que le procureur de la République n'ait été immédiatement informé de la découverte de faits autres que ceux à l'origine de la mesure de garde à vue précédemment ordonnée ; que la personne intéressée n'a pu bénéficier des droits et garanties octroyés par les articles 65, 61-1, 63.3-1, 63-4-3 du code de procédure pénale relativement à ces faits nouveaux, consistant notamment à être avertie de son droit à être assisté d'un avocat et à s'entretenir avec lui, en violation des textes susvisés et du droit de la défense entrainant la nullité de cet acte ainsi que des actes subséquents qui en découlent ; 2°/ qu'en outre, la saisie opérée dans ces conditions requiert l'assentiment de l'intéressé et la rédaction d'un procès-verbal de saisine distinct ; que M. [F] faisait valoir que lors de la découverte des fusils de chasse à son domicile, les enquêteurs n'avaient aucun élément leur permettant de déterminer l'illicéité de la détention de ces armes de chasse qui n'avait pas de rapport avec les faits poursuivis par ailleurs, et qu'ils devaient donc se conformer aux règles de la saisie incidente prévue par les articles 56 et 76 du code de procédure pénale ; qu'en considérant de façon tout à fait hypothétique et dubitative que la saisie s'avérait utile à la manifestation de la vérité, ces armes étant « de façon vraisemblable » liées aux menaces de mort objets de la poursuite pour considérer la saisie justifiée par référence à la procédure initiale sans justifier du lien existant entre la détention de fusils de chasse et les menaces de mort, la Chambre de l'instruction a ainsi méconnu les textes et principes susvisés. » Réponse de la Cour 6. Est inopérant le moyen qui critique le fondement de la saisie dans le cadre de l'appel contre une mesure de destruction de biens saisis, cette question relevant du contentieux de la saisie proprement dite. Sur le second moyen, pris en ses autres branches Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision de destruction des scellés 1 à 3 de la procédure 538/2021, alors : « 1°/ que la décision du procureur de la République d'ordonner la destruction des biens meubles saisis doit aux termes de l'article 41-5 dernier alinéa du code de procédure pénale être motivée ; que l'arrêt attaqué qui constate l'absence de motivation de la décision au demeurant purement orale du procureur de la République de Bastia autorisant la destruction des scellés, ne permettant pas ainsi à M. [F] d'en connaître les raisons exactes, ni de pouvoir exercer son recours en toute connaissance de cause, devait annuler cette décision irrégulière sans pouvoir y substituer sa propre motivation dans le cadre de la « contestation » de cette décision élevée par M. [F], la Chambre de l'instruction étant saisie d'un recours direct et non par l'effet dévolutif d'un appel d'une décision juridictionnelle ; que la Chambre de l'instruction n'a donc pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 41-5 du code de procédure pénale et a excédé ses pouvoirs ; 3°/ que l'arrêt ne pouvait davantage se borner à affirmer que la conservation des armes saisies n'est plus utile à la manifestation de la vérité, et qu'il s'agit d'objets qualifiés de dangereux par la loi qui les catégorise en fonction de leur « dangerosité », alors même qu'elle constatait que les armes saisies au domicile de M. [F] sont de la catégorie C, laquelle n'est pas soumise à autorisation mais à une simple déclaration ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces points, la Chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs et violé les articles 41-5 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que M. [F] non seulement s'opposait à la destruction, mais sollicitait la remise des armes en cause, et soulignait qu'il avait hérité ces fusils de son père, qu'il ne s'en servait pas, mais qu'ils avaient pour lui une valeur sentimentale ; cette demande et cette argumentation impliquaient nécessairement que le juge du fond, avant d'ordonner une destruction privant définitivement l'intéressé de ses droits, examine la décision de destruction au regard du principe de proportionnalité ; le critère légal de dangerosité d'un bien ne pouvant suffire à lui seul à en justifier la destruction sans aucun examen de l'opportunité de préserver les droits du propriétaire sur ce bien ; en se fondant exclusivement sur la dangerosité des fusils, et sur le fait qu'actuellement ils n'étaient pas régulièrement détenus, ce que M. [F] s'engageait à régulariser en les déclarant officiellement, sans réellement se prononcer au regard du principe de proportionnalité, la Chambre de l'instruction a violé le premier protocole additionnel à la Convention européenne, et l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche 8. Pour confirmer la décision de destruction des armes saisies au domicile de M. [F] prise par le procureur de la République, l'arrêt attaqué relève qu'en raison de l'effet dévolutif du recours, il convient d'examiner le bien-fondé de la décision contestée et de statuer, au besoin par motifs propres, sur la nécessité de cette mesure en substituant aux motifs éventuellement insuffisants des motifs répondant aux exigences légales. 9. En prononçant ainsi, et dès lors que la contestation prévue au quatrième alinéa de l'article 41-5 du code de procédure pénale a la nature et les effets de l'appel, la chambre de l'instruction, qui pouvait substituer ses motifs à ceux du procureur de la République, a justifié sa décision. 10. Le grief ne peut être accueilli. Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches 11. Pour confirmer la décision de destruction des armes saisies au domicile de M. [F] prise par le procureur de la République, l'arrêt attaqué relève, après avoir rappelé les dispositions du quatrième alinéa de l'article 41-5 du code de procédure pénale, que le requérant ne conteste pas que la conservation des armes saisies n'est plus utile à la manifestation de la vérité, qu'il s'agit d'objets qualifiés de dangereux par l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure qui prévoit un classement des armes en fonction de leur dangerosité par catégories en vue de préserver la sécurité et l'ordre publics, et qu'en l'espèce, il est établi, d'une part, que les armes saisies au domicile de M. [F] relèvent de la catégorie C qui est strictement encadrée, d'autre part, que le requérant ne remplissait pas les conditions prévues pour leur détention et qu'il ne les remplit toujours pas. 12. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 13. En effet, d'une part, dès lors que la manifestation de la vérité ne se réduit pas à la seule caractérisation des infractions mais s'étend aux circonstances de leur commission susceptibles d'avoir une influence sur l'appréciation de la gravité des faits, les motifs relatant les circonstances dans lesquelles les armes ont été saisies au cours d'une perquisition au domicile de M. [F], auquel il n'est pas reproché d'en avoir fait usage, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les conditions de leur détention sont sans incidence sur la gravité des faits. 14. D'autre part, la loi, au travers des dispositions de l'article 132-75, alinéa 1er, du code pénal et de celles de l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure, qualifie les armes de dangereuses. 15. Enfin, est inopérant le grief qui, dans le cadre du contentieux relatif à une mesure de destruction d'un bien qualifié par la loi de dangereux ou nuisible, ou dont la détention est illicite, ordonnée sur le fondement de l'article 41-5 du code de procédure pénale, invoque une atteinte disproportionnée au droit de propriété. 16. Il s'ensuit que le moyen ne peut qu'être écarté. 17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.
Est inopérant le moyen qui critique le fondement de la saisie dans le cadre de l'appel contre une mesure de destruction de biens saisis prise en application de l'article 41-5 du code de procédure pénale, cette question relevant du contentieux de la saisie proprement dite
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 809 FS-B Pourvoi n° M 21-15.435 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [H] [P], 2°/ Mme [O] [T], épouse [P], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° M 21-15.435 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige les opposant à la société Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La société Paribas Personal Finance a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [P], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Paribas Personal Finance, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 février 2021), suivant acte sous seing privé du 20 octobre 2015, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à M. et Mme [P] (les emprunteurs) un prêt ayant pour objet un regroupement de crédits. 2. Après avoir prononcé la déchéance du terme en raison d'échéances impayées, la banque a obtenu une ordonnance d'injonction de payer à laquelle les emprunteurs ont formé opposition. Examen des moyens Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la banque une certaine somme et de rejeter leurs demandes en paiement de dommages-intérêts et compensation, alors « que l'établissement de crédit doit se renseigner pour alerter l'emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi des prêts et doit même attirer l'attention de l'emprunteur non professionnel sur les conséquences que les crédits accordés peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement, quand bien même il n'existerait ni risque d'endettement excessif ni surendettement; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si le couple n'avait pas deux enfants à charge et à défaut de s'être prononcée, comme elle y était aussi invitée, sur les incidents de paiement déjà survenus à l'occasion d'un crédit souscrit le 24 janvier 2015 auprès de la société Carrefour banque d'un montant de 16 356,25 euros, remboursable en soixante mensualités, à un taux de 8,83 %, afin de regrouper certains crédits antérieurement contractés par les exposants et sur les incidents de paiement afférents à un crédit conclu en juin 2015 auprès de la société Casino pour plus de 13 000 euros, ayant aussi fait l'objet d'une procédure devant le tribunal d'instance, au cours de laquelle les parties avaient convenu d'un remboursement échelonné de 280 euros par mois, crédits dont l'inadaptation à la situation de M. et Mme [P] les avait mis dans l'impossibilité de pouvoir régler les mensualités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1231-1 du code civil, L. 311-9 et L. 312-14 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause. » 4. En application de l'article 978 du code de procédure civile, le moyen, qui articule contre deux chefs distincts de l'arrêt des griefs tendant à des fins différentes, est irrecevable. Sur le moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 5. Les emprunteurs font le même grief à l'arrêt, alors « que la cour d'appel, qui ne s'est pas davantage interrogée sur le fichage dont a fait l'objet Mme [P] en mai 2015 pour incident de paiement d'un crédit, ce qui démontrait que la société BNP Paribas Personal Finance aurait dû être parfaitement informée des difficultés des emprunteurs, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil. » Réponse de la Cour 6. La cour d'appel, qui a retenu que le contrat litigieux avait pour objet de regrouper trois prêts antérieurs en réduisant le montant total de la mensualité sans coût supplémentaire, en a exactement déduit que ce crédit de restructuration ne créait pas de risque d'endettement nouveau, de sorte que la banque n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde. 7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. Mais sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 8. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels et de limiter à une certaine somme, assortie des intérêts au taux légal, la condamnation solidaire des emprunteurs, alors « que la consultation du fichier national des incidents de paiement par l'organisme prêteur doit être effectuée avant la conclusion effective du crédit, laquelle n'intervient, pour les crédits assortis d'une clause d'agrément, que lors de la délivrance de l'agrément par l'établissement de crédit ; qu'en considérant que la consultation par la BNP Paribas Personal Finance était tardive dès lors qu'elle n'a pas été accomplie avant la conclusion du contrat de crédit dans le délai maximal de sept jours suivant l'acceptation de l'offre de prêt par l'emprunteur prévu à l'article L. 311-13 du code de la consommation, cependant que la conclusion du contrat de crédit n'est intervenue que plus tard, lors de l'octroi par la BNP Paris Personal Finance d'un agrément aux époux [P], matérialisé par la mise à disposition des fonds, la cour d'appel a violé l'article L. 311-13 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, désormais repris à l'article L. 312-24 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 311-9, L. 311-13 et L. 311-48, alinéa 2, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article 2 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, dans sa rédaction applicable au litige : 9. Il résulte du premier de ces textes qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur consulte le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) dans les conditions prévues par l'arrêté relatif à ce fichier. 10. Le deuxième dispose : « Le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que ledit emprunteur n'ait pas usé de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l'emprunteur sa décision d'accorder le crédit, dans un délai de sept jours. L'agrément de la personne de l'emprunteur est réputé refusé si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder le crédit n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé. L'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit. La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionné à l'article L. 311-14 vaut agrément de l'emprunteur par le prêteur. » 11. Il résulte du quatrième que les établissements et organismes assujettis à l'obligation de consultation du FICP doivent consulter ce fichier avant toute décision effective d'octroyer un crédit, tel que mentionné à l'article L. 311-2 du code de la consommation, à l'exception des opérations mentionnées à l'article L. 311-3 du même code et avant tout octroi d'une autorisation de découvert remboursable dans un délai supérieur à un mois. Sans préjudice de consultations antérieures dans le cadre de la procédure d'octroi de crédit, cette consultation obligatoire, qui a pour objet d'éclairer la décision finale du prêteur avec les données les plus à jour, doit être réalisée lorsque le prêteur décide d'agréer la personne de l'emprunteur en application de l'article L. 311-13 du code de la consommation pour les crédits mentionnés à l'article L. 311-2 du même code. 12. Selon le troisième, lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées à l'article L. 311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. 13. Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, l'arrêt retient que la banque n'a pas consulté le FICP dans le délai maximal de sept jours imparti par l'article L. 311-13 du code de la consommation. 14. En statuant ainsi, après avoir relevé que cette consultation avait eu lieu avant la mise à disposition des fonds, par laquelle le prêteur avait agréé la personne des emprunteurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi principal ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels et limite la condamnation solidaire des emprunteurs à la somme de 12 835,29 euros, assortie des intérêts au taux légal, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Condamne M. et Mme [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [P] et les condamne à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Vignes, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [P] M. et Mme [P] reprochent à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 12 835,29 euros assortie des intérêts légaux à compter du 6 décembre 2016 et de les avoir déboutés de leur demande de dommages et intérêts venant en compensation avec cette somme ; Alors 1°) que l'établissement de crédit doit se renseigner pour alerter l'emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi des prêts et doit même attirer l'attention de l'emprunteur non professionnel sur les conséquences que les crédits accordés peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement, quand bien même il n'existerait ni risque d'endettement excessif ni surendettement; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si le couple n'avait pas deux enfants à charge et à défaut de s'être prononcée, comme elle y était aussi invitée, sur les incidents de paiement déjà survenus à l'occasion d'un crédit souscrit le 24 janvier 2015 auprès de la société Carrefour Banque d'un montant de 16 356,25 euros, remboursable en soixante mensualités, à un taux de 8,83%, afin de regrouper certains crédits antérieurement contractés par les exposants et sur les incidents de paiement afférents à un crédit conclu en juin 2015 auprès de la société Casino pour plus de 13 000 euros, ayant aussi fait l'objet d'une procédure devant le tribunal d'instance, au cours de laquelle les parties avaient convenu d'un remboursement échelonné de 280 euros par mois, crédits dont l'inadaptation à la situation de M. et Mme [P] les avait mis dans l'impossibilité de pouvoir régler les mensualités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1231-1 du code civil, L. 311-9 et L. 312-14 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause ; Alors 2°) que la cour d'appel, qui ne s'est pas davantage interrogée sur le fichage dont a fait l'objet Mme [P] en mai 2015 pour incident de paiement d'un crédit, ce qui démontrait que la société BNP Paribas Personal Finance aurait dû être parfaitement informée des difficultés des emprunteurs, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Paribas Personal Finance La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir prononcé la déchéance totale de son droit aux intérêts contractuels au titre du prêt accepté le 20 octobre 2015 et d'avoir limité la condamnation solidaire de Monsieur et Madame [P] à payer à la banque la seule somme de 12.835,29 euros assortie des intérêts légaux à compter du 6 décembre 2016. ALORS QUE la consultation du fichier national des incidents de paiement par l'organisme prêteur doit être effectuée avant la conclusion effective du crédit, laquelle n'intervient, pour les crédits assortis d'une clause d'agrément, que lors de la délivrance de l'agrément par l'établissement de crédit ; qu'en considérant que la consultation par la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE était tardive dès lors qu'elle n'a pas été accomplie avant la conclusion du contrat de crédit dans le délai maximal de sept jours suivant l'acceptation de l'offre de prêt par l'emprunteur prévu à l'article L. 311-13 du code de la consommation, cependant que la conclusion du contrat de crédit n'est intervenue que plus tard, lors de l'octroi par la BNP PARIS PERSONAL FINANCE d'un agrément aux époux [P], matérialisé par la mise à disposition des fonds, la cour d'appel a violé l'article L. 311-13 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, désormais repris à l'article L. 312-24 du même code.
En application de l'article 978 du code de procédure civile, est irrecevable le moyen qui articule contre deux chefs distincts de l'arrêt des griefs tendant à des fins différentes. Une cour d'appel, qui retient qu'un contrat a pour objet de regrouper des prêts antérieurs en réduisant le montant total de la mensualité sans coût supplémentaire, en déduit exactement qu'un tel crédit de restructuration ne crée pas de risque d'endettement nouveau, de sorte que la banque n'est pas tenue d'un devoir de mise en garde. Il résulte des articles L. 311-9 et L. 311-13 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et de l'article 2 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), dans sa rédaction applicable au litige, qu'avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur consulte le FICP. Cette consultation peut avoir lieu avant la mise à disposition des fonds par laquelle le prêteur agrée la personne de l'emprunteur
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 811 F-B Pourvoi n° Y 21-22.254 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Artiliège, société de droit belge, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2] (Belgique), a formé le pourvoi n° Y 21-22.254 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Moulins Soufflet, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la société Boogaerts, société de droit belge, société personnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3] (Belgique), 3°/ à la société Cabinet Bourbon, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Artiliège, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Moulins Soufflet, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Boogaerts, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Cabinet Bourbon, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure Selon l'arrêt attaqué (Reims, 23 mars 2021), la société Moulins Soufflet a confié à la société Cabinet Bourbon une mission de conseil et d'assistance technique relative à la réalisation d'un moulin à blé comportant un système d'étuvage de la farine. Elle a confié le lot étuvage à la société belge Artiliège qui a sous-traité la fourniture du générateur à air chaud à la société belge Boogaerts. Le 4 février 2015, celle-ci a saisi le juge belge d'une demande de paiement de factures dirigée contre les sociétés Artiliège et Moulins Soufflet. Le 26 juillet 2017, la société Moulins Soufflet, alléguant que le dispositif d'étuvage de la farine était affecté de désordres, a assigné en responsabilité contractuelle la société Cabinet Bourbon, laquelle a appelé en intervention forcée les sociétés Artiliège et Boogaerts. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La société Artiliège fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer, alors « que l'article 30.1 du règlement Bruxelles I bis prévoit que "lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer ; que suivant l'article 30.3 de ce même règlement "sont connexes, au sens du présent article, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément" ; qu'en l'espèce, après avoir affirmé que "dans l'hypothèse où les juridictions françaises soient amenées à avoir, sur la question de l'éventuelle défectuosité du matériel et sur le lien de causalité avec les préjudices allégués par la société Soufflet, une appréciation contraire des juridictions belges, ou vice-versa, il en résulterait potentiellement un risque de contrariété entre les solutions susceptibles d'être adoptées par les juridictions des deux Etats membres de l'Union", de sorte que "la situation de connexité, au sens du Règlement, se trouve suffisamment établie" (cf. arrêt p. 9, § 1 et § 2), la cour d'appel a néanmoins écarté l'exception de connexité soulevée par la société Artiliège et refusé de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive rendue par les juridictions belges saisies en premier lieu, motif pris que "la question de la défectuosité du matériel fourni par la société Boogaerts n'occupe pas une place centrale, au vu des autres manquements contractuels allégués, ainsi que du propre comportement de la société Soufflet" (cf. arrêt p. 9, § 3) ; qu'en subordonnant ainsi le sursis à statuer au caractère central au litige de la question posée par la demande connexe, la cour d'appel a violé les articles 30.1 et 30.3 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis, par l'ajout d'une condition qu'ils ne prévoient pas. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 30 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer, les demandes connexes étant celles qui sont liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. 5. Ayant relevé que la société Moulins Soufflet, qui l'avait saisie d'une action en responsabilité contractuelle dirigée contre la société Cabinet Bourbon, laquelle sollicitait la garantie des sociétés Artiliège et Boogaerts, était assignée par cette dernière devant un juge belge en paiement du prix du générateur litigieux, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que les deux affaires étaient connexes, a toutefois estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Artiliège aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Artiliège et la condamne à payer à la société Moulin Soufflet la somme de 3 000 euros et la même somme à la société Cabinet Bourbon ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Vignes, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Artiliège PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Artiliège fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 5 novembre 2019 rendu par le Tribunal de commerce de Troyes en ce qu'il a rejeté le sursis à statuer demandé (à tout le moins sur l'action incidente subsidiaire de la SA Moulins Soufflet) dans l'attente qu'une décision coulée en force de la chose jugée soit rendue dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement prononcé le 11 juillet 2019 par le Tribunal de l'entreprise de Liège ; ALORS QUE l'article 30.1 du règlement Bruxelles I bis prévoit que «lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer » ; que suivant l'article 30.3 de ce même règlement « sont connexes, au sens du présent article, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément » ; qu'en l'espèce, après avoir affirmé que « dans l'hypothèse où les juridictions françaises soient amenées à avoir, sur la question de l'éventuelle défectuosité du matériel et sur le lien de causalité avec les préjudices allégués par la société Soufflet, une appréciation contraire des juridictions belges, ou vice-versa, il en résulterait potentiellement un risque de contrariété entre les solutions susceptibles d'être adoptées par les juridictions des deux Etats membres de l'Union », de sorte que « la situation de connexité, au sens du Règlement, se trouve suffisamment établie » (cf. arrêt p. 9, §1 et §2), la cour d'appel a néanmoins écarté l'exception de connexité soulevée par la société Artiliège et refusé de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive rendue par les juridictions belges saisies en premier lieu, motif pris que « la question de la défectuosité du matériel fourni par la société Boogaerts n'occupe pas une place centrale, au vu des autres manquements contractuels allégués, ainsi que du propre comportement de la société Soufflet » (cf. arrêt p. 9, §3) ; qu'en subordonnant ainsi le sursis à statuer au caractère central au litige de la question posée par la demande connexe, la cour d'appel a violé les articles 30.1 et 30.3 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis, par l'ajout d'une condition qu'ils ne prévoient pas. SECOND MOYEN DE CASSATION La société Artiliège fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, de l'avoir condamnée à relever et garantir la société Cabinet Bourbon à hauteur de 20% de la condamnation prononcée à sa charge en principal, intérêts, frais et dépens ; 1°/ ALORS QU'après avoir affirmé que la société Artiliège, exerçant son activité dans le secteur de la ventilation et du traitement d'air, objectait « exactement » n'avoir pas eu connaissance des contraintes spécifiques de l'industrie meunière et en particulier du risque lié aux poussières de farine (cf. arrêt p. 21, §12), qu'elle faisait « pertinemment » valoir que le cahier des charges élaboré par la société Cabinet Bourbon ne comportait aucune norme ou indication en relation avec les risques d'explosion ou d'auto-inflammation de poussières de farine (cf. arrêt p. 21, §14) et encore que le rapport d'expertise ne relevait aucun manquement de la société Artiliège à cet égard (cf. arrêt p. 21, §15), de sorte qu'il ne pouvait être reproché à la société Artiliège « de n'avoir jamais donné d'indication quant à la valeur réelle de la température de contact, ni plus largement, de ne pas s'être assurée de la conformité des équipements et installations commandées à leurs conditions d'exploitation » (cf. arrêt p. 21 dernier § et p. 22, §1), ce dont il se déduisait qu'aucun manquement au devoir de conseil ne pouvait être imputé à cette dernière, notamment pour ne pas avoir averti le maitre de l'ouvrage des dangers que pouvait présenter l'installation dans ces conditions, la cour d'appel a retenu, pour entrer en voie de condamnation, que la société Artiliège n'avait pas démontré « s'être acquittée de son obligation de conseil à l'encontre de la société Soufflet » (cf. arrêt p. 22, §13) ; qu'en statuant ainsi, elle a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°/ ALORS QU'au surplus, en déduisant le manquement à l'obligation de conseil du seul défaut de conformité du générateur d'air chaud aux stipulations contractuelles, sans préciser en quoi celui-ci aurait permis à la société Artiliège – qui n'avait pas connaissance des contraintes spécifiques de l'industrie meunière et en particulier du risque lié aux poussières de farine – de déceler les dangers que le générateur d'air chaud était susceptible de présenter dans ce contexte particulier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. 3°/ ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, en présence d'une pluralité de fautes, l'auteur de l'une d'entre elles ne peut voir sa responsabilité engagée et être condamné à relever et garantir les condamnations prononcées contre l'auteur d'une autre faute jugé responsable, que si la faute qu'il a lui-même commise est en lien de causalité directe avec le préjudice subi par la victime ; que pour condamner la société Artiliège à relever et garantir la société Cabinet Bourbon à hauteur de 20 % de la condamnation prononcée à l'égard de la société Moulins Soufflet, la Cour d'appel a affirmé que le manquement de la société Artiliège à son devoir de conseil avait « contribué à l'installation et la mise en fonctionnement du générateur d'air chaud défectueux » dont le maître d'oeuvre devait répondre (cf. arrêt p. 22, §13) ; qu'en statuant ainsi, tout en ayant relevé d'une part, que l'expert judiciaire avait retenu que l'installation ne pouvait en aucun cas être mise en fonctionnement sans risque majeur « que le générateur fasse ou non l'objet de malfaçons » (cf. arrêt p. 17, §1) et d'autre part, que la société Bourbon avait conçu et sélectionné « une installation et des éléments d'équipements, dont ce générateur, qui n'aurait pu fonctionner sans risque » (cf. arrêt p. 17, §3), ce dont il résultait qu'indépendamment du manquement au devoir de conseil ayant contribué à l'installation du générateur d'air chaud, l'installation projetée n'aurait pas pu fonctionner compte tenu du défaut de conception imputable à la seule société Cabinet Bourbon, de sorte qu'aucun lien de causalité n'existait entre le manquement imputé à la société Artiliège et les préjudices subis par la société Moulins Soufflet consistant essentiellement en les frais de remplacement de l'installation, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 4°/ ALORS QU'en présence d'une pluralité de fautes, l'auteur de l'une d'entre elles ne peut voir sa responsabilité engagée et être condamné à relever et garantir les condamnations prononcées contre de l'auteur d'une autre faute jugé responsable, que si la faute qu'il a lui-même commise est en lien de causalité directe avec le préjudice subi par la victime ; que pour condamner la société Artiliège à relever et garantir la société Cabinet Bourbon à hauteur de 20 % de la condamnation prononcée à l'égard de la société Moulins Soufflet, la Cour d'appel a affirmé que la société Artiliège avait manqué à son obligation de résultat consistant à fournir un équipement conforme aux prévisions contractuelles et exempt des vices intrinsèques ; qu'en statuant ainsi, tout en ayant relevé d'une part, que l'expert judiciaire avait retenu que l'installation ne pouvait en aucun cas être mise en fonctionnement sans risque majeur « que le générateur fasse ou non l'objet de malfaçons » (cf. arrêt p. 17, §1) et d'autre part, que la société Bourbon avait conçu et sélectionné « une installation et des éléments d'équipements, dont ce générateur, qui n'aurait pu fonctionner sans risque » (cf. arrêt p. 17, §3), ce dont il résultait qu'indépendamment du défaut de conformité et vices affectant le générateur d'air chaud, l'installation projetée n'aurait pas pu fonctionner compte tenu du défaut de conception imputable à la seule société Cabinet Bourbon, de sorte qu'aucun lien de causalité n'existait entre les manquements imputés à la société Artiliège et le préjudice subi par la société Moulins Soufflet consistant essentiellement en les frais de remplacement de l'installation, la cour d'appel a derechef méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
Selon l'article 30 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer. Les demandes connexes sont celles qui sont liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. Ayant relevé qu'une société, qui l'avait saisie d'une action en responsabilité contractuelle dirigée contre une autre société, laquelle sollicitait la garantie de deux autres, était assignée en paiement par cette autre société devant un juge belge, la cour d'appel en déduit exactement que les deux affaires sont connexes et, estime, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 817 F-B Pourvois n° W 20-21.282 Y 20-21.353 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 I - 1°/ M. [U] [T], 2°/ Mme [O] [V], épouse [T], tous deux domiciliés [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° W 20-21.282 contre un arrêt rendu le 27 août 2020 par la cour d'appel de Metz (3e chambre civile), dans le litige les opposant à la caisse de Crédit mutuel [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. II - La caisse de Crédit mutuel [Localité 4], a formé le pourvoi n° Y 20-21.353 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [U] [T], 2°/ à Mme [O] [V], épouse [T], défendeurs à la cassation. Les demandeurs aux pourvois n° W 20-21.282 invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° Y 20-21.353 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [T], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la caisse de Crédit mutuel [Localité 4], après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° W 20-21.282 et n° Y 20-21.353 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 août 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 3 octobre 2018, pourvoi n° 16-18.118), par actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005, la caisse de Crédit mutuel [Localité 4] (la banque) a consenti deux prêts immobiliers à M. et Mme [T] (les emprunteurs). 3. Ces prêts ont fait l'objet d'avenants conclus sous seing privé les 7 et 16 avril 2010. 4. Le 18 février 2014, la banque a délivré aux emprunteurs un commandement aux fins d'exécution forcée immobilière, puis a déposé au tribunal d'instance de Metz une requête en vue d'obtenir la vente de leur immeuble par voie d'exécution forcée. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi n° W 20-21.282, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable. Mais sur le moyen du pourvoi n° Y 20-21.353 Enoncé du moyen 6. La banque fait grief à l'arrêt de dire que les créances issues des actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne valent pas titres exécutoires, de déclarer nul et de nul effet le commandement aux fins d'exécution forcée immobilière délivré le 18 février 2014 et de rejeter sa requête, alors « que constitue un titre exécutoire, au sens de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable aux mesures d'exécution antérieures au 25 mars 2019, un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi, de sorte que les circonstances postérieures susceptibles d'affecter le montant de la créance effectivement réclamée par le prêteur sont inopérantes sur la qualification de titre exécutoire de l'acte ; qu'en l'espèce, pour considérer que les actes notariés fondant les poursuites de la banque ne valaient pas titres exécutoires au sens de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel a retenu que "le prêt dont il est fait état à l'acte authentique du 31 août 2004 prévoit le remboursement de la somme de 125 000 euros en cent quarante quatre mensualités de 1 139,86 euros au taux de 4,35 % l'an ; son avenant souscrit sous seing privé le 7 avril 2010 prévoit le remboursement de la somme de 96 509,17 euros en cent vingt quatre mensualités de 967,67 euros au taux de 4,35 % l'an", que "le prêt dont il est fait état à l'acte authentique du 5 janvier 2005 prévoit le remboursement de la somme de 20 000 euros en cent quatre vingt mensualités de 152,01 euros au taux de 4,35 % l'an ; son avenant souscrit sous seing privé le 16 avril 2010 prévoit le remboursement de la somme de 15 090,55 euros en cent vingt mensualités de 155,31 euros au taux de 4,35 % l'an", qu'"il a été indiqué aux avenants qu'un nouveau tableau d'amortissement indiquant la décomposition en capital et intérêts et le cas échéant cotisations d'assurance des emprunteurs pour chaque échéance a été annexé à chaque avenant pour former un tout indissociable", qu' "il résulte du commandement aux fins de saisie immobilière et des tableaux d'amortissement versés aux débats que les créances dont le recouvrement est poursuivi en vertu des actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ont été établies en leur montant par référence aux stipulations contractuelles incluses aux avenants souscrits les 7 et 16 avril 2010" et qu'"il en résulte que les modalités de remboursement initiales des prêts en cause figurant à chacun des actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne permettent pas d'évaluer les créances dont le recouvrement est poursuivi sur la base d'avenants postérieurs passés sous seing privé et prévoyant des modalités de remboursement différentes" ; que la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi, bien qu'il ressorte de ses constatations que les créances étaient déterminables en l'état des mentions des actes notariés ; que la cour d'appel, qui a subordonné la qualification de titre exécutoire des actes notariés à la condition que ceux-ci anticipent les circonstances postérieures à leur signature en comportant des mentions rendant déterminable, non pas la créance telle que fixée par le contrat, mais la somme effectivement réclamée par le prêteur, a violé l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 : 7. Aux termes de ce texte, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières, et que le débiteur consent dans le titre à l'exécution forcée immédiate. 8. Il en résulte que constitue un titre exécutoire un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi. 9. Pour rejeter la requête de la banque, l'arrêt constate que les actes notariés de prêt des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ont fait l'objet d'avenants sous seing privé conclus les 7 et 16 avril 2010 qui ont modifié le montant de la somme à rembourser et le nombre de mensualités, puis relève qu'il résulte du commandement aux fins d'exécution forcée immobilière et des tableaux d'amortissement versés aux débats que les créances dont le recouvrement est poursuivi en vertu de ces actes notariés ont été établies en leur montant par référence aux stipulations contractuelles incluses aux avenants précités. 10. L'arrêt retient ensuite que les modalités de remboursement des actes notariés de prêt ne permettent pas d'évaluer les créances, dont le recouvrement est poursuivi, sur la base d'avenants sous seing privés prévoyant des modalités de remboursement différentes. 11. Il en conclut que les actes notariés de prêt ne valent pas titres exécutoires au sens de l'article L. 111-5, 1°, précité et que la nullité du commandement délivré le 18 février 2014 est dés lors encourue. 12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les actes notariés de prêt mentionnaient, au jour de leur signature, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant, au jour d'éventuelles poursuites, l'évaluation des créances à recouvrer et qu'elle retenait qu'il n'y avait pas eu novation par l'effet des avenants, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les créances de la caisse de Crédit mutuel [Localité 4] issues des actes authentiques des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne valent pas titres exécutoires, déclare nul et de nul effet le commandement aux fins d'exécution forcée immobilière signifié le 18 février 2014 et rejette la requête de la caisse de Crédit mutuel [Localité 4] tendant à la vente par voie d'exécution forcée de l'immeuble inscrit au livre foncier de Pontpierre cadastré section [Cadastre 2] au nom de M. [U] [T] et de Mme [O] [V] épouse [T], l'arrêt rendu le 27 août 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ; Condamne M. et Mme [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Vignes, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi n° W 20-21.282 par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [T] Les époux [T] font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé régulière la déchéance du terme et dit que les créances de la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] issues des actes authentiques des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne valaient pas titres exécutoires, retenant ainsi l'existence de ces créances ; 1°) ALORS QUE l'annulation du commandement aux fins de saisie immobilière prive cet acte de son effet interruptif de prescription ; qu'en relevant pour écarter la prescription des créances résultant des prêts des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 que la signification du commandement aux fins de saisie immobilière du 18 février 2014 avait interrompu la prescription de l'action de la banque (arrêt, p. 12, al. 3), quand elle constatait que ce commandement était nul (arrêt, p. 13, al. 5), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 2241 et 2244 du code civil ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse la prescription d'une dette payable par termes successifs se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives ; qu'en fixant le point de départ de l'action en paiement des mensualités des prêts des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 au jour du premier incident de paiement non régularisé « soit au plus tard » à la date à laquelle la déchéance du terme a été prononcée par la banque (arrêt, p. 12, al. 2), la cour d'appel, qui n'a pas fixé le point de la prescription des mensualités du prêt au jour de leurs dates d'échéances respectives, a violé l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, ensemble les articles 2224 et 2233 du code civil ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse en fixant le point de départ de la prescription de l'action en paiement des mensualités des prêts des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 au jour du premier incident de paiement non régularisé « soit au plus tard » à la date à laquelle la déchéance du terme avait été prononcée par la banque (arrêt, p. 12, al. 2), quand la date d'exigibilité des mensualités du prêt ou du premier incident de paiement était nécessairement antérieure à la date de déchéance du terme, prononcée le 12 juillet 2012 en raison du défaut de paiement de ces mensualités, la cour d'appel, qui n'a pas fixé le point de départ de la prescription des mensualités du prêt au jour de leur exigibilité, a violé l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, ensemble les articles 2224 et 2233 du code civil ; 4°) ALORS QU'en toute hypothèse les exposants soutenaient que le point de départ de la prescription des créances représentant le capital restant dû au titre des prêts des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 se situait à la date de déchéance du terme prononcée le 27 janvier 2010 par la banque (conclusions, p. 10-11) ; qu'en jugeant que les créances invoquées par la banque n'étaient pas prescrites sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi n° Y 20-21.353 par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la caisse de Crédit mutuel [Localité 4] La CCM Faulquemont FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR, infirmant l'ordonnance entreprise, jugé que les créances de la CCM Faulquemont issues des actes authentiques des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne valaient pas titres exécutoires, déclaré nul et de nul effet le commandement aux fins d'exécution forcée immobilière du 18 février 2014 et rejeté la requête de la CCM Faulquemont tendant à la vente par voie d'exécution forcée de l'immeuble inscrit au livre foncier de Pontpierre cadastré section [Cadastre 2] au nom des époux [T] ; ALORS QUE constitue un titre exécutoire, au sens de l'article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable aux mesures d'exécution antérieures au 25 mars 2019, un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi, de sorte que les circonstances postérieures susceptibles d'affecter le montant de la créance effectivement réclamée par le prêteur sont inopérantes sur la qualification de titre exécutoire de l'acte ; qu'en l'espèce, pour considérer que les actes notariés fondant les poursuites de la CCM Faulquemont ne valaient pas titres exécutoires au sens de l'article L. 111-5 1° du CPCE, la cour d'appel a retenu que « le prêt dont il est fait état aÌ l'acte authentique du 31 août 2004 prévoit le remboursement de la somme de 125.000 € en 144 mensualités de 1.139,86 € au taux de 4,35 % l'an ; son avenant souscrit sous seing privé le 7 avril 2010 prévoit le remboursement de la somme de 96.509,17 € en 124 mensualités de 967,67 € au taux de 4,35 % l'an », que « le prêt dont il est fait état aÌ l'acte authentique du 5 janvier 2005 prévoit le remboursement de la somme de 20.000 € en 180 mensualités de 152,01 € au taux de 4,35 % l'an ; son avenant souscrit sous seing privé le 16 avril 2010 prévoit le remboursement de la somme de 15.090,55 € en 120 mensualités de 155,31 € au taux de 4,35 % l'an », qu'« il a été indiqué aux avenants qu'un nouveau tableau d'amortissement indiquant la décomposition en capital et intérêts et le cas échéant cotisations d'assurance des emprunteurs pour chaque échéance a été annexé aÌ chaque avenant pour former un tout indissociable », qu' « il résulte du commandement aux fins de saisie immobilière et des tableaux d'amortissement versés aux débats que les créances dont le recouvrement est poursuivi en vertu des actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ont été établies en leur montant par référence aux stipulations contractuelles incluses aux avenants souscrits les 7 et 16 avril 2010 » et qu'« il en résulte que les modalités de remboursement initiales des prêts en cause figurant à chacun des actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne permettent pas d'évaluer les créances dont le recouvrement est poursuivi sur la base d'avenants postérieurs passés sous seing privé et prévoyant des modalités de remboursement différentes » ; que la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi, bien qu'il ressorte de ses constatations que les créances étaient déterminables en l'état des mentions des actes notariés ; que la cour d'appel, qui a subordonné la qualification de titre exécutoire des actes notariés à la condition que ceux-ci anticipent les circonstances postérieures à leur signature en comportant des mentions rendant déterminable, non pas la créance telle que fixée par le contrat, mais la somme effectivement réclamée par le prêteur, a violé l'article L. 111-5 du Code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable.
Il résulte de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, que, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, constitue un titre exécutoire un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi. Méconnaît ce texte une cour d'appel qui, alors qu'il résultait de ses constatations que les actes notariés de prêt mentionnaient, au jour de leur signature, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement et qu'elle retenait qu'il n'y avait pas eu novation par l'effet d'avenants ultérieurs, retient que les actes notariés de prêt ne valaient pas titres exécutoires
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CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 829 FS-B Pourvoi n° T 21-10.220 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société OVH, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-10.220 contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2020 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1ère section), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'association Juristes pour l'Enfance, dont le siège est [Adresse 1], ayant également un établissement [Adresse 3], 2°/ à la société Subrogalia SL, dont le siège est [Adresse 4] (Espagne), défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société OVH, de la SARL Corlay, avocat de l'association Juristes pour l'Enfance, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet et Chevalier, Mmes Kerner-Menay et Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus et Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société OVH du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Subrogalia SL. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 octobre 2020), le 1er février 2016, l'association Juristes pour l'enfance (l'association) a mis en demeure la société OVH, en sa qualité d'hébergeur de sites, de retirer sans délai le contenu du site internet http://www.subrogalia.com/fr/, édité par la société de droit espagnol Subrogalia (la société Subrogalia), afin qu'il ne soit plus accessible sur le territoire français, en application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN). 3. L'association faisait valoir que le contenu de ce site était illicite comme proposant son entremise entre une mère porteuse et un client désireux d'accueillir l'enfant portée par elle, alors que la gestation pour autrui (GPA) est interdite en France et pénalement sanctionnée. 4. L'association ayant réitéré sa notification le 13 juin 2016, la société OVH lui a indiqué, par lettre du 17 juin suivant, qu'en l'absence de contenu manifestement illicite, il ne lui appartenait pas de se substituer aux autorités judiciaires afin de trancher un litige opposant l'association à la société Subrogalia, mais qu'elle exécuterait spontanément toute décision de justice qui serait portée à sa connaissance à ce titre. 5. Le 18 août 2016, l'association a assigné la société OVH afin qu'il lui soit fait injonction, sous astreinte, de rendre inaccessible le site internet litigieux et qu'elle soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts. La société OVH a assigné en intervention forcée la société Subrogalia. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. La société OVH fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'association la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors : « 1°/ que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent ; qu'en déduisant l'application de la loi française du fait que le site de la société Subrogalia, en ce qu'il contrevient explicitement aux dispositions de droit français prohibant la gestation pour autrui, est susceptible de causer un dommage sur le territoire français parce qu'il viole la loi française, et juger en conséquence manifestement illicite le contenu de ce site pour retenir la responsabilité de la société OVH, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant a violé l'article 4 du Règlement Rome II n° 864/2007 du 11 juillet 2007, ensemble l'article 6.I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 et l'article 227-12 du code pénal ; 2°/ que la responsabilité d'un hébergeur de site internet pour n'avoir pas retiré promptement une information dénoncée comme illicite ne peut être retenue que si l'information présente manifestement ce caractère ; la gestation pour autrui fait l'objet de débats et d'options juridiques très différentes selon les pays, on n'est pas unanimement réprouvés par une norme de droit international ; n'est donc pas manifestement illicite un site internet créé et développé en Espagne où la gestation pour autrui est licite, par une société de droit espagnol qui ne propose des prestations d'accompagnement à la gestation pour autrui que dans les pays où la maternité de substitution est légale, de sorte que quand bien même le contenu de ce site serait accessible au public français, aucune activité interdite par le droit français n'est effectivement exercée en France ; qu'en jugeant le contraire, pour retenir la responsabilité de la société OVH au seul motif inopérant que ce site, destiné notamment à un public situé en France, serait susceptible de causer un dommage sur le territoire français où de telles prestations sont interdites, la cour d'appel, qui n'en a pas caractérisé l'illicéité manifeste a violé l'article 6-I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 ; 3°/ qu'un hébergeur de site internet ne peut être condamné à payer des dommages-intérêts à une association lui ayant dénoncé le contenu d'un site comme étant illicite que si l'absence de prompt retrait des informations figurant sur celui-ci est en lien de causalité direct et certain avec un préjudice personnel de cette association ; qu'en condamnant la société OVH à payer 3.000 € de dommages-intérêts à l'association des Juristes pour l'enfance au titre d'un prétendu préjudice moral dont elle n'a pas expliqué en quoi il serait personnel à l'association et directement causé par l'absence de prompt retrait du site litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6-I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, ensemble l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 8. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que les informations contenues sur le site internet de la société espagnole étaient accessibles en français, que la société Subrogalia y affirmait travailler avec des clients de quatre pays dont la France et que le public français était la cible du site, la cour d'appel en a exactement déduit que le site internet litigieux était manifestement illicite en ce qu'il contrevenait explicitement aux dispositions, dépourvues d'ambiguïté, du droit français prohibant la GPA et qu'il avait vocation à permettre à des ressortissants français d'avoir accès à une pratique illicite en France. 9. Elle a ainsi caractérisé l'existence d'un dommage subi par l'association sur le territoire français au regard de la loi s'y appliquant et justement retenu que la société OVH, qui n'avait pas promptement réagi pour rendre inaccessible en France le site litigieux, avait manqué aux obligations prévues à l'article 6. I. 2, de la loi du 21 juin 2004. 10. Elle a enfin souverainement apprécié, par une décision motivée, le préjudice qui en était résulté. 11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société OVH aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société OVH ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société OVH PREMIER MOYEN DE CASSATION La société OVH fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à l'association Juristes pour l'enfance la somme de 3000 € de dommages et intérêts ; ALORS D'UNE PART QUE la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent ; qu'en déduisant l'application de la loi française du fait que le site de la société espagnole Subrogalia, en ce qu'il contrevient explicitement aux dispositions de droit français prohibant la gestation pour autrui, est susceptible de causer un dommage sur le territoire français parce qu'il viole la loi française, et juger en conséquence manifestement illicite le contenu de ce site pour retenir la responsabilité de la société OVH, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant a violé l'article 4 du Règlement Rome II n° 864/2007 du 11 juillet 2007, ensemble l'article 6.I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 et l'article 227-12 du code pénal ; ALORS D'AUTRE PART QUE la responsabilité d'un hébergeur de site internet pour n'avoir pas retiré promptement une information dénoncée comme illicite ne peut être retenue que si l'information présente manifestement ce caractère ; la gestation pour autrui fait l'objet de débats et d'options juridiques très différentes selon les pays, on n'est pas unanimement réprouvés par une norme de droit international ; n'est donc pas manifestement illicite un site internet créé et développé en Espagne où la gestation pour autrui est licite, par une société de droit espagnol qui ne propose des prestations d'accompagnement à la gestation pour autrui que dans les pays où la maternité de substitution est légale, de sorte que quand bien même le contenu de ce site serait accessible au public français, aucune activité interdite par le droit français n'est effectivement exercée en France ; qu'en jugeant le contraire, pour retenir la responsabilité de la société OVH au seul motif inopérant que ce site, destiné notamment à un public situé en France, serait susceptible de causer un dommage sur le territoire français où de telles prestations sont interdites, la cour d'appel, qui n'en a pas caractérisé l'illicéité manifeste a violé l'article 6-I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 ; ALORS ENSUITE QU'un hébergeur de site internet ne peut être condamné à payer des dommages-intérêts à une association lui ayant dénoncé le contenu d'un site comme étant illicite que si l'absence de prompt retrait des informations figurant sur celui-ci est en lien de causalité direct et certain avec un préjudice personnel de cette association ; qu'en condamnant la société OVH à payer 3.000 € de dommages-intérêts à l'association des Juristes pour l'enfance au titre d'un prétendu préjudice moral dont elle n'a pas expliqué en quoi il serait personnel à l'association et directement causé par l'absence de prompt retrait du site litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6-I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, ensemble l'article 1240 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION La société OVH fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il lui a fait injonction de rendre le site litigieux inaccessible sur le territoire français ; ALORS QUE toute personne a droit à la liberté d'expression, qui comprend la liberté de communiquer des informations sans considération de frontière ; qu'en faisant injonction à la société OVH de rendre le site litigieux inaccessible sur le territoire français, en prenant toutes mesures techniques à cet effet « quelles qu'en soient les conséquences », cependant que la seule solution technique possible consistait, ainsi que l'exposait l'hébergeur, à débrancher purement et simplement le site de sorte qu'il ne pourra plus être accessible de nulle part, y compris depuis des Etats où la GPA est parfaitement licite, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression et a violé l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Est manifestement illicite, en ce qu'il contrevient explicitement aux dispositions, dépourvues d'ambiguïté, du droit français prohibant la gestation pour autrui, le site internet qui a vocation à permettre à des ressortissants français d'avoir accès à la gestation pour autrui. Dès lors, manque à ses obligations prévues à l'article 6. I. 2, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 l'hébergeur du site qui ne réagit pas promptement pour le rendre inaccessible en France
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CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 830 FS-B Pourvoi n° Z 21-12.457 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [F] [I]. Admission au bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 28 octobre 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [D] [F] [I], domicilié chez Mme [V] [X], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-12.457 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant au centre régional de formation professionnelle des avocats des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris, établissement d'utilité publique, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [F] [I], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Centre régional de formation professionnelle des avocats des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet et Chevalier, Mmes Kerner-Menay et Bacache-Gibelli, conseillers, Mmes de Cabarrus, et Feydeau- Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 septembre 2019), M. [F] [I], de nationalité suisse, titulaire d'un doctorat de droit de l'université de [Localité 3], s'est inscrit au Centre régional de formation professionnelle des avocats des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris (l'EFB) sans subir l'examen d'accès, en vertu des dispositions de l'article 12-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. 2. A l'issue des dix-huit mois de formation, il a, lors des épreuves du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA), obtenu une note moyenne inférieure à 10/20. N'ayant à nouveau pas atteint la moyenne requise lors de la seconde session d'examen, le jury l'a déclaré, le 8 décembre 2017, ajourné du CAPA. 3. Par courriel du 11 décembre 2017, l'EFB a adressé à M. [F] [I] son relevé de notes pour la première session. Celui-ci a sollicité une vérification des résultats, alléguant une erreur sur les notes attribuées. Par courriel du 22 décembre 2017, l'EFB a rejeté ce recours. 4. Le 14 décembre 2017, M. [F] [I] a été informé par l'EFB qu'il devait procéder à sa réinscription avant le 15 décembre à 12 heures. Par courriel du 29 décembre 2017, M. [F] [I] a indiqué vouloir se réinscrire, mais sa demande a été rejetée le 5 janvier 2018, comme présentée hors délai. 5. Le 5 janvier 2018, M. [F] [I] a formé, par déclaration verbale au greffe de la cour d'appel, un recours portant sur le rejet de communication des notes relatives à la seconde session, sur la décision d'ajournement du 8 décembre 2017 et sur le refus d'inscription à l'école. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. M. [F] [I] fait grief à l'arrêt de déclarer son recours irrecevable, alors : « 1°/ que les recours formés contre les décisions des centres de formation professionnelle des avocats sont jugés selon les règles applicables, en matière contentieuse, à la procédure sans représentation obligatoire ; qu'en jugeant que, dans le silence de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1971, la procédure avec représentation obligatoire devait être appliquée au recours formé par M. [F] [I] et en le déclarant irrecevable pour avoir été formé par déclaration verbale suivant procès-verbal du greffe, la cour d'appel a violé l'article L 311-3 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 14 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; 2°/ qu'en l'absence de disposition expresse contraire, tout recours formé devant la cour d'appel se trouve soumis aux règles générales de la procédure civile ; qu'aussi, toute demande qui aurait été recevable devant la cour d'appel statuant sur un appel de droit commun doit être considérée comme recevable devant la cour d'appel statuant sur un recours dirigé contre une décision prise par un organe non juridictionnel ; qu'au cas d'espèce, en repoussant par principe la demande indemnitaire formée par M. [F] [I] contre l'EFB, motif pris de ce que cette demande n'avait pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction, quand une telle demande était recevable à la condition que la même demande l'eût été, comme nouvelle en appel, dans le cadre d'un appel de droit commun, ce qu'il lui incombait de vérifier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564 à 567 du code de procédure civile, 14 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. » Réponse de la Cour 7. Selon les articles L. 311-3 du code de l'organisation judiciaire et 14 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, la cour d'appel connaît des recours contre les décisions des centres de formation professionnelle des avocats. 8. Aux termes de l'article 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par ce décret. 9. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de disposition prévoyant des modalités spéciales de recours et de renvoi par l'article 14 de la loi précitée à l'article 16 du décret précité, applicable aux décisions du conseil de l'ordre ou du bâtonnier, le recours exercé contre les décisions du CRFPA devait être formé, instruit et jugé comme un appel en matière civile, conformément aux dispositions de l'article 277 de ce décret, de sorte que la procédure avec représentation obligatoire était applicable et que le recours formé M. [F] [I] par déclaration verbale était irrecevable. 10. Le moyen, qui n'est pas fondé en sa première branche et qui devient ainsi inopérant en sa seconde, ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [F] [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. [F] [I] M. [F] [I] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable son recours ; 1°) ALORS QUE les recours formés contre les décisions des centres de formation professionnelle des avocats sont jugés selon les règles applicables, en matière contentieuse, à la procédure sans représentation obligatoire ; qu'en jugeant que, dans le silence de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1971, la procédure avec représentation obligatoire devait être appliquée au recours formé par M. [F] [I] et en le déclarant irrecevable pour avoir été formé par déclaration verbale suivant procès-verbal du greffe, la cour d'appel a violé l'article L 311-3 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 14 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; 2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU' en l'absence de disposition expresse contraire, tout recours formé devant la cour d'appel se trouve soumis aux règles générales de la procédure civile ; qu'aussi, toute demande qui aurait été recevable devant la cour d'appel statuant sur un appel de droit commun doit être considérée comme recevable devant la cour d'appel statuant sur un recours dirigé contre une décision prise par un organe non juridictionnel ; qu'au cas d'espèce, en repoussant par principe la demande indemnitaire formée par M. [F] [I] contre l'EFB, motif pris de ce que cette demande n'avait pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction, quand une telle demande était recevable à la condition que la même demande l'eût été, comme nouvelle en appel, dans le cadre d'un appel de droit commun, ce qu'il lui incombait de vérifier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564 à 567 du code de procédure civile, 14 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
Il résulte des articles L. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, 14 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 qu'en l'absence de disposition prévoyant des modalités spéciales, le recours exercé par un élève-avocat contre les décisions d'un centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA) doit être formé, instruit et jugé comme un appel en matière civile, de sorte que la procédure avec représentation obligatoire est applicable. C'est donc à bon droit qu'une cour d'appel juge irrecevable le recours formé par déclaration verbale
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 831 FS-B Pourvoi n° U 21-19.490 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [H] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-19.490 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2021 par la cour d'appel de Reims (audience solennelle), dans le litige l'opposant au bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Reims, domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Reims, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme de Cabarrus, M. Serrier, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 26 mai 2021), par lettre recommandée du 24 avril 2019, le bâtonnier du barreau de Reims a saisi le conseil de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Reims (le conseil de discipline) de poursuites disciplinaires à l'encontre de M. [S], avocat, au titre de divers manquements. 2. Par délibération du 6 mai 2019, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Reims a désigné un rapporteur qui a déposé son rapport le 27 août 2019. 3. M. [S] a été cité à l'audience du conseil de discipline du 20 décembre 2019. À cette date, l'affaire a été renvoyée et le délai pour statuer prorogé de quatre mois, conformément à l'article 195 du décret du 27 novembre 1991. 4. Par décision du 31 juillet 2020, le conseil de discipline a déclaré constituées les fautes disciplinaires reprochées à M. [S], à l'exception du non-respect de la décision arbitrale d'un bâtonnier tiers, et prononcé des sanctions disciplinaires. M. [S] a formé un recours contre cette décision. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 6. M. [S] fait grief à l'arrêt de déclarer constitués des manquements aux règles professionnelles et de prononcer des sanctions contre lui, alors : « 1°/ que selon l'article 188 du décret du 27 novembre 1991, le conseil de l'ordre désigne un rapporteur qui a pour mission de procéder à une instruction objective et contradictoire de l'affaire ; le rapport, obligatoire, est déterminant du sort ultérieurement réservé aux poursuites par la formation de jugement et le cas échéant, par la cour d'appel saisie du recours contre la décision rendue par l'instance disciplinaire ; il en résulte que saisie du recours de l'avocat contre la décision l'ayant condamné à une peine disciplinaire, la cour d'appel, qui annule le rapport d'instruction, la citation et la décision de l'instance disciplinaire, ne peut, sans violer l'exigence d'une procédure équitable, se prononcer sur les poursuites disciplinaires ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé les articles 23 de la loi du 31 décembre 1971, 188, 189, 191,192,197 du décret du 27 novembre 1991, 562 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que la juridiction disciplinaire, et le cas échéant la juridiction d'appel, ne sont saisies que des faits mentionnés dans la citation délivrée à l'avocat poursuivi après dépôt du rapport d'instruction ; qu'après avoir annulé le rapport d'instruction, la cour d'appel a annulé les citations délivrées à M. [S], avocat, les 10 décembre 2019 et 8 janvier 2020, lesquelles visaient expressément ce rapport ainsi que la décision rendue par le conseil de discipline ; qu'en retenant néanmoins qu'en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, elle devait se prononcer sur les poursuites disciplinaires engagées par le bâtonnier devant le conseil de discipline, alors qu'aucune instance disciplinaire régulière n'avait été ouverte, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé les articles 562 du code de procédure civile, 192 du décret du 27 novembre 1991 et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ que la procédure disciplinaire est soumise à l'exigence d'une procédure équitable et qu'à cette fin, la séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement doit être garantie au professionnel poursuivi ; dès lors, après avoir annulé le rapport d'instruction, les citations et la décision du conseil de discipline, la cour d'appel, qui s'est estimée investie par l'effet dévolutif de l'appel du pouvoir d'instruire et de juger les faits pour lesquels M. [S] a été poursuivi disciplinairement, a violé les articles 23 de la loi du 31 décembre 1971, 188, 189, 191, 192,197 du décret du 27 novembre 1991, 562 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 7. Après avoir annulé le rapport d'instruction et, par voie de conséquence, la convocation à l'audience et la décision du conseil de discipline, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'acte de saisine, qui avait été adressé par le bâtonnier au conseil régional de discipline et mentionnait l'ensemble des griefs reprochés à l'avocat, avait introduit l'instance et que, par l'effet dévolutif de l'appel, elle se trouvait saisie de l'entier litige et devait se prononcer au regard des éléments de fait et de preuve contradictoirement débattus devant elle. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [S] PREMIER MOYEN DE CASSATION Me [S] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré constituées certaines fautes disciplinaires reprochées s'agissant du manquement à l'honneur et à la probité pour violation de la loi par un avocat en exercice (la condamnation fiscale du 29 juin 2016), du manquement aux règles de courtoisie et de respect envers son bâtonnier (l'absence de réponse aux courriers du bâtonnier) et d'infraction aux règles professionnelles (l'arriéré de cotisations à la caisse nationale des barreaux français et le non-paiement des dettes fiscales), d'avoir prononcé à son encontre les peines d'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de douze mois dont dix mois assortis du sursis et de privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux, des autres organismes ou conseils professionnels ainsi que des fonctions de bâtonnier pendant une durée de cinq ans et d'avoir ordonné à titre de sanction accessoire la publication de la peine disciplinaire par extrait dans les locaux des ordres des avocats du ressort de la cour d'appel de Reims pendant une durée de trois mois . ALORS QUE l'exigence d'un procès équitable et le principe de la contradiction imposent qu'en matière disciplinaire, lorsque le procureur général émet un avis, l'arrêt précise si cet avis est oral ou écrit et si, en ce cas, le professionnel poursuivi en a reçu communication afin de pouvoir y répondre utilement ; en l'espèce, l'arrêt se borne à mentionner que l'affaire a été régulièrement communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. Guérin, avocat général, qui a fait connaître son avis ; qu'en procédant ainsi, sans préciser si l'avis du ministère public était écrit ou oral et si, dans cette dernière hypothèse, Me [S] en a reçu communication afin d'être en mesure d'y répondre utilement, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et 16 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Me [S] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré constituées certaines fautes disciplinaires reprochées à Me [S] s'agissant du manquement à l'honneur et à la probité pour violation de la loi par un avocat en exercice (la condamnation fiscale du 29 juin 2016), du manquement aux règles de courtoisie et de respect envers son bâtonnier (l'absence de réponse aux courriers du bâtonnier) et d'infraction aux règles professionnelles (l'arriéré de cotisations à la caisse nationale des barreaux français et le non-paiement des dettes fiscales) d'avoir prononcé à son encontre les peines d'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de douze mois dont dix mois assortis du sursis et de privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux, des autres organismes ou conseils professionnels ainsi que des fonctions de bâtonnier pendant une durée de cinq ans et d'avoir ordonné à titre de sanction accessoire la publication de la peine disciplinaire par extrait dans les locaux des ordres des avocats du ressort de la cour d'appel de Reims pendant une durée de trois mois ; ALORS QUE l'exigence d'un procès équitable implique qu'en matière disciplinaire la personne poursuivie ou son avocat soit entendu à l'audience et puisse avoir la parole en dernier, et que mention en soit faite dans la décision ; qu'en l'espèce, l'arrêt qui condamne Me [S] à une peine disciplinaire ne constate pas que ce dernier ou son conseil a été invité à prendre la parole en dernier ; en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Me [S] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré constituées certaines fautes disciplinaires reprochées à Me [S] s'agissant du manquement à l'honneur et à la probité pour violation de la loi par un avocat en exercice (la condamnation fiscale du 29 juin 2016), du manquement aux règles de courtoisie et de respect envers son bâtonnier (l'absence de réponse aux courriers du bâtonnier) et d'infraction aux règles professionnelles (l'arriéré de cotisations à la caisse nationale des barreaux français et le non-paiement des dettes fiscales) d'avoir prononcé à son encontre les peines d'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de douze mois dont dix mois assortis du sursis et de privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux, des autres organismes ou conseils professionnels ainsi que des fonctions de bâtonnier pendant une durée de cinq ans et d'avoir ordonné à titre de sanction accessoire la publication de la peine disciplinaire par extrait dans les locaux des ordres des avocats du ressort de la cour d'appel de Reims pendant une durée de trois mois ; 1°) ALORS QUE selon l'article 188 du décret du 27 novembre 1991, le conseil de l'ordre désigne un rapporteur qui a pour mission de procéder à une instruction objective et contradictoire de l'affaire ; le rapport, obligatoire, est déterminant du sort ultérieurement réservé aux poursuites par la formation de jugement et le cas échéant, par la cour d'appel saisie du recours contre la décision rendue par l'instance disciplinaire ; il en résulte que saisie du recours de l'avocat contre la décision l'ayant condamné à une peine disciplinaire, la cour d'appel, qui annule le rapport d'instruction, la citation et la décision de l'instance disciplinaire, ne peut, sans violer l'exigence d'une procédure équitable, se prononcer sur les poursuites disciplinaires ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé les articles 23 de la loi du 31 décembre 1971, 188, 189, 191,192,197 du décret du 27 novembre 1991, 562 du code de procédure civile et 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°) ALORS QUE la juridiction disciplinaire, et le cas échéant la juridiction d'appel, ne sont saisies que des faits mentionnés dans la citation délivrée à l'avocat poursuivi après dépôt du rapport d'instruction ; qu'après avoir annulé le rapport d'instruction, la cour d'appel a annulé les citations délivrées à Me [S] les 10 décembre 2019 et 8 janvier 2020, lesquelles visaient expressément ce rapport ainsi que la décision rendue par le conseil de discipline ; qu'en retenant néanmoins qu'en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, elle devait se prononcer sur les poursuites disciplinaires engagées par le bâtonnier devant le conseil de discipline, alors qu'aucune instance disciplinaire régulière n'avait été ouverte, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé les articles 562 du code de procédure civile, 192 du décret du 27 novembre 1991 et 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°) ALORS QUE la procédure disciplinaire est soumise à l'exigence d'une procédure équitable et qu'à cette fin, la séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement doit être garantie au professionnel poursuivi ; dès lors, après avoir annulé le rapport d'instruction, les citations et la décision du conseil de discipline, la cour d'appel, qui s'est estimée investie par l'effet dévolutif de l'appel du pouvoir d'instruire et de juger les faits pour lesquels M. [S] a été poursuivi disciplinairement, a violé les articles 23 de la loi du 31 décembre 1971, 188, 189, 191, 192,197 du décret du 27 novembre 1991, 562 du code de procédure civile et 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
C'est à bon droit qu'après avoir annulé le rapport d'instruction et, par voie de conséquence, la convocation à l'audience et la décision du conseil de discipline, une cour d'appel retient que l'acte de saisine, qui avait été adressé par le bâtonnier au conseil régional de discipline et mentionnait l'ensemble des griefs reprochés à l'avocat, a introduit l'instance et que, par l'effet dévolutif de l'appel, elle se trouve saisie de l'entier litige et doit se prononcer au regard des éléments de fait et de preuve contradictoirement débattus devant elle
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CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 836 FS-B Pourvoi n° K 21-11.110 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 Le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-11.110 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [G] [E], domicilié [Adresse 2], 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat au bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet et Chevalier, Mmes Kerner-Menay et Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus, et Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2020), par arrêté du 5 novembre 2018, le conseil de discipline de l'ordre des avocats au barreau de Paris a prononcé à l'encontre de M. [E] la sanction de l'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de six mois, dont quatre mois assortis du sursis, pour des manquements aux principes essentiels de la profession, notamment de modération, de délicatesse, de loyauté, de confraternité, d'honneur et de probité. 2. M. [E] a formé un recours contre cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le bâtonnier fait grief à l'arrêt d'infirmer l'arrêté sauf en ce qu'il dit que M. [E] s'était rendu coupable de manquements aux principes essentiels de la profession, notamment de modération, de délicatesse, de loyauté, de confraternité, d'honneur et de probité, et avait en conséquence violé les dispositions de l'article 1.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et, statuant à nouveau, de prononcer contre M. [E] la seule sanction d'avertissement, alors : « 1°/ que, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'aucune disposition ne déroge à ce principe en cas d'appel d'une décision statuant sur des poursuites disciplinaires engagées contre un avocat ; qu'en retenant que les modalités de saisine de la cour d'appel statuant en matière disciplinaire relevaient exclusivement des dispositions de l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui, portant sur la forme du recours, ne pose aucune exigence quant à son contenu, de sorte que le recours exercé conformément à ces seules modalités opérait effet dévolutif, la cour d'appel a violé ce texte et, par refus d'application, l'article 277 du décret du 27 novembre 1991 et l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; 2°/ qu'en toute hypothèse, l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 ne définit pas les mentions que doit contenir la déclaration d'appel ; qu'il est procédé comme en matière civile pour tout ce que le décret ne règle pas ; qu'aux termes de l'article 933 du code de procédure civile, régissant la procédure contentieuse sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel doit préciser les chefs de la décision auquel l'appel est limité ; qu'en retenant que les modalités de saisine de la cour d'appel statuant en matière disciplinaire relevaient exclusivement des dispositions de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991, auquel renvoie l'article 197 du même décret, et qui ne pose aucune exigence quant au contenu de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé ces textes et, par refus d'application, l'article 277 du décret du 27 novembre 1991, et l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017. » Réponse de la Cour 4. Il ressort des articles 16 et 197 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat que le recours de l'avocat qui fait l'objet d'une décision en matière disciplinaire est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef et est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire. 5. L'article 277 du même décret dispose qu'il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par le décret. 6. Il résulte de la combinaison de ces textes que le contenu du recours formé devant la cour d'appel et ses effets, lesquels ne sont pas réglés par le décret, sont régis par les articles 562 et 933 du code de procédure civile, qui prévoient, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible et que la déclaration d'appel précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 7. Il a été jugé qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d'être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d'appel mentionnant que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673, publié ; 2e Civ., 29 septembre 2022, pourvoi n° 21-23.456, publié). 8. La cour d'appel a constaté que M. [E] avait formé un recours contre l'arrêté du 5 novembre 2018. 9. Il en résulte que ce recours, qui, bien que n'indiquant pas les chefs de décision critiqués, tendait à la réformation de cette décision, s'entendait comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble de ses chefs, de sorte qu'il opérait effet dévolutif. 10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris Le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé l'arrêté, sauf en ce qu'il avait dit que M. [F] [G] [E] s'était rendu coupable de manquements aux principes essentiels de la profession, notamment de modération, de délicatesse, de loyauté, de confraternité, d'honneur et de probité, et avait en conséquence violé les dispositions de l'article 1.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat, et, statuant à nouveau, d'AVOIR prononcé à l'encontre de M. [F] [G] [E] la seule sanction d'avertissement ; 1°) ALORS QUE, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'aucune disposition ne déroge à ce principe en cas d'appel d'une décision statuant sur des poursuites disciplinaires engagées contre un avocat ; qu'en retenant que les modalités de saisine de la cour d'appel statuant en matière disciplinaire relevaient exclusivement des dispositions de l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui, portant sur la forme du recours, ne pose aucune exigence quant à son contenu, de sorte que le recours exercé conformément à ces seules modalités opérait effet dévolutif, la cour d'appel a violé ce texte et, par refus d'application, l'article 277 du décret du 27 novembre 1991 et l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 ne définit pas les mentions que doit contenir la déclaration d'appel ; qu'il est procédé comme en matière civile pour tout ce que le décret ne règle pas ; qu'aux termes de l'article 933 du code de procédure civile, régissant la procédure contentieuse sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel doit préciser les chefs de la décision auquel l'appel est limité ; qu'en retenant que les modalités de saisine de la cour d'appel statuant en matière disciplinaire relevaient exclusivement des dispositions de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991, auquel renvoie l'article 197 du même décret, et qui ne pose aucune exigence quant au contenu de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé ces textes et, par refus d'application, l'article 277 du décret du 27 novembre 1991, et l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017.
Il résulte de la combinaison des articles 16, 197 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat que le contenu du recours formé devant la cour d'appel et ses effets, lesquels ne sont pas réglés par le décret, sont régis par les articles 562 et 933 du code de procédure civile. Il est jugé qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d'être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d'appel mentionnant que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement. Dès lors, le recours formé par un avocat contre une décision du conseil de discipline, qui, bien que n'indiquant pas les chefs de décision critiqués, tend à la réformation de cette décision, s'entend comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble de ses chefs et opère ainsi effet dévolutif
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 855 F-B Pourvoi n° G 21-24.103 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 Mme [F] [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-24.103 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2021 par la cour d'appel de Colmar (deuxième chambre civile), dans le litige l'opposant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [P], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 10 septembre 2021), après avoir subi, le 17 février 2010, en raison d'une surchage pondérale, une réduction de l'estomac par voie coelioscopique, Mme [P] a présenté le 20 février suivant une infection consécutive à la survenue d'une fistule digestive durant l'intervention. 2. A l'issue d'une saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux ayant ordonné une expertise médicale et écarté l'existence d'un accident médical indemnisable au titre de la solidarité nationale et d'une infection nosocomiale, Mme [P] a assigné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) en indemnisation. Examen des moyens Sur le second moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Mme [P] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors : « 1°/ que la cour d'appel a relevé que suivant le rapport d'expertise du 19 avril 2013, l'infection à germes digestifs endogènes, qui était inexistante à l'admission était secondaire à l'accident médical et inévitable ; qu'en en déduisant que l'accident médical était la cause de l'infection survenue, quand cette circonstance tenant au caractère secondaire de l'infection n'était pas de nature à exclure la qualification d'infection nosocomiale, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; 2°/ qu'en tout état de cause, en relevant que « [s]elon les conclusions du rapport d'expertise du 19 avril 2013, qui maintient la discussion et les conclusions du premier rapport du 29 novembre 2011, l'infection survenue, inexistante à l'admission "serait retenue comme infection nosocomiale sur des critères chronologiques" et qu' « il indique ensuite qu'il s'agit d'une infection à germes digestifs endogènes et, "initialement d'un accident médical" puisqu'elle est secondaire à ce dernier et inévitable » et en retenant, ensuite "l'accident médical, cause de l'infection survenue", comme cause des préjudices de Mme [P], sans mieux s'en expliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; 3°/ qu'en retenant "l'accident médical, cause de l'infection survenue, comme cause des préjudices de Mme [P], accident sur lequel elle se fonde à titre subsidiaire", sans viser ni analyser, fut-ce sommairement, la déclaration de survenue d'une infection nosocomiale émanant de la clinique elle-même, la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil. » Réponse de la Cour : 5. Selon le I, alinéa 2, de l'article L. 1142-1, du code de la santé publique, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Selon le II, lorsque la responsabilité d'un tel établissement service ou organisme n'est pas engagée, une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale dès lors qu'elle présente un caractère de gravité, fixé par l'article D. 1142-1 du même code et apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. 6. Selon l'article L. 1142-1-1, 1°, du même code, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale, les dommages résultant d'infections nosocomiales dans ces établissements, services ou organismes correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales. 7. Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. 8. Il s'en déduit : - que l'infection causée par la survenue d'un accident médical présente un caractère nosocomial comme demeurant liée à la prise en charge, - qu'une indemnisation des dommages résultant d'infections nosocomiales n'est due par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, que si la responsabilité d'un établissement, service ou organisme n'est pas engagée et si les dommages répondent au moins à l'un des critères de gravité fixés ou, sur le fondement de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1er, que si les dommages ont entraîné un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % ou le décès du patient. 9. Après avoir, d'une part, retenu l'existence d'un accident médical non fautif lié à la survenue de la fistule et exclu son indemnisation au titre de la solidarité nationale en l'absence d'anormalité du dommage, d'autre part, écarté le caractère nosocomial de l'infection au motif qu'elle était secondaire à cet accident, la cour d'appel a constaté que Mme [P] sollicitait l'indemnisation d'un déficit fonctionnel temporaire. 10. Il en résulte que, même si l'infection survenue présentait un caractère nosocomial au sens des dispositions précitées, l'indemnisation des dommages consécutifs à cette infection, qui ne répondait pas aux critères de gravité de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1er, et qui avait été contractée au sein d'un établissement de santé, soumis à une responsabilité de droit, ne pouvait être mise à la charge de l'ONIAM, de sorte que les demandes formées à son encontre devaient être rejetées. 11. Par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, à ceux écartant le caractère nosocomial de l'infection, justement critiqués par le moyen, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [P] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme [P] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [P] fait grief à l'arrêt attaqué de L'Avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation, 1°) ALORS QUE la cour d'appel a relevé que suivant le rapport d'expertise du 19 avril 2013, l'infection à germes digestifs endogènes, qui était inexistante à l'admission était secondaire à l'accident médical et inévitable : qu'en en déduisant que l'accident médical était la cause de l'infection survenue, quand cette circonstance tenant au caractère secondaire de l'infection n'était pas de nature à exclure la qualification d'infection nosocomiale, la cour d'appel a violé l'article L.1142-1 du code de la santé publique ; 2°) ALORS QU'en tout état de cause, en relevant que « [s]elon les conclusions du rapport d'expertise du 19 avril 2013, qui maintient la discussion et les conclusions du premier rapport du 29 novembre 2011, l'infection survenue, inexistante à l'admission "serait retenue comme infection nosocomiale sur des critères chronologiques » et qu' « il indique ensuite qu'il s'agit d'une infection à germes digestifs endogènes et, "initialement d'un accident médical" puisqu'elle est secondaire à ce dernier et inévitable » et en retenant, ensuite « l'accident médical, cause de l'infection survenue », comme cause des préjudices de Mme [P], sans mieux s'en expliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1142-1 du code de la santé publique ; 3°) ALORS QU'en retenant « l'accident médical, cause de l'infection survenue, comme cause des préjudices de Mme [P], accident sur lequel elle se fonde à titre subsidiaire », sans viser ni analyser, fut-ce sommairement, la déclaration de survenue d'une infection nosocomiale émanant de la clinique elle-même (pièce n°3 des conclusions d'appel de Mme [P]), la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Mme [P] fait grief à l'arrêt attaqué DE L'Avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation ; 1°) ALORS QUE pour se déterminer sur la condition d'anormalité du dommage, il appartient aux juges du fond de rechercher si l'intervention était indispensable eu égard à l'état de santé du patient à la date à laquelle elle a été pratiquée ; qu'en excluant l'anormalité du dommage subi par Mme [P], sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'intervention chirurgicale était, à la date à laquelle elle a été pratiquée, indispensable au regard de son état de santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1142-1 du code de la santé publique ; 2°) ALORS QU'en retenant « qu'il ressort de l'expertise (discussion en page 7/14, incluse dans le rappel du rapport du 29 novembre 2011 sous le titre 3) que « Mme [P] présentait une obésité morbide justifiant une indication de chirurgie bariétique, dont elle a pris la décision en connaissance de cause », que Mme [P] « ne démontre pas que l'accident médical survenu à la suite de cette intervention a eu des conséquences notamment plus graves que celles auxquelles elle était exposée en raison de son obésité morbide, de manière suffisamment probable, si elle n'avait pas subie cette intervention », qu' « au contraire, l'Oniam produit en cause d'appel « une analyse médicale critique » du Dr [O], chirurgien viscéral, rédigée le 6 juin 2019, soulignant les risques de diabète, maladie cardio-vasculaire et cancer, entraînés par l'excès de poids, ainsi que le risque plus élevé de décès des sujets présentant une obésité morbide, et concluant que le résultat de la chirurgie bariatique peut être qualifié de bon, en ce qui concerne la parte de poids de Mme [P] (83 kg en 2013, poids stable repuis 2011), alors que « le dommage présenté actuellement, avec un DFP à 10%, est nettement moins grave que les risques qu'elle qu'elle encourait avec une obésité morbide à l'âge de trente ans » », la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser le caractère indispensable de l'intervention eu à égard à l'état de santé de Mme [P] au moment de cette intervention, a violé l'article L.1142-1 du code de la santé publique ; 3°) ALORS QUE lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès ; qu'en se fondant sur la probabilité générale de subir une fistule lors d'une intervention telle que celle subie par Mme [P], au lieu de se fonder sur le risque de survenue d'une fistule entraînant une invalidité grave ou un décès, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.
Au sens des articles L. 1142-1, et L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique, doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. Il s'en déduit : - que l'infection causée par la survenue d'un accident médical présente un caractère nosocomial comme demeurant liée à la prise en charge ; - qu'une indemnisation des dommages résultant d'infections nosocomiales n'est due par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale, sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, que si la responsabilité d'un établissement, service ou organisme n'est pas engagée et si les dommages répondent au moins à l'un des critères de gravité fixés ou, sur le fondement de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1, que si les dommages ont entraîné un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % ou le décès du patient
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 Cassation sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 1194 FS-B Pourvoi n° R 20-23.462 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-23.462 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 4), dans le litige l'opposant à Mme [L] [O], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations et les plaidoiries de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [O], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mme Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mai 2019), le 26 août 2014, Mme [O] a été victime d'un accident de la circulation au Royaume-Uni, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [E], immatriculé et assuré dans ce dernier Etat. 2. Le 14 septembre 2017, Mme [O] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) d'une requête aux fins d'interruption des délais de prescription et de reconnaissance de son droit à indemnisation sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans l'attente des discussions avec son assureur, auprès duquel elle avait conclu un contrat comportant une garantie conducteur. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) fait grief à l'arrêt de dire que le dispositif d'indemnisation prévu à l'article 706-3 du code de procédure pénale a vocation à s'appliquer à Mme [O] et de prononcer un sursis à statuer sur l'indemnisation du préjudice corporel de cette dernière dans l'attente du résultat des discussions engagées avec son assureur au titre de sa garantie contractuelle « garantie du conducteur », alors « que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1, alinéa 1er, du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que, le 26 août 2014, « Mme [L] [O], qui conduisait une moto immatriculée en France, [avait] été victime d'un accident de la circulation en Angleterre, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [C] [E], immatriculé en Angleterre et assuré auprès de la compagnie Liverpool » ; que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État faisant alors partie à l'Espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1, alinéa 1er, et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances : 5. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir du FGTI la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne. 6. Les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, issus de la loi n° 2003-736 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'Espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le FGAO. 7. Il résulte de la combinaison de ces textes que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles du code des assurances susvisés sont exclus de la compétence de la CIVI, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime. 8. Le droit de la victime d'un accident de la circulation survenu dans un pays de l'Espace économique européen à être indemnisée selon les modalités prévues aux articles susvisés du code des assurances s'apprécie au jour de l'accident et la recevabilité de la requête déposée devant la CIVI s'apprécie à la date de celle-ci. 9. Pour dire recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, l'arrêt énonce que le dispositif mis en place par la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 n'a pas d'incidence sur la détermination de la loi applicable, la situation de la victime étant à cet égard exclusivement régie par la Convention de la Haye. Il en déduit que, pour que l'action exercée sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale soit recevable, il suffit que les faits dont a été victime la requérante, d'une part, constituent l'élément matériel d'une infraction, d'autre part, aient entraîné une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à 1 mois, conditions établies et non discutées en l'espèce. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'accident de la circulation dont avait été victime Mme [O] s'était produit au Royaume-Uni, Etat partie à l'Espace économique européen à la date du fait dommageable, et avait impliqué un véhicule immatriculé et assuré au Royaume-Uni, de sorte que cet accident relevait de la compétence du FGAO, ce qui excluait la compétence de la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Ainsi que suggéré par le FGTI, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. Il résulte des paragraphes 5 à 10 que la requête de Mme [O] est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE irrecevable la requête présentée par Mme [O] ; Laisse les dépens exposés à la charge du Trésor public, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel de Paris ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions Le FGTI fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le dispositif d'indemnisation prévu à l'article 706-3 du code de procédure pénale avait vocation à s'appliquer à Mme [L] [O] et d'avoir prononcé un sursis à statuer sur l'indemnisation du préjudice corporel de cette dernière dans l'attente du résultat des discussions engagées avec son assureur au titre de sa garantie contractuelle « garantie du conducteur » ; 1°) Alors, d'une part, que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1 alinéa 1er du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que, le 26 août 2014, « Mme [L] [O], qui conduisait une moto immatriculée en France, [avait] été victime d'un accident de la circulation en Angleterre, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [C] [E], immatriculé en Angleterre et assuré auprès de la compagnie Liverpool » (arrêt, p. 3, pénult. paragr.) ; que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État faisant alors partie à l'Espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 alinéa 1er et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances ; 2°) Alors, d'autre part, que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1 alinéa 2 du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État dont le bureau national d'assurance a adhéré au régime de la carte internationale d'assurance et mettant en cause un véhicule assuré et stationné de façon habituelle dans un État membre de l'Union européenne ; que la cour d'appel a constaté que le 26 août 2014, « Mme [L] [O], qui conduisait une moto immatriculée en France, [avait] été victime d'un accident de la circulation en Angleterre, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [C] [E], immatriculé en Angleterre et assuré auprès de la compagnie Liverpool » (arrêt, p. 3, pénult. §) ; que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État dont le bureau national d'assurance était adhérent au régime de la carte internationale d'assurance et causé par un véhicule immatriculé dans un État membre, au jour de l'accident, de l'Union européenne, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 alinéa 2 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances.
Les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime. Le droit de la victime d'un accident de la circulation survenu dans un pays de l'espace économique européen à être indemnisée selon les modalités prévues aux articles susvisés du code des assurances s'apprécie au jour de l'accident et la recevabilité de la requête déposée devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) s'apprécie à la date de celle-ci. Doit, dès lors, être cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui, après avoir constaté qu'un accident s'était produit au Royaume-Uni, Etat partie à l'espace économique européen à la date du fait dommageable, et avait impliqué un véhicule immatriculé et assuré au Royaume-Uni, déclare recevable la requête en indemnisation présentée par la victime, ressortissante française, devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 Cassation sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 1195 FS-B Pourvoi n° D 20-19.288 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 20-19.288 contre l'arrêt rendu le 4 février 2020 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [O] [U], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, de Me Occhipinti, avocat de Mme [U], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Isola, conseillers, MM. Ittah, M. Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 février 2020), Mme [U], alors qu'elle était passagère d'un véhicule, a été victime d'un accident de la circulation en Belgique, impliquant un véhicule immatriculé et assuré dans ce pays. 2. Mme [U] a saisi, le 5 avril 2017, une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) aux fins d'expertise et d'indemnisation provisionnelle. 3.Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI), a soulevé l'irrecevabilité de ces demandes au motif que, s'agissant d'un accident de la circulation survenu en Belgique, l'application des règles issues de directives européennes mettant la réparation à la charge de l'assureur du véhicule et, à défaut, du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO), était exclusive de l'application du régime d'indemnisation des victimes d'infraction. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le FGTI fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la requête de Mme [U] alors « que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGTI en application des articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances – c'est-à-dire ceux survenus sur le territoire d'un Etat partie à l'Espace économique européen autre que le France et dans lequel est impliqué un véhicule immatriculé dans l'un de ces Etats – sont exclusifs de l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important la vocation subsidiaire de ce fonds, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'en retenant, pour juger recevable la demande de Mme [U], que l'applicabilité de ces règles issues des différentes directives européennes – qui n'était pas contestée s'agissant d'un accident de la circulation survenu en Belgique et impliquant un véhicule immatriculé dans cet Etat – n'était pas de nature à faire échec à l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé ce texte, par fausse application. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances : 5. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir du FGTI la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne. 6. Les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, issus de loi n° 2003-736 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'Espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO). 7. Il résulte de la combinaison de ces textes que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles du code des assurances sus visés, sont exclus de la compétence de la CIVI, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime. 8. Après avoir constaté que Mme [U] avait été victime, en Belgique, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule immatriculé dans cet Etat, l'arrêt énonce que les textes issus des directives européennes n'imposent pas à la victime de saisir le représentant de l'assureur du véhicule responsable, que l'article 706-9 du code de procédure pénale ne fait pas obligation à la victime d'une infraction de tenter d'obtenir l'indemnisation de son préjudice des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation, préalablement à la saisine de la CIVI, et que la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 n'est pas applicable à l'espèce, la Convention de La Haye du 4 mai 1971 posant le principe, repris à l'article L. 424-6 du code des assurances, de l'application de la loi de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu. 9. Il en déduit que l'accident subi par Mme [U] en Belgique ne relève pas des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et de l'exception prévue à l'article 706-3 du code de procédure pénale et qu'en conséquence, la saisine de la CIVI est recevable. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. Il résulte des paragraphes 5 à 10 que la requête de Mme [U] est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE irrecevable la requête présentée par Mme [U] ; Laisse les dépens exposés à la charge du Trésor public, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Amiens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel d'Amiens ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions Il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la requête de Mme [U] en date du 5 avril 2017 ; Alors que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages en application des articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances – c'est-à-dire ceux survenus sur le territoire d'un Etat partie à l'Espace économique européen autre que le France et dans lequel est impliqué un véhicule immatriculé dans l'un de ces Etats – sont exclusifs de l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important la vocation subsidiaire de ce fonds, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'en retenant, pour juger recevable la demande de Mme [U], que l'applicabilité de ces règles issues des différentes directives européennes – qui n'était pas contestée s'agissant d'un accident de la circulation survenu en Belgique et impliquant un véhicule immatriculé dans cet Etat – n'était pas de nature à faire échec à l'application l'article 706-3 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé ce texte, par fausse application.
Les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime. Doit, dès lors, être cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui après avoir constaté que l'accident s'est produit en Belgique et a impliqué un véhicule assuré dans cet Etat, déclare recevable la requête en indemnisation présentée par la victime ressortissante française devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI)
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 1196 FS-B Pourvoi n° K 20-22.100 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-22.100 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2018 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [S] [H], 2°/ à M. [P] [H], 3°/ à Mme [M] [H], 4°/ à Mme [U] [G], épouse [H], tous quatre domiciliés [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations et les plaidoiries de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de MM. [S] et [P] [H] et de Mmes [M] et [U] [H], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 23 novembre 2018) et les productions, M. [S] [H] a été victime, le 25 juillet 2008, en Espagne, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule immatriculé et assuré dans ce pays. 2. M. [S] [H], son épouse, Mme [U] [H] et ses enfants, Mme [M] [H] et M. [P] [H] (les consorts [H]), ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI). 3. La CIVI a déclaré leur demande irrecevable au motif que l'article 706-3 du code de procédure pénale excluait l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans l'Union européenne. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le FGTI fait grief à l'arrêt de dire la requête des consorts [H] recevable alors « que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1 du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que « M. [H] [avait] été victime d'un accident corporel de la circulation routière en Espagne », dans lequel était impliqué « un véhicule immatriculé en Espagne », de sorte que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande des consorts [H] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances : 5. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir du FGTI la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne. 6. Les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, issus de la loi n° 2003-736 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'Espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO). 7. La Cour de cassation, prenant en considération l'introduction de ce dispositif en droit français, a jugé, par un arrêt du 24 septembre 2020 (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.992), que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la CIVI, telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime. 8. Cette décision ne constitue pas un revirement de jurisprudence, en l'absence d'arrêt de la Cour de cassation ayant précédemment tranché ce point de droit. 9. Par ailleurs, elle n'était pas imprévisible. En effet, des divergences de jurisprudence existaient entre les cours d'appel, certaines d'entre elles ayant, avant cet arrêt, déclaré irrecevables pour les mêmes raisons des requêtes présentées sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale (notamment, les cours d'appel de Douai, Lyon et Riom : 2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.992, publié, 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.014, et 2e Civ., 6 mai 2021, pourvoi n° 19-24.996). Elle s'inscrivait, en outre, dans une construction jurisprudentielle par laquelle la Cour de cassation a écarté la compétence de la CIVI, dès lors qu'existe un autre régime d'indemnisation spécifique. Ont été ainsi exclus de la compétence de cette commission, les victimes d'accidents du travail (2e Civ., 7 mai 2003, pourvoi n° 01-00.815, publié), les victimes d'accidents de service ( 2e Civ., 30 juin 2005, pourvoi n° 03-19.207, publié), ainsi que les militaires tués ou blessés en service (2e Civ., 28 mars 2013, pourvoi n° 11-18.025, publié). 10. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu en défense, l'application immédiate de la règle issue de l'arrêt du 24 septembre 2020 ne saurait contrevenir aux droits protégés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 11. Pour dire recevable la requête en indemnisation formée par les consorts [H], l'arrêt énonce que M. [S] [H] a été victime d'un accident corporel de la circulation routière en Espagne qui ne relève pas des dispositions de la loi française du 5 juillet 1985 mais de la loi espagnole en application des dispositions de l'article 3 de la Convention de la Haye du 4 mai 1971. 12. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'accident était survenu dans un Etat partie à l'Espace économique européen, de sorte que les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances étaient applicables, ce qui excluait la compétence de la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.Le FGTI fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit la requête des consorts [H] recevable ; 15. Il résulte des paragraphes 5 à 12 que la requête des consorts [H] est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il confirme la jonction des instances, l'arrêt rendu le 23 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE irrecevable la requête présentée par M. [S] [H], Mme [U] [H], Mme [M] [H] et M. [P] [H] ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Pau ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions Le FGTI fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit la requête des consorts [H] recevable ; Alors que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1 du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que « M. [H] [avait] été victime d'un accident corporel de la circulation routière en Espagne » (arrêt, p. 6, § 3), dans lequel était impliqué « un véhicule immatriculé en Espagne » (arrêt, p. 6, § 4), de sorte que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande des consorts [H] formée devant la Civi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances.
Les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime. Cette solution définie par un arrêt du 24 septembre 2020 (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.992) ne constitue pas un revirement de jurisprudence en l'absence d'arrêt ayant précédemment tranché ce point de droit et n'était pas imprévisible puisque les juridictions du fond statuaient de façon divergente et qu'elle s'inscrivait dans une construction jurisprudentielle par laquelle la Cour de cassation a écarté la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), dès lors qu'existe un autre régime d'indemnisation spécifique. Son application immédiate ne saurait, dès lors, contrevenir aux droits protégés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Doit, en conséquence, être cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui après avoir constaté que l'accident s'est produit dans un Etat de l'espace économique européen et a impliqué un véhicule assuré immatriculé dans cet Etat, déclare recevable la requête en indemnisation présentée par la victime ressortissante française devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI)
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1207 F-B Pourvoi n° U 21-17.167 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 Mme [R] [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-17.167 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [S] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme [E], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [F], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué et les productions (Amiens, 12 novembre 2020), du mariage de M. [F] et de Mme [E] est née [W] en 2007. Le couple a divorcé en 2009. 2. Par jugement du 11 février 2015, un tribunal correctionnel a condamné Mme [E] pour des faits de non-représentation d'enfant du 4 octobre 2013 au 25 juillet 2014, et de dénonciation calomnieuse commis de courant janvier 2012 au 31 décembre 2012. Le tribunal a omis de statuer sur la constitution de partie civile de M. [F]. Par arrêt du 2 mars 2016, la cour d'appel a relaxé Mme [E]. 3. Par jugement du 23 mars 2017, ce tribunal a condamné Mme [E] pour des faits de non-représentation d'enfant commis du 30 juin 2014 au 6 janvier 2016 et de dénonciation calomnieuse commis du 19 décembre 2014 au 6 janvier 2016, et a alloué à M. [F] une certaine somme à titre de dommages-intérêts. Par arrêt du 3 décembre 2018, la cour d'appel a relaxé Mme [E] et a rejeté la constitution de partie civile de M. [F]. 4. M. [F] a saisi un tribunal d'instance afin d'obtenir réparation du préjudice moral, psychologique et affectif qu'il prétendait avoir subi du fait de la non remise de l'enfant par Mme [E] et des plaintes qu'elle avait déposées. Examen des moyens Sur le moyen relevé d'office 5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 1351, devenu 1355, et 1382, devenu 1240, du code civil : 6. Selon le premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif prononçant la relaxe. 7. La liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi. Il s'ensuit que, hors restriction légalement prévue, l'exercice du droit à la liberté d'expression ne peut, sauf dénigrement de produits ou de services, être sanctionné sur le fondement du second de ces textes. 8. La dénonciation téméraire constitutive d'un abus de la liberté d'expression est régie par les articles 91, 472 et 516 du code de procédure pénale qui, en cas de décision définitive de non-lieu ou de relaxe, et sans préjudice d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse, ouvrent à la personne mise en examen ou au prévenu la possibilité de former une demande de dommages-intérêts, à l'encontre de la partie civile, à la condition que cette dernière ait elle-même mis en mouvement l'action publique. 9. En dehors des cas visés par ces textes spéciaux, la dénonciation, auprès de l'autorité judiciaire, de faits de nature à être sanctionnés pénalement, seraient-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive. 10. Il n'en va autrement que s'il est établi que son auteur avait connaissance de l'inexactitude des faits dénoncés, le délit de dénonciation calomnieuse, prévu et réprimé par l'article 226-10 du code pénal, étant alors caractérisé. 11. Pour condamner Mme [E] à payer à M. [F] une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour une période courant de janvier 2012 à décembre 2014, l'arrêt après avoir rejeté la demande de M. [F] fondée sur une dénonciation téméraire, retient que même si les agissements de Mme [E] n'ont pas été considérés par le juge pénal à deux reprises comme constituant les délits de non-représentation d'enfant et de dénonciation calomnieuse, la multiplication par une mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation. 12. En statuant ainsi, alors que l'autorité de chose jugée attachée aux décisions de relaxe de Mme [E] du chef de dénonciation calomnieuse, reposant sur l'absence de preuve de sa connaissance de la fausseté des déclarations de l'enfant qu'elle avait rapportées, ne permettait pas de retenir l'existence d'une dénonciation calomnieuse pour les périodes de janvier 2012 au 31 décembre 2012 et à compter du 19 décembre 2014, et qu'il résultait de ses propres énonciations que M. [F] ne pouvait agir sur le fondement de la dénonciation téméraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour Mme [E] PREMIER MOYEN DE CASSATION Madame [E] fait grief à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR déboutée de ses demandes et condamnée à payer à M. [S] [F] la somme de 12 800 € à titre de dommages-intérêts pour les préjudices affectifs, moraux, psychologiques et financiers subis de janvier 2012 à décembre 2014 ; 1. ALORS QUE le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ; qu'en énonçant que les plaintes pour viols déposées par Mme [E] entre janvier 2012 et décembre 2014 l'avaient été « dans le seul but de faire échec à l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père et d'obtenir la suppression de ses droits » et que « la multiplication par la mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation » (arrêt, p. 6), imputant ainsi à Mme [E] des faits de dénonciation calomnieuse, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de dénonciation calomnieuse aux motifs nécessaires que les faits constitutifs de cette infraction n'étaient pas établis, respectivement pour la période de février 2012 à mars 2014 et pour celle du 19 décembre 2014 au 6 janvier 2016 (conclusions, p. 10, § 1 et 2), les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 2. ALORS, subsidiairement, QUE le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ; qu'en énonçant que les plaintes pour viols déposées par Mme [E] entre janvier 2012 et décembre 2014 l'avaient été « dans le seul but de faire échec à l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père et d'obtenir la suppression de ses droits » et que « la multiplication par la mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation » (arrêt, p. 6), imputant ainsi à Mme [E] des faits de dénonciation calomnieuse, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de dénonciation calomnieuse aux motifs nécessaires que les faits constitutifs de cette infraction n'étaient pas établis, respectivement pour la période de « courant janvier 2012 au 31 décembre 2012 » et pour celle du 19 décembre 2014 au 6 janvier 2016 (conclusions, p. 10, § 1 et 2), les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 3. ALORS, plus subsidiairement, QU'à supposer que la cour d'appel ait estimé que Mme [E] ignorait l'inexactitude des faits dénoncés dans ses plaintes, en énonçant que celles-ci avaient « été déposées dans le seul but de faire échec à l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père et d'obtenir la suppression de ses droits » et que « la multiplication par la mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation » (arrêt, p. 6), cependant qu'aussi longtemps qu'elle ignore l'inexactitude des faits qu'elle dénonce, c'est de façon légitime et non fautive qu'une mère, à qui l'enfant a révélé que son père l'avait violé, tente, par le dépôt de plaintes, de priver celui-ci de ses droits de visite et d'hébergement, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 4. ALORS QU'en énonçant que « l'obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement et la multiplication par une mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation », sans exposer, comme elle y était pourtant invitée (conclusions, p. 12, § 7 s.), en quoi consistait « l'obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » indépendamment des plaintes déposées par Mme [E], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 5. ALORS, subsidiairement, QUE le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ; qu'à supposer que « l'obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] ait consisté pour Mme [E] a exprimé devant l'enfant commun qu'elle ne voulait plus que celui-ci aille chez son père (arrêt, p. 6), tout en sachant que M. [F] n'avait pas commis les faits de viol dont l'accusait l'enfant, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de dénonciation calomnieuse, aux motifs nécessaires qu'il n'était pas établi que Mme [E] avait connaissance de l'inexactitude des faits qu'elle dénonçait dans ses plaintes (arrêt 2 mars 2016, p. 6, dernier § ; arrêt du 3 décembre 2018, p. 11, antépénultième §), les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 6. ALORS, plus subsidiairement, QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'à supposer que « l'obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] ait consisté pour Mme [E] a exprimé devant l'enfant commun qu'elle ne voulait plus que celui-ci aille chez M. [F] (arrêt, p. 6), qu'en jugeant fautif ce comportement, cependant qu'aussi longtemps qu'elle ignorait l'inexactitude des faits de viol allégués par son enfant, c'est légitimement que Mme [E] faisait obstruction aux droits de visite et d'hébergement de M. [F], la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 7. ALORS, plus subsidiairement, QUE le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ; qu'en reprochant à Mme [E] son « obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] (arrêt, p. 6), entre janvier 2012 et décembre 2014, imputant ainsi à Mme [E] des faits de non-représentation d'enfant, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de non-représentation d'enfant aux motifs nécessaires que les faits constitutifs de cette infraction n'étaient pas établis, respectivement pour la période du 4 octobre 2013 au 25 juillet 2014 et pour celle du 26 juillet 2014 au 24 novembre 2014, les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 8. ALORS, plus subsidiairement encore, QU'en reprochant à Mme [E] son « obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] (arrêt, p. 6), entre janvier 2012 et décembre 2014, imputant ainsi à Mme [E] des faits de non-représentation d'enfant, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de non-représentation d'enfant aux motifs nécessaires que les faits constitutifs de cette infraction n'étaient pas établis, respectivement pour la période du mois de février 2012 jusqu'au 29 juin 2014 et pour celle du 26 juillet 2014 au 24 novembre 2014, les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Madame [E] fait grief à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR déboutée de ses demandes et condamnée à payer à M. [S] [F] la somme de 12 800 € à titre de dommages-intérêts pour les préjudices affectifs, moraux, psychologiques et financiers subis de janvier 2012 à décembre 2014 ; 1. ALORS QUE lorsque la partie civile a porté l'action civile devant le juge pénal, elle ne peut saisir la juridiction civile qu'après s'être désistée de son action devant le juge répressif ; qu'en énonçant que « nonobstant le fait que M. [S] [F] s'est constitué partie civile devant les juridictions répressives et qu'il n'a pris aucune initiative à la suite de l'omission de statuer commise dans le cadre de la première instance pénale, il est recevable à agir à l'encontre de Mme [R] [E] devant le juge civil » (arrêt, p. 5), sans avoir constaté que M. [F] s'était au préalable désisté de son action devant le juge pénal, la cour d'appel a violé les articles 2 et 5 du code de procédure pénale ; 2. ALORS, subsidiairement, QU'en énonçant que « nonobstant le fait que M. [S] [F] s'est constitué partie civile devant les juridictions répressives et qu'il n'a pris aucune initiative à la suite de l'omission de statuer commise dans le cadre de la première instance pénale, il est recevable à agir à l'encontre de Mme [R] [E] devant le juge civil » (arrêt, p. 5), cependant qu'en n'interjetant pas appel du jugement du 11 février 2015 qui avait omis de statuer sur l'action civile de M. [F], celui avait irrévocablement renoncé à exercer son action civile, la cour d'appel a violé les articles 2 et 5 du code de procédure pénale ; 3. ALORS QUE la cour d'appel a énoncé que les plaintes pour viol déposées par Mme [E] entre janvier 2012 et décembre 2014 l'avaient été « dans le seul but de faire échec à l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père et d'obtenir la suppression de ses droits » et que « la multiplication par la mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation » (arrêt, p. 6) ; qu'en jugeant ainsi recevable la demande de réparation du préjudice que des actes de dénonciation calomnieuse imputés à Mme [E] auraient causé à M. [F] entre janvier 2012 et décembre 2014, cependant que par un arrêt du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait débouté M. [F] de son action civile du chef de dénonciation calomnieuse entre le 19 décembre 2014 et le 6 janvier 2016, la cour d'appel a ignoré l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 3 décembre 2018 et a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 4. ALORS QUE la cour d'appel a reproché à Mme [E] son « obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] (arrêt, p. 6) et a ordonné la réparation des dommages qui en résultaient pour celui-ci ; qu'en jugeant ainsi recevable l'action en indemnisation du préjudice que des actes de non-représentation d'enfant imputés à Mme [E] auraient causé à M. [F] entre janvier 2012 et décembre 2014, cependant que, par un arrêt du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait débouté M. [F] de son action civile du chef de non-représentation d'enfant, entre le 26 juillet 2014 et le 24 novembre 2014, la cour d'appel a ignoré l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 3 décembre 2018 et a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil.
Il résulte de l'article 1351, devenu 1355, du code civil, que l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif prononçant la relaxe. En dehors des cas visés par les articles 91, 472 et 516 du code de procédure pénale, la dénonciation auprès de l'autorité judiciaire de faits de nature à être sanctionnés pénalement, fussent-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive. Il n'en va autrement que s'il est établi que son auteur avait connaissance de l'inexactitude des faits dénoncés, le délit de dénonciation calomnieuse, prévu et réprimé à l'article 226-10 du code pénal, étant alors caractérisé. Viole ces textes une cour d'appel qui retient que, même si la multiplication par une mère de plaintes pour viols sur sa fille n'a pas été considérée par le juge pénal comme constituant le délit de dénonciation calomnieuse, ces agissements, commis pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père et obtenir sa suppression, constituent une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation, alors que l'autorité de chose jugée attachée aux décisions de relaxe de la mère du chef de dénonciation calomnieuse, reposant sur l'absence de preuve de sa connaissance de la fausseté des déclarations de l'enfant qu'elle avait rapportées, ne permettait pas de retenir l'existence d'une dénonciation calomnieuse et qu'il résultait des énonciations de l'arrêt que le père ne pouvait agir sur le fondement de la dénonciation téméraire
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1209 F-B Pourvoi n° T 21-17.327 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 M. [Y] [X], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° T 21-17.327 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [L] [W], domicilié [Adresse 1], 2°/ à la société Helvetia assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société MAIF assurances, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [W] et la société MAIF assurances, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Helvetia assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 mars 2021), un navire pris en crédit-bail par M. [X] a été endommagé par un réchaud à gaz enflammé jeté à la mer depuis son voilier par M. [W], assuré auprès de la société MAIF assurances (la MAIF). 2. Aux termes d'une quittance du 13 octobre 2011, l'assureur de M. [X], la société Groupama transport, aux droits de laquelle vient la société Helvetia assurances, s'est engagée à lui verser une certaine somme en réparation de son préjudice matériel. 3. Par un jugement du 4 septembre 2013, un tribunal de grande instance a condamné M. [W] et la MAIF à payer à M. [X] diverses sommes. Ce jugement a été partiellement infirmé par un arrêt du 18 novembre 2016. 4. Le 16 décembre 2016, M. [X] a assigné son assureur, M. [W] et la MAIF devant un tribunal de commerce. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen relevé d'office 6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 114-1 et R. 112-1 du code des assurances : 7. Selon le premier de ces textes, toutes les actions dérivant du contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. 8. L'assureur qui, n'ayant pas respecté les dispositions du second de ces articles, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré, ne peut pas prétendre à l'application de la prescription de droit commun. 9. Pour déclarer prescrite l'action engagée par M. [X] contre son assureur aux fins de paiement de l'indemnité d'assurance, l'arrêt, après avoir déclaré que cette action dérivait du contrat d'assurance et que la prescription biennale était inopposable à l'assuré, faute pour le contrat d'assurance de satisfaire aux obligations prévues par l'article R. 112-1 du code des assurances, énonce que le délai de prescription quinquennal prévu à l'article 2224 du code civil, dont elle a fixé le point de départ au 13 octobre 2011, n'a pas été interrompu avant la délivrance de l'assignation le 16 décembre 2016. 10. En statuant ainsi, alors que la société Helvetia assurances ne pouvait prétendre à l'application de la prescription de droit commun, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action engagée par M. [X] contre la société Helvetia assurances, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne la société Helvetia assurances aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [X] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [X] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré prescrite sur le fondement de l'article 2224 du code civil son action, formée contre la société Helvetia ; 1°) ALORS QUE le contrat d'assurance stipulait que l'assureur « ne régler(ait) l'indemnité que sur présentation des factures acquittées correspondant aux réparations et aux remplacements (…) pour remettre le bateau en bon état de navigabilité » (conditions générales, article 5.3.2.a), subordonnant ainsi le paiement de l'indemnité à la condition que l'assuré justifie de la réalisation des travaux en présentant des factures acquittées ; qu'en jugeant, pour décider que l'action en paiement de l'indemnité d'assurance était irrecevable, que le point de départ de la prescription ne pouvait être fixé à la date de réalisation des travaux qui avait été décidée par l'assuré car son droit à l'indemnité d'assurance avait pris naissance dès le sinistre (arrêt, p. 7, dern. al.), la cour d'appel a dénaturé ce contrat, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant que le point de départ de la prescription ne pouvait être fixé à la date de réalisation des travaux qui avait été décidée par l'assuré car son droit à l'indemnité d'assurance avait pris naissance dès le sinistre (arrêt, p. 7, dern. al.), tout en retenant que la présentation de la facture des réparations du navire était une « condition du contrat » au paiement de l'indemnité (arrêt, p. 8, dern. al.), la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la prescription ne court pas à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive ; qu'en relevant, pour décider que l'action en paiement de l'indemnité d'assurance était irrecevable, que le point de départ de la prescription ne pouvait être fixé à la date de réalisation des travaux qui avait été décidée par l'assuré car son droit à l'indemnité d'assurance avait pris naissance dès le sinistre (arrêt, p. 7, dern. al.), cependant qu'ainsi qu'elle le constatait elle-même (arrêt, p. 8, dern. al.), le contrat subordonnait l'exigibilité de l'indemnité d'assurance à la condition que l'assuré justifie de la réalisation des travaux en présentant des factures acquittées (conditions générales, article 5.3.2.a), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2233 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déclaré irrecevable en ses demandes à l'encontre de M. [W] et de la MAIF du fait de l'autorité de la chose jugée ; 1°) ALORS QUE l'autorité de chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en opposant à la demande dirigée par M. [X] contre M. [W] et la MAIF l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 18 novembre 2016, qui avait retenu qu'il résultait d'une quittance subrogative qu'il avait déjà été indemnisé par son propre assureur des désordres subis par son navire, sans rechercher si le refus de payer cette quittance n'avait pas été opposé à M. [X] après l'arrêt du 18 novembre 2016 lorsqu'il l'avait mis en demeure puis assigné, ce qui avait modifié la situation antérieurement reconnue en justice et justifiait que l'autorité de la chose jugée attachée à cette précédente décision soit écartée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil.
L'assureur qui, n'ayant pas respecté les dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré, ne peut prétendre à l'application de la prescription de droit commun
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N° J 22-86.162 F-B N° 01607 ECF 23 NOVEMBRE 2022 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [B] [M] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 18 octobre 2022, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires britanniques en exécution d'un mandat d'arrêt européen. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [B] [M] [X], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 6 octobre 2022, M. [B] [M] [X], de nationalité britannique, s'est vu notifier un mandat d'arrêt européen décerné le 9 décembre 2020 par les autorités judiciaires britanniques aux fins d'exercer des poursuites pénales pour des faits qualifiés d'association de malfaiteurs en vue de la fourniture d'une certaine quantité de cocaïne, substance de catégorie A soumise à contrôle, et de détention de stupéfiants. 3. Il a comparu devant la chambre de l'instruction le 9 juin 2022 et n'a pas consenti à sa remise. Il a été placé sous contrôle judiciaire le même jour. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré régulier et applicable le mandat d'arrêt décerné le 9 décembre 2020 par le juge du District de Matthew de la Bristol Magistrates, au visa d'un mandat d'arrêt national délivré le 27 février 2017 à l'encontre de M. [X] aux fins de l'exercice de poursuites pénales pour des faits d'association de malfaiteurs en vue de fournir de la drogue de classe A à savoir de la cocaïne, entre le 17 novembre 2015 et le 15 février 2016 et de possession de drogue avec intention d'en fournir, le 4 février 2016, ordonné la mise à exécution du mandat d'arrêt susvisé, ordonné la remise de M. [X] aux autorités judiciaires britanniques, dit que cette remise est subordonnée à l'engagement des autorités judiciaires britanniques d'appliquer l'article 604, b), de l'accord du 24 décembre 2020, et maintenu M. [X] sous contrôle judiciaire jusqu'à la mise à exécution de la présente décision, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article 597 de l'accord du 24 décembre 2020 entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, « la coopération au moyen du mandat d'arrêt » mis en oeuvre par l'article 596 du même accord « est nécessaire et proportionnée compte tenu des droits de la personne recherchée et des intérêts des victimes, et eu égard à la gravité de l'acte, à la peine susceptible d'être infligée et à la possibilité qu'un Etat prenne des mesures moins coercitives que la remise des personnes recherchées » ; d'une part, dans l'hypothèse où il n'y a pas de victime, ce critère doit être pris en compte au regard de la situation de la personne réclamée ; d'autre part la gravité de l'acte doit être appréciée au regard des faits effectivement imputés et non au regard de la seule qualification qui peut leur être attribuée ; il résulte en l'espèce du mandat, des pièces de la procédure et des constatations de l'arrêt qu'il n'y a aucune victime, aucune plainte, ni aucun intérêt particulier lié à raison de la découverte à l'ancien domicile britannique de M. [X] de traces de cocaïne, de matériel susceptible d'être utilisé comme produit de coupe et d'une comptabilité ; le principe de proportionnalité devait donc être examiné notamment au regard de cette circonstance ; en s'abstenant de mettre ce critère en balance dans son examen, la chambre de l'instruction a violé l'article 597 de l'accord du 24 décembre 2020, et l'article 695-52 du code de procédure pénale, outre l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que la gravité des faits qui doit entrer dans l'appréciation de la proportionnalité doit être examinée à la lumière des faits réellement décrits dans le mandat, et au besoin des critiques de l'intéressé, et non à la seule lumière d'une qualification abstraite pouvant selon le droit du Royaume-Uni entraîner une peine de réclusion criminelle à perpétuité ; qu'en examinant la gravité des faits uniquement au regard de cette qualification et de la grave peine encourue, et non au regard de leur réalité matérielle, et sans s'expliquer sur les moyens de l'intéressé qui faisait valoir qu'il avait effectivement connu « une mauvaise passe » dont il s'était pleinement sorti en quittant la Grande-Bretagne, la chambre de l'instruction n'a pas correctement apprécié le principe de proportionnalité et a encore violé les textes précités, outre l'article 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que la chambre de l'instruction avant d'accorder un renvoi sous condition, notamment sous la condition d'exécution de la peine éventuellement prononcée en France, doit s'assurer que cette condition a été acceptée par l'Etat requérant ; en s'abstenant totalement de s'assurer de l'accord préalable du Royaume-Uni sur ce point, la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs et violé l'article 604, b), de l'accord du 24 décembre 2020, outre l'article 695-52 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 597 de l'Accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne, d'une part, et le Royaume-Uni, d'autre part, en date du 24 décembre 2020, applicable en la cause, la coopération par le moyen d'un mandat d'arrêt doit être nécessaire et proportionnée compte tenu des droits de la personne recherchée et des intérêts des victimes et, eu égard à la gravité de l'acte, à la peine susceptible d'être infligée et à la possibilité de prendre des mesures moins coercitives que la remise de la personne recherchée, notamment en vue d'éviter des périodes inutilement longues de détention provisoire. 6. Selon l'article 604, b), de cet Accord, si la personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt aux fins de poursuite est résidente de l'Etat d'exécution, sa remise peut être subordonnée à la condition que la personne, après avoir été entendue, soit renvoyée dans l'Etat d'exécution afin d'y purger la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté prononcée à son encontre dans l'Etat d'émission. 7. Pour rejeter le moyen de M. [X] pris d'une atteinte disproportionnée au droit au respect à la vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, et autoriser sa remise aux autorités judiciaires britanniques, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que les conditions légales de la double incrimination étaient remplies, énonce que M. [X], de nationalité britannique, vit en France depuis 2016, et bénéficie d'un titre de séjour valable jusqu'en novembre 2025, qu'il est marié et que le couple a trois enfants, nés en France en 2017, 2018 et 2021 et dont les deux aînés sont scolarisés. 8. Les juges relèvent que M. [X], qui a travaillé régulièrement depuis 2016, exerce actuellement un emploi de mécanicien dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée signé le 11 juillet 2022 tandis que son épouse est employée à temps partiel comme chef de cuisine. 9. Ils considèrent que la remise de M. [X], inséré professionnellement et socialement en France, aurait de lourdes conséquences pour sa famille, sa vie familiale et professionnelle. 10. Ils retiennent cependant que les faits objet de la poursuite sont d'une particulière gravité au regard de l'emprisonnement à perpétuité qui est encouru, du rôle central prêté à M. [X] dans un trafic de stupéfiants portant sur de la cocaïne, substance éminemment dangereuse, dont l'ampleur s'apprécie en tenant compte des volumes découverts à son domicile susceptibles d'être vendus après coupage. 11. Ils soulignent enfin que la perquisition a été diligentée le 4 février 2016 au domicile de M. [X], alors que celui-ci avait quitté le Royaume-Uni pour venir en France avec son épouse au cours de cette même année. 12. Ils en déduisent que la remise sollicitée est proportionnée eu égard à l'extrême gravité objective des faits reprochés à M. [X]. 13. En l'état de ces énonciations, qui procèdent de son pouvoir souverain d'appréciation et dont il résulte que la remise de M. [X] aux autorités judiciaires britanniques ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions de l'Accord du 24 décembre 2020 de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. 14. Par ailleurs, en subordonnant la remise de M. [X] aux autorités judiciaires britanniques à l'application par ces dernières des dispositions de l'article 604, b), de l'Accord précité, lequel ne subordonne pas l'exécution du mandat d'arrêt en vue de la mise en oeuvre de poursuites pénales dans l'Etat d'émission à un engagement ferme de l'autorité judiciaire émettrice tendant à ce que la peine qui viendrait à être infligée à la personne recherchée soit subie sur le territoire de l'Etat d'exécution, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les dispositions visées au moyen. 15. Ainsi, le moyen doit être écarté. 16. Enfin, l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et la procédure est régulière. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.
N'encourt pas la censure la chambre de l'instruction qui, en exécution d'un mandat d'arrêt européen délivré par les autorités britanniques en vue de la mise en oeuvre de poursuites pénales, subordonne la remise de la personne concernée à l'application par ces autorités de l'article 604, b), de l'Accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, prévoyant que la remise peut être subordonnée au renvoi de la personne dans l'État d'exécution afin d'y purger la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté prononcée à son encontre dans l'État d'émission, sans s'être préalablement assurée de l'engagement ferme des autorités britanniques tendant au respect de cette condition, un tel engagement préalable n'étant pas exigé par ce texte
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N° A 22-81.393 F-B N° 01452 ODVS 29 NOVEMBRE 2022 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 Mme [T] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 7 février 2022, qui, dans l'information suivie contre elle, notamment, des chefs de blanchiment aggravé et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 30 mai 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [T] [J], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre d'une première information judiciaire ouverte des chefs notamment d'infractions à la législation sur les armes, l'appartement occupé par M. [F] [X] et Mme [T] [J] situé au [Adresse 2], a fait l'objet d'une sonorisation, autorisée par ordonnance du 3 juin 2016, renouvelée jusqu'au 6 juin 2017. 3. Le 8 septembre 2017 et le 20 juin 2018, les enquêteurs ont indiqué avoir tenté de pénétrer dans l'appartement afin de retirer le dispositif alors désactivé, sans y parvenir, en raison de la pose d'une serrure inviolable. Ils ont précisé surseoir à ce retrait dans l'attente d'une opportunité d'accès à l'appartement. 4. Dans le cadre d'une deuxième information judiciaire portant sur des faits de tentative d'assassinat, le juge d'instruction a ordonné, le 16 novembre 2018, la sonorisation de l'appartement susvisé et a prolongé cette mesure à plusieurs reprises. 5. Pour mettre en oeuvre cette sonorisation, le service technique est « entré en communication » avec le dispositif resté en place dans l'appartement, qu'il a activé le 3 décembre 2018 à 20 heures. 6. Cette mesure aurait permis de percevoir des manipulations d'importantes sommes d'argent, dissimulées dans des caches au sein de l'appartement. 7. Sur la base de ces renseignements, une troisième information judiciaire a été ouverte le 12 avril 2019, des chefs de blanchiment de crime ou délit commis en bande organisée, non-justification de ressources et association de malfaiteurs. 8. Par ordonnance du même jour, le juge d'instruction a ordonné la sonorisation de l'appartement précité, qu'il a renouvelée jusqu'au 28 septembre 2020, date à laquelle une perquisition a été diligentée et a permis le retrait du dispositif posé dans le cadre de la première sonorisation. 9. Par ailleurs, le juge d'instruction a autorisé, par ordonnance du 7 octobre 2019, la sonorisation de l'appartement de Mme [J], situé au [Adresse 1], à [Localité 4]. 10. Cette mesure a été prolongée jusqu'au 6 octobre 2020, date à laquelle le juge d'instruction a dessaisi les services de police. 11. Par ordonnance du 14 octobre 2020, il a autorisé la poursuite de la sonorisation de cet appartement et a confié cette mesure au directeur général de la gendarmerie nationale par commission rogatoire datée du même jour. 12. Dans le cadre de la troisième information judiciaire susvisée, Mme [J] a été mise en examen le 16 janvier 2021 des chefs de blanchiment en bande organisée de crimes ou de délits et notamment d'extorsion en bande organisée, fraude fiscale, trafic de stupéfiants, ainsi que des chefs de non-justification de ressources et association de malfaiteurs. 13. Le 4 juin 2021, son avocat a déposé une requête en annulation notamment de la mesure de sonorisation de ses appartements. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, le deuxième moyen, pris en sa première branche, les quatrième et cinquième moyens 14. Les moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en ses autres branches et le deuxième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé des moyens 15. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa requête en nullité, alors : « 2°/ que si un même domicile peut faire l'objet, à l'occasion de procédures distinctes, de mesures de sonorisation successives, la durée globale de ces mesures ne peut excéder la durée maximale de sonorisation prévue par la loi ; que, pour apprécier la durée globale desdites mesures, il convient de tenir compte de la période pendant laquelle le dispositif est resté installé dans le domicile y compris le temps où il n'était pas activé ; qu'en rejetant le moyen de nullité pris de ce que l'appartement sis [Adresse 2] avait fait l'objet, à l'occasion de trois procédures distinctes, de mesures de sonorisation successives dont la durée globale avait dépassé le délai maximal de deux ans prévu par la loi au motif inopérant qu'il ne résulte d'aucun texte qu'un même logement ne puisse faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisation à l'occasion de procédures distinctes sauf à ce que le recours à un stratagème ne soit établi, la chambre de l'instruction a violé les articles 706-98 du code de procédure pénale, dans sa version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, 706-95-16 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi du 23 mars 2019 précitée, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°/ que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; que l'installation et le maintien d'un dispositif de sonorisation dans un domicile porte une atteinte grave au respect de la vie privée que ce soit, bien qu'avec une intensité différente, le temps où ce dispositif est activé comme celui où il est désactivé mais peut l'être, à tout moment, sur décision de l'autorité judiciaire ; qu'en se bornant à retenir, pour rejeter le moyen de nullité soulevé par la mise en examen, qu'il ne résulte d'aucun texte qu'un même logement ne puisse faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisation à l'occasion de procédures distinctes sauf à ce que le recours à un stratagème ne soit établi sans rechercher, comme elle y était invitée, si le recours, pendant plus quatre ans, à des mesures de sonorisation, dans le même appartement, à l'encontre des mêmes personnes, dans le cadre d'informations judiciaires ouvertes au cabinet du même juge d'instruction et dans lesquelles le même service de police était rogatoirement saisi, ne constituait pas une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie privée (requête, p. 6 à 8), la chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale. » 16. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté se requête en nullité, alors : « 2°/ que l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme prohibe le maintien d'un dispositif de sonorisation en dehors de toute autorisation quand bien même ce dernier ne serait pas exploité ; qu'en ne répondant pas au moyen de madame [J] qui faisait valoir que le maintien sans droit puis la réactivation du dispositif avait porté gravement atteinte à son droit au respect de la vie privée dans la mesure où les enquêteurs pouvaient, pendant plus de dix-huit mois, activer ce dispositif à distance de façon arbitraire et en dehors de tout contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 17. Les moyens sont réunis. Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche 18. C'est à bon droit que la chambre de l'instruction, après avoir examiné la régularité de chacune des mesures de sonorisation ordonnées dans l'appartement sis [Adresse 2], a énoncé qu'il ne résulte d'aucun texte qu'un même domicile ne puisse faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisations à l'occasion de procédures distinctes, sauf à ce que le recours à un stratagème soit établi, pour les motifs qui suivent. 19. La technique spéciale d'enquête prévue à l'article 706-96 du code de procédure pénale ne peut être mise en oeuvre que sur autorisation écrite et motivée d'un juge justifiant de la nécessité des opérations, par référence aux éléments de fait et de droit issus de chaque procédure dans le cadre de laquelle cette mesure est ordonnée. 20. Placée sous le contrôle effectif d'un magistrat du siège, la mesure de sonorisation ne peut donner lieu à transcription que des données utiles à la manifestation de la vérité interceptées dans le temps de l'autorisation du juge, conformément aux dispositions de l'article 706-95-16 dudit code. 21. De plus, elle ne peut être ordonnée que pour les seules nécessités de l'enquête ou de l'information judiciaire relatives à une infraction d'une particulière gravité et complexité, de sorte qu'elle est une mesure nécessaire à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales. 22. Enfin, les articles 706-98 du code de procédure pénale, dans sa version antérieure à la loi du 23 mars 2019, et 706-95-16 du même code, dans sa version issue de cette loi, prévoient que la durée totale des opérations ordonnées dans une même procédure ne peut excéder deux ans. 23. Ainsi, dans la procédure concernée, aucune captation, fixation, transmission et enregistrement de paroles ou images ne saurait avoir lieu après expiration de ce délai, indépendamment de la date du retrait du dispositif de sonorisation, qui n'en constitue qu'une modalité d'exécution. 24. Il en résulte que le grief, qui ne critique pas la régularité de chacune des sonorisation ordonnées, doit en conséquence être écarté. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche 25. Le demandeur ne saurait se prévaloir d'une atteinte effective à sa vie privée consécutive au seul maintien dans les lieux du dispositif technique prévu à l'article 706-96 du code de procédure pénale, dont l'accès était devenu impossible, dès lors que, ainsi que la chambre de l'instruction l'a constaté, il résulte des procès-verbaux dressés par les enquêteurs et de la note du 13 septembre 2021 du commissaire divisionnaire, chef de l'office central de lutte contre le crime organisé, que le dispositif de captation a été désactivé et le matériel de réception des conversations retiré dès la fin des opérations autorisées par le juge d'instruction, ce dispositif devenant dès lors inutilisable par les enquêteurs. 26. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 27. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa requête en nullité, alors : « 1°/ que le renouvellement d'une autorisation de mise en place d'un dispositif de sonorisation doit intervenir avant l'expiration de la mesure précédente même si le système mis en place est resté, pendant un certain temps, désactivé dans les lieux concernés ; qu'en rejetant le moyen de nullité dirigé contre l'ordonnance du 14 octobre 2020 par laquelle le juge d'instruction avait ordonné la prolongation de la sonorisation de l'appartement situé [Adresse 1] et qui était tiré de ce que cette ordonnance de prolongation avait été prise à une date postérieure à l'expiration de la précédente prolongation au motif inopérant qu'avant qu'il ne prenne cette ordonnance le juge d'instruction avait dessaisi le service de police en charge de l'enquête au profit d'un service de la gendarmerie nationale et qu'il résulte d'un procès-verbal du 6 octobre 2020 que ce service de police avait mis fin à « l'écoute de la sonorisation », la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 706-95-16 du code de procédure pénale dans sa version issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ; 2°/ qu'en écartant ce moyen de nullité au motif que le service de police initialement saisi avait mis fin à « l'écoute de la sonorisation » du domicile situé [Adresse 1] lorsqu'elle constatait que ledit service avait mis fin à l'écoute « au profit de la section de recherche d'[Localité 3] », ce dont il résultait que l'exploitation du dispositif n'avait pas cessé le 6 octobre 2020 et que, compte tenu de la pose effective de ce dispositif le 8 octobre 2019, le renouvellement ne pouvait intervenir après le 8 octobre 2020, la chambre de l'instruction a violé l'article 706-95-16 du code de procédure pénale dans sa version issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. » Réponse de la Cour 28. Pour rejeter le moyen de nullité pris de l'irrégularité de la prolongation de la sonorisation de l'appartement situé au [Adresse 1], l'arrêt attaqué énonce en substance que le renouvellement de la mesure de sonorisation, dont le dispositif a été effectivement posé le 8 octobre 2019, aurait dû intervenir avant le 8 octobre 2020. 29. Les juges relèvent que, le 5 octobre 2020, le juge d'instruction a dessaisi les services de police initialement chargés de l'exécution de la sonorisation. 30. Ils ajoutent que, par ordonnance du 14 octobre 2020, le juge d'instruction a, de nouveau, autorisé la sonorisation de l'appartement situé au [Adresse 1] pour une durée de quatre mois et a délivré, le même jour, une commission rogatoire au directeur général de la gendarmerie nationale. 31. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a exactement analysé la portée de l'ordonnance du 14 octobre 2020 comme constituant une nouvelle mesure de sonorisation et non la prolongation de la précédente, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 32. En effet, un même domicile peut faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisation à l'occasion d'une même procédure, dès lors que la durée totale des opérations n'excède pas deux ans, conformément à l'article 706-95-16 du code de procédure pénale . 33. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. 34. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
Un même domicile peut faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisation à l'occasion d'une même procédure dès lors que la durée totale des opérations n'excède pas deux ans, conformément à l'article 706-95-16 du code de procédure pénale. Dans la procédure concernée, aucune captation, fixation, transmission et enregistrement de paroles ou images ne saurait avoir lieu après expiration de ce délai, indépendamment de la date du retrait du dispositif de sonorisation, qui n'en constitue qu'une modalité d'exécution. Un même domicile peut faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisation à l'occasion de procédures distinctes, sauf à ce que le recours à un stratagème soit établi, dès lors que la durée totale des opérations ordonnées dans une même procédure n'excède pas deux ans
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N° D 22-82.615 F-B N° 01454 ODVS 29 NOVEMBRE 2022 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 M. [L] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 12 avril 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, blanchiment et refus de remettre ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 13 juillet 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Une information a été ouverte par réquisitoire introductif du 31 mai 2021. 3. A cette même date, le procureur de la République, au visa de l'article 80-5 du code de procédure pénale, a autorisé les enquêteurs à poursuivre une mesure de géolocalisation de véhicule et à maintenir en place un dispositif de captation d'images. 4. M. [L] [Z] a été mis en examen des chefs susvisés le 4 juin 2021. 5. Le 3 novembre 2021, la chambre de l'instruction a été saisie de deux requêtes en annulation d'actes de la procédure, dont l'une présentée pour M. [Z]. Examen des moyens Sur les premier et quatrième moyens 6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation du réquisitoire introductif, alors qu'en jugeant, pour contourner l'absence d'indication de l'heure sur cet acte, que le point de départ du délai de quarante-huit heures est fixé au lendemain du réquisitoire introductif, pour s'achever quarante-huit heures plus tard à 24 heures, la chambre de l'instruction a violé l'article 80-5 du code de procédure pénale. Réponse de la Cour 8. Pour rejeter le grief de la nullité du réquisitoire introductif, l'arrêt attaqué énonce qu'en l'absence d'un texte exigeant l'horodatage de cet acte, seule la date du réquisitoire introductif est exigée à peine de nullité. 9. En l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 10. Le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de la mesure de géolocalisation, alors qu'en l'espèce, les opérations de géolocalisation se sont poursuivies jusqu'au 2 juin 2021 à 10 heures 48 et qu'après le retrait de la balise du véhicule, celle-ci est restée active jusqu'à 15 heures 49 et 45 secondes ; qu'en ne recherchant pas si la défense était en mesure de déterminer si le délai de quarante-huit heures, au-delà duquel la mesure de géolocalisation ne pouvait plus être réalisée qu'en exécution d'une commission rogatoire délivrée par le magistrat instructeur, avait été respecté, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 81, 81-5, 151 et 152 du code de procédure pénale et le principe d'irrévocabilité de la saisine du juge d'instruction. Réponse de la Cour 12. C'est à tort que, pour écarter le grief pris de la poursuite irrégulière des investigations, la chambre de l'instruction a retenu que le délai de quarante-huit heures visé à l'article 80-5 du code de procédure pénale relevait du régime défini par l'article 801 de ce code et en a déduit que le point de départ de ce délai est fixé au jour du réquisitoire introductif, soit en l'espèce le 31 mai 2021, pour s'achever quarante-huit heures plus tard, soit le 2 juin à 24 heures. 13. En effet, ce délai, exprimé en heures, doit être calculé en heures, à compter de celle à laquelle le réquisitoire introductif a été établi. 14. L'arrêt n'encourt néanmoins pas la censure, pour les motifs qui suivent. 15. D'une part, il se déduit de manière certaine des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que le réquisitoire introductif a été établi à 11 heures le 31 mai 2021, cette information figurant sur l'autorisation de poursuite des mesures en cours délivrée par le procureur de la République. 16. D'autre part, il ressort des pièces de cette même procédure qu'aucune des mesures dont le maintien avait été autorisé ne s'est poursuivie au-delà de l'expiration du délai de quarante-huit heures susvisé. 17. Ainsi, le moyen doit être rejeté. 18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
Le délai de quarante-huit heures visé à l'article 80-5 du code de procédure pénale doit être calculé en heures, à compter de celle à laquelle le réquisitoire introductif a été établi. Cette heure peut se déduire de toute pièce de la procédure, aucun texte n'exigeant l'horodatage dudit réquisitoire
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N° G 22-81.814 F-B N° 01455 ODVS 29 NOVEMBRE 2022 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 M. [I] [E], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 24 février 2022, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer sur sa plainte du chef de diffamation publique. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [I] [E], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 4 décembre 2020, à la sortie du collège où était scolarisée leur fille, [F], née en 2008, Mme [V] [T] a apostrophé son ex-mari, M. [I] [E], en ces termes : « est-ce que ton autorité parentale te permet de taper ta fille, est-ce que ton autorité parentale te permet de frapper ta fille et de mal la traiter quand elle est chez toi ... ». 3. Par lettre du 20 décembre 2020, M. [E] a adressé une plainte simple pour diffamation publique au procureur de la République qui, le 30 décembre suivant, a délivré un soit-transmis aux fins d'enquête aux services de police, lesquels ont procédé à l'audition des intéressés les 12 et 22 janvier 2021. 4. Le 26 janvier 2021, le procureur de la République a décidé d'ordonner, en application de l'article 41-1 du code de procédure pénale, un rappel à la loi qui a été notifié à Mme [T] le 11 février suivant. 5. A la suite d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par M. [E] le 6 avril 2021, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de refus d'informer en raison de la prescription des faits. 6. M. [E] a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de refus d'informer sur sa plainte avec constitution de partie civile, alors : « 1°/ qu'en matière d'infractions à la loi sur la liberté de la presse, la prescription peut être interrompue, avant l'engagement des poursuites, par des réquisitions aux fins d'enquête, qui articulent et qualifient les faits à raison desquels l'enquête est ordonnée ; qu'en refusant de reconnaître un effet interruptif de prescription au soit-transmis aux fins d'enquête par audition de la personne mise en cause et de la victime, mentionnant que les diligences doivent être accomplies selon les modalités suivantes : « URGENT Prescription courte », accompagné de la plainte qui articulait et qualifiait de diffamation publique les propos reprochés à Mme [T], la cour d'appel a méconnu l'article 65, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 ; 2°/ que sont interruptives de prescription, d'une part, les réquisitions d'enquête qui articulent et qualifient les faits et, d'autre part les procès-verbaux dressés en exécution desdites réquisitions ; qu'en refusant de reconnaître un effet interruptif de prescription aux actes d'enquête des services de police ou de gendarmerie établis dans le cadre d'une commission rogatoire, en l'espèce l'audition du plaignant le 12 janvier 2021 et celle de la personne mise en cause le 22 janvier 2021, la cour d'appel a méconnu l'article 65, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881. 3°/ que le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, procéder au rappel à la loi ; que la prescription est suspendue pendant la procédure de rappel à la loi ; que la procédure de rappel à la loi débute avec la décision du procureur de la République de la mettre en oeuvre préalablement à sa décision sur l'action publique et s'achève avec sa décision sur l'action publique ; qu'en l'espèce, la période de suspension courait donc à compter de la décision du procureur de la République d'ordonner un rappel à la loi, le 26 janvier 2021, jusqu'à sa décision sur l'action publique, par ses réquisitions du novembre 2021 ; que la prescription avait donc été suspendue et n'a repris son cours qu'à cette date ; qu'en retenant que la prescription n'avait été suspendue qu'entre le 26 janvier 2021 et le 11 février 2021, date de la notification du rappel à la loi, pour juger prescrite la plainte avec constitution de partie civile du 6 avril 2021, la cour d'appel a violé l'article du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour constater la prescription de l'action de M. [E] à la date de sa plainte avec constitution de partie civile du 6 avril 2021, l'arrêt attaqué énonce que le délai de prescription, qui a couru à compter de la tenue des propos le 4 décembre 2020, n'a été interrompu ni par la plainte simple du 20 décembre 2020, ni par le soit-transmis du procureur de la République aux fins d'enquête du 30 décembre 2020, ni par les actes d'enquête des 12 et 22 janvier 2021. 9. Les juges ajoutent que le rappel à la loi ordonné par le procureur de la République le 26 janvier 2021 n'a entraîné la suspension de la prescription que jusqu'à la notification à l'intéressé, le 11 février 2021, de ce rappel à la loi, soit pendant un délai de seize jours. Ils en déduisent que la prescription s'est trouvée acquise le 20 mars 2021. 10. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision pour les motifs qui suivent. 11. D'une part, le soit-transmis du ministère public aux fins d'enquête et les actes d'exécution qui ont suivi n'ont pu interrompre la prescription, dès lors que les réquisitions aux fins d'enquête ont seulement fait état d'une diffamation publique, sans autre précision sur le type de diffamation visé, et n'ont donc pas qualifié les faits, comme l'exige l'article 65, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. 12. D'autre part, le rappel à la loi prévu par l'article 41-1 du code de procédure pénale, dès lors qu'il s'effectue en deux temps, a entraîné la suspension du délai de prescription du 26 janvier 2021, date de la décision du ministère public, au 11 février suivant, date de la notification à l'intéressé dudit rappel. 13. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. 14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
Le rappel à la loi prévu à l'article 41-1 du code de procédure pénale suspend le délai de prescription de l'action publique de la date de la décision du ministère public ordonnant ledit rappel à celle à laquelle celui-ci est notifié à l'intéressé
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N° U 22-81.088 F-B N° 01457 ODVS 29 NOVEMBRE 2022 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 M. [N] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 11e chambre, en date du 19 janvier 2022, qui, pour travail dissimulé, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et a ordonné une mesure de confiscation. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [N] [Z], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 20 septembre 2016, les gendarmes, appelés pour des faits de violences, sont intervenus au sein du salon de tatouage [2] où ils ont été accueillis par M. [K] [E], lequel s'est révélé ne pas avoir été déclaré auprès de l'URSSAF par le gérant de l'établissement, M. [N] [Z]. 3. Une enquête pour travail dissimulé a été ouverte. 4. Au terme de celle-ci, M. [Z] a été convoqué devant le tribunal correctionnel de ce chef. 5. Par jugement contradictoire, en date du 29 mars 2018, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable des faits reprochés. 6. Le ministère public a interjeté appel principal. M. [Z] a interjeté appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable, entre octobre 2014 et le 11 mai 2016 des faits poursuivis comme étant employeur de Mme [S], MM. [I] et [K], d'omettre intentionnellement de procéder à la déclaration nominative préalable à l'embauche et s'être soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale, l'a condamné à un emprisonnement délictuel de quatre mois avec sursis et a ordonné la confiscation en valeur de la somme de 43 700 euros sur les comptes bancaires de M. [Z] ayant fait l'objet d'une autorisation de saisie par le juge des libertés et de la détention à concurrence de la somme de 80 689 euros, alors « que si dans le cadre d'une saisine initiale par citation ou par convocation par procès-verbal, la juridiction refuse d'ordonner un supplément d'information régulièrement sollicité au cours des débats par des conclusions écrites, elle doit spécialement motiver sa décision ; qu'en s'abstenant de répondre à la demande d'actes déposée par le conseil de Monsieur [Z] le 9 mars 2021 sollicitant un supplément d'information « afin de procéder à des auditions de la clientèle/témoin venant se faire percer ou tatouer dans les locaux de l'entreprise [2], au besoin en se référant à l'agenda placé sous scellés, lesdits locaux étant loués à la SCM [1] dont Monsieur [Z] dispose de l'intégralité des parts », étant essentiel de déterminer « si la clientèle était facturée par l'entreprise individuelle [2], à savoir Monsieur [N] [Z], ou bien par Madame [D] [S] et/ou Monsieur [X] [I] qui exerçaient en nom propre en qualité d'indépendants (piercings pour Madame [D] [S] et tatouage pour Monsieur [X] [I]), laquelle était déterminante pour la solution du litige, la cour d'appel a violé les articles 388-5 et 512 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 388-5 et 512 du code de procédure pénale : 8. Selon ces textes, si dans le cadre d'une saisine initiale par citation ou par convocation par procès-verbal, la juridiction refuse d'ordonner un supplément d'information régulièrement sollicité avant le début de l'audience, par conclusions écrites adressées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, elle doit spécialement motiver sa décision. Cette exigence ne cesse pas même lorsque des conclusions, régulièrement déposées à l'audience, ne réitèrent pas expressément une telle demande d'actes. 9. En l'espèce, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable de travail dissimulé. 10. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions écrites, adressées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception signé le 11 mars 2021, qui sollicitaient un supplément d'information aux fins d'audition de la clientèle ou de témoins, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 11. La cassation est dès lors encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les deuxième et troisième moyens de cassation proposés, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 19 janvier 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
Il résulte des articles 388-5 et 512 du code de procédure pénale que, si dans le cadre d'une saisine initiale par citation ou par convocation par procès-verbal, la juridiction correctionnelle refuse d'ordonner un supplément d'information régulièrement sollicité avant le début de l'audience, par conclusions écrites adressées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, elle doit spécialement motiver sa décision. Cette exigence ne cesse pas même lorsque des conclusions, régulièrement déposées à l'audience, ne réitèrent pas expressément une telle demande. Encourt la censure l'arrêt qui ne répond pas à la demande, sollicitant un supplément d'information aux fins d'audition de témoins, formulée par courrier recommandé avec avis de réception, envoyé avant l'audience, alors même que les conclusions régulièrement déposées par le prévenu à l'audience ne renouvèlent pas expressément une telle demande
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N° E 21-85.579 F-D N° 01458 ODVS 29 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 Mme [Y] [U] et M. [F] [T] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 7 juillet 2021, qui, pour travail dissimulé, l'une et l'autre, et le second, en outre, pour infractions à la réglementation sur la pêche, les a condamnés chacun à 6 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [Y] [U] et de M. [F] [T], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Aquitaine, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Mme [Y] [U] et son époux, M. [F] [T], sont co-gérants de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (ci-après EARL) le Routioutiou, immatriculée au registre du commerce et des sociétés en 2006, au titre d'une activité d'ostréiculture, qui relève du régime de la mutualité sociale agricole. 3. L'entreprise a développé, sur le site de l'exploitation, des prestations de dégustation. 4. À l'initiative de divers services, deux opérations de contrôle ont été opérées les 13 et 18 août 2017 sur les lieux dédiés à cette activité. 5. Mme [U] et M. [T] ont été poursuivis, le second pour infractions à la législation sur la pêche maritime, l'un et l'autre pour travail dissimulé par dissimulation de trois salariés et d'activité entre le 15 janvier 2014 et le 31 décembre 2017. 6. Par jugement en date du 25 novembre 2019, le tribunal correctionnel a prononcé des relaxes partielles et a déclaré les prévenus coupables de travail dissimulé, par dissimulation de deux salariés et d'activité, du 1er janvier au 31 décembre 2017. M. [T] a en outre été reconnu coupable d'infractions à la législation sur la pêche maritime. 7. Les premiers juges ont condamné Mme [U] et M. [T] à des peines d'amende, à la confiscation des biens saisis ou placés sous scellés et ont prononcé sur les intérêts civils. 8. Les prévenus, puis le procureur de la République, et l'URSSAF, ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen, le quatrième moyen, pris en sa première branche, et le cinquième moyen 9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré coupables Mme [U] et M. [T] de travail dissimulé par dissimulation d'activité, alors « que l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'activité n'est caractérisée que lorsque la déclaration aux fins d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés est obligatoire ; qu'en énonçant par des motifs inopérants que l'activité de dégustation exercée par les prévenus aurait dû rester subsidiaire par rapport à leur activité de production et en se fondant sur des textes réglementaires et législatifs dont elle relevait elle-même le caractère indicatif (arrêt attaqué, p. 10), lorsque l'activité de dégustation est par essence une activité agricole de sorte qu'elle n'imposait aucune déclaration supplémentaire de la part des prévenus dont l'activité de production agricole était au demeurant régulièrement déclarée, la cour d'appel a méconnu les articles L. 311-1 du code rural et l'arrêté préfectoral de Gironde du 11 avril 2011 pris pour son application, les articles L. 8221-1 à L. 8221-6 et L. 8224-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 11. Pour condamner Mme [U] et M. [T] du chef de travail dissimulé par dissimulation d'activité entre le 15 janvier 2014 et le 31 décembre 2017, l'arrêt attaqué énonce que les contrôles effectués ont mis en évidence la présence de salariés non déclarés dans les lieux dédiés à la dégustation. 12. Il précise que les achats d'alcool sont passés de 3 594 bouteilles en 2014 à 8 910 en 2017, que les sommes dépensées pour l'achat de denrées alimentaires ont varié, de 2014 à 2017, selon les années, entre 11 324,84 euros et 16 036,71 euros. 13. Les juges relèvent que l'établissement de restauration occupe une surface permettant de servir des clients sur onze tables en salle et vingt-six en terrasse, soit une capacité de deux cent vingt-deux couverts simultanément, et que des travaux d'aménagement de ces locaux ont été réalisés pour un montant global de 200 000 euros. 14. Ils observent qu'une centaine de poissons de mer ont été trouvés dans les chambres froides de l'établissement, dont une trentaine de bars pêchés par M. [T] dans des conditions et au moyen d'engins illégaux, que des achats de coquillages et d'huîtres ont été réalisés auprès de producteurs extérieurs et qu'il ressort des auditions de salariés et des mis en cause eux-mêmes qu'ils vendaient plus d'huîtres qu'ils n'en produisaient. 15. Ils énoncent que le chiffre d'affaires de l'entreprise, reconstitué par les enquêteurs, lié à la seule activité de restauration, est passé de 389 788,50 euros en 2014 à 929 560 euros en 2017, soit entre 61 % et 72 % du chiffre d'affaires global de la société, pourcentages qui n'ont pas été véritablement contestés à l'audience. 16. Les juges retiennent enfin que la comptable de la société a déclaré avoir mis en garde les co-gérants, oralement, puis par écrit, sur la nécessité de déclarer cette activité commerciale, qui était devenue principale, ce témoin concluant qu'il n'était pas possible en l'état de créer deux sociétés, en raison de l'utilisation du domaine public maritime, mais qu'il était impératif que l'activité de dégustation reprenne des proportions normales ou quitte ce domaine. 17. La cour d'appel constate enfin que l'activité de dégustation devait, au regard des textes parfaitement connus des prévenus, demeurer secondaire, dans le prolongement de l'activité principale de production, telle que définie par l'objet de leur entreprise, alors que cette activité de dégustation, entre 2014 et 2017, a été pourtant majoritaire. 18. Elle en déduit qu'au regard de l'article L. 8221-3 du code du travail, les co-gérants devaient obligatoirement faire les déclarations nécessaires au registre du commerce et des sociétés et les déclarations impératives des salariés auprès de I'URSSAF, toutes démarches qu'ils se sont volontairement abstenus de réaliser. 19. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité poursuivi, sans méconnaître les textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent. 20. En premier lieu, il se déduit de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime que seules sont réputées agricoles les activités de culture marine et les activités exercées par un aquaculteur qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. 21. En deuxième lieu, selon l'article L. 911-1 de ce même code, la conchyliculture est une forme d'aquaculture et cette activité d'exploitation comprend notamment le captage, l'élevage, la finition, la purification, l'entreposage, le conditionnement, l'expédition ou la première mise en marché des produits. 22. En troisième lieu, il se déduit des motifs susvisés de l'arrêt attaqué que les co-gérants de l'EARL [1], dont l'objet déclaré est l'ostréiculture, ont procédé à la revente habituelle, d'une part, de poissons de mer, d'autre part, d'huîtres et coquillages achetés auprès d'autres producteurs, activités qui ne peuvent être regardées comme ayant pour support leur exploitation. 23. En quatrième lieu, les prestations de restauration, ci-dessus décrites, compte tenu, d'une part, de l'importance des moyens qui leur ont été consacrés, d'autre part, de la fréquence et du montant des achats pour revendre qu'elles ont nécessités, dépourvus de tout lien avec l'activité de production, enfin, de leur prédominance sur celle-ci, d'un point de vue économique, ne peuvent être considérées comme le prolongement de l'activité de production ostréicole. 24. Le moyen sera donc écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 25. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [U] et M. [T] coupables de dissimulation d'activité par dissimulation de salariés, alors : « 1°/ que, d'une part, la déclaration simplifiée d'un salariée dite « TESA » vaut déclaration nominative au sens de l'article L. 1221-10 du code du travail de sorte que l'employeur qui y procède ne saurait se voir reprocher le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié au sens de l'article L. 8221-5, 1° du code du travail ; qu'en retenant néanmoins, s'agissant de la déclaration TESA de M. [O] [R], que « c'est à juste titre que le tribunal correctionnel a considéré cette déclaration simplifiée dite TESA comme insuffisante et inefficace à remplacer la déclaration préalable à l'embauche et a condamné les prévenus de ce chef, en réduisant toutefois la période de prévention » (arrêt attaqué, p. 9), la cour d'appel a violé les articles L. 1221-10 du code du travail, L. 712-1 et R. 712-6 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 8221-5 du code du travail. 2°/ que, d'autre part, et en tout état de cause, en déclarant les prévenus coupables de dissimulation de l'emploi salarié de M. [O] [R], sans constater le caractère intentionnel de cette dissimulation, lorsqu'elle relevait pourtant que l'employeur avait procédé à la déclaration simplifiée dite « TESA » de M. [O] [R] (arrêt attaqué, p. 9), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 121-3 du code pénal et L. 8221-5 du code du travail ; 3/ qu' enfin, en déclarant les prévenus coupables de dissimulation de l'emploi salarié de M. [B] sans constater le caractère intentionnel de cette dissimulation, lorsqu'elle relevait pourtant que l'employeur avait procédé à la déclaration tardive de M. [B] (arrêt attaqué, p. 9) ce qui démontrait qu'il avait eu l'initiative d'une déclaration et qu'il n'entendait donc pas dissimuler cet emploi salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 121-3 du code pénal et L. 8221-5 du code du travail. » Réponse de la Cour 26. Pour déclarer coupables Mme [U] et M. [T] de travail dissimulé par dissimulation de deux salariés, l'arrêt attaqué énonce que M. [X] [O] [R], contrôlé en situation de travail le 18 août 2017, qui a fait l'objet d'une déclaration pour une embauche le 18 décembre 2017, reçue le 20 décembre suivant, a expliqué qu'il avait déjà travaillé dans le cadre de l'activité de dégustation entre dix et quinze jours au mois d'août, et qu'il avait reçu un imprimé de titre emploi simplifié agricole (ci-après TESA), qu'il n'a pas fourni aux enquêteurs. 27. Les juges ajoutent que c'est à juste titre que le tribunal correctionnel a considéré cette déclaration simplifiée dite TESA comme insuffisante et inefficace à remplacer la déclaration préalable à l'embauche et a condamné les prévenus de ce chef. 28. Ils relèvent par ailleurs que M. [S] [B], qui, contrôlé le 13 août 2017, a été déclaré pour une embauche en août 2017, l'enveloppe portant un cachet de la poste du 14 août, a expliqué avoir suivi un stage dans l'établissement en juin et avoir commencé à y travailler à la mi-août. 29. La cour d'appel retient que la déclaration étant tardive, l'infraction est constituée. 30. C'est à tort que la cour d'appel a considéré, en contradiction avec l'article L. 712-1 du code rural et de la pêche maritime, que la déclaration TESA ne pouvait valoir déclaration préalable à l'embauche. 31. L'arrêt attaqué n'encourt néanmoins pas la censure, dès lors que, par des motifs suffisants et exempts de contradiction, la cour d'appel, qui a relevé les nombreux avertissements donnés par leur comptable aux deux prévenus, a constaté qu'aucun des deux salariés n'était déclaré de quelque manière que ce soit à aucun organisme social au moment des contrôles qui se sont succédé dans le temps, sans que les demandeurs ne régularisent la situation de la seconde personne employée illégalement, après avoir tenté, tardivement, de le faire pour la première. 32. Le moyen doit être rejeté. Mais sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 33. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [U] et M. [T] à une peine de 6 000 euros d'amende chacun et ordonné la confiscation des objets saisis, alors : « 2°/ que d'autre part, le juge qui prononce une peine de confiscation doit énumérer les objets dont il ordonne la confiscation ; qu'en se bornant à ordonner « la confiscation des objets saisis » (arrêt attaqué, p. 14), sans indiquer la nature et l'origine des objets placés sous scellés dont elle a ordonné la confiscation, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision et n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 132-1 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale : 34. Il se déduit de ces textes qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle. 35. Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu, hormis le cas où la confiscation porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction. 36. En se bornant à confirmer, sans autre motif, la décision du tribunal correctionnel en ce qu'elle a ordonné la confiscation des objets saisis, sans préciser la nature et l'origine des biens confisqués, ni le fondement de la mesure, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision. 37. La cassation est en conséquence encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 7 juillet 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la confiscation des objets saisis, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
Il se déduit de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime que seules sont réputées agricoles les activités de culture marine et les activités exercées par un aquaculteur qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. Les prestations de restauration développées par les co-gérants d'une entreprise d'ostréiculture qui procèdent à la revente habituelle, d'une part, de poissons de mer, d'autre part, d'huîtres et coquillages achetés auprès d'autres producteurs, ne peuvent être regardées comme ayant pour support leur exploitation. Elles ne peuvent non plus être considérées comme ayant une nature agricole, au regard du texte susvisé et de l'article L. 911-1 du code précité, dès lors que l'importance des moyens qui leur ont été consacrés, la fréquence et le montant des achats pour revendre qu'elles ont nécessités, dépourvus de tout lien avec l'activité de production et leur prédominance sur celle-ci, d'un point de vue économique, ne permettent pas de les considérer comme le prolongement de l'activité de production ostréicole. C'est à bon droit qu'une cour d'appel déclare coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité les gérants d'une entreprise ostréicole ayant développé une telle activité de restauration, dès lors que ces derniers n'ont pas sollicité leur inscription au registre du commerce et des sociétés à raison de celle-ci
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 857 FS-B Pourvoi n° N 21-15.988 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 M. [O] [S], domicilié [Adresse 1] (Belgique), a formé le pourvoi n° N 21-15.988 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-2), dans le litige l'opposant à Mme [L] [P], épouse [S], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [S], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [P], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mmes Antoine, Dard, Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 avril 2021), Mme [P] et M. [S], tous deux de nationalité belge, se sont mariés le 18 septembre 1982, en Belgique. 2. Le 12 mai 2020, Mme [P] a présenté une requête en divorce devant un juge aux affaires familiales. Examen du moyen Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. [S] fait grief à l'arrêt de dire que le juge aux affaires familiales est compétent pour connaître de la procédure de divorce et de renvoyer M. et Mme [S] devant cette juridiction, alors « que la résidence habituelle, notion autonome du droit européen, se définit comme le lieu où l'intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts ; qu'elle vise tous les intérêts des époux, sans nécessairement faire prévaloir leurs activités de la vie courante et de loisirs ; que, pour considérer que les époux [S] avaient transféré leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel retient que la résidence se définit comme le lieu où une personne a fixé ses centres d'intérêts et les met en oeuvre dans les actes de la vie courante de sorte que ce qu'il faut essentiellement retenir c'est qu'à la date du dépôt de la requête en divorce, le couple menait depuis 18 mois une vie sociale stable à [Localité 5] où ils effectuaient la quasi-totalité des dépenses courantes, avaient entrepris des travaux d'entretien et de réparation de leur villa et où ils avaient développé un réseau relationnel et amical et menaient une vie sociale ; qu'en accordant de manière générale une prépondérance à la vie sociale et de loisir des époux sur l'ensemble des autres liens que les époux avaient conservés avec la Belgique, où il était constant qu'ils résidaient plusieurs mois de l'année, y avaient l'ensemble de leurs comptes et actifs financiers, où M. [S] percevait ses allocations chômage qui constituaient les ressources du ménage, où les époux payaient leurs impôts sur le revenu et recevaient l'ensemble de leurs factures y compris celles relatives à leur bien sis à [Localité 5] et étaient toujours rattachés à la sécurité sociale, où tous leurs frais médicaux étaient encourus, où l'Etat belge considère que c'est leur résidence principale, où ils déclaraient tous les deux avoir leur résidence habituelle tandis qu'ils qualifiaient leur résidence de [Localité 5] de secondaire, et où les époux avaient conservé l'immatriculation de leurs voitures et leurs numéros de téléphone portable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du règlement n°2201/2003 du 27 novembre 2003. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 3, § 1, sous a), premier tiret, du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel se trouve la résidence habituelle des époux. 6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 25 novembre 2021, C-289/20) que la notion de résidence habituelle au sens de l'article 3, § 1, sous a), du règlement précité est caractérisée, en principe, par deux éléments, à savoir, d'une part, la volonté de l'intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé et, d'autre part, une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l'État membre concerné (point 57), l'environnement d'un adulte étant de nature variée, composé d'un vaste spectre d'activités et d'intérêts, notamment professionnels, socioculturels, patrimoniaux ainsi que d'ordre privé et familial, diversifiés (point 56). 7. La cour d'appel a relevé qu'après avoir vécu pendant longtemps à l'étranger en raison de l'activité professionnelle de l'époux, M. [S] et Mme [P], propriétaires, à [Localité 4] (Belgique), d'une maison occupée par leur fille aînée depuis 2013, et d'une villa à [Localité 5], louée jusque fin 2017, étaient revenus en Europe en mai 2018, date à laquelle, tout en déclarant leur résidence principale à [Localité 4], ils avaient fait déménager divers meubles d'[Localité 4] à [Localité 5], pour s'y installer eux-mêmes début juin 2018. 8. Elle a constaté que la villa, d'abord assurée en tant que résidence secondaire, était désormais assurée sans précision particulière et que le couple y avait entrepris divers travaux d'entretien et de réparation, en effectuant la quasi-totalité de ses dépenses courantes à [Localité 5] ou dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, où il avait développé un réseau relationnel et amical. 9. Elle a relevé encore que, depuis leur installation, M. et Mme [S] résidaient essentiellement à [Localité 5] et ne rentraient que pour de courts séjours à [Localité 3], où ils avaient conservé des intérêts administratifs et financiers. 10. Elle en a souverainement déduit que, à partir du mois de juin 2018, M. et Mme [S] avaient eu la volonté de fixer à [Localité 5] le centre habituel de leurs intérêts en y menant une vie sociale suffisamment stable, de sorte que leur résidence habituelle au sens du texte précité se trouvait en France. 11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision déclarant le juge français compétent pour connaître de l'instance en divorce introduite par Mme [P]. 12. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [O] [S]. M. [S] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de dire que le juge aux affaires familiales de Grasse est compétent pour connaître de la procédure de divorce et de renvoyer les époux [S] devant cette juridiction, alors : 1°) que la résidence habituelle, notion autonome du droit européen, se définit comme le lieu où l'intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts ; qu'elle vise tous les intérêts des époux, sans nécessairement faire prévaloir leurs activités de la vie courante et de loisirs ; que, pour considérer que les époux [S] avaient transféré leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel retient que la résidence se définit comme le lieu où une personne a fixé ses centres d'intérêts et les met en oeuvre dans les actes de la vie courante de sorte que ce qu'il faut essentiellement retenir c'est qu'à la date du dépôt de la requête en divorce, le couple menait depuis 18 mois une vie sociale stable à [Localité 5] où ils effectuaient la quasi-totalité des dépenses courantes, avaient entrepris des travaux d'entretien et de réparation de leur villa et où ils avaient développé un réseau relationnel et amical et menaient une vie sociale ; qu'en accordant de manière générale une prépondérance à la vie sociale et de loisir des époux sur l'ensemble des autres liens que les époux avaient conservés avec la Belgique, où il était constant qu'ils résidaient plusieurs mois de l'année, y avaient l'ensemble de leurs comptes et actifs financiers, où M. [S] percevait ses allocations chômage qui constituaient les ressources du ménage, où les époux payaient leurs impôts sur le revenu et recevaient l'ensemble de leurs factures y compris celles relatives à leur bien sis à [Localité 5] et étaient toujours rattachés à la sécurité sociale, où tous leurs frais médicaux étaient encourus, où l'Etat belge considère que c'est leur résidence principale, où ils déclaraient tous les deux avoir leur résidence habituelle tandis qu'ils qualifiaient leur résidence de [Localité 5] de secondaire, et où les époux avaient conservé l'immatriculation de leurs voitures et leurs numéros de téléphone portable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 ; 2°) que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; que, pour considérer que les époux [S] avaient leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel a retenu, d'une part, que les époux avaient développé un réseau relationnel et amical et menaient une vie sociale, comme l'illustrent divers clichés photographiques, montrant le couple dans un club de golf, au ski, au restaurant, ou randonnant, toujours entourés d'amis ; qu'en se fondant sur ces éléments, quand il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt, ni des conclusions d'appel des parties, ni de leur bordereau de communication de pièces qui y était annexé qu'ils aient été soumis à la discussion contradictoire des parties, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile et 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme ; 3°) que, subsidiairement, les seules photographies produites aux débats par M. [S] avaient été prises à l'occasion du mariage de sa fille et à diverses fêtes de famille à [Localité 3] ; qu'en retenant que les divers clichés photographiques produits aux débats « montraient le couple dans un club de golf, au ski, au restaurant ou en randonnant toujours entouré d'amis » (arrêt, p.5) quand les photographies produites ne représentaient nullement les époux [S] exerçant une activité sportive ou au restaurant avec des amis en France, la cour d'appel a dénaturé les photographies, en violation de l'interdiction pour le juge de dénaturer les éléments de la cause ; 4°) que, pour considérer que les époux [S] avaient leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel a retenu, d'autre part, qu'en 2018 et 2019, les époux ont entrepris divers travaux d'entretien et de réparation sur leur villa en France et qu'ils effectuaient la quasi-totalité des dépenses courantes à [Localité 5] ou dans la région ; qu'en se fondant sur ces motifs, à eux seuls impropres à caractériser la volonté des époux de fixer le centre de leurs intérêts en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale de l'article 3 du règlement n°2201/2003 du 27 novembre 2003 ; 5°) que, pour considérer que les époux [S] avaient leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel a estimé que nombreux de leurs amis témoignaient de ce que les époux [S] résidaient depuis le 4 juin 2018 à l'année dans leur villa et qu'ils ne rentraient que pour de courts séjours à [Localité 3] ; qu'en se déterminant ainsi, sans répondre au moyen de M. [S] qui contestait la nature amicale des liens avec les auteurs des attestations et qui exposait qu'il n'avait jamais rencontré M. [R], que les époux avaient rencontré Mme [T] seulement pendant le confinement, que M. [E] était le concubin de la propriétaire de la résidence et qu'il avait simplement croisé M. [F], ancien jardinier de la résidence, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 3, § 1, sous a), premier tiret, du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel se trouve la résidence habituelle des époux. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 25 novembre 2021, C-289/20) que la notion de résidence habituelle, au sens de l'article 3, § 1, sous a), du règlement précité, est caractérisée, en principe, par deux éléments, à savoir, d'une part, la volonté de l'intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé, d'autre part, une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l'État membre concerné (point 57), l'environnement d'un adulte étant de nature variée, composé d'un vaste spectre d'activités et d'intérêts, notamment professionnels, socioculturels, patrimoniaux, ainsi que d'ordre privé et familial, diversifiés (point 56). Ces éléments sont appréciés souverainement par les juges du fond
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 859 FS-B Pourvoi n° S 21-11.507 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 Mme [F] [L], épouse [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-11.507 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [K] [L], domicilié [Adresse 1], 2°/ à Mme [T] [L], veuve [X], domiciliée [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de Mme [F] [L], de Me Balat, avocat de Mme [T] [L], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [K] [L], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Antoine, M. Fulchiron, Mme Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 décembre 2020), [W] [Y] est décédée le 20 février 2015, en laissant pour lui succéder ses enfants [F], [K] et [T]. 2. Par acte authentique du 9 juin 1994, elle avait consenti à son fils une donation, par préciput et hors part, d'une certaine somme investie dans un apport au capital d'une société commerciale et dans l'acquisition de parts détenues par Mme [F] [L] dans trois sociétés civiles immobilières. 3. Par acte authentique du 11 juillet 2005, la donatrice et le donataire étaient convenus de la révocation de la donation et M. [K] [L] avait remboursé à sa mère la somme donnée. 4. Des difficultés sont survenues dans le règlement de la succession. 5. Mme [F] [L] a assigné ses cohéritiers en nullité de l'acte de révocation pour cause illicite. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le moyen, pris en sa cinquième branche, qui est irrecevable. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. Mme [F] [L] fait grief à l'arrêt de déclarer valable l'acte révocatoire du 11 juillet 2005 et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que la cause du contrat, ou cause subjective, qui doit être licite, s'entend des mobiles ayant conduit les contractants à s'engager ; qu'au cas présent, Madame [F] [L] épouse [H] avait souligné dans ses conclusions d'appel (not. p. 21-24) que la cause de l'acte révocatoire résidait dans la volonté de ses auteurs de faire échec aux règles de la réserve héréditaire à propos de la donation effectuée en 1994 ; qu'en considérant qu'il s'agissait-là de « mobiles » et que « les mobiles ayant présidé à la révocation litigieuse sont indifférents », dès l'instant où la révocation d'une donation est, en soi, un acte autorisé par la loi, la cour d'appel, qui a méconnu la notion de cause du contrat, a violé les articles 1108, 1131 et 1133 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour Vu les articles 1131 et 1133, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 8. Il résulte de ces textes qu'un contrat n'est valable que si les motifs ayant déterminé les parties à contracter sont licites. 9. Pour déclarer valable l'acte du 11 juillet 2005, l'arrêt retient que les mobiles ayant présidé à la révocation de la donation du 9 juin 1994 sont indifférents et ne peuvent se confondre avec la cause de la convention qui n'était pas illicite, la révocation conventionnelle d'une donation ne se heurtant à aucune interdiction légale et étant toujours possible sans que les parties n'aient à en justifier les raisons. 10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la cause de l'acte révocatoire ne résidait pas dans la volonté des parties de contourner les dispositions d'ordre public de l'article 922 du code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare valable l'acte du 11 juillet 2005 et rejette les demandes de Mme [L] en inopposabilité de son effet rétroactif à l'égard des tiers, en réunion fictive de la donation du 9 juin 1994 en considération des remplois successifs de la somme donnée, d'application des sanctions du recel successoral à M. [K] [L] et d'expertise afin de déterminer le montant de la réunion fictive et de la réduction, l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne M. [K] [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [T] [L] et par M. [K] [L] et condamne celui-ci à payer à Mme [F] [L] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SAS Hannotin Avocats, avocat aux Conseils, pour Mme [L]. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Brest, en particulier en ce que ledit jugement a « déclaré valable l'acte du 11 juillet 2005 intervenu entre [K] [L] et [W] [L] prononçant la révocation de la donation du 9 juin 1994 » et « débouté [F] [L] du surplus de ses demandes » ; 1° Alors que toute personne dont le lien de filiation à l'égard d'une autre personne est établi dispose, avant même le décès de cette dernière, d'un droit acquis dans son principe à lui succéder ; que ce droit acquis dans son principe d'un successible qui serait réservataire est protégé d'emblée par l'institution de la réserve héréditaire, quand bien même les modalités de calcul de ladite réserve, et, par suite, la détermination des réductions qui pourraient en découler, ne peuvent être établies qu'au décès de l'auteur de la personne considérée ; qu'au cas présent, Madame [F] [L] épouse [H] exposait que l'acte de révocation établi du 11 juillet 2005 par sa mère, [W] [Y] veuve [L], la veille d'une opération cardiaque, avait pour cause impulsive et déterminante de faire échec à la réunion fictive à la masse successorale de la valeur des titres que Monsieur [K] [L] avait acquis grâce à la donation par préciput et hors part du 9 juin 1994 ainsi révoquée, et de porter ainsi atteinte à la réserve (v. conclusions p. 24-32) ; que pour écarter toute atteinte à la réserve, la cour d'appel a retenu que « Madame [F] [L] n'avait, en 2005, acquis aucun droit sur la succession de sa mère », « le droit invoqué ne naissant qu'au décès de celui dans la succession duquel il est revendiqué » (arrêt p. 6, al. 3) ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'institution de la réserve protège le successible réservataire dont le lien de filiation avec le de cujus est établi, la cour d'appel a violé les articles 1108, 1131, et 1134 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 721, 722, 735, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil ; 2° Alors en tout état de cause que l'acte de révocation de la donation d'une somme d'argent ayant servi à l'acquisition d'un bien sujet à réunion fictive au décès du donateur poursuit un but illicite lorsqu'il est conclu afin d'effacer toute perspective de réunion fictive, parce que le bien précité a pris de la valeur depuis la donation, dans le but de faire échec aux règles de la réserve héréditaire ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la donation dont avait bénéficié son frère, Monsieur [K] [L], de la part de sa mère, [W] [Y] veuve [L], en 1994, avait été utilisée pour investir dans des titres de sociétés qui, en 1999, et plus encore en 2005, avaient pris une valeur considérable ; qu'il est constant que Monsieur [K] [L] avait souhaité réaliser cet investissement, en 1994, à l'aide de biens propres afin de tourner la difficulté liée à son mariage sous un régime de communauté ; que Madame [F] [L] épouse [H] exposait dans ses conclusions d'appel (p. 24-32) que l'acte révocatoire du 11 juillet 2005 avait été conclu, non pas dans l'intention de procurer des fonds à [W] [Y], qui n'en manquait pas, mais à seule fin de briser le mécanisme, protecteur de la réserve, de la réunion fictive des biens acquis en remploi, mécanisme attaché à la donation par préciput et hors part consentie le 9 juin 1994 ; que Madame [F] [L] épouse [H] soulignait (ses conclusions p. 30) que son frère, Monsieur [K] [L], avait tenté, déjà en 1999, d'effacer cette créance de valeur en tentant de faire accepter à sa soeur exposante une donation-partage qui aurait inclus la donation par préciput et hors part du 9 juin 1994 pour sa valeur d'origine (le nominal donné en 1994) ; qu'en considérant que ce calcul ayant présidé à la conclusion de l'acte révocatoire du 11 juillet 2005 ne serait pas établi au motif qu'en 2005, [W] [Y] était toujours en vie, de sorte que la réserve ne pouvait être définie dans tous ses éléments, et tout en constatant plus loin que cette révocation « était susceptible d'avoir des effets […] sur les droits successoraux futurs de ses héritiers » (arrêt p. 7, al. 2), la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, le mobile illicite pouvant parfaitement intégrer des droits futurs dont l'auteur de l'acte illicite souhaite paralyser le fonctionnement, violant dès lors les articles 1108, 1131, et 1134 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 721, 722, 735, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil ; 3° Alors par ailleurs que la cause du contrat, ou cause subjective, qui doit être licite, s'entend des mobiles ayant conduit les contractants à s'engager ; qu'au cas présent, Madame [F] [L] épouse [H] avait souligné dans ses conclusions d'appel (not. p. 21-24) que la cause de l'acte révocatoire résidait dans la volonté de ses auteurs de faire échec aux règles de la réserve héréditaire à propos de la donation effectuée en 1994 ; qu'en considérant qu'il s'agissait-là de « mobiles » et que « les mobiles ayant présidé à la révocation litigieuse sont indifférents », dès l'instant où la révocation d'une donation est, en soi, un acte autorisé par la loi, la cour d'appel, qui a méconnu la notion de cause du contrat, a violé les articles 1108, 1131 et 1133 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ; 4° Alors, en outre, que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'au cas d'espèce, Madame [F] [L] épouse [H] avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que le mobile illicite de la renonciation effectuée en 2005 s'induisait de la tentative ratée d'incorporation de la donation de 1994 à un projet de donation-partage élaborée en 1999, où la donation de 1994 avait été évaluée au nominal de la donation et non à la mesure de la valeur des titres acquis grâce à ces fonds, ce qui était de nature à révéler l'intention frauduleuse des auteurs de la renonciation intervenue en 2005, Madame [F] [L] épouse [H] ayant à juste titre refusé de signer ce projet de donation-partage (conclusions, p. 30) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, car de nature à révéler l'intention frauduleuse animant l'acte de renonciation de 2005, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5° Alors que, en tout état de cause, constitue un montage frauduleux la donation d'une somme d'argent suivie d'une révocation rétroactive en ce que le donateur et le donataire se réservent ainsi la libre possibilité de moduler l'ampleur de l'actif successoral, donc de la réserve héréditaire et de la quotité disponible, et ce en violation des droits les plus fondamentaux des héritiers réservataires ; qu'en jugeant pourtant licite, et même, par motif éventuellement adopté du premier juge, intrinsèquement de nature à « rétablir l'égalité entre les potentiels héritiers » (jugement p. 8), la révocation rétroactive de la donation du 9 juin 1994, la cour d'appel a violé les articles 721, 722, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ; 6° Alors, sur la question subsidiaire de l'efficacité de la révocation à l'égard des tiers, que la révocation d'une donation par préciput et hors part intervenue sans l'accord des successibles porte atteinte à leurs droits ; qu'elle ne leur est donc pas pleinement opposable ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré au contraire que l'acte révocatoire de 2005, qui aurait totalement effacé tous les droits nés de la donation initiale de 1994 entre les parties à l'acte, aurait été, en cela, pleinement opposable aux successibles, et notamment à Madame [F] [L] épouse [H], dans la mesure où, selon la cour d'appel, celle-ci n'aurait eu aucun droit acquis à la date de la révocation, « en l'absence de situation juridiquement constituée au profit d'un tiers » (arrêt p. 6, dernier al.) ; qu'en statuant ainsi, cependant que Madame [F] [L] épouse [H], en tant que successible, disposait d'un droit acquis dans son principe à la réserve, donc au mécanisme de la réunion fictive, qui interdisait de considérer que la révocation par simple restitution du nominal donné à l'origine avait pu effacer tout lien de droit né de la donation initiale de 1994, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1108 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 721, 722, 735, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil ; 7° Alors, en tout état de cause, sur cette question de l'efficacité à l'égard des tiers de l'acte révocatoire, que la révocation d'une donation par préciput et hors part de somme d'argent ayant servi à l'acquisition de parts sociales, si elle est réalisée sans le consentement à l'acte de tous les successibles et qu'elle ne donne lieu qu'à paiement, par le donataire, du nominal de la donation initiale, n'efface pas rétroactivement et dans son intégralité l'acte initial ; qu'en particulier, subsiste, au bénéfice des successibles, le droit à la réunion fictive qui est lié à la circonstance que la donation a été effectuée par préciput et hors part et qu'elle a donné lieu à remploi ; qu'au cas présent, après avoir considéré que l'acte révocatoire de 2005 n'était pas nul pour cause illicite, la cour d'appel a retenu que la révocation « rétabli[ssait] » « chacune des parties » « dans la situation patrimoniale qui aurait été la sienne à défaut de conclusion de la libéralité révoquée » (arrêt p. 6, avant-dernier al.) et que cette révocation serait marquée par une « rétroactivité, entraînant en conséquence l'anéantissement de l'acte révoqué » (arrêt p. 6, dernier al.). ; que la cour d'appel a encore retenu qu'[W] [Y] ne disposait, en 2005, d'aucune « créance de revalorisation de la libéralité, qui n'était pas née à la date de la révocation de celle-ci » (arrêt p. 7, al. 1er), cette « créance de revalorisation » n'apparaissant, selon la cour, qu'au décès de la donatrice, en cas de maintien intégral de la donation à cette dernière date ; qu'en statuant ainsi, cependant que la donation par préciput et hors part faisant naître des droits au bénéfice des successibles (droit au mécanisme de la réunion fictive), elle ne peut être parfaitement effacée, par un acte révocatoire conclu sans le consentement de tous les successibles, que si ces droits sont purgés, la cour d'appel, qui a raisonné comme si la donation, et sa révocation ultérieure, n'étaient que des contrats du code civil dominés par l'autonomie de la volonté et n'engageant que les individus les concluant, niant dès lors la dimension familiale et institutionnelle des actes en cause, a violé les articles 1134 et 1108 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 721, 722, 735, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil.
Il résulte des articles 1131 et 1133 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu'un contrat n'est valable que si les motifs ayant déterminé les parties à contracter sont licites. Dès lors, une cour d'appel ne peut déclarer valable la révocation par consentement mutuel d'une donation sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la cause de l'acte révocatoire ne résidait pas dans la volonté des parties de contourner les dispositions d'ordre public de l'article 922 du code civil
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 860 FS-B Pourvoi n° S 21-12.128 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 Mme [K] [C] divorcée [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-12.128 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre de la famille), dans le litige l'opposant à M. [G] [X], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [C], et l'avis de M.Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen Mme Antoine, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, conseillers, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 8 décembre 2020), un jugement du 29 mai 2019 a prononcé le divorce de Mme [C] et de M. [X]. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Mme [C] fait grief à l'arrêt de fixer à 50 000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire mise à sa charge et de la condamner, en tant que de besoin, à payer cette somme à M. [X], alors « que toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en fixant à 50 000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire qui devra être mise à sa charge, et en la condamnant en tant que de besoin à payer cette somme à M. [X], sur le fondement de l'article 270 du code civil alors que celui-ci, en ce qu'il pose un principe très général d'attribution d'une prestation compensatoire à un époux visant à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, sans prise en compte des causes du divorce, de la situation financière de l'époux demandeur qui devrait se trouver dans une situation de besoin ou de la cause de la disparité dans les conditions de vie respectives et ne pose que des exceptions résiduelles et insuffisantes à ce principe d'attribution ; qu'en outre, la compensation est allouée sans limite de temps, au regard de la durée de vie restante des époux après leur divorce ; qu'en appliquant cette disposition qui ne ménage pas un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, la cour d'appel a violé l'article 1, § 1, du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 4. L'article 270 du code civil, en ce qu'il prévoit la possibilité d'une condamnation pécuniaire de l'époux débiteur de la prestation compensatoire est de nature à porter atteinte au droit de celui-ci au respect de ses biens, au sens autonome de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 5. En visant à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée, avec la disparition du devoir de secours, dans les conditions de vie respectives des époux et en prévoyant le versement d'une prestation compensatoire sous la forme d'un capital, ce texte poursuit le but légitime à la fois de protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorable au moment du divorce et de célérité dans le traitement des conséquences de celui-ci. 6. L'octroi d'une prestation compensatoire repose sur plusieurs critères objectifs, définis par le législateur et appréciés souverainement par le juge afin de tenir compte des circonstances de l'espèce, et ne peut être décidé qu'au terme d'un débat contradictoire, en fonction des éléments fournis par les parties. 7. C'est ainsi que, selon l'article 270, alinéa 2, du code civil, l'existence d'une disparité dans les conditions de vie des époux à la date de la rupture s'apprécie au regard des ressources, charges et patrimoine de chacun des époux au moment du divorce, ainsi que de leur évolution dans un avenir prévisible, et qu'elle n'ouvre droit au bénéfice d'une prestation compensatoire au profit de l'époux qui subit cette disparité que si celle-ci résulte de la rupture du mariage, à l'exclusion de toute autre cause. 8. Selon l'article 270, alinéa 3, du code civil, le juge peut toutefois refuser d'accorder une prestation compensatoire si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, tels que l'âge des époux, leur situation au regard de l'emploi ou les choix professionnels opérés par eux, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. 9. Il en résulte que ces dispositions ménagent un juste équilibre entre le but poursuivi et la protection des biens du débiteur sur lequel elles ne font pas peser, par elles-mêmes, une charge spéciale et exorbitante. 10. C'est sans violer l'article 1er précité que la cour d'appel a condamné Mme [C] à payer à M. [X], sur le fondement de l'article 270 du code civil, un capital de 50 000 euros à titre de prestation compensatoire. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme [C]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [C] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR prononcé le divorce entre les époux aux torts partagés, D'AVOIR débouté Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 266 du code civil et DE L'AVOIR condamnée à payer à son ex époux une prestation compensatoire, 1°) ALORS QU'en cas de présentation d'une demande principale en divorce pour faute, le défendeur qui a formé en première instance une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal ne peut y substituer, en appel, une demande reconventionnelle en divorce pour faute ; que M. [X], qui demandait en première instance que le divorce soit prononcé pour altération définitive du lien conjugal, ne pouvait demander à la cour d'appel de prononcer le divorce aux torts exclusifs de Mme [C] ; qu'en examinant néanmoins cette demande, et en prononçant le divorce aux torts partagés des époux, la cour d'appel a violé l'article 1077 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, le divorce pour faute peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits sont constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage, qui sont imputables à son conjoint et qui rendent intolérable le maintien de la vie commune ; qu'une relation extraconjugale peut, compte tenu des circonstances, ne pas présenter le caractère de gravité requis pour en faire une cause de divorce ; qu'en l'espèce, Mme [C] et M. [X] ont signé, le 26 mars 2012, une « dérogation à l'article 212 du code civil » aux termes duquel ils s'accordaient « mutuellement la possibilité d'avoir des aventures extra-conjugales » ; qu'en jugeant néanmoins que la relation adultère de Mme [C] constituait par elle-même une faute au sens de l'article 242 du code civil, sans rechercher si l'accord du 26 mars 2012 n'était pas de nature à lui enlever le caractère de gravité qui pouvait en faire une cause de divorce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 242 du code civil ; 3°) ALORS QUE les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie ; que constitue une violation grave des devoirs et obligations du mariage, l'abandon du domicile conjugal ; que la cour d'appel, en fixant, par confirmation du jugement, les effets du divorce, dans les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens, au 24 août 2013, date du départ de M. [X], a constaté l'abandon du domicile conjugal par ce dernier ; en omettant néanmoins, pour prononcer le divorce aux torts partagés des époux, de prendre en considération cette faute initiale de l'époux, la cour d'appel a violé l'article 215 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Mme [C] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé à 50.000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire qui devra être mise à sa charge, et de l'avoir condamnée en tant que de besoin à payer cette somme à M. [G] [X] 1°) ALORS QUE la déclaration d'inconstitutionnalité, après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé, privera la condamnation de Mme [C] au versement d'une prestation compensatoire de tout fondement juridique,au regard des articles 61-1 et 62 de la Constitution ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, l'un des époux ne peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage ; qu'il peut être déduit des choix de vie effectués en commun par les époux durant l'union que la disparité constatée ne résulte pas de la rupture ; que, dans ses écritures d'appel Mme [C] faisait valoir que M. [X] avait volontairement fait le choix d'exercer une activité de consultant et de formateur quand, titulaire du diplôme d'expertise comptable obtenu très jeune, il aurait pu exercer cette profession nettement plus rémunératrice que son activité présente, et pourrait encore, à tout moment, demander son inscription à l'ordre des experts comptables, de sorte que la différence de revenus existant entre les époux résultait uniquement des choix personnels de M. [X] ; qu'en énonçant qu'il ne lui appartenait pas d'émettre un avis sur les orientations professionnelles choisies par M. [X], la cour d'appel a refusé de prendre en considération les choix personnels de l'époux, violant ainsi l'article 270 du code civil ; 3°) ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions opérantes de Mme [C] faisant valoir que les revenus déclarés par M. [X] depuis leur séparation étaient manifestement obérés par ses manoeuvres consistant à les altérer artificiellement avant le prononcé du divorce dans le seul but d'obtenir une prestation compensatoire plus élevée, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS ENCORE QUE Mme [C], expert-comptable, démontrait que les résultats déclarés par les sociétés dirigées par M. [X] étaient anormalement faibles par rapport aux chiffres d'affaires réalisés par ces sociétés, qui versaient par ailleurs des revenus non déclarés à M. [X] sous forme de dividendes ou d'indemnités kilométriques particulièrement élevés, de sorte que la différence de revenus existant entre les époux procédait de dissimulations de M. [X] ; qu'en énonçant que si Mme [C] faisait état de ce que les sociétés de M. [X] présentaient des curiosités comptables, il n'appartenait pas à la cour de se prononcer sur la façon dont étaient gérées les sociétés de l'intimé, la cour d'appel a refusé de prendre en considération les dissimulations de l'époux, violant l'article 270 du code civil ; 5°) ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusions de Mme [C] démontrant que l'estimation du montant des droits à la retraite invoquée par M. [X] reposait sur l'hypothèse d'une évolution défavorable basée sur une poursuite irrégulière de sa carrière professionnelle et une baisse de ses revenus jusqu'à son départ à la retraite qui ne correspondait pas à la réalité de sa situation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6°) ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusions de Mme [C] démontrant que l'estimation du montant des droits à la retraite invoquée par M. [X] était obérée par la minoration volontaire de son revenu pendant l'instance en divorce, ainsi que par son refus d'exercer une profession plus lucrative et par son oisiveté, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (tout aussi subsidiaire) Mme [C] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé à 50.000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire qui devra être mise à sa charge, et de l'avoir condamnée en tant que de besoin à payer cette somme à M. [G] [X] ; 1°) ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en fixant à 50.000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire qui devra être mise à sa charge, et en la condamnant en tant que de besoin à payer cette somme à M. [X], sur le fondement de l'article 270 du code civil alors que celui-ci, en ce qu'il pose un principe très général d'attribution d'une prestation compensatoire à un époux visant à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, sans prise en compte des causes du divorce, de la situation financière de l'époux demandeur qui devrait se trouver dans une situation de besoin ou de la cause de la disparité dans les conditions de vie respectives et ne pose que des exceptions résiduelles et insuffisantes à ce principe d'attribution ; qu'en outre, la compensation est allouée sans limite de temps, au regard de la durée de vie restante des époux après leur divorce ; qu'en appliquant cette disposition qui ne ménage pas un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, la cour d'appel a violé l'article 1, paragraphe 1, du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°) ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; que l'un des époux ne peut, en tout état de cause, être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage ; qu'il peut être déduit des choix de vie effectués en commun par les époux durant l'union que la disparité constatée ne résulte pas de la rupture ; qu'en condamnant néanmoins Mme [C] au paiement d'une prestation compensatoire d'un montant de 50.000 euros à M. [X], dans ce contexte où la disparité dans les conditions de vie respectives de M. [X] et Mme [C] résultait du fait que M. [X] avait volontairement fait le choix d'exercer une activité de consultant et de formateur quand, titulaire du diplôme d'expertise comptable obtenu très jeune, il aurait pu exercer cette profession nettement plus rémunératrice que son activité présente, et pourrait encore, à tout moment, demander son inscription à l'ordre des experts comptables, de sorte que la différence de revenus existant entre les époux résultait uniquement des choix personnels de M. [X], la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété et ainsi violé l'article 1, paragraphe 1, du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Les dispositions de l'article 270 du code civil, en ce qu'elles prévoient la possibilité d'une condamnation pécuniaire de l'époux débiteur de la prestation compensatoire, poursuivent le but légitime à la fois de protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorable au moment du divorce et de célérité dans le traitement des conséquences de celui-ci. Elles ménagent un juste équilibre entre ce but légitime et la protection des biens du débiteur sur lequel elles ne font pas peser, par elles-mêmes, une charge spéciale et exorbitante. En conséquence, ces dispositions ne contreviennent pas au droit au respect des biens du débiteur de la prestation compensatoire, tel que garanti par l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 864 F-B Pourvoi n° R 21-14.726 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [S] [Z], épouse [U], 2°/ M. [R] [U], domiciliés tous deux [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° R 21-14.726 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [T] [I], domicilié [Adresse 3] (Belgique), 2°/ à Mme [V] [K], domiciliée [Adresse 1], prise en qualité d'administratrice ad hoc représentant [J] [F] [U], mineure, 3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [U], après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2021), rendu sur renvoi après cassation (Civ., 1re, 4 mars 2020, n° 18-26.661), l'enfant [J] [F], née le 26 août 2010 à [Localité 5] (Allemagne), a été déclarée à l'état civil comme née de Mme [Z] et de M. [U], son époux. 2. Un jugement du 10 mars 2015 a dit que M. [U] n'était pas le père de [J] [F]. 3. M. [I] a reconnu [J] [F] devant l'officier d'état civil de [Localité 6] le 28 août 2015. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme [Z] et M. [U] font grief à l'arrêt de constater que M. [I] a reconnu [J] [F] devant l'officier d'état civil de [Localité 6] le 28 août 2015, alors « qu'en application de l'article 320 du code civil, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'un autre filiation qui la contredirait ; qu'à la date du 28 août 2015, date de la reconnaissance émanant de M. [I], le lien de filiation de l'enfant avec M. [R] [U], constaté par l'acte de naissance de l'enfant, n'était pas anéanti puisqu'il ne l'a été, eu égard à l'effet suspensif de l'appel, que par l'arrêt du 16 mars 2021 ; que cette règle d'ordre public, que les juges du fond devaient au besoin appliquer d'office, s'opposait au constat des effets d'une reconnaissance au profit de M. [I] ; qu'en décidant le contraire, les juges d'appel ont violé les articles 6 et 320 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 320 du code civil, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait. 6. Il résulte de ce texte que la reconnaissance d'un enfant qui a déjà une filiation légalement établie n'est pas nulle, mais est seulement privée d'effet, tant que cette filiation n'a pas été anéantie en justice. 7. Après avoir retenu que M. [U] n'était pas le père de [J] [F], la cour d'appel a constaté que celle-ci avait été reconnue par M. [I]. 8. Elle en a déduit à bon droit que cette reconnaissance produisait ses effets, hors toute action en établissement de paternité. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [Z] et M. [U] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [U] L'arrêt attaqué, critique par Madame [Z] et Monsieur [U], encourt la censure ; EN CE QUE, s'il a décidé à bon droit d'infirmer le jugement ayant déclaré que Monsieur [I] était le père de l'enfant [J] [F] [U], il a constaté que Monsieur [I] avait reconnu l'enfant [J] [F] [U] devant l'officier d'état civil de [Localité 6] le 28 août 2015 ; ALORS QUE, en application de l'article 320 du Code civil, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'un autre filiation qui la contredirait ; qu'à la date du 28 août 2015, date de la reconnaissance émanant de Monsieur [I], le lien de filiation de l'enfant avec Monsieur [R] [U], constaté par l'acte de naissance de l'enfant, n'était pas anéanti puisqu'il ne l'a été, eu égard à l'effet suspensif de l'appel, que par l'arrêt du 16 mars 2021 ; que cette règle d'ordre public, que les juges du fond devaient au besoin appliquer d'office, s'opposait au constat des effets d'une reconnaissance au profit de Monsieur [I] ; qu'en décidant le contraire, les juges d'appel ont violé les articles 6 et 320 du Code civil.
Il résulte de l'article 320 du code civil que la reconnaissance d'un enfant qui a déjà une filiation légalement établie n'est pas nulle, mais est seulement privée d'effet, tant que cette filiation n'a pas été anéantie en justice
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CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 865 F-B Pourvoi n° Y 21-16.366 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 Mme [O] [F], épouse [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-16.366 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre spéciale des mineurs 2-5), dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, 20 place Verdun, 13616 Aix-en-Provence, 2°/ à Mme [C] [E], placée à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du Var, [Adresse 5], 3°/ à M. [U] [R], 4°/ à Mme [Z] [R], tous deux domiciliés [Adresse 4], 5°/ à l'Aide sociale à l'enfance (ASE), dont le siège est [Adresse 5], 6°/ à l'[6] ([6]), dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 mars 2021), [C], née le [Date naissance 3] 2006 en Algérie, a été confiée le 17 janvier 2018, selon la procédure de kafala, à Mme [E]. 2. Un jugement du 24 février 2020 a ordonné son placement auprès de M. et Mme [R] en qualité de tiers digne de confiance, ordonné une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert et réservé les droits de visite et d'hébergement de Mme [E]. 3. Un jugement du 28 août 2020 a ordonné la mainlevée des deux premières mesures, confié [C] à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du Var, accordé à Mme [R] et Mme [E] un droit de correspondance et réservé les droits de visite et d'hébergement de celle-ci. 4. Un jugement du 10 septembre 2020 a, notamment, maintenu le placement jusqu'au 30 septembre 2021. Examen des moyens Sur le premier et le troisième moyens, ci après annexés 5. En application de l'article 1014 alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 6. Mme [E] fait grief à l'arrêt de maintenir le placement de [C] à l'ASE du Var à compter du 10 septembre 2020 et jusqu'au 30 septembre 2021, alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge ; qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par les parents de l'enfant jusqu'à la veille de l'audience ; que les convocations informent les parties de cette possibilité de consulter le dossier ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme [O] [E] ait été avisée de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle ait été mise en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction, et notamment du rapport d'actualisation de l'Aide Sociale à l'Enfance transmis à la cour d'appel le 17 février 2021, soit à peine sept jours avant la date de l'audience d'appel ; qu'en procédant ainsi, la courd'appel a violé les articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile et les articles 1182, 1187 et 1193 du même code : 7. Il résulte du premier de ces textes que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement. Cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge. 8. Il résulte de la combinaison des derniers qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par les parties jusqu'à la veille de l'audience. Les convocations les informent de cette possibilité de consulter le dossier. 9. Il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme [E] ait été avisée de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe. 10. En procédant ainsi, alors qu'il n'est pas établi que Mme [E] ait été mise en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction et, par suite, de les discuter utilement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, les mesures critiquées ayant épuisé leurs effets. PAR, CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne Mme [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme [E]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [O] [E] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande d'annulation du jugement, d'avoir confirmé le jugement en entrepris en toutes ses dispositions et d'avoir dit n'y avoir lieu à évocation ; Alors, d'une part, que l'ouverture d'une mesure d'assistance éducative impose au juge d'en aviser et d'entendre chacun des parents de l'enfant, dans le respect du principe du contradictoire ; que le non-respect de cette règle emporte la nullité du jugement de placement de l'enfant, sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve d'un grief ; qu'en retenant, pour débouter Mme [O] [E] de sa demande de nullité du jugement, que cette dernière « ne démontre pas [que le défaut d'audition de la mère biologique ] lui fait personnellement grief, ce qu'il lui appartient de prouver, ou fait grief à l'enfant », quand le simple constat de l'absence d'audition de Mme [J] suffisait pourtant à rendre la procédure irrégulière et à entraîner la nullité du jugement, la cour d'appel a violé les articles 16, 1182, 1188 et 1189 du code de procédure civile, ensemble l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; Alors, d'autre part, que l'ouverture d'une mesure d'assistance éducative impose au juge d'en aviser et d'entendre chacun des parents de l'enfant, dans le respect du principe du contradictoire ; que les père et mère devant être avisés et entendus sont les personnes qui ont un lien juridique de filiation préalablement établi avec l'enfant, qu'ils exercent ou non l'autorité parentale et quel que soit le lieu de résidence du mineur ou l'investissement du parent auprès de lui ; qu'en retenant pourtant, pour débouter Mme [O] [E] de sa demande en nullité du jugement, que l'enfant « exprime en outre sa volonté de ne pas retourner en Algérie », que « Madame [J] a consenti à renoncer, par l'acte de recueil légal, à l'exercice de l'ensemble des droits habituellement attachés à la qualité de parent » et que cette dernière ne possède aucun des attributs de l'autorité parentale, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à écarter la nullité du jugement, en violation des articles 16, 1182, 1188 et 1189 du code de procédure civile et de l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; Alors, de troisième part, que la règle imposant l'avis et l'audition des parents du mineur avant toute décision portant sur l'assistance éducative a pour fondement l'intérêt de l'enfant ; que par suite, un manquement à cette règle emporte nécessairement la nullité du jugement, sans que ce manquement puisse être régularisé lors d'une audience ultérieure ; qu'en retenant cependant que « l'omission soulevée, qu'il appartiendra au juge des enfants saisi de la procédure civile de réparer dans l'intérêt de la mère biologique et l'éventuel intérêt de la mineure lorsqu'il apparaîtra nécessaire de l'évaluer en ce sens, ne saurait emporter nullité de la procédure et des actes accomplis », la cour d'appel a encore violé les articles 16, 1182, 1188 et 1189 du code de procédure civile, ensemble l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; Alors, de quatrième part, que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel, l'exposante faisait valoir au soutien de sa demande en nullité du jugement que les autorités algériennes de protection de l'enfance auraient dû – conformément à l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant – être avisées et entendues par le juge des enfants avant que celui-ci ne rende sa décision de placement (conclusions pp. 16-17) ; qu'en se bornant à relever que le défaut de convocation de la mère biologique n'était pas susceptible d'entraîner la nullité du jugement et en relevant par ailleurs qu'il n'y avait pas lieu « à évocation sur les demandes tendant (...) à l'avis des autorités algériennes », sans répondre au moyen péremptoire de nullité tiré du défaut d'audition des autorités algériennes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mme [O] [E] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir maintenu le placement de [C] [E] à l'Aide Sociale à l'Enfance du Var à compter du 10 septembre 2020 et jusqu'au 30 septembre 2021 ; Alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge ; qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par les parents de l'enfant jusqu'à la veille de l'audience ; que les convocations informent les parties de cette possibilité de consulter le dossier ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme [O] [E] ait été avisée de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle ait été mise en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction, et notamment du rapport d'actualisation de l'Aide Sociale à l'Enfance transmis à la cour d'appel le 17 février 2021, soit à peine sept jours avant la date de l'audience d'appel ; qu'en procédant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Mme [O] [E] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir maintenu le placement de [C] [E] à l'Aide Sociale à l'Enfance du Var à compter du 10 septembre 2020 et jusqu'au 30 septembre 2021 ; Alors, d'une part, qu'une mesure de placement ne peut être ordonnée que si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a notamment relevé, par motifs propres, que Mme [O] [E] était décrite par les services sociaux comme « auto-centrée, peu accessible à la remise en cause personnelle », qu'elle avait « un discours rigide consistant à rejeter sur [C] et autrui d'une manière générale la responsabilité des dysfonctionnements de la relation enfant-recueillante », qu'elle était « dans une forte attente vis-à-vis de [C] », qu'elle n'avait « vraisemblablement pas été en mesure d'appréhender avec suffisamment de bienveillance et de souplesse les difficultés particulières de [C] » et qu'elle a réagi en « tenant des propos négatifs ou dévalorisants à l'égard de la mineure » ; qu'elle a également énoncé, par motifs adoptés des premiers juges, que « l'expertise psychologique de Madame [E] indique que cette dernière présente une "dépression réactionnelle" » du fait de la rupture avec sa famille et du choc traumatique de la disparition de sa fille biologique ; que de tels motifs, qui se concentrent sur la personnalité de Mme [O] [E], sont toutefois impropres à caractériser en quoi la santé, la sécurité ou la moralité de l'enfant seraient en danger, ou en quoi les conditions de son éducation ou de son développement seraient gravement compromises ; qu'en maintenant toutefois le placement de l'enfant auprès de l'Aide Sociale à l'Enfance, sans caractériser la situation de danger dans laquelle la mineure se serait trouvée, la cour d'appel a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article 375 du code civil ; Alors, d'autre part, qu'une mesure de placement ne peut être ordonnée que si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ; que la cour d'appel a constaté en l'espèce que les accusations de violence de [C] n'était accréditées que « de prime abord » et n'étaient « pas autrement documentées au stade actuel de la procédure » et que [C] « adoptait des discours différents en fonction de son interlocuteur qui peut induire celui-ci à penser qu'elle a menti » ; qu'elle a également relevé qu'il pouvait être « donné acte » à Mme [O] [E] des « nombreuses pièces attestant de la qualité de sa prise en charge, en particulier au niveau scolaire » et que cette dernière « [justifiait] de la mise en place d'un suivi thérapeutique » ; qu'en confirmant toutefois le placement de l'enfant auprès de l'Aide Sociale à l'Enfance, quand elle constatait elle-même que les accusations de maltraitance de l'enfant n'étaient pas avérées et que Mme [O] [E] mettait au contraire tout en oeuvre pour améliorer sa relation avec l'enfant, de sorte que la mineure n'était pas en danger, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 375 et 375-3 du code civil. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Mme [O] [E] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, d'avoir dit n'y avoir lieu à évocation et de l'avoir déboutée de ses demandes plus amples ou contraires ; Alors, d'une part, que s'il est en principe interdit aux parties de présenter des demandes nouvelles en cause d'appel, sont toutefois recevables les demandes qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ou les demandes nouvelles qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément des prétentions formulées en première instance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [O] [E] avait présenté des demandes d'instruction directement en cause d'appel ; que pour refuser d'y répondre, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il n'était « pas de bonne justice en l'espèce d'évoquer et de statuer sur [ces demandes], d'une part parce que le juge des enfants reste saisi de la procédure, qui se poursuit, et peut à tout moment prendre de nouvelles mesures, notamment sur la demande des parties, d'autre part parce qu'il convient de conserver autant que possible la possibilité de permettre aux parties de bénéficier du double degré de juridiction » ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, au besoin d'office, si les demandes de Mme [O] [E] ne tendaient pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ou si ces demandes ne constituaient pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles présentées en première instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile ; Alors, d'autre part, que s'il est en principe interdit aux parties de présenter des demandes nouvelles en cause d'appel, sont toutefois recevables les demandes qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ou les demandes nouvelles qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément des prétentions formulées en première instance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [O] [E] avait présenté des demandes d'instruction directement en cause d'appel ; qu'en se contentant d'opposer, pour refuser d'y répondre, qu'il n'était « pas de bonne justice en l'espèce d'évoquer et de statuer sur [ces demandes], d'une part parce que le juge des enfants reste saisi de la procédure, qui se poursuit, et peut à tout moment prendre de nouvelles mesures, notamment sur la demande des parties, d'autre part parce qu'il convient de conserver autant que possible la possibilité de permettre aux parties de bénéficier du double degré de juridiction », la cour d'appel s'est fondée sur des circonstances inopérantes et a ainsi violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile.
Viole les articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile une cour d'appel qui maintient le placement d'un mineur à l'aide sociale à l'enfance sans qu'il ressorte, ni des énonciations de l'arrêt, ni des pièces de la procédure, que les parties aient été avisées de la faculté qui leur était ouverte de consulter le dossier au greffe, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elles aient été mises en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction et, par suite, de les discuter utilement
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 873 F-B Pourvoi n° G 20-22.903 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [Z]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 octobre 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [U] [Z], domiciliée [Adresse 2], 2°/ l'union départementale des associations familiales (UDAF), dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de curatrice de Mme [U] [Z], ont formé le pourvoi n° G 20-22.903 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2 - 5), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [T] [C], domicilié [Adresse 2], 2°/ à l'aide sociale à l'enfance du Var, dont le siège est [Adresse 6], 3°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié [Adresse 7], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [Z] et de l'union départementale des associations familiales, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l'aide sociale à l'enfance du Var, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2019), de l'union de M. [C] et de Mme [Z] est issu [N] [C], né le [Date naissance 4] 2010. 2. Le 19 septembre 2018, le président du conseil départemental du Var a déposé une requête aux fins de déclaration judiciaire de délaissement parental de l'enfant à l'égard de ses deux parents. Examen du moyen Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches Enoncé du moyen 4. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer délaissé son fils, alors : 4°/ que la cour d'appel a constaté, d'une part, que le droit de visite de la mère avait été suspendu par jugement du 4 juillet 2016, d'autre part, qu'aux termes de l'expertise psychologique ordonnée le 30 juin 2016, Mme [Z] présentait une structuration « limite », marquée par l'immaturité, la dépendance affective et la crainte de l'effondrement avec toutefois un ancrage à la réalité assez préservé, et l'expert relevait chez la mère un certain retard mental, semblant résulter de troubles envahissants du développement durant l'enfance pour lesquels elle n'aurait pas été suivie, constatait qu'elle conservait une forte immaturité affective et aurait connu des passages dépressifs la conduisant à être hospitalisée en psychiatrie, et enfin que Mme [Z] préférait communiquer avec son fils par textos ; qu'en se bornant dès lors à affirmer que Mme [Z] ne s'était pas saisie de la possibilité de maintenir un lien mère-enfant qui lui était offerte par la voie d'un droit de correspondance médiatisée instaurée par la décision du 4 juillet 2016 et ne posait en outre aucun acte concret pour attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils, sans rechercher si Mme [Z] n'avait pas, dans la mesure de ses possibilités, entretenu avec son fils, entre le 19 septembre 2017 et le 19 septembre 2018, les relations nécessaires à son éducation ou à son développement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 381-1 et 381-2 du code civil ; 5°/ qu'en toute hypothèse, l'intérêt supérieur de l'enfant est une norme supra-légale qui doit être pris en considération dans toutes les décisions concernant les enfants et qui permet au juge, au regard des circonstances particulières du dossier et si l'intérêt de l'enfant l'exige, de rejeter la demande de déclaration judiciaire de délaissement parental, alors même que les conditions légales posées à l'article 381-1 du code civil seraient réunies ; qu'en affirmant que « les progrès et la réassurance de [N] constatés à compter du moment où il n'avait plus été obligé de rencontrer ses parents en 2016 démontraient qu'il était de l'intérêt supérieur du mineur d'être libéré du lien avec ses parents biologiques afin de pouvoir se construire », sans rechercher si le maintien par Mme [Z] d'un lien avec son fils par textos n'avait pas participé aux progrès et à la réassurance de [N], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 § 1 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 381-1 du code civil, un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l'année qui précède l'introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit. 6. La cour d'appel a retenu que Mme [Z] ne s'était pas saisie du droit de visite médiatisée organisé dès la naissance de [N] en vue de la soutenir, compte tenu de sa fragilité psychique, dans la création d'un lien avec son enfant, et que ce dispositif avait été mis en échec par son inconstance dans l'exercice de ce droit, ainsi que par son absence de prise en compte des besoins de l'enfant, dont le mal-être avait été constaté, avant comme après les rencontres avec ses parents, par les intervenants éducatifs et médicaux sociaux. 7. Elle a relevé que Mme [Z] ne s'était pas plus saisie du droit de correspondance médiatisé instauré en 2016 au moment de la suspension du droit de visite et n'avait, depuis, posé aucun acte concret permettant d'attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils. 8. Elle a estimé que les démarches destinées à restaurer le lien avec [N] et entreprises par le service gardien sous le contrôle du juge pendant plusieurs années avaient maintenu l'enfant dans un état d'insécurité affective et entravé son bon développement, ce qui justifiait de le libérer du lien avec ses parents biologiques, des progrès de celui-ci ayant été constatés depuis la fin des visites obligatoires. 9. La cour d'appel, qui a ainsi caractérisé une situation de délaissement de l'enfant au sens de l'article 381-1 du code civil pendant l'année précédant l'introduction de la requête en se déterminant en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, a légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] et l'union départementale des associations familiales Madame [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré délaissé l'enfant [N] [C], né le [Date naissance 4] 2010 à La Seyne-sur-mer, par ses père et mère, M. [T] [C] né le [Date naissance 5] 1964 à Toulon et Madame [U] [Z], née le [Date naissance 3] 1986 à La Seyne-sur-mer, et d'AVOIR délégué l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant [N] [C] au Conseil général du Var ; 1/ ALORS QUE l'article 1205-1 du Code de procédure civile dispose que lorsqu'une procédure d'assistance éducative a été diligentée à l'égard d'un enfant, « dans tous les cas, le juge des enfants fait connaître son avis au regard de la procédure d'assistance éducative en cours » ; que la nullité résultant de l'omission de l'avis du juge des enfants est encourue sans qu'il y ait lieu de justifier d'un grief résultant de cette omission ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 114 du code de procédure civile ; 2/ ALORS QU'à supposer même que la nullité n'ait pu être prononcée qu'en l'état d'un grief causé par l'omission, l'avis du juge des enfants, lequel est le mieux placé pour dire si l'enfant a été délaissé, visant à ajouter au contenu du dossier, son absence a nécessairement causé un grief à la mère ; qu'en écartant la nullité résultant de l'absence d'avis du juge des enfants, aux motifs que les parties avaient pu débattre de chacun des éléments de la procédure d'assistance éducative communiquée par le juge des enfants et que la mère ne rapportait pas la preuve du grief ainsi causé, la Cour d'appel aurait donc encore violé l'article 1205-1 du Code de procédure civile et l'article 114 du Code de procédure civile ; 3/ ALORS QU'en application de l'article 381-1 du Code civil, « un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l'année qui précède l'introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit », c'est- à-dire, en l'espèce, pendant l'année qui a précédé la requête du 19 septembre 2018 ; qu'en se déterminant au regard du comportement de la mère entre l'année 2010 et le jugement du 4 juillet 2016 ayant suspendu ses droits de visite ou, à tout le moins, le 19 septembre 2018, la Cour d'appel a violé cette dernière disposition ; 4/ ALORS QUE la Cour d'appel a constaté, d'une part, que le droit de visite de la mère avait été suspendu par jugement du 4 juillet 2016, d'autre part, qu'aux termes de l'expertise psychologique ordonnée le 30 juin 2016, Madame [Z] présentait une structuration « limite », marquée par l'immaturité, la dépendance affective et la crainte de l'effondrement avec toutefois un ancrage à la réalité assez préservé, et l'expert relevait chez la mère un certain retard mental, semblant résulter de troubles envahissants du développement durant l'enfance pour lesquels elle n'aurait pas été suivie, constatait qu'elle conservait une forte immaturité affective et aurait connu des passages dépressifs la conduisant à être hospitalisée en psychiatrie, et enfin que Madame [Z] préférait communiquer avec son fils par textos ; qu'en se bornant dès lors à affirmer que Madame [Z] ne s'était pas saisie de la possibilité de maintenir un lien mère-enfant qui lui était offerte par la voie d'un droit de correspondance médiatisée instaurée par la décision du 4 juillet 2016 et ne posait en outre aucun acte concret pour attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils, sans rechercher si Madame [Z] n'avait pas, dans la mesure de ses possibilités, entretenu avec son fils, entre le 19 septembre 2017 et le 19 septembre 2018, les relations nécessaires à son éducation ou à son développement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 381-1 et 381-2 du Code civil ; 5/ ALORS QU'en toute hypothèse, l'intérêt supérieur de l'enfant est une norme supra-légale qui doit être pris en considération dans toutes les décisions concernant les enfants et qui permet au juge, au regard des circonstances particulières du dossier et si l'intérêt de l'enfant l'exige, de rejeter la demande de déclaration judiciaire de délaissement parental, alors même que les conditions légales posées à l'article 381-1 du code civil seraient réunies ; qu'en affirmant que « les progrès et la réassurance de [N] constatés à compter du moment où il n'avait plus été obligé de rencontrer ses parents en 2016 démontraient qu'il était de l'intérêt supérieur du mineur d'être libéré du lien avec ses parents biologiques afin de pouvoir se construire », sans rechercher si le maintien par Madame [Z] d'un lien avec son fils par textos n'avait pas participé aux progrès et à la réassurance de [N], la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 § 1 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989.
Caractérise une situation de délaissement au sens de l'article 381-1 du code civil le fait pour une mère de ne pas s'être saisie, d'une part, du droit de visite médiatisé organisé dès la naissance en vue de la soutenir dans la création d'un lien avec son enfant, mettant en échec celui-ci par son inconstance dans l'exercice de ce droit et par son absence de prise en compte des besoins de l'enfant, d'autre part, du droit de correspondance médiatisé instauré au moment de la suspension du droit de visite, n'ayant plus posé aucun acte concret permettant d'attester des vélléités de reprendre une relation avec son enfant
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CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 825 FS-B Pourvoi n° Q 21-16.404 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ la société EDF Renouvelables France, société par actions simplifiée unipersonnelle, 2°/ la société du Parc Eolien [Localité 4], 3°/ la société Plein Vent [Localité 2], 4°/ la société du Parc Eolien [Localité 6], 5°/ la société du Parc Eolien [Localité 9], 6°/ la société du Parc Eolien [Localité 8], 7°/ la société du Parc Eolien [Localité 5], 8°/ la société du Parc Eolien [Localité 7], ayant toutes leur siège [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° Q 21-16.404 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant à l'association France Nature Environnement, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat des sociétés EDF Renouvelables France, Parc Eolien de la Conque, Plein Vent [Localité 2], Parc Eolien [Localité 6], Parc Eolien [Localité 9], Parc Eolien [Localité 8], Parc Eolien [Localité 5] et Parc Eolien [Localité 7], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'association France Nature Environnement, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 mars 2021), les sociétés Parc éolien [Localité 4], Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8] et Parc éolien [Localité 7] (les propriétaires exploitants) détiennent chacune un parc éolien construit et mis en service entre 2006 et 2013, pour un total de trente et une éoliennes réparties sur plusieurs communes du département de l'Hérault. 2. La supervision de l'exploitation et la gestion de ces parcs ont été confiées à la société EDF renouvelables France (EDF) selon un contrat de gestion d'actifs. 3. Les sites du Causse d'[Localité 2], de la plaine de [Localité 13]-[Localité 11] et de la plaine de [Localité 10]-[Localité 12], sur lesquels sont implantées les éoliennes, sont classés en zone de protection spéciale en application de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 du Parlement européen et du Conseil sur la protection des oiseaux sauvages (directive "oiseaux"), dont relève le faucon crécerellette (falco naumanni). 4. La Ligue pour la protection des oiseaux, chargée de la mise en oeuvre du plan national d'action en faveur du faucon crécerellette et du suivi de l'impact de ces parcs éoliens sur cet oiseau, a signalé, en 2011 et 2012, la découverte de plusieurs cadavres au pied des installations. 5. En juillet 2014, des arrêtés préfectoraux ont prescrit la pose, sur toutes les éoliennes, d'un système de détection et d'effarouchement des oiseaux, dit « DT-Bird », testé depuis 2013 sur deux appareils. 6. De nouveaux cadavres de faucons crécerellettes ayant été découverts malgré ce dispositif, l'association France nature environnement (l'association) a assigné les propriétaires exploitants et EDF en indemnisation du préjudice moral causé par la destruction de spécimens d'une espèce protégée. 7. Les défendeurs ont soulevé l'irrecevabilité à agir de l'association. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Les propriétaires exploitants et EDF font grief à l'arrêt de déclarer l'association recevable en ses demandes, alors « que la commission d'une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement constitue une condition de recevabilité de l'action d'une association agréée de protection de l'environnement exercée sur le fondement de l'article L. 142-2 du code de l'environnement ; qu'au cas présent, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés exposantes, la cour d'appel a énoncé que la recevabilité de l'action de l'association France Nature Environnement en raison d'une infraction seulement « alléguée » aux dispositions de l'article L. 415-3 du code de l'environnement n'était pas conditionnée par « la constitution préalable de l'infraction » ; qu'en statuant de la sorte, quand l'habilitation législative spéciale dont bénéficient les associations agréées mentionnées à l'article L. 141-2 du code de l'environnement subordonne expressément la recevabilité de leur action à la commission de faits « constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement », ce qui exclut, par hypothèse, que leur action puisse être déclarée recevable lorsque l'infraction pénale liée à l'environnement en cause n'est qu' « alléguée » et qu'un doute existe sur le point de savoir si elle a été commise, la cour d'appel a violé l'article L. 142-2 du code de l'environnement, ensemble l'article 1240 du code civil et les articles 122 et 31 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 9. L'article L. 142-2 du code de l'environnement permet aux associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 du même code d'agir en réparation tant devant le juge pénal que le juge civil, en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement ainsi qu'aux textes pris pour leur application. 10. La recevabilité de l'action est subordonnée à l'existence de faits susceptibles de revêtir une qualification pénale entrant dans le champ des dispositions susmentionnées. 11. La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'action de l'association de protection de l'environnement agréée avait pour objet la réparation de son préjudice moral résultant de la destruction alléguée, entre 2012 et 2016, de nombreux spécimens de faucons crécerellettes, espèce protégée, en violation des interdictions prévues par les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement et par les règlements pris en application de l'article L. 411-2, constitutive du délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du même code. 12. Elle en a déduit, à bon droit, que la recevabilité de l'action en responsabilité civile de droit commun exercée par l'association en raison du délit environnemental invoqué n'était pas conditionnée par la constatation ou la constitution préalable de l'infraction, la recevabilité d'une action ne pouvant être subordonnée à la démonstration préalable de son bien-fondé. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 14. Les propriétaires exploitants et EDF font grief à l'arrêt de les déclarer responsables du préjudice moral de l'association et de les condamner à lui verser une certaine somme, alors : « 1°/ que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s'oppose à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter des installations classées pour la protection de l'environnement pour l'un des intérêts visés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment au regard du risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée susceptible de résulter de leur fonctionnement ; qu'en jugeant, au cas d'espèce, que le seul fait pour le juge judiciaire, saisi sur le fondement de l'article 1240 du code civil, de constater l'existence d'une violation de l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement, sans justification par les contrevenants d'une dérogation accordée par l'autorité administrative, ne constituait pas une atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ni une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice des pouvoirs reconnus à l'autorité administrative, cependant qu'elle avait par ailleurs constaté que, par arrêtés du 9 juillet 2014, le Préfet de l'Hérault, spécialement informé des collisions survenues entre les éoliennes et des individus de l'espèce protégée faucon crécerellette, avait autorisé la poursuite de l'exploitation des parcs éoliens concernés sans la conditionner à l'octroi préalable d'une dérogation, sous réserve de la mise en oeuvre de prescriptions spéciales auxquelles les sociétés exploitantes s'étaient strictement conformées, la cour d'appel a violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 2°/ que le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives s'oppose à ce que le juge judiciaire puisse substituer sa propre appréciation à celle que l'administration a porté, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur le caractère approprié et suffisant de mesures de réduction destinées à réduire la probabilité de réalisation d'un risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée à raison du fonctionnement d'installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'au cas présent, les prescriptions spéciales prises par le Préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014 avaient pour objet de « réduire l'impact sur la biodiversité présenté par les installations », c'est-à-dire à dire de minimiser le risque de mortalité par collisions avec les éoliennes des individus de l'espèce faucon crécerellette ; que pour faire droit à l'action de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé que les collisions accidentelles survenues entre les éoliennes et les individus de l'espèce faucon crécerellette avaient perduré malgré la mise en place du système « DT-BIRD », de sorte qu'en l'absence de toute dérogation sollicitée et obtenue par les sociétés exploitantes, tant l'élément matériel que l'élément moral du délit prévu par l'article L. 415-3 apparaissaient constitués ; que ce faisant, la cour a, implicitement mais nécessairement, porté une appréciation sur l'opportunité et l'efficacité des prescriptions spéciales qui avaient été adoptées par le Préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014, lesquelles tendaient à la généralisation de l'installation du dispositif « DT-BIRD » sur toutes les éoliennes des parcs concernés, selon un calendrier déterminé en fonction de son efficacité constatée ; qu'en substituant ainsi sa propre appréciation à celle que l'administration avait porté sur l'opportunité et l'efficacité des mesures de réduction qu'il convenait d'adopter pour réduire la probabilité de réalisation du risque de collisions accidentelles entre des éoliennes et des individus de l'espèce faucon crécerellette dûment identifié, la cour d'appel a encore violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an II ; 3°/ qu'en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ; que de même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire ; qu'il ressort enfin de l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, que lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente et sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ; qu'au cas présent, pour apprécier le bien-fondé de l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a constaté que 26 spécimens de faucon crécerellette ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs du Causse d'Aumelas et que les sociétés exploitantes ne justifiaient d'aucune dérogation à cet effet, ce dont elle a déduit qu'une violation de l'article L. 411-1 du code de l'environnement était caractérisée ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il résultait des arrêtés du 9 juillet 2014 ayant expressément autorisé la poursuite de l'exploitation des installations sans la subordonner à l'octroi préalable d'une dérogation ni à l'absence de réalisation du risque de collisions accidentelles dûment identifié, que l'autorité administrative compétente avait admis la légalité au regard de l'article L. 411-1 du code de l'environnement des destructions accidentelles susceptibles de se produire à l'occasion du fonctionnement des installations selon les modalités qu'elle avait elle-même définies en vue, précisément, de palier au risque qu'elles se réalisent, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que la résolution du litige était subordonnée à la question, préalable et qu'il lui appartenait de soumettre au juge administratif par une question préjudicielle, de la légalité desdits arrêtés laquelle présentait une difficulté sérieuse, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 15. D'une part, les éoliennes sont soumises à la législation spéciale applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement figurant aux articles L. 514-44 et suivants du code de l'environnement, selon laquelle les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent doivent être exploitées dans le respect des prescriptions édictées par l'autorisation administrative d'exploitation. 16. D'autre part, la législation spéciale, autonome, relative à la protection du patrimoine naturel interdit, par les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, la destruction d'animaux d'espèces non domestiques protégées, l'article L. 411-2, 4°, réservant toutefois la possibilité de délivrance, par l'autorité administrative compétente, de dérogations à cette interdiction. 17. La cour d'appel a exactement retenu que les arrêtés du 9 juillet 2014 pris par le préfet, dont les propriétaires exploitants prétendaient avoir strictement respecté les mesures spécifiques imposées pour la protection des faucons crécerellettes, n'avaient pas été pris en application des dispositions de l'article L. 411-2 relatif aux espèces protégées. 18. Elle a également constaté qu'il n'était pas justifié d'une demande de dérogation ni d'une décision de l'administration autorisant la destruction de ces spécimens protégés. 19. La cour d'appel, qui n'a pas substitué son appréciation à celle de l'administration quant aux prescriptions assortissant les autorisations de poursuite d'exploitation délivrées en 2014 au titre de la police spéciale des installations classées applicable aux éoliennes, a retenu à bon droit que ne constituait pas une atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ni une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice des pouvoirs reconnus à l'autorité administrative le fait, pour le juge judiciaire, saisi, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, d'une action en responsabilité fondée sur la destruction d'une espèce sauvage protégée, de constater la violation des dispositions de l'article L. 411-2, 1°, du code de l'environnement sans justification, par les contrevenants, d'une dérogation accordée par l'autorité administrative. 20. Le moyen, inopérant en sa troisième branche dès lors que la légalité des arrêtés préfectoraux de juillet 2014 est sans incidence sur la solution du présent litige, n'est donc pas fondé pour le surplus. Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 21. Les propriétaires exploitants font grief à l'arrêt de les déclarer responsables du préjudice subi par l'association et de les condamner à lui payer des sommes en réparation de son préjudice moral, alors : « 1°/ que le délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément moral constitué par une faute d'imprudence ; que pour caractériser une telle faute, le juge doit rechercher si une imprudence ou une négligence a été commise par l'intéressé en se référant au comportement d'un individu normalement prudent et diligent ; qu'au cas présent, pour faire droit à l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé, d'une part, qu'il n'était pas contesté que 28 spécimens de faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, avaient péri à la suite d'une collision avec les éoliennes des parcs concernés alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent, et, d'autre part, que les sociétés exploitantes ne justifiaient « ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement », de sorte que la preuve tant de l'élément matériel que de l'élément moral, de la faute d'imprudence du délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement, était rapportée ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme cela lui était pourtant expressément demandé par les sociétés demanderesses si les sociétés exploitantes n'avaient pas adopté un comportement prudent et accompli les diligences normales qui leur incombaient compte tenu de leur mission, de leurs compétences, de leurs pouvoirs et des moyens dont elles disposaient, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement ; 2°/ que si l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement prohibe toute destruction d'individus d'espèces animales non domestiques, la sanction pénale attachée à la violation de cette interdiction, instituée par l'article L. 415-3 du même code, ne trouve, elle, à s'appliquer que pour autant qu'une atteinte ait été portée à la conservation de l'espèce concernée ; qu'ainsi, les conditions de l'interdiction administrative prévue par le premier de ces textes, à laquelle seule une dérogation octroyée en application de l'article L. 411-2, 4° du code de l'environnement permet de déroger, ne se confondent pas avec celles auxquelles le législateur a entendu subordonner l'application de la sanction pénale attachée à la violation de l'interdiction administrative précitée, laquelle implique, non seulement que l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement ait été violé, mais également qu'une atteinte ait été portée à la « conservation » de l'espèce ; qu'au cas présent, pour juger que l'élément matériel du délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement était constitué, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « 28 faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2,1° du code de l'environnement, ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs du Causse d'Aumelas alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent » et que « les intimés ne justifient ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement » ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui appartenait également de caractériser l'atteinte qui avait été portée à « la conservation » de l'espèce protégée concernée par l'effet desdites destructions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour 22. D'une part, il résulte des articles L. 411-1 et L. 415-3 du code de l'environnement que constitue le délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques la violation des interdictions prévues par les dispositions de l'article L. 411-1 et par les règlements pris en application de l'article L. 411-2 du même code (Crim., 5 avril 2011, pourvoi n° 10-86.248). 23. La cour d'appel n'était donc pas tenue de caractériser l'atteinte portée à la conservation de l'espèce protégée en cause, dès lors que celle-ci résultait de la constatation de la destruction d'un spécimen appartenant à l'espèce faucon crécerellette, en violation de l'interdiction édictée par l'article L. 411-1, 1°, du code de l'environnement. 24. D'autre part, il est jugé qu'une faute d'imprudence suffit à caractériser l'élément moral du délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement (Crim, 1er juin 2010, pourvoi n° 09-87.159, Bull. crim. 2010, n° 96). 25. La cour d'appel a constaté que vingt-huit faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-1, 1°, du code de l'environnement, avaient été tués entre 2011 et 2016 par collision avec les éoliennes des parcs du Causse d'Aumelas, que cette destruction perdurait malgré la mise en place du système DT- BIRD, et que les propriétaires exploitants n'avaient pas sollicité la dérogation aux interdictions édictées par cet article, constitutive d'un fait justificatif exonératoire de responsabilité. 26. Elle en a exactement déduit, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation sur le comportement des propriétaires exploitants, que le délit d'atteinte à la conservation d'espèce animale non domestique protégée, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement, était caractérisé tant dans son élément matériel que son élément moral. 27. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision. Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 28. Les propriétaires exploitants font le même grief à l'arrêt, alors « qu'à supposer même que les conditions de l'interdiction administrative posée par l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement se confondent avec celles qui déterminent l'application de la sanction pénale prévue par l'article L. 415-3 du même code, de sorte qu'une atteinte à la conservation de l'espèce ne serait pas requise pour permettre la qualification du délit prévu et réprimé par le second de ces textes, un doute existe sur l'interprétation à conférer à la portée de l'interdiction posée par le législateur aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, lorsque la destruction d'un ou plusieurs spécimens d'une espèce protégée d'oiseau a été causée par une activité humaine licite dont l'objet est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales ; qu'il appartient, en conséquence, à la Cour de cassation pour lever ce doute, conformément à l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « L'article 5, paragraphes a) à d), de la directive "oiseaux" doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l'objet d'une activité humaine licite, telle qu'une activité d'exploitation forestière ou d'occupation des sols, comme celle relative à l'exploitation d'un parc éolien, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s'appliquent qu'en cas de risque d'incidence négative sur l'état de conservation des espèces concernées et, d'autre part, la protection offerte par ladite disposition cesse de s'appliquer aux espèces ayant atteint un état de conservation favorable ? » Réponse de la Cour 29. A l'instar de ce que prévoit l'article 12 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et la flore sauvage (directive « habitats »), l'article 5 de la directive « oiseaux » exige que les Etats membres adoptent un cadre législatif complet et efficace par la mise en oeuvre de mesures concrètes et spécifiques de protection de toutes les espèces d'oiseaux sauvages qui doivent permettre d'assurer le respect effectif des interdictions mentionnées à cet article, notamment l'interdiction de les tuer intentionnellement, l'article 14 autorisant les Etats membres à prendre des mesures plus strictes que celles prévues par cette directive. 30. Les articles L. 411-1 et L. 411-2, 4°, du code de l'environnement interdisent, pour toutes les espèces animales non domestiques protégées, y compris les oiseaux, leur destruction et appliquent les conditions et les motifs de dérogation à ces interdictions posés par l'article 16 de la directive « habitats ». 31. L'arrêté du 29 octobre 2009 qui, en application de cette législation, fixe la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire national et les modalités de leur protection y inclut, dans son article 3, le faucon crécerellette, dont la destruction intentionnelle est interdite. 32. La législation nationale a ainsi étendu aux oiseaux sauvages protégés les mesures nécessaires à un système de protection stricte édictées par l'article 12 paragraphe 1 sous a) de la directive « habitats ». 33. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article précité doit être interprété en ce sens que, d'une part, il s'oppose à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l'objet d'une activité humaine, telle qu'une activité d'exploitation forestière ou d'occupation des sols, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s'appliquent qu'en cas de risque d'incidence négative sur l'état de conservation des espèces concernées, et, d'autre part, la protection offerte par ladite disposition ne cesse pas de s'appliquer aux espèces ayant atteint un état de conservation favorable (CJUE, arrêt du 4 mars 2021, Skydda Skogen, C-473/19 et C-474/19). 34. Il s'ensuit qu'en l'absence d'un doute raisonnable sur l'interprétation à donner à la portée de l'interdiction posée par le législateur aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement en cas de destruction de spécimens d'une espèce protégée d'oiseau causée par des éoliennes, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle soulevée par le moyen. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT n'y avoir lieu à question préjudicielle ; REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Parc éolien [Localité 4], Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 7] et EDF renouvelables France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Parc éolien de la Conque, Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 7] et EDF renouvelables France et les condamne à payer à l'association France Nature Environnement la somme de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour les sociétés EDF Renouvelables France, Parc éolien de la Conque, Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8] et le Parc éolien [Localité 7] PREMIER MOYEN DE CASSATION Les sociétés Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 4], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 7] et EDF Renouvelables France font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'association France Nature Environnement recevable en ses demandes ; Alors que la commission d'une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement constitue une condition de recevabilité de l'action d'une association agréée de protection de l'environnement exercée sur le fondement de l'article L. 142-2 du code de l'environnement ; qu'au cas présent, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés exposantes, la cour d'appel a énoncé que la recevabilité de l'action de l'association France Nature Environnement en raison d'une infraction seulement « alléguée » aux dispositions de l'article L. 415-3 du code de l'environnement n'était pas conditionnée par « la constitution préalable de l'infraction » (arrêt, p. 10, in fine) ; qu'en statuant de la sorte, quand l'habilitation législative spéciale dont bénéficient les associations agréées mentionnées à l'article L. 141-2 du code de l'environnement subordonne expressément la recevabilité de leur action à la commission de faits « constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement », ce qui exclut, par hypothèse, que leur action puisse être déclarée recevable lorsque l'infraction pénale liée à l'environnement en cause n'est qu' « alléguée » et qu'un doute existe sur le point de savoir si elle a été commise, la cour d'appel a violé l'article L. 142-2 du code de l'environnement, ensemble l'article 1240 du code civil et les articles 122 et 31 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Les sociétés Plein vent [Localité 2] Clitourps, Parc éolien [Localité 4], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 7] et EDF Renouvelables France font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'association France Nature Environnement recevable en ses demandes, d'avoir déclaré les sociétés exploitantes responsables sur le fondement de l'article 1240 du code civil, du préjudice moral subi par l'association France Nature Environnement et de les avoir condamnées à lui verser la somme de 500 euros chacune (soit au total la somme de 3.500 euros) en réparation de ce préjudice ; 1° Alors que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s'oppose à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter des installations classées pour la protection de l'environnement pour l'un des intérêts visés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment au regard du risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée susceptible de résulter de leur fonctionnement ; qu'en jugeant, au cas d'espèce, que le seul fait pour le juge judiciaire, saisi sur le fondement de l'article 1240 du code civil, de constater l'existence d'une violation de l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement, sans justification par les contrevenants d'une dérogation accordée par l'autorité administrative, ne constituait pas une atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ni une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice des pouvoirs reconnus à l'autorité administrative, cependant qu'elle avait par ailleurs constaté que, par arrêtés du 9 juillet 2014, le Préfet de l'Hérault, spécialement informé des collisions survenues entre les éoliennes et des individus de l'espèce protégée faucon crécerellette, avait autorisé la poursuite de l'exploitation des parcs éoliens concernés sans la conditionner à l'octroi préalable d'une dérogation, sous réserve de la mise en oeuvre de prescriptions spéciales auxquelles les sociétés exploitantes s'étaient strictement conformées, la cour d'appel a violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 2° Alors, encore, que le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives s'oppose à ce que le juge judiciaire puisse substituer sa propre appréciation à celle que l'administration a porté, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur le caractère approprié et suffisant de mesures de réduction destinées à réduire la probabilité de réalisation d'un risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée à raison du fonctionnement d'installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'au cas présent, les prescriptions spéciales prises par le Préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014 avaient pour objet de « réduire l'impact sur la biodiversité présenté par les installations », c'est-à-dire à dire de minimiser le risque de mortalité par collisions avec les éoliennes des individus de l'espèce faucon crécerellette ; que pour faire droit à l'action de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé que les collisions accidentelles survenues entre les éoliennes et les individus de l'espèce faucon crécerellette avaient perduré malgré la mise en place du système « DT-BIRD », de sorte qu'en l'absence de toute dérogation sollicitée et obtenue par les sociétés exploitantes, tant l'élément matériel que l'élément moral du délit prévu par l'article L. 415-3 apparaissaient constitués ; que ce faisant, la cour a, implicitement mais nécessairement, porté une appréciation sur l'opportunité et l'efficacité des prescriptions spéciales qui avaient été adoptées par le Préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014, lesquelles tendaient à la généralisation de l'installation du dispositif « DT-BIRD » sur toutes les éoliennes des parcs concernés, selon un calendrier déterminé en fonction de son efficacité constatée ; qu'en substituant ainsi sa propre appréciation à celle que l'administration avait porté sur l'opportunité et l'efficacité des mesures de réduction qu'il convenait d'adopter pour réduire la probabilité de réalisation du risque de collisions accidentelles entre des éoliennes et des individus de l'espèce faucon crécerellette dûment identifié, la cour d'appel a encore violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 3° Alors, en tout état de cause, qu'en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ; que de même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire ; qu'il ressort enfin de l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, que lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente et sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ; qu'au cas présent, pour apprécier le bien-fondé de l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a constaté que 26 spécimens de faucon crécerellette ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs du Causse d'Aumelas et que les sociétés exploitantes ne justifiaient d'aucune dérogation à cet effet, ce dont elle a déduit qu'une violation de l'article L. 411-1 du code de l'environnement était caractérisée ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il résultait des arrêtés du 9 juillet 2014 ayant expressément autorisé la poursuite de l'exploitation des installations sans la subordonner à l'octroi préalable d'une dérogation ni à l'absence de réalisation du risque de collisions accidentelles dûment identifié, que l'autorité administrative compétente avait admis la légalité au regard de l'article L. 411-1 du code de l'environnement des destructions accidentelles susceptibles de se produire à l'occasion du fonctionnement des installations selon les modalités qu'elle avait elle-même définies en vue, précisément, de palier au risque qu'elles se réalisent, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que la résolution du litige était subordonnée à la question, préalable et qu'il lui appartenait de soumettre au juge administratif par une question préjudicielle, de la légalité desdits arrêtés laquelle présentait une difficulté sérieuse, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Les sociétés Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 4], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 5] et Parc éolien [Localité 7] font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déclarées responsables sur le fondement de l'article 1240 du code civil, du préjudice moral subi par l'association France Nature Environnement et de les avoir condamnées à lui verser la somme de 500 euros chacune en réparation de son préjudice moral ; 1° Alors que le délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément moral constitué par une faute d'imprudence ; que pour caractériser une telle faute, le juge doit rechercher si une imprudence ou une négligence a été commise par l'intéressé en se référant au comportement d'un individu normalement prudent et diligent ; qu'au cas présent, pour faire droit à l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé, d'une part, qu'il n'était pas contesté que 28 spécimens de faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, avaient péri à la suite d'une collision avec les éoliennes des parcs concernés alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent, et, d'autre part, que les sociétés exploitantes ne justifiaient « ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement » (arrêt attaqué, p. 17, § 3), de sorte que la preuve tant de l'élément matériel que de l'élément moral, de la faute d'imprudence du délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement, était rapportée ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme cela lui était pourtant expressément demandé par les sociétés demanderesses (conclusions d'appel, p. 25 à 26) si les sociétés exploitantes n'avaient pas adopté un comportement prudent et accompli les diligences normales qui leur incombaient compte tenu de leur mission, de leurs compétences, de leurs pouvoirs et des moyens dont elles disposaient, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement ; 2° Alors, encore, que si l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement prohibe toute destruction d'individus d'espèces animales non domestiques, la sanction pénale attachée à la violation de cette interdiction, instituée par l'article L. 415-3 du même code, ne trouve, elle, à s'appliquer que pour autant qu'une atteinte ait été portée à la conservation de l'espèce concernée ; qu'ainsi, les conditions de l'interdiction administrative prévue par le premier de ces textes, à laquelle seule une dérogation octroyée en application de l'article L. 411-2, 4° du code de l'environnement permet de déroger, ne se confondent pas avec celles auxquelles le législateur a entendu subordonner l'application de la sanction pénale attachée à la violation de l'interdiction administrative précitée, laquelle implique, non seulement que l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement ait été violé, mais également qu'une atteinte ait été portée à la « conservation » de l'espèce ; qu'au cas présent, pour juger que l'élément matériel du délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement était constitué, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « 28 faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2,1° du code de l'environnement, ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs du Causse d'Aumelas alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent » et que « les intimés ne justifient ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement » (arrêt attaqué, p. 17, § 1 et 3) ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui appartenait également de caractériser l'atteinte qui avait été portée à « la conservation » de l'espèce protégée concernée par l'effet desdites destructions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement ; 3° Alors, subsidiairement, enfin, qu'à supposer même que les conditions de l'interdiction administrative posée par l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement se confondent avec celles qui déterminent l'application de la sanction pénale prévue par l'article L. 415-3 du même code, de sorte qu'une atteinte à la conservation de l'espèce ne serait pas requise pour permettre la qualification du délit prévu et réprimé par le second de ces textes, un doute existe sur l'interprétation à conférer à la portée de l'interdiction posée par le législateur aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, lorsque la destruction d'un ou plusieurs spécimens d'une espèce protégée d'oiseau a été causée par une activité humaine licite dont l'objet est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales ; qu'il appartient, en conséquence, à la Cour de cassation pour lever ce doute, conformément à l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « L'article 5, paragraphes a) à d), de la directive "oiseaux" doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l'objet d'une activité humaine licite, telle qu'une activité d'exploitation forestière ou d'occupation des sols, comme celle relative à l'exploitation d'un parc éolien, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s'appliquent qu'en cas de risque d'incidence négative sur l'état de conservation des espèces concernées et, d'autre part, la protection offerte par ladite disposition cesse de s'appliquer aux espèces ayant atteint un état de conservation favorable ? »
La recevabilité de l'action en responsabilité engagée par une association devant le juge civil en application de l'article L. 142-2 du code de l'environnement est subordonnée à l'existence de faits susceptibles de revêtir une qualification pénale entrant dans le champ des dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement, sans être conditionnée à la constatation préalable d'une infraction
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 717 F-B Pourvoi n° T 20-22.383 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [I] [U], 2°/ Mme [X] [P], épouse [U], tous deux domiciliés [Adresse 3]), ont formé le pourvoi n° T 20-22.383 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 10), dans le litige les opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [U], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2020), M. et Mme [U] ont procédé à des déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2004 à 2012. 2. Le 30 novembre 2010, l'administration fiscale a déposé à leur encontre une plainte ayant entraîné l'ouverture d'une enquête judiciaire pour des faits de fraude fiscale commis entre 2007 et 2009. 3. Le 23 octobre 2013, considérant que M. et Mme [U] avaient omis de déclarer au titre de l'ISF des avoirs détenus à l'étranger et les parts sociales d'une société, l'administration fiscale leur a notifié une proposition de rectification portant rappel de cet impôt pour les années 2004 à 2012. 4. Après le rejet de leur réclamation contentieuse, M. et Mme [U] ont assigné l'administration en annulation de la décision de rejet et en décharge des impositions supplémentaires et pénalités mises en recouvrement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes leurs demandes tendant à voir prononcer le dégrèvement total des sommes mises en recouvrement à leur encontre pour un montant total de 236 243 euros au titre de l'ISF pour les années 2004 à 2012, alors « que, selon les dispositions prévues à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales, lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article L. 228 du même livre, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; que le délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales ne s'applique qu'au titre des années visées par la plainte de l'administration ; qu'en décidant que le droit de reprise de l'administration s'exerçait pendant dix ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt, cependant qu'elle avait relevé que, suivant la proposition de rectification, la plainte pénale visait exclusivement les années 2007, 2008 et 2009, de sorte que seules ces années pouvaient donner lieu à redressement, la cour d'appel a violé les articles L. 180, L. 186 et L. 188 B du livre des procédures fiscales. » Réponse de la Cour 7. Selon l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article L. 228 du même livre, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. 8. Il en résulte que le délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales ne s'applique pas aux seules impositions dues au titre des années visées par la plainte de l'administration fiscale, mais à toutes les impositions comprises dans le délai initial de reprise non expiré à la date du dépôt de ladite plainte. 9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [U] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [U] et les condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 1], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [U]. M. [I] [U] et Mme [X] [P], épouse [U] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de toutes leurs demandes tendant à prononcer le dégrèvement total des sommes mises en recouvrement à leur encontre pour un montant total de 236 243 euros au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2004 à 2012 ; 1° ALORS QUE selon les dispositions prévues à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales, lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article L. 228, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; que le délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales ne s'applique qu'aux titres des années visées par la plainte de l'administration ; qu'en décidant que le droit de reprise de l'administration s'exerçait pendant dix ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt, cependant qu'elle avait relevé que suivant la proposition de rectification, la plainte pénale visait exclusivement les années 2007, 2008 et 2009, de sorte que seules ces années pouvaient donner lieu à redressement, la cour d'appel a violé les articles L. 180, L. 186 et L. 188 B du livre des procédures fiscales ; 2° ALORS QUE le juge ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou fournis par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en énonçant, pour rejeter la contestation des époux [U], qu'en ce qui concernait les documents fondant les poursuites, ils avaient omis de présenter devant la cour les décisions qui avaient reconnu la validité des éléments de preuve les concernant, et notamment l'arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2016, la cour d'appel, qui s'est manifestement fondée sur des pièces étrangères aux débats comme ne figurant pas au bordereau de communication de pièces, a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3° ALORS QUE sauf disposition expresse contraire, le principe de loyauté de la preuve a vocation à s'appliquer à tout contentieux soumis aux dispositions du code de procédure civile ; qu'en se fondant, pour rejeter la contestation des époux [U], sur les décisions qui avaient reconnu la validité des éléments de preuve concernant les époux [U], et notamment l'arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2016, sans même vérifier si les éléments de preuve produits aux débats dans le cadre de la procédure pénale satisfaisaient aux principes de loyauté et de licéité de la preuve, la cour d'appel a violé les articles 9 du code de procédure civile, 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ; 4° ALORS QUE toute décision doit être motivée ; qu'en se bornant à rejeter l'étude produite par M. et Mme [U] pour évaluer les titres de la société Villette Viandes Argonne en se fondant sur les seules indications figurant dans le liminaire de cette étude sans même expliquer les raisons pour lesquelles il convenait de retenir l'évaluation de la commission de conciliation du 15 septembre 2015 sur les parts sociales de la société Villette Viandes Argonne au titre des années 2004 à 2012, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5° ALORS QUE la pénalité pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts suppose, d'une part, la conscience de la part du contribuable d'éluder l'impôt, élément intentionnel et d'autre part, la création d'apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle ; qu'en énonçant que « M. et Mme [I] [U] ont délibérément occulté leurs avoirs détenus sur un compte étranger situé en Suisse solde de 1 341 625 euros en 2007, sous le profil « Emeth 55 » puis « Maclom 55 », y compris par les déclarations ultérieures de M. [U] devant les services de police en 2011 « l'existence de ce profil client est mensonger»; « oui je nie » et par la minoration prolongée de leur actif imposable, justifiant l'application des dispositions de l'article 1729 C du CGI, totalement distinctes de celles prévoyant l'application d'une amende pour défaut de déclaration d'un compte étranger article 1736 IV du CGI » sans caractériser la conscience de la part du contribuable d'éluder l'impôt et la création d'apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle, la cour d'appel a violé l'article 1729 du code général des impôts.
Le délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, s'applique, non pas seulement aux impositions dues au titre des années visées par la plainte de l'administration fiscale, mais à toutes les impositions comprises dans le délai initial de reprise non expiré à la date du dépôt de ladite plainte
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 718 F-B Pourvoi n° B 21-17.703 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 La société DSL Distribution, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-17.703 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Crédit du Nord, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La société Crédit du Nord a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société DSL Distribution, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Crédit du Nord, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 8 avril 2021), la société Crédit du Nord (la banque) a consenti divers concours à la société DSL Distribution. Le 13 février 2014, la banque a dénoncé ces concours. 2. Ayant vainement mis en demeure la société DSL Distribution de régler la somme de 24 616,87 euros, la banque l'a assignée en paiement le 3 avril 2018. La société DSL Distribution a sollicité reconventionnellement la condamnation de la banque en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive des concours bancaires. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident Enoncé du moyen 4. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture, sans explication, des concours bancaires, alors « que l'obligation mise à la charge des établissements de crédit par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier de fournir à l'entreprise concernée qui en fait la demande les raisons de la réduction ou de l'interruption d'un concours à durée indéterminée décidée à leur initiative ne s'applique que pour autant que cette décision ne soit pas encore effective ; qu'au cas présent, pour condamner la banque à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la banque ''n'a[vait] fourni aucune explication à sa décision de rompre l'ensemble des concours accordés à la SASU DSL Distribution alors que cette dernière lui en a[vait] fait la demande à plusieurs reprises'' et qu' ''aucune des preuves qu'elle produi[sait] aux débats ne constitu[ait] la preuve qu'elle aurait fourni une explication à la SASU DSL Distribution directement ou à ses conseils avant la présente instance'' ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi que cela lui était pourtant expressément demandé par la banque si la société DSL Distribution n'avait pas interrogé celle-ci pour la première fois sur les raisons de l'interruption des concours postérieurement à l'expiration du délai de soixante jours ayant précédé la mise en oeuvre effective de cette décision, de sorte qu'à supposer même que l'établissement de crédit n'ait pas fourni à l'entreprise concernée la raison de l'interruption des concours à durée indéterminée qu'elle lui avait consentis, cette abstention n'était pas de nature à engager sa responsabilité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier que l'entreprise qui subit la réduction ou l'interruption d'un concours bancaire peut, même après l'expiration du délai de préavis, en demander les raisons à la banque et qu'à défaut de réponse, la banque est susceptible de voir sa responsabilité engagée. 6. Le moyen, qui postule le contraire, doit donc être rejeté. Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident Enoncé du moyen 7. La société DSL Distribution fait grief à l'arrêt de ne condamner la banque qu'à lui payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture sans explication, des concours bancaires, alors « que si les juges du fond apprécient souverainement l'importance du dommage et le montant de l'indemnité destinée à le réparer, c'est à la condition de respecter le principe de réparation intégrale du préjudice ; que le juge ne peut procéder à une évaluation forfaitaire de l'indemnisation ; qu'en procédant, pour condamner la société Crédit du Nord à payer une somme de 40 000 euros, à une évaluation forfaitaire du préjudice subi par la société DSL Distribution en raison de la rupture, sans explication, des concours bancaires accordés par la banque, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles L. 313-12 du code monétaire et financier et 1147 du code civil alors applicable. » 8. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être forfaitaire ; qu'en fixant à un montant forfaitaire de 40 000 euros l'indemnisation du préjudice prétendument subi par la société DSL Distribution en raison de la rupture des concours bancaires consentis par la banque, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, et L. 313-12 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour Vu le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime : 9. Il résulte de ce principe que la réparation du dommage doit correspondre au préjudice subi et ne peut être appréciée de manière forfaitaire. 10. Pour condamner la banque à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt retient que compte tenu de l'impossibilité de discerner entre les conséquences directes de la rupture des concours et la poursuite d'une baisse des résultats de l'entreprise déjà constatée au cours des exercices précédents, il ne peut être procédé qu'à une évaluation forfaitaire du préjudice subi. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe susvisé. Portée et conséquence de la cassation 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant la banque à payer à la société DSL Distribution la somme forfaitaire de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant la demande d'expertise présentée par la société DSL Distribution, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande d'expertise et, l'infirmant partiellement, il condamne la société Crédit du Nord à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, condamne la société Crédit du Nord à payer à la société DSL Distribution la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamne la société Crédit du Nord aux entiers dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 8 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société DSL Distribution. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société DSL Distribution reproche à l'arrêt attaqué, DE L'AVOIR condamnée à payer la somme de 24 201,75 euros à la société Crédit du Nord avec intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2017 ; 1°) ALORS QUE le décompte produit par la société Crédit du Nord (pièce d'appel n° 27) est illisible et inintelligible, sauf à mentionner un solde débiteur de 24 201,75 euros, ne permettant pas d'établir à quelles factures correspondent les sommes mentionnées en « débit », ni si ces sommes correspondent à des sommes qui seraient dues par la société DSL Distribution au titre de cessions Dailly impayées ; qu'en affirmant, pour condamner la société DSL Distribution à payer la somme de 24 201,75 euros à la société Crédit du Nord, que l'établissement bancaire produirait un décompte (pièce n° 27) qui ferait apparaitre les créances litigieuses ainsi que les encaissements réalisés pour in fine un solde débiteur de 24 201,75 euros, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en condamnant la société DSL Distribution au paiement de la somme de 24 201, 75 euros, après avoir constaté que le décompte justifiant cette condamnation faisait apparaitre un solde dû de 24 616,87 euros, la cour d'appel qui s'est contredite a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société DSL Distribution reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR condamné la société Crédit du Nord à lui payer la seule somme de 40 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture, sans explication, des concours bancaires ; ALORS QUE si les juges du fond apprécient souverainement l'importance du dommage et le montant de l'indemnité destinée à le réparer, c'est à la condition de respecter le principe de réparation intégrale du préjudice ; que le juge ne peut procéder à une évaluation forfaitaire de l'indemnisation ; qu'en procédant, pour condamner la société Crédit du Nord à payer une somme de 40 000 euros, à une évaluation forfaitaire du préjudice subi par la société DSL Distribution en raison de la rupture, sans explication, des concours bancaires accordés par la banque, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles L. 313-12 du code monétaire et financier et 1147 du code civil alors applicable. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société DSL Distribution reproche à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR déboutée de sa demande d'expertise ; ALORS QUE les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer, la demande ne pouvant être rejetée qu'autant que la mesure est dépourvue d'utilité ; que la société DSL Distribution sollicitait que soit ordonnée une expertise pour chiffrer le son préjudice dû à la rupture sans explication, des concours bancaires si les juges s'estimaient insuffisamment informés ; qu'en se bornant à énoncer qu'il n'y avait pas « lieu d'envisager l'organisation d'une expertise », après avoir évalué forfaitairement le préjudice subi par la société DSL Distribution sur le constat de « l'impossibilité de discerner entre les conséquences directes de la rupture des concours et la poursuite d'une baisse des résultats de l'entreprise déjà constateur au cours des exercices précédents », la cour d'appel qui s'est prononcée par un motif d'ordre général et abstrait a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société Crédit du Nord. La société Crédit du Nord fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture, sans explication, des concours bancaires ; 1° Alors que l'obligation mise à la charge des établissements de crédit par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier de fournir à l'entreprise concernée qui en fait la demande les raisons de la réduction ou de l'interruption d'un concours à durée indéterminée décidée à leur initiative ne s'applique que pour autant cette décision ne soit pas encore effective ; qu'au cas présent, pour condamner la société Crédit du Nord à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la banque « n'a[vait] fourni aucune explication à sa décision de rompre l'ensemble des concours accordés à la SASU DSL DISTRIBUTION alors que cette dernière lui en a[vait] fait la demande à plusieurs reprises » et qu' « aucune des preuves qu'elle produi[sait] aux débats ne constitu[ait] la preuve qu'elle aurait fourni une explication à la SASU DSL DISTRIBUTION directement ou à ses conseils avant la présente instance » (arrêt, p. 6 , § 1) ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi que cela lui était pourtant expressément demandé par l'exposante (conclusions d'appel, p. 7) si la société DSL Distribution n'avait pas interrogé la banque pour la première fois sur les raisons de l'interruption des concours postérieurement à l'expiration du délai de soixante jours ayant précédé la mise en oeuvre effective de cette décision, de sorte qu'à supposer même que l'établissement de crédit n'ait pas fourni à l'entreprise concernée la raison de l'interruption des concours à durée indéterminée qu'elle lui avait consentis, cette abstention n'était pas de nature à engager sa responsabilité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier ; 2° Alors que le dommage réparable est celui qui est en relation directe et certaine avec la faute ; qu'au cas présent, après avoir relevé « l'impossibilité de discerner entre les conséquences directes de la rupture des concours et la poursuite d'une baisse des résultats de l'entreprise déjà constatée au cours des exercices précédents » (arrêt, p. 7, § 1), la cour d'appel a condamné la société Crédit du Nord au paiement de la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice subi par la société DSL Distribution ; qu'en statuant de la sorte, quand il s'évinçait de ses propres constatations, selon lesquelles la démonstration d'un préjudice causé par la faute de la banque était impossible, que toute réparation était exclue, la cour d'appel a violé les articles L. 313-12 du code monétaire et financier et 1147 du code civil (dans sa rédaction applicable au litige) ; 3° Alors, en toute hypothèse, que la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être forfaitaire ; qu'en fixant à un montant forfaitaire de 40 000 euros l'indemnisation du préjudice prétendument subi par la société DSL Distribution en raison de la rupture des concours bancaires consentis par la banque, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1147 du code civil (dans sa rédaction applicable au litige) et L. 313-12 du code monétaire et financier.
Il résulte de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier que l'entreprise qui subit la réduction ou l'interruption d'un concours bancaire peut, même après l'expiration du délai de préavis prévu à ce texte, en demander les raisons à la banque et qu'à défaut de réponse, la banque est susceptible de voir sa responsabilité engagée
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 720 F-B Pourvoi n° C 21-16.071 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ L'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ M. [K] [M], domicilié [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° C 21-16.071 contre une ordonnance rendue le 1er octobre 2019 et un arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]-[Localité 5], société civile coopérative, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac et de M. [M], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]-[Localité 5], après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gillis, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 1er octobre 2019 Vu l'article 978 du code de procédure civile : 1. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance, le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée. 2. Le mémoire en demande de l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac (l'AFUL) et de M. [M] ne contenant aucun moyen de droit contre l'ordonnance rendue le 1er octobre 2019 par le conseiller de la mise en état, il y a lieu de constater la déchéance de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cette décision. Faits et procédure 3. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 4 mars 2021), l'AFUL était titulaire d'un compte bancaire dans les livres de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]-[Localité 5] (la banque), lequel devait fonctionner sous la signature du président de l'association, M. [M], et d'un représentant de la société Historia prestige, à laquelle avait été confiée une mission d'assistance du président. Invoquant des ordres de virement irrégulièrement passés à partir de son compte bancaire, l'AFUL a assigné la banque en indemnisation pour avoir manqué à son obligation de vigilance à l'occasion de l'exécution de ces opérations. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. L'AFUL et M. [M] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de la banque, alors « que le président d'une association foncière urbaine libre a seul le pouvoir d'assurer la gestion, autonome et interne, de ses comptes bancaires ; que ces principes d'organisation imposés par la loi ne peuvent échapper à la connaissance de la banque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis qu'en application de l'article L. 322-4-1 du code de l'urbanisme, la gestion des comptes de l'AFUL est nécessairement autonome et interne ; qu'en retenant néanmoins que la SARL Historia prestige pouvait avoir mandat d'ouvrir le compte bancaire au nom de l'AFUL et que ce compte pouvait fonctionner sous la double signature du représentant de cette société et du président de l'AFUL, au motif impropre que la SARL Historia prestige avait une mission d'assistance du président pour exercer tous les pouvoirs administratifs, pour en déduire l'absence de faute de la banque dans l'ouverture et le fonctionnement du compte, la cour d'appel a violé l'article L. 322-4-1 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. » Réponse de la Cour 6. Aux termes de l'article L. 322-4-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004, le président de l'association foncière urbaine exécute les décisions du conseil des syndics et de l'assemblée générale, prépare le budget et le compte administratif des opérations de l'association et assure le paiement des dépenses. Il peut se faire assister par une personne, physique ou morale, agissant en qualité de prestataire de services, à laquelle peuvent être confiées toutes autres missions concernant la réalisation de l'objet de l'association. 7. Il résulte de ce texte qu'aucun paiement ou retrait ne peut être effectué à partir des comptes bancaires d'une association foncière urbaine s'il n'a pas été ordonné par son président, ce qui n'interdit pas qu'il soit donné mandat à un tiers d'ouvrir un compte bancaire au nom et pour le compte de l'association foncière urbaine et que la convention d'ouverture prévoie que les comptes fonctionneront sous la double signature du président et du prestataire auquel est confié, par contrat, une mission d'assistance du président. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CONSTATE la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 1er octobre 2019 ; REJETTE le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 ; Condamne l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac et M. [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac et M. [M] et les condamne à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]-[Localité 5] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui, M. Ponsot, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac et M. [M]. L'AFUL Franc de Cahuzac et M. [M] font grief à l'arrêt attaqué du 4 mars 2021 de les avoir déboutés de toutes leurs demandes à l'encontre de la caisse de crédit mutuel de [Localité 3] [Localité 5], 1) ALORS QUE le président d'une AFUL a seul le pouvoir d'assurer la gestion, autonome et interne, de ses comptes bancaires ; que ces principes d'organisation imposés par la loi ne peuvent échapper à la connaissance de la banque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis qu'en application de l'article L.322-4-1 du code de l'urbanisme, la gestion des comptes de l'AFUL est nécessairement autonome et interne ; qu'en retenant néanmoins que la SARL Historia prestige pouvait avoir mandat d'ouvrir le compte bancaire au nom de l'AFUL et que ce compte pouvait fonctionner sous la double signature du représentant de cette société et du président de l'AFUL, au motif impropre que la SARL Historia prestige avait une mission d'assistance du président pour exercer tous les pouvoirs administratifs, pour en déduire l'absence de faute de la banque dans l'ouverture et le fonctionnement du compte, la cour d'appel a violé l'article L. 322-4-1 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. 2) ALORS QUE la banque est tenue d'un devoir de vigilance quant à l'ouverture et au fonctionnement du compte bancaire, en vertu duquel elle est tenue de détecter les anomalies apparentes ; qu'en affirmant en l'espèce qu'il ne pouvait être tiré aucune conséquence légale du constat que le formulaire d'ouverture de compte avait été signé avant même la tenue de l'assemblée générale constitutive de l'AFUL, quand il s'agissait d'une anomalie apparente nécessitant des vérifications de la banque, la cour d'appel a violé l'article L. 561-6 du code monétaire et financier, ensemble l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. 3) ALORS QU'en vertu de son devoir de vigilance, la banque est tenue de vérifier la régularité des ordres de virement et d'en détecter les anomalies apparentes ; qu'en l'espèce, en retenant que la présence de la signature de Mme [P] sur les ordres de virement du 21 décembre 2007 pour la société Historia prestige était sans incidence, dès lors que son nom avait été barré, pour en déduire que ces ordres ne présentaient aucune anomalie, quand elle venait pourtant de constater que la démission de Mme [P] de la direction de la société Historia prestige avait été actée le 29 décembre 2006, la cour d'appel a violé l'article L. 561-6 du code monétaire et financier et l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. 4) ALORS QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'AFUL Franc de Cahuzac faisait valoir dans ses conclusions d'appel (page 30) que l'ordre de virement du 11 juillet 2008 (cf. production n°4, avant-dernière page) comportait des anomalies apparentes puisqu'y figurait la signature de Mme [P], laquelle n'était plus gérante de la SARL Historia prestige depuis 2006, sans que son nom ne soit rayé, ainsi qu'une autre signature d'une personne non identifiée, de surcroit différente avec celle figurant sur la lettre d'accompagnement ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur les anomalies de cet ordre de virement du 11 juillet 2008, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. 5) ALORS QUE les services bancaires de base comprennent l'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte ; que la banque est tenue de respecter cette obligation envers son client, afin de lui permettre de s'assurer du bon fonctionnement de son compte ; qu'en l'espèce, en affirmant qu'il ne pouvait être tiré aucune conséquence de l'absence de justification par la caisse de crédit mutuel de [Localité 3] [Localité 5] du respect de son obligation d'envoi des relevés de compte, au motif impropre que ni l'AFUL ni M. [M] ne justifiaient avoir demandé la communication de ces relevés, quand l'initiative de la communication des relevés de compte doit reposer sur la banque et non sur le client, la cour d'appel a violé l'article D. 312-5 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil.
Il résulte de l'article L. 322-4-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004, qu'aucun paiement ou retrait ne peut être effectué à partir des comptes bancaires d'une association foncière urbaine s'il n'a pas été ordonné par son président, ce qui n'interdit pas qu'il soit donné mandat à un tiers d'ouvrir un compte bancaire au nom et pour le compte de l'association foncière urbaine et que la convention d'ouverture prévoie que les comptes fonctionneront sous la double signature du président et du prestataire auquel est confiée, par contrat, une mission d'assistance du président
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Rejet M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 722 F-B Pourvoi n° R 20-19.184 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ [W] [B], ayant été domicilié [Adresse 9], décédé, 2°/ la société Risa, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], 3°/ Mme [F] [B], domiciliée [Adresse 5], 4°/ M. [T] [B], domicilié [Adresse 6], 5°/ M. [Y] [B], domicilié [Adresse 1], tous trois agissant en qualité d'héritiers de [W] [B], ont formé le pourvoi n° R 20-19.184 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2020 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Soredom, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Société financière des Antilles-Guyane (Sofiag), venant aux droits de la Société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (Sodega), elle-même venant aux droits de la Société de développement de la Guadeloupe (Soderag), 2°/ à la société Bred-Banque populaire, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de MM. [T] et [Y] [B], de Mme [F] [B] et de la société Risa, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Soredom et de la société Bred-Banque Populaire, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 janvier 2020), suivant un protocole d'accord signé le 15 décembre 1992, [W] [B], aujourd'hui décédé, s'est engagé, en son nom propre et en sa qualité de caution de deux sociétés, à payer certaines sommes à la Banque régionale d'escompte et de dépôt (la Bred). 2. Le 20 janvier 1993, la Société de développement régional Antilles-Guyane (la Soderag), aux droits de laquelle est venue la Société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (la Sodega), a consenti un prêt à la société Risa, dont [W] [B] s'est rendu caution. 3. La Sodega a fait l'objet, le 23 décembre 2004, d'une fusion-absorption par la Société financière des Antilles-Guyane (la Sofiag). Cette dernière a, le 22 février 2010, fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à [W] [B]. 4. [W] [B] et la société Risa ont assigné la Sofiag et la Bred, principalement en annulation du protocole d'accord du 15 décembre 1992, et subsidiairement en responsabilité. 5. [W] [B] est décédé le 28 février 2021, laissant pour lui succéder MM. [T] et [Y] [B] et Mme [F] [B], qui ont repris l'instance. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, ci-après annexés 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 7. MM. [T] et [Y] [B], Mme [F] [B] et la société Risa font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de [W] [B] et de la société Risa, alors : « 2°/ que dans le cadre d'une opération de fusion-absorption, les droits et les obligations de la société absorbée ne sont régulièrement transmis à la société absorbante que si le projet de fusion a été publié, peu important que la fusion ait ensuite été publiée au registre du commerce et des sociétés ; qu'en relevant, pour dire que la fusion-absorption de la société Sodega par la Sofiag était opposable à M. [B] et à la société Risa que, même si le projet de fusion n'avait pas été publié, la fusion avait par la suite fait l'objet d'une publication régulière au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé l'article L. 236-6 du code de commerce ; 3°/ qu'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en se bornant à relever, pour dire que l'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa qu'il résultait de l'extrait Kbis de la Sofiag que suivant mention du 31 janvier 2005, plusieurs sociétés avaient participé à une opération de fusion avec la Sofiag : la Sodega, la Sodema et la Sofideg, sans constater qu'étaient également indiquées les autres mentions exigées par l'article R. 123-69 du code de commerce, à savoir, la forme juridique et le siège social de toutes les sociétés ayant participé à l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 123-9, alinéa 1er, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce ; 4°/ qu'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en jugeant quel'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa, cependant qu'elle a relevé que l'extrait Kbis de la Sodega mentionnait que la société avait été radiée à la suite de son absorption par la SAS Antilles Guyane participations, immatriculée à [Localité 8] et non au profit de la Sofiag immatriculée à [Localité 7], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 123-9, alinéa 1er, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce. » Réponse de la Cour 8. Il résulte des articles L. 236-3, I, et L. 236-4, 2°, du code de commerce qu'en cas de fusion, sans création d'une société nouvelle, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société bénéficiaire confère de plein droit à cette dernière, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération, qualité pour agir contre les débiteurs de la société absorbée. 9. L'arrêt retient, par des motifs vainement critiqués par le premier moyen, pris en sa première branche, que la réalité de la fusion-absorption, le 23 décembre 2004, de la Sodega par la Sofiag est établie. 10. La Sofiag ayant, par l'effet de cette fusion-absorption, recueilli l'intégralité du patrimoine de la Sodega, elle avait qualité pour agir en exécution forcée contre [W] [B], indépendamment de l'accomplissement des formalités de publicité applicables à cette opération. 11. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef. 12. Le moyen ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne MM. [T] et [Y] [B], Mme [F] [B] et la société Risa aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [T] et [Y] [B], Mme [F] [B] et la société Risa et les condamne à payer à la société Soredom, anciennement dénommée Société financière des Antilles-Guyane, et à la société Bred-Banque populaire la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour MM. [T] et [Y] [B], Mme [F] [B] et la société Risa. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [B] et la société Risa font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de l'intégralité de leurs demandes ; 1°) ALORS QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'en relevant, pour dire que la fusion-absorption de la société Sodega par la Sofiag était opposable à M. [B] et à la société Risa que, même si le projet de fusion n'avait pas été publié, la fusion avait par la suite fait l'objet d'une publication régulière au registre du commerce et des sociétés, sans répondre aux conclusions de M. [B] et de la société Risa selon lesquelles la Sofiag ne démontrait pas la réalité même de l'opération, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE dans le cadre d'une opération de fusion-absorption, les droits et les obligations de la société absorbée ne sont régulièrement transmis à la société absorbante que si le projet de fusion a été publié, peu important que la fusion ait ensuite été publiée au registre du commerce et des sociétés ; qu'en relevant, pour dire que la fusion-absorption de la société Sodega par la Sofiag était opposable à M. [B] et à la société Risa que, même si le projet de fusion n'avait pas été publié, la fusion avait par la suite fait l'objet d'une publication régulière au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé l'article L. 236-6 du code de commerce ; 3°) ALORS QU'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en se bornant à relever, pour dire que l'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa qu'il résultait de l'extrait Kbis de la Sofiag que suivant mention du 31 janvier 2005, plusieurs sociétés avaient participé à une opération de fusion avec la Sofiag : la Sodega, la Sodema et la Sofideg, sans constater qu'étaient également indiquées les autres mentions exigées par l'article R. 123-69 du code de commerce, à savoir, la forme juridique et le siège social de toutes les sociétés ayant participé à l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 123-9, alinéa 1er, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce. 4°) ALORS QU'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en jugeant que l'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa, cependant qu'elle a relevé que l'extrait Kbis de la Sodega mentionnait que la société avait été radiée à la suite de son absorption par la SAS Antilles Guyane Participations, immatriculée à [Localité 8] et non au profit de la Sofiag immatriculée à [Localité 7], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 123-9, alinéa 1er, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [B] et la société Risa font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de leurs demandes ; ALORS QUE commet une faute l'établissement financier qui octroie un crédit dont il ne peut légitimement ignorer qu'il excède les capacités de remboursement du débiteur et qui ne peut que provoquer une croissance continue de ses charges financières insupportables pour l'équilibre de sa trésorerie ou incompatible avec toute rentabilité ; qu'en relevant, pour dire que le crédit de 4 300 0000 francs, accordé à la société Risa n'était pas ruineux et rejeté la responsabilité de la Sofiag et de la BRED, en sa qualité d'ancien administrateur de la société Soderag, que la société Risa avait disposé jusqu'en février 1994 de la trésorerie suffisante pour le rembourser, sans constater que la société Soderag et la BRED, avant d'octroyer le prêt, s'étaient enquises des pièces comptables de la société et s'étaient assurées, malgré son absence d'activité, que la société Risa était en mesure de faire face de façon pérenne aux charges de remboursement au regard de ses résultats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Il résulte des articles L. 236-3, I, et L. 236-4, 2°, du code de commerce qu'en cas de fusion, sans création d'une société nouvelle, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société bénéficiaire confère de plein droit à cette dernière, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération, qualité pour agir contre les débiteurs de la société absorbée
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Cassation M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 724 F-B Pourvoi n° R 20-23.554 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 M. [X] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-23.554 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [J], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 octobre 2020) et les productions, par un acte du 26 mars 2008, la société BNP Paribas (la banque) a consenti à la société Du Levant un prêt in fine d'un montant de 10 500 000 euros, outre intérêts, remboursable le 26 mars 2013. Ce prêt, destiné à financer partiellement l'acquisition de 360 000 actions de la société Sea Tankers, était garanti par le nantissement des titres, objet du prêt, et par la cession de toutes les créances nées ou à naître au titre d'une promesse d'achat consentie par des sociétés tierces, débitrices cédées, dans le cadre d'un pacte d'actionnaires du 14 décembre 2007, portant sur les actions de la société Sea Tankers que la société Du Levant détiendrait. 2. Par un acte du 7 septembre 2011, M. [J] s'est rendu caution envers la banque du remboursement de ce prêt dans la limite de 10 500 000 euros. 3. La société Du Levant ayant été condamnée à payer à la banque une somme de 9 822 280,85 euros, outre intérêts, la banque a assigné en paiement la caution, qui a demandé sa décharge sur le fondement de l'article 2314 du code civil, en soutenant que la banque avait laissé perdre ses autres garanties, dont elle aurait pu bénéficier par subrogation. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. M. [J] fait grief à l'arrêt de le condamner en sa qualité de caution au paiement au profit de la banque en deniers ou quittances de la somme de 9 822 280,82 euros, outre intérêts, avec capitalisation, alors : « 1°/ que l'absence de radiation du nantissement résultant de la première déclaration de nantissement du 26 mars 2008 par le teneur du compte qui aurait reconnu l'existence de ce nantissement, n'était pas de nature à autoriser le créancier et partant la caution subrogée dans les droits de ce dernier, à mettre en oeuvre ce nantissement, dès lors qu'il avait été annulé par les parties au contrat ; qu'il résultait des conclusions de la banque que le 23 mars 2013, à l'occasion de la régularisation de l'avenant n° 2 à l'acte de prêt, la déclaration de gage de compte d'instruments financiers du 26 mars 2008 avait été annulée et remplacée par la déclaration de nantissement de compte de titres financiers souscrite le 26 mars 2013 par la société Du Levant ; que la déclaration du 26 mars 2013 précise expressément qu'elle annule et remplace la déclaration du 26 mars 2008 ; qu'en refusant de constater la perte du nantissement résultant de la première déclaration du 26 mars 2008 en raison de l'opinion du teneur de compte sur son existence et de la prétendue absence de radiation de ce nantissement par ce dernier, la cour d'appel a violé les articles L. 431-4 du code monétaire et financier et 2314 du code civil ; 2°/ que la déclaration de nantissement de compte de titres financiers ne réalise le gage qu'à la condition d'être portée à la connaissance du teneur de compte ; que, comme le constate la cour d'appel, la société Sea Tankers avait déclaré par courrier du 2 mai 2018 qu'à sa connaissance, la banque ne disposerait que du nantissement inscrit le 26 mars 2008, ce dont il résulte que la déclaration de nantissement du 26 mars 2013 n'avait pas été portée à sa connaissance ; qu'en considérant cependant que le nantissement avait été réalisé par la déclaration précitée, la cour d'appel a violé les articles L. 211-20 du code monétaire et financier et 2314 du code civil ; 3°/ qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée, si l'inscription des titres financiers nantis dans les livres de la société Sea Tankers ne constituait pas en l'espèce une condition contractuelle de validité de la constitution du nantissement et si, dès lors, en l'absence d'inscription du nantissement du compte financier issu de la déclaration du 26 mars 2013 dans les livres de la société Sea Tankers, ce nantissement n'était pas dépourvu de validité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016 et 2314 du code civil ; 4°/ que si l'attestation de constitution de gage ne constitue pas une condition de validité du gage, l'absence de cette attestation interdit à la caution de mettre en oeuvre le nantissement, lorsque la société émettrice nie avoir été destinataire de la déclaration constitutive du gage ; qu'en refusant de prononcer la décharge de la caution à raison de la négligence de la banque, qui n'a pas sollicité la délivrance d'une attestation de constitution de gage, tout en constatant que la société Sea Tankers avait prétendu qu'à sa connaissance la banque ne disposerait que d'un unique nantissement inscrit le 26 mars 2008, ce dont il résulte qu'elle niait avoir reçu la déclaration de nantissement du 26 mars 2013 laquelle annulait et remplaçait celle du 26 mars 2008, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles L. 211-20 du code monétaire et financier et 2314 du code civil qu'elle a violé. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 211-20, I, du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2009-15 du 8 janvier 2009, qui a succédé à l'article L. 431-4, I, du même code, rédigé en des termes similaires, le nantissement d'un compte-titres est réalisé, tant entre les parties qu'à l'égard de la personne morale émettrice et des tiers, par une déclaration signée par le titulaire du compte, comportant les énonciations fixées par l'article D. 211-10 de ce code. 6. Il résulte de ces dispositions que, nonobstant toute clause contraire du contrat de nantissement, le nantissement est valable et opposable aux tiers, par le seul effet de cette déclaration, sans qu'aucune notification au teneur du compte-titres nanti ne soit requise. 7. Après avoir exactement énoncé qu'en application des dispositions de l'article L. 211-20 du code monétaire et financier, le nantissement est réalisé, tant entre les parties qu'à l'égard de la personne émettrice et des tiers, par une déclaration signée par le titulaire du compte et que la délivrance d'une attestation de nantissement, qui constitue une simple faculté offerte au créancier gagiste, ne constitue pas une condition de validité du nantissement, et constaté que la déclaration du 26 mars 2013 signée par la société Du Levant est conforme aux exigences légales, l'arrêt retient à juste titre que cette déclaration est valable, sans qu'il soit nécessaire d'exiger sa notification à la société Sea Tankers. 8. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, dont il se déduit que le nantissement était opposable aux tiers, y compris la société Sea Tankers, société émettrice des titres nantis et teneur du compte-titres, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la troisième branche, dès lors qu'il était constant que les titres nantis étaient bien inscrits au compte-titres tenu par la société Sea Tankers, ni d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a, à bon droit, statué comme elle l'a fait. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 10. M. [J] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la caution est déchargée, lorsque la subrogation à un droit exclusif à être payé au titre d'une cession de créance professionnelle ne peut s'opérer en sa faveur par le fait du créancier ; que tel est le cas lorsque, en l'absence dans le bordereau de cession de créances des mentions exigées par l'article L 313-23 du code monétaire et financier, les cessions de créances ne sont pas opposables aux débiteur cédés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2314 du code civil. » Réponse de la Cour 11. Après avoir énoncé que l'article 2314 du code civil n'est applicable qu'en présence de droits qui comportent un droit préférentiel conférant au créancier un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance et qu'est ainsi qualifié tout droit susceptible de conférer à son titulaire une facilité plus grande dans la perception de sa créance ou une véritable position privilégiée, l'arrêt retient exactement que M. [J], qui invoque la perte du bénéfice de la subrogation dans les droits du cessionnaire, ne justifie pas de la perte d'un tel droit préférentiel, puisque la banque ne dispose pas d'un droit qui lui permette d'éviter le concours avec les autres créanciers chirographaires. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 13. M. [J] fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher comme elle y était invitée, si en s'abstenant d'exercer son droit de gage sur le compte d'instruments financiers à la date de la défaillance du débiteur principal, à laquelle la valeur des actions gagées était très supérieure au montant de la créance garantie, la banque n'avait pas compromis la subrogation de la caution dans ses droits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 2314 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 : 14. Aux termes de ce texte, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. 15. Pour condamner M. [J], en qualité de caution, à payer à la banque diverses sommes, l'arrêt retient que celui-ci a eu nécessairement connaissance des conditions stipulées dans l'acte de prêt, et notamment de l'obligation de maintien de la valeur des actions nanties, laquelle n'a pas été respectée eu égard à la procédure de liquidation judiciaire dont a fait l'objet la société Sea Tankers. Il retient encore que l'engagement de préservation de la valeur des actions à la hauteur du prêt souscrit incombe à l'emprunteur, titulaire de ces actions, qui les offre en garantie du prêt souscrit, et non à la banque, et qu'il appartenait donc à la société Du Levant, titulaire des actions nanties, de veiller à la préservation de leur valeur et de surveiller toutes modifications éventuelles. L'arrêt ajoute que, de surcroît, il n'est nullement établi que la banque a eu connaissance des difficultés économiques de la société Sea Tankers et de la perte de valeur des actions, dans la mesure où il n'est pas démontré qu'elle était la banque teneuse des comptes de cette société. Il en déduit que M. [J] ne peut se prévaloir du non-respect par la banque d'un éventuel devoir de vigilance de nature à justifier l'application de l'article 2314 du code civil. 16. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, en s'abstenant d'exercer son droit de gage sur le compte-titres à la date de la défaillance de la société Du Levant, débitrice principale, alors que la caution prétendait qu'à cette date, la valeur des actions nanties était très supérieure au montant du capital fixé dans l'acte de prêt, le créancier n'avait pas fait perdre à la caution un droit dont elle aurait pu bénéficier par subrogation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne la société BNP Paribas aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas et la condamne à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [J]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [J] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamné en sa qualité de caution de la société Du Levant au paiement au profit de la BNP en deniers ou quittances des sommes de 9.822.280,82 euros en principal, 714.287,89 euros au titre des intérêts échus au 22 janvier 2016 outre les intérêts contractuels sur la somme de 9.822.280,85 euros à compter du 23 janvier 2016 et jusqu'à parfait paiement au taux de l'Euribor 3 mois +1,30% majoré de 2% et ce avec capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil dans la limite de 10.500.000 euros ; 1°- Alors que l'absence de radiation du nantissement résultant de la première déclaration de nantissement du 26 mars 2008 par le teneur du compte qui aurait reconnu l'existence de ce nantissement, n'était pas de nature à autoriser le créancier et partant la caution subrogée dans les droits de ce dernier, à mettre en oeuvre ce nantissement, dès lors qu'il avait été annulé par les parties au contrat ; qu'il résultait des conclusions de la BNP Paribas (p.7) que le 23 mars 2013 à l'occasion de la régularisation de l'avenant n° 2 à l'acte de prêt, la déclaration de gage de compte d'instruments financiers du 26 mars 2008 avait été annulée et remplacée par la déclaration de nantissement de compte de titres financiers souscrite le 26 mars 2013 par la SARL Du Levant ; que la déclaration du 26 mars 2013 précise expressément qu'elle annule et remplace la déclaration du 26 mars 2008 ; qu'en refusant de constater la perte du nantissement résultant de la première déclaration du 26 mars 2008 en raison de l'opinion du teneur de compte sur son existence et de la prétendue absence de radiation de ce nantissement par ce dernier, la Cour d'appel a violé les articles L 431-4 du code monétaire et financier et 2314 du code civil ; 2°- Alors que la déclaration de nantissement de compte de titres financiers ne réalise le gage qu'à la condition d'être portée à la connaissance du teneur de compte ; que comme le constate la Cour d'appel, la société Sea Tankers avait déclaré par courrier du 2 mai 2018 qu'à sa connaissance la BNP ne disposerait que du nantissement inscrit le 26 mars 2008, ce dont il résulte que la déclaration de nantissement du 26 mars 2013 n'avait pas été portée à sa connaissance ; qu'en considérant cependant que le nantissement avait été réalisé par la déclaration précitée, la Cour d'appel a violé les articles L 211-20 du code monétaire et financier et 2314 du code civil ; 3°- Alors qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée, si l'inscription des titres financiers nantis dans les livres de la société Sea Tankers ne constituait pas en l'espèce une condition contractuelle de validité de la constitution du nantissement et si dès lors en l'absence d'inscription du nantissement du compte financier issu de la déclaration du 26 mars 2013 dans les livres de la société Sea Tankers, ce nantissement n'était pas dépourvu de validité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016 et 2314 du code civil ; 4°- Alors que si l'attestation de constitution de gage ne constitue pas une condition de validité du gage, l'absence de cette attestation interdit à la caution de mettre en oeuvre le nantissement, lorsque la société émettrice nie avoir été destinataire de la déclaration constitutive du gage ; qu'en refusant de prononcer la décharge de la caution à raison de la négligence de la banque qui n'a pas sollicité la délivrance d'une attestation de constitution de gage, tout en constatant que la société Sea Tankers avait prétendu qu'à sa connaissance la BNP ne disposerait que d'un unique nantissement inscrit le 26 mars 2008 ce dont il résulte qu'elle niait avoir reçu la déclaration de nantissement du 26 mars 2013 laquelle annulait et remplaçait celle du 26 mars 2008, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles L 211-20 du code monétaire et financier et 2314 du code civil qu'elle a violé ; DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [J] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamné en sa qualité de caution de la société Du Levant au paiement au profit de la BNP en deniers ou quittances des sommes de 9.822.280,82 euros en principal, 714.287,89 euros au titre des intérêts échus au 22 janvier 2016 outre les intérêts contractuels sur la somme de 9.822.280,85 euros à compter du 23 janvier 2016 et jusqu'à parfait paiement au taux de l'Euribor 3 mois +1,30% majoré de 2% et ce avec capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil dans la limite de 10.500.000 euros ; 1°- Alors que la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher comme elle y était invitée, si en s'abstenant d'exercer son droit de gage sur le compte d'instruments financiers à la date de la défaillance du débiteur principal, à laquelle la valeur des actions gagées était très supérieure au montant de la créance garantie, la banque n'avait pas compromis la subrogation de la caution dans ses droits, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil ; 2°- Alors que la banque bénéficiaire d'un nantissement de compte de titres financiers est tenu de surveiller l'évolution des titres gagés et d'une obligation d'information et de conseil sur le suivi de ces titres ; qu'en énonçant que seul l'emprunteur titulaire des actions qu'il offre en garantie s'engage à en préserver la valeur et qu'il n'incombait pas à la BNP de veiller à la préservation de la valeur des actions nanties et de surveiller toutes modifications éventuelles et que M. [J] ne pourrait se prévaloir du non-respect par la banque d'un devoir de vigilance de nature à justifier l'application de l'article 2314 du code civil, la Cour d'appel a violé la convention du cautionnement, les articles 2314 du code civil, 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure au 10 février 2016. TROISIEME MOYEN DE CASSATION M. [J] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamné en sa qualité de caution de la société Du Levant au paiement au profit de la BNP en deniers ou quittances des sommes de 9.822.280,82 euros en principal, 714.287,89 euros au titre des intérêts échus au 22 janvier 2016 outre les intérêts contractuels sur la somme de 9.822.280,85 euros à compter du 23 janvier 2016 et jusqu'à parfait paiement au taux de l'Euribor 3 mois +1,30% majoré de 2% et ce avec capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil dans la limite de 10.500.000 euros ; Alors que la caution est déchargée, lorsque la subrogation à un droit exclusif à être payé au titre d'une cession de créance professionnelle ne peut s'opérer en sa faveur par le fait du créancier ; que tel est le cas lorsque en l'absence dans le bordereau de cession de créances des mentions exigées par l'article L 313-23 du code monétaire et financier, les cessions de créances ne sont pas opposables aux débiteur cédés ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 2314 du code civil.
Il résulte des dispositions de l'article L. 211-20, I, du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2009-15 du 8 janvier 2009, que, nonobstant toute clause contraire du contrat de nantissement, le nantissement d'un compte-titres est valable et opposable aux tiers par le seul effet de la déclaration signée par le titulaire du compte, comportant les énonciations fixées par l'article D. 211-10 de ce code, sans qu'aucune notification au teneur du compte-titres nanti ne soit requise
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Cassation M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 729 F-B Pourvoi n° E 21-17.614 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 M. [P] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-17.614 contre le jugement rendu le 7 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris (pôle civil de proximité), dans le litige l'opposant à la société Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [Z], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit lyonnais, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gillis, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 7 mai 2021), rendu en dernier ressort, M. [Z], faisant valoir qu'après que lui-même avait introduit sa carte bancaire dans un distributeur automatique de billets d'une agence de la société Crédit lyonnais (la banque) pour procéder à un retrait et composé son code confidentiel, un tiers avait saisi un montant de retrait de 900 euros et s'était emparé des billets, a demandé à la banque le remboursement de cette somme. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 2. M. [Z] fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors « qu'en cas d'opération de paiement non autorisée, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la Banque de France ; qu'en considérant, pour écarter l'application de ces règles, que M. [Z] n'avait pas été victime d'un retrait frauduleux, mais d'un vol d'espèces, après avoir pourtant relevé que le malfaiteur avait lui-même composé sur le clavier du distributeur à billets le montant du retrait, ce dont il découlait que l'opération de retrait d'espèces était en cours lorsque le malfaiteur en avait pris la direction, le tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 133-3, L. 133-6, L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier : 3. Il résulte des deux premiers de ces textes qu'une opération de paiement initiée par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son prestataire de services de paiement, est réputée autorisée uniquement si le payeur a également consenti au montant de l'opération. 4. Il résulte des deux derniers textes qu'en cas d'opération de paiement non autorisée, réalisée au moyen d'un instrument de paiement doté de données de sécurité personnalisées, et signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 du code monétaire et financier, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée, sauf si la responsabilité du payeur est engagée en application de l'article L. 133-19. 5. Pour rejeter la demande de remboursement formée par M. [Z], le jugement énonce que le fait qu'après que le titulaire d'une carte de paiement a introduit celle-ci dans un distributeur automatique de billets et a composé son code secret, un tiers compose à son insu le montant du retrait et s'empare des billets de banque, ne constitue pas un cas d'exemption de la responsabilité du payeur prévu par l'article L. 133-19 du code monétaire et financier. 6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi que cela lui était demandé, si l'opération de paiement avait été autorisée par M. [Z], en particulier quant à son montant, et, dans la négative, sans constater que la responsabilité du payeur était engagée en application du I ou du IV de l'article L. 133-19 du code monétaire et financier, le tribunal a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 mai 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris autrement composé ; Condamne la société Crédit lyonnais aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit lyonnais et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui, M. Ponsot, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [Z]. M. [Z] fait grief au jugement attaqué DE L'AVOIR débouté de l'ensemble de ses demandes ; ALORS, 1°), QU'en cas d'opération de paiement non autorisée, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la Banque de France ; qu'en considérant, pour écarter l'application de ces règles, que M. [Z] n'avait pas été victime d'un retrait frauduleux, mais d'un vol d'espèces, après avoir pourtant relevé que le malfaiteur avait lui-même composé sur le clavier du distributeur à billets le montant du retrait, ce dont il découlait que l'opération de retrait d'espèces était en cours lorsque le malfaiteur en avait pris la direction, le tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier ; ALORS, 2°), QUE le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ; qu'en retenant la qualification de vol d'espèces, exclusive de celle de retrait frauduleux, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que M. [Z] n'avait jamais eu la propriété des espèces que le malfaiteur avait appréhendées, le tribunal judiciaire a violé l'article 311-1 du code pénal, ensemble les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier ; ALORS, 3°), QU'une décision de classement sans suite est dépourvue de l'autorité de la chose jugée ; que, dès lors, en se fondant sur les mentions de l'avis de classement sans suite pour retenir la qualification de vol plutôt que celle de retrait frauduleux, le tribunal judiciaire a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.
Il résulte des articles L. 133-3 et L. 133-6 du code monétaire et financier qu'une opération de paiement initiée par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son prestataire de services de paiement, est réputée autorisée uniquement si le payeur a également consenti au montant de l'opération. Il résulte des articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier qu'en cas d'opération de paiement non autorisée, réalisée au moyen d'un instrument de paiement doté de données de sécurité personnalisées, et signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 du code monétaire et financier, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée, sauf si la responsabilité du payeur est engagée en application de l'article L. 133-19 du même code. En rejetant une demande de remboursement au motif que le fait qu'après que le titulaire d'une carte de paiement a introduit celle-ci dans un distributeur automatique de billets et a composé son code secret, un tiers compose à son insu le montant du retrait et s'empare des billets de banque, ne constitue pas un cas d'exemption de la responsabilité du payeur prévu par l'article L. 133-19 du code monétaire et financier, sans rechercher, ainsi que cela lui était demandé, si l'opération de paiement avait été autorisée, en particulier quant à son montant, et, dans la négative, sans constater que la responsabilité du payeur était engagée en application du I ou du IV de l'article L. 133-19 du code monétaire et financier, le tribunal a privé sa décision de base légale
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COMM. DB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Cassation sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 732 FS-B Pourvoi n° Q 20-18.884 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 La société [F] participations, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 20-18.884 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 10), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales, domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [F] participations, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fèvre, Ducloz, M. Alt, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, MM. Boutié, Gillis, Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2020) et les productions, par acte des 7, 15 et 22 mars 2012, enregistré le 26 avril 2012 au service des impôts des entreprises, Mmes [H] [F] [R], [O] [F] et [G] [F] et MM. [T] [F], [D] [F], [W] [F] et [S] [F] (les consorts [F]), associés dans la société civile immobilière NSG, ont cédé l'usufruit temporaire des parts qu'ils détenaient dans cette société à la société [F] participations, qui a acquitté le droit fixe prévu à l'article 680 du code général des impôts. 2. Le 23 janvier 2015, soutenant que cet acte devait être soumis au droit d'enregistrement proportionnel de 5 % prévu à l'article 726, I, 2°, du code général des impôts, applicable aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière, l'administration fiscale a notifié à la société [F] participations une proposition de rectification des droits d'enregistrement pour l'année 2012. 3. Après le rejet partiel de sa réclamation contentieuse, la société [F] participations a assigné l'administration fiscale en décharge des droits supplémentaires mis en recouvrement. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société [F] participations fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à la décharge totale des droits supplémentaires d'enregistrement auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012, alors « que seules les cessions de participations dans les personnes morales à prépondérance immobilière sont soumises à un droit d'enregistrement dont le taux est fixé à 5 % ; que la cession temporaire de l'usufruit de droits sociaux, dès lors qu'elle ne confère pas au titulaire une part du capital, mais seulement le droit temporaire de jouir et de percevoir les fruits de tels droits, n'est pas incluse dans le champ d'application de la taxe ; qu'en l'espèce, il résulte de l'acte de cession d'usufruit temporaire de parts sociales des 7, 15 et 20 mars 2012 que la société civile immobilière NSG, au capital de 49 300 000 euros, a été créée entre les consorts [F], lesquels ont cédé pour une durée de vingt ans l'usufruit de leurs parts à la société [F] participations ; que cette dernière n'est devenue propriétaire, avec la jouissance qui y est attachée, que de l'usufruit temporaire des parts sociales, les consorts [F] demeurant propriétaires des parts et assumant le risque capitalistique qui s'y attache ; qu'en jugeant qu'une telle cession devait être regardée comme une cession de participations, la cour d'appel a violé l'article 726 du code général des impôts. » Réponse de la Cour Vu l'article 726 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, et l'article 578 du code civil : 5. Selon le premier de ces textes, les cessions de droits sociaux sont soumises à un droit d'enregistrement proportionnel. 6. Aux termes du second, l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance. Il en résulte que l'usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé, qui n'appartient qu'au nu-propriétaire, de sorte que la cession de l'usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux. 7. Pour retenir que la cession de l'usufruit des parts sociales de la société civile immobilière NSG, conclue entre les consorts [F] et la société [F] participations, entrait dans le champ d'application de l'article 726 du code général des impôts et rejeter la demande de décharge des droits d'enregistrement supplémentaires réclamés, l'arrêt énonce que le terme « cession », au sens de cet article, n'est pas uniquement limité à l'acte définitif de la cession de l'intégralité d'une ou plusieurs parts sociales, mais s'entend de toute transmission temporaire ou définitive de la part sociale elle-même ou de son démembrement, telle la cession de l'usufruit ou de la nue-propriété, le texte ne distinguant pas selon que la cession porte sur la pleine propriété ou sur un démembrement de celle-ci, même si d'autres dispositions du code général des impôts procèdent à une telle différenciation. Il retient encore que la cession litigieuse a entraîné le transfert d'éléments de participation dès lors qu'en se dépossédant de l'usufruit des titres, les associés de la société civile immobilière NSG, qui ont perdu leur droit au bénéfice des dividendes, ont également perdu leur droit de vote afférent aux parts sociales cédées. 8. En statuant ainsi, alors que la cession de l'usufruit de droits sociaux, qui n'emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n'est pas soumise au droit d'enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 11. Il résulte de ce qui précède que l'acte des 7, 15 et 22 mars 2012, enregistré le 26 avril 2012 au service des impôts des entreprises, portant cession, par les consorts [F] à la société [F] participations, de l'usufruit des parts sociales de la société civile immobilière NSG, n'est pas soumis au droit d'enregistrement proportionnel de 5 % prévu à l'article 726, I, 2°, du code général des impôts. 12. En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement, d'annuler la décision du 16 mars 2015 ayant rejeté partiellement la réclamation de la société [F] participations et de prononcer la décharge des droits d'enregistrement supplémentaires mis en recouvrement contre cette société. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Infirme le jugement ; Annule la décision du 16 mars 2015 rejetant partiellement la réclamation de la société [F] participations ; Prononce la décharge des droits d'enregistrement supplémentaires mis en recouvrement ; Condamne le directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales et le condamne à payer à la société [F] participations la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société [F] participations. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société [F] Participations de ses demandes tendant à la décharge totale des droits supplémentaires d'enregistrement auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012 ; AUX MOTIFS QUE contrairement à ce que soutient la société appelante le terme « cession » n'est pas uniquement limité à l'acte définitif de la cession de l'intégralité d'une ou plusieurs parts sociales mais s'entend de toute transmission temporaire ou définitive de la part sociale elle-même ou son démembrement telle la cession d'usufruit ou de la nue-propriété ; que les premiers juges ont justement relevé que l'article 726, I, 2° du code général des impôts ne distingue pas selon que la cession porte sur la pleine propriété ou sur un démembrement, peu important que d'autres dispositions du code général des impôts procèdent à cette différenciation ; que les dispositions de l'article 726, I, 2° du code général des impôts étant claires donc exclusives d'interprétation, la société appelante est mal fondée à soutenir qu'il conviendrait de procéder à une interprétation stricte de la loi fiscale ; que la société appelante est également mal fondée à soutenir que, au sens de l'article précité, la cession en litige ne porterait sur aucune participation dès lors que la société cédante conserverait la nue-propriété des titres ; qu'en effet, en se dépossédant de l'usufruit des titres, les associés de SCI NSG ont perdu leur droit de dividendes ainsi que leur droit de vote afférents aux parts sociales cédées ; que des éléments de participation ont été ainsi transférés et qu'il s'en déduit que la « cession d'usufruit temporaire de parts sociales » conclue les 7, 15 et 20 mars 2012 entre les consorts [F] et la société [F] participations de parts sociales de la SCI NSG entre dans le champ d'application de l'article 726, I, 2° du code général des impôts ; ALORS QUE seules les cessions de participations dans les personnes morales à prépondérance immobilière sont soumises à un droit d'enregistrement dont le taux est fixé à 5% ; que la cession temporaire de l'usufruit de droits sociaux, dès lors qu'elle ne confère pas au titulaire une part du capital, mais seulement le droit temporaire de jouir et de percevoir les fruits de tels droits, n'est pas incluse dans le champ d'application de la taxe ; qu'en l'espèce, il résulte de l'acte de cession d'usufruit temporaire de parts sociales des 7,15 et 20 mars 2012 que la SCI NSG, au capital de 49 300 000 euros, a été créée entre les consorts [F], lesquels ont cédé pour une durée de 20 ans l'usufruit de leurs parts à la société [F] Participation ; que cette dernière n'est devenue propriétaire avec la jouissance qui y est attachée que de l'usufruit temporaire des parts sociales, les consorts [F] demeurant propriétaires des parts et assumant le risque capitalistique qui s'y attache ; qu'en jugeant qu'une telle cession devait être regardée comme une cession de participation, la cour d'appel a violé l'article 726 du code général des impôts.
La cession de l'usufruit de droits sociaux, qui n'emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux, au sens de l'article 726 du code général des impôts, et n'est donc pas soumise au droit d'enregistrement prévu par ce texte
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1190 FS-B+R Pourvoi n° H 21-19.341 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-19.341 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société Beraha, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Beraha, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Chauve, Mme Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société Beraha, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 7 février 2014 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur), un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, édictant notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Beraha a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société Beraha a effectué deux autres déclarations de sinistre à la suite de nouvelles fermetures administratives, ordonnées du 28 septembre au 4 octobre 2020, par arrêté préfectoral du 27 septembre 2020, et à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020. 5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa neuvième branche Enoncé du moyen 6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit garantir la société Beraha des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, de le condamner en conséquence à payer diverses provisions à l'assurée et à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'ancien article 1131 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées. 8. Le moyen est, dès lors, inopérant. Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit », pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3°/ qu'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur », pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 10. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 12. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur. 13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ». 14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse. 15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa dixième branche Enoncé du moyen 16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées. 18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis par ailleurs en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses. 20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour. 21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion vide de sa substance la garantie souscrite par l'assuré et n'apparaît pas limitée. 22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare valable l'assignation délivrée le 9 septembre 2020 à la requête de la société Beraha, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société Beraha aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société Axa France Iard fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie dont elle se prévalait, d'avoir dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 7 février 2014, elle devait garantir la société Beraha des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de coronavirus pour les périodes du 15 mars au 2 juin 2020, du 28 septembre au 4 octobre 2020 et à compter du 30 octobre 2020, de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer à l'assurée les sommes de 92.818 euros à titre de provision au titre des pertes d'exploitation qu'elle a subies lors de la fermeture de son établissement du 15 mars au 2 juin 2020, et de 79.430 à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de son établissement pour les périodes du 28 septembre 2020 au 4 octobre 2020 et du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020, et de l'avoir condamnée à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat ; 1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme (arrêt p. 7 §§ 4-12), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit » (arrêt p. 6 § 8), pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3) ALORS QU'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur » (arrêt p. 7 § 2), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 4) ALORS QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait qu'à la suite de l'épidémie de Covid-19, AXA avait formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés aux termes duquel figurait une clause d'exclusion de pertes d'exploitation pour causes d'épidémie, de pandémie et d'épizootie, en définissant clairement ces trois termes, pour en déduire que la notion de l'événement d'épidémie n'était pas jusque-là suffisamment précise (arrêt p. 7 dernier §), quand, d'une part, cet avenant ne remettait pas en cause la précision de la clause d'exclusion figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 5) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 8 § 2), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 6) ALORS, subsidiairement, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'à l'appui de ses conclusions (p. 40), AXA produisait des exemples de fermetures administratives liées à un cluster de l'épidémie de Covid-19 et limitées à un seul établissement dans un même territoire départemental, à savoir d'une école dans le département de l'Ille-et-Villaine et d'un abattoir dans le département de l'Aveyron (ses pièces n° 23 et 23 bis en appel) ; qu'en énonçant que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 8 § 2), la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et ainsi violé le principe susvisé ; 7) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « les risques épidémiques évoqués par la SA Axa France IARD susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l'épidémie ci-dessus ; d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l'assureur entrent dans le cadre d'un événement déjà garanti en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses » (arrêt p. 8 § 1), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions en produisant des définitions et des consultations scientifiques – que la cour d'appel a refusé d'examiner (arrêt p. 7 § 12) – qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 8) ALORS QUE le constat, par la cour d'appel, qu'un cluster de l'épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un même territoire départemental soit théorique et non avéré à ce jour (arrêt p. 8 § 2) est impropre à caractériser l'absence de cause de l'obligation essentielle, dès lors que la garantie porte sur les fermetures d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 9) ALORS QU'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'ancien article 1131 du code civil (arrêt p. 8 § 5), quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 10) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée (arrêt p. 8 § 4), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances.
Une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. S'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'il énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique. Une clause d'exclusion n'est pas limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. N'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1191 FS-B+R Pourvoi n° G 21-19.342 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-19.342 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société Alpilles events, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Alpilles events, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société Alpilles events, exploitant un fonds de commerce de restauration, a souscrit le 19 décembre 2019 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Alpilles events a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société Alpilles events a effectué une seconde déclaration de sinistre à la suite d'une nouvelle fermeture administrative ordonnée à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020. 5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa neuvième branche Enoncé du moyen 6. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont il se prévaut, de dire qu'en vertu du contrat d'assurance conclu entre eux, il doit garantir la société Alpilles events des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, et de le condamner à payer diverses provisions à l'assuré, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ». Réponse de la Cour 7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L.113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées. 8. Le moyen est, dès lors, inopérant. Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte […] de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie », pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3°/ qu'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur », pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 10. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 12. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur. 13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ». 14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse. 15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa dixième branche Enoncé du moyen 16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées. 18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis, par ailleurs, en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses. 20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour. 21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion litigieuse vide de sa substance la garantie souscrite et n'apparaît pas limitée. 22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt constatant que les critères d'indemnisation de la société Alpilles events concernant les pertes d'exploitation qu'elle a subies sont réunis, déclarant non écrite la clause d'exclusion de garantie, et condamnant l'assureur à un paiement provisionnel entraîne la cassation du chef de dispositif ordonnant une expertise, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société Alpilles events aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société AXA France IARD fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que les critères d'indemnisation de la société Alpilles Events concernant les pertes d'exploitation subies par celle-ci, garanties par un contrat d'assurance multirisque professionnelle souscrit auprès de cette compagnie, étaient réunis, d'avoir déclaré non écrite la clause d'exclusion de garantie dont se prévalait ladite compagnie, d'avoir dit qu'en vertu du contrat d'assurance conclu entre elles, la société AXA devait garantir la société Alpilles Events des pertes d'exploitation subies à la suite de la fermeture administrative ordonnée en raison de l'épidémie de Covid-19 et de l'avoir condamnée à payer à l'assurée une somme provisionnelle de 85.000 euros pour la période du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, ainsi qu'une provision complémentaire de 60.000 euros à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de son établissement du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020 ; 1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme (arrêt p. 6 §§ 4-12), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte […] de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie » (arrêt p. 5 dernier §), pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3) ALORS QU'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur » (arrêt p. 6 § 2), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 4) ALORS QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait qu'à la suite de l'épidémie de Covid-19, AXA avait formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés aux termes duquel figurait une clause d'exclusion de pertes d'exploitation pour causes d'épidémie, de pandémie et d'épizootie, en définissant clairement ces trois termes, pour en déduire que la notion d'épidémie n'était pas jusque-là suffisamment claire et précise (arrêt p. 7 § 1), quand, d'une part, cet avenant ne remettait pas en cause la clarté et la précision de la clause d'exclusion figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 5) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 3), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 6) ALORS, subsidiairement, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'à l'appui de ses conclusions (p. 40), AXA produisait des exemples de fermetures administratives liées à un cluster de l'épidémie de Covid-19 et limitées à un seul établissement dans un même territoire départemental, à savoir d'une école dans le département de l'Ille-et-Villaine et d'un abattoir dans le département de l'Aveyron (ses pièces n° 32.a, 32.b et 32.b.bis en appel) ; qu'en énonçant que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 3), la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et ainsi violé le principe susvisé ; 7) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « les risques épidémiques évoqués par la SA Axa France IARD susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l'épidémie ci-dessus ; d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l'assureur entrent dans le cadre d'un événement déjà garanti en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses » (arrêt p. 7 § 2), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions en produisant des définitions et des consultations scientifiques – que la cour d'appel a refusé d'examiner (arrêt p. 6 dernier §) – qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 8) ALORS QUE le constat, par la cour d'appel, qu'un cluster de l'épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un même territoire départemental soit théorique et non avéré à ce jour (arrêt p. 7 § 3) est impropre à caractériser la privation de substance de l'obligation essentielle de l'assureur, dès lors que la garantie porte sur les fermetures d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1170 du code civil ; 9) ALORS QU'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil (arrêt p. 7 12 § 6), quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ; 10) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée (arrêt p. 7 § 5), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances.
Une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. S'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'il énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique. Une clause d'exclusion n'est pas limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. N'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1192 FS-B+R Pourvoi n° J 21-19.343 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-19.343 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société A La Bonne franquette, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société A La Bonne franquette, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société A La Bonne franquette, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 21 juillet 2017 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société A La Bonne franquette a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre, en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société A La Bonne franquette a effectué une seconde déclaration de sinistre à la suite d'une nouvelle fermeture administrative ordonnée à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020. 5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa neuvième branche Enoncé du moyen 6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et de le condamner à payer à l'assuré diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application. » Réponse de la Cour 7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L.113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées. 8. Le moyen est, dès lors, inopérant. Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte, de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit », pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3°/ qu'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur », pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 10. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 12. Pour dire que l'assureur doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur. 13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ». 14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse. 15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa dixième branche Enoncé du moyen 16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis, par ailleurs, en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses. 20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour. 21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion vide de sa substance la garantie souscrite par l'assuré et n'apparaît pas limitée. 22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt disant que l'assureur doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et condamnant l'assureur à lui payer des provisions à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice entraîne la cassation des chefs de dispositif ordonnant une expertise et étendant la mission de l'expert, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société A La Bonne franquette aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société Axa France Iard fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 21 juillet 2017, elle devait garantir la société A La Bonne Franquette des pertes d'exploitation subies à la suite de la fermeture administrative ordonnée en raison de l'épidémie de Covid-19 et de l'avoir condamnée à payer à l'assurée diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation ; 1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme (arrêt p. 6 §§ 2-10), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte, de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit » (arrêt p. 5 § 6), pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3) ALORS QU'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur » (arrêt p. 5 dernier §), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 4) ALORS QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait qu'à la suite de l'épidémie de Covid-19, AXA avait formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés aux termes duquel figurait une clause d'exclusion de pertes d'exploitation pour causes d'épidémie, de pandémie et d'épizootie, en définissant clairement ces trois termes, pour en déduire que la notion de l'événement d'épidémie n'était pas jusque-là suffisamment claire et précise (arrêt p. 6 § 11), quand, d'une part, cet avenant ne remettait pas en cause la clarté et la précision de la clause d'exclusion figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 5) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 1), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 6) ALORS, subsidiairement, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'à l'appui de ses conclusions (p. 37), AXA produisait des exemples de fermetures administratives liées à un cluster de l'épidémie de Covid-19 et limitées à un seul établissement dans un même territoire départemental, à savoir d'une école dans le département de l'Ille-et- Villaine et d'un abattoir dans le département de l'Aveyron (sa pièce n° 17 en appel) ; qu'en énonçant que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 1), la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et ainsi violé le principe susvisé ; 7) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « les risques épidémiques évoqués par la SA Axa France IARD susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l'épidémie ci-dessus ; d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l'assureur entrent dans le cadre d'un événement déjà garanti en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses » (arrêt p.6 dernier §), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions en produisant des définitions et des consultations scientifiques – que la cour d'appel a refusé d'examiner (arrêt p. 6 § 10) – qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 8) ALORS QUE le constat, par la cour d'appel, qu'un cluster de l'épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un même territoire départemental soit théorique et non avéré à ce jour (arrêt p. 7 § 1) est impropre à caractériser la privation de substance de l'obligation essentielle de l'assureur, dès lors que la garantie porte sur les fermetures d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1170 du code civil ; 9) ALORS QU'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil (arrêt p. 7 § 4), quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ; 10) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée (arrêt p. 7 § 3), la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances.
Une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. S'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique. Une clause d'exclusion n'est pas limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. N'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1193 FS-B+R Pourvoi n° Q 21-15.392 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-15.392 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant à la société Le Phoenix, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Le Phoenix,et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 février 2021), la société Le Phoenix, exploitant un fonds de commerce de restauration, a souscrit le 23 août 2017 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle », comportant une garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Le Phoenix a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société Le Phoenix a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa septième branche Enoncé du moyen 5. L'assureur fait grief à l'arrêt de réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont il se prévaut, de dire qu'il doit garantir la société Le Phoenix des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, et de le condamner en conséquence à payer diverses provisions à l'assuré et à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat alors « que l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ce terme ne figure pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du seul fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; que, partant, à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs du jugement pris de ce que la clause d'exclusion serait imprécise du seul fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie », elle a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 6. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 7. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 8. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt, par motifs adoptés, retient que si le terme « épidémie », que le contrat ne définit pas, invoqué comme « cause identique » de fermeture administrative, doit être interprété, il en résulte nécessairement que la clause d'exclusion qui le vise ne peut être qualifiée de formelle, au sens des dispositions de l'article L. 113-1, alinéa 1er, du code des assurances. 9. Il ajoute que pour appréhender le mot « épidémie » et la notion de « population », l'assuré aurait dû préalablement consulter divers sites, rapports, articles de presse ou médecins. 10. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 11. L'assureur fait le même grief à l'arrêt alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – que celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en jugeant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 12. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 13. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 14. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que l'obligation essentielle de l'assureur est celle d'indemniser son assuré des pertes d'exploitation subies à la suite d'une fermeture administrative en raison d'une épidémie. 15. Il énonce, ensuite, que l'exclusion n'est pas limitée dès lors qu'elle vise tout autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, faisant l'objet d'une fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d'un village ou d'une ville, et que l'application pure et simple de cette clause aboutirait à ne pas garantir l'assuré des pertes d'exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et à priver de sa substance l'obligation essentielle de garantie. 16. Ajoutant que l'assureur ne produit aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie, l'arrêt en déduit que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances. 17. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare valable l'assignation délivrée le 9 septembre 2020 à la requête de la société Le Phoenix, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société Le Phoenix aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société AXA fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie dont elle se prévalait, d'AVOIR dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 23 août 2017, elle devait garantir la société Le Phoenix des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de coronavirus pour les périodes du 15 mars au 2 juin 2020, du 28 septembre au 4 octobre 2020 et à compter du 30 octobre 2020, de l'AVOIR, en conséquence, condamnée à payer à l'assurée diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation et de l'AVOIR condamnée à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat ; 1) ALORS, d'abord, QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que l'assureur ne produisait, selon elle, aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie (arrêt p. 8 §§ 9-10), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 2) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « l'exclusion ainsi définie n'est nullement limitée puisqu'elle vise tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, faisant l'objet d'une fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d'un village ou d'une ville » (arrêt p. 8 § 8), la cour d'appel, qui n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 3) ALORS, subsidiairement, QUE la cour d'appel a elle-même constaté qu'il résultait des différentes pièces produites par les parties qu'il était possible qu'une épidémie ne concerne que la population d'un lieu limité (arrêt p. 8 § 3), ce dont il se déduisait a fortiori que la garantie subsistant après application de la clause d'exclusion, consistant en la garantie des pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait d'une mesure de fermeture administrative touchant son seul établissement dans son département, était susceptible de jouer, de sorte que la garantie n'était pas vidée de toute substance du fait de cette clause ; qu'en affirmant que la clause d'exclusion vidait la garantie de sa substance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 4) ALORS, également subsidiairement, QU' en se bornant à affirmer que l'assureur ne produisait aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie (arrêt p. 8 § 10), sans rechercher si l'exemple d'indemnisation d'une ferme auberge faisant l'objet d'une fermeture administrative en raison d'une épidémie de grippe aviaire qui était produit par l'assureur en pièce n° 16 et expressément invoqué par celui-ci dans ses conclusions (p. 37) était de nature à établir que sa garantie avait déjà joué en cas d'épidémie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 5) ALORS, ensuite, QUE la cour d'appel, qui a affirmé que la clause d'exclusion de garantie n'était pas limitée en se bornant à rappeler les termes de cette clause (arrêt p. 8 § 8) sans aucunement donner les raisons qui la conduisaient à porter une telle appréciation, en particulier sans expliquer en quoi il résulterait des termes de cette clause qu'elle viderait la garantie de sa substance, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 6) ALORS, subsidiairement, QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – que celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en jugeant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 7) ALORS, aussi, QUE l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ce terme ne figure pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du seul fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; que, partant, à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs du jugement pris de ce que la clause d'exclusion serait imprécise du seul fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie », elle a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 8) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait écarter l'application de la clause d'exclusion de garantie figurant dans le contrat à la date du sinistre au motif qu'à la suite de l'épidémie de coronavirus, AXA a proposé à son assurée un avenant contenant cette fois une définition contractuelle des termes épidémie et pandémie et précisant le sort de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à une épidémie et à une pandémie (arrêt p. 9 § 1), quand, d'une part, cette proposition d'avenant ne la dispensait pas d'analyser la clause d'exclusion de garantie figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie, puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil.
Une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. S'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'il énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique. Une clause d'exclusion n'est pas limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. N'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1215 FS-B Pourvoi n° Q 21-11.252 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1er DÉCEMBRE 2022 La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-11.252 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale et du contentieux de la tarification), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) du Sud-Est, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], les observations écrites et orales de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 décembre 2020), M. [C] (la victime), employé en dernier lieu au service de l'établissement de [Localité 4] de la société [3] (la société), en qualité d'agent technique d'entretien, du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2011, a déclaré, le 7 août 2017, une affection professionnelle consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante que la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a prise en charge au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles. 2. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est (la CARSAT) ayant imputé au compte employeur de son établissement de [Localité 4] les dépenses afférentes à la maladie professionnelle de la victime, la société a saisi d'un recours la juridiction de la tarification en demandant leur retrait de ce compte et l'inscription de ces dépenses au compte spécial en application de l'article 2, 4°, de l'arrêté du 16 octobre 1995. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deux branches Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ que le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement ; qu'il en résulte que seuls les coûts relatifs aux sinistres imputables à l'activité d'un salarié au sein d'un établissement déterminé peuvent être pris en compte pour le calcul de la valeur du risque propre à cet établissement, de sorte que les coûts afférents à une maladie professionnelle ne peuvent être imputés au compte employeur d'un établissement que s'il est établi que le salarié y a été exposé ; que si la maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur ayant exposé la victime au risque du tableau au moment de la survenance de la maladie, il n'existe, en revanche, aucune présomption d'exposition au risque auprès du dernier employeur ayant employé le salarié ; qu'en refusant de rechercher, comme elle y était invitée, si la victime avait effectivement été exposée au risque de la maladie professionnelle au sein de l'établissement de [Localité 4] de la société au motif qu'une telle exposition devait être présumée dans le cadre du contentieux de la tarification, la cour d'appel a violé les articles D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1353 du code civil ; 2°/ que la contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge d'une maladie sur le fondement d'un tableau de maladies professionnelles devant la juridiction du contentieux général peut uniquement porter sur la régularité de la décision de prise en charge et son bien-fondé au regard des conditions du tableau ; que relève, en revanche, de la compétence du juge de la tarification, la contestation du dernier employeur portant, non pas sur le bien-fondé de la décision de prise en charge, mais sur le fait que celle-ci ne lui est pas imputable faute d'exposition au risque en son sein ; qu'au cas présent, la société ne contestait pas, devant la cour d'appel, le caractère professionnel de la maladie déclarée par la victime, mais demandait le retrait de son compte employeur des dépenses afférentes à cette maladie en faisant valoir que le salarié n'avait pas été exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante au sein de la société et que la maladie ne pouvait donc résulter que d'une exposition au risque pour le compte de précédents employeurs ; qu'en déboutant néanmoins la société de son recours au motif que « si la société affirme que le salarié n'a pu être exposé chez elle, elle ne justifie pas avoir contesté la prise en charge de la pathologie devant les juridictions du contentieux général, et ainsi, l'exposition est présumée dans le cadre de la présente procédure », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, violant l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 et l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles 1353 du code civil, D. 242-6-1, D. 242-6-4, D. 242-6-5, D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale et 2, 4°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, pris pour l'application de l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige : 4. Il résulte du premier de ces textes que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation. 5. Aux termes du deuxième de ces textes, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement. 6. Selon le troisième, l'ensemble des dépenses constituant la valeur du risque est pris en compte par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail dès que ces dépenses leur ont été communiquées par les caisses primaires, sans préjudice de l'application des décisions de justice ultérieures. Seules sont prises en compte dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents ou aux maladies dont le caractère professionnel a été reconnu. 7. Selon les quatrième et cinquième, les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas comprises dans la valeur du risque mais sont inscrites à un compte spécial. 8. Selon le dernier, sont inscrites au compte spécial, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées lorsque la victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie. 9. En application des trois derniers de ces textes, la maladie professionnelle est présumée contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire. Il appartient, alors , à l'employeur qui demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à cette maladie en application de l'article 2, 4°, de l'arrêté du 16 octobre 1995 de rapporter la preuve que l'affection déclarée par la victime est imputable aux conditions de travail au sein des établissements des entreprises différentes qui l'ont employée, sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie. 10. Par ailleurs, dans deux arrêts du 17 mars 2022 (2e Civ., 17 mars 2022, pourvoi n° 20-19.294, publié, et pourvoi n° 20-19.293), la Cour de cassation a décidé que le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge et que, toutefois, l'employeur peut contester cette imputabilité si sa faute inexcusable est recherchée ou si les conséquences financières de la maladie sont inscrites à son compte accidents du travail et maladies professionnelles. 11. Dès lors, sans préjudice d'une demande d'inscription au compte spécial, l'employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée au risque à son service. En cas de contestation devant la juridiction de la tarification, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail qui a inscrit les dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque chez celui-ci. 12. Pour rejeter le recours de la société, l'arrêt énonce que celle-ci affirme que la victime n'a pas pu être exposée chez elle car elle a été à son service à partir de 2005 bien après l'interdiction de l'utilisation de l'amiante, que cependant, la société ne justifie pas avoir contesté la prise en charge de la pathologie devant les juridictions du contentieux de la sécurité sociale alors que l'exposition est présumée dans le cadre de la présente procédure. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction sous le numéro de répertoire général 20/01529 des dossiers suivis sous les numéros 20/01524 et 20/02127, l'arrêt rendu le 4 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ; Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [3] La société [3] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes ; 1. ALORS QUE le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement ; qu'il en résulte que seuls les coûts relatifs aux sinistres imputables à l'activité d'un salarié au sein d'un établissement déterminé peuvent être pris en compte pour le calcul de la valeur du risque propre à cet établissement, de sorte que les coûts afférents à une maladie professionnel ne peuvent être imputés au compte employeur d'un établissement que s'il est établi que la salarié y a été exposé ; que si la maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur ayant exposé la victime au risque du tableau au moment de la survenance de la maladie, il n'existe, en revanche, aucune présomption d'exposition au risque auprès du dernier employeur ayant employé le salarié ; qu'en refusant de rechercher, comme elle y était invitée, si M. [C] avait effectivement été exposé au risque de la maladie professionnelle au sein de l'établissement de [Localité 4] de la société [3] au motif qu'une telle exposition devait être présumée dans le cadre du contentieux de la tarification, la cour d'appel a violé les articles D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1353 du code civil ; 2. ALORS QUE la contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge d'une maladie sur le fondement d'un tableau de maladies professionnelles devant la juridiction du contentieux général peut uniquement porter sur la régularité de la décision de prise en charge et son bien-fondé au regard des conditions du tableau ; que relève, en revanche, de la compétence du juge de la tarification, la contestation du dernier employeur portant, non pas sur le bien-fondé de la décision de prise en charge, mais sur le fait que celle-ci ne lui est pas imputable faute d'exposition au risque en son sein ; qu'au cas présent, la société [3] ne contestait pas, devant la cour d'appel, le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [C], mais demandait le retrait de son compte employeur des dépenses afférentes à cette maladie en faisant valoir que le salarié n'avait pas été exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante au sein de la société [3] et que la maladie ne pouvait donc résulter que d'une exposition au risque pour le compte de précédents employeurs ; qu'en déboutant néanmoins la société [3] de son recours au motif que « si la société [3] affirme que le salarié n'a pu être exposé chez elle, elle ne justifie pas avoir contesté la prise en charge de la pathologie devant les juridictions du contentieux général, et ainsi, l'exposition est présumée dans le cadre de la présente procédure », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, violant l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 et l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale.
Sans préjudice d'une demande d'inscription au compte spécial, l'employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée au risque à son service. En cas de contestation devant la juridiction de la tarification, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) qui a inscrit les dépenses au compte de cet employeur de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque chez celui-ci
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1218 FS-B Pourvoi n° C 20-22.760 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 20-22.760 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale et du contentieux de la tarification), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mme Cassignard, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 16 octobre 2020), M. [I] (la victime), ancien salarié de la société [3] (la société), a déclaré le 25 juin 2018 un mésothéliome malin du péritoine, pris en charge au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône. 2. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes (la CARSAT) ayant imputé au compte employeur de son établissement de [Localité 4] les dépenses afférentes à cette maladie, la société a saisi la juridiction de la tarification d'une demande d'inscription au compte spécial, en application des 3° et 4° de l'article 2 de l'arrêté du 16 juillet 1995. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors « qu'une maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur auprès duquel la victime a été exposé au risque ; qu'en cas de contestation par l'employeur d'une décision de tarification, c'est à la caisse qui a pris la décision litigieuse de rapporter la preuve que le salarié a été exposé au risque chez le dernier employeur auquel elle impute l'origine de la maladie ; qu'au cas présent, la société contestait avoir exposé le salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante à l'origine de sa maladie et demandait en conséquence le retrait des coûts afférents à la maladie de son salarié de son compte employeur ; qu'elle soulignait que le salarié avait été exclusivement exposé au risque à l'origine de sa maladie chez ses employeurs précédents entre 1966 et 1981 ; qu'en déboutant la société de ses prétentions au motif que « l'employeur ne produit aucune pièce relative aux conditions concrètes de travail de son salarié chez elle et qu'elle n'apporte pas le moindre commencement de preuve que ce dernier n'y aurait pas été exposé à l'amiante », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1353 du code civil, 6 et 9 du code de procédure civile, D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble de l'article 2, 3°, de l'arrêté du 16 octobre 1995. » Réponse de la Cour Vu les articles 1353 du code civil, D. 242-6-1, D. 242-6-4, D. 242-6-5, D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale et 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, pris pour l'application de l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige : 4. Il résulte du premier de ces textes que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation. 5. Aux termes du deuxième de ces textes, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement. 6. Selon le troisième, l'ensemble des dépenses constituant la valeur du risque est pris en compte par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail dès que ces dépenses leur ont été communiquées par les caisses primaires, sans préjudice de l'application des décisions de justice ultérieures. Seules sont prises en compte dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents ou aux maladies dont le caractère professionnel a été reconnu. 7. Selon les quatrième et cinquième de ces textes, les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas comprises dans la valeur du risque mais sont inscrites à un compte spécial. 8. Selon le dernier, sont inscrites au compte spécial, les dépenses afférentes à la maladie professionnelle qui a été constatée dans un établissement dont l'activité n'expose pas au risque, mais qui a été contractée dans une autre entreprise ou dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de la sécurité sociale. 9. Lorsque l'employeur demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle, en application de l'article 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, qui a inscrit ces dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque de la maladie dans l'un de ses établissements. Dans le cas où cette preuve n'a pas été rapportée, il incombe à l'employeur de prouver que la maladie a été contractée soit dans une autre entreprise qui a disparu, soit dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de sécurité sociale. 10. Pour rejeter le recours de la société, l'arrêt retient que celle-ci ne démontre pas que son activité n'a pas exposé le salarié au risque de sa pathologie. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des procédures inscrites au registre général sous les numéros 19/06689 et 20/01503, l'arrêt rendu le 16 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ; Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [3] Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société [3] n'établit pas que les conditions d'inscription des dépenses de la maladie de Monsieur [U] [I] au compte spécial soient remplies et la déboute en ce sens et d'avoir dit bien-fondée la décision de la CARSAT de maintenir au compte employeur de la société [3] les incidences financières de la maladie professionnelle de M. [I] ; ALORS QU'une maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur auprès duquel la victime a été exposé au risque ; qu'en cas de contestation par l'employeur d'une décision de décision de tarification, c'est à la caisse qui a pris la décision litigieuse de rapporter la preuve que le salarié a été exposé au risque chez le dernier employeur auquel elle impute l'origine de la maladie ; qu'au cas présent, la société [3] contestait avoir exposé le salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante à l'origine de sa maladie et demandait en conséquence le retrait des coûts afférents à la maladie de M. [I] de son compte employeur ; qu'elle soulignait que le salarié avait été exclusivement exposé au risque à l'origine de sa maladie chez ses employeurs précédents entre 1966 et 1981 ; qu'en déboutant la société [3] de ses prétentions au motif que « la société [3] ne produit aucune pièce relative aux conditions concrètes de travail de Monsieur [I] chez elle et qu'elle n'apporte pas le moindre commencement de preuve que ce dernier n'y aurait pas été exposé à l'amiante » (arrêt p. 4), la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1353 du Code civil, 6 et 9 du Code de procédure civile, D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble de l'article 2,3° de l'arrêté du 16 octobre 1995.
Lorsque l'employeur demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle en application de l'article 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail qui a inscrit ces dépenses au compte de cet employeur de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque de la maladie dans l'un de ses établissements. Dans le cas où cette preuve n'a pas été rapportée, il incombe à l'employeur de prouver que la maladie a été contractée soit dans une autre entreprise qui a disparu, soit dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de sécurité sociale
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CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1222 F-B Pourvoi n° D 21-15.589 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 21-15.589 contre l'arrêt n° RG : 20/00331 rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [S] [U], 2°/ à M. [I] [K], tous deux domiciliés [Adresse 2], pris tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de leur père [E] [K], décédé, 3°/ à M. [H] [K], domicilié [Adresse 1], pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de son père [E] [K], décédé, 4°/ à Mme [P] [K], domiciliée [Adresse 2], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de son père [E] [K], décédé, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [U], Mme et MM. [K], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 23 février 2021), le 11 avril 2012, [E] [K] (la victime), victime d'un malaise cardiaque alors qu'il se trouvait aux temps et lieu du travail, est décédé. L'employeur a établi une déclaration d'accident du travail transmise à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] (la caisse) qui, après avoir fait procéder à une autopsie de la victime, a notifié à ses ayants droit un refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle. 2. Les ayants droit de la victime ont saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que l'instance n'est pas éteinte par la péremption, alors « que l'instance est périmée lorsque les parties s' abstiennent d' accomplir, pendant un délai de deux, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que par jugement en date du 1er juillet 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy a « surs(is) à statuer sur la demande et ordonné la transmission au tribunal des affaires de sécurité sociale du rapport d'autopsie réalisée le 16 avril 2012 sur la victime » ; qu'en retenant qu'aucune diligence n'avait été mise à la charge des parties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article R. 142-10-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 386 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 386 du code de procédure civile et R. 142-10-10 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non constatées à cette date : 5. Selon le premier de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligence pendant deux ans. 6. Il résulte du second que l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné au premier les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. Ce délai court à compter de la date impartie pour la réalisation des diligences ou, à défaut de délai imparti pour les accomplir, de la notification de la décision qui les ordonne. 7. L'arrêt constate que par jugement avant dire droit du 1er juillet 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale a sursis à statuer et ordonné la transmission au tribunal du rapport de l'autopsie de la victime réalisée le 16 avril 2012. 8. Pour dire que l'instance n'est pas éteinte par la péremption, l'arrêt énonce qu'en se bornant à ordonner la transmission du rapport d'autopsie le tribunal n'a pas expressément mis à la charge des parties ou de l'une d'elles cette transmission. Il ajoute que cette imprécision a conduit la caisse à solliciter du tribunal par deux courriers des 8 et 13 juillet 2015 qu'il indique à qui il revenait de transmettre ce rapport. Il retient que le tribunal n'ayant imparti aucun délai pour cette transmission ni répondu aux demandes de la caisse, le délai de péremption n'a pu commencer à courir. 9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le jugement susvisé, dont les parties ne discutaient pas qu'il leur avait été régulièrement notifié, avait ordonné la transmission au tribunal du rapport d'autopsie de la victime ce qui impliquait qu'il soit justifié par la partie la plus diligente de la réalisation de cette transmission avant l'expiration du délai de deux ans à compter de cette notification, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] tendant à constater que par l'absence d'effet dévolutif, la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande et à dire n'y avoir lieu de statuer, l'arrêt rendu le 23 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne Mme [U] et Mme et MM. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4]. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par la CPAM de [Localité 4] encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes de la CPAM de [Localité 4] tendant à constater que par l'absence d'effet dévolutif, la Cour n'est saisie d'aucune demande et à dire n'y avoir lieu à statuer ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond ont rappelé les termes de la déclaration d'appel et constaté que l'acte d'appel fait état d'un appel total et d'une reprise des prétentions de l'appelant ; qu'en se déclarant saisie, par l'effet dévolutif, de la critique des chefs du jugement, la Cour d'appel a violé les articles 562, 932 et 933 du Code de procédure civile ; ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, en retenant que les chefs de dispositif du jugement attaqué sont également repris quand il résulte de ses constatations que les énonciations en cause ne sont que la reprise des prétentions de l'appelant, la Cour d'appel a violé les articles 562, 932 et 933 du Code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par la CPAM de [Localité 4], encourt la censure ; EN CE QU'il a dit que l'instance devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale puis le pole social du tribunal de grande instance n'a pas été éteinte par voie de préemption ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, l'instance est périmée lorsque les parties s' abstiennent d' accomplir, pendant un délai de deux, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que par jugement en date du 1er juillet 2015, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de NANCY a « surs(is) à statuer sur la demande et ordonné la transmission au Tribunal des affaires de sécurité sociale du rapport d'autopsie réalisée le 16 avril 2012 sur Monsieur [E] [K] » ; qu'en retenant qu'aucune diligence n'avait été mise à la charge des parties, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article R.142-10-10 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 386 du Code de procédure civile ; ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, en s'abstenant de rechercher si, en ordonnant la transmission du rapport d'autopsie, le Tribunal des affaires de sécurité sociale n'avait pas nécessairement mis cette diligence à la charge des parties, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R.142-10-10 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 386 du Code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par la CPAM de [Localité 4], encourt la censure ; EN CE QU'il a dit que le décès de Monsieur [E] [K] survenu le 11 avril 2012 doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, la présomption d'imputabilité est renversée lorsqu'il est établi qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident ; que la Caisse rapporte cette preuve en produisant l'avis du médecin-conseil, fondé sur le rapport d'autopsie, et constatant qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'avis du médecin-conseil, produit pas la Caisse, et établi sur la base du rapport d'autopsie, ne démontrait pas qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale ; ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, le rapport d'autopsie, établi sur le fondement de l'article L. 442-4 du Code de la sécurité sociale est couvert par le secret médical ; qu'en retenant, pour dire que Caisse ne rapporte pas la preuve de ce que qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident, qu'aucun empêchement ne s'oppose à la production, par la Caisse, du rapport d'autopsie, la Cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 442-4 du Code de la sécurité sociale et les articles 226-13 et 226-14 du Code pénal.
Selon l'article R.142-10-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable au litige, l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. Ce délai court à compter de la date impartie pour la réalisation des diligences ou, à défaut de délai imparti pour les accomplir, de la notification de la décision qui les ordonne. Viole ces textes l'arrêt qui rejette l'exception de péremption alors qu'il résultait de ses constatations qu'un premier jugement avant dire droit, dont les parties ne discutaient pas qu'il leur avait été régulièrement notifié, avait ordonné la transmission au tribunal du rapport d'autopsie de la victime ce qui impliquait qu'il soit justifié par la partie la plus diligente de la réalisation de cette transmission avant l'expiration du délai de deux ans à compter de cette notification
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1234 F-B Pourvoi n° U 21-10.773 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° U 21-10.773 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [U] [J], domicilié [Adresse 1], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société [5], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 19 novembre 2020), M. [J] (la victime), salarié de la société [5] (l'employeur), a été victime, le 4 octobre 2011, d'un accident pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] au titre de la législation professionnelle. Par jugement définitif d'un tribunal de police, l'employeur a été relaxé des poursuites du chef de blessures involontaires. 2. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief à l'arrêt de retenir sa faute inexcusable, alors : « 1°/ que l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision ; qu'en l'espèce, en retenant que la déclaration, par le juge répressif, de l'absence de faute pénale non intentionnelle ne s'opposait pas à la reconnaissance d'une faute inexcusable, cependant que le tribunal de police avait jugé que « l'enquête n'a pas permis d'établir d'une manière certaine la cause de l'ouverture de la vanne d'aspiration », que « restent des causes hypothétiques » réfutées par les techniciens en intervention qui avaient exclu toute manipulation volontaire ou par négligence, que « la possibilité d'une ouverture inopinée et spontanée de cette vanne n'a pu être identifiée même sur un mode improbable », que les salariés étaient « formés, habilités et expérimentés pour ce type d'intervention », que le « risque de brûlure » ne pouvait « pas être identifié au regard de l'intervention programmée » « justement appréciée », que si un système avec une double vanne pouvait prévenir les conséquences d'un geste involontaire ou la défaillance matérielle, « d'une part, aucune norme ne le prévoit et, d'autre part, il n'est pas habituellement spécifiquement recommandé pour ce type d'installation », de sorte que la décision de relaxe s'imposait dans l'instance civile reposant sur les mêmes faits, et que compte tenu des motifs et constatations matérielles du jugement, l'accident reposait sur une cause indéterminée, excluant toute faute inexcusable de l'employeur, dès lors que, sans identification d'un fait générateur précis, ne pouvaient être caractérisés ni le fait que l'employeur pouvait avoir conscience d'un danger, ni un lien entre un comportement fautif de l'employeur et la survenue de l'accident, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil et l'article 1351 du code civil. » Réponse de la Cour Vu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, et les articles 4-1 du code de procédure pénale et L. 452-1 du code de la sécurité sociale : 4. Si le premier de ces textes permet au juge civil, en l'absence de faute pénale non intentionnelle, de retenir une faute inexcusable en application du second, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou l'innocence de celui à qui le fait est imputé. 5. Pour dire la faute inexcusable établie, l'arrêt relève que selon l'enquête, malgré un travail préalable d'isolement de la pompe que les salariés s'apprêtaient à démonter, un jet d'ammoniac a surgi brutalement de la conduite et les a aspergés, brûlant gravement la victime, et que la fuite a été causée par l'ouverture inopinée de la vanne située entre la pompe et le stockage d'ammoniac. Il retient que quelle que soit la cause de l'ouverture de la vanne, le dispositif de sécurité était inadéquat et que l'employeur connaissait ou aurait dû connaître le fait que cette vanne n'était munie d'aucun dispositif de verrouillage en position fermée, contrairement aux règles de sécurité applicables à la matière. 6. En statuant ainsi, alors que pour prononcer la relaxe de l'employeur des poursuites du chef de blessures involontaires, par un motif qui était le soutien nécessaire de sa décision, la juridiction pénale, après avoir relevé que les causes de l'ouverture de la vanne étaient indéterminées, a écarté un manquement aux règles de sécurité lié à l'absence de double vanne ou d'un système de verrouillage de la vanne nécessitant un outil spécifique, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. [J] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société [5] La société [5] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle avait commis une faute inexcusable dans la survenance de l'accident du travail du 4 octobre 2011 dont M. [J] a été victime ; Alors 1°) que l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision ; qu'en l'espèce, en retenant que la déclaration, par le juge répressif, de l'absence de faute pénale non intentionnelle ne s'opposait pas à la reconnaissance d'une faute inexcusable (arrêt p. 5, 2ème §), cependant que le tribunal de police avait jugé que « l'enquête n'a pas permis d'établir d'une manière certaine la cause de l'ouverture de la vanne d'aspiration », que « restent des causes hypothétiques » réfutées par les techniciens en intervention qui avaient exclu toute manipulation volontaire ou par négligence, que « la possibilité d'une ouverture inopinée et spontanée de cette vanne n'a pu être identifiée même sur un mode improbable », que les salariés étaient « formés, habilités et expérimentés pour ce type d'intervention », que le « risque de brûlure » ne pouvait « pas être identifié au regard de l'intervention programmée » « justement appréciée », que si un système avec une double vanne pouvait prévenir les conséquences d'un geste involontaire ou la défaillance matérielle, « d'une part, aucune norme ne le prévoit et, d'autre part, il n'est pas habituellement spécifiquement recommandé pour ce type d'installation », de sorte que la décision de relaxe s'imposait dans l'instance civile reposant sur les mêmes faits, et que compte tenu des motifs et constatations matérielles du jugement, l'accident reposait sur une cause indéterminée, excluant toute faute inexcusable de l'employeur, dès lors que, sans identification d'un fait générateur précis, ne pouvaient être caractérisés ni le fait que l'employeur pouvait avoir conscience d'un danger, ni un lien entre un comportement fautif de l'employeur et la survenue de l'accident, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil et l'article 1351 du code civil ; Alors 2°) que lorsque la cause de l'accident du travail est indéterminée ou imputable à un geste imprévisible d'un salarié, l'employeur ne peut avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et être l'auteur d'une faute inexcusable ; qu'en retenant qu'il importait peu que ne soit pas déterminé si l'ouverture de la vanne était due à une défaillance technique ou à une erreur humaine (arrêt p. 6, antépénultième §), cependant que cette indétermination excluait toute faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; Alors 3°) que présente un caractère imprévisible pour l'employeur, l'accident du travail survenu en l'absence de toute défectuosité ou anomalie du matériel relevée lors des contrôles périodiques et inspections de sécurité, lorsque l'accident ne provient pas d'un défaut d'entretien ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée par la société [5], si la circonstance que les installations n'avaient jamais fait l'objet d'injonctions ou mises en demeure ni de la part de la DREAL dans le cadre de ses contrôles et inspections effectuées les 21 avril et 20 août 2009, 29 juin et 9 novembre 2010, 23 mars et 10 mai 2011, ni de la part de l'inspection du travail, que la direction n'avait jamais reçu d'alertes particulières ni de la Carsat ni de la médecine du travail ni des organismes de contrôle et de certification, ni du CHSCT (p. 9), ni remontée d'informations sur un danger potentiel lié à la configuration ou à l'utilisation du dispositif de vanne (p. 10), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; Alors 4°) qu'en ne répondant pas aux conclusions soutenant que la vanne quart de tour en amont de la pompe ne pouvait être considérée comme non conforme à la réglementation, en l'absence de prescriptions particulières (conclusions d'appel p. 10 et p. 13) et que les salariés utilisateurs, dont M. [J], experts dans le domaine de la maintenance mécanique et connaissant parfaitement ces équipements et leur environnement d'intervention, les plus qualifiés au sein de l'entreprise pour détecter une anomalie, n'avaient jamais formulé d'alertes, de demande de changements opératoires ni d'observations, et en l'absence de tout incident antérieur sur ce type de vanne (p. 12), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Alors 5°) que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation ; qu'en énonçant que la direction de l'usine avait reconnu que les principes de sécurité en matière de consignation des fluides n'avaient pas été respectés, ce qui ne ressort d'aucun élément de preuve identifié et analysé dans l'arrêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Alors 6°) que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en l'espèce, la société [5] a soutenu qu'elle avait satisfait à son obligation en matière d'évaluation des risques professionnels, avait mis en place des procédures internes en matière de consignations et déconsignations, consignation mécanique des vannes manuelles (p. 22), que l'installation avait été mise en sécurité et physiquement isolée avant le démarrage des travaux de dépose de la pompe, que la phase de mise à disposition avait été effectuée dans le respect des procédures par des opérateurs habilités après vidange du circuit (p. 25 et 26), que le personnel de maintenance était parfaitement compétent, qualifié, expérimenté, formé, intervenant uniquement en binôme sur des tâches connues et maîtrisées, que les opérations de mise à disposition et dépose de la pompe avaient mobilisé 7 personnes qualifiées sans relever aucune anomalie, de sorte que la société justifiait avoir effectué toutes les diligences sur le plan organisationnel, humain, technique pour éviter la survenance d'un accident (p. 28) ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si ces éléments n'excluaient toute faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Si l'article 4-1 du code de procédure pénale permet au juge civil, en l'absence de faute pénale non intentionnelle, de retenir une faute inexcusable en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou l'innocence de celui à qui le fait est imputé
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1246 F-B Pourvoi n° B 20-22.759 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 M. [O] [K], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° B 20-22.759 contre l'arrêt n° RG 18/13758 rendu le 9 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant : 1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis a formé un pourvoi incident. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [K], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2020), à la suite d'un contrôle de l'application des règles de tarification et de facturation des actes professionnels, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la caisse) a notifié, le 19 décembre 2016, à M. [K], médecin généraliste libéral (le professionnel de santé), un indu d'un certain montant relatif à la facturation de majorations de nuit et de majorations pour dimanches et jours fériés, pour la période du 17 février 2013 au 20 septembre 2016. 2. Le professionnel de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Le professionnel de santé fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « qu'il résulte de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale que les agents réalisant les vérifications ou enquêtes administratives des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale doivent être assermentés et agréés ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de l'absence de serment et d'agrément des agents de la caisse primaire d'assurance maladie pour cela qu'ils n'ont procédé notamment à aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place, la cour d'appel, en ajoutant à la loi des conditions dont elle ne dispose pas, a violé les dispositions susvisées. » Réponse de la Cour 5. Les dispositions de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, qui habilitent les directeurs des organismes de sécurité sociale à confier à des agents assermentés et agréés dans les conditions fixées par voie réglementaire, ainsi qu'à des praticiens conseils et auditeurs assermentés et agréés dans les mêmes conditions, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles, ne sont pas applicables aux contrôles de l'observation des règles de tarification et de facturation des actes, prestations, produits, fournitures et frais par les professionnels de santé, les établissements de santé et les prestataires et fournisseurs, qui obéissent exclusivement aux dispositions de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale et aux dispositions réglementaires prises pour leur application. 6. L'arrêt relève qu'à l'occasion du contrôle administratif de facturation, les agents de la caisse ont procédé uniquement à l'exploitation par analyse et recoupement des documents émanant du professionnel de santé, consistant en ses télétransmissions pour le versement de prestations et en ses tableaux de garde complétés. Il retient que ces agents n'ont donc procédé à aucun acte de vérification ou d'enquête au sens de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, notamment aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place. 7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la procédure en recouvrement de l'indu engagée par la caisse n'était pas entachée d'irrégularité en raison du défaut de justification de l'agrément et de l'assermentation des agents chargés du contrôle. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 9. Le professionnel de santé fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une décision de justice impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ; qu'en validant un redressement exclusivement fondé sur des données statistiques, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, informatique et libertés, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 10. Aux termes de l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, applicable au litige, aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de sa personnalité. 11. L'arrêt retient qu'il ressort de l'analyse des télétransmissions du professionnel de santé que ce dernier a facturé systématiquement à la caisse des majorations de nuit et des majorations pour dimanches et jours fériés en violation des prescriptions de la Nomenclature générale des actes professionnels, peu important que ces télétransmissions analysées dans le cadre du contrôle puissent s'inscrire dans un traitement informatisé. 12. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que le traitement des données n'étant pas destiné à établir le profil du professionnel de santé destinataire de la décision, ni à évaluer certains aspects de sa personnalité, la caisse pouvait produire ces données pour rapporter la preuve du non-respect des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale. 13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 14. La caisse fait grief à l'arrêt de condamner le professionnel de santé au paiement d'une certaine somme au titre de l'indu, alors « que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour dire justifiées les majorations pendant les périodes de garde, que les actes facturés et payés à hauteur de 15.395, 60 euros correspondaient à des actes effectivement réalisés en "permanence de soins ambulatoire" , après avoir pourtant constaté que pendant les périodes où il était de garde, M. [K] n'avait déclaré à l'ARS réaliser que très peu d'actes dans le cadre de la permanence des soins mais qu'il avait facturé de très nombreuses majorations de nuit et jours fériés, la cour d'appel qui a statué par des motifs contraires a violé l'article 455 code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 15. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs. 16. Pour rejeter partiellement la demande de la caisse en remboursement de sommes indûment perçues par le professionnel de santé, l'arrêt retient que ce dernier, pour les périodes où il était de garde, n'a déclaré à l'agence régionale de santé réaliser que très peu d'actes dans le cadre de la permanence des soins, mais qu'il a facturé de très nombreuses majorations de nuit et jours fériés. Il ajoute que, pour ces périodes, les actes ont été effectivement réalisés en permanence de soins ambulatoire, de sorte que le professionnel de santé était fondé à facturer des majorations de nuit et jours fériés. 17. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi incident, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit bien-fondé l'indu correspondant aux majorations facturées à tort à hauteur de 129 724,26 euros pour la période du 17 février 2013 au 23 septembre 2016, et condamne M. [K] à payer cette somme à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, au titre de l'indu, l'arrêt rendu le 9 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne M. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [K] M. [K] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la procédure de contrôle de recouvrement mise en œuvre par la Caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis à son encontre est régulière ; de l'avoir débouté en conséquence de sa demande d'annulation de la notification de payer adressée par courrier recommandé avec accusé de réception le 19 décembre 2016 ; de l'avoir débouté de sa demande d'annulation de la décision rendue par la commission de recours amiable de la Caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis ; d'avoir dit bien-fondé l'indu correspondant aux majorations facturées à tort à hauteur de 129 724,26 € pour la période du 17 février 2013 au 23 septembre 2016, et de l'avoir condamné à payer à la CPAM de Seine-Saint-Denis la somme de 129 724,26 € au titre de l'indu ; 1) alors qu'il résulte de l'article L 114-10 du code de la sécurité sociale que les agents réalisant les vérifications ou enquêtes administratives des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale doivent être assermentés et agréés ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de l'absence de serment et d'agrément des agents de la caisse primaire d'assurance-maladie pour cela qu'ils n'ont procédé notamment à aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place (arrêt, p. 6 - Sur la régularité de la procédure de contrôle, avant-dernier §), la cour d'appel, en ajoutant à la loi des conditions dont elle ne dispose pas, a violé les dispositions susvisées ; 2) alors que la notification de payer par laquelle s'ouvre l'action en recouvrement de l'indu doit permettre au professionnel de santé d'en comprendre la cause afin de pouvoir produire, le cas échéant, ses observations ; qu'en l'état d'une notification d'indu pour « non-respect de l'article 14 de la NGAP », avec un tableau récapitulatif mentionnant le code acte facturé en application de la NGAP, l'éventuel code complémentaire correspondant aux majorations facturées, et le taux de remboursement, ce qui ne permettait pas au médecin libéral de comprendre la raison pour laquelle des cotations complémentaires pour urgences étaient remises en question (contestation du caractère d'urgence au regard de l'état du malade ou de l'horaire de prise en charge, coefficient de majoration, etc.), en rejetant la demande d'annulation de la notification d'indu, la cour d'appel a violé l'article R 133-9-1 du code de la sécurité sociale ; 3) alors qu'une décision de justice impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ; qu'en validant un redressement exclusivement fondé sur des données statistiques, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, Informatique et libertés, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale ; 4) alors que l'article 14 de la Nomenclature générale des actes professionnels prévoit une majoration lorsque, en cas d'urgence justifiée par l'état du malade, les actes sont effectués la nuit ou le dimanche ou les jours fériés, et que sont considérés comme actes de nuit les actes effectués entre 20 heures et 8 heures si l'appel au praticien a été fait entre 19 heures et 7 heures ; qu'en considérant les majorations comme indues aux motifs inopérants que les actes étaient réalisés aux horaires habituels du cabinet, de 10 heures à minuit du lundi au dimanche et les jours fériés, la cour d'appel, qui a ajouté au texte une restriction dont il ne dispose pas, a violé l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale ; 5) alors enfin et en tout état de cause que le caractère exceptionnel de la consultation dépendant de l'urgence au regard de l'état de santé du malade, en tranchant cette question médicale sans recourir à l'expertise technique, la cour d'appel a violé l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis La CPAM de Seine-Saint-Denis fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré sur le montant de l'indu, et statuant de nouveau de ce chef, d'AVOIR dit bien-fondé l'indu correspondant uniquement aux majorations facturées à tort à hauteur de 129.724, 26 € pour la période du 17 février 2013 au 23 septembre 2016 et condamné M. [K] à payer à la CPAM de Seine-Saint-Denis uniquement la somme de 129.724, 26 € au titre de l'indu. 1° - ALORS QUE l'article 14 de la Nomenclature générale des actes professionnels prévoit que les actes effectués la nuit ou le dimanche et jours fériés donnent lieu à une majoration en cas d'urgence justifiée par l'état du malade; qu'en jugeant justifiées les majorations facturées par M. [K] les jours où il était de garde au titre de la permanence des soins ambulatoire au prétexte inopérant qu'il s'agissait d'actes réalisés en "permanence de soins ambulatoire" sans vérifier quand la Caisse le contestait, que les actes ainsi accomplis étaient justifiés par l'urgence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 14 de la Nomenclature générale des actes professionnels. 2° - ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour dire justifiées les majorations pendant les périodes de garde, que les actes facturés et payés à hauteur de 15.395, 60 € correspondaient à des actes effectivement réalisés en "permanence de soins ambulatoire" , après avoir pourtant constaté que pendant les périodes où il était de garde, M. [K] n'avait déclaré à l'ARS réaliser que très peu d'actes dans le cadre de la permanence des soins mais qu'il avait facturé de très nombreuses majorations de nuit et jours fériés, la cour d'appel qui a statué par des motifs contraires a violé l'article 455 code de procédure civile.
Aux termes de l'article 10, alinéa 1, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, applicable au litige, aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de sa personnalité. C'est à bon droit qu'une cour d'appel retient que le traitement automatisé des télétransmissions adressées par le professionnel de santé à la caisse n'étant pas destiné à établir le profil de celui-ci, ni à évaluer certains aspects de sa personnalité, la caisse pouvait produire ces données pour rapporter la preuve du non-respect des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1251 F-B Pourvoi n° Z 21-11.997 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-11.997 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Rhône-Alpes, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, premier président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 décembre 2020), l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a décerné une contrainte le 21 avril 2017 à la société [3] (la société), pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard afférentes à l'année 2015 et aux 2e, 3e et 4e trimestres 2016. 2. La société a formé opposition devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 622-7 et L. 631-14 du code de commerce, 131, VII, de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, et 6 du décret n° 2004-581 du 21 juin 2004, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-1179 du 13 octobre 2014, applicable au litige : 4. Selon les deux premiers de ces textes, le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. 5. Selon le troisième, le droit à l'exonération des cotisations sociales prévue par le I du même texte pour les jeunes entreprises innovantes est subordonné à la condition que l'entreprise ait rempli ses obligations de déclaration et de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales. 6. Selon le dernier, lorsque l'entreprise est à nouveau à jour du paiement de ses cotisations et contributions sociales, l'exonération peut être appliquée aux gains et rémunérations versés à compter du premier jour du mois suivant. 7. Il résulte de ces textes que la jeune entreprise innovante, à laquelle il est interdit de payer les cotisations et contributions sociales afférentes à la période antérieure au jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, est, à cette date, réputée, au sens de l'article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 susvisé, avoir rempli ses obligations de déclaration et de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales. 8. Pour rejeter le recours formé par la société cotisante, l'arrêt relève qu'elle a continué à appliquer l'exonération liée au statut de jeune entreprise innovante pendant la période d'observation consécutive à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 14 décembre 2014. Il retient qu'elle ne pourra être considérée comme étant à jour de ses cotisations sociales que sous réserve d'avoir respecté, jusqu'à son terme fixé en 2026, le plan d'apurement qui a été validé par jugement du tribunal de commerce le 14 juin 2016. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'opposition formée par la société [3] à l'encontre de la contrainte délivrée par l'URSSAF de Rhône-Alpes le 21 avril 2017, l'arrêt rendu le 15 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet l'affaire et les parties, sauf sur ce point, dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne l'URSSAF de Rhône-Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société [3] Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté une entreprise (la société [3], l'exposante) de son opposition à une contrainte délivrée par l'organisme de recouvrement (l'URSSAF Rhône-Alpes) pour un montant de 20 993 euros au titre des cotisations et majorations de retard de l'année 2015 et des 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2016, et d'avoir en conséquence validé ladite contrainte pour son entier montant ; ALORS QUE l'entreprise titulaire du statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) bénéficie rétroactivement des exonérations attachées à son statut dès qu'elle est à jour de ses cotisations non comprises dans le cadre d'un éventuel plan d'apurement souscrit par ailleurs ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que l'entreprise « justifiait (…) avoir réglé » intégralement les cotisations visées par la contrainte du 21 avril 2017 et non intégrées au plan d'apurement par ailleurs souscrit au titre « des années 2012 et 2014 », de sorte qu'en validant ladite contrainte pour la raison que, concernant la période afférente aux cotisations litigieuses, l'entreprise ne pouvait « bénéficier de manière rétroactive » de l'exonération liée à son statut de JEI « jusqu'(au) terme » dudit plan, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 6 du décret n° 2004-581 du 21 juin 2004 modifié par l'article 1er du décret n° 2014-1179 du 13 octobre 2014, complété par la lettre circulaire ACOSS n° 2015-0000048 du 10 octobre 2015.
Il résulte des articles L. 622-7 et L. 631-14 du code de commerce, 131, VII, de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, et 6 du décret n° 2004-581 du 21 juin 2004, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-1179 du 13 octobre 2014, que la jeune entreprise innovante, à laquelle il est interdit de payer les cotisations et contributions sociales afférentes à la période antérieure au jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, est, à cette date, réputée, au sens de l'article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 précité, avoir rempli ses obligations de déclaration et de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales
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N° T 22-85.388 F-B N° 01612 MAS2 29 NOVEMBRE 2022 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 M. [L] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 31 août 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants, associations de malfaiteurs, contrebande de marchandises prohibées, en récidive, et blanchiment, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [L] [T], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [L] [T] a fait l'objet, dans le cadre d'une enquête sur un trafic international de stupéfiants, d'un mandat d'arrêt délivré le 9 juin 2022 par le juge d'instruction. Il a été interpellé aux Emirats arabes unis et remis aux autorités françaises le 5 août 2022. 3. Le 8 août suivant, lors de son interrogatoire de première comparution, au cours duquel il était assisté de Mme Sophie Tesson, collaboratrice de M. Raphaël Chiche, M. [T] a désigné ce dernier comme avocat choisi et a été mis en examen des chefs susvisés. 4. Le juge d'instruction a délivré un permis de communiquer à M. Chiche le même jour. 5. M. [T] a sollicité un report du débat contradictoire, lequel a été fixé au 11 août 2022, à 14 heures. 6. Par courriel du 8 août à 20 heures 44, adressé au cabinet d'instruction n° 4, M. Chiche a demandé un permis de communiquer pour Mme Tesson et M. [R] [V], avocats collaborateurs. 7. Le 11 août, à 13 heures 31, M. Chiche a adressé une télécopie au juge des libertés et de la détention, indiquant que, le permis de communiquer sollicité pour Mme Tesson n'ayant pas été délivré alors qu'il avait été demandé, M. [T] n'avait pas été en mesure de préparer sa défense, et sollicitait en conséquence un renvoi. 8. En réponse aux questions du greffe du juge des libertés et de la détention puis du parquet général, la greffière du cabinet d'instruction a indiqué dans deux soit-transmis des 8 et 30 août 2022, d'une part, avoir remis en mains propres à la collaboratrice de M. Chiche un permis de communiquer au nom de celui-ci et, d'autre part, lui avoir précisé qu'elle devait envoyer ses demandes concernant ce dossier à l'adresse structurelle du service de l'instruction, durant l'absence du greffier du cabinet en charge du dossier, un message d'absence sur l'adresse structurelle dudit cabinet étant mis en place. 9. Par ordonnance du 11 août 2022, le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de renvoi aux motifs que M. [T] avait refusé d'être assisté par l'avocat de permanence et que les délais ne permettaient pas un nouveau renvoi. Il a placé l'intéressé en détention provisoire. 10. Celui-ci a interjeté appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux JIRS rendue le 11 août 2022 ordonnant le placement en détention provisoire de M. [T], alors : « 1°/ que les droits de la défense, au premier rang desquels figure le droit de communiquer avec son avocat, qui inclut celui de recevoir ses visites et de s'entretenir avec lui, supposent qu'un permis de communiquer soit délivré non seulement à l'avocat désigné par la personne mise en examen, mais encore, lorsque celui-ci en fait la demande, à ses collaborateurs, avant la tenue du débat contradictoire différé relatif à la détention ; qu'au cas d'espèce, il résulte des propres constations de la Chambre de l'instruction que Maître Raphaël Chiche, avocat désigné par Monsieur [T], a, dès la mise en examen de l'exposant, sollicité la délivrance d'un permis de communiquer au nom de ses collaborateurs par courriel adressé à la boîte structurelle du cabinet d'instruction en charge de l'affaire ; qu'il appartenait dès lors au juge d'instruction ou, en cas d'empêchement de celui-ci, à un juge désigné pour le substituer, de délivrer ce permis de communiquer en temps utile ; qu'en retenant, pour écarter l'atteinte aux droits de la défense et confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention plaçant Monsieur [T] en détention, qu'il appartenait à l'avocat de Monsieur [T] de s'adresser à un autre juge d'instruction afin de solliciter ce permis de communiquer, le juge en charge du dossier étant en vacances, quand une telle circonstance résultait de la seule organisation du service de la justice et ne pouvait être opposée à l'avocat de Monsieur [T], qui avait sollicité le permis de communiquer de ses collaborateurs dans les formes légales, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, R. 313-14, R. 313-15 et R. 313-16 du Code pénitentiaire, préliminaire, D. 32-1-2, D. 591, D. 592, R. 57-6-5, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 2°/ que les droits de la défense, au premier rang desquels figure le droit de communiquer avec son avocat, qui inclut celui de recevoir ses visites et de s'entretenir avec lui, supposent qu'un permis de communiquer soit délivré non seulement à l'avocat désigné par la personne mise en examen, mais encore, lorsque celui-ci en fait la demande, à ses collaborateurs, avant la tenue du débat contradictoire différé relatif à la détention ; qu'en retenant, pour écarter l'atteinte aux droits de la défense et confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention plaçant Monsieur [T] en détention, que ni l'avocat désigné par ce dernier ni ses collaborateurs n'avaient émis d'observation au moment de la délivrance d'un permis de communiquer au seul nom de Maître Raphaël Chiche, quand il résultait de ses propres constatations que dès le soir de cette délivrance, l'avocat de l'exposant avait sollicité, par courriel adressé à la boîte structurelle du cabinet d'instruction en charge de l'affaire, la délivrance d'un permis de communiquer au nom de ses collaborateurs, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, R. 313-14, R. 313-15 et R. 313-16 du Code pénitentiaire, préliminaire, D. 32-1-2, D. 591, D. 592, R. 57-6-5, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 3°/ que dans le cas où le demandeur fait valoir que ne figure pas en procédure la décision de remise des autorités judiciaires requises, il appartient à la chambre de l'instruction d'en demander le versement au dossier, une telle demande constituant une vérification au sens de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, puis de rechercher si la personne mise en examen avait été placée en détention provisoire pour des chefs d'accusation pour lesquels ces autorités avaient ordonné, au moins pour partie, sa remise ; que s'il apparaît d'emblée que le versement de cette décision est impossible, la Chambre de l'instruction, qui ne peut procéder au contrôle du respect du principe de spécialité, est tenue d'ordonner la remise en liberté de la personne extradée ; qu'en écartant le moyen tiré de l'irrégularité de la détention de Monsieur [T] après avoir elle-même constaté que la décision de remise des autorités émiraties ne figurait pas en procédure et ne pouvait pas y figurer, les services du Bureau de l'Entraide Pénale Internationale ayant cherché en vain à obtenir cette décision pendant plusieurs mois, la Chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 696-6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 12 de la Convention d'extradition conclue le 2 mai 2007 entre la France et les Emirats Arabes Unis ; 4°/ que seule la lecture de la décision de remise des autorités judiciaires requises permet à la Chambre de l'instruction de s'assurer du respect du principe de spécialité ; qu'en écartant le moyen tiré de l'irrégularité de la détention de Monsieur [T] après avoir elle-même constaté que la décision de remise des autorités émiraties ne figurait pas en procédure et ne pouvait pas y figurer, les services du Bureau de l'Entraide Pénale Internationale ayant cherché en vain à obtenir cette décision pendant plusieurs mois, au seul motif que le placement en détention provisoire de Monsieur [T] « a été prononcé des mêmes chefs que ceux qui ont été visés au mandat d'arrêt sur lequel les autorités judiciaires des Emirats Arabes Unis se sont nécessairement fondées pour prononcer la remise de l'intéressé », la Chambre de l'instruction a statué par un motif inopérant à justifier légalement sa décision au regard des articles 696-6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 12 de la Convention d'extradition conclue le 2 mai 2007 entre la France et les Emirats Arabes Unis. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches 12. Pour écarter le moyen de nullité selon lequel le permis de communiquer pour les collaborateurs de l'avocat désigné n'aurait pas été délivré en temps utile, l'arrêt attaqué énonce notamment que ce permis a été demandé dans la soirée de l'interrogatoire de première comparution du 8 août 2022 et qu'il ressort d'un soit-transmis de la greffière que la collaboratrice qui a reçu, en mains propres, un permis au seul nom de l'avocat désigné, n'a présenté aucune observation. 13. Les juges ajoutent qu'il ressort de ce même soit-transmis que l'adresse électronique structurelle du service de l'instruction permettant une communication a également été remise à la collaboratrice concernée. 14. Ils relèvent que l'avocat ne s'est ému d'un éventuel défaut de délivrance du permis de communiquer à ses deux collaborateurs auprès du juge des libertés et de la détention que le 11 août 2022, à 13 heures 31, alors que le débat différé était fixé le même jour à 14 heures, et ce, pour réclamer un renvoi du débat que les délais de procédure ne permettaient pourtant pas. 15. Ils observent encore que l'avocat du demandeur n'a pas produit le message automatique d'absence qu'il a reçu en réponse et qui l'invitait à saisir le secrétariat commun de sa demande. 16. Ils en déduisent que la nullité n'est pas encourue. 17. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les droits de la défense. 18. En toute hypothèse, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que la demande de permis de communiquer pour les deux collaborateurs de M. Chiche a été envoyée à une adresse électronique ne répondant pas au format « [Courriel 1] », seul éligible à la communication électronique pénale en application de la convention signée le 5 février 2021 avec le Conseil national des barreaux, qui a pour objet de garantir notamment la sécurité des échanges entre les avocats et les juridictions, l'intégrité des actes transmis et l'identification des acteurs de la communication électronique. Elle était dès lors irrecevable en application de l'article D. 591 du code de procédure pénale, dans sa version issue du décret n° 2022-546 du 13 avril 2022. 19. Ainsi, les griefs doivent être écartés. Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches 20. Pour écarter le moyen tiré du non-respect du principe de spécialité, l'arrêt attaqué énonce notamment que, si le bureau de l'entraide pénale internationale (BEPI) du ministère de la justice a adressé plusieurs demandes aux autorités émiriennes aux fins de transmission de la décision d'extradition, celles-ci ont transmis un message du 18 juillet 2022 émanant du ministère de l'intérieur fédéral des Emirats arabes unis indiquant en anglais : « Nous vous informons que la décision d'extradition urgente a été émise par notre autorité judiciaire. De plus, nous vous avisons que la personne concernée consent à l'extradition. » 21. Les juges relèvent que des demandes postérieures du BEPI des 3 et 4 août suivants n'ont pas abouti à la transmission d'éléments complémentaires et que l'attaché de sécurité intérieure en poste à Dubaï n'est pas davantage parvenu, dans le cadre de ses échanges avec les autorités émiriennes, à obtenir les documents sollicités. 22. Ils ajoutent que, même si aucun élément ne permet de déterminer que la personne mise en examen aurait renoncé au bénéfice du principe de spécialité, il doit être retenu que son placement en détention a été prononcé des mêmes chefs que ceux qui ont été visés au mandat d'arrêt sur lequel les autorités judiciaires des Emirats arabes unis se sont nécessairement fondées pour prononcer la remise de l'intéressé, la référence française visée par les autorités émiriennes dans la suite des messages échangés avec le BEPI étant celle de la présente procédure. 23. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision pour les motifs qui suivent. 24. D'une part, les éléments transmis par les autorités émiriennes compétentes se référaient à une décision de justice autorisant la remise, ainsi qu'au fait que la personne remise consentait à son extradition, sans mentionner une quelconque réserve. 25. D'autre part, les autorités des Emirats arabes unis, qui ont été mises en mesure de fournir les éléments nécessaires à la vérification du respect du principe de spécialité, lequel protège également la souveraineté de l'Etat requis, n'ont, à aucun moment, indiqué que la remise avait été assortie de réserves. 26. Ainsi, le moyen doit être écarté. 27. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
Une demande de permis de communiquer envoyée à une adresse électronique ne répondant pas au format « [email protected] », seul éligible à la communication électronique pénale en application de la convention signée le 5 février 2021 avec le Conseil national des barreaux, est irrecevable en application de l'article D. 591 du code de procédure pénale, dans sa version issue du décret n° 2022-546 du 13 avril 2022
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N° J 22-85.403 F-P N° 01613 GM 30 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 30 NOVEMBRE 2022 M. [S] [H] et M. [T] [G] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 2 septembre 2022, qui les a renvoyés devant la cour d'assises de Paris, sous l'accusation, pour le premier, d'évasion en bande organisée et d'association de malfaiteurs, pour le second, d'associations de malfaiteurs en récidive, et a confirmé leur maintien sous contrôle judiciaire. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de Maître Laurent Goldman, avocat de M. [S] [H], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 1er juillet 2018, trois personnes armées se sont emparées d'un hélicoptère dont le pilote a été contraint de se poser dans la cour intérieure du centre pénitentiaire de [Localité 1], et ont fait évader M. [K] [H], détenu dans cet établissement. 3. Les investigations ont permis l'arrestation du fugitif, ainsi que l'identification et l'interpellation de plusieurs personnes ayant participé à la préparation et à l'exécution de son évasion, ou l'ayant accueilli ou assisté. 4. Par ordonnance du 4 mai 2022, les juges d'instruction cosaisis de la juridiction interrégionale spécialisée de Paris ont ordonné la mise en accusation et le renvoi devant la cour d'assises de Paris de onze personnes pour divers crimes et délits connexes, dont M. [S] [H], frère de M. [K] [H], et M. [T] [G]. 5. Huit d'entre elles, dont M. [S] [H] et M. [G], ainsi que le procureur de la République, ont relevé appel de cette ordonnance. Déchéance du pourvoi formé par M. [G] 6. M. [G] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale. Examen des moyens proposés pour M. [H] Sur le premier moyen 7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. M. [S] [H] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé son maintien sous contrôle judiciaire jusqu'à sa comparution devant la cour d'assises de Paris, alors « que le contrôle judiciaire des personnes renvoyées pour délit connexe prend fin à compter de leur mise en accusation devant la cour d'assises, sauf s'il est fait application des dispositions du troisième alinéa de l'article 179 du code de procédure pénale ; qu'en confirmant le maintien sous contrôle judiciaire de M. [H] jusqu'à sa comparution devant la cour d'assises de Paris, sans faire application des dispositions du troisième alinéa de l'article 179 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 181 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 179, 181, 214 et 215 du code de procédure pénale : 9. Selon l'article 214 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction prononce la mise en accusation devant la cour d'assises ou la cour criminelle départementale des personnes mises en examen à l'égard desquelles il existe des charges d'avoir commis une infraction qualifiée crime par la loi. Elle peut aussi renvoyer devant la juridiction criminelle les infractions connexes, en particulier les délits. 10. Selon l'article 215 du code précité, l'article 181 du même code est applicable, lorsque la chambre de l'instruction prononce la mise en accusation. 11. Selon cet article 181, le contrôle judiciaire des personnes renvoyées pour délit connexe devant la juridiction criminelle prend fin avec la décision de mise en accusation, sauf s'il est fait application du troisième alinéa de l'article 179 du même code. 12. Selon ce dernier texte, la personne renvoyée devant une juridiction de jugement peut être maintenue sous contrôle judiciaire par le juge d'instruction, par une décision distincte de l'ordonnance de renvoi et spécialement motivée. 13. Il se déduit de ces dispositions que le contrôle judiciaire de la personne renvoyée pour délit connexe devant la cour d'assises ou la cour criminelle départementale par la chambre de l'instruction prend fin avec l'arrêt de mise en accusation, sauf s'il est maintenu par un arrêt distinct et spécialement motivé. 14. En ordonnant, par l'arrêt attaqué, d'une part, le renvoi de M. [S] [H] devant la cour d'assises pour des délits connexes, d'autre part, son maintien sous contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés. 15. La cassation est, dès lors, encourue. Portée et conséquences de la cassation 16. La cassation sera limitée à la confirmation du maintien sous contrôle judiciaire de M. [S] [H], dès lors que son renvoi devant la cour d'assises n'encourt pas la censure. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé par M. [G] : CONSTATE la déchéance du pourvoi ; Sur le pourvoi formé par M. [H] : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 2 septembre 2022, mais en ses seules dispositions relatives au maintien de M. [S] [H] sous contrôle judiciaire, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente novembre deux mille vingt-deux.
Le contrôle judiciaire de la personne renvoyée pour délit connexe devant la cour d'assises ou la cour criminelle départementale par la chambre de l'instruction prend fin avec l'arrêt de mise en accusation, sauf s'il est maintenu par un arrêt distinct et spécialement motivé
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N° F 21-85.948 F-B N° 01510 MAS2 6 DÉCEMBRE 2022 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 DÉCEMBRE 2022 M. [G] [O] et la société [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 11e chambre, en date du 6 octobre 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 24 novembre 2020, n° 19-87.651), pour infraction au code de l'environnement, a condamné le premier à 100 000 euros d'amende, a dit que cette amende serait supportée à concurrence de 80 000 euros par la seconde et a ordonné une mesure de publication. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire commun aux demandeurs et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [G] [O] et de la société [2], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 29 mars 2018, le centre de sécurité des navires de [Localité 4] a effectué un contrôle du combustible utilisé par un navire de croisière appartenant à la société britannique [2] et placé sous le commandement de M. [G] [O]. 3. Ce contrôle avait notamment pour objet de vérifier le respect des prescriptions de l'article L. 218-2 du code de l'environnement relatif aux limitations de la teneur en soufre des combustibles. Il s'est avéré que le bon de soutage du combustible utilisé indiquait une teneur en soufre de 1,75 % et l'analyse d'un échantillon a révélé une teneur de 1,68 %, alors qu'elle aurait du être inférieure ou égale à 1,50 %. Un procès-verbal de constatation d'infraction a été établi. 4. M. [O] a été cité devant le tribunal correctionnel pour pollution de l'air en raison de l'utilisation, par un navire en mer territoriale, de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes autorisées, faits prévus par les articles L. 218-15, II, L. 218-2, I, II et III, L. 218-16, L. 218-18 du code de l'environnement et réprimés par les articles L. 218-15, II, L. 218-23 et L. 173-7 du même code. 5. La société [2] a été citée, en sa qualité de propriétaire et exploitante du navire, sur le fondement de l'article L. 218-23 précité. 6. Le tribunal a déclaré M. [O] coupable, l'a condamné à une amende de 100 000 euros mise à la charge de la société [2] à hauteur de 80 000 euros, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils. 7. M. [O], la société [2] et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les premier, deuxième et troisième moyens, le cinquième moyen, pris en ses quatrième, cinquième, septième, huitième, neuvième et dixième branches, et le sixième moyen 8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [O] coupable de faits d'utilisation par un navire en mer territoriale de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes autorisées et a prononcé sur la peine, alors : « 1°/ que l'article L. 218-2, II, du code de l'environnement, qui établit une discrimination injustifiée entre les navires de croisière et les autres navires, est contraire au principe de non-discrimination, garanti par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en se fondant sur ce texte, pour retenir la responsabilité pénale du capitaine du navire, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que l'article L. 218-2, II, du code de l'environnement, en raison de l'imprécision de l'élément légal de l'infraction quant à la détermination des navires à passagers « assurant des services réguliers à destination ou en provenance de ports d'un Etat membre de l'Union européenne » est contraire au principe de légalité des délits et des peines, garanti par l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en se fondant sur ce texte, pour retenir la responsabilité pénale du capitaine du navire, la cour d'appel a violé l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 10. L'article L. 218-2, II, du code de l'environnement, interprété à la lumière, d'une part, de la directive 1999/32/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant une réduction de la teneur en soufre de certains combustibles liquides et modifiant la directive 93/12/CEE, telle que modifiée par la directive 2005/33/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2005, d'autre part, de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 23 janvier 2014 (CJUE, arrêt du 23 janvier 2014, Mattia Manzi et Compagnia Naviera Orchestra, C-537/11), selon lequel un navire de croisière relève du champ d'application de l'article 4 bis, paragraphe 4, de la directive 1999/32 précitée au regard du critère des « services réguliers », tel qu'énoncé à son article 2, point 3 octies, à condition qu'il effectue des croisières, avec ou sans escales, s'achevant dans le port de départ ou dans un autre port, pour autant que ces croisières sont organisées à une fréquence déterminée, à des dates précises et, en principe, à des heures de départ et d'arrivée précises, les intéressés pouvant librement choisir entre les différentes croisières offertes, est rédigé en termes suffisamment clairs et précis pour que son interprétation se fasse sans risque d'arbitraire, de sorte qu'il ne méconnaît pas l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme. 11. Par ailleurs, comme le souligne la directive 2012/33/UE du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012 modifiant la directive 1999/32 précitée, la circonstance que les navires à passagers opèrent principalement dans les ports ou à proximité des zones côtières et ont une incidence notable sur la santé humaine et sur l'environnement est de nature à justifier que, pour améliorer la qualité de l'air à proximité des ports et des côtes, ces navires soient tenus d'utiliser des combustibles marins présentant une teneur maximale en soufre de 1,50 %, jusqu'à ce que des normes plus strictes pour le soufre s'appliquent à tous les navires présents dans les eaux territoriales, zones économiques exclusives et zones de contrôle de la pollution des États membres, de sorte que l'article L. 218-2, II, du code de l'environnement ne méconnaît pas non plus l'article 14 de la Convention précitée. 12. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le cinquième moyen, pris en ses autres branches Enoncé du moyen 13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [O] coupable de faits d'utilisation par un navire en mer territoriale de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes autorisées et a prononcé sur la peine, alors : « 1°/ que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que la personne poursuivie ait été en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée ; que M. [O] a été poursuivi pour avoir, sur la ligne [Localité 1] et [Localité 4], dans les eaux territoriales françaises, entre le 28 et le 29 mars 2018, commis l'infraction d'utilisation par un navire en mer territoriale de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes autorisées, pollution de l'air, en l'espèce avoir utilisé un carburant pour assurer la liaison entre [Localité 1] et [Localité 4] dont la teneur en soufre est de 1,68 % alors que la norme autorisée ne doit pas dépasser 1,50 %, faits prévus par les articles L. 218-15, II, L. 218-2, I, II et III, L. 218-16, L. 218-18 du code de l'environnement et réprimés par les articles L. 218-15, II, L. 218-23 et L. 173-7 du même code ; que pour déclarer M. [O] coupable des faits qui lui étaient reprochés, la cour d'appel s'est fondée sur l'article L. 218-19, II, du code de l'environnement non visé à la prévention ; qu'en statuant ainsi, sans avoir invité M. [O] à s'expliquer sur cette nouvelle qualification, non visée à la prévention, la cour d'appel a méconnu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 388 du code de procédure pénale ; 2°/ que saisi in rem, le juge répressif ne peut statuer que sur les faits visés à l'acte qui le saisit, sauf accord exprès du prévenu d'être jugé sur les faits non compris dans les poursuites ; qu'en l'espèce, M. [O] a été poursuivi pour avoir sur la ligne [Localité 1] et [Localité 4], dans les eaux territoriales françaises, entre le 28 et le 29 mars 2018, commis l'infraction d'utilisation, par un navire en mer territoriale de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes autorisées, pollution de l'air, en l'espèce avoir utilisé un carburant pour assurer la liaison entre [Localité 1] et [Localité 4] dont la teneur en soufre est de 1,68 % alors que la norme autorisée ne doit pas dépasser 1,50 %, faits prévus par les articles L. 218-15, II, L. 218-2, I, II et III, L. 218-16, L. 218-18 du code de l'environnement et réprimés par les articles L. 218-15, II, L. 218-23 et L. 173-7 du même code ; que pour déclarer M. [O] coupable des faits qui lui étaient reprochés, la cour d'appel a énoncé que celui-ci avait commis une faute caractérisée exposant l'environnement à un risque d'une particulière gravité sur laquelle il n'avait pas accepté d'être jugé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine en violation de l'article 388 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6, § 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; que le délit d'utilisation par un navire en mer territoriale de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes autorisées prévu par l'article L. 218-15 du code de l'environnement constitue un délit intentionnel distinct tant en ses éléments matériel que moral du délit non-intentionnel de l'article L. 218-19, II, du code de l'environnement lequel incrimine le rejet d'hydrocarbure non intentionnel ; que pour déclarer M. [O] coupable des faits qui lui étaient reprochés, la cour d'appel a énoncé qu'en ne s'assurant pas des règles relatives à la pollution par les rejets des navires dans les eaux territoriales françaises et en ne faisant pas respecter ces règles, le taux de soufre du carburant utilisé par le navire étant de 1,75 % au lieu de la limite légale de 1,50 %, celui-ci a commis une faute caractérisée exposant l'environnement à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, les effets du soufre sur la santé humaine étant connus ; qu'en déclarant ainsi M. [O] coupable du délit intentionnel de l'article L. 218-15 du code de l'environnement en retenant la faute caractérisée prévue à l'article L. 218-19, II, du même code incriminant un délit non-intentionnel distinct de rejet d'hydrocarbure involontaire, la cour d'appel a méconnu les articles L. 218-15 du code de l'environnement, ensemble, par fausse application, l'article L. 218-19 II du même code ; 6°/ que, même à supposer l'article L. 218-19, II, du code de l'environnement applicable, suivant l'article 121-3 du code pénal, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; que l'article L. 218-19, II, du code de l'environnement vise la commission par le capitaine du navire d'une faute caractérisée qui a exposé l'environnement à un risque d'une particulière gravité que son auteur ne pouvait ignorer ; que, pour retenir la responsabilité pénale de M. [O], la cour d'appel a énoncé que, même si c'était un service spécialisé de la compagnie maritime qui prenait les décisions d'approvisionnement en carburant, le choix du carburant lui était, in fine, soumis pour validation ; qu'elle a encore énoncé que, même si les données ISM établies par la compagnie faisaient état de ce que dans les eaux territoriales françaises, un fioul avec un taux de soufre inférieur à 3,5 % pouvait être utilisé, le capitaine, garant de la protection de l'environnement et de la sûreté, était tenu personnellement de connaître, sans pouvoir évoquer son ignorance de la loi, et de faire respecter les règles relatives à la pollution par les rejets des navires, et devait s'assurer de la conformité à la législation du combustible utilisé ; qu'elle a ajouté qu'avait été fait usage du système de nettoyage des gaz d'échappement, permettant de diminuer le taux de soufre démontrait sa connaissance de ce qu'il était nécessaire d'abaisser dans les eaux territoriales françaises le taux de soufre du carburant utilisé par le navire dont la teneur en soufre était de 1,75 % en masse ; qu'enfin, elle a précisé qu'un combustible avec un taux de soufre > 1,50 % est plus onéreux qu'un combustible avec un taux de soufre inférieur à 1,50 % ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que le capitaine aurait commis une faute caractérisée exposant l'environnement à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel a violé les articles L. 218-19, II, du code de l'environnement et 121-3 du code pénal. » Réponse de la Cour 14. Pour confirmer le jugement, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que le navire avait navigué de [Localité 1] à [Localité 4] avec un combustible dont la teneur en soufre s'élevait à 1,68 %, supérieur au seuil de 1,50 % défini au II de l'article L. 218-2 du code de l'environnement, énonce qu'aux termes de l'article 121-3 du code pénal, repris au dernier alinéa de l'article L. 218-19 du code de l'environnement, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée qui exposait l'environnement à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer. 15. Les juges ajoutent que, lors d'une audition par les enquêteurs, M. [O] a admis être informé de l'obligation d'utiliser un combustible présentant un taux de soufre inférieur à 1,50 %, tout en considérant que le carburant utilisé était conforme aux exigences de la compagnie et du système International safety management (ISM) basé sur des lois internationales et les lois et accords concernant les eaux territoriales du pays de destination, dans la mesure où l'utilisation du système de nettoyage des gaz d'échappement (EGCS) devait permettre de remplir les critères requis. 16. Ils relèvent qu'il n'est pas contesté que le bon de soutage découvert à bord du navire, concernant le carburant chargé à [Localité 1] et utilisé lors du contrôle, indiquait une teneur en soufre de 1,75 % en masse. 17. Ils soulignent que les éléments produits par la défense et l'audition d'un témoin à l'audience établissent que les décisions d'approvisionnement en carburant sont prises par un service spécialisé de la compagnie basé à [Localité 3] qui détermine quel navire va s'approvisionner avec quel type de fioul, en quelle quantité et dans quel port, en fonction notamment des disponibilités dans les futures escales, des prix variables d'un port à l'autre, du nombre de miles nautiques à parcourir et des législations environnementales applicables dans les ports concernés. 18. Ils retiennent que, s'il est concevable que des règles générales concernant les décisions d'approvisionnement en carburant soient prises par un service spécialisé de la compagnie, afin notamment de mettre en place une organisation optimisée et d'obtenir à grande échelle les prix les plus favorables, il n'en demeure pas moins que M. [O] a convenu, en cours de procédure et lors de l'audience, qu'à l'occasion de chacun des trajets du navire, le choix du carburant est fait sur le navire par le premier officier de navigation, le chef mécanicien et l'officier chargé de la conformité environnementale, en fonction certes des instructions ISM émanant de la compagnie, mais qu'in fine ce choix lui est soumis pour validation. 19. Les juges précisent que l'audition par les premiers juges du représentant du centre de sécurité des navires PACA-Corse a confirmé que le capitaine peut à tout moment intervenir sur le combustible à consommer et que si les données ISM établies par la société [2] faisaient état de ce que dans les eaux territoriales françaises, un fioul avec un taux de soufre inférieur à 3,50 % pouvait être utilisé, cet argument ne peut être retenu comme exonératoire de responsabilité, alors que le capitaine, garant de la sécurité du navire et de son équipage, de la protection de l'environnement et de la sûreté, est tenu personnellement, à ce titre, de connaître et faire respecter, sans pouvoir évoquer son ignorance de la loi, les règles relatives à la pollution par les rejets des navires, et doit s'assurer de la conformité du combustible utilisé à la législation applicable. 20. Ils constatent encore que, tout en soutenant avoir utilisé un carburant conforme aux consignes de la compagnie faisant état de ce que les navires pouvaient circuler dans les eaux territoriales françaises avec un fioul avec un taux de soufre inférieur à 3,50 %, M. [O] a cependant déclaré aux enquêteurs avoir fait usage du système de nettoyage des gaz d'échappement, qui a pour objet de diminuer le taux de soufre, dès l'entrée sur les eaux territoriales françaises ou au moins sur une partie de celles-ci, et pas seulement lors de son arrivée à quai à [Localité 4], ce qui démontre bien qu'il avait connaissance de la nécessité d'abaisser en ces lieux le taux de soufre du carburant utilisé. 21. C'est à tort que la cour d'appel s'est référée, s'agissant de l'élément moral de l'infraction, à l'article L. 218-19 du code de l'environnement. 22. En effet, cet article, d'une part, n'est pas visé dans la prévention, d'autre part, concerne l'infraction distincte de pollution involontaire des eaux marines par rejet des navires, enfin, précise que son élément moral réside dans une faute d'imprudence, de négligence ou d'inobservation des lois et règlements, dût-elle, lorsque la personne poursuivie n'a pas causé directement le dommage, revêtir l'un des caractères particuliers de gravité définis dans son IV. 23. Or, l'article L. 218-15 du même code, qui incrimine la pollution de l'air commise par un navire et constitue le fondement des poursuites, ne comporte pas une telle précision quant à son élément moral, de sorte qu'il s'agit d'une infraction intentionnelle par application du premier alinéa de l'article 121-3 du code pénal. 24. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure. 25. En effet, il résulte des autres énonciations de l'arrêt rappelées aux paragraphes 15, 16, 18 et 20 que c'est en connaissance de cause que le prévenu a méconnu l'obligation d'utiliser un combustible présentant un taux de soufre inférieur à 1,50 %. 26. Ainsi, le moyen, devenu inopérant en sa sixième branche, doit être écarté. 27. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six décembre deux mille vingt-deux. Le Rapporteur Le Président Le Greffier de chambre
L'article L. 218-15 du code de l'environnement, qui incrimine la pollution de l'air commise par un navire, constitue une infraction intentionnelle, par application du premier alinéa de l'article 121-3 du code pénal. Justifie dès lors sa décision la cour d'appel dont les motifs établissent que c'est en connaissance de cause que le capitaine d'un navire a méconnu l'obligation d'utiliser un combustible présentant un taux de soufre inférieur à 1,50 %
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 877 FP-B+R Pourvoi n° N 21-15.390 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine », également connue sous la dénomination JSC Oschadbank, anciennement dénommée Public Joint Stock Company (State Savings Bank of Ukraine), société par actions, dont le siège est [Adresse 1] (Ukraine), a formé le pourvoi n° N 21-15.390 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 16, chambre commerciale internationale), dans le litige l'opposant à la Fédération de Russie, dont le siège est [Adresse 2] (Fédération de Russie), agissant par le Bureau du procureur général de la Fédération de Russie, lui-même représenté par le procureur général de la Fédération de Russie en exercice, ayant tous pouvoirs pour agir au nom de la Fédération de Russie, domicilié [Adresse 4] (Fédération de Russie), défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller doyen, les observations et plaidoiries de Me Ortscheidt, avocat de la société Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine », de Me Bénabent, avocat de la Fédération de Russie, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller doyen rapporteur, Mmes Duval-Arnould, Auroy, conseillers doyens, Mme Antoine, M. Mornet, Mme Poinseaux, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, M. Fulchiron, Mmes Dard, Bacache-Gibeili, Beauvois, M. Bruyère, Mme Agostini, conseillers, Mmes Le Gall, Kloda, M. Duval, Mmes Azar, de Cabarrus, Dumas, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, M. Serrier, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2021), le 27 novembre 1998, la Fédération de Russie et la République d'Ukraine ont conclu un traité bilatéral de protection des investissements (le TBI), qui est entré en vigueur le 27 janvier 2000. 2. Après avoir défini le terme « investissements » en son article 1.1, le TBI prévoit, en son article 9, que « Tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou la procédure de paiement des indemnités, prévus à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord » peut être soumise à l'arbitrage après une tentative de règlement amiable. 3. L'article 12 stipule que « Le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992. » 4. Le 20 janvier 2016, la société ukrainienne Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » (la banque) a engagé, sur le fondement de ce traité, une action indemnitaire devant un tribunal arbitral, en invoquant l'expropriation par la Fédération de Russie, en 2014, de ses actifs situés en Crimée. 5. La Fédération de Russie a formé un recours en annulation de la sentence qui, après avoir constaté la violation du TBI, l'a condamnée à payer à la banque la somme de 1 111 300 729 dollars US. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 6. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler la sentence arbitrale et de la condamner à verser 150 000 euros à la Fédération de Russie en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que, sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence ; que selon l'article 9 du Traité bilatéral d'investissement conclu le 27 novembre 1998 entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements, "tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou les procédures de paiement des indemnités, prévu à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord" peut être soumis à l'arbitrage ; que l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement, en ce qu'il prévoit que "le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992", ne limite pas la protection procédurale offerte par la convention d'arbitrage figurant à l'article 9 de ce traité aux investissements réalisés après cette date, mais affecte uniquement l'entrée en vigueur de la protection substantielle des investissements par le traité ; qu'ainsi, en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que "l'offre d'arbitrage qui résulte de l'article 9 n'est pas une offre générale et inconditionnelle pour tout litige d'investissement entre la Fédération de Russie et l'Ukraine, mais une offre insérée dans les limites fixées par le traité bilatéral d'investissement de sorte que la protection procédurale offerte par la clause d'arbitrage et dont la compétence du tribunal arbitral est subordonnée à l'applicabilité du traité à l'investissement objet du litige et plus précisément à l'existence d'un litige portant sur un investissement qui a nécessairement été réalisé par l'investisseur d'une des parties contractantes sur le territoire de l'autre à compter du 1er janvier 1992" et que "les termes de l'article 12 précité sont suffisamment clairs pour considérer qu'il détermine le champ d'application temporel du traité et qu'il n'ouvre droit à une protection tant substantielle que procédurale qu'aux seuls investissements qui ont été réalisés à compter du 1er janvier 1992 de sorte qu'en sont nécessairement exclu ceux qui l'ont été antérieurement", pour en déduire que l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée ayant débuté avant le 2 janvier 1992, cela impliquait "nécessairement que la réalisation de l'investissement le fût également" et que "la condition temporelle posée par l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement qui contient l'offre d'arbitrage n'est pas satisfaite de sorte que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaître du litige", la cour d'appel a violé l'article 1520,1° du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 7. La Fédération de Russie invoque l'irrecevabilité du moyen en ce que la banque se serait contredite à son détriment lors du recours en révision de la sentence. 8. Cependant, les moyens invoqués dans une autre instance ne sauraient caractériser une contradiction au détriment d'autrui. 9. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1520, 1°, du code de procédure civile : 10. Il résulte de ce texte que, si le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage, ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence. 11. En matière de protection des investissements transnationaux, le consentement de l'Etat à l'arbitrage procède de l'offre permanente d'arbitrage formulée dans un traité, adressée à une catégorie d'investisseurs que ce traité délimite pour le règlement des différends touchant aux investissements qu'il définit. 12. Pour annuler la sentence, l'arrêt retient que l'article 9 du TBI n'institue pas une offre générale et inconditionnelle pour tous litiges d'investissements entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante, mais une offre insérée dans les limites fixées par le traité, de sorte que la protection procédurale offerte par la clause d'arbitrage et donc la compétence du tribunal arbitral est subordonnée à l'applicabilité du traité à l'investissement objet du litige et plus précisément à l'existence d'un litige portant sur un investissement qui a nécessairement été réalisé par un investisseur d'une des parties contractantes sur le territoire de l'autre à compter du 1er janvier 1992. 13. En statuant ainsi, alors que ni l'offre d'arbitrage stipulée à l'article 9 ni la définition des investissements prévue à l'article 1er ne comportaient de restriction ratione temporis et que l'article 12 n'énonçait pas une condition de consentement à l'arbitrage dont dépendait la compétence du tribunal arbitral, mais une règle de fond, la cour d'appel, qui devait seulement vérifier, au titre de la compétence ratione temporis, que le litige était né après l'entrée en vigueur du traité, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société par actions Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » sur le moyen tiré de l'incompétence temporelle du tribunal arbitral, l'arrêt rendu le 30 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la Fédération de Russie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Fédération de Russie et la condamne à payer à la société Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » PREMIER MOYEN DE CASSATION Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » (JSC Oschadbank) fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence arbitrale rendue à Paris le 26 novembre 2018 (PCA Case n° 2016-14) et de l'avoir condamnée à verser 150.000 euros à la Fédération de Russie en application de l'article 700 du code de procédure civile ; 1°) ALORS QUE sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision d'un tribunal arbitral sur la compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence ; qu'en affirmant que « seule la volonté commune des parties a le pouvoir d'investir l'arbitre de son pouvoir juridictionnel, lequel se confond en matière d'arbitrage avec sa compétence » et que « lorsque la clause d'arbitrage résulte d'un traité bilatéral d'investissement, il convient dès lors d'apprécier cette volonté commune au regard de l'ensemble des dispositions du traité de sorte que le tribunal arbitral n'est compétent pour connaître d'un litige que s'il entre dans le champ d'application du traité et que s'il est satisfait à l'ensemble de ses conditions d'application » (arrêt attaqué, § 70 et 71), quand la compétence du tribunal arbitral s'apprécie au regard, non pas de l'ensemble des conditions d'application du traité bilatéral d'investissement, notamment celles relatives à la protection substantielle offerte par ce traité, mais uniquement de celles affectant la convention d'arbitrage, la cour d'appel a violé l'article 1520,1° du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence ; que selon l'article 9 du Traité bilatéral d'investissement conclu le 27 novembre 1998 entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements, « tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou les procédures de paiement des indemnités, prévu à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord » peut être soumis à l'arbitrage ; que l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement, en ce qu'il prévoit que « le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992 », ne limite pas la protection procédurale offerte par la convention d'arbitrage figurant à l'article 9 de ce traité aux investissements réalisés après cette date, mais affecte uniquement l'entrée en vigueur de la protection substantielle des investissements par le traité ; qu'ainsi, en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que « l'offre d'arbitrage qui résulte de l'article 9 n'est pas une offre générale et inconditionnelle pour tout litige d'investissement entre la Fédération de Russie et l'Ukraine, mais une offre insérée dans les limites fixées par le traité bilatéral d'investissement de sorte que la protection procédurale offerte par la clause d'arbitrage et dont la compétence du tribunal arbitral est subordonnée à l'applicabilité du traité à l'investissement objet du litige et plus précisément à l'existence d'un litige portant sur un investissement qui a nécessairement été réalisé par l'investisseur d'une des parties contractantes sur le territoire de l'autre à compter du 1er janvier 1992 » (arrêt attaqué, § 75) et que « les termes de l'article 12 précité sont suffisamment clairs pour considérer qu'il détermine le champ d'application temporel du traité et qu'il n'ouvre droit à une protection tant substantielle que procédurale qu'aux seuls investissements qui ont été réalisés à compter du 1er janvier 1992 de sorte qu'en sont nécessairement exclu ceux qui l'ont été antérieurement » (arrêt attaqué, § 83), pour en déduire que l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée ayant débuté avant le 2 janvier 1992, cela impliquait « nécessairement que la réalisation de l'investissement le fût également » et que « la condition temporelle posée par l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement qui contient l'offre d'arbitrage n'est pas satisfaite de sorte que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaître du litige » (arrêt attaqué, § 100-101), la cour d'appel a violé l'article 1520,1° du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » (JSC Oschadbank) fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence arbitrale rendue à Paris le 26 novembre 2018 (PCA Case n° 2016-14) et de l'avoir condamnée à verser 150.000 euros à la Fédération de Russie en application de l'article 700 du code de procédure civile ; 1°) ALORS QUE selon l'article 9 du Traité bilatéral conclu le 27 novembre 1998 entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements, peut être soumis à l'examen d'un tribunal ad hoc conformément au règlement d'arbitrage de la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), « tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou la procédure de paiement des indemnités, prévus à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord » ; que selon l'article 1.1 de ce traité, le terme investissement s'entend notamment de toutes sortes de biens qui sont investis par un investisseur d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante et énumère ensuite, de manière non limitative, des actifs considérés comme des investissements ; que son article 12 prévoit que « le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992 » ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée avait débuté avant le 2 janvier 1992, « impliquant nécessairement que la réalisation de l'investissements le fût également », pour en déduire « que la condition temporelle posée par l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement qui contient l'offre d'arbitrage n'est pas satisfaite de sorte que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaitre du litige » (arrêt attaqué, § 100 et 101), après avoir pourtant constaté que « le 18 mars 2014, la République de Crimée a été rattachée à la Fédération de Russie au terme du traité conclu le même jour » (arrêt attaqué, § 2), ce dont il résultait que les biens de la société JSC Oschadbank situés dans la Péninsule de Crimée n'étaient devenus des investissements protégés, réalisés par une société ukrainienne sur le territoire de la Fédération de Russie, au sens du traité bilatéral d'investissement, que postérieurement à cette date, la cour d'appel a violé l'article 1520,1° du code de procédure civile ; 2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE selon l'article 9 du Traité bilatéral conclu le 27 novembre 1998 entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements, peut être soumis à l'examen d'un tribunal ad hoc conformément au règlement d'arbitrage de la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), « tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou la procédure de paiement des indemnités, prévus à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord » ; que selon l'article 1.1 de ce traité, le terme investissement s'entend notamment de toutes sortes de biens qui sont investis par un investisseur d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante et énumère ensuite, de manière non limitative, des actifs considérés comme des investissements ; que son article 12 prévoit que « le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992 » ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que « pour apprécier la date à laquelle cet investissement, qui devait être pris dans sa globalité comme l'ensemble des services bancaires et financiers exercés par la société JSC Oschadbank à travers ses succursales bancaires en Crimée a été réalisé, il convient donc de s'interroger sur la date à laquelle cette activité bancaire et financière a été créée » (arrêt attaqué, § 96), que « l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée avait débuté antérieurement » au 2 janvier 1992, « impliquant nécessairement que la réalisation de l'investissement le fût également » (arrêt attaqué, § 100), pour en déduire que « la condition temporelle posée par l'article 12 du traité bilatéral d'investissement qui contient l'offre d'arbitrage n'est pas satisfaite de sorte que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaitre du litige » (arrêt attaqué, § 101), la cour d'appel, qui a ajouté une condition que le traité ne prévoit pas, a violé l'article 1520,1° du code de procédure civile ; 3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en déduisant que l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée avait débuté avant le 2 janvier 1992, ce qui impliquait nécessairement que la réalisation de l'investissement le fût également (arrêt attaqué, § 100) de ce que cette banque est née du démantèlement du système bancaire unifié de l'Union Soviétique, en 1991, que l'activité de la branche ukrainienne de la Sberbank de l'Union Soviétique a été transférée à l'Etat ukrainien par une ordonnance du 20 mars 1991 et à une société de droit public dénommée, à compter du 3 septembre 1991, « Banque d'Epargne Public Commerciale spécialisée d'Ukraine (Oschadbank d'Ukraine) », enregistrée auprès de la banque nationale d'Ukraine le 31 décembre 1991 (arrêt attaqué, § 97), qu'aux termes des statuts de cette banque du 3 septembre 1991, il est indiqué qu'elle a été créée en vertu d'une loi du 20 mars 1991, qu'il s'agit d'une personne morale et avec toutes ses succursales, constitue un système unifié de la banque, que les succursales ou les départements situés en République Socialiste Soviétique autonome de Crimée, dans les régions, à [Localité 3] ainsi qu'au niveau local, sont dirigés par les directeurs de succursales ou les gestionnaires des départements qui sont nommés hiérarchiquement par les organes administratifs de la banque parmi les personnes ayant une expérience pratique d'au moins trois ans au sein de la banque et que ces succursales sont soumises au régime juridique des personnes morales, agissent au nom de la banque, disposent de leur propre bilan financier, qui font partie du bilan de la banque et exercent leur activité en vertu du Règlement sur les succursales et départements de la Banque approuvé par le Conseil de la banque (arrêt attaqué, § 98), et qu'il ressort d'un compte-rendu de la réunion du Conseil de la banque du 3 septembre 1991 « que le directeur de la succursale de la Banque en Crimée est un membre du Conseil de la banque précitée de sorte qu'à cette date les activités bancaires et financières de la société JSC Oschadbank étaient d'ores et déjà en cours » (arrêt attaqué, § 99), la société Oschadbank soutenant au contraire que l'investissement n'était pas antérieur au 1er janvier 1992, puisque sa succursale de Crimée n'avait été enregistrée que le 2 janvier 1992 (concl., § 163, p. 53), la cour d'appel, qui a statué par voie de simples affirmations, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision d'un tribunal arbitral sur la compétence, en recherchant, tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que dans sa sentence arbitrale du 26 novembre 2018, le tribunal arbitral a indemnisé la société JSC Oschadbank à hauteur de 597.771.793 dollars US pour la perte de ses biens, de 484.616.757 dollars US pour sa perte de profits futurs et de 28.912.179 dollars US pour la perte de biens de tiers, correspondant à de l'or, des bijoux et des espèces dérobés, ainsi qu'à des commissions (sentence, § 332, à 341 et § 374 à 375) ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir relevé que « dans le cadre de la procédure arbitrale, la société JSC Oschadbank visait ainsi la protection de ses actifs corporels (biens mobiliers et immobiliers), et droits immobiliers (y compris ceux découlant de baux) des créances, des droits et des intérêts économiques découlant des relations entre la succursale de Crimée et ses clients (...) » (arrêt attaqué, § 95), sans constater que le tribunal arbitral, en indemnisant la société JSC Oschadbank, a statué sur des investissements réalisés par elle en Crimée avant 1er janvier 1992, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520,1° du code de procédure civile.
Il résulte de l'article 1520, 1°, du code de procédure civile que, si le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage, ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence. En matière de protection des investissements transnationaux, le consentement de l'Etat à l'arbitrage procède de l'offre permanente d'arbitrage formulée dans un traité, adressée à une catégorie d'investisseurs que ce traité délimite pour le règlement des différends touchant aux investissements qu'il définit. Il s'ensuit qu'alors que l'offre d'arbitrage stipulée dans un traité ne comporte pas de restriction ratione temporis, le juge de l'annulation doit seulement vérifier, au titre de la compétence ratione temporis, que le litige est né après l'entrée en vigueur du traité
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CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 887 F-B Pourvoi n° X 21-17.492 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 M. [T] [K], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 21-17.492 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [U] [O], domiciliée [Adresse 1] (Luxembourg), prise en qualité de liquidateur de la société Landsbanki, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 4] Luxembourg, 2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [K], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O], ès qualités, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mars 2021), M. [K] (l'emprunteur) a formé un recours contre la décision d'un directeur des services de greffe judiciaires constatant la force exécutoire en France d'un arrêt de la cour d'appel du Grand-Duché du Luxembourg qui a rejeté sa demande d'admission au passif de la société luxembourgeoise Landsbanski Luxembourg, représentée par Mme [O], liquidatrice (la banque), et l'a condamné à payer à celle-ci diverses sommes. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 2. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et de constater la force exécutoire, en France, de l'arrêt de la cour d'appel du Grand-Duché du Luxembourg, alors : « 1°/ que l'action intentée contre un consommateur ne peut être portée que devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié ledit consommateur, sauf à ce que cette demande soit formée à titre reconventionnel devant le tribunal saisi par le consommateur d'une demande originaire ; qu'en l'espèce, en retenant, pour en déduire que les juridictions luxembourgeoises étaient compétentes, que la banque avait formé une demande reconventionnelle contre l'emprunteur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la demande en remboursement du prêt formée par la banque était connexe à la demande originaire d'admission d'une créance au passif d'une procédure collective, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 15, 16, 35 et 45 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ; 2°/ que si le juge d'un État membre devant lequel le défendeur comparaît est compétent, c'est à la condition que le défendeur ait été informé de son droit de contester la compétence de la juridiction et des conséquences d'une comparution ou d'une absence de comparution ; qu'en l'espèce, en retenant que l'emprunteur n'a pas contesté la compétence de la juridiction de Luxembourg pour statuer sur la demande reconventionnelle de la banque, sans rechercher si celui-ci avait été informé de son droit de contester la compétence de cette juridiction, ce qui n'était pas le cas, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 24 du Règlement n° 44/2001, ensemble l'article 26 du Règlement (UE) n° 1215/2012 et l'article 38 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. » 3. En premier lieu, il résulte de l'article 66 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I bis) que le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) continue à s'appliquer aux décisions rendues dans les actions judiciaires intentées avant le 10 janvier 2015. 4. Ayant relevé que l'action devant les juridictions luxembourgeoises avait été engagée le 31 mars 2010, la cour d'appel en a exactement déduit que la reconnaissance de la décision rendue par elles était régie par le règlement Bruxelles I, lequel ne prévoyait pas qu'avant de se déclarer compétente, la juridiction devait s'assurer que le consommateur défendeur était informé de son droit de contester cette compétence et des conséquences d'une comparution ou d'une absence de comparution. 5. En second lieu, il résulte de l'arrêt de la CJCE du 20 mai 2010 (aff. C-111/09) que l'article 24 du règlement Bruxelles I doit être interprété en ce sens que le juge saisi, sans que les règles relatives au contrat de consommation aient été respectées, doit se déclarer compétent lorsque le défendeur comparaît et ne soulève pas d'exception d'incompétence, une telle comparution constituant une prorogation tacite de compétence. 6. Ayant constaté que l'emprunteur n'avait pas contesté la compétence de la cour d'appel de Luxembourg pour statuer sur la demande reconventionnelle de la banque, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision. Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. L'emprunteur fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une décision n'est pas reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis ; que la nullité d'une clause potestative a un caractère d'ordre public ; qu'en l'espèce, est potestative la clause autorisant la banque à exiger le remboursement du prêt dans l'hypothèse, selon une procédure de calcul laissée par le contrat à l' « entière discrétion » de la banque, le ratio de gagerie se monte à 90 % du montant du prêt ; qu'en jugeant néanmoins que le moyen relatif à l'existence d'une éventuelle clause potestative relève de l'appréciation du juge du fond et qu'une clause potestative n'est en tout état de cause pas contraire à l'ordre public français, lorsque la nullité d'une clause potestative a un caractère d'ordre public, de sorte qu'une décision de condamnation fondée sur une telle clause ne peut être reconnue, la cour d'appel a violé l'article 34 du Règlement 44/2001, ensemble l'article 1304-2 du code civil. » Réponse de la Cour 8. Selon les articles 34 et 36 du règlement Bruxelles I, la reconnaissance n'est refusée que si elle est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat requis et, en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond. 9. La contrariété à l'ordre public international s'entend d'une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique de l'Union et donc dans celui de l'État membre requis ou d'un droit reconnu comme fondamental dans ces ordres juridiques (CJUE 6 juillet 2015, aff. C-681/13). 10. En retenant que ne satisfaisait pas à ces conditions la violation alléguée de l'article 1174 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui prohibait les clauses potestatives, la cour d'appel a justifié sa décision. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. 12. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 16, 3° de la section 4 du règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et le condamne à payer à la société Landsbanski Luxembourg, représentée par Mme [O], liquidateur la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. [K] Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision déférée en toutes ses dispositions et, partant, d'avoir constaté la force exécutoire, en France, de l'arrêt en date du 27 avril 2016 de la cour d'appel du Grand-Duché du Luxembourg dans l'instance opposant la société anonyme Landsbanki Luxembourg à Monsieur [T] [K] ; 1°) Alors que, d'une part, l'action intentée contre un consommateur ne peut être portée que devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié ledit consommateur, sauf à ce que cette demande soit formée à titre reconventionnel devant le tribunal saisi par le consommateur d'une demande originaire ; qu'en l'espèce, en retenant, pour en déduire que les juridictions luxembourgeoises étaient compétentes, que la société Landsbanki avait formé une demande reconventionnelle contre Monsieur [K], sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (conclusions d'appel, p. 10), si la demande en remboursement du prêt formée par la banque était connexe à la demande originaire d'admission d'une créance au passif d'une procédure collective, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 15, 16, 35 et 45 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ; 2°) Alors que, d'autre part, si le juge d'un État membre devant lequel le défendeur comparaît est compétent, c'est à la condition que le défendeur ait été informé de son droit de contester la compétence de la juridiction et des conséquences d'une comparution ou d'une absence de comparution ; qu'en l'espèce, en retenant que Monsieur [K] n'a pas contesté la compétence de la cour d'appel de Luxembourg pour statuer sur la demande reconventionnelle de la société Landsbanki, sans rechercher si celui-ci avait été informé de son droit de contester la compétence de cette juridiction, ce qui n'était pas le cas, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 24 du Règlement n° 44/2001, ensemble l'article 26 du Règlement (UE) n° 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale et l'article 38 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 3°) Alors que, de troisième part, une décision n'est pas reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis ; que la nullité d'une clause potestative a un caractère d'ordre public ; qu'en l'espèce, est potestative la clause autorisant la banque à exiger le remboursement du prêt dans l'hypothèse, selon une procédure de calcul laissée par le contrat à l' « entière discrétion » de la banque, le ratio de gagerie se monte à 90 % du montant du prêt ; qu'en jugeant néanmoins que le moyen relatif à l'existence d'une éventuelle clause potestative relève de l'appréciation du juge du fond et qu'une clause potestative n'est en tout état de cause pas contraire à l'ordre public français, lorsque la nullité d'une clause potestative a un caractère d'ordre public, de sorte qu'une décision de condamnation fondée sur une telle clause ne peut être reconnue, la cour d'appel a violé l'article 34 du Règlement 44/2001, ensemble l'article 1304-2 du code civil.
Selon les articles 34 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, la reconnaissance n'est refusée que si elle est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat requis et, en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond. Ayant retenu que ne satisfaisait pas aux conditions d'une contrariété à l'ordre public international la violation alléguée de l'article 1174 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui prohibait les clauses potestatives, une cour d'appel justifie sa décision de rejet d'une contestation de déclaration de reconnaissance de force exécutoire
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CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 846 FS-B Pourvoi n° W 21-23.103 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société Valbanet, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 21-23.103 contre l'arrêt rendu le 29 juillet 2021 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société l'Immobilière européenne des Mousquetaires, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Altis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Hypermarchés des deux mers, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Valbanet, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société l'Immobilière européenne des Mousquetaires, de la société Altis, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 juillet 2021) et les productions, le 16 juillet 2009, la société Hypermarché des deux mers, aux droits de laquelle est venue la société l'Immobilière européenne des mousquetaires (la bailleresse), a, pour une durée de sept années, donné en location à la société Valbanet (la locataire) un terrain nu supportant une station de lavage décrite comme entièrement démontable. 2. Le 24 novembre 2015, la bailleresse a donné congé à la locataire pour le 30 juin 2016 puis, le 27 juin 2017, l'a assignée en expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation. 3. A titre reconventionnel, la locataire, se prévalant du caractère non-écrit de la durée du contrat, a, le 12 décembre 2018, sollicité l'annulation du congé. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La locataire fait grief à l'arrêt de déclarer prescrites ses demandes, alors « que l'article L. 145-15 du code de commerce, tel qu'issu de la loi du 18 juin 2014, qui a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours, quelle que soit la date de leur conclusion, l'action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail n'étant pas soumise à prescription ; qu'en l'espèce, en réponse au congé délivré par le bailleur le 24 novembre 2015, l'exposante se prévalait de l'inopposabilité de la clause fixant à sept ans la durée du bail et empêchant tout droit au renouvellement, invoquant l'application du nouvel article L. 145-15 du code de commerce, disposition qui se trouvait applicable au bail considéré qui était en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, intervenue le 20 juin 2014, pour avoir été conclu le 16 juillet 2009 ; qu'en retenant toutefois que l'article L. 145-15 nouveau ne pouvait s'appliquer au bail conclu le 16 juillet 2009, dès lors qu'il aurait pour effet de faire revivre un droit éteint par la prescription depuis le 16 juillet 2011, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 145-15 du code de commerce, tel qu'issu de la loi du 18 juin 2014. » Réponse de la Cour 6. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, que l'article L. 145-15 du code de commerce réputant non écrites certaines clauses d'un bail, n'est pas applicable à une demande en requalification d'un contrat en bail commercial. 7. Elle a exactement retenu que la demande de la locataire, qui tendait à la requalification en bail statutaire de la convention de location de terrain nu signée le 16 juillet 2009, était soumise à la prescription de deux ans commençant à courir à compter de la conclusion de la convention. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Valbanet aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Valbanet et la condamne à payer à la société l'Immobilière européenne des Mousquetaires la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Valbanet La société Valbanet fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré prescrites toutes les demandes de la Sarl Valbanet, D'AVOIR, dit et jugé que la Sarl Valbanet est occupante sans droit ni titre de la parcelle de terrain d'une superficie d'environ 500 m2 dépendants du lot numéro 15 d'un ensemble immobilier situé à [Adresse 2], D'AVOIR, en conséquence, dit que la Sarl Valbanet, ainsi que tous occupants de son chef, devra délaisser et rendre libres les lieux occupés dans le délai de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt, D'AVOIR dit qu'à défaut de ce faire, à l'issue du délai accordé, la Sarl Valbanet et tous occupants de son chef pourra y être contrainte par toutes voies de droit, au besoin avec le concours de la force publique, D'AVOIR fixé le montant de l'indemnité d'occupation due à compter du ler juillet 2016 au montant du dernier loyer annuel, D'AVOIR condamné la Sarl Valbanet à payer à la SA L'Immobilière Européenne Des Mousquetaires le montant de l'indemnité d'occupation ainsi fixée à compter du 1er janvier 2020 jusqu'à la libération effective des lieux, 1°/ ALORS QUE l'article L. 145-15 du code de commerce, tel qu'issu de la loi du 18 juin 2014, qui a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours, quelle que soit la date de leur conclusion, l'action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail n'étant pas soumise à prescription ; qu'en l'espèce, en réponse au congé délivré par le bailleur le 24 novembre 2015, l'exposante se prévalait de l'inopposabilité de la clause fixant à 7 ans la durée du bail et empêchant tout droit au renouvellement, invoquant l'application du nouvel article L. 145-15 du code de commerce, disposition qui se trouvait applicable au bail considéré qui était en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, intervenue le 20 juin 2014, pour avoir été conclu le 16 juillet 2009 ; qu'en retenant toutefois que l'article L. 145-15 nouveau ne pouvait s'appliquer au bail conclu le 16 juillet 2009, dès lors qu'il aurait pour effet de faire revivre un droit éteint par la prescription depuis le 16 juillet 2011, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 145-15 du code de commerce, tel qu'issu de la loi du 18 juin 2014. 2°/ ALORS QUE, à tout le moins, si l'action en requalification d'un contrat en bail commercial se prescrit par deux ans à compter de la conclusion de l'acte, il en va différemment de l'action en nullité d'un congé, laquelle ne tend pas à la requalification du bail et ne saurait être prescrite avant même la notification du congé litigieux ; qu'en l'espèce, pour faire échec à l'action en résiliation et en expulsion diligentée par le bailleur, le locataire avait invoqué la nullité de clause faisant échec au droit au renouvellement et se prévalait encore de la nullité du congé délivré le 24 novembre 2015, nullité qui ne pouvait être prescrite avant même la notification de ce congé ; qu'en jugeant toutefois que l'action exercée par l'exposante constituait une action en requalification en bail commercial soumise à la prescription commerciale et avait nécessairement pour point de départ le 16 juillet 2009, date de conclusion du contrat litigieux, quand le congé n'avait pas même été adressé au locataire à cette date, la cour d'appel a violé l'article L. 145-60 du code de commerce, pris ensemble les articles 2224 du code civil et 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 3°/ ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'exposante n'avait formé aucune action en requalification du contrat en bail commercial et se bornait à opposer à l'action en résiliation et en expulsion diligentée par le bailleur l'inopposabilité de la clause fixant à sept ans la durée du bail ainsi que la nullité du congé délivré par le bailleur le 24 novembre 2015 en application de cette clause (concl. d'appel, p. 24) ; qu'en jugeant que le moyen de défense soulevé par le locataire constituait une « action en requalification en bail commercial », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Valbanet en violation de l'article 4 du code de procédure civile. 4°/ ALORS QUE l'article 1185 du code civil, tel qu'il est issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, n'est pas applicable à un contrat conclu avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat litigieux avait été conclu le 16 juillet 2009, en sorte qu'il devait être soumis au droit antérieur à l'ordonnance du 10 février 2016 ; qu'en jugeant néanmoins qu'en application de l'article 1185 du code civil, tel qu'issu de l'ordonnance du 10 février 2016, l'exception de nullité invoquée par l'exposante se trouvait prescrite, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. 5°/ ALORS QUE, à titre subsidiaire, la fraude suspend le délai de prescription biennale applicable aux actions exercées au titre d'un bail commercial ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que le bail rédigé par le bailleur entretenait, à dessein, l'apparence d'une situation de droit erronée, puisqu'il excluait expressément l'application du statut des baux commerciaux alors que le bailleur savait parfaitement qu'il y avait sur les terrains des aménagements constituant des constructions, lesquels avaient donné lieu à permis de construire et que le bailleur avait lui-même autorisés (concl. d'appel, p. 15-18), en sorte que les clauses du bail avaient pour seul objet de contourner les règles impératives du statut des baux commerciaux, ce qui constituait une fraude interdisant au bailleur de se prévaloir de la prescription biennale ; qu'en jugeant que la fraude devait être caractérisée par des « moyens déloyaux destinés à surprendre le consentement du locataire », lesquels n'étaient pas établis, quand les conditions de la fraude sont pas celles du dol et ne supposent pas d'établir un vice du consentement du locataire, la cour d'appel a violé les articles 1116 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 145-60 du commerce, par fausse application, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout. Le greffier de chambre
L'article L. 145-15 du code de commerce, réputant non écrites certaines clauses d'un bail commercial, n'est pas applicable à une demande en requalification d'un contrat en bail commercial
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CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Cassation partielle sans renvoi Mme TEILLER, président Arrêt n° 847 FS-P+B Pourvoi n° K 21-20.264 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société Local Invest 1, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° K 21-20.264 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige l'opposant : 1°/ au syndicat des copropriétaires [Adresse 6], dont le siège est [Adresse 4], dont le siège est [Adresse 3], représenté par son syndic le Cabinet ABT Référence, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société Ezavin-[N], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Local Invest 1, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat du syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 6], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mme Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 mars 2021), par ordonnance du 21 décembre 2015, Mme [N] a été désignée pour une durée de dix-huit mois en qualité d'administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] (le syndicat des copropriétaires), sur le fondement de l'article 29-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. 2. La mission de l'administrateur, qui a été transférée à la société Ezavin-[N], a été prolongée à plusieurs reprises et notamment par ordonnance du 15 janvier 2019, dont la société civile immobilière Local Invest 1 (la SCI), copropriétaire, a demandé la rétractation. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, et le troisième moyen, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 4. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors : « 1°/ que si l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute, copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; que l'exigence de remise simultanée de l'ordonnance et de la requête, posée par l'article 495 précité du code de procédure civile, a pour finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge et d'appréhender l'opportunité d'un éventuel recours ; qu'en retenant, par adoption des motifs de l'ordonnance de référé confirmée, que l'absence, concomitamment à la notification de l'ordonnance sur requête, de notification de la dite requête, à la SCI à laquelle était opposée cette ordonnance, n'avait aucune incidence sur la validité de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 495 du code de procédure civile, 2°/ qu'en tout état de cause, si l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute, copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; que l'exigence de remise simultanée de l'ordonnance et de la requête, posée par l'article 495 précité du code de procédure civile, a pour finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge et d'appréhender l'opportunité d'un éventuel recours ; qu'en subordonnant, par motifs propres, la rétractation de l'ordonnance à l'absence de connaissance, par la SCI Local Invest 1, de la motivation, de l'objet et de la finalité de cette ordonnance ou, en d'autres termes, à l'existence d'un grief résultant pour la SCI de l'absence de notification de la requête, la cour d'appel qui a ainsi écarté une nullité pour vice de forme alors qu'était en cause le respect du principe de la contradiction, a violé l'article 16 du même code, ensemble l'article 495 précité. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 62-5 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, l'ordonnance rendue sur requête qui désigne l'administrateur provisoire sur le fondement de l'article 29-1, I, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 est portée à la connaissance des copropriétaires dans le mois de son prononcé, à l'initiative de l'administrateur provisoire. 6. Ayant relevé que ce texte ne prévoit pas la notification de la requête, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la rétractation de l'ordonnance du 15 janvier 2019 ne pouvait être fondée sur l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 8. La SCI fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'ordonnance sur requête doit être motivée ; que l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019, dépourvue de tout motif propre, se borne à viser, sans en préciser ni la date ni le contenu, la requête présentée par la société Ezavin-[N], ès qualités ; que celle-ci - qui, en violation des dispositions de l'article 495, alinéa 2, du code de procédure civile, n'a jamais été notifiée à la SCI Local Invest 1 et qui, de surcroît, ne lui a jamais été communiquée ni devant le juge des référés ni devant la cour d'appel, alors même qu'elle était au coeur des débats - n'est pas annexée à l'ordonnance ; qu'en retenant néanmoins, par motifs propres, que l'ordonnance qui vise la requête en en adoptant les motifs satisfait à l'exigence de motivation, que tel est le cas de l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019, et par motif, réputé adopté du premier juge, que cette ordonnance est motivée puisqu'elle vise la requête présentée par l'administrateur provisoire, la cour d'appel a violé l'article 495 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 9. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'ordonnance de prorogation de la mission de l'administrateur provisoire, qui visait l'ordonnance initiale du 21 décembre 2015, ainsi que la requête, pour en adopter les motifs, satisfaisait à l'exigence de motivation. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur les quatrième et cinquième moyens, pris en leurs deuxièmes branches, rédigés en termes similaires, réunis Enoncé des moyens 11. Par son quatrième moyen, la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], et au syndicat des copropriétaires, ensemble, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, alors « que la cour d'appel, après avoir expressément relevé que la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], était non assignée et non représentée, ce dont il résulte qu'elle n'avait pu solliciter la condamnation de la SCI Local Invest 1 à lui payer des dommages et intérêts pour procédure abusive, a néanmoins condamné celle-ci à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive non seulement au syndicat des copropriétaires [Adresse 6], mais encore à la société Ezavin[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6] ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. » 12. Par son cinquième moyen, la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], et au syndicat des copropriétaires, ensemble, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la cour d'appel, après avoir expressément relevé que la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], était non assignée et non représentée, ce dont il résulte qu'elle n'avait pu solliciter la condamnation de la SCI Local Invest 1 à lui verser une indemnité de procédure, a néanmoins condamné la SCI Local Invest 1 à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, non seulement au syndicat des copropriétaires [Adresse 6], mais encore à la société Ezavin-[N], ès qualités ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 700 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 13. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 14. L'arrêt condamne la SCI à payer à la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], et au syndicat des copropriétaires, ensemble, certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le syndicat des copropriétaires était représenté par le cabinet CDS Gestion et que la société Ezavin-[N] n'était pas représentée à hauteur d'appel, ce dont il résultait que la condamnation prononcée au bénéfice de la seconde, ès qualités, n'avait pas été demandée, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 16. Tel que suggéré en défense, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 17. La cassation prononcée par voie de retranchement n'implique pas, en effet, qu'il soit statué à nouveau sur le fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement , mais seulement en ce que la condamnation de la société civile immobilière Local Invest 1 à payer les sommes de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile est prononcée au bénéfice de la société Ezavin-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] aux dépens. En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Local invest 1 PREMIER MOYEN DE CASSATION La SCI LOCAL INVEST 1 fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir débouté la SCI LOCAL INVEST 1 de l'intégralité de ses demandes, tendant pour l'essentiel à la rétractation de l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019 ; 1°) Alors que si l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute, copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; que l'exigence de remise simultanée de l'ordonnance et de la requête, posée par l'article 495 précité du code de procédure civile, a pour finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge et d'appréhender l'opportunité d'un éventuel recours ; qu'en retenant, par adoption des motifs de l'ordonnance de référé confirmée, que l'absence, concomitamment à la notification de l'ordonnance sur requête, de notification de la dite requête, à la SCI à laquelle était opposée cette ordonnance, n'avait aucune incidence sur la validité de celle-ci, la Cour d'appel a violé l'article 495 du Code de procédure civile ; 2°) Alors que, en tout état de cause, si l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute, copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; que l'exigence de remise simultanée de l'ordonnance et de la requête, posée par l'article 495 précité du code de procédure civile, a pour finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge et d'appréhender l'opportunité d'un éventuel recours ; qu'en subordonnant, par motifs propres, la rétractation de l'ordonnance à l'absence de connaissance, par la SCI LOCAL INVEST 1, de la motivation, de l'objet et de la finalité de cette ordonnance ou, en d'autres termes, à l'existence d'un grief résultant pour la SCI de l'absence de notification de la requête, la Cour d'appel qui a ainsi écarté une nullité pour vice de forme alors qu'était en cause le respect du principe de la contradiction, a violé l'article 16 du même Code, ensemble l'article 495 précité ; 3°) Alors que, en tout état de cause aussi, pour nier le grief résultant pour la SCI de l'absence de notification de la requête et affirmer qu'elle connaissait la motivation, l'objet et la finalité de l'ordonnance du 15 janvier 2019, la Cour d'appel a retenu « que la mission de l'administrateur provisoire a été prorogée aux mêmes fins par ordonnances en date des 21 juin 2017, 21 juin 2018, 9 juillet 2018, 21 janvier 2019 et 24 juin 2019 ; qu'il n'est pas allégué, ni même soutenu, que ces ordonnances n'ont pas été notifiées à la SCI LOCAL INVEST 1 » ; qu'en statuant ainsi alors que l'existence de prétendues ordonnances de prolongation en date des 21 juin 2018 et 21 janvier 2019 n'était pas alléguée par les parties et ne résultait d'aucune des pièces du dossier, la Cour d'appel a violé l'article 7 du Code de procédure civile ; 4°) Et alors que, en tout état de cause et enfin, en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si, comme la SCI LOCAL INVEST le faisait expressément valoir, l'ordonnance du 9 juillet 2018 ayant précédé celle du 15 janvier 2019 n'était pas motivée par la seule recherche d'une transaction avec les SCI LOCAL INVEST 1 et APPART INVEST, ce qui ne permettait pas à la SCI LOCAL INVEST 1 d'en déduire que l'ordonnance du 15 janvier 2019 aurait été motivée par « la défaillance de l'appelante dans le paiement de ses charges », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 495 du Code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La SCI LOCAL INVEST 1 fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir débouté la SCI LOCAL INVEST 1 de l'intégralité de ses demandes, tendant pour l'essentiel à la rétractation de l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019 ; Alors que l'ordonnance sur requête doit être motivée ; que l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019, dépourvue de tout motif propre, se borne à viser, sans en préciser ni la date ni le contenu, « la requête présentée par la SCP EZAVIN [N], ès qualités » ; que celle-ci - qui, en violation des dispositions de l'article 495, alinéa 2, du Code de procédure civile, n'a jamais été notifiée à la SCI LOCAL INVEST 1 et qui, de surcroît, ne lui a jamais été communiquée ni devant le juge des référés ni devant la Cour d'appel, alors même qu'elle était au coeur des débats - n'est pas annexée à l'ordonnance ; qu'en retenant néanmoins, par motifs propres, que « l'ordonnance qui vise la requête en en adoptant les motifs satisfait à l'exigence de motivation (...) ; que tel est le cas de l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019 », et par motif, réputé adopté du premier juge, que cette ordonnance « est motivée (...) puisqu'el1e vise la requête présentée par l'administrateur provisoire », la Cour d'appel a violé l'article 495 du Code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La SCI LOCAL INVEST 1 fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir débouté la SCI LOCAL INVEST 1 de l'intégralité de ses demandes, tendant pour l'essentiel à la rétractation de l'ordonnance sur requête du 15 janvier 2019 ; 1°) Alors que la SCI LOCAL INVEST 1 faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 3, in limine ; p. 5, in fine ; et p. 17) dépourvues de toute ambiguïté, qu'il n'est pas possible de proroger une mission interrompue ; qu'en l'espèce, l'ordonnance sur requête du 21 décembre 2015 avait désigné Me [N] en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété pour une durée de 18 mois à compter du 21 décembre 2015 soit jusqu'au 21 juin 2017 et que, par ailleurs, une ordonnance du 9 juillet 2018 avait prolongé la mission de l'administrateur provisoire pour une durée de six mois à compter du 21 juin 2018 ; qu'en revanche, alors que l'ordonnance du 15 janvier 2019 ne mentionne pas de prolongation de mission de l'administrateur provisoire à compter du 21 juin 2017, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES et la SCP EZAVIN [N] n'avaient jamais justifié, en dépit de la contestation de la SCI LOCAL INVEST 1 à cet égard, « d'une prolongation de mission entre le 21/06/2017 et le 21/06/2018 » ; que le juge des référés lui-même n'avait pas apporté de réponse sur ce point ; et qu'ainsi, la mission de l'administrateur ayant été interrompue compter du 21 juin 2017, elle n'avait pu être valablement prorogée par la suite ; qu'en soutenant ainsi qu'aucune ordonnance n'avait prorogé la mission de l'administrateur provisoire pour la période ayant couru entre le 21 juin 2017 et le 21 juin 2018, la SCI LOCAL INVEST 1 contestait nécessairement l'existence d'une prétendue ordonnance du 21 juin 2017 ayant pour objet de proroger la mission de l'administrateur entre le 21 juin 2017 et le 21 juin 2018 et contestait, a fortiori, que cette ordonnance lui eût été notifiée ; qu'en retenant néanmoins « qu'il n'est pas allégué, ni même soutenu, que (cette ordonnance n'a pas été notifiée) à la SCI LOCAL INVEST 1 », la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de cette société, violant ainsi l'article 4 du Code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 2°) Alors que, en tout état de cause, le juge statuant sur requête ne peut désigner un administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires que « Si l'équilibre financier (de celui-ci) est gravement compromis ou (s'il) est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble » et seulement pour une durée déterminée ; et qu'il ne peut proroger la mission de l'administrateur provisoire que si, à la date de sa décision, l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires demeure gravement compromis ou si ledit syndicat demeure dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble ; que la Cour d'appel, en subordonnant la cessation de la mission de l'administrateur provisoire à l'apurement complet de la dette d'un copropriétaire et à la convocation d'une assemblée générale aux fins de nomination d'un nouveau syndic, a violé l'article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 ; 3°) Et alors que, en tout état de cause et enfin, le juge statuant sur requête ne peut désigner un administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires que « Si l'équilibre financier (de celui-ci) est gravement compromis ou (s'il) est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble » et seulement pour une durée déterminée ; et qu'il ne peut proroger la mission de l'administrateur provisoire que si, à la date de sa décision, l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires demeure gravement compromis ou si ledit syndicat demeure dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble ; que la Cour qui, en subordonnant la cessation de la mission de l'administrateur provisoire à l'apurement complet de la dette d'un copropriétaire et à la convocation d'une assemblée générale aux fins de nomination d'un nouveau syndic, a statué par un motif inopérant, s'est abstenue de rechercher, comme le lui demandait la SCI LOCAL INVEST 1, s'il ne résultait pas de la requête du 13 juin 2018 qu'à cette date déjà et donc a fortiori la date de l'ordonnance du 15 janvier 2019, l'équilibre financier du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES avait été rétabli, permettant audit SYNDICAT de pourvoir à la conservation de l'immeuble ; qu'elle a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION La SCI LOCAL INVEST 1 fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], et au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 6], ensemble, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; 1°) Alors que les motifs par lesquels l'arrêt d'appel attaqué a débouté la SCI LOCAL INVEST 1 de l'intégralité de ses demandes, tendant pour l'essentiel à la rétractation de l'ordonnance sur requête du l5 janvier 2019, constituent le soutien nécessaire de l'arrêt en ce qu'il a condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], et au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 6], ensemble, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; que, dès lors, la censure à intervenir sur l'un quelconque des premiers moyens de cassation, reprochant à l'arrêt d'appel attaqué d'avoir débouté la SCI LOCAL INVEST 1 de l'intégralité de ses demandes, entraînera nécessairement, sur le fondement de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt ayant condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], et au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 6], ensemble, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; 2°) Alors que, en tout état de cause, la Cour d'appel, après avoir expressément relevé que la SCP EZAVIN-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], était « non assignée et non représentée », ce dont il résulte qu'elle n'avait pu solliciter la condamnation de la SCI LOCAL INVEST 1 à lui payer des dommages et intérêts pour procédure abusive, a néanmoins condamné celle-ci à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive non seulement au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 6], mais encore à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6] ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 3°) Et alors que, en tout état de cause et enfin, en retenant, pour condamner la SCI LOCAL INVEST 1 à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive, non seulement au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 6], mais encore à la SCP EZAVIN [N], ès-qualités, que, « Par dernières conclusions transmises le 17 mars 2020 (...), le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] demande à la cour de : (...) condamner la SCI LOCAL INVEST 1 au paiement (...) de dommages-intérêts pour procédure abusive (...) », la Cour d'appel a violé le principe selon lequel Nul ne plaide par procureur, ensemble les articles 31 et 32 du Code de procédure civile. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION La SCI LOCAL INVEST 1 fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], et au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 6], ensemble, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; 1°) Alors que la censure à intervenir sur l'un quelconque des premiers moyens de cassation, reprochant à l'arrêt d'appel attaqué d'avoir débouté la SCI LOCAL INVEST 1 de l'intégralité de ses demandes, entraînera nécessairement, sur le fondement de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt ayant condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], et au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 6], ensemble, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; 2°) Alors que, en tout état de cause, la Cour d'appel, après avoir expressément relevé que la SCP EZAVIN-[N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], était « non assignée et non représentée », ce dont il résulte qu'elle n'avait pu solliciter la condamnation de la SCI LOCAL INVEST 1 à lui verser une indemnité de procédure, a néanmoins condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, non seulement au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 6], mais encore à la SCP EZAVIN [N], ès-qualités ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile, ensemble l'article 700 du Code de procédure civile ; 3°) Alors de, de plus et en tout état de cause, en retenant, pour condamner la SCI LOCAL INVEST 1 à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, non seulement au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 6], mais encore à la SCP EZAVIN [N], ès-qualités, que, « Par dernières conclusions transmises le 17 mars 2020 (...), le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] demande à la cour de : (...) condamner la SCI LOCAL INVEST 1 au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (...) », la Cour d'appel a violé le principe selon lequel Nul ne plaide par procureur, ensemble les articles 31 et 32 du Code de procédure civile ; 4°) Et alors que, en tout état de cause et enfin, la Cour d'appel, après avoir retenu « qu'il serait (...) inéquitable de laisser à la charge du Syndicat des copropriétaires [Adresse 6] les frais non compris dans les dépens, qu'il a exposés pour sa défense ; qu'il lui sera donc alloué une somme de 2 000 euros en cause d'appel », a condamné la SCI LOCAL INVEST 1 à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, non seulement au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 6], mais aussi à la SCP EZAVIN [N], agissant en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 6], sans en donner le moindre motif ; qu'elle a donc méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
L'article 62-5 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ne prévoyant pas la notification de la requête, la rétractation d'une ordonnance désignant un administrateur provisoire en application de l'article 29-1, I, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ne peut être fondée sur l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile
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CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 848 FS-B Pourvoi n° D 21-23.915 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 M. [Z] [X], domicilié [Adresse 2], et actuellement [Adresse 5], a formé le pourvoi n° D 21-23.915 contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Egide, venant aux droits de la société Segine, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ au syndicat des copropriétaires La Bruyère-II 176 Uyere II, dont le siège est [Adresse 1], représenté par son syndic la société ABP, dont le siège est [Adresse 4], défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de Me Carbonnier, avocat de M. [X], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Egide et du syndicat des copropriétaires La Bruyère-II, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2019), M. [X], copropriétaire, a assigné le syndicat des copropriétaires La Bruyère II et la société Segine, son syndic, en annulation de l'assemblée générale du 3 septembre 2013 et de certaines de ses résolutions. 2. La société Egide est venue aux droits de la société Segine. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. M. [X] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'assemblée générale, alors « que tout copropriétaire est recevable à contester la validité des pouvoirs émis par les copropriétaires en vue de l'assemblée générale ; que pour débouter M. [X] de sa demande en annulation de l'assemblée générale, la cour d'appel a retenu que « seuls les copropriétaires représentés par pouvoir sont recevables à contester le pouvoir établi lors de l'assemblée » ; qu'en statuant de la sorte lorsque M. [X], en qualité de copropriétaire, était recevable à contester la régularité des pouvoirs établis en vue de l'assemblée générale des copropriétaires, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 22, alinéa 3, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 : 4. Selon ce texte, tout copropriétaire peut déléguer son droit de vote. 5. Pour rejeter la demande d'annulation de l'assemblée générale, l'arrêt retient que seuls les copropriétaires représentés par pouvoir sont recevables à contester celui établi en vue de l'assemblée. 6. En statuant ainsi, alors que tout copropriétaire est recevable à contester la régularité du mandat donné en vue d'une assemblée générale, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation de l'assemblée générale du 3 septembre 2013, l'arrêt rendu le 6 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence La Bruyère II et la société Egide aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires de la résidence La Bruyère II et la société Egide et les condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. [X] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [Z] [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en annulation de l'assemblée générale du 3 septembre 2013 ; 1°) ALORS QUE l'assemblée générale ne peut pas être convoquée par un syndic dépourvu de mandat ou dont le mandat est expiré ; Que M. [X] faisait valoir que « l'assemblée générale des copropriétaires du 03 septembre 2013 a été convoquée par un syndic élu lors de la 7ème résolution de l'assemblée générale des copropriétaires du 06 Septembre 2012 » et que « cette assemblée générale du 6 septembre 2012 a été contestée » (arrêt, p. 7, § 3) ; Qu'en décidant tout de même que l'assemblée générale aurait été régulièrement convoquée par un syndic dont le mandat était pourtant litigieux (arrêt, p. 6, in fine), la cour d'appel a violé l'article 7 alinéa 2 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ensemble l'article 42 alinéa 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ; 2°) ALORS QUE tout copropriétaire est recevable à contester la validité des pouvoirs émis par les copropriétaires en vue de l'assemblée générale ; Que pour débouter M. [X] de sa demande en annulation de l'assemblée générale, la cour d'appel a retenu que « seuls les copropriétaires représentés par pouvoir sont recevables à contester le pouvoir établi lors de l'assemblée » (arrêt, p. 7, § 3) ; Qu'en statuant de la sorte lorsque M. [X], en qualité de copropriétaire, était recevable à contester la régularité des pouvoirs établis en vue de l'assemblée générale des copropriétaires, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) M. [Z] [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en annulation des résolutions n° 3, 4 et 5 de l'assemblée générale du 3 septembre 2013 ; 1°) ALORS QUE pendant le délai s'écoulant entre la convocation de l'assemblée générale appelée à connaître des comptes et la tenue de celle-ci, les pièces justificatives des charges de copropriété, notamment les factures, les contrats de fourniture et d'exploitation en cours et leurs avenants ainsi que la quantité consommée et le prix unitaire ou forfaitaire de chacune des catégories de charges, sont tenues à la disposition de tous les copropriétaires par le syndic au moins un jour ouvré, selon des modalités définies par l'assemblée générale ; Que la cour d'appel a elle-même relevé que les pièces justificatives de charges n'avaient été mises à la disposition des copropriétaires par le syndic que le dimanche 1er septembre 2013, soit un jour non ouvré ni ouvrable (arrêt, p. 8, § 2) ; Qu'en écartant cependant l'irrégularité, aux motifs inopérants « qu'il s'agit d'une erreur matérielle » ou que « M. [X] ne justifie pas […] avoir sollicité un tel rendez-vous sur un autre jour correspondant à un jour ouvré et que ceci lui ait été refusé » (ibidem), la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 18-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction issue de la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 ; 2°) ALORS QUE les pièces justificatives des charges de copropriété, sont tenues à la disposition de tous les copropriétaires par le syndic au moins un jour ouvré, selon des modalités définies par l'assemblée générale ; Que M. [X] reprochait au syndic de ne pas avoir rappelé, dans la convocation à l'assemblée générale les modalités de mise à disposition des pièces justificatives de charges adoptées lors de la précédente assemblée générale du 6 septembre 2012 (conclusions d'appel de M. [X], p. 9, § 1) ; Qu'en déboutant M. [X], sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 18-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction issue de la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994, ensemble l'article 9 alinéa 1er du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-285 du 1er mars 2007. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) M. [Z] [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en annulation de la résolution n° 6 de l'assemblée générale du 3 septembre 2013 ; ALORS QUE les copropriétaires ne peuvent être parties au contrat de mandat du syndic conclu avec le seul syndicat des copropriétaires ; Que M. [X] reprochait à la résolution n° 6 de prévoir que, du fait du vote du contrat de syndic en assemblée générale, « Les copropriétaires adhèrent également individuellement à ce contrat », ce qui avait pour effet de rendre les copropriétaires parties au contrat de mandat du syndic (conclusions de M. [X], p. 13) ; Qu'en disant cependant la résolution régulière, sans s'expliquer sur l'adhésion individuelle de chacun des copropriétaires au contrat de mandat du syndic, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) M. [Z] [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en annulation des résolutions n° 7 à 7-6 de l'assemblée générale du 3 septembre 2013 ; ALORS QU'aux termes de l'article 59 du règlement de copropriété, « les membres du conseil syndical seront nommés pour trois ans », ce qui implique que la durée de leur mandat ne peut être différente (cf. conclusions de M. [X], p. 14) ; Qu'en décidant que « cette disposition n'empêche pas l'assemblée générale de les nommer pour une durée inférieure » (arrêt, p. 9, § 7), la cour d'appel a méconnu la force obligatoire du règlement de copropriété et a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil, ensemble l'article 8 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) M. [Z] [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande en annulation des résolutions n° 18 à 20, 42 à 44, 56 à 56 et 78 à 80 de l'assemblée générale du 3 septembre 2013 ; ALORS QUE M. [X] faisait valoir que par application du règlement de copropriété, les charges d'ascenseur devaient être réparties et votées entre les copropriétaires desservis par les appareils, ce qui n'était pas le cas puisque seule la moitié des copropriétaires utilisateurs des ascenseurs procédait au vote (cf. conclusions de M. [X], p. 16 et 17) ; Qu'en disant les résolutions régulières (arrêt, p. 11), sans s'expliquer sur l'irrégularité des modalités de vote, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 24 III de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.
Tout copropriétaire est recevable à contester la régularité du mandat donné en vue d'une assemblée générale
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COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Cassation M. VIGNEAU, président Arrêt n° 735 F-B Pourvoi n° W 21-19.860 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société Foncia Marne-la-Vallée, anciennement dénommée Foncia GIEP, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-19.860 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Valhestia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Foncia Marne-la-Vallée, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Valhestia, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mai 2021), la société Foncia GIEP, devenue Foncia Marne-la-Vallée, qui exerce une activité d'administration d'immeubles, a assigné la société Valhestia en concurrence déloyale, reprochant à cette société, créée par deux de ses anciens salariés, MM. [I] et [W], d'avoir illicitement démarché sa clientèle. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 2. La société Foncia Marne-la-Vallée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la réalisation d'actes d'exploitation d'une société concurrente par un salarié avant la fin de son contrat de travail constitue une violation de son obligation de loyauté ; qu'en l'espèce, la société Foncia Marne-la-Vallée, anciennement Foncia GIEP, a fait valoir qu'il résultait notamment de deux courriers du 24 février 2017, produits en pièce n° 76, que la société Valhestia avait illicitement démarché sa clientèle avant la fin du contrat de travail de M. [I], salarié de la société Foncia GIEP qui avait contribué à la création et à l'activité de la société Valhestia, contrat se terminant le 24 février 2017 à minuit ; qu'en retenant que "l'activité concurrente incriminée de la société Valhestia n'a effectivement démarré qu'après la fin de leurs contrats de travail", sans s'expliquer, comme elle y avait pourtant été invitée par les conclusions de la société Foncia Marne-la-Vallée, sur le fait que la société Valhestia avait transmis une offre commerciale à l'un des membres d'une copropriété cliente de la société Foncia GIEP avant la fin du contrat de travail de M. [I], acte qui ne saurait compter parmi les "actes préparatoires à la constitution de la société" visés par ailleurs par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 3. Constitue un acte de concurrence déloyale le fait, pour une société à la création de laquelle a participé le salarié d'une société concurrente, de débuter son activité avant le terme du contrat de travail liant ceux-ci. 4. Pour rejeter les demandes d'indemnisation formées par la société Foncia GIEP sur le fondement de la concurrence déloyale, après avoir constaté que M. [I], dont le contrat de travail conclu avec la société Foncia GIEP avait pris fin le 24 février 2017, avait créé en octobre 2016 une société civile immobilière, laquelle avait ensuite acquis un local commercial puis loué ce local à la société Valhestia, que celle-ci, dont l'activité était similaire à celle de la société Foncia GIEP, avait été constituée par la soeur de la compagne de M. [I] et immatriculée le 16 janvier 2017, qu'un nom de domaine et des adresses de messagerie au nom de la société Valhestia et de M. [I] avaient été créés le 29 janvier 2017 et que M. [I] était devenu le président de la société Valhestia à compter de juillet 2017, l'arrêt retient que la désignation de la société Valhestia par des copropriétés alors clientes de la société Foncia GIEP n'a été mise au vote que lors d'assemblées générales organisées à compter du 18 avril 2017 et que le comptable de la société Valhestia a précisé que les premiers encaissements pour celle-ci n'ont débuté qu'en juin 2017, ce qui confirmait un début d'activité effectif après la fin du contrat de travail du salarié mis en cause. L'arrêt en déduit que, le contrat de travail ne stipulant pas de clause de non-concurrence, il n'existe pas de faute imputable à l'ancien salarié dont la société Valhestia se serait rendue complice. 5. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'envoi par la société Valhestia, le 24 février 2017, d'une proposition de contrat de syndic à un membre d'une copropriété cliente de la société Foncia GIEP ne constituait pas un acte d'exploitation commis antérieurement au terme du contrat de travail liant M. [I] et la société Foncia GIEP, constitutif d'une faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Et sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La société Foncia Marne-la-Vallée fait le même grief à l'arrêt, alors « que le seul détournement du fichier clientèle d'un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si M. [W] et M. [I] avaient transféré sur leur boîte mail personnelle, la liste des e-mails des membres des conseils syndicaux des résidences gérées et la liste des résidences gérées, ce transfert "ne saurait être jugé comme fautif en l'absence de preuve de leur exploitation par un moyen fautif de la part des anciens salariés de la société Foncia" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à tort une condition à la caractérisation d'un procédé déloyal rendant le démarchage fautif, s'agissant de l'exigence d'une exploitation des informations détournées par un moyen fautif, a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil : 7. Le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l'ancien salarié d'un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l'activité de ce dernier et obtenues par ce salarié pendant l'exécution de son contrat de travail, constitue un acte de concurrence déloyale. 8. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que le transfert par MM. [I] et [W] à la société Valhestia de listes de résidences gérées par la société Foncia GIEP et de listes des adresses de messagerie électronique des conseils syndicaux de résidences également gérées par cette société, obtenues alors qu'ils en étaient salariés, n'est pas fautif en l'absence de preuve de l'exploitation de ces informations par un moyen fautif de la part de ces anciens salariés de la société Foncia GIEP. 9. En statuant ainsi, alors que la seule détention par la société Valhestia d'informations confidentielles relatives à l'activité de la société Foncia GIEP, obtenues par d'anciens salariés de cette dernière en cours d'exécution de leurs contrats de travail et qui avaient contribué à sa création, constituait un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne la société Valhestia aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Valhestia et la condamne à payer à la société Foncia Marne-la-Vallée la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Foncia Marne-la-Vallée. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) de l'ensemble de ses demandes ; 1°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) a fait valoir qu'il résultait de deux courriers du 24 février 2017, produits en pièce n°76, que la société Valhestia avait illicitement démarché sa clientèle avant la fin du contrat de travail de M. [I], salarié de la société Foncia GIEP qui avait contribué à la création et à l'activité de la société Valhestia, contrat se terminant le 24 février 2017 à minuit (conclusions du 22 janvier 2021, p. 17 et 18 ; prod. n° 4) ; qu'elle a ajouté que le fait qu'une demande de mise en concurrence, produite en pièce n°24, lui ait été adressée dès le lendemain, le 25 février 2017, confirmait que l'activité de démarchage avait bien débuté avant la fin du contrat de travail de M. [I] (conclusions du 22 janvier 2021, p. 18 ; prod. n° 5) ; que la cour d'appel, pour écarter ce moyen, a retenu que, s'agissant de la pièce produite n°24, « le seul courrier émanant d'un copropriétaire daté du 24 février 2017 demandant la mise au vote, pour une assemblée générale ultérieure, de la désignation de la société VALHESTIA est insuffisant à prouver que MM. [I] ou [W] l'aient personnellement démarché au préalable » (arrêt p. 7) ; qu'elle a ainsi dénaturé cette pièce qui, contrairement aux deux autres, n'était pas datée du 24 février 2017, mais du 25 février 2015, et ce alors que la date de ce document était essentielle à l'argumentation des parties ; la Cour d'appel a ainsi méconnu l'obligation précitée ; 2°/ ALORS QUE la réalisation d'actes d'exploitation d'une société concurrente par un salarié avant la fin de son contrat de travail constitue une violation de son obligation de loyauté ; qu'en l'espèce, la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) a fait valoir qu'il résultait notamment de deux courriers du 24 février 2017, produits en pièce n°76, que la société Valhestia avait illicitement démarché sa clientèle avant la fin du contrat de travail de M. [I], salarié de la société Foncia GIEP qui avait contribué à la création et à l'activité de la société Valhestia, contrat se terminant le 24 février 2017 à minuit (conclusions du 22 janvier 2021, p. 17 et 18 ; prod. n° 4) ; qu'en retenant que « l'activité concurrente incriminée de la société VALHESTIA n'a effectivement démarré qu'après la fin de leurs contrats de travail» (arrêt p. 7), sans s'expliquer, comme elle y avait pourtant été invitée par les conclusions de la société Foncia Marne-la-Vallée, sur le fait que la société Valhestia avait transmis une offre commerciale à l'un des membres d'une copropriété cliente de la société Foncia GIEP avant la fin du contrat de travail de M. [I], acte qui ne saurait compter parmi les « actes préparatoires à la constitution de la société » visés par ailleurs par l'arrêt attaqué (arrêt p. 7), la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) de l'ensemble de ses demandes ; 1°/ ALORS QUE le seul détournement du fichier clientèle d'un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si M. [W] et M. [I] avaient transféré sur leur boîte mail personnelle, la liste des e-mails des membres des conseils syndicaux des résidences gérées et la liste des résidences gérées, ce transfert « ne saurait être jugé comme fautif en l'absence de preuve de leur exploitation par un moyen fautif de la part des anciens salariés de la société FONCIA » (arrêt p. 7) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à tort une condition à la caractérisation d'un procédé déloyal rendant le démarchage fautif, s'agissant de l'exigence d'une exploitation des informations détournées par un moyen fautif, a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ; 2°/ ALORS QUE le seul détournement du fichier clientèle d'un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si M. [W] et M. [I] avaient transféré sur leur boîte mail personnelle la liste des e-mails des membres des conseils syndicaux des résidences gérées et la liste des résidences gérées, ce transfert « ne saurait être jugé comme fautif en l'absence de preuve de leur exploitation par un moyen fautif de la part des anciens salariés de la société FONCIA » (arrêt p. 7) ; que cependant elle a relevé que ne permettait pas de caractériser « un démarchage illicite », « le seul courrier isolé de M. [S] [client de la société Foncia] faisant état d'une démarche de M. [W] le 27 juin 2017 pour lui faire signer un courrier visant à inscrire à l'ordre du jour la désignation de la société Valhestia comme nouveau syndic » (arrêt p. 8) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs dont il ressortait que les informations détournées avaient fait l'objet d'au moins une exploitation, s'agissant du démarchage de M. [S] par M. [W], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil.
Le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l'ancien salarié d'un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l'activité de ce dernier et obtenues par ce salarié pendant l'exécution de son contrat de travail, constitue un acte de concurrence déloyale
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COMM. CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 740 F-B Pourvoi n° R 19-22.538 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société Concurrence, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 19-22.538 contre l'arrêt rendu le 5 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Samsung Electronics France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les neuf moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Concurrence, de la SCP Richard, avocat de la société Samsung Electronics France, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juin 2019), la société Concurrence est un distributeur indépendant de produits électroniques grand public. Elle exploitait à ce titre un point de vente physique et un site de vente en ligne sous le nom de domaine concurrence.fr. La société Samsung Electronics France (la société Samsung) est spécialisée dans la distribution de produits dits bruns, sur le marché français. 2. La société Concurrence a distribué, à compter des années 2000, des produits de la marque Samsung. Les relations entre les deux sociétés se sont ensuite détériorées. Par lettre du 20 mars 2012, la société Samsung a notifié à la société Concurrence la rupture de la relation commerciale avec effet au 30 juin 2013. 3. Soutenant que la société Samsung avait rompu de manière abusive et infondée leurs relations contractuelles et sans respecter le préavis accordé, la société Concurrence l'a assignée en réparation de son préjudice. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses quatrième, cinquième, et sixième branches, et les cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième moyens, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, septième et huitième branches, et les troisième et quatrième moyens, réunis Enoncé du moyen 5. Par le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, septième et huitième branches, la société Concurrence fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie sans respect du préavis, alors : « 1°/ qu'en énonçant que la société Concurrence ne démontre pas que ces engagements (les entretiens courants réguliers avec le PDG, l'autorisation de vente sur "market places", la non-signature du contrat sélectif, l'autorisation de vente sans mise en service dans toute l'Europe, l'autorisation de vente sans démonstration à domicile dans toute l'Europe, les remises de gré à gré de 21 % réduites entre 3 % et 0 %, la remise de 3 % pour ventes internet, la prévision de commandes, la reprise des invendus et les ventes ordinateurs et appareils photos) étaient la pratique entre les parties avant la rupture, quand elle a visé les lettres de la société Samsung du 15 janvier 2010 et du 9 décembre 2011 établissant la réalité de ces engagements, la société Samsung ayant au surplus reconnu dans ses conclusions que "Samsung a fonctionné avec Concurrence en 2011 et 2012 et continue de fonctionner sur les conditions commerciales de 2011 qui ne sont autres que celles de 2010", la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 2°) qu'en énonçant que la société Concurrence ne démontre pas plus que ces conditions particulières lui ont été supprimées par la société Samsung pendant l'exécution du préavis, aucune pièce n'étant produite en ce sens, quand la société Samsung avait reconnu dans ses conclusions que "Samsung a fonctionné avec Concurrence en 2011 et 2012 et continue de fonctionner sur les conditions commerciales de 2011 qui ne sont autres que celles de 2010", et soutenait précisément ne pas être tenue par de tels engagements au-delà d'un an, et qu'ainsi il ressort de ses propres constatations que la société Samsung avait reconnu ne pas devoir reconduire ces conditions durant le préavis ni les avoir maintenues et avait même mis en demeure la société Concurrence le 22 novembre 2012 de cesser toute commercialisation de Produits Elite sur la « market place Amazon » sous 48 heures, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 3°) que si les conditions commerciales sont négociées annuellement, rien n'y oblige si cela n'a pas été expressément prévu, et tel n'est plus le cas une fois la rupture décidée, les conditions commerciales devant demeurer inchangées ; qu'en retenant que les parties ayant négocié en 2011 et 2012 notamment les conditions particulières les liant, de sorte que la société Concurrence ne peut prétendre à l'application illimitée dans le temps de conditions commerciales favorables temporaires accordées pour une année et nécessairement remises en cause par le principe de la négociation annuelle entre les parties, la cour d'appel n'a pas justifié ce prétendu principe de négociation annuelle et a validé une rupture brutale partielle des relations en violation de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ; 7°) que le fait d'imposer sans préavis les réductions des remises de gré à gré de 21,85 % à 3 %, la suppression de la remise de classement de 3 %, annoncés les 20 et 24 février 2012, et appliqués à compter du 1er mars 2012, constitue une rupture brutale partielle des relations commerciales entre les parties en application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ; 8°) que l'obligation de passer les commandes par des grossistes (circuit long) au lieu d'acheter en direct au fabriquant (circuit court) constitue un changement de condition commerciale qui ne peut être imposé pour la première fois durant le préavis accordé, à supposer même que les conditions d'achat demeurent stables, ce qui n'a d'ailleurs pas été constaté par la cour d'appel ; qu'en ne condamnant pas cette obligation imposée dès la rupture la cour d'appel a validé une rupture brutale partielle des relations en violation de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. » 6. Par son troisième moyen, la société Concurrence fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°) que le principe d'une négociation annuelle n'interdit pas des accords de plus d'une année ; que des accords ne peuvent être brutalement dénoncés sans préavis ; qu'en ne sanctionnant pas l'abandon immédiat des conditions antérieures à la rupture, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ; 2°) que la lettre du directeur du 15 janvier 2010 qui annonce l'octroi d'une remise supplémentaire de 3 %, implique une durée supérieure à une année, puisqu'elle est décidée pour tenir compte de relations de qualité anciennes, de la volonté d'aller en avant, et de l'axe stratégique pris par la société Concurrence ; qu'en ne sanctionnant pas l'abandon de cette remise imposé sans préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ; 3°) que la société Samsung a reconnu que "Samsung a fonctionné avec Concurrence en 2011 et 2012 et continue de fonctionner sur les conditions commerciales de 2011 qui ne sont autres que celles de 2010" ; qu'en ne sanctionnant pas l'abandon brutal et sans préavis de ces conditions commerciales à compter de la rupture décidée le 20 mars 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. » 7. Par son quatrième moyen, la société Concurrence fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°) que la société Concurrence avait démontré que la société Samsung lui avait antérieurement à l'année 2012 vendu des ordinateurs ou appareils photos ; que la cour d'appel ne pouvait d'autant moins ignorer ces factures, qu'elle les avait consultées à l'occasion du problème des remises ; qu'en retenant que la société Concurrence ne démontre pas que la société Samsung lui avait antérieurement à l'année 2012 vendu des ordinateurs ou appareils photos, la cour d'appel a méconnu l'obligation imposée au juge de ne pas dénaturer les conclusions ; 2°) que la société Samsung avait créé chez Concurrence une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues, en proposant un plan d'achats et surtout des remises supplémentaires "aux fins d'encouragement au développement de l'activité Samsung" ; que la modification immédiate des conditions commerciales, dès l'annonce de la rupture et au cours de préavis, constitue une violation de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ; que la cour d'appel, qui a refusé de sanctionner une modification des relations commerciales établies dès l'annonce de la rupture, a statué en violation de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ; 3°) que l'obligation de devoir passer commande auprès des grossistes est constitutive d'un refus de vente en direct et donc d'une modification des relations commerciales en cours qui ne peut être imposée durant le préavis ; qu'en retenant que la société Concurrence ne démontre pas que la société Samsung a refusé de lui vendre des ordinateurs portables et appareils photos après la rupture, quand il était constant que la société Samsung avait imposé sans préavis dès l'annonce de la rupture l'obligation de passer désormais les commandes auprès des grossistes, la cour d'appel, qui a refusé de sanctionner une modification des relations commerciales établies, a statué en violation de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. » Réponse de la Cour 8. Lorsque les conditions de la relation commerciale établie entre les parties font l'objet d'une négociation annuelle, ne constituent pas une rupture brutale de cette relation les modifications apportées durant l'exécution du préavis qui ne sont pas substantielles au point de porter atteinte à l'effectivité de ce dernier. 9. Après avoir relevé que la société Samsung négociait annuellement les conditions commerciales avec ses distributeurs, l'arrêt énonce qu'il est normal que celles-ci puissent évoluer, dans la mesure où un accord annuel n'est, par principe, pas immuable, l'existence de négociations annuelles permettant une évolution des conditions commerciales, y compris pendant l'exécution du délai de préavis. Il retient, ensuite, que les parties ont négocié, en 2011 et 2012, les conditions particulières les liant, de sorte que la société Concurrence ne peut prétendre à l'application illimitée dans le temps de conditions commerciales favorables accordées pour une année et nécessairement remises en cause par le principe de la négociation annuelle entre les parties. Il retient, en outre, qu'elle ne démontre ni que les engagements dont elle fait état, qui n'auraient pas été exécutés durant le préavis, étaient la pratique entre les parties avant la rupture, ni que la société Samsung s'était engagée à lui garantir ces conditions particulières concernant notamment les entretiens courants réguliers avec le président et directeur général, l'autorisation de vente sur une place de marché, l'autorisation de vente sans mise en service et sans démonstration à domicile dans toute l'Europe, l'autorisation de vente dans toute l'Europe, la prévision de commandes et la reprise des invendus. 10. Il retient, encore, que la société Concurrence ne démontre pas que la société Samsung ait supprimé ces conditions particulières pendant l'exécution du préavis et qu'elle lui ait, antérieurement à l'année 2012, vendu des ordinateurs ou appareils photos ni qu'elle ait refusé de les lui vendre, les courriels des 24 février et 1er mars 2012 de cette société ne faisant aucune référence au passé, et que l'achat de produits par des grossistes n'est pas, en soi, un changement de condition commerciale, si les conditions d'achat demeurent stables. 11. En l'état de ces énonciations et appréciations, faisant ressortir que le changement de mode d'approvisionnement aux mêmes conditions tarifaires ne caractérisait pas une modification substantielle de la relation commerciale interdite durant le préavis, c'est à bon droit, et sans dénaturer les écritures de la cause, qu'au terme d'une appréciation souveraine des éléments de preuve versés au débat, dont elle a déduit que la preuve d'un changement, en cours de préavis, des autres conditions commerciales existant, le cas échéant, entre les parties avant la rupture, n'avait pas été rapportée, la cour d'appel a rejeté la demande formée par la société Concurrence au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie sans respect du préavis. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Concurrence aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Concurrence et la condamne à payer à la société Samsung Electronics France la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour la société Concurrence. PREMIER MOYEN DE CASSATION (Sur la rupture brutale) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société Concurrence au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies sans respect du préavis AUX MOTIFS QUE Sur la brutalité de la rupture Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures. L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent. La société Concurrence ne précise pas quel était son chiffre d'affaires global les années précédant l'annonce de la rupture ni quelle était la part de la société Samsung dans son chiffre d'affaires. Eu égard à la durée de la relation commerciale établie de 12 années, du secteur d'activité et du temps nécessaire pour que la société Concurrence puisse se réorganiser et re-déployer son activité, il apparaît que le préavis de 15 mois qui lui a été accordé par la société Samsung est suffisant, de sorte que la rupture n'est pas brutale. ALORS QUE la société Concurrence avait justifié de son chiffre d'affaires total en 2011 et de la part réalisée avec la société Samsung (pièce n° 86) ; que la société Samsung dans ses conclusions (Pages 42/53 et 43/53), pièces visées et produites à l'appui, avait justifié du chiffre d'affaires de la société Concurrence et de la part réalisée avec les produits Samsung en 2010 et 2011 ; qu'ainsi la cour d'appel en lisant les conclusions échangées et les pièces produites avait tous les éléments pour juger ; qu'en s'en abstenant la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur la rupture brutale) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société Concurrence au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies sans respect du préavis Sur l'effectivité du préavis La société Concurrence reproche à la société Samsung de ne pas avoir respecté les accords dits « Mollet », ce que conteste cette dernière. Par courrier du 15 janvier 2010, M. Mollet, alors directeur de la société Samsung France, indique à la société Concurrence qu'en raison du différend les opposant, il propose de « solder ce malentendu en acceptant de régler une somme de 200.000 euros en considération de quoi vos factures seront annulées et nous reprenons une relation commerciale fondée sur nos tarifs nets envoyés début novembre 2009 avec 3 % supplémentaires, compte-tenu de l'axe stratégique pris pour votre société sur le commerce électronique ». Par courriel du 9 décembre 2011, la société Samsung écrit à la société Concurrence : « Lors de nos rendez-vous tenus en début d'année [2011], je vous ai exposé les conditions commerciales pour l'année 2011 et vous ai confirmé les montants et les conditions des ristournes et des remises qui seraient applicables à Concurrence. Je vous les ai confirmées par email. Vous me contraignez donc à vous répondre, mais pour la dernière fois. Ristournes : En 2009, Concurrence bénéficiait de 6 % (3 % + 3 %). En 2010, Concurrence bénéficiait de 7 % (1 % + 6 %, ces derniers étaient la consolidation des 3 + 3 de l'année précédente). En 2011, Concurrence bénéficie de 7 % (1 % + 6 %). Remise de base : En 2009, Concurrence bénéficiait de la remise de base de 21 %. En 2010, Concurrence bénéficiait de la remise de base de 21 %. En 2011, Concurrence bénéficie de la remise de base de 25 %. Dans le même temps, les remises de gré à gré sont restées appliquées. Leur montant a varié parce que, pour la première fois et ce depuis 2011, les baisses de nos tarifs sont, désormais, régulièrement enregistrées dans nos systèmes et répercutées à nos clients. La remise de gré à gré est donc maintenue. Simplement, elle baisse en montant, car les tarifs de base baissent. Il y a donc là une adéquation qui fait qu'au final, la proportion de la remise de gré à gré par rapport au tarif de base est restée la même. Cette manière de procéder en faisant bénéficier à tous nos clients des baisses de tarif, régulièrement, a été saluée par tous ; sauf par vous, évidemment. J'en tire deux enseignements : - les conditions commerciales 2011 vous sont appliquées, avec des taux clairement définis, au moins équivalents à celui de 2010, - vous bénéficiez de la remise de base de 25 %, alors que vous ne devriez bénéficier que de celle de 21 %. Concurrence est en effet un VADiste. Vous le reconnaissez d'ailleurs (cf. votre mail du 24 novembre 2011), puisque vous réalisez plus de 95 % de vos ventes sur Internet, à distance ». Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier que la société Samsung négocie annuellement les conditions commerciales avec ses fournisseurs, y compris nécessairement la société Concurrence, de sorte qu'il est normal que celles-ci puissent évoluer, y compris pendant l'exécution du délai de préavis. La société Concurrence explique que les entretiens courants réguliers avec le PDG, l'autorisation de vente sur marketplace, la non-signature du contrat sélectif, l'autorisation de vente sans mise en service dans toute l'Europe, l'autorisation de vente sans démonstration à domicile dans toute l'Europe, les remises de gré à gré de 21 % réduites entre 3 % et 0 %, la remise de 3 % pour ventes internet, la prévision de commandes, la reprise des invendus et les ventes ordinateurs et appareils photos ont été supprimées pendant l'exécution du préavis. Toutefois, la société Concurrence ne démontre pas que ces engagements étaient la pratique entre les parties avant la rupture ni que la société Samsung s'était engagée auprès de la société Concurrence à lui garantir ces conditions particulières, notamment concernant les entretiens courants réguliers avec le PDG, l'autorisation de vente sur marketplace, l'autorisation de vente sans mise en service dans toute l'Europe, l'autorisation de vente sans démonstration à domicile dans toute l'Europe, la prévision de commandes et la reprise des invendus. Elle ne démontre pas plus que ces conditions particulières lui ont été supprimées par la société Samsung pendant l'exécution du préavis, aucune pièce n'étant produite en ce sens. Il ne peut être tiré aucune conséquence des courriels des 24 février et 1er mars 2012 de la société Samsung relatifs à la vente de produits photo et notebook ; celui-ci ne faisait en effet aucune référence au passé et ne mentionnait que les conditions commerciales sur l'année 2012 quant à ces produits. Par ailleurs, l'achat de produits par des grossistes n'est pas en soi un changement de condition commerciale, si les conditions d'achat demeurent stables. De même, le refus de signer un contrat de distribution sélective avec la société Concurrence ne peut être une condition commerciale acquise, alors que ces contrats sont conclus pour une durée d'un an et que la société Concurrence ne démontre pas avoir signé un tel contrat au jour de l'envoi de la lettre de rupture, alors que la société Samsung lui a indiqué par courriel du 8 novembre 2011 qu'elle constatait que cette dernière refusait toute régularisation d'un contrat de distribution sélective concernant les produits Elite. Enfin, il n'est pas démontré que pendant l'exécution du préavis les remises ont été réduites, étant relevé que les factures communiquées en pièce 90 démontrent au contraire que le taux de remise était au minimum de 31 %. En outre, il convient de relever que la société Samsung n'est pas obligée d'appliquer à la société Concurrence les conditions tarifaires les plus favorables qu'elle applique à certains de ses fournisseurs. Dès lors, si la société Concurrence refuse les conditions tarifaires de la société Samsung, dont il n'est pas démontré qu'elles sont discriminatoires, abusives ou moins avantageuses que précédemment, elle ne peut demander l'application pour l'avenir d'un accord ponctuel intervenu entre les parties pour solutionner un conflit les opposant. Il convient d'ailleurs de relever que la teneur et le ton des courriels envoyés par la société Concurrence à la société Samsung entre 2009 et 2012 démontrent que la société Concurrence est très agressive et menaçante avec son interlocuteur, ce qui empêche toute négociation annuelle sereine entre les parties (pièces 7, 11, 12, 13, 57, 60, 62, 64, 91, 114, 127, 126, 128, 129, 130, 131, 132, 133). Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de la société Concurrence pour rupture brutale des relations commerciales établies et pour défaut d'effectivité du préavis. 1°) ALORS QUE en énonçant que la société Concurrence ne démontre pas que ces engagements (les entretiens courants réguliers avec le PDG, l'autorisation de vente sur market places, la non-signature du contrat sélectif, l'autorisation de vente sans mise en service dans toute l'Europe, l'autorisation de vente sans démonstration à domicile dans toute l'Europe, les remises de gré à gré de 21 % réduites entre 3 % et 0 %, la remise de 3 % pour ventes internet, la prévision de commandes, la reprise des invendus et les ventes ordinateurs et appareils photos) étaient la pratique entre les parties avant la rupture, quand elle a visé les courriers de la société Samsung du 15 janvier 2010 et du 9 décembre 2011 établissant la réalité de ces engagements, la société Samsung ayant au surplus reconnu dans ses conclusions que « Samsung a fonctionné avec Concurrence en 2011 et 2012 et continue de fonctionner sur les conditions commerciales de 2011 qui ne sont autres que celles de 2010 » (conclusions Samsung page 21/53), la cour d'appel a violé le l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 2°) ALORS QUE en énonçant que la société Concurrence ne démontre pas plus que ces conditions particulières lui ont été supprimées par la société Samsung pendant l'exécution du préavis, aucune pièce n'étant produite en ce sens, quand la société Samsung avait reconnu dans ses conclusions que « Samsung a fonctionné avec Concurrence en 2011 et 2012 et continue de fonctionner sur les conditions commerciales de 2011 qui ne sont autres que celles de 2010 » (conclusions Samsung page 21/53), et soutenait précisément ne pas être tenue par de tels engagements au-delà d'un an, et qu'ainsi il ressort de ses propres constatations que la société Samsung avait reconnues de pas devoir reconduire ces conditions durant le préavis ni les avoir maintenues et avait même mis en demeure Concurrence le 22 novembre 2012 de cesser toute commercialisation de Produits Elite sur la market place Amazon sous 48 heures, la cour d'appel a violé le l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 3°) ALORS QUE si les conditions commerciales sont négociées annuellement, rien n'y oblige si cela n'a pas été expressément prévu, et tel n'est plus le cas une fois la rupture décidée, les conditions commerciales devant demeurer inchangées ; qu'en retenant que les parties ayant négocié en 2011 et 2012 notamment les conditions particulières les liant, de sorte que la société Concurrence ne peut prétendre à l'application illimitée dans le temps de conditions commerciales favorables temporaires accordées pour une année et nécessairement remises en cause par le principe de la négociation annuelle entre les parties, la cour d'appel n'a pas justifié ce prétendu principe de négociation annuelle et a validé une rupture brutale partielle des relations en violation de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; 4°) ALORS QUE l'annonce brutale, sans préavis, de l'obligation de signer un contrat sélectif, quand les produits de ce contrat étaient livrés jusqu'alors sans signature de ce contrat, constitue une rupture brutale des relations en violation de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; qu'en ne sanctionnant pas cette obligation imposée sans préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; 5°) ALORS QUE Concurrence vendait sur market places en 2010, en 2011, 2012, ce qui était proscrit par SAMSUNG dans ses contrats sélectifs ; qu'au demeurant, la cour d'appel qui a reproduit une lettre de Samsung décrivant les conditions au 9 décembre 2011, a omis d'en retranscrire la partie démontrant que Samsung était au courant et approuvait le fait que Concurrence utilise le market place, Samsung l'y encourageant pour développer son activité en accordant une remise de 3 % ; que l'interdiction de vendre sur les market places a été imposée par l'obligation de signer un contrat sélectif dès la rupture sans respect d'un préavis ; qu'en ne sanctionnant pas cette obligation imposée sans préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; 6°) ALORS QUE en retenant qu'il n'est pas démontré que pendant l'exécution du préavis les remises ont été réduites, les factures communiquées en pièce 90 démontrant au contraire que le taux de remise était au minimum de 31 %, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et donc privé de motifs sa décision, lesdites factures étant relatives aux années 2011 et 2012, donc antérieures à la période du préavis ; qu'elle a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ; 7°) ALORS QUE le fait d'imposer sans préavis les réductions des remises de gré à gré de 21,85 % à 3 %, la suppression de la remise de classement de 3 %, annoncés le 20 et 24 février 2012, et appliqués à compter du 1er mars 2012, constitue une rupture brutale partielle des relations commerciales entre les parties en application de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce 8°) ALORS QUE l'obligation de passer les commandes par des grossistes (circuit long) au lieu d'acheter en direct au fabriquant (circuit court) constitue un changement de condition commerciale qui ne peut être imposé pour la première fois durant le préavis accordé, à supposer même que les conditions d'achat demeurent stables, ce qui n'a d'ailleurs pas été constaté par la cour d'appel ; qu'en ne condamnant pas cette obligation imposée dès la rupture la cour d'appel a validé une rupture brutale partielle des relations en violation de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur la rupture brutale) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société Concurrence au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies sans respect du préavis AUX MOTIFS QUE Sur les conditions commerciales appliquées à la société Concurrence et les accords dits « Mollet » La société Concurrence soutient que les accords 2010, dit « accords Mollet », qu'elle estimait privilégiés puisque comprenant des remises de gré à gré, la livraison de produits Elite, les ventes sur Internet et market place, avaient vocation à être maintenus. Elle estime que leur remise en cause au début de l'année 2012 a été brutale et doit être sanctionnée au regard de l'article L. 442-6, IV du code de commerce. S'agissant des remises de gré à gré, elle fait valoir que la société Samsung n'apporte aucune preuve afin d'étayer ses affirmations, ni facture, ni document comptable, ni barème de prix. Elle explique que la société Samsung ne pouvait limiter les remises consenties à son égard en violation des accords « Mollet ». En tout état de cause, elle demande à ce que soit constatée la nullité des conditions de vente de la société Samsung et que lui soit remboursée la différence entre les conditions appliquées à la société Concurrence et les conditions consenties aux autres revendeurs. Elle allègue que la demande de nullité des conditions de vente ne constitue aucunement une demande nouvelle. La société Samsung affirme que les « accords Mollet » n'ont jamais existé et ne correspondent à aucun engagement spécifique de sa part et relève qu'en tout état de cause aucun accord ne peut résister à l'obligation de négociation annuelle. Elle explique que cette obligation telle qu'elle ressort des dispositions des articles L. 441-6, I, alinéa 1 et L. 441-7, alinéas 1 et 3 du code de commerce, s'oppose au caractère immuable allégué de ces accords, dont, au surplus, elle estime que la société Concurrence n'apporte pas la preuve. Elle ajoute que la société Concurrence a systématiquement refusé toute négociation commerciale, de sorte qu'elle ne saurait se plaindre de ce qu'elle n'aurait pas obtenu à cette occasion certaines conditions commerciales. Elle précise que le courrier du 15 janvier 2010 visait à régler un différend en octroyant à la société Concurrence une indemnité transactionnelle et une remise supplémentaire de 3 % prenant en compte le développement de la société Concurrence sur la distribution par Internet (et non sur marketplace) et que le courrier de M. [Y] [X] à M. [B] [H] du 1er juin 2011, ne faisait que réaffirmer le principe de l'octroi de remises de gré à gré en application de la politique commerciale uniforme de la société Samsung. Elle ajoute qu'en tout état de cause la société Samsung n'a aucune obligation de communiquer les informations produites devant l'Autorité de la concurrence en 2014. *** Il convient d'abord de relever avec la société Samsung que des conventions annuelles sont signées entre cette dernière et ses distributeurs, de sorte qu'aucun accord annuel n'est par principe immuable, le principe des négociations annuelles supposant une évolution des conditions commerciales et un accord entre elles sur ces conditions commerciales. Il apparaît que les parties ont négocié en 2011 et 2012 notamment les conditions particulières les liant, de sorte que la société Concurrence ne peut prétendre à l'application illimitée dans le temps de conditions commerciales favorables temporaires accordées pour une année et nécessairement remises en cause par le principe de la négociation annuelle entre les parties. En outre, la société Samsung n'a aucune obligation de communiquer l'ensemble des pièces soumises à l'Autorité de la concurrence, la présente instance étant indépendante de l'instruction menée par cette Autorité. Enfin, il a déjà été relevé ci-dessus que la preuve de la remise en cause des pratiques antérieures entre les parties n'est pas démontrée, de sorte qu'il y a lieu de rejeter la demande de la société Concurrence de ce chef. ET AUX MOTIFS QUE Sur la demande relative à la remise supplémentaire internet de 3 % La société Concurrence soutient que la société Samsung ne lui a pas versé la remise supplémentaire internet de 3 % sur les années 2011 et 2012 en vertu des accords dits Mollet, alors qu'il a été jugé ci-dessus que les accords Mollet n'avaient pas vocation à s'appliquer sur plusieurs années, alors que les parties négocient chaque année les conditions commerciales de leurs relations, de sorte que la société Concurrence n'est pas bien fondée à solliciter le paiement de la remise de 3 % sur les années 2011 et 2012, les accords invoqués n'étant valable que pour une année. Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Concurrence de ce chef. 1°) ALORS QUE le principe d'une négociation annuelle n'interdit pas des accords de plus d'une année ; que des accords ne peuvent être brutalement dénoncés sans préavis ; qu'en ne sanctionnant pas l'abandon immédiat des conditions antérieures à la rupture, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; 2°) ALORS QUE la lettre du Directeur du 15 janvier 2010 qui annonce l'octroi d'une remise supplémentaire de 3 %, implique une durée supérieure à une année, puisqu'elle est décidée pour tenir compte de relations de qualité anciennes, de la volonté d'aller en avant, et de l'axe stratégique pris par Concurrence ; qu'en ne sanctionnant pas l'abandon de cette remise imposé sans préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; 3°) ALORS QUE la société Samsung a reconnu que « Samsung a fonctionné avec Concurrence en 2011 et 2012 et continue de fonctionner sur les conditions commerciales de 2011 qui ne sont autres que celles de 2010 » (conclusions de Samsung du 2 avril 2019 p. 21/53) ; qu'en ne sanctionnant pas l'abandon brutal et sans préavis de ces conditions commerciales à compter de la rupture décidée le 20 mars 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce. QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur la rupture brutale) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société Concurrence au titre du refus de vente brutal des ordinateurs et appareils photos sans respect du préavis ET AUX MOTIFS QUE Sur le refus de vente brutal des ordinateurs et appareils photos Il a déjà été indiqué ci-dessus que la société Concurrence ne démontre pas que la société Samsung lui avait antérieurement à l'année 2012 vendu des ordinateurs ou appareils photos, qu'elle a refusé de les lui vendre, la circonstance de devoir les commander auprès d'un grossiste ne pouvant caractériser un refus de vente. Dès lors, la société Concurrence ne justifie ni de l'antériorité de ces échanges ni de l'arrêt des commandes ni de la brutalité de cet arrêt. Il y a donc lieu de rejeter la demande de ce chef. 1°) ALORS QUE société Concurrence avait démontré que la société Samsung lui avait antérieurement à l'année 2012 vendu des ordinateurs ou appareils photos (Conclusions, page 17 et 18) ; que la Cour d'appel ne pouvait d'autant moins ignorer ces factures, qu'elle les avait consultées à l'occasion du problème des remises ; qu'en retenant que la société Concurrence ne démontre pas que la société Samsung lui avait antérieurement à l'année 2012 vendu des ordinateurs ou appareils photos la cour d'appel a méconnu l'obligation imposée au juge de ne pas dénaturer les conclusions 2°) ALORS QUE la société Samsung avait créé chez Concurrence une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues, en proposant un plan d'achats et surtout des remises supplémentaires « aux fins d'encouragement au développement de l'activité Samsung » ; que la modification immédiate des conditions commerciales, dès l'annonce de la rupture et au cours de préavis, constitue une violation de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; que la cour d'appel, qui a refusé de sanctionner une modification des relations commerciales établies dès l'annonce de la rupture, a statué en violation de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce 3°) ALORS QUE l'obligation de devoir passer commande auprès des grossistes est constitutive d'un refus de vente en direct et donc d'une modification des relations commerciales en cours qui ne peut être imposée durant le préavis ; qu'en retenant que la société Concurrence ne démontre pas que la société Samsung a refusé de lui vendre des ordinateurs portables et appareils photos après la rupture quand il était constant que Samsung avait imposé sans préavis dès l'annonce de la rupture l'obligation de passer désormais les commandes auprès des grossistes, la cour d'appel, qui a refusé de sanctionner une modification des relations commerciales établies, a statué en violation de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce. CINQUIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur le refus de vente des produits Elite comme standards) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Concurrence tendant à la réparation du préjudice subi suite au refus de livraison des téléviseurs Elite AUX MOTIFS QUE Sur le refus de vente des produits Elite comme standards par la société Samsung La société Concurrence reproche à la société Samsung de refuser de lui livrer les téléviseurs Elite à compter du 1er juillet 2013, alors que son magasin répond aux exigences du contrat de distribution sélective, comme l'a constaté cette dernière lors d'une visite des locaux du 30 septembre 2015, un contrat de distribution sélective ayant d'ailleurs été signé le 15 octobre 2015 concernant ce site entre les parties. Elle indique que malgré des demandes répétées, la société Samsung a refusé de lui livrer les téléviseurs Elite, de sorte que son magasin n'a jamais pu fonctionner. Elle se fonde sur la motivation de l'arrêt du 3 décembre 2015 de la cour d'appel de Paris. La société Samsung réplique que la rupture au 30 juin 2013 est définitivement acquise et qu'elle est libre de contracter ou non avec la société Concurrence et donc de cesser de livrer la société Concurrence en produits Elite comme standard. Elle relève que la rupture étant licite, elle n'a aucune obligation de contracter à nouveau avec la société Concurrence. Elle rappelle que la preuve du refus de vente de ses produits n'est pas rapportée. Il a été jugé ci-dessus que la rupture des relations commerciales au 30 juin 2013 était licite, de sorte que la société Concurrence ne peut prétendre à la poursuite des relations commerciales avec la société Samsung, celle-ci étant libre de choisir ses partenaires commerciaux et de cesser les relations commerciales avec la société Concurrence, sous réserve de respecter un délai de préavis suffisant, comme en l'espèce. Dans ces conditions, aucune obligation ne pesait à compter du 1er juillet 2013 sur la société Samsung de livrer la société Concurrence en produits standards comme Elite. Par ailleurs, il a été relevé supra que la société Concurrence a toujours refusé de signer un contrat de distribution sélective concernant les produits Elite, ce que la société Samsung lui avait pourtant proposé le 14 mars 2011 par courriel, alors que cette dernière distribue justement ces produits au travers d'un réseau de distribution sélective. Dès lors, la société Concurrence ne peut faire grief à la société Samsung de ne pas lui avoir livré de produits Elite, n'ayant pas signé de contrat de distribution sélective. En outre, la société Concurrence ne peut tirer argument de la motivation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 décembre 2015, pour en déduire que la seule condition à lever, pour être livrée en produits Samsung, était l'ouverture d'un magasin aux normes du contrat de distribution sélective et que donc, cette condition ayant depuis été levée par elle, la société Samsung est tenue de la livrer. Ce litige opposait alors les parties concernant le recours de la décision de l'Autorité de la concurrence des 23 juillet et 6 octobre 2014, qui ne peut s'imposer dans le cadre de cette instance pour en déduire qu'il a été déjà jugé dans le sens invoqué par la société Concurrence. Enfin, si les parties ont signé le 15 octobre 2015 un contrat de distribution sélective concernant la vente de produits Elite, la société Concurrence ne démontre pas que son magasin était ouvert à compter de cette date pour proposer à la vente ses différents produits dont les téléviseurs Samsung de la gamme Elite et que donc il était en mesure de commercialiser dans des conditions normales les produits, ce que relève la société Samsung dans sa réponse à la société Concurrence par courriel du 24 mars 2016, le site internet indiquant « magasin et site fermé » alors que le contrat impose la commercialisation dans un magasin de vente au détail. En effet, elle ne peut utilement relever que le refus de livraison par la société Samsung des produits Elite est la cause de l'impossibilité d'ouverture de son magasin, étant aussi relevé que la preuve de commande passées à la société Samsung par la société Concurrence en produits Elite comme standards à compter du 15 octobre 2015 jusqu'au 29 février 2016, date de la fin du contrat de distribution sélective, n'est pas rapportée. Ainsi, aucune faute de la société Samsung n'est établie à cet égard, aucun refus de vente n'étant prouvé. En conséquence, la société Concurrence ne démontre aucune faute de la société Samsung de ce chef. Il y a lieu de la débouter de sa demande sur ce point. 1°) ALORS QU'ont été produits aux débats les accords de distribution 2012, 2013, 2014 et 2015 dont il est constant qu'ils ont tous été signés ; qu'en retenant successivement que les parties n'ont pas signé un accord de distribution, puis que les parties ont signé un accord de distribution le 15 octobre 2015, la cour d'appel s'est au moins contredite sur ce dernier point, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE la société Concurrence a justifié devant la cour d'appel qu'après visite du nouveau point de vente le 30 septembre 2015, la société Samsung a constaté sans avoir besoin de demander des modifications, le respect des critères, ce qui a abouti à la signature d'un nouveau contrat sélectif le 15 octobre 2015 et quelques jours plus tard le site internet a lui aussi été agréé sans problème ; que cependant en dépit de l'agrément du magasin et du site, la société Samsung a toujours refusé de vendre les produits ELITE objets du contrat sélectif ; que pour justifier ce refus de livraison, la cour d'appel s'est fondée sur le courriel du 24 mars 2016 de la société Samsung faisant état de ce que le site internet indique « magasin et site fermé » ; que cependant un magasin ne peut être ouvert s'il n'a pas de stocks, ce qui nécessite au préalable d'être livré ; que par suite, les refus de vente des produits Samsung à compter de la signature du contrat sélectif le 15 octobre 2015 sont bien à l'origine de l'impossibilité d'ouverture du magasin, et la société Samsung est en faute de ne pas avoir livré ainsi qu'elle s'y était engagée ; qu'en rejetant la demande en réparation du préjudice subi par la société Concurrence, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil devenu 1231-1. 3°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que « la preuve de commande passées à la société Samsung par la société Concurrence en produits Elite comme standards à compter du 15 octobre 2015 jusqu'au 29 février 2016, date de la fin du contrat de distribution sélective, n'est pas rapportée » quand dans ses conclusions la société concurrence avait justifié avoir demandé à nouveau d'être livrée par courriel du 7 décembre 2015 (pièce n° 9), puis par un rappel du 15 décembre 2015 (pièce n° 10), la cour d'appel a statué en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause, ensemble les articles 1103, 1104 et 1193 du code civil. SIXIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur la distribution sélective) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Concurrence tendant à voir prononcer la nullité du système de distribution sélective mis en place par la Société Samsung pour les téléviseurs de la gamme Elite et à la réparation du préjudice qu'elle a subi AUX MOTIFS QUE Sur la distribution sélective Les parties s'accordent à reconnaître que le réseau, mis en place par la société Samsung, qui consiste à agréer des distributeurs selon des critères de sélection objectifs, est un système de distribution sélective qualitative. Elles ne contestent pas l'application du droit européen de la concurrence. La société Concurrence n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause les conditions d'application par la société Samsung de son contrat de distribution sélective des produits de la gamme Elite. Il est constant que la distribution sélective limite nécessairement la concurrence entre les différents acteurs économiques en entravant l'accès au marché des revendeurs non-membres du réseau. Mais un système de distribution sélective qualitative peut être considéré comme licite au regard des prévisions du 1° de l'article 101 du TFUE ou de l'article L. 420-1 du code de commerce, si trois conditions sont réunies cumulativement : 1. la nature du produit en question doit requérir un système de distribution sélective, c'est-à-dire qu'un tel système doit constituer une exigence légitime eu égard à la nature du produit concerné afin d'en préserver la qualité et d'en assurer l'usage, 2. les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif, qui sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, 3. les critères définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire. La question de l'exemption individuelle de l'article 101 § 3 du TFUE ne se pose que si le réseau de distribution sélective n'est pas considéré comme licite en vertu de l'article 101 § 1, de sorte que la licéité de ce réseau au regard du § 1 doit d'abord être examinée, comme le souligne la société Samsung. Il ressort des éléments du dossier que : - le contrat de distribution sélective contesté ne porte que sur les produits de la gamme Elite de la société Samsung, doté de la technologie « smart interaction » permettant à l'utilisateur d'interagir avec le téléviseur. Il n'est pas contesté que ces produits sont des téléviseurs haut de gamme. Ces produits contiennent des innovations techniques telles que le contrôle vocal du produit, un contrôle gestuel, ce qui permet de remplacer la télécommande, ou encore la reconnaissance faciale, fonctionnalités qui nécessitent d'être présentées et expliquées par un vendeur « formé et qualifié » selon les termes du contrat, les autres téléviseurs ne proposant pas ce type d'options dont l'utilisation est donc inconnue par le consommateur. La nature de ces produits dits « dernière génération » justifie donc le recours à un système de distribution sélective. - les différents critères fixés pour choisir les revendeurs sont objectifs, de caractère qualitatif, sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire. En effet, la société Samsung liste en annexe 2 de son contrat ses critères d'agrément, à savoir : l'exploitation d'un magasin de vente au détail spécialiste de l'électronique grand public, ou la possession d'un département spécialisé, le point de vente physique devant être perçu comme étant professionnel et de qualité ; la vente et la promotion pourra se faire via un site internet qui doit être préalablement agréé par la société Samsung ; les techniques de vente de nature à nuire à l'image des produits sont prohibées ; la présentation des produits dans le point de vente physique doit permettre une identification des produits Elite aisée, dans une espace à la superficie suffisante ; les produits présentés doivent être en nombre suffisant et la mise en exergue de la technologie « smart interaction » suffisante, le personnel doit être formé et le service de qualité. Ces critères sont tous objectifs, ceux-ci étant clairement détaillés et explicité dans ladite annexe 3. - ces critères ne vont pas au-delà du nécessaire, ceux-ci étant justifiés au regard de la nature et de la qualité technologique des produits visés et adaptés à ces produits sans disproportion. En effet, au regard de la nature des produits, il est justifié que la société Samsung demande à ses détaillants Elite d'avoir un point de vente physique, de sorte que les produits puissent être exposés et expliqués au regard des technologies innovantes qu'ils contiennent, permettant ainsi au consommateur de se voir expliqué physiquement lesdites fonctionnalités, un site internet isolé ne permettant pas une présentation complète et un échange global du consommateur au vendeur, qui recherchera d'abord plutôt des explications par un vendeur dans un point de vente physique. En outre, la vente par internet des produits Samsung par le détaillant agréé étant autorisée, la clause est donc proportionnée. Dans ces conditions, le réseau de distribution sélective de la société Samsung de ses produits de la gamme Elite est licite au regard de l'article 101 § 1 du TFUE et en droit national il n'est pas contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce. Le contrat de distribution sélectif étant licite au regard de l'article 101 § 1 du TFUE, il n'y a pas lieu d'examiner les règles d'exemption définies par l'article 101 § 3 du TFUE ou de l'article 3 du Règlement CA n° 330-2010, ces dispositions n'ayant vocation à s'appliquer que dans l'hypothèse d'un réseau déclaré illicite au regard de l'article 101 § 1 du TFUE, afin de l'exempter de l'application des dispositions de cet article et donc examiner son éventuelle licéité au regard de ces textes d'exemption, étant relevé que la société Concurrence n'invoque pas les dispositions des articles 4 et 5 dudit Règlement. Enfin, le réseau étant déclaré licite, la condition de commercialisation par le détaillant des produits Elite dans un point de vente physique aux côtés d'un site internet n'est pas en soit discriminatoire à son égard, alors qu'il souhaite commercialiser les produits Elite uniquement par l'intermédiaire de son site internet, et ne répondant donc pas, dans ces conditions, aux critères objectifs posés par la société Samsung pour être agréé. Les demandes de la société Concurrence sur ce point doivent être rejetées. 1°) ALORS QUE les téléviseurs produits de la gamme Elite de la société Samsung, dotés de la technologie « smart interaction » permettant à l'utilisateur d'interagir avec le téléviseur ne présentent pas un degré de technicité tel qu'un système de distribution sélective soit justifié pour en préserver la qualité ou en assurer le bon usage ; que la société Samsumg vend en dehors de tout système de distribution sélective des produits au moins aussi sophistiqués que des téléviseurs, tels des ordinateurs et des smartphones que le consommateur moyen parvient à maîtriser sans l'assistance d'un vendeur ; qu'en jugeant licite le système de distribution sélective mis en place par la société Samsung la cour d'appel a violé les articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce ; 2°) ALORS QUE la clause imposant la détention d'un magasin physique pour la vente de téléviseurs haut de gamme a pour objet de restreindre la concurrence, et constitue un critère qui va bien au-delà de ce qui serait nécessaire au bon fonctionnement du réseau, qu'elle présente donc un caractère discriminatoire ; que le critère de détention d'un magasin physique est en effet doublement anticoncurrentiel, en ce qu'il génère d'une part un risque d'éviction des opérateurs « pure players », non seulement de la distribution de ces téléviseurs haut de gamme, mais aussi de la distribution de tous autres téléviseurs et en ce que l'éviction des opérateurs « pure players » risque d'autre part de limiter considérablement la concurrence par les prix sur le marché de la vente de téléviseurs ; qu'en jugeant licite le système de distribution sélective mis en place par la société Samsung la cour d'appel a violé les articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce ; 3°) ALORS QUE la société Samsung ne peut bénéficier d'une exemption au titre du Règlement (UE) n° 330/2010 relatif à des catégories d'accords verticaux et au titre des articles 101, paragraphe 3, TFUE ou L. 420-4 du code de commerce, dès lors qu'elle dispose d'une position prépondérante sur le marché de la vente de téléviseurs, avec une part de marché en valeur supérieure à 30 % depuis plus de 3 ans et de 36 % en 2013, que si un marché distinct était identifié pour la vente de téléviseurs haut de gamme, la part de marché de Samsung s'élèverait à environ 50 %, et Samsung serait ainsi en position dominante sur ce marché ; qu'un réseau de distribution sélective n'est susceptible de bénéficier d'une exemption individuelle au titre des articles 101, paragraphe 3, TFUE du code de commerce, que si il améliore la distribution des produits et les restrictions qu'il emporte sont indispensables pour atteindre ces améliorations ; que tel n'étant pas le cas, en jugeant licite le système de distribution sélective mis en place par la société Samsung la cour d'appel a violé le Règlement (UE) n° 330/2010 relatif à des catégories d'accords verticaux et les articles 101, paragraphe 3, TFUE et L. 420-4 du code de commerce. SEPTIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur la nullité de 3 clauses du contrat de distribution sélective) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Concurrence tendant à la nullité de trois clauses du contrat de distribution sélective déclarées illicites par la Commission Européenne, à savoir, la mise en service dans toute l'Europe, la démonstration à domicile pour les ventes internet, et un délai de rétractation de 30 jours, et à la réparation du préjudice subi AUX MOTIFS QUE Sur la nullité de 3 clauses du contrat de distribution sélective et le refus de livraison du 1er mars au 27 septembre 2012 La société Concurrence reproche à la société Samsung d'avoir inséré en 2012 trois clauses nulles dans le contrat de distribution sélective, qui imposaient la mise en service et l'installation dans toute l'Europe pour les ventes en magasin, la démonstration à domicile avant un éventuel achat pour les internautes habitant à plus de 100 kms du magasin, et un délai de rétractation porté à 30 jours. Elle en déduit qu'elle a subi un préjudice relatif au refus de livraison par la société Samsung des produits Elite du fait de la nullité de ces clauses du 1er mars au 27 septembre 2012. La société Samsung réplique que son contrat de distribution est licite et que la seule cause du défaut de livraison des produits Elite à la société Concurrence durant cette période est le refus de signature du contrat de distribution sélective en raison de la contestation par celle-ci de très nombreuses clauses de ce contrat et non spécialement ces 3 clauses. Elle en conclut que seule la société Concurrence est responsable de cette suspension des livraisons jusqu'à la signature par elle du contrat de distribution sélective et son agrément par elle au mois de septembre 2012. *** La cour constate d'abord que les clauses dont la validité est contestée par la société Concurrence ne sont pas reproduites et leur désignation par un numéro dans le contrat n'est pas reprise, de sorte que la cour ne sait pas quelle clause spécifique est remise en cause dans le cadre de cette instance, ces clauses n'étant pas identifiable, la seule référence générale à son objet ne pouvant suffire à saisir la cour d'une demande en nullité d'une clause contractuelle. En tout état de cause, la société Concurrence demande la réparation de son préjudice du fait du refus de vente de la société Samsung du fait de la nullité de trois clauses du contrat de distribution sélective, alors qu'il ressort clairement des différents échanges entre les parties à compter du 28 février 2012 (pièces Samsung 93 à 102) que les négociations entre les parties portaient sur de très nombreux points contractuels de tous ordres et que la société Concurrence contestait l'application de différentes clauses la concernant, de sorte qu'il ne peut être soutenu que le délai pour qu'elle ait été agréée uniquement le 20 septembre 2012 par la société Samsung soit la conséquence de la nullité de 3 clauses contractuelles. Le lien de causalité entre la faute alléguée, à la supposer établie, et le préjudice invoqué, n'est pas démontré par la société Concurrence. Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Concurrence de ce chef. 1°) ALORS QUE la cour d'appel était parfaitement en mesure d'identifier les trois clauses contractuelles litigieuses, dès lors qu'elle disposait des contrats de distribution sélective ; qu'en prétextant que les clauses dont la validité est contestée par la société Concurrence ne sont pas reproduites et leur désignation par un numéro dans le contrat n'est pas reprise, de sorte que la cour ne sait pas quelle clause spécifique est remise en cause dans le cadre de cette instance, la cour d'appel a manqué à son office, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en retenant qu'il ne peut être soutenu que le délai pour qu'elle (la société Concurrence) ait été agréée uniquement le 20 septembre 2012 par la société Samsung soit la conséquence de la nullité de 3 clauses contractuelles, la cour d'appel s'est nécessairement référée à ces trois clauses contractuelles et a ainsi entaché sa décision d'une contradiction de motifs ; 3°) ALORS QU'il résulte de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 14-D-07 du 23 juillet 2014 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution des produits bruns, en particulier des téléviseurs, qui a été versée aux débats, que la société Concurrence a allégué le caractère illicite des contrats de distribution sélective de Samsung et leur application discriminatoire, et versé plusieurs modèles ou extraits de contrats de son fournisseur, notamment ceux de 2012 et 2014 auxquels elle a adhéré ; que concernant la licéité de cette convention, la Commission européenne a sollicité la suppression de la clause de démonstration à domicile pour les achats en ligne et de celle d'augmentation à 30 jours du délai de rétractation, ainsi que la modification de celle d'installation dans toute l'Europe ; qu'il apparaît que la clause 5.2, b) du contrat de 2012 prévoyant l'installation et la mise en service des produits ELITE dans toute l'Europe a été maintenue en des termes identiques dans la nouvelle version de septembre 2012, et que si le contrat de distribution sélective 2014 de Samsung adopte une formulation plus prudente, l'acte renvoie cependant à la notion de « Zone d'Installation » dont le périmètre n'est pas défini ; qu'ainsi la cour d'appel était parfaitement en mesure d'identifier les trois clauses contractuelles litigieuses, dès lors qu'elle disposait des contrats de distribution sélective et de la décision précitée de l'Autorité de la concurrence ; qu'en se refusant à constater leur illicéité la cour d'appel a violé les articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. HUITIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur l'interdiction de vente sur « market place ») ll est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Concurrence tendant à la nullité de l'interdiction de vente sur les market place AUX MOTIFS QUE Sur l'interdiction de vente sur des market place La société Concurrence considère également que l'interdiction de revente des téléviseurs Elite sur market place constitue une restriction caractérisée de concurrence. Elle demande à ce que soit prononcée la nullité de cette clause. Elle indique d'ailleurs que cette question est soumise à l'examen de la Commission européenne et de l'Autorité de la concurrence. Elle soutient qu'il ressort de la décision de l'Autorité de la concurrence du 24 octobre 2018, que l'interdiction de la vente sur market place pouvait être autorisée sous certaines conditions, notamment que les produits interdits justifient l'usage d'un contrat de distribution sélective. Or elle estime que tel n'est pas le cas en l'espèce, les téléviseurs Elite ne nécessitant pas le recours à un réseau de distribution sélective. Elle estime que cette clause est en outre mise en oeuvre de manière discriminatoire, ce qui justifie également sa nullité. Elle soutient avoir bénéficié depuis 2010 de dérogations, tel que cela ressort notamment d'un courrier du président de la société Samsung du 9 décembre 2011, de sorte qu'elle a pu développer son activité par ce biais, laquelle représentait 50 % de son activité. Or en 2012 elle explique que la société Samsung a mis fin à ces dérogations de manière brutale, sans le moindre préavis, la contraignant à cesser la commercialisation des produits Elite pas ce biais. Elle demande à la cour de prononcer la nullité de la clause et autoriser la société Concurrence à vendre sur marketplaces. La société Samsung estime que la société Concurrence ne peut réclamer réparation d'un préjudice qu'elle aurait subi ni du fait de la stipulation d'une clause portant définition d'un périmètre de zone d'installation pour le service d'installation à proposer au consommateur, dès lors que cette clause a fait l'objet d'un accord entre les parties, ni en raison de la clause d'interdiction de revente sur market place, cette clause n'étant pas prohibée dans une distribution sélective dès lors qu'elle ne constitue pas per se une restriction caractérisée, la Commission et l'Autorité de la concurrence n'ayant d'ailleurs pas invalidé cette clause. Elle ajoute n'avoir jamais accepté que la société Concurrence procède à la vente de ses produits sur le site de market place Amazon, puisque par courrier de mise en demeure elle lui demandait de « cesser toute commercialisation de Produits Elite sur la marketplace Amazon sous 48 heures) à réception de la présente lettre ». *** Là encore, la cour constate d'abord que la clause, dont la validité est contestée par la société Concurrence, n'est pas reproduite et sa désignation par un numéro dans le contrat n'est pas reprise, de sorte que la cour ne sait pas quelle clause spécifique est remise en cause dans le cadre de cette instance, cette clause n'étant pas identifiable, la seule référence générale à son objet ne pouvant suffire à saisir la cour d'une demande en nullité d'une clause contractuelle. En tout état de cause, la société Concurrence explique que son préjudice est né du fait de la nullité de cette clause, qui seule peut désormais être constatée en l'absence d'un contrat de distribution sélective, alors qu'il a été jugé ci-dessus que le contrat de distribution sélective des produits Elite de la société Samsung est licite, de sorte qu'aucun préjudice ne peut être réclamé par la société Concurrence à ce titre. ALORS QUE la cour d'appel était parfaitement en mesure d'identifier la clause d'interdiction du market place qui figure à l'annexe 2 article 1.3 du contrat de distribution sélective des produits Samsung 2012 et qui est inchangé pour 2013 et 2014 et 2015 dès lors qu'elle disposait des contrats de distribution sélective ; qu'en jugeant que la cour ne sait pas quelle clause spécifique est remise en cause dans le cadre de cette instance, cette clause n'étant pas identifiable, la seule référence générale à son objet ne pouvant suffire à saisir la cour d'une demande en nullité d'une clause contractuelle, la cour d'appel a manqué à son office, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. NEUVIEME MOYEN DE CASSATION (Sur la nullité de l'article 4 du contrat de distribution sélective) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Concurrence de sa demande relative à la nullité de l'article 4 du contrat de distribution sélective version 2013 AUX MOTIFS QUE Sur la nullité de l'article 4 du contrat de distribution sélective version 2013 L'article 4 du contrat sélectif 2013 article 4 était rédigé comme suit : « L'agrément suppose que le Détaillant Elite ait convenu par ailleurs de conditions d'achats-vente par écrit (convention annuelle) avec l'entité l'approvisionnant en produits ELITE, à savoir (i) Samsung, et/ou (ii) tout Détaillant Elite ou grossiste Elite. Le Détaillant Elite s'engage à respecter cette condition en permanence pendant l'exécution du présent Contrat ». La société Concurrence demande la nullité de l'article 4 du contrat de distribution sélective dans sa version 2013, en raison de son inapplication dans les faits. Mais, la société Samsung réplique à juste titre qu'elle a mis fin à ses relations commerciales avec la société Concurrence au 30 juin 2013 et qu'il lui appartenait de rechercher des solutions alternatives. Elle ne peut reprocher à la société Samsung que les autres détaillants ou grossistes n'aient pas signé avec elle des conditions d'achats-vente. En outre, après la fin licite de la relation commerciale avec la société Concurrence par la société Samsung au 30 juin 2013, la société Concurrence ne peut reprocher à la société Samsung de ne pas signer de contrat d'achats-vente avec elle en produits Samsung. Il convient par ailleurs de relever que le défaut d'application d'une clause, à le supposer établi, ne peut constituer une cause de nullité d'une clause contractuelle. Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Concurrence de ce chef. ALORS QUE il appartient au fournisseur de faire respecter le contrat sélectif qu'il a signé avec les distributeurs agréés ; qu'en l'espèce la clause 4 du contrat de distribution sélective détaillant consiste à veiller à ce que le détaillant soit en mesure de s'approvisionner en Produits Elite auprès d'un fournisseur agréé pour vendre ces produits, ce qui suppose qu'il lui soit proposé des conditions d'achat-vente ; que la société Concurrence, détaillant agréé puisqu'ayant signé avec Samsung le contrat de distribution sélective, était donc fondée à se plaindre auprès de Samsung de ce que l'article 4 du contrat n'était pas appliqué par les grossistes, les centrales d'achats et les revendeurs, qui ont refusé par principe de répondre à ses demandes, ce qui lui a interdit de pouvoir acheter des produits ELITE ; qu'en rejetant sa demande la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Lorsque les conditions de la relation commerciale établie entre les parties font l'objet d'une négociation annuelle, ne constituent pas une rupture brutale de cette relation les modifications apportées durant l'exécution du préavis qui ne sont pas substantielles au point de porter atteinte à l'effectivité de ce dernier
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SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 1277 FS-B Pourvoi n° V 21-17.927 Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de M. [Z]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 9 juillet 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société Access Assistance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-17.927 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [Y] [Z], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Access Assistance, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Z], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail et Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur et Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 avril 2021), M. [Z] a été engagé par la société Access Assistance le 14 avril 2004 en qualité d'agent d'entretien. 2. Le 25 février 2019, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude, indiquant : « Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». 3. Le 7 mars 2019, l'employeur a saisi le conseil de prud'hommes, statuant en la forme des référés, aux fins de contester l'avis d' inaptitude et demander l'organisation d'une expertise. 4. Le médecin inspecteur régional du travail a été désigné par ordonnance du 26 avril 2019. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié était inapte au poste d'agent d'entretien ainsi qu'à tout autre poste au sein de la société Access Assistance, alors « que selon l'article R. 4624-42 du code du travail, un salarié ne peut être déclaré médicalement inapte à son poste qu'après, d'une part, qu'il a été réalisé un examen médical permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation, de mutation de poste ou sur la nécessité de proposer un changement de poste, d'autre part, qu'il a été réalisé ou fait réaliser une étude de poste, de troisième part, qu'il a été réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et, enfin, qu'il a été procédé à un échange avec l'employeur ; que ces conditions cumulatives doivent être respectées quelle que soit la cause de l'inaptitude ; qu'au cas présent, la société Access Assistante faisait valoir que les avis d'inaptitude du médecin du travail et du médecin inspecteur du travail n'avaient été précédés d'aucune étude de poste, ni d'aucune étude des conditions de travail au sein de l'établissement ; que, pour confirmer l'inaptitude, la cour d'appel a énoncé qu'une telle absence serait ''sans influence'' au motif que l'inaptitude ''ne résulte pas des conditions de travail mais d'une dégradation des relations entre les parties pendant l'arrêt de travail et des conséquences psychiques qui en sont résultées'' ; qu'en statuant de la sorte par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé le texte susvisé. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article L. 4624-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, modifiée par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes en la forme des référés d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. 7. Ce texte ajoute que le conseil de prud'hommes peut confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence et que sa décision se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestées. 8. Selon l'article R. 4624-42 du code du travail dans ses dispositions issues du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que s'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste, s'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste et une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée et enfin s'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur. 9. Il en résulte que le juge saisi d'une contestation de l'avis d'inaptitude peut examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s'est fondé pour rendre son avis. Il substitue à cet avis sa propre décision après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d'instruction. 10. La cour d'appel, qui a procédé à l'examen de la procédure suivie par le médecin du travail et relevé que l'inaptitude de l'intéressé ne résultait pas des conditions de travail mais d'une dégradation des relations entre les parties pendant l'arrêt de travail et des conséquences psychiques qui en sont résultées, a pu en déduire que l'absence d'études récentes était sans influence sur les conclusions du médecin du travail qui concernaient une période postérieure à l'arrêt de travail et décider que le salarié était inapte au poste d'agent d'entretien ainsi qu'à tout autre poste au sein de la société Access Assistance. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Access Assistance aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Access Assistance et la condamne à payer à à la SCP Célice, Texidor et Périer la somme de 2656 euros et à M. [Z] la somme de 344 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Access Assistance La société Access Assistance reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit et jugé que M. [Y] [Z] était inapte au poste d'agent d'entretien ainsi qu'à tout autre poste au sein de la société Access Assistance ; ALORS QUE selon l'article R. 4624-42 du code du travail, un salarié ne peut être déclaré médicalement inapte à son poste qu'après, d'une part, qu'il a été réalisé un examen médical permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation, de mutation de poste ou sur la nécessité de proposer un changement de poste, d'autre part, qu'il a été réalisé ou fait réaliser une étude de poste, de troisième part, qu'il a été réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et, enfin, qu'il a été procédé à un échange avec l'employeur ; que ces conditions cumulatives doivent être respectées quelle que soit la cause de l'inaptitude ; qu'au cas présent, la société Access Assistante faisait valoir que les avis d'inaptitude du médecin du travail et du médecin inspecteur du travail n'avaient été précédés d'aucune étude de poste, ni d'aucune étude des conditions de travail au sein de l'établissement ; que, pour confirmer l'inaptitude, la cour d'appel a énoncé qu'une telle absence serait « sans influence » au motif que l'inaptitude « ne résulte pas des conditions de travail mais d'une dégradation des relations entre les parties pendant l'arrêt de travail et des conséquences psychiques qui en sont résultées » ; qu'en statuant de la sorte par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Il résulte des articles L. 4624-7 et R. 4624-42 du code du travail ,dans leur rédaction applicable au litige, que le juge saisi d'une contestation de l'avis d'inaptitude peut examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s'est fondé pour rendre son avis . Il substitue à cet avis sa propre décision après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d'instruction. La cour d'appel, qui a procédé à l'examen de la procédure suivie par le médecin du travail et relevé que l'inaptitude de l'intéressé ne résultait pas des conditions de travail mais d'une dégradation des relations entre les parties pendant l'arrêt de travail et des conséquences psychiques qui en sont résultées, a pu en déduire que l'absence d'études récentes était sans influence sur les conclusions du médecin du travail qui concernaient une période postérieure à l'arrêt de travail et décider que le salarié était inapte à son poste de travail ainsi qu'à tout poste dans l'entreprise
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SOC. HA COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 1279 FS-B Pourvoi n° D 21-23.662 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 M. [C] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-23.662 contre l'arrêt rendu le 15 juillet 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Ulysse Hervé et fils, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [J], de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la société Ulysse Hervé et fils, et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail et Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur et Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 15 juillet 2021), M. [J] a été engagé, à compter du 3 mai 2004, en qualité de maçon, par la société Ulysse Hervé et fils. 2. A l'issue d'un arrêt de travail, il a été déclaré « inapte total » dans un avis du 11 avril 2017, le médecin du travail précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise. 3. Le salarié a été licencié le 10 mai 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. 4. Il a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de son licenciement. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement n'est pas nul et qu'il est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le débouter de ses demandes relatives au licenciement, alors : « 1°/ qu'en vertu des articles L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail, le médecin se prononce sur l'inaptitude du salarié après une étude de poste ; que le licenciement prononcé en raison de l'état de santé du salarié dont l'inaptitude n'a pas été régulièrement constatée est nul ; qu'en déboutant le salarié de ses demandes aux motifs adoptés que si "la loi impose […] au médecin du travail d'effectuer ou de faire effectuer par un membre de l'équipe pluridisciplinaire un certain nombre de diligences avant de déclarer un salarié inapte physiquement", il s'agit "d'obligations imposées au médecin du travail, sans d'ailleurs que la loi n'ait prévu de sanction en cas de non respect de ces prescriptions", qu'il n'appartient pas "à l'employeur de vérifier le travail du médecin" et que ce dernier a "en revanche […] l'obligation de tenir compte de l'avis et des conclusions du médecin du travail", la cour d'appel a violé le principe de non discrimination, ensemble les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail ; 2°/ qu'en vertu des articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail, dans leur rédaction applicable, le salarié, qui entend contester les éléments de nature médicale justifiant l'avis d'inaptitude, saisit dans un délai de quinze jours le conseil de prud'hommes en sa formation des référés aux fins de désignation d'un médecin expert ; qu'au prix d'une interprétation de l'article L. 4624-7 dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016 "à la lumière" de sa rédaction adoptée par l'ordonnance du 22 septembre 2017, la cour d'appel a considéré que "le législateur a dès la réforme de 2016 souhaité que les avis dans leur globalité soient contestés devant le conseil de prud'hommes en sa formation des référés" et estimé que "la régularité de l'avis, qu'elle concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de son poste, ne p[ouvait] plus être contestée et l'avis du médecin du travail s'impos[ait]à l'employeur comme au juge" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail dans leur rédaction applicable ; 3°/ qu'en application des articles L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail, le médecin du travail se prononce sur l'inaptitude du salarié après une étude de poste ; que le licenciement prononcé en raison de l'état de santé du salarié dont l'inaptitude n'a pas été régulièrement constatée est nul ; qu'en déboutant le salarié de ses demandes aux motifs propres que l'avis d'inaptitude n'a pas été contesté dans le délai de quinze jours de sorte que "la régularité de l'avis, qu'elle concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de son poste, ne pouvait plus être contestée et [que] l'avis du médecin du travail s'impos[ait] à l'employeur comme au juge", quand le médecin du travail ne peut conclure à l'inaptitude qu'après s'être conformé à la procédure de constatation de l'inaptitude en procédant à une étude de poste et que le non-respect de la procédure ne relève pas du champ d'application du recours contre l'avis d'inaptitude exercé devant le conseil de prud'hommes, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 4624-4, L. 4624-7, dans sa rédaction applicable, et R. 4624-42 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article L. 4624-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, si le salarié ou l'employeur conteste les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4, il peut saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de désignation d'un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel. L'affaire est directement portée devant la formation de référé. 8. L'article R. 4624-45 du même code, dans ses dispositions issues du décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017, énonce qu'en cas de contestation portant sur les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail mentionnés à l'article L. 4624-7, la formation de référé est saisie dans un délai de quinze jours à compter de leur notification. Les modalités de recours ainsi que ce délai sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail. La décision de la formation des référés se substitue aux éléments de nature médicale mentionnés au premier alinéa qui ont justifié les avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés. 9. Il en résulte que l'avis émis par le médecin du travail, seul habilité à constater une inaptitude au travail, peut faire l'objet tant de la part de l'employeur que du salarié d'une contestation devant la formation de référé du conseil de prud'hommes qui peut examiner les éléments de toute nature ayant conduit au prononcé de l'avis. En l'absence d'un tel recours, cet avis s'impose aux parties. 10. La cour d'appel, après avoir constaté que l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail le 11 avril 2017mentionnait les voies et délais de recours et n'avait fait l'objet d'aucune contestation dans le délai de 15 jours, en a exactement déduit que la régularité de l'avis ne pouvait plus être contestée et que cet avis s'imposait aux parties comme au juge, que la contestation concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de poste. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [J] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [J] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [J] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que son licenciement n'est pas nul et qu'il est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et de l'AVOIR en conséquence débouté de ses demandes relatives au licenciement. 1° ALORS QU'en vertu des articles L.4624-4 et R. 4624-42 du code du travail, le médecin se prononce sur l'inaptitude du salarié après une étude de poste ; que le licenciement prononcé en raison de l'état de santé du salarié dont l'inaptitude n'a pas été régulièrement constatée est nul ; qu'en déboutant le salarié de ses demandes aux motifs adoptés que si « la loi impose […] au médecin du travail d'effectuer ou de faire effectuer par un membre de l'équipe pluridisciplinaire un certain nombre de diligences avant de déclarer un salarié inapte physiquement », il s'agit « d'obligations imposées au médecin du travail, sans d'ailleurs que la loi n'ait prévu de sanction en cas de non respect de ces prescriptions », qu'il n'appartient pas « à l'employeur de vérifier le travail du médecin » et que ce dernier a « en revanche […] l'obligation de tenir compte de l'avis et des conclusions du médecin du travail » (jugement entrepris p. 5, § 2 à 5), la cour d'appel a violé le principe de non discrimination, ensemble les articles L. 1132-1, L. 132-4, L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail. 2° ALORS QU'en vertu des articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail, dans leur rédaction applicable, le salarié, qui entend contester les éléments de nature médicale justifiant l'avis d'inaptitude, saisit dans un délai de quinze jours le conseil de prud'hommes en sa formation des référés aux fins de désignation d'un médecin expert ; qu'au prix d'une interprétation de l'article L. 4624-7 dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016 « à la lumière » de sa rédaction adoptée par l'ordonnance du 22 septembre 2017, la cour d'appel a considéré que « le législateur a dès la réforme de 2016 souhaité que les avis dans leur globalité soient contestés devant le conseil de prud'hommes en sa formation des référés » (arrêt attaqué p. 6, § 4) et estimé que « la régularité de l'avis, qu'elle concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de son poste, ne p[ouvait] plus être contestée et l'avis du médecin du travail s'impos[ait] à l'employeur comme au juge » (arrêt attaqué p. 6, § 6) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail dans leur rédaction applicable. 3° ALORS QU'en application des articles L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail, le médecin du travail se prononce sur l'inaptitude du salarié après une étude de poste ; que le licenciement prononcé en raison de l'état de santé du salarié dont l'inaptitude n'a pas été régulièrement constatée est nul ; qu'en déboutant le salarié de ses demandes aux motifs propres que l'avis d'inaptitude n'a pas été contesté dans le délai de quinze jours de sorte que « la régularité de l'avis, qu'elle concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de son poste, ne pouvait plus être contestée et [que] l'avis du médecin du travail s'impos[ait] à l'employeur comme au juge » (arrêt attaqué p. 6, § 6), quand le médecin du travail ne peut conclure à l'inaptitude qu'après s'être conformé à la procédure de constatation de l'inaptitude en procédant à une étude de poste et que le non-respect de la procédure ne relève pas du champ d'application du recours contre l'avis d'inaptitude exercé devant le conseil de prud'hommes, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 4624-4, L. 4624-7, dans sa rédaction applicable, et R. 4624-42 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) M. [J] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR en conséquence débouté de ses demandes relatives au licenciement. 1° ALORS QUE conformément à l'article L. 4624-6 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4 ; qu'en retenant que l'employeur avait respecté son obligation de sécurité aux motifs que l'avis d'aptitude avec aménagement du 20 janvier 2015 émis lors de la visite de reprise ne précisait pas les aménagements envisagés, quand il appartenait à l'employeur d'interroger le médecin du travail sur les préconisations requises par celui-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 4121 dans sa rédaction en vigueur, L. 4121-2 et L. 4624-6 du code du travail. 2° ALORS QUE conformément à l'article L. 4624-6 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4 ; qu'en retenant que l'employeur avait respecté son obligation de sécurité aux motifs qu'il n'était pas établi de lien entre la visite de reprise du 20 janvier 2015 et le nouvel accident du travail survenu le 18 novembre 2016, quand cette circonstance est radicalement inopérante à établir que l'employeur s'est conformé aux préconisations du médecin du travail émise lors de la visite de reprise, la cour d'appel a violé les articles L. 4121 dans sa rédaction en vigueur, L. 4121-2 et L. 4624-6 du code du travail
Une cour d'appel qui constate que l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail mentionnait les voies et délais de recours et n'avait fait l'objet d'aucune contestation dans le délai de 15 jours, en déduit exactement que cet avis s'impose aux parties comme au juge, que la contestation concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de poste
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SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 1280 FS-B Pourvoi n° J 21-12.696 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 Mme [U] [N], en qualité d'inspectrice du travail de la section 03-09 de l'unité de contrôle 03 Lille-Est de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (Ddets) du Nord de la Dreets des Hauts de France, anciennement dénommée Direccte des Hauts de Fance section 03-09 Lille-Est de l'unité départementale Nord-Lille, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-12.696 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel de Douai, dans le litige l'opposant à l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. L'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [N], ès qualités, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, la plaidoirie de Me Pinatel, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 décembre 2020), l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 3 Nord-Lille de la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts de France a saisi le juge des référés d'un tribunal judiciaire aux fins de voir ordonner à l'association Aide à domicile aux retraités Flandre Métropole (l'association) de mettre en oeuvre des mesures ayant pour objet la limitation au niveau le plus bas possible du nombre de travailleurs exposés, ou susceptibles de l'être, au risque biologique lié au Covid-19. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident, qui est préalable Enoncé du moyen 2. L'association fait grief à l'arrêt de déclarer l'inspectrice du travail recevable en son action exercée sur le fondement de l'article L. 4732-1 du code du travail, alors : « 1°/ que l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon l'article R. 4421-1 du code du travail, les dispositions spécifiques du titre II intitulé ''Prévention des risques biologiques'' figurant dans le livre IV relatif à la ''Prévention de certains risques d'exposition'' de la quatrième partie du code du travail sont applicables dans les établissements dans lesquels la nature de l'activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques ; qu'en jugeant Mme [N], inspectrice du travail, recevable en son action fondée sur les dispositions spécifiques du titre II intitulé ''Prévention des risques biologiques'' figurant dans le livre IV relatif à la ''Prévention de certains risques d'exposition'' de la quatrième partie du code du travail à l'encontre d'une association d'aide à domicile qui relève des dispositions du livre II de la septième partie du code du travail relatives aux activités de service à la personne, la cour d'appel a violé les articles L. 4732-1, L. 4421-1 et R. 4421-1 du code du travail par fausse application ; 2°/ que l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon l'article R. 4421-1 du code du travail, les dispositions spécifiques du titre II intitulé ''Prévention des risques biologiques'' figurant dans le livre IV relatif à la ''Prévention de certains risques d'exposition'' de la quatrième partie du code du travail ne sont pas applicables lorsque l'activité, bien qu'elle puisse conduire à exposer des travailleurs, n'implique pas normalement l'utilisation délibérée d'un agent biologique et que l'évaluation des risques prévue au chapitre III ne met pas en évidence de risque spécifique ; qu'en jugeant, pour dire recevable l'action de Mme [N], inspectrice du travail, que l'activité d'aide à domicile n'implique pas effectivement l'usage délibérée d'un agent biologique mais que l'extrait du document unique d'évaluation des risques professionnels produit par Mme [N] identifie un risque biologique spécifique lié à l'intervention à domicile pendant une épidémie ou une pandémie et le classifie en risque mortel, la cour d'appel a violé les articles L. 4732-1, L. 4421-1 et R. 4421-1 ainsi que les articles R. 4423-1 à R. 4423-4 du code du travail par fausse application ; 3°/ que l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon les articles R. 4421-3 et R. 4421-4 du code du travail du titre II intitulé ''Prévention des risques biologiques'' figurant dans le livre IV relatif à la ''Prévention de certains risques d'exposition'' de la quatrième partie du code du travail, les agents biologiques sont classés en quatre groupes en fonction du risque d'infection qu'ils présentent et sont considérés comme agents biologiques pathogènes les agents biologiques des groupes 2, 3 et 4 dont la liste est fixée par arrêté ; que l'arrêté du 27 décembre 2017 fixant la liste de ces agents biologiques pathogènes est intitulé ''Arrêté du 27 décembre 2017 relatif à la liste des agents biologiques pathogènes et aux mesures de prévention à mettre en oeuvre dans les laboratoires où les travailleurs sont susceptibles d'être exposés à des agents biologiques pathogènes'' ; qu'en jugeant, pour dire recevable l'action de Mme [N], inspectrice du travail, que cet arrêté, qui concerne uniquement les laboratoires, est applicable à l'activité d'aide à domicile, la cour d'appel a violé les articles L. 4421-1, R. 4421-3 et R. 4421-4 du code du travail ainsi que l'arrêté du 27 décembre 2017 par fausse application ». Réponse de la Cour 3. Aux termes de l'article L. 4111-1, alinéa 1, du code du travail, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 4111-4, les dispositions de la quatrième partie du code du travail sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'aux travailleurs. 4. Selon l'article L. 4732-1 du même code, l'inspecteur du travail, lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions du livre IV de la quatrième partie du code du travail, peut saisir le juge des référés pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque. 5. Aux termes de l'article R. 4421-1 du même code, les dispositions relatives aux risques biologiques sont applicables dans les établissements dans lesquels la nature de l'activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques. Toutefois, les dispositions des articles R. 4424-2, R. 4424-3, R. 4424-7 à R. 4424-10, R. 4425-6 et R. 4425-7 ne sont pas applicables lorsque l'activité, bien qu'elle puisse conduire à exposer des travailleurs, n'implique pas normalement l'utilisation délibérée d'un agent biologique et que l'évaluation des risques prévue au chapitre III ne met pas en évidence de risque spécifique. 6. Selon l'article R. 4421-4 du même code, sont considérés comme agents biologiques pathogènes les agents biologiques des groupes 2, 3 et 4, dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de l'agriculture et de la santé. 7. Il résulte du premier de ces textes que toute personne morale ou entreprise individuelle qui exerce une activité de service à la personne, en sa qualité d'employeur de droit privé, est soumise aux dispositions relatives à la prévention des risques biologiques. 8. La cour d'appel, après avoir constaté, d'une part, que l'activité d'aide à domicile pouvait conduire à exposer les salariés qui exécutent les prestations au domicile des clients, dont on ignore s'ils sont contaminés, à des agents biologiques et actuellement au Covid-19, d'autre part, que le document unique d'évaluation des risques professionnels établi par l'employeur identifiait un risque biologique spécifique lié à l'intervention à domicile pendant une pandémie ou une épidémie en le classifiant de risque mortel et permettait d'écarter l'exception prévue à l'alinéa 2 de l'article R. 4421-1, enfin, que l'objet de l'arrêté du 27 décembre 2017 était, non seulement de fixer les règles de confinement applicables aux laboratoires, mais aussi d'actualiser la liste des agents pathogènes prévue par l'arrêté du 18 juillet 1994 pris en application de l'article R. 4421-4 du code du travail, a, à bon droit, décidé que les dispositions relatives à la prévention des risques biologiques étaient applicables au sein de l'association et déclaré recevable l'action engagée par l'inspectrice du travail. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi principal, ci-après annexé 10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [N], ès qualités, demanderesse au pourvoi principal Mme l'inspectrice du travail de la section 03-09 [Localité 3] Est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à statuer sur le surplus de ses demandes. 1° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en refusant de statuer sur les prétentions de Mme l'inspectrice du travail en raison de leur caractère imprécis, quand, d'une part, celle-ci demandait à ce que soient ordonnées des mesures concrètes et, d'autre part, l'employeur convenait que les équipements de protection individuelle en débat étaient les masques FFP2 ou FFP3, ce dont il résultait que les prétentions étaient suffisamment détaillées pour permettre aux juges de statuer, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile. 2° ALORS QUE le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ; qu'en déclarant que l'imprécision des prétentions de Mme l'inspectrice du travail constituait un obstacle à l'application de la loi, quand il était tenu de se prononcer sur les mesures de protection des salariés de l'association Adar sollicitées, la cour d'appel a commis un déni de justice en violation de l'article 4 du code civil. 3° ALORS subsidiairement QU'aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant que les mesures sollicitées de Madame l'inspectrice du travail étaient insuffisamment précises et que pour ce seul motif, il convenait de les rejeter, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16, alinéas 1 et 3, du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, demanderesse au pourvoi incident Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré Mme [N], inspectrice du travail, recevable en son action exercée sur le fondement de l'article L. 4732-1 du code du travail, 1°) ALORS QUE l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon l'article R. 4421-1 du code du travail, les dispositions spécifiques du titre II intitulé « Prévention des risques biologiques » figurant dans le livre IV relatif à la « Prévention de certains risques d'exposition » de la quatrième partie du code du travail sont applicables dans les établissements dans lesquels la nature de l'activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques ; qu'en jugeant Mme [N], inspectrice du travail, recevable en son action fondée sur les dispositions spécifiques du titre II intitulé « Prévention des risques biologiques » figurant dans le livre IV relatif à la « Prévention de certains risques d'exposition » de la quatrième partie du code du travail à l'encontre d'une association d'aide à domicile qui relève des dispositions du livre II de la septième partie du code du travail relatives aux activités de sevice à la personne, la cour d'appel a violé les articles L. 4732-1, L. 4421-1 et R. 4421-1 du code du travail par fausse application. 2°) ALORS (subsidiairement) QUE l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon l'article R. 4421-1 du code du travail, les dispositions spécifiques du titre II intitulé « Prévention des risques biologiques » figurant dans le livre IV relatif à la « Prévention de certains risques d'exposition » de la quatrième partie du code du travail ne sont pas applicables lorsque l'activité, bien qu'elle puisse conduire à exposer des travailleurs, n'implique pas normalement l'utilisation délibérée d'un agent biologique et que l'évaluation des risques prévue au chapitre III ne met pas en évidence de risque spécifique ; qu'en jugeant, pour dire recevable l'action de Mme [N], inspectrice du travail, que l'activité d'aide à domicile n'implique pas effectivement l'usage délibérée d'un agent biologique mais que l'extrait du document unique d'évaluation des risques professionnels produit par Mme [N] identifie un risque biologique spécifique lié à l'intervention à domicile pendant une épidémie ou une pandémie et le classifie en risque mortel, la cour d'appel a violé les articles L. 4732-1, L. 4421-1 et R. 4421-1 ainsi que les articles R. 4423-1 à R. 4423-4 du code du travail par fausse application. 3°) ALORS QUE l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon les article R. 4421-3 et R. 4421-4 du code du travail du titre II intitulé « Prévention des risques biologiques » figurant dans le livre IV relatif à la « Prévention de certains risques d'exposition » de la quatrième partie du code du travail, les agents biologiques sont classés en quatre groupes en fonction du risque d'infection qu'ils présentent et sont considérés comme agents biologiques pathogènes les agents biologiques des groupes 2, 3 et 4 dont la liste est fixée par arrêté ; que l'arrêté du 27 décembre 2017 fixant la liste de ces agents biologiques pathogènes est intitulé « Arrêté du 27 décembre 2017 relatif à la liste des agents biologiques pathogènes et aux mesures de prévention à mettre en oeuvre dans les laboratoires où les travailleurs sont susceptibles d'être exposés à des agents biologiques pathogènes » ; qu'en jugeant, pour dire recevable l'action de Mme [N], inspectrice du travail, que cet arrêté, qui concerne uniquement les laboratoires, est applicable à l'activité d'aide à domicile, la cour d'appel a violé les articles L. 4421-1, R. 4421-3 et R. 4421-4 du code du travail ainsi que l'arrêté du 27 décembre 2017 par fausse application.
Il résulte de l'article L. 4111-1, alinéa 1, du code du travail que toute personne morale ou entreprise individuelle qui exerce une activité de service à la personne, en qualité d'employeur privé, est soumise aux dispositions relatives à la prévention des risques biologiques figurant au livre IV de la quatrième partie du code du travail. Est en conséquence recevable l'action d'un inspecteur du travail qui agit sur le fondement de l'article L. 4732-1 du code du travail à l'encontre d'une association d'aide à la personne aux fins de voir limiter le risque d'exposition de ses salariés à un agent biologique
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SOC. BD4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Rejet M. SOMMER, président Arrêt n° 1281 FS-B Pourvoi n° E 21-19.454 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 Mme [B] [O], en qualité d'inspectrice du travail de la section 03-09 de l'unité de contrôle 03 [Localité 3]-Est, de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (Ddets) du Nord de la Dreets des Hauts de France, anciennement dénommée Direccte des Hauts de Fance section 03-09 [Localité 3]-Est de l'unité départementale Nord-[Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-19.454 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2021 par la cour d'appel de Douai (14e chambre), dans le litige l'opposant à l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [O], ès qualités, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, la plaidoirie de Me Pinatel avocat de l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 juin 2021) et les productions, l'association Aide à domicile aux retraités Flandre Métropole (l'association) propose des services à domicile, notamment une aide à la personne et un service de soins infirmiers. 2. Dans le contexte de l'épidémie de Covid-19, l'association a mis à jour, le 5 février 2021, le « tableau des consignes » destiné au personnel, lequel prévoit désormais que lors des interventions à domicile les salariés devront porter un masque chirurgical lorsque le bénéficiaire est négatif au Covid-19 ou asymptomatique et un masque FFP2 si le bénéficiaire est positif au Covid-19 ou symptomatique. 3. Le 14 janvier 2021, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 3 [Localité 3]-Est de la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts de France a saisi le juge des référés d'un tribunal judiciaire aux fins de voir ordonner à l'association, sous astreinte, de mettre en oeuvre un certain nombre de mesures ayant pour objet la limitation au niveau le plus bas possible du nombre de travailleurs exposés, ou susceptibles de l'être, au risque biologique lié au Covid-19 et en particulier de procurer à chaque salarié des masques de type FFP2 ou FFP3 ou équivalents pour toute intervention à domicile compte tenu des risques de contamination par aérosols et du défaut de maîtrise des règles d'aération au sein du domicile des bénéficiaires et d'adresser à tous les salariés une communication afin de les informer qu'ils ne doivent en aucun cas intervenir au domicile d'un client s'ils ne disposent pas des équipements de protection individuelle requis. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. L'inspectrice du travail fait grief à l'arrêt d'ordonner à l'association de procurer à chaque salarié amené à intervenir au domicile d'un bénéficiaire positif au Covid-19 ou symptomatique, au moins un masque de type FFP2 par intervention à domicile, de la débouter de sa demande d'astreinte et de dire que les mesures ordonnées prendront terme avec la disparition du risque sanitaire, alors : « 1°/ qu'en application de l'article L. 4732-1 du code du travail, l'inspecteur du travail saisit le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l'immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres, lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur ; que constitue un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique des salariés d'une association intervenant dans le domaine de l'aide à domicile l'exposition au virus Sars-Cov-2, que les bénéficiaires soient symptomatiques ou positifs à la Covid-19 ou encore asymptomatiques ou présymptomatiques, en raison des modalités de transmission de ce virus, par gouttelettes ou aérosols et par des personnes non nécessairement positives à la Covid-19, de sorte que l'employeur doit mettre à leur disposition des masques de type FFP pour toutes leurs interventions au domicile des bénéficiaires ; que la cour d'appel, qui a ordonné à l'association de procurer à chaque salarié amené à intervenir au domicile d'un bénéficiaire positif à la Covid-19 ou symptomatique au moins un masque de type FFP2 par intervention à domicile, reconnaissant ainsi que le masque de type FFP2 constitue une mesure propre à faire cesser le risque d'exposition au virus, n'a toutefois pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en refusant d'étendre cette mesure à toutes les interventions des salariés au domicile des bénéficiaires, même non positifs à la Covid-19 ou asymptomatique, en violation du texte précité ; 2°/ qu'en application de l'article R. 4321-4 du code du travail, l'employeur met à la disposition de ses salariés les équipements de protection individuelle appropriés ; qu'il résulte des articles R. 4311-8, R. 4311-12, R. 4312-6 et de son annexe II, R. 4424-3 et R. 4424-5 du code du travail que, pour les salariés exposés à un agent biologique pathogène, l'employeur doit mettre à leur disposition un équipement de protection des voies respiratoires conformes aux normes reprises dans la collection des normes nationales dont les références ont été publiées au Journal officiel de l'Union européenne ; que les masques chirurgicaux, qui ne sont pas conçus pour protéger leur porteur d'un risque de contamination par un agent biologique pathogène, ne constitue pas un équipement de protection des voies respiratoires, à l'inverse des masques de type FFP ; qu'en jugeant néanmoins qu'aucune des dispositions du code du travail ne désigne expressément les masques de type FFP2 ou FFP3 comme éléments de protection individuelle et n'exclue de façon générale les masques chirurgicaux et qu'il n'est pas justifié que la fourniture d'un masque FFP2 ou FFP3 ou équivalent est désormais obligatoire ou même recommandée, dans le secteur de l'aide à domicile au profit de bénéficiaires non positifs à la Covid-19 ou asymptomatiques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 3°/ qu'en se déterminant de la sorte, quand l'exposante soutenait que seuls les masques de type FFP constituent un équipement de protection individuelle et, précisément, un équipement de protection des voies respiratoires, au sens des dispositions du code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à la recherche à laquelle elle était ainsi invitée, n'a pas donné de base légale à sa décision ; 4°/ qu'en ayant retenu que ''l'évolution récente de la situation sanitaire en France, à savoir la baisse continue des contaminations, en corrélation avec le développement et la généralisation de la vaccination, prioritaire tant pour les aides à domicile que pour les personnes âgées, ainsi que la facilité accrue de procéder à des tests, justifient de plus fort que l'utilisation des masques FFP2 ou FFP3 ne soit pas étendue au-delà de l'intervention au domicile de bénéficiaires positifs au Covid-19 ou symptomatiques et ce, nonobstant l'existence de nouveaux variants'', quand, peu important la baisse des contaminations et le développement de la vaccination, les salariés de l'association restent exposés à un risque sérieux de contamination par le virus Sars-Cov-2, dès lors qu'ils interviennent au domicile de personnes potentiellement contaminées ou dans le domicile desquelles le virus peut être présent, de sorte que l'employeur doit mettre en œuvre les mesures de protection appropriées pour faire cesser ce risque, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a de nouveau violé l'article L. 4732-1 du code du travail ». Réponse de la Cour 5. Selon l'article R. 4424-3 du code du travail, lorsque l'exposition des travailleurs à un agent biologique dangereux ne peut être évitée, elle doit être réduite par la mise en oeuvre de diverses mesures, notamment des mesures de protection collective ou, lorsque l'exposition ne peut être évitée par d'autres moyens, par des mesures de protection individuelle. 6. Selon l'article R. 4321-4 du même code, l'employeur met à disposition de ses salariés, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés. 7. La cour d'appel qui a relevé que la fourniture de masques FFP2 et FFP3 n'était pas obligatoire ou même recommandée dans le secteur de l'aide à domicile au profit de bénéficiaires non positifs au Covid-19 ou ne présentant pas de symptômes, a pu décider que la mise à disposition par l'employeur d'un masque FFP2 aux salariés intervenant au domicile d'une personne positive ou symptomatique était de nature à réduire l'exposition au Covid-19. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [O], en qualité d'inspectrice du travail, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme [O], ès qualités Mme l'inspectrice du travail fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Lille du 23 février 2021 en ce qu'elle a ordonné à l'Adar Flandre Métropole de procurer à chaque salarié amené à intervenir au domicile d'un bénéficiaire positif au Covid 19 ou symptomatique, au moins un masque de type FFP2 par intervention à domicile, de l'avoir infirmée en ce qu'elle a assorti cette mesure d'une astreinte et d'avoir dit que les mesures ordonnées prendront terme avec la disparition du risque sanitaire ; 1/ Alors qu'en application de l'article L. 4732-1 du code du travail, l'inspecteur du travail saisit le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l'immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres, lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur ; que constitue un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique des salariés d'une association intervenant dans le domaine de l'aide à domicile l'exposition au virus Sars-Cov-2, que les bénéficiaires soient symptomatiques ou positifs à la Covid 19 ou encore asymptomatiques ou présymptomatiques, en raison des modalités de transmission de ce virus, par gouttelettes ou aérosols et par des personnes non nécessairement positives à la Covid 19, de sorte que l'employeur doit mettre à leur disposition des masques de type FFP pour toutes leurs interventions au domicile des bénéficiaires ; que la cour d'appel, qui a ordonné à l'association de procurer à chaque salarié amené à intervenir au domicile d'un bénéficiaire positif à la Covid 19 ou symptomatique au moins un masque de type FFP par intervention à domicile, reconnaissant ainsi que le masque de type FFP 2 constitue une mesure propre à faire cesser le risque d'exposition au virus, n'a toutefois pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en refusant d'étendre cette mesure à toutes les interventions des salariés au domicile des bénéficiaires, même non positifs à la Covid 19 ou asymptomatique, en violation du texte précité ; 2/ Alors, en outre, qu'en application de l'article R. 4321-4 du code du travail, l'employeur met à la disposition de ses salariés les équipements de protection individuelle appropriés ; qu'il résulte des articles R. 4311-8, R. 4311-12, R. 4312-6 et de son annexe II, R. 4424-3 et R. 4424-5 du code du travail que, pour les salariés exposés à un agent biologique pathogène, l'employeur doit mettre à leur disposition un équipement de protection des voies respiratoires conformes aux normes reprises dans la collection des normes nationales dont les références ont été publiées au Journal officiel de l'Union européenne ; que les masques chirurgicaux, qui ne sont pas conçus pour protéger leur porteur d'un risque de contamination par un agent biologique pathogène, ne constitue pas un équipement de protection des voies respiratoires, à l'inverse des masques de type FFP ; qu'en jugeant néanmoins qu'aucune des dispositions du code du travail ne désigne expressément les masques de type FFP 2 ou FFP 3 comme éléments de protection individuelle et n'excluent de façon générale les masques chirurgicaux et qu'il n'est pas justifié que la fourniture d'un masque FFP 2 ou FFP 3 ou équivalent est désormais obligatoire ou même recommandée, dans le secteur de l'aide à domicile au profit de bénéficiaires non positifs à la Covid 19 ou asymptomatiques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 3/ Alors, à tout le moins, qu'en se déterminant de la sorte, quand l'exposante soutenait que seuls les masques de type FFP constituent un équipement de protection individuelle et, précisément, un équipement de protection des voies respiratoires, au sens des dispositions du code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à la recherche à laquelle elle était ainsi invitée, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des mêmes textes ; 4/ Alors, enfin, qu'en ayant retenu que « l'évolution récente de la situation sanitaire en France, à savoir la baisse continue des contaminations, en corrélation avec le développement et la généralisation de la vaccination, prioritaire tant pour les aides à domicile que pour les personnes âgées, ainsi que la facilité accrue de procéder à des tests, justifient de plus fort que l'utilisation des masques FFP2 ou FFP3 ne soit pas étendue au-delà de l'intervention au domicile de bénéficiaires positifs au Covid 19 ou symptomatiques et ce, nonobstant l'existence de nouveaux variants », quand, peu important la baisse des contaminations et le développement de la vaccination, les salariés de l'association restent exposés à un risque sérieux de contamination par le virus Sars-Cov-2, dès lors qu'ils interviennent au domicile de personnes potentiellement contaminées ou dans le domicile desquelles le virus peut être présent, de sorte que l'employeur doit mettre en oeuvre les mesures de protection appropriées pour faire cesser ce risque, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a de nouveau violé l'article L. 4732-1 du code du travail.
Aux termes de l'article R. 4424-3 du code du travail, lorsque l'exposition des travailleurs à un agent biologique dangereux ne peut être évitée, elle doit être réduite par la mise en oeuvre de diverses mesures, notamment des mesures de protection collective ou, lorsque l'exposition ne peut être évitée par d'autres moyens, par des mesures de protection individuelle. Selon l'article R. 4321-4 du même code, l'employeur met à disposition de ses salariés, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés. Doit en conséquence être approuvé l'arrêt qui après avoir relevé que la fourniture de masques FFP2 et FFP3 n'était pas obligatoire ou même recommandée dans le secteur de l'aide à domicile au profit de bénéficiaires non positifs au Covid-19 ou ne présentant pas de symptômes, retient que la mise à disposition par l'employeur d'un masque FFP2 aux salariés intervenant au domicile d'une personne positive ou symptomatique est de nature à réduire l'exposition au Covid-19
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SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Rejet Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1313 F-B Pourvoi n° A 21-16.000 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris, société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-16.000 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à Mme [W] [T], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor,Périer, avocat de la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de [H], et après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Paris, 10 mars 2021), Mme [T] a été engagée le 13 septembre 2010 par la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris (SEMAVIP), en qualité d'assistante de direction. 2.Contestant son licenciement pour motif économique notifié le 27 mai 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Examen des moyens Sur le troisième moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, alors «qu'en cas d'inexécution du préavis, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable ; que l'employeur n'est pas tenu au paiement d'une indemnité compensatrice lorsqu'il a dispensé le salarié d'exécuter son préavis sur sa demande, peu important que cette demande ait été formulée avant le licenciement ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme [T], qui avait été informée le 15 avril 2016 de la suppression de son emploi et du plan de mobilité professionnelle mis en place par la SEMAVIP, a indiqué, par lettre du 21 avril 2016, qu'elle avait retrouvé un nouvel emploi à la condition d'être disponible rapidement et a précisé, par lettre du 22 avril 2016, qu'elle devait être disponible au plus tard le vendredi 3 juin 2016, demandant en conséquence à « être dispensée du préavis (…) dans le cadre du licenciement économique dont nous avons parlé » ; que, dans la lettre de licenciement, l'employeur lui avait en conséquence indiqué « nous vous confirmons que nous acceptons votre demande d'être dispensée du préavis à compter du 3 juin 2016 » ; qu'en retenant cependant que l'employeur était redevable du paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, au motif tout aussi inopérant qu'erroné que la salariée ne pouvait valablement renoncer au préavis avant le licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-4, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article L. 1234-1 du code du travail, qu'en cas d'inexécution par le salarié du préavis, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable. 6. Selon l'article L. 1231-4 du même code, l'employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles du licenciement. 7. La cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait renoncé le 21 avril 2016 à l'exécution du préavis, a exactement retenu que cette renonciation n'était pas valable comme intervenue avant la notification de son licenciement le 27 mai 2016, peu important la communication d'un plan de mobilité professionnelle avant cette date. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors : « 1°/ que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et les obligations qui en résultent, peut tenir compte, dans ses recherches de reclassement, de la volonté du salarié d'être licencié rapidement pour pouvoir occuper un autre emploi ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP faisait valoir qu'elle avait informé Mme [T], le 15 avril 2016, que son poste serait supprimé et qu'aucun reclassement n'était possible ni en son sein, ni au sein de la société SPLA et lui avait proposé un accompagnement à la recherche d'emploi ; que par lettres des 20, 21 et 22 avril 2016, Mme [T] avait répondu qu'elle n'était pas intéressée par le dispositif d'accompagnement à la recherche d'emploi et qu'ayant obtenu une proposition d'embauche, elle souhaitait être licenciée rapidement pour occuper cet autre emploi ; qu'en affirmant que cette demande de la salariée ne pouvait dispenser l'employeur de ses obligations légales en matière de licenciement pour motif économique, pour en déduire que l'employeur, qui ne démontrait pas avoir effectué de façon sérieuse et loyale son obligation de reclassement en proposant à la salariée les postes disponibles, a manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ; 2°/ qu' il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement lorsque l'employeur établit qu'aucun poste compatible avec les compétences du salarié n'était disponible à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP soutenait qu'aucun poste n'était disponible pour le reclassement de la salariée ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le reclassement de Mme [T] n'était pas impossible en l'absence de poste disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail. » Réponse de la Cour 10. L'employeur est tenu avant tout licenciement économique, d'une part, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, d'autre part, de proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure. 11. Il en résulte qu'il ne peut limiter ses recherches de reclassement et ses offres en fonction de la volonté du salarié, exprimée par avance, en dehors de toute proposition concrète. 12. Ayant relevé que si la salariée avait indiqué par avance qu'elle bénéficiait d'une embauche et avait demandé d'enclencher le licenciement, cette circonstance ne pouvait dispenser l'employeur de ses obligations légales en matière de licenciement pour motif économique, et fait ressortir qu'il ne lui avait pas proposé les postes disponibles listés dans le plan de mobilité professionnelle, la cour d'appel a exactement décidé, procédant à la recherche prétendument omise, qu'il n'avait pas satisfait de façon sérieuse et loyale à son obligation de reclassement préalable au licenciement. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris PREMIER MOYEN DE CASSATION La Société d'Economie Mixte d'Aménagement de la Ville de Paris fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [T] les sommes de 29.541,60 euros à titre d'indemnité de préavis et 2.954,16 euros au titre de congés payés afférents ; ALORS QU' en cas d'inexécution du préavis, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable ; que l'employeur n'est pas tenu au paiement d'une indemnité compensatrice lorsqu'il a dispensé le salarié d'exécuter son préavis sur sa demande, peu important que cette demande ait été formulée avant le licenciement ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme [T], qui avait été informée le 15 avril 2016 de la suppression de son emploi et du plan de mobilité professionnelle mis en place par la SEMAVIP, a indiqué, par lettre du 21 avril 2016, qu'elle avait retrouvé un nouvel emploi à la condition d'être disponible rapidement et a précisé, par lettre du 22 avril 2016, qu'elle devait être disponible au plus tard le vendredi 3 juin 2016, demandant en conséquence à « être dispensée du préavis (…) dans le cadre du licenciement économique dont nous avons parlé » ; que, dans la lettre de licenciement, l'employeur lui avait en conséquence indiqué « nous vous confirmons que nous acceptons votre demande d'être dispensée du préavis à compter du 3 juin 2016 » ; qu'en retenant cependant que l'employeur était redevable du paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, au motif tout aussi inopérant qu'erroné que la salariée ne pouvait valablement renoncer au préavis avant le licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-4, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La Société d'Economie Mixte d'Aménagement de la Ville de Paris fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [T] la somme de 30.560,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 1. ALORS QUE l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et les obligations qui en résultent, peut tenir compte, dans ses recherches de reclassement, de la volonté du salarié d'être licencié rapidement pour pouvoir occuper un autre emploi ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP faisait valoir qu'elle avait informé Mme [T], le 15 avril 2016, que son poste serait supprimé et qu'aucun reclassement n'était possible ni en son sein, ni au sein de la société SPLA et lui avait proposé un accompagnement à la recherche d'emploi ; que par lettres des 20, 21 et 22 avril 2016, Mme [T] avait répondu qu'elle n'était pas intéressée par le dispositif d'accompagnement à la recherche d'emploi et qu'ayant obtenu une proposition d'embauche, elle souhaitait être licenciée rapidement pour occuper cet autre emploi ; qu'en affirmant que cette demande de la salariée ne pouvait dispenser l'employeur de ses obligations légales en matière de licenciement pour motif économique, pour en déduire que l'employeur, qui ne démontrait pas avoir effectué de façon sérieuse et loyale son obligation de reclassement en proposant à la salariée les postes disponibles, a manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ; 2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU' il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement lorsque l'employeur établit qu'aucun poste compatible avec les compétences du salarié n'était disponible à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP soutenait qu'aucun poste n'était disponible pour le reclassement de la salariée ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le reclassement de Mme [T] n'était pas impossible en l'absence de poste disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La Société d'Economie Mixte d'Aménagement de la Ville de Paris fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [T] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-présentation du bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle ; ALORS QUE le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnisation au titre de l'absence de proposition de contrat de sécurisation professionnelle qu'à la condition d'établir le préjudice causé par cette carence de l'employeur ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP soutenait que le défaut de proposition d'un contrat de sécurisation professionnelle n'a causé aucun préjudice à la salariée, puisqu'elle avait retrouvé un emploi en contrat à durée indéterminée avant son licenciement et qu'elle a commencé ce nouvel emploi immédiatement après avoir quitté l'entreprise ; qu'en se bornant à affirmer, pour dire que le préjudice subi sera indemnisé à hauteur de 1.500 euros, que « le défaut de communication [du contrat de sécurisation professionnelle] crée un préjudice au salarié en ce qu'il ne peut bénéficier des conséquences de ce contrat telles que rappelées notamment à l'article L. 1233-67 du code du travail », sans rechercher si la conclusion d'un contrat de travail avec un nouvel employeur ne faisait pas obstacle à la conclusion d'un contrat de sécurisation professionnelle et au bénéfice des avantages qui en résultent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-67 du code du travail et 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Il résulte de l'article L. 1234-1 du code du travail, qu'en cas d'inexécution par le salarié du préavis, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable. Selon l'article L. 1231-4 du même code, l'employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles du licenciement. Doit en conséquence être approuvée l'arrêt qui, ayant constaté que la salariée avait renoncé le 21 avril 2016 à l'exécution du préavis, retient que cette renonciation n'était pas valable comme intervenue avant la notification de son licenciement le 27 mai 2016, peu important la communication d'un plan de mobilité professionnelle avant cette date
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SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Cassation partielle M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1325 F-B Pourvoi n° G 21-16.996 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société Compagnie armoricaine de transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9], prise en ses établissements d'Ile-et-Vilaine situés [Adresse 4] et [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 21-16.996 contre le jugement rendu, selon procédure accélérée au fond, le 7 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Rennes, dans le litige l'opposant : 1°/ au comité social et économique de l'établissement Transdev CAT 35, dont le siège est [Adresse 4], et [Adresse 3], 2°/ à M. [X] [B], domicilié [Adresse 10], 3°/ à M. [A] [H], domicilié [Adresse 11], 4°/ à Mme [V] [D], domiciliée [Adresse 12], 5°/ à Mme [I] [C], domiciliée [Adresse 8], 6°/ à M. [T] [E], domicilié [Adresse 2], 7°/ à M. [W] [R], domicilié [Adresse 1], 8°/ à M. [M] [Z], domicilié [Adresse 5], 9°/ à Mme [J] [G], domiciliée [Adresse 7], 10°/ à la société Physiofirm, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 6], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Compagnie armoricaine de transports, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat du comité social et économique de l'établissement Transdev CAT 35, de la société Physiofirm, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Rennes, 7 mai 2021), statuant selon la procédure accélérée au fond, par acte du 5 février 2021, la société Compagnie armoricaine de transport (CAT) (la société) a sollicité, à titre principal, l'annulation de la délibération du comité social et économique de l'établissement de [Localité 13], datée du 7 janvier 2021, décidant du recours à une expertise pour risque grave et, à titre subsidiaire, la réduction du coût prévisionnel, de l'étendue et de la durée de cette expertise. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première à cinquième branches, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 3. La société fait grief au jugement de « rejeter ses demandes comme étant irrecevables », alors « que le point de départ du délai de 10 jours pendant lequel l'employeur peut contester le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise votée par le comité social et économique court à compter de la notification par l'expert désigné du dernier cahier des charges établi par ses soins ; qu'en l'espèce, il était constant qu'après avoir transmis une première lettre de mission le 17 janvier 2021, la société Physiofirm avait adressé un cahier des charges rectifié le 26 janvier 2021, dans lequel l'expert réduisait la durée prévisionnelle de son intervention de 39,5 jours à 39 jours et le coût prévisionnel de la somme de 71 100 euros TTC à la somme de 63 180 euros TTC ; qu'en jugeant que l'exposante était forclose et que sa demande visant à contester le coût prévisionnel, l'étendue et la durée de l'expertise devait être déclarée irrecevable, motif pris qu'elle n'avait introduit l'instance que par assignation du 5 février [2021], et que le délai de 10 jours avait commencé à courir dès le 17 janvier 2021, le tribunal a violé les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 2315-86, alinéa 1, 3°, et R. 2315-49 du code du travail : 4. Selon le premier de ces textes, sauf dans le cas prévu à l'article L. 1233-35-1, l'employeur saisit le juge judiciaire dans un délai fixé par décret en Conseil d'État de la notification à l'employeur du cahier des charges et des informations prévues à l'article L. 2315-81-1 s'il entend contester le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise. 5. Aux termes de l'article R. 2315-49 du code du travail, pour chacun des cas de recours prévus à l'article L. 2315-86, l'employeur saisit le juge dans un délai de dix jours. 6. Pour rejeter la contestation du coût prévisionnel, de l'étendue et de la durée de l'expertise, le jugement retient que plus de dix jours se sont écoulés entre la notification faite par l'expert du coût prévisionnel, de l'étendue et de la durée de l'expertise, le 17 janvier 2021, et la délivrance de l'assignation, le 5 février suivant, et que c'est à tort que la société affirme que le délai de forclusion n'aurait commencé à courir qu'à compter de la notification de la seconde proposition tarifaire de l'expert, allégation non fondée en droit qui se heurte aux dispositions des articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail en ce qu'aucun cas de prorogation du délai pour agir n'a été envisagé par le pouvoir normatif. 7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'expert avait notifié à la société un nouveau coût prévisionnel le 26 janvier 2021, en sorte que le délai de contestation de dix jours a couru à compter de cette date et que, la saisine du tribunal ayant eu lieu le 5 février suivant, l'action en contestation du coût prévisionnel, de l'étendue et de la durée de l'expertise était recevable, le tribunal a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 8. Le moyen, pris en sa sixième branche, ne formulant aucune critique contre les motifs du jugement fondant le chef du dispositif déclarant irrecevable la contestation par la société de la validité de l'expertise ordonnée par le comité social et économique de l'établissement de [Localité 13], la cassation ne peut s'étendre à cette disposition du jugement. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il « rejette comme étant irrecevable » la contestation par la société Compagnie armoricaine de transport (CAT) de la validité de l'expertise ordonnée par délibération en date du 7 janvier 2021 du comité social et économique de l'établissement de [Localité 13], le jugement rendu le 7 mai 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Rennes ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Saint-Malo ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie armoricaine de transports La société CAT FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR rejeté ses demandes comme étant irrecevables ; 1°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les termes du litige, lesquels sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'irrecevabilité des demandes formulées par la société CAT, le Comité Social et Economique se bornait à prétendre que l'assignation avait été délivrée au-delà du délai légal de dix jours pour former les contestations qu'elle élevait ; que la société Physiofirm alléguait quant à elle que l'assignation était nulle en raison de modalités de comparution prétendument erronées et que la signification de l'assignation était elle-même nulle pour ne pas avoir été effectuée dans les formes requises ; qu'aucune des parties ne reprochait à la société CAT de ne pas avoir soulevé son moyen tiré de la fraude dès l'assignation ; que dès lors, en rejetant les demandes de la société CAT comme étant irrecevables, au motif qu'elle n'avait pas fait état de la fraude qu'elle invoquait dès le stade de son assignation, le Tribunal a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2°) ALORS en tout état de cause QUE le juge doit respecter le contradictoire ; qu'en soulevant d'office le moyen pris de ce que la fraude n'avait pas été invoquée dès l'assignation, le Tribunal a violé l'article 16 du Code de procédure civile. 3°) ALORS QUE s'il incombe au demandeur d'exposer l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder sa demande avant qu'il ne soit statué sur celle-ci, il peut les présenter, dans le cadre de conclusions récapitulatives, même s'il n'en avait pas fait état au stade de son assignation ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions récapitulatives, auxquelles le tribunal a expressément renvoyé « pour plus ample informé de l'exposé des moyens et des prétentions des parties », la société CAT faisait valoir qu'aucune forclusion ne pouvait lui être opposée dans la mesure où la délibération litigieuse du 7 janvier 2021 avait été prise de manière frauduleuse (jugement p. 4) ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur le moyen tiré de la fraude invoquée par la société CAT au motif que ce moyen n'était pas contenu dans l'assignation, le Tribunal a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 4°) ALORS QUE la fraude corrompt tout et que les faits et actes consécutifs à une manoeuvre frauduleuse sont dépourvus d'effet ; qu'en affirmant que même à supposer la délibération litigieuse entachée de fraude, l'exposante avait agi tardivement après en avoir pris connaissance, ainsi qu'après avoir reçu la lettre de mission de l'expert, et en lui reprochant d'avoir fait une contre-proposition au cabinet d'expertise plutôt que de saisir immédiatement le tribunal judiciaire, quand le caractère frauduleux de la délibération empêchait qu'un quelconque fait ou acte consécutif à celle-ci puisse faire courir le délai de 10 jours prévu à l'article R. 2315-49 du Code du travail, la Cour d'appel a violé le principe selon lequel la fraude corrompt tout, ensemble les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du Code du travail ; 5°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions récapitulatives, auxquelles le tribunal a expressément renvoyé « pour plus ample informé de l'exposé des moyens et des prétentions des parties », la société CAT faisait valoir qu'elle n'avait pas saisi le Président du Tribunal Judiciaire d'une contestation immédiatement après la réception de la première proposition de mission, du fait que « les justiciables sont encouragés à régler amiablement les litiges qui les opposent et à rechercher en toute circonstance la possibilité de concilier leur différent afin de ne réserver au juge que ce qui n'a pas pu être convenu entre les parties » (conclusions d'appel de l'exposante p. 15 § 1) ; qu'en reprochant à l'exposante de ne pas avoir exposé « pourquoi elle avait « invité le cabinet Physiofirm à (lui) faire une meilleure proposition » (page 15 de son assignation), (…) au lieu d'en saisir sans désemparer le président du tribunal judiciaire », le Tribunal a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 6°) ALORS en tout état de cause QUE le point de départ du délai de 10 jours pendant lequel l'employeur peut contester le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise votée par le Comité Social et Economique court à compter de la notification par l'expert désigné du dernier cahier des charges établi par ses soins ; qu'en l'espèce, il était constant qu'après avoir transmis une première lettre de mission le 17 janvier 2021, la société Physiofirm avait adressé un cahier des charges rectifié le 26 janvier 2021, dans lequel l'expert réduisait la durée prévisionnelle de son intervention de 39,5 jours à 39 jours et le coût prévisionnel de la somme de 71 100 euros TTC à la somme de 63 180 euros TTC ; qu'en jugeant que l'exposante était forclose et que sa demande visant à contester le coût prévisionnel, l'étendue et la durée de l'expertise devait être déclarée irrecevable, motif pris qu'elle n'avait introduit l'instance que par assignation du 5 février 2020, et que le délai de 10 jours avait commencé à courir dès le 17 janvier 2021, le tribunal a violé les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail ;
Selon l'article L. 2315-86, alinéa 1, 3°, du code du travail, sauf dans le cas prévu à l'article L. 1233-35-1, l'employeur saisit le juge judiciaire dans un délai fixé par décret en Conseil d'État de la notification à l'employeur du cahier des charges et des informations prévues à l'article L. 2315-81-1 s'il entend contester le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise. Aux termes de l'article R. 2315-49 du code du travail, pour chacun des cas de recours prévus à l'article L. 2315-86, l'employeur saisit le juge dans un délai de dix jours. Doit être en conséquence censuré le jugement qui, pour déclarer irrecevable comme tardif le recours en contestation du coût prévisionnel, de l'étendue et de la durée de l'expertise, retient que plus de dix jours se sont écoulés entre une première notification par l'expert de ce coût prévisionnel, de cette étendue et cette durée et la saisine du juge, alors qu'il constate que l'expert avait notifié à l'employeur un nouveau coût prévisionnel, de sorte que la saisine du tribunal dans le délai de dix jours courant à compter de cette seconde notification était recevable
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N° Y 21-80.743 FS-B N° 01437 RB5 7 DÉCEMBRE 2022 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 Mme [K] [O] et M. [B] [U] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 3 décembre 2020, qui, dans la procédure suivie contre eux des chefs de travail dissimulé et publicité tendant à favoriser le travail dissimulé, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit. La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un avis en date du 15 juin 2022 (pourvoi n° U 22-70.002). Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [K] [O] et de M. [B] [U], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Planchon, MM. d'Huy, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mmes Fouquet, Chafaï, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. La société [7], ayant pour activité la gestion d'animatrices de lignes téléphoniques surtaxées pour adultes, et sa gérante, Mme [K] [O], ont été mises en cause pour des faits de travail dissimulé et de publicité tendant à favoriser le travail dissimulé, comme étant suspectées d'avoir recours à de faux travailleurs indépendants. 3. L'enquête a par ailleurs mis en cause M. [B] [U], lié à Mme [O] par un pacte civil de solidarité, en sa qualité d'auto-entrepreneur sous-traitant de la société [7]. 4. Au cours de l'enquête, par ordonnance du 24 mai 2019, le juge des libertés et de la détention a ordonné notamment la saisie de plusieurs immeubles acquis par Mme [O] et M. [U] avec une clause de tontine. 5. Le 4 juin 2019, Mme [O] et M. [U] ont interjeté appel de l'ordonnance de saisie immobilière. Examen des moyens Sur le premier moyen 6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le second moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la saisie pénale des biens immobiliers suivants : une maison d'habitation et une parcelle de jardin situées au lieu-dit [Localité 8] à [Localité 9], sur des parcelles cadastrées section F n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2], acquises par Mme [O] et M. [U] par acte des 1er et 13 septembre 2010, et trois parcelles de terrain, dont une avec gîte et piscine, et une maison d'habitation situées au lieu-dit [Localité 8] à [Localité 9], sur des parcelles cadastrées section F n° [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6], acquises par Mme [O] et M. [U] par acte du 23 octobre 2013, alors : « 1°/ que la saisie en valeur ne peut être ordonnée que sur les biens appartenant à la personne visée par une enquête ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elle a la libre disposition ; que les acquéreurs d'un immeuble grevé d'une clause de tontine aux termes de laquelle celui-ci appartiendra en totalité au survivant d'entre eux, ne sont pas titulaires d'un droit privatif de propriété sur le bien ou partie de ce bien tant que la condition suspensive de survie n'est pas réalisée ; qu'en retenant que les biens immobiliers situés au lieu-dit [Localité 8] à [Localité 9] peuvent être saisis dès lors que Mme [O] en est propriétaire, après avoir pourtant constaté que Mme [O] et M. [U] ont acquis ensemble ces biens immobiliers avec une clause de tontine, la chambre de l'instruction a méconnu les règles régissant la clause de tontine, l'article 131-21, alinéa 9, du code pénal et les articles 706-141-1, 706-150 à 706-152 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en retenant tout à la fois que Mme [O] est propriétaire des biens situés au lieu-dit [Localité 8] à [Localité 9] et qu'il résulte de la clause de tontine figurant aux contrats de vente conclus par Mme [O] et M. [U] en 2010 et 2013 que le premier mourant d'eux sera considéré comme n'ayant jamais eu droit à la propriété des immeubles acquis, laquelle sera censée avoir toujours reposé sur la tête du survivant, et que jusqu'au décès du premier mourant, chaque acquéreur sera propriétaire indivis sous condition résolutoire de son prédécès et est propriétaire privatif exclusif sous condition de sa survie, la chambre de l'instruction, qui s'est contredite, a méconnu l'article 131-21, alinéa 9, du code pénal et les articles 593, 706-141-1, 706-150 à 706-152 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'en retenant que M. [U] n'établit pas que la saisie contestée porte gravement atteinte à son droit de propriété, après avoir pourtant constaté qu'il a acquis les biens immobiliers saisis avec Mme [O] avec une clause tontine en vertu de laquelle le premier mourant d'eux sera considéré comme n'ayant jamais eu droit à la propriété des immeubles acquis, laquelle sera censée avoir toujours reposé sur la tête du survivant, la chambre de l'instruction, qui s'est contredite, a méconnu l'article 131-21, alinéa 9, du code pénal et les articles 593, 706-141-1, 706-150 à 706-152 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour confirmer la saisie, l'arrêt relève notamment que l'acquisition des biens par Mme [O] et M. [U] avec clause de tontine ne fait pas obstacle à la saisie en totalité des biens, laquelle ne suspend ni l'usage des biens ni le droit d'en percevoir les fruits. 9. Les juges ajoutent, en réponse au moyen de M. [U] pris de ce que la saisie des immeubles porterait atteinte à son droit de propriété en ce qu'il n'est pas coïndivisaire des biens mais cocontractant à un pacte tontinier, que l'intéressé ne précise pas en quoi la saisie pénale de ces biens, dont Mme [O] est propriétaire au même titre que lui, constitue une atteinte disproportionnée à son droit de propriété, en l'absence de transfert de propriété et avec maintien de la jouissance de ces biens. 10. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 11. En effet, c'est à tort que les juges énoncent que Mme [O] est propriétaire des immeubles saisis, alors que les acquéreurs d'un immeuble grevé d'une clause de tontine aux termes de laquelle celui-ci appartiendra en totalité au survivant d'entre eux, ne sont pas titulaires d'un droit privatif de propriété sur le bien ou partie de ce bien tant que la condition suspensive de survie n'est pas réalisée. 12. Cependant l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que les droits concurrents sur un immeuble grevé d'une telle clause, dont est titulaire la personne mise en cause, constituent un bien dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal et dont la saisie, qui ne suspend ni l'usage du bien ni le droit d'en percevoir les fruits, s'étend nécessairement à la totalité de l'immeuble en application de l'article 706-151, alinéa 2, du code de procédure pénale. 13. La confiscation encourue des droits concurrents du condamné ne porte pas atteinte aux droits du coacquéreur du bien grevé de la clause de tontine, dès lors que ce dernier demeure titulaire de ses propres droits, la condition de survie continuant à devoir être appréciée en la personne des coacquéreurs. 14. Le bien est en revanche confiscable dans sa totalité dans le cas où il est à la libre disposition du condamné, le coacquéreur n'étant pas de bonne foi. 15. Dès lors, le moyen doit être écarté. 16. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept décembre deux mille vingt-deux.
Les droits concurrents sur un immeuble grevé d'une clause de tontine, dont est titulaire la personne mise en cause, constituent un bien dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal. La saisie de ce bien, qui n'en suspend ni l'usage, ni le droit d'en percevoir les fruits, s'étend nécessairement à la totalité de l'immeuble en application de l'article 706-151, alinéa 2, du code de procédure pénale. La confiscation encourue des droits concurrents du condamné ne porte pas atteinte aux droits du coacquéreur du bien grevé de la clause de tontine, dès lors que ce dernier demeure titulaire de ses propres droits, la condition de survie continuant à devoir être appréciée en la personne des coacquéreurs. Le bien est en revanche confiscable dans sa totalité dans le cas où il est à la libre disposition du condamné, le coacquéreur n'étant pas de bonne foi
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N° Z 20-87.111 F- B N° 01530 GM 7 DÉCEMBRE 2022 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 M. [S] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 19 novembre 2020, qui, pour escroquerie, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [S] [E], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [H] et [F] [X], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. A l'issue d'une information judiciaire ouverte le 27 avril 2015, M. [S] [E] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel qui, par jugement du 27 mai 2019, l'a condamné pour escroquerie à deux ans d'emprisonnement, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils. 3. Il a relevé appel de cette décision, et le ministère public a formé un appel incident. 4. M. [E] a sollicité, par requête en date du 25 juin 2020, la mainlevée de la mesure de confiscation concernant ses biens immobiliers sis à [Localité 5] (Pyrénées-Orientales) et à [Localité 4] (Belgique). Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens, et sur le troisième moyen, pris en sa première branche 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [S] [E] à la peine complémentaire de confiscation de l'immeuble sis [Adresse 1] et rejeté la demande de mainlevée de la saisie portant sur cet immeuble, alors : « 2°/ qu'il appartient aux juges du fond de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé et à sa vie privée par la mesure de confiscation de tout ou partie de son patrimoine ; qu'en se bornant à prononcer la confiscation de maison de [Localité 4] en Belgique du prévenu, sans motivation quant à l'atteinte portée par cette mesure au droit de propriété de l'intéressé, à sa vie privée et plus particulièrement à l'exercice par celui-ci de l'activité professionnelle de juriste qu'il pratique dans cette maison, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du protocole n° 1, 132-1 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. Pour rejeter la demande de mainlevée de la saisie portant sur l'immeuble sis [Adresse 1]), et en ordonner la confiscation, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'il est établi que les sommes remises par M. [F] [X] ont été utilisées pour la réalisation de travaux d'amélioration dans cet immeuble, propriété de M. [E], lequel ne le conteste pas et a indiqué à l'audience de la cour avoir utilisé la somme versée par M. [X] à cette fin. 8. Les juges retiennent qu'il est acquis que l'immeuble sus-visé est à la fois le produit de sommes licites, constituées d'emprunts réalisés par le prévenu, et de sommes frauduleuses, soit les remises effectuées par M. [X] qui sont le produit de l'escroquerie commise par M. [E]. 9. Ils ajoutent que cet immeuble a été acheté le 11 décembre 2003, pour la somme de 210 000 euros, que les renseignements adressés au juge d'instruction par les policiers belges indiquent que M. [E] en est le seul propriétaire, et que selon les déclarations de l'intéressé à l'audience, le bien immobilier est désormais valorisable à une somme de 1,5 million d'euros grâce aux travaux réalisés avec les fonds illicites, les renseignements recueillis par la police fédérale belge en octobre 2017 ayant chiffré cette valeur à 775 000 euros. 10. Ils en concluent que la confiscation dudit immeuble, dont la valeur actualisée résulte de la réalisation des travaux effectués grâce aux importantes remises de fonds obtenues frauduleusement au préjudice de M. [X] par la commission de manoeuvres longues et très élaborées, apparaît par conséquent nécessaire au regard de la gravité des faits, sans être disproportionnée au regard de l'atteinte portée par cette mesure au droit de propriété et au droit au respect de la vie privée et familiale de M. [E], puisque celui-ci est d'autre part propriétaire de l'immeuble sis à [Localité 5], dont il va retrouver la disposition, et d'autres biens immobiliers, qui sont, selon ses dires mêmes nombreux, et qu'il a énoncés et décrits aux enquêteurs (immeubles et terrains à [Localité 3], à [Localité 2] et au Liban où M. [E] possède des terrains et une usine d'embouteillage d'eau minérale), et dont il a aussi précisé qu'ils étaient payés. 11. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a retenu que l'immeuble en cause constitue, pour partie, le produit de l'infraction, en ce qu'il a bénéficié de travaux d'amélioration financés par le produit de l'escroquerie dont le prévenu a été déclaré coupable, en sorte que le bien était confiscable dans sa totalité en application du troisième alinéa de l'article 131-21 du code pénal, et qui a apprécié le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé et à sa vie familiale par la mesure de confiscation de ce bien, dont il n'était pas soutenu devant elle qu'il serait nécessaire à l'activité professionnelle de M. [E], a justifié sa décision. 12. Dès lors, le moyen doit être écarté. 13. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept décembre deux mille vingt-deux.
Il résulte de l'article 131-21, alinéa 3, du code pénal qu'un bien qui constitue pour partie le produit de l'infraction peut faire l'objet d'une mesure de confiscation, totale ou partielle selon le choix opéré par les juges du fond, si ledit produit a été mêlé à des fonds d'origine licite pour l'acquisition du bien en cause. Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour ordonner la confiscation d'un immeuble dont le prévenu est propriétaire, retient que ce bien constitue, pour partie, le produit de l'infraction, en ce qu'il a bénéficié de travaux d'amélioration financés par le produit de l'escroquerie dont l'intéressé a été déclaré coupable, en sorte que le bien était confiscable dans sa totalité en application du texte précité, et apprécie le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé et à sa vie familiale par la mesure de confiscation de ce bien
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N° M 21-83.354 F- B N° 01533 GM 7 DÉCEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 M. [D] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date du 25 mars 2021, qui, pour concussion et prise illégale d'intérêts, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, trois ans d'inéligibilité et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [D] [U], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a porté à la connaissance du procureur de la République des faits pouvant constituer le délit de concussion. 3. Il a relevé que M. [D] [U], qui occupe notamment la fonction de conseiller régional, a perçu pour les années 2016, 2017 et 2018 des sommes excédant le montant plafonné des rémunérations et indemnités des élus locaux prévu par l'article L. 4135-18 du code général des collectivités territoriales. 4. Le 2 février 2016, la commission permanente du conseil régional de la Réunion a, en effet, décidé d'autoriser M. [U], désigné par l'assemblée plénière de la Région parmi les nouveaux représentants de cette institution au sein de la société d'économie mixte locale (SEML) [1], à présenter sa candidature pour exercer les fonctions de président du conseil d'administration de celle-ci et de directeur général. 5. Le conseil d'administration de la société [1] a élu M. [U] en qualité de président directeur général et a fixé sa rémunération mensuelle brute à la somme de 6 800 euros. 6. Les juges du premier degré ont déclaré M. [U] coupable, notamment, du chef de concussion et l'ont condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une peine de trois ans d'inéligibilité. 7. M. [U] ainsi que le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les premier et troisième moyens 8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [U] coupable du chef de concussion, alors : « 1°/ que la loi pénale étant d'interprétation stricte, le délit de concussion ne saurait sanctionner la perception ou l'exonération d'autres titres que ceux visés par le texte d'incrimination ; que l'alinéa 1er de l'article 432-10 du Code pénal ne vise que le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu'elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû ; que n'entre pas dans le champ d'application de ce texte, la rémunération d'un directeur général dans le cadre d'un contrat ou d'un mandat de droit privé, dès lors que celle-ci est spécifique et destinée à rémunérer des fonctions et une activité totalement différentes de celles d'un président et échappe ainsi au champ d'application des règles du plafonnement et de l'écrêtement, et ne saurait ainsi constituer une somme de nature à « excéder ce qui est dû » ; qu'en décidant cependant en l'espèce que le délit de concussion était établi en son élément matériel, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, en méconnaissance des articles L. 4135-18 du code général des collectivités territoriales, 432-10 du code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 2°/ que le délit de concussion par dépositaire de l'autorité publique est une infraction intentionnelle qui nécessite, pour être constituée, que le prévenu ait conscience que ce qu'il perçoit l'est de manière indue ; que le délit ne peut donc être caractérisé par une simple interprétation erronée par l'agent des règles de droit ; que dès lors la seule perception par M. [D] [U] d'une rémunération au titre de sa fonction de directeur général au sein de la société [1], à supposer même qu'elle fût indue, ne pouvait, contrairement à ce qu'affirme l'arrêt attaqué, caractériser le délit de concussion, dès lors que l'exposant a cru pouvoir la percevoir en toute légalité ; qu'en considérant que « nonobstant l'interprétation des textes qu'il a soulevé devant le tribunal puis devant la cour, M. [D] [U] avait suffisamment d'expérience en tant qu'élu local pour avoir agi sciemment », la cour d'appel a ainsi méconnu les articles 121-3, 432-10 du Code pénal ; 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, M. [D] [U] soutenait que sa rémunération au titre de sa fonction de directeur général n'était pas « touchée par le champ textuel des règles du plafonnement et de l'écrêtement » et qu'en tout état de cause, aucune mauvaise foi ne pouvait lui être reprochée, dès lors que celui-ci avait tenu à procéder au remboursement des sommes considérées comme trop-perçus ; qu'en omettant ces circonstances et en ne recherchant pas si tel était le cas, a cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 432-10 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 10. Pour déclarer le prévenu coupable du chef de concussion, l'arrêt attaqué énonce que l'article L. 4135-18 code général des collectivités territoriales dispose que le conseiller régional titulaire d'autres mandats électoraux ou qui siège à ce titre, notamment, au conseil d'administration ou au conseil de surveillance d'une SEML ou qui préside une telle société ne peut percevoir, pour l'ensemble de ses fonctions, un montant total de rémunérations et d'indemnités de fonction supérieur à une fois et demie le montant de l'indemnité parlementaire telle qu'elle est définie à l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement. Le montant supérieur à ce plafond doit être écrêté et reversé au budget de la personne publique au sein de laquelle le conseiller a exercé le plus récemment un mandat ou une fonction. 11. Les juges relèvent qu'il est établi que M. [U] était dépositaire de l'autorité publique au moment des faits, dès lors qu'il occupait les fonctions de conseiller régional de la Réunion puis de 1er vice-président dudit conseil régional, de maire de la commune de [Localité 2], de 3ème vice-président de la communauté d'agglomération du sud et de président-directeur général de la société [1]. 12. Ils ajoutent que M. [U] a toujours reconnu avoir perçu les sommes versées au titre de l'ensemble de ses fonctions et les a déclarées à la HATVP, et qu'il soutient toutefois que la rémunération qu'il perçoit de la société [1] en vertu de ses fonctions de président directeur général n'est pas explicitement visée par l'article L. 4135-18 du code général des collectivités territoriales et n'entre donc pas dans le calcul de l'écrêtement. 13. Les juges retiennent que le conseil d'administration de la société [1], après avoir désigné à l'unanimité M. [U] en qualité de président du conseil d'administration de cette société, a décidé, comme l'article L. 225-51-1 du code de commerce le lui permet, de déroger à la pratique antérieure et de dire que la direction générale sera dorénavant assumée, sous sa responsabilité, par le président du conseil d'administration. 14. L'arrêt attaqué précise que dès lors que l'exercice de la direction générale est assumé par le président du conseil d'administration, celui-ci devient président directeur général et aucune distinction n'est à opérer entre la rémunération de président et celle de directeur général, les rémunérations versées à ce titre à l'élu étant soumises au plafond du cumul des rémunérations. 15. Les juges soulignent que M. [U] avait suffisamment d'expérience en tant qu'élu local pour considérer qu'il a agi sciemment. Qu'il ne pouvait, en effet, ignorer que l'exercice de la direction générale de la société [1] était attaché, de par les conditions de sa désignation en tant qu'élu de la Région au sein d'une structure majoritairement détenue par celle-ci et abondée par des fonds publics, à l'exercice de sa fonction de président de la société et qu'il aurait dû a minima s'interroger, en sa qualité de dépositaire de l'autorité publique, sur le cumul des rémunérations, ne pouvant valablement s'exonérer par l'absence d'alertes préalables émanant des services administratifs du conseil régional. 16. Les juges concluent qu'en omettant de déclarer des rémunérations qu'il savait excéder ce qui lui était dû en sa qualité d'élu, M. [U] s'est rendu coupable du délit de concussion. 17. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision et n'a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent. 18. En premier lieu, selon l'article 432-10 du code pénal le délit de concussion se consomme, notamment, par le fait, pour une personne dépositaire de l'autorité publique, de percevoir des salaires et indemnités au-delà de ceux auxquels elle sait avoir droit. 19. En deuxième lieu, l'article L. 4135-18 du code général des collectivités territoriales détermine un plafond total de rémunération et d'indemnité de fonction pour le conseiller régional titulaire d'autres mandats électoraux ou qui siège à ce titre, notamment, au conseil d'administration ou au conseil de surveillance d'une SEML ou qui préside une telle société. 20. En troisième lieu, l'élément moral du délit de concussion, qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, se déduit de la matérialité des faits et ne saurait être remis en cause par un acte qui leur est postérieur tel le remboursement des sommes considérées comme un trop-perçu. 21. Ainsi, le moyen doit être écarté. Mais sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [U] aux peines principales de huit mois d'emprisonnement assortis d'un sursis simple et dix mille euros d'amende, et à la peine complémentaire de privation du droit d'éligibilité pour une durée de trois ans, alors : « 1°/ qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit en justifier la nécessité au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en condamnant M. [D] [U] à la peine de huit mois d'emprisonnement assortis du sursis simple sans s'être précisément expliquée sur la gravité des faits, la personnalité de l'exposant ni sur le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine d'amende doit motiver décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en l'espèce, pour prononcer la peine de 10 000 euros d'amende à l'encontre de l'exposant, la cour d'appel s'est abstenue de prendre en considération les ressources et les charges qui pesaient sur lui ; qu'en statuant ainsi, par des constatations impropres à caractériser la prise en compte des charges de l'exposant dans le calcul du quantum de l'amende, la cour d'appel n'a pas justifié ce chef de décision au regard des articles 132-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 132-1 et 132-20, alinéa 2, du code pénal : 23. Selon le premier de ces textes en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur. 24. Selon le second de ces textes, le juge qui prononce une amende doit, en outre, motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu. 25. Pour condamner le prévenu, notamment, à huit mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 10 000 euros, l'arrêt attaqué fait état des sommes annuellement perçues par M. [U] pour toutes les fonctions qu'il exerce, retient la gravité de l'atteinte commise à la probité et ses conséquences sur le conseil régional et relève, enfin, son absence de condamnation pénale ainsi que sa restitution du trop-perçu. 26. En se déterminant ainsi, sans s'expliquer, d'une part, sur la situation personnelle de l'intéressé et, d'autre part, sur le montant de ses charges la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 27. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 28. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que les déclarations de culpabilité n'encourent pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 25 mars 2021, mais en ses seules dispositions relatives au prononcé des peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept décembre deux mille vingt-deux.
L'article 432-10 du code pénal punit, notamment, le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, de percevoir à titre de droits une somme qu'elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû. Justifie sa décision la cour d'appel qui déclare coupable de concussion un conseiller régional percevant des sommes excédant le montant plafonné des rémunérations et indemnités de fonction des élus locaux prévu par l'article L. 4135-18 du code général des collectivités territoriales alors que, titulaire d'autres mandats, il perçoit également une rémunération à titre de président directeur général d'une société d'économie mixte locale, fonction qu'il occupe en tant que président du conseil d'administration de cette société, dans laquelle il siège en raison de sa désignation comme élu de la Région
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N° E 21-85.993 F- B N° 01536 GM 7 DÉCEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 L'administration des douanes et des droits indirects, partie poursuivante et M. [H] [U] [F] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 1er septembre 2021, qui, pour transfert de capitaux sans déclaration, blanchiment douanier et blanchiment, a condamné le second à trente mois d'emprisonnement, dix ans d'interdiction du territoire français et une amende douanière et M. [H] [X] [R] [S] à douze mois d'emprisonnement, dix ans d'interdiction du territoire français et une amende douanière et a ordonné une mesure de confiscation. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ampliatif, personnel et en défense ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 1], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement en date du 7 novembre 2019, le tribunal correctionnel a déclaré les deux prévenus coupables des chefs de transfert de capitaux sans déclaration, blanchiment et blanchiment douanier et les a condamnés, pour ces deux derniers délits, M. [U] [F] à trente mois d'emprisonnement et dix ans d'interdiction du territoire français, M. [R] [S] à dix-huit mois d'emprisonnement et dix ans d'interdiction du territoire français. 3. Les premiers juges ont en outre condamné solidairement les deux prévenus à une amende douanière de 65 000 euros pour le délit de transfert de capitaux sans déclaration et une amende douanière de 130 000 euros pour le délit de blanchiment douanier. Ils ont également ordonné la confiscation au profit des douanes des sommes saisies. 4. Les deux prévenus ont fait appel des dispositions pénales et douanières du jugement. Le procureur de la République a fait appel des dispositions pénales. Examen des moyens Sur les premier et second moyens proposés par M. [U] [F] et sur le moyen unique pris en ses deuxième et troisième branches proposé pour l'administration des douanes et des droits indirects 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le moyen unique proposé pour l'administration des douanes et des doits indirects pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. Le moyen, en sa première branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement déféré sur la peine d'amende douanière de 130.000 euros à laquelle MM. [H] [X] [R] [S] et [H] [W] [U] [F] avaient été solidairement condamnés en répression des faits de blanchiment douanier dont ils avaient été reconnus coupables et a dit n'y avoir lieu au prononcé d'une telle amende, alors : « 1°/ qu'en considérant que MM. [U] [F] et [R] [S] ne devaient pas être condamnés au paiement d'une amende douanière de 130 000 euros en répression du délit de blanchiment douanier dont ils ont été reconnus coupables, en l'absence de justificatifs de la situation personnelle et de la situation financière de M. [U] [F] et en l'absence d'éléments sur la situation professionnelle de M. [R] [S], quand le prononcé d'une amende douanière, qui est fixée en considération de la valeur des marchandises de fraude, ne dépend pas de la situation personnelle, professionnelle ou financière du prévenu, la cour d'appel a violé les articles 369 et 415 du code des douanes. » Réponse de la Cour Vu l'article 369 du code des douanes : 7. Il se déduit de ce texte, d'une part que le juge qui prononce une amende fiscale n'est pas tenu de prendre en considération la situation personnelle, familiale et sociale du contrevenant pour en déterminer le montant. 8. D'autre part, s'il peut réduire le montant de cette amende, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, il ne saurait en dispenser totalement ce dernier. 9. Pour dire n'y avoir lieu à condamner M. [U] [F] à une amende douanière en répression du délit de blanchiment douanier, l'arrêt attaqué, après avoir relevé des éléments tenant à la gravité des faits et à la personnalité de M. [U] [F], énonce que celui-ci réside en Espagne mais ne produit aucun justificatif de sa situation personnelle ni aucun justificatif de sa situation financière de sorte qu'une sanction financière, complémentaire à l'amende douanière déjà prononcée, ne peut être envisagée. 10. Les juges ajoutent que la gravité de l'infraction retenue et la personnalité du prévenu rendent indispensable de prononcer une peine d'emprisonnement ferme de trente mois, toute autre sanction étant manifestement inadéquate au regard des antécédents de l'intéressé et des éléments déjà rappelés. 11. S'agissant de M. [R] [S], l'arrêt attaqué, après avoir relevé des éléments tenant à sa personnalité, énonce qu'il produit des documents attestant de sa situation familiale en Espagne mais pas de sa situation professionnelle et qu'en l'absence de tels éléments, seule une peine d'emprisonnement peut être envisagée, d'autant qu'il ne comparait pas devant la cour. 12. Les juges ajoutent que la gravité des délits commis par lui, tenant à la nature même de ceux-ci et à l'importance de la somme saisie, et la personnalité de M. [R] [S], dont ils relèvent néanmoins le rôle secondaire par rapport à son co-prévenu, rendent indispensable de le condamner à douze mois d'emprisonnement, toute autre sanction étant manifestement inadéquate au regard des éléments ainsi rappelés. 13. En conclusion, la cour d'appel infirme le jugement en ce qu'il a condamné les deux prévenus à une amende douanière de 130 000 euros, les peines d'emprisonnement prononcées à leur encontre étant appliquées au titre des deux délits. 14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés. 15. En effet, d'une part, elle ne pouvait écarter le prononcé de toute amende douanière, fut-elle d'un montant symbolique. 16. D'autre part, n'étant pas tenus de prendre en considération la situation personnelle, familiale et sociale des prévenus pour fixer le montant de cette amende, les juges ne pouvaient en réduire le montant au motif qu'ils n'étaient pas en possession d'éléments relatifs à leur situation financière. 17. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 18. Il résulte des motifs de l'arrêt attaqué que les peines prononcées en répression des délits de blanchiment et de blanchiment douanier ont été déterminées en tenant compte de ce qu'il n'était pas infligé d'amende douanière aux prévenus. 19. En conséquence, la cassation à intervenir concernera l'ensemble des peines et sanctions douanières prononcées à l'encontre de MM. [U] [F] et [R] [S] en répression de ces deux délits. 20. Les autres dispositions seront maintenues, dès lors que les déclarations de culpabilité et l'amende douanière prononcée en répression du délit de transfert de capitaux sans déclaration n'encourent pas la censure. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé par M. [U] [F] : LE DÉCLARE non-admis ; Sur le pourvoi formé par l'administration des douanes et des droits indirects : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 1er septembre 2021, mais en ses seules dispositions ayant condamné M. [U] [F] à trente mois d'emprisonnement et dix ans d'interdiction du territoire français, M. [R] [S] à douze mois d'emprisonnement, dix ans d'interdiction du territoire français et ayant ordonné des mesures de confiscation, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept décembre deux mille vingt-deux.
Il se déduit de l'article 369 du code des douanes que le juge, s'il peut réduire le montant de l'amende douanière encourue, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, ne saurait en dispenser totalement ce dernier. Encourt la cassation la cour d'appel, qui exclut le prononcé d'une amende douanière à l'encontre des prévenus qu'elle a reconnus coupables de blanchiment douanier, au motif qu'elle ne dispose pas d'élément sur leur situation financière, alors que, d'une part, elle ne pouvait écarter le prononcé de toute amende douanière, fut-elle d'un montant symbolique, d'autre part, n'étant pas tenue de prendre en considération la situation personnelle, familiale et sociale des prévenus pour fixer le montant de cette amende, elle ne pouvait en réduire le montant au motif qu'elle ne disposait pas d'éléments relatifs à celle-ci
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N° S 22-85.686 FS-B N° 01624 RB5 6 DÉCEMBRE 2022 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 DÉCEMBRE 2022 M. [K] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 9e chambre, en date du 21 septembre 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'agression sexuelle aggravée, a rejeté sa demande de mise en liberté. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [K] [T], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, conseillers référendaires, M. Tarabeux, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Initialement mis en examen du chef de viol par conjoint ou concubin et placé en détention provisoire le 30 octobre 2020, M. [K] [T] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour agression sexuelle par conjoint ou concubin. 3. Par jugement du 17 février 2022, les juges du premier degré l'ont déclaré coupable, condamné à cinq ans d'emprisonnement dont un an avec sursis probatoire et ont ordonné son maintien en détention. 4. Par arrêt du 1er juin 2022, la cour d'appel a confirmé le jugement et maintenu M. [T] en détention. 5. Ce dernier a formé un pourvoi contre cet arrêt, en cours d'examen par la chambre criminelle de la Cour de cassation. 6. Le 16 juin 2022, M. [T] a saisi la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'une demande de mise en liberté. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande de mise en liberté, alors « que la cour d'appel, saisie d'une demande de mise en liberté formée par une personne maintenue en détention depuis plus de huit mois, doit, si elle envisage de rejeter cette demande, motiver sa décision au regard des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l'article 142-5 et à l'article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3 du Code de procédure pénale ; qu'il résulte de la procédure et de sa fiche pénale que Monsieur [T] était, au jour où la Cour d'appel a statué sur sa demande de remise en liberté, maintenu en détention provisoire, dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation à intervenir sur le pourvoi qu'il a formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon en date du 1er juin 2022, depuis plus de huit mois pour avoir été placé en détention provisoire le 30 octobre 2020 ; qu'en se bornant, pour rejeter cette demande de mise en liberté, à énoncer que la détention provisoire constitue l'unique moyen de parvenir aux objectifs fixés par l'article 144 du Code de procédure pénale, à l'exclusion du contrôle judiciaire et de l'assignation à résidence sous surveillance électronique, sans motiver sa décision au regard des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l'article 142-5 et à l'article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3 du Code de procédure pénale, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions précitées, ensemble les articles 222-28 et 222-48-1 du Code pénal, 148-1, 137-3, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour rejeter la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué retient que M. [T] a commis une agression sexuelle en tentant d'étrangler sa victime, que d'autres femmes ont été victimes de ses violences, que les expertises psychiatriques font craindre un nouveau passage à l'acte, que, contestant les faits, il n'a entrepris ni réflexion ni démarche de soins et qu'il projette de retrouver la situation dans laquelle il se trouvait au moment des faits. 9. Les juges ajoutent que M. [T] ne bénéficie ni d'une insertion socio-professionnelle ni d'attaches familiales à proximité et que la victime réside non loin de son domicile. 10. Ils en déduisent que la détention provisoire est l'unique moyen de parvenir aux objectifs, fixés par l'article 144 du code de procédure pénale, de prévenir le renouvellement de l'infraction, de garantir le maintien de M. [T] à la disposition de la justice et de prévenir le risque de pression sur la victime, et qu'une mesure de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique ne pourrait, quelles qu'en soient les modalités, permettre d'atteindre ces objectifs, compte tenu de la liberté de mouvement et de communication que conserverait l'intéressé. 11. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 143-1 et suivants du code de procédure pénale, a justifié sa décision. 12. En effet, les dispositions de l'article 137-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, selon lesquelles, en matière correctionnelle, les décisions du juge des libertés et de la détention prolongeant la détention provisoire au-delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l'énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l'article 142-5 et à l'article 142-12-1 du même code, ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés, ne sont plus applicables lorsque le juge d'instruction a rendu son ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement. 13. Dès lors, le moyen doit être écarté. 14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six décembre deux mille vingt-deux.
Les dispositions de l'article 137-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, selon lesquelles, en matière correctionnelle, les décisions du juge des libertés et de la détention prolongeant la détention provisoire au-delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l'énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3 du même code, ne sont plus applicables lorsque le juge d'instruction a rendu son ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1252 FS-B Pourvoi n° N 21-10.744 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 1°/ la société Leader Menton, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ la société Suand, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° N 21-10.744 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Heir invest, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Sarjel immo, 2°/ au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Les Camélias, dont le siège est [Adresse 5], représenté par son syndic le Cabinet Clarus, [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat des sociétés Leader Menton et Suand, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Les Camélias, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 novembre 2020) le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Camélias (le syndicat des copropriétaires) a assigné devant un juge de l'exécution les sociétés Leader Menton, Suand et Sarjel Immo, désormais dénommée Heir invest, qui avaient été condamnées sous astreinte à effectuer des travaux de remise en état, en liquidation de l'astreinte. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Les sociétés Leader Menton et Suand (les sociétés) font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les pièces et conclusions par elles notifiées le 10 décembre 2019, et, en conséquence de les condamner in solidum à payer la somme de 135 500 euros au syndicat des copropriétaires au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire pour la période comprise entre le 25 septembre 2015 et le 20 mars 2017, et de fixer une nouvelle astreinte provisoire, sans durée limitée, d'un montant de 500 euros par jour passé le délai de deux mois de la signification du jugement, à défaut pour elles d'avoir procédé à la remise en état des lieux en leur état initial, alors « que les conclusions déposées le jour de l'ordonnance de clôture sont réputées signifiées avant celle-ci ; qu'elles sont donc recevables, les juges du fond devant simplement s'assurer que leur dépôt ne porte pas atteinte à l'exercice des droits de la défense ; qu'en retenant pourtant, pour dire irrecevables les conclusions et pièces déposées par les exposants le jour de l'ordonnance de clôture, que « les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 ont été notifiées par les sociétés Leader Menton et Suand le 10 décembre 2019 à 09h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'a pas été sollicitée, ait été rendue le même jour et notifiée par RPVA à 8 h 49 », quand aucune violation du contradictoire n'était alléguée par les autres parties, et que les conclusions et pièces devaient être réputées signifiées avant l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé les articles 16, 135 et 783 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 783, devenu 802, du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. Aux termes de l'article 748-1 du même code, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent titre, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication. Selon l'article 748-3 du même code, les envois, remises et notifications mentionnés à l'article 748-1 font l'objet d'un avis électronique de réception adressé par le destinataire, qui indique la date et, le cas échéant, l'heure de celle-ci. Selon l'article 930-1 du même code, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. 5. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu'il est recouru, dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire, à la communication par voie électronique, les conclusions sont déposées aux jour et heure mentionnés dans le dossier du réseau privé virtuel des avocats (RPVA). 6. Ayant relevé que les dernières conclusions et les pièces 9,10 et 11 avaient été remises par les sociétés le 10 décembre 2019 à 9h59, après que l'ordonnance de clôture avait été rendue le même jour et que la copie en avait été portée à la connaissance des parties par le RPVA à 8h49, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel, qui a fait ressortir que ces conclusions avaient été déposées après l'ordonnance de clôture, a statué comme elle l'a fait. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 8. Les sociétés font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les pièces et conclusions par elles notifiées le 10 décembre 2019, et, en conséquence de les condamner in solidum à payer la somme de 135 500 euros au syndicat des copropriétaires au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire pour la période comprise entre le 25 septembre 2015 et le 20 mars 2017, et de fixer une nouvelle astreinte provisoire, sans durée limitée, d'un montant de 500 euros par jour passé le délai de deux mois de la signification du jugement, à défaut pour elles d'avoir procédé à la remise en état des lieux en leur état initial, alors « qu'à supposer même que les conclusions déposées le jour de l'ordonnance de clôture puissent ne pas être réputées antérieures à celle-ci, l'irrecevabilité des dernières pièces et écritures déposées est subordonnée à la condition que les parties aient été averties, avec un délai de prévenance suffisant, de la date de l'ordonnance de clôture à intervenir ; qu'en retenant pourtant, pour dire irrecevables les conclusions et pièces déposées par les exposants le jour de l'ordonnance de clôture, que « les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 ont été notifiées par les sociétés Leader Menton et Suand le 10 décembre 2019 à 09h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'a pas été sollicitée, ait été rendue le même jour et notifiée par RPVA à 8 h 49 » sans constater que les parties auraient été avisées de la date de l'ordonnance de clôture avec un délai de prévenance suffisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 783 du code de procédure civile, et 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 9. Selon l'article 783, devenu 802, du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. 10. Il résulte de ce texte, interprété à la lumière de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que des conclusions déposées après l'ordonnance de clôture ne peuvent être déclarées irrecevables lorsque leur auteur n'a pas été préalablement informé de la date à laquelle celle-ci devait être rendue. 11. Toutefois, le juge n'est pas tenu de vérifier d'office que les parties ont été avisées de la date de l'ordonnance de clôture. Il appartient à la partie qui, ayant remis ses conclusions après l'ordonnance de clôture, soutient ne pas avoir été préalablement avisée de la date de son prononcé, d'en solliciter la révocation. 12. Ayant relevé que les dernières conclusions et les pièces 9,10 et 11 avaient été remises par les sociétés le 10 décembre 2019 à 9h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'avait pas été sollicitée, avait été rendue le même jour et que la copie en avait été portée à la connaissance des parties par le RPVA à 8h49, la cour d'appel en a exactement déduit que ces conclusions et pièces étaient irrecevables. 13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Leader Menton et Suand aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Leader Menton et Suand et les condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Les Camélias, représenté par son syndic, le Cabinet Clarus, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour les sociétés Leader Menton et Suand PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Leader Menton et la SCI Suand font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les pièces et conclusions par elles notifiées le 10 décembre 2019, et, en conséquence d'avoir condamné in solidum les sociétés Leader Menton, Suand et Sarjel Immo à payer une somme de 135 500 euros au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Camélias au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire pour la période comprise entre le 25 septembre 2015 et le 20 mars 2017, et d'avoir fixé une nouvelle astreinte provisoire, sans durée limitée, d'un montant de 500 euros par jour passé le délai de deux mois de la signification du jugement, à défaut pour les sociétés Leader Menton, Suand et Sarjel Immo d'avoir procédé à la remise en état des lieux en leur état initial ; 1/ ALORS QUE les conclusions déposées le jour de l'ordonnance de clôture sont réputées signifiées avant celle-ci ; qu'elles sont donc recevables, les juges du fond devant simplement s'assurer que leur dépôt ne porte pas atteinte à l'exercice des droits de la défense ; qu'en retenant pourtant, pour dire irrecevables les conclusions et pièces déposées par les exposants le jour de l'ordonnance de clôture, que « les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 ont été notifiées par les sociétés Leader Menton et Suand le 10 décembre 2019 à 09h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'a pas été sollicitée, ait été rendue le même jour et notifiée par RPVA à 8 h 49 » (arrêt, p. 6, alinéa 3), quand aucune violation du contradictoire n'était alléguée par les autres parties, et que les conclusions et pièces devaient être réputées signifiées avant l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé les articles 16, 135 et 783 du code de procédure civile ; 2/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QU'à supposer même que les conclusions déposées le jour de l'ordonnance de clôture puissent ne pas être réputées antérieures à celle-ci, l'irrecevabilité des dernières pièces et écritures déposées est subordonnée à la condition que les parties aient été averties, avec un délai de prévenance suffisant, de la date de l'ordonnance de clôture à intervenir ; qu'en retenant pourtant, pour dire irrecevables les conclusions et pièces déposées par les exposants le jour de l'ordonnance de clôture, que « les dernières conclusions et les pièces 9, 10 et 11 ont été notifiées par les sociétés Leader Menton et Suand le 10 décembre 2019 à 09h59, après que l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'a pas été sollicitée, ait été rendue le même jour et notifiée par RPVA à 8 h 49 » (arrêt, p. 6, alinéa 3) sans constater que les parties auraient été avisées de la date de l'ordonnance de clôture avec un délai de prévenance suffisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 783 du code de procédure civile, et 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) La société Leader Menton et la SCI Suand font grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum les sociétés Leader Menton, Suand et Sarjel Immo à payer une somme de 135 500 euros au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Camélias au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire pour la période comprise entre le 25 septembre 2015 et le 20 mars 2017 ; 1/ ALORS QUE saisi d'une demande de liquidation d'une astreinte prononcée par une décision irrévocable, le juge de l'exécution a la seule mission de vérifier l'exécution de l'obligation sans pouvoir modifier celle-ci ; qu'en conséquence, lorsque la décision irrévocable prononçant l'astreinte ne précise ni dans son dispositif, ni même dans ses motifs, l'obligation assortie de l'astreinte, le juge de l'exécution ne peut que rejeter la demande de liquidation, faute d'obligation inexécutée ; qu'en l'espèce, l'arrêt du 4 septembre 2015 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence se bornait à indiquer dans son dispositif : « fixe une nouvelle astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision » ; que ses motifs ne permettaient pas d'identifier l'obligation dont aurait été assortie l'astreinte puisqu'ils énonçaient simplement : « il y a lieu de fixer une nouvelle astreinte provisoire d'un même montant de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision et sans limitation de durée » ; qu'il en résultait que l'astreinte ne garantissait l'exécution d'aucune obligation, en sorte que faute d'obligation inexécutée, elle ne pouvait être liquidée ; qu'en retenant pourtant, en se référant aux décisions rendues les 8 janvier 2009 et 9 décembre 2009, que les sociétés Leader Menton et Suand ne seraient pas fondées à se prévaloir du caractère indéterminé de l'obligation assortie d'astreinte, quand ces décisions n'étaient pas celles qui avaient fixé l'astreinte dont la liquidation était demandée, l'arrêt du 4 septembre 2015 ne fixant en revanche pas l'obligation à exécuter, la cour d'appel a violé les articles L. 131-4 et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution ; 2/ ALORS QUE saisi d'une demande de liquidation d'une astreinte prononcée par une décision irrévocable, le juge de l'exécution a la seule mission de vérifier l'exécution de l'obligation sans pouvoir modifier celle-ci ; qu'en conséquence, lorsque la décision irrévocable prononçant l'astreinte ne précise ni dans son dispositif, ni même dans ses motifs, l'obligation assortie de l'astreinte, le juge de l'exécution ne peut que rejeter la demande de liquidation, faute d'obligation inexécutée ; qu'en l'espèce, l'arrêt du 4 septembre 2015 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence se bornait à indiquer dans son dispositif : « fixe une nouvelle astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision » ; que ses motifs ne permettaient pas d'identifier l'obligation dont aurait été assortie l'astreinte puisqu'ils énonçaient simplement : « il y a lieu de fixer une nouvelle astreinte provisoire d'un même montant de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision et sans limitation de durée » ; qu'il en résultait que l'astreinte ne garantissait l'exécution d'aucune obligation, en sorte que faute d'obligation inexécutée, elle ne pouvait être liquidée ; que le juge de l'exécution a pourtant retenu que les exposantes « ne peuvent faire valoir l'existence d'une obligation indéterminée, compte tenu de l'absence de complexité de l'obligation qui leur est imposée, aucune des parties n'ayant d'ailleurs entendu déposer une quelconque requête en interprétation » (jugement, p. 7) ; qu'en statuant ainsi, quand il n'y avait pas lieu à interpréter la décision du 4 septembre 2015 laquelle ne précisait pas l'obligation assortie de l'astreinte, la cour d'appel, à supposer ce motif adopté, a violé les articles L. 131-4 et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Il résulte de la combinaison des articles 748-1, 748-3, 783, devenu 802, et 930-1 du code de procédure civile que lorsqu'il est recouru, dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire, à la communication par voie électronique, les conclusions sont déposées aux jour et heure mentionnés dans le dossier du réseau privé virtuel des avocats (RPVA)
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1253 FS-B+R Pourvoi n° C 21-16.186 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 Mme [V] [C], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-16.186 contre l'arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à l'association Coordination des oeuvres sociales et médicales, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de l'association Centre dentaire Nord [Localité 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [C], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de l'association Coordination des oeuvres sociales et médicales, venant aux droits de l'association Centre dentaire Nord [Localité 3], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 février 2021), Mme [C], représentée par un défenseur syndical, a relevé appel, le 5 avril 2019, d'un jugement d'un conseil de prud'hommes la déboutant de ses demandes dans un litige l'opposant à l'association Centre dentaire Nord [Localité 3] aux droits de laquelle se trouve l'association Coordination des oeuvres sociales et médicales (l'association). 2. L'association intimée a soulevé l'absence d'effet dévolutif de l'acte d'appel qui ne mentionnait pas les chefs critiqués du jugement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Mme [C] fait grief à l'arrêt de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté le 5 avril 2019 et l'absence de saisine de la cour, alors « que les limitations apportées au droit d'accès au juge doivent être proportionnées à l'objectif visé ; qu'en l'espèce, pour considérer qu'elle n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel, la cour d'appel a retenu que la déclaration d'appel effectuée par le représentant syndical de Mme [C] ne mentionnait pas les chefs de jugement critiqués et que dès lors, elle ne permettait pas à l'effet dévolutif de jouer, en l'absence de régularisation ultérieure par une nouvelle déclaration d'appel dans la mesure où elle ne pouvait être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs du jugement ni être régularisée par des conclusions au fond prises dans le délai requis énonçant les chefs critiqués du jugement ; qu'elle a ensuite écarté le caractère indivisible de l'objet du litige ainsi que l'existence d'une demande d'annulation du jugement ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, si, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'application des règles de l'effet dévolutif de l'appel ne portait pas atteinte à la substance du droit d'accès au juge au sens de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme, dès lors qu'elle constatait que l'appelante n'était pas représentée par un professionnel du droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 901, 562 du code de procédure civile ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. L'association soulève l'irrecevabilité du moyen, le défenseur syndical ne s'étant pas prévalu de ce que, faute de représentation de l'appelant par un professionnel du droit, il y aurait atteinte à son droit d'accès au juge à priver la déclaration d'appel, méconnaissant l'article 901, alinéa 1er, 4°, du code de procédure civile, d'effet dévolutif. 5. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, est recevable. Bien-fondé du moyen 6. Il résulte des articles R. 1461-2 et R. 1461-1, alinéas 2 et 3, du code du travail, dans leur version issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 applicable aux instances d'appel introduites depuis le 1er août 2016, que dans la procédure d'appel du jugement des conseils de prud'hommes, soumise aux règles de la représentation obligatoire, les parties peuvent être représentées par un avocat ou par un défenseur syndical. 7. Selon l'article L. 1453-4, alinéa 2, du code du travail, le défenseur syndical est inscrit sur une liste arrêtée par l'autorité administrative sur proposition des organisations d'employeurs et de salariés. Selon l'article D. 1453-2-1 du même code, il est sélectionné en fonction de son expérience des relations professionnelles et de ses connaissances du droit social. 8. Il résulte de l'article L. 1453-7 de ce code que le défenseur syndical reçoit une formation obligatoire qui donne lieu à autorisation d'absence pour l'exercice de son mandat. En application de l'article D. 1453-2-5, alinéa 3, du même code, sauf à justifier d'un motif légitime, le défenseur syndical, qui n'exerce pas sa mission pendant un an, est retiré d'office de la liste des défenseurs syndicaux. 9. Selon l'article L. 1453-8 de ce code, le défenseur syndical est tenu à une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par la personne qu'il assiste ou représente ou par la partie adverse dans le cadre d'une négociation. La méconnaissance de cette obligation peut entraîner la radiation de la liste. 10. Selon l'article L. 1453-9 du même code, lorsqu'il est salarié, le défenseur syndical bénéficie du statut de salarié protégé. 11. Ces dispositions qui concernent le défenseur syndical sont destinées à offrir au justiciable représenté par celui-ci des garanties équivalentes à celles du justiciable représenté par un avocat quant au respect des droits de la défense et de l'équilibre des droits des parties. 12. Sous réserve des dispositions des articles 930-2 et 930-3 du code de procédure civile, il résulte de l'article R. 1461-2, alinéa 3, du code du travail que le défenseur syndical accomplit valablement les actes mis à la charge de l'avocat, de même que ceux destinés à l'avocat sont valablement accomplis auprès du défenseur syndical. 13. Il s'ensuit que le défenseur syndical, que choisit l'appelant pour le représenter, s'il n'est pas un professionnel du droit, n'en est pas moins à même d'accomplir les formalités requises par la procédure d'appel avec représentation obligatoire sans que la charge procédurale en résultant présente un caractère excessif de nature à porter atteinte au droit d'accès au juge garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 15. Mme [C] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la régularisation de la déclaration d'appel ne peut pas intervenir après l'expiration du délai imparti à l'appelant pour conclure conformément aux articles 910-4, alinéa 1, et 954, alinéa 1, du code de procédure civile ; que l'exposante faisait valoir dans sa note en délibéré du 19 novembre 2020 que le Centre dentaire [Localité 3] n'avait invoqué l'absence d'effet dévolutif de l'appel que très tardivement, ses premières conclusions du 12 septembre 2019 ne mentionnant pas cette irrecevabilité ; qu'en se bornant à relever l'absence de régularisation ultérieure par une nouvelle déclaration d'appel sans rechercher, ainsi qu'il y était invitée, si l'absence d'effet dévolutif de l'appel avait été opposée à l'appelante à une date où une régularisation par le dépôt d'une nouvelle déclaration d'appel était devenue impossible et partant, s'il était porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 901, 562 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 16. L'association soulève l'irrecevabilité du moyen, le défenseur syndical ne s'étant pas prévalu de ce qu'il y aurait atteinte au droit d'accès au juge de l'appelant à soulever l'absence d'effet dévolutif lorsque la régularisation de la déclaration d'appel n'est plus possible. 17. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, est recevable. Bien-fondé du moyen 18. Il ne résulte d'aucun texte que l'absence d'effet dévolutif consécutif à l'inobservation des dispositions de l'article 901, alinéa 1er, 4°, du code de procédure civile doive être soulevée par la partie intimée avant l'expiration du délai imparti à l'appelant pour conclure, durant lequel la possibilité lui est ouverte de régulariser la déclaration d'appel. 19. Cette règle ne prive pas l'appelant du droit d'accès au juge dès lors il a été mis en mesure d'effectuer cette régularisation indépendamment de tout incident soulevé par l'intimé. 20. Il s'ensuit qu'il ne saurait être reproché à la cour d'appel de s'être abstenue d'effectuer une recherche inopérante. 21. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [C] et la condamne à payer à l'association Coordination des oeuvres sociales et médicales la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [C] Mme [C] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'absence d'effet dévolutif de l'appel qu'elle a interjeté le 5 avril 2019 et l'absence de saisine de la cour. 1° ALORS QUE les limitations apportées au droit d'accès au juge doivent être proportionnées à l'objectif visé ; qu'en l'espèce, pour considérer qu'elle n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel, la cour d'appel a retenu que la déclaration d'appel effectuée par le représentant syndical de Mme [C] ne mentionnait pas les chefs de jugement critiqués et que dès lors, elle ne permettait pas à l'effet dévolutif de jouer, en l'absence de régularisation ultérieure par une nouvelle déclaration d'appel dans la mesure où elle ne pouvait être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs du jugement ni être régularisée par des conclusions au fond prises dans le délai requis énonçant les chefs critiqués du jugement ; qu'elle a ensuite écarté le caractère indivisible de l'objet du litige ainsi que l'existence d'une demande d'annulation du jugement ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, si, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'application des règles de l'effet dévolutif de l'appel ne portait pas atteinte à la substance du droit d'accès au juge au sens de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme, dès lors qu'elle constatait que l'appelante n'était pas représentée par un professionnel du droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 901, 562 du code de procédure civile ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 2° ALORS QUE la régularisation de la déclaration d'appel ne peut pas intervenir après l'expiration du délai imparti à l'appelant pour conclure conformément aux articles 910-4, alinéa 1, et 954, alinéa 1, du code de procédure civile ; que l'exposante faisait valoir dans sa note en délibéré du 19 novembre 2020 que le Centre dentaire [Localité 3] n'avait invoqué l'absence d'effet dévolutif de l'appel que très tardivement, ses premières conclusions du 12 septembre 2019 ne mentionnant pas cette irrecevabilité ; qu'en se bornant à relever l'absence de régularisation ultérieure par une nouvelle déclaration d'appel sans rechercher, ainsi qu'il y était invitée, si l'absence d'effet dévolutif de l'appel avait été opposée à l'appelante à une date où une régularisation par le dépôt d'une nouvelle déclaration d'appel était devenue impossible et partant, s'il était porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 901, 562 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le défenseur syndical, que choisit l'appelant pour le représenter, bénéficie d'un statut résultant de dispositions légales et réglementaires qui sont destinées à offrir au justiciable représenté par celui-ci des garanties équivalentes à celles du justiciable représenté par un avocat quant au respect des droits de la défense et de l'équilibre des droits des parties. Il en résulte que, s'il n'est pas un professionnel du droit, il n'en est pas moins à même d'accomplir les formalités requises par la procédure d'appel avec représentation obligatoire sans que la charge procédurale en résultant présente un caractère excessif, de nature à porter atteinte au droit d'accès au juge garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1254 FS-B Pourvoi n° E 21-16.487 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 M. [D] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-16.487 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale - section A civile), dans le litige l'opposant à la société EDF, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de M. [H], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société EDF, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 mars 2021), M. [H], représenté par un défenseur syndical, a interjeté appel, le 1er juillet 2020, d'une ordonnance de référé rendue par le président d'un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à la société EDF. 2. M. [H] a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du président de la chambre saisie ayant prononcé la caducité de la déclaration d'appel sur le fondement de l'article 905-2 du code de procédure civile. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. [H] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant prononcé la caducité de la déclaration d'appel et de le débouter de l'intégralité de ses demandes, alors « que le principe de l'égalité des armes, tel qu'il résulte du droit à un procès équitable, interdit qu'une partie au procès soit placée dans une situation plus avantageuse que la situation occupée par son adversaire ; qu'en retenant que, « par sa simplicité et son caractère peu onéreux », la remise par les défenseurs syndicaux de leurs actes de procédure au moyen d'un dépôt au greffe ou d'une lettre recommandée ne les place pas « dans une situation de net désavantage par rapport aux avocats », lesquels peuvent adresser leurs actes par voie électronique, quand le désavantage réside, non pas dans la complexité ou le coût du procédé, mais dans la rapidité de transmission qui bénéficie aux avocats, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération ce désavantage, a violé le principe d'égalité des armes entre les défenseurs syndicaux et les avocats, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 5. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 24 avril 2003, Yvon c. France, n° 44962/98, § 31), le principe de l'égalité des armes est l'un des éléments de la notion plus large de procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il exige un juste équilibre entre les parties, chacune d'elles devant se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires. 6. L'obligation impartie aux défenseurs syndicaux, en matière prud'homale, de remettre au greffe les actes de procédure, notamment les premières conclusions d'appelant, ou de les lui adresser par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ne crée pas de rupture dans l'égalité des armes, dès lors qu'il n'en ressort aucun net désavantage au détriment des défenseurs syndicaux auxquels sont offerts, afin de pallier l'impossibilité de leur permettre de communiquer les actes de procédure par voie électronique dans des conditions conformes aux exigences posées par le code de procédure civile, des moyens adaptés de remise de ces actes dans les délais requis. 7. La cour d'appel, qui a exactement retenu que l'obligation pour les défenseurs syndicaux de remettre au greffe leurs actes de procédure ou de les lui adresser par lettre recommandée avec accusé de réception, excluant ainsi leur envoi par télécopie ou courriel, ne faisait que tirer les conséquences de l'impossibilité pour eux d'accéder au RPVA, en a à juste titre déduit que ces modalités de remise des actes de procédure, par leur simplicité et leur caractère peu onéreux, ne plaçait pas les défenseurs syndicaux dans une situation de net désavantage par rapport aux avocats. 8. Ayant constaté que M. [H] avait reçu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai le 22 août 2020 et que, dans le délai prévu par l'article 905-2 du code de procédure civile expirant le 22 septembre 2020, il n'avait remis aucune conclusion au greffe et qu'il ne rapportait pas la preuve d'un envoi postal ou d'un cas de force majeure de nature à l'exonérer de son obligation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [H] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] et le condamne à payer à la société EDF la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. [H] M. [D] [H] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du 1er octobre 2020 du conseiller chargé de la mise en état ayant prononcé la caducité de son appel et de l'avoir débouté de l'intégralité de ses demandes, ALORS, d'une part, QUE le principe de l'égalité des armes, tel qu'il résulte du droit à un procès équitable, interdit qu'une partie au procès soit placée dans une situation plus avantageuse que la situation occupée par son adversaire ; qu'en retenant que, « par sa simplicité et son caractère peu onéreux », la remise par les défenseurs syndicaux de leurs actes de procédure au moyen d'un dépôt au greffe ou d'une lettre recommandée ne les place pas « dans une situation de net désavantage par rapport aux avocats », lesquels peuvent adresser leurs actes par voie électronique, quand le désavantage réside, non pas dans la complexité ou le coût du procédé, mais dans la rapidité de transmission qui bénéficie aux avocats, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération ce désavantage, a violé le principe d'égalité des armes entre les défenseurs syndicaux et les avocats, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ALORS, d'autre part, QUE dans ses écritures d'appel (p. 4), M. [H] mettait en cause une carence imputable au service Chronopost, qui n'avait pas assumé ses obligations contractuelles ; qu'en affirmant que M. [H] ne rapportait pas la preuve d'une défaillance du service postal, sans répondre à ces écritures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
L'obligation impartie aux défenseurs syndicaux, en matière prud'homale, de remettre au greffe les actes de procédure, notamment les premières conclusions d'appelant, ou de les lui adresser par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ne crée pas de rupture dans l'égalité des armes, dès lors qu'il n'en ressort aucun net désavantage au détriment des défenseurs syndicaux auxquels sont offerts, afin de pallier l'impossibilité de leur permettre de communiquer les actes de procédure par voie électronique dans des conditions conformes aux exigences posées par le code de procédure civile, des moyens adaptés de remise de ces actes dans les délais requis
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1256 FS-B+R Pourvoi n° N 19-20.143 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 La société Rafy, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 19-20.143 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société civile immobilière Rafy, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société BNP Paribas, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, M. Blanc, conseiller référendaire de la chambre commerciale, financière et économique, Mmes Jollec, Bohnert, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mai 2019) et les productions, le 27 mai 2015, la société civile immobilière Rafy (la SCI) a fait pratiquer, en exécution de l'arrêt d'une cour d'appel, une saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières entre les mains de la société BNP Paribas (la banque) à l'encontre de l'association Église du christianisme céleste paroisse Saint-Esprit (l'association). 2. La banque a déclaré détenir un portefeuille-titres de parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). 3. Par jugement du 19 février 2016, un juge de l'exécution a débouté l'association de sa contestation de la saisie. 4. Le 17 mars 2016, la SCI a signifié ce jugement à la banque et lui a donné ordre de procéder à la vente forcée des droits d'associé et valeurs mobilières appartenant à l'association et de payer les fonds saisis. 5. La banque a indiqué à l'huissier de justice qu'en raison de leur nature, elle ne pouvait faire procéder à la vente des parts de la SCPI. 6. La SCI a établi un cahier des charges en vue de la vente par adjudication des parts de la SCPI, qu'elle a fait signifier à la banque, laquelle lui a indiqué que, s'agissant de parts de la SCPI, la vente devait être effectuée entre les mains de la société de gestion, la société BNP Reim. 7. Ayant appris, après avoir signifié le cahier des charges à la société BNP Reim, que des parts de la SCPI avaient été vendues, l'huissier de justice n'a pas donné suite à la procédure de vente forcée. 8.La SCI a assigné la banque devant un juge de l'exécution en paiement d'une certaine somme en raison de l'absence de versement du prix de la vente des titres saisis. Examen du moyen 9. Il est statué sur ce moyen après avis de la chambre commerciale du 30 mars 2022, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile. Enoncé du moyen 10. La SCI fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir condamner la banque à lui verser les sommes de 55 060,55 euros en raison de l'absence de versement du prix de la vente des titres saisis avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017 et capitalisation des intérêts et de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors : « 1°/ que si le titulaire de valeurs nominatives a chargé un intermédiaire habilité de gérer son compte, la saisie est opérée auprès de ce dernier ; que l'acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur ; qu'en retenant que la société Bnp Paribas, en sa qualité d'intermédiaire habilité pour l'ensemble des valeurs mobilières inscrites en compte au nom du débiteur auprès duquel a été opérée la saisie n'avait pas l'obligation d'informer la société émettrice des droits d'associés et valeurs mobilières saisis de leur indisponibilité, quand l'intermédiaire habilité est tenu d'informer le mandataire de la société émettrice de la saisie pratiquée et de l'indisponibilité en résultant, la cour d'appel a méconnu les articles R. 232-3 et R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°/ que l'acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur ; qu'en retenant qu'il ne peut pas être reproché à la banque le fait que le produit de la vente des droits d'associés et valeurs mobilières saisis n'ait pas été versé au créancier poursuivant, quand le produit de la vente est indisponible entre les mains de l'intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier, la cour d'appel a méconnu l'article R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour 11. S'il résulte des dispositions des articles L. 211-14, L. 211-15, L. 211-17 et R. 211-1 du code monétaire et financier que les titres financiers sont négociables, qu'ils se transmettent par virement de compte à compte, que le transfert de leur propriété résulte de leur inscription au compte-titres de l'acquéreur et qu'ils ne sont matérialisés que par cette inscription, il ressort en revanche de l'article L. 211-14 du code monétaire et financier que les parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ne sont pas négociables, et de l'article L. 214-93 du même code que le transfert de leur propriété résulte d'une inscription, non au compte-titres de l'acquéreur, mais sur le registre des associés, cette inscription étant réputée constituer l'acte de cession écrit prévu par l'article 1865 du code civil. 12. Il s'en déduit que les parts de la SCPI ne sont pas des valeurs mobilières, de sorte que les dispositions de l'article R. 232-3, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, qui s'appliquent aux seules valeurs mobilières nominatives, ne leur sont pas applicables. 13. La saisie des parts de la SCPI devant, dès lors, être effectuée, conformément aux dispositions de l'article R. 232-1 du code des procédures civiles d'exécution, entre les mains de la société émettrice de ces parts, la signification de l'acte de saisie à un intermédiaire chargé de gérer un compte-titres dans lequel ces parts ont été inscrites est dépourvue d'effet et ne rend pas indisponibles les droits pécuniaires du débiteur. 14. Aucune obligation légale ou réglementaire n'impose à cet intermédiaire d'aviser la société émettrice de cette saisie ni de représenter les fonds issus d'une vente de ces titres. 15. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a constaté que la saisie portait sur des parts de sociétés civiles de placement immobilier, se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société civile immobilière Rafy aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Rafy et la condamne à payer à la société BNP Paribas la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société civile immobilière (SCI) Rafy Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société civile immobilière Rafy de ses demandes tendant à voir condamner la SA BNP Paribas à lui verser les sommes de 55.060,55 euros tenant à l'absence de versement du prix de la vente des titres saisis avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017 et capitalisation des intérêts et de 5.000 à titre de dommages intérêts ; AUX MOTIFS QUE Cependant, comme le soutient, à bon droit l'intimée, il ne résulte pas de l'article R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution que la société Bnp Paribas, en sa qualité d'intermédiaire habilité pour l'ensemble des valeurs mobilières inscrites en compte au nom du débiteur auprès duquel a été opérée la saisie comme le permet l'article R. 232-4, a l'obligation d'informer la société émettrice des droits d'associés et valeurs mobilières saisis de leur indisponibilité, étant ajouté qu'il n'est pas contesté que la société Bnp Paribas a déclaré exactement à l'huissier de justice instrumentaire qu'elle détenait pour le compte du débiteur des parts des Scpi Accimo Pierre et Pierre Sélection. Il ne peut donc lui être reproché le fait que le produit de la vente faite par la société gestionnaire des Scpi à la demande du débiteur, sans qu'il soit établi que l'intimée en ait été informée, n'a pas été versé au créancier poursuivant, étant rappelé que l'article R. 233-3 est inapplicable aux saisies de parts de la SCPi. Il sera ajouté que l'appelante n'établit pas que la société gestionnaire ait versé directement le produit de la vente à la société Bnp Paribas pour le compte de la débitrice et admet qu'il a été versé sur le compte ouvert au nom de la débitrice auprès de la banque et non directement à celle-ci. Dès lors que la saisie portait sur des droits d'associés et valeurs mobilières non admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de gestion et que le débiteur n'avait pas informé l'huissier de justice instrumentaire, dans le délai d'un mois à compter de la saisie, conformément à l'article L. 221-3 du code des procédures civiles d'exécution, de son intention d'user de la faculté de vendre volontairement les parts saisies, il appartenait au créancier poursuivant de procéder dans les formes prévues aux articles R. 233-5 et suivants du même code et de faire établir un cahier des charges en vue de la vente des parts sur adjudication. En l'espèce, ce n'est que le 5 octobre 2017, soit plus de seize mois après la saisie, que le cahier des charges a été signifié à la société gestionnaire des Scpi laquelle a indiqué à l'huissier les dates auxquelles les parts avaient été vendues et le nombre des parts vendues. Il convient donc de confirmer le jugement attaqué, sans qu'il y a ait lieu de procéder aux injonctions sollicitées à titre subsidiaire, dont l'exécution ne serait pas de nature à modifier la présente décision. ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE L'article L. 123-1 dispose que « Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils y apportent leur concours lorsqu'ils en sont légalement requis. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts. Dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut aussi être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur ». En l'espèce, sont versés aux débats à l'appui de la demande - le titre exécutoire détenu par le créancier saisissant à l'encontre de l'association Eglise du christianisme céleste, paroisse Saint Esprit, à savoir un arrêt du 19 mars 2015, par lequel ladite association a été condamnée à verser à la SCI Rafy les sommes de 72.140,74 euros, 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, signifié le 16 avril 2015 au débiteur, - le procès-verbal de saisie-attribution dressé le 27 mai 2015, - la dénonciation faite à l'association Eglise du christianisme céleste, paroisse Saint Esprit, par acte du 1er juin 2015, - le jugement rejetant la contestation du débiteur, - la signification de ce jugement au tiers saisi. Il apparaît ainsi que la procédure de saisie est régulière. Cependant, il ressort, par ailleurs, des explications et pièces mêmes de la demanderesse que ce n'est nullement le tiers saisi qui a été informé par le débiteur de son souhait de vendre les parts de la SCPI et les a vendues mais la société de gestion, établissement autonome, aucun manquement à ses obligations ne pouvant ainsi être retenu de la part de la défenderesse qui a précisé au créancier ne pouvoir les vendre elle-même et quelle société le pouvait en lui donnant ses coordonnées, son courrier du 28 septembre 2017 démontrant qu'elle n'a pas été tenue informée par la société de gestion des ventes et versements successifs. ALORS DE PREMIERE PART QUE si le titulaire de valeurs nominatives a chargé un intermédiaire habilité de gérer son compte, la saisie est opérée auprès de ce dernier ; que l'acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur ; qu'en retenant que la société Bnp Paribas, en sa qualité d'intermédiaire habilité pour l'ensemble des valeurs mobilières inscrites en compte au nom du débiteur auprès duquel a été opérée la saisie n'avait pas l'obligation d'informer la société émettrice des droits d'associés et valeurs mobilières saisis de leur indisponibilité, quand l'intermédiaire habilité est tenu d'informer le mandataire de la société émettrice de la saisie pratiquée et de l'indisponibilité en résultant, la cour d'appel a méconnu les articles R. 232-3 et R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution ; ALORS DE SECONDE PART QUE l'acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur ; qu'en retenant qu'il ne peut pas être reproché à la banque le fait que le produit de la vente des droits d'associés et valeurs mobilières saisis n'ait pas été versé au créancier poursuivant, quand le produit de la vente est indisponible entre les mains de l'intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier, la cour d'appel a méconnu l'article R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution.
S'il résulte des dispositions des articles L. 211-14, L. 211-15, L. 211-17 et R. 211-1 du code monétaire et financier que les titres financiers sont négociables, qu'ils se transmettent par virement de compte à compte, que le transfert de leur propriété résulte de leur inscription au compte-titres de l'acquéreur et qu'ils ne sont matérialisés que par cette inscription, il ressort, en revanche, de l'article L. 211-14 du code monétaire et financier que les parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ne sont pas négociables et de l'article L. 214-93 du même code que le transfert de leur propriété résulte d'une inscription, non au compte-titres de l'acquéreur, mais sur le registre des associés, cette inscription étant réputée constituer l'acte de cession écrit prévu par l'article 1865 du code civil. Il s'en déduit que les parts de la SCPI ne sont pas des valeurs mobilières, de sorte que les dispositions de l'article R. 232-3, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, qui s'appliquent aux seules valeurs mobilières nominatives, ne leur sont pas applicables. La saisie des parts de SCPI devant, dès lors, être effectuée, conformément aux dispositions de l'article R. 232-1 du code des procédures civiles d'exécution, entre les mains de la société émettrice de ces parts, la signification de l'acte de saisie à un intermédiaire chargé de gérer un compte-titres dans lequel ces parts ont été inscrites est dépourvue d'effet et ne rend pas indisponibles les droits pécuniaires du débiteur. Aucune obligation légale ou réglementaire n'impose à cet intermédiaire d'aviser la société émettrice de cette saisie ni de représenter les fonds issus d'une vente de ces titres
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1261 F-B Pourvoi n° F 20-20.233 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 M. [M] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 20-20.233 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2020 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Finatrans, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. [N], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Finatrans, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 juillet 2020), par ordonnance de référé en date du 8 juin 1993, M. [N] a été condamné, en sa qualité de caution solidaire de la société JP Dara, placée en liquidation judiciaire par jugement du 17 mai 1993, à payer une certaine somme à la société Finatrans (la société), laquelle a fait pratiquer une saisie-attribution sur le fondement de cette décision. 2. M. [N] a saisi un juge de l'exécution d'une contestation. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [N] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 15 mars 2019 à la requête de la société entre les mains de la Banque populaire, agence d'[Localité 3], alors « que le juge de l'exécution a compétence exclusive pour connaître des contestations élevées à l'occasion de l'exécution forcée et ce même si elles portent sur le fond du droit, telle l'extinction de la créance postérieurement au titre exécutoire qui l'a constatée ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a estimé que le juge de l'exécution n'était pas compétent pour apprécier les causes d'extinction de la créance postérieure à la décision valant titre de créance, le juge de l'exécution ne pouvait remettre en cause le dispositif de cette décision définitive ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs, violant l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire. » Réponse de la Cour Vu les articles 2313 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, 53, alinéa 4, de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, alors en vigueur, L. 213-6, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution : 4. ll résulte de la combinaison de ces textes que les dispositions de l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, aux termes desquelles le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution, ne font pas obstacle à ce qu'une caution, à l'encontre de laquelle a été pratiquée une mesure d'exécution forcée sur le fondement d'une décision l'ayant condamnée à exécuter son engagement, puisse invoquer devant le juge de l'exécution l'extinction de la créance garantie pour une cause postérieure à cette décision. 5. Pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt relève, d'abord, que le juge de l'exécution a dit qu'il ne lui appartenait pas de modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, que M. [N] critique cette motivation en faisant valoir que le juge de l'exécution doit prendre en compte les faits postérieurs à la délivrance de la décision, dès lors qu'ils auraient modifié le montant de la dette, que, se prévalant des dispositions de l'article 2313 du code civil qui autorisent la caution à se prévaloir de toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et sont inhérentes à la dette, M. [N] soutient que sa dette est éteinte comme celle du débiteur principal à défaut de déclaration de la créance à la procédure collective en vertu de l'article L. 621-46 ancien du code de commerce, que l'ordonnance de référé du 8 juin 1993 a été rendue avant l'expiration du délai de deux mois dont bénéficiait le créancier pour déclarer sa créance et que le défaut de déclaration de celle-ci est bien un fait postérieur à la décision qui fonde les poursuites. Il retient, ensuite, que le moyen ainsi soutenu par M. [N] procède d'une analyse erronée de la compétence du juge de l'exécution pour apprécier les causes d'extinction de la créance postérieures à la décision valant titre de créance et qu'à supposer que la créance à l'encontre du débiteur principal soit éteinte à défaut de déclaration à la procédure collective de la société JP Dara, il appartenait à M. [N] de le faire valoir dans le cadre d'un appel contre l'ordonnance de référé ou d'une instance devant le juge du fond et que le juge de l'exécution ne saurait remettre en cause le dispositif de cette décision définitive. 6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement rendu le 28 novembre 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, il a débouté M. [N] de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution, l'arrêt rendu le 7 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ; Condamne la société Finatrans aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Finatrans et la condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. [N] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [M] [N] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 15 mars 2019 à la requête de la société Finatrans entre les mains de la Banque Populaire, agence d'[Localité 3] ; 1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, M. [M] [N] soutenait que l'acte ne pouvait être signifié à domicile que si la signification à personne s'avérait impossible, l'huissier instrumentaire devant relater les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à personne et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification à personne, la simple apposition d'une croix devant une ligne préimprimée indiquant que l'huissier instrumentaire n'a « pu avoir les précisions suffisantes sur le lieu où se trouvait le destinataire » ne satisfaisant pas à ces exigences ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que rien n'établit que l'huissier instrumentaire n'a pas délivré l'acte à l'adresse du domicile de M. [M] [N], cet huissier non informé de la nouvelle adresse de M. [N] ayant délivré l'acte à la dernière adresse connue de ce dernier ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [N] sur l'insuffisance des mentions de l'acte permettant de caractériser l'impossibilité de le signifier à personne, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'acte ne peut être signifié à domicile que si la signification à personne s'avère impossible, l'huissier instrumentaire devant préciser dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour signifier à personne et les circonstances rendant impossible une telle signification ; qu'en déclarant valable la signification faite à domicile de l'ordonnance du 8 juin 1993 en dépit de l'absence de mentions dans l'acte des diligences accomplies par l'huissier pour signifier à personne et des circonstances rendant une telle signification impossible, la cour d'appel a violé l'article 655 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, ensemble les articles L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution et 503 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE le motif hypothétique ou dubitatif équivaut à un défaut de motif ; que pour estimer que l'irrégularité de la signification de l'ordonnance du 8 juin 1993 n'aurait pas fait grief à M. [M] [N], la cour d'appel a énoncé « qu'on imagine mal que M. [N] n'ait pas réclamé cette décision » ou encore que « son avocat n'a pas dû manquer d'informer son client de la décision rendue » ; qu'en se fondant ainsi sur de tels motifs hypothétiques, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [M] [N] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 15 mars 2019 à la requête de la société Finatrans entre les mains de la Banque Populaire, agence d'[Localité 3] ; 1°) ALORS QUE le juge de l'exécution a compétence exclusive pour connaître des contestations élevées à l'occasion de l'exécution forcée et ce même si elles portent sur le fond du droit, telle l'extinction de la créance postérieurement au titre exécutoire qui l'a constatée ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a estimé que le juge de l'exécution n'était pas compétent pour apprécier les causes d'extinction de la créance postérieure à la décision valant titre de créance, le juge de l'exécution ne pouvait remettre en cause le dispositif de cette décision définitive ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs, violant l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ; 2°) ALORS QUE le juge ne peut, sans excéder ses pouvoirs, statuer au fond sur un moyen de défense après avoir jugé qu'elle n'avait pas de pouvoir juridictionnel pour statuer sur ce moyen ; que la cour d'appel a tout d'abord jugé que le juge de l'exécution n'avait pas le pouvoir juridictionnel pour statuer sur l'extinction de la créance du créancier saisissant avant d'estimer que le défendeur n'apportait pas la preuve du fait, ou de l'abstention du créancier, justifiant de l'extinction de sa créance ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, violant les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et 562 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Finatrans n'a non seulement pas contesté qu'elle n'avait pas produit sa créance dans la procédure collective du débiteur principal mais a même admis son défaut de déclaration de créance (concl. p. 14 point 2) ; qu'en énonçant que la société Finatrans n'avait pas « expressément reconnu » ne pas avoir déclaré sa créance à la procédure collective du débiteur principal mais qu'elle n'était pas en mesure de justifier de sa déclaration compte tenu de l'ancienneté de cette procédure, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe de l'interdiction de dénaturer les actes clairs ; 4°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE nul ne peut être contraint de rapporter une preuve impossible d'un fait négatif ; qu'en mettant à la charge de M. [N] la preuve de ce que la société Finatrans n'avait pas produit sa créance dans la procédure collective du débiteur principal à laquelle M. [N] était tiers, outre que, selon l'arrêt attaqué lui-même, cette preuve ne pouvait pas être rapportée compte tenu de l'ancienneté de cette procédure, la cour d'appel a mis à la charge de M. [N] la preuve d'un fait négatif impossible à rapporter, violant l'article 1353 du code civil ; 5°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, M. [N] avait fait valoir que, outre le défaut de déclaration de sa créance à la procédure collective du débiteur principal, rendant impossible sa subrogation en tant que caution de ce dernier, la société Finatrans avait omis d'exercer son action en revendication du matériel financé par le contrat de crédit-bail conclu avec ce débiteur principal et pour lequel M. [N] avait donné son cautionnement, rendant ainsi, par le fait de ce créancier, impossible la subrogation de la caution dans les droits de ce dernier, ce qui devait entraîner la décharge de cette caution, en application de l'article 2314 du code civil ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte de la combinaison des articles 2313 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, 53, alinéa 4, de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, alors en vigueur, L. 213-6, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution que les dispositions du dernier de ces textes, aux termes desquelles le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l'exécution, ne font pas obstacle à ce qu'une caution, à l'encontre de laquelle a été pratiquée une mesure d'exécution forcée sur le fondement d'une décision l'ayant condamnée à exécuter son engagement, puisse invoquer devant le juge de l'exécution l'extinction de la créance garantie pour une cause postérieure à cette décision
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1265 F-B Pourvoi n° A 21-15.425 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 1°/ Mme [N] [I], épouse [F], 2°/ M. [H] [F], tous deux domiciliés [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° A 21-15.425 contre l'arrêt n° RG : 19/04259 rendu le 18 février 2021, rectifié par l'arrêt n° RG : 21/03663 rendu le 25 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [R] [X], domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société Carpentier [X] Claudot, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], 3°/ à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [I], épouse [F] et M. [F], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X] et la société Carpentier [X] Claudot, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 18 février 2021 et 25 mars 2021), par acte notarié reçu le 24 juin 2008 par la société [X] Carpentier Mancy, la société BNP Paribas (la banque) a consenti à la société Brise marine un prêt pour l'acquisition d'un bien immobilier, garanti par la caution de M. [F] et de Mme [I]. 2. A la suite de la cessation du remboursement du prêt par la société Brise marine, la banque a prononcé l'exigibilité anticipée du solde du prêt et inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur les droits et portions d'un bien immobilier appartenant à M. [F] et à Mme [I]. 3. Le 19 novembre 2015, M. [F] et Mme [I] ont assigné la banque devant un juge de l'exécution en mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire et en condamnation de la banque au paiement de dommages-intérêts. 4. Par jugement du 11 octobre 2016, un juge de l'exécution a constaté la nullité de l'engagement de caution contenu dans l'acte notarié du 24 juin 2008 en raison du vice du consentement de cet engagement, ordonné la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et condamné la banque au paiement de dommages-intérêts. 5. La banque a interjeté appel de ce jugement. Par arrêt du 24 mai 2018, une cour d'appel a infirmé le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'engagement de caution et condamné la banque à payer des dommages-intérêts, et, statuant de nouveau, a jugé que M. [F] et Mme [I], cautions du prêt consenti à la société Brise marine par acte notarié du 24 juin 2008, étaient déchargés de leur obligation de garantie. 6. Le 28 février 2019, M. [X], notaire associé, et la société Carpentier [X] Claudot, notaires associés (l'office notarial), ont formé tierce opposition à l'encontre de l'arrêt du 24 mai 2018. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. M. [F] et Mme [I] font grief à l'arrêt du 18 février 2021, rectifié par l'arrêt du 25 mars 2021, de déclarer recevable la tierce opposition formée par M. [X] et l'office notarial à l'encontre de l'arrêt du 24 mai 2018, de rétracter cet arrêt et statuant à nouveau de dire que, cautions du prêt consenti à la société Brise Marine, ils restaient tenus par leur obligation de garantie, alors « que la tierce opposition n'est ouverte que contre le dispositif des décisions de justice, faisant directement grief à son auteur, et non contre les motifs ; que, pour déclarer recevable la tierce opposition du notaire et de la SCP notariale, la cour d'appel, après avoir relevé leur assignation en responsabilité par la banque, a énoncé que, dans l'arrêt attaqué du 24 mai 2018, elle avait « dit et jugé que les époux [F] sont déchargés de leur obligation de garantie au motif que l'acte authentique de prêt du 24 juin 2008 n'a pas pu donner naissance au privilège de prêteur de dernier dans la mesure où il n'a pas été publié » ; qu'en se fondant ainsi, pour apprécier la recevabilité de la tierce opposition, sur les motifs de l'arrêt attaqué, cependant que son dispositif ne comportait, suivant ses propres constatations, aucun chef faisant directement grief au notaire et la SCP notariale, qui n'y étaient pas même visés, la cour d'appel a violé l'article 583, alinéa 1, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 8. M. [X] et la SCP notariale contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau, mélangé de fait et de droit, et par conséquent irrecevable. 9. Cependant, le moyen, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait pas été constaté par les juges du fond, peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation. 10. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 583, alinéa 1er, du code de procédure civile : 11. Aux termes de cet article, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque. 12. L'autorité de la chose jugée étant limitée au dispositif des décisions, la tierce opposition n'est, dès lors, pas ouverte contre les motifs des décisions. 13. Pour déclarer recevable la tierce opposition de M. [X], notaire, et de l'office notarial, l'arrêt retient que l'arrêt du 24 mai 2018 a dit et jugé que M. [F] et Mme [I] sont déchargés de leur obligation de garantie au motif que l'acte authentique de prêt du 24 juin 2008 n'a pas pu donner naissance au privilège de prêteur de denier dans la mesure où il n'a pas été publié et que le 25 septembre 2015, la banque a mis en cause la responsabilité de M. [X] et de l'office notarial devant un tribunal de grande instance au motif que M. [X] a omis de préserver sa créance par la prise de garanties hypothécaires conformément aux instructions reçues et n'a jamais porté à sa connaissance l'impossibilité à laquelle il aurait pu être confronté. 14. L'arrêt en déduit que M. [X] et l'office notarial, qui n'ont pas été attraits dans la procédure ayant donné lieu à l'arrêt du 24 mai 2018, ont un intérêt légitime, actuel, direct et personnel à agir en contestation de cette disposition de l'arrêt qui leur fait grief. 15. En statuant ainsi, en se fondant, pour apprécier la recevabilité de la tierce opposition, sur des motifs de l'arrêt du 24 mai 2018 caractérisant un intérêt direct et personnel des demandeurs à celle-ci, quand le dispositif de l'arrêt du 24 mai 2018 se bornait à décharger les cautions de leur obligation de garantie et ne comportait aucun chef de dispositif faisant grief au notaire et à l'office notarial, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 février 2021, rectifié par arrêt du 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne M. [X], la société Carpentier [X] Claudot et la société BNP Paribas aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [X] et la société Carpentier [X] Claudot et celle formée par la société BNP Paribas et condamne M. [X] et la société Carpentier [X] Claudot à payer à M. [F] et à Mme [I] la somme globale de 1 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassé et rectifié ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [N] [I], épouse [F] et M. [H] [F] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [H] [F] et Mme [N] [F] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la tierce opposition formée par Me [R] [X] et la SCP Carpentier [X] Claudot à l'encontre de l'arrêt du 24 mai 2018, d'avoir retracté cet arrêt et statuant à nouveau d'avoir dit que, cautions du prêt consenti à la SARL Brise Marine, ils restaient tenus par leur obligation de garantie ; 1°) Alors que la tierce opposition n'est ouverte que contre le dispositif des décisions de justice, faisant directement grief à son auteur, et non contre les motifs ; que, pour déclarer recevable la tierce opposition du notaire et de la SCP notariale, la cour d'appel, après avoir relevé leur assignation en responsabilité par la banque, a énoncé que, dans l'arrêt attaqué du 24 mai 2018, elle avait « dit et jugé que les époux [F] sont déchargés de leur obligation de garantie au motif que l'acte authentique de prêt du 24 juin 2008 n'a pas pu donner naissance au privilège de prêteur de dernier dans la mesure où il n'a pas été publié » ; qu'en se fondant ainsi, pour apprécier la recevabilité de la tierce opposition, sur les motifs de l'arrêt attaqué, cependant que son dispositif ne comportait, suivant ses propres constatations, aucun chef faisant directement grief au notaire et la SCP notariale, qui n'y étaient pas même visés, la cour d'appel a violé l'article 583, alinéa 1, du code de procédure civile ; 2°) Alors que l'auteur de la tierce opposition doit justifier d'un intérêt à agir qui lui soit propre ; que la cour d'appel a elle-même constaté que l'arrêt attaqué par le notaire et la SCP notariale avait seulement dit et jugé que les époux [F], cautions du prêt consenti à la société Brise Marine par acte notarié en date du 24 juin 2008, sont déchargés de leur obligation de garantie ; qu'en décidant cependant que ces derniers avaient « un intérêt légitime, actuel, direct et personnel à agir en contestation de cette disposition dudit arrêt qui leur fait en effet grief », cependant que, au regard de la décharge des cautions prononcée par l'arrêt attaqué du 24 mai 2018, l'intérêt à agir du notaire et de la SCP notariale se confondait avec celui de la banque, privée de sa garantie, ce dont il résultait leur absence d'intérêt propre à agir, la cour d'appel a encore violé l'article 583, alinéa 1, du code de procédure civile ; 3°) Alors que nul ne plaide par procureur ; que le notaire ne pouvait demander au lieu et place de la BNP PARIBAS qui ne formulait aucune demande en ce sens, de dire et juger que les époux [F] ne sont pas déchargés de leur obligation de caution ; qu'en faisant droit à cette demande du notaire l'arrêt attaqué a violé la règle nul ne plaide par procureur. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) M. [H] [F] et Mme [N] [F] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté l'arrêt du 24 mai 2018 en ce qu'il a dit et jugé que, cautions du prêt consenti à la SARL Brise Marine par acte notarié en date du 24 juin 2008, ils sont déchargés de leur obligation de garantie, et, en conséquence, d'avoir dit qu'ils restent tenus par leur obligation de garantie ; 1°) Alors que dans leurs écritures, pour s'opposer à la remise en question du chef les ayant déchargés de leur obligation de garantie, les époux [F] ont invoqué la disproportion de leur engagement de caution, sur le fondement de l'article L. 341-4 du code de la consommation (concl., p. 16-17), la nullité de la clause d'intérêts, l'absence de déchéance du terme et l'absence de créance exigible au profit de la BNP (concl., p. 17 s.) ; que l'arrêt attaqué ne se prononce sur aucun de ces moyens en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) Alors que la tierce opposition remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; que le défendeur est recevable à présenter toutes prétentions tendant à faire écarter celles du tiers opposant ; qu'à supposer que la cour d'appel ait considéré n'avoir pas à répondre aux moyens des conclusions des époux [F], défendeurs à la tierce opposition, de nature, à faire écarter au fond les prétentions du tiers opposant, elle a méconnu l'effet dévolutif de la tierce opposition et a violé l'article 582 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) M. [H] [F] et Mme [N] [F] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté l'arrêt du 24 mai 2018 en ce qu'il a dit et jugé que, cautions du prêt consenti à la SARL Brise Marine par acte notarié en date du 24 juin 2008, ils sont déchargés de leur obligation de garantie, et, en conséquence, d'avoir dit qu'ils restent tenus par leur obligation de garantie ; 1°) Alors que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; que, pour décider que le notaire disposait d'un pouvoir de représentation « donné dès l'origine » par la société Quo Vadis, vendeur, pour établir le 9 octobre 2015 un acte rectificatif de l'acte de vente du 24 juin 2008, la cour d'appel s'est fondée sur une clause stipulée à l'acte de prêt du 24 juin 2008 passé entre la banque et l'acquéreur, suivant laquelle, « pour l'accomplissement des formalités de publicité foncière, les parties (…) donnent tous pouvoirs nécessaires à tout clerc habilité (....) à l'effet de faire dresser et signer tous actes complémentaires ou rectificatifs (…) », étant relevé que « l'acte rectificatif du 9 octobre 2015 renvoie bien à l'acte de prêt du 24 juin 2008 » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la société Quo Vadis, venderesse, suivant ses propres constatations (arrêt, p. 3), n'était pas partie à l'acte de prêt du 24 juin 2008, la cour d'appel a violé l'article 1165, devenu 1199, du code civil ; 2°) Alors que dans leurs écritures, les époux [F] ont invoqué l'autorité de chose jugée attachée à un jugement du 28 mai 2018 rendu par le tribunal de commerce de Toulon (concl., p. 23), publié au service de la publicité foncière, ayant dit que le défaut de consentement de la part des sociétés SARL Brise Marine et SA Quo Vadis dans la signature de l'acte rectificatif du 9 octobre 2015 a pour conséquence la nullité dudit acte, déclaré ledit acte nul pour défaut de consentement de la part de la SARL Brise Marine et de la SA Quo Vadis et prononcé sa nullité dudit acte ; qu'en donnant effet à l'acte rectificatif du 9 octobre 2015, sans se prononcer sur l'autorité de chose jugée du jugement du 28 mai 2018, qui en avait constaté la nullité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) M. [H] [F] et Mme [N] [F] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que sa décision de rétractation de l'arrêt du 24 mai 2018, par laquelle la cour d'appel a dit que, cautions du prêt consenti à la SARL Brise Marine par acte notarié du 24 juin 2008, ils restent tenus par leur obligation de garantie, a autorité de chose jugée à l'égard de toutes les parties appelées à l'instance en application de l'article 584 du code de procédure civile ; Alors qu'il résulte de la combinaison des articles 584 et 591 du code de procédure civile qu'en cas de tierce opposition le jugement primitif conserve ses effets entre parties même sur les chefs annulés ; qu'il n'en est autrement qu'en cas d'indivisibilité absolue lorsqu'il est impossible d'exécuter en même temps les deux décisions ; que, pour décider que sa décision de rétractation de l'arrêt du 24 mai 2018, par laquelle elle a dit que les époux [F], cautions du prêt consenti à la société Brise Marine par acte notarié du 24 juin 2008, restaient tenus par leur obligation de garantie, a chose jugée à l'égard de toutes les parties appelées à l'instance, la cour d'appel a énoncé que conformément à l'article 591 du code de procédure civile sa décision a autorité de chose jugée à l'égard de toutes les parties appelées à l'instance en application de l'article 584 du même code ; que toutefois l'inexécution des engagements de caution envers la banque n'emporte aucune impossibilité d'exécution d'une éventuelle condamnation ou exonération du notaire au titre de sa responsabilité professionnelle à l'égard de la banque ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé les textes susvisés.
Selon l'article 583, alinéa 1, du code de procédure civile, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque. L'autorité de la chose jugée étant limitée au dispositif des décisions, la tierce opposition n'est, en conséquence, pas ouverte contre les motifs des décisions. Encourt, dès lors, la cassation un arrêt qui caractérise l'intérêt direct et personnel des demandeurs à la tierce opposition à une décision en se fondant sur les motifs de cette décision quand aucun chef de dispositif ne concernait les demandeurs ni ne leur faisait grief
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1269 F-B Pourvoi n° J 21-14.145 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 M. [K] [C], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-14.145 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2020 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre civile TGI), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, domicilié en son parquet général [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [C], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 26 juin 2020), par jugement réputé contradictoire du 5 septembre 2018, sur assignation délivrée par le procureur de la république, un tribunal de grande instance a annulé l'enregistrement de la déclaration de nationalité française de M. [C] et dit qu'il n'est pas de nationalité française. 2. M. [C] a relevé appel de ce jugement. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. [C] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de nullité de l'assignation et d'annuler l'enregistrement n°00235/16 intervenu le 6 janvier 2016, de la déclaration de nationalité française auprès de la préfecture, souscrite le 23 avril 2015, et de dire qu'il n'est pas de nationalité française, alors « que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; qu'en se bornant à énoncer que « à ce jour, aucune personne répondant à l'identification du destinataire de l'acte n'y a son domicile. À l'adresse indiquée dans l'acte, l'intéressé n'y demeure plus. La boîte à lettres est pleine de courrier et le voisinage m'indique que l'intéressé a quitté les lieux. Ne figure pas sur les Pages Blanches de l'annuaire électronique sur internet » et que ces diligences devaient être jugées suffisantes, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [C] n'avait pas un lieu de travail connu, la cour d'appel, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 654, 655 et 659, aliéna 1er, du code de procédure civile : 5. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsqu'il n'a pu s'assurer de la réalité du domicile du destinataire de l'acte et que celui-ci est absent, l'huissier de justice est tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail. 6. Il résulte du troisième que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. 7. Pour rejeter la demande d'annulation de l'assignation, l'arrêt retient que l'huissier de justice a pu constater qu'aucune personne répondant à l'identification du destinataire de l'acte n'a son domicile à l'adresse indiquée dans l'acte, que l'intéressé n'y demeure plus, que la boîte à lettres est pleine de courrier, que le voisinage lui indique que l'intéressé a quitté les lieux et qu'il ne figure pas sur les pages blanches de l'annuaire électronique sur internet. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le destinataire de l'acte avait un lieu de travail connu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Et sur le deuxième moyen, pris en sa septième branche Enoncé du moyen 9. M. [C] fait le même grief à l'arrêt, alors « que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; qu'en se bornant à affirmer que M. [C] n'a pu concevoir aucun grief sur la remise de l'assignation suivant cette forme puisque l'acte mentionnait qu'une copie avait été envoyée au destinataire à cette adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ainsi qu'un avis par lettre simple, cette dernière formalité étant requise dans l'hypothèse d'un dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier en cas d'impossibilité de remise à domicile, conformément aux dispositions des articles 655, alinéa 5, et 656, alinéa 1er , du code de procédure civile, sans rechercher si M. [C], qui ne s'était pas défendu en première instance, avait effectivement reçu ces documents de sorte qu'il aurait été en mesure de connaître la procédure engagée par le ministère public à son encontre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14, 114 et 659 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 114 et 659, alinéa 2 et 3, du code de procédure civile : 10. L'insuffisance de mention des diligences de l'huissier de justice constitue un vice de forme qui n'entraîne la nullité de la signification que sur la démonstration par celui qui l'invoque d'un grief. 11. Selon l'article 659, alinéa 2 et 3, du code de procédure civile, le jour de la signification ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification. Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité. 12. Pour rejeter la demande de nullité de l'assignation, l'arrêt retient que M. [C] n'a pu concevoir aucun grief sur la remise de l'assignation suivant cette forme puisque l'acte mentionne qu'une copie a été envoyée au destinataire à cette adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ainsi qu'un avis par lettre simple, cette dernière formalité étant requise dans l'hypothèse d'un dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier de justice en cas d'impossibilité de remise à domicile, conformément aux dispositions des articles 655, alinéa 5, et 656, alinéa 1er, du code de procédure civile. 13. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le dépôt de l'avis de passage et l'envoi de la lettre simple avaient été réceptionnés par leur destinataire, la cour d'appel, qui ne pouvait ainsi en déduire que M. [C], qui n'avait pas comparu devant le tribunal de grande instance, avait été avisé de la signification effectuée en application des alinéas 2 et 3 de l'article 659 du code de procédure civile et, partant, l'absence de grief, n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. [C] PREMIER MOYEN DE CASSATION Monsieur [K] [W] [C] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur [K] [W] [C] de sa demande de nullité de l'assignation et d'Avoir, en conséquence, annulé l'enregistrement n°00235/16 intervenu le 6 janvier 2016, de la déclaration de nationalité française auprès de la préfecture, souscrite le 23 avril 2015, par Monsieur [K] [W] [C] et dit que Monsieur [K] [W] [C] n'est pas de nationalité française, ALORS QUE lorsqu'il est partie principale, le ministère public doit être présent à l'audience ; qu'il ne résulte ni des mentions de la décision ni des pièces du dossier que le ministère public aurait été présent lors de l'audience ; qu'en statuant dans ces conditions, la cour d'appel a violé l'article 431 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Monsieur [K] [W] [C] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur [K] [W] [C] de sa demande de nullité de l'assignation et d'Avoir, en conséquence, annulé l'enregistrement n°00235/16 intervenu le 6 janvier 2016, de la déclaration de nationalité française auprès de la préfecture, souscrite le 23 avril 2015, par Monsieur [K] [W] [C] et dit que Monsieur [K] [W] [C] n'est pas de nationalité française, 1°) ALORS QUE lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; qu'en se bornant à énoncer que « à ce jour, aucune personne répondant à l'identification du destinataire de l'acte n'y a son domicile. À l'adresse indiquée dans l'acte, l'intéressé n'y demeure plus. La boîte à lettres est pleine de courrier et le voisinage m'indique que l'intéressé a quitté les lieux. Ne figure pas sur les Pages Blanches de l'annuaire électronique sur internet » et que ces diligences devaient être jugées suffisantes, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Monsieur [C] n'avait pas un lieu de travail connu (conclusions, p. 7 et 11), la cour d'appel, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en tout état de cause, en considérant que les diligences de l'huissier étaient suffisantes, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'acte de signification ne comportait aucune mention relatant les diligences accomplies par l'huissier de justice pour rechercher le lieu de travail de la destinataire de l'acte, la cour d'appel a violé l'article 659 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en se bornant à énoncer que « à ce jour, aucune personne répondant à l'identification du destinataire de l'acte n'y a son domicile, à l'adresse indiquée dans l'acte, l'intéressé n'y demeure plus, la boîte à lettres est pleine de courrier et le voisinage m'indique que l'intéressé a quitté les lieux, ne figure pas sur les pages blanches de l'annuaire électronique sur internet » et que ces diligences devaient être jugées suffisantes, motifs impropres à justifier de ce que l'huissier aurait accompli des diligences suffisantes pour rechercher le destinataire de l'acte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; qu'en se bornant à citer, en tant que diligences accomplies par l'huissier, le fait que M. [C] ne figure pas dans les pages blanches, sans préciser en quoi ces diligences seraient suffisantes, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QU'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'huissier n'aurait pas pu solliciter les services de police ou de gendarmerie, les services de la mairie, les opérateurs téléphoniques, ou le moteur de recherche google pour s'assurer du domicile de Monsieur [C] (conclusions, p. 10) la cour d'appel, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile ; 6°) ALORS QU'en retenant que le ministère public devait être réputé n'avoir pas conclu, en l'absence de dépôt de ses conclusions par voie électronique, et en relevant d'office le moyen tiré de ce que Monsieur [C] n'a pu concevoir aucun grief sur la remise de l'assignation suivant la forme de la signification puisque l'acte mentionnait qu'une copie avait été envoyée au destinataire à cette adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ainsi qu'un avis par lettre simple, cette dernière formalité étant requise dans l'hypothèse d'un dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier en cas d'impossibilité de remise à domicile, conformément aux dispositions des articles 655 alinéa 5 et 656 alinéa 1er du code de procédure civile, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle envisageait de relever d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; En tout état de cause, 7°) ALORS QUE nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; qu'en se bornant à affirmer que Monsieur [C] n'a pu concevoir aucun grief sur la remise de l'assignation suivant cette forme puisque l'acte mentionnait qu'une copie avait été envoyée au destinataire à cette adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ainsi qu'un avis par lettre simple, cette dernière formalité étant requise dans l'hypothèse d'un dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier en cas d'impossibilité de remise à domicile, conformément aux dispositions des articles 655 alinéa 5 et 656 alinéa 1er du code de procédure civile, sans rechercher si Monsieur [C], qui ne s'était pas défendu en première instance, avait effectivement reçu ces documents de sorte qu'il aurait été en mesure de connaître la procédure engagée par le ministère public à son encontre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14, 114 et 659 du code de procédure civile ; 8°) ALORS QUE nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; qu'en énonçant que Monsieur [C] n'a pu concevoir aucun grief sur la remise de l'assignation suivant cette forme puisque l'acte mentionnait qu'une copie avait été envoyée au destinataire à cette adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ainsi qu'un avis par lettre simple, cette dernière formalité étant requise dans l'hypothèse d'un dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier en cas d'impossibilité de remise à domicile, conformément aux dispositions des articles 655 alinéa 5 et 656 alinéa 1er du code de procédure civile, et en statuant ainsi par des motifs tirés d'une réception théorique de l'assignation, impropres à exclure tout grief, la cour d'appel a violé les articles 14, 114 et 659 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Monsieur [K] [W] [C] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR annulé l'enregistrement n° 00235/16, intervenu le 6 janvier 2016, de la déclaration de nationalité française auprès de la Préfecture de la Réunion, souscrite le 23 avril 2015 par Monsieur [K] [W] [C], dit que Monsieur [K] [W] [C] n'est pas de nationalité française et ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil ; 1°) ALORS QUE l'irrecevabilité des conclusions emporte celle des pièces produites à leur appui ; qu'en considérant que le ministère public devait être regardé comme n'ayant pas conclu, ses conclusions n'ayant pas été transmises à la juridiction par voie électronique, en méconnaissance de l'article 930-1 du code de procédure civile, tout en tenant compte des pièces qu'il avait produites devant elle, la cour d'appel a violé les articles 906 et 930-1 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en considérant que le ministère public devait être regardé comme n'ayant pas conclu, ses conclusions n'ayant pas été déposées par voie électronique, tout en se fondant sur l'argumentation développée dans ces dernières, la cour d'appel a violé l'article 930-1 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en tout état de cause, une interruption de la vie commune suivie de sa reprise ne fait pas perdre à l'étranger le droit d'acquérir la nationalité française de son conjoint ; qu'en estimant que si Monsieur [K] [W] [C] établit qu'il n'a jamais quitté le domicile conjugal dont son épouse a été chassée en 2013, en témoignent les factures des divers abonnements et les avis d'imposition, pour autant la preuve de la reprise effective de la vie commune au sens des dispositions de l'article 215 du Code civil, c'est-à-dire dans ses aspects matériels, moraux et affectifs, n'est pas rapportée, l'échéance d'un crédit commun au 7 avril 2016 sans autre indication de la date de souscription ne pouvant à cet égard avoir une portée significative, sans viser ni analyser, fut ce sommairement, l'attestation de communauté de vie signée par les époux, et produite devant elle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 654, 655 et 659, alinéa 1, du code de procédure civile que lorsqu'il n'a pu s'assurer de la réalité du domicile du destinataire de l'acte et que celui-ci est absent, l'huissier de justice est tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 1270 F-B Pourvoi n° K 20-22.468 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 La société Demander justice, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 20-22.468 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ au Conseil national des barreaux, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à l'ordre des avocats du barreau de Paris, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Demander justice, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Conseil national des barreaux, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2020), la société Demander justice (la société) exploite deux sites Internet qui mettent à la disposition des internautes, moyennant rémunération, des déclarations de saisine d'un tribunal d'instance, d'une juridiction de proximité ou d'un conseil de prud'hommes, pouvant être complétées en ligne avec les informations utiles et étant ensuite adressées par la société en format papier au greffe de la juridiction. 2. Le Conseil national des barreaux (le CNB), auquel s'est ultérieurement joint le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris, a assigné la société aux fins d'obtenir sa condamnation sous astreinte à cesser toute activité d'assistance et de représentation en justice, de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé, et à cesser l'exploitation des sites Internet litigieux. 3. Par arrêt du 6 novembre 2018, la cour d'appel de Paris a pour partie confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 11 janvier 2017 les ayant déboutés de ces demandes et, infirmant partiellement ce jugement, elle a enjoint à la société de faire disparaître de son site, dans le mois de la signification de l'arrêt, les mentions relatives aux taux de réussite, sauf à en mentionner précisément les modalités de calcul et lui a fait interdiction d'utiliser ensemble sur son site les trois couleurs du drapeau français, ces deux injonctions étant assorties d'une astreinte de 5 000 euros par jour de retard, passé un délai d'un mois après la signification de la décision. 4. Par décision du 29 janvier 2020, le juge de l'exécution a liquidé l'astreinte pour la période du 14 mars au 6 novembre 2019. 5. La société a fait appel de cette décision et, par requête du 4 février 2020, elle a saisi la cour d'appel d'une demande tendant à voir retrancher de l'arrêt du 6 novembre 2018 les deux dispositions d'injonction et interdiction assorties des astreintes liquidées par le juge de l'exécution, pour lesquelles elle estimait que la cour d'appel avait statué au-delà de ce qui lui était demandé. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. La société fait grief à l'arrêt de dire irrecevable comme tardive sa requête en retranchement et en annulation du 4 février 2020, alors : « 1°/ que le droit au recours effectif implique qu'aucun délai ne saurait courir contre un justiciable pour former un recours contre une décision avant que cette décision ait été portée à sa connaissance ; que la société Demander Justice faisait valoir que l'arrêt du 6 novembre 2018 ne lui avait été signifié que le 5 février 2019, de sorte que sa requête en retranchement formée le 4 février 2020 l'avait été dans le délai d'un an à compter de la signification ; qu'en retenant néanmoins, pour juger sa requête irrecevable comme tardive, qu'elle avait été formée plus d'un an après le prononcé de la décision, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que le délai pour exercer le recours prévu par l'article 464 du code de procédure civile contre une décision ayant prononcé une astreinte ne peut courir qu'à compter de la date de signification qui rend cette décision exécutoire ; qu'en jugeant irrecevable comme tardive la requête en retranchement formée par la société Demander Justice au motif qu'elle avait été formée plus d'un an après le prononcé de la décision concernée, bien que les condamnations que celle-ci prononçait aient été assorties d'astreintes ne commençant par conséquent à courir que postérieurement à la signification, la cour d'appel a violé l'article 464 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 7. Le CNB conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est nouveau et mélangé de fait et de droit. 8. Toutefois, le moyen est de pur droit dès lors qu'il invoque une atteinte à la substance même du droit d'accès au juge et ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond. 9. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen 10. En application des articles 463 et 464 du code de procédure civile, la demande tendant à faire rectifier la décision par laquelle le juge s'est prononcé sur des choses non demandées ou a accordé plus qu'il n'a été demandé, doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité. 11. Cependant la force de chose jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut avoir pour effet de priver une partie d'un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée. 12. L'arrêt relève que l'arrêt du 6 novembre 2018 a été porté à la connaissance de la société par la signification du 5 février 2019. Il en résulte que celle-ci disposait d'un délai de 9 mois, courant jusqu'au 6 novembre 2019 pour agir en rectification de la décision. 13. Par ce motif de pur droit, substitué d'office à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve, dès lors que la société a disposé d'un recours effectif, légalement justifié. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Demander justice aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Demander justice et la condamne à payer au Conseil national des barreaux la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Demander justice La société Demander Justice fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit irrecevable comme tardive sa requête en retranchement et en annulation du 4 février 2020 ; 1°- ALORS QUE le droit au recours effectif implique qu'aucun ne saurait courir contre un justiciable pour former un recours contre une décision avant que cette décision ait été portée à sa connaissance ; que la société Demander Justice faisait valoir que l'arrêt du 6 novembre 2018 ne lui avait été signifié que le 5 février 2019, de sorte que sa requête en retranchement formée le 4 février 2020 l'avait été dans le délai d'un an à compter de la signification ; qu'en retenant néanmoins, pour juger sa requête irrecevable comme tardive, qu'elle avait été formée plus d'un an après le prononcé de la décision, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°- ALORS QUE le délai pour exercer le recours prévu par l'article 464 du code de procédure civile contre une décision ayant prononcé une astreinte ne peut courir qu'à compter de la date de signification qui rend cette décision exécutoire ; qu'en jugeant irrecevable comme tardive la requête en retranchement formée par la société Demander Justice au motif qu'elle avait été formée plus d'un an après le prononcé de la décision concernée, bien que les condamnations que celle-ci prononçait aient été assorties d'astreintes ne commençant par conséquent à courir que postérieurement à la signification, la cour d'appel a violé l'article 464 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution.
En application des articles 463 et 464 du code de procédure civile, la demande tendant à faire rectifier la décision par laquelle le juge s'est prononcé sur des choses non demandées ou a accordé plus qu'il n'a été demandé, doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité. Cependant, la force de chose jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut avoir pour effet de priver une partie d'un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée. Se trouve, dès lors, légalement justifié l'arrêt qui constate que, compte tenu de la date à laquelle la décision dont il est demandé rectification a été signifiée à une partie, celle-ci disposait d'un délai de neuf mois pour agir en rectification de la décision et disposait donc d'un recours effectif
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1272 F-B Pourvoi n° J 20-14.302 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 1°/ M. [X] [K], domicilié [Adresse 3], 2°/ Mme [M] [K], épouse [W], domiciliée [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° J 20-14.302 contre l'arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige les opposant à M. [S] [K], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [X] [K] et Mme [M] [K], épouse [W], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [S] [K], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 février 2020) et les productions, le 10 août 2018, agissant sur le fondement de décisions de justice lui attribuant diverses sommes dans un partage de succession, M. [S] [K] a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à M. [X] [K], débiteur principal, et à Mme [M] [K], épouse [W], tiers détentrice de l'immeuble saisi, précédemment acquis par M. [X] [K] et son épouse commune en biens, Mme [G] [F], qui en avaient fait donation à leur fille [M] en 2005, puis les a assignés devant un juge de l'exécution. Examen des moyens Sur le premier moyen 2. La première chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, sur l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats à l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, et Mme Berthomier, greffier de chambre. Énoncé du moyen 3. M. [X] [K] et Mme [M] [K] épouse [W] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir juger que la saisie ne pouvait pas porter sur le bien immobilier situé à [Localité 4], s'agissant d'un bien commun ne pouvant être appréhendé par un créancier personnel de M. [X] [K], et de valider la procédure de saisie immobilière engagée à leur encontre par M. [S] [K], alors : « 1°/ que le créancier d'un époux débiteur d'une dette personnelle ne peut inscrire une hypothèque sur un bien commun, même si celle-ci ne porte que sur les parts et portions de ce bien dont le débiteur est propriétaire ; qu'au cas présent, la cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que la dette due par M. [X] [K] à M. [S] [K] était une dette personnelle et que le bien saisi était un bien commun pour avoir été acheté par M. [X] [K] et son épouse ; qu'elle a constaté, par motifs propres, que l'hypothèque inscrite le 1er mars 2004 en garantie de la dette personnelle de M. [X] [K] ne portait que sur les seules parts et portions dont celui-ci était propriétaire sur ce bien commun ; qu'en permettant au créancier hypothécaire de poursuivre l'exécution de sa créance sur l'immeuble donné en garantie, cependant que l'hypothèque garantissant une dette personnelle de l'époux ne pouvait porter que sur les biens propres de celui-ci et en aucun cas sur ses parts et portions d'un bien commun, la cour d'appel a violé l'article 1411 du code civil ; 2°/ qu'est nulle une saisie immobilière pratiquée sur un bien commun en vertu d'une hypothèque dont l'inscription n'était pas autorisée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'immeuble hypothéqué en garantie d'une dette personnelle de M. [X] [K] était un bien commun, et que l'hypothèque inscrite le 1er mars 2004 ne portait que sur les seules parts et portions dont celui-ci était propriétaire sur ce bien ; qu'en jugeant valable la saisie immobilière diligentée par M. [S] [K] entre les mains de Mme [W] à laquelle l'immeuble hypothéqué avait été donné par M. [X] [K] et son épouse, sans préciser en quoi l'inscription de l'hypothèque, même limitée aux parts et portions dont M. [X] [K] était propriétaire sur ce bien commun, aurait été autorisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1411 du code civil. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article 1413 du code civil, le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du créancier. 5. S'il résulte de la combinaison des articles 1410 et 1411 du code civil que le paiement des dettes dont se trouvent grevées les successions qui échoient aux époux durant le mariage, lesquelles leur demeurent personnelles, tant en capitaux qu'en arrérages ou intérêts, ne peut être poursuivi que sur les biens propres et les revenus de l'époux débiteur, la condamnation d'un époux au paiement d'une somme au titre d'un recel successoral, de nature délictuelle, ne grève pas la succession au sens de ces dispositions. 6. La cour d'appel a relevé que l'inscription d'hypothèque avait été prise au profit de M. [S] [K] pour garantie de la somme due à la suite d'une condamnation pour recel successoral. 7. Il en résulte que son paiement pouvait être poursuivi sur les biens communs. 8. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié. Sur le second moyen Enoncé du moyen 9. M. [X] [K] et Mme [M] [K] font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de voir juger que la mesure de saisie immobilière ne pouvait concerner que la seule créance visée dans l'hypothèque pour un montant de 13 378,98 euros, et de décider que la créance poursuivie sera admise pour le montant de 242 218,38 euros arrêtée au 12 juin 2018, alors : « 1°/ que si le droit de suite du créancier hypothécaire peut être exercé sur le bien hypothéqué en quelque main qu'il se trouve, son exercice est toutefois limité au montant de la dette garantie par l'hypothèque ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que l'hypothèque portant sur le bien immobilier de Torreilles, donné par les époux [K]-[F] à Madame [W], avait été inscrite pour garantir le paiement de la dette due par Monsieur [X] [K] à Monsieur [S] [K] au titre du recel successoral (arrêt attaqué, p. 5) ; que cette dette qui s'élevait à l'origine à la somme de 68.602,06 euros n'était plus que de 13.378,98 euros au jour du commandement (jugement entrepris, p. 2), de sorte que la saisie de l'immeuble hypothéqué, à la supposer valable, ne pouvait permettre au créancier poursuivant de n'exercer son droit de préférence qu'à hauteur de cette somme ; qu'en fixant néanmoins à la somme de 242.218,38 euros le montant de la créance à recouvrer grâce à la procédure de saisie immobilière, ajoutant à la dette hypothécaire de 13.378,98 euros due au titre du recel successoral, une autre dette non garantie par l'hypothèque de 228.839,40 euros relative à la soulte due par Monsieur [X] [K], la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations ; qu'elle a violé, par-là, les articles 2461 et 2462 du code civil ; 2°/ que lorsqu'un bien hypothéqué a été donné, la saisie de l'immeuble entre les mains du donataire, suivie de sa vente, ne permet au créancier hypothécaire d'obtenir sur le prix de vente que le montant de sa créance garantie par l'hypothèque ; que le solde du prix de vente revenant au tiers détenteur, le créancier poursuivant ne saurait adjoindre à sa créance garantie par l'hypothèque d'autres créances non garanties qu'il détiendrait contre le donateur ; qu'au cas présent, pour fixer à la somme de 242.218,38 euros le montant de la créance à recouvrer grâce à la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a jugé que le créancier poursuivant pouvait adjoindre à sa créance garantie par l'hypothèque une autre créance issue d'une décision définitive valant titre exécutoire, car il était partie à la phase de distribution de deniers et pouvait à ce titre prétendre au remboursement de cette seconde créance chirographaire, après désintéressement des créanciers privilégiés, sur le solde qui reviendrait en toute hypothèse non au tiers détenteur évincé mais à son débiteur (arrêt attaqué, p. 5-6) ; qu'en statuant ainsi, cependant que le solde du prix de vente ne revient qu'au tiers détenteur, propriétaire du bien hypothéqué avant la saisie suivie de vente, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 331-1 et R. 334-2 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen : 10. M. [S] [K] conteste la recevabilité du moyen en faisant valoir que la Cour de cassation déclare irrecevables, au visa de l'article 605 du code de procédure civile, les moyens dirigés contre un chef de dispositif contenant non une décision consacrant la reconnaissance d'un droit, mais une simple constatation équivalent à un donné acte qui ne donne pas ouverture à cassation et relève que, contrairement à la rédaction du moyen, la cour d'appel n'a pas « admis » la créance du poursuivant pour le montant de 242 218,38 euros mais a « constat(é) que la créance dont le recouvrement (était) poursuivi par M. [S] [K] à l'encontre de M. [K], s'élev(ait) à la somme totale de 242 218,38 euros, arrêtée au 12 juin 2018 », chef de dispositif qui est purement déclaratif et qui se borne au simple constat des prétentions du poursuivant sans lui reconnaître le droit au paiement de cette somme à titre privilégié sur le prix de la vente à venir. 11. Cependant, en application de l'article R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution, la mention de la créance dans le dispositif du jugement d'orientation a autorité de la chose jugée, peu important les termes employés par le juge de l'exécution. 12. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen : Vu les articles 2432, alinéa 1er, 2461, 2462, 2463 et 2464 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, R. 321-4 et R. 321-5 du code des procédures civiles d'exécution, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, et R. 322-18 du même code : 13. Selon le deuxième de ces textes, les créanciers ayant privilège ou hypothèque inscrits sur un immeuble, le suivent en quelques mains qu'il passe, pour être payés suivant l'ordre de leurs créances ou inscriptions. Aux termes du premier, le créancier privilégié dont le titre a été inscrit, ou le créancier hypothécaire inscrit pour un capital produisant intérêt et arrérages, a le droit d'être colloqué, pour trois années seulement, au même rang que le principal, sans préjudice des inscriptions particulières à prendre, portant hypothèque à compter de leur date, pour les intérêts et arrérages autres que ceux conservés par l'inscription primitive. Aux termes du troisième, si le tiers détenteur ne remplit pas les formalités qui seront ci-après établies pour purger sa propriété, il demeure, par l'effet seul des inscriptions, obligé comme détenteur, à toutes les dettes hypothécaires, et jouit des termes et délais accordés au débiteur originaire. Aux termes du quatrième, le tiers détenteur est tenu, dans le même cas, ou de payer tous les intérêts et capitaux exigibles, à quelque somme qu'ils puissent monter, ou de délaisser l'immeuble hypothéqué, sans aucune réserve. Selon le cinquième, faute par le tiers détenteur de satisfaire à l'une de ces obligations, chaque créancier titulaire d'un droit de suite sur l'immeuble a le droit de poursuivre la saisie et la vente de l'immeuble dans les conditions prévues par le livre III du code des procédures civiles d'exécution. Aux termes du sixième, la saisie immobilière diligentée par les créanciers titulaires d'un droit de suite est poursuivie contre le tiers acquéreur du bien. Selon le septième, le créancier poursuivant fait signifier un commandement de payer au débiteur principal. L'acte comporte la mention que le commandement de payer valant saisie est délivré au tiers acquéreur. Le commandement de payer valant saisie est signifié à la diligence du créancier poursuivant au tiers détenteur. Il comporte les mentions énumérées à l'article R. 321-3. Toutefois, l'avertissement prévu au 4° est remplacé par la sommation d'avoir à satisfaire à l'une des obligations énoncées à l'article 2463 du code civil dans un délai d'un mois et la mention du débiteur aux 6°, 7°, 8°, 12° et 13° s'entend de celle du tiers détenteur. Le commandement rappelle les dispositions de l'article 2464 du code civil. Aux termes du dernier de ces textes, le jugement d'orientation mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires. 14. Il résulte de la combinaison de ces textes, en premier lieu, que le tiers acquéreur qui n'est pas personnellement obligé à la dette n'est tenu au paiement que des seules dettes hypothécaires, à l'exclusion des dettes chirographaires pour lesquelles le créancier poursuivant, qui poursuit la saisie en exécution de son droit de suite, ne peut être colloqué lors de la distribution du prix, en second lieu, que si le prix de vente excède la dette hypothécaire, la différence est pour le tiers acquéreur, sauf les droits de ses créanciers inscrits sur l'immeuble. 15. Il s'ensuit que le juge de l'exécution ne doit mentionner, dans le dispositif du jugement d'orientation, que le montant retenu pour la créance hypothécaire du poursuivant. 16. Pour confirmer le jugement en toutes ses dispositions, l'arrêt retient, d'une part, que M. [S] [K] se prévaut dans son commandement, outre la somme de 68 602,06 euros, majorée des intérêts, de l'article 700 du code de procédure civile et des frais, correspondant en réalité à une condamnation pour recel successoral, d'un arrêt du 9 février 2015 fixant, dans le cadre d'une première procédure immobilière, sa créance à la somme précitée, mais également à la somme de 194 466 euros, majorée des intérêts et frais au titre de la soulte due à l'issue du partage successoral et, d'autre part, que, bien que l'hypothèque n'ait pour objet, quelle que soit la dénomination donnée lors de l'inscription, que de garantir le paiement privilégié de la somme de 68 602,06 euros et ses accessoires, le créancier poursuivant garde la possibilité, en cette seule qualité, d'adjoindre dans le cadre de la saisie immobilière une autre créance issue d'une décision définitive valant titre exécutoire, le créancier qui a entrepris la saisie immobilière étant, en application des articles L. 331-1 et R. 334-2 du code des procédures civiles d'exécution, partie à la phase de distribution de deniers et pouvant à ce titre prétendre au remboursement de cette seconde créance chirographaire, après désintéressement des créanciers privilégiés, sur le solde qui reviendrait en toute hypothèse non au tiers détenteur évincé mais à son débiteur. 17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il constate que la créance s'élève à la somme totale de 242 218,38 euros, arrêtée au 12 juin 2018, dont le détail est fourni dans les deux décomptes annexés au commandement de payer valant saisie du 10 août 2018, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Condamne M. [S] [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour M. [X] [K] et Mme [M] [K], épouse [W] PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté Monsieur [X] [K] et Madame [W] de leur demande de voir juger que la saisie ne pouvait pas porter sur le bien immobilier situé à [Localité 4], s'agissant d'un bien commun qui ne pouvait être appréhendé par un créancier personnel de Monsieur [X] [K], et d'avoir dit bonne et valable la procédure de saisie immobilière engagée à leur encontre par Monsieur [S] [K] ; AUX MOTIFS, propres, QUE, Monsieur [X] [K] et Madame [M] [W], sa fille, soutiennent que Monsieur [S] [K] ne pouvait faire saisir un bien immobilier dépendant de la communauté pour une dette personnelle à l'un des époux ; que cependant, en l'occurrence, l'hypothèque inscrite le 1er mars 2004 pour les seules parts et portions dont Monsieur [X] [K] était propriétaire sur le bien situé à [Localité 4] dépendant anciennement de la communauté des époux [X] [K]-[G] [F] concerne désormais un bien devenu la propriété personnelle de leur fille en vertu d'une donation qu'ils lui ont consentie en 2005, soit postérieurement à l'inscription d'hypothèque ; que l'article 2461 du code civil dispose que les créanciers ayant privilèges ou hypothèques inscrits sur un immeuble, le suivent en quelques mains qu'il passe, pour être colloqués et payés suivant l'ordre de leurs créances ou inscriptions ; qu'en application de ce texte, l'hypothèque inscrite le 1er mars 2004 et régulièrement renouvelée le 27 janvier 2014 permet au créancier garanti hypothécairement à hauteur de ses droits de suivre le bien en quelques mains qu'il passe et rend la sûreté opposable à l'acquéreur, en l'absence de purge préalable de l'hypothèque lors de la cession en l'espèce effectuée à titre gratuit par les époux [K] à leur fille [M] ; que le créancier hypothécaire est alors admis à poursuivre l'exécution de sa créance sur l'immeuble donné en garantie, sans avoir à provoquer au préalable la licitation partage de la communauté ni à dénoncer la saisie à l'épouse commune en biens dès lors que le bien ne dépend plus de cette communauté ; qu'en conséquence, la prise d'hypothèque sur les parts et portions dont Monsieur [X] [K] a été propriétaire sur le bien saisi en vertu d'une créance dont il reste personnellement débiteur vis-à-vis de son frère n'intéresse plus éventuellement que la procédure de distribution de deniers issus de la vente mais n'affecte en aucune façon la régularité de la procédure de saisie immobilière du dit bien directement entre les mains de la donataire qui s'est vue transmettre un immeuble spécialement affecté à la garantie du créancier de son père et s'est exposée ainsi au droit de suite du créancier ; que la procédure de saisie immobilière n'est donc pas en elle-même critiquable et la demande de nullité de ces différents chefs sera donc rejetée (arrêt attaqué, p. 4-5) ; ET AUX MOTIFS, éventuellement adoptés, QUE, la créance invoquée par Monsieur [S] [K] consiste en une soulte due par Monsieur [X] [K] dans le cadre d'un partage successoral et en une indemnité due au titre d'un recel successoral ; que cette créance est due personnellement par Monsieur [X] [K] ; qu'il n'est pas contesté que le bien saisi avait été acquis par la communauté constituée par Monsieur [X] [K] et son épouse [G] [F], le 15 mai 1981 ; que ceux-ci par acte notarié en date du 9 décembre 2005 ont fait donation de l'immeuble de [Localité 4], objet de la présente saisie, à leur fille [M] [W] ; que Monsieur [X] [K] soutient que ce bien est un bien de la communauté et que la saisie immobilière aurait dû être faite à l'encontre de Madame [G] [F] son épouse ; que toutefois l'immeuble saisi n'appartient ni à Monsieur [X] [K], ni à son épouse, puisqu'ils en ont fait donation à leur fille ; qu'ainsi le créancier saisissant n'était pas tenu (même s'il l'a fait) de dénoncer le commandement de payer valant saisie à Madame [G] [F] épouse [K], qui ne détient plus aucun droit réel sur ce bien ; que la saisie est faite entre les mains de Madame [M] [W], en sa qualité de tiers détenteur, en vertu du droit de suite attaché à une inscription d'hypothèque prise le 8 mars 2004 au profit de Monsieur [S] [K], renouvelée le 27 janvier 2014, pour garantie de la somme due en vertu du recel successoral ; que l'article 2461 du code civil dispose : « Les créanciers ayant privilège ou hypothèque inscrits sur un immeuble, le suivent en quelques mains qu'il passe, pour être colloqués et payés suivant l'ordre de leurs créances ou inscriptions » ; qu'en l'espèce Monsieur [S] [K] s'est conformé aux articles R 321-4 et R 321-5 du code des procédures civiles d'exécution, qui prévoient la délivrance du commandement de payer valant saisie au tiers détenteur ; que la procédure suivie apparaît donc régulière (jugement entrepris, p. 4-5) ; 1°) ALORS, d'une part, QUE le créancier d'un époux débiteur d'une dette personnelle ne peut inscrire une hypothèque sur un bien commun, même si celle-ci ne porte que sur les parts et portions de ce bien dont le débiteur est propriétaire ; qu'au cas présent, la cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que la dette due par Monsieur [X] [K] à Monsieur [S] [K] était une dette personnelle et que le bien saisi était un bien commun pour avoir été acheté par Monsieur [X] [K] et son épouse (jugement entrepris, p.4 § 3 à 5) ; qu'elle a constaté, par motifs propres, que l'hypothèque inscrite le 1er mars 2004 en garantie de la dette personnelle de Monsieur [X] [K] ne portait que sur les seules parts et portions dont celui-ci était propriétaire sur ce bien commun (arrêt attaqué, p. 4 § 3) ; qu'en permettant au créancier hypothécaire de poursuivre l'exécution de sa créance sur l'immeuble donné en garantie, cependant que l'hypothèque garantissant une dette personnelle de l'époux ne pouvait porter que sur les biens propres de celui-ci et en aucun cas sur ses parts et portions d'un bien commun, la cour d'appel a violé l'article 1411 du code civil ; 2°) ALORS, d'autre part, QU' est nulle une saisie immobilière pratiquée sur un bien commun en vertu d'une hypothèque dont l'inscription n'était pas autorisée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'immeuble hypothéqué en garantie d'une dette personnelle de Monsieur [X] [K] était un bien commun, et que l'hypothèque inscrite le 1er mars 2004 ne portait que sur les seules parts et portions dont celui-ci était propriétaire sur ce bien ; qu'en jugeant valable la saisie immobilière diligentée par Monsieur [S] [K] entre les mains de Madame [W] à laquelle l'immeuble hypothéqué avait été donné par Monsieur [X] [K] et son épouse, sans préciser en quoi l'inscription de l'hypothèque, même limitée aux parts et portions dont Monsieur [X] [K] était propriétaire sur ce bien commun, aurait été autorisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1411 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté Monsieur [X] [K] et Madame [W] de leur demande de voir juger que la mesure de saisie immobilière ne pouvait concerner que la seule créance visée dans l'hypothèque pour un montant de 13.378,98 €, et d'avoir décidé que la créance poursuivie sera admise pour le montant de 242.218,38 € arrêtée au 12 juin 2018 ; AUX MOTIFS, propres, QUE, en l'espèce, l'inscription hypothécaire précise qu'elle est affectée, en vertu d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nancy le 28 janvier 2004, à la garantie de : - principal représentant la soulte prévue par l'acte de partage : 68.602,06 €, - intérêts afférents à cette somme à compter du 28 janvier 2004, - article 700 du code de procédure civile : 2.000 €, - frais et accessoires évalués à 6.000 € ; que ce jugement valant titre exécutoire a été déclaré définitif par ordonnance du 3 juillet 2009 constatant l'acquisition de la péremption d'instance d'appel dont Monsieur [X] [K] avait pris l'initiative ; que Monsieur [S] [K], en tant que créancier poursuivant, se prévaut dans son commandement du 10 août 2018 en sus de la somme de 68.602,06 € majorée des intérêts, de l'article 700 du code de procédure civile et des frais correspondant en réalité à une condamnation pour recel successoral, d'un arrêt de la cour d'appel de Nancy du 9 février 2015 fixant dans le cadre d'une première procédure immobilière la créance du créancier poursuivant à la somme précitée, mais également à la somme de 194.466 €, majoré des intérêts et frais au titre de la soulte due à l'issue du partage successoral ; que bien que l'hypothèque n'ait pour objet, quelle que soit la dénomination donnée lors de l'inscription, que de garantir le paiement privilégié de la somme de 68.602,06 € et ses accessoires, le créancier poursuivant garde la possibilité, en cette seule qualité, d'adjoindre dans le cadre de la saisie immobilière une autre créance issue d'une décision définitive valant titre exécutoire, le créancier qui a entrepris la saisie immobilière étant, en application des articles L 331-1 et R 334-2 du code des procédures civiles d'exécution, partie à la phase de distribution de deniers et pouvant à ce titre prétendre au remboursement de cette seconde créance chirographaire, après désintéressement des créanciers privilégiés, sur le solde qui reviendrait en toute hypothèse non au tiers détenteur évincé mais à son débiteur ; que le jugement sera confirmé, par ajout de motifs, en ce qu'il a retenu les sommes issues des deux décisions judiciaires pour fixer la créance du créancier poursuivant (arrêt attaqué, p.5-6) ; ET AUX MOTIFS, éventuellement adoptés, QUE, la créance invoquée par Monsieur [S] [K] consiste en une soulte due par Monsieur [X] [K] dans le cadre d'un partage successoral et en une indemnité due au titre d'un recel successoral ; que cette créance est due personnellement par Monsieur [X] [K] ; qu'il n'est pas contesté que le bien saisi avait été acquis par la communauté constituée par Monsieur [X] [K] et son épouse [G] [F], le 15 mai 1981 ; que ceux-ci par acte notarié en date du 9 décembre 2005 ont fait donation de l'immeuble de [Localité 4], objet de la présente saisie, à leur fille [M] [W] ; que Monsieur [X] [K] soutient que ce bien est un bien de la communauté et que la saisie immobilière aurait dû être faite à l'encontre de Madame [G] [F] son épouse ; que toutefois l'immeuble saisi n'appartient ni à Monsieur [X] [K], ni à son épouse, puisqu'ils en ont fait donation à leur fille ; qu'ainsi le créancier saisissant n'était pas tenu (même s'il l'a fait) de dénoncer le commandement de payer valant saisie à Madame [G] [F] épouse [K], qui ne détient plus aucun droit réel sur ce bien ; que la saisie est faite entre les mains de Madame [M] [W], en sa qualité de tiers détenteur, en vertu du droit de suite attaché à une inscription d'hypothèque prise le 8 mars 2004 au profit de Monsieur [S] [K], renouvelée le 27 janvier 2014, pour garantie de la somme due en vertu du recel successoral ; que l'article 2461 du code civil dispose : « Les créanciers ayant privilège ou hypothèque inscrits sur un immeuble, le suivent en quelques mains qu'il passe, pour être colloqués et payés suivant l'ordre de leurs créances ou inscriptions » ; qu'en l'espèce Monsieur [S] [K] s'est conformé aux articles R 321-4 et R 321-5 du code des procédures civiles d'exécution, qui prévoient la délivrance du commandement de payer valant saisie au tiers détenteur ; que la procédure suivie apparaît donc régulière (jugement entrepris, p. 4-5) ; 1°) ALORS, d'une part, QUE si le droit de suite du créancier hypothécaire peut être exercé sur le bien hypothéqué en quelque main qu'il se trouve, son exercice est toutefois limité au montant de la dette garantie par l'hypothèque ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que l'hypothèque portant sur le bien immobilier de Torreilles, donné par les époux [K]-[F] à Madame [W], avait été inscrite pour garantir le paiement de la dette due par Monsieur [X] [K] à Monsieur [S] [K] au titre du recel successoral (arrêt attaqué, p. 5) ; que cette dette qui s'élevait à l'origine à la somme de 68.602,06 € n'était plus que de 13.378,98 € au jour du commandement (jugement entrepris, p. 2), de sorte que la saisie de l'immeuble hypothéqué, à la supposer valable, ne pouvait permettre au créancier poursuivant de n'exercer son droit de préférence qu'à hauteur de cette somme ; qu'en fixant néanmoins à la somme de 242.218,38 € le montant de la créance à recouvrer grâce à la procédure de saisie immobilière, ajoutant à la dette hypothécaire de 13.378,98 € due au titre du recel successoral, une autre dette non garantie par l'hypothèque de 228.839,40 € relative à la soulte due par Monsieur [X] [K], la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations ; qu'elle a violé, par-là, les articles 2461 et 2462 du code civil ; 2°) ALORS, d'autre part, QUE lorsqu'un bien hypothéqué a été donné, la saisie de l'immeuble entre les mains du donataire, suivie de sa vente, ne permet au créancier hypothécaire d'obtenir sur le prix de vente que le montant de sa créance garantie par l'hypothèque ; que le solde du prix de vente revenant au tiers détenteur, le créancier poursuivant ne saurait adjoindre à sa créance garantie par l'hypothèque d'autres créances non garanties qu'il détiendrait contre le donateur ; qu'au cas présent, pour fixer à la somme de 242.218,38 € le montant de la créance à recouvrer grâce à la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a jugé que le créancier poursuivant pouvait adjoindre à sa créance garantie par l'hypothèque une autre créance issue d'une décision définitive valant titre exécutoire, car il était partie à la phase de distribution de deniers et pouvait à ce titre prétendre au remboursement de cette seconde créance chirographaire, après désintéressement des créanciers privilégiés, sur le solde qui reviendrait en toute hypothèse non au tiers détenteur évincé mais à son débiteur (arrêt attaqué, p. 5-6) ; qu'en statuant ainsi, cependant que le solde du prix de vente ne revient qu'au tiers détenteur, propriétaire du bien hypothéqué avant la saisie suivie de vente, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 331-1 et R. 334-2 du code des procédures civiles d'exécution.
S'il résulte de la combinaison des articles 1410 et 1411 du code civil que le paiement des dettes dont se trouvent grevées les successions échues aux époux durant le mariage et qui leur demeurent personnelles, tant en capitaux qu'en arrérages ou intérêts, ne peut être poursuivi que sur les biens propres et les revenus de l'époux débiteur, la condamnation d'un époux au paiement d'une somme au titre d'un recel successoral, de nature délictuelle, ne grève pas la succession au sens de ces dispositions. Dès lors, le paiement peut en être poursuivi sur les biens communs en application de l'article 1413 du même code
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CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1282 F-B Pourvoi n° X 21-17.446 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 M. [M] [P], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 21-17.446 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2021 par la chambre civile de la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [O] [J], 2°/ à Mme [T] [L], tous deux domiciliés [Adresse 4], 3°/ à la société Maif assurances, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Gers, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [P], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [J], Mme [L] et la société Maif assurances, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Kermina, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 5 mai 2021) et les productions, courant 2008, lors d'une séance d'entraînement au sein d'un club de motocyclisme, M. [P] a été percuté par la motocyclette pilotée par M. [J], alors mineur, ce qui a entraîné une atteinte à son intégrité physique et psychique. 2. M. [J] a été déclaré entièrement responsable du préjudice corporel subi par M. [P] et tenu, en la personne de sa mère Mme [L], d'indemniser l'entier préjudice de la victime, une expertise médicale étant ordonnée. 3. M. [P] a fait construire une maison d'habitation d'une surface adaptée à son handicap, dont l'édification s'est achevée en juillet 2014. 4. Par arrêt confirmatif du 19 décembre 2018, M. [J] et la société Maif (l'assureur) ont été condamnés in solidum à payer diverses sommes à M. [P] en réparation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, à l'exception du poste relatif à l'adaptation du logement pour lequel une mesure d'instruction a été ordonnée. 5. M. [P] a interjeté appel du jugement ayant condamné in solidum M. [J] et l'assureur à lui payer la somme de 105 170,94 euros au titre des frais de logement adapté. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, troisième et cinquième branches, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 7. M. [P] fait grief à l'arrêt de fixer le préjudice qu'il a subi du fait de la nécessité dans laquelle il se trouve de vivre dans un logement adapté à son handicap à la somme de 68 488,72 euros de surface supplémentaires et 24 817,20 euros d'équipements et matériels spécifiques, alors « que l'aveu ne peut porter que sur un point de fait et non de droit tel que la définition d'un chef de préjudice ; que, dès lors, en retenant l'existence d'un « aveu judiciaire de M. [P] » par lequel il aurait « admis à plusieurs reprises […] que l'indemnisation doit correspondre au surcoût résultant des surfaces complémentaires et des aménagements spécifiques », qui lui interdirait de demander, devant la cour d'appel, une indemnisation au titre des frais de logement adapté, incluant le coût de la construction de son logement adapté, la cour d'appel, qui a retenu un aveu portant sur une qualification juridique, a violé l'article 1356 du code civil ». Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 8. M. [J], Mme [L] et l'assureur contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau, M. [P] n'ayant jamais soutenu que l'aveu portait sur une qualification juridique. 9. Cependant, M. [P] a fait valoir, devant la cour d'appel, que son indemnisation par rapport au coût de son logement était une question de droit, et non de fait. 10. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 1383 et 1383-2 du code civil : 11. Il résulte de ces textes que l'aveu, qu'il soit judiciaire ou extra-judiciaire, exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques. 12. Pour fixer le préjudice résultant pour M. [P] de l'accident dont il a été victime, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il a admis à plusieurs reprises dans ses conclusions que son indemnisation doit correspondre au surcoût résultant des surfaces complémentaires et des aménagements spécifiques, ce qui constitue un aveu judiciaire et qu'il a reconnu, pour définir quel était ce surcoût, que l'expert devait le comparer au coût qu'aurait représenté pour lui, hors handicap, la construction d'une maison ou l'acquisition d'un appartement, cette reconnaissance étant bien faite judiciairement. 13. En statuant ainsi, alors que les conclusions de M. [P] portaient sur une appréciation en droit du contenu du préjudice indemnisable et ne constituaient pas l'aveu d'un fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mai 2021, entre les parties, par la chambre civile de la cour d'appel d'Agen ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne M. [J], Mme [L] et la société Maif assurances aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [P] en ce qu'elle est dirigée contre la caisse primaire d'assurance maladie du Gers, rejette la demande formée par M. [J], Mme [L] et la société Maif assurances et les condamne à payer à M. [P] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [P] M. [P] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé le préjudice qu'il a subi du fait de la nécessité dans laquelle il se trouve de vivre dans un logement adapté à son handicap à la somme de 68 488,72 euros de surface supplémentaires et 24 817,20 euros d'équipements et matériels spécifiques et de l'AVOIR débouté du surplus de ses demandes à ce titre ; 1°) ALORS QUE l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel et il est statué à nouveau en fait et en droit ; que la victime est recevable à solliciter en appel une indemnisation nouvelle qui présente un lien d'accessoire ou de complément avec les prétentions émises précédemment ; qu'en refusant d'indemniser M. [P] du coût d'acquisition d'un logement, rendu nécessaire par l'accident dont il a été victime le 11 mai 2008, au motif qu'il aurait « reconn[u] dans ses conclusions du 22 mai 2017, que « pour définir quel était le surcoût l'expert devait le comparer au coût qu'aurait représenté pour lui, hors handicap, la construction d'une maison ou l'acquisition d'un appartement » », quand la victime pouvait valablement modifier sa demande d'indemnisation devant la cour d'appel, qui était saisie de l'entier litige, la cour d'appel a violé les articles 561 et 566 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'aveu ne peut porter que sur un point de fait et non de droit tel que la définition d'un chef de préjudice ; que, dès lors, en retenant l'existence d'un « aveu judiciaire [de M. [P]] » par lequel il aurait « admis à plusieurs reprises […] que l'indemnisation doit correspondre au surcoût résultant des surfaces complémentaires et des aménagements spécifiques » (jugement p. 6, al. 2), qui lui interdirait de demander, devant la cour d'appel, une indemnisation au titre des frais de logement adapté, incluant le coût de la construction de son logement adapté, la cour d'appel, qui a retenu un aveu portant sur une qualification juridique, a violé l'article 1356 du code civil ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, en retenant que « M. [P] est déjà propriétaire » (arrêt p. 5, al. 8) au moment de l'accident survenu le 11 mai 2008 quand il n'a jamais été contesté qu'en 2008 il vivait chez ses parents et quand l'expert [Z] a constaté que le permis de construire a été déposé le 24 septembre 2012, accordé le 25 octobre 2012 et que la déclaration d'ouverture de chantier a été déposée le 11 février 2013 (rapport de l'expert [Z] p. 7), la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QU'en toute hypothèse, le débiteur d'indemnisation doit être condamné au paiement des frais d'acquisition d'un terrain et de construction d'un logement adapté au handicap de la victime, dès lors que ces frais sont directement imputables aux séquelles provoquées par l'accident ; qu'en se fondant sur la circonstance que « M. [P] est déjà propriétaire » (arrêt p. 5, al. 8) à la date de l'arrêt pour le débouter de sa demande tendant à l'indemnisation du coût de construction de son logement sans rechercher si la construction d'un logement adapté était en relation avec l'accident pour avoir été rendue nécessaire à raison du handicap de la victime et du mode de vie qu'il lui impose, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ; 5°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge tenu de respecter et faire respecter le principe du contradictoire, ne peut se fonder sur des éléments de preuve qui n'ont pas été régulièrement produits aux débats ; qu'en se fondant dès lors sur une « facture récapitulative du 18 juillet 2014 de [H] Construction » (arrêt p. 6, al. 8) qui n'avait pas été régulièrement produite et soumise au débat contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 1383 et 1383-2 du code civil que l'aveu, qu'il soit judiciaire ou extrajudiciaire, exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques. Méconnaît, dès lors, ces dispositions, l'arrêt d'une cour d'appel qui retient que la reconnaissance, par une partie, des modalités de calcul de son préjudice constitue un aveu judiciaire, alors que les conclusions de celle-ci portaient sur une appréciation en droit du contenu du préjudice indemnisable et ne constituaient pas l'aveu d'un fait
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CIV. 2 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1283 F-B Pourvois n° V 21-10.590 F 21-10.623 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 1°/ M. [S] [F], 2°/ Mme [R] [N], épouse [F], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé les pourvois n° V 21-10.590 et F 21-10.623 contre le même arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige les opposant à la société Boursorama, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leurs pourvois, les deux moyens identiques de cassation annexés au présent arrêt. Les dossiers on été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. et Mme [F], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Boursorama, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 21-10.590 et F 21-10.623 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 octobre 2020), la société Caixabank CGIB, aux droits de laquelle vient la société Caixabank France puis la société Boursorama, a, par acte notarié du 25 juillet 1989, consenti un prêt à la société Paris Ouest santé, devenue la société Centre chirurgical de [Localité 3]. 3. En garantie de la créance de la banque, M. [F], selon le cas, seul ou avec Mme [F], son épouse, a consenti des cautionnements hypothécaires et un cautionnement solidaire pour le remboursement de ce prêt. 4. La société Centre chirurgical de [Localité 3] ayant été mise en redressement judiciaire, un arrêt irrévocable du 22 mars 2007 a admis la créance de la banque au passif de la procédure collective. 5. Le 19 octobre 2011, la société Boursorama a fait délivrer à M. [F] un commandement de payer valant saisie des biens immobiliers lui appartenant en vertu de la sûreté qu'il avait consentie dans l'acte de prêt. 6. Cette procédure de saisie immobilière a fait l'objet de plusieurs arrêts irrévocables, dont l'un en date du 21 novembre 2013, sur appel d'un jugement d'orientation du 28 février 2013, qui a déclaré irrecevables les demandes de M. [F] relatives au défaut de qualité à agir de la société Boursorama et a confirmé le jugement d'orientation en toutes ses dispositions. 7. Le 25 août 2016, la société Boursorama a fait procéder à une saisie-attribution sur les comptes ouverts par M. [F] dans les livres de la banque BNP Paribas. 8. M. [F] a saisi un juge de l'exécution en mainlevée de cette mesure. Examen des moyens Sur le moyen relevé d'office 9. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution : 10. Selon ce texte, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. 11. Lorsque les fins de non-recevoir soulevées à l'occasion d'une procédure de saisie immobilière ont été déclarées irrecevables sur le fondement de ce texte, cette irrecevabilité ne fait pas obstacle à ce que les mêmes fins de non-recevoir soient invoquées dans le cadre d'une autre instance. 12. Pour déclarer M. [F] irrecevable en toutes ses demandes tendant à juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, l'arrêt retient que M. [F] a déjà contesté la qualité à agir de la société Boursorama en vertu de l'acte de prêt notarié du 25 juillet 1989 à l'occasion de la procédure de saisie immobilière et que ces contestations ont été irrévocablement déclarées irrecevables, en application de l'article 122 du code de procédure civile et des articles 1354, 1355 du code civil, comme se « heurtant à la force de chose jugée » attachée aux arrêts des 21 novembre 2013 et 23 juillet 2015 par la cour d'appel de Versailles, à l'arrêt du 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris et à l'arrêt rendu le 13 février 2020 par la Cour de cassation, qui ont tous les quatre confirmé la qualité à agir de la société Boursorama en vertu de l'acte de prêt notarié du 25 juillet 1989. 13. L'arrêt en déduit que les prétentions de M. [F] tendant à contester la qualité et l'intérêt à agir de la société Boursorama en vertu de l'acte de prêt notarié du 25 juillet 1989 dans le cadre de la saisie-attribution sont irrecevables, comme « se heurtant à la force de chose jugée. » 14. En statuant ainsi, alors que la demande tendant à juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à l'encontre de M. [F], en vertu de la créance de la banque au titre du prêt notarié du 25 juillet 1989, avait été déclarée irrecevable à l'occasion de la procédure de saisie immobilière au motif qu'elle avait été invoquée postérieurement à l'audience d'orientation, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déclarant M. [F] irrecevable ou mal fondé en toutes ses demandes tendant à juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, entraîne par voie de conséquence la cassation des autres dispositions, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare admis aux débats les conclusions en réponse de la société Boursorama du 26 février 2020 et l'arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2020, déclare recevables les « conclusions d'intimé n° 1 aux fins de confirmation comportant demande additionnelle » signifiées par M. et Mme [F] le 28 février 2019, et par voie de conséquence celles « d'intimé n° 2 aux fins de confirmation comportant demande additionnelle »,signifiées en février 2020, confirme le jugement entrepris en ce qu'il déclare Mme [F] irrecevable pour défaut de qualité à agir en ses prétentions concernant la régularité et le bien-fondé de la saisie-attribution pratiquée le 25 août 2016 au préjudice du seul M. [F], l'arrêt rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la société Boursorama aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Boursorama et la condamne à payer à M. [F] et à Mme [F] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens identiques produits aux pourvois n° V 21-10.590 et F 21-10.623 par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [F] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. et Mme [F] font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré M. [S] [F] irrecevable ou mal fondé en toutes ses demandes tendant à voir juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, sur le fondement de la créance de la banque au titre du prêt notarié du 25 juillet 1989 ; 1. ALORS QUE l'autorité de ce qui a été jugé dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière ne peut être opposée dans le cadre d'une procédure de saisie-attribution distincte ; qu'en ayant déclaré M. [S] [F] irrecevable ou mal fondé en ses demandes tendant à voir juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, en se fondant sur l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 21 novembre 2013 et l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 novembre 2018, pourtant rendus dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière opposant les mêmes parties, mais totalement étrangère à la saisie-attribution en litige, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien, devenu l'article 1355, du code civil ; 2. ALORS QUE la chose jugée ne peut être opposée dans une seconde instance que si l'objet des demandes est identique ; qu'en ayant déclaré M. [S] [F] irrecevable ou mal fondé en ses demandes tendant à voir juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, en se fondant sur l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 21 novembre 2013 et l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 novembre 2018, pourtant rendus dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière, étrangère à la saisie attribution en cause, peu important que les parties soient les mêmes et que les deux voies d'exécution aient eu la même cause, soit aient été fondées sur l'acte de prêt du 25 juillet 1989, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien, devenu l'article 1355, du code civil ; 3. ALORS QU'excède ses pouvoirs le juge qui déclare une demande tout à la fois irrecevable et mal fondée ; qu'en ayant déclaré M. [S] [F] irrecevable ou mal fondé en ses demandes tendant à voir juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs au regard de l'article 122 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION M. et Mme [F] font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré M. [S] [F] irrecevable ou mal fondé en toutes ses demandes tendant à voir juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, sur le fondement de la créance de la banque au titre du prêt notarié du 25 juillet 1989, D'AVOIR déclaré la saisie-attribution pratiquée le 25 août 2016 à la demande de la société Boursorama, entre les mains de la BNP Paribas, au préjudice de M. [S] [F], pris en sa qualité de caution solidaire de la SARL Centre Chirurgical de [Localité 3], ainsi que sa dénonciation du 1er septembre 2016, valables et régulières et D'AVOIR validé la mesure de saisie à hauteur de 1.752,24 € ; 1. ALORS QUE l'autorité de chose jugée de décisions rendues dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière ne peut être invoquée dans le cadre d'un litige afférent à une saisie-attribution, même si les parties sont les mêmes et que la même créance est en jeu ; qu'en ayant jugé que les prétentions de M. [S] [F] relatives à l'annulation, la résiliation et l'extinction de son cautionnement seraient irrecevables, comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à un arrêt d'appel du 15 novembre 2018 et à un arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2020, qui s'étaient pourtant prononcés dans le cadre d'une saisie immobilière totalement étrangère à la saisie-attribution litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien, devenu l'article 1355, du code civil ; 2. ALORS QUE l'autorité de chose jugée de décisions rendues dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière ne peut être invoquée dans le cadre d'un litige afférent à une saisie-attribution, même si les parties sont les mêmes et que la même créance est en jeu ; qu'en ayant jugé que les prétentions de M. [S] [F] relatives à l'annulation, la résiliation et l'extinction de son cautionnement seraient irrecevables, comme se heurtant à l'autorité de chose jugée des arrêts rendus les 21 novembre 2013 et 23 juillet 2015 par la cour d'appel de Versailles, le 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris et le 13 février 2020 par la Cour de cassation, ayant tous confirmé la qualité à agir de la société Boursorama sur le fondement du prêt du 25 juillet 1989, quand ces décisions avaient toutes été rendues dans le cadre de la saisie immobilière diligentée contre les exposants, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien, devenu l'article 1355, du code civil ; 3. ALORS QUE l'autorité de chose jugée attachée à une décision d'admission de créance ne met pas obstacle à ce que la caution de l'entreprise en difficulté oppose au créancier du débiteur principal les exceptions qui lui sont propres ; qu'en ayant écarté toutes les prétentions de M. [S] [F] relatives à l'extinction de son cautionnement, en se fondant sur les décisions définitives d'admission de la créance de la banque issue du prêt du 25 juillet 1989, la cour d'appel a violé les articles 2288 et 2298 du code civil ; 4. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes des actes ; qu'en ayant jugé que la résiliation de plein droit de l'acte de prêt du 25 juillet 1989 supposait l'envoi par la banque d'un courrier de déchéance du terme, quand l'article V des conditions générales du prêt stipulait clairement que le prêt serait résilié, par suite d'un seul manquement de l'emprunteur, sans aucune mise en demeure préalable, la cour d'appel a dénaturé ces conditions générales du prêt du 25 juillet 1989, en méconnaissance du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; 5. ALORS QUE le prononcé de la déchéance du terme d'un prêt ne suppose pas forcément une notification du prêteur ; qu'en ayant jugé le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 ancien du code civil ; 6. ALORS QUE le réaménagement d'un prêt par avenant fait le plus souvent suite à un incident de paiement ; qu'en ayant énoncé que M. [S] [F] n'établissait pas d'incident de paiement qui aurait entraîné la déchéance du terme et la résiliation du prêt du 25 juillet 1989, quand ce fait découlait de la rédaction des avenants postérieurs de 1997 et 1999, la cour d'appel a violé l'article 1134 ancien du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ; 7. ALORS QUE le cautionnement ne peut être étendu au-delà de la dette pour la garantie de laquelle il a été souscrit ; qu'en ayant jugé que M. [S] [F] devait garantir les dettes nées des avenants de 1997 et 1999, au seul motif que la preuve n'était pas faite que la somme due par lui aurait été augmentée, quand son consentement de caution aurait dû être recueilli lors de ces avenants, la cour d'appel a violé l'article 2292 du code civil ; 8. ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant considéré que M. [F] était tenu de cautionner les dettes nées des avenants de 1997 et 1999, motif pris de ce que son engagement financier n'aurait pas été aggravé par rapport au prêt initial, sans répondre aux conclusions de l'exposant (p. 27) ayant fait valoir que son engagement avait été allongé, et surtout que l'emprunt avait augmenté par incorporation au capital des échéances impayées (conclusions, p. 24), la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile.
Lorsque les fins de non-recevoir soulevées à l'occasion d'une procédure de saisie immobilière ont été déclarées irrecevables sur le fondement de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, cette irrecevabilité ne fait pas obstacle à ce que les mêmes fins de non-recevoir soient invoquées dans le cadre d'une autre instance
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N° X 21-87.435 FS-B N° 01462 ODVS 13 DÉCEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 M. [E] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, en date du 7 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de torture et actes de barbarie aggravés et arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 31 mars 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [E] [X], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mmes Labrousse, Ménotti, MM. Maziau, Seys, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Croizier, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre de l'information judiciaire ouverte des chefs susvisés, le juge d'instruction a prescrit l'interception des communications téléphoniques sur la ligne attribuée à Mme [F] [S], compagne de M. [E] [X], alors en fuite au Maroc. 3. Interpellé, celui-ci a été mis en examen, le 23 novembre 2020, des chefs précités. 4. Par requête déclarée le 3 mars 2021, il a formé une demande d'annulation de la transcription des conversations interceptées entre le 31 août et le 30 septembre 2020. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [E] [X] tendant à voir prononcer la nullité des procès-verbaux portant retranscription des conversations téléphoniques des 3 août, 16 et 30 septembre 2020, entre sa compagne Mme [F] [S], et les différents cabinets d'avocats, alors « qu'en vertu du principe de confidentialité des échanges entre l'avocat et son client, qui est à la fois absolu et d'ordre public, la retranscription des conversations échangées entre l'avocat et son client, ne peut être effectuée que s'il existe, au préalable, des indices plausibles de participation de l'avocat à une infraction ; que M. [X] faisait valoir (requête en nullité, p. 3 et s) que les quatre procès-verbaux portant retranscription des conversations téléphoniques des 3 août, 16 et 30 septembre 2020, entre sa compagne, Mme [F] [S], qui intervenait pour son compte comme intermédiaire et différents cabinets d'avocats, n'avaient révélé aucune participation desdits avocats à des infractions et qu'il s'en inférait la nullité de ces procès-verbaux de retranscription ainsi que de toute la procédure subséquente; qu'en refusant pourtant de prononcer une telle nullité, en subordonnant expressément l'applicabilité de cette garantie de confidentialité à la désignation officielle de l'avocat dans le cadre d'une procédure pénale, la chambre de l'instruction a ajouté une condition à la loi, en violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, préliminaire, 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur les conversations transcrites entre les secrétaires des avocats et Mme [S] (cotes D 395 et D 396) 7. Pour rejeter le moyen d'annulation pris de l'irrégularité de la transcription de deux conversations interceptées sur la ligne téléphonique de Mme [S], l'arrêt attaqué retient qu'elles ne concernent pas des échanges avec des avocats mais avec leur secrétariat et qu'elles n'entrent pas dans le champ de l'interdiction de la loi. 8. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des dispositions de l'article 100-5, alinéa 3, du code de procédure pénale. Mais sur les conversations transcrites entre les avocats et Mme [S] (cotes D 397 et D 401) Vu les articles 6, § 3, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 100-5 du code de procédure pénale, issu de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 : 9. Il résulte de ces textes que l'interdiction de la transcription des correspondances entre un avocat et son client, relevant de l'exercice des droits de la défense, s'étend à celles échangées à ce sujet entre l'avocat et les proches de celui-ci. Il n'en va autrement que s'il apparaît que le contenu et la nature des échanges sont propres à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction. 10. Pour rejeter le moyen d'annulation pris de l'irrégularité de la transcription de deux autres conversations interceptées sur la ligne téléphonique de Mme [S], entre celle-ci et des avocats, qu'elle a successivement sollicités afin que l'un d'eux assure la défense de son compagnon, M. [X], l'arrêt attaqué retient qu'elles ne concernent pas la défense de la personne placée sous surveillance. 11. Les juges constatent que, pour l'un, il n'a été donné aucune suite à cet échange et que, pour l'autre, M. [X] n'était pas encore son client à la date de la communication. 12. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent. 13. En premier lieu, il ressort des procès-verbaux de transcription de ces conversations, dont la Cour de cassation a le contrôle, qu'elles relèvent de l'exercice des droits de la défense de M. [X]. 14. En second lieu, il ne résulte pas des conversations transcrites qu'elles sont de nature à faire présumer la participation de l'un ou l'autre des avocats à une infraction. 15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, en date du 7 décembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à l'irrégularité de la transcription des deux communications entre Mme [S] et des avocats (cotes D 397 et D 401), toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille vingt-deux.
Il résulte des articles 6, § 3, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 100-5 du code de procédure pénale, issu de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010, que l'interdiction de la transcription des correspondances entre un avocat et son client relevant de l'exercice des droits de la défense s'étend à celles échangées à ce sujet entre l'avocat et les proches de celui-ci. Il n'en va autrement que s'il apparaît que le contenu et la nature des échanges sont propres à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction. Encourt, dès lors, la cassation l'arrêt qui retient que les conversations interceptées entre la compagne de la personne placée sous surveillance et des avocats qu'elle a successivement sollicités pour assurer la défense de son compagnon ne concernent pas la défense de celui-ci, aux motifs que, pour l'un, il n'a été donné aucune suite à cet échange et que, pour l'autre, la personne placée sous surveillance n'était pas son client à la date de la communication, alors que, en premier lieu, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par l'examen des pièces dont elle a le contrôle, que ces conversations relèvent de l'exercice des droits de la défense de l'intéressé, en second lieu, qu'il n'en résulte pas qu'elles soient de nature à faire présumer la participation de l'un ou l'autre des avocats à une infraction. En revanche, n'entre pas dans le champ d'interdiction de ces textes, la transcription des conversations interceptées avec les secrétariats des avocats sollicités